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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 MARS 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON

1. D émission du président de l'Assemblée nationale (p. 2625).

2. Résolution adoptée en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 2625).

3. Adoption internationale. - Discussion d'une proposition de loi (p. 2625).

M. Jean-François Mattei, rapporteur de la commission des lois.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 2629)

MM. Bruno Bourg-Broc, Gérard Gouzes, Yves Nicolin, Mme Bernadette Isaac-Sibille,

M.

Bernard Birsinger, Mmes Martine Aurillac, Gilberte Marin-Moskovitz,

M.

Jacques Floch, Mme la garde des sceaux.

Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 2639)

Avant l'article 1er (p. 2639)

Amendement no 4 de M. Nicolin : MM. Yves Nicolin, le rapporteur, Gérard Gouzes, vice-président de la commission des lois ; Mme la garde des sceaux. - Rejet.

L'amendement no 6 de M. Jean-Pierre Michel n'a plus d'objet.

Amendement no 12 de M. Gouzes : MM. le vice-président de la commission, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

4. Election du président de l'Assemblée nationale et fixation de l'ordre du jour de l'Assemblée (p. 2640).

5. Adoption internationale. - Reprise de la discussion d'une proposition de loi (p. 2640).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 2640)

Article 1er (p. 2640)

Mme Christine Boutin.

Amendement no 16 de M. Floch : MM. Jacques Floch, le président.

Amendement no 15 de M. Floch : MM. Jacques Floch, Jean-François Mattei, rapporteur de la commission des lois ; Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. - Adoption des amendements nos 16 et 15.

Amendement no 17 de Mme Isaac-Sibille : Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Amendement no 8 corrigé de M. Mattei : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 13 de M. Gouzes : MM. Gérard Gouzes, vice-président de la commission des lois ; le rapporteur,

Mme la garde des sceaux, M. Yves Nicolin. - Adoption.

Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 (p. 2644)

Amendement no 14 de M. Floch : MM. Jacques Floch, le rapporteur, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. - Adoption.

L'article 2 est ainsi rédigé.

Après l'article 2 (p. 2644)

A mendements nos 9 de M. Mattei et 1 rectifié de Mme Isaac-Sibille : M. le rapporteur, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. le vice-président de la commission,

Mme la secrétaire d'Etat, M. Bernard Birsinger. - Rejets.

Amendements nos 10 de M. Mattei et 2 rectifié de Mme Isaac-Sibille : M. le rapporteur. - Retrait de l'amendement no

10. Mme Bernadette Isaac-Sibille. - Retrait de l'amendement no 2 rectifié.

Article 3. - Adoption (p. 2648)

Article 4 (p. 2648)

Amendement no 7 de M. Jean-Pierre Michel, avec les sousamendements nos 18 M. Nicolin et 19 de M. Birsinger : MM. Jean-Pierre Michel, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Retrait de l'amendement no

7. Adoption de l'article 4.

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 2649)

Mme Bernadette Isaac-Sibille,

MM. Yves Nicolin, Patrick Delnatte, Gérard Gouzes.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 2649)

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.

6. Ordre du jour des prochaines séances (p. 2649).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 MARS 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1 DÉMISSION DU PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

M. le président.

M. le premier vice-président de notre assemblée a reçu de M. Laurent Fabius la lettre suivante :

« Paris, le 27 mars 2000.

« Monsieur le président et cher collègue,

« Ainsi que j'en ai informé l'ensemble de nos collègues par lettre du 27 mars, j'ai décidé de me démettre de mes fonctions de président de l'Assemblée nationale.

« Je vous prie, monsieur le président et cher collègue, d'agréer l'assurance de mes meilleurs sentiments.

« Signé : LAURENT FABIUS. »

Acte est donné de cette communication.

2 RÉSOLUTION ADOPTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président.

J'informe l'Assemblée qu'en application de l'article 151-3, alinéa 2, du règlement, est considérée comme définitive la résolution, adoptée par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur la proposition de règlement (CE) du Conseil relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale des enfants communs (COM [1999] 220 final/no E 1270).

3 ADOPTION INTERNATIONALE Discussion d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-François Mattei et plusieurs de ses collègues, relative à l'adoption internationale (nos 2217, 2265).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Jean-François Mattei, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, ministre de la justice, mes chers collègues, de tels sujets, qui concernent l'enfant et plus encore l'enfant dans la détresse, nous donnent l'occasion de nous interroger sur l'essence même de notre engagement politique et le sens de notre action. C'est la raison pour laquelle je suis heureux d'être aujourd'hui le rapporteur de ce texte qui nous rassemble. Mes remerciements s'adressent à tous ceux qui m'ont aidé et accompagné, ceux qui ont soutenu ce texte et contribué à l'améliorer : non seulement le groupe Démocratie libérale et Indépendants, qui a choisi cette proposition de loi pour sa fenêtre parlementaire, les groupes UDF et RPR qui se sont associés dès le début, mais aussi les parlementaires des groupes de la majorité et singulièrement ceux du groupe socialiste. Je citerai tout particulièrement Mme Véronique Neiertz car, depuis la loi de 1996 pour laquelle elle était le porte-parole du groupe socialiste, nous avons partagé le même souci quant à l'évolution des procédures de l'adoption. J'ai été sensible au fait que tous considèrent ce texte comme d'intérêt général et acceptent de le discuter et de l'amender pour progresser encore. Je veux aussi remercier les membres de la commission des lois, notamment celle qui était encore présidente lorsque nous avons discuté de ce texte la première fois, à savoir C atherine Tasca, pour leur soutien attentif. Enfin, madame la ministre, je veux vous remercier aussi, vous et votre cabinet, pour l'intérêt véritable que vous avez manifesté avec le souci de voir ce texte aboutir.

Le sujet qui nous retient aujourd'hui est à nouveau d'actualité tant les problèmes qu'il soulève sont difficiles à régler. Fin janvier, c'était le Conseil de l'Europe qui se penchait sur cette question. Récemment, la Commission des droits de l'homme de l'ONU s'est réunie à Genève pour adopter un texte qui sera transmis à l'Assemblée générale de l'ONU, afin qu'il n'y ait plus d'enfants vendus, d'enfants bafoués, d'enfants trahis.

C'est dans ce contexte que s'inscrit cette proposition de loi qui tend à compléter la loi de 1996 et à assurer la mise en oeuvre de la convention de La Haye visant à moraliser l'adoption internationale. Nous n'avions pu à l'époque aller aussi loin que nous le souhaitions dans ce domaine, car la France n'avait pas encore ratifié cette convention. La jurisprudence semblait par ailleurs se dessiner de la meilleure façon qui soit pour les enfants et les parents adoptifs, malgré un parcours difficile et semé d'embûches. Depuis la convention de La Haye, l'adoption internationale devrait se faire dans la plus grande clarté. C'est le cas entre les pays qui l'ont ratifiée.

En revanche, presque de façon obligée, les procédures se sont compliquées s'agissant d'adoptions dans les pays qui n'ont pas encore ratifié la convention internationale, soit qu'ils n'aient aucune législation sur l'adoption, soit qu'ils n'aient pas encore les instruments nécessaires pour l'appliquer, soit qu'ils n'aient pas parcouru le chemin ini-


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tiatique qui conduit à reconnaître l'incapacité à prendre en charge ses propres enfants. Dans tous ces cas, les juridictions françaises s'interrogent, soupçonnent parfois et s'opposent trop souvent au prononcé de l'adoption.

Vous le savez tous aussi bien que moi, non seulement par le vécu de vos propres familles et de vos connaissances, mais aussi parce que vous êtes saisis de ces problèmes par vos électeurs, nombre de situations ne sont pas humainement acceptables. De très nombreux dossiers dont j'ai connaissance montrent qu'il y a lieu de se révolter et de s'indigner. Il était donc temps de proposer des normes législatives afin de répondre aux questions des juridictions et de fixer des repères précis lorsqu'il y a possibilité de conflit entre les lois de différents pays pour garantir une sécurité juridique aux parents adoptifs. La chose n'est pas simple et je voudrais d'abord rappeler quelques repères qu'il me semble indispensable de fixer pour ne pas s'égarer.

Tout d'abord, il faut rappeler qu'il ne saurait y avoir de « droit à l'enfant ».

Ensuite, il faut insister sur la priorité qui doit être donnée à toute solution nationale. C'est l'adoption à l'intérieur du pays d'origine qui doit être privilégiée. L'adoption internationale ne s'impose que devant l'incapacité d'un pays à prendre en charge ses propres enfants privés de famille. Dans une telle situation, trois dangers doivent être évités.

Le premier serait d'assimiler l'adoption internationale à une action humanitaire. L'élan du coeur peut parfois conduire à des échecs désastreux. C'est d'ailleurs pourquoi, à mon sens, on ne saurait faire de publicité pour des enfants à adopter comme pour une collecte de dons en faveur du Kosovo. Je fais allusion aux pratiques récentes d'un pays voisin.

Le deuxième serait de considérer les pays pauvres comme des réservoirs d'enfants pour les pays riches. A cet égard, la connaissance et le respect des origines s'imposent, et tout doit être fait pour que l'enfant n'en soit pas privé.

Le troisième danger serait d'organiser des filières et d'avaliser des procédés relevant du marché. Le risque est grand de trafics, de fraudes, de pratiques clandestines, car l'enfant est innocent et l'amour est aveugle. Ils constituent donc, l'un et l'autre, des proies faciles pour ceux qui veulent faire commerce des enfants.

On le voit, la difficulté reste entière quand l'adoption implique un pays qui n'a pas ratifié la convention de La Haye. Faut-il a priori le tenir pour suspect et l'exclure ? Faut-il interrompre brutalement les procédures en cours ? Faut-il inciter ainsi au développement de la clandestinité ? Il vaut mieux, à mon sens, négocier en pareil cas une convention bilatérale fondée sur les principes de la convention de La Haye, et ce pour une période limitée dans le temps. C'est ce que j'ai toujours souhaité et je suis heureux qu'une telle procédure soit en cours pour le Vietnam. Puissent d'autres conventions suivre avec d'autres pays dans le même cas ! En évitant ainsi de rompre les liens, on incite au contraire les pays concernés, en les aidant, à se doter des moyens nécessaires à la ratification et à normaliser leurs pratiques. C'est faire preuve de pédagogie en alliant exigence et compréhension.

Le texte que j'ai l'honneur et le bonheur de vous présenter aujourd'hui tente de répondre à ces questions.

Les deux premiers articles visent tout d'abord à assurer la sécurité juridique des adoptés en posant des normes de conflit de lois. L'article 1er confirme ainsi la reconnaissance de plein droit des décisions d'adoption régulièrement prononcées à l'étranger, qui doivent produire les effets prévus par la loi française non seulement lorsque l'adoptant est français, mais également lorsqu'il réside habituellement en France. Il autorise la conversion des adoptions simples en adoptions plénières, dès lors que le consentement requis pour l'adoption a été donné en ce sens. Enfin, il précise les règles applicables en l'absence de législation relative à l'adoption dans le pays d'origine de l'enfant.

La proposition de loi vise également à renforcer la qualité du consentement requis pour le prononcé de l'adoption en s'inspirant des dispositions de la convention de La Haye qui doit - j'en suis intimement persuadé - devenir la norme en matière d'adoption internationale. Il s'agit par là même d'éviter le développement de pratiques contestables, préjudiciables à l'intérêt de l'enfant. La discussion a été quasiment consensuelle sur ce point et je développerai tel ou tel aspect en tant que de besoin au cours de la discussion des articles et des amendements.

C'est également dans le souci de servir au mieux l'intérêt de l'enfant et parce que nombre d'entre eux sont d'origine étrangère que j'avais souhaité une nouvelle rédaction, plus appropriée, de l'article 350 du code civil relatif à la déclaration judiciaire d'abandon. Je n'ai pas été suivi - peu s'en est fallu - par la commission des lois au motif, d'ailleurs recevable, que la proposition de loi concernait exclusivement l'adoption internationale. Je le regrette, car cette déclaration judiciaire d'abandon est aussi impliquée dans l'adoption internationale. Dans sa rédaction actuelle, l'article 350 est inapplicable. Il laisse trop peu de marge à l'interprétation et surtout il méconnaît la situation de très nombreux enfants oubliés.

Il s'agissait donc, non pas de rendre systématique la déclaration d'abandon au terme de quatre années, mais de répondre à une double exigence.

D'une part : éviter l'oubli de dossiers quand plus aucune obligation n'est faite de se pencher sur le pourquoi et le comment d'un placement au long court. Je voulais que le tribunal soit obligé, après un placement de quatre ans, de se pencher sur les dossiers. Première exigence : pas d'enfants oubliés ! D'autre part : préserver l'intérêt de l'enfant et de sa famille quand le lien familial persiste malgré des conditions difficiles d'incarcération, d'hospitalisation, d'exclusion socio-économique à l'origine de situations de grande détresse. Je suis d'accord avec ceux qui défendent l'idée que tout doit être fait pour préserver le lien familial dans toute la mesure du possible. J'avais à cet égard l'accord d'ATD Quart-monde, sous condition de la référence à cette grande détresse, et de l'association des anciens pupilles de l'Etat moyennant des amendements que j'ai intégrés. La rédaction laissait toute latitude au juge, systématiquement saisi, de choisir la meilleure solution pour l'enfant. Seconde exigence : faire primer l'intérêt de l'enfant.

Tout le monde s'est ensuite accordé pour reconnaître que les représentants des organismes agréés pour l'adoption et des associations de familles adoptives devaient être associées, avec voix consultative, à la composition de l'autorité centrale pour l'adoption. Nous avons tout à gagner à ce qu'un travail commun, réalisé dans la plus grande transparence, prévienne les incompréhensions que peuvent parfois susciter les décisions des pouvoirs publics.

Avant de conclure mon propos, je voudrais saisir cette occasion pour déplorer que, quatre ans après la loi de 1996, tous les décrets prévus n'aient pas encore été publiés et que le rapport prévu au terme de trois ans, soit


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en 1999, ne connaisse même pas, sauf erreur de ma part, le moindre début de commencement. C'est probablement parce qu'elle était consciente de cette situation de blocage que Mme Véronique Neiertz a déposé un amendement sur le fonctionnement du Conseil supérieur de l'adoption. Il a été adopté à l'unanimité, car il est insupportable que les décisions de la représentation nationale puissent rester lettre morte en raison de telle ou telle inertie relevant parfois d'une véritable résistance.

Comment admettre qu'un enfant régulièrement confié pour adoption dans un pays, avec les consentements requis et selon des procédures régulières, entrant en France avec un visa dûment accordé par la France, ne soit pas chez lui une fois chez nous et devienne un enfant sans papiers, de nulle part ? Faire en sorte que cela soit désormais impossible constitue la raison d'être de ce texte. J'espère que nous allons ensemble le voter. C'est un devoir, c'est une profession de foi, c'est aussi un acte d'amour. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais d'emblée souligner que la question de l'adoption est essentielle à mes yeux, car la famille a toujours représenté une priorité pour moi. Je prépare d'ailleurs une réforme du droit de la famille qui, pour l'essentiel, vise à assurer la stabilité de la filiation pour les enfants. La sécurité du lien juridique entre les parents et les enfants est un axe absolument primordial de cette réforme que j'entends conduire.

Sur le plan international, une telle orientation doit aussi prévaloir, car nous devons résoudre non seulement les problèmes posés par l'adoption, mais aussi ceux rencontrés par les enfants de couples binationaux séparés.

Vous savez l'attention personnelle que je porte à la résolution de ces questions concernant les couples francoallemands ou franco-marocains séparés notamment. Avec les pays en question, nous avons mis en place des procédures pour faciliter le règlement des litiges. Nous avons même instauré, entre la France et l'Allemagne, un groupe de six parlementaires - trois de chaque pays - qui doivent jouer un rôle de médiateur et veiller à ce que les jugements des tribunaux soient appliqués lorsque ces couples binationaux se séparent. M. Pierre Cardo a été désigné pour l'Assemblée, Mme Dinah Derycke pour le Sénat et Mme Pervenche Berès pour le Parlement européen.

Au sein de l'Union européenne, nous avons adopté il n'y a pas longtemps la convention dite de Bruxelles 2, que votre Parlement a ratifiée et qui, enfin, évitera les jugements contradictoires entre deux tribunaux de différents pays. Cette convention détermine en effet que, s'agissant des litiges concernant des enfants de couples binationaux séparés, c'est désormais le tribunal du lieu où v ivaient les parents avant de se séparer qui sera compétent. Hier, à Bruxelles, au Conseil justice et affaires intérieures, nous avons décidé de transformer cette directive en règlement communautaire, ce qui lui permettra d'entrer très rapidement en vigueur dans l'ensemble des pays de l'Union européenne.

Dans le domaine de l'adoption internationale, je ne peux évidemment qu'être sensible aux demandes des parents et des associations. Je comprends leur légitime aspiration à ce que les enfants qu'ils adoptent soient complètement les leurs. Le dialogue que j'ai engagé avec eux, les contacts que j'ai pris avec les familles d'adoptants m'ont convaincue qu'il fallait que nos lois assurent à ces parents la reconnaissance, la stabilité, la sécurité. Nous le devons aux parents adoptants, bien entendu. Nous le devons peut-être encore plus - vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur - aux enfants, qui donnent leur amour sans contrepartie et qui, naturellement, ont besoin eux aussi d'une grande stabilité dans leurs relations avec leurs parents quels qu'ils soient. C'est la raison pour laquelle je suis décidée à apporter à ces familles, aussi bien aux parents qu'aux enfants, une réponse à leur attente.

Notre pays a ratifié en juin 1998 la convention de La Haye de 1993. Cette convention comporte l'engagement de la France de respecter les droits et obligations de chaque pays pour assurer, dans les procédures d'adoption, les conditions de clarté et de régularité dans lesquelles le déplacement de l'enfant a lieu et pour veiller au respect des droits et aspirations de chacun. Vingt-neuf pays, à ce jour, ont adhéré à la convention de La Haye.

Récemment, nous avons signé également une convention avec le Vietnam, dont la procédure de ratification est d'ores et déjà engagée par le ministère des affaires étrangères. Je suis cette procédure avec la plus grande attention pour faire en sorte qu'elle aboutisse le plus rapidement possible. Hubert Védrine partage également cette préoccupation. Devant me rendre au Vietnam au début du mois d'avril, j'ai décidé de faire de cette question l'un des thèmes centraux de mes entretiens avec mon homologue vietnamien pour que, du côté vietnamien aussi, on s'efforce de ratifier rapidement cet accord qui réglera les problèmes entre nos deux pays s'agissant de l'adoption d'enfants vietnamiens.

C'est dans ce contexte que je salue l'initiative bienvenue de M. Mattei. Il est vrai, monsieur le rapporteur, que vous aviez posé cette grande question de société dès 1996, avec un certain nombre de députés. Mme Véronique Neiertz que vous avez citée, mais aussi M. Jean-Pierre Michel et Mme Martine David avaient souhaité, comme vous, au moment où l'Assemblée débattait de la loi sur l'adoption, régler le problème de l'adoption internationale. Cela n'avait pas été fait à l'époque et je souhaite que nous trouvions aujourd'hui une solution.

Je suis heureuse que les habituels clivages partisans aient pu être dépassés et que majorité et opposition aient travaillé ensemble sur cette proposition de loi. Je veux saluer le sérieux du travail parlementaire qu'a effectué la commission des lois. M. Gérard Gouzes y a largement participé. Il représente Catherine Tasca, qui s'est beaucoup investie également, mais qui n'est pas parmi nous ce matin puisqu'elle fait partie, depuis hier, du Gouvernement. A ce travail exemplaire, j'ai voulu que mon ministère apporte sa contribution dans un esprit d'ouverture et sur la base de l'accord de principe que j'ai donné à la proposition de loi qui vous est soumise.

Cette proposition de loi comporte deux aspects que je voudrais développer brièvement devant vous.

Le premier concerne l'institution dans le code civil de règles de conflits de lois en matière d'adoption internationale, dans le souci d'harmoniser les pratiques. J'approuve cette initiative qui permettra d'accroître la sécurité juridique pour les parents adoptants et les enfants, et de donner au dispositif une plus grande lisibilité. Il est essentiel de viser à une plus grande clarté des règles et à une meilleure information des familles sur cet important sujet.


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Le mécanisme mis en place entend répondre à trois questions.

Premièrement, la décision d'adoption régulièrement prononcée dans le pays d'origine de l'enfant peut-elle avoir des effets en France au regard des règles régissant l'adoption dans notre pays ? Deuxièmement, une adoption simple prononcée dans le pays d'origine de l'enfant peut-elle être convertie en adoption plénière en France et, si oui, à quelles conditions ? Troisièmement, quelle position prendre au regard des pays qui, dans leur législation, ne prévoient pas l'adoption ou même la prohibent ? Sur la première question, il faut affirmer clairement que la décision d'adoption régulièrement prononcée dans le pays d'origine doit avoir des effets en France. Ces effets doivent être ceux prévus par la loi française, lorsque l'un des adoptants est un Français.

En deuxième lieu, une adoption simple doit pouvoir être convertie en adoption plénière dans les conditions de l'article 27 de la convention de La Haye, c'est-à-dire dans l'intérêt supérieur de l'enfant et s'il y consent, dans le cas où il a l'âge et la maturité nécessaires. Bien entendu, l'objectif doit être l'adoption plénière à chaque fois qu'elle est possible. C'est ce que souhaitent les parents adoptants et je les comprends, ô combien ! C'est dans cette perspective que les adoptants engagent un processus exigeant. Ils doivent être informés de ces conditions d'application très en amont. Ce texte et nos débats doivent y contribuer.

Pour qu'il y ait une adoption plénière, il faut qu'un consentement ait été donné à la rupture complète des liens de l'enfant avec ses parents d'origine, ou avec les autorités de tutelle de son pays d'origine, et à la création d'un lien de filiation adoptive irrévocable. Cette condition est exigeante, mais elle est nécessaire. Elle est d'ailleurs fixée par la convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, notamment dans son article 26.

En troisième lieu, qu'en est-il des pays qui, soit n'auto-r isent pas l'adoption, soit même l'interdisent ? J'ai entendu la grande déception des parents adoptants ets ouvent leur incompréhension devant l'impossibilité d'adopter des enfants provenant d'Etats qui prohibent l'adoption plénière, surtout lorsque ces enfants viennent de pays qui nous sont géographiquement, historiquement et culturellement très proches, comme ceux du Maghreb.

Je viens d'indiquer qu'il est possible d'adopter, même plénièrement, des enfants de pays dont la législation ne connaît pas l'adoption, et j'ai dit à quelles conditions.

Mais je dis tout aussi clairement qu'il en va différemment pour les Etats qui prohibent l'adoption. Là encore, il s'agit d'un principe du droit international privé. Je rappelle que la convention de La Haye insiste sur le rôle que doit jouer l'Etat d'origine dans la mise en oeuvre de la procédure prévue par l'article 4 de ladite convention.

Heureusement, cette prohibition concerne un nombre réduit d'Etats, mais des Etats, il est vrai, avec lesquels la France entretient des relations très étroites.

S'agissant par exemple du Maroc, pays dont nous sommes très proches, j'ai évoqué cette question, presque à c hacune de nos rencontres, avec mon homologue, M. Omar Azziman, et encore dernièrement lors de la visite d'Etat du Roi Mohammed VI en France. De ces entretiens, je retire d'abord qu'il ne semble pas y avoir de possibilité immédiate de faire évoluer la législation du Maroc. Comme dans tous les pays musulmans, l'adoption n'y existe pas. Il n'existe que la Kafala, c'est-à-dire la d élégation d'autorité parentale. En revanche, nous sommes d'accord pour effectuer un travail en commun, dans le cadre de la commission mixte mise en place entre nos deux pays, pour résoudre l'ensemble des problèmes - par exemple -, ceux des enfants de couples binationaux séparés en vue de régler les cas individuels d'enfants qui v ivent chez nous depuis de nombreuses années.

Depuis 1997, nous n'accordons plus de visa pour ces enfants qui ne peuvent être adoptés légalement, et nous disons pourquoi, mais il faut régler ces cas individuels. Je m'y attacherai personnellement.

J'en viens maintenant au second aspect de la proposition de loi. Ce texte ne se limite pas, en effet, à poser une règle de conflit de normes. Il entend donner toute leur place aux associations de familles adoptives dans la mise en oeuvre des règles en matière d'adoption internationale, c'est une démarche que j'approuve.

L'article 4 de la proposition entend permettre aux associations de participer, à titre consultatif, aux travaux de l'autorité centrale en matière d'adoption prévue par la convention de La Haye. L'expérience de ces associations, leur connaissance des préoccupations des familles adoptives éclaireront utilement les actions menées par l'autorité centrale en matière de coopération internationale.

Les associations ont également un rôle important à jouer au sein du Conseil supérieur de l'adoption. Cet organisme, créé en 1975, doit prendre toute la place qui lui était destinée à sa création et représenter un lieu de réflexion sur l'adoption, où se retrouvent non seulement les praticiens mais aussi les associations. A l'initiative de Mme Véronique Neiertz, votre commission des lois entend renforcer la représentativité du conseil et remédier aux difficultés rencontrées pour le faire fonctionner de façon satisfaisante. J'approuve pleinement cette demande.

Je crois en effet important, du point de vue symbolique, d'institutionnaliser cet organisme en lui donnant un fondement législatif alors qu'il n'avait jusqu'à présent qu'une assise réglementaire.

En outre, l'accent mis sur le caractère interministériel du Conseil supérieur de l'adoption, qui dépendra désormais directement du Premier ministre et qui comprendra en son sein un représentant du ministère des affaires étrangères, témoigne de la reconnaissance du rôle essentiel de cette instance à l'égard de l'adoption d'enfants aussi bien français qu'étrangers.

Tels sont les propos liminaires que je voulais tenir sur cette proposition de loi axée sur l'adoption internationale.

M. Mattei aurait souhaité élargir le débat à des questions touchant aux mécanismes de droit interne en matière d'adoption, et notamment aux conditions posées par la loi en ce qui concerne aussi bien les adoptés que les candidats à l'adoption. Votre commission des lois a estimé que ces questions n'avaient pas à être abordées dans le cadre du texte examiné aujourd'hui, qui porte spécifiquement sur l'adoption internationale. C'est une position que je partage, mais j'apporterai, au cours du débat, des élements d'information sur les actions que nous avons engagées, Mme Martine Aubry et moi-même, pour régler la question des placements d'enfants, qui se prolongent quelquefois sans que ce soit absolument justifié.

Je voudrais, pour conclure, saluer à nouveau le travail accompli par votre commission des lois, sous l'impulsion de Mme Catherine Tasca et avec la participation de nombreux députés, présents aujourd'hui, de la majorité comme de l'opposition. Le sujet est délicat, passionnel, tout simplement parce qu'il s'agit d'amour. Il n'est jamais facile de légiférer sur des questions qui touchent de si


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près aux émotions du coeur. Nous avons la responsabilité d'y introduire de la clarté, de la lisibilité, de la raison, mais sans oublier que nous devons, d'abord et avant tout, faire droit à cette démarche d'amour qu'engagent les parents adoptants et qui permet d'accueillir des enfants qui, autrement, n'auraient jamais connu cette forme de bonheur. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Bruno Bourg-Broc.

M. Bruno Bourg-Broc.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous discutons ce matin répond au besoin mis en évidence depuis de nombreuses années d'édicter une norme claire et définitive en matière de conflits de lois sur l'adoption. Lors de nos précédents travaux législatifs, nous avions déjà, et en premier lieu Jean-François Mattei, tenté de donner une portée législative à la jurisprudence de la Cour de cassation.

Des solutions satisfaisantes avaient d'ailleurs été préconisées lors des auditions menées par la commission spéciale en 1996. Mais ces démarches n'ont pu aboutir.

C'est trois ans plus tard qu'est intervenue la circulaire du 16 février 1999. Inspirée d'intentions très louables - prévention des trafics et respect de la volonté des parents biologiques -, cette circulaire a en fait remis en cause la jurisprudence de la Cour de cassation et créé de ce fait une situation d'insécurité juridique pour les familles ayant adopté des enfants des pays non signataires de la convention de La Haye, le cas le plus emblématique étant celui du Vietnam.

A ce stade, il est devenu indispensable de légiférer, et ce pour deux raisons essentielles.

En premier lieu, il s'agit de faire face au développement de l'adoption internationale : nous sommes passés de 1 000 adoptions internationales en 1980 à 2 000 en 1985 et à plus de 3 000 à partir de 1990. De plus, les pays d'origine se sont largement diversifiés puisque, de sept en 1979, ils sont passés à plus de soixante aujourd'hui, ce qui rend les conflits de lois plus fréquents et plus complexes. Enfin, rappelons que près de trois adoptions sur quatre en France concernent des enfants venant de l'étranger.

Ces quelques chiffres montrent que l'adoption internationale est devenue un enjeu de société majeur. C'est d'ailleurs son développement rapide qui a poussé la chancellerie à vouloir préciser la volonté de l'exécutif en la matière.

En second lieu, il est devenu indispensable d'établir définitivement notre droit. Déjà, en 1996, nous avions souhaité le faire, pensant qu'une norme législative permettrait de consacrer une jurisprudence alors établie.

Aujourd'hui, force est de constater que, faute de droit établi, l'intervention du Parlement est plus nécessaire encore qu'en 1996. L'incertitude juridique actuelle n'est satisfaisante ni pour la protection des enfants, ni pour les p arents adoptifs, qui connaissent des situations de détresse dramatique. Il nous faut assurer la sécurité juridique qui doit accompagner la sécurité affective.

Nous devons légiférer pour répondre aux problèmes pratiques que rencontrent non seulement les enfants, mais également ceux qui sont déjà leurs parents adoptifs et affectifs, dans le respect de la norme internationale que constitue la convention de La Haye du 29 mars 1993, ratifiée par la France en mai 1998.

Que faire pour les pays qui ne connaissent que l'adoption simple ? Que faire pour les pays d'origine nonsignataires de la convention de La Haye ? Que faire pour les pays qui ne connaissent pas l'adoption ? Que faire pour les pays qui écartent l'adoption ? C'est à ces questions qu'il faut répondre. Précisément, le texte issu des travaux de la commission des lois s'y emploie de manière satisfaisante.

Le principe général défini est celui de l'application de la loi française pour les effets de l'adoption, puisque l'adopté vivra en France, sans nécessité d'une reconnaissance de l'adoption par les tribunaux français, qu'elle soit simple ou plénière, dès lors qu'une adoption est régulièrement prononcée dans le pays d'origine.

Cela vaut bien entendu pour les pays qui acceptent et reconnaissent l'adoption. Mais que faire pour ceux qui ne connaissent que l'adoption simple ? Le deuxième alinéa de l'article 1er de la proposition de loi répond à ce problème en ouvrant droit à la conversion de l'adoption simple en adoption plénière dès lors que le consentement a été donné en connaissance de cause. Celui qui donne le consentement doit connaître les effets de l'adoption plénière.

La solution retenue est similaire lorsque l'adoption n'a pas été prononcée dans le pays d'origine. Il est alors demandé au juge français de la prononcer pour les enfants dont la loi personnelle reconnaît l'adoption.

La problématique et les choix à opérer deviennent plus complexes dès lors qu'il s'agit d'une adoption prononcée en France pour un pays d'origine qui « ne prévoit pas » voire écarte l'adoption - c'est le coeur de ce texte. Aux termes du quatrième alinéa de l'article 1er , la loi française s'appliquerait alors aux conditions et aux effets de l'adoption. Le groupe du Rassemblement pour la République adhère pleinement à cette proposition dès lors que l'expression « ne prévoit pas » est d'interprétation large. Telle semble être la volonté de la commission.

Il convenait d'être prudent pour ne pas froisser les pays d'origine. Précisément, la rédaction de cet alinéa est équilibrée et laisse une large part aux législations étrangères, notamment pour les conditions de l'adoptabilité de l'enfant. Elle permet de répondre aux angoisses des familles tout en respectant les pays d'origine.

Plus globalement, ce texte répond à l'ensemble de nos interrogations. Il lève les doutes et les interprétations restrictives. Il permet de respecter les droits de l'enfant et sa sécurité. Il est entouré de suffisamment de précautions pour éviter tout marché d'enfants. Il constitue une garantie pour les familles adoptives ; il sera de nature à résoudre les difficultés et à apaiser les angoisses.

Pour toutes ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République votera cette proposition de loi dont il a cosigné le texte initial aux cotés de Jean-François Mattei et des groupes Démocratie libérale et Indépendants et Union pour la démocratie française-Alliance.

Pour conclure, je voudrais simplement indiquer que je suis particulièrement heureux que nous puissions débattre de cette question ce matin. D'abord, bien sûr, parce qu'il fallait mettre un terme aux drames actuels et potentiels, mais également parce que la représentation nationale montre ainsi qu'elle sait se saisir de débats de société en évitant les anathèmes et les querelles stériles.

Ce débat est aussi la démonstration que la procédure de la niche parlementaire est non seulement utile mais indispensable, et qu'il conviendrait peut-être d'en élargir


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 MARS 2000

la portée dès lors que les groupes politiques prennent leur responsabilité et proposent des textes politiques dans le meilleur sens du terme.

L'adoption, et singulièrement l'adoption internationale, est un acte d'amour et de solidarité humaine, sans frontière, sans limite. Les profondeurs de l'inconscient individuel rejoignent ici le courant de l'universel. Merci donc à Jean-François Mattei, qui, depuis des années, se bat avec conviction et persévérance pour que des parents privés d'enfants puissent en avoir, et surtout pour que des enfants privés de parents et d'affectation puissent également en avoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Madame la garde des sceaux, monsieur le président, mes chers collègues, la proposition de loi que nous soumet, ce matin, Jean-François Mattei concerne essentiellement les problèmes posés par l'adoption internationale d'enfants étrangers. Cette question était déjà au coeur de la loi du 5 juillet 1996, dont M. Mattei était le rapporteur. Mais malgré toute sa force de conviction, - nous avons pu la mesurer, tout à l'heure encore (Sourires) - il n'avait pas réussi à convaincre, ses amis politiques - la majorité de l'époque - les sénateurs ni, surtout, le garde des sceaux d'alors, M. Toubon, de la pertinence des solutions qu'il proposait. Pourtant, les membres du groupe socialiste avaient tout fait pour l'aider. Je pense que M. Mattei m'en donnera acte.

Il est vrai que la question est très délicate, tant d'un point de vue juridique que d'un point de vue humain et diplomatique. En effet, l'adoption d'un enfant étranger est une décision qui doit être mûrement réfléchie.

L'adoption résulte toujours d'un jugement constitutif de droit, et de droits irrévocables en matière d'adoption plénière. C'est dire, par conséquent, qu'elle résulte d'une procédure précise qui doit, avant tout, protéger l'intérêt de l'enfant, la volonté des parents adoptants ne pouvant suffire à elle seule.

Mme Christine Boutin.

Tout à fait !

M. Gérard Gouzes.

La convention des Nations unies sur les droits de l'enfant précise que le mineur doté de discernement doit être entendu, soit directement soit par l'intermédiaire d'un représentant légal - précaution très utile.

La convention de La Haye, qui est devenue la norme française en matière d'adoption internationale et que nous avons ratifiée ici le 9 mars 1998, le dit expressément : chaque Etat doit prioritairement prendre des mesures appropriées pour permettre le maintien de l'enfant dans sa famille d'origine. L'adoption, je le rappelle, a tout de même pour effet - article 356 du code civil - de rompre définitivement le lien qui unissait l'adopté à sa famille par le sang. Il s'agit là d'une mesure lourde de conséquences.

En outre, pour un enfant étranger, la rupture irrévocable avec la famille d'origine se double d'une rupture, peut-être plus traumatisante encore, avec sa culture, sa civilisation et parfois même sa religion d'origine. N'est-ce pas assez grave pour que l'on examine cette question avec le recul et la sérénité nécessaires à la mise en place de solutions équilibrées, où la passion doit céder le pas à la raison ? Outre cet aspect qui doit intégrer le respect des origines de l'enfant, deux problèmes se posent encore que nous devons garder en permanence à l'esprit. Tout d'abord la nécessité, reconnue par tous, de s'opposer au commerce des enfants et à l'atteinte à la dignité humaine qu'il constitue. Ensuite, le caractère indispensable de la reconnaissance dans son pays d'origine même, de la nouvelle condition juridique de l'adopté.

Vous me permettrez donc, en premier lieu, de vous renvoyer à un article terrifiant - vous l'aurez sûrement remarqué - paru la semaine dernière dans un quotidien du soir, et signé par Mme Claire Brisset, directrice de l'information au comité français pour l'UNICEF. Il explique comment les enfants peuvent être de véritables marchandises que l'on vend à Moscou ou à Beyrouth, à des prix variant entre 35 000 et 200 000 francs,...

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Gérard Gouzes.

... mais aussi que l'on trouve, au milieu de vendeurs peu scrupuleux de la dignité humaine, d'honnêtes gens, qui veulent simplement offrir leur amour. Ceux-ci, malheureusement, sont la proie de ces vendeurs peu scrupuleux, et constituent, de par leur impatience affective, un formidable marché pour certaines officines spécialisées et un terrible danger pour des milliers d'enfants dans le monde.

Mme Christine Boutin.

Oh oui !

M. Gérard Gouzes.

Voilà pourquoi le droit doit encadrer, ici plus qu'ailleurs, et de manière rigoureuse, toutes les procédures d'adoption et plus particulièrement les procédures d'adoption internationale.

Mme Christine Boutin.

C'est vrai !

M. Gérard Gouzes.

Aujourd'hui, Bruno Bourg-Broc l'a rappelé, les trois quarts des enfants adoptés en France viennent de l'étranger. Comme le soulignait, par ailleurs, n otre collègue Mattei, un quart seulement des 3 528 adoptions réalisées à l'étranger par des familles françaises l'ont été dans des pays ayant ratifié la convention de La Haye, et c'est là tout le problème.

Comment donc nos tribunaux doivent-ils régler les conflits de lois en tous points différents de la législation française ? Jusqu'à ce jour, c'est essentiellement la jurisprudence qui a édicté des règles à partir du seul article 3 du code civil. Enoncer dans la loi une règle de conflit de lois en matière d'adoption internationale devient, chacun le comprend, un exercice de plus en plus difficile qui peut entraîner, compte tenu de la multiplicité des cas d'espèces et des législations étrangères, ou des situations particulières, de sérieuses difficultés d'application pour les juges.

En outre, il existe aujourd'hui sur notre territoire des situations de fait inextricables - madame la garde des sceaux, j'appelle votre attention sur cet aspect qui n'est pas totalement pris en compte par la proposition de JeanFrançois Mattei - parce qu'à un moment ou à un autre, les uns ou les autres n'ont pas toujours bien respecté la loi en vigueur, y compris la loi française. Ainsi, des visas ont été accordés qui n'auraient peut-être pas dû l'être..

Mme Christine Boutin.

Tout à fait !

M. Gérard Gouzes.

... et des enfants sans nom, sans papier et venant de nulle part se retrouvent dans des familles, voire dans des institutions de protection de l'enfance, sans solution. Nous ne pouvons laisser perdurer de telles situations d'autant que, dans le même temps, nous nous interdisons, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, d'accepter des adoptions « boiteuses », qui, valables en France, ne seraient pas reconnues à l'étranger.

Comme chacun peut le constater, nos choix sont cornéliens et toute une série de situations existantes méritent d'être revues. C'est la raison pour laquelle le groupe


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socialiste a décidé, comme en 1996, d'aider Jean-François Mattei, qui s'est beaucoup investi dans ce domaine, à t rouver les solutions susceptibles de concilier nos c ontraintes internationales et l'intérêt supérieur des enfants concernés comme celui des familles qui les accueillent avec tout l'amour que les parents adoptant donnent à ces enfants.

La présente proposition de loi vise à introduire dans notre code civil une règle de conflit de lois, afin de résoudre les cas d'adoption plénière d'enfants étrangers nés dans un pays n'ayant pas adhéré ou ratifié la convention de La Haye du 29 mai 1993. C'est le coeur de notre débat.

Lorsqu'un adoptant de nationalité française ou résidant habituellement en France voudra obtenir un jugement d'adoption, on devra faire produire à l'adoption régulièrement prononcée dans le pays d'origine de l'adopté les effets prévus par la loi française. Toutes les adoptionsr égulièrement prononcées à l'étranger seraient ainsi reconnues. Voilà qui constituerait une avancée considérable.

Ce premier volet de la proposition de loi mériterait tout de même, quelques précisions. Ainsi, le premier alinéa de l'article 1er ne précise pas que l'adoption internationale ne produira en France que les seuls effets que la loi locale lui attache. Il pourrait donc, sans autre précision, permettre de reconnaître en France, en tant qu'adoption plénière, une adoption prononcée dans un pays qui, tout en connaissant l'adoption plénière, n'y attacherait pas les mêmes effets que ceux déployés par la loi française - rupture irrévocable du lien préexistant de filiation - et de lui faire produire, en France, les effets de l'adoption plénière française.

De même, l'alinéa suivant mérite une explication : de quels pays s'agit-il ? De quel type d'adoption parlonsnous ? M. Mattei souhaite faciliter l'adoption plénière lorsque le représentant légal de l'adopté aura donné expressément un consentement éclairé sur ses conséquences définitives. Par nos amendements de précision, nous allons là aussi continuer à concrétiser cet assouplissement nécéssaire. Plusieurs questions resteront cependant pendantes. Comment définir le représentant légal ? Selon quelle loi devra-t-il être désigné ? Enfin, pour éviter toute confusion, ne serait-il pas souhaitable de mieux distinguer dans le texte les pays quir econnaissent l'adoption plénière - j'ai senti chez M. Bourg-Broc la même interrogation -, les pays qui ignorent l'adoption plénière et ses effets irrévocables, mais qui connaissent une autre forme d'adoption, les pays qui ne la prévoient pas, sans toutefois s'y opposer et, enfin, les pays qui l'interdisent purement et simplement ? Dans un texte qui se veut créateur d'une règle de conflit de lois, il faut tenir compte aussi des lois du pays d'origine de celui qui doit être adopté. Au-delà des convenances diplomatiques et du respect de la souveraineté des nations, il faut aussi, en effet, prendre en compte la nécessité de protéger l'enfant dans son pays d'origine de tout commerce illégal. De même, ce texte serait contraire à la convention des Nations unies sur le droit des enfants - convention de New York article 21 et à l'article 15 de la convention de La Haye qui précise que chaque Etat signataire s'engage à respecter la loi du pays d'origine de l'enfant quant aux conditions de l'adoption,...

Mme Christine Boutin.

C'est un minimum !

M. Gérard Gouzes.

... s'il persistait à ignorer de manière impérialiste ces dispositions. Reconnaissez avec moi, mes chers collègues, que nous serions dans une situation délicate pour reprocher à d'autres pays - en particulier les Etats-Unis, l'Allemagne et le Royaume-Uni de prendre parfois certaines libertés à l'égard des législations étrangères.

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Gérard Gouzes.

Or, la France est toujours donneuse de leçons dans ce domaine. Ne commettons pas à notre tour la même sottise ! Mme Christine Boutin et Mme Bernadette IsaacSibille.

Très bien !

M. Gérard Gouzes.

Je pense plus précisément à l'interdiction de l'adoption édictée par certains pays où le droit musulman lui préfère un système d'autorité parentale déléguée appelé la Kafala. De quel droit imposerions-nous notre droit à ces pays ? Comment pourrions-nous « enlever » ainsi illégalement des enfants pour les voir adoptés si leur propre loi l'interdit ? Il y a là, madame la garde des sceaux, un problème qui ne peut se régler que par la signature de conventions bilatérales avec ces pays et non par une législation française unilatérale réglant ce conflit de lois. Ce serait encourager sans le vouloir, mais l'enfer est toujours pavé de bonnes intentions, certains réseaux clandestins dénoncés par

Mme Claire Brisset.

Voilà pourquoi, nous souhaitons que la proposition de loi de M. Mattei soit adoptée après avoir été précisée et complétée. Comme lui-même, nous espérons que de nombreux cas seront résolus et que la jurisprudence des tribunaux de l'adoption sera plus uniforme qu'actuellement.

Dans cet esprit, nous vous demandons, madame la garde des sceaux, de revoir la circulaire du 16 février 1999, en rappelant l'article 100-3 du code de la famille qui impose aux personnes souhaitant accueillir, en vue de l'adoption, un enfant étranger, d'obtenir l'agrément prévu à l'article 63 du même code avant de s'adresser à une oeuvre habilitée en France ou à l'étranger. Il faudrait également rappeler le décret du 10 février 1989 qui soumet les oeuvres d'adoption d'enfants étrangers à une habilitation interministérielle. Je note qu'aucune sanction n'est prévue dans le cas où ces règles ne seraient pas appliquées.

Dans un domaine très sensible où l'affectif et la complexité juridique se conjuguent, l'objectif que nous devons nous fixer est celui de la protection des enfants adoptés et des adoptants contre tous les marchandages possibles.

L'autorité centrale pour l'adoption internationale prévue par la loi du 5 juillet 1996, comme le conseil supérieur de l'adoption doivent pouvoir mieux prendre en compte les problèmes rencontrés par les familles adoptantes, dans un cadre juridique plus précis, et susceptible d'apporter aux enfants, comme aux familles, toutes les garanties nécessaires à la réalisation des projets d'adoption.

Il y va de l'intérêt des enfants, et de celui des adoptants, mais aussi du respect des engagements internationaux de la France et du droit des autres pays.

Le groupe socialiste votera la proposition de loi de M. Mattei, si celui-ci accepte de prendre en compte nos préoccupations et nos amendements.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)


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M. le président.

La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je voudrais vous parler de Margaux, Lioudmila, Marie. Margaux, une petite fille, née de père inconnu, a été abandonnée par sa maman : depuis sa naissance, elle vivait dans un hôpital - ou quelque chose que l'on pourrait considérer comme un hôpital de campagne - dans un village du fin fond de la Sibérie occidentale. Jusqu'à l'âge de seize mois, Margaux n'est jamais sortie de cet hôpital, elle n'a jamais rencontré aucun homme. Elle n'a jamais entendu que le son de la voix des infirmières qui étaient à ses côtés. Au bout de seize mois - il a fallu attendre seize mois - un couple de Français a décidé d'aller là-bas, pour la sortir de son milieu, de son environnement, quelquefois difficile. Difficile ? Elle était traitée on ne sait pas trop comment. Ses

« parents » ont suivi un long périple pour aller la chercher, pour obtenir un jugement, qui a été enfin donné par un tribunal de la région. La procédure a été longue.

Les parents adoptants doivent franchir les obstacles d'un long parcours du combattant pour obtenir l'agrément français. Même si tous les papiers sont en règle, on interdit aux futurs adoptants français d'obtenir l'agrément en moins de neuf mois.

Mme Hélène Mignon.

C'est bien.

M. Yves Nicolin.

Comme s'il fallait neuf mois pour prendre une décision d'adopter, en général décision qui a été mûrement réfléchie.

Après le passage obligé par un certain nombre d'étapes - les enquêtes psychologiques, la rencontre des assistantes sociales qui visitent le domicile des parents, les enquêtes financières, l'entretien avec des psychologues -, la France, par l'intermédiaire des conseils généraux, des DPS, accorde un agrément aux parents. Mais le parcours ne s'arrête pas là. Lorsque vous voulez adopter un enfant pupille de la nation, on vous annonce que le délai d'attente est généralement de cinq à huit ans ! Alors que faire ? Se tourner vers l'adoption internationale ! Là, on rencontre des gens du ministère des affaires étrangères, de la Mission de l'adoption intern ationale, au demeurant très compétents, qui vous donnent des renseignements sur les pays dans lesquels vous pouvez adopter, en vous signalant que deux solutions s'offrent à vous. La première solution consiste à passer par une association intermédiaire, une association agréée. La seconde solution est de se débrouiller seul.

Alors, on se dit que le plus sûr moyen d'adopter est de passer par ces associations intermédiaires. Une fois identifié le pays dans lequel on souhaite se rendre, on prend contact avec les associations.

Eh bien, c'est ce qui nous est arrivé, à mon épouse et à moi. Que vous dit-on pour la Russie ? « Vous n'aurez pas d'enfant de moins de quatre ans, parce qu'il n'y en a pas. » Or c'est faux

! Mais on ne veut pas prendre en compte votre dossier. Alors, on se tourne vers l'adoption internationale, et l'on chemine seul, en essayant de trouver des contacts. Et ces contacts, on les trouve. Il faut rassembler, ramasser un certain nombre de documents, en fait un grand nombre. Monsieur Gouzes, vous nous dites qu'il faut faire attention aux trafics ? Mais dans beaucoup de pays, y compris la Russie, c'est pratiquement impossible. Un jugement dans ce pays est très difficile à obtenir, je pourrais vous en parler des heures. La sortie de l'enfant du territoire, par la douane, est terriblement douloureuse à vivre. En dehors d'un réseau qui vous permettrait de passer l'enfant « en contrebande », vous avez très peu de chances d'entrer dans un trafic d'enfants. Parce que les pièces à fournir dans ces pays - sauf exception sont rigoureusement exigées.

Après avoir constitué ce dossier, il faut se rendre sur place. Là, on rencontre l'enfant, on vit le jugement. Mais, une fois celui-ci rendu, il faut encore attendre - attendre en général le délai d'appel. Puis il faut sortir du territoire et revenir en France. De nouveau, après de longs mois d'attente, on vous déclare : « Vous n'avez pas pu bénéficier d'une adoption plénière, parce que ce pays n'a pas signé la convention de 1993. Vous devez, pour avoir droit à l'adoption plénière, repasser devant un tribunal français. » Là, vraiment, vous avez le sentiment d'être un

délinquant. Pour la première fois de ma vie, je suis passé devant un tribunal. Pour que cet enfant soit le mien, il m'a fallu attendre six mois. Parce qu'une fois l'enfant en France, vous n'avez pas le droit de demander au tribunal de statuer ! Il faut attendre que l'enfant soit depuis six mois dans la famille d'adoption. Pourquoi cette attente, après avoir déjà attendu si longtemps ? La proposition de notre collègue Jean-François Mattei va permettre à beaucoup de parents adoptants de ne plus être regardés de travers. Et il me paraît important que tous les groupes de cette assemblée aient donné leur assentiment, leur soutien à la proposition.

Tout ne sera pas réglé, certes. Il est des pays où les difficultés sont différentes. Des trafics ont effectivement eu lieu. Mais il est possible à nos consulats de placer des barrières et d'empêcher la délivrance du visa, en demandant que les jugements soient effectivement assortis des pièces nécessaires.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Tout à fait.

M. Yves Nicolin.

C'est le cas avec la Russie. Tel pourrait être le cas avec le Vietnam, sans avoir à repasser devant un tribunal français. Pour la petite histoire, je signale que, parent adoptant, vous êtes astreint à payer les dépens, c'est-à-dire l'acte judiciaire.

Nous avons aujourd'hui les moyens d'améliorer les choses, mais sachons bien que tout ne sera pas réglé.

Madame la garde des sceaux, je vous demande - peut-être dans le cadre d'une future loi plus large - de regarder les choses très attentivement et de vous placer du côté de l'intérêt de l'enfant. L'intérêt de l'enfant est-il de rester croupissant dans un orphelinat ? Ou bien de trouver une famille d'accueil ? Je pense qu'il faut en tenir compte.

La loi ne réglera pas tout, je le répète. Mais, si elle permet de faire progresser les choses, ce ne sera déjà pas rien ! J'insiste sur la nécessité de raccourcir les délais d'agrément. Le délai de six mois doit être supprimé. L'enfant doit pouvoir devenir français le plus vite possible. Sur la nécessité de rassembler les associations intermédiaires de façon qu'un organisme puisse vous donner tous les renseignements - alors que pour l'instant il faut partir « à la pêche » dans l'ensemble des associations.

Pour finir, je rappelle qu'il existe un organisme chargé de superviser toutes ces procédures et l'adoption internationale. Des membres des ministères y siègent. Cet organisme doit pouvoir proposer des modifications à la loi. Faisons en sorte que les parlementaires puissent y siéger. Eux, qui font la loi, pourraient apporter des éclaircissements pour justement mieux modifier la loi. Il est bien de faire siéger des fonctionnaires dans ces organismes, encore mieux d'y faire siéger des parlementaires.

Merci, madame la garde des sceaux, merci, monsieur le président, merci, mesdames, messieurs, d'avoir accepté que cette proposition de loi, même si elle vient de l'op-


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position, soit discutée et adoptée, parce qu'elle répond à un vrai problème. Mais ne focalisons pas non plus l'attention sur les trafics. En face de quelques cas qui posent problème, il y a des milliers de parents extrêmement honnêtes, qui ont respecté les procédures et pourtant sont un peu montrés du doigt. A cela il faut mettre un terme. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Jacques Floch.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Bernadette IsaacSibille.

Mme Bernadette Isaac-Sibille. Madame la ministre, j'ai été très émue par votre intervention à laquelle je souscris totalement. C'est précisément pour garantir une meilleure information que j'avais souhaité, par un amendement qui a été refusé, intégrer l'article 4 de la convention de La Haye à notre code civil. Mais nous en parlerons plus tard.

Adopter, ce n'est pas donner un enfant à des parents mais donner à un enfant des parents car, comme le dit la déclaration des droits de l'enfant : « L'enfant a le droit à une protection et à une attention particulières qui incombent en premier lieu à sa famille. » C'est pourquoi

l'intérêt de l'enfant, comme l'a si bien souligné notre collègue Mattei, doit primer. L'enfant n'est pas un dû, mais un don. Son intérêt doit donc être la pierre angulaire de tout texte touchant à l'adoption.

Le désir d'enfant qu'éprouvent la plus grande partie des couples - que je comprends puisque j'ai eu la chance d'en avoir beaucoup -, ne doit pas être assimilé à un droit. Si notre législation a dû reconnaître successivement la contraception ou l'avortement, le droit à l'enfant ne doit pas en être la conséquence imprévue et, pour le moins, tristement inattendue.

Il faut donc entourer toute procédure d'adoption de précautions destinées, avant tout, à protéger l'enfant, qui n'est pas un produit qui change de mains, comme je le lisais dans un article il y a quelques jours, et à assurer aux parents la sécurité qu'ils attendent et qu'ils doivent à leur enfant.

Or deux adoptions sur trois concernent un enfant né à l'étranger. L'augmentation des adoptions internationales s'est accompagnée d'une diversification des pays d'origine : de 7 en 1979, ils sont passés à 70 en 1996. Cette internationalisation des adoptions, nous l'avons dit, a justifié la convention de La Haye, que la France a ratifiée en 1998.

Le mérite essentiel de cette convention tient en grande partie au caractère simple et pratique du cadre de coopération juridique qu'elle institue entre pays d'accueil et pays d'origine, tout en respectant la diversité des législations internes, n'abordant l'adoption internationale qu'en amont et en aval des textes nationaux.

C'est pourquoi j'ai souhaité inclure les principes de la convention de La Haye à l'article 1er de la proposition de loi, tant la lecture en est claire et facile. Le témoignage bien émouvant que vient de donner notre ami Nicolin vient appuyer cette demande.

L'alinéa C de l'article 4 de la convention parle des personnes, institutions et autorités dont le consentement est requis pour l'adoption. Trop souvent, les adoptions à l'étranger sont faites en méconnaissance de cause, parce que le représentant légal, mentionné à l'article 1er de la proposition de loi, ne signifie rien dans certains pays.

C'est pourquoi il vaut mieux parler d'autorités compétentes.

Les quinze minutes dont je dispose me laissent le temps de vous donner l'exemple d'une situation que nous suivons en ce moment dans le département du Rhône.

Une famille a adopté un enfant russe, comme ce fut le cas pour notre ami Nicolin. Cet enfant ayant été confié par sa mère, morte depuis, et le père n'ayant pas donné de nouvelles depuis très longtemps, le représentant qui s'en occupait a signé un papier le déclarant adoptable. Au vu de ce papier, le consulat a délivré un visa de sortie pour l'enfant. A son arrivée à Lyon, les autorités ont demandé s'il avait eu un père. Le ménage, tout à fait honnête, a répondu oui mais que, en l'absence de ses nouvelles, l'enfant avait été déclaré adoptable. Or ce père est peut-être en Tchétchénie en train de combattre ou ailleurs. Il existe toujours, il a sans doute une famille, mais cela n'a pas du tout préoccupé le directeur de la maison d'enfants de Russie, qui a signé un papier.

Voilà pourquoi le représentant légal n'est pas suffisant.

Il faut vraiment l'intervention des autorités compétentes pour éviter les démarches ô combien douloureuses que signalait notre collègue. A cet égard, je regrette que l'on n'ait pas pu intégrer dans le code civil une partie de l'article 4 de la convention qui est plus détaillé que le texte qui nous est soumis.

Aujourd'hui, force est de constater que le ministère des affaires étrangères, qui délivre le visa d'entrée en France de l'enfant nouvellement adopté, rencontre de réelles difficultés à contrôler les circonstances de l'adoption. Ces problèmes sont considérablement aggravés par l'absence de tout interlocuteur officiel, reconnu comme tel, dans la plupart des pays d'origine.

Le pays d'origine a notamment la responsabilité de s'assurer que l'enfant est bien adoptable - le pays, pas le responsable légal -, que les consentements légalement nécessaires des personnes autres que l'enfant ont été obtenus et qu'il a été tenu compte des souhaites éventuels de l'enfant.

Mais tous les problèmes ne sont pas résolus par la convention de La Haye. D'autant plus qu'elle n'a été ratifiée que par vingt-sept des pays d'origine sur les soixantedix.

La loi de juillet 1996, adoptée à l'initiative de notre ami Jean-François Mattei après avoir été longtemps et très sérieusement travaillée par une commission spécialisée présidée par lui-même, a apporté des améliorations considérables à l'adoption en France - et je tiens à l'en remercier encore - pour les mêmes raisons que la convention de La Haye : clarté, lisibilité et simplification.

Mais la future ratification des accords de La Haye, à une date imprévue à l'époque, rendait difficile l'appréhension des problèmes de l'adoption internationale. C'est pourquoi nous devons le remercier d'avoir déposé la présente proposition de loi. Je me réjouis que, comme l'a souligné notre collègue Nicolin, l'unanimité se soit faite pour la voter et que l'opposition ait pu profiter de cette fenêtre pour apporter un éclairage nouveau.

Je l'ai dit, la loi de 1996 n'a abordé que succintement le délicat sujet de l'adoption internationale, mais sur deux points qui méritent d'être soulignés parce qu'ils ont fait l'objet de beaucoup de discussions. Il a fallu que le ministre des affaires sociales de l'époque vienne lui-même nous annoncer le congé de pré-adoption, des allocations et un accompagnement pendant six mois au minimum.


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Mais je voudrais revenir sur la convention de La Haye.

Le système mis en place par ces accords repose sur une responsabilité partagée entre pays d'origine et pays d'accueil. L'adoption se fait par l'intermédiaire obligé d'autorités centrales instituées dans les Etats contractants. Celle du pays d'accueil de l'enfant est chargée d'apprécier la

« capacité » des adoptants, et celle du pays d'origine doit s'assurer de l'« adoptabilité » de l'enfant - notamment quant au consentement donné à l'adoption, lequel doit être écrit, conforme aux règles locales, libre et éclairé, e n particulier sur le maintien ou la rupture des liens avec la famille d'origine. Ainsi, tout le monde est bien prévenu de ce qui se passera.

La convention édicte un principe de reconnaissance de plein droit des décisions d'adoption conformes dans tous les Etats contractants. Cette reconnaissance ne peut être refusée que si l'adoption est manifestement contraire à l'ordre public, compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Mais, pour que cette convention soit plus efficace, il faudrait que tous les pays d'origine y adhèrent. Or, malgré son relatif succès, un quart seulement des 3 500 adoptions à l'étranger ont eu lieu dans des pays ayant ratifié la convention. Les adoptions d'enfants nés dans des pays situés hors du champ de la convention se trouvent donc toujours confrontées à des difficultés juridiques non résolues.

Deux types de situations doivent être réglées : soit l'adoption ou le recueil ont été prononcés à l'étranger et il s'agit de faire produire en France des effets aux jugements étrangers d'adoption ; soit l'adoption n'a pas été prononcée dans le pays d'origine - et elle doit l'être par un tribunal français, confronté dès lors à la question de la loi applicable. En l'état actuel du droit, c'est au juge qu'il appartient de statuer au cas par cas.

Mais, comme la jurisprudence en matière d'adoption internationale n'est pas clairement établie, certains tribunaux refusent l'adoption internationale au motif d'une fraude présumée ou parce qu'ils rejettent une lecture impérialiste du droit français. A cet égard, monsieur Gouzes, je souscris tout à fait à votre propos : nous n'avons pas le droit d'imposer notre législation à d'autres pays sous prétexte qu'elle serait meilleure.

Je cite toujours les accords de La Haye, parce que je pense qu'il faut encore s'en inspirer pour améliorer la situation. Il conviendrait également, madame la garde des sceaux, de multiplier les accords bilatéraux avec les pays qui n'ont pas de législation dans ce domaine, comme vous l'avez fait avec le Vietnam, lequel avait demandé la suspension des adoptions en raison des nombreuses irrégularités constatées. Cela prouve bien que nous ne devons pas avoir une lecture impérialiste de notre droit.

D'ailleurs, agir différemment serait-il judicieux pour le pays qui se flatte d'être celui des droits de l'homme ? Au lieu de faire passer le bien de l'enfant avant tout, ne s'agirait-il pas alors de satisfaire d'abord le besoin d'enfant ? Il serait préférable de limiter les adoptions aux pays ayant ratifié ou, au moins, signé les accords de La Haye, ou à ceux qui, comme le Vietnam, signeraient des accords bilatéraux avec la France. Ce serait, pour notre pays, une façon de faire respecter les droits de l'enfant plutôt que d'agir en imperator.

Cela encouragerait aussi les pays qui n'ont pas de législation sur l'adoption à en créer une pour adhérer aux accords de La Haye, lesquels protègent les enfants à adopter.

A cet égard, je voudrais revenir sur l'article 350 du code civil dont on ne parle pas. Vous avez seulement effleuré le sujet, madame la ministre.

Le texte présenté dans la proposition de loi initiale pour modifier cet article présentait à mes yeux le grand avantage de supprimer l'exception à la déclaration d'abandon fondée sur « le cas de grande détresse des parents ».

Depuis 1996, en effet, les tribunaux se sont souvent a ppuyés sur ce motif pour rejeter de nombreuses demandes.

Néanmoins, si le regroupement en un seul alinéa de ce qui en représentait trois, issus de trois lois successives afin de simplifier l'article 350 et de le rendre plus lisible, était louable, cela était considérablement réducteur et risquait de provoquer de nouvelles difficultés à l'avenir.

A insi, que signifiait l'expression « au point qu'il n'existe plus aucun lien affectif entre eux et l'enfant » ? Suffirait-il aux parents de déclarer au tribunal qu'ils aiment leur enfant et veulent s'occuper de lui ? Sur ce sujet, il avait fallu que les précédentes lois précisent ce qu'il convenait d'entendre par « manifestement désintéressés ». C'est pourquoi les deuxième et troisième alinéas de l'actuel article 350 sont assez clairs sur la notion de désintérêt. Il aurait donc été bon de les réintroduire da ns le nouveau texte proposé pour cet article.

Par ailleurs, son premier alinéa commençait ainsi :

« Peut être déclaré judiciairement abandonné l'enfant... »

Pourquoi envisager comme une possibilité ce qui était une définition de l'enfant déclaré abandonné ? Le texte en vigueur me semble moins sujet à caution puisqu'il précise : « L'enfant... dont les parents se sont manifestement désintéressés... est déclaré abandonné... » Si l'on conser-

vait cette rédaction, toute latitude de jugement serait laissée au tribunal en application du troisième alinéa de ce qui aurait été le nouvel article 350.

De même, pourquoi transmettre au tribunal toutes les situations d'enfants confiés par un juge des enfants depuis quatre ans au moins et pour lesquels la tutelle est exercée par l'aide sociale à l'enfance, alors que les tribunaux sont déjà engorgés et ne statuent sur les requêtes qu'au mieux un an après leur dépôt ? Pourquoi, dans le même temps, supprimer l'obligation de transmettre les demandes après un désintérêt manifeste d'un an ? Il est vrai qu'un particulier ne connaît pas forcément l'article 350. Cependant ne serait-il pas préférable de prévoir qu'il appartiendra au juge des enfants de saisir le service d'aide sociale à l'enfance des situations de désintérêt manifeste ? Nous n'allons pas examiner ces divers points puisque la modification de l'article 350 a été rejetée par la commission. Toutefois, il faudra bien un jour revoir cet article, souvent méconnu, car il pose tout de même de nombreux problèmes.

Je me réjouis qu'un accord puisse intervenir sur cette proposition de loi, même si certaines questions posent encore problème. En tout cas, elle constitue une telle avancée, permettant d'accroître le nombre des enfants heureux au sein d'une famille, que c'est bien volontiers que l'UDF s'associera au choeur général et la votera.

M. Laurent Dominati.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, permettez-moi d'abord de dire ici, au nom du groupe communiste, mon étonnement qu'un tel texte vienne en discussion ce matin.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 MARS 2000

En effet, d'une part, il vise à résoudre les problèmes que rencontrent les familles adoptantes dans le cadre d'une adoption dans un pays n'ayant pas signé la convention de La Haye sur l'adoption internationale. D'autre part, il soulève en filigrane la question des conditions d'adoptabilité dans notre pays à travers la réforme de l'article 350 du code civil.

De telles questions peuvent-elles être sérieusement débattues dans les conditions proposées : une proposition de loi déposée il y a une dizaine de jours sans consultation ni du Conseil supérieur de l'adoption, ni de l'assemblée des présidents de conseil général, ni de l'ensemble du réseau associatif concerné ; je pense en particulier aux associations de défense des droits de l'enfant.

De plus, peut-on débattre d'un sujet tel que l'adoption de manière isolée ? Nous ne le pensons pas. L'adoption doit faire l'objet d'une réforme dans le cadre du projet de réforme du droit de la famille annoncé par Mme la garde des sceaux pour 2001 et qui ne doit plus être reporté.

La proposition de loi de notre collègue M. Mattei a fort heureusement été amendée par la commission des lois. Nous nous félicitons de ce travail car nous ne sommes pas de ceux qui opposent les intérêts des familles adoptantes à ceux des familles biologiques. Nous ne sommes pas non plus de ceux qui opposent familles et travailleurs sociaux. Tous ces acteurs doivent travailler ensemble dans l'intérêt de l'enfant qui est le socle de toute notre réflexion sur ce sujet complexe de l'adoption, cet intérêt auquel vous faisiez vous-même référence en 1996, monsieur Mattei.

Dans son premier article, votre proposition de loi vise à apporter des solutions à la situation bien difficile de l'adoption internationale dont les chiffres connus montrent l'importance du phénomène. La volonté de la France de définir un cadre juridique d'ensemble suscept ible d'apporter toutes les garanties nécessaires aux enfants, à leurs parents biologiques et à leur famille adoptive s'est traduite par la ratification de la convention de La Haye en 1998, par l'institution auprès du Premier ministre d'une autorité centrale de l'adoption internationale et par la création de la mission de l'adoption internationale au sein du ministère des affaires étrangères.

Pour autant, si nous pouvons nous féliciter du nombre croissant de pays ayant ratifié la convention, et des réformes des procédures d'adoption dans différents pays, il n'en demeure pas moins que vingt-sept Etats seulement l'ont ratifiée et que certains n'y adhèreront pas par définition puisque l'adoption plénière est prohibée ou ignorée dans ces pays.

La vraie question est celle de savoir si la jurisprudence actuelle permet ou non de résoudre les problèmes de tous les enfants concernés. A l'évidence non, puisque, au regard de la loi française, ces enfants sont dans une situation précaire, sans statut juridique. En effet, ceux qui pourraient bénéficier d'une adoption plénière n'auront pas la qualité de Français.

L'article 1er vise à donner une réponse à cette question, mais, ce faisant, il introduit un conflit de loi en prétendant qu'en l'absence de droit de l'adoption dans le pays concerné, le droit français doit s'appliquer. On passe ainsi outre un principe de droit privé international qui dispose que le statut personnel se commande par la nationalité et l'origine.

Les gouvernements de certains pays ne risquent-ils pas de se sentir agressés par une déclaration de « guerre juridique » et faire pression pour que ne soient pas rendus des jugements favorables à la sortie d'enfants de leur territoire en vue d'une adoption en France ? Si, en France, on ne peut appliquer la législation d'un pays étranger, peut-on exiger d'un autre pays qu'il applique la nôtre ?

Mme Christine Boutin.

Très bonne question !

M. Bernard Birsinger.

Si cette disposition devait être retenue, il faudrait trouver des verrous un peu moins hasardeux que l'information des parents naturels ou du représentant légal de l'enfant sur les conséquences de l'adoption plénière ! Dans quelles conditions cette information serait-elle faite ? Bien sûr, nul n'est censé ignorer la loi, mais n'est-ce pas trop demander à des parents, qui acceptent souvent l'adoption pour des raisons économiques, de connaître et leur loi nationale et la loi française ? L'amendement proposé à la fin de l'article 1er et faisant référence à la législation des pays d'origine, devrait permettre d'éviter ces travers.

Cet article, tel qu'il était proposé, posait, au travers de subtiles argumentations juridiques, plus de problèmes qu'il n'en résolvait.

Il aurait mieux valu, à notre sens, encourager le Gouvernement français à négocier, au-delà de la convention de La Haye, des accords juridiques sur l'adoption avec les pays où les Français vont chercher de jeunes enfants à adopter. Nous nous félicitons qu'une convention ait pu être signée en février dernier entre la France et le Vietnam et nous demandons que sa ratification ait lieu le plus vite possible. Je vous ai entendu, madame la ministre, exprimer votre volonté de voir ce dossier avancer rapidement et je m'en félicite.

La proposition de loi de M. Mattei comportait, dans sa version originale, des mesures visant à faciliter l'adoptabilité, notamment celle des 70 000 enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance par les juges des enfants.

Puisqu'on évoque les droits de l'enfant, permettez-moi de m'étonner de ses articles 3 et 4, fort heureusement supprimés par la commission. Ils constituaient, en effet, une remise en cause radicale remettant fondamentalemente n question le fonctionnement de l'aide sociale à l'enfance.

Au minimum, une telle réforme suppose une large consultation et des études techniques sur les populations concernées ainsi que sur les impacts possibles. Tel n'a pas été le cas. Qui a été consulté sur la teneur des propositions ? A en croire les différents communiqués que nous avons reçus, cela n'a été le cas d'aucun de ceux qui sont directement concernés. Alors pourquoi ? Cela correspond-il à une méconnaissance de l'évolution des institutions sociales et judiciaires voulues par le législateur depuis un siècle ? L'article 350 du code civil serait-il devenu inefficace ? Les réformes intervenues en 1966, 1976 et 1984 seraient-elles devenues obsolètes ? A l'évidence, non.

En prévoyant que tous les enfants confiés depuis quatre ans à l'aide sociale à l'enfance ou à des familles devront systématiquement faire l'objet d'une déclaration judiciaire d'abandon, les auteurs de cette proposition semblent vouloir faire de l'aide sociale à l'enfance un service dont la finalité serait de rompre les liens de l'enfant avec sa famille d'origine. Pourtant, nombre d'entre eux entretiennent avec leurs parents des relations pleines et riches sans pour autant pouvoir vivre ensemble.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 MARS 2000

L'aide sociale à l'enfance a appris à travailler sur ce lien entre parents et enfants pour le maintenir ou le restaurer, sinon pour le faire vivre par-delà les vicissitudes de la vie familiale. Tel est le cas dans un département comme la Seine-Saint-Denis, qui a joué un rôle pilote en la matière, les règles retenues étant désormais appliquées dans la plupart des départements.

Rompre avec cette donnée essentielle de la protection de l'enfance moderne conduit à revenir à l'Assistance p ublique du XIXe siècle, quand n'existait que la déchéance de l'autorité parentale.

En arrière-plan, on voit aussi réapparaître cette idée qu'il faudrait sanctionner les parents défaillants, « démissionnaires », incapables d'élever leurs enfants. Que ce soit en France ou à l'étranger, on voit bien que ce sont les familles les plus défavorisées qui sont ainsi visées.

Si cette réforme de l'article 350 du code civil devait être adoptée, des enfants qui, aujourd'hui, ne sont pas a doptables le deviendraient. Cela répondrait-il pour autant au désir des familles adoptantes ? La réponse est négative pour qui connaît la situation des enfants accueillis. En Seine-Saint-Denis, par exemple, la tranche d'âge largement majoritaire des enfants confiés à l'ASE se situe entre quatorze et dix-sept ans. Y aura-t-il beaucoup de candidats à l'adoption quand on sait que 50 % d'entre eux souhaitent accueillir des nourrissons et que, pour les plus de cinq ans, les candidats deviennent rares ? Enfin, pour une proposition de loi qui se dit guidée par le souci des enfants, la lecture de l'article 5 laisse pantois. En effet, il ne prévoit nullement la place des représentants des enfants adoptés dans la nouvelle autorité centrale sur l'adoption.

Au regard des extrêmes réserves que je viens de formuler au nom des députés communistes, il est clair que nous ne pouvons accepter cette proposition, notamment dans sa partie consacrée à l'adoption nationale.

Pour conclure, et pour reprendre une formule utilisée de nombreuses fois dans ce débat et parlant d'« acte d'amour », permettez-moi de rappeler que 3 500 enfants adoptables ne le sont pas du fait des handicaps dont ils souffrent. J'aimerais que ces actes d'amour se dirigent beaucoup plus vers eux.

En tout état de cause, nous aurions voté contre la proposition d'origine et nous nous abstiendrons sur le texte tel qu'il a été modifié par la commission des lois.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, beaucoup ont en mémoire ces cas douloureux d'enfants recueillis à l'étranger en vue d'une adoption mais auxquels une décision de justice a refusé le droit d'entrer définitivement dans une famille française, présumant des fautes non prouvées, alors même que cette famille, après un véritable parcours du combattant, avait rigoureusement respecté nos procédures et obtenu les autorisations nécessaires. Il y a, derrière ces situations intolérables, non seulement une dimension juridique, celle des conflits de loi, fréquents dans le grand village planétaire, mais aussi un aspect doctrinal, pour ne pas dire parfois doctrinaire.

L'adoption internationale qui peut soulever, il est vrai, des problèmes de trafics clandestins d'enfants contre lesquels il faut lutter, et qui permet à des enfants de pays pauvres, souvent promis à une existence misérable, d'être adoptés par des familles de pays riches, même si celles-ci sont modestes, choque parfois certains bons esprits, y compris dans la magistrature, car ils y voient une manifestation d'impérialisme, voire de néocolonialisme. Sans doute tient-on pour négligeable le fait que quelques milliers d'enfants échappent ainsi chaque année aux trottoirs de Manille, à la prostitution et à l'esclavage.

Certes, on ne réglera pas les problèmes des rapports Nord-Sud par l'adoption, mais, de grâce, laissons, en les encourageant, la générosité et l'amour sauver des enfants.

Cette proposition exemplaire marque un coup d'arrêt à ces déviances là où la convention de La Haye de 1993 ne s'applique pas, c'est-à-dire souvent dans les pays où les détresses sont les plus grandes, ce qui concerne d'ailleurs les trois quarts des adoptions.

Je retiens notamment que l'adoption régulièrement prononcée à l'étranger aura définitivement effet en France et que l'adoption pourra être prononcée en France même si la législation étrangère ne permet pas l'adoption sous certaines conditions, la loi locale déterminant le représentant légal de l'enfant. Cela est clair et rassurant : le législateur décide et l'application devra suivre. Nous nous réjouissons. madame la ministre, de votre volonté de régler enfin le problème avec le Vietnam, dans le cadre de nos relations bilatérales.

L'adoption simple à l'étranger pourra être transformée en adoption plénière en France à la condition d'un consentement éclairé du représentant légal. Toutefois, la proposition devrait également régler la question délicate, en droit interne, de la déclaration judiciaire d'abandon, en simplifiant et en clarifiant les conditions d'abandon, fût-ce au prix d'une refonte de l'article 350 du code civil.

Par ailleurs, la non-conformité de la déclaration judiciaire d'abandon à l'intérêt de l'enfant est substituée à la grande détresse des parents.

Enfin, seront associés aux travaux de l'autorité centrale, avec voix consultative, les organismes agréés et les associations de familles adoptives, dont l'expérience, l'honnêteté intellectuelle et la générosité forcent bien souvent l'admiration.

En bref, cette proposition de loi - qui, il est vrai, ne règle pas tout, comme l'a souligné notre collègue Yves Nicolin - correspond à une vision de la société et à une conception de l'adoption où l'intérêt de l'enfant est d'abord pris en considération, où le geste d'amour des adoptants prime les complexités administratives. C'est pourquoi nous voterons ce texte qui honore l'initiative parlementaire et répond à un très grand besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-François Mattei, rapporteur.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Gilberte MarinMoskovitz.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Madame la ministre, la proposition de loi dont nous sommes amenés à débattre aujourd'hui tend à donner une cohérence juridique au délicat sujet que constitue l'adoption internationale.

Je me permets de rappeler que l'adoption est la création, par jugement, d'un lien de filiation entre deux et p lusieurs personnes. Depuis 1966, le droit français connaît deux formes juridiques d'adoption : l'adoption plénière, qui entraîne la rupture totale des liens avec la famille d'origine et l'adoption simple, qui fait entrer l'enfant, dans la famille adoptante sans rupture des liens avec la famille d'origine.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 MARS 2000

Ces deux formes d'adoption diffèrent par leurs effets.

L'adoption plénière a pour but de donner un enfant à une famille et une famille à un enfant alors que l'adoption simple est davantage utilisée pour la concrétisation de relations privilégiées ou pour l'adoption d'enfants étrangers dont le pays d'origine ne connaît pas l'adoption plénière.

L'adoption internationale est fondée sur une double procédure : en premier lieu, une procédure d'adoption à l'étranger - celle-ci est reconnue par le droit français puis une procédure en France impliquant une transcription du jugement étranger par le tribunal de Nantes, ainsi qu'une décision du tribunal de grande instance du lieu de résidence des parents adoptifs.

Les remarques qui sont à soulever dans ce contexte législatif concernent les effets du prononcé de l'adoption par les tribunaux français.

Quel que soit le prononcé de l'adoption étrangère, il y a lieu de confirmer à l'enfant sur le territoire français un statut protecteur qui corresponde au minimum à une adoption simple.

Lorsque l'adoption étrangère ne fait l'objet d'aucune décision d'adoption en France, l'enfant est alors placé dans une situation précaire et difficile et reste de nulle part.

L'adoption simple est une garantie a minima des droits de l'enfant.

En effet les droits des enfants adoptés ne doivent pas dépendre des pays dans lesquels ils sont nés. Du moins c'est ce qui serait souhaitable pour eux. La volonté de donner un vrai statut à chaque enfant adopté, quel que soit son pays d'origine, est une démarche non seulement de justice, mais également de « reconnaissance et d'appartenance », pour l'enfant, et ce d'autant plus lorsqu'il y a, dans une même famille, plusieurs enfants adoptés de nationalités différentes.

Dans sa première partie, le texte clarifie l'adoption internationale. Cette clarification évitera bien des souffrances inutiles, des déceptions et des démarches renouvelées.

Par contre, saisir l'occasion de ce texte pour modifier la procédure d'abandon judiciaire me gêne. En effet, la modification de l'alinéa 2 de l'article 350 du code civil semble mettre en cause les services de l'aide sociale à l'enfance.

En premier lieu, cette disposition, comme cela déjà été dit, met en cause la rigueur des services de l'ASE dans les départements, en ce qui concerne l'examen régulier des situations des mineurs confiés. En effet, l'ASE a actuellement l'obligation de déposer une demande de déclaration judiciaire d'abandon s'il constate un désintérêt manifeste des parents depuis plus d'un an.

En second lieu, il appartient à ce service, non seulement de constater l'absence de liens entre parents ete nfants, mais également de faire apparaître quelles démarches le service a entrepris auprès des parents et de la famille élargie pour négocier des relations avec l'enfant.

En outre, jusqu'à ce que le tribunal ait statué sur une déclaration judiciaire d'abondon, la mesure d'assistance éducative prononcée par le juge reste valide, ce qui nécessite une concertation préalable avec le juge des enfants.

Enfin, d'autres dispositions peuvent être plus opportunes : délégation partielle ou totale de l'autorité parentale à l'ASE.

Il semble donc que, par le biais de ce texte, on veuille étendre l'adoption en France. En tant que présidente d'un conseil de famille dans mon département, investie de la responsabilité de confier à des familles des enfants petits et même quelquefois déjà grands, je trouve que ce n'est pas sain, que ce n'est pas bon. Je ne pourrai voter ce texte que sous réserve de l'adoption des amendements qui ont été présentés par la commission des lois. Car en l'état, il ne me semble pas juste. Autant sa première partie peut être intéressante, puisqu'elle traite de l'adoption internationale et qu'il est utile de régler les problèmes qu'elle pose, autant, sa seconde partie, qui concerne l'adoption dans notre pays, me paraît discutable et je ne peux y souscrire.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, dans le domaine de l'adoption internationale, plusieurs nécessités s'imposaient : nécessité d'un titre précis, nécessité de ne traiter que d'un seul problème, nécessité de faire connaître aux parents les conditions d'adoption d'un enfant originaire de tel ou tel pays, nécessité pour la France d'avoir une position claire afin d'entrevoir des accords sans ambiguïté avec le pays d'origine des enfants, nécessité pour nous, législateurs, de reprendre dans les meilleures conditions possibles les textes concernant l'adoption, nécessité pour le pouvoir exécutif de s'assurer sans restriction de l'application de ces textes.

Parce que nous n'avons pas toujours satisfait à ces nécessités, l'adoption internationale connaît aujourd'hui un malaise dû à l'enchevêtrement des sources et des règles applicables : la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, les règles de droit commun résultant d'une construction jurisprudentielle pour les pays non signataires de la convention.

Ne s'appliquant qu'aux seuls pays qui l'ont ratifiée, la convention de La Haye ne permet pas de résoudre tous les conflits de lois qui naissent en matière d'adoption internationale. C'est donc au juge qu'est revenue la tâche d'élaborer des règles de conflits de lois. Or il n'est pas toujours bon de laisser le juge faire la loi.

Cependant, les nombreuses interrogations qu'a suscitées la jurisprudence de ces dernières années, caractérisée notamment par son manque de lisibilité, nous amènent aujourd'hui à clarifier les règles applicables en cette matière. Nous avons en effet été nombreux à être saisis de cette question par les associations et les familles désireuses d'adopter un enfant étranger, confrontées, comme cela a été particulièrement bien dit tout à l'heure, à des situations d'impasse liées au refus du tribunal de grande instance de prononcer l'adoption d'un enfant étranger d'ores et déjà accueilli en France.

C'est dans ce contexte que le groupe socialiste, soucieux de dépasser tout clivage politique, a accueilli favorablement la proposition de loi de notre collègue JeanFrançois Mattei relative à l'adoption internationale qui nous est aujourd'hui soumise pour examen.

Il convient, en effet, de légiférer en cette matière afin de protéger les adoptants et les adoptés, en organisant l'adoption de la meilleure manière possible pour les parents et les enfants, et de rendre ainsi plus sûre et plus aisée l'adoption internationale, en veillant au respect des engagements internationaux souscrits par la France.

La codification de ces règles doit se faire dans le respect des législations étrangères afin de ne pas créer de rapports juridiques non susceptibles d'être reconnus dans le pays d'origine des enfants adoptés. Nous sommes nombreux sur ces bancs à l'avoir dit et réclamé, car cela est indispensable pour nos bonnes relations internationales.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 MARS 2000

Il est nécessaire de ne pas faire subir à l'enfant adopté la constitution de rapports boiteux, et ce conformément aux exigences formulées par les conventions internationales ratifiées par la France, qui tendent à empêcher le prononcé par les tribunaux français de l'adoption pleinière d'un mineur dont le statut personnel interdit cette institution.

Il convient, en outre, de créer dans le code civil un chapitre spécifique consacré aux dispositions relatives à l'adoption internationale. Cette mesure permettra de rassembler sous un même chapitre les règles applicables par le juge en présence d'un conflit de lois sans incidence sur la nature de l'adoption dont bénéficiera l'enfant étranger.

Elle assurera donc une meilleure lisibilité et une meilleure clarté au dispositif qui sera adopté, répondant ainsi aux attentes de tous les interlocuteurs : les familles, les enfants et le juge.

Comme vous l'a bien dit M. Gérard Gouzes, le groupe socialiste votera cette proposition de loi, mais il souhaite apporter des améliorations pour assurer aux familles adoptives et aux enfants adoptés la stabilité et la sécurité qu'ils sont en droit d'attendre afin de permettre à ces derniers de vivre heureux et aimés en France.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Monsieur le président, messieurs les députés, je serai brève. Je remercie les orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale d'avoir apporté leur contribution sur cette question importante et délicate. Nous sommes tous à la recherche d'un équilibre dans un domaine où il est encore plus difficile que dans d'autres d'en trouver puisqu'il touche à l'affectif. Je crois cependant que la proposition de la commission des lois permet de l'atteindre.

Je me bornerai à quelques remarques.

M. Gérard Gouzes a souligné à juste titre la nécessité de respecter les lois du pays d'origine de l'enfant, notamment lorsque ce pays interdit de prononcer l'adoption.

C'est en effet nécessaire. Il faut rechercher des accords internationaux qui permettent de trouver avec les différents pays qui n'ont pas ratifié la convention de La Haye des modalités et des règles à même de régler les situations.

M. Nicolin nous a apporté un témoignage personnel extrêmement émouvant. Il était lui-même, nous l'avons vu, très ému et nous avec lui. Il était bien que quelqu'un rappelle devant cette assemblée le parcours du combattant des parents adoptants. J'espère qu'il n'est pas toujours aussi dramatique que celui qu'il nous a décrit.

M. Yves Nicolin.

C'est celui que j'ai vécu !

Mme la garde des sceaux.

C'était bien d'en témoigner, monsieur Nicolin. Comme vous l'avez souligné, un seul critère doit nous guider : l'intérêt de l'enfant. Toute la vie de celui-ci dépend de son adoption et la procédure d'adoption doit donc être entourée de toutes les précautions. Cela dit, il importe qu'elle se déroule avec humanité et que les futurs parents puissent trouver des interlocuteurs attentifs.

Je vous signale à cet égard que j'ai demandé qu'un magistrat du parquet soit désigné, dans chaque cour d'appel, comme magistrat référent, spécialement à l'écoute des parents adoptants.

Mme Bernadette Isaac-Sibille a insisté sur l'article 4 de la convention de La Haye qui régit, en particulier, les consentements nécessaires à l'adoption. Les dispositions de cet article s'applique bien dans notre pays, madame.

Du fait de la ratification par la France de la convention de La Haye, elles ont valeur normative et ont même une valeur supérieure à celle de la loi.

Cela dit, on ne peut pas forcer les autorités étrangères qui n'ont pas ratifié ou signé la convention de La Haye d'appliquer ces dispositions et il faut donc soit les mettre en place par une convention bilatérale - c'est ce que nous faisons avec le Vietnam...

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Absolument !

Mme la garde des sceaux.

... et la Chine - soit faire en sorte que ces pays, par des efforts de coopération, mettent en place les autorités centrales régissant les procédures.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Tout à fait !

Mme la garde des sceaux.

M. Birsinger a cité des chiffres. Je vais lui donner les statistiques dont nous disposons. Environ 3 500 enfants sont adoptés en France par an. Ils proviennent pour 1 400 du Vietnam, pour 300 environ de Colombie, pour 300 environ également de Roumanie et pour un nombre à peu près identique du Chili. Ces pays ont signé soit la convention de La Haye, soit des conventions bilatérales avec notre pays.

Certains pays proposent peu d'enfants à l'adoption.

C'est le cas du Salvador et de l'Equateur. Trois enfants ont été adoptés en 1999 en provenance de chacun de ces pays qui, je le souligne, ont signé la convention de La Haye. Le Pérou et les Philippines l'ont également signée. Cinq enfants ont été adoptés en provenance de chacun de ces pays. Neuf enfants viennent également du Bénin et neuf du Cameroun, deux pays non signataires.

La procédure d'abandon prévue par l'article 350 du code civil a également été abordée. Je répondrai plus longuement lors de l'examen de l'amendement déposé sur cette question. Mais j'indique d'ores et déjà que les placements d'enfants dans les services de l'aide sociale à l'enfance n'ont pas laissé le Gouvernement insensible. Ma collègue Martine Aubry et moi-même avons, je le répète, mis en place un groupe de travail pour étudier les conditions de placements d'enfants et leur suivi, qui doit nous remettre son rapport au mois de mai.

Je ferai deux brèves remarques.

Lorsque de très jeunes enfants, et à plus forte raison des nourrissons, n'ont plus de contact avec leur famille, les juges des enfants n'hésitent pas à engager la procédure d'abandon, car ils savent qu'ils seront adoptés.

En revanche, lorsqu'il s'agit d'enfants plus âgés, et notamment d'adolescents, ou lorsqu'il s'agit d'enfants handicapés, ils savent qu'ils ne seront jamais adoptés.

Dans ce cas, une procédure d'abandon priverait complètement ces jeunes de leur famille.

Je remercie enfin M. Jacques Floch et Mme MarinMoskovitz pour leurs interventions.

Nous tâchons tous de trouver un équilibre dans le domaine de l'adoption internationale. Je crois que la proposition de loi telle qu'elle a été adoptée par la commission des lois y tend. Sans prétendre traiter l'ensemble des problèmes de l'adoption - mais tel n'était pas l'objet de ce texte - celui-ci constitue un progrès très important.

M. le président.

La discussion générale est close.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 MARS 2000

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Avant l'article 1er

M. le président.

L'amendement no 5 n'est pas défendu.

(« Il est indéfendable ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et indépendants.)

M. Nicolin a présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« Avant l'article premier, insérer l'article suivant :

« Dans le premier alinéa de l'article 345 du code civil, les mots : "accueillis au foyer du ou des adoptants depuis au moins six mois" sont supprimés. »

La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin.

Après un jugement rendu dans le pays d'origine, l'enfant arrive en France avec un visa et, normalement, toutes les garanties nécessaires. Lorsque l'enfant vient d'un pays qui n'a pas ratifié la convention de La Haye, un nouveau jugement doit être rendu en France pour que l'adoption soit plénière. Or, le code civil prévoit un délai de six mois après l'accueil de l'enfant au foyer de ses parents adoptifs avant de pouvoir déposer une requête en adoption.

Je propose de ne pas prolonger par des délais administratifs une attente souvent déjà trop longue jusqu'à l'adoption définitive. Permettons aux parents de déposer la requête dès qu'ils le souhaient. Même si le jugement ne doit intervenir que quelques mois plus tard, nous ferons gagner un peu de temps et ce sera un soulagement pour beaucoup.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 4 ?

M. Jean-François Mattei, rapporteur.

La commission, saisie de cet amendement conformément aux dispositions de l'article 88 de notre règlement, a donné un avis défavorable.

A titre personnel, je considère que le problème soulevé par M. Nicolin est réel. Je comprends que des parents qui, revenant de l'étranger avec un enfant, doivent attendre encore six mois avant de déposer la requête en adoption s'interrogent sur le devenir de cet enfant dans le cas de leur disparition brutale par accident pendant ce délai.

Néanmoins, eu égard aux répercussions de la modification demandée, il est prématuré d'en discuter. Si vous pouviez, monsieur Nicolin, affiner votre proposition d'ici à la deuxième lecture, nous pourrions à ce moment-là, peut-être l'examiner.

M. le président.

La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Gérard Gouzes, vice-président de la commission.

Nous nous sommes interrogés ce matin en commission sur cet amendement. Il pourrait arriver, c'est vrai, que les deux parents décèdent pendant le délai de six mois. Il s'agit d'une hypothèse d'école qui n'est pas à exclure, mais reconnaissez que le cas est rarissime.

Par ailleurs, il ne faudrait pas non plus passer de délais trop longs à des délais trop courts. Et comme le rapporteur, je suis d'avis de prendre le temps de réfléchir pour essayer de trouver, pendant la navette, une formulation plus adaptée que celle que M. Nicolin nous propose spontanément, sous le coup de l'émotion avec laquelle il s'est exprimé.

Envisageons aussi la question dans un cadre plus général. Les six mois ne concernent pas seulement les enfants venant de l'étranger : l'article 345 du code civil est beaucoup plus large et, Mme la garde des sceaux nous l'a dit tout à l'heure, elle a l'intention de revoir l'ensemble du dispositif de l'adoption dans les mois à venir.

Pour ma part, je suis hostile à votre amendement, monsieur Nicolin, mais pas de manière agressive. Je souhaite seulement que nous nous donnions un peu plus de temps pour trouver des solutions pertinentes, non seulement dans ce domaine mais dans tous ceux que vous avez évoqués dans votre intervention.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Le Gouvernement n'est pas non plus favorable à cet amendement. D'abord, parce que le présent débat porte sur l'adoption internationale et que ce n'est pas le moment d'aborder les questions générales relatives à la filiation adoptive, lesquelles nécessiteraient une réflexion plus globale. Il y a d'ailleurs une loi à ce sujet en 1996 - ce n'est pas si loin ! En outre, l'adoption est un acte très important, tant pour l'enfant que pour la famille adoptive et il est préférable que son prononcé n'intervienne qu'après un laps de temps qui permette d'établir des relations affectives solides.

M. le président.

La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin.

Madame la garde des sceaux, qu'est-ce qui justifie le délai de six mois ? Rien ! Et c'est bien ce que le procureur de la République nous a répondu lorsque mon épouse et moi-même, ayant pris contact avec lui pour déposer notre requête. Nous lui avons demandé ce qu'il allait faire de ces six mois : « Rien puisque, de toute façon, après, l'enquête sera menée ! » Vous m'opposez que nous parlons d'adoption internationale ? Mais moi aussi, et précisément ! Sans aller jusqu'à considérer, comme M. Mattei, le cas rarissisme où les parents décéderaient dans cet intervalle, interrogeonsnous sur quelle couverture sociale dont bénéficie l'enfant qui entre sur le territoire français. Il y faut la compréhension de la sécurité sociale ! Mais si l'enfant tombe malade et doit être hospitalisé, avons-nous toutes les garanties que sa couverture soit effective ? Eh bien, non. Il faut donc revoir cet article sur le fond. J'attends un geste de votre part afin que cet amendement puisse être adopté en première lecture. Vos services pourraient en affiner éventuellement la rédaction plus tard car c'est davantage au Gouvernement qu'à moi de le faire.

S'il vous plaît, adressez ce signe aux parents adoptants et dites-leur : nous n'allons pas ajouter de délai à votre long calvaire et nous allons faire en sorte que votre requête - je ne dis pas le jugement - puisse être acceptée au moment ou vous la demandez : libre au juge de prendre le temps qu'il faut pour prononcer le jugement définitif.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

L'amendement no 6 de M. Michel tombe.

M. Gouzes a présenté un amendement, no 12, ainsi rédigé :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 MARS 2000

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Le titre VIII du livre Ier du code civil est complété par un chapitre III intitulé : "Du conflit des lois relatives à la filiation adoptive". »

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Il s'agit d'un amendement que je qualifierai de « bonne codification » puisqu'il tend à créer un chapitre III intitulé : « Du conflit des lois relatives à la filiation adoptive », de même qu'il existe dans le code civil un chapitre sur le conflit des lois relatives au divorce et à la séparation de corps, ou à la filiation. L'amendement ne devrait pas présenter de difficultés.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Mattei, rapporteur.

La commission a réunie ce matin au titre de l'article 88 et a donné un avis favorable.

Pour ma part, j'aurais souhaité qu'on s'en tienne à reconnaître les deux types d'adoption, l'adoption plénière et l'adoption simple, sans ajouter de nouveau chapitre. A titre personnel, je ne suis pas favorable à cet amendement mais l'intitulé proposé est meilleur que celui qui avait été p roposé au moment de la première discussion en commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable : il est logique de créer un chapitre particulier pour préciser les règles en cas de conflit de lois en matière d'adoption, comme c'est déjà le cas, d'une part, pour l'établissement de la filiation, d'autre part, pour le divorce et la séparation de corps.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

12. (L'amendement est adopté.)

4 ÉLECTION DU PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE ET FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président.

Au cours de sa réunion de ce matin, la conférence des présidents a décidé que l'élection du président de l'Assemblée nationale aurait lieu demain, mercredi 29 mars, à quinze heures, la séance de questions au Gouvernement étant supprimée.

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 27 avril 2000 inclus a été fixé au cours de la même réunion.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

5 ADOPTION INTERNATIONALE (suite) Reprise de la discussion d'une proposition de loi

M. le président.

Nous reprenons la discussion de la proposition de loi de M. Jean-François Mattei et plusieurs de ses collègues, relative à l'adoption internationale (nos 2217, 2265).

Article 1er

« Art. 1er . - Après l'article 353-1 du code civil, il est inséré un article 353-2 ainsi rédigé :

« Art. 353-2. - L'adoption régulièrement prononcée dans le pays d'origine de l'adopté produit les effets prévus par la loi française pour l'adoption plénière ou l'adoption simple lorsque l'adoptant est de nationalité française ou réside habituellement en France.

« Lorsque l'adoption prononcée dans le pays d'origine de l'adopté n'a pas pour effet de rompre le lien préexistant de filiation, celle-ci peut être convertie en adoption plénière si les consentements requis ont été donnés expressément en connaissance de cause de ses effets.

« Le prononcé de l'adoption en France d'un mineur né dans un pays qui reconnaît l'adoption requiert le consentement du représentant légal de l'enfant. Le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie, après la naissance de l'enfant et éclairé sur les conséquences de l'adoption, en particulier s'il est donné en vue d'une adoption plénière.

« La loi française s'applique aux conditions et aux effets de l'adoption si la législation du pays d'origine autorise l'adoption ou ne la prévoit pas. »

Mme Christine Boutin.

Monsieur le président, mes chers collègues, l'adoption d'enfants, qu'ils soient français ou étrangers, soulève des questions fondamentales touchant aux valeurs qui fondent la dignité de la personne humaine : le respect de la vie, l'amour, la générosité.

Et qui ne serait pas ému par la déclaration de notre collègue Nicolin ? L'adoption d'enfants, étrangers ou non, peut donner lieu à une très belle aventure, si elle est préparée et réfl échie. Il est essentiel pour le développement psychologique et l'épanouissement de l'enfant, tout comme pour la sérénité des parents adoptants et de la famille d'origine, que les conditions de l'adoption soient très claires et ne donnent lieu à aucune ambiguïté.

Comme cela a été dit dans la discussion générale, trop de commerces d'enfants sont à déplorer. En outre certains pays en voie de développement estiment, à juste titre, que leurs enfants sont leur seule richesse.

Jusqu'à présent, les tribunaux étaient censés appliquer le principe du strict respect de la loi nationale de l'enfant, ce qui signifie que celui-ci ne peut être adopté par des étrangers que si la possibilité d'adopter existe dans son propre pays et qu'il ne peut être adopté en la forme plénière que si la loi nationale, ou la ratification de la convention de La Haye, l'autorise, et sous une forme simple, dans les autres cas. Il est vrai que ce principe est appliqué de façon très diverse en France par les tribunaux, ce qui les oblige néanmoins à des contorsions juridiques pour arriver à l'adoption plénière.

La proposition de loi que nous examinons envisage de simplifier et d'unifier les décisions prises dans ce domaine par l'application de la loi française relative aux conditions et aux effets de l'adoption quelle que soit la législation du pays d'origine de l'enfant adopté même si ce pays ne reconnaît pas l'adoption plénière ou s'il ne dispose d'aucune législation en matière d'adoption.

L'adoption plénière, qui répond au voeu général des familles françaises, n'existe pas dans de nombreux pays.

L'adoption simple ne confère pas la nationalité française de manière automatique comme l'adoption plénière. Et, notons-le certains pays, notamment les pays musulmans, interdisent l'adoption. Voter les articles qui nous sont


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 MARS 2000

proposés aujourd'hui nous conduirait à porter gravement atteinte à la souveraineté du pays d'origine de l'enfant adopté et du droit des familles d'origine, même si leur consentement éclairé est exigé. Nous ne pouvons avoir la p rétention d'imposer notre législation au reste du monde ! Il y aurait d'ailleurs le risque d'amener des pays étrangers qui n'admettent pas l'adoption plénière à fermer leurs frontières.

Plutôt que d'imposer notre législation de façon autoritaire et impérialiste, nous devrions veiller à ce que les familles françaises soient informées de la législation en v igueur dans les pays d'origine, dès leur première démarche auprès des services et des oeuvres, afin qu'elles ne se tournent pas vers des pays où l'adoption n'existe pas sous la forme qu'elles souhaitent.

Nous devons développer la négociation d'accords bilatéraux, et je tiens à souligner l'efficacité du travail de Mme le garde des sceaux, avec les autorités du Vietnam notamment, qui a suscité du reste le texte d'initiative parlementaire que nous examinons. C'est ainsi seulement que nous pourrons garantir le respect de toutes les parties concernées : enfants adoptés, parents adoptants et familles d'origine. Nous ne pouvons faire l'économie d'une très grande sagesse, d'une très grande prudence lorsque les liens de filiation sont en jeu.

Très honnêtement, je ne vois pas comment aujourd'hui concilier l'inconciliable ; je veux parler de notre droit français en matière d'adoption qui, dans la plupart des cas, rompt définitivement les liens de l'enfant avec sa famille biologique et avec le droit d'autres pays qui ne reconnaissent pas l'adoption plénière.

En ce qui me concerne, j'attends la discussion et les amendements à venir pour arrêter définitivement ma position sur ce texte.

M. le président.

M. Floch et les membres du groupe socialiste et apparentés ont présenté un amendement, no 16, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le premier alinéa de l'article 1er :

« Dans le chapitre III du titre VIII du livre Ier du code civil, il est inséré un article 370-3 ainsi rédigé : ».

La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch.

Puisque nous venons de voter l'amendement no 12 de M. Gouzes, il me semble que cet amendement tombe.

M. Gérard Gouzes, vice-président de la commission.

Non, au contraire, il en est une conséquence !

M. le président.

L'amendement ne tombe pas, monsieur Floch. Peut-être pourriez-vous d'ailleurs présenter en même temps l'amendement no 15, des mêmes auteurs, qui est ainsi rédigé :

« Au début du deuxième alinéa de l'article 1er , substituer à la référence : "Art. 353-2", la référence : "Art. 370-3". »

La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch.

Ces deux amendements tendent à placer les dispositions relatives à l'adoption internationale dans un chapitre qui leur est spécifiquement consacré.

C'est, en fait, ce que nous voulions depuis le début de ce débat : faire en sorte que la proposition de M. Mattei rentre dans un cadre particulier.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Mattei, rapporteur.

Je comprends la surprise de M. Floch. Lorsqu'il lui avait présenté un amendement tendant à identifier un chapitre spécifique à l'adoption internationale, la commission l'avait rejeté au motif qu'il n'était pas bon de faire apparaître une opposition - certes, textuelle - entre l'adoption nationale et l'adoption internationale, ce qui pourrait motiver des discriminations ou des préférences. Nous avions donc préféré nous en tenir à l'adoption plénière et à l'adoption simple.

Mais, après le vote de l'amendement de M. Gouzes, il est clair que les amendements de M. Floch reviennent d'actualité et qu'il est bon de les adopter.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable à ces deux amendements.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

16. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

15. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Mme Isaac-Sibille a présenté un amendement, no 17, ainsi rédigé :

« Substituer à l'avant-dernier alinéa de l'article 1er les treize alinéas suivants :

« L'adoption en France d'un mineur né dans un pays ou un territoire ne relevant pas des dispositions du présent code n'est possible qu'après vérifications par le tribunal de grande instance que les autorités compétentes de l'Etat d'origine :

« a) Ont établi que l'enfant est adoptable ;

« b) Ont constaté, après avoir dûment examiné les possibilités de placement de l'enfant dans son Etat d'origine, qu'une adoption internationale répond à l'intérêt de l'enfant ;

« c) Se sont assurées :

«

1. Que les personnes, institutions et autorités dont le consentement est requis pour l'adoption ont été entourées des conseils nécessaires et dûment informées sur les conséquences de leur consentement, en particulier sur le maintien ou la rupture, en raison d'une adoption, des liens de droit entre l'enfant et sa famille d'origine,

«

2. Que celles-ci ont donné librement leur consentement dans les formes légales requises, et que ce consentement a été donné ou constaté par écrit,

«

3. Que les consentements n'ont pas été obtenus moyennant paiement ou contrepartie d'aucune sorte et qu'ils n'ont pas été retirés, et

«

4. Que le consentement de la mère, s'il est requis, n'a été donné qu'après la naissance de l'enfant ; et

« d) Se sont assurées, eu égard à l'âge et à la maturité de l'enfant :

«

1. Que celui-ci a été entouré de conseils et dûment informé sur les conséquences de l'adoption et de son consentement à l'adoption, si celui-ci est requis,

«

2. Que les souhaits et avis de l'enfant ont été pris en considération,

«

3. Que le consentement de l'enfant à l'adoption, lorsqu'il est requis, a été donné librement, dans les formes légales requises, et que son consentement a été donné ou constaté par écrit, et

«

4. Que ce consentement n'a pas été obtenu m oyennant paiement ou contrepartie d'aucune sorte. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 MARS 2000

La parole est à Mme Bernadette Isaac-Sibille.

M me Bernadette Isaac-Sibille.

L'amendement de M. Gouzes ayant été voté, je pense que le mien n'a plus lieu d'être. Mais je me félicite qu'un amendement que mon collègue Blessig avait proposé en mon nom et qui avait été refusé, à ma grande tristesse, revienne sous la plume de M. Gouzes et qu'il soit adopté !

M. le président.

Retirez-vous votre amendement, madame Isaac-Sibille ?

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Eh bien, non ! Après tout, je le maintiens !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Mattei, rapporteur.

La commission n'a pas retenu cet amendement. Comme l'a expliqué Mme la garde des sceaux, la convention de La Haye s'impose à la législation française. Nous n'avons pas à transposer dans le détail le texte international.

En revanche, je défendrai dans un instant un amendement, no 8 corrigé, qui devrait donner satisfaction à Mme Isaac-Sibille. De mon point de vue, l'amendement qu'elle propose n'a pas lieu d'être après les garanties qui viennent de nous être données et si l'amendement no 8 corrigé est adopté.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Pas favorable, pour les raisons que j'ai indiquées précédemment ; je préfère la rédaction de l'amendement no 8 corrigé que nous allons examiner.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

17. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mattei a présenté un amendement, no 8, corrigé, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 1er , substituer aux mots : "né dans un pays qui reconnaît l'adoption" les mots : ", dont la loi personnelle reconnaît l'adoption,". »

La parole est à M. Jean-François Mattei.

M. Jean-François Mattei, rapporteur.

Il y a quelques jours, en commission des lois, nous avons beaucoup discuté de la rédaction de la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par l'article 353-2 du code civil :

« Le prononcé de l'adoption en France d'un mineur né dans un pays qui reconnaît l'adoption... ». Et il nous est

apparu que cette formule n'était pas la plus heureuse, notamment pour ce qui concerne certains pays, comme le Liban ou l'Egypte, qui ont une loi nationale, mais dont certains ressortissants ont des lois personnelles différentes.

Il nous est donc apparu préférable de reprendre la formulation de la convention de La Haye. C'est l'objet de cet amendement auquel la commission a donné son aval ce matin.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis favorable à cet amendement. Cette nouvelle rédaction est plus rigoureuse sur le plan juridique, car c'est la nationalité de l'enfant qui permet de déterminer la loi qui lui est applicable et non pas son lieu de naissance.

M. Gérard Gouzes, vice-président de la commission.

Très bien !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 8 corrigé.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Gouzes et les membres du groupe socialiste et apparentés ont présenté un amendement, no 13, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 1er :

« La loi française s'applique aux conditions et aux effets de l'adoption si la législation du pays d'origine n'y fait pas obstacle. »

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes, vice-président de la commission.

Pour les cas où la législation du pays d'origine ferait obstacle à l'adoption ou l'interdirait, il fallait corriger le texte de M. Mattei en précisant bien que la loi française s'applique aux conditions et aux effets de l'adoption si la législation du pays d'origine n'y fait pas obstacle. De cette façon, comme Mme la garde des sceaux l'a expliqué, nous renvoyons la résolution de telles situations à des conventions bilatérales ou internationales, ou à une évolution de la législation de ces pays.

En l'état actuel des choses, conformément aux conventions signées par la France, notamment celle de La Haye, il ne nous est pas possible - ce n'est même pas souhaitable - d'imposer notre législation à des pays qui feraient obstacle à la notion même d'adoption.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Tout à fait !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Mattei, rapporteur.

La commission a adopté, ce matin, au titre de l'article 88, l'amendement proposé par Gérard Gouzes. Tel est le résultat de notre discussion.

Je voudrais néanmoins clarifier certains points car je crains que, entre le coeur et la raison, il ne subsiste quelque malentendu.

J'entends, depuis ce matin, parler de ce qui serait une

« lecture impérialiste » du droit français. Mais, première remarque, nous avons déjà, dans notre code civil, des conflits de lois, s'agissant du mariage ou de la filiation. Il faut bien comprendre qu'il peut y avoir des lois qui s'opposent. Faire valoir le droit français n'est donc pas une première.

Le second point, beaucoup plus important, concerne les pays de droit coranique. En 1996, nous avions déjà beaucoup discuté de cette question. Pourquoi se pose-telle ? Parce que ces pays, qui prohibent en principe l'adoption, ont néanmoins des orphelinats. Quand un couple français, muni de l'agrément, va en Algérie ou au Maroc, notamment, qu'un enfant leur est confié avec le consentement du responsable de l'orphelinat - celui-ci peut être considéré comme le tuteur légal -, qu'un visa est donné et que l'enfant arrive en France, il est évidemment bien difficile de refuser alors le prononcé d'adoption. On ne peut pas dire que c'est de l'impérialisme que de vouloir trouver une solution pour un enfant arrivé en France avec l'assentiment du pays d'origine ! Je comprends bien votre point de vue. Nous avons des liens privilégiés avec ces pays et nous ne voulons naturellement pas aller contre ce qu'ils souhaitent. Il y a alors deux attitudes.

O n peut les mettre à part comme le souhaite M. Gouzes, et c'est ce qu'a voté la commission - je n'y reviens pas, mais j'aurais préféré que l'on ne parlât point d'eux, pour deux raisons. D'abord, la jurisprudence évolue. Depuis des années et des années, la Cour de cassation dit qu'il faut prononcer l'adoption et j'ai peur que ce texte de loi soit en contradiction avec cette jurisprudence. Ensuite, ces pays sont en train d'évoluer vers le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 MARS 2000

droit personnel, et c'est tant mieux. Je ne suis pas sûr qu'il soit adroit de les désigner de manière particulière dans la loi, donnant ainsi une sorte d'argument à ceux q ui s'opposent à leur évolution : pourquoi évoluer puisque les autres pays reconnaissent parfaitement nos particularités ? Il est clair, de mon point de vue, que nous n'aurions pas dû en parler, laissant le soin au Gouvernement de donner des instructions précises aux consulats et aux ambassades pour que les visas ne soient pas accordés, et des informations précises aux couples par l'intermédiaire de la Mission de l'adoption internationale, pour éviter ces tentatives d'adoption. Enfin, j'aurais préféré qu'on laisse la jurisprudence continuer de tracer un sillon, d'autant que, je vous le répète, ces pays évoluent.

On ne peut pas dire que nous ayons là une vision impérialiste de notre droit. Nous ne faisons que nous adosser soit aux imperfections, soit aux insuffisances de la loi de ces pays. Pour le reste, nous essayons de régler le problème des enfants qui sont sur le territoire français et que nous ne pouvons pas laisser sans statut et sans reconnaissance.

Voilà pourquoi - à titre personnel, je le répète - j'aurais préféré que l'on ne mentionnât point ces pays-là, mais je dois évidemment à mon rôle objectif de rapporteur de dire que, ce matin, la commission a donné un avis favorable à l'amendement de M. Gouzes.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

C'est un débat important, qui a mobilisé beaucoup d'attention à la commission des lois, nous le savons. J'ai indiqué précédemment quelle était la position du Gouvernement, et je suis favorable à l'amendement présenté par Gérard Gouzes, qui concilie la nécessaire clarification de la définition de la loi applicable et le respect de la souveraineté du pays d'origine.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Tout à fait !

Mme la garde des sceaux.

Monsieur Mattei, parce qu'il s'agit d'un problème grave, on ne pouvait pas laisser d'ambiguïté dans la loi. Nous avons, en effet, la responsabilité de prévenir les parents des difficultés auxquelles ils s'exposent s'ils veulent adopter des enfants en provenance de ces pays. Nous avons un devoir de clarté et de transparence...

M. Jean-François Mattei, rapporteur.

Je suis d'accord.

Mme la garde des sceaux.

... et je sais que c'est aussi votre point de vue.

Nous devons naturellement nous attacher à régler les cas des enfants qui, déjà chez nous, y sont entrés avant 1997 puisque, comme vous le demandiez vous-même, nous refusons maintenant d'accorder des visas pour éviter ce type de difficultés, et nous expliquons pourquoi. J'ai déjà indiqué que notamment avec le Maroc, puisque c'est plus facile avec ce pays qu'avec d'autres, nous allions essayer de régler au cas par cas ces situations extrêmement difficiles.

Enfin, et nous avons là une différence d'appréciation, si nous voulons que ces pays évoluent, la meilleure façon de les aider c'est de ne pas donner l'impression de leur faire la leçon. C'est à eux d'avoir leur propre débat, et il a lieu d'ailleurs. Avec ces pays, notamment ceux du Maghreb, qui sont de droit coranique, nous avons des liens extrêmement étroits, et nous souhaitons bien entendu que les choses évoluent, mais je crois que la meilleure chose à faire est de leur dire que nous respectons totalement la façon dont ils ont envie de traiter cette question, en espérant bien sûr qu'avec le temps les choses pourront évoluer. N'oublions pas que, dans ces pays, la loi coranique interdit l'adoption, non seulement par des parents étrangers, mais par leurs propres ressortissants.

M. Gérard Gouzes, vice-président de la commission.

Tout à fait !

M me la garde des sceaux.

L'amendement de M. Gouzes nous permet de concilier ces différents impératifs (« Très bien » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Gérard Gouzes, vice-président de la commission.

Monsieur Mattei, j'ai senti, comme chacun ici, l'émotion avec laquelle vous vous êtes exprimé, mais il faut revenir à la donne première de toute notre affaire.

L'objectif principal de l'adoption, c'est l'intérêt supérieur qu'il ne faut jamais perdre de vue. L'intérêt de l'enfant, ce n'est pas de se trouver en France dans le cadre d'une adoption plénière, l'ayant totalement coupé de sa famille d'origine, une espèce d'adoption boiteuse reconnue chez nous et inconnue à l'extérieur.

La jurisprudence a essayé, il est vrai, de se dépêtrer de ce problème difficile, de ce choix cornélien comme je disais mais reconnaissez avec moi qu'elle n'est pas univoque et qu'elle n'est pas toujours claire. Parfois, elle invoque ce que l'on appelle l'ordre public international français et elle rejette l'adoption. Parfois, elle accepte le consentement donné par telle ou telle institution dudit pays. Parfois, nos juges se demandent comment des autorités compétentes d'un pays qui interdit l'adoption peuvent leur donner l'autorisation d'adopter ? Je crois, mes chers collègues, que nous devons rester fidèles à un seul objectif, l'intérêt de l'enfant. Or l'inté rêt de l'enfant est protégé dans ces pays...

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Gérard Gouzes, vice-président de la commission.

... puisqu'ils disposent d'une institution protectrice de substitution à ce que nous appelons l'adoption, la Kafala, qui s'occupe des enfants abandonnés.

Mme Christine Boutin.

Eh oui !

M. Gérard Gouzes, vice-président de la commission.

Cela veut dire que ces pays n'abandonnent pas les enfants.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Absolument !

M. Gérard Gouzes, vice-président de la commission.

Ils ne les laissent pas sans statut.

C'est la raison pour laquelle je demande à l'Assemblée d'adopter mon amendement. Je souhaiterais que M. Mattei me suive sur ce point car je sais qu'il est soucieux avant tout de l'intérêt supérieur de l'enfant.

M. le président.

Vous avez la parole, monsieur le rapporteur. Je ne sais pas si c'est pour répondre à l'invitation de M. Gouzes.

M. Jean-François Mattei, rapporteur.

Je crois que je vais m'en remettre à la sagesse de l'Assemblée.

Madame la garde des sceaux, j'ai bien compris ce que vous avez dit et ce qu'a dit Gérard Gouzes, et, je le crois, que nous partageons les mêmes objectifs.

Que les visas ne soient plus accordés depuis quelques années, que l'information soit bien transmise aux candidats à l'adoption, que nous voulions respecter ces pays en interdisant l'adoption, je le comprends. Il faudrait néan-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 MARS 2000

moins que vous disiez officiellement que ce texte, s'il est voté en l'état, ne concernera pas les enfants qui sont déjà sur notre territoire...

M. Gérard Gouzes, vice-président de la commission.

C'est un autre problème !

M. Jean-François Mattei, rapporteur.

... parce que je ne voudrais pas qu'une telle disposition, valable naturellement pour le futur, empêche les familles de voir aboutir leurs dossiers devant les juridictions. L'aventure est consommée et on n'attend pas qu'un jugement soit rendu pour nouer des liens affectifs.

Voilà pourquoi je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée. J'aimerais beaucoup que vous disiez clairement que ce texte s'applique à partir de dorénavant mais qu'il ne s'applique pas aux enfants qui sont déjà sur notre territoire dans cette situation difficile.

M. le président.

La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin.

L'intérêt de l'enfant, monsieur Gouzes, est-ce son intérêt juridique ou son bonheur ? Nous sommes effectivement là pour légiférer, mais faut-il laisser des enfants dans une situation de détresse en leur assurant un lien juridique ou faire en sorte qu'ils aient des chances de s'épanouir dans un autre pays avec de vrais parents, avec peut-être un risque dans leur pays d'origine ? Ne traitons pas toujours les problèmes de l'adoption sous un angle uniquement juridique car beaucoup en souffrent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Gérard Gouzes, vice-président de la commission.

Monsieur Nicolin, je vous ai écouté tout à l'heure avec beaucoup d'émotion. Vous étiez d'une grande sincérité et v ous avez certainement ému tout le monde, mais qu'est-ce que le bonheur ? (Exclamations sur divers bancs.)

M. Yves Nicolin.

C'est d'avoir des parents !

M. Gérard Gouzes, vice-président de la commission.

Pour moi, c'est d'être en harmonie avec son environnement. Un enfant qui vit au fond de la jungle est le plus pauvre par rapport à nos valeurs, mais tout est relatif, et le bonheur est aussi une notion relative. Je crois qu'il ne faut pas laisser entendre que notre civilisation est la seule à être magnifique et formidable.

Mme Christine Boutin.

Très bien !

M. Gérard Gouzes, vice-président de la commission.

Nous avons le bonheur matériel. Avons-nous le bonheur réel ?

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Bonne question !

M. Gérard Gouzes, vice-président de la commission.

Je comprends les problèmes affectifs, les problèmes d'amour que vous avez évoqués et je suis prêt à vous aider de toutes mes forces et de tout mon coeur, mais attention : ne laissons pas croire que notre civilisation est la seule capable de donner le bonheur. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Nicolin. Une très courte intervention, car je pense que l'Assemblée est maintenant éclairée !

M. Yves Nicolin.

Effectivement, monsieur Gouzes, le bonheur est difficile à définir, mais il y a une source qui est commune à toutes les nations du monde, à tous les pays et à toutes les tribus, c'est la famille, le fait pour un enfant d'avoir un père et une mère pour s'occuper de lui pendant son enfance et lui permettre d'atteindre à l'âge adulte. Je préfère, moi, un bonheur avec un père et une mère qu'un bonheur dans un orphelinat. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Gérard Gouzes, vice-président de la commission.

C'est plus compliqué que cela !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

13. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art. 2. Dans l'article 361 du code civil, après la référence : "353-1,", sont insérées les références : "353-2 et 353-3".

« L'article 353-2 devient l'article 353-3. »

M. Floch et les membres du groupe socialiste et apparentés ont présenté un amendement, no 14, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 2 :

« Dans l'article 361 du code civil, après la référence : "353-1,", est insérée la référence : "353-2". »

La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch.

C'est un amendement de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Mattei, rapporteur.

Même comm entaire que pour les amendements précédents de M. Floch. Favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé.

Après l'article 2

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 9 et 1 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 9, présenté par M. Mattei, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« L'article 350 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 350. - Peut être déclaré judiciairement abandonné l'enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l'aide sociale à l'enfance, dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant l'année qui précède l'introduction de la demande, au point qu'il n'existe plus de liens affectifs entre eux et l'enfant.

« Lorsque l'enfant a été recueilli dans les conditions visées par les articles 375 et suivants et 433 du code civil, depuis quatre ans au moins, le particulier,


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l'établissement ou le service de l'aide sociale à l'enfance doivent transmettre une demande de déclaration judiciaire d'abandon. Le tribunal vérifie si les conditions de cette déclaration sont réunies.

« L'abandon n'est pas déclaré si le tribunal constate qu'il ne serait pas conforme à l'intérêt de l'enfant, en raison notamment de la grande détresse des parents, ou si, au cours du délai prévu au premier alinéa, un membre de la famille a demandé à assumer la charge de l'enfant et si cette demande est jugée conforme à son intérêt.

« La tierce opposition n'est recevable qu'en cas de dol, de fraude ou d'erreur sur l'identité de l'enfant. »

L'amendement no 1 rectifié, présenté par Mme IsaacSibille, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« L'article 350 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 350. - L'enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l'aide sociale à l'enfance, dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant l'année qui précède l'introduction de la demande en déclaration d'abandon, est déclaré abandonné par le tribunal de grande instance, sans préjudice des dispositions du troisième alinéa. La demande en déclaration d'abandon est obligatoirement transmise par le particulier, l'établissement ou le service de l'aide sociale à l'enfance à qui l'enfant a été confié, ou à qui a été déféré e la tutelle, ou délégataire de l'autorité parentale, à l'expiration du délai d'un an dès lors que les parents se sont manifestement désintéressés de l'enfant. Le juge des enfants pourra saisir le service de l'aide sociale à l'enfance lorsqu'il constatera que le particulier ou l'établissement ne se sont pas conformés à ses dispositions.

« Sont considérés comme s'étant manifestement désintéressés de leur enfant les parents qui n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires au maintien des liens affectifs. La simple rétractation du consentement à l'adoption, la demande de nouvelles ou l'intention exprimée mais non suivie d'effet de reprendre l'enfant n'est pas une marque d'intérêt suffisante pour motiver le rejet d'une demande en d éclaration d'abandon. Ces démarches n'interrompent pas le délai figurant au premier alinéa ;

« L'abandon n'est pas déclaré si le tribunal constate qu'il ne serait pas conforme à l'intérêt de l'enfant ou si, au cours du délai prévu par l'alinéa premier de cet article ou depuis le dépôt de la requête, un membre de la famille a demandé à assumer la charge de l'enfant, et si cette demande est conforme à l'intérêt de l'enfant. Dans ce dernier cas, le tribunal vérifiera, dans les six mois, si la demande a été suivie d'effet, avant de statuer définitivement. »

La parole est à M. Jean-François Mattei, pour soutenir l'amendement no

9.

M. Jean-François Mattei, rapporteur.

Cet amendement a été rejeté par la commission, mais je le présente à titre personnel, ce qui va me permettre de répondre à l'orateur du groupe communiste et à Mme Marin-Moskowitz.

Je pense qu'il y a un malentendu sur l'article 350 du code civil. Il me souvient que, dans le cadre de la mission que m'avait confiée le Premier ministre de l'époque pour préparer le texte de la loi de 1996, nous avions entendu un magistrat, éminent spécialiste, qui nous avait félicités de ne pas toucher à l'article 350, en nous expliquant qu'il n'y avait plus rien à « ronger » sur cet article, qui avait été revu et corrigé pratiquement chaque fois que l'on avait abordé le problème de l'enfance en difficulté. Nous nous étions donc abstenus d'y revenir ici, à l'Assemblée.

Il se trouve que le Sénat a introduit une formulation que nous avons dû accepter en commission mixte paritaire mais qui ne me paraît pas la meilleure. Au lieu que l'enfant puisse être déclaré judiciairement abandonné, on a prévu que l'enfant « est déclaré judiciairement abandonné après une année de désintérêt manifeste ».

En réalité, c'est inapplicable car la décision du juge est liée à une décision administrative. La justice étant indépendante, la décision du juge ne peut évidemment pas dépendre d'une constatation administrative. Il m'a donc paru nécessaire de réintroduire la formulation « peut être déclaré judiciairement abandonné », d'autant que personne n'est mieux à même que le juge d'apprécier la nature de liens affectifs, qui ont en l'occurrence disparu.

Il y a un second problème dont je crois que il est l'essentiel du malentendu. Lorsque je demande que le tribunal soit obligatoirement saisi du dossier d'un enfant placé depuis plus de quatre ans, je ne souhaite pas, contrairement à ce que vous croyez, que soit systématiquement prononcée la déclaration d'abandon judiciaire, je souhaite simplement que le dossier d'un enfant placé au long cours soit examiné par le juge, pour que celui-ci apprécie la réalité de la situation. On sait bien que certains placements au long cours durent plus qu'on ne le souhaiterait, parce que les parents sont incarcérés, en placement psychiatrique, ou parce qu'il y a des phénomènes d'exclusion socio-économiques. C'est pour cela que le tribunal, obligé de se saisir du dossier va vérifier si cet enfant doit garder un lien familial ou s'il doit être adopté pour son bonheur.

Le troisième alinéa de cet amendement tente d'ailleurs de satisfaire deux exigences. D'une part, il ne doit pas y avoir d'enfants oubliés. Ceux de nos collègues qui siègent dans les conseils généraux ou s'occupent de la protection de l'enfance peuvent aller vérifier la réalité des dossiers et la régularité de leur examen. Je ne fais aucun procès aux services de l'aide sociale à l'enfance, qui accomplissent un excellent travail, mais qui sont quelquefois confrontés à des situations difficiles. Il n'est pas aisé, pour eux, de décider qu'il faut déclarer l'abandon, car cela s'apparente à un constat d'échec. D'autre part, le rapport BiancoLamy l'a dit, ATD-Quart Monde l'a répété, les conseils généraux l'ont souligné, il faut tout faire pour conserver le lien familial quand il y a lieu d'espérer qu'il peut être renoué, que le tissu familial peut être recousu.

Il est vrai que les enfants dont il s'agit n'ont plus six mois, ni même deux ans, mais au moins quatre ans et demi ou cinq ans. Cependant, quelques-uns pouvaient être retirés de ces placements au long cours pour être confiés à des couples français qui désirent les prendre en charge, et je ne vois pas pourquoi nous ne demanderions pas que, au bout de quatre ans, sans qu'il y ait de décision obligée, le tribunal soit systématiquement amené à vérifier systématiquement le contenu du dossier. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Meylan.

Très bien !

M. Jean-François Mattei, rapporteur.

Je m'exprime avec passion, car on n'a pas le droit d'oublier des enfants, de les laisser sans des rendez-vous obligés. Dans d'autres situations, on impose des vérifications, des mises au point, des visites médicales, sans pour autant qu'il y ait aucune conséquence. Le seul fait qu'il y ait un rendezvous obligé pourrait nous permettre...


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M. Bernard Birsinger.

Ces rendez-vous existent déjà et ont lieu tous les deux ans. Vous proposez un formidable retour en arrière.

M. Jean-François Mattei, rapporteur.

Je ne le crois pas.

Je suis même convaincu du contraire, ce serait oeuvrer pour le bonheur des enfants. Passé les quatre ans de l'enfant, certains dossiers ne sont plus jamais examinés par un tribunal, et on ne peut plus jamais déclarer que ces enfants sont susceptibles d'être adoptés. Ce n'est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme Bernadette IsaacSibille, pour soutenir l'amendement no 1 rectifié.

De manière si possible plus concise, compte tenu des explications qui viennent de nous être données ?

M me Bernadette Isaac-Sibille.

En effet, je serai concise, car je suis d'accord avec notre ami Mattei. Je souhaiterais néanmoins compléter ce qu'il a dit.

La nouvelle rédaction de l'article 350 omet la condition selon laquelle les parents « se sont manifestement désintéressés » de leur enfant. Cette précision figure actuellement dans l'article 350 et il conviendrait de la maintenir. J'ai l'honneur de présider, depuis plusieurs années, une commission d'adoption, et, je puis en témoigner, les difficultés évoquées par M. Mattei viennent aussi de ce que l'on n'a pas déterminé quand les parents se sont « manifestement désintéressés » de leur enfant. Il ne suffit pas que la mère ou le père vienne apporter, une fois par an, un paquet de bonbons ou un gâteau.

En outre, pourquoi dire : « peut être déclaré abandonné » ? Pourquoi envisager comme une possibilité ce qui était une déclaration qui résulte d'un constat ? Cette nouvelle version permettrait de réduire l'attente pour les enfants.

Enfin, il conviendrait d'ajouter, dans le 3e alinéa, après les mots : « au cours du délai prévu par l'alinéa 1er de cet article », les mots : « ou depuis le dépôt de la requête ».

Dans les cas prévus à cet alinéa, le tribunal pourrait ainsi être saisi trois à six mois après la requête, sans attendre.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Gouzes, vice-président de la commission.

Le rapporteur a dit lui-même que la commission avait rejeté ces deux amendements.

L'article 350 ne concerne plus l'adoption internationale ou le règlement des conflits de lois, mais de droit interne.

Ces amendements ne seraient donc pas conformes à l'intitulé que nous venons d'adopter. Du point de vue de la logique et de la cohérence, je pourrais donc conclure de façon juridique, comme dirait M. Nicolin, que cet amendement doit être écarté.

Mais je vais vous donner d'autres arguments simples qui, je l'espère, seront examinés lorsque Mme la garde des sceaux évoquera, comme elle nous l'a promis, tous ces problèmes. Nous pourrons alors nous pencher sur le fonctionnement de ces organismes que les conseils généraux connaissent bien, les ASE, aides sociales à l'enfance.

Il convient tout d'abord de constater que, dans ces organismes, les enfants ne sont pas coupés de leurs parents.

Nombreux, en effet, sont ceux qui entretiennent des relations parfois difficiles mais nécessaires avec eux, sans qu'ils vivent ensemble. La plupart de ces enfants sont grands, M. Mattei l'a reconnu, et vivent parfois des situations difficiles.

L'adoption de l'amendement no 9, qui est une réécriture de l'article 350 du code civil, donnerait aux services de l'aide sociale à l'enfance la possibilité de déclarer la déchéance de l'autorité parentale pour venir en aide aux enfants délaissés ou en difficulté. Or, à mon avis, ce n'est pas la mission de ces organismes. Du reste, nous avons tous reçu de l'association des présidents de conseils généraux une lettre nous demandant de nous opposer à cet amendement qui, manifestement, ne convient ni dans la forme ni sur le fond.

Je ne suis donc pas favorable à l'amendement de M. Mattei, en reconnaissant néanmoins qu'il pose un réel problème, qu'il faudra traiter différemment, le moment venu, avec le Gouvernement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Nous ne pouvons évidemment souscrire aux amendements que proposent M. Mattei et Mme Isaac-Sibille.

Comme l'ont rappelé Mme Guigou et, à l'instant, M. Gouzes, il n'est pas souhaitable d'aborder, à l'occasion d'un débat spécifique sur l'adoption internationale, des questions qui débordent largement ce cadre. En effet, la procédure judiciaire d'abandon n'a rien de propre à l'adoption, même si elle y conduit le plus souvent, et elle s'applique sur le sol français aussi bien à des enfants de nationalité française qu'à des enfants de nationalité étrangère.

Un débat sur l'article 350 du code civil me paraît devoir être écarté aujourd'hui, mais, s'il avait lieu, il devrait se dérouler dans le cadre d'une réflexion globale sur la famille et dans l'esprit que nous avons développé depuis deux ans et demi. Il devrait conforter et soutenir l'exercice de la responsabilité parentale, que j'ai, à plusieurs reprises, qualifié d'obligation parentale.

On peut estimer que si, pendant quelque temps, des parents ne manifestent pas d'intérêt pour leurs enfants, pour des raisons qu'il ne nous appartient pas de qualifier, ces enfants peuvent être considérés comme abandonnés et peuvent être adoptés. On peut juger qu'un foyer d'accueil adoptant est préférable à l'univers d'un foyer départemental. Mais une telle mesure irait à l'encontre de la politique familiale que nous souhaitons promouvoir.

D'autre part, sur le fond, le mécanisme proposé par M. Mattei et renforcé par Mme Isaac-Sibille pose quelques problèmes importants. La notion de désintérêt manifeste n'y est plus définie et l'accent est mis sur la perte de liens affectifs, critère très subjectif qui ne s'apparente en rien avec la visite médicale obligatoire dont a parlé M. Mattei. Qui déterminera si le lien affectif est distendu ou maintenu ? Quelles sont les raisons qui conduisent des parents à ne pouvoir momentanément entretenir ces liens affectifs ? On pourrait, avec la même passion et la même argumentation, défendre l'intérêt de ces parents empêchés d'agir et de témoigner leur intérêt à leurs enfants placés.

Par ailleurs, en raison de l'automatisme qu'il impliquerait, le deuxième alinéa de l'amendement no 9 n'est pas adapté aux situations qui peuvent être soumises au juge dans le cadre de l'article 350 du code civil. En effet, 70 à 80 % des enfants accueillis par des particuliers ou par les services d'aide sociale à l'enfance sont suivis dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative. Si l'on écoutait M. Mattei, comment les parents accepteraient-ils ce type de mesure, sachant qu'ils risquent d'être déchus de leur autorité sous prétexte qu'ils n'auraient pas entretenu de


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liens affectifs suffisamment probants pour interdire la reconnaissance de l'abandon et, par voie de conséquence, la possibilité d'adoption des enfants.

Présumer un désintérêt des parents et enclencher une procédure judiciaire, sur la base du critère de la durée d'une prise en charge, reviendrait à transformer la mesure d'assistance éducative - dans laquelle nous devons croire et investir - en une sanction. Certains peuvent nous échapper à un moment - et, de ce point de vue, les témoignages d'ATD-Quart-monde nous serons très précieux. Ne prenons pas le risque d'inciter les familles à refuser toute proposition d'aide institutionnelle. Nous devons au contraire la développer. Les enfants seraient les premiers à en pâtir.

En outre, une telle proposition impliquerait une négation du travail effectué par l'assistance éducative et préjugerait de l'impossibilité du redressement d'une famille en difficulté ; on sait bien que ce redressement nécessite un travail de longue haleine fondé sur la confiance et dans lequel les parents doivent prendre leur place.

Dès l'instant où on enlève des enfants à leur milieu familial pour les protéger, il faut préparer leur retour dans la famille. Or, si l'on adoptait cet amendement, cette procédure serait définitivement condamnée.

Enfin, il faut tenir compte de l'aspect traumatisant que peut représenter, pour les parents en situation de détresse confrontés à des difficultés multiples que nous pouvons difficilement imaginer, le fait d'avoir à s'expliquer régulièrement devant un tribunal sur leur rôle et sur la réalité des liens affectifs qu'ils entretiennent avec leurs enfants.

Cependant, le débat n'est pas aussi contrasté que certaines caricatures pourraient le laisser croire, et la question du placement des enfants en difficulté doit trouver une solution. C'est pourquoi nous avons prescrit plusieurs inspections dont nous attendons les rapports : celui, à la fin du mois de mai, de l'inspection générale des affaires sanitaires et sociales et celui de l'inspection générale des services judiciaires sur les placements administratifs et judiciaires dans la politique de protection de l'enfance et, à la fin du mois d'avril, la révision périodique de la situation des enfants placés sera passée au crible et une attention particulière sera portée aux liens ou à l'absence de liens avec les parents, afin d'évaluer comment cet outil de placement est utilisé par les services départementaux et par les services sociaux à l'enfance. Il convient en effet de l'employer au mieux pour renforcer de la politique familiale.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Comme je l'ai dit pendant la discussion générale, je suis absolument opposé à cette proposition, qui méconnaît ce qui se passe réellement dans nos départements, et en particulier le travail de l'ASE, fondé justement sur le maintien du lien avec les parents. Lorsque certaines difficultés s'opposent à ce que les enfants puissent vivre dans leur famille, des liens continuent d'exister, qui sont organisés par l'ASE et constituent la solution de bien des problèmes.

Par ailleurs, les objectifs que s'assigne cette proposition de loi - augmentation des adoptions et baisse des charges de l'ASE - ne seront pas atteints. Pour l'essentiel, les enfants concernés - je le vois dans le département de la Seine-Saint-Denis - ont entre quatorze et dix-sept ans.

Mais, plus fondamentalement, le risque existe, avec cette proposition, de voir l'aide sociale à l'enfance remise en cause, et que l'on en revienne à la vieille notion de l'assistance publique, qui aboutissait presque systématiquement à la déchéance des droits parentaux. De plus, je le dis ici avec force, nous devons envisager une réaction virulente des professionnels - vous l'avez fait d'une certaine façon dans votre intervention, madame - qui voient leurs compétences et leur expertise niées. C'est également vrai pour le mouvement associatif et les conseils généraux, qui font là un travail considérable.

Sur une question aussi grave, il n'y a pas eu de concertation. Vous déposez pourtant, monsieur Mattei, une véritable bombe, dont il n'était même pas question lors de l'adoption de la loi de 1996.

Enfin, je voudrais m'interroger sur la portée politique de cette proposition. Y aurait-il, d'un côté, de bonnes familles susceptibles de prendre en charge les enfants les plus défavorisés par leurs conditions de naissance, et, de l'autre, des parents démissionnaires.

Le droit de l'enfant à une famille ne doit pas l'emporter sur son droit premier à voir respecter ses liens d'origine, sauf décision judiciaire justifiée par des raisons graves. En la matière, le texte de référence est la convention internationale des droits de l'enfant, dont nous fêtons les dix ans. Or, ce que vous nous proposez tend à remettre en cause cette convention. L'ASE n'est pas une réserve d'enfants adoptables. On doit s'en réjouir, car c'est le fruit de la politique sociale menée depuis plus d'un siècle.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 10 et 2 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 10, présenté par M. Mattei, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Après l'article 350 du code civil, il est inséré un article 350-1 ainsi rédigé :

« Art. 350-1. - Lorsqu'il déclare l'enfant abandonné, le tribunal de grande instance délègue par la même décision les droits d'autorité parentale sur l'enfant au particulier, à l'établissement ou au service de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant ou à qui ce dernier a été confié.

« Le consentement à l'adoption est donné par le conseil de famille, conformément à l'article 348-2, ou par celui des pupilles de l'Etat si l'enfant est admis en cette qualité. »

L'amendement no 2 rectifié, présenté par Mme IsaacSibille, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Après l'article 350 du code civil, il est inséré un article 350-1 ainsi rédigé :

« Art. 350-1. - Lorsqu'il déclare l'enfant abandonné, le tribunal de grande instance délègue par la même décision les droits d'autorité parentale sur l'enfant au service de l'aide sociale à l'enfance, dès lors qu'aucun tuteur n'avait été préalablement désigné. Le consentement à l'adoption est donné par le tuteur sur proposition du conseil de famille des pupilles de l'Etat conformément à l'intérêt de l'enfant. »

La parole est à M. Jean-François Mattei, pour soutenir l'amendement no

10.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 MARS 2000

M. Jean-François Mattei, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement de conséquence. L'amendement précédent ayant été rejeté, celui-ci n'a plus de raison d'être.

M. le président.

Le retirez-vous ?

M. Jean-François Mattei, rapporteur.

Il n'a plus de logique.

M. le président.

L'amendement no 10 est retiré.

La parole est à Mme Bernadette Isaac-Sibille, pour soutenir l'amendement no 2 rectifié.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Il est retiré pour les mêmes raisons.

M. le président.

L'amendement no 2 rectifié est retiré.

Article 3

M. le président.

« Art. 3. Il est créé auprès du Premier ministre un Conseil supérieur de l'adoption.

« Il est composé de parlementaires, de représentants de l'Etat, de représentants des conseils généraux, de magistrats, de représentants des organismes autorisés ou habilités pour l'adoption, de représentants des associations de familles adoptives et de pupilles de l'Etat, d'un représentant du service social d'aide aux émigrants, d'un représentant de la mission pour l'adoption internationale, ainsi que de personnalités qualifiées.

« Il se réunit à la demande de son président, du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre des affaires sociales, du ministre des affaires étrangères ou de la majorité de ses membres, et au moins une fois par semestre.

« Le Conseil supérieur de l'adoption émet des avis et formule toutes propositions utiles relatives à l'adoption, y compris l'adoption internationale. Il est consulté sur les m esures législatives et réglementaires prises en ce domaine.

« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. »

Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4

M. le président.

« Art. 4. - Le deuxième alinéa de l'article 56 de la loi no 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l'adoption est ainsi rédigé :

« L'autorité centrale pour l'adoption est composée de représentants de l'Etat et des conseils généraux, ainsi que de représentants des organismes agréés pour l'adoption et des associations de familles adoptives, ces derniers ayant voix consultative. »

M. Jean-Pierre Michel a présenté un amendement, no 7, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 4 :

« L'autorité centrale pour l'adoption est composée de représentants de l'Etat et de deux conseillers généraux, ainsi que d'un représentant des organismes agréés pour l'adoption et d'un représentant des associations de familles adoptives. »

Sur cet amendement, je suis saisi de deux sousamendements, nos 18 et 19.

Le sous-amendement no 18, présenté par M. Nicolin, est ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 7, après les mots : "conseillers généraux", insérer les mots : "de représentants de l'Assemblée nationale et du Sénat". »

Le sous-amendement no 19, présenté par M. Birsinger, est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 7 par les mots : "de représentants des associations défendant les droits de l'enfant". »

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour soutenir l'amendement no

7.

M. Jean-Pierre Michel.

Cet amendement tend simplement à mieux préciser la composition de l'autorité centrale pour l'adoption. Les représentants des organismes agréés siégeront non seulement avec voix consultative, mais à titre de plein exercice.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Jean-François Mattei, rapporteur.

Avec votre autorisation, monsieur le président, je m'exprimerai aussi sur les deux sous-amendements, car je ne voudrais pas qu'ils soient passés sous silence au cas où l'amendement serait rejeté, comme il l'a été en commission.

La commission a repoussé l'amendement de M. JeanPierre Michel, non pour des raisons de fond, mais parce que son texte ne précise pas comment seraient désignés le représentant des organismes agréés pour l'adoption et celui des associations de familles adoptives, ce qui, en l'absence de fédérations, peut poser problème. Cela dit, il faudra probablement y revenir et essayer d'améliorer une telle disposition.

Sur le fond, je suis d'accord avec le sous-amendement de M. Nicolin qui vise à inclure des représentants de l'Assemblée nationale et du Sénat dans la composition de l'autorité centrale. En effet, la présence de parlementaires peut être utile pour appréhender l'ensemble de ces problèmes.

Quant au sous-amendement de M. Birsinger, il faudrait définir la notion d'« association défendant les droits de l'enfant », car elle est un peu vague.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 7 ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Le Gouvernement ne souscrit pas à l'idée que les organismes agréés pour l'adoption et les associations de familles adoptives aient un représentant avec voix délibérative au sein de l'autorité centrale pour l'adoption. En revanche, il serait favorable à ce qu'ils soient associés à cette instance avec voix consultative. En effet, l'autorité centrale a pour mission de concourir à la définition de la politique de coopération internationale dans le domaine de l'adoption, mission publique à laquelle des organismes privés n'ont pas vocation à participer. En outre, l'autorité centrale a mission de vérifier, selon le cas, que les requérants sont qualifiés et aptes à adopter ou que l'enfant est adoptable. Si les associations de familles adoptives y délibéraient, l'autorité centrale risquerait de se voir reprocher d'être à la fois juge et partie.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel.

Compte tenu des explications données par M. Mattei, je retire mon amendement.

M. le président.

L'amendement no 7 est retiré. Par conséquent, les sous-amendements nos 18 de M. Nicolin et 19 de M. Birsinger n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 MARS 2000

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à Mme Bernadette Isaac-Sibille, pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Dans mon intervention générale, j'avais exprimé mon inquiétude sur l'application du droit français en l'absence de législation dans les pays d'origine et émis des réserves sur le vote de l'UDF. Je voudrais d'abord remercier Jean-François Mattei et le groupe Démocratie libérale d'avoir, grâce à cette proposition de loi, permis une discussion aussi approfondie qu'intéressante qui a dépassé tous les clivages politiques, c'est à souligner.

Notre vote dépendait de deux points auxquels nous tenions. S'agissant du premier, à savoir la non-imposition de notre législation aux pays n'ayant pas de loi sur l'adoption, notre souhait est exaucé. Je voudrais d'ailleurs souligner la leçon d'humanité que nous donnent ces pays, que nous pourrions être tentés de sous-estimer juridiquement ; puisque pour eux l'enfant étant sacré, il ne peut être abandonné.

Le second point à l'origine de notre hésitation était relatif à l'amélioration de l'information des parents adoptant à l'étranger, dont les ennuis graves tiennent souvent à une mauvaise information. J'avais souhaité à cet égard que l'article 4 des accords de La Haye soit bien mentionné. Ce souhait est lui aussi exaucé.

Ces deux conditions étant remplies, l'UDF votera cette proposition de loi avec beaucoup de vigueur.

M. le président.

Pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants, la parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin.

Le groupe Démocratie libérale votera ce texte qui marque une avancée importante.

J'exprimerai néanmoins deux regrets, l'un tenant au délai imposé pour la requête devant les tribunaux en vue de l'adoption, l'autre étant relatif à la composition de l'autorité centrale. Il est important, madame la secrétaire d'Etat, que vous en preniez conscience. Tous les problèmes en matière d'adoption internationale ne sont pas résolus et il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour que les procédures soient simplifiées dans notre pays et que les parents puissent avancer sur des chemins plus « carrossables ». Le progrès dépend notamment d'une évolution de la réglementation. Par conséquent, la loi doit être susceptible d'évoluer. C'est la raison pour laquelle il me paraît souhaitable que l'autorité centrale puisse accueilir en son sein, peut-être pas des représentants d'organismes privés - je vous rejoins sur ce point, madame la secrétaire d'Etat -, mais des parlementaires qui, par définition font la loi, et dont les idées, en raison de l'expérience et la connaissance des dossiers qui est la leur, pourraient être reprises et débattues par cette autorité.

En tous cas, le groupe Démocratie libérale votera cette proposition de loi et tient à apporter son soutien à JeanFrançois Mattei, pionnier sur ces dossiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Pour le groupe du Rassemblement pour la République, la parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

Au groupe du Rassemblement pour la République, nous avions approuvé l'initiative de nos collègues de Démocratie libérale s'agissant de cetter éforme de l'adoption internationale présentée par M. Mattei. Nous voterons donc le texte qui résulte de nos travaux. Mais le débat a montré que tous les problèmes n'étaient pas résolus en matière d'adoption. D'ailleurs, chaque fois que nous examinons un texte, nous éprouvons ce même sentiment que beaucoup de problèmes appellent encore des réponses.

Nous avons appris aujourd'hui que Mme la garde des sceaux avait l'intention de régler certains problèmes relatifs à l'adoption dans le cadre de la réforme du droit de la famille qui interviendra lorsque le groupe de travail présidé par Mme Dekeuwer-Defossez aura rendu ses conclusions. Elle ne l'avait pas dit aux présidents de groupe lorsqu'elle les avait reçus à la Chancellerie, mais nous nous en félicitons. Nous devrons notamment examiner la question de l'abandon en ayant toujours à l'exprit l'intérêt supérieur de l'enfant. C'est ce qui doit guider notre conduite et c'est dans cet esprit que nous participerons à ces travaux. Il nous faudra aussi régler le problème de l'autorité parentale et celui de la succession, en particulier dans le cadre de l'adoption simple. Mais aujourd'hui, en adoptant ce texte sur l'adoption internationale, nous allons apporter un grand soulagement aux familles concernées, qui pourront dès lors envisager l'avenir de façon beaucoup plus sereine.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes. Nous nous réjouissons de cette unanimité. Nous nous réjouissons de ces avancées dont a parlé tout à l'heure M. Nicolin. Nous nous réjouissons d'adopter aujourd'hui ce qui n'avait pu l'être en 1996, même si c'était à l'époque M. Mattei le rapporteur du texte et M. Toubon le garde des sceaux. Mais ce n'est pas vous, monsieur Mattei, que nous aidons aujourd'hui. Ce sont les enfants, les enfants abandonnés, les enfants qui cherchent tout simplement de l'amour, une famille. Et le Parlement aura fait preuve, aujourd'hui, de maturité en s'élevant au-delà des clivages politiques. Le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vote sur l'ensemble

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

M. le président.

C'est l'unanimité. (Applaudissements sur de très nombreux bancs.)

M. Bernard Birsinger.

Des votants ! Le groupe communiste s'est abstenu.

6

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 MARS 2000

Discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi no 2182 relatif à la chasse : M. François Patriat, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 2273).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures dix.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ORDRE DU JOUR ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS (Réunion du mardi 28 mars 2000) L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 28 mars au jeudi 27 avril inclus, a été ainsi fixé : Mardi 28 mars 2000 : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi de M. Jean-François Mattei relative à l'adoption internationale (nos 2217-2265).

(Séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l' Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution.) L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Discussion du projet de loi relatif à la chasse (nos 2182-14431717-1763-1768-1796-1848-2145-2273).

Mercredi 29 mars 2000 : L'après-midi, à quinze heures : Election du président de l'Assemblée nationale, par scrutin secret à la tribune.

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la chasse (nos 2182-1443-1717-1763-1768-1796-1848-2145-2273).

Le soir, à vingt et une heures : Suite de l'ordre du jour de l'après-midi.

Jeudi 30 mars 2000 : L'après-midi, à quinze heures, et, éventuellement, le soir, à vingt et une heures : Discussion du projet de loi portant diverses dispositions statutaires relatives aux magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes et modifiant le code des juridictions financières (nos 2064-2267).

Discussion, en lecture définitive, du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (no 2272).

Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives (nos 2228-2268).

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi organique tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna (nos 2230-2268).

(Ces deux textes faisant l'objet d'une discussion générale commune.)

Mardi 4 avril 2000 : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi de M. François Goulard relative à la mise en place d'une véritable responsabilité pour faute de l'administration fiscale et d'un droit général d'indemnisation pour les contribuables (no 2218).

(Ordre du jour complémentaire.)

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi relatif à la chasse (nos 2182-1443-1717-1763-1768-17961848-2145-2273).

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à l'élection des sénateurs (no 2255).

Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, interdisant les candidatures multiples aux élections cantonales (nos 1948-2219).

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (no 2199).

Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi no 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane (no 2259).

(Ces deux derniers textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 106 du règlement.)

Mercredi 5 avril 2000 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement : Discussion du projet de loi autorisant l'approbation du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (ensemble deux annexes) (no 2183).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière (ensemble sept appendices) (nos 1421, 2221).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (nos 1928, 2222).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Slovénie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) (nos 1925, 2224).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (ensemble un protocole) (nos 1926, 2223).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) (nos 1930, 2223).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'adhésion de la République française à la convention internationale contre la prise d'otages (nos 1929, 2261).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant lar atification de la convention relative à l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à la convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ainsi qu'au protocole concernant son interprétation par la Cour de justice, avec les adaptations y apportées par la convention relative à l'adhésion du Royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande d u Nord par la convention relative à l'adhésion de la République hellénique et par la convention relative à l'adhésio n d u Royaume d'Espagne et de la République portugaise (nos 1923, 2262).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant lar atification de la convention relative à l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, ainsi qu'aux premier et deuxième protocoles concernant son interprétation par la Cour de justice (nos 1934, 2262).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 MARS 2000

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le G ouvernement de la République orientale de l'Uruguay (no 2171).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay (no 2172).

(Ces dix derniers textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 107 du règlement.)

Le soir, à vingt et une heures : Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels (nos 2121-2266).

Jeudi 6 avril 2000 : Le matin, à neuf heures : Suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à préciser la définition des délits non inten tionnels (nos 2121, 2266).

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives (no 2186).

(Ce texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 106 du règlement.)

L'après-midi, à quinze heures : Discussion du projet de loi, déposé au Sénat, portant organisation de la consultation de la population de Mayotte.

Mardi 25 avril 2000 : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi de M. André Aschieri tendant à la création d'une Agence française de sécurité sanita ire environnementale (no 2279).

(Séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l' Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution.) L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Discussion du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques (no 2250).

Mercredi 26 avril 2000 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures, et jeudi 27 avril 2000, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Suite de la discussion du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques (no 2250).