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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 2424).

SORT DE KARTINI BIN-KARIM (p. 2424)

Mme Huguette Bello, M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et la francophonie.

SITUATION DES PETITS PROPRIÉTAIRES

SYLVICULTEURS APRÈS LA TEMPÊTE (p. 2424)

MM. Jean Pontier, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

MALAISE DANS L'ÉDUCATION NATIONALE (p. 2425)

MM. Patrick Braouezec, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

AVENIR DES RETRAITES (p. 2426)

MM. Denis Jacquat, Lionel Jospin, Premier ministre.

DÉCISIONS RELATIVES AUX RETRAITES (p. 2429)

M. Claude Gaillard, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

DÉCISIONS À PRENDRE

POUR SAUVEGARDER LES RETRAITES (p. 2430)

M. François Sauvadet, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

DÉBAT SUR L'AVENIR DES RETRAITES (p. 2431)

M. Bernard Accoyer, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

FISCALITÉ SUR LES CARBURANTS (p. 2433)

M. André Angot, Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL (p. 2434)

MM. Yves Durand, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

ACCÈS DES JEUNES À LA CITOYENNETÉ (p. 2435)

Mme Annette Peulvast-Bergeal, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

A VENIR DU THERMALISME DANS LE SYSTÈME DE SANTÉ (p. 2435)

M. Jean-Pierre Dufau, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Suspension et reprise de la séance (p. 2436)

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON

2. Liberté de communication. Suite de la discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi (p. 2436).

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 2436)

Avant l'article 1er AA (p. 2436)

Amendement no 263 de M. Dominati : MM. Patrice Martin-Lalande, Didier Mathus, rapporteur de la commission des affaires culturelles. - Retrait.

Amendement no 262 de M. Dominati : MM. Patrice Martin-Lalande, le rapporteur, Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. - Rejet.

Article 1er AA (p. 2437)

Amendement de suppression no 54 de la commission des affaires culturelles : M. le rapporteur, Mme la ministre, MM. Patrice Martin-Lalande, Patrick Bloche. - Adoption.

L'article 1er AA est supprimé.

Les amendements nos 149, 161 à 164 de M. Santini n'ont plus d'objet.

Après l'article 1er AA (p. 2438)

Amendement no 466 de Mme Bredin : Mme Frédérique Bredin, M. le rapporteur, Mme la ministre, MM. Olivier de Chazeaux, Michel Françaix. - Rejet de l'amendement no 466 rectifié.

Article 1er A (p. 2439)

MM. Patrick Bloche, Patrice Martin-Lalande.

Amendements nos 152 de M. Martin-Lalande, 368 de M. Jacquat et 55 de la commission : MM. Patrice Martin-Lalande, le rapporteur, Mmes la ministre, Christine Boutin, MM. Olivier de Chazeaux, Patrick Bloche. Rejet des amendements nos 152 et 368.

Sous-amendements à l'amendement no 55 : Sous-amendements nos 331 de M. de Chazeaux et 153 de M. Martin-Lalande : MM. Olivier de Chazeaux, Patrice Martin-Lalande, le rapporteur, Mmes la ministre, Christine Boutin. - Rejet des sous-amendements nos 331 et 153 rectifié.

S ous-amendement no 154 de M. Martin-Lalande : MM. Patrice Martin-Lalande, le rapporteur, Mme la ministre, M. Patrick Bloche, Mme Christine Boutin. Rejet.

Sous-amendement no 488 de M. Bloche : MM. Patrick Bloche, le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

S ous-amendement no 155 de M. Martin-Lalande : MM. Patrice Martin-Lalande, le rapporteur, Mme la ministre, M. Patrick Bloche. - Adoption.

Sous-amendements nos 384 rectifié du Gouvernement et 489 de M. Bloche : Mme la ministre, MM. Patrick Bloche, le rapporteur. - Retrait du sous-amendement no 489.

Adoption du sous-amendement no 384 rectifié.


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Sous-amendement no 330 de M. de Chazeaux : M. Olivier de Chazeaux. - Retrait.

S ous-amendement no 156 de M. Martin-Lalande : MM. Patrice Martin-Lalande, le rapporteur, Mmes la ministre, Christine Boutin, M. Patrick Bloche. - Rejet.

S ous-amendement no 157 de M. Martin-Lalande : MM. Patrice Martin-Lalande, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Sous-amendement no 490 de M. Bloche : M. Patrick Bloche. - Retrait.

S ous-amendement no 158 de M. Martin-Lalande : MM. Patrice Martin-Lalande, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Sous-amendement no 491 de M. Bloche : M. Patrick Bloche. - Retrait.

Sous-amendement no 477 de M. Kert : MM. Rudy Salles, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

S ous-amendement no 385 rectifié du Gouvernement :

Mme la ministre, MM. le rapporteur, Patrick Bloche,

Mme Christine Boutin. - Adoption.

S ous-amendement no 159 de M. Martin-Lalande : MM. Patrice Martin-Lalande, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

S ous-amendement no 160 de M. Martin-Lalande : MM. Patrice Martin-Lalande, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Adoption de l'amendement no 55 modifié.

L'article 1er A est ainsi rédigé.

Les amendements nos 264, 265 corrigé, 261, 266 à 269 de M. Dominati n'ont plus d'objet.

Article 1er B. - Adoption (p. 2451)

Avant l'article 1er (p. 2451)

Amendement no 260 de M. Dominati : MM. Patrice Martin-Lalande, le rapporteur, Mme la ministre, MM. Olivier de Chazeaux, Noël Mamère, Patrick Bloche. - Rejet.

Article 1er (p. 2453)

Amendement de suppression no 273 de M. Dominati : MM. Patrice Martin-Lalande, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendements nos 56 de la commission, 270 corrigé et 271 corrigé de M. Dominati : MM. le rapporteur, Patrice Martin-Lalande, Mme la ministre.

Sous-amendements à l'amendement no 56 : Sous-amendement no 195 de M. Kert : MM. Rudy Salles, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Sous-amendement no 193 de M. Kert : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Rejet.

Sous-amendement no 194 de M. Kert : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Rejet.

Sous-amendement no 208 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Sous-amendement no 176 de M. Cuvilliez : MM. Daniel Paul, le rapporteur, Mme la ministre, M. Noël Mamère.

- Adoption.

Sous-amendement no 433 de M. Cuvilliez : MM. Daniel Paul, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Sous-amendement no 425 de Mme Boutin : MM. Rudy Salles, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Sous-amendement no 209 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Sous-amendements identiques nos 177 de M. Cuvilliez et 210 de M. Mamère : MM. Daniel Paul, Noël Mamère, le rapporteur, Mme la ministre, M. Rudy Salles. - Adoption.

Adoption de l'amendement no 56 modifié ; les amendements nos 270 corrigé et 271 corrigé n'ont plus d'objet.

Adoption de l'article 1er modifié.

Après l'article 1er (p. 2457)

Amendement no 272 de M. Dominati : MM. Patrice Martin-Lalande, le rapporteur, Mme la ministre, M. Rudy Salles. - Rejet.

Amendement no 211 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le rapporteur. - Retrait.

Article 2 (p. 2459)

MM. Jean-Marie Le Guen, Olivier de Chazeaux, Mme la ministre.

Amendement de suppression no 274 de M. Dominati : MM. Patrice Martin-Lalande, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 57 de la commission, avec le sousamendement no 386 du Gouvernement : M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption du sous-amendement no 386 et de l'amendement no 57 modifié.

Les amendements nos 197 de M. Kert et 178 de M. Cuvilliez n'ont plus d'objet.

Amendement no 278 de M. Dominati : MM. Patrice Martin-Lalande, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 212 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le rapporteur, Mme la ministre. M. Rudy Salles. - Adoption.

Amendement no 198 de M. Kert : MM. Rudy Salles, le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 179 de M. Cuvilliez : MM. Christian Cuvilliez, le rapporteur. - Retrait.

Amendement no 277 de M. Dominati : MM. Olivier de Chazeaux, le rapporteur, Mme la ministre, M. Rudy Salles. - Rejet.

Amendement no 58 de la commission, avec les sousamendements nos 196 de M. Kert et 497 du Gouvernement : M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Rudy Salles. - Retrait du sous-amendement no 196.

M. le rapporteur. - Adoption du sous-amendement no 497 et de l'amendement no 58 modifié.

Amendement no 180 de M. Cuvilliez : MM. Christian Cuvilliez, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Suspension et reprise de la séance (p. 2464)

Amendements nos 213 de M. Mamère et 167 de Mme Bello : M. Noël Mamère, Mme Huguette Bello, M. le rapporteur, Mme la ministre, MM. Rudy Salles, Laurent Dominati. - Rejets.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 2466).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par les questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

SORT DE KARTINI BIN-KARIM

M. le président.

La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello.

Monsieur le Premier ministre, je voudrais vous parler de Kartini Bin-Karim, une jeune Indonésienne de trente-cinq ans qui a émigré aux Emirats arabes unis, comme tant d'autres de ses compatriotes, pour y gagner sa vie comme femme de ménage.

Mais Kartini est aujourd'hui condamnée à mort : elle doit être exécutée par lapidation. Le crime dont elle est accusée ? Un adultère avec un cuisinier indien qui travaillait chez le même employeur qu'elle et dont elle aurait eu un enfant. Cette femme, qui ne parle pas l'arabe, n'a bénéficié d'aucun soutien ni durant l'enquête ni pendant le procès et elle vit désormais dans le couloir de la mort.

Des organisations humanitaires de son pays se sont mobilisées après le verdict et le gouvernement indonésien s'est ému de son cas. Actuellement, la peine est suspendue. Un nouveau procès devrait avoir lieu et Kartini devrait bénéficier, cette fois, d'un défenseur. Mais aucune information n'est donnée sur la date de ce procès et l'inquiétude demeure quant à la nouvelle sentence qui sera prononcée.

On ne peut manquer de faire le parallèle avec la jeune Philippine, Sarah Balabagan, condamnée elle aussi à mort, il y a cinq ans, par les autorités des Emirats, et épargnée grâce à une intense mobilisation internationale, notamment en France.

Nous connaissons votre volonté, monsieur le Premier ministre, de lutter contre toutes les discriminations dont les femmes sont victimes. Dans ce cas précis, pouvonsnous aussi compter sur votre gouvernement pour qu'il lance d'urgence un appel à la clémence auprès des autorités des Emirats, afin que soit sauvée la vie de Kartini, dont le nom est aussi celui d'une aristocrate javanaise qui, en Indonésie, symbolise l'émancipation de la femme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste, et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Madame la députée, je partage votre émotion. La sentence prononcée par le tribunal islamique de Fujairah, l'un des sept Emirats de la fédération des Emirats arabes unis, est particulièrement cruelle et totalement disproportionnée.

La France, qui assure la présidence de la représentation de l'Union européenne à Abu Dhabi, suit évidemment avec une attention extrême la situation de Mme Kartini Bin-Karim - d'ailleurs en concertation avec ses partenaires européens et avec les autorités indonésiennes. Nous sommes prêts à intervenir si la procédure en cours nous y obligeait.

Actuellement, une décision a été prise en première instance : elle sera suivie d'une procédure d'appel et, le cas échéant, d'une procédure en cassation. En outre, l'Emir de Fujairah peut toujours exercer son droit de grâce.

Nous sommes donc disposés à intervenir. Je tiens à rappeler à cette occasion, tout en vous remerciant d'avoir appelé l'attention de l'Assemblée nationale sur un cas très douloureux, que pour le gouvernement français la défense des droits humains en tout lieu, en toutes circonstances, est une constante de la diplomatie. Nous n'entendons pas l'oublier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

SITUATION DES PETITS PROPRIÉTAIRES

SYLVICULTEURS APRÈS LA TEMPÊTE

M. le président.

La parole est à M. Jean Pontier.

M. Jean Pontier.

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche - j'allais presque ajouter et de la forêt -, lors de ma récente tournée sur le plateau ardéchois, profondément affecté par les intempéries de décembre dernier - il n'est pas seul dans ce cas -, j'ai pu constater tout à la fois le désarroi des petits propriétaires en sylviculture et l'absence de réponses concrètes de l'administration dans un certain nombre de situations.

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

M. Jean Pontier.

En effet, dans nombre de cas, à défaut de pouvoir exploiter tous les bois abattus par la tempête, ces petits propriétaires seraient contraints - certains sont déjà contraints - de vendre à des prix ne couvrant même pas le coût du débardage. Cela signifie, en clair, que les chablis resteront au sol et deviendront vecteurs d'incendies cet été.

Afin de pouvoir stabiliser les cours devant l'abondance de l'offre de bois, alors que les niveaux de revient des charpentes restent paradoxalement aux prix fixés antérieurement aux intempéries, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si le Gouvernement n'envisage pas, comme il l'a fait, par exemple, pour la viande de porc, de bloquer le cours du bois. A mon avis, c'est la seule mesure permettant aujourd'hui d'équilibrer l'économie de


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la filière bois et de répondre à la situation urgente de ces petits propriétaires.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, j'en suis absolument convaincu, comme vous, la véritable détresse des petits propriétaires fonciers s'exprime à un double titre. D'abord parce que la forêt, dans son ensemble, a été touchée. Ensuite parce que, eux, petits propriétaires, sont encore plus touchés dans la mesure où ils n'ont pas les moyens de faire face au drame. Ils ont souvent perdu l'essentiel, si ce n'est la quasi-totalité de leur patrimoine forestier.

Je veux bien admettre que les petits forestiers estiment que les mesures sont lentes à entrer en application. Mais, en même temps, je tiens à indiquer que les services de l'Etat ont réalisé en deux mois une véritable prouesse administrative, dans la mesure où l'ensemble des aides annoncées par le Premier ministre le 12 janvier étaient mises en place au début du mois de février, c'est-à-dire moins de deux mois après les tempêtes ! (« C'est faux ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je tiens à souligner, afin que les choses soient très claires, que les petits propriétaires forestiers sont éligibles à toutes les aides prévues par ce plan, et ce sans exception. Mais peut-être ne le savent-ils pas suffisamment.

D'autres mesures peuvent également être mises en oeuvre. J'ai, en particulier, donné instruction aux services du ministère de travailler avec les petits propriétaires pour regrouper les offres de chablis : il s'agit d'améliorer l'accès des petits propriétaires aux aides et faciliter la sortie et la valorisation de leur bois.

M. François Guillaume.

C'est trop tard !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Dernier point que vous avez évoqué : la possibilité pour l'Etat de bloquer le prix du bois. A cet égard, vous avez fait référence au marché du porc ; or, je vous le signale, l'Etat n'a jamais bloqué le prix du porc, même en pleine crise, parce qu'il n'en avait pas les moyens. Je suis malheureusement au regret de vous dire que le marché du bois est libre et qu'il est protègé par la réglementation européenne, puisque le bois est un produit qui ne figure pas dans l'annexe au traité de Rome. Le Gouvernement ne dispose donc pas, hélas ! de moyens légaux qui ne soient pas anticommunautaires lui permettant de fixer lui-même le cours du bois. Je rappelle d'ailleurs que l'ensemble des dispositions prises dans le cadre du plan annoncé par le Premier ministre ont dû être signifiées et approuvées par la Commission. Je suis donc au regret de vous dire que, s'agissant d'un marché libre protégé par une réglementation européenne, le Gouvernement ne dispose pas sur ce point de moyens d'action. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe communiste.

MALAISE DANS L'ÉDUCATION NATIONALE

M. le président.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, depuis plusieurs semaines, les mouvements se multiplient et s'amplifient au sein de la communauté éducative. A la suite du Languedoc-Roussillon puis des lycées professionnels, la mobilisation a gagné l'ensemble de l'enseignement général et connaîtra un nouveau temps fort vendredi.

M. François Guillaume.

C'est la chienlit ! (Sourires.)

M. Patrick Braouezec.

L'ouverture de négociations rapides afin de concrétiser le plan pluriannuel d'emplois annoncé par le Premier ministre est le seul moyen de nature à rétablir la confiance et à sortir du profond malaise actuel.

L'éducation nationale a besoin d'une perspective : elle doit s'ouvrir dès la discussion prochaine du collectif budgétaire par la confirmation de la sortie du gel de l'emploi public. Il faut aller au-delà du milliard de francs annoncé, dont la répartition doit être négociée et précisée. Il es t urgent de définir des étapes pour relever le formidable défi de l'égalité des chances.

Depuis juin 1997, le budget de l'éducation nationale s'est amélioré, mais l'effort doit être considérablement accru et devenir lisible et programmé aux yeux de l'ensemble de notre société. Nos appels en ce sens, à l'occasion des débats budgétaires, n'ont pas été entendus, et le Gouvernement a dû, à plusieurs reprises, apporter des réponses partielles aux manques les plus criants, au détriment d'une cohérence d'ensemble.

Des mesures telles que l'aide individualisée en seconde ou le tutorat en collège sont aujourd'hui mises à mal faute des recrutements nécessaires, d'où le recours aux heures supplémentaires et aux emplois précaires. Les horaires d'enseignement général en pâtissent, pénalisant la transmission des savoirs, tandis que la réforme envisagée du baccalauréat, notamment professionnel, fait craindre la perte de valeur d'un diplôme qui doit rester national.

Il appartient à notre majorité de faire de la mobilisation actuelle des enseignants, des parents et des élèves, une chance pour l'avenir de notre système éducatif, afin de définir une ambition nationale pour l'école. L'attente est énorme. (« Oh oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) L'investissement éducatif est une priorité majeure, comprise et voulue par les Français. Les éléments d'une dynamique sociale et transformatrice sont réunies. L'égalité des chances et la lutte pour une réussite scolaire dont il faut diversifier les voies appellent l'implication de tous. L'Etat doit ouvrir la voie en programmant un effort pluriannuel massif.

Ne doutez pas, monsieur le ministre, de la volonté de réforme des enseignants aujourd'hui dans l'action. Toute réforme doit s'appuyer sur eux. Au-delà des mesures immédiates, je souhaite que vous nous précisiez la façon dont vous allez reprendre le dialogue autour des questions des recrutements, de la résorption des emplois précaires et, bien évidemment, sur le contenu des réformes nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, je vous remercie de votre question. (« Ah ! » sur les bancs du


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est pour moi l'occasion de rappeler solennellement à la représentation nationale le sens de mon action (« Ah oui ! » sur les mêmes bancs)...,

M. Lucien Degauchy.

Ah bon ! Elle avait donc un sens ? Sans doute un sens interdit...

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

... la volonté que j'ai de réformer notre système éducatif dans le sens de l'égalité des chances. Pour moi, le système éducatif doit garantir l'éducation pour tous et l'équité républicaine. Vous ne trouverez rien d'autre dans mes réformes ! Réformer fait peur. Alors, il faut continuer à expliquer et à convaincre. Et ce n'est pas seulement la responsabilité du ministre, c'est le devoir de tous ceux qui agissent en responsabilité dans le sens de l'intérêt général et qui agissent pour l'avenir de nos enfants.

Je ne prendrai qu'un exemple : la réforme du lycée.

Sur la méthode, cette réforme aujourd'hui en place a fait l'objet de longues négociations avec tous les partenaires, avec tous les syndicats - je dis bien « tous ». Cette réforme a été, comme les autres, menée dans le dialogue.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Les preuves sont là. On les trouve dans la succession des textes de travail, dans les multiples rendezvous inscrits dans les agendas, dans les accords conclus in fine.

Sur le fond, cette réforme a débouché sur la délivrance de connaissances moins encyclopédiques et mieux maîtrisées par les élèves, la création d'une véritable filière littéraire, la mise en place de l'aide individualisée aux élèves en difficulté et le travail en petit groupe.

Je pourrais décliner...

M. Franck Borotra.

C'est déjà le cas ! (Sourires.)

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

... de la même manière ce que nous avons fait pour le primaire, pour le collège, pour l'enseignement professionnel, avec le même objectif - la justice sociale et la modernisation - et la même méthode : la concertation.

Les réformes entraînent le recours à des heures complémentaires ? Bien sûr ! Vous savez bien que, dans l'enseignement, les réformes ne peuvent commencer que par des heures complémentaires. On ne peut pas recruter des enseignants en milieu d'année, arbitrairement ; il faut ouvrir des concours parce qu'il s'agit de la fonction publique.

Mais ces réformes s'accompagnent de créations de postes, comme l'a indiqué le Premier ministre, qui a prévu un plan pluriannuel de recrutement.

Certains me disent : « Retirez les réformes. » Mais que

faut-il retirer ? (« Allègre ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Franck Borotra.

Le ministre !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Les 70 000 aides-éducateurs ? Le plan antiviolence ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Non !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Retirer quoi ? Le programme « nouvelle chance » pour ceux qui sortent sans rien du système éducatif ? Le plan de rénovation des ZEP ? Les bourses au mérite ? Le plan social étudiant ? L'Internet à l'école et les nouvelles technologies ? L'aide à l'élève individualisée à l'école, au collège et au lycée ? J'ai compris, monsieur le député, que vous n'étiez pas de ceux-là, et je vous en remercie. Vous êtes élu en SeineSaint-Denis, département où des moyens ont été mis en oeuvre et où nombre de problèmes quantitatifs ont été résolus. Mais vous savez aussi qu'il reste beaucoup de problèmes non résolus (Exclamations sur les mêmes bancs) et que ce n'est pas seulement avec des moyens que l'on y parviendra.

Oui, il faut réformer l'éducation nationale ! Oui, il faut que tout le monde, à sa place, aide à la mise en oeuvre de cette réforme, pour l'intérêt d'abord de nos enfants, ensuite de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

AVENIR DES RETRAITES

M. le président.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Ma question étant d'intérêt général, je la pose au nom des groupes DL, UDF et RPR.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Odette Grzegrzulka. Impérialiste ! M. Didier Boulaud. C'est la Sainte-Alliance ! M. Denis Jacquat. Monsieur le Premier ministre, après plus de mille jours durant lesquels vous avez commandé cinq rapports et entamé différents processus de concertation, vous accouchez d'une souris.

Que nous promettez-vous ? Des concertations, mais on en fait depuis dix ans. Maintenant, il faut, pour certains, négocier, mais aucun calendrier n'est proposé ! Vous ne nous annoncez ni une réforme ambitieuse ni de vraies solutions permettant de répondre aux problèmes posés par les défis démographiques et le financement des retraites.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Alfred Recours. Et les mille milliards ? Mme Odette Grzegrzulka. Il est amnésique !

M. Denis Jacquat.

Après l'échec de la réforme des services fiscaux que vous avez voulu imposer de manière autoritaire et sans concertation, je pourrais comprendre votre prudence. Néanmoins, votre frilosité est synonyme d'immobilisme...

M. Alfred Recours. Mille milliards!

M. Denis Jacquat. ... et ne permet en rien de garantir, contrairement à ce que vous dites, les retraites de demain ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

On peut être étonné qu'aucune référence n'ait été faite à l'année 2006, alors que c'est l'année qui marquera le début du papy boum, ou à l'année 2040, qui verra les jeunes âgés de vingt ans aujourd'hui arriver à l'âge de la retraite.


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Monsieur le Premier ministre, il n'a jamais été question pour nous de supprimer le système actuel de retraites par répartition. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - « Si ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Didier Boulaud.

Menteur !

M. le président.

Un peu de silence ! Continuez, et concluez, monsieur Jacquat, je vous en prie.

M. Denis Jacquat.

Je le répète : il n'a jamais été question pour nous de supprimer le système actuel de retraites par répartition. (« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Nous voulons seulement le consolider. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Notre système de retraites par répartition a bien rempli sa mission et nous devons le garder. Et précisément ne rien faire serait dangereux pour la répartition ! Par ailleurs, nous sommes pour la retraite à la carte mais contre la retraite guillotine.

Mme Véronique Neiertz.

Ben alors !

M. Denis Jacquat.

En refusant, au nom d'une idéologie dépassée, l'idée même de développer l'épargne retraite en optant pour un fonds de réserve, certes réservé au régime général et doté de mille milliards énigmatiques,...

M. Alfred Recours.

Ce n'est pas rien !

M. Denis Jacquat.

... vous acceptez la possibilité que les retraités voient leur pouvoir d'achat baisser. J'ajoute que les sommes nécessaires pour payer les retraites de demain sont nettement sous-évaluées.

Pour nous, l'épargne retraite ouverte à tous vient compléter et non remplacer la retraite par répartition.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Enfin, vous n'avez pas parlé, et c'est grave, de l'indexation des retraites, du non-remboursement par l'Etat des cotisations de retraite complémentaire aux préretraités bénéficiant du fonds national pour l'emploi et de la revalorisation du minimum vieillesse.

Plus grave encore, vous n'avez pas dit un seul mot des veuves ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le taux de réversion et le calcul du cumul entre avantage propre et réversion doivent impérativement être revus.

Mme Véronique Neiertz.

Démagogue !

M. Denis Jacquat.

Quant à la prestation spécifique dépendance, nous avons toujours dit, lors de la discussion à l'Assemblée nationale, qu'il s'agissait d'une première étape.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Concluez, s'il vous plaît.

M. Denis Jacquat.

J'ai l'impression que certains de nos collègues manquent quelque peu de mémoire. (Rires sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Nous nous accordons tous sur la nécessaire réforme de la PSD qui doit surtout être égalitaire au niveau national.

Monsieur le Premier ministre, si, hier, vous êtes resté dans le flou, c'est sans doute parce que vous souhaitiez présenter vos vraies propositions à la représentation nationale aujourd'hui.

(Rires et applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour garantir à tous les Français le maintien de leurs retraites ? Demain, ne sera-ce pas trop tard ? Plus on attendra, plus ce sera douloureux. La France de demain sera celle des choix d'aujourd'hui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le député, je suis ravi de pouvoir faire écho à vos préoccupations. Ceux qui m'auront entendu hier comprendront pourquoi il m'était difficile d'insérer dans le cadre succinct des questions d'actualité les propositions et orientations que je présentais au pays.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Pour des questions de forme, d'abord, mais aussi pour des questions de principe : il s'agit de l'avenir des retraites des Français et je pense qu'il fallait s'adresser à l'ensemble des Français, à travers les médias de leur pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe commun iste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - « Les médias sont présents ici ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française.)

M. le président.

Allons, chers collègues, un peu de calme !

M. le Premier ministre.

Je ne pense pas, mesdames, messieurs, que malgré le goût que vous avez pour ma parole, vous m'auriez écouté sans broncher sur vos bancs pendant cinquante minutes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

En outre, présenter à l'Assemblée nationale des plans de réforme sur les retraites ne garantit pas absolument le succès, même quand on s'y fait applaudir ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je suis convaincu, monsieur le député, que nous partageons les uns et les autres le même souci de garantir l'avenir des retraites des Français (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), mais il y a entre nous des différences profondes, dont les conséquences seraient également lourdes pour les Français. Des différences de méthode, des différences de conception, des différences d'approche et des différences de conception des outils à mettre en oeuvre.

(« Eh oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

Vous avez posé plusieurs questions précises ; vous comprendrez que, dans le laps de temps limité qui est le mien, je n'y réponde pas aujourd'hui.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

Je ferai néanmoins une exception pour une de vos questions qui montre à quel point vous feriez bien de vérifier vos informations avant d'intervenir.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Vous avez dit que je n'avais pas parlé du non-remboursement par l'Etat des cotisations de retraites complémentaires par les préretraités bénéficiant du FNE.

Je n'en ai pas parlé parce que cette question est réglée.

Apparemment, vous ne le saviez pas.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - « Ce n'est pas vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Pendante depuis 1984, la question du nonremboursement par l'Etat n'avait pas été réglée par les p récédents gouvernements. Le Gouvernement, et Mme Aubry en particulier, ont mené une négociation. Et la question est désormais réglée, à la satisfaction des partenaires sociaux...

(« C'est faux ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Michel Ferrand.

Non !

M. le Premier ministre.

... et, surtout, des intéressés qui vont pouvoir, enfin, profiter de l'intégralité de leur retraite complémentaire ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.) Sur un plan plus général, je disais qu'il y avait entre n ous des différences profondes et notamment de méthode.

M. Francis Delattre.

Ah oui, elle marche, la méthode Jospin !

M. le Premier ministre.

A propos du problème des retraites, vous avez préféré, il y a cinq ans - c'est une des raisons pour lesquelles les gouvernements sont ensuite restés bloqués -, la méthode de l'annonce unilatérale des décisions. Nous préférons la méthode d'élaboration négociée des solutions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Nous avons associé les partenaires sociaux au diagnostic et nous allons les associer à la recherche des solutions.

M. Jean-Michel Ferrand.

Comme pour la réforme de l'administration fiscale ?

M. le Premier ministre.

Nous avons également des différences de conception. Pour l'essentiel, vous vous rattachez désormais au système de capitalisation et à la mise en oeuvre des fonds de pension.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste. - Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Franck Borotra.

Ce n'est pas vrai !

M. le Premier ministre.

Certains d'entre vous défendent intégralement ce système, et ceux qui ne le défendent pas intégralement introduiraient les fonds de pension dans des conditions telles qu'ils déstabiliseraient le système par répartition, qui assure l'égalité entre les Français.

(Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est pourquoi nous n'avons pas pris les décrets d'application de la loi Thomas, qui déstabilisait le système de répartition en ponctionnant sur les cotisations.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Franck Borotra et M. Rudy Salles.

Ce n'est pas vrai !

M. le Premier ministre.

Nous avons en outre des différences d'approche. Vous avez choisi, pour vous engager dans ce dossier, une méthode d'uniformisation des régimes.

M. Pierre Lellouche.

Vous racontez vraiment n'importe quoi aux Français !

M. le Premier ministre.

Nous respectons la spécificité, la diversité des régimes, même si nous voulons l'égalité et l'équité entre ceux-ci ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste. - Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Christine Boutin.

Egalité !

M. le Premier ministre.

Vous êtes gênés, messieurs, vous aussi, madame Boutin ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Christine Boutin.

Zéro ! C'est double zéro !

M. le président.

S'il vous plaît, un peu de silence.

M. le Premier ministre.

Enfin, nous avons des différences de conception des outils. Si nous ne sommes pas hostiles à faire appel à l'épargne des Français, nous le faisons par le biais d'un fonds de réserve. Ce n'est pas la solution d'une épargne individuelle qui dépend des revenus de chacun.

(« Par l'impôt ! Toujours par l'impôt ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Il s'agit d'un effort global de solidarité de la nation, au profit de l'ensemble des retraités de notre pays.

Là est la différence fondamentale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Enfin, plutôt qu'un pilotage centralisé, autoritaire et technocratique, avec le Conseil d'orientation des retraites (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), nous voulons associer les partenaires sociaux à la régulation des réformes et des progrès qui devront être faits.

Monsieur le député, une fois de plus, j'ai entendu vos critiques. Une fois encore, je n'ai pas entendu de votre part, sur ce sujet comme sur d'autres, la moindre proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste,


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du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations et « Faux ! Faux ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Finalement, au-delà de votre difficulté à apporter des réponses - car si vous pouvez désormais poser des questions ensemble, vous n'êtes pas capables d'apporter des réponses ensemble aux problèmes de fond du pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), ...

M. Jean-Michel Ferrand.

C'est faux !

M. le Premier ministre.

... la vraie raison de ce mutisme,...

M. Georges Tron.

Et de votre immobilisme donc !

M. le Premier ministre.

... c'est que vos propositions sur les retraites, vous ne pourriez pas les assumer devant les Français ! Nous sommes prêts à avoir ce débat avec vous ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

DÉCISIONS RELATIVES AUX RETRAITES

M. le président.

La parole est à M. Claude Gaillard.

M. Claude Gaillard.

Monsieur le président, ma question s'adresse au Premier ministre. Il est certainement dommage qu'il ne soit pas mieux écouté ! (« Tout à fait ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

S'il cessait de caricaturer nos positions (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) et s'il était moins souvent pris en flagrant délit de mensonge (Mêmes mouvements), nous pourrions avoir un dialogue et un débat de meilleure qualité. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli.

Si encore vous écoutiez !

M. Pierre Lellouche.

Jospin à la retraite !

M. Claude Gaillard.

Je rappelle que la proposition de loi sur l'épargne-retraite, déposée voilà un an par le groupe UDF, n'a pas été prise en compte par le Gouvernement.

M. Didier Boulaud.

Et les fonds de pension ?

M. Claude Gaillard.

En outre, s'agissant de la position de toute l'opposition sur l'épargne-retraite et la capitalisation, cessez de prétendre, monsieur le Premier ministre, que nous voudrions la fin du système de répartition ! En définitive, nous sommes sur la ligne de l'ensemble des pays européens. Lorsque vous nous caricaturez, vous caricaturez aussi la position de la Grande-Bretagne, de l'Italie, de l'Espagne, des Pays-Bas, de l'Allemagne, et j'en passe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Didier Boulaud.

C'est faux !

M. le président.

Votre question, monsieur Gaillard.

M. Henri Emmanuelli.

Ils sont hystériques !

M. Claude Gaillard.

Quand nous regardons l'évolution...

M. le président.

Monsieur Gaillard, c'est votre question ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche et M. Georges Tron.

M. Gaillard parle avec juste raison !

M. le président.

Mes chers collègues, d'un côté nous posons des questions d'actualité, de l'autre nous avons des débats. Si c'est une question, acheminez-vous vers sa formulation, monsieur Gaillard. S'il vous plaît !

M. Claude Gaillard.

Elle arrive, avec votre autorisation.

M. le président.

Très bien !

M. Claude Gaillard.

Non sans souligner que nous connaissons plus un accroissement des inégalités qu'un développement de l'équité et de l'égalité,...

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Claude Gaillard.

... non sans rappeler qu'entre 1993 et 1995 le Premier ministre et le gouvernement avaient décidé des mesures courageuses qui ont permis de sauver le système de répartition (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)...

M. Didier Boulaud.

Là, je vais pleurer !

Mme Martine David.

La question !

M. Claude Gaillard.

... après avoir entendu que, vu l'importance du dossier il vous fallait vous adresser au pays et non pas à l'Assemblée nationale, ce qui est assez surréaliste,...

M. Didier Boulaud.

Ce n'est pas ce que, nous, nous avons entendu !

M. Claude Gaillard.

... je vous demande si vous seriez d'accord pour engager un débat de fond au Parlement sur le dossier des retraites.

M. Arnaud Lepercq.

Très bien !

M. Claude Gaillard.

Ce dossier le mérite. Peut-être pourrions-nous progresser en réfléchissant ensemble sur des solutions à apporter pour tous nos concitoyens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, le Premier ministre vient, de manière extrêmement forte et ferme (Eclats de rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Rudy Salles.

Zéro !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... d'expliquer ses propositions, sa philosophie et ses réponses pour garantir les retraites, c'est-à-dire pour garantir le pacte de solidarité des régimes par répartition.

M. Jean-Michel Ferrand.

Ce n'est plus la méthode Jospin, mais la méthode Coué !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, vous estimez que nous caricaturons l'opposition.

(« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mais quand vous dites, aujourd'hui encore, que la France est le plus mauvais des pays, qui caricature qui ?

M. Philippe Briand.

Nous n'avons pas dit cela !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous sommes les meilleurs en croissance.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants.). Le chômage n'a jamais autant baissé. (Mêmes mouvements.) La sécurité sociale parvient à l'équilibre. Le Premier ministre a dit, hier, combien il souhaitait s'attaquer au problème des retraites pour le régler, non pas dans la rue, comme vous l'avez fait, mais avec l'ensemble des partenaires sociaux.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Vous souhaitez un débat. Mais où sont vos propositions ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Le Premier ministre est-il pris en flagrant délit de mensonge quand il vous dit que vous êtes favorables aux fonds de pension alors que vous avez fait voter la loi Thomas ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Le Premier ministre est-il pris en flagrant délit de mensonge quand il dit que, dans cette loi, vous proposiez de réserver le troisième étage aux plus riches, que vous prévoyiez de verser des salaires sous forme d'épargne pour vider la sécurité sociale de ses cotisations,...

M. Jean-Michel Ferrand.

Oh, arrêtez un peu !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... que vous permettiez que le chef d'entreprise décide, et lui seul, de la façon d'utiliser cet argent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Voilà la réalité.

Si vous avez des propositions à faire,...

M. Arnaud Lepercq.

La PREFON !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... si vous considérez qu'il faut aller à quarante-deux ans et demi de cotisations voire à quarante-cinq ans, eh bien, osez le dire aux Français ! On ne vous a jamais entendus énoncer vos propositions. Vous n'êtes capables que de critiquer. Nous nous réjouissons que vous posiez des questions en commun, mais essayez peut-être d'apporter des réponses en commun. En tout cas, nous, c'est ce que nous avons fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

DÉCISIONS À PRENDRE

POUR SAUVEGARDER LES RETRAITES

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Monsieur le Premier ministre, après vous avoir écouté, ainsi que Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, je dois vous dire que nous regrettons que vous ayez vous-même placé ce débat, extrêmement important pour notre pays, sur un terrain polémique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Si vous n'avez cessé, aujourd'hui encore, de caricaturer nos positions, c'est tout simplement pour masquer votre propre incapacité à innover et à introduire plus de justice dans un système aujourd'hui menacé et qui exige des réponses concrètes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Pierre Kucheida.

Vous avez la mémoire courte !

M. François Sauvadet.

Monsieur le Premier ministre, vous êtes maintenant au pouvoir depuis deux ans et demi et c'est vous qui êtes en charge du Gouvernement. Or, comme pour d'autres sujets, vous avez simplement proposé aux partenaires sociaux de se réunir et de réfléchir.

Je serais tenté de vous dire : que de temps perdu ! En fait, vous n'avez montré que des pistes, vous avez disserté là où il fallait décider.

M. Didier Boulaud.

C'est vrai que nous allons moins vite qu'avec le 49-3 ou les ordonnances !

M. le président.

Mon cher collègue, veuillez poser votre question, s'il vous plaît !

M. François Sauvadet.

Je vais la poser, monsieur le président. Mais je crois que le sujet est suffisamment sérieux pour que nous en parlions aujourd'hui au Parlement.

M. le président.

Je vous demande de poser votre question.

M. François Sauvadet.

Vous avez parlé, monsieur le Premier ministre, de la méthode. Mais même Mme Notat a noté le flou de la vôtre qui risque, dit-elle, de conduire à une nouvelle impasse. Nous ne sommes pas les seuls à le dire : l'ensemble des partenaires sociaux, et beaucoup de Français avec eux, le pensent.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

En fait, je le dis au nom de toute l'opposition, vous êtes aujourd'hui au pied du mur, monsieur le Premier ministre. Vous êtes au bout d'un système de communication qui, s'il a pu faire illusion un certain temps, est aujourd'hui soumis à l'épreuve de vérité.

M. Rudy Salles.

Très bien !

Mme Odette Grzegrzulka.

Sauvadet à la retraite !

M. François Sauvadet.

Aucun des grands chantiers n'a vraiment avancé, ni abouti bien sûr. Dans tous les secteurs, les tensions sociales montent. Je pourrais citer l'éducation nationale, les finances. Je pourrais citer la loi Aubry inapplicable,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

M. le président.

Citez-nous plutôt votre question s'il vous plaît.

M. Didier Boulaud.

Et le chômage ?

M. François Sauvadet.

En fait, monsieur le Premier ministre, les Français s'interrogent, ils se demandent si vous n'avez pas tout simplement le regard ailleurs, tourné vers d'autres objectifs. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Après la « force tranquille », voici aujourd'hui

« la France immobile ». N'est-il pas temps pour vous de tirer les leçons de tous ces dysfonctionnements et de choisir entre vos ambitions futures et l'exercice de vos responsabilités actuelles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Lellouche.

Jospin, à la retraite !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, à qui je demanderai de bien vouloir répondre brièvement, pour ne pas empiéter sur le temps des autres groupes.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, j'essaie, en général, d'ajuster mon ton à celui de la question. Donc, à une question un peu moins polémique, je répondrai de manière un peu moins polémique.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Depuis trois ans, le Premier ministre a le regard tourné vers les problèmes des Français.

M. Yves Nicolin.

Dormez tranquille, bonnes gens, tout va bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

S'agis-s ant des retraites, les Français avaient besoin de comprendre la situation. Aujourd'hui, il l'ont comprise.

Ils ont compris que la croissance, la baisse du chômage, peut-être l'augmentation de certaines cotisations, permettraient de résoudre en partie le problème des retraites, mais en partie seulement. Ils ont compris que rien ne servait de montrer du doigt tel ou tel régime, quand c'est un pacte social qui régit les relations sociales dans une entreprise.

Ils ont compris que, comme nous l'avons fait récemment en prenant un décret sur les préretraites, et comme nous le ferons pour le personnel soignant hospitalier, il fallait traiter différemment ceux qui ont des conditions de travail pénibles, qui ont commencé à travailler tôt et qui ont beaucoup travaillé et ceux qui entrent aujourd'hui sur le marché du travail.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Tout cela, monsieur le député, montre que pour régler un problème aussi délicat il faut autre chose que des slogans.

(« Eh oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il y faut la volonté, la cohérence des propos, la cohérence des valeurs. C'est ainsi que nous défendons l'équité, la justice et la marche en avant, car c'est bien en avant que nous allons.

(« Tiens, tiens, il y avait doute ? » sur les mêmes bancs.)

Et il faut aussi une méthode. Celle que nous avons choisie, c'est la concertation.

C'est tout cela que propose aujourd'hui aux Français le Premier ministre. Nous savons pertinemment, Claude Allègre le rappelait tout à l'heure, que, s'agissant des retraites, ce n'est pas le Gouvernement seul qui est concerné mais bien l'ensemble des Français. C'est avec leurs représentants et dans les voies que le Premier ministre a tracées hier, que nous trouverons les solutions concrètes pour régler le problème.

Le Premier ministre a dit hier qu'il avait confiance dans les partenaires sociaux. Vous ne leur faites pas confiance.

M. Bernard Accoyer.

C'est absurde !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez l'impression que tout doit venir d'en haut, des bureaux, alors qu'il s'agit de problèmes qui touchent le coeur des Français.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ainsi, le Premier ministre a pris acte de l'échec de la prestation spécifique dépendance que vous aviez mise en place, pour traiter de manière beaucoup plus globale l'accompagnement médical des personnes âgées.

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bien !

M. Rudy Salles.

Ça revient toutes les semaines !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Eh oui ! Mais il s'agit des problèmes des Français, et c'est peut-être parce que vous n'avez pas su les résoudre que vous êtes là et que nous sommes ici.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - « Bien vu ! », rires et vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

DÉBAT SUR L'AVENIR DES RETRAITES

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Monsieur le Premier ministre, la gravité du problème qui nous occupe mérite que vous apportiez des réponses à un certain nombre de questions que je souhaiterais réitérer au nom de l'ensemble des groupes de l'opposition, puisque vous n'avez pas apporté de réponses satisfaisantes jusqu'à présent.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Monsieur le Premier ministre, certaines allégations pourraient bien être de véritables mensonges. En effet, lorsque vous caricaturez la position de l'opposition, prétendant qu'elle serait l'adversaire des régimes de répartition - alors que précisément nous réaffirmons toujours notre attachement à ce socle de la retraite -, vous mentez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

M. Didier Boulaud.

Qu'en pense le maire de Paris ?

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le Premier ministre, lorsque vous vous dîtes attaché à l'avenir des retraites et q ue vous affirmez, dans une dissertation de cinquante minutes, que vous ne ferez strictement rien - comme vous n'avez rien fait depuis trois ans (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) -, vous mentez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe duRassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

En effet, monsieur le Premier ministre, lorsque vous voulez faire croire aux Français que, par un tour de prestidigitation, vous trouverez subitement l'argent grâce à une croissance que la France n'a jamais connue pendant une aussi longue période, c'est-à-dire pendant plus de vingt ans, à un niveau aussi haut et que tout sera résolu, vous mentez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Yvette Roudy.

Oh, assez d'insultes !

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le Premier ministre, vous avez affirmé en 1995, dans une interview au Journal du Dimanche, que vous étiez contre les 40 heures dans la f onction publique, mais vous dites aujourd'hui le contraire. Et vous mentez ! (Applaudissements sur les mêmes bancs. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Pouvez-vous poser votre question, s'il vous plaît ?

M. Bernard Accoyer.

En réalité, monsieur le Premier ministre, les recettes hypothétiques que vous annoncez pour atteindre les 1 000 milliards du fonds de réserve, vous les avez déjà plombées avec les 35 heures, avec l'échec social coûteux de la CMU,...

Mme Yvette Roudy.

Assez d'insultes !

M. Bernard Accoyer.

... avec le dérapage des dépenses de l'assurance maladie, avec la dépendance.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - « Et voici que la justice se dresse ! », sur divers bancs du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Asseyez-vous, monsieur Emmanuelli ! S'il vous plaît, monsieur Accoyer, venez-en à votre question !

M. Bernard Accoyer.

J'y viens, et je la poserai de façon particulièrement solennelle ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Elle est du ressort du Premier ministre, qui est en train de semer la graine redoutable d'un conflit de générations entre des retraités, qui verront leur retraite baisser, et des jeunes qui seront écrasés par les cotisations.

(« C'est nul ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous vous demandons donc, monsieur le Premier ministre, un débat solennel sur l'avenir des retraites en France. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, quand le Premier ministre annonce que les retraites vont être garanties par la mise en place progressive de mesures élaborées dans la concertation, nous agissons ! Quand le Premier ministre dit qu'il convient de respecter la diversité et l'identité des régimes, prenant en considération ce qui s'est passé en 1995, nous avançons ! (« C'est faux ! » sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Quand nous recherchons une plus grande équité et une plus grande solidarité entre les régimes, nous faisons avancer la solution au problème des retraites ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Didier Boulaud.

C'est vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Quand nous instaurons plus de souplesse pour respecter le choix de ceux qui voudront partir plus ou moins tard à la retraite, nous répondons aux besoins des Français ! Monsieur Accoyer, les propos que vous avez tenus à l'égard du Premier ministre ne sont pas dignes, car ils sont faux (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.), et vous le savez très bien ! Je prendrai un seul exemple, celui du fonds de réserve. Vous vous êtes gaussé avec le même ton lorsque nous l'avons créé et doté de 2 milliards de francs en prenant des engagements pour l'avenir. Nous avions dit que nous y affecterions les excédents de la CNAV, de la C3S, du fonds de solidarité vieillesse ainsi que 49 % des 2 % de la contribution sur les revenus financiers. Or tout cela est aujourd'hui dans le fonds de réserve ! Vous vous êtes gaussé et vous avez voté contre. Eh bien ! les excédents cumulés de la CNAV, du fonds de solidarité vieillesse, de la contribution sociale de solidarité des sociétés atteindront 500 milliards de francs en 2020 ! Les prélèvements sociaux sur les revenus du capital, contre lesquels vous avez voté évidemment, rapporteront 150 milliards de francs en 2020. Avec les 330 milliards de francs d'intérêts, nous aurons donc bien 1 000 milliards de francs dans le fonds de réserve et nous pourrons régler ce problème des retraites grâce à la solidarité.

Vous êtes toujours contre tout, vous vous gaussez de tout mais je suis désolée de devoir le dire, vos propos sont indignes d'hommes et de femmes qui prétendent régler un jour les problèmes des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

On ne traite pas ainsi un Premier ministre qui règle les problèmes de notre pays les uns après les autres (Mêmes mouvements), alors que vous


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

n'êtes capable que de poser des questions en commun, faute de trouver des réponses en commun. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons à une question qui va certainement dépassionner le débat !

FISCALITÉ SUR LES CARBURANTS

M. le président.

La parole est à M. André Angot.

M. André Angot.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

(Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arnaud Lepercq.

Il va sauter Sautter ! (Sourires.)

M. André Angot.

Monsieur le ministre, connaissez-vous le prix du litre d'essence et celui du litre de gazole avant que l'Etat n'y ajoute les taxes ? Alors que le litre de super arrive à la pompe à 1,75 franc, il est vendu 7,99 francs dans ma région. Cela veut dire que l'Etat prélève 6,24 francs de taxes par litre, soit 78 % du prix payé par l'automobiliste.

(« C'est scandaleux ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Le litre de gazole arrive à la pompe au prix de 1,81 franc. Il est vendu 5,69 francs dans ma région.

L'Etat encaisse donc 3,88 francs de taxes par litre, soit 68 % du prix payé par l'automobiliste.

En 1998, les taxes sur les carburants ont rapporté à l'Etat 203,3 milliards de francs, ce qui représente plus de la moitié du produit de l'impôt sur le revenu. En 1999, tous les records ont été battus. N'essayez pas, monsieur le ministre, de vous retrancher derrière la hausse du prix du pétrole ! Il est vrai que les prix du brut ont flambé en 1999. Il n'en demeure pas moins que le produit luimême ne représente que 20 % du prix à la pompe. La plus grosse augmentation est encaissée par l'Etat.

(« Et alors ? » sur les bancs du groupe socialiste.)

Les Français sont une fois de plus matraqués par une fiscalité profondément injuste et dramatiquement pesante.

M. Arnaud Lepercq.

Ils sont pompés !

M. André Angot.

Injuste, monsieur le ministre, car ce véritable racket touche autant les plus démunis que les plus riches.

M. Arnaud Lepercq.

C'est vrai !

M. André Angot.

Injuste aussi parce qu'il touche davantage les populations rurales que les populations urbaines qui bénéficient de réseaux de transports en commun modernes. Votre gouvernement qui, en toute hypocrisie, prétend défendre la justice sociale ne fait qu'accentuer les inégalités en matraquant nos concitoyens aux revenus les plus faibles. Il crée une France à deux vitesses. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Avez-vous pensé, monsieur le ministre, aux salariés qui sont au SMIC et qui doivent utiliser leur voiture pour parcourir les dix ou vingt kilomètres qui les séparent de leur lieu de travail ?

M. Arnaud Lepercq.

Il ne sait pas ce que c'est !

M. André Angot.

Avez-vous pensé aux ménages qui utilisent le gazole pour leur chauffage, aux marins pêcheurs, aux agriculteurs, aux transporteurs routiers ? (« Ils s'en foutent ! » sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République).

Ma question est simple : pourquoi ne pas utiliser votre fameuse cagnotte pour diminuer sensiblement les taxes sur les carburants ? Les Automobile clubs ont récemment lancé un appel national pour une baisse d'un franc des taxes sur les carburants.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Cette proposition me paraît particulièrement pertinente.

Je doute, hélas ! de son application effective par un gouvernement qui érige en principe d'Etat le « toujours plus fiscal ».

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Sautter ! Sautter !

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

Le prix de l'essence a en effet flambé, monsieur le député, parce que le prix du baril est passé en un an de dix à vingtcinq dollars. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Chacun peut s'en rendre compte en allant à la pompe ! Mais, s'agissant de la fiscalité sur les carburants, les décisions prises depuis deux ans par le Gouvernement ont contribué non pas à l'augmenter, mais à la limiter. En effet, après vingt ans de hausse ininterrompue, la fiscalité sur le super sans plomb n'a pas du tout augmenté depuis le 1er janvier 1998,...

M. Bernard Accoyer.

Et le gazole ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... et cette politique sera reconduite en 2000. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) La France est d'ailleurs l'un des rares pays de l'Union européenne à mener une politique aussi modérée puisque, depuis la même date, le Luxembourg et le Royaume-Uni ont procédé respectivement à une augmentation de 17 centimes et de 75 centimes par litre.

C'est une nouveauté pour les automobilistes qui n'étaient pas habitués à une telle modération. (Rires et exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Au bilan du gouvernement dirigé par M. Balladur, il faut en effet inscrire soixante centimes de hausse. Au bilan du gouvernement dirigé par M. Juppé, il faut ajouter trente-deux centimes de hausse, dont, il est vrai, douze centimes liés à la hausse de deux points de la TVA. Les consommateurs doivent donc savoir que sur le prix de chaque litre de carburant, un franc est dû aux g ouvernements dirigés par MM. Balladur et Juppé entre 1993 et 1997. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

Nous ne nous sommes pas contentés de prendre le contre-pied de la politique menée par les gouvernements de droite, nous avons également fait des efforts en faveur des secteurs les plus touchés par la hausse du prix des carburants, en particulier celui des transports. Jean-Claude Gayssot a ainsi récemment annoncé un dispositif de restitution de la TIPP sur le gazole en faveur des transports collectifs, qui s'ajoutera au dispositif existant pour les transporteurs routiers.

J'ajoute que les impôts diminueront de 80 milliards en 2 000 - 40 milliards votés dans la loi de finances et 40 milliards annoncés jeudi dernier par le Premier ministre. La baisse de un point du taux de TVA aura un impact fort sur l'évolution du prix de l'essence. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cette baisse de la TVA concernera d'ailleurs aussi de nombreux autres produits. Ne nous trompons donc pas de débat ! C'est la droite qui a augmenté la fiscalité sur les carburants et c'est ce gouvernement qui a stabilisé la TIPP et décidé de réduire la TVA (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL

M. le président.

La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Le m'aperçois que les groupes de l'opposition se désint éressent de l'éducation nationale puisqu'ils nous quittent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Plusieurs députés du groupe socialiste.

Au revoir messieurs !

M. le président.

Ceux qui doivent partir peuvent s'en aller, mais pas de gestes outranciers, je vous prie ! Poursuivez, monsieur Durand !

M. Yves Durand.

Monsieur le ministre, l'enseignement professionnel est aujourd'hui une vraie chance de réussite pour les nombreux élèves qu'il scolarise, très souvent issus de milieux modestes. Il ne doit plus être le parent pauvre de l'éducation nationale, mais doit devenir l'un des pôles d'excellence de notre système éducatif. C'est pourquoi il est nécessaire de l'adapter aux exigences nouvelles de notre société. Tel est l'objectif de la charte de l'enseignement professionnel intégré présentée à Lille, lors des assises de l'enseignement professionnel, après des mois de discussion et de concertation avec l'ensemble des acteurs de cet enseignement.

Pourtant, l'application concrète de la réforme nécessaire issue de cette charte a fait naître des inquiétudes chez les enseignants des lycées professionnels. C'est la source du malaise actuel. Nous le répétons avec vous, monsieur le ministre, avec le Gouvernement : oui la réforme est nécessaire ! Il faut donc dissiper ce malaise.

Dès lundi, vous avez reçu les syndicats et une nouvelle réunion est prévue aujourd'hui. Quelles sont les grandes lignes de cette négociation ? Porte-t-elle sur le statut des professeurs ou sur la charte de l'enseignement professionnel intégré ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, la charte de l'enseignement professionnel intégré a fait l'objet d'une longue concertation avec les représentants des enseignants, des parents, des élèves, des employeurs, des fédérations et des confédérations syndicales.

M. Jean-Claude Lenoir et M. Francis Delattre.

Et avec quel succès !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Cette charte consacre le lien contractuel entre le lycée professionnel et l'entreprise pour la formation des jeunes, chacun respectant l'autre, chacun travaillant avec l'autre dans la liberté et le respect de l'autre. Elle assure, par la participation des enseignants au suivi des stages, une présence effective de l'éducation n ationale à l'intérieur même des entreprises quand celles-ci accueillent les jeunes. Elle permet de développer, dans les villes moyennes, les plates-formes technologiques, dans l'intérêt économique de tous.

En accompagnement de cette réforme, nous avons élaboré, là aussi, après une longue concertation, un projet de décret concernant le statut des professeurs des lycées professionnels, statut à l'origine de blocages. Pour approfondir la discussion, j'ai personnellement repris le dialogue avec les organisations syndicales dont les points de vue sont différents, vous le savez, monsieur le député. Le ministre doit entendre chacun et opérer une synthèse allant dans le sens de l'intérêt général. C'est pourquoi je dois participer à une réunion avec les syndicats tout de suite après cette séance de questions d'actualité : le dialogue se poursuit.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Par-delà les divergences entre les organisations syndicales, qui sont beaucoup plus importantes que je ne le pensais, j'ai noté chez beaucoup une volonté d'aboutir dans l'intérêt non seulement des élèves - c'est essentiel -, mais aussi des enseignants. Puisqu'on me pose souvent la question des moyens, je tiens à rappeler que ce plan va injecter plusieurs milliers de postes nouveaux dans l'enseignement professionnel, si nous parvenons à les recruter, car vous savez que c'est difficile.

Je voudrais le dire très solennellement : alors que certains voudraient faire disparaître le lycée professionnel ou le banaliser, j'ai au contraire voulu donner à l'enseignement professionnel toute la noblesse qu'il mérite et le placer à égalité avec l'enseignement général.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.) En mettant à bas cette réforme, certains voudraient que les professeurs de l'enseignement professionnel continuent à enseigner vingt-trois heures par semaine, contre dix-huit heures pour leurs collègues. Je veux, quant à moi, leur donner les mêmes conditions de travail qu'aux autres. Il n'y a ni nobles ni roturiers dans l'enseignement !

Mme Martine David.

Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

C'est ce que les parents d'élèves npus ont dit et je les ai entendus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et vert.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

ACCÈS DES JEUNES À LA CITOYENNETÉ

M. le président.

La parole est à Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Monsieur le ministre, par une circulaire du 18 janvier 1999, vous avez invité les préfets à créer dans leur département des commissions d'accès à la citoyenneté.

Ces commissions, qui regroupent autour du représentant de l'Etat les élus, des représentants des associations du monde économique et social, ont pour but de faire reculer les discriminations. Nous avons en effet tous des exemples des obstacles rencontrés par les jeunes. Il s'agit d'un sujet difficile, sensible, voire douloureux dans certains cas.

La lutte contre les discriminations a été confortée par les Assises de la citoyenneté qui se sont tenues samedi dernier et que vous avez ouvertes aux côtés de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Entouré d'autres ministres, vous avez écouté, dialogué, pris en compte les problèmes évoqués par 800 jeunes et représentants du monde associatif. M. le Premier ministre a lui-même conclu cette journée en rappelant fermement l'engagement qui doit être celui d'un Etat républicain. Quel bilan peut-on dresser aujourd'hui des commissions d'accès à la citoyenneté et quelles sont les voies que le Gouvernement entend ouvrir pour que les jeunes puissent accéder plus facilement à la citoyenneté ? C'est en effet de la citoyenneté que dépend l'avenir de nos jeunes. Je vous remercie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Madame la députée, vous avez mis le doigt sur un sujet très important, trop longtemps occulté. Dans notre pays, près de 2 millions de jeunes ont un parent ou un grandparent d'origine étrangère. Ces jeunes sont français, mais souffrent de discriminations. Ils connaissent un taux de chômage deux à trois fois supérieur à celui des jeunes du même âge. C'est là une situation absolument intolérable et, en tant que ministre de l'intérieur, je n'ai pas manqué d'être frappé par ce problème. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai créé, en janvier 1999, les commissions d'accès à la citoyenneté. Cela dit, il fallait naturellement que l 'ensemble du Gouvernement prolonge cette action.

Mme Aubry et Mme Buffet ont ainsi pris des initiatives dans leur secteur. M. le Premier ministre a, quant à lui, réuni ces Assises nationales de la citoyenneté, qui se sont tenues samedi dernier avec un grand succès devant près d'un millier de jeunes dont l'élan et la volonté d'être des citoyens à part entière étaient frappants. Je laisserai de côté les commentaires grincheux de ceux qui veulent toujours assimiler les problèmes de ces jeunes, qui sont français, je le rappelle, à ceux des primo-arrivants. Il ne faut pas confondre.

Le bilan est d'ores et déjà éloquent. 115 commissions d'accès à la citoyenneté, davantage donc que de départements, ont été créées ; il y a une dizaine de commissions infra-départementales. 400 signalements ont été effectués, dont 40 % dans le domaine de l'emploi et 20 % dans le domaine des loisirs. Une convention avec les propriétaires d'établissements de loisirs est en voie de finalisation.

Dans le domaine de l'emploi, diverses initiatives ont été prises pour favoriser l'accès aux stages professionnels dont certains jeunes sont écartés, encourager les parrainages ou les recrutements dans le secteur public. C'est ainsi que 2 000 adjoints de sécurité ont réussi le concours de gardien de la paix. Près du quart de ces jeunes adjoints de sécurité sont recrutés dans les quartiers, ce qui rapprochera la police de l'objectif que je lui ai assigné : être à l'image de la population.

En conclusion des assises nationales de la citoyenneté, le Premier ministre a rendu publiques d'autres initiatives destinées à lutter contre les discriminations, notamment par le renforcement des CODAC et la création d'un numéro vert. Des mesures seront prises en ce sens.

Un effort supplémentaire sera également consenti pour renouer avec la tradition de l'élitisme républicain, pour remettre en marche « l'ascenseur social » au bénéfice de ces jeunes qui ont besoin qu'on leur mettre le pied à l'étrier : 10 000 bourses au mérite seront créées à la rentrée 2000 ainsi que 5 000 bourses de service public pour préparer aux concours de la fonction publique.

D'autres mesures enfin permettront la naturalisation des jeunes arrivés en France avant l'âge de six ans, de façon qu'ils puissent être considérés comme des Français comme les autres.

B ref, mesdames, messieurs les députés, voilà un ensemble de mesures dont nous sommes tous responsables. Et tous les responsables publics doivent avoir conscience qu'il leur appartient de faire en sorte que ces jeunes réussissent et s'épanouissent dans la société française, deviennent des citoyens comme les autres et des modèles d'identification positive, alors que l'on a trop longtemps laissé aller les choses.

C'est une action essentielle, inséparable de nombreux autres aspects de la politique gouvernementale. Ces assises de la citoyenneté ont été un moment de grande joie et de grande fierté pour tous ceux qui ont participé.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

AVENIR DU THERMALISME DANS LE SYSTÈME DE SANTÉ

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, il y a quelques mois, vous avez décidé avec Mme Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, de ne pas suivre les conclusions du plan Johannet préconisant le déremboursement des cures thermales.

Votre position claire avait rassuré non seulement les élus et les acteurs de ce pan de notre secteur de soins, mais aussi les curistes concernés par ces dispositions. Les faits vous ont donné raison puisque le maintien du remboursement des cures thermales n'a pas obéré les comptes de 1999 de la sécurité sociale - ce que nous avons toujours soutenu.

Vous deviez lancer une large concertation sur l'avenir du thermalisme moderne et désigner une personnalité qualifiée pour conduire cette réflexion avec, notamment, les élus et les professionnels. Au-delà de cette désignation, ce qui importe, c'est la volonté du Gouvernement de confirmer la place du thermalisme dans notre système de santé ; c'est de confirmer la suppression de l'entente préalable. En effet, la CNAM a déjà suffisamment de travail au quotidien - en particulier avec la gestion de la CMU, même si vous avez créé 1 400 postes - sans lui confier, en plus, un contrôle inutile.

Sur ces objectifs, une concertation approfondie doit permettre une meilleure sécurité sanitaire, une modernisation des équipements, une adaptation de la formation pouvant justifier une revalorisation des tarifs.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

Quelle est, madame la ministre, votre volonté politique et celle du Gouvernement concernant la reconnaissance de l'activité thermale et le remboursement des cures ? Comment entendez-vous mener cette nécessaire modernisation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, vous avez rappelé avec juste raison les inquiétudes que les propositions de la CNAM avaient fait surgir dans le monde thermal. Je le dis de la manière la plus nette, le Gouvernement n'a nullement l'intention de remettre en cause cette activité. Car c'est une composante traditionnelle de notre système de santé et sa fonction est largement reconnue.

Je mesure aussi à quel point l'activité thermale est un élément majeur d'aménagement du territoire et de création d'emplois. C'est un élément qu'il ne faut pas non plus oublier.

Il n'est pas question non plus de remettre en cause le principe de la prise en charge des cures thermales. Et même si, j'ai demandé un bilan de la suspension de l'entente préalable que j'ai été amenée à repousser d'une année, je ne souhaite pas rétablir cette formalité. Jusqu'à présent, sa suppression n'a pas causé de problème.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Enfin, vous l'avez dit, il faut moderniser l'activité thermale pour qu'elle soit plus efficace, plus sûre et plus pérenne. Tel est notre objectif.

J'ai donc confié à un inspecteur général des affaires sociales, spécialisé dans ces questions, M. Deloménie, le soin, avec les professionnels et les élus et en grande concertation avec eux, d'apporter des réponses : sur les conditions de formation et d'intervention des professionnels du thermalisme ; sur les conditions d'autorisation et de fonctionnement des établissements thermaux, notamment pour la bonne application des règles d'hygiène et de sécurité ; sur le développement des études, qui permettra de mieux apprécier le service médical rendu, pour que la CNAM puisse éventuellement contrôler des abus, à partir de critères précis ; enfin, sur l'évolution de l'offre de soins thermaux sur le territoire, qui doit être analysée en définissant les conditions d'admission au remboursement d'une station, celles de ses orientations en matière de soins et de ses pratiques médicales complémentaires.

Je suis convaincue qu'à la suite de cette mission, qui débutera dans quelques jours, nous serons capables non seulement de maintenir mais encore de consolider l'activité thermale pour qu'elle réponde mieux aux attentes des patients et des professionnels du secteur. C'est le sens de la démarche initiée en ce domaine par le Gouvernement.

Je sais, monsieur le député, que vous la soutenez.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Philippe Houillon.)

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2

LIBERTÉ DE COMMUNICATION Suite de la discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (nos 2119, 2238).

Discussion des articles

M. le président.

En application de l'article 91, alinéa 9 du règlement, j'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

Avant l'article 1er AA

M. le président.

M. Dominati a présenté un amendement, no 263, ainsi libellé :

« Avant l'article 1er AA, insérer l'article suivant :

« Le troisième alinéa de l'article 1er de la loi no 861067 du 30 septembre 1986 est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Il peut adresser aux fournisseurs de services de communication audiovisuelle des recommandations relatives au respect des principes énoncés dans la présente loi. Ces recommandations sont publiées au Journal officiel de la République française. »

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour défendre cet amendement.

M. Patrice Martin-Lalande.

M. Dominati, qui va nous rejoindre dans un instant, m'a demandé, d'ici là, de défendre ses amendements. Celui-ci concerne le CSA.

Il est, selon nous, indispensable d'assurer le respect des principes énoncés dans la loi en permettant au CSA d'adresser des recommandations aux fournisseurs de services de communication audiovisuelle. La publication au Journal officiel permettra l'information du public et renforcera la solennité de ces recommandations.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles familiales et sociales.

M. Didier Mathus, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La commission est d'autant moins opposée à cette disposition qu'elle figure déjà dans le projet de loi et a été adoptée conforme par le Sénat. Je ne pense pas qu'il soit utile de l'écrire deux fois.

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

M. Dominati m'a autorisé d'avance à retirer ses amendements si satisfaction leur est donnée, ce qui semble être le cas.

M. le président.

L'amendement no 263 est retiré.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

M. Dominati a présenté un amendement no 262, ainsi libellé :

« Avant l'article 1er AA, insérer l'article suivant ;

« La dernière phrase du quatrième alinéa de l'article 1er de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 est ainsi rédigé :

« Il peut formuler des propositions sur tout sujet entrant dans le domaine de ses compétences et les mettre en oeuvre, après débat public, par la voie conventionnelle. »

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Limiter à la seule amélioration de la qualité des programmes la faculté, pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel, de formuler des propositions est une disposition trop restrictive. L'amendement vise à étendre cette faculté à l'ensemble du champ couvert par les différentes missions attribuées au CSA.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement, estimant que le CSA avait déjà beaucoup à faire et qu'il n'était pas utile de multiplier ses tâches.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

Avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 262.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er AA

M. le président.

« Art. 1er AA. - I. - Après l'article 2 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 2-1 ainsi rédigé :

« Art. 2-1 . - Il est institué un Conseil supérieur des technologies de l'information.

« Ce conseil est composé de :

« - dix députés et dix sénateurs désignés par leur assemblée respective ;

« - cinq personnalités qualifiées désignées par les ministres chargés des télécommunications, de la poste et de la communication audiovisuelle.

« Le conseil a pour mission de suivre le développement des secteurs de télécommunication, de la poste et de la communication audiovisuelle et les applications des nouv elles technologies de l'information. Il adresse aux ministres chargés de ces secteurs tous avis, recommandations et suggestions concernant :

« - l'organisation et l'évolution des services publics des télécommunications, de la poste et de la communication audiovisuelle ;

« - les moyens d'améliorer la contribution de ces services publics à l'aménagement du territoire et à l'intégration sociale ;

« - l'adaptation et l'évolution des techniques de communication, de la législation protégeant les droits et les libertés des citoyens.

« Le conseil est consulté par les ministres chargés des télécommunications, de la poste et de la communication audiovisuelle lors de la préparation des directives communautaires relatives à ces secteurs.

« Il peut en outre être consulté par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, l'Autorité de régulation des télécommunications et les commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat sur tous les sujets relevant de sa compétence.

« Il peut recueillir auprès des autorités administratives compétentes toutes informations utiles à l'accomplissement de sa mission.

« Il établit un rapport annuel remis au Parlement et au Premier ministre.

« Un décret en Conseil d'Etat précise les attributions et les modalités de fonctionnement du Conseil supérieur des technologies de l'information. »

« II. L'article 35 de la loi no 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications est abrogé.

« Les références contenues dans des dispositions de nature légis lative à la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications sont remplacées par des références au Conseil supérieur des technologies de l'information. »

M. Mathus, rapporteur, et M. Bloche ont présenté un amendement, no 54, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 1er AA. » La parole est à M. le rapporteur.

M. Didier Mathus, rapporteur.

Le Sénat propose de créer un Conseil supérieur des technologies de l'information. Cette innovation ne nous semble pas très opportune. L'étendue des compétences de l'instance de régulation actuelle donne déjà lieu à suffisamment de débats.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable à la suppression de l'article.

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

A notre sens, c'est à juste titre que le Sénat propose de créer un Conseil supérieur des technologies de l'information, même si je l'aurais plus volontiers appelé « Conseil supérieur des services de l'information », dénomination plus conforme aux missions qui lui sont attribuées. Cet organisme, qui se substituerait à l'actuelle Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, deviendrait l'organe consultatif compétent pour l'ensemble des secteurs concernés par la convergence des technologies de l'information. Il disposerait également d'un pouvoir d'avis et de recommandation au Gouvernement sur ces questions. Il serait consulté par le Gouvernement lors de la préparation des directives européennes relatives à ces secteurs et pourrait l'être également par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, l'Autorité de régulation des télécommunications et les commissions du Parlement.

Cette proposition est très intéressante, parce que le Parlement est trop rarement associé à la politique gouvernementale dans le domaine des nouvelles technologies.

J'ai eu plusieurs fois l'occasion, dans cette enceinte, de regretter qu'il n'y ait eu ni débat d'ensemble sur le programme du Gouvernement vis-à-vis de la société de l'information, ni débat annuel à l'occasion de chacun des bilans présentés au mois de janvier, même si je reconnais volontiers que ces bilans comportaient des éléments positifs. Finalement, le Parlement n'a pas sa place dans la préparation de l'action entreprise pour l'entrée de la France dans la société de l'information. La création de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

cette structure nous donnerait l'occasion de combler cette lacune et d'associer le Parlement à cette action en permanence.

J'estime donc qu'il serait opportun de maintenir le texte du Sénat, d'autant qu'il ne s'agit pas d'une structure de régulation, mais de concertation. Le Parlement n'entend pas jouer le rôle de régulateur, il veut simplement être associé au travail entrepris au niveau national.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche.

Le maintien des dispositions retenues par le Sénat aboutirait à clore prématurément le débat que vient d'ouvrir la lettre de mission envoyée par le Premier ministre à notre collègue Christian Paul. Une grande réflexion est en cours, et a même déjà fait l'objet d'une concertation publique, pour synthétiser les moyens de réguler l'internet. Chacun sait qu'en ce domaine, on peut facilement commettre des erreurs. Le CSA, en se prenant un peu les pieds dans le tapis, a montré qu'il était difficile de répondre à la question, dès lors que n'avaient encore abouti ni la concertation ni la réflexion globale sur la combinaison entre la régulation publique - que nous allons d'ailleurs contribuer à mettre en place en précisant la responsabilité des hébergeurs et des fournisseurs d'accès - et la régulation par le marché, qui est une réalité.

Ainsi, monsieur Martin-Lalande, nous aurons peut-être un jour une discussion pour savoir si se justifie la création d'un conseil supérieur, organe de concertation, comme vous l'avez dit, et non pas autorité de régulation dotée d'un pouvoir de sanction. Je vous suivrais plutôt dans cette voie, mais trancher aujourd'hui serait très prématuré.

M. le président.

Un mot, monsieur Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Madame la ministre, lorsque vous nous soumettrez le projet de loi sur la société de l'information, cette question pourra-t-elle faire l'objet d'un nouvel examen, en vue de donner au Parlement la place qui lui revient dans la politique d'entrée de la France dans la société de l'information ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le député, à l'occasion du débat qui s'est engagé au Sénat préalablement à l'adoption de cet article, j'ai répondu qu'il serait bon d'attendre les conclusions du rapport que le Premier ministre a demandé à M. Christian Paul sur l'organisation de la corégulation. En effet, l'idée est bien d'associer à cette tâche les différents acteurs de la société de l'information. Au terme de cette réflexion, nous pourrons juger s'il convient de créer une nouvelle instance ou de modifier les compétences des instances actuelles. Mais ce débat me paraît aujourd'hui prématuré.

Cela étant, je puis vous assurer que le Gouvernement veillera à la mise en place d'un dispositif d'ensemble permettant de maîtriser et d'orienter dans le bon sens l'évolution de la société de l'information.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

54. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 1er AA est supprimé et les amendements nos 149 de M. MartinLalande, 161, 162, 163 et 164 de M. Santini tombent.

Après l'article 1er AA

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 466 et 207, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 466, présenté par Mme Bredin, est ainsi libellé :

« Après l'article 1er AA, insérer l'article suivant :

« Après le premier alinéa de l'article 6 de la loi du 30 septembre 1986, il inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les débats du Conseil supérieur de l'audiovisuel sont publics. Lors d'une prise de décision, le Conseil auditionne tout tiers intéressé. Tout vote se fait par scrutin public, assorti de la publication des auditions, des débats ainsi que des éventuelles opinions divergentes des membres du conseil qui s'y rapportent. »

L'amendement no 207 n'est pas défendu.

La parole est à Mme Frédérique Bredin, pour soutenir l'amendement no 466.

Mme Frédérique Bredin.

Il s'agit de renforcer la transparence des décisions du Conseil supérieur de l'audiovisuel au moyen de plusieurs mesures : publicité des débats, bien sûr ; publicité de tous les votes de façon que l'on sache comment chacun des membres du CSA s'est prononcé sur les décisions à prendre ou les nominations à prononcer ; publication des auditions et des débats, ainsi que des opinions divergentes des membres.

L'idée est simple. Nous sommes en train de confier, par cette loi, et notamment au travers de cette deuxième lecture sur le numérique hertzien, des pouvoirs considérables au CSA. Il est nécessaire que les décisions prises par cette autorité indépendante le soient en toute transparence, que leurs enjeux soient mis en évidence et que les positions de chacun des membres soient explicitées.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Ces débats qui ont déjà eu lieu en première lecture ont conduit la commission à confirmer sa position, c'est-à-dire à rétablir, par rapport au texte du Sénat - nous le verrons à l'article 4 - le principe de la transparence des délibérations du CSA. Nous avons en effet imposé pour les nominations à la tête des sociétés une décision motivée assortie de la publication des auditions et débats du Conseil qui s'y rapportent.

La commission a repoussé les amendements différant de cette formulation.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Même avis que le rapporteur.

M. le président.

La parole est à M. Olivier de Chazeaux.

M. Olivier de Chazeaux.

J'avoue ne pas comprendre la position du Gouvernement sur cette question très bien posée par Mme Bredin. Car, une fois n'est pas coutume, je la soutiens.

Le CSA va se voir confier de plus grands pouvoirs de régulation et j'avais cru comprendre que le Gouvernement n'en était que plus attaché à la transparence de ses décisions. La proposition de Mme Bredin va dans ce sens. Elle devrait donc être fortement appuyée par ses collègues et vous-même, madame la ministre, ne devriez pas craindre une transparence qui ne peut que renforcer la démocratie dans l'audiovisuel.

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

M. le rapporteur est soucieux, lui aussi, de la transparence des débats du Conseil supérieur de l'audiovisuel. La différence entre mon amende-


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ment et celui qui est proposé plus loin par la commission concerne la publicité des votes. Cela fait partie, à mon sens, de l'exigence de transparence que l'on peut légitimement formuler compte tenu des pouvoirs considérables désormais confiés à cette autorité indépendante. C'est pour le bien public que ces garanties sont nécessaires.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Madame la députée, je suis évidemment convaincue, comme tous ceux qui s'expriment ici, que la plus grande transparence doit prévaloir dans les décisions du CSA.

Cependant, le CSA prend chaque semaine une cinquantaine de décisions. Ce serait donc lui imposer une très lourde procédure que de l'obliger à auditionner systématiquement les tiers intéressés, à publier ces auditions - d'ailleurs publiques, je le rappelle - ainsi que les débats qui les suivent et les opinions divergentes. Les procèsverbaux que dresse systématiquement le CSA jouent ce rôle. Ils rendent compte de l'ensemble de ces éléments et peuvent être consultés par toute personne intéressée.

Par conséquent, les procédures actuelles respectent l'objectif de transparence.

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

Monsieur le président, à titre exceptionnel et pour répondre au souci de Mme la ministre, je vous demande de m'autoriser à rectifier mon amendement en supprimant la phrase : « Lors d'une prise de décision, le Conseil auditionne tout tiers intéressé. »

M. le président.

L'amendement est ainsi rectifié. Qu'en pense la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Cette rectification ne me paraît pas de nature à modifier l'avis de la commission, puisque l'amendement de Mme Bredin continue de s'appliquer à toutes les décisions du CSA. Si l'on peut imaginer un maximum de transparence sur des décisions structurantes pour l'audiovisuel français, faut-il pour autant imposer des scrutins publics sur chaque décision du Conseil, sachant qu'elles sont très nombreuses ? Cela poserait de surcroît un réel problème de fonctionnement.

La commission maintient donc son avis défavorable.

M. le président.

Et le Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Il ne faut pas changer la nature du CSA, instance qui délibère et se prononce collégialement. Or un scrutin public permet de connaître le vote de chacun. Dès lors, la procédure ne garantit plus la sérénité des délibérations ; elle conduit à isoler et à identifier la position de chaque membre.

Je pense, pour en avoir parlé avec les membres du CSA, qu'un changement aussi profond rendrait très compliqué le fonctionnement de cette instance et altérerait la nature collégiale des décisions. Il reste évidemment que les comptes rendus doivent être accessibles et les avis publics.

Dans ces conditions, l'avis du Gouvernement ne peut que demeurer défavorable.

M. le président.

Brièvement, monsieur de Chazeaux.

M. Olivier de Chazeaux.

La frilosité du Gouvernement en matière de transparence me stupéfie. Après avoir entendu Mme Bredin, je me rallie à sa proposition de rectification ; elle améliore encore son excellent amendement, qui représente un progrès évident en matière audiovisuelle.

Vous ne pouvez pas, madame la ministre, vous retrancher derrière la notion de collégialité alors même que votre texte accroît les pouvoirs du CSA, donc la responsabilité personnelle de ses membres. La contrepartie de cette responsabilité accrue doit être, pour chacun d'eux, l'obligation d'assumer publiquement ses décisions. Cela va dans le sens de la démocratie, si nécessaire pour une vraie liberté de communication.

M. le président.

La parole est à M. Michel Françaix.

M. Michel Françaix.

Madame la ministre, je comprends vos arguments et, pour une part, je les partage. Je me rends bien compte que l'amendement de Frédérique Bredin compliquerait le fonctionnement du CSA puisque les règles de transparence ainsi posées s'appliqueraient à l'ensemble de ses très nombreuses décisions. Mais trois ou quatre autres amendements de Mme Bredin portent sur le même thème et je ne voudrais pas vous entendre leur opposer à chaque fois l'argument de la collégialité. On ne peut pas augmenter considérablement les pouvoirs du CSA sans prévoir en contrepartie des garanties de plus grande transparence.

A titre personnel, je voterai donc contre ce premier amendement, mais je demanderai au groupe de se prononcer pour l'adoption des suivants.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je rappelle que le CSA a un pouvoir de sanction et que, dans ces conditions, il se prononce en portant un jugement. On peut donc difficilement lui demander - et il en serait de même pour un juge - de fonctionner comme le prévoit l'amendement no 466 rectifié. Notre objectif est de permettre au CSA d'exercer le mieux possible son pouvoir de jugement et de sanction. Cet amendement rendrait sa tâche difficile - M. Françaix l'a d'une certaine façon reconnu. Le Gouvernement a le souci de préserver la transparence mais il ne souhaite pas fragiliser la prise de décision de la Haute autorité.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 466 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er A

M. le président.

« Art. 1er A. - Le titre II de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« C HAPITRE VI

« Dispositions relatives aux services de communication audiovisuelle en ligne

« Art. 43-6-1 . - Toute personne exerçant l'activité de prestataire de services d'accès à des services de communication audiovisuelle fournis sur un réseau électronique est tenue de proposer à ses clients un moyen technique leur permettant de restreindre l'accès à ces services ou de les sélectionner.

« Art. 43-6-2 . - I. - Toute personne exerçant l'activité de prestataire de services d'accès à des services de communication audio visuelle fournis sur un réseau électronique, ou d'hébergement de tels services, est tenue :

« - de s'assurer de l'identité de ses abonnés et de celle du directeur de la publication, au sens de l'article 93-2 de la loi no 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, de chacun des services qu'il héberge ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

« - de conserver les données de connexion aux services qu'il héberge pendant un délai fixé par décret en Conseil d'Etat.

« II. Les prestataires des services mentionnés au premier alinéa du I peuvent être tenus pour responsables des contenus illicites des services de communication audiovisuelle fournis sur un réseau électronique dès lors :

« - qu'ils sont à l'origine de la transmission ou de la mise à disposition de ces contenus, ou qu'ils ont participé à leur création ou à leur édition ;

« - ou qu'ils ont refusé de révéler l'identité des auteurs ou des éditeurs de ces contenus aux tiers justifiant d'un intérêt légitime ;

« - ou qu'ils n'ont pas fait toute diligence pour reconnaître et ne pas interférer avec les mesures techniques qui ont été mises en place par les titulaires de droits de propriété intellectuelle pour permettre l'identification ou la protection des oeuvres ou enregistrements transmis ;

« - ou qu'ils n'appliquent pas vis-à-vis de leurs clients une charte contractuelle leur rappelant la nécessité de respecter la législation en vigueur et prévoyant que le contrat de ces derniers pourra être résilié dans le cas où ils commettent des infractions de façon répétée ;

« - ou, pour les prestataires de services d'hébergement, qu'ayant eu connaissance du caractère illicite de ces contenus, ils n'ont pas fait toute diligence pour mettre en demeure leurs auteurs ou éditeurs de les retirer ou pour en rendre l'accès impossible.

« Art. 43-6-3 . - I. - Est puni de six mois d'emprisonnement et de 50 000 francs d'amende le fait, pour toute personne exerçant une des activités définies au premier alinéa du I de l'article 43-6-2 :

« - de ne pas respecter l'une des obligations définies aux deuxième et troisième alinéas du I de cet article ;

« - ou de ne pas déférer à une demande de l'autorité judiciaire de lui communiquer l'identité des utilisateurs de son service.

« Les personnes physiques coupables de ces infractions encourent également, dans les conditions prévues par l'article 131-27 du code pénal, la peine complémentaire d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise.

« II. Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal, des infractions définies au I.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« - l'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;

« - les peines complémentaires prévues aux 2o , 4o et 9o de l'article 131-39 du code pénal. »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche.

Je vais m'efforcer d'établir le lien entre notre discussion en première lecture, au printemps dernier, et celle d'aujourd'hui. Je souhaite aussi saluer le t ravail de notre rapporteur qui, dans un domaine complexe et surtout mal connu, a su clairement définir les enjeux. Contrairement à ce qui a été écrit, l'article 1er A et l'amendement no 152 de la commission visent non pas à déresponsabiliser les intermédiaires techniques, qu'ils soient hébergeurs ou fournisseurs d'accès, mais à clarifier les responsabilités. En effet, Internet n'est pas un espace de non-droit. Si, la plupart du temps, et fort heureusement, c'est le droit commun qui s'applique, il reste nécessaire, ici ou là, d'adapter le droit. En l'occurrence, il s'agit plus d'un problème d'application du droit que de droit.

Dans notre démarche, car j'associe à mon propos la commission - qui a repris l'amendement que j'avais proposé -, nous n'avons pas souhaité reprendre la rédaction du Sénat. Nous avons préféré revenir à notre texte de première lecture, mais en apportant des précisions d'ordre rédactionnel, et, surtout, en prenant en compte certaines des observations formulées soit par les hébergeurs et les fournisseurs d'accès, soit par des associations qui se font les défenseurs d'un certain nombre de causes justes, comme l'on dit.

Voilà pourquoi nous avons retenu un troisième cas d'engagement de la responsabilité des hébergeurs et des fournisseurs d'accès. En première lecture, nous n'en avions retenu que deux : celui où l'hébergeur est à l'origine de la création ou de la production d'un contenu mis en cause, et celui où, ayant été saisi par l'autorité judiciaire, il n'a pas promptement réagi en fermant l'accès à un contenu que l'autorité judiciaire elle-même a estimé illicite. Nous avons donc souhaité, pour cette deuxième lecture, ouvrir un troisième cas d'engagement de responsabilité des hébergeurs et des fournisseurs d'accès, en prenant en compte deux aspects.

Le premier est d'ordre communautaire. On sait qu'une directive sur le commerce électronique est en discussion, et qu'elle traitera de la question de la responsabilité.

Nous avons donc anticipé, en quelque sorte, sur sa transposition en droit interne.

Le second, et c'est après tout le seul qui importe vraiment, porte sur la nécessité de voir un peu ce qui se passe dans la réalité. Quand les hébergeurs et les fournisseurs d'accès sont sollicités au sujet d'un contenu qui pose problème - parce qu'il est illégal, ou parce qu'il est illicite et qu'il porte donc atteinte aux droits de tiers -, ils sont fort heureusement conduits à réagir et à présenter des réponses graduées. C'est précisément cette notion de réponse graduée que nous avons cherché à introduire en parlant de « diligences appropriées ». Nous avons néanmoins tenu à rappeler, parce que nous vivons en République, et qu'il s'agit ici de protéger une liberté publique essentielle, la liberté d'expression, que c'est l'autorité judiciaire, et elle seule, qui décide si un contenu est illicite ou illégal.

Mme Christine Boutin.

Très bien !

M. Patrick Bloche.

Il convient bien sûr de traquer les contenus illégaux et illicites sur la Toile, mais il faut s'y employer en faisant appel à la notion de responsabilité et sans que la liberté d'expression soit mise à mal.

Il eût été, à mon avis, extrêmement dangereux de ne pas modifier le droit, ou de le faire mal à propos. Le risque eût été alors de placer les hébergeurs et les fournisseurs d'accès dans une situation d'insécurité. Ils auraient eu le réflexe bien naturel de se protéger, ce qui aurait sans doute conduit à de très nombreux cas de censure préalable. Un coup dur aurait été porté à l'expression de la diversité des opinions, et donc, tout simplement, à la liberté d'expression.

Mme Frédérique Bredin et M. Christian Paul.

Très bien !

Mme Christine Boutin.

Je suis d'accord !

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

M. Patrice Martin-Lalande.

Dès 1996, j'avais été conduit, dans le cadre d'une proposition de loi, à étudier la question soulevée par l'article 1er A. J'y suis ensuite revenu en 1997, dans mon rapport au Premier ministre.

C'est dire si le problème est ancien. Aujourd'hui, nous devons tous ensemble faire avancer les choses, mais il est nécessaire de mettre en place un système équilibré de responsabilité.

L'objectif de l'amendement que j'ai déposé avec André Santini à cet article, et qui reprend un amendement présenté en première lecture, est donc de prévoir un dispositif où la responsabilité de l'éditeur est la règle, où celle du fournisseur d'accès ou d'hébergement est strictement limitée à certains cas énumérés, et où celle des plaignants de mauvaise foi peut être engagée.

Cet amendement crée pour les personnes concernées une obligation de mise à disposition des moyens techniques nécessaires pour restreindre l'accès aux services visés. Afin de garantir son effectivité, il assortit cette obligation d'une sanction, absente dans le dispositif actuel.

Une obligation sans sanction aurait peu de chance d'être unanimement respectée. En cas de manquement, il est prévu le paiement d'une contravention, dont le montant doit être assez élevé pour être dissuasif.

L'amendement définit ensuite les différents cas où la responsabilité des fournisseurs d'accès ou des hébergeurs de sites peut être engagée. Il retient l'expression générique de « signaux numériques », excluant ainsi toute énumération limitative et nécessairement incomplète à terme.

Il est important de ne pas limiter l'engagement de la responsabilité des personnes concernées aux cas où elles sont « à l'origine » du contenu litigieux. En effet, une personne peut tout à fait contribuer à la création ou à la production d'un contenu litigieux sans en être à proprement parlé « à l'origine ». Il est essentiel que cette personne ne soit pas pour autant exonérée de sa responsabilité. L'amendement retient donc la notion, plus précise, de contribution à la création ou à la production de contenu.

L'amendement écarte également la qualification d'activité de stockage « directe et permanente ». Le premier qualificatif est inutilement restrictif. Quant à la notion de permanence, elle nous a semblé en contradiction totale avec l'instantanéité caractéristique d'Internet. En effet, un contenu peut apparaître, disparaître ou être déplacé d'un site à un autre, instantanément et à tout moment ou presque.

Le troisième et dernier cas de responsabilité ne doit pas être restreint à la « mise en demeure » des personnes concernées. L'amendement l'élargit à toute saisine par un tiers, quelle que soit la forme de cette saisine. La mise en demeure est une forme trop précise qui risquerait de rendre moins facile, pour quelqu'un qui veut protester et signaler quelque chose qui ne va pas, l'accomplissement de cette démarche.

L'amendement pose aussi le principe législatif de l'obligation d'identification des auteurs de contenu. Les fournisseurs d'accès et les hébergeurs ont l'obligation de déten ir et de conserver des données permettant l'identification, et non simplement d'y concourir, comme il est dit dans l'amendement de M. Bloche.

L'amendement ajoute encore que, en application de l'article 145 du nouveau code de procédure civile, les mesures d'instruction nécessaires à la constitution et à la conservation de preuves pourront être mises en oeuvre par le juge à la demande de tout intéressé. Si une telle disposition relève du droit commun, il nous semble utile de la rappeler dans ce texte afin de préciser les moyens judiciaires qui permettront l'identification des auteurs de contenus en ligne.

Enfin, pour assurer l'équilibre des responsabilités et prévenir les recours intempestifs, voire les demandes exagérées de certains, l'amendement prévoit des sanctions applicables en cas de mauvaise foi des tiers requérants.

Tel est le système équilibré que nous souhaitons introduire dans la législation française. Si j'en juge par les préoccupations exprimées par mes collègues, il semblerait que nous convergions sur de nombreux points. Et les améliorations qu'André Santini et moi-même proposons vont dans le sens souhaité.

L'amendement no 152, présenté par M. Martin-Lalande et M. Santini, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 1er A :

« Le titre II de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« C HAPITRE VI

« Dispositions relatives aux services de communications en ligne autres que de correspondance privée

« Art. 43-6-1. - Sous peine d'une contravention d'un maximum de 500 000 francs, toute personne physique ou morale dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication en ligne autres que de correspondance privée est tenue de proposer un moyen technique permettant de restreindre ou de sélectionner l'accès à certains services.

« Art. 43-6-2. - Les personnes physiques ou morales qui assurent, directement ou indirectement, à titre gratuit ou onéreux, l'accès à des services de communication en ligne autres que de correspondance privée ou le stockage pour mise à disposition du public de signaux numériques de toute nature accessibles par ces services, ne sont pénalement ou civilement responsables des atteintes aux droits des tiers résultant du contenu de ces services que :

« si elles ont elles-mêmes contribué à la création ou à la production de ce contenu ;

« ou si, ayant été saisies par une autorité judiciaire, elles n'ont pas agi promptement pour empêcher l'accès à ce contenu, sous réserve qu'elles en assurent le stockage ;

« ou si, ayant été saisies, par un tiers, du caractère illicite ou préjudiciable d'un contenu dont elles assurent l'accès ou le stockage, elles n'ont pas procédé aux diligences appropriées.

« Art. 43-6-3. - Les personnes mentionnées à l'article 43-6-2 sont tenues de détenir et de conserver des données permettant l'identification de la personne ayant procédé à la création ou à la production du contenu en cause.

« Lorsqu'elles sont saisies par une autorité judiciaire, elles sont tenues de lui transmettre les données en leur possession.

« Un décret en Conseil d'Etat définit les données mentionnées au premier alinéa, ainsi que la durée et les modalités de leur conservation.

« Art. 43-6-4. - Toute personne qui met à disposition des signaux numériques de toute nature accessibles par réseau qui auraient un caractère illicite ou préjudiciable, peut être identifiée dans le cadre de la mise en oeuvre des dispositions de l'article 145 du nouveau code de procédure civile.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

« Art. 43-6-5. - Toute personne qui, de mauvaise foi, s'adresse à une personne physique ou morale assurant l'accès ou le stockage de signaux numériques de toute nature accessibles par réseau, dans le but d'en interdire l'accès, est passible des peines prévues à l'article 226-10 du code pénal. »

L'amendement no 368, présenté par M. Jacquat, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 1er A :

« Le titre II de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« C HAPITRE VI

« Dispositions relatives aux services de communication audiovisuelle en ligne

« Art. 43-6-1. - Toute personne exerçant l'activité de prestataire de services d'accès à des services de communication audiovisuelle fournis sur un réseau de télécommunications régi par les articles L. 33 et suivants du code des postes et télécommunications est tenue de proposer à ses clients un moyen technique leur permettant de restreindre l'accès à ces services ou de les sélectionner.

« Art. 43-6-2. I. - Toute personne exerçant l'activité de prestataire de services d'accès à des services de communication audiovisuelle fournis sur unr éseau de télécommunications régi par les articles L. 33 et suivants du code des postes et télécommunications, ou d'hébergement de tels services, est tenue :

« de s'assurer de l'identité de ses abonnés et de celle du directeur de la publication, au sens de l'article 93-2 de la loi no 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, de chacun des services qu'il héberge ;

« de conserver les données de connexion aux services qu'il héberge ou auxquels il donne accès pendant un délai fixé par décret en Conseil d'Etat.

« de révéler l'identité des auteurs ou des éditeurs des contenus des services de communication audiovisuelle visés au présent article au bénéficiaire d'une décision judiciaire l'autorisant à avoir communication de cette information ; cette décision pourra être rendue sur requête suivant la procédure prévue aux articles 493 à 498 du nouveau code de procédure civile, dans des conditions définies par décret pris en Conseil d'Etat.

« de faire toute diligence pour reconnaître et ne pas interférer avec les mesures techniques qui ont été mises en place par les titulaires de droits de propriété intellectuelle pour permettre l'identification ou la protection des oeuvres ou enregistrements transmis ;

« d'appliquer vis-à-vis de leurs clients une charte contractuelle leur rappelant la nécessité de respecter la législation en vigueur et prévoyant que le contrat de ces derniers pourra être résilié dans le cas où ils commettent des infractions de façon répétée.

« II. Sont responsables des contenus illicites des services de communication audiovisuelle fournis sur un réseau de télécommunication régi par les articles

L. 33 et suivants du code des postes et télécommunications :

« les prestataires de services mentionnés au premier alinéa du I qui ont participé à la création ou à l'édition de ces contenus, ou sont à l'origine de leur transmission, ou sélectionnent le destinataire de cette transmission, ou sélectionnent et/ou modifient lesdits contenus,

« les prestataires de services d'hébergement qui, ayant eu connaissance du caractère illicite de ces contenus ou n'ayant pu l'ignorer compte tenu de faits ou de circonstances selon lesquels les contenus illicites étaient apparents, n'ont pas fait toute diligence pour les retirer ou pour en rendre l'accès impossible,

« les responsables d'opérations de stockage automatique, intermédiaire et temporaire fait dans le seul but de rendre plus efficace la transmission de contenus, qui ne se seront pas conformés aux conditions suivantes :

« ne pas modifier les contenus ainsi stockés,

« se conformer aux conditions d'accès auxdits contenus,

« se conformer aux règles concernant la mise à jour desdits contenus, indiquées d'une manière largement reconnue et utilisées par les entreprises,

« ne pas entraver l'utilisation licite de la technologie, largement reconnue et utilisée par l'industrie, dans le but d'obtenir des données sur l'utilisation desdits contenus,

« et agir promptement pour retirer les contenus qu'ils ont stockés ou pour en rendre l'accès impossible dès qu'ils ont effectivement connaissance du fait que le contenu à l'origine de la transmission a été retiré du réseau ou du fait que l'accès audit contenu a été rendu impossible, ou du fait qu'un tribunal ou une autorité administrative a ordonné de retirer ledit contenu ou d'en rendre l'accès impossible,

« les prestataires de services d'accès qui, ayant été informés du caractère illicite de ces contenus par un tiers ayant un intérêt légitime, dans des conditions et suivant une procédure définies par décret pris en Conseil d'Etat, n'ont pas fait toutes diligences, compte tenu des moyens techniques disponibles, pour en rendre l'accès impossible.

« III. Les dispositions du II ci-dessus n'affectent pas la possibilité des personnes aux droits desquelles un contenu illicite porte atteinte de saisir toute autorité compétente, conformément aux procédures en vigueur, afin d'exiger d'un prestataire de services visé par ces dispositions qu'il mette un terme à une telle atteinte ou en prévienne la réalisation.

« Art. 43-6-3. - 1o Est puni de 6 mois d'emprisonnement et de 50 000 F d'amende le fait, pour toute personne exerçant une des activités définies au premier alinéa du I de l'article 43-6-2 de ne pas respecter l'une des obligations définies aux alinéas 2 à 6 du I de cet article.

« Les personnes physiques coupables de cette infraction encourent également, dans les conditions prévues par l'article 131-27 du code pénal, la peine c omplémentaire d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle dans l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.

« 2o Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal, des infractions définies au 1o


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« l'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-88 du code pénal ;

« les peines complémentaires prévues aux 2o , 4o et 9o de l'article 131-39 du code pénal. »

L'amendement no 55, présenté par M. Mathus, rapporteur, et M. Bloche, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 1er A :

« Le titre II de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« C HAPITRE VI

« Dispositions relatives aux services de communication en ligne autres que de correspondance privée

« Art. 43-6-1. Les personnes physiques ou morales dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication en ligne autres que de correspondance privée sont tenues de proposer un moyen technique permettant de restreindre l'accès à certains services ou de les sélectionner.

« Art. 43-6-2. Les personnes physiques ou morales qui assurent, directement ou indirectement, à titre gratuit ou onéreux, l'accès à des services de communication en ligne autres que de correspondance privée ou le stockage pour mise à disposition du public de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature accessibles par ces services, ne sont pénalement ou civilement responsables des atteintes aux droits des tiers résultant du contenu de ces services que :

« si elles sont elles-mêmes à l'origine de la création ou de la production de ce contenu ;

« ou si, ayant été saisies par une autorité judiciaire, elles n'ont pas agi promptement pour empêcher l'accès à ce contenu, sous réserve qu'elles en assurent le stockage de manière directe et permanente ;

« ou si, ayant été destinataires d'une mise en demeure d'un tiers estimant que le contenu qu'elles hébergent de manière directe et permanente est illicite et lui cause un préjudice, elles n'ont pas procédé a ux diligences appropriées, l'autorité judiciaire demeurant seule juge du caractère illicite du contenu en cause.

« Art. 43-6-3. Les personnes mentionnées à l'article 43-6-2 sont tenues de détenir et de conserver des données concourant à l'identification de la personne ayant procédé à la création ou à la production du contenu en cause.

« Lorsqu'elles sont saisies par une autorité judiciaire, elles sont tenues de lui transmettre les données en leur possession.

« Un décret en Conseil d'Etat définit les données mentionnées au premier alinéa ainsi que la durée et les modalités de leur conservation. »

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l'amendement no 152.

M. Patrice Martin-Lalande.

Je considère l'avoir déjà défendu, monsieur le président. Avec votre permission, je reviendrai tout à l'heure sur les points qui pourraient poser un problème.

M. le président.

L'amendement no 368 de M. Denis Jacquat est-il défendu ?

M. Patrice Martin-Lalande.

Oui.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement no

55.

M. Didier Mathus, rapporteur.

Cet amendement a été largement présenté par M. Bloche. Contrairement aux auteurs des deux autres amendements, nous avons choisi de repartir du socle édifié par la commission en première lecture. Le dispositif a été amélioré grâce notamment aux travaux du Sénat qui ont apporté un éclairage fort utile.

Patrick Bloche en a rappelé les différentes évolutions dans son intervention liminaire. Des sous-amendements de précision, dont un très important du Gouvernement, viendront utilement compléter notre amendement.

M. le président.

Puis-je en déduire, monsieur le rapporteur, que la commission a émis un avis défavorable sur les deux autres amendements ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

C'est bien cela, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement de MM. Martin-Lalande et Santini. Certes, son orientation générale est assez voisine des dispositions proposées par l'amendement de la commission mais il présente un certain nombre de difficultés dont je voudrais souligner les deux principales.

D'abord, l'ouverture de la saisine de l'intermédiaire technique à toute personne, même si celle-ci ne subit pas d'atteinte à ses droits, tend à élargir excessivement cette procédure ; elle risque de déresponsabiliser les plaignants et de nuire à la mise en place de réponses appropriées des hébergeurs. En outre, cette ouverture excessive ouvre la possibilité de saisir non seulement l'hébergeur mais aussi le fournisseur d'accès, et de ce fait d'élargir la responsabilité des fournisseurs d'accès d'une manière incompatible avec le projet de directive européenne.

L'amendement de M. Jacquat, quant à lui, tend à se conformer au projet de directive relative aux services de la société de l'information. C'est aussi le cas du dispositif figurant dans l'amendement de la commission et de M. Bloche. Par ailleurs, les Etats membres disposent d'une marge d'appréciation des modalités de transposition des textes communautaires.

Sur le fond, l'obligation faite aux fournisseurs d'accès de s'assurer de l'identité de leurs abonnés, à l'instar de l'ouverture d'un compte bancaire, semble disproportionnée aux objectifs recherchés et entraînerait nécessairement des surcoûts. Elle pourrait en particulier rendre impossible le développement de certaines formes d'abonnement à l'Internet, notamment les abonnements gratuits. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement de M. Jacquat.

En revanche, il est favorable à l'amendement de la commission et de M. Bloche, parce qu'il constitue une avancée certaine en matière d'adaptation de notre droit à la société de l'information. Il reconnaît, par la création d'un chapitre dédié aux services en ligne, leur spécificité au sein du régime général de la communication audiovisuelle. La suppression du régime de déclaration préalable représente une innovation significative dans l'organisation par la loi de la liberté d'expression. Pour la première fois, l'exercice du droit de communication publique à travers un média ne sera conditionné par aucune obligation d'autorisation, de visa, de déclaration, de convention, d'enregistrement auprès d'une autorité administrative.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

Je proposerai ultérieurement un système volontaire d'identification des éditeurs de contenu. L'amendement assure donc un équilibre réaliste entre la liberté d'expression et la nécessaire responsabilité des différents acteurs.

S'agissant des intermédiaires techniques, il doit être reconnu qu'ils ne sont pas en position pour les uns de connaître et pour les autres de surveiller, a priori, les contenus qu'ils mettent à disposition.

Si les pouvoirs publics entendent limiter la responsabilité des intermédiaires techniques à quelques situations bien précises, c'est fondamentalement parce que l'Etat ne cherche pas à contrôler indirectement les contenus sur l'Internet en imposant une surveillance par les opérateurs techniques mal fondés sur le plan des libertés publiques.

Dans cette nouvelle version de l'amendement, un nouveau cas de responsabilité des hébergeurs est introduit.

Cette responsabilité pourra être engagée si, après une mise en demeure, ils n'ont pas procédé aux diligences appropriées. Cette disposition garantit à d'éventuelles victimes une réaction de l'hébergeur sans le transformer en censeur des contenus ou en juge de leur légalité. Voilà pourquoi cet amendement est le plus adapté, le plus clair et le plus opérationnel.

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Le problème traité par ces trois amendements est extrêmement important. J'avais d'ailleurs eu l'occasion de le soulever devant Mme la garde des sceaux, qui m'avait renvoyée au texte sur la liberté de communication. Les propositions qui nous sont présentées me semblent mieux adaptées à la réalité technique que celles de la première lecture.

Pour ma part, je tiens à dire très clairement que je suis hostile à toute censure. Au nom de la liberté d'expression à laquelle je suis fondamentalement attachée, je considère donc que le libre accès doit être garanti. C'est l'autorité judiciaire qui, in fine, doit se prononcer. Pour cette raison, et à moins que M. Martin-Lalande ne me donne des arguments complémentaires, je soutiendrai, malgré nos différences ou en raison peut-être de nos différences, l'amendement de la commission et de M. Bloche.

M. Michel Françaix.

C'est un grand moment ! (Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Des explications complémentaires s'imposent. Dans le troisième cas de responsabilité envisagé dans notre amendement : « ou si, ayant été saisies, par un tiers, du caractère illicite ou préjudiciable d'un contenu dont elles assurent l'accès ou le stockage, elles n'ont pas procédé aux diligences appropriées » l'exp ression « diligences appropriées » ne recouvre rien d'autre que la saisine du juge - en référé ou d'une autre manière -, ou la transmission de ce que le tiers a indiqué au responsable du contenu pour qu'il y apporte des modifications. Il ne s'agit aucunement de donner aux hébergeurs une possibilité de censurer quoi que ce soit.

Nous sommes tous d'accord sur le fond mais la rédaction que nous proposons me semble plus claire.

Ainsi, l'exigence, par l'amendement de la commission d'une « mise en demeure » me paraît bien lourde alors que nous voulons permettre à tous ceux qui ont constaté une illégalité sur Internet d'agir. C'est pourquoi, notre amendement propose que l'on se contente d'une simple saisine, quelle qu'en soit la forme.

P ar ailleurs, nous n'avons pas précisé, comme M. Bloche, que « l'autorité judiciaire demeure seule juge du caractère illicite du contenu en cause », bien que nous le pensions, parce qu'il nous paraît aller de soi que le juge est seul habilité à se prononcer sur le caractère illicite.

Et lorsque nous évoquons les « diligences appropriées », il s'agit de la saisine du juge en référé par les voies ordinaires ou de la transmission de la plainte reçue à l'auteur du contenu afin de lui permettre de le modifier, et non pas de donner à l'hébergeur une possibilité de censure.

Mme la ministre ayant indiqué que l'amendement de la commission était plus précis que les autres, je vais prendre quelques exemples montrant que ce ne semble pas être le cas.

D'abord cet amendement qui impose l'obligation de

« proposer un moyen technique permettant de restreindre l'accès à certains services » ne l'assortit d'aucune sanction, ce qui nous semble indispensable. C'est pourquoi nous proposons une contravention de 500 000 francs, montant dont nous accepterions d'ailleurs la modification.

Nous estimons aussi que l'expression « signaux numériques de toute nature » est plus précise et moins sujette à contestation que le texte de l'amendement de la commission qui vise la mise à disposition de « signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature accessibles par ces services ».

De même l'amendement de la commission me semble moins précis que le nôtre quand il prévoit que la responsabilité des personnes concernées ne peut être engagée que « si elles sont elles-mêmes à l'origine de la création ou de la production de ce contenu ». En effet, quelqu'un peut avoir une idée, et la voir se concrétiser par une autre personne. Peut-on considérer que celui qui a eu l'idée, mais qui n'a pas participé à l'élaboration du contenu, est à l'origine du site ? Il est préférable de décider que les personnes en question doivent avoir « contribué à la création ou à la production du contenu ».

Par ailleurs, il vaudrait dans le texte proposé par l'amendement pour l'article 43-6-2, ne pas employer les mots « de manière directe et permanente » car ils peuvent être très restrictifs compte tenu de la nature de l'Internet.

Au-delà de ces quelques remarques, nous sommes d'accord sur le fond, y compris sur le fait qu'il s'agit, non pas de donner un pouvoir d'appréciation de la légalité aux hébergeurs, mais de les mettre dans l'obligation, pour que leur responsabilité ne se trouve pas engagée, d'agir auprès du juge ou, auparavant, auprès de l'auteur du contenu incriminé en lui demandant de le modifier avant que la justice ne s'en mêle.

M. le président.

La parole est à M. Olivier de Chazeaux.

M. Olivier de Chazeaux.

L'amendement no 55 a deux objets.

D'abord, placer enfin les services de communication en ligne, donc Internet, dans le champ des compétences du CSA. En effet, il les considère comme des services audiovisuels, ce qui les met sous l'autorité de la loi du 30 septembre 1986. Malheureusement, monsieur Bloche, vous n'en tirez pas profit, puisque vous privez le CSA de rôles qu'il pourrait jouer en la matière.

Ensuite, organiser la responsabilité des différents utilisateurs. J'ai certes bien compris que vous essayez de l'organiser, notamment pour les hébergeurs à titre gratuit.

Cependant, la carence constatée en première lecture per-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

dure à l'égard des victimes de services utilisés sur Internet. Tout le monde connaît l'affaire altern.org concernant Estelle Hallyday.

Il aurait été utile de prévoir une obligation déclarative a priori auprès du CSA, afin qu'il soit facile d'identifier les éditeurs qui, ayant hébergé à titre gratuit, et qui sont, en fait, à l'origine des préjudices subis par les victimes.

L'identification des éditeurs de ces services permettrait de mieux organiser la responsabilité : en écartant ainsi l'hébergeur, vous permettriez à la victime de connaître la personne qu'il convient d'assigner pour lui réclamer la réparation du préjudice subi.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche.

M. de Chazeaux a commis deux imprécisions que je souhaite corriger.

D'abord, il s'agit non de faire entrer les services en ligne dans la loi sur la liberté de la communication, mais de ne pas les en faire sortir. A cet égard, j'avoue avoir été très tenté de revoir la rédaction des articles 1er et 2, mais je suis un législateur plutôt sage. Nous n'avons donc pas touché à ces deux piliers du temple. En fait, les services en ligne demeureront un sous-ensemble de la communication audiovisuelle de laquelle, collectivement et malgré nos tentations, nous n'avons pas voulu les faire sortir.

Ensuite, le problème de l'identification - traité de manière plus approfondie par le sous-amendement du Gouvernement qui crée un article 43-6-4 - tient au fait qu'il faut assurer celle des auteurs d'un contenu illicite ou illégal, et non celle des éditeurs. En effet, ni l'hébergeur ni le fournisseur d'accès ne sont anonymes.

A ce propos je rappelle que l'Assemblée nationale et le Sénat ont supprimé, en première lecture, de manière convergente et unanime, l'obligation d'une déclaration préalable devant le CSA.

Nous estimons donc que, si le CSA a un rôle à jouer en la matière, ce n'est pas celui que vous voulez lui assigner.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 152.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 368.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Sur l'amendement no 55 de la commission, dont nous avons débattu dans le cadre de la discussion commune, je suis saisi de plusieurs sousamendements.

Les deux premiers peuvent être soumis à une discussion commune.

Le sous-amendement no 331, présenté par M. de Chazeaux, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 436-1 de la loi du 30 septembre 1986 par l'amendement no 55 :

« Art.

43-6-1. Toute personne dont l'activité est d'offrir, à titre gratuit ou non, un service de connexion aux fins de mise à disposition du public de signes ou de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature n'ayant pas le caractère de correspondance privée est tenue de déclarer auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel l'adresse des sites qu'elle héberge et le nom de leur responsable éditorial. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut, à tout moment, émettre un avis publié au Journal officiel sur la nature de ces sites et, le cas échéant, sur les modifications nécessaires à leur mise en conformité avec la loi.

« La personne visée à l'alinéa précédent est responsable du contenu des éléments diffusés s'il est établi : soit qu'elle a enfreint les dispositions de l'article 43-6 ; soit qu'elle a participé à l'élaboration de ce contenu ; soit qu'elle a exercé son activité sans mettre en place les moyens suffisants définis par décret en Conseil d'Etat et visant à garantir la conformité de ce contenu à la loi. »

Le sous-amendement no 153, présenté par MM. Martin-Lalande, Santini et Dominati, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 43-6-1 de la loi du 30 septembre 1986 par l'amendement no 55 :

« Art.

43-6-1. Sous peine d'une contravention de 500 000 F, toute personne physique ou morale dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication en ligne autres que de correspondance privée est tenue de proposer un moyen technique permettant de restreindre ou de sélectionner l'accès à certains services. »

La parole est à M. Olivier de Chazeaux, pour soutenir le sous-amendement no 331.

M. Olivier de Chazeaux.

Sous-amendement défendu.

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande, pour défendre le sous-amendement no 153.

M. Patrice Martin-Lalande.

Bis repetita placent ! Une obligation, comme celle que nous voulons tous inscrire dans la loi, qui ne serait pas assortie d'une sanction a peu de chances d'avoir les effets attendus. Je propose donc, avec André Santini, de l'assortir d'une contravention de 500 000 F. Je suis d'ailleurs prêt à modifier le sous-amendement pour parler de montant « maximum » de la contravention, car, à la réflexion, un tarif fixe ne me paraît pas tout à fait souhaitable.

M. le président.

Cela vous est possible.

M. Patrice Martin-Lalande.

Je propose donc de rédiger ainsi le début du texte proposé pour l'article 43-6-1 :

« Sous peine d'une contravention d'un montant maximum de 500 000 F. »

M. le président.

Le sous-amendement no 153 est ainsi rectifié.

Quel est l'avis de la commission sur ces sous-amendements ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

La commission les a repoussés.

A insi que l'a montré Patrick Bloche, celui de M. de Chazeaux relève d'une autre logique, celle de la régulation d'Internet par le CSA, ce qui n'est pas à l'ordre du jour.

Celui de M. Martin-Lalande traite de l'intéressante question des sanctions pénales, mais il ne paraît pas correctement calibré. Nous pourrions revoir cette question en troisième lecture puisque le texte progresse à chaque examen.

M. Olivier de Chazeaux.

C'est la nouvelle jurisprudence, la troisième lecture !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le Gouvernement est défavorable aux deux sous-amendements. D'abord il s'est exprimé clairement en faveur


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

d'une suppression de la déclaration préalable. La procédure d'identification proposée dans l'amendement no 55 est donc plus conforme à l'orientation choisie par le Gouvernement.

S'agissant du sous-amendement no 153, la loi ne prévoit pas de sanction pénale pour un fournisseur d'accès qui ne mettrait pas à la disposition de ses abonnés un système de filtrage des contenus. Toutefois, compte tenu de la peine encourue, il ne s'agit pas d'une simple contravention, mais d'un délit, et la sanction prévue me paraît, comme au rapporteur, disproportionnée.

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

En ce qui concerne la nature de la contravention, madame la ministre, je préfère la réponse de M. Mathus qui laisse une ouverture.

Reste que ce texte est en train d'évoluer et que, si l'on veut être efficace, il est indispensable de prévoir une sanction. Le mérite de M. Martin-Lalande est d'en proposer une. Peut-être n'est-elle pas bien adaptée ? J'avais d'ailleurs l'impression que nous étions tous d'accord pour revoir la question.

A l'évidence, si nous votons l'amendement no 55, il faut prévoir une sanction. Sinon nous n'aurons fait que donner un coup d'épée dans l'eau. Je suis même étonnée que le Gouvernement n'ait rien proposé de lui-même.

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Ne pourrait-on pas solliciter une proposition du Gouvernement afin d'en sortir ? Le recours à une troisième lecture pour résoudre ce point de détail me semble un tout petit peu disproportionné.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 331.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 153 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 154, présenté par MM. Martin-Lalande, Santini et Dominati, est ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 43-6-2 de la loi du 30 septembre 1986 par l'amendement no 5, substituer aux mots : "de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature", les mots : "de signaux numériques de toute nature". »

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

La rédaction que nous proposons nous paraît plus sobre tout en étant suffisamment précise pour éviter les interprétations ultérieures.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

La commission n'a pasr etenu le sous-amendement. Bien que l'expression

« signaux numériques » soit techniquement exacte, elle a estimé que la rédaction de l'amendement, plus générale et ne visant pas la technique de transport, était facilement compréhensible.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche.

Le travail rédactionnel de notre collègue Martin-Lalande est intéressant et la formule qu'il propose est sans doute plus simple. Cependant, le problème tient au fait qu'il faudrait modifier préalablement les articles 1er et 2 de la loi de 1986. Peut-être pourrionsnous y travailler pour la troisième lecture. (Sourires.)

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin.

M me Christine Boutin.

L'expression que propose M. Martin-Lalande, peut-être un peu plus technique, est plus prudente compte tenu de la vitesse à laquelle se développent de nouvelles techniques. Elle permet en effet d'embrasser ce qui existe aujourd'hui et ce qui existera demain.

M. Jean-Claude Lefort.

Qui trop embrasse mal étreint !

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 154.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 488, présenté par M. Bloche, est ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 43-6-2 de la loi du 30 septembre 1986 par l'amendement no 55, supprimer les mots : "des atteintes aux droits des tiers résultant". »

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche.

Amendement rédactionnel destiné à mettre en évidence que le texte vise à la fois la responsabilité civile et la responsabilité pénale des intermédiaires.

Peut-être d'ailleurs la formule proposée par ce sousamendement n'est-elle pas plus claire que la rédaction initiale. (Sourires.)

Il serait sans doute préférable de rédiger ainsi le texte proposé par l'amendement pour l'article 43-6-2 : « Les personnes physiques ou morales... ne sont responsables pénalement ou responsables civilement des atteintes aux droits des tiers résultant du contenu de ces services que : ».

L'idée est de distinguer responsabilité pénale et responsabilité civile, puisque, selon la rédaction de l'amendement, l'une et l'autre pourraient concerner les atteintes aux droits des tiers.

M. le président.

Je ne peux accepter votre proposition.

C'est un nouveau texte et non pas simplement une rectification de votre sous-amendement.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

La commission n'a pas examiné ce sous-amendement. A titre personnel, la rédaction proposée par Patrick Bloche me paraît meilleure car elle lève l'ambiguïté de l'intégration du pénal. Elle est plus claire et il est même préférable de ne pas retenir la modification qu'il vient de suggérer.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le Gouvernement n'a évidemment pas pu analyser de façon attentive le sous-amendement de M. Bloche. Je comprends parfaitement l'intention, d'ailleurs explicitée dans l'exposé sommaire. J'ai également bien entendu les propos du rapporteur. Je regrette simplement que nous n'ayons pas eu la possibilité d'examiner les conséquences de ce sous-amendement.

Puisque tout le monde semble estimer que la rédaction proposée est meilleure, je m'en remets à la sagesse de votre assemblée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 488.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 155, présenté par MM. Martin-Lalande, Santini et Dominati est ainsi libellé :

« Dans l'amendement no 55, rédiger ainsi le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 43-6-2 de la loi du 30 septembre 1986 :

« si elles ont elles-mêmes contribué à la création ou à la production de ce contenu ; » La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Il me semble que l'expression « à l'origine » est trop restrictive, trop floue. Une personne physique ou morale peut contribuer à la création ou à la production d'un contenu litigieux sans être, à proprement parler, à l'origine de ce contenu. On peut très bien avoir une idée et ne pas la mettre en oeuvre ou, au contraire, mettre en oeuvre une idée que l'on n'a pas eue ! Les personnes qui ne seraient pas à l'origine du contenu litigieux ne doivent pas pour autant être exonérées de leurs responsabilités parce qu'elles ne seraient intervenues qu'après le lancement de l'idée. Le mot

« contribuer » vaut d'un bout à l'autre de la chaîne de la création et de la production du contenu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Défavorable. A titre personnel, je jugeais que ce sous-amendement apportait une précision assez satisfaisante. Mais la commission ne m'a pas suivi...

M. Patrice Martin-Lalande.

Un moment d'égarement !

M. Didier Mathus, rapporteur.

... écoutant, en particulier, l'argumentation de Patrick Bloche. Je garde tout de même le sentiment que « contribuer à la création » est plus précis que « à l'origine ». Mais nous sommes là dans le sémantisme pur.

En tout cas, la commission a repoussé le sousamendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

La notion d'origine de la création du contenu pourrait prêter à une interprétation tendant à déresponsabiliser l'hébergeur qui se serait contenté de modifier un contenu créé par un autre.

M. Patrice Martin-Lalande.

Exactement !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Toute opération sur le contenu doit, me semble-t-il, rouvrir la responsabilité du prestataire technique. Les rédactions proposées par les uns et les autres pourraient être retenues car elles ont le même objet. Reste la question de l'application.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche.

Patrice Martin-Lalande a repris l'écriture retenue en première lecture. Pour la seconde, j'ai préféré substituer au verbe « contribuer » l'expression

« être à l'origine », qui me semblait plus précise sur le plan juridique. Mais je n'en fais pas une question de principe ! Méfions-nous de vouloir trop bien faire.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 155.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux sous-amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

Le sous-amendement no 384 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 55, compléter le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 43-6-2 de la loi du 30 septembre 1986 par les mots : "ou si elles n'ont pas respecté les conditions d'accès à ce contenu ou à ses mises à jour telles que déterminées par les titulaires de droits ;". »

Le sous-amendement no 489, présenté par M. Bloche, est ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 55, compléter le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 43-6-2 de la loi du 30 septembre 1986 par les mots : "ou si elles n'ont pas respecté les conditions d'accès ou de mise à jour du contenu qu'elles stockent de manière automatique, intermédiaire et temporaire, dans le seul but de rendre plus efficace la transmission, et telles que déterminées par les titulaires de droits ;". »

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir le sousamendement no 384 rectifié.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le Gouvernement souhaite voir s'établir un juste équilibre entre la liberté d'expression et le respect de la propriété littéraire et artistique. Le sous-amendement a pour objet de renforcer la protection des droits d'auteur en imposant aux prestataires techniques de l'Internet de respecter l'intégrité des dispositifs techniques de protection des oeuvres.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour présenter le sous-amendement no 489.

M. Patrick Bloche.

Hier, en commission, j'ai voté sousamendement que Mme la ministre vient de présenter. J'ai néanmoins souhaité le prolonger par un travail de réflexion et de rédaction, en essayant, en particulier, de mettre notre texte en conformité avec le cadre réglementaire européen qui est en cours d'élaboration.

Reprenant la plume, j'ai donc rédigé - rapidement - un autre sous-amendement poursuivant les mêmes objectifs, car j'ai le même souci de défendre les titulaires de droits, et je tiens à m'associer aux préoccupations exprimées par Mme la ministre quant à la protection des droits d'auteur sur la Toile. L'Assemblée va donc devoir opérer un choix.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux sous-amendements ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

La commission a adopté le sous-amendement du Gouvernement, considérant qu'il était d'une grande importance, le respect de la propriété intellectuelle et les dérapages éventuels d'Internet étant au coeur du débat.

La commission n'a pas pu examiner celui de M. Bloche.

Je ne peux donc pas faire état de son avis. Sa rédaction me paraît complexe. Je n'en mesure pas toutes les conséquences. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement no 489 ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

La rédaction proposée par le Gouvernement est plus simple et plus claire. Or l'objectif du législateur doit être d'élaborer un texte compréhensible, en particulier s'agissant du respect des droits.

Je comprends que M. Bloche, lorsqu'il s'agit de toile, veuille faire de la broderie législative, mais il vaut mieux éviter le surfil ! (Sourires.)

Sans quoi nous risquons de


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poser des problèmes d'interprétation à tous ceux qui attendent du législateur un texte clarifiant les responsabilités des uns et des autres et, surtout, je le répète, en matière de respect des droits. Le Gouvernement est donc défavorable au sous-amendement no 489.

M. le président.

Monsieur Bloche, maintenez-vous votre sous-amendement ?

M. Patrick Bloche.

Je préfère le retirer, en souhaitant néanmoins que l'on travaille, outre la deuxième et la troisième lectures, car je reste quelque peu insatisfait de la rédaction proposée du Gouvernement.

M. le président.

Le sous-amendement no 489 est retiré.

Je mets aux voix le sous-amendement no 384 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 330, présenté par M. de Chazeaux, est ainsi rédigé :

« Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article 43-6-2 de la loi du 30 septembre 1986 par l'amendement no 55, substituer aux mots : "une autorité judiciaire", les mots : "le Conseil supérieur de l'audiovisuel". »

M. Olivier de Chazeaux.

Je le retire !

M. le président.

Le sous-amendement no 330 est retiré.

Le sous-amendement no 156, présenté par MM. Martin-Lalande, Santini et Dominati, est ainsi rédigé :

« Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article 43-6-2 de la loi du 30 septembre 1986 par l'amendement no 55, supprimer les mots : "de manière directe et permanente". »

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

J'ai déjà eu l'occasion d'exposer ce problème. La mention « de manière directe et permanente » nous semble restrictive. Quant à la notion de permanence, elle est en contradiction avec le fonctionnement de l'Internet, où tout bouge sans cesse. Cela pourrait éventuellement contribuer à exonérer de leursr esponsabilités ceux qui assureraient le stockage de manière, par définition, transitoire et non permanenterisque que nous voulons écarter.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

La commission a repoussé ce sous-amendement, estimant qu'il était difficile d'instituer une responsabilité pour des contenus fugitifs, par nature. Elle s'en tient donc à la rédaction de son amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Je comprends l'argument de M. Mathus du point de vue de l'efficacité. Mais, sur le plan des principes, c'est gravissime ! Que signifie fugitif ? Une seconde, deux heures ou trois jours ? Des dégâts énormes peuvent être commis en deux ou trois jours. Et si le contenu est illicite, on doit pouvoir poursuivre, quelle que soit la durée, fût-elle de quelques secondes. Je ne suis absolument pas convaincue par votre argument, monsieur Mathus !

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Moi non plus, je ne suis pas convaincu. Il faut bien une certaine durée de présence pour qu'on ait le temps de saisir les autorités judiciaires ! Et cette durée est suffisante pour permettre la mise en oeuvre de la responsabilité.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche.

La loi ne définit pas encore ce qu'est un hébergeur et un fournisseur d'accès. C'est peutêtre pour cette raison que nous éprouvons des difficultés à « caler » nos dispositifs. En général, on dit d'un hébergeur qu'il stocke des contenus de manière directe et permanente. Je n'ai fait que reprendre cette qualification usuelle.

Cela dit, il faut bien faire en sorte que la loi soit opérationnelle. Et nous sommes bien placés pour savoir qu'on ne peut pas tout mettre dans la loi, notamment des critères de circonstances. Par conséquent, comme nous l'avons fait précédemment, et en attendant d'adopter l'amendement no 55, faisons confiance à l'autorité judiciaire pour qualifier les conditions de stockage susceptibles d'entraîner l'engagement de responsabilité. Je ne vois pas comment la loi pourrait le faire, à moins qu'en troisième lecture des critères précis ne soient établis, si l'on supprimait les mots « de manière directe et permanente ».

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 156.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 157, présenté par M. Martin-Lalande et M. Santini, est ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 43-6-2 de la loi du 30 septembre 1986 par l'amendement no 55, substituer aux mots : "destinataires d'une mise en demeure d'un tiers estimant que le contenu qu'elles hébergent de manière directe et permanente est illicite et lui cause un préjudice,", les mots : "saisies par un tiers du caractère illicite ou préjudiciable d'un contenu dont elles assurent l'accès ou le stockage,". »

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Permettez-moi de revenir un instant sur la discussion précédente. Le stockage suppose le stationnement pendant un certain temps : il n'y a pas de stockage s'il n'y a que passage ! Tout à l'heure, nous parlions du caractère permanent ; eh bien, dans la notion de stockage, il y a déjà celle d'une certaine durée.

C'est donc à tort que le sous-amendement précédent a été écarté.

Mais revenons au sous-amendement no 157. Considérant que la mise en demeure est une démarche lourde, nous lui préférons la saisie par un tiers, plus souple.

Par ailleurs, selon le texte de la commission, il faudrait que le contenu à la fois soit illicite et cause un préjudice.

En rendant ces conditions cumulatives, on risque d'exonérer de leurs responsabilités des personnes dont des tiers auraient considéré le contenu qu'elles hébergent comme illicite, sans que toutefois ce contenu leur cause un préjudice.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

La commission a rejeté ce sous-amendement, estimant au contraire que la mise en demeure - précision formelle mais qui a un sens juridique - est nécessaire à l'engagement d'une procédure.

Saisir, ce peut être un simple coup de téléphone, ce qui paraît un socle juridique trop faible.


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La commission a, par ailleurs, noté que M. MartinLalande rétablissait, incidemment, la responsabilité des fournisseurs d'accès, ce qui est contraire à l'esprit du projet.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 157.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 490, présenté par M. Bloche, est ainsi rédigé :

« Au quatrième alinéa du texte proposé pour l'article 43-6-2 de la loi du 30 septembre 1986 par l'amendement no 55, après les mots : "aux diligences appropriées", insérer les mots : "et notamment en portant à la connaissance des utilisateurs du servicee n cause la contestation dont le contenu est l'objet". »

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche.

Je retire ce sous-amendement, monsieur le président.

M. le président.

Le sous-amendement no 490 est retiré.

Le sous-amendement no 158, présenté par M. MartinLalande et M. Santini, est ainsi rédigé :

« A la fin du dernier alinéa du texte proposé pour l'article 43-6-2 de la loi du 30 septembre 1986 par l'amendement no 55, supprimer les mots : ", l'autorité judiciaire demeurant seule juge du caractère illicite du contenu en cause". »

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Le sous-amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 158.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 491, présenté par M. Bloche, est ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 43-6-3 de la loi du 30 septembre 1986 par l'amendement no 55, substituer aux mots : "ayant procédé", les mots : "à l'origine de". »

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche.

Je retire ce sous-amendement.

M. le président.

Le sous-amendement no 491 est retiré.

Le sous-amendement no 477, présenté par M. Kert, est ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 55, compléter le texte proposé pour l'article 43-6-3 de la loi du 30 septembre 1986 par l'alinéa suivant :

« Est puni des peines prévues au premier alinéa quiconque a porté atteinte à la notoriété d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique protégée en enregistrant son nom comme nom d'un service de communication audiovisuelle en ligne. »

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Ce sous-amendement est relatif à la protection de la notoriété d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique protégée.

Le concept d'appellation d'origine suppose la notoriété, laquelle induit une valeur commerciale. Dès lors, il n'est pas surprenant que les noms des appellations d'origine françaises fassent souvent l'objet d'une utilisation contestable et abusive sur le réseau Internet.

En 1999, d'ailleurs, l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, dans son rapport sur les conflits entre les noms de domaine Internet et le droit de marques, a tout juste posé le problème. Il est donc du devoir de la France, comme elle l'a toujours fait, de montrer l'exemple et de protéger ses appellations d'origine.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

La commission a rejeté ce sous-amendement car, s'il est juste de se poser la question de la réglementation du commerce électronique, le problème ne relève pas de ce texte.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable. Le Gouvernement est évidemment très attentif, et moi tout particulièrement, au respect de l'appellation d'origine ou d'une indication géographique protégée. Cela dit, ce sous-amendement est un peu un cavalier et serait plus à sa place parmi des dispositions sur le commerce électronique.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 477.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 385 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi rédigé :

« Après le texte proposé pour l'article 43-6-3 de la loi du 30 septembre 1986 par l'amendement no 55, insérer l'article suivant :

« Art. 43-6-4. - Les services en ligne autres que de correspondance privée sont soumis à une obligation d'identification qui peut être directe ou indirecte.

« Toute personne dont l'activité est d'éditer un service en ligne autre que de correspondance privée tient à la disposition du public les éléments suivants :

« si elle n'est pas dotée de la personnalité morale, les nom, prénom et domicile de la ou des personnes physiques propriétaire ou copropriétaires ;

« si elle est dotée de la personnalité morale, sa dénomination ou sa raison sociale et son siège social ;

« le nom du directeur de la publication et, le cas échéant, celui du responsable de la rédaction.

« Toutefois, les personnes n'éditant pas à titre professionnel un service en ligne autre que de correspondance privée ont la possiblité de se limiter à la mise à disposition du public de leur pseudonyme et du nom du prestataire chargé de stocker les données de leur service. Dans cette dernière hypothèse, elles doivent communiquer à ce prestataire les éléments d'identification visés au deuxième alinéa ainsi que le pseudonyme qu'elles entendent utiliser.


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« Est puni de six mois d'emprisonnement et de 50 000 francs d'amende le fait de mentionner de faux éléments d'identification.

« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal de l'infraction définie au présent article. Les peines encourues par les personnes morales sont :

« l'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;

« les peines complémentaires prévues aux 2o , 4o , 9o de l'article 131-39 du code pénal.

« Les personnes qui stockent d'une manière directe et permanente pour mise à disposition du public des signaux, des écrits, des images, des sons ou des messages de toute nature doivent s'assurer du respect de l'obligation d'identification directe ou indirecte par les personnes pour lesquelle ils assurent cette prestation.

« Est puni de six mois d'emprisonnement et de 50 000 francs d'amende le fait, pour les personnes visées à l'alinéa précédent, de ne pas déférer à une demande de l'autorité judiciaire d'avoir accès ou de se faire communiquer les éléments d'identification visés au présent article.

« Le sixième alinéa du 2o de l'article 43 est applicable aux services en ligne autres que de correspondance privée.

« Un décret en Conseil d'Etat fixera les modalités d'application du présent article. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

La procédure de déclaration préalable ayant été supprimée pour permettre aux auteurs de pages personnelles qui le souhaitent de préserver leur anonymat, la possibilité leur est donnée de se limiter à une identification transmise à l'hébergeur.

Les sites professionnels, outre cette identification transmise à l'hébergeur, doivent mettre à la disposition du p ublic les éléments d'identification. Les hébergeurs doivent s'assurer que le responsable du service a bien respecté cette obligation d'identification.

Il ne s'agit pas d'une vérification de l'identité mais d'un simple contrôle à l'ouverture du site que le formulaire d'identification mis en place par l'hébergeur a été effectivement rempli par le responsable du service.

La responsabilité de l'hébergeur ne s'étend pas à la vérification de la mise à disposition du public des éléments d'identification.

Cette mesure vise à rendre obligatoires les dispositifs d'identification déjà mis en place par la plupart des prestataires techniques.

M. le présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

L'identification a priori du responsable éditorial et la distinction entre particuliers et professionnels nous a semblé tout à fait judicieuse. La commission a accepté ce sous-amendement qui complète le dispositif.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche.

Ce sont des dispositions nouvelles qu'introduit le Gouvernement. Elles ne modifient évidemment pas le système d'engagement de la responsabilité tel que nous l'avons vu à l'article 43-6-2. La commission les a acceptées.

Très sincèrement, je pensais que l'article 43-6-3 répondait en grande partie à ce souci, d'ailleurs justifié, d'identifier les auteurs de contenus. Cela dit, je souhaiterais que l'on rassure les hébergeurs et les fournisseurs d'accès en précisant qu'on ne leur impose pas de vérifier l'identité des auteurs de contenu. J'ai quelques réserves, que je tairai lors de cette deuxième lecture, quitte à les exprimer en troisième lecture, sur certaines formulations qui peuvent faire craindre à des hébergeurs et à des fournisseurs d'accès que l'on fera peser des obligations lourdes sur eux.

Par ailleurs, on introduit une notion de professionnalité, c'est-à-dire qu'on fait une distinction entre ce qui est personnel et ce qui est professionnel. Je comprends la démarche, bien entendu, mais je m'interroge sur l'aspect opérationnel de cette distinction.

Prenez le cas du salarié d'une entreprise qui, pendant ses heures de travail, crée des pages personnelles, critique son employeur ou exerce tout simplement ses droits de salarié ou son droit à l'expression syndicale. Il y a déjà eu des contentieux et une jurisprudence en ce domaine. Le G ouvernement ne pourrait-il pas écrire : « à titre commercial » au lieu de « à titre professionnel », ce qui clarifierait grandement les choses ?

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Ce sous-amendement est très important et je suis étonnée qu'il arrive maintenant. Personnellement, je ne l'ai pas suffisamment examiné et je réserve mes observations pour la troisième lecture. Je crois, en effet, qu'il y a d'autres enjeux que ceux que M. Bloche vient d'évoquer, mais je voudrais en être certaine avant d'en parler devant l'Assemblée nationale. Je m'abstiendrai donc.

M. Patrice Martin-Lalande.

Moi aussi !

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 385 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 159, présenté par MM. Martin-Lalande, Santini et Dominati, est ainsi rédigé :

« Après le texte proposé pour l'article 43-6-3 de la loi du 30 septembre 1986 par l'amendement no 55, insérer l'article suivant :

« Art. 43-6-4. - Toute personne qui met à disposition des signaux numériques de toute nature accessibles par réseau qui auraient un caractère illicite, préjudiciable ou contrefaisant, peut être identifiée dans le cadre de la mise en oeuvre des dispositions de l'article 145 du nouveau code de procédure civile. »

La parole est M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

L'amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 159.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

M. le président.

Le sous-amendement no 160, présenté par MM. Patrice Martin-Lalande, Santini et Dominati, est ainsi rédigé :

« Après le texte proposé pour l'article 43-6-3 de la loi du 30 septembre 1986 par l'amendement no 55, insérer l'article suivant :

« Art. 43-6-5. - Toute personne qui, de mauvaise foi, s'adresse à une personne physique ou morale assurant l'accès ou le stockage de signaux numériques de toute nature accessibles par réseau, dans le but d'en interdire l'accès, est passible des peines prévues à l'article 226-10 du code pénal. »

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Il convient d'assurer un équilibre des responsabilités entre toutes les parties prenantes du système, en évitant notamment tout abus lorsqu'une personne saisit l'hébergeur pour un fait qu'elle estime illicite ou préjudiciable, sachant que je ne fais plus référence qu'au stockage de signaux numériques et non plus à leur accès. Il s'agit de responsabiliser les personnes qui s'insurgent contre le contenu de ce qui se trouve chez un hébergeur.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

La commission a rejeté ce sous-amendement, estimant que les peines prévues à l'article 226-10 du code pénal s'appliquent naturellement à toute dénonciation calomnieuse, là comme ailleurs.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 160.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 55, modifié par les sous-amendements adoptés.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 1er A est ainsi rédigé.

Les amendements nos 264, 265 corrigé, 261, 266, 267, 268 et 269 de M. Dominati tombent.

Article 1er B

M. le président.

« Art. 1er B. - I. - Le 1o de l'article 43 de la même loi est abrogé. »

« II. L'article 43-1 de la même loi est abrogé. »

Je mets aux voix l'article 1er B. (L'article 1er B est adopté.)

Avant l'article 1er

M. le président.

M. Dominati a présenté un amendement, no 260, ainsi libellé :

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« I. Dans l'article L. 32 du code de la communication, il est inséré un paragraphe 9 bis ainsi rédigé :

« 9 bis. Dégroupage de la boucle locale.

« On entend par dégroupage de la boucle locale, l'accès à la ou les paire(s) métallique(s) reliant la prise de l'utilisateur au répartiteur principal. »

« II. La section IV du chapitre II relatif au régime juridique des télécommunications est ainsi modifié :

« 1o Dans l'intitulé de la section IV, après le m ot : "interconnexion" sont insérés les mots : "dégroupage de la boucle locale".

« 2o Dans l'article L. 34-8, il est inséré un 1 bis ainsi rédigé :

« 1 bis.

Les exploitants de réseaux ouverts au public figurant sur la liste établie en application du 7 de l'article L. 36-7 sont tenus d'offrir aux titulaires d'une autorisation délivrée en application des articles L. 33-1 et L. 34-1 le dégroupage de leur boucle locale. Les tarifs de dégroupage de la boucle locale rémunèrent l'usage effectif de l'accès à l'utilisateur et reflètent coûts correspondants. »

« 3o Le IV du même article est ainsi rédigé :

« IV. Les litiges relatifs aux refus d'interconnexion ou de dégroupage de la boucle locale, aux conventions d'interconnexion ou de dégroupage de la boucle locale et aux conditions d'accès peuvent être soumis à l'Autorité de régulation des télécommunications conformément à l'article L. 36-8. »

« 4o Dans l'article L. 36-6, il est inséré un alinéa 2 bis ainsi rédigé :

« 2 bis.

Les modalités de mise en oeuvre et les conditions techniques et financières du dégroupage de la boucle locale mentionnée à l'article L. 34-8-II. »

« 5o Les deux premiers alinéas du I de l'article L. 36-8 sont ainsi rédigés :

« Art. L. 36-8-I. En cas de refus d'interconnexion ou de dégroupage de la boucle locale, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion, de dégroupage de la boucle locale ou d'accès à un réseau de télécommunications, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties.

« L'autorité se prononce, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations. Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion, le dégroupage de la boucle locale ou l'accès spécial doivent être assurés. »

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour défendre cet amendement.

M. Patrice Martin-Lalande.

J'ai moi-même déposé un amendement sur le dégroupage de la boucle locale. C'est pourquoi je défends cet amendement de Laurent Dominati.

Le dégroupage est un acte important pour permettre le développement sur tout le territoire d'offres innovantes et compétitives en matière d'accès à l'Internet à haut débit

C'est d'ailleurs une nécessité reconnue par presque tout le monde, notamment les instances communautaires, le Conseil de la concurrence, l'Autorité de régulation des télécommunications, et même le Gouvernement depuis l'été dernier.

L'extraordinaire développement de la téléphonie mobile montre que, là où la boucle locale peut être contournée, la concurrence se révèle très bénéfique pour le consommateur : prix des télécommunications, prix des terminaux, taux de couverture, variété des services. C'est toute


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

une nouvelle économie qui s'est ainsi développée dans le domaine de la téléphonie mobile quand le verrou de la boucle locale a sauté.

Le câble et la boucle locale radio sont des moyens de s'affranchir de l'absence de concurrence sur la boucle locale filaire, et le dégroupage permettra de développer la concurrence pour l'utilisation du téléphone. En GrandeBretagne, par exemple, en utilisant les techniques ATM, ADSL et quelques autres, on peut déjà recevoir sur le téléphone des chaînes de télévision et des films à la demande. C'est donc un outil intéressant pour assurer le numérique à la plus grande partie possible de la population, avec des moyens qui existent partout puisque pratiquement toute la population en France est abonnée au téléphone filaire, même si la concurrence du mobile peut parfois modifier les comportements.

Le Gouvernement a déjà dit qu'il était d'accord avec l'objectif. Nous vous proposons de passer aux actes pour que la France ne traîne pas plus longtemps en matière d'accès à l'Internet à haut débit, en laissant s'établir une concurrence génératrice de progrès pour tous.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Défavorable.

M. Patrice Martin-Lalande.

C'est léger comme réponse !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable parce que le Gouvernement a introduit cette disposition dans un autre texte de loi et que vous pourrez très prochainement examiner les propositions qui vous seront faites à ce sujet.

M. Patrice Martin-Lalande.

Quand ?

M. Olivier de Chazeaux.

Il n'y a pas de date !

M. le président.

La parole est à M. Olivier de Chazeaux.

M. Olivier de Chazeaux.

Madame la ministre, on ne peut pas accepter une telle réponse. Nous avons déjà été échaudés, notamment dans le cadre de cette réforme sur l'audiovisuel. Plusieurs fois, vous nous avez répondu que nous verrions le problème ultérieurement, dans une prochaine loi qui viendra en discussion on ne sait quand.

Saisissez cette occasion pour clarifier les choses, comme vous l'avez fait d'ailleurs en acceptant en première lecture l'amendement Bloche pour répondre à une question cruciale dont nous avons longuement débattu aujourd'hui.

Vous avez l'occasion de faire encore avancer les choses.

Alors, s'il vous plaît, mettez un terme à l'immobilisme qui caractérise sans cesse le Gouvernement ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Sans employer les mêmes termes que M. de Chazeaux, je voudrais défendre l'amendement proposé, pour une raison très simple, car il faut dire les choses comme elles sont : on ne peut plus accepter le monopole d'une société qui s'appelle France Télécom, détentrice des boucles locales.

M. Olivier de Chazeaux.

Eh oui ! C'est la libéralisation de l'économie !

M. Noël Mamère.

Nous savons parfaitement que l'évolution de la technologie va susciter une concurrence qui, dans ce secteur, est plutôt saine, s'agissant notamment de l'accès et des coûts. Je connais des communes qui, lorsqu'elles ont voulu câbler à haut débit, se sont heurtées à l'opposition d'une société qui n'est plus tout à fait une société publique mais qui se comporte encore comme telle.

France Télécom a toutes les vertus d'une société privée et ne peut plus se permettre d'exercer une sorte de monopole qui ne convient pas au paysage en train de se dessiner. C'est la raison pour laquelle cet amendement me paraît tout à fait convenir dans le projet de loi que nous étudions.

M. le président.

Plusieurs d'entre vous m'ont demandé la parole. Il faut que le débat ait lieu, je vous l'accorde volontiers, mais je vous demande en contrepartie d'être concis. Sinon, je serai obligé d'appliquer le règlement à la lettre.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche.

Le dégroupage local n'est pas un sujet qu'on découvre. C'est un grand et beau sujet avec à la fois des enjeux industriels majeurs et l'enjeu de la démocratisation de l'usage d'Internet. Il est sûr qu'un meilleur accès de nos concitoyens aux nouvelles technologies et tout particulièrement à Internet passe non seulement par la baisse des tarifs de communication, qui est d'ailleurs engagée depuis quelque temps, sous l'impulsion du Gouvernement et des opérateurs, notamment de France Télécom et il faut rendre cet hommage à l'opérateur historique, mais aussi, à terme, par la résolution de ce problème du dégroupage de la boucle locale.

Nous serons sans doute amenés à légiférer. L'ART a fait et fait un travail de première importance sur ce thème. C'est le principal dossier dont elle est saisie actuellement. Cela dit, je ne vois pas comment nous pouvons traiter ainsi, dans un projet de loi portant sur la liberté de communication, d'un sujet qui touche très largement au code des télécommunications. Je ne dis pas que c'est un cavalier, ce serait sans doute excessif, mais un tel sujet ne peut pas être traité ainsi par un amendement. Il mérite un vrai débat. La seule chose que je pourrais dire pour vous faire plaisir, c'est que je souhaite que celui-ci ait lieu le plus vite possible.

M. Olivier de Chazeaux.

Sans préciser de date ?

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Ce que nous venons de voter il y a un instant sur la responsabilité des hébergeurs était aussi un cavalier, et un bon cavalier.

A ma connaissance, le texte sur les nouvelles régulations économiques, en distribution à l'Assemblée, ne comprend rien sur le dégroupage. Des dispositions nous seront donc proposées sous forme d'amendements et, quand le texte viendra en discussion à l'Assemblée, nous perdrons encore du temps ! Vous nous dites, madame la ministre, qu'il faut légiférer aujourd'hui sur le numérique terrestre pour permettre au plus grand nombre d'y accéder. Avec le dégroupage, nous avons un moyen facile parce que presque tout le monde a le téléphone filaire. Nous avons donc une possibilité de permettre immédiatement à la plus grande partie de la population d'accéder au numérique, pour l'audiovisuel comme pour d'autres services. Il y a des problèmes d'éloignement par rapport aux répartiteurs, mais cela peut changer.

Notre proposition s'inscrit donc parfaitement dans le cadre de la loi. Elle peut être plus efficace encore que celle que vous défendez, et à moindre coût.


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M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Didier Mathus, rapporteur.

Nous pouvons débattre longuement pour savoir si c'est un cavalier ou pas, il a surgi de la nuit (Sourires) ... A coup sûr en tout cas, il ne me paraît pas opportun de faire référence au code des télécommunications.

Le texte sur les nouvelles régulations a été examiné aujourd'hui par la commission des lois, saisie pour avis. Il viendra en discussion en séance publique le 25 avril et, si la thématique du dégroupage a un sens, c'est bien dans ce cadre ! Essayons de faire les choses dans l'ordre et avec un peu de cohérence législative.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 260.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er . - Il est inséré, au début du titre III de la même loi, un article 43-7 ainsi rédigé :

« Art. 43-7 . - Les sociétés mentionnées aux articles 44 et 45 assurent, dans l'intérêt général, des missions de service public. Elles sont chargées de contribuer à la qualité, à la diversité, au pluralisme et à l'impartialité de la communication audiovisuelle ainsi qu'à la diffusion de la culture, et en particulier de la culture française, en mettant à la disposition de l'ensemble du public des programmes et des services dans les domaines de l'informat ion, de la connaissance, de la culture et du divertissement.

« L'ensemble de leurs ressources assure le financement de l'ensemble de leurs missions. »

M. Dominati a présenté un amendement, no 273, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 1er »

Cet amendement est-il défendu ?

M. Patrice Martin-Lalande.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 273.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 56, présenté par M. Mathus, rapporteur, M. Outin et les commissaires membres du groupe communiste, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986 :

« Art. 43-7. - Les sociétés énumérées aux articles 44 et 45 poursuivent, dans l'intérêt général, des missions de service public. Elles offrent au p ublic, pris dans toutes ses composantes, un ensemble de programmes et de services qui se caractérisent par leur diversité et leur pluralisme, leur exigence de qualité et d'innovation, le respect des droits de la personne et des principes démocratiques constitutionnellement définis.

« Elles présentent une offre diversifiée de programmes en modes analogique et numérique dans les domaines de l'information, de la culture, de la connaissance, du divertissement et du sport. Elles favorisent le débat démocratique, les échanges entre les différentes parties de la population ainsi que l'insertion sociale et la citoyenneté. Elles assurent la promotion de la langue française et mettent en valeur le patrimoine culturel et linguistique dans sa diversité régionale et locale. Elles concourent à la diffusion de la création intellectuelle et artistique et des connaissances civiques, économiques, sociales, scientifiques et techniques ainsi qu'à l'éducation, à l'audiovisuel et aux médias.

« Elles favorisent, par des dispositifs adaptés, l'accès des personnes sourdes et malentendantes aux programmes qu'elles diffusent.

« Elles assurent l'honnêteté, l'indépendance et le pluralisme de l'information ainsi que l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans le respect du principe d'égalité de traitement et des recommandations du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

« Les organismes du secteur public de la communication audiovisuelle, pour l'exercice de leurs missions, contribuent à l'action audiovisuelle extérieure, au rayonnement de la francophonie et à la diffusion de la culture et de la langue françaises dans le monde. Ils s'attachent à développer les nouveaux services susceptibles d'enrichir ou de compléter leur offre de programmes ainsi que les nouvelles techniques de production et de diffusion des programmes et services de communication audiovisuelle. »

Sur cet amendement, je suis saisi de plusieurs sousamendements.

L'amendement no 270 corrigé, présenté par M. Dominati, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986 :

« Art. 43-7. - Les sociétés mentionnées aux articles 44 et 45 assurent, dans l'intérêt général, des missions de service public définies conformément aux demandes de la Commission européenne et inscrites dans le cahier des charges. »

L'amendement no 271 corrigé, présenté par M. Dominati, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986 :

« Art. 43-7. - Les sociétés mentionnées aux articles 44 et 45 assurent, dans l'intérêt général, des missions de service public. Ses missions sont :

« - informer le public,

« - offrir à tous un égal accès à la culture française et, pour ce faire, contribuer à la diffusion d'oeuvres culturelles et cinématographiques françaises,

« - permettre la diffusion d'oeuvres ou de programmes dans le domaine de l'information, de la culture, de la connaissance et du divertissement, qui n'est pas ou est mal assurée par les acteurs de la vie privée,

« - veiller à la représentation pluraliste des positions de l'ensemble des syndicats, ainsi que des groupes politiques représentés au Parlement. »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

56.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

M. Didier Mathus, rapporteur.

Cet amendement tend à rétablir la définition des missions du service public de l'audiovisuel dans le texte adopté par l'Assemblée en première lecture. En effet, le Sénat a quelque peu malmené le texte.

M. le président.

L'amendement no 270 corrigé de M. Dominati est-il défendu ?

M. Patrice Martin-Lalande.

Oui, monsieur le président, de même que l'amendement no 271 corrigé.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux derniers amendements ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

La commission les a repoussés.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable aux amendements nos 270 corrigé et 271 corrigé.

Favorable à l'amendement no 56 de la commission.

M. le président.

Nous passons à l'examen des sousamendements à l'amendement no

56. Le sous-amendement no 195, présenté par MM. Kert, Baguet et Salles, est ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986 par l'amendement no 56, après les mots : "respect des droits de la personne", insérer les mots : "et de sa dignité". »

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Il s'agit de définir avec précision les missions de service public de l'audiovisuel, en rappelant que les programmes et services qu'il offre au public doivent respecter la dignité de la personne humaine.

M. Patrice Martin-Lalande.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Défavorable. La plupart des sous-amendements à l'amendement no 56 ont fait l'objet de débats qui ont été tranchés en première lecture.

A l'époque, la commission avait considéré que toutes les précisions proposées étaient superflues, voire dangereuses, et avait donc émis un avis défavorable. Il en va de même aujourd'hui.

Il est prudent de ne pas trop étoffer le texte, car, si l'on sait où commence la notion de service public, on ignore où elle peut finir.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Même avis que la commission.

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Selon moi, ce sont plutôt les silences qui sont coupables en cette matière. L'absence de précision ne peut que conduire à des débordements et des abus absolument regrettables.

Afin de raccourcir la discussion, et puisque je sens que les avis de la commission et du Gouvernement vont être identiques sur les sous-amendements nos 193 et 194,...

M. Arthur Dehaine.

Vous avez raison !

M. Patrice Martin-Lalande.

C'est à craindre !

M. Rudy Salles.

... mon argumentation sur le sousamendement no 195 vaudra pour ces deux-là.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 195.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 193, présenté par MM. Kert, Baguet et Salles, est ainsi rédigé :

« Après le premier alinéa du texte proposé pour l'article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986 par l'amendement no 56, insérer l'alinéa suivant :

« Les sociétés s'abstiennent de diffuser des programmes susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs. A ce titre, elles s'abstiennent de diffuser aux heures où les mineurs sont susceptibles de regarder la télévision des programmes comprenant des scènes de pornographie et de violence gratuite et de montrer, notamment dans les journaux télévisés, le spectacle de la violence pour la violence. »

M êmes explications que précédemment, monsieur Salles ?

M. Rudy Salles.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Même avis que la commission.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 193.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 194, présenté par MM. Kert, Baguet et Salles, est ainsi rédigé :

« Après le premier alinéa du texte proposé pour l'article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986 par l'amendement no 56, insérer l'alinéa suivant :

« Les sociétés nationales de programme ont vocation à constituer la référence en matière d'éthique, de qualité et d'imagination. Elles conservent à ce titre le souci d'éviter toute vulgarité. L'attention qu'elles portent à leur audience exprime plus une exigence vis-à-vis du public qu'une volonté de performance commerciale. »

Même argumentation que sur les sous-amendements précédents, monsieur Salles ?

M. Rudy Salles.

Même chose.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Même avis que précédemment.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Contre.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 194.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 208, présenté par MM. Mamère, Aschieri et Hascoët, Mme Aubert, MM. Marchand et Cochet, est ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 56, compléter la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986 par les mots : ", le développement durable". »


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La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Il s'agit, de revenir à la formulation adoptée en première lecture et faisant référence à la notion de développement durable.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Elle a rejeté ce sousamendement.

M. Noël Mamère.

Elle a eu tort !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Même avis que sur les sous-amendements précédents : défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Je ne comprends ni la position du rapporteur ni celle de Mme la ministre. Pourquoi ne pas accepter d'introduire dans les missions de nos chaînes de télévision la notion de développement durable ? J'avais cru comprendre que le Gouvernement comportait des écologistes...

M. Patrice Martin-Lalande.

Ah bon ?

M. Noël Mamère.

... et que le développement durable était une notion utilisée par nombre de responsables politiques. Dois-je en conclure que lorsqu'ils emploient cette expression, ces derniers ne savent pas très bien ce qu'ils disent ? Par ailleurs, lorsqu'on regarde le paysage audiovisuel français et les missions qui sont données aux différentes chaînes, on s'aperçoit que tout ce qui concerne les rapports Nord-Sud ou les problèmes de la planète est souvent diffusé à des heures indues, où seuls les insomniaques ou ceux qui ont un faible pour la mire regardent encore la télévision.

M. Arthur Dehaine et M. Olivier de Chazeaux.

Très juste !

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 208.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 176, présenté par MM. Cuvilliez, Outin et les membres du groupe communiste, est ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 56, au début de la dernière phrase du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986, après les mots : "Elles concourent", insérer les mots : "au développement et". »

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul.

Une télévision de service public, vu les objectifs qu'elle s'assigne, doit sans cesse contribuer à stimuler la création audiovisuelle. La télévision publique doit donc enrichir en permanence son catalogue d'oeuvres nouvelles. De cette manière, la France, via son secteur public, contribuera à placer l'Europe dans une position honorable et à combler notre déficit d'images, en particulier face aux Etats-Unis. Tel est le sens de ce sousamendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Elle a adopté le sousamendement.

M. Olivier de Chazeaux et M. Arthur Dehaine.

Ah !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Sagesse.

M. Olivier de Chazeaux.

Les communistes pèsent plus que les Verts !

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Je ne vais évidemment pas m'opposer à ce sous-amendement, mais je remarque que les sousamendements des uns sont acceptés cependant que ceux des autres sont refusés.

M. Rudy Salles.

Deux poids, deux mesures !

M. Olivier de Chazeaux.

Les communistes n'ont pas le même poids que les Verts : ils pèsent plus lourd !

M. Arthur Dehaine.

Y aurait-il du favoritisme ?

M. Noël Mamère.

Je voudrais simplement rappeler à mes collègues du parti communiste français,...

M. Jean-Claude Lefort.

Du groupe communiste et apparentés !

M. Noël Mamère.

... du groupe communiste, voulais-je dire, que, contrairement à ce qu'ils croient, le déficit d'images de l'audiovisuel français n'est pas dû aux EtatsUnis...

M. Christian Paul.

En partie !

M. Noël Mamère.

Non, ça c'est de l'anticommunisme (Rires sur divers bancs) ... de l'antiaméricanisme primaire ! Ne croyez pas, mes chers collègues de droite, que dans la gauche plurielle il y a des anticommunistes. C'est absolument faux ! Deux chiffres suffiront à démontrer que nous avons un déficit d'images par rapport aux pays européens : la production nationale représente 45 % de l'audiovisuel français, alors qu'elle en représente 90 % en Allemagne.

Quant aux productions emblématiques de l'audiovisuel français, comme Les Misérables ou Le Comte de MonteCristo , elles sont en réalité des coproductions francoallemandes.

En fait, notre principal problème se pose par rapport aux secteurs audiovisuels de l'Allemagne, de la GrandeBretagne et de l'Espagne.

M. Olivier de Chazeaux.

C'est vrai !

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 176.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 433, présenté par MM. Cuvilliez, Outin et les membres du groupe communiste, est ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 56, compléter le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986 par la phrase suivante : "Elles s'attachent à favoriser le développement et à diffuser, à des heures d'écoute significat ive, des oeuvres originales, audiovisuelles et cinématographiques d'expression française et européenne." » La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul.

Ce sous-amendement vise à promouvoir la création audiovisuelle et cinématographique au sein du service public de l'audiovisuel.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

M. Didier Mathus, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Les dispositions proposées figurent déjà au cahier des charges. Avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 433.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 425, présenté par Mme Boutin, est ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 56, compléter le troisième alinéa du texte proposé pour l'article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986 par la phrase suivante : "L'information qu'elles diffusent doit être impartiale, pondérée, respectueuse des cultures, des croyances et de la dignité humaines." » La parole est à M. Rudy Salles, pour soutenir ce sousamendement.

M. Rudy Salles.

Il n'est pas question de mettre en cause la liberté d'informer, mais nous savons tous combien l'impact de la télévision est grand, notamment l'information télévisée. Ce sous-amendement tend donc à préciser que l'information diffusée par le service public de l'audiovisuel doit être impartiale - qui peut être contre ? -, pondérée, respectueuse des cultures, des croyances et de la dignité humaine.

Le sous-amendement se justifie par son texte même et n'appelle donc pas de longs commentaires. Il est très important que nous prenions conscience que l'audiovisuel public doit supporter des contraintes.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

La commission a rejeté ce sous-amendement pour des raisons qui tiennent à sa rédaction.

M. Patrice Martin-Lalande.

Mais nous faisons la loi !

M. Didier Mathus, rapporteur.

Le sous-amendement ne fait que reprendre des éléments qui figurent déjà dans le texte.

M. Michel Françaix.

Mais écrits vingt fois mieux !

M. Didier Mathus, rapporteur.

Il ne me semble pas utile de multiplier la littérature sur une préoccupation que nous partageons tous et à laquelle le contenu de l'amendement no 56 apporte déjà des réponses.

M. Marcel Rogemont.

C'est exact !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable, pour les mêmes raisons que celles exposées par le rapporteur.

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Je comprends le souci du Gouvernement et du rapporteur de ne pas rédiger un texte redondant. Néanmoins des précisions s'avèrent nécessaires dans divers domaines, car les téléspectateurs que nous sommes constatent l'existence d'abus. Là, plus qu'ailleurs, il convient de préciser les choses.

M. Patrice Martin-Lalande.

Il a raison !

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 425.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 209, présenté par MM. Mamère, Aschieri et Hascoët, Mme Aubert, MM. Marchand et Cochet est ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé pour l'article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986 par l'amendement no 56, substituer aux mots : "s'attachent à développer", les mots : "développent un pôle industriel regroupant". »

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Ce sous-amendement va dans le sens des propositions que Mme la ministre a formulées hier devant la représentation nationale. Il s'agit de combler un manque dans le texte adopté en première lecture en prévoyant que le service public de l'audiovisuel, et surtout la holding créée par la nouvelle loi, doit devenir un véritable pôle industriel, surtout dans le cadre du numérique hertzien.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

La commission a rejeté le sous-amendement, estimant que l'appellation « pôle industriel » est trop ambiguë, même si nous comprenons bien l'idée que veut exprimer notre collègue Noël Mamère.

Par ailleurs, la rédaction de ce sous-amendement est imparfaite puisque seuls les nouveaux services seraient visés. Or j'imagine que, dans l'esprit de M. Mamère, le pôle industriel concerne l'ensemble de l'audiovisuel public et non une part infime de celui-ci.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Comme vient de le dire le rapporteur, l'expression « pôle industriel » pose un problème réel. Il faut éviter de faire en sorte que la structuration soit ambiguë. Il s'agit bien d'un groupe de télévision.

Déja, en première lecture, un débat a eu lieu sur un pôle de production regroupant davantage de sociétés. Je crois qu'il vaut mieux s'en tenir à la réduction proposée par l'amendement, car l'expression « pôle industriel » ne recouvre qu'une partie du groupe.

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

J'entends les arguments présentés par

Mme la ministre.

M. Marcel Rogemont.

Vous retirez donc votre sousamendement !

M. Noël Mamère.

Non, je ne le retire pas pour autant.

Cette discussion, qui peut paraître totalement pointilliste, est tout de même le symbole d'une situation que nous connaissons depuis déjà plusieurs décennies : dans ce pays, on n'a jamais voulu considérer l'audiovisuel comme une véritable industrie. On commence seulement aujourd'hui à se rendre compte que l'industrie de l'audiovisuel, y compris la production, peut être un secteur qui présente un intérêt économique et qui mérite, à ce titre, d'être développé dans notre pays.

M. Olivier de Chazeaux.

Enfin, M. Mamère nous rejoint !

M. Noël Mamère.

Je ne vois pas pourquoi le service public, qui a toujours été considéré comme un diffuseur - pas souvent de référence, malheureusement -, ne pourrait pas être, avec la holding qui va être créée, un pôle industriel.

M. Olivier de Chazeaux.

Vous pensez comme nous !


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M. Arthur Dehaine.

Excellent, monsieur Mamère !

M. Noël Mamère.

Cela ne vaut pas seulement pour les nouvelles technologies, la convergence et l'Internet, mais aussi pour l'ensemble. Le service public doit, au même titre que des chaînes privées, aujourd'hui en situation de monopole et qui assèchent le marché, être aussi un pôle industriel.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 209.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux sous-amendements. Le sous-amendement no 177 est présenté par

M M. Cuvilliez, Outin et les membres du groupe c ommuniste ; le sous-amendement no 210 par

M

M. Mamère, Aschieri et Hacoët, Mme Aubert, MM. Marchand et Cochet.

Ces sous-amendements sont ainsi rédigés :

« Dans l'amendement no 56, compléter le texte proposé pour l'article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986 par l'alinéa suivant :

« Chaque année, un rapport est déposé au Parlement afin de faire l'état de l'application des dispositions de cet article. »

La parole est à M. Daniel Paul, pour présenter le sousamendement no 177.

M. Daniel Paul.

Il convient que le Parlement soit régulièrement tenu informé du respect des missions de service public par les entreprises publiques du secteur de l'audiovisuel. A cette fin, nous proposons qu'un rapport soit déposé chaque année au Parlement afin de faire l'état de l'application des dispositions du texte proposé pour l'article 43-7.

M. le président.

Mêmes explications pour le sousamendement no 210, monsieur Mamère ?

M. Noël Mamère.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Il est prévu que le président de France Télévision puisse s'exprimer tous les ans devant la commission des affaires culturelles. Dans un grand souci écologique, la commission a souhaité épargner nos forêts et, par conséquent, a évité de demander des rapports supplémentaires. (Sourires sur divers bancs.)

Elle a donc repoussé ces sous-amendements.

M. Olivier de Chazeaux.

Attaque perfide ! Quelle scission au sein de la majorité plurielle !

M. Daniel Paul.

Mais on peut recycler le papier, monsieur le rapporteur !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée, ce qui est bien normal. Si le Parlement veut être informé, j'estime que c'est son droit. Si un compte rendu ou un procès verbal ne suffisent pas, pourquoi pas un rapport ?

M. Daniel Paul.

Très bien, madame la ministre !

M. le président.

Avis favorable du Gouvernement, madame la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Plutôt favorable.

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère, ce qui ne surprendra personne étant donné l'intervention de M. le rapporteur.

(Sourires.)

M. Noël Mamère.

Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps à perdre, mais je ne peux tout de même pas rater l'occasion qui m'est offerte.

M. le président.

J'imaginais bien qu'il en serait ainsi.

M. Noël Mamère.

Etant donné que le rapporteur manifeste un souci écologique, je ne comprends pas qu'il n'ait pas accepté tout à l'heure ma proposition concernant le développement durable.

(Sourires.)

Mais peut-être est-ce parce qu'il s'agissait d'un cavalier législatif ?

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Je suis, moi aussi, assez favorable au dépôt d'un rapport annuel devant le Parlement, les forêts dussent-elles en souffrir.

Cela dit, peut-être pourrions-nous, d'ici à la troisième lecture, réfléchir à une disposition rendant obligatoire l'audition du PDG de France Télévision par la commission.

M. Michel Françaix.

C'est déjà prévu !

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les sous-amendements nos 177 et 210.

(Ces sous-amendements sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 56, modifié par les sous-amendements adoptés.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements nos 270 corrigé et 271 corrigé de M. Dominati tombent.

Après l'article 1er

M. le président.

M. Dominati a présenté un amendement, no 272, ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Après le titre IV de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, il est inséré un titre IV bis ainsi rédigé :

« Titre IV bis

« Art. 69 bis. - Sera transférée au secteur privé, dans les conditions prévues au présent titre, une partie du capital de la société nationale de programme France 2.

« - 40 % du capital sont cédés gratuitement par l'Etat aux détenteurs d'un appareil récepteur de télévision assujettis à la redevance pour droit d'usage au 31 décembre 1998.

« Cette cession a lieu en deux étapes : sont attribuées une action nominative au titre de l'exercice 1999 et une autre action nominative au titre de l'exercice 2000. Ces actions sont incessibles pendant trois ans.

« 30 % du capital peuvent être cédés dans le public, par tranches égales sur trois années, du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, chaque acquéreur ne pouvant détenir plus de 10 % du capital global.

« 10 % du capital sont proposés aux salariés de l'entreprise et de ses filiales, dans lesquelles elle détient la majorité du capital social. Les demandes


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sont prises en compte à partir du 1er janvier 1999 jusqu'au 31 décembre 2001. Elles doivent être intégralement servies. Les titres non cédés à la date mentionnée ci-dessus sont vendus sur le marché.

« Un décret en Conseil d'Etat fixe en tant que de besoin les modalités d'application du présent article ainsi que les procédures d'introduction en bourse des actions de la société. »

« Art. 69 ter. - L'évaluation de la valeur de la société est réalisée par la commission de privatisation prévue par l'article 3 de la loi no 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d'application des privatisations décidées par la loi no 86-793 du 2 juillet 1986 autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social, selon les modalités définies au présent article.

« La commission de privatisation est saisie conjointement par le ministre chargé de l'économie et par le ministre chargé de la communication.

« L'évaluation est conduite selon les méthodes objectives couramment pratiquées en matière de cession totale ou partielle d'actifs de sociétés en tenant compte notamment de l'actif net et des éléments incorporels, des perspectives de bénéfices de la société, de la valeur de ses filiales ainsi que de tous éléments de nature à contribuer à sa valorisation boursière. Cette évaluation est rendue publique.

« La valeur des actions nominatives cédées à titre gratuit, les prix d'offre, les prix de cession ainsi que les parités d'échange sont fixés par arrêté conjoint des ministres compétents sur avis de la commission visée au premier alinéa.

« Ces prix et parités ne peuvent être inférieurs à l'évaluation faite par la commission de privatisation.

« La commission de privatisation donne son avis sur les procédures de mise sur le marché. »

« Art. 69 quater. - Un décret en Conseil d'Etat fixe le cahier des charges de la société qui contient des obligations minimales sur chacun des points suivants :

« 1o Les règles générales de programmation, notamment l'honnêteté et le pluralisme de l'information et des programmes ;

« 2o Les conditions générales de production des oeuvres diffusées, et notamment la part des émissions produites par l'exploitant du service ;

« 3o Les règles applicables à la publicité, notamment le temps d'émission maximum consacré à la publicité ;

« 4o Le régime de production et de diffusion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles ;

« 5o La production et la diffusion de programmes culturels et éducatifs et d'oeuvres d'expression originale française. »

« Art. 69 quinquies. - Tous les contrats de travail liant la société de programme France 2 et le personn el subsistent dans les conditions prévues par l'article L. 122-2 du code du travail. Les salariés continueront à bénéficier de l'affiliation aux régimes de retraite et de prévoyance pour lesquels ils ont cotisé. »

« Art. 69 sexies. - Au premier alinéa de l'article 53 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, après la première phrase il est inséré la phrase suivante :

« Pour déterminer le montant de la redevance pour droit d'usage affecté à la société de programme France 2, il est tenu compte chaque année de la cession progressive du capital visée à l'article 69 bis. »

« Art. 69 septies. - A partir du 31 décembre 2002 au plus tard, une loi fixera les conditions dans lesquelles la société nationale de programme France 2 cesse de relever de l'article 44 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication. »

« Art. 69 octies. - A partir du 31 décembre 2002 la société France 2 est inscrite sur la liste des entreprises privatisables, telle qu'elle figure à l'annexe de la loi no 86-793 du 2 juillet 1986. »

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir cet amendement.

M. Patrice Martin-Lalande.

Il est défendu, mais comme seul M. Dominati pourrait le défendre, je ne le défendrai pas plus longtemps ! (Sourires.)

M. le président.

Le message n'est pas très clair ! Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Rejet. La proposition de M. Laurent Dominati consistant tout simplement à privatiser France 2, vous comprendrez que la commission ne l'ait pas suivi.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Je ne suis pas favorable à cet amendement. Le service public audiovisuel est composé de plusieurs chaînes qui diffusent de la publicité et qui se comportent vis-à-vis des chaînes privées comme des chaînes commerciales concurrentes, ce qui, finalement, soulève le problème du fonctionnement du service public de la télévision. Si l'on voulait une vraie télévision de service public, il me semble qu'il la faudrait sans publicité, mais, dans ce cas, il ne pourrait pas y avoir un nombre aussi élevé de chaînes. Le problème reste tout de même posé.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 272.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Mamère, Aschieri et Hascoët, Mme Aubert, MM. Marchand et Cochet ont présenté un amendement, no 211, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut saisir les juridictions civiles et pénales lorsqu'il constate une infraction aux missions fixées par la présente loi ou par le cahier des charges prévu à l'article 48 de la loi 86-1067 du 30 septembre 1986 par les sociétés du service public de la communication audiovisuelle. »

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Le CSA doit pouvoir saisir les juridictions civiles et pénales lorsqu'une infraction est constatée aux missions fixées par la loi. Tel est l'objet de cet amendement qui contribuera à assurer l'application des missions assignées au secteur public de l'audiovisuel.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Défavorable. Ce ques ouhaite M. Noël Mamère est déjà prévu aux articles 42-10 et 42-11 de la loi de 1986.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

M. le président.

Retirez-vous l'amendement, monsieur Mamère ?

M. Noël Mamère.

Je le retire.

M. le président.

L'amendement no 211 est retiré.

Article 2

M. le président.

« Art. 2. - L'article 44 de la même loi est ainsi rédigé :

« Art. 44 . - I. - Il est créé une société, dénommée France Télévision, chargée de coordonner les politiques de programmes et les actions de développement, de mettre en oeuvre les conditions de constitution d'un pôle industriel permettant d'intégrer les nouvelles techniques de diffusion et de production et de gérer les affaires communes des sociétés suivantes, dont elle détient la totalité du capital :

« 1o La société nationale de programme, dénommée France 2, chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. Cette société propose une programmation généraliste et diversifiée à l'intention du public le plus large et assure une information nationale et internationale ;

« 2o La société nationale de programme, dénommée France 3, chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local, destinées à être diffusées sur tout ou partie du territoire métropolitain. Cette société propose une programmation généraliste et diversifiée et assure en particulier une information de proximité et rend compte des événements régionaux ;

« 3o La société, dénommée La Cinquième, dont les missions sont définies à l'article 45.

« En outre, la société France Télévision peut, dans le respect des attributions des sociétés mentionnées aux 1o , 2o et 3o , créer des filiales pour exercer des activités conformes à son objet social.

« II. La société nationale de programme dénommée Réseau France Outre-mer est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision et de radiodiffusion sonore destinées à être diffusées dans les départements, territoires et collectivités territoriales d'outre-mer ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie, où elle assure la mission définie à l'article 1er . Elle favorise également la connaissance et le rayonnement des cultures de la France d'outre-mer sur l'ensemble du territoire national. Les émissions des autres sociétés nationales de programme et de la société La Cinquième sont mises à sa disposition à titre gratuit. Les programmes qu'elle produit sont mis gratuitement à la disposition de la société France Télévision ainsi que de la société Radio France.

« Elle peut assurer un service international d'images.

Elle conclut des accords pluriannuels de coopération avec les sociétés Radio France et France Télévision, notamment en matière de développement, de production, de programmes et d'information. Ces accords précisent les modalités selon lesquelles les sociétés Radio France et France Télévision favorisent la connaissance et le rayonnement des cultures de la France d'outre-mer en métropole.

« III. La société nationale de programme dénommée Radio France est chargée de concevoir et de programmer des émissions de radiodiffusion sonore à caractère national et local, destinées à être diffusées sur tout ou partie du territoire métropolitain. Elle favorise l'expression régionale sur ses antennes décentralisées qui devront être réparties équitablement dans toutes les zones du territoire.

Elle valorise le patrimoine et la création artistique, notamment grâce aux forma tions musicales dont elle assure la gestion et le développement.

« IV. La société nationale de programme dénommée Radio France Internationale est chargée de contribuer à la diffusion de la culture française par la conception et la programmation d'émissions de radiodiffusion sonore en français ou en langue étrangère destinées aux auditoires étrangers ainsi qu'aux Français résidant à l'étranger. Cette société assure une mission d'information relative à l'actualité française et internationale.

« V. - Dans les conditions fixées par voie réglementaire, notamment par leurs cahiers des missions et des charges, les sociétés nationales de programme et la société La Cinquième peuvent produire pour elles-mêmes et à titre accessoire des oeuvres et documents audio visuels et participent à des accords de coproduction.

« Elles ne peuvent investir en parts de coproducteur dans le financement d'une oeuvre cinématographique que par l'intermédiaire d'une filiale, propre à chacune d'elles et ayant cet objet social exclusif. »

Sur cet article, deux orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen.

L'article 2 est un article très important puisqu'il définit la holding France Télévision.

Le travail réalisé en commission devrait permettre de préciser les conditions de création d'une société spécifique, une filiale pour le développement de la télévision numérique dans le cadre du service public.

Nous avons fait le choix de définir les éléments structurels sans nous interroger vraiment sur le contenu des différents éléments qui vont animer le service public.

Lorsqu'il a été décidé tout à l'heure qu'un compte rendu devrait être fait devant le Parlement, nous n'avons pas pensé à la convention d'objectifs, qui mériterait également, à mon sens, d'être discutée avec le Parlement. Il s'agirait non pas d'approuver d'une façon formelle la convention d'objectifs mais de piloter en quelque sorte, à travers la fonction parlementaire, l'avenir du service public en discutant à la fois des principes de cette convention d'objectifs et de son application chaque année. J'espère que le président de France Télévision viendra nous expliquer notamment comment il a réalisé ou non les éléments de la convention d'objectifs qui seront fixés avec le Gouvernement en association, du moins, je le souhaite, avec le Parlement.

M. Didier Mathus, rapporteur.

Très bien !

M. Jean-Marie Le Guen.

Lorsque l'on parle du numérique, qu'il s'agisse des télévisions privées ou des télévisions du service public, on imagine souvent une sorte de duplication pure et simple en numérique des chaînes du service public.

Je n'ai pas la prétention d'imaginer le paysage audiovisuel numérique dans trois, cinq ou dix ans, mais je sens bien qu'on ne pourra pas se contenter de recopier les formats existants ou même de rajouter des formats supplémentaires. Nous aurons tous à coeur, et nous y serons sans doute contraints, de redéfinir d'une certaine façon les formats des chaînes, y compris les chaînes de service public existantes.

Ainsi, je propose deux priorités pour le service public.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

D'abord, une chaîne d'information. Le service public doit pouvoir présenter, notamment sur les canaux numériques, une véritable chaîne d'information du service public. Il existe certes des chaînes d'information privées, d'ailleurs de bonne qualité, mais on n'imagine pas que le service public ne trouve pas sa légitimité dans la création d'une chaîne d'information numérique.

Ensuite, une chaîne pour la jeunesse. Il n'est pas pensable, et je défendrai à ce propos plusieurs amendements, que le service public ne place pas, dans son offre numérique, la création d'une chaîne destinée à la jeunesse parmi ses priorités. On sait l'importance que revêt la télévision pas seulement chez les adultes, mais aussi chez les jeunes et même chez les tout jeunes - j'enfonce une porte ouverte surtout pour les spécialistes de l'audiovisuel que vous êtes, mes chers collègues. Je ne comprends donc pas qu'un outil de très grande qualité, piloté avec une volonté récréative mais aussi éducative, une volonté de socialisation, ne figure pas au coeur de notre projet de service public.

Ces deux priorités doivent absolument être prises en compte dans l'offre numérique de France Télévision, audelà de la duplication des différentes chaînes aujourd'hui existantes ou des projets industriels naissants à l'intérieur de France Télévision ou de ses différentes filiales - projets qui s'inscrivent dans la logique interne de l'entreprise et non dans la logique de service public que nous devons affirmer.

C'est la raison pour laquelle je souhaite qu'un rapport du président de France Télévision soit présenté au Parlement sur la convention d'objectifs et de moyens. Il est fondamental pour l'avenir du service public, que la représentation nationale fixe, avec le Gouvernement, les priorités de l'offre télévisuelle, que la technologie numérique nous permettra de restructurer.

M. le président.

La parole est à M. Olivier de Chazeaux.

M. Olivier de Chazeaux.

Madame la ministre, l'article 2 nous avait été présenté en première lecture comme l'un des socles de votre réforme. Aujourd'hui nous constatons avec regret qu'un élément important de la constitution de la holding, Arte, va faire défaut. Ainsi, la holding que vous avez appelée de vos voeux va se réduire comme une peau de chagrin.

En revanche, il est fait pour la première fois référence au nouveau mode de diffusion que sera le numérique hertzien.

A ce stade du débat, mes interrogations porteront sur la structuration des différentes entreprises publiques du paysage audiovisuel français et sur la création de filiales numériques.

Tout d'abord, quel financement pour France Télévision ? D'après le projet, France Télévision détiendra la totalité du capital de France 2, de France 3 et de La Cinquième, en d'autres termes, vous allez regrouper les actions que l'Etat détient déjà de France 2, de France 3 et de La Cinquième pour composer le capital de France Télévision. La question, qui pouvait paraître anodine, revêt un caractère particulier à la suite des déclarations du Premier ministre, hier, sur la retraite. En effet, le Premier ministre, qui envisageait hier d'abonder substantiellement le fameux fonds de réserve de 1 000 milliards de francs, a fait référence à une notion patrimoniale des actifs de l'Etat. France Télévision fera partie, semble-t-il de ces actifs. Il est donc important, à ce stade de la discussion, que la représentation nationale soit clairement informée de la valorisation de ces actifs.

Madame la ministre, aujourd'hui, connaissez-vous la valeur des actions de France 2, de France 3 et de La Cinquième ? Cette connaissance permettrait de déterminer correctement le capital de France Télévision.

Par ailleurs, vous permettez, par voie d'amendement, à France Télévision de créer des filiales numériques. Vous avez d'ailleurs indiqué, hier soir, que vous doteriez France Télévision d'un milliard de francs pour lui permettre de réaliser ces investissements. Est-ce suffisant ? J'ai cru comprendre, madame la ministre, et cela m'inquiète, que l'investissement dans le numérique hertzien serait particulièrement long. Avez-vous déjà une idée ? La dotation d'un milliard de francs sera-t-elle versée en une seule fois ? Sera-t-elle vraiment attribuée au développement du numérique hertzien ? Enfin, un amendement du Gouvernement proposera la création de filiales numériques par France Télévision et des personnes publiques. Quelles sont les personnes publiques auxquelles vous faites référence ? M. Le Guen vient de demander que l'offre de numérique hertzien intègre deux priorités : l'information et la jeunesse. Pour l'information, c'est un peu désobligeant pour France 2 et France 3, qui, me semble-t-il, remplissent leur rôle en la matière. J'avais cru comprendre que France 2 et France 3 seraient également présentes sur le numérique hertzien. Je ne vois pas pourquoi le service p ublic de l'audiovisuel, tel qu'il est souhaité par M. Le Guen, s'investirait davantage dans une chaîne d'information.

S'agissant de la jeunesse, La Cinquième, chaîne dédiée à la jeunesse et à l'éducation, accomplit parfaitement sa mission. Là encore, je ne vois pas pourquoi il serait nécessaire de créer une chaîne supplémentaire sur le numérique hertzien. Pourquoi décider des investissements supplémentaires ? Sauvegardons plutôt les deniers publics et évitons de puiser, comme vous le faires tous les jours en ce moment, dans la cagnotte fiscale que vous nous avez si bien présentée.

M. Michel Françaix.

La Cinquième n'est pas diffusée le soir.

M. Olivier de Chazeaux.

Oui, mais le soir, les enfants dorment.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je salue l'intervention de M. Le Guen, qui a ouvert un certain nombre de pistes pour le développement des nouveaux services numériques. Les décisions ne sont pas prises, la loi n'étant pas encore votée. La création de nouvelles filiales sera rendue possible par l'amendement no 1 du Gouvernement que nous examinerons plus tard.

Quant à M. de Chazeaux, je trouve sa question sur la valeur des actions malicieuse.

M. Patrice Martin-Lalande.

Cela nous arrive !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

L'Etat restera actionnaire à 100 % et je rappelle que France Télévision ne sera pas une société cotée.

Vous verriez peut-être, messieurs, un intérêt à la privatisation d'une partie du groupe France Télévision. Mais telle n'est pas la volonté du Gouvernement. La valeur de la télévision publique est faite des images qu'elle offre au public.

Pour ce qui est de la dotation d'un milliard de francs, je rappelle qu'elle s'ajoute aux crédits prévus pour la compensation intégrale des exonérations de redevance.

Etant spécifique, cette dotation sera versée en une fois, mais elle pourra être libérée progressivement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

S'agissant de la composition du capital des chaînes numériques terrestres, je répondrai lors de la discussion des amendements.

M. le président.

M. Dominati a présenté un amendement, no 274, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 2. »

Cet amendement est-il défendu ?

M. Patrice Martin-Lalande.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 274.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mathus, rapporteur, a présenté un amendement, no 57, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé pour l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986 :

« Art. 44-I. Il est créé une société, dénommée France Télévision, chargée de définir les orientations stratégiques, de coordonner et de promouvoir les politiques de programmes et l'offre de services, de conduire les actions de développement en veillant à intégrer les nouvelles techniques de diffusion et de production et de gérer les affaires communes des sociétés suivantes, dont elle détient la totalité du capital ! » Sur cet amendement, le Gouvernement a présenté un sous-amendement, no 386, ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 57, substituer au mot : "coordonner" le mot : "conduire". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 57, et pour donner, à l'avance, l'avis de la commission sur le sous-amendement no 386 du Gouvernement.

M. Didier Mathus, rapporteur.

L'amendement tend à donner à France Télévision les moyens de développer une véritable stratégie, en particulier dans le numérique, c'està-dire dans ses activités de diffusion et de production.

La commission a accepté le sous-amendement du Gouvernement.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre, pour présenter le sous-amendement no 386 et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no

57.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

L'intérêt de la constitution du groupe est clairement de pouvoir créer une force d'action et donc de conduire les politiques de programmes et l'offre de services.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 386.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 57, modifié par le sous-amendement no 386.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

En conséquence, les amendements nos 197 de M. Kert et 178 de M. Cuvilliez n'ont plus d'objet.

M. Dominati a présenté un amendement, no 278, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le deuxième alinéa du I du texte proposé pour l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986 :

« 1o Jusqu'au 1er janvier 2001, la Société nationale de programme, dénommée France 2, chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. »

Cet amendement est-il défendu ?

M. Olivier de Chazeaux.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 278.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Mamère, Aschieri et Hascoët, Mme Aubert, MM. Marchand et Cochet ont présenté un amendement, no 212, ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du deuxième alinéa (1o)

du I du texte proposé pour l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986, après les mots : "programmation généraliste", insérer les mots : " ; de référence". »

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Il s'agit simplement de faire de la holding du service public de l'audiovisuel un facteur d'émulation dans le paysage audiovisuel français.

Nous avons pu le constater en regardant les pays voisins, les chaînes de service public, comme la ZDF en Allemagne ou la BBC en Grande-Bretagne, peuvent être des pôles d'excellence de l'audiovisuel européen. Si nous voulons que le service public français joue ce rôle, il faut sans doute plus que ce que propose le projet de loi. A tout le moins écrivons que le service public de l'audiovisuel doit être un service public de référence.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ? M. Didier Mathus rapporteur.

La commission n'a pas adopté cet amendement, estimant que c'est tout le texte qui doit contribuer à la notion de « référence ». Le préciser sous forme d'amendement est peut-être même un peu réducteur compte tenu de nos ambitions pour le service public.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je partage pleinement les propos du rapporteur. Le Gouvernement souhaite que tout programme et toute entreprise, dans le cadre du développement du groupe, soit une référence. Je préfère donc que ce soit le texte dans son ensemble qui en rende compte.

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Je ne voudrais pas jouer ici les vilains petits canards, mais si nous avions vraiment voulu faire de l'audiovisuel public français un audiovisuel de référence, nous aurions pris toutes les dispositions - je dis bien toutes - pour qu'il soit mieux financé. Comparé à


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

ce qui se fait en Grande-Bretagne ou en Allemagne, le nôtre est en effet largement sous-financé. Comment demander à une chaîne de service public de devenir une chaîne de référence quand elle dépend à 50 % des recettes publicitaires ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mais non, pas à 50 % !

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Nous sommes au coeur du débat qui nous anime depuis hier. Si M. Mamère dépose un amendement tendant à préciser que le service public doit être une référence, c'est que malheureusement cela n'apparaît pas dans le texte. Ce n'est pas la création d'une holding, c'est-à-dire d'un super-ORTF, qui va garantir la qualité des programmes. Et M. Mamère a tout à fait raison quand il dit que, lorsque des chaînes de service public dépendent à 50 % de la publicité, elles ne peuvent plus assumer leur fonction de service public de la télévision.

Votre projet de loi, madame la ministre, ne donne pas le sentiment que le service public de la télévision sera une référence. En tout cas, rien ne nous en donne aujourd'hui l'assurance.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 212.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

MM. Kert, Baguet et Salles ont présenté un amendement, no 198, ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du deuxième alinéa (1o)

du I du texte proposé pour l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986, après les mots : "à l'intention du public le plus large", insérer les mots : ", favorise la création de productions télévisuelles originales". »

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Cet amendement se passe de commentaire. Il s'agit de compléter la définition des missions de France 2 qui se doit de soutenir la production télévisuelle.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement. L'objectif en question est déjà assigné à l'ensemble du service public audivisuel. Pourquoi vouloir le restreindre à France 2 ?

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 198.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

MM. Cuvilliez, Outin et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 179, ainsi libellé :

« Après les mots : "généraliste et diversifiée et", rédiger ainsi la fin de la dernière phrase du troisième alinéa (2o ) du I du texte proposé pour l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986 : "rend compte des événements régionaux au travers d'émissions d'information de proximité et de programmes régionaux". »

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Monsieur le président, j'avais déposé un amendement no 178 qui a disparu dans la tourmente.

M. le président.

Eh oui, il est tombé du fait de l'adoption d'un précédent amendement !

M. Christian Cuvilliez.

En effet, mais peu importe, l'essentiel étant que le débat ait eu lieu sur l'enjeu culturel de France Télévision. Nous souhaitons que celle-ci ne soit pas seulement définie dans le texte comme un établissement industriel. Le débat qui vient d'avoir lieu met en évidence l'importance de l'enjeu. Il ne faut pas se contenter de donner à cet établissement nouveau une signification économique. Il importe de lui conférer une dimension de service public culturel. C'est ce souci que traduit l'amendement no 179.

Nous souhaitons que France 3 conserve à la fois sa vocation généraliste et sa vocation « régionaliste », si je puis dire. Avec le passage au numérique hertzien, il faudrait en effet éviter que les informations sur les régions ne soient délivrées qu'à l'occasion de simples décrochages dans un paysage standardisé. La chaîne doit jouer un rôle dynamique de lien interactif entre les régions et les téléspectateurs. Il faut donc lui confier les missions correspondant à cette dimension et lui donner les moyens de les remplir.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement, estimant qu'il était déjà satisfait par la rédaction actuelle de l'article. Je sais bien que l'on fait rarement du Stendhal quand on écrit la loi, mais je signale à notre excellent collègue Cuvilliez que la rédaction qu'il propose me paraît moins précise que celle du projet.

M. le président.

Maintenez-vous cet amendement, monsieur Cuvilliez ?

M. Christian Cuvilliez.

Si l'objectif que nous visons est mieux garanti par la rédaction actuelle, je le retire.

M. le président.

L'amendement no 179 est retiré.

M. Dominati a présenté un amendement, no 277, ainsi rédigé :

« I. Supprimer l'avant-dernier alinéa du I du texte proposé pour l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986.

« II. En conséquence, dans le dernier alinéa du I, supprimer les mots : "et 3o ". »

Cet amendement est-il défendu ?

M. Olivier de Chazeaux.

Il l'est, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Compte tenu du retrait d'Arte de la holding et du divorce aujourd'hui consommé entre Arte et La Cinquième, j'exprimais hier mes craintes de voir cette dernière prise en sandwich entre France 2 et France 3 au sein de la holding. Je tiens à dire que les responsables et les personnels de La Cinquième sont très inquiets quant à leur avenir.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 277.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

M. le président.

M. Mathus, rapporteur, a présenté un amendement, no 58, ainsi rédigé :

« Substituer à l'avant-dernier alinéa (3o ) du I du texte proposé pour l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986 les deux alinéas suivants :

« 3o La Société nationale de programme, dénommée La Cinquième, chargée de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère éducatif et favorisant l'accès au savoir, à la connaissance, à la formation et à l'emploi, destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. Cette p rogrammation doit contribuer à l'éducation à l'image et aux médias.

« Les sociétés visées à l'article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle passent avec l'autorité a dministrative compétente des conventions prévoyant les conditions dans lesquelles les établissements d'enseignement et de formation sont autorisés à réaliser et à utiliser à des fins pédagogiques des copies de programmes diffusés par cette société. »

Sur cet amendement, je suis saisi de deux sousamendements, pouvant être soumis à une discussion commune.

Le sous-amendement no 196, présenté par MM. Kert, Baguet et Salles, est ainsi rédigé :

« Compléter le premier alinéa (3o ) du texte proposé pour l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986 par l'amendement no 58 par les deux phrases suivantes : "Une partie significative de cette programmation doit être consacrée à des programmes de promotion pour les organismes favorisant l'accès au savoir. Cette société est chargée de constituer une banque publique de programmes multimédias destinés aux établissements d'enseignement et de formation." » Le sous-amendement no 497, présenté par le Gouvernement, est ainsi rédigé :

« Après le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986 par l'amendement no 58, insérer l'alinéa suivant :

« Cette société favorise la diffusion de programmes éducatifs et de formation sur des supports diversifiés ainsi que leur utilisation par d'autres services de communication audiovisuelle et par les organismes d'enseignement et de formation. »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

58.

M. Didier Mathus, rapporteur.

Suite à la « dé-fusion » d'Arte et de La Cinquième, il s'agit d'intégrer celle-ci dans le dispositif de la holding comme société de programme à part entière. Cela répond tout à fait au souci de M. Salles. Elle deviendra ainsi une vraie société de programme, dont le statut sera aligné sur celui de France 2 et France 3 et c'est une garantie pour ses missions spécifiques.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je suis très favorable à l'amendement, car la Société nationale de programme, filiale à part entière au même titre que France 2 et France 3, donnera toute sa place à l'un des atouts majeurs du groupe France Télévision au moment de sa création et de son passage sur le numérique hertzien.

Le sous-amendement no 497 du Gouvernement a pour objet de rétablir l'alinéa du Sénat visant à confirmer La Cinquième dans sa vocation à diffuser des programmes éducatifs sur l'ensemble des supports multimédia. Il me paraît en outre de nature à satisfaire le souci exprimé par le sous-amendement no 196 qui vise un objectif comparable.

Par ailleurs, je sais bien que tout changement est de nature à inquiéter les personnels. Mais le fait de faire de La Cinquième une société nationale de programme garantit son indépendance rédactionnelle et d'élaboration de programmes. J'ai réuni dans mon bureau les deux présidents, M. Marc Tessier et M. Jérôme Clément, pour que la période de « dé-fusion » se passe au mieux. Ils ont décidé de créer des groupes de travail pour régler tous les problèmes de locaux et de séparation des postes jusqu'à présent communs aux deux sociétés. Le dispositif se met en place et les personnels de La Cinquième ont la garantie qu'ils intégreront le groupe France Télévision et la nouvelle société dans les mêmes conditions sociales.

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles, pour défendre le sous-amendement no 196.

M. Rudy Salles.

S'il est satisfait par celui du Gouvernement, nous pouvons le retirer. Je veux néanmoins dire à Mme la ministre que les assurances qui nous sont données ici en séance publique ne nous satisfont pas elles nous inquiètent même. L'histoire de ces chaînes, leur poids économique, leur importance en termes d'audience sont en effet si différents que leur alliance risque de se faire au détriment de La Cinquième.

Par ailleurs, j'aimerais savoir combien coûtera la « défusion » d'Arte et La Cinquième pour que nous sachions où nous en sommes.

M. le président.

Monsieur Salles, puis-je considérer que vous retirez le sous-amendement no 196 ?

M. Rudy Salles.

Oui, monsieur le président !

M. le président.

Le sous-amendement no 196 est donc retiré.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement no 497 ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

La commission n'a pas examiné ce sous-amendement, mais il va dans le sens de sa volonté de conforter les missions de La Cinquième plus largement qu'en visant simplement la BPS, aujourd'hui en partie obsolète. Donc avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 497.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 58, modifié par le sous-amendement no 497.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

MM. Cuvilliez, Outin et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 180, ainsi rédigé :

« Avant le dernier alinéa du I du texte proposé pour l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986, insérer l'alinéa suivant :

« 4o La société dénommée la Société française de production. »

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

J'ai le sentiment de n'être pas vraiment entendu lorsque je plaide pour la SFP. Je continue néanmoins à le faire, comme en première lecture.

La Société française de production devrait, me semblet-il, avoir sa place dans la société nouvelle, d'autant que l'espace qui va se développer avec le numérique hertzien


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 MARS 2000

appellera un effort accru de production et de création.

Les acteurs et les producteurs ont réclamé à Chaillot une dynamique supplémentaire. Il n'y a aucune raison que les quotas imposés pour la production ne soient pas portés de 15 à 25 %, par exemple, et que la SFP ne retrouve pas, d'une manière fonctionnelle avec la holding, des parts de marché qui lui sont aujourd'hui chichement comptées. La SFP ne doit pas être abandonnée à la concurrence comme une orpheline. Cet amendement tend à lui permettre de retrouver ses marques au sein du service public.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

C'est un débat que nous avons eu longuement en première lecture. La commission n'avait alors pas suivi les arguments de Christian Cuvilliez. En deuxième lecture, elle a à nouveau rejeté cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Ce débat a en effet déjà eu lieu assez longuement. Je voudrais seulement rappeler à M. Cuvilliez que l'intégration de la SFP dans la holding serait considérée par Bruxelles comme une renationalisation qu'il serait absolument impossible de faire comprendre étant donné les efforts que l'Etat a consentis pour éviter le dépôt de bilan de cette société et pour la financer dans des conditions respectueuses de son patrimoine et de son histoire.

M. le président.

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Même si elle mérite d'être disc utée, je comprends bien l'argumentation juridique, madame la ministre. Mais ce que nous voulons signifier par notre amendement, c'est que la Société française de production doit avoir, dans ce nouveau paysage, une place reconnue, active et dynamique. A défaut d'être intégrée dans la holding, comme nous le proposons dans notre amendement, elle doit pouvoir passer des conventions avec France Télévision afin de développer son activité.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 180.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures dix.)

M. le président.

La séance est reprise.

Je suis saisi de deux amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 213, présenté par MM. Mamère, Aschieri et Hascoët, Mme Aubert, MM. Marchand et Cochet, est ainsi rédigé :

« I. - Avant le dernier alinéa du I du texte proposé pour l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986, insérer l'alinéa suivant :

« 4o - La Société nationale de programme dénommée Réseau France outre-mer chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision et de radiodiffusion sonore destinées à être diffusées dans les départements, territoires et collectivités territoriales d'outre-mer ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie.

Les émissions des autres sociétés nationales de programme et de la société La Cinquième-ARTE, pour l'exercice de la mission prévue au a de l'article 45, sont mises à sa disposition à titre gratuit.

« II. - En conséquence, supprimer le II de cet article. »

L'amendement no 167, présenté par Mme Bello, M. Claude Hoarau et M. Elie Hoarau, est ainsi rédigé :

« Au début du II du texte proposé pour l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986 substituer à la référence : "II", la référence "4o ". »

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement no 213.

M. Noël Mamère.

Cet amendement, que notre assemblée connaît déjà car nous en avions largement débattu lors de la première lecture, vise à intégrer la société RFO à la nouvelle holding. Il s'agit en effet d'être cohérent avec le texte qui nous est présenté.

Les arguments invoqués par les représentants des départements et territoires d'outre-mer ou même des responsables de la société RFO ne sont pas convaincants. Il n'y a aucune raison objective, juridique, éditoriale ou de cohérence, qui justifierait que RFO soit coupée de la holding.

De toute façon, l'octroi à RFO d'un statut particulier aurait des effets pervers et contribuerait à en faire une chaîne à part alors qu'elle appartient, de manière pleine et entière, à l'ensemble du service public de l'audiovisuel.

Voilà pourquoi nous proposons, dans l'amendement no 213, de revenir à la solution adoptée en première lecture : faire de la société RFO une partie intégrante de la holding France Télévision. Nous avons d'ailleurs interrompu notre séance il y a quelques minutes sur une autre décision aboutissant à rattacher La Cinquième à cette même holding.

M. le président.

La parole est à Mme Huguette Bello, pour présenter l'amendement no 167.

Mme Huguette Bello.

Comme je l'ai dit en première lecture, cet amendement a un double objectif : d'une part, définir les nouvelles missions de RFO ; d'autre part, définir le cadre juridique qui présente le plus de garanties pour assurer à RFO les moyens de mener à bien ses missions.

Tout le monde sait qu'avec les évolutions technologiques, RFO n'aura plus à assurer en priorité sa mission de continuité territoriale. Ses différentes stations pourront ainsi se consacrer à la production locale et au développement d'une coopération audiovisuelle régionale.

Plus proches des populations auxquelles leurs programmes sont destinés et plus ouvertes sur les environnements régionaux dans lesquels elles sont implantées, les stations de RFO pourront alors - beaucoup disent

« enfin » - devenir de véritables stations régionales.

J'ai la conviction que pour remplir, avec des émissions de qualité, ces nouvelles missions, le rattachement à la holding France Télévision est la solution qui offre le plus de garanties, notamment en termes de moyens financiers.

Mais rien ne s'oppose, bien au contraire, à ce que cette intégration s'accompagne de conventions définissant les missions et garantissant les moyens de RFO. Une intégration à la holding et des conventions, telle est d'ailleurs la solution que nous proposons par le biais de cet amendement.

Laisser RFO en dehors de la holding, c'est courir le risque d'une privatisation larvée. Rien ne justifie que l'audiovisuel public puisse, outre-mer, devenir l'otage de


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quelque puissance capitalistique. Les téléspectateurs de l'outre-mer ont, eux aussi, droit en la matière à un service public, fort, garant d'indépendance et de pluralisme.

Je conclurai en soulignant que le rattachement à la holding, est la solution souhaitée par une grande partie du personnel de RFO.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Nous avons déjà longuement débattu de cet aspect des choses en première lecture. Après de très nombreuses consultations d'où il est ressorti que le souci commun était de développer les missions de service public de RFO, souci largement partagé sur tous les bancs de cette assemblée, on a bien compris que les arguments qui s'opposent à l'entrée de RFO dans la holding France Télévision sont les mêmes que ceux qui plaident pour cette même entrée de RFO dans la holding. C'est un peu troublant ! Pour certains, rentrer dans la holding, c'est signer le dépérissement de RFO, celle-ci n'étant pas en mesure de peser durablement face à ses grands voisins, au sein de cette holding. Pour d'autres, c'est le fait de laisser RFO en dehors de la holding qui risquerait de mener à son dépérissement.

Chacun a le souci de faire en sorte que RFO soit la mieux placée possible pour remplir ses missions qui, encore une fois, sont très spécifiques et qui nous amènent d'ailleurs au-delà d'une simple réflexion sur l'économie de la télévision française ; car c'est de bien autre chose qu'il s'agit.

La commission a donc calé sa position sur celle de la première lecture, qui avait abouti à un système de conventionnement entre RFO et la holding. Il nous a semblé sage de s'en tenir là, même si on peut parfaitement concevoir que le système retenu sera évolutif et qu'il ne restera pas figé.

J'observe qu'il est extrêmement difficile de définir une ligne commune puisque selon la répartition géographique les députés des DOM-TOM ont des avis extrêmement différents sur la question.

La position déjà esquissée par le ministère en première lecture est une position médiane, une position de sagesse, qui permettra de travailler dans la durée et assurera l'épanouissement et donc le renforcement des missions de RFO, dans un esprit de coopération avec la holding.

Nous sommes donc défavorables à ces deux amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le Gouvernement accorde la plus grande importance à l'évolution et à l'avenir de RFO. Comme l'a rappelé le rapporteur, cette question se pose « dans les deux sens » selon que l'on propose d'intégrer la chaîne dans le groupe France Télévision ou, au contraire, de maintenir son autonomie tout en la dotant, comme les autres entreprises publiques audiovisuelles, d'un contrat d'objectifs et de moyens garantissant la réalisation de ses missions de service public, qui se trouvent réaffirmées.

Pour répondre à Mme Bello, qui s'inquiétait d'un risque de privatisation, je précise qu'il n'est pas question de remettre en cause le statut public de RFO, qui doit développer les services de proximité mais aussi permettre à l'ensemble des citoyens des départements et territoires d'outre-mer d'accéder aux programmes métropolitains de France Télévision.

Le choix fait en première lecture à l'Assemblée nationale consistait à organiser et à développer une coopération entre le groupe France Télévision et RFO. A cela plusieurs raisons.

La première était qu'une partie des élus de l'outre-mer se demandait comment il serait possible de prendre en compte la spécificité de chacun des départements et territoires.

D'emblée, dans mon propos de présentation de cette deuxième lecture, j'ai rappelé que c'est bien dans cet esprit que cette coopération devait être envisagée. La population a des attentes particulières s'agissant des grands principes - citoyenneté, pluralisme, services adaptés aux missions - mais aussi de la place et de la reconnaissance de RFO dans l'ensemble des entreprises publiques françaises.

La seconde raison était que les besoins financiers risquaient de n'être pas suffisamment pris en compte. Un grand effort a été accompli au sein de RFO par son équipe dirigeante, comme par l'ensemble du personnel, pour redresser la situation financière de la chaîne qui posait quelques problèmes. Encore une fois, l'équité entre les entreprises publiques, la pluriannualité et l'évolution des moyens de RFO seront assurées dans le respect de la place que tient chacune. Ce qui motive le Gouvernement, c'est aussi de prendre en compte les populations et les publics desservis.

De ce point de vue, les populations des départements et territoires d'outre-mer ont droit aux mêmes services et à la même qualité de services dans leur environnement propre. RFO doit aujourd'hui prendre des options stratégiques qui peuvent entraîner des évolutions importantes s'agissant de l'équilibre entre programmes locaux et retransmission des programmes métropolitains, entre diffusion terrestre et satellitaire.

Je vous ai bien entendus. Vous souhaitez que cette question ne se règle pas au détriment du pluralisme et du respect de la double mission de RFO, qui doit se partager entre les services locaux et la retransmission des programmes nationaux.

Cette question peut trouver une réponse dans l'engagement tout à fait solennel que prend le Gouvernement par ma voix. Je veillerai à ce que soient mises en oeuvre les formes de coopération souhaitables, respectueuses d'abord de la situation des départements d'outre-mer, comme l'exigent les populations.

Je comparerai RFO à une autre entreprise, Radio France. Nous avons un groupe de télévision publique et, à côté, la société Radio France, qui dispose des mêmes garanties. Eh bien, RFO aura le même statut que l'ensemble des entreprises publiques audiovisuelles et ne sera pas considérée comme une entreprise secondaire, d'autant moins qu'il s'agit d'une chaîne de radio et de télévision.

Nous pensons que la situation de RFO dans les départements et territoires d'outre-mer est une chance pour l'évolution de l'audiovisuel public français, à la fois pour la diffusion des programmes et pour les services rendus aux populations.

Mieux vaut respecter le caractère particulier de RFO sans pour autant la fragiliser. C'est pourquoi, comme en première lecture, nous préférons la solution de la coopération. J'ai donc demandé que la convention soit préparée. Nous aurons l'occasion d'y revenir avant même la mise en oeuvre de la loi puisque, d'ici là, elle sera prête.

Je m'engage à en parler avec l'ensemble des parlementaires de l'outre-mer, qui veulent légitimement obte-


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nir l'assurance que cette convention de coopération sera conforme à ce qu'ils attendent d'un service public financé par des moyens publics.

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Madame la ministre, je comprends votre gêne et votre embarras. Une première formule prévoyait l'intégration de RFO. Ensuite, il ne fallait plus du tout l'intégrer. Maintenant, on en est au conventionnement. Vous avouerez que tout cela est un peu compliqué.

Personnellement, je suis hostile à la création de la holding France Télévision. Mais à partir du moment où on la crée, on ne comprendrait pas que RFO n'en fasse pas partie. Vous dites vouloir accroître le rayonnement de RFO. Est-ce à croire que son intégration dans la holding le limiterait ? Et si la réponse est oui, on peut alors s'interroger sur le rayonnement des autres chaînes qui y entreront.

Vous prenez des engagements solennels devant notre assemblée, c'est très bien. Mais ici, on n'enregistre pas des engagements solennels, on fait la loi. Le problème est donc de savoir si l'on intègre ou si l'on n'intègre pas.

M. le président.

La parole est à M. Laurent Dominati.

M. Laurent Dominati.

Madame la ministre, vous devez effectivement choisir.

Soit on considère que la holding permet de renforcer le secteur public, et alors ce serait une erreur de ne pas adosser RFO à cette holding. Donc, il faut l'y intégrer, comme le propose en particulier Noël Mamère.

Soit on considère que RFO doit vivre sa vie, et alors, comme je le propose dans un amendement ultérieur, il faut appliquer la loi Fillioud de 1982 et décentraliser RFO, c'est-à-dire créer une société dans chaque département et territoire d'outre-mer.

Personnellement, j'ai une préconisation : oser l'autonomie des différentes stations régionales de RFO et appliquer enfin la loi de 1982. Mais si vous n'êtes pas décidée à le faire, alors je me range à l'avis de M. Mamère et je vous dis : confortez la situation de RFO dans le secteur public en l'intégrant à la holding.

Ce que l'on vous reproche, c'est de rester dans une certaine ambiguïté, que vous habillez avec le mot de convention. La réalité, c'est que vous n'avez toujours pas choisi alors que nous sommes en deuxième lecture. Pour ma part, je soutiendrai l'amendement de M. Mamère, pour assurer la cohérence de vos propres décisions.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

La position de principe du Gouvernement est la même qu'en première lecture, à savoir le maintien de RFO en tant que société publique audiovisuelle ; la nouveauté, c'est que s'y ajoute une convention entre RFO et le groupe France Télévision. RFO, grâce à cette convention de coopération, pourra bénéficier d'une forme d'adossement sans être noyée dans la holding. La tension qui existe entre les antennes de RFO dans les départements et territoires d'outre-mer et l'équipe nationale est déjà bien assez forte. Je pense qu'on a plutôt intérêt à respecter l'évolution propre de RFO, à prendre en compte ses exigences particulières, tout en lui apportant l'appui, la coopération et l'ouverture du groupe France Télévision. A mon avis, c'est la meilleure solution.

C'est pourquoi je préférerais que l'amendement de M. Mamère soit retiré. S'il est maintenu, le Gouvernement sera contraint de lui donner un avis défavorable, ce que je ne souhaitais pas dire avec autant de clarté - M. Dominati ne l'a pas compris -...

M. Laurent Dominati.

Oh si !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... car je préfère, dans l'intérêt de RFO, que notre position soit plus consensuelle.

M. le président.

Que répondez-vous à l'invitation du Gouvernement, monsieur Mamère ?

M. Noël Mamère.

Au risque de froisser Mme la ministre, je ne peux pas accepter de retirer mon amendement. J'ai entendu ses arguments, mais je pense qu'il est nécessaire, pour le bien de RFO, d'assurer cette continuité évoquée par quelques-uns de mes collègues et cette cohérence qui correspond à l'économie du projet de loi en intégrant RFO dans la holding France Télévision.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 213.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 167.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mes chers collègues, il est dix-neuf heures trente et il nous faudrait trop de temps pour achever l'examen de l'article 2. Nous allons donc interrompre nos travaux.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique ; Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, no 2119, modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : M. Didier Mathus, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 2238).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT