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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 25 AVRIL 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE Mme

CHRISTINE LAZERGES

1. N ouvelles régulations économiques. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 3277).

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) (p. 3277)

MM. Christian Cuvilliez, Jean-Jacques Jégou, Michel Suchod, François Goulard, Dominique Baert, Philippe Auberger, Claude Billard, Claude Gaillard, Jean Rigal, Jean Proriol, Jacky Darne, Jean-Paul Charié, Yves Cochet, Hervé Morin, Jean-Claude Daniel, Gilbert Gantier, Jean-Pierre Balligand, Gilles Carrez, Gérard Fuchs.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Dépôt d'un projet de loi (p. 3306).

3. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 3307).

4. Dépôt d'un rapport en application d'une loi (p. 3307).

5. Dépôt d'un rapport d'information (p. 3307).

6. Dépôt de rapports de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (p. 3307).

7. Ordre du jour des prochaines séances (p. 3307).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.)

1

NOUVELLES RÉGULATIONS ÉCONOMIQUES Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques (nos 2250, 2327).

Discussion générale

Mme la présidente.

La parole est à M. Christian Cuvilliez, premier orateur inscrit dans la discussion générale.

M. Christian Cuvilliez.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, chers collègues, le projet de loi dont nous abordons l'examen aujourd'hui est singulier, puisque, visant à améliorer les règles de l'activité économique, il passe carrément sous silence le lien consubstantiel qui existe entre les deux facteurs de production que sont le capital et le travail. Il se borne à actualiser et à mieux réglementer les relations contractuelles ou conflictuelles qui s'établissent dans la sphère de décisions des stratégies d'entreprises. Il s'emploie à banaliser en droit les mouvements de capitaux qui peuvent apparaître aux opinions publiques comme contraires à l'intérêt général et, ce faisant, il contribue à les légi timer.

Il établit des conditions légales plus strictes pour les modalités de fusion, de concentration, pour leur contrôle, pour lutter contre les concurrences déloyales ou le blanchiment de l'argent sale, pour modifier le statut des entreprises dans un sens, sinon plus démocratique, du moins plus collégial, pour mieux préserver les droits des petits actionnaires - au demeurant de plus en plus nombreux.

Bref, il propose un toilettage des dispositions existantes en la matière - ce qui conduit le patronat à vitupérer l'interventionnisme de l'Etat, et pas seulement le patronat d'ailleurs - mais aboutit en même temps, en huilant bien les rouages du système, à le rendre plus fiable, mieux présentable, apte à séduire de nouveaux adeptes.

Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai posé une question d'actualité concernant la captation du Crédit commercial de France par HSBC. Celle-ci constitue une première, puisque c'est la première fois qu'un établissement bancaire français de haut rang - le huitième - et réputé pro spère fait l'objet, qu'on l'appelle offre non publique d'achat amicale ou offre non publique d'échange librement consentie, d'une acquisition par un consortium étranger - non seulement étranger parce qu'anglo-asiatique mais surtout étranger aux objectifs de développements économiques et sociaux de la France et de l'Europe. A cette question d'actualité, quelles réponses apporte le projet de loi que vous n'ayez déjà données, à savoir que la COB, le CECEI et tous les organismes habilités seront consultés, pour qu'en fin de compte leur agrément soit apporté à une opération manifestement incongrue, et dans sa préparation secrète et dans son adoption, par un quarteron d'oligarques...

M. Jean-Jacques Jégou.

Houlà !

M. Christian Cuvilliez.

... soucieux seulement de la plus-value exorbitante qu'ils comptent réaliser par la recapitalisation-capitulation de leur entreprise ? Quelle autorité politique aura fait prévaloir une possible incompatibilité entre cette fusion et la politique monétaire et financière de la France et même, quoi qu'on en pense, de la Banque centrale européenne ? Quel effet réel la loi que nous discutons peut-elle produire sur le mouvement apparemment erratique des capitaux nomades utilisés par des prédateurs apatrides qui s'entredévorent joyeusement en laissant sur le pavé, par leurs combinaisons douteuses, qu'elles réussissent ou qu'elles échouent, des populations considérables et considérablement démunies ? Qu'est-ce que notre loi changera ou aurait changé dans les mouvements de concentration entre Renault et Nissan, Samsung et Volvo, TotalFina et Elf, la BNP et Paribas et, depuis avant-hier, dans l'intrusion de la Dresdner Bank dans le capital du Crédit lyonnais ?

M. Alain Madelin.

Rien !

M. Christian Cuvilliez.

Les ombres portées et croisées de l'AMI, du NTM ou de l'OMC version transatlantique continuent de rôder dans le paysage économique mondial, les lobbyings coûteux d'exercer leurs pressions occultes à Bruxelles et nos organismes de régulation d'être des chambres d'enregistrement.

Donc le présent projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, dont notre collègue rapporteur Eric Besson s'efforce de démontrer le caractère volontaire, novateur, moralisateur, au-delà des corrections justifiées et pertinentes qu'il apporte à certains dérèglements et des garde-fous qu'il met en place pour démocratiser, rendre plus transparents ou prévenir les abus de position dominante, aboutit en fait, sous couvert de discipliner le capitalisme, à améliorer et faciliter les opérations de la place boursière de Paris et à rendre celle-ci plus attrayante et plus sûre aux yeux des investisseurs français ou étrangers.

La plupart des mesures contenues dans les trois volets du projet - droit des sociétés, droit bancaire et boursier, droit à la concurrence - concernent les relations interentreprises, les missions et les devoirs des dirigeants de


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société, mais laissent encore selon nous les salariés spectateurs - et, dans ce jeu de rôles subtils, toujours plus en position de subir que d'agir.

Amélioré par le travail en commission, ce texte comporte naturellement des dispositions positives que notre groupe soutiendra - mais nous devons aussi constater que la logique de financiarisation de l'économie avec tous ses effets pervers sur l'économie réelle n'est pas fondamentalement contestée dans l'architecture et la philosophie du projet.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Ah si !

M. Christian Cuvilliez.

Cette loi égratigne à peine, d'une certaine manière, les nouvelles pratiques d'une économie où la mobilité des capitaux devient vertigineuse et insaisissable, où le virtuel devient vertueux, où le sens du réel et du vrai s'évapore.

Ce qui nous est proposé, ce n'est pas un projet politique qui offre une autre construction de la réalité économique et financière, c'est une adaptation à la logique spéculative, sans frontière, à la croissance fictive qui se développe de manière irrationnelle, à la multiplication des bulles financières qui aspirent la subtance monétaire au détriment des activités sociales, économiques, écologiques et humaines qui sont pourtant l'expression de la vraie vie.

Depuis deux ans, la coordination pour un contrôle citoyen de l'Organisation mondiale du commerce s'impose comme un acteur nouveau et prometteur du mouvement social. Comme à Seattle, plusieurs dizaines d'organisations du monde entier se sont donc retrouvées à Boston et à Washington pour que de nouvelles lois de régulation soient édictées, fondées sur un contrôle démocratique des ressources, le respect des écosystèmes, l'égalité, la coopération et le principe de précaution. Ne devons-nous pas, à notre niveau et dans notre sphère de compétence, nous établir dans cette voie ?

« Oui à une économie de marché, non à une société de marché » se plaisait à dire Lionel Jospin, et se plaît-on à répéter souvent. Cette ambition d'une économie de marché qui ne fasse pas fonctionner les communautés humaines sous le régime d'une société de marché n'est pas suffisamment affirmée dans ce texte.

Peut-on s'opposer efficacement à la fièvre ultra-libérale des cercles occultes - où le pouvoir économique s'exerce, soutenu et relayé par les droites politiques qui se recrutent dans les mêmes réseaux - en se limitant uniquement à encadrer le développement des marchés financiers, la spéculation et les mouvements de concentration des capitaux qui l'accompagnent ? Nous pensons que non ! N ous pensons que le fonctionnement actuel de l'économie de marché n'est pas le seul fonctionnement possible. On ne peut donc se satisfaire de n'en corriger que les effets les plus négatifs.

Nous n'acceptons pas - nous autres parlementaires communistes - que l'on puisse renoncer à inverser les logiques en cours, renoncer à transformer qualitativement la manière de produire, à répartir les richesses et à partager les pouvoirs au service d'un développement dynamique parce que solidaire et dans le cadre d'une mondialisation qui tienne compte de la diversité des cultures et des territoires.

Nous sommes d'autant plus fondés à le penser que l'économie de marché - l'histoire économique l'atteste n'a pas toujours obéi aux mêmes normes, notamment en ce qui concerne les relations entre la sphère productive et la sphère financière ou entre le jeu du marché et l'intervention des pouvoirs publics. Par exemple, l'économie dite des « Trente glorieuses » - bien qu'inégalitaire dans la mise en oeuvre de ses facteurs de réussite et dans le partage de ses résultats - était bien différente de la concurrence sauvage actuelle subjuguée par l'économie virtuelle que l'on nous présente encore, malgré ses avatars récents, comme la condition sine qua non de la modernité. Cette concurrence extrême est, dans un contexte d'insuffisance structurelle de la demande et d'exaspération de la croissance financière contre la croissance réelle, porteuse d'une logique de guerre économique pour « tuer » l'adversaire et conquérir des parts de marché - moins sur les marchés à ouvrir que sur les marchés existants -, avec ce que cela entraîne comme dégâts sociaux, comme développement du chômage et de la précarité, comme situation de misère et de conflits dans le monde.

Pour redonner du sens et de la crédibilité à la politique, et à ceux qui la représentent, il faut agir sur les logiques et les déterminants du système économique pour exercer, lorsque c'est nécessaire - et c'est nécessaire - une véritable autorité.

Dans le débat sur le contenu des nouvelles réguluations, que le MEDEF conteste évidemment a priori , c'est bien l'enjeu et les modalités d'une maîtrise des marchés financiers à l'échelle de la France, de l'Europe et du monde qui est clairement posée. On ne peut pas nier que, dans le mouvement général qui est propulsé par les forces dominantes de l'économie de marché actuelle, il faille composer, s'adapter, trouver des compromis - ne serait-ce que pour exister - mais il faut aussi résister et inventer et surtout ne pas faire preuve d'un zèle complice lorsque l'on se place à gauche. Je pense ici bien évidemment à Tony Blair ou à Gerhard Schrder.

Nous autres communistes estimons qu'il est possible et nécessaire d'engager des réformes structurelles en prenant appui sur toutes ces forces qui aujourd'hui sont en attente d'une alternative réelle au libéralisme, dont elles forment le substrat. Nous avons présenté plusieurs amendements dans ce sens.

En même temps que nous proposons des dispositions pour sanctionner les spéculations abusives, pour contenir la croissance financière lorsqu'elle ne s'appuie pas sur celle de l'économie réelle, nous soutenons le développement de la nouvelle économie, celle des nouvelles technologies de l'information et de la communication, lorsqu'elle s'articule non en fonction de la course au profit, mais autour de véritables coopérations de production de biens et de services mesurables. Plutôt que d'encourager à une course par élimination dans ce domaine, ne peut-on faire en sorte que les coûts de la recherche soient équitablement partagés, y compris dans un rapport publicprivé dont la formation, la qualification, l'élévation du niveau de vie des gens constitueraient l'axe central, le pivot ? Au niveau européen, il est à notre avis possible d'oeuvrer à une harmonisation fiscale plutôt que de tolérer, voire de flatter le dumping fiscal à la mode de GrandeBretagne, ou de mettre en place un prélèvement à la source sur les mouvements spéculatifs. C'est dès aujurd'hui - et pourquoi pas dans ce texte ? - qu'il faut travailler concrètement à favoriser les convergences de ce nouvel internationalisme que notre rapporteur, Eric Besson, appelle de ses voeux.

Pour aller dans ce sens, il faut bien sûr être à l'écoute du mouvement social, mais pas seulement à Seattle, à Washington ou à Paris le 16 octobre dernier ; il faut être à l'écoute pas seulement des voix de la rue qui préfigurent souvent la voix des urnes, mais également dans les


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entreprises elles-mêmes, où l'on doit affirmer et renforcer le droit à la démocratie et à la participation des salariés aux prises de décision.

Or le texte demeure à cet égard très décevant lorsque l'on sait que les salariés sont systématiquement victimes des conséquences des OPA et des OPE. Les assurances qu'il leur apporte en matière d'information méritent d'être renforcées par la mise en place de nouveaux pouvoirs d'intervention sur les choix stratégiques de l'entreprise, notamment lorsque ceux-ci ont des conséquences sur l'emploi ou sur la modification du capital de l'entreprise. Le droit de vote de l'assemblée générale des salariés d'une entreprise à une OPA ou une OPE aurait-il moins de sens que celui des actionnaires ? C'est tout le sens de nos amendements dont nous attendons qu'ils soient étudiés pour être retenus. Ils visent à conforter les droits des salariés, notamment contre les licenciements collectifs abusifs mais aussi à étendre les pouvoirs des comités d'entreprise.

Le projet de loi « nouvelles régulations économiques » amendé par notre commission des finances impose la transparence des rémunérations des dirigeants. Certains d'ores et déjà vocifèrent en hurlant au crime de lèsemajesté ; quelques-uns menaçent même de s'expatrier ! La transparence en matière de stocks-options a été renforcée par un amendement du groupe socialiste. Nous le soutiendrons en attendant que le Gouvernement nous permette de relancer le débat lors de l'examen du projet de loi sur l'épargne salariale et l'actionnariat salarié.

D'ores et déjà, je le confirme, le caractère antiéconomique - au regard de l'économie réelle - d'un système de rémunération tel que les stocks-options doit être stigmatisé. Ceux qui exaltent la vertu de la rémunération potentielle ou virtuelle comme un élément de la dynamique économique des sociétés émergentes dans les NTIC, des start-up abandonnent la proie pour l'ombre et favorisent l'économie de casino. Et l'on ne peut tolérer que ceux qui insultent les opinions publiques et les victimes de leur mauvaise gestion tout en préservant leur fortune personnelle puissent indéfiniment et impunément sévir.

M. Alain Clary.

C'est juste !

M. Christian Cuvilliez.

Et s'il s'agit d'encourager la création de PME innovantes, la loi sur les nouvelles technologies et sur l'innovation, que nous avons votée en juillet dernier, y pourvoit. D'autres dispositions devront être prises pour favoriser le collectif de direction et de fonctionnement des entreprises, sans nécessairement accorder des privilèges exorbitants à certains de leurs dirigeants.

Le cumul des mandats a fait, dans le domaine publique, l'objet d'une campagne homérique - avec le résultat que l'on sait. Il n'a jamais été abordé sur le plan économique. Et pourtant ! Comment peut-on être un membre efficace du conseil d'administration de cinq ou six multinationales, à moins d'y faire légalement du trafic d'influence ? Imagine-t-on dans une collectivité locale qu'un maire soit secrétaire général ? Imagine-t-on que le Premier ministre soit, en même temps, président de l'Assemblée nationale ? Non, mais on admet volontiers que le président d'une entreprise en soit aussi le directeur général.

C'est pourquoi nous avons déposé une série d'amendements visant à dissocier les pouvoirs, dans toutes les entreprises, quitte à modifier leurs statuts pour les mettre en conformité.

Sans attendre le débat spécifique sur l'actionnariat salarié, il nous paraît nécessaire de prévoir une présence significative des salariés en tant que tels dans les conseils d'administration.

M. Charles de Courson.

Ah !

M. Christian Cuvilliez.

Se trouve aussi posée la question décisive du contrôle et de l'évaluation de l'usage des fonds publics accordés aux entreprises, notamment lorsqu'ils le sont au nom de l'emploi. A cet égard, nous attendons toujours de voir inscrit à l'ordre du jour le débat sur la proposition de loi déposée par Robert Hue, au nom de notre groupe, relative à la constitution d'une commission de contrôle des fonds publics accordés aux entreprises.

Dans son titre IV, le projet souligne à juste titre l'enjeu que représente le renforcement des dispositifs de lutte contre le blanchiment de capitaux d'origine douteuse.

La collusion des puissants intérêts en jeu dans l'explosion des marchés de la finance hors la loi prend appui sur la mondialisation libérale, les abandons de souveraineté, et permet le recyclage de l'argent sale, le vol organisé du travail des hommes et des richesses communes. Serionsnous impuissants à endiguer l'invasion des systèmes mafieux, incapables d'intervenir pour prévenir ou punir le blanchiment de l'argent sale ? Tout le monde sait que les gouvernements des grands pays industrialisés seraient parfaitement capables, s'ils le décidaient ensemble, de mettre hors d'état de nuire, quasiment du jour au lendemain, ces paradis bancaires et fiscaux aujourd'hui en pleine expansion.

Le rapport, se référant à une étude du FMI, indique que le blanchiment représenterait de 2 à 5 % du PIB mondial, soit plus de 1000 milliards d'euros : c'est dire l'importance de ce phénomène dans le capitalisme contemporain, et a contrario , l'immense détresse des peuples déshérités qui en résulte.

L'examen de ce projet de loi doit être l'occasion de prendre en compte le travail considérable réalisé par la mission d'information sur les obstacles au contrôle et à la répression du blanchiment et plus généralement de la délinquance financière en Europe. Nous avons le pouvoir et le devoir de durcir le texte en la matière.

Nous avons d'ailleurs eu des discussions intéressantes en commission des finances pour sanctionner les auteurs identifiés d'opérations de blanchiment. Le texte entend limiter ces sanctions aux groupes organisés pour des activités criminelles. Or c'est bien le blanchiment lui-même qui est criminogène. Il n'y a donc pas, me semble-t-il, de distinction à opérer entre certains degrés de fraudes, entre les trafics de grand banditisme et les centre offshore ou les paradis fiscaux. Le blanchiment doit être sanctionné, pénalisé pour ce qu'il est, et non seulement en fonction de ceux qui s'y livrent.

On ne saurait minimiser à cet égard l'importance des prises de position et des actes décidés par les autorités de notre pays. Dans la lutte contre les centres financiers offshore , les paradis fiscaux et les zones franches internationales hors droit, l'exemple que nous pouvons donner aurait tout lieu d'être suivi.

Approfondir le changement dans notre pays serait véritablement de nature à faire bouger les choses notamment en Europe.


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En juillet, la France assurera la présidence de l'Union européenne. Le moment est donc venu pour notre gouvernement de favoriser réellement la mise en oeuvre d'une taxe de type Tobin sur les flux transnationaux de capitaux.

Nous pouvons également faire avancer des mesures plus spécifiquement centrées sur les mouvements de capitaux à long terme, telle l'affectation obligatoire d'un pourcentage, calculé sur le montant des investissements externalisés, dans le territoire d'origine, ou bien encore la fixation, pour les banques, d'un niveau de réserve proportionnelle aux placements financiers.

Vous me direz, vous me l'avez déjà dit et le texte le confirme, qu'il existe en France des organismes chargés de veiller à la bonne tenue de ces opérations, comme la COB ou le CECEI. Ne convient-il pas que l'Etat s'implique davantage et plus directement dans le fonctionnement et pas seulement dans le contrôle de ces organismes dont les membres ont parfois partie liée avec les opérations qu'ils sont censés contrôler ? Cela ne relève-t-il pas même de la fonction parlementaire que d'exercer un contrôle démocratique véritable sur les autorités qui surveillent les bourses et les marchés, sur celles qui veillent au respect des règles de la concurrence ou bien encore sur celles qui représentent les relais ou les instruments de la politique monétaire et du crédit ? Dois-je vous rappeler au passage qu'il est à nos yeux indispensable de faire reculer le poids des marchés financiers dans le financement de l'économie en mettant en place, au niveau national et européen, un nouveau crédit à taux abaissé spécifiquement affecté à l'emploi et la formation ? De la même façon, s'il faut effectivement démocratiser et renforcer le rôle du FMI et des institutions financières internationales, en donnant notamment plus de pouvoir aux pays en voie de développement comme le proposent justement les Européens, s'il faut s'attaquer aux terribles inégalités de développement et aux turbulences financières, le bon sens commande, dans le même esprit, de mobiliser la création monétaire et le crédit afin d'instaurer une vraie logique de coopération et un codéveloppement durable.

Cette relance sélective du crédit nous apparaît également de nature à favoriser en France la construction d'un nouveau cadre de relations entre producteurs et distributeurs. La domination qu'exercent aujourd'hui ces derniers et que conteste justement le projet de loi est très liée au poids financier du secteur de la distribution, alors que les charges financières qui pèsent sur le nombre de PME du secteur industriel ou agricole leur laissent peu de marge de manoeuvre face aux diktats des grands groupes. Là encore - mais cette question a déjà été abordée dans les discussions préliminaires -, au-delà de l'interdiction de certaines pratiques et de la recherche d'un cadre contractuel, il conviendrait d'agir de manière beaucoup plus décisive sur les déterminants économiques des dominations et des comportements contraires à l'intérêt général.

Mme la présidente.

Monsieur Cuvilliez, je vous prie de conclure.

M. Christian Cuvilliez.

Je vais bientôt conclure, madame la présidente.

Mme la présidente.

Dans ce cas, je vous prie d'approcher de votre conclusion.

M. Christian Cuvilliez.

Je m'en approche à toute vitesse, madame la présidente, le temps d'ailleurs de permettre à mes collègues de venir renforcer...

M. Alain Madelin.

Ce qu'il dit est intéressant !

M. Charles de Courson.

Laissez-le s'exprimer, madame la présidente !

M. Christian Cuvilliez.

Je vous remercie, chers collègues de l'opposition, d'être attentifs à ce que je vous dis...

M. Alain Madelin.

C'est humanitaire ! (Rires.)

M. Christian Cuvilliez.

Eh bien, je vous remercie de cette campagne humanitaire ! Nous serons donc très attentifs au sort réservé à nos amendements sur ce sujet. Mais la problématique que je viens de développer ne vaut pas seulement dans le domaine de l'agro-alimentaire ; elle se pose en termes semblables dans le domaine de la production intellectuelle et artistique, dans les rapports entre les auteurs-créateurs qui ont des relais dans les salles d'arts et d'essais - sortes de PME de la distribution - et les consortiums géants qui considèrent la culture comme une marchandise et organisent les réseaux de multiplexes comme des supermarchés.

M. Charles de Courson.

Supprimez les multiplexes !

M. Christian Cuvilliez.

En proposant par exemple la mise en vente d'une carte annuelle offrant un accès illimité à toutes les séances des salles du groupe pour 98 francs par mois, l'UGC a lancé une véritable OPA sur les fauteuils de cinéma. Cette question entre dans le champ de compétence de ce projet de loi ; aussi avonsnous déposé un amendement qui vise à empêcher cet abus de position dominante.

M. Philippe Auberger.

Il faut la gratuité !

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est la régulation du cinéma !

M. Christian Cuvilliez.

Naturellement, il ne faut pas perdre de vue que la concurrence repose sur des facteurs parmi lesquels prix et salaires tiennent une place primordiale. L'un des plus marqués, notamment dans le développement des biens à fort contenu informationnel, c'est bien la pression sur les salaires, alors qu'il conviendrait au contraire d'élever les qualifications et le niveau de rémunération et d'offrir de nouvelles garanties aux salariés.

Nous souhaitons que ce texte confirme la possibilité que donne au Gouvernement l'ordonnance de 1986 d'agir sur les prix agricoles en cas de crise touchant tel ou tel produit. Notre collègue Félix Leyzour a préparé avec ses collègues de la commission de la production et des échanges un amendement dans ce sens.

Permettez-nous enfin de nous interroger sur le sens de la restructuration annoncée à la Caisse des dépôts et consignations, qui prévoit la constitution d'une filiale regroupant l'ensemble de ses activités concurrentielles.

M. Charles de Courson.

Quelle horreur !

M. Christian Cuvilliez.

Cette filiale, à statut de banque privée, devrait selon toute vraisemblance bénéficier de la confiance des marchés. Cette réforme d'importance, dénoncée par l'intersyndicale des salariés, nécessiterait à elle seule l'organisation d'un débat devant notre assemblée, car c'est la structuration du pôle public financier, ses modalités d'intervention, et en définitive sa finalité qui se trouvent ici concrètement posée, en même temps que le rôle du service public et des entreprises du secteur public.

Une dernière remarque, madame la présidente...

Mme la présidente.

La dernière remarque !


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M. Christian Cuvilliez.

Une toute dernière remarque...

M. Philippe Auberger.

La der des der !

M. Christian Cuvilliez.

... à propos du cavalier gouvernemental sur la boucle locale, qui risque de fragiliser la position de France Télécom dans le secteur des terminaux de téléphonie...

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

C'est l'inverse ! C'est France Télécom qui le demande !

M. Christian Cuvilliez.

... et demain la transmission et l'accès Internet à haut débit. Mon collègue Claude Billard interviendra tout à l'heure sur cette question ; mais sachez d'ores et déjà que nous sommes résolument contre l'adoption d'une telle disposition et même contre son examen dans le cadre de ce projet de loi.

M. Philippe Auberger.

Ah oui ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Circulez, il n'y a rien à voir !

M. Christian Cuvilliez.

Je peux même vous préciser que le maintien de cet amendement ne pourrait que nourrir nos interrogations générales à l'égard d'un texte dont j'ai souligné l'ambiguïté.

M. Charles de Courson.

Oh ! Nous avons peur !

M. Jean-Jacques Jégou.

Prenez garde, monsieur le secrétaire d'Etat !

M. Christian Cuvilliez.

En résumé, nous ne nous interdisons pas de voter ce projet pour peu que nos propositions soient retenues, ...

M. Charles de Courson.

Intégralement ?

M. Christian Cuvilliez.

... mais si elles ne le sont pas, tout porte à croire que nous nous abstiendrons.

M. Charles de Courson.

Oh !

M. Christian Cuvilliez.

Mais si, de surcroît, ce texte contribuait à accélérer le démantèlement de France Télé com ou la filialisation des activités jugées rentables de la Caisse des dépôts et consignations, nous ne nous interdirions pas de voter contre.

M. Philippe Auberger.

Houlà !

M. Charles de Courson.

Courage, fuyons !

M. Christian Cuvilliez.

Or notre souhait est de pouvoir le voter.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. Charles de Courson.

Mais non, mais non !

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le texte que nous abordons aujourd'hui était annoncé depuis longtemps, bien que nous n'ayons eu, comme l'a dit Mme Guigou tout à l'heure dans son intervention, que fort peu de temps pour l'examiner en commission des finances. Il était annoncé comme un véritable plat de résistance : on nous promettait une remise à plat de la régulation financière et des progrès réels pour assurer l'avenir de la place de Paris, une réforme du droit de la concurrence, sans oublier le fameux volet sur l'épargne salariale.

En réalité, nous nous retrouvons devant un texte de circonstance et, je dois le dire, un peu vidé de son contenu.

En effet, la première partie tire les conséquences de la saga de l'été 1999, l'affaire BNP-Société Générale-Pariba s, et accessoirement, de celles d'Elf et Total ; il ne va malheureusement pas beaucoup au-delà, mais j'aurai l'occasion d'y revenir tout à l'heure.

La deuxième partie est un peu plus conséquente, même si, là encore, ce sont les affrontements de l'été dernier entre les producteurs et les distributeurs qui l'ont inspirée. Il semble cependant nécessaire de rééquilibrer les relations commerciales entre les producteurs et les distributeurs.

Mais le Gouvernement doit veiller, de même que le Parlement, à ne pas rester dans le circonstanciel en se limitant à des réformes purement conjoncturelles, sur lesquelles nous serons conduits à revenir rapidement. Or les propos de M. Laurent Fabius à cette même tribune tout à l'heure, lorsqu'il a évoqué, à notre grande surprise, en guise de propos liminaire le programme qu'il entendait soumettre à notre commission des finances sur les véritables réformes à engager d'ici à la fin de cette année, montrent que ce projet n'est pas véritablement un texte de réforme ; Alain Madelin l'avait lui-même fait remarquer dans sa question préalable, comme plusieurs autres intervenants.

La troisième partie a quant à elle au moins le mérite d'exister, même s'il est difficile d'en avoir une vision d'ensemble tant la réforme proposée reste parcellaire. Si un rééquilibrage était sans doute nécessaire entre les diffé rents pouvoirs au sein des sociétés, votre texte, là encore, ne va pas jusqu'au bout.

Enfin, j'allais oublier les quelques articles sur le blanchiment, ajoutés en catastrophe pour calmer les ardeurs intempestives de certains députés de la majorité ; mais il sera bien temps d'y revenir tout à l'heure.

En fait de texte révolutionnaire, nous nous retrouvons devant un texte fourre-tout et somme toute de portée mineure. C'est à se demander si la montagne n'a pas accouché d'une souris... Encore la souris n'est-elle pas encore totalement finie, puisque le volet épargne salariale a totalement disparu ; mais on nous a indiqué, pour la troisième fois d'ailleurs, que le texte sur l'épargne salariale serait discuté par votre gouvernement au mois de mai, traité au mois de juin en commission, pour nous arriver en plein débat sur la loi de finances pour 2001... Autant dire que nous aurons beaucoup de travail, pour peu évidemment que nous teniez parole sur cette question que nous attendons tous ! Heureusement, nous avons appris récemment que tout allait être remis en ordre une fois terminés les débats au sein de la majorité plurielle. L'intervention de notre collègue Cuvilliez notamment a montré qu'il y avait manifestement de grandes différences entre certains partis de la majorité plurielle et la majorité de cette majorité ! Nous serions tout de même en droit de nous méfier, car nous n'en sommes pas à la première annonce en la matière. En octobre dernier déjà, on nous avait gentiment demandé de patienter jusqu'en mars, date à laquelle, c'était promis, nous devions voir cette réforme enfin nous arriver. Tant que cela reste une question de mois, la patience des Français y résistera sûrement, tout comme, à coup sûr, celle des parlementaires...

Mais ce retard est dû à cette majorité plurielle que vous louez tant depuis 1997, dont le Gouvernement fait ses choux gras, mais qui, en réalité, l'empêche d'avancer et tourne à la confusion. Il est vrai que mettre d'accord toute la gauche, des communistes aux radicaux en passant


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par les Verts, sur des sujets déjà sensibles pour certains socialistes, est un challenge difficile à relever. Avouez que vous aurez du mal à y arriver.

Malgré ces absences, l'examen en commision a été long, quelquefois laborieux - et notre rapporteur a dit à plusieurs reprises combien la rédaction de ce texte était imparfaite -, la commission de la production, et surtout la commission des lois, ayant été saisies pour avis respectivement sur le volet concurrence et sur le blanchiment.

Laborieux, ai-je dit : le rapporteur a même dû déposer un certain nombre d'amendements réécrivant carrément le texte, qui souffrait d'une mauvaise rédaction, ce dont nous n'avons pas forcément l'habitude en commission des finances, je tiens à le souligner pour les plumes de Bercy, puisqu'on nous dit que ce sont d'autres plumes qui auraient écrit une partie de ce texte.

Compte tenu du large éventail technique de ce texte, nous avons décidé, au groupe UDF, de le diviser assez logiquement en trois. Je laisserai donc mes excellents collègues et amis Claude Gaillard et Hervé Morin vous donner leurs analyses sur les deuxième et troisième parties de ce texte. Je me contenterai, pour ma part, de la première partie, relative à la régulation financière et au blanchiment.

Concernant cette première partie, et quel que soit le sujet traité - OPA, OPE, place financière de Paris ou blanchiment - il y a, monsieur le secrétaire d'Etat, un oubli essentiel et central : l'Europe. Ce texte ne s'attache qu'à la dimension du territoire français, en ignorant l'enjeu actuel de l'avenir de l'Union européenne, à savoir l'harmonisation du droit, qu'il soit strictement juridique ou plus particulièrement fiscal. La discussion qui a eu lieu tout à l'heure nous a amenés à parler de la présidence française, qui débutera dans deux mois et demi : il est dommage de voir arriver un tel texte, qui n'a pas de vocation pérenne, étant donné que le ministre Laurent Fabius nous a lui-même dit qu'il souhaitait que cette présidence soit marquée du sceau de la réforme, aussi bien sur le plan de la fiscalité que sur celui de la lutte contre le blanchiment. Après ce constat, la question immédiate qui se pose est donc la validité dans le temps qu'un tel texte. Mais je vous laisse apporter vous-même la réponse, monsieur le secrétaire d'Etat.

La régulation financière qui est proposée ici n'est pas vraiment contestable. Elle apporte des précisions supplémentaires sur les dispositifs qui existent déjà, et ce dans un souci de transparence et d'efficacité. On ne peut que louer ces intentions qui, dans l'ensemble, atteignent leur but. Je peux citer pour exemple l'obligation de réaliser les transactions portant sur un titre ayant fait l'objet d'une offre publique sur un marché réglementé ou reconnu, ce qui assure l'égalité des actionnaires. De même, l'obligation faite à un dirigeant à l'origine d'un projet d'OPA d'exposer son projet industriel et social au comité d'entreprise de la société cible est également une bonne chose, qui va dans le sens de l'information et de la garantie des droits.

Enfin, les dispositions concernant le CECEI, la COB, et le Conseil des marchés financiers permettront certainement d'éviter les errements du feuilleton à rebondissements de l'été dernier.

Je me demande cependant si, pour augmenter la transparence et la protection des différents acteurs, nous ne pourrions pas organiser une procédure rapide de consultation du Conseil de la concurrence, qui est le mieux placé pour effectuer une analyse concurrentielle des projets.

Nous pourrons peut-être en reparler lors de la discussion des articles.

En revanche, l'examen en commission des finances a permis l'adoption d'une disposition permettant l'application en France du système dit de « global netting ». C'était là un minimum indispensable pour se mettre au diapason de nos voisins européens. Malheureusement, c'est un maigre résultat.

Dans l'ensemble, permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de douter de l'ambition de ce texte, qui me paraît nettement revu à la baisse par rapport à ce que nous attendions.

Concernant la place financière de Paris - et vous savez, mes chers collègues, à quel point ce sujet me tient à coeur, puisque j'ai été en 1995 le rapporteur de la loi transposant la directive des services investissements -, ce texte ne règle rien. En effet, quel est l'enjeu ? Il tient en peu de mots : c'est l'existence même de la place de Paris.

C'est aujourd'hui la question centrale, et elle n'est pas abordée dans ce texte.

Nous constatons pourtant depuis quelques mois des changements importants.

Le MATIF a été aspiré par Francfort depuis le passage à l'euro, non pas que celui-ci ait des effets négatifs - vous savez, monsieur le secrétaire d'Etat, à quel point nous sommes convaincus du contraire, à l'UDF - mais tout simplement du fait du poids du mark, et de l'importance des liquidités sur ce marché.

L'EURIBOR, en revanche, est parti à Londres, dont le principal intérêt, nous le savons tous ici, tant les médias en parlent, est la fiscalité particulièrement attractive, même quand il s'agit de transactions boursières. Et ce n'est pas en critiquant nos amis anglais que nous réglerons notre problème.

M. Charles de Courson.

N'est-ce pas, monsieur Mélenchon !

M. Jean-Jacques Jégou.

A terme - et sans jouer les Cassandre, ce terme me semble se rapprocher -, la place financière de Paris risque de ne pas y survivre. Parce que, une fois de plus, le problème essentiel de la France est la fiscalité. Celle-ci est beaucoup plus lourde que dans toutes les autres places européennes. Ne serait-ce qu'avec l'impôt de Bourse - qui pourtant ne rapporte pas des dizaines de milliards à l'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, mais seulement 2 milliards de francs -, de nombreuses transactions nous échappent.

Bien évidemmment, j'ai proposé en commission des finances des amendements visant à supprimer cet impôt, ou au moins à l'aménager - sans grand espoir, j'en ai bien conscience. Mais j'insiste sur ce point : il ne s'agit plus ici d'un débat droite-gauche comme nous en connaissons beaucoup. Il s'agit de notre capacité à rester une capitale européenne, ce qui implique de garder notre richesse économique, au moins pour partie, dans notre pays, et surtout d'y attirer d'autres richesses. Ce serait donc un acte salvateur que de faire un pas dans cette direction, faute de quoi - et malgré les efforts désespérés de certains, notamment ceux du président de la Société des bourses françaises, Jean-François Théodore, qui a contribué, avec les accords entre Paris, Bruxelles et Amsterdam à réaliser un pas important - il ne restera bientôt plus beaucoup de place dans le monde boursier pour notre capitale.

En dehors du problème fiscal, il y a les problèmes d'ordre conceptuel et technique : notre marché n'est pas régi par les mêmes règles que les marchés anglo-saxons : d'où une réglementation différente, des systèmes informatiques différents, des recours possibles ou non, etc.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 25 AVRIL 2000

Ce sont tous ces problèmes qu'il faut régler. Et sans forcément aller jusqu'à une uniformité des mécanismes, il semble qu'une harmonisation serait la bienvenue. Nous n'en prenons pas le chemin. Ce ne sont ni Londres ni Francfort qui souffriront de ces différences, mais bien Paris.

Sur la lutte contre le blanchiment, le problème est le même : votre projet ne tient pas compte du contexte européen. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que l'économie aujourd'hui ne connaît plus de frontière. Les capitaux non plus.

Le projet que nous examinons tente de renforcer le système de prévention du blanchiment mis en place par la loi de juillet 1990, en prévoyant par ailleurs un renforcement des sanctions. Est-ce nécessaire, étant donné l'état actuel du droit dans les pays qui sont nos partenaires ? Je pose simplement la question.

Pour ma part, il me semble particulièrement inutile de tenter de restreindre la capacité de blanchiment sur notre territoire si nos partenaires ne prennent pas des dispositions similaires. C'est pourtant précisément ce que vous faites, en ne tenant aucun compte du fait que les « blanchisseurs » iront chez nos voisins.

Le problème n'est donc pas réglé, il est déplacé. Dans la mesure où nous tenons à construire l'Europe - que le chef de l'Etat et le chef du Gouvernement appellent de leurs voeux -, nous ne pouvons pas nous permettre de prendre de telles dispositions.

J'en profite d'ailleurs pour dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que le GAFI demande que soient abolies les lois et réglementations qui ne participent pas à la lutte internationale contre le blanchiment. Nous prenons, me semble-t-il, le chemin exactement inverse, et cela est contraire aux engagements qui sont les nôtres en tant que pays membre de cette organisation.

Tout progrès dans la lutte contre le blanchiment passe d'abord et avant tout par un renforcement des disciplines que les Etats s'appliquent à eux-mêmes. D'ailleurs, M. Fabius nous a dit tout à l'heure que c'était un des points forts de la future présidence française, qui fera des propositions en ce sens.

Il ne s'agit donc pas de sanctionner les intermédiaires financiers comme ce projet de loi propose de le faire : les banquiers ne sont pas censés devenir les Eliot Ness de la lutte contre le blanchiment. Ce sont les services compétents, policiers et judiciaires, qui doivent exploiter les informations transmises par les banques.

Vous devez reconnaître que, jusqu'à aujourd'hui, les dispositifs mis en place ont plutôt bien fonctionné, comme en témoigne le nombre de déclarations transmises par les intermédiaires financiers, ou encore l'origine des affaires transmises à la justice par TRACFIN.

Ce n'est donc peut-être pas dans le sens d'un alourdissement des obligations déclaratives qu'il faut agir, mais dans celui d'un renforcement des moyens humains capables de traiter de telles affaires, et d'une meilleure coopération entre Etats. C'est aussi pour cela qu'il est inutile de renforcer notre législation de ce point de vue, car elle est déjà l'une des plus lourdes d'Europe.

En effet, la définition légale du blanchiment est chez nous l'une des plus larges, de même que la responsabilité pénale des banquiers. De la même façon, les outils dont nous sommes dotés sont importants : le Fichier centralisé des comptes bancaires - FICOBA ; l'Imprimé fiscal unique IFU ; le droit de communication de l'administration fiscale sur tous les documents comptables et de service détenus par les banques l'inscription obligatoire du nom des propriétaires de toutes les valeurs mobilières.

On sait bien que les résultats dépendent moins du nombre de déclarations que de la capacité des autorités à traiter les affaires.

En fait, toute la politique de lutte contre le blanchiment doit être mise en place simultanément par les différents Etats, avec des dispositions qui vont dans le même sens. Ce n'est que comme cela que nous pourrons faire baisser cette criminalité.

Pour finir sur ce sujet, j'espère simplement que l'examen de ce texte évitera les excès de quelques commissaires de la commission des lois, qui se sont laissés aller à adopter des amendements qui vont à l'inverse de la polit ique à mettre en oeuvre. Si l'Assemblée adoptait l'ensemble de ces amendements, nous finirions par être complètement isolés. J'espère que certains fondamentalistes n'auront pas l'occasion de s'exercer ici.

Sur le texte lui-même, on ne peut pas vraiment contester les ajustements qui sont proposés. Ils étaient nécessaires, pour éviter les dysfonctionnements observés il y a quelques mois, et assurer ainsi plus de transparence et plus de communication. Mais, finalement, à moins que des progrès notoires ne soient réalisés durant l'examen en séance publique, on trouve plus de choses à dire sur ce qu'il n'y a pas dans ce texte - d'ailleurs y compris dans la majorité plurielle, cela vient d'être dit.

C'est une réforme avortée de plus, qui ne prend pas en compte les enjeux qui nous attendent dans les mois à venir. Tout particulièrement, elle oublie l'Europe et les formidables changements qui lui sont liés. Ce n'est malheureusement pas comme cela que nous ferons de notre pays un pays moderne, notamment en ce qui concerne notre économie.

Le groupe UDF ne peut, en l'état actuel du texte, se prononcer. Beaucoup parlent d'un durcissement lors de l'examen que nous entamons aujourd'hui. Nous verrons à cette occasion qui, dans la majorité plurielle, gagnera cette nouvelle bataille. Nous ne nous prononcerons donc qu'à l'issue des débats.

Un mot, à ce sujet, concernant les propos de M. Cuvilliez. Outre ce que vous avez dit sur France Télécom pour le dissuader, j'ajouterai, en tant que représentant de la commission des finances à la Caisse des dépôts, que l'amendement gouvernemental doit permettre à CDC Finances d'exister. Sinon, nous n'aurons plus de texte d'ici à la fin de l'année et nous risquerons de pâtir de l'absence d'une grande banque d'investissement, susceptible d'être opérationnelle sur la place de Paris et dans le monde entier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Michel Suchod.

M. Michel Suchod.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur un tel texte, nous devons nous expliquer franchement. Mes amis du MDC se sont posé des questions très proches de celle que l'on se pose lorsqu'on réfléchit à une question préalable : y a-t-il lieu de délibérer ? J'ai l'impression que des interrogations de ce genre sont partagées par quelques autres au sein de la majorité plurielle. Car nous attendions un grand texte, et celui qui nous est présenté est évidemment une déception.

M. Dominique Baert.

Une déception partielle !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 25 AVRIL 2000

M. Michel Suchod.

Nous devons nous rappeler certains faits récents. Souvenons-nous de la bataille boursière de l'été dernier : mariage à deux, mariage à trois ? Ce fut un des feuilletons de l'été. Vous savez comment il s'est conclu, à la fin du mois d'août : par le mariage à deux, BNP-Paribas, la Société générale restant à part. Puis, ce fut un autre grand débat autour de Michelin. Voilà qu'un PDG, bien connu des Français, apparaît à la télévision et parle de bénéfices en hausse de 22 %, annonce assortie trois jours plus tard d'un plan, dit « social », de 7 500 licenciements. M. le Premier ministre est alors interviewé. On était à la recherche d'un second soufle, second souffle qui fut trouvé à Strasbourg, lors des journées parlementaires du parti socialiste, avec l'annonce du texte dont nous discutons aujourd'hui. D'autres ont dit, et je partage ce sentiment, que s'il s'était agi d'un simple texte portant diverses dispositions d'ordre économique et financier nous aurions été d'accord avec beaucoup des éléments de ce projet, qui, en effet, apporte un certain nombre de choses.

M. Jean-Paul Charié.

Alors, changez le titre, et tout sera réglé, monsieur le secrétaire d'Etat ! (Sourires.)

M. Michel Suchod.

En ce qui concerne le droit des sociétés, nous approuvons la dissociation du président et du directeur général. Nous estimons que le président doit en effet présider un conseil d'administration qui soit un conseil de contrôle. Au fond, il s'agit d'en finir avec le bonapartisme d'entreprise. Peut-être cela permettra-t-il d'éviter certains facteurs de blocage, comme ceux que nous avons connus à la Société générale, justement, au cours de l'été dernier.

Nous approuvons aussi la limitation du nombre de conseils d'administration dans lesquels les personnalités peuvent siéger, ainsi que les dispositions concernant le blanchiment. Ce texte va dans le bon sens, il comporte des améliorations techniques. Nous sommes favorables aux dispositions contre les centres off shore . Nous estimons que le projet de loi apporte une meilleure définition de la constitution des associations de malfaiteurs.

Nous sommes également extrêmement satisfaits de ce qui est proposé au sujet des actions de concentration et des pratiques commerciales, notamment en ce qui concerne les abus des centrales d'achats de la grande distribution dans leurs rapports avec leurs fournisseurs.

M. Eric Besson, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

Ce n'est pas mal, tout cela !

M. Michel Suchod.

Ce n'est pas mal, en effet, monsieur le rapporteur,...

M. Dominique Baert.

Et cela mérite d'être voté !

M. Michel Suchod.

... et du reste, nous l'approuvons.

Seulement voilà, on nous avait dit que la société de marché n'était pas acceptable, et qu'il fallait la juguler.

M. Dominique Baert.

Tout à fait !

M. Michel Suchod.

Si nous acceptons pleinement le marché, vous l'imaginez bien, nous souhaitons l'encadrer, le réguler, faute de quoi nous aboutirons justement à la société de marché dans toute son horreur, cette société de m arché que le Premier ministre disait craindre à l'automne dernier.

Il avait parlé de la nécessité d'inventer de nouvelles régulations, de corriger les effets du capitalisme triomphant. Son ambition était grande. Tous ces thèmes revenaient comme un leitmotiv. Et je m'apprêtais, s'il avait été présent, à dire à M. Fabius - mais je sais que le sec rétaire d'Etat le lui transmettra - que sans se poser des questions de haute philosophie, comme celles qu'il s'était posées lors du célèbre congrès de 1979 sur les rapports entre le plan et le marché - il avait d'ailleurs magnifiquement posé le problème, c'est encore dans toutes les mémoires -, on peut néanmoins s'interroger sur ce qu'est la régulation.

Il y a plusieurs hypothèses. Il y a celle qu'a soutenue cet après-midi, à cette tribune, M. Madelin : c'est une hypothèse de régulation totalement libérale. On voyait presque flotter la main invisible du miracle économique tel que l'imaginait Ricardo, ce qui ancre pleinement M. Madelin dans cette ère des Lumières de la fin du

XVIIIe siècle. C'est tout à fait magnifique.

M. François Goulard.

Quelle caricature !

M. Michel Suchod.

La vision de notre rapporteur est, quant à elle, plus modérée. Il écrit dans son rapport :

« La notion de régulation exclut par elle-même une trop forte réglementation. »

Nous, nous ne sommes pas d'accord avec cela. Notre conception de la régulation n'est pas celle qui est actuellement en vigueur à l'OMC, pour qui la régulation signifie la défense statutaire du libre-échange. Ce qu'il s'agit de réguler, pour l'OMC, c'est l'action des Etats, c'est la politique des Etats ! De même, à Bruxelles, l'Union européenne fait trop souvent primer l'extension de la concurrence sur toute autre préoccupation : travail de nuit des femmes, directive sur le blanchiment prise précipitamment, avant que les

Etats ne légifèrent d'une manière moins libérale, bref, tout est gouverné par le primat du marché.

Pour nous, la régulation exige avant tout de discuter une partie des règles qui priment depuis quinze ou vingt ans, de mettre sur pied une véritable politique économique de marché, qui tienne enfin compte de considérations sociales, de l'emploi, du développement régional, du développement économique, de la politique industrielle et, pourquoi ne pas le dire, de l'intérêt de chacun des Etats de l'Union.

C'est pourquoi nous faisons des propositions. Je les rassemblerai autour de quatre thèmes.

D'abord, il faut partir du fait générateur du texte. Car, enfin, les Français seront étonnés de savoir que ce texte, qui était censé être une réponse à l'affaire Michelin, n'y répond en aucune façon. C'est pourquoi nous proposons dans l'un de nos amendements de lier d'éventuels plans sociaux aux bénéfices. Ces plans sociaux doivent être interdits lorsque les bénéfices ont été élevés, et ce ave c des conditions d'application que nous renvoyons à un décret. Mais il est bien évident que si, par exemple, une entreprise fait, trois années de suite, des bénéfices importants et qu'elle annonce qu'elle renvoie 7 500 personnes, nous disons non ! Nous avons également déposé un amendement sur le Conseil de la concurrence, puisque aussi bien celui-ci ne s'occupe que de la concurrence. Qu'en est-il alors d'autres règles ? Ne faut-il pas se demander, au moment d'accepter une fusion, si celle-ci ne doit pas intégrer les critères de l'emploi, de l'aménagement du territoire ou de politique industrielle ? Enfin, j'en arrive aux OPE et aux OPA. Les OPE sont, selon nous, trop faciles de nos jours. Si, dans une OPA, il faut payer, dans une OPE, on paye avec du papier.

Songez à l'absorption de Netwest par la Royal Bank of Scotland qui est quatre fois plus petite qu'elle. Songez à


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 25 AVRIL 2000

Time Warner qu'on a mis quatre-vingts ans à concentrer et qui disparaît, qui se fait croquer par le vide. Qu'est-ce que l'entreprise qui l'a dévorée sinon un conglomérat monté en bourse comme une barbe à papa ? Nous craignons l'avenir, nous craignons que des f usions-absorptions européennes soient un jour des fusions-absorptions avec des entreprises beaucoup plus importantes des Etats-Unis. Que dira la Société générale si ses deux chevaliers blancs, la CGU et la BSCH, décident, un jour, de s'emparer d'elle ? Que dira le Crédit lyonnais au moment où la Kommerz bank prend des actions alors que le pacte d'actionnaire se termine dans un an, s'il devait finir de la même manière ? I l faut être beaucoup plus ferme sur les offres publiques d'échange. Nous souhaitons en tout cas que le comité d'entreprise soit entendu. Il faut non seulement qu'il dispose des informations mais également qu'il soit autorisé à délibérer, à voter pour dire si une OPE est acceptable ou non et s'il est possible de la considérer comme amicale.

Le dernier point concerne l'autorité de régulation, parce qu'il y a un anachronisme. Nous avons adopté, en février 1984, la loi Delors sur la banque.

M. Dominique Baert.

En janvier 1984 !

M. Michel Suchod.

Présidant à l'époque les séances, j'avais un doute sur le mois, mais je crois que vous avez raison (Sourires.)

Au moment de l'adoption de la loi sur la banque, le gouverneur de la Banque de France n'était pas une autorité indépendante. Il était donc normal qu'il régulât notre monnaie ancienne manière, qui n'était pas indépendante, et qu'il s'occupât également des règles prudentielles et des règles de fusion-acquisition-absorption.

Aujourd'hui, il est une autorité indépendante. Il a une sorte d'inamovibilité. Il est normal - même si je n'y étais pas tout à fait favorable - qu'il s'occupe de la monnaie.

C'est une prérogative d'une autorité indépendante. Il est en revanche totalement anormal qu'il s'occupe toujours des règles prudentielles.

Nous proposerons donc des amendements pour remplacer le gouverneur quand il est mentionné pour s'occuper des règles prudentielles et de la tutelle des établissements de crédit, par l'autorité qui convient, c'est-à-dire M. le ministre de l'économie et des finances. Du reste, ce dernier s'occupe de la même chose pour le secteur des assurances. Or vous savez à quel point les assurances et la banque sont aujourd'hui entremêlées.

M. Dominique Baert.

C'est déraisonnable !

M. Michel Suchod.

Le rapporteur concluait lui-même son introduction par une évocation de Lamennais :

« Faut-il rappeler qu'entre le faible et le fort, c'est l'absence de réglementation qui conduit au déséquilibre, et c'est la loi qui protège ? » Nous partageons pleinement la vision du rapporteur.

Mais il est patent qu'elle ne pourrait nous conduire à avoir une opinion différente sur le texte en discussion s'il devait ne pas être profondément amendé par notre assemblée, comme, vous l'avez compris, nous le souhaitons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le secrétaire d'Etat, nous sommes navrés de vous infliger une séance ce soir alors que se déroule un très important séminaire du parti socialiste. Nous mesurons le sacrifice que vous faites en étant avec nous.

Dans la question préalable, M. Alain Madelin a eu l'occasion de souligner le décalage impressionnant entre les ambitions affichées par le Premier ministre lors de l'annonce de ce texte et la réalité de ce texte hétéroclite qu'aucune vision, aucune pensée, aucun projet ne soustend.

Le ministre de l'économie et des finances a présenté ce texte sans enthousiasme excessif, avec un art consommé de la litote, l'estimant « utile » - c'est bien le moins pour un ministre qui présente un texte -, en l'inscrivant, pour se dédouaner de la médiocrité du projet, dans une grande perspective qu'il lui appartiendrait, à lui cette fois, de concevoir.

Si ce texte n'est pas celui de Laurent Fabius, et pour cause, il est bien un texte du gouvernement de Lionel Jospin, il en porte la marque de fabrique. On y relève les préoccupations à la fois cosmétiques et sémantiques qui sont constantes dans l'action de ce gouvernement.

Cosmétiques parce qu'il s'agit d'habiller, pour ne pas dire maquiller, une réalité dont les traits ne sont pas toujours à la hauteur des mots. Une modeste réforme du droit des sociétés prend le titre pompeux de « régulation de l'entreprise », comme, demain, on nous soumettra, sous le titre flatteur de « loi de modernisation sociale », un très classique texte portant diverses dispositions d'ordre social.

Préoccupations sémantiques parce que ce gouvernement s'empare, régulièrement, de mots qu'il tente de charger de sens et dont il pare sa politique. Il en a été ainsi par exemple du qualificatif de citoyen. Tout devint, de la police à l'école, citoyenne ou citoyen.

Aujourd'hui, nous avons la régulation, mot vague et facile, avec lequel on veut habiller une politique, ou plus exactement une absence de politique.

Dans ce texte long, touffu, pour partie largement improvisé car inspiré par l'actualité la plus immédiate, y a-t-il, mes chers collègues, quelque mesure phare, quelque disposition clé, quelque article au moins symbolique, autour duquel nous pourrions organiser la discussion générale, avant d'en venir à la discussion des articles ? A l'évidence, il n'y a pas. Il faut voir d'ailleurs la peine qu'éprouvent les journalistes pour expliquer à leurs lecteurs ou à leurs auditeurs ce que ce texte contient : les pauvres ont bien du mal !

M. Jean-Jacques Jégou.

Ils sont partis, d'ailleurs !

M. François Goulard.

Il n'y a aucun moyen d'aborder ce projet de loi, dit de régulation économique, sinon en attaquant chacune de ses parties.

Première partie : les opérations sur les marchés financiers. A vrai dire, nous ne voyons dans ces réformes non fondamentales, que l'on peut qualifier d'adaptation raisonnable de nos règles de marché, rien de choquant. Si c'est cela la régulation économique socialiste, il y a sur la planète des gouvernements socialistes qui s'ignorent ! Quant à l'article 4, qui se voudrait une avancée sociale considérable, il prête simplement, si vous me permettez ce mot, à sourire. Le chef de l'entreprise qui achète une autre société est obligé de comparaître devant le comité de l'entreprise qu'il entend acheter.

M. Dominique Baert.

Il ne s'agit pas de comparaître, ce n'est pas un tribunal ! Il s'agit de s'expliquer !


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M. François Goulard.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le droit positif impose déjà d'informer le comité d'entreprise de ces opérations en capital : il n'y a donc là aucune novation.

Quant à la comparution directe, personnelle, d'un dirigeant de l'entreprise acheteuse, j'observe simplement que, dans ce genre de situation, le souhait de tout acheteur est précisément de rencontrer les partenaires sociaux de l'entreprise qu'il achète, pour s'expliquer devant eux et pour connaître le climat social de l'entreprise. La mesure préconisée est donc parfaitement anodine. C'est avec de telles mesures que l'on prétend apporter des réponses sérieuses aux situations contre lesquelles on entend lutter ? A ce propos, la sanction prévue est inadaptée. Une privation de droit de vote est inscrite, alors que s'agissant d'une atteinte au droit du travail un délit d'entrave eût été infiniment plus adapté.

La partie relative au blanchiment de l'argent appelle des observations techniques. Avant tout, je remarque que ce sujet n'a pas sa place dans un texte traitant de régulations économiques, puisqu'il s'agit de mesures pénales.

L'hésitation des commissaires est d'ailleurs éloquente, ils ne savaient pas très bien par quel bout les prendre. C'est tenter d'égarer les esprits que de prétendre qu'il s'agit de régulation économique. Il s'agit plutôt de réprimer, donc de légiférer, puisque la répression pénale relève de la loi.

La présence dans ce texte de dispositions relatives à la répression du blanchiment illustre la difficulté que vous avez eu à bâtir un texte. Comme dans les copies de mauvais élève, vous avez meublé par des digressions horssujet ! La partie relative à la concurrence est plus substantielle, et de vraies divergences apparaissent entre nous.

Sur les mécanismes, d'abord. Là où vous regrettez le pouvoir perdu du politique, nous déplorons la permanence de son immixtion. Là où vous n'êtes pas loin de vouloir redonner des pouvoirs au ministre, nous souhaitons, quant à nous, une indépendance, une autorité accrue pour le Conseil de la concurrence.

Sur les règles, ensuite. Vous avez souhaité répondre à une demande conjoncturelle - la crise des fruits et légumes de l'été dernier - ou ponctuelle - celle de certains fournisseurs de la grande distribution - par un surcroît de réglementation, dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle n'a pas fait l'objet d'une réflexion ou d'une mise au point particulièrement élaborée. Il est plus que probable, suivant un principe constant, que ces règles nouvelles, loin d'aider ceux à qui elles sont destinées, se retourneront contre eux et profiteront à d'autres. En d'autres termes, ces règles nouvelles vont avoir pour effet certain de rendre plus prudent, pour ne pas dire plus frileux, le secteur de la grande distribution à l'égard des PME. En revanche, elles vont profiter à plein aux grandes entreprises de production que vous allez placer en position de force vis-à-vis de la grande distribution. En économie, chaque fois que l'on écrit dans la loi, naïvement, comment les acteurs devraient idéalement se comporter, on obtient le résultat inverse, tant il est vrai que l'économie ne se plie pas aussi facilement aux volontés du législateur.

M. Jean-Paul Charié.

C'est faux !

M. François Goulard.

Il eût été plus opportun de se demander pourquoi, dans ce domaine des relations entre distribution et production, malgré tant de textes, de lois et de règlements, les choses ne vont pas mieux dans ce pays.

La vérité est que cet édifice législatif, amorcé à l'aube d'une grande évolution du commerce du début des années soixante-dix et régulièrement complété et alourdi depuis, demande sans doute à être repensé de fond en comble, plutôt que de se voir ajouter un étage de plus.

M. Jean-Paul Charié.

On n'ajoute pas un étage de plus !

M. François Goulard.

On voit poindre aussi une évolution quelque peu dangereuse, fondée sur un faux parallèle entre le droit du travail et le droit économique. Par l'introduction de préavis, d'accords interprofessionnels que l'on semble vouloir doter d'un cadre analogue à celui des conventions collectives, la loi tenterait, ce qu'elle fait fort justement en droit du travail, de protéger le faible contre le fort.

Enfin, la sollicitude dont vous faites preuve à l'égard du fonctionnement interne des entreprises est plutôt touchante. On voit ainsi de longs développements fleurir sous la plume du rapporteur sur le nombre idéal de mandats d'administrateur que l'on peut exercer ou sur l'intérêt de séparer les fonctions de président du conseil d'administration de celles de directeur général. On peut gager que les entreprises montreront peu d'intérêt pour les dispositions que vous tentez de mettre en place. Les salariés, quant à eux, y seront sans doute très sensibles.

Ni bon ni franchement mauvais, ce texte est, en définitive, un aveu, l'aveu que le Premier ministre ne se trompait pas lorsqu'il disait aux Français, le 15 septembre, que l'Etat ne pouvait rien contre les licenciements de l'entreprise Michelin.

Mais c'est aussi un mensonge, car il contredit ouvertement les promesses faites deux semaines plus tard par le même Premier ministre à Strasbourg.

Votre réglementarisme est réfréné. On vous sent finalement bien peu à l'aise. Votre socialisme en la matière est somme toute assez honteux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Dominique Baert.

M. Dominique Baert.

Madame la présidente, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, si l'économie concurrentielle fonctionne par nature sur la base de rapports d'échanges, la régulation devient nécessaire lorsque ceux-ci deviennent trop rapidement rapports de force et a fortiori rapports d'écrasements des uns par les autres.

La régulation, c'est-à-dire la capacité à voir s'appliquer des règles, est indispensable dans deux cas : d'une part, pour assurer le respect d'un équilibre suffisant entre deux parties, qu'il s'agisse de l'employeur et du salarié, ou encore du fournisseur et du client ; d'autre part, pour affirmer la primauté de l'intérêt général sur l'intérê t particulier.

Enoncer le droit, définir le projet de la société dans lequel il s'exerce, voilà l'objet de la régulation ! Pour éviter, précisément, que l'économie de marché n'ait pour contrepartie qu'une société de marché, comme cela a été si bien rappelé.

Sans règles réaffirmées, l'économie se désocialise, j'allais même dire se désociétalise. L'enjeu aujourd'hui, c'est une resocialisation de l'économie, parce que, derrière les phénomènes économiques, il y a aussi et surtout des phéno-


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mènes sociaux et que nous refusons que les seconds soient les spectateurs passifs, asservis, et résignés des premiers, eux-mêmes seulement mûs par une logique de gain.

De ce point de vue, messieurs les ministres, ce texte est un bon texte.

Il dénonce les comportements déviants et affiche clairement sa volonté de les combattre. Il construit des mécanismes renforcés de régulation financière, de régulation de la concurrence et de régulation de l'entreprise.

En un mot, votre projet fixe un nouveau cadre, assaini.

Qu'il s'agisse, par exemple, de l'information des salariés lors des OPA ou des OPE, ou des pouvoirs des autorités de régulation financière, dont je rappelle que c'est la loi sur l'épargne et la sécurité financière, votée en juin 1999, qui a assuré l'indispensable coordination.

Qu'il s'agisse encore de lutte contre le blanchiment d'argent avec l'extension des déclarations de soupçon, dont je regrette au demeurant, comme Eric Besson, qu'elle n'ait pas pu concerner davantage de professions que celles énoncées à l'article 19.

Qu'il s'agisse enfin des pratiques commerciales, du contrôle des positions dominantes, de l'exercice par les actionnaires de leurs droits, ou du cumul des mandats des dirigeants.

Tout cela est de bon sens, tout cela va dans le bon sens.

Ce combat qui est le vôtre, messieurs les ministres, est aussi celui de toute la majorité.

Oui, face aux libéraux qui prèfèrent voir venir, nous, nous préférons intervenir ! Au baron-président Seillière, qui qualifie ce texte de

« tapage politique qui fait oeuvre de détails », rappelons qu'il s'affiche, lui, comme un « spécialiste du ratage polémique qui fait oeuvre pour son sérail ».

M. Michel Hunault.

Ce n'est pas très glorieux !

M. Dominique Baert.

Oui, à un MEDEF qui estime que l'Etat « organise l'appauvrissement de l'espace économ ique », osons répondre que, nous, nous refusons

« l'enrichissement organisé de l'espèce économique ».

Saluant l'important travail de notre rapporteur Eric Besson, je souhaite que le Gouvernement réserve le meilleur accueil aux amendements de la commission des finances.

Mais, car il y a un « mais », ce texte est aussi un demitexte. C'est une première étape - cela a été dit tout à l'heure - d'une régulation plus globale à construire.

Certains se sont déjà exprimés sur ce thème. Comme eux, je considère que concourraient tout autant à une régulation globale des mesures sur l'épargne salariale, sur l'intervention économique des collectivités locales, sur la réforme du code des marchés publics, sur le service bancaire de base, ou encore sur la création d'entreprises, sur le capital-risque, ou sur la modernisation sociale.

Voilà autant d'ambitions qui auraient pu trouver leur place dans le texte. Certaines se traduiront concrètement dans les prochaines semaines.

Cependant, à titre personnel, le projet de loi me laisse quatre motifs d'insatisfaction, qui me paraissent appeler, à l'avenir, autant d'indispensables compléments, qui concernent une reconception de la régulation, une autocritique de la régulation, une extension internationale et, enfin, une extension sectorielle.

Une reconception de la régulation tout d'abord, à moins qu'il ne faille penser à définir, enfin, ce qu'est la conception française même de la régulation : c'est toute la doctrine de notre système de régulation que nous avons à construire. Il existe une conception anglo-saxonne du régulateur : il s'agit en général d'un homme seul. Mais il n'y a pas de vision française.

Messieurs les ministres, il y a dans notre pays un besoin d'homogénéité, de logique et de cohérence dans l'exercice de la régulation comme dans la physionomie des autorités qui l'exercent. Il faut un travail gouvernemental, ou parlementaire, approfondi sur ce point. Les réponses à ce problème ne peuvent plus être différées.

Ces réponses doivent être apportées globalement pour éviter qu'à la faveur de chaque texte on y réponde au cas par cas.

Il ne faut pas hésiter à traiter de cinq questions fondamentales.

Quoi réguler ? C'est-à-dire quel secteur ? Tous les secteurs, comme le préconise le Commissariat général du Plan, conception que je ne partage pas, ou seulement l'énergie et les télécommunications ? Mais alors, quid de La Poste ? Et surtout, mais j'y reviendrai, pourquoi pas l'eau ?

M. Jean-Louis Debré.

Ou le parti socialiste !

M. Dominique Baert.

Qui régule ? Quelle composition de l'autorité ? Quelles incompatibilités ? Quelle taille pour l'autorité ? CSA, ART, COB : autant d'exemples qui montrent que la France a besoin de clarté.

Comment réguler ? Avec quels moyens humains ? Avec quelle évaluation de la régulation car, sans évaluation, qui contrôle ? Pourquoi réguler ? Quel champ d'intervention ? Avec quelle sanction ? Enfin, quelle relation avec l'Etat ? Car, enfin, n'est-ce pas lui le détenteur du pouvoir réglementaire ? Là-dessus, me semble-t-il, le Conseil constitutionnel a toujours été clair dans ses décisions. Cela mériterait sans doute d'être parfois mieux affirmé encore.

Deuxième complément que j'appelle de mes voeux : une autocritique de la régulation telle qu'elle s'exerce jusqu'à présent en France.

L'exemple de l'Autorité de régulation des télécommunications est instructif. Après trois ans d'exercice, qui ne voit la nécessité d'une clarification ? Explicitement, sur certains bancs de cette assemblée, mezza voce mais tout aussi fermement sur d'autres, nous sommes nombreux à le penser, après avoir observé la propension croissante de cette autorité à chercher à devenir la seule autorité édictrice de règles.

Pourtant, chers collègues, que lit-on dans la loi de 1996 ? Que l'ART est « associée » à la préparation des négociations internationales, qu'elle « instruit » pour le compte du ministre, qu'elle contrôle le respect par les opérateurs de leurs obligations, qu'elle « propose » au ministre chargé des télécommunications.

Rien dans l'article 36-7 du code des postes et télécommunications, introduit par la loi du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications, ne permet de penser que c'est l'ART qui engage et qui décide de la politique de télécommunications de notre pays ! Je le dis nettement : si, demain, le dégroupage de la boucle locale doit être mis en oeuvre, ce sera à l'Etat, c'est-à-dire au Gouvernement et au Parlement, de le décider et de le promouvoir.

M. Michel Hunault.

Vous dites n'importe quoi !


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M. Dominique Baert.

De même, si des mesures d'accompagnement structurantes sont à prendre, ce sera à l'Etat de les décider et de les mettre en oeuvre. Le pouvoir réglementaire ne se délègue pas.

M. Jean Michel.

Exactement !

M. Dominique Baert.

Oui à une régulation qui édicte les cahiers des charges et les applique. Non à une régulation qui veut édicter la stratégie et la politique du secteur. Or, messieurs les ministres, dans ce dossier des télécommunications, des ajustements sont à réaliser.

Le troisième complément à intervenir est, me semblet-il, fondamental - ô combien ! : il concerne l'extension internationale, via la régulation, de ce qu'on appelle des hedge funds.

Chacun a en mémoire les difficultés du fonds spéculatif LTCM et le rôle des fonds spéculatifs que sont les hedge funds dans la crise asiatique. L'impact déstabilisant de telles institutions doit être combattu.

Ces activités à fort effet de levier, que nous avons vues à l'oeuvre lors de la crise du Nasdaq, il y a quelques jours à peine, se développent rapidement au niveau international, alors même qu'elles sont de nature à compromettre la stabilité financière mondiale.

Sans réglementation « prudentielle » propre, sans même s'inscrire dans le cadre, réglementé lui, des institutions financières « traditionnelles » comme les banques, ces opérations sont susceptibles de mettre à mal le système financier, via les risques de crédit, de marché et de liquidités.

Ajoutons qu'elles se réalisent dans des conditions de transparence limitée.

Pour être tout à fait précis, les HLI - les highly leveraged institutions, comme disent les spécialistes - font courir un risque systémique global.

Un groupe de travail, au sein du Forum de stabilité financière a, le 26 mars dernier, à Singapour, formulé des propositions pour encadrer ces pratiques, en un mot pour les réguler, ce que vous savez sans doute...

M. Michel Hunault.

Nous lisons les journaux, nous aussi !

M. Dominique Baert.

J'espère, messieurs les ministres, que la France saura appuyer ces préconisations et, si nécessaire, concrétiser dans l'arsenal législatif et réglementaire national les mesures qui s'imposent.

Quatrième complément, enfin : une extension sectorielle. Il est indispensable de mieux réguler le secteur de l'eau et des services urbains en France, ce que même les

Etats anglo-saxons, réputés libéraux, ont compris. Qui peut admettre que, dans l'Etat de Californie, la California Public Utilities Commission, organisme régulateur, ait l'eau dans ses attributions, au même titre que le gaz et l'électricité, mais qu'aucune commission équivalente pour ce secteur n'existe en France ? Quel est celui de nos concitoyens qui peut comprendre q u'en Angleterre le régulateur, l'Office de l'eau, l'OFWAT, puisse décréter une baisse de 12 % du prix de l'eau en 2000 alors qu'en France ce prix ne cesse de connaître des hausses vertigineuses ? Il est vrai que, dans notre pays, ce secteur fonctionne largement comme un duopole organisé. Là aussi, au sens économique du terme, il y a « rente ».

L'ouverture à la concurrence a incontestablement fait baisser les prix pratiqués par les opérateurs publics, qui détenaient hier un monopole dans leur métier, et a rendu aux consommateurs de télécommunications ou d'électricité une partie de la « rente » de ces producteurs. Et pourquoi pas l'eau ? Car, chers collègues, qu'elle soit publique ou privée, une rente reste une rente.

Mais pour cela, le secteur de l'eau doit connaître une concurrence réelle et régulée. Il est donc là aussi indispensable de créer une autorité de régulation spécifique, qui contrôlerait vraiment et qui serait dotée de vrais pouvoirs de sanction. C'est une question d'équité comme d'efficacité économique.

La régulation, c'est aussi cela.

L'accentuation du commerce mondial, l'intensification des relations européennes ont stimulé la concurrence et, s'agissant de secteurs publics, car porteurs, ne l'oublions pas, de services publics, la logique du modèle est maintenant à la séparation des fonctions d'opérateur et de régulateur.

La manière dont nous concevons, dont nous suivrons cette régulation n'est pas neutre.

Mais réguler, ce n'est pas interdire : c'est encadrer ! Réguler, c'est clarifier ! C'est ce que nous ferons en adoptant ce texte, dans l'attente, messieurs les ministres, d'une nouvelle étape de régulation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, « l'Etat doit se doter de nouveaux instruments de régulation adaptés à la réalité du capitalisme d'aujourd'hui » : c'est en ces termes que le Premier ministre, lors des journées parlementaires du parti socialiste à Strasbourg, en septembre 1999, définissait son ambition.

Ainsi, il voulait de nouveaux instruments de régulation.

C'est dire qu'il voulait supprimer ou remplacer les précédents qu'il estimait ne plus être adaptés. Le propos était donc ambitieux. Il l'était d'autant plus qu'il s'agissait de

« construire un nouveau modèle de capitalisme pour aujourd'hui et pour demain » ! Rien que cela, mes chers collègues ! Le besoin s'était fait sentir, au cours de l'année 1999, de la révision d'un certain nombre de régulations.

L'affaire BNP - Société générale, par exemple, a été part iculièrement longue et son issue a été incertaine. L'avis du Gouvernement a varié plusieurs fois et les salariés ont eu justement le sentiment d'être pris en otages. Le rôle décisif, qui n'a pas été suffisamment souligné, a été celui des salariés de la Société générale, qui possédaient 8 % du capital de leur entreprise et qui ont ainsi évité la fusion avec la BNP, ce qui leur a permis de garder leur indépendance.

Dans l'affaire Michelin, c'est le rôle des fonds de pension anglo-saxons qui a été décisif. Mme la garde des sceaux a rappelé cet après-midi que de 40 à 45 % du capital des grandes entreprises françaises cotées à la Bourse de Paris étaient détenus par des fonds de pension anglo-saxons et que ceux-ci ont davantage le souci du cours du titre et de son rendement que tout autre. Ainsi, la suppression des emplois qui a été annoncée par le responsable de l'entreprise Michelin alors même que celle-ci était fortement bénéficiaire, et le fait qu'il n'y avait pas de contrepoids, notamment au niveau des salariés, ont montré qu'il était urgent d'intervenir.

Enfin, l'affaire Carrefour-Promodès a mis en évidence une forte concentration dans la distribution, qui était une menace permanente pour les producteurs français, ainsi qu'un certain nombre de pratiques très discutables du


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grand commerce concentré. Une illustration en a été donnée l'été dernier avec la palinodie sur les fruits et légumes et le système du double affichage qui n'a jamais fonctionné.

Le texte qui nous est présenté répond-il à cette ambition et aux différents problèmes qui se sont posés en 1999 ? Certes, il aborde cinq thèmes : le droit boursier et la régulation du système financier, la lutte contre le blanchiment de l'argent provenant d'activités criminelles organisées, le droit de la concurrence et des concentrations, les relations entre l'industrie et la distribution, et les modifications à apporter au droit des sociétés. Mais cela ne fait pas une cohérence et l'ensemble est particulièrement disparate en dépit des efforts tout à fait louables du rapporteur pour essayer de donner une unité à un texte qui, manifestement, n'en a pas : soixante-quatorze articles ont été nécessaires, sans compter les nombreux articles additionnels ajoutés par la commission des finances.

En définitive, il s'agit d'un travail touffu, sans ligne directrice ni innovation réelle. On retouche par ci par là ce qui existe déjà, on veut perfectionner, corriger, modifier : on est très loin des nouvelles régulations qui ont été annoncées En fait, on a l'impression que le Gouvernement se livre à une sorte de contrition a posteriori : si les choses n'ont pas toujours bien marché dans le passé, notamment en 1999, c'est parce que les textes et les contrôles n'étaient pas toujours au point. Alors, il faut les changer pour expliquer les faiblesses passées et les faire oublier.

Le point caractéristique est que les promesses les plus solennelles ne sont pas respectées - je parle naturellement de l'épargne salariale. Ainsi que je l'ai dit, cette épargne a joué un rôle déterminant en ce qui concerne l'indépendance de la Société générale. Elle aurait pu jouer un rôle tout aussi déterminant dans l'affaire Michelin. Il y a donc urgence à permettre le développement d'un actionnariat populaire pour l'ensemble des salariés dans les grandes entreprises.

Dès le mois de mai de l'année dernière, l'opposition avait déposé une importante proposition de loi sur ce sujet à l'initiative de M. Edouard Balladur. M. Balladur proposait notamment l'ouverture des augmentations de capital des sociétés cotées aux salariés et la représentatio n de ces salariés dans les conseils d'administration, à l'image du grand succès qui avait été obtenu dans le cadre des privatisations à partir de 1986. Mais le Gouvernement et sa majorité ont refusé de discuter de ce texte au fond, arguant du fait qu'un projet de loi serait préparé en ce sens.

Ensuite, le Premier ministre a chargé M. de Foucauld et M. Balligand de rédiger un rapport sur le sujet. Ce rapport a été rendu au mois de janvier, après trois mois d'un travail approfondi. Des propositions précises ont été formulées, mais elles n'ont fait l'objet d'aucune discussion.

En troisième lieu, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de l'époque, M. Sautter, avait été chargé de préparer un projet et de le soumettre aux partenaires sociaux. M. Sautter disparaît, et son projet et sa concertation avec lui.

On nous parle maintenant, et M. le ministre de l'économie l'a rappelé cet après-midi, qu'un texte pourrait être déposé. Le Premier ministre avait parlé d'une première lecture d'ici à l'été. Si j'ai bien compris, cette première lecture est reportée à l'automne. Quand on connaît les difficultés qu'il y a à insérer un texte dans notre ordre du jour et à le discuter complètement durant la session d'automne, compte tenu de la charge de travail qui existe par ailleurs, on peut se poser quelques questions sur le bon aboutissement de ce texte, après toutes les promesses qui n'ont pas été respectées.

Or il y a urgence, c'est incontestable. Il faut un actionnariat beaucoup plus fort, notamment dans les grandes entreprises, et le nombre des porteurs d'actions doit être sensiblement augmenté.

V a-t-on attendre la multiplication des prises de contrôle, amicales ou hostiles, notamment de l'étranger, pour avancer des propositions en ce sens ?

M. Michel Hunault.

Très bonne question !

M. Philippe Auberger.

On se propose de modifier, de revoir, de réaménager la régulation du système financier et du droit boursier. En fait, il s'agit essentiellement d'un travail de détail, qui n'a pas toujours sa place dans un texte législatif. On a donné en l'occurrence à la notion de loi une acception beaucoup trop large. En effet, prévoir que le gouverneur de la Banque de France doit être averti d'une opération envisagée, prévoir l'audition de telle ou telle personnalité devant les commissions des finances ou se demander si la qualification des dirigeants des banques doit être fondée sur la compétence ou sur l'expérience ne me semble pas vraiment relever du domaine législatif.

Il y a quand même un point positif, je dois le reconnaître : le fait que la distinction entre les OPA dites amicales et celles dites hostiles n'ait pas été retenue dans le projet de loi, comme certains le proposaient. En effet, il n'y a pas de frontière nette entre les deux : une OPA hostile peut et doit, si elle doit réussir, devenir une OPA amicale, comme l'a amplement démontré l'opération Total sur Elf.

En revanche, une autre disposition me paraît assez contestable, sinon dans son esprit, du moins dans ses modalités : introduisant une confusion entre le droit boursier et le droit du travail, elle tend à refuser le décompte des droits de vote si l'attaquant, lors d'une OPA ou d'une OPE, n'accepte pas de se rendre devant le comité d'entreprise.

Il faut savoir que l'attaquant, pour que son OPA réussisse, a effectivement tout intérêt à aller devant le comité d'entreprise et à indiquer très clairement quels sont ses projets, notamment en matière d'emploi et d'évolution des effectifs. Tel a d'ailleurs bien été le comportement du président de la BNP lorsqu'il a attaqué à la fois Paribas et la Société générale. Mais lier cette démarche au décompte des droits de vote pose à mon avis des problèmes d'ordre constitutionnel dans la mesure où cette disposition constitue une atteinte au droit de propriété. M. Peyrelevade, qui était pourtant l'un des promoteurs de la distinction entre les OPA amicales et les OPA hostiles, pense que l'effet pratique de cette mesure sera quasi nul.

En réalité, dans la partie concernant les aspects boursiers et financiers, les vrais sujets ne sont pas abordés.

D'abord, la multiplicité des organismes de régulation dans le domaine financier est maintenue. Certes, il faut de la régulation, mais l'existence simultanée du Conseil des marchés financiers, de la Commission des opérations de bourse, du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, de la Commission bancaire et de la Commission de contrôle des assurances ne correspond plus à la réalité économique actuelle, où l'on voit de plus en plus des conglomérats financiers avoir à la fois des activités de marché, des activités de banque traditionnelle et des activités d'assurance.


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La création en 1997 du Financial Service Authority, au Royaume-Uni, montre bien la nécessité de regrouper les organismes de régulation. Pourquoi maintenir une distinction entre le CECEI et la Commission bancaire ? Pourquoi laisse-t-on également subsister deux procédures, d'agrément et de contrôle, en matière d'assurance ? Pourquoi ne soumettrait-on pas les concentrations dans le domaine du secteur financier et des assurances au Conseil de la concurrence, comme c'est le cas dans les autres pays ? Quant au problème des sanctions, il n'est pas réglé non plus. Je rappelle que six affaires de la COB ont été réformées par la juridiction. Il faut donc revoir les procédures pour les rendre plus transparentes.

J'en viens au contrôle des concentrations.

Les grands dossiers, il faut le reconnaître, sont de plus en plus souvent traités à Bruxelles. Or ce texte n'en tient pas compte. L'affaire Carrefour-Promodès a été vue à Bruxelles, l'affaire Total-Elf aussi, et la fusion avortée Pechiney-Alcan Algroup est encore la conséquence d'une décision de Bruxelles.

Par ailleurs, il faudrait revoir les procédures devant le Conseil de la concurrence parce qu'elles ne sont pas satisfaisantes. Le ministre peut en effet décider ou non de saisir ce conseil à propos d'une fusion et de suivre ou non son avis au moment de prendre sa décision. C'est le cas dans l'affaire Coca-Cola Orangina.

M. Frédéric Jenny, vice-président du Conseil de la concurrence, l'a lui-même dit : le caractère discrétionnaire des conditions dans lesquelles ce conseil est saisi, l'opacité avec laquelle l'administration négocie des engagements avec les entreprises, le caractère tacite de certaines décisions ministérielles constituent autant de pratiques douteuses du point de vue de la crédibilité et de la transparence du processus.

Il aurait donc été nécessaire de revoir à fond le fonctionnement du Conseil de la concurrence et surtout de faire en sorte que l'instruction des affaires soit nettement accélérée.

Plus généralement, messieurs les ministres, le fonctionnement des différentes autorités de régulation pose problème. Certes, elles sont utiles, mais il faut revoir leur champ d'intervention, leur pouvoir et les sanctions qu'elles prononcent. On peut ainsi se demander, dans d'autres domaines, s'il n'y a pas lieu, par exemple, de redéfinir la répartition des prérogatives entre le CSA et l'organisme chargé des télécommunications, ou encore entre les commissions chargées du marché de l'électricité et bientôt de celui du gaz.

En ce qui concerne les relations entre les producteurs et les distributeurs, je serai très bref puisque mon collègue Jean-Paul Charié en traitera au fond.

La loi Galland de 1996 avait déjà apporté de nombreuses améliorations, relatives notamment à la publicité des conditions de vente et aux ventes à perte.

Effectivement, on observe une concentration sans précédent des centrales d'achat et un certain nombre de dérives spectaculaires, notamment s'agissant des frais de coopération commerciale. Mais ce n'est pas forcément en multipliant et en alourdissant les mesures d'encadrement administratif des relations entre les distributeurs et les industriels que l'on parviendra à régler les problèmes. Et ce projet de loi n'incitera-t-il pas la grande distribution à aller davantage encore s'approvisionner hors de France ? Ce ne serait pas vraiment utile.

Je dirai un mot sur la lutte contre le blanchiment de l'argent. L'opposition avait voté la loi du 12 juillet 1990 que M. Pierre Bérégovoy avait présentée à cette tribune.

Elle n'a par conséquent aucune leçon à recevoir en la matière. La France, d'ailleurs, n'est pas en retard dans ce domaine, ni dans celui de l'application stricte des règles prévues, ni dans celui de la concertation internationale.

Dans ces conditions, pourquoi mettre en oeuvre dans la précipitation certaines recommandations du GAFI, qui n'ont d'ailleurs pas été clairement formalisées ? Je n'en vois vraiment pas la nécessité, à moins qu'il ne s'agisse d'accélérer le dialogue entre certaines fractions du parti socialiste et de sa majorité...

M. Eric Besson, rapporteur.

Oh !

M. Philippe Auberger.

D'ailleurs, j'observe que, avant de vouloir modifier la réglementation, il conviendrait déjà de comprendre comment une filiale de banque française installée à Jersey a pu manipuler de l'argent du FMI, et comment la Commission bancaire a pu donner son blanc-seing à ces opérations sans voir qu'elles étaient de nature à remettre en cause la solidité de cette banque.

Mes chers collègues, nous avons le sentiment que ce texte recherche davantage les effets de l'affichage que l'adaptation à la réalité. Le Gouvernement se dit actif en matière de régulation, il prétend tenir compte de l'évolution rapide des marchés et de leur mode de fonctionnement. En fait, il cherche simplement à s'exonérer des incertitudes et des hésitations du passé. Il marque un certain activisme de façade, alors que les problèmes de fond ne sont pas réellement traitées. Et les dispositifs prévus n'ont pas de chances sérieuses d'être beaucoup plus efficaces que les précédents.

Enfin et surtout, le rôle des salariés dans le capital et dans les organes dirigeants des entreprises n'est pas clarifié et ne le sera pas dans les mois qui viennent.

Le groupe RPR ne peut s'associer à un tel texte et il ne le votera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Claude Billard.

M. Claude Billard.

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'introduction, dans le texte de loi consacré aux nouvelles régulations économiques, d'un article permettant le dégroupage de la boucle locale en paire de cuivre, suscite de fortes interrogations et de sérieuses réserves de la part du groupe communiste.

Devant la nécessité de permettre un développement rapide de la transmission et de l'accès haut débit à Internet, le Gouvernement opte, parmi d'autres possibilités, en faveur d'un choix, pas seulement technique, d'ouverture à la concurrence des réseaux locaux. Il s'agit, en effet, de contraindre par la loi l'opérateur public, qui a récemment développé la technologie ADSL, à louer son réseau local aux opérateurs privés pour leur permettre à leur tour de faire des offres de services à haut débit aux abonnés.

Pourquoi cette précipitation à introduire, sous cette forme, la concurrence sur le marché de la transmission locale de données, alors que d'autres technologies le perm ettent aujourd'hui, et le permettront plus encore demain ? Pourtant, comme l'avait justement relevé la mission parlementaire d'information sur l'application de la loi de réglementation des télécommunications de juillet 1996,


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les objectifs d'ouverture à la concurrence qui avaient été fixés sont respectés et celle-ci se développe à un rythme comparable à celui observé dans les autres pays européens et aux Etats-Unis au moment de l'ouverture de leur marché.

En outre, aucune directive communautaire ne fait pour l'instant obligation d'élargir la concurrence à ce secteur. Il n'y a donc pas, selon nous, urgence à l'accélérer, à moins d'être sensible à l'esprit libéral qui anime l'autorité de régulation et de céder aux pressions d'opérateurs privés, bien conscients de l'intérêt qu'ils pourraient avoir à disposer à bon marché d'un réseau national.

Pour développer les services à haut débit, la technique du dégroupage de la paire de cuivre n'est pas la panacée.

Le réseau cuivre actuel, même dopé avec les technologies ADSL, du fait de l'augmentation des demandes de débit, multipliées par trois chaque année, sera en effet très vite saturé. Par ailleurs, cette technique ne permettra pas d'assurer les missions de service public, notamment la couverture du territoire, puisque sa portée est limitée à 1,5 kilomètre. Elle ne pourra donc pas être développée en zone rurale.

D'autres pays, et non des moins avancés, ont fait d'autres choix. Les opérateurs, aux Etats-Unis, partent à la conquête de ce marché avec d'autres technologies, notamment celle des réseaux câblés de télédistribution ; les Japonais et les Suédois ont fait le choix du tout optique ; en Grande-Bretagne et en Allemagne, le dégroupage de la paire de cuivre n'est pas privilégié.

Le type de dégroupage qui est proposé contient de plus des effets pervers pouvant aller à l'encontre de l'objectif affiché de développement des services à haut débit. J'en vois, pour ma part, au moins trois : un frein à l'investissement, un frein à l'innovation et une logique d'écrémage des marchés les plus rentables par les opérateurs privés. En effet, les nouveaux opérateurs, s'ils ont accès à des réseaux pratiquement livrés « clés en main », seront dissuadés d'investir dans la construction de nouvelles boucles locales. De son côté, pourquoi l'opérateur détenteur de la boucle locale ferait-il l'effort de moderniser son réseau pour le livrer ensuite à des concurrents ? S'il s'agissait simplement de faire droit à la concurrence et non de favoriser une concurrence au moindre coût pour les opérateurs privés, en affaiblissant inéluctablement l'opérateur public, pourquoi ne pas utiliser les technologies existantes et celles qui, à brève échéance, je le répète, seront disponibles ? Les offres concernant ces nouveaux services peuvent pourtant s'appuyer sur une large palette : les réseaux câblés, la boucle locale radio, dès la fin de cette année, les réseaux mobiles de troisième génération à la norme UMTS, en 2002, sans oublier les boucles locales en fibre optique.

Si le dégroupage est un sujet technique, il est aussi au coeur d'enjeux économiques cruciaux et il constitue un enjeu politique majeur : la mise en place de la société de l'information. Un tel enjeu de société, à nos yeux, mérite un vrai débat, une vraie concertation, une vraie discussion, plutôt qu'un amendement à un projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques. Car, je le répète, ce qui est en jeu, au travers de l'accessibilité aux hautes technologies, c'est le droit pour tous à la communication et à l'information.

Pour cet ensemble de raisons, nous estimons que la problématique du dégroupage relève non pas du projet de loi dont nous sommes en train de discuter mais de celui sur la société de l'information. Le Premier ministre luimême avait d'ailleurs pris des engagements en ce sens et le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a souligné devant nous que ce projet de loi figurait sur la liste des travaux à venir de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Claude Gaillard.

M. Claude Gaillard.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je commencerai par une anecdote. Il y a bientôt un an, les députés ont eu la possibilité de passer une journée en « immersion en entreprise ». Chefs d'entreprise et parlementaires se sont réunis pour un debriefing , il y a quelques mois, à la chambre de commerce et d'industrie de Paris, sous la présidence de M. Fabius, qui occupait encore la fonction de président de l'Assemblée nationale.

Pour ma part, j'ai passé cette journée d'immersion dans une entreprise qui vendait essentiellement ses produits à des hypermarchés. Nous avons naturellement évoqué les difficultés de négociation avec les hypermarchés, ainsi que la loi Galland, et j'ai demandé au chef d'entreprise : « Que pouvons-nous faire pour vous ? » Sa réponse a été claire : « Rien, surtout ne faites plus rien ! Arrêtez de légiférer ! Car en légiférant, vous m'ôtez bien quelques problèmes, mais vous m'en créez autant, généralement plus difficiles à régler que ceux traités par le texte ! » Je me suis souvenu de cette réflexion de chef d'entreprise en lisant les articles du projet de loi. On ne peut que partager l'ensemble de ses objectifs - comment s'opposer à la moralisation des activités commerciales, à la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, au contrôle plus systématique des concentrations, à la saine concurrence, à la loyauté, à la transparence ? Mais chacun sait que l'enfer est pavé de bonnes intentions...

Souvenons-nous de l'évolution de l'armature commerciale. En remontant aux lois Royer, on voit bien que les mots ont changé de nature : aujourd'hui, les mètres carrés sont moins préocupants que les relations entre fournisseurs et distributeurs. Objectivement, en pratique, les lois Royer ont-elles vraiment freiné les implantations d'hypermarchés ?

M. Jean-Marc Nudant.

Ça !...

M. Claude Gaillard.

Quant à la loi de la deuxième génération - je pense à la loi Galland -, elle a traité u n certain nombre de problèmes, mais n'a-t-elle pas ellemême créé des effets pervers ? Mais si ! Notamment en substituant les marges arrière aux marges avant. De la même façon, il n'est pas exclu que nous soyons amenés, dans l'avenir, à légiférer contre les effets pervers que ce projet de loi générera lui-même.

Conclusion : nous alimentons nous-mêmes la machine, car il va de soi qu'une trop grande immixtion de notre part dans les relations entre clients et fournisseurs, relations de caractère privé, a un certain nombre d'effets pervers. Je ne prendrai que deux exemples.

Le premier a trait aux positions dominantes. Quand une PME traite avec les grandes surfaces, s'il y a cinq centrales d'achat, elle ne travaille généralement qu'avec trois ou quatre d'entre elles. Donc, par nature, toute centrale d'achat est en position dominante par rapport à la PME. Elle tombera par conséquent sous un certain nombre de contraintes et d'obligations qui la pénaliseront sans doute. Quelle sera la réaction de la centrale d'achat ? Elle dira au patron de la PME : « Vos produits sont excellents, ils sont compétitifs, mais pour contourner les difficultés créées par la législation, pour me protéger, je


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vous demande dorénavant d'acheter à Barcelone, Turin ou ailleurs, à charge pour vous de créer un dépôt. » De ce

f ait, le chef d'entreprise subira certainement des contraintes encore plus fortes qu'actuellement.

M. Alain Rodet.

Laissons faire, laissons passer !

M. Claude Gaillard.

Second effet pervers possible : sur le déréférencement. Certains syndicats, pour ne pas sortir de la légalité, déposent un préavis de grève tous les lundis. Pourquoi les centrales d'achat ne reconduiraientelles pas automatiquement une lettre de déréférencement, chaque premier du mois ?

M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges.

Ce serait illégal !

M. Claude Gaillard.

Certes, mais une astuce du même ordre pourra être trouvée pour contourner la loi ! A travers ces deux effets pervers possibles, je voulais montrer que, lorsque nous légiférons, il faut être prudent et éviter de créer plus de difficultés que nous n'en réglons.

En outre, nous légiférons sur l'ensemble des relations commerciales, entre producteurs agricoles et distributeurs, entre fournisseurs et distributeurs, entre multinationales et distributeurs. Soit dit en passant, il ne faut pas passer sous silence le poids des multinationales : si je ne me trompe, 3 à 3,5 % des fournisseurs réalisent 64 % du chiffre d'affaires des centrales d'achat. La position dominante n'est donc pas toujours du même côté. La situation des multinationales n'est pas celle des PME.

La rédaction de ce texte, de toute évidence, a été marquée par ce qui s'est passé l'été dernier, notamment sur le marché des fruits, et on peut craindre que ce souci d'opportunité ne l'ait trop orienté, même s'il est vrai qu'il y a beaucoup à dire...

M. Alain Rodet et Mme Brigitte Douay.

Ah, quand même ! M. Claude Gaillard. En ce qui me concerne, depuis que je fais de la politique, j'ai toujours été des plus réservés sur les hypermachés. Je n'ai donc pas la foi des nouveaux convertis !

M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. Claude Gaillard.

Mais force est de constater que certains acheteurs se comportent presque comme des voyous. En particulier, la façon dont les PME sont traitées est tout à fait inimaginable. Où est l'éthique commerciale ? Les affaires laissent-elles suffisamment de place à l'éthique de comportement, à ce que M. Fabius appelait le « civisme commercial » ? Notre première réaction, face à une telle situation, est de légiférer. Mais sommes-nous sûrs que ce soit l'action la plus efficace pour traiter les problèmes ? Il ne faut pas tomber dans l'économie administrée, qui, d'ailleurs, n'a pas encore démontré sa supériorité... L'alourdissement des contraintes ne remplit pas un carnet de commandes ! Il est nécessaire de préciser et d'adapter le cadre des relations entre fournisseurs et grande distribution. Le déréférencement, par exemple, est une pratique scandaleuse et j'ai notamment déposé un amendement qui tend à interdire tout déréférencement non motivé.

Et il faut aussi se pencher sur l'abus de dépendance économique, sur les prix abusivement bas, notamment celui de l'essence, sur le renforcement des pouvoirs du Conseil de la concurence.

Il faut enfin intégrer et promouvoir la notion de qualité, essayer de mettre en pratique le concept d'agriculture raisonnée et limiter le productivisme effréné, aux effets pervers bien connus, notamment en termes d'environnement.

Quant aux délais de paiement, monsieur le secrétaire d'Etat, compte tenu de mon âge, je les ai toujours connus, car je viens du privé. Des lois ont été votées, on pouvait proposer des intérêts moratoires. Mais quand on sait ce que sont les relations commerciales, on constate que le problème n'a pas vraiment été réglé. Et même si la loi prévoit une lettre de change au bout de quarante-cinq jours, comme l'a dit le rapporteur, je crains qu'une autre astuce ne soit trouvée et que le problème ne soit toujours pas réglé.

Pour terminer, je voudrais exprimer quelques regrets.

Ce texte traduit manifestement beaucoup de bonne volonté s'agissant des relations entre distributeurs et fournisseurs et, comme tout le monde, je pense qu'il est effectivement nécessaire d'opérer un rééquilibrage, mais peu de choses sont prévues sur la réorganisation de la profession des producteurs agricoles. Or cette profession doit s'adapter à l'évolution du paysage commercial, à l'évolution du goût et du comportement des consommateurs que l'on ne peut forcer à acheter un produit dont ils ne veulent pas. Il faudrait anticiper davantage les problèmes de surproduction, voir comment instaurer une autorégulation.

Je trouve dommage que ce projet de loi n'aide pas plus la profession à se réorganiser, car le problème est tout autant structurel que législatif. C'est bien un problème de rapport de forces - c'est comme en politique, me diton ! - et il faudrait réfléchir à l'évolution de la situation.

Je pense aux plates-formes d'achat. En dehors de Carrefour et Sears qui se sont associés, Auchan et Casino sont entrés dans le cadre d'une plate-forme

« business to business » avec neuf autres entreprises de distribution internationale et, si l'on n'y prend garde, le déséquilibre sera aggravé au détriment des fournisseurs. Je regrette que l'on n'ait pas davantage travaillé sur une notion de « centrale d'offres ». En utilisant la technologie nouvelle, nous aurions ainsi permis aux petites entreprises ou aux agriculteurs de s'associer pour modifier le rapport de forces.

L'évolution du e-business sera certainement plus rapide qu'on ne le pense. J'ai été rapporteur du texte sur le statut de France Télécom en 1996 et nous nous sommes complètement trompés dans nos prévisions. M. Christian Cabal s'en souvient sans doute, s'agissant notamment de l'évolution du portable nous étions à cent lieues de la réalité.

Le commerce électronique va exploser, les comportements vont changer. Or ce projet de loi n'intègre pas suffisamment ces éléments. Il vise à corriger certains dysfonctionnements existants, alors qu'il devrait anticiper, prévoir. Je me demande si, au fond, nous ne sommes pas en retard d'une guerre ! Puisque nous allons légiférer, n'aurions-nous pas intérêt à essayer d'anticiper l'évolution commerciale - peut-être pourrions-nous procéder par amendements - pour faire oeuvre utile plutôt que de nous contenter d'un projet de loi que j'appellerai de

« bonne conscience » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean Rigal.


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M. Jean Rigal.

Ce projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques a pris corps à l'automne 1999, à la suite d'incidents dans le domaine des rapprochements bancaires, de problèmes très sérieux dans le commerce des fruits et légumes durant l'été de la même année et, surtout, de ce que l'on a appelé l'affaire Michelin, qui a proprement indigné une grande majorité de Français.

Ce texte a pour objectifs de faire respecter et d'améliorer les règles du jeu dans l'entreprise et dans les domaines financier et commercial, de concrétiser les engagements pris par le Premier ministre lors des Assises de la distribution de janvier 2000, enfin de renforcer les moyens juridiques de régulation en permettant aux autorités de contrôle intervenant dans les secteurs financier et boursier - la Commission des opérations de bourse, le Conseil des marchés financiers et la Commission de contrôle des assurances - et commercial - le Conseil de la concurrence - de jouer pleinement leur rôle d'arbitre au service d'une régulation saine et impartiale des marchés. Il vise aussi à concrétiser les déclarations gouvernementales sur la lutte contre le blanchiment des capitaux, les centres off shore et les paradis fiscaux en Europe et dans le monde.

Ce texte traite en premier lieu de la régulation des marchés financiers. Les radicaux de gauche approuvent les dispositions principales prises par le Gouvernement pour rendre plus transparentes les offres publiques d'achat ou d'échange. A ce titre, nous nous félicitons de la novation juridique et politique que constitue l'intervention des salariés, via un droit d'information et d'influence accru, dans les procédures d'offre publique. En effet, il nous semble important de revaloriser le rôle du salarié ou de l'actionnaire salarié dans ces moments cruciaux pour leur entreprise et, par conséquent, pour leur propre avenir.

M. François Patriat. Il a raison ! M. Jean Rigal. Globalement, nous nous accordons sur le bien-fondé des dispositifs qui visent à réguler le marché financier national. Mais qu'en sera-t-il de leur efficacité dans un contexte international marqué à la fois par une globalisation financière croissante, par l'hétérogénéité desr églementations boursières et par l'incapacité de la Banque centrale européenne et de la Banque mondiale à faire respecter les règles du jeu ? C'est pourquoi nous estimons indispensable que la présidence française de l'Union européenne, qui débutera en juillet prochain, mette tout en oeuvre pour faire avancer le dossier de l'harmonisation des réglementations boursières européennes. Le projet d'alliance de huit bourses européennes rend cette question cruciale. Sans une action coordonnée au niveau européen, notre loi, équilibrée et novatrice, risque de n'être qu'un coup d'épée dans l'eau.

Nous avons le même sentiment à l'égard du titre IV du projet de loi qui vise à renforcer le dispositif national de lutte contre le blanchiment des capitaux. Le gouvernement de la gauche plurielle doit poursuivre, lors du second semestre 2000, son action contre les paradis fiscaux et rallier le plus grand nombre de partenaires européens à sa cause. Certes, la question est épineuse puisque des centres off shore et des pays européens peuvent se trouver sur la sellette, mais ce risque est minime face aux menaces que le blanchiment de l'argent sale fait peser non seulement sur la stabilité du système financier, mais plus gravement sur le respect de l'Etat de droit dans nos démocraties. Le temps presse. L'Europe n'a toujours pas bougé quatre ans après l'appel de Genève, lancé par six magistrats européens, pour la mise en place d'une vérit able coopération judiciaire internationale. Lorsque l'Europe fait la sourde oreille, c'est le crime organisé, qui, lui, entend parfaitement, qui tisse sa toile et se répand.

Deuxième partie du projet de loi : la régulation de la concurrence et la moralisation des pratiques commerciales. La grande distribution française se porte bien, tellement bien qu'elle est la championne d'Europe de la concentration. Dès lors, nous nous félicitons que le Gouvernement ait agi avec célérité pour mettre un terme au diktat que certaines centrales d'achat font peser sur leurs fournisseurs et sur les distributeurs. Pour ma part, je souhaite revenir sur certains des nouveaux dispositifs prévus au titre II.

La création d'une commission des pratiques commerciales et des relations entre fournisseurs et distributeurs avait été annoncée par le Premier ministre lors des Assises de la distribution. Elle trouve aujourd'hui son aboutissement. Comme la majorité de mes collègues, je regrette cependant qu'aucun parlementaire ne siège dans cette commission. Nous doutons aussi de sa capacité à agir en pleine connaissance de cause face à la multiplication des cas de pratiques commerciales déloyales au niveau local ou régional. Telles sont les deux raisons pour lesquelles nous avons déposé un sous-amendement à l'article 28, qui vise à mettre en place des commissions régionales de m édiation des pratiques abusives présidées par un membre du conseil économique et social régional.

L'amélioration du délai de paiement des fournisseurs par leurs débiteurs a déjà été largement évoqué. Nous regrettons que les délais de paiement négociés contractuellement entre deux parties conduisent de plus en plus fréquemment à des retards de paiement. Limiter les retards de paiement, et raccourcir les délais de paiement convenus entre fournisseurs et distributeurs est une nécessité de premier ordre. Il y va de la viabilité financière et parfois même de la survie des petites et moyennes entreprises. Faut-il rappeler qu'une faillite de PME sur quatre est due à un retard de paiement ? Nous nous félicitons donc que la commission de la production et des échanges ait adopté un amendement de notre collègue Jean-Yves Le Déaut pour accélérer le règlement des fournisseurs par leurs débiteurs.

L'octroi d'un titre de paiement au créancier garanti par un établissement de crédit est une mesure nécessaire, mais p eut-être insuffisante pour rééquilibrer les relations commerciales entre les PME et les « gros » distributeurs.

C'est pourquoi j'ai déposé un amendement complémentaire visant à fixer un délai légal à quarante-cinq jours pour les paiements convenus par contrat entre deux parties et un délai de paiement de trente jours en l'absence de disposition contractuelle écrite. Ce serait, me semblet-il, un bon moyen de mettre un terme à l'abus de liberté contractuelle dans de nombreux secteurs de notre économie.

Nous approuvons aussi l'introduction dans le code de la consommation de deux nouveaux articles qui valorisent les signes officiels d'identification comme l'appellation d'origine contrôlée et les mentions valorisantes comme les expressions : « fermier » « élevé en plein air » ou « en liberté ». C'est parce que nous sommes attachés aux produits du terroir que nous avons déposé, pour le secteur de la volaille, un amendement supplémentaire visant à renforcer les liens entre le terroir, la production et la transformation, en particulier pour le lieu d'abattage.

La troisième partie du texte a trait à la régulation au sein de l'entreprise.


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Limiter le cumul des mandats des dirigeants au sein des organes de direction, c'est bien. Refuser une opération d'achat si un projet industriel et social n'est pas élaboré et diffusé auprès du comité d'entreprise et des associations de salariés-actionnaires, c'est encore bien. Mais favoriser l'émergence d'une véritable participation salariale au capital et aux prises de décision au sein de l'entreprise pour une meilleure efficacité sociale, ce serait encore mieux ! C'est pourquoi les radicaux de gauche attendent avec impatience l'élaboration, avant l'été, d'un projet de loi spécifique sur l'épargne salariale reprenant les principales propositions du récent rapport de Michel Sapin ainsi que celles du rapport Balligand-Foucauld. Bien sûr, des précautions sont à prendre. Il est hors de question, en ce qui nous concerne, que la généralisation de l'actionnariat salarié se fasse au détriment de l'emploi ou se substitue à l'augmentation des salaires.

En conclusion, nous reconnaissons que le Gouvernement a su prendre ses responsabilités en élaborant ce projet de loi sur les « nouvelles régulations économiques » qui peut servir de base de réflexion et d'action commune avec nos partenaires européens. Les radicaux de gauche y apporteront leur contribution par plusieurs amendements.

En effet, les multiples propositions visant à inscrire dans notre législation nationale certains grands principes de bonne gouvernance, à maintenir et renforcer une concurrence saine et loyale dans les pratiques commerciales sont des objectifs partagés par d'autres citoyens européens. Au-delà de ses aspects parfois trop techniques, ce texte laisse entrevoir un véritable projet de société pour demain : celui d'une société fermement décidée à lutter contre l'uniformisation des produits, des goûts et des cultures, celui d'une société qui souhaite faire du citoyen un acteur à part entière, alors qu'il est aujourd'hui trop souvent relégué au rang de simple consommateur, au mieux avisé, au pire captif.

Finalement, même si certains au sein de cette assemblée pensent le contraire, l'Etat a encore de beaux jours devant lui tellement sont nombreuses les fonctions qu'il sera amené à remplir dans un futur proche.

M. Alain Rodet.

Très bien !

M. Jean Rigal.

L'Etat régulateur, qui doit orienter, coordonner, contrôler, au nom de l'intérêt général, certaines dérives d'un marché globalisé sera demain un Etat modérateur dans les domaines où un mixage entre le maintien d'un secteur public et l'ouverture vers l'extérieur est inévitable, mais qui devra nécessairement encourager les trois pôles - public, privé, économie sociale - à agir ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Mes chers collègues, je vous demande d'être aussi respectueux que possible de votre temps de parole pour que nous puissions bien avancer dans la discussion générale.

La parole est à M. Jean Proriol, pour cinq minutes.

M. Jean Proriol.

Mon intervention portera uniquement sur les titres I et II de la deuxième partie de ce projet de loi, c'est-à-dire sur les questions de moralisation des pratiques commerciales et de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles.

D'abord, un constat. Sous l'impulsion de son rapporteur, Jean-Yves Le Déaut, la commission de la productione t des échanges a dû réécrire deux articles clés : l'article 27, relatif aux annonces de prix dans le secteur des fruits et légumes, et l'article 28 visant à mettre en place une commission d'examen des pratiques commerciales. Et ces deux articles ont même été encadrés par un article additionnel, dû à notre collègue Jean-Paul Charié, sur la définition de la coopération commerciale. Une question me brûle donc les lèvres : pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas mieux suivi les conclusions de la mission d'information sur l'évolution de la distribution adoptées à l'unanimité de ses membres ? Le virage politique à l'égard de la grande distribution était-il si difficile à négocier ? Il y a en effet un vrai malaise dans les relations c ommerciales, comme l'a révélé la crise « fruits et légumes » de l'été dernier. Cependant, si tout est parti de l'agriculture, des produits agricoles, de leur prix en grande surface et des campagnes par catégorie, la filière agricole n'est pas la seule touchée. Les petites entreprises, les fournisseurs en général, sont victimes d'un déséquilibre dans le rapport de forces, tout le monde l'a dit. Les codes de bonne conduite ne sont pas respectés, ou rarement. Les rapports ont tendance à se durcir avec des clauses « noires » contournant ou bafouant les clauses générales de vente et manifestement abusives, avec le règne de la loi du silence, l'énorme dérive de la coopération commerciale et le développement excessif des marges arrières, les centrales d'achat les plus agressives tirant vers le bas celles qui tentent de résister.

L'enjeu de la réforme est donc de trouver « la juste place du curseur pour qu'il y ait un bon équilibre entre production et distribution », selon notre rapporteur pour avis lui-même. Or je ne suis pas convaincu, madame, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce texte soit le meilleur chemin pour y parvenir. Contrairement aux propositions de la mission d'information, vous avez opté pour une réforme par sédimentation, c'est-à-dire par ajouts successifs de nouvelles infractions spécifiques, au risque d'oublier la règle générale et de déposséder le juge de son pouvoir d'appréciation.

Concernant le droit à la concurrence, vous renforcez la spécificité du droit français par rapport au droit commun autaire, lequel sanctionne de manière générale les ententes et les abus de position dominante dès lors qu'ils sont susceptibles d'entraver le libre jeu de la concurrence.

La France aura-t-elle les moyens de lutter seule contre le mouvement actuel de concentration, mouvement exceptionnel et même de dimension mondiale, mais aussi contre les risques de délocalisation des achats hors de France ? Le slogan « Nos achats de produits français sont aussi nos emplois en France » garde toute sa valeur et son a ctualité. A trop encadrer l'espace de négociation commerciale, on risque de nuire aussi aux lois du marché.

Troisième remarque, le système mis en place s'apparente à une bureaucratisation des rapports entre distributeurs et fournisseurs, avec un point culminant : la possibilité pour le ministre des finances de se susbstituer aux fournisseurs et d'agir devant les tribunaux judiciaires pour demander la nullité des clauses illicites et la répartition du préjudice subi, ce qui dépasse largement le cadre de la cessation des pratiques abusives.

Mais il y a aussi les dispositions de l'article 31, lequel prévoit des contraintes pour les marques commerciales, ce qui revient à placer dans le champ réglementaire la politique de marque des acteurs économiques, au lieu de cantonner la réglementation des signes d'identification à son domaine et aux interprofessions. Nous risquons ainsi de verser dans l'économie dite administrée.

Deux remarques, enfin, avant de conclure.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 25 AVRIL 2000

Les PME s'inquiètent du caractère répressif des dispositions fournisseurs-distributeurs, qui peuvent se retourner contre elles. La solution, préconisée par Alain Madelin cet après-midi, d'une autorité indépendante qui fasse des propositions et tranche eût été préférable.

L'opposabilité des schémas de développement commercial est introduite après l'article 29. Il me semble qu'elle aurait mieux trouvé sa place dans le schéma de cohérence territoriale et dans le projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbains.

Je termine comme j'ai commencé, en me référant aux travaux de la mission d'information sur l'évolution de la distribution qui indiquait explicitement : « La mission d'information ne souhaite pas que l'ordonnancement législatif et réglementaire existant soit bouleversé (...). Sa philosophie est (...) de modifier de manière mineure la loi pour donner les outils nécesaires aux acteurs de la filière. »

Je n'ai pas retrouvé dans le texte la justesse de cette approche, et les nouvelles contraintes introduites sont loin de garantir l'application effective de celles qui existent déjà, deux d'entre elles en particulier : le respect absolu de l'interdiction de vente à perte, tant du côté distributeur que du côté fournisseur, et le respect de délais de paiement normaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacky Darne.

M. Jacky Darne.

Madame la présidente, madame et monsieur les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, mon intervention concerne exclusivement la troisième partie du projet de loi, celle relative au droit des sociétés commerciales.

Depuis une petite dizaine d'années, nombre de rapports émanant soit des milieux d'entreprise, soit de parlementaires ont été publiés sur ce thème. Les noms de Doucet, Pébereau, Viénot, Badinter, Dailly, Marini, pour ne citer que ceux dont les travaux ont eu le plus d'écho, témoignent de la nécessité ressentie de modifier notre droit des sociétés. N'en déplaise à M. Madelin, ils n'ont pas considéré comme inutile de légiférer sur ce sujet.

Cette nécessité trouve principalement son origine dans la confrontation de notre droit positif à l'évolution économique du monde, marquée ces dernières années par la forte croissance du nombre et de la taille des entreprises de dimension mondiale. Aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, des travaux voisins ont été conduits récemment, même si certains thèmes sont très anciens puisque c'est dès 1932 que Berne et Means ont proposé que soient séparées les fonctions de dirigeant et d'actionnaire.

Quels sont aujourd'hui, en France, les principaux points évoqués comme justifiant l'évolution de notre droit des sociétés, ceux censés faire apparaître un décalage entre notre législation et l'attente d'actionnaires qui ne s'embarrassent guère de frontières ? Il y a d'abord le thème du formalisme, de la rigidité, de la rigueur pénale de nos textes, opposé à la souplesse nécessaire des affaires, à l'approche contractuelle et aux actions civiles qui en sont la conséquence.

Il y a ensuite le thème de notre système de gouvernement des entreprises, considéré souvent comme archaïque car peu lisible. Sont ainsi évoquées les participations croisées et la sociologie d'un milieu économique où les administrateurs se tiennent par la barbichette. J'en donne deux exemples. Les administrateurs d'Air liquide exercent vingt mandats dans d'autres sociétés du CAC 40. Les membres du directoire ou du conseil de surveillance d'Axa sont présents dans trente-cinq sociétés, elles aussi cotées au CAC 40.

On peut y ajouter la bizarrerie de la très forte représentation des grands corps dans nos conseils d'administration : les X ou les énarques sont titulaires de 45 % des mandats détenus par des Français dans les principaux groupes et de 100 % dans certains d'entre eux. Cela tient sans doute à notre histoire industrielle et à l'importance des entreprises nationalisées, induisant le passage des cadres dirigeants de l'Etat au secteur industriel. Il n'empêche que cela jette un doute sur notre système de gouvernement des entreprises.

L'évolution de ces thèmes conduit évidemment au reproche de l'opacité trop fréquente de la gestion des entreprises françaises par rapport à la transparence attendue. Cela vise aussi bien les droits des actionnaires minoritaires et la publication des rémunérations que l'absence dans notre droit commercial d'une législation des groupes de sociétés ou encore le fonctionnement des comités spécialisés. Je rappelle que les comités d'audit comme les comités de rémunération vident, dans de nombreux cas, le conseil d'administration de son pouvoir.

Ces analyses, qui justifient certes le projet de loi, masquent en réalité une compétition plus importante.

L'histoire du fonctionnement et du financement des économies américaine et anglaise permet de comprendre comment s'est développée dans ces pays une approche essentiellement contractuelle des sociétés commerciales.

La théorie de l'agence, d'origine américaine, naît dans ce contexte. C'est elle qui justifie une certaine forme de gouvernement des entreprises. Celui-ci peut être décrit sommairement comme l'exercice du pouvoir par des dirigeants délégués par des actionnaires pour gérer la société

Mais ces dirigeants pouvant ensuite défendre d'autres intérêts que ceux des actionnaires, il doit exister un autre pouvoir, un pouvoir de contrôle, celui du conseil d'administration, et il faut assurer une grande transparence de la gestion : c'est une garantie pour les actionnaires. Tel est le modèle que l'on voit fonctionner dans ces pays.

En face, si ce n'est à l'opposé, l'Allemagne a une approche des sociétés commerciales beaucoup plus institutionnelle. Philippe d'Iribarne, cité par Peyrelevade dans son livre sur Le Gouvernement d'entreprise, l'exprime assez bien en quelques phrases : « Dans les pays scandinaves, aux Pays-Bas et dans les pays de culture germanique, les diverses parties - entreprises, actionnaires, syndicats - élaborent des compromis dans un esprit de conciliation, ce qui favorise les formes collégiales du gouvernement. En France, chacun défend son point de vue jusqu'au bout et le compromis est aisément tenu pour une compromission.

Le patron autocrate, chef de bataille, s'inscrit bien dans cette tradition. »

Même si le propos peut être jugé caricatural, il pointe un des enjeux de notre évolution. Notre loi des sociétés de 1966 prenait pour une part appui sur la législation allemande, par exemple en proposant la séparation du directoire et du conseil de surveillance. Le texte que nous votons aujourd'hui marque à l'évidence des avancées, mais je crains qu'il ne soit aussi celui d'un renoncement.

Faute d'avoir su construire, en Europe, un modèle social dont la société commerciale européenne aurait été le bon symbole, même si nous savons que la Grande-Bretagne n'aurait pu l'accepter, nous nous plaçons dans le modèle anglo-saxon, marqué par l'approche contractuelle et par la


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suprématie du marché financier. La montée en puissance spectaculaire des fonds de pension ne peut que renforcer cette suprématie.

Sans doute ne pouvons-nous faire mieux. Plusieurs ont cité le chiffre de 40 % de nos entreprises détenues par des investisseurs étrangers, et cela explique la difficulté de faire un autre choix. Aux Etats-Unis, c'est seulement 5 % de capitaux étrangers, au Japon 8 %, en Grande-Bretagne 16 %. Avec une fourchette de 40 à 45 % chez nous, on comprend l'étroitesse de notre marge de manoeuvre. Il est vrai que les caractéristiques de notre marché financier n'ont pas permis à notre épargne de se tourner de la même façon vers le monde industriel.

Je vois ces difficultés illustrées par une défaite récente.

L'Europe vient de perdre la bataille des normes comptables. Ce n'est qu'une bataille perdue, mais quand même. Alors que les normes européennes pouvaient s'imposer, ce sont les normes américaines qui deviennent la référence mondiale. Quand on sait l'enjeu que représente l'information financière, c'est plus qu'un symbole.

Je ne suis pas sûr que le monde puisse échapper à cette forme unique de gestion des entreprises et à cette application des mêmes critères de gestion, mais je souhaite que Gouvernement et Parlement puissent procéder à une expertise de la capacité européenne de promouvoir un modèle différent, même s'il ne peut être en complète contradiction avec le premier.

Jean Peyrelevade, encore lui, écrivait dans un ouvrage publié chez Economica en 1999 : « Les idées du Financial Times régneront sans partage sur la presse économique mondiale et les gestionnaires de Wall Street sur la bourse de Paris. » Et il terminait son chapitre en précisant

:

« Certains y voient les signes annonciateurs d'une prospérité établie. Je n'en suis pas si certain. » Moi non plus

! Dans ce contexte, le projet de loi, en ce qu'il donne aux entreprises les moyens de leur crédibilité, me paraît cependant un bon projet. La dissociation, possible etr ecommandée, des fonctions d'administration et de contrôle ; la limitation du nombre de mandats ; le renforcement de la transparence, qu'il s'agisse des conventions réglementées ou de la publicité des rémunérations ; le développement des moyens d'information et d'expertise des actionnaires minoritaires sont des mesures qui, quelles que soient les évolutions, apparaissent nécessaires. Mais les dispositions de ce texte méritent, à mon sens, d'être renforcées dans certains domaines. Nous nous y emploierons au moyen de plusieurs amendements. Pour l'instant, je me permets seulement d'appeler l'attention du Gouvernenemt sur quelques points.

Le Gouvernement a choisi de ne pas présenter une seule loi sur les sociétés commerciales mais de la fractionner en plusieurs étapes. Déjà, en juillet dernier, l'élargissement du champ de la société anonyme simplifiée s'est révélé très positif et a permis une véritable ouverture :

Mme la garde des sceaux a cité les chiffres tout à l'heure.

Mais il reste à retoiletter la SARL, à réexaminer la législation des valeurs mobilières, à finir de rendre neutre le statut fiscal et social par rapport au choix de la forme sociale et, bien sûr, à légiférer sur les groupes de société s. Il est paradoxal que les groupes soient aujourd'hui connus par le fisc grâce au mécanisme de l'intégration fiscale ; par le droit social, qui permet la constitution de comités de groupes ; par le droit comptable, qui rend obligatoire la présentation des comptes consolidés, mais soient ignorés par le droit des sociétés. Pourtant la réalité économique l'impose. Il n'était pas raisonnable d'amender ce projet pour y faire entrer une telle législation, en particulier quant à la définition des devoirs et obligations d'une société mère envers les actionnaires minoritaires et les créanciers. Néanmoins, avec le soutien du Gouvernement, nous pourrons décider que les comptes consolidés devront être approuvés par l'assemblée générale de la société consolidante ; c'est un minimum attendu par beaucoup.

Ce texte, en tout cas, permettra une évolution positive et attendue. Nous le voterons donc avec satisfaction.

( Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.

)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Paul Charié.

M. Jean-Paul Charié.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'aborde la discussion générale avec trois sentiments : l'humilité, la déception, mais aussi la détermination.

L'humilité propre à ceux qui ont travaillé le sujet depuis de nombreuses années et qui savent qu'il est grave, mais complexe.

Grave, car il s'agit de la pérennité de millions d'entreprises et de millions de travailleurs, mais complexe car, par exemple, ceux qui se plaignent des pratiques francofrançaise scandaleuses dont ils sont victimes peuvent être les mêmes qui nous disent : « Ne nous empêchez pas de développer ces pratiques. »

Complexe, car certains se font en France un malin plaisir à confondre effectivité de la loi qui organise la liberté avec sur-réglementation, dont il faut effectivement se méfier.

Il est de bon ton aujourd'hui d'opposer liberté et réglementation. Mais pendant ces débats, chers collègues, des entreprises crèvent sous le poids de leurs propres clients ! Si la moralité était en France, comme dans d'autres pays, une valeur culturelle de tous les acteurs économiques, nous ne serions pas obligés de tant légiférer. Il est toujours très compliqué d'imposer par la loi des comportements moraux, mais faut-il pour autant s'en dispenser ? L'humilité encore, car je ne nie pas que les règles franco-françaises ayant pour finalité d'amener tous les acteurs à des comportements loyaux ne régleront pas les problèmes posés par les dimensions de la nouvelle économie et par sa mondialisation. Mais au moins, auronsnous amené les acteurs français à avoir les mêmes comportements de loyauté que ceux de règle en Allemagne, en Angleterre, dans les pays du Nord, aux USA et au Japon.

Mon deuxième sentiment est la déception face à la stérilité de certains comportements politiques.

Certes, cette loi sur les nouvelles régulations économiques ne comporte pas les dispositions annoncées par M. le Premier ministre et les socialistes. Certes, beaucoup attendaient des dispositions modernes sur l'épargne salariale, sur l'actionnariat salarié, sur la réforme de l'Etat, sur la création de fonds de pension à la française.

Certes, il s'agit plus d'une loi portant diverses dispositions d'ordre économique que d'une loi relative aux nouvelles régulations économiques. Mais, vous l'avez tous reconnu et M. Madelin lui-même l'a clairement indiqué, puisque le plus important dans ce texte réside dans les dispositions sur l'ordonnance de 1986 et les pratiques commerciales, au lieu de le critiquer par question préalable interposée, nous pourrions au contraire nous y associer pour, au-delà des clivages politiques, servir les enjeux et le rayonnement des entreprises françaises, des travailleurs et des consommateurs. (

« Très bien ! sur les bancs du groupe socialiste.

)


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M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis.

Bravo !

M. Jean-Paul Charié.

Ma déception est d'autant plus grande que ce texte est, pour moi, le résultat de nombreuses années de travail. Il reprend en effet les conclusions de la mission parlementaire, laquelle a elle-même repris mes propres positions, qu'à gauche comme à droite vous avez toujours tous soutenues.

M. Eric Besson, rapporteur.

Très bien !

M. Jean-Paul Charié.

Ce texte sur le droit de la concurrence n'a pas vocation à réformer le droit ; il n'a l'ambition de changer ni l'ordonnance de 1986 ni la loi de 1996, dont je rappelle qu'elles ont été votées à l'initiative du RPR et de l'UDF, mais tout simplement de faire appliquer la loi. A mes collègues du RPR, de l'UDF et de DL qui se posent encore la question de la force de la loi vis-à-vis des pratiques commerciales et qui craignent un détournement international ou un détournement tout court, je dirai : pourquoi en Allemagne, en Angleterre, dans les pays du Nord, au Japon et aux Etats-Unis y a-t-il libre concurrence et développement des PME ? Parce que, dans ces pays modèles, il y a une loi et que cette loi est scrupuleusement respectée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Yvette Benayoun-Nakache et M. Arnaud Montebourg.

C'est l'anti-Madelin !

M. Jean-Paul Charié.

Après dix-neuf ans de mandat parlementaire, je suis sans doute un peu trop jeune député pour comprendre comment on peut voter une question préalable sur un projet de loi qui ne cherche qu'à améliorer l'application de deux lois dont nous sommes les pères et auteurs. C'est pourquoi j'ai voté contre la question préalable. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Troisième sentiment : la détermination, justifiée par la conviction de servir une grande cause au profit des entreprises du commerce et de l'artisanat, de l'industrie et de l'agriculture, et en particulier des PME.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Rappelez Madelin !

M. Jean-Paul Charié.

Si c'est au service de ces entreprises, ce ne peut être qu'au service de la nation et d'une société de progrès pour l'homme.

M. Arnaud Montebourg.

Allez réveiller Madelin, cela va mal pour ses thèses !

M. Jean-Paul Charié.

Seules l'économie de marché et la libre concurrence sont source de progrès pour l'homme.

Mais il ne peut y avoir de libre concurrence que si toutes les entreprises, y compris les plus petites et les moyennes, peuvent concourir. Il ne peut y avoir de liberté de concurrence que s'il existe un minimum de règles, de principes, et s'ils sont rigoureusement appliqués.

L'économie de marché, la libre concurrence, ce n'est pas : « Tu paies ou tu vires ! » Ce n'est pas : « Tu paies ou tu meurs ! » Ce n'est pas : « La bourse ou la vie ! » C'est pourtant ce qui se passe en ce moment en France.

L'économie de marché, ce n'est pas le chantage à l'emploi, le chantage à la survie. La libre concurrence, ce n'est pas : « Je vous donne de l'argent et vous excluez mes concurrents », pas plus que ce n'est le reniement de sa parole ou de ses engagements. Ce n'est pas non plus traiter ses fournisseurs en esclaves en leur faisant subir des pressions, y compris physiques - notre mission l'a montré. La libre concurrence, mes chers collègues, ce n'est pas la liberté totale.

Et à ce sujet, madame et monsieur les secrétaires d'Etat, il est scandaleux, profondément provocateur, humiliant pour le Parlement qu'une des plus grandes enseignes, Leclerc pour ne pas le nommer, qui se veut une référence, qui pèse plus de 140 milliards de francs de chiffre d'affaires, puisse dire : « Je ne détourne pas la loi, je m'assieds dessus ».

M. Eric Besson, rapporteur.

Bravo !

M. Jean-Paul Charié.

Comment, dès lors, peut-on, madame la secrétaire d'Etat, donner des leçons de moralité, des leçons de respect du civisme, de respect des règles de vie en société quand un tel leader économique français dit cela ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Le problème n'est donc pas de modifier les textes de 1986 et 1996, mais de les faire appliquer. Si la loi sur le droit de la concurrence, que nous avons tous votée, était appliquée, les agriculteurs ne vendraient pas en dessous de leur coût de revient, mais dégageraient des marges d'exploitation. Si la loi était appliquée, les PME ne seraient pas obligées de payer pour vendre leurs produits, payer pour être référencées, payer pour être en linéaire, payer pour recevoir leur propre argent ! Il n'y aurait pas de frais de coopération commerciale qui représentent jusqu'à 45 % de ce qui est facturé au client ! Il n'y aurait pas des fournisseurs qui pourraient payer l'exclusion de leurs concurrents. Car, là aussi, il faut être très clair, le comportement des grandes surfaces fournit b eaucoup d'exemples pour dénoncer les pratiques déloyales mais nous devons avoir l'honnêteté intellectuelle de reconnaître qu'elles sont aussi le fait, et souvent même au départ, des fournisseurs.

Quand on mesure, chers collègues, la compétence des PME en France ; quand on mesure la compétence, le savoir-faire et la maîtrise mondialement reconnue des agriculteurs ; quand on mesure le rayonnement de l'industrie agro-alimentaire, dont nous sommes fiers, qui s'étend dans le monde entier ; quand on mesure l'attrait des petits commerces et de l'artisanat pour les étrangers qui y voient une caractéristique de la France ; quand on mesure la spécificité de la grande distribution française qui a su, ce que les étrangers n'ont pas fait, développer deux caractéristiques, le « tout sous le même toit » et le libre-service ; quand on mesure le développement exemplaire des grands magasins, il suffirait, chers collègues, que la loi soit tout simplement appliquée, et que vous appeliez ces règles du jeu, madame et monsieur les secrétaires d'Etat, règles d'éthique, règles de morale, règles de justice, règles de civisme, règles de bonne conduite, règles interprofessionnelles, peu importe. Il ne peut y avoir de liberté sans un minimum de règles du jeu.

Bref, si la loi était respectée, les prix baisseraient en France. En 1996, on m'avait dit : « Monsieur Charié, avec votre loi sur les dispositions de seuil de revente à perte, vous ferez augmenter les prix. » Or, les prix ont

baissé. Eh bien, continuons à faire appliquer la loi : les prix baisseront, les PME embaucheront au lieu de licencier ou de déposer leur bilan, le commerce de centre-ville sera développé.

En France, le commerce de centre-ville ne concerne que 20 % du commerce ; en Angleterre où les lois sur la libre concurrence sont respectées, 70 % du commerce se fait encore en centre-ville ! Les consommateurs y gagneraient. Telles sont les vertus de l'économie de marché quand la loi est respectée. Faire respecter la loi ! Tel est


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l'enjeu ! Nous ne demandons pas d'en modifier les principes, mais d'en faire une application rigoureuse, claire et sans état d'âme.

Améliorer l'effectivité de la loi, le projet y contribue très largement à travers sept points que je vais évoquer.

M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis.

Pourquoi M. Auberger est-il contre, alors ?

M. Jean-Paul Charié.

Premier point, le ministre pourra demander cessation et amende à la place des victimes.

Pourquoi est-on obligé, en France, d'en passer par là ? Pour deux raisons qui caractérisent nos pratiques. D'une part, on ne porte pas plainte contre un client qui pèse 20 % de son chiffre d'affaires. Car même si on gagne, on perd le client. D'autre part, depuis la Seconde Guerre mondiale, force est de constater qu'on ne veut pas pratiquer la dénonciation même quand il s'agit des pratiques déloyales de ses concurrents car on assimile cela à de la délation - je le dis d'autant plus librement que mon père était chef de réseau de Résistance. Dans d'autres pays, on n'est pas obligé de légiférer autant parce que les pratiques déloyales sont dénoncées et font l'objet de plaintes de la part de concurrents ou de la presse. Compte tenu de la spécificité franco-française, le ministre doit donc avoir la possibilité de porter plainte à la place de la victime pour obtenir non seulement cessation mais amende.

Par contre, madame la secrétaire d'Etat, ce serait une erreur d'aller jusqu'à demander la répétition de l'indu et les dommages et intérêts. J'engagerai un débat avec vous sur ce point.

Deuxième point, l'augmentation des amendes. L'enjeu de ce projet de loi est d'instaurer des amendes réellement dissuasives. Enfin !

M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis.

Ecoutez, monsieur Auberger !

M. Jean-Paul Charié.

Payer 100 000 francs d'amende pour obtenir 1 à 10 millions de francs de profits, ce n'est pas très important. Tous les Français seraient d'accord de payer 100 000 francs d'amende dans ces conditions ! Mais demain, ce sera 2 millions d'euros ou 10 % du chiffre d'affaires.

Troisièmement, la spécialisation des tribunaux. Celle-ci est prévue pour mieux faire appliquer la loi. Le droit de la concurrence est un droit difficile, complexe, et pour qu'il soit bien appliqué, il faut en confier l'application à des tribunaux spécialisés. Je demande cette spécialisation depuis longtemps, nous allons maintenant la réaliser.

Quatrièmement, obtenir, et nous l'avons demandé, la réactivité et l'action du Conseil de la concurrence. Le projet de loi va dans ce sens.

Cinquièmement, développer les pouvoirs d'enquête de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Je suis un de ceux qui critiquent la DGCCRF quand ses interprétations de la loi sont différentes de la volonté du législateur. Elle a, entre autres, affirmé que les conditions générales de vente étaient négociables, ce qui est faux. En revanche, je suis de ceux qui, fiers de l'administration française, considèrent qu'elle doit disposer de moyens supplémentaires dans ce domaine, notamment celui de pouvoir visiter les entreprises pour obtenir les preuves, même si elle n'a que des indices.

Sixième point, la création de la commission des pratiques commerciales. Aux libéraux qui disent qu'il ne faut pas trop de lois, trop de règles, je réponds que la création de cette commission est la concrétisation de notre souci commun,...

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Il faut vraiment aller réveiller M. Madelin !

M. Jean-Paul Charié.

... parce qu'on ne peut pas tout mettre dans la loi. Comme la Commission des clauses abusives, la Commission des pratiques commerciales sera amenée à dire si telle ou telle pratique est conforme ou non à la loi, sous réserve, madame la secrétaire d'Etat, que ses avis aient valeur normative, sinon ils seraient inutiles.

Enfin, septième point, les encouragements très clairs aux accords interprofessionnels et aux accords de bonne conduite qui figurent dans le projet répondent aux préoccupations légitimes, celles-là, de M. Madelin.

Après les points positifs, j'en viens aux points de critique. Il ne faut ni trop en faire ni laisser des zones d'ombre. Or, vous en faites trop quand vous allez jusqu'à demander la répétition de l'indu, quand vous plaidez pour que le ministère puisse, à la place des victimes, demander les dommages et intérêts. Cela risque en effet d'avoir des effets pervers. Vous en faites trop aussi quand, plus pour des raisons politiques que pour répondre à un souci d'efficacité, vous listez un certain nombre de clauses

« noires ». Interdire, par exemple, la rétroactivité des demandes peut avoir des effets pervers, madame la secrétaire d'Etat. A partir du moment où les conditions générales de vente, c'est-à-dire les tarifs, doivent être les mêmes pour tout le monde, on peut très bien imaginer qu'à l'occasion d'une fusion, de la diffusion d'une information, un client s'aperçoive qu'il aurait dû, de façon tout à fait loyale, bénéficier de la remise ou de l'avantage que son fournisseur a accordé à un de ses concurrents.

Dans ces cas-là, il faut pouvoir exercer une pression sur le fournisseur pour que celui-ci soit tenu d'appliquer les mêmes avantages aux mêmes conditions d'achat.

J'ai cautionné les orientations du projet de loi, mais je ne cautionnerai pas le vote final de la loi si nous ne nous mettons pas d'accord sur ce point et sur les conditions générales de vente. Les parlementaires qui ont fait partie de la mission d'information ont été très clairs. Ils ont demandé au Gouvernement, avant le projet de loi, un projet de circulaire d'application pour rappeler, premièrement, que les conditions générales de vente du fournisseur ne sont pas négociables ; deuxièmement, qu'à partir du moment où les clients deviennent des prestataires de services, ils doivent avoir des conditions générales de vente de ces prestations de services ; troisièmement, qu'ils attendent un débat pour clarifier la notion de « services spécifiques ». Le législateur, en 1986 et en 1996, n'a jamais visé par là les accords de coopération commerciale concernant par exemple les têtes de gondole, les mises en avant, etc., autant de choses fallacieuses et que nous avons tous dénoncées.

Il faut, sur le point fondamental des conditions générales de vente, que nous clarifiions de façon nette le projet de loi, à l'occasion de la discussion des amendements que j'ai déposés.

Enfin, je terminerai, madame et monsieur les secrétaires d'Etat, par une mise en garde et un appel solennel.

N'attendez pas la fin du débat parlementaire et la publication des décrets d'application pour faire appliquer la législation existante. Dès à présent, en vertu soit de l'article 1er , soit de l'article 28 de l'ordonnance, vous devez ordonner par arrêté interministériel ou préfectoral la cessation de publicités ou d'opérations promotionnelles qui désorganisent le marché.


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Je pense aux tomates, aux concombres, aux fraises, aux poires, aux salades. Imaginez la situation, chers collègues, si on assiste cet été aux mêmes événements désastreux qui se sont déroulés l'année dernière ou les années précédentes !

M. Eric Besson, rapporteur.

Bravo !

M. Jean-Michel Ferrand.

Ça recommencera parce qu'aucune mesure structurelle n'est prévue !

M. Jean-Paul Charié.

Nous devons, sur ces points au moins, nous mettre d'accord. Avec la rigueur qui me caractérise et dont je suis fier, je déploierai mon énergie au sein du RPR pour soutenir votre texte, madame la secrétaire d'Etat, afin que dans l'intérêt de notre pays la loi soit enfin appliquée ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

Mes chers collègues, il est minuit.

Je constate que chacun dépasse un peu son temps de parole,...

M. Jean Ueberschlag.

M. Charié n'a pas dépassé son temps de parole.

Mme la présidente.

... mais, le débat étant fort intéressant, je ne me permets pas d'interrompre les orateurs. Je vous indique que nous nous arrêterons à l'heure réglementaire, c'est-à-dire à une heure. Nous ne pourrons donc pas terminer la discussion générale.

M. Alain Rodet.

Allons jusqu'au bout !

Mme la présidente.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le capitalisme français a toujours hésité entre deux modèles : celui du capitalisme rhénan et celui du capitalisme anglo-américain. D'après certains économistes, le modèle rhénan se caractérise par un faible nombre de sociétés cotées, des actionnaires peu nombreux et concentrés, un marché des capitaux peu liquide dans lequel la propriété et les droits de contrôle sont peu négociés, une clarté et une transparence faibles des droits des actionnaires, un système complexe de participations croisées, un environnement défavorable aux rachats hostiles et, enfin, un pouvoir bancaire fort.

En ce qui concerne le modèle anglo-américain, on observe au contraire de nombreuses sociétés cotées, des actionnaires nombreux et dispersés, un marché des capitaux liquide avec une propriété et des droits de contrôle fréquemment négociés, une clarté et une transparence des droits des actionnaires, une séparation de la propriété et du contrôle, peu de participations croisées, un environnement où les rachats hostiles sont fréquents et, enfin, un pouvoir bancaire plutôt faible.

Votre projet de loi, madame et monsieur les secrétaires d'Etat, au moins dans sa première et sa troisième parties, révèle la volonté de faire évoluer le capitalisme français d u modèle rhénan vers le modèle anglo-américain.

Contrairement à ce qu'ont pu dire un certain nombre de nos collègues qui considéraient ce projet comme technique ou sans grande envergure, je crois qu'il y a là une évolution considérable.

En effet, la figure emblématique de cette évolution, c'est l'actionnaire minoritaire, dont l'objectif pratiquement unique est la valorisation de ses actions, via les gestionnaires de fonds. Nous avons là une immense transf ormation de nos sociétés contemporaines, et pas simplement le monde de la finance, qui semblent abandonner « l'individualisme citoyen » caractérisé par l'Etat providence, l'interventionnisme keynésien et la politisation de la monnaie, pour se livrer avec quelque délice, n'est-ce pas, monsieur Darne, à l'individualisme patrimonial, qui serait une nouvelle forme du lien social, s'opérant progressivement par la globalisation financière, les fonds institutionnels, le gouvernement d'entreprise, l'indépendance des banques centrales et, bien sûr, les retraites par capitalisation.

Est-ce là un mouvement inéluctable, une progression inévitable ? Je ne l'espère ni ne le crois. En tout cas, c'est le sens de nos amendements élaborés avec certains de nos collègues du groupe ATTAC de l'Assemblée nationale.

L'inspiration commune de ces amendements vise à introduire plus de démocratie tant dans la sphère financière que dans la sphère économique. En résumé, nous proposons d'offrir aux salariés la possibilité de suspendre, voire de refuser, une OPA ou une OPE, notamment hostile, d'introduire la représentation des usagers au sein des conseils d'administration et de surveillance des sociétés assurant une mission de service public, de permettre la représentation des parlementaires, au sein de la Commission bancaire, de rétablir l'impôt de bourse sur les opérations effectuées par des actionnaires non-résidents, alors qu'il existe pour les résidents - quelle disproportion, quelle inégalité ! -, d'étendre les poursuites et les sanctions à toute personne susceptible d'être concernée par les mouvements de capitaux douteux, monsieur Montebourg, de prolonger les efforts en matière de transparence aux activités de financement des exportations pour le compte de l'Etat via la COFACE. Puisque le Gouvernement est désormais muni d'un secrétaire d'Etat à l'économie solidaire, nous proposons d'égaliser les conditions de création et de fonctionnement de produits financiers solidaires avec celles des outils financiers classiques et de créer un label garantissant le respect des normes sociales et environnementales dans les modes de production.

Les députés Verts défendront ces orientations, en espérant que ce projet de loi sera suffisamment amendé pour pouvoir être voté. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'introduirai mon propos par une série de questions. Le texte qui nous est présenté ce soir répond-il au discours de Strasbourg du 23 septembre ? Permet-il de répondre à l'émotion générale à la suite de la décisio n de F rançois Michelin de licencier 2000 salariés après l'annonce de ses résultats ? On retrouve dans les soixantequatorze articles du projet de loi des notions de droit bancaire, de droit boursier, de droit des sociétés, de droit de la concurrence, de droit commercial, mais qu'en est-il des dispositions prévues et annoncées dans ce qui devait constituer la deuxième étape de la politique du Gouvernement après le discours de Strasbourg ? Je rappelle qu'il était prévu de sanctionner le travail précaire, de distribuer un bonus-malus pour les cotisations patronales, de supprimer les aides publiques pour les entreprises qui présentent des plans sociaux. Or, de tout cela, il n'est plus question.

Une nouvelle fois, le Parlement est amené à légiférer sur un texte qui, pour l'essentiel, sauf probablement pour les dispositions relatives au droit de la concurrence, est un texte alibi, un texte de tribune pour les futures campagnes électorales, mais assurément pas le texte annoncé par le Premier ministre, par un effet d'annonce coutumier de bien des gouvernements.


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Nous avons malheureusement régulièrement recours à cette pratique qui consiste à prévoir une loi dès qu'un é vénement est médiatisé. Nous l'avons constaté en d'autres temps et sous d'autres cieux. C'est à nouveau le cas avec ce texte qui réglemente, modifie, amende, rectifie mais n'introduit certainement pas de nouvelles régulations économiques.

Seconde série de questions : le contenu du projet de loi correspond-il bien à son titre ? S'agit-il réellement de nouvelles régulations économiques ? Qu'ont-elles, ces dispositions, de nouvelles ? Il s'agit avant tout de réglementer, de corriger, comme je le disais tout à l'heure, des dispositions de la loi de 1966, des dispositions relatives au droit de la concurrence de l'ordonnance de 1986, des dispositions relatives au droit bancaire ou au droit boursier. Réglementation, oui ! Régulation, très peu, pour ainsi dire pas du tout.

Ce texte aborde-t-il les vraies questions que soulèvent la mondialisation et la régulation des effets pervers liés à la globalisation des échanges ? Y a-t-il une nouvelle répartition du revenu primaire, comme l'avait souhaité Dominique Strauss-Kahn dans une intervention prononcée lors de l'examen de la loi de finances et restée célèbre ? Y a-t-il des dispositions relatives à l'épargne salariale ? Le ministre de l'économie et des finances nous l'a promis.

Nous verrons bien le moment venu.

Y a-t-il dans ce projet de loi une inflexion du capitalisme et un nouveau partage entre salaire et capital ? Là aussi, l'annonce en a été faite par le Premier ministre en son temps. Je ne vois aucune disposition de la sorte dans le projet de loi.

Y a-t-il un droit de la concurrence renforcé, avec des autorités de contrôle puissantes, dotées des moyens nécessaires pour exercer leurs missions, comme il en existe dans différents pays, notamment aux Etats-Unis ? Y a-t-il la recherche - pourquoi pas ? - d'un marché pur et parfait, si l'on est un libéral, ou d'une nouvelle organisation du système productif ? Là non plus, je ne vois aucune disposition en ce sens dans le projet de loi.

Enfin, y a-t-il une réflexion sur la régulation de nouveaux marchés comme l' e-business , ou le marché lié à la net economy ? Il n'est question de rien de cela dans le projet de loi qui nous est présenté par le Gouvernement.

Nous nous trouvons devant un texte fourre-tout comprenant un certain nombre de dispositions extrêmement complexes qui ne simplifieront pas les choses. Pour respecter mon temps de parole, je ne prendrai qu'un seul exemple : à l'article 61 relatif à la prévention des conflits d'intérêt, il est prévu la même disposition pour toutes les conventions signées entre la société et un de ses dirigeants. En d'autres termes, à partir de l'entrée en vigueur du projet de loi, tous les dirigeants des centaines de filiales de l'entreprise Bouygues devront signaler au conseil d'administration qu'ils utilisent un téléphone de la société Bouygues puisqu'il existera à l'évidence un intérê t entre la société et ses dirigeants.

Enfin, plus globalement, ce dispositif, qui relève plus d'un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier pose une nouvelle fois la question de la stabilité de la norme de la sécurité juridique et des conséquences qu'engendrent les modifications incessantes de notre réglementation, la première de ces conséquences étant l'inégalité des Français devant la loi puisque, aujourd'hui, il faut pouvoir se payer le concours d'avocats et de conseils pour pouvoir connaître le droit applicable - ou pouvoir le détourner, pour reprendre les propos de notre collègue Charié.

Pour l'UDF, la vraie régulation économique aurait réclamé un projet de loi d'une tout autre nature, en dépit des efforts de notre rapporteur pour essayer de redonner une architecture à l'ensemble qui nous est proposé. Il y aurait été bien entendu question de l'épargne salariale.

M. Jean-Pierre Balligand.

Cela va venir !

M. Hervé Morin.

Espérons-le, monsieur Balligand ! Espérons que le fruit de votre travail trouvera sa consécration ici même, dans cette assemblée.

M. Alain Rodet.

Et le dialogue !

M. Hervé Morin.

Le premier élément de ce projet de loi aurait été des dispositions en faveur de l'épargne salariale, de l'actionnariat salarié, car c'est le meilleur moyen pour permettre aux salariés de se faire entendre et de participer aux décisions de l'entreprise.

Deuxième élément : le Conseil de la concurrence aurait eu des pouvoirs considérables pour pouvoir agir sur le droit de la concurrence et pour condamner les situations abusives en tout genre : abus de position dominante, situations de monopole, etc.

Je ferai deux remarques qui montrent que nous sommes, en la matière, en retrait par rapport à nombre de pays, et notamment par rapport aux pays anglosaxons.

La France est probablement le pays occidental où la concentration des grandes surfaces - dont parlait notre collègue Charié - est la plus importante. Pourtant, personne, au sein de ce gouvernement comme à Bruxelles, ne s'est opposé à la fusion entre Carrefour et Promodès.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Mais si !

M. Hervé Morin.

Non, madame la secrétaire d'Etat ! La fusion est devenue effective, alors que, pour Microsoft, pour ne prendre que cet exemple, des décisions ont été aussitôt prises par les pouvoirs publics américains pour modifier les choses.

Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Vous n'êtes pas au courant !

M. Hervé Morin.

Prenons un autre exemple : celui des grands cabinets d'avocats puisqu'ils font actuellement l'objet d'une étude. Les Etats-Unis sont le seul pays où la fusion des grands cabinets d'avocats américains a été refusée. Rappelerai-je, madame la secrétaire d'Etat, que les cinq plus grands cabinets d'avocats américains détiennent 90 % du marché des sociétés cotées sur la place de Paris et en Europe ? Je n'en déduis rien sur les Etats-Unis, mais cela prouve la nécessité de renforcer le pouvoir des instances chargées du contrôle de la concurrence pour éviter les situations monopolistiques ou de position dominante.

Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Nous sommes d'accord !

M. Vincent Peillon.

Il faut réveiller Madelin pour qu'il entende cela !

M. Hervé Morin.

Troisième élément : l'UDF aurait souhaité également qu'il y ait une refonte et un toilettage complet à la fois de la loi de 1966 - que tout le monde attend - et de la loi sur le droit des sociétés.

Par ailleurs, cela fait quinze ans, madame et monsieur les secrétaires d'Etat,...


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Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Nous n'avons pas toujours été au pouvoir !

M. Hervé Morin.

Vous l'avez plus été que la droite sur les vingt dernières années !

M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis.

Mais pas sur les cinq dernières années !

M. Hervé Morin.

Cela fait quinze ans, disais-je, que nous souhaitons voir aboutir la société de droit européen, la société européenne, qui permettrait d'éviter un certain nombre de situations de concurrence entre les différents pays de l'Union européenne pour l'installation d'une entreprise.

On ne peut qu'être désolé de voir la fusion d'Aérospatiale, fleuron de l'industrie française, avec DASA conduire à la création d'une société de droit néerlandais.

Nous aurions souhaité que soit également définie la notion de groupe. Celle-ci semble avoir été oubliée dans ce texte alors qu'elle aurait permis de rapprocher enfin le droit des sociétés de ce qui commence à apparaître en droit fiscal.

Enfin, nous regrettons que les dimensions européenne et mondiale aient été également oubliées.

Comme j'ai de bonnes références (Sourires) , je vais citer le Premier ministre.

M. Alain Rodet.

Très bien !

M. Dominique Baert.

Excellente référence !

M. Jean-Pierre Balligand.

Ecoutons religieusement !

M. Hervé Morin.

Dans son discours de Strasbourg, celui-ci a déclaré qu'il nous fallait absolument nous penc her sur le renforcement des règles multilatérales commerciales face à la tentation de l'unilatéralisme !

M. Alain Rodet.

C'est ce qu'on appelle de la paraphrase !

M. Hervé Morin.

Je constate, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous avez cédé à la tentation unilatéraliste puisque vous abordez l'ensemble de ces sujets sous l'angle national et non sous l'angle européen qui aurait convenu.

Il est un dernier sujet qui, à notre sens, aurait dû être traité.

Mme la présidente.

Il vous faut conclure, monsieur Morin.

M. Hervé Morin.

Je terminerai là-dessus, madame la présidente. Je veux bien entendu parler du droit syndical.

Une réflexion aurait dû être menée sur les institutions représentatives du personnel et, notamment sur la place du comité d'entreprise dans le fonctionnement des sociétés. En effet, la régulation de l'économie, c'est aussi celle de la vie des entreprises. Il aurait fallu, là aussi, s'interroger sur l'ensemble des institutions représentatives du personnel, afin de délimiter les compétences respectives des délégués du personel, des délégués syndicaux et des comités d'entreprise. Nous regrettons que ces questions n'aient pas été abordées.

M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis.

Madelin est d'accord avec ça ?

M. Hervé Morin.

En conclusion, je dirai simplement que nous avons affaire à un texte alibi qui préfigure déjà la campagne présidentielle...

M. Dominique Baert.

Ah !

M. Hervé Morin.

... dans la mesure où il permettra à M. Jospin de pouvoir dire le moment venu : « Nous avons régulé l'économie et pris des dispositions pour lutter contre le capitalisme sauvage », même si le projet de loi est très éloigné du discours qu'il a tenu à Strasbourg le 27 mars dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocration française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Claude Daniel.

M. Jean-Claude Daniel.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je dois dire d'abord que j'ai plaisir à constater que la convergence qui s'était manifestée unaniment au sein de la mission sur la grande distribution a été confirmée par l'intervention de notre collègue JeanPaul Charié. Mon propos, qui porte sur les régulations de la concurrence, n'en sera que plus bref.

Entre l'économie administrée d'hier et l'impuissance publique chère aux ultralibéraux, oui, il y a place pour une économie régulée. Hier, la réglementation imposée ! Demain, une régulation concertée avec les différents partenaires. Voilà l'Etat moderne qui prend ses responsabilités pour équilibrer les forces dans l'économie et la société tant nationale qu'internationale. Mais cet Etat n'a pas pour autant le monopole de l'initiative.

Oui, le texte que nous examinons aujourd'hui crée de nouvelles régulations économiques qui s'ajoutent aux régulations déjà existantes et les complètent en attendant celles qui, nécessairement, amélioreront ou changeront le dispositif : il en est ainsi, par exemple et certains l'ont souligné - non seulement de l'épargne salariale, du code des marchés publics, mais aussi du commerce mondial, des règles de l'OMC de la place même des citoyens et des parlementaires - dans tous les actes de régulation nécessaires du commerce national et international.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Très bien !

M. Jean-Claude Daniel.

Il serait singulier de penser M. Madelin l'a fait, mais il est homme de singularité ! que la Régulation économique, avec un grand R, pourrait s'instaurer de manière unique et définitive, sous le regard de je ne sais quelle statue du commandeur. La société, les sociétés bougent, vivent, se transforment, et les règles qui les structurent ne peuvent que placer l'homme au centre du rapport à l'économie, et non le contraire. Et ces règles devront également continuer à se transformer.

En ce sens, le concept de commerce électronique, auquel a fait allusion M. Madelin, en apporte la preuve.

Ce commerce ne peut s'organiser qu'au travers de trois pôles : la production des objets, leur mise en catalogue virtuelle sur le web, et leur mise à disposition du client.

Pour n'avoir mesuré dans un premier temps que l'image de modernité du second pôle le web, la toile - et ne pas avoir pensé que montrer des objets sans être capable de les produire en nombre suffisant ou de les livrer dans un délai raisonnable détourne le client de l'acte d'achat, les premiers « e-commerces » ont connu fin 1999, en période de pointe, des difficultés notables aux Etats-Unis.

Un nombre croissant de parlementaires, de journalistes, de Français savent aujourd'hui que les grandes surfaces ont des qualités incontestables, mais qu'elles n'ont pas toutes les qualités, et que leur système, pour le moins, n'est pas que vertueux, comme nous l'a rappelé JeanPaul Charié.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 25 AVRIL 2000

Le libre-service et le « tout sous le même toit », caractéristiques et spécificités de la grande distribution française, laquelle s'exporte aujourd'hui dans beaucoup de pays, ont certes apporté beaucoup aux consommateurs. Mais des dérives graves dans les comportements de partenariat entre distributeurs et producteurs se sont développées, aux dépens d'agriculteurs, d'industriels, de grossistes, de commerçants et d'artisans, et donc aux dépens de l'emploi, de la qualité des produits, du commerce des centre-villes, des milieux ruraux, et donc finalement aux dépens de la qualité de la vie qui fixe les citoyens dans une attache forte à leur territoire.

Il ne s'agit pas aujourd'hui de diaboliser les uns et d'absoudre tous les autres. A l'évidence, si les textes qui ont été votés entre 1973 et 1996 étaient mieux appliqués et mieux respectés, nous n'en serions pas là.

La loi est claire et peut se résumer ainsi : il doit y avoir les mêmes conditions de vente pour les mêmes conditions d'achat ; les conditions de vente du fournisseur doivent être transparentes et non négociables ; des contrats écrits doivent être établis lors de rémunérations de services spécifiques, lesquel doivent être réels, bien identifiables, et ne pas créer de discriminations injustifiées ; les rémunérations et avantages, obtenus ou accordés, doivent être marginaux et avoir une portée restreinte.

Si l'administration, les tribunaux et toutes les entreprises avaient partagé le même souci d'appliquer la loi, les pratiques seraient aujourd'hui plus loyales, et il serait moins nécessaire de compléter les régulations en vigueur.

Est-il aujourd'hui acceptable, pour reprendre ce que disait Jean-Paul Charié, qu'il y ait des citoyens qui pratiquent la démocratie à plusieurs vitesses, tel ce grand distributeur, qu'on a cité tout à l'heure, qui se place aujourd'hui sur le terrain de la provocation, en instaurant des

« bons d'achat », déductibles sur certains produits, mais valables ensuite sur tout le magasin - ce faisant, il contourne la loi qui interdit la vente à perte - et a comme objectif de « reprendre l'offensive sur les prix bas » ? Ce patron déclare d'ailleurs carrément : « La loi Galland, je m'assois dessus ! » Peut-être est-ce une provocation à l'intention de ceux qui siègent sur ces bancs. Peutêtre s'agit-il d'une réalité. Il revient à l'Etat de faire respecter la loi, qui s'applique à tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Terrible logique, d'ailleurs, que celle que l'on dit « des prix bas ».

Telle autre enseigne, récemment fusionnée au nom de cette logique n'affiche-t-elle pas l'algorithme bizarre :

« 1 + 1 = moins cher ». Appliquez ce même algorithme à d'autres regroupements ou d'autres fusions. A quel absurde serions-nous conduits ? Aujourd'hui, notre analyse ne peut se limiter à la dualité production distribution, dans laquelle le citoyen désincarné n'aurait qu'un intérêt, le prix le plus bas, ce qui ferait de lui un simple consommateur détaché de son rôle conscient de citoyen.

Le débat économie de marché société de marché s'inscrit en fait dans la trilogie prodution distribution consommation.

J'illustrerai mon propos par un exemple... virtuel.

Le réalisateur de cinéma Moore - pas Michael, l'autre a fait un film décapant sur la société américaine : The Big One. Le titre se justifie de la manière suivante : le nom

« Etats-Unis d'Amérique » n'est pas convaincant. Il n'est pas « battant », il n'est pas « vendeur ». Voyez les Anglais.

Leur pays s'appelle Great Britain. Ça c'est nerveux, costaud, grand. Par conséquent, l'auteur propose de changer le nom des Etats-Unis d'Amérique en « The Big One »,

« Le Géant » ! Dans ce film, il analyse la situation d'une petite ville des USA dans laquelle une mono-industrie produit des barres chocolatées depuis plusieurs dizaines d'années, réalisant de superbes profits. Le PDG poussé par ses actionnaires, pense que le profit serait plus important encore en délocalisant la production dans un pays émergent. Des centaines d'employés sont mis au chômage. Malgré un prix de vente réduit, la consommation globale de cette barre chocolatée sur la ville, évidemment, s'affaiblit et le coût social s'alourdit.

Cette parabole, si proche, me semble-t-il, d'une réalité que nous connaissons tous et qui est très certainement franco-française, montre que le prix bas peut coûter terriblement cher socialement.

Où qu'ils soient, les femmes et les hommes qui produisent doivent pouvoir participer d'un partage équitable des richesses et, donc, des plus-values.

Le texte qui nous est proposé, madame et monsieur les secrétaires d'Etat, permet sans doute de progresser dans la triple voie qui avait été imposée, de la moralisation des pratiques commerciales, de la lutte plus efficace contre les pratiques anti-concurrentielles et du contrôle plus systématique et de manière plus transparente des concentrations. Cependant, pour s'inscrire dans le droit fil du rapport Le Déaut-Charié et donc du travail de la mission sur la grande distribution, il a semblé nécessaire à la commission de la production et des échanges de proposer des amendements à ce texte et donc de l'enrichir.

Il en est ainsi de l'interdiction des prix abusivement bas en matière de carburants au détail - afin de favoriser à nouveau la vente par ceux qui ne sont pas dans le système de la grande distribution. Il en est ainsi de la subordination des annonces de prix dans le secteur des fruits et légumes frais, hors lieu de vente, à l'existence d'un accord interprofessionnel ; de l'obligation pour l'acheteur distributeur de fournir une lettre de change lorsque le délai de paiement est supérieur à quarante-cinq jours ; du doublement de la durée minimale du préavis de déréférencement quand il s'agit des MDD, c'est-à-dire des marques de distributeurs ; de la refonte de l'article 28 portant c réation d'une commission d'examen des pratiques commerciales dites abusives et, enfin, du renforcement des pouvoirs du Conseil de la concurrence.

Peut-être aurait-il été utile de donner dans ce texte, sinon dans le texte SRU, un contenu au schéma de développement commercial et à son lien avec le schéma de cohérence territorial...

En conclusion, le texte que j'espère voir ainsi enrichi ne propose pas un nouveau droit de la concurrence mais de nouvelles régulations de ce droit. Si elles peuvent paraître à certains modestes, elles ne manqueront pas de transformer profondément, et de manière attendue, les règles de la concurrence.

Assurer le respect des acteurs minoritaires du marché, renforcer la transparence de la vie économique, doter les autorités de régulation de moyens nouveaux et efficaces, et, surtout, inscrire le consommateur dans ses droits de citoyen, tels sont les objectifs de ce texte et des amendements que nous proposons, texte et amendements auxquels je souscris bien sûr pleinement avec le groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Gilbert Gantier.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 25 AVRIL 2000

M. Gilbert Gantier.

Madame la présidente, madame, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, disposant de peu de temps, je n'entrerai pas trop avant dans le détail de ce texte ; j'y reviendrai lors de la discussion des articles.

Le titre du projet de loi que nous abordons ce soir est réellement impressionnant : « nouvelles régulations économiques ». La régulation, mes chers collègues, ce n'est pas la règle. Il y a une nuance entre les deux termes.

Si la « règle » de droit a le sens plutôt passif du texte que l'on doit observer, « régulation » renvoie au latin regulare , qui signifie « diriger », à l'instar du roi. Et comme notre Etat est de tradition dirigiste, nous pouvons penser qu'il s'agit de réaffirmer une direction de l'économie par l'Etat, direction du reste confirmée par les titres : régulation financière, régulation de la concurrence, régulation d'entreprise, plus un tout petit morceau pour le secteur public.

M. Jean-Pierre Balligand.

Et Alan Greenspan, ce n'est pas un régulationniste ?

M. Gilbert Gantier.

Quant à l'adjectif « nouvelles », il me rappelle ma jeunesse étudiante et les grands exemples internationaux que nous avons connus, à commencer par la NEP dont nous avons entendu parler sur les bancs de l'école : la nouvelle économie politique soviétique qui entendait tout organiser, de A à Z, et les plans quinquennaux...

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Vous êtes vraiment désagréable !

M. Gilbert Gantier.

Cela peut également nous rappeler le New Deal mis en place par Roosevelt pour relancer la croissance et assurer une réforme sociale après la grande crise de 1929.

M. Jean-Pierre Balligand.

Trop dirigiste, trop interventionniste, Roosevelt !

M. Gilbert Gantier.

En voyant ce titre « nouvelles régulations économiques » je me suis donc dit qu'il devait s'agir d'un projet considérable, à l'ambition énorme, qu'on allait tout reprendre, tout revoir. C'est dire ma déception lorsque je l'ai lu ! Finalement, il s'agit de peu de chose, et sûrement pas de cette totale remise en question, de cette révision fondamentale des pratiques que poursuit depuis trois ans le gouvernement Jospin et, avant lui, nombre d'autres gouvernements. Force est de constater que si ce texte est long - 74 articles -, il n'en est pas moins pauvre. Rien sur l'épargne salariale...

M. Jean-Pierre Balligand.

Cela va venir !

M. Gilbert Gantier.

Le ministre de l'économie nous a dit tout à l'heure que nous examinerions cette question à l'automne ; très bien ! Rien sur la fiscalité des stock options : j'avais pourtant cru comprendre que ce sujet divisait la majorité plurielle.

Rien ou presque rien sur le gouvernement d'entreprise.

Pour compenser l'indigence de sa pensée économique, le Gouvernement a cru bon de produire un texte fleuve et procédurier, car c'est bien de cela qu'il s'agit, en jouant au touche-à-tout sur des sujets très divers - offres publiques, statut des structures de régulation, lutte contre le blanchissement, pseudo-moralisation dans la distribution, réforme du droit de la concurrence, gouvernement d'entreprise - et en essayant de masquer son immobilisme politique par le foisonnement des articles et l'extrême technicité des mesures proposées.

L'examen en commission a d'ailleurs montré le décalage entre le Gouvernement, qui s'est contenté de présenter un fatras de procédures et de dispositions techniques sans grande logique d'ensemble, et la majorité socialiste, qui y voyait l'occasion de réaffirmer le primat de l'idéologie sur les réalités économiques et sur le marché.

En fait, il s'agit de ce que nous appelons, dans notre jargon, un DDOEF. Notre rapporteur de la commission des finances n'a d'ailleurs pas témoigné d'un enthousiasme acharné pour assurer la promotion de ce projet creux, sans mesure d'envergure, allant même jusqu'à réaffirmer sa défiance à l'égard des autorités administratives indépendantes, dont le texte n'est pourtant pas avare, et son souhait de revenir à la grande époque où la direction du Trésor administrait notre économie. Le grand soir du socialisme et de l'étatisation n'aura pas lieu... On peut le regretter, mais c'est ainsi.

Reste que ce texte est profondément anti-libéral et c'est pourquoi, pour ma part, je m'y opposerai. Il pose en principe la supériorité de la régulation par l'Etat et par ses satellites. Il s'oppose à une autorégulation par le marché ; il fait passer des considérations d'opportunité d'ordre politique avant une régulation normalisée de la concurrence. Il créé ailleurs des structures et des observatoires inutiles, aggravant, une fois de plus, cette inflation des organes administratifs dont nous souffrons tellement, la pesanteur des procédures et leur inefficacité sur le terrain.

Ce texte est en fait bâclé. La réforme du droit des sociétés qu'il propose est très incomplète et apparaît comme un patchwork indigeste des rapports Viénot et Marini, qui ont fait sourire tous les professionnels du droit.

M. Jean-Pierre Balligand.

Viénot fait sourire ?

M. Gilbert Gantier.

Le volet « gouvernement d'entreprise » enfin nous présente la société anonyme du « troisième type ». Sous prétexte de mettre fin au PDG de droit divin, on va mettre en opposition les dirigeants avec le conseil d'administration, créer une structure bicéphale tout en espérant que la société continuera de parler d'une seule voix.

Partagé entre nécessaire respect du libre jeu du marché et administration de l'économie, ce projet ne rompt pas avec les archaïsmes socialistes. (Protestations sur le bancs du groupe socialiste, ...)

Mme la présidente.

Il faut conclure, monsieur Gantier.

M. Gilbert Gantier.

... il multiplie les équivoques en mélangeant règles prudentielles et interventions d'opportunité de l'Etat sur les marchés. C'est pourquoi je ne le voterai pas ce texte ; mais je réserve mes critiques pour la discussion des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand.

Madame la présidente, madame et monsieur les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, à chaque fois que l'instabilité financière bouleverse les certitudes acquises sur l'infaillibilité des marchés, on voit ressurgir le débat récurrent qui voit s'opposer différentes conceptions de la régulation. D'un côté, ceux qui, depuis Adam Smith, font confiance à la main invisible d'un marché censé tout auto-réguler - c'est ce que M. Madelin nous a expliqué tout à l'heure ; de l'autre,


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ceux, plutôt keynésiens, qui ne lui ont jamais reconnu le pouvoir de trouver des équilibres sur le marché du travail, sur le marché des biens et des services, sur le marché des capitaux, qui coïncident naturellement avec le bien commun. A mi-distance entre ces deux approches, la régulation occupe de plus en plus de place dans les débats sur le rôle en particulier des organisations de régulation internationale. Car l'actualité récente voit se multiplier les exemples de dysfonctionnements dont il faut maîtriser les effets pervers.

Que penser en effet de la valorisation d'une partie de sociétés de la nouvelle économie et de cette bulle spéculative sur le Nasdaq qui s'est traduite par l'envolée stratosphérique des valeurs de la

« .com economy » ? Comment connaître aujourd'hui la véritable valeur d'une entreprise, d'un secteur ou même d'un pays émergent ? Le marché peine à fournir une réponse tangible. Et lorsque le marché ne sait rien sur la valeur d'un secteur, la solution du laisser-faire mène à l'instabilité, à la volatilité des prix, aux OPA inamicales, aux comportements moutonniers des investisseurs privés, lesquels s'exacerbent au moment des crises financières auxquelles il faut apporter des réponses immédiates et puissantes par des autorités de régulation.

L'instabilité fait partie des mécanismes de marché.

Keynes le disait il y a plus de soixante ans déjà et Alan Greenspan, le gourou actuel de la régulation mondiale, ne fait rien d'autre que reprendre, avec des mots différents et non sans un certain talent, les prophéties keynésiennes.

Sur le fond, qu'est-ce qui différencie la crise de la

« tulipmania » au

XVIIe siècle en Hollande de la

« .com mania » d'aujourd'hui ? Au niveau des mécanismes de fabrication d'une bulle spéculative et de propagation d es chocs financiers, pas grand-chose, il faut le reconnaître ! Si l'instabilité, la spéculation, les comportements grégaires traversent toute l'histoire du capitalisme, la régulation économique n'en devient pas pour autant une science immuable dans le temps et l'espace. Il ne faut pas se tromper sur la nature des mécanismes régulateurs d'aujourd'hui, censés contrecarrer les effets systémiques des crises financières. Les régulations économiques d'aujourd'hui ne sauraient être du même ordre que les régulations économiques d'hier.

Sur le fond, la globalisation financière change la nature du débat qui oppose les partisans de l'interventionnisme à ceux du laisser-faire. En effet, continuer d'affirmer que c'est l'intérêt individuel qui explique les comportements collectifs ou encore que c'est lui qui fixe l'intérêt collectif sont autant d'erreurs d'analyse fondamentales. La théorie de la régulation le dit très clairement : ce qui est aujourd'hui déterminant pour appréhender les mécanismes de marché, c'est l'existence des externalités. On ne peut rien comprendre aux marchés ni à leur régulation si l'on ne tient pas compte des effets des décisions individuelles sur les décisions des autres. Si de tels phénomènes existent, si l'intérêt individuel ne mène pas nécessairement au bienêtre collectif, il faut, c'est évident, des mécanismes de correction et de régulation. C'est le fondement même de la régulation économique.

Nous assistons à une nouvelle distribution des rôles dans la régulation de l'économie. Ce changement se traduit par l'apparition de nouveaux acteurs avec lesquels il faut désormais compter. Cette nouvelle donne tient au moins à trois raisons principales.

Premièrement, les économies nationales sont aujourd'hui beaucoup plus interdépendantes qu'hier. Dans des espaces régionaux intégrés tel que celui de la zone euro dont nous faisons partie, il est logique que les pays partenaires se soient placés sous l'autorité monétaire d'une u nique banque centrale, indépendante des pouvoirs publics nationaux, comme c'est du reste le cas pour presque toutes les banques centrales.

Deuxièmement, la régulation de nos économies devient un exercice de plus en plus fin, qui ne coïncide pas avec une approche dirigiste de la régulation, parfaitement adaptée à nos économies de temps où nous étions encore dans le cadre d'une économie de type administré.

Troisièmement enfin, la globalisation financière a considérablement accru le rôle des acteurs privés dans la régulation des économies. Les décisions de politique budgétaire monétaire sont aujourd'hui sanctionnées, qu'on l'accepte ou non, par les acteurs privés du marché, qui se déplacent désormais d'une place financière à une autre sans aucune contrainte réglementaire.

Venons-en maintenant aux nouvelles régulations. Je voudrais défendre l'idée que le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques nous permettra d'apporter notre pierre dans le débat international sur la régulation.

Opposés à la vision irréaliste des partisans de l'autorégulation, mais en visant un but plus ambitieux que les propositions des organisations internationales, nous posons les jalons d'une doctrine de la régulation de l'économie, dans une vision tout à la fois renouvelée, plus offensive et plus globale.

La difficulté tient au fait que, pour maîtriser les excès du marché, il faut accepter l'idée d'une régulation économique plus complexe à mettre en oeuvre, en un mot plus

« stratégique ».

Quels sont les fondements de cette nouvelle régulation ? Le premier, à l'évidence, est que le marché ne peut l'assurer seul. J'entends ici et là certains réclamer la mise en place d'une économie de marché guidée par la seule flexibilité des prix, sans y accoler la sécurité. Or il est clair que le principe de sécurité vaut aujourd'hui partout ; c'est même le point commun entre la régulation du marché des biens, celle du marché du travail et celle du marché du capital.

Le deuxième fondement est la recherche d'un compromis entre les trois formes de régulation que sont la régulation privée et la discipline de marché d'abord, la régulation par l'intervention des pouvoirs publics ensuite, et lar égulation par les autorités publiques indépendantes enfin. C'est au carrefour de ces trois sources que doivent se situer les nouvelles régulations.

Je pense sincèrement que nous devons accepter l'idée d'un mouvement de fond d'émancipation des autorités de régulation publiques, même si certains collègues s'interrogent assez souvent sur ces questions. Ce mouvement se justifie par le fait que, pour contrecarrer les effets pernicieux des marchés, il faut des règles stables d'intervention, il faut une crédibilité sans cesse accrue et par voie de conséquence toujours plus de transparence.

A ceux qui craignent un affaiblissement du pouvoir exécutif au profit des organisations indépendantes, le projet de loi dit NRE apporte de solides garanties. Si les règles de fonctionnement des autorités de régulation indépendantes sont là pour les mettre à l'abri des aléas de la politique de court terme, ces institutions n'en font pas moins partie intégrante des pouvoirs publics. Le texte fait donc progresser l'idée que la régulation indépendante représente des avantages sur une régulation plus étatique,


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dans la mesure où il prévoit davantage de transparence dans les procédures de décision et réduit par conséquent le risque de décisions arbitraires.

Le renforcement du pouvoir consultatif du Parlement à l'égard des autorités de régulation indépendantes nous donne par ailleurs de nouveaux pouvoirs, dont il va falloir nous saisir le plus totalement possible, à l'image de ce que fait le Congrès américain lorsqu'il auditionne les responsables de la Fed ou de la Sec.

Il est par ailleurs indispensable, mes chers collègues, que le Gouvernement français mette à l'ordre du jour la question de la régulation en Europe au moment où il prendra la présidence de l'Union européenne dans quelques semaines.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Très bien !

M. Jean-Pierre Balligand.

En se servant de ce texte comme base de discussion, il peut apporter une contribution importante au renouvellement de la régulation en Europe. La démarche initiée par cette loi, que certains estiment à tort modeste, peut constituer un levier important pour engager le débat en Europe autour des propositions françaises.

En matière de régulation des marchés, il faudra rapidement trouver un fondement juridique stable pour mettre en place une sorte de COB européenne qui devra superviser l'ensemble des transactions sur les places financières, lorsqu'un des projets de fusion actuellement en concurrence finira par s'imposer - et j'espère bien que c'est un projet européen qui l'emportera.

Je suis également persuadé que nous ne pourrons pas, à terme, faire l'économie d'un regroupement des autorités de régulation financière, lesquelles restent encore, pour des raisons objectives, séparées.

Mes chers collègues, le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques contribue à la réhabilitation de l'action publique comme instrument de correction des dysfonctionnements du marché. Nous pouvons infléchir le cours des choses, à condition de nous donner les bons instruments. De ce point de vue, la régulation constituera tout à la fois un guide et une réelle philosophie d'action pour l'Etat et les autorités indépendantes. Ce ne sera en rien un retour à je ne sais quel interventionnisme. De surcroît, les nouvelles régulations sont aussi un facteur de compétitivité accrue pour les entreprises françaises et pour la place financière de Paris. Ce mouvement viendra consolider l'action déjà menée par le Gouvernement pour développer l'emploi sur des bases de croissance encore plus robustes et pour créer les emplois de demain.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le titre du projet de loi, « Nouvelles régulations économiques », est particulièrement trompeur. La nouveauté, on la cherche en vain.

M. Alain Rodet.

M. Gantier l'a déjà dit !

M. Gilles Carrez.

Ce texte disparate s'alimente des fonds de tiroirs de Bercy, dans le domaine des marchés financiers comme dans celui du blanchiment de l'argent sale. Il revient pour la énième fois sur le droit de la concurrence et on ne voit pas très bien ce qu'il peut apporter de nouveau par rapport à la loi Galland dans les relations entre fournisseurs et distributeurs, producteurs et clients.

Quant à la régulation, il s'agit, mes chers collègues, d'un véritable abus de langage. Le texte multiplie les dispositions réglementaires de détail dans une sorte de fourre-tout où l'on recherche en vain une préoccupation conceptuelle d'ensemble. Ce n'est guère étonnant pour un projet de loi qui a subi tant d'avatars, dès sa genèse, en septembre dernier, en réaction aux propos réalistes mais maladroits de Lionel Jospin - « il ne faut pas attendre tout de l'Etat ou du Gouvernement, ce n'est pas par des textes de loi qu'on va réguler l'économie » -, dès sa genèse, donc, ce projet de loi a été conçu comme un dispositif de façade dissimulant l'impuissance derrière une sémantique où le mot « marché » laissait la place au mot

« capitalisme » et où la moralisation et la transparence étaient accommodées à toutes les sauces, à condition qu'elles ne s'appliquent pas à l'Etat lui-même.

Pourtant, la notion de régulation, dans une économie moderne et ouverte comme la nôtre, mérite mieux qu'une approche réglementaire et pointilliste. Je voudrais donc ouvrir ici quelques pistes qui auraient dû figurer dans un projet ambitieux. La première est celle de la participation et de l'actionnariat salarié. Quelle meilleure régulation imaginer que celle qui consiste à promouvoir la participation des salariés aux résultats et aux décisions de l'entreprise ?

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Gilles Carrez.

Cela aurait, de surcroît, comme double conséquence, la consolidation du régime de retraite par répartition et le recul des fonds de pension anglo-saxons dans la détention du capital de nos entreprises - donc, le recul, en quelque sorte, de cette mondialisation que nous dénonçons sans cesse. Sans même les discuter, votre majorité a rejeté les différentes propositions de loi de l'opposition et, sur ce sujet majeur, vous ne proposez toujours rien : toujours des promesses, toujours un renvoi aux calendes.

M. Bernard Accoyer.

C'est scandaleux !

M. Gilles Carrez.

Une deuxième piste de réflexion concerne les autorités de régulation. Votre projet de loi ne traite que le secteur financier, et de façon très limitée.

Or la multiplicité des intervenants - COB, CMF, CECEI, CCA -, la complexité et l'enchevêtrement de leurs interventions nuisent à l'efficacité de la régulation.

De surcroît, aucun contrôle démocratique n'est exercé sur ces autorités, dont l'activité échappe totalement au Parlement.

M. Jean Proriol.

Eh oui !

M. Gilles Carrez.

Quel contraste avec les Etats-Unis, patrie du capitalisme, mais où le Congrès contrôle la Securities Exchange Commission et où le juge de la concurrence démantèle actuellement Microsoft !

M. Gilbert Gantier.

Tout à fait !

M. Gilles Carrez.

Nous, en France, nous avons le marché mais nous n'avons pas la régulation et nous ne l'aurons pas davantage avec ce texte.

J'ajoute que bien d'autres secteurs d'activité que les finances appellent un renforcement de la régulation, qu'il s'agisse des transports, des télécommunications, de l'énergie, de l'audiovisuel, ou encore de la sécurité sanitaire. Et mieux aurait valu, monsieur le secrétaire d'Etat, un texte cadre fixant des principes, des orientations, que le dispositif tatillon, plus réglementaire que législatif, que vous nous proposez.

Je pense que, dans le sillage de la mission d'évaluation et de contrôle qu'a contribué à créer Laurent Fabius, il faut rapidement développer les moyens d'information et


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de contrôle par le Parlement des autorités indépendantes de régulation qui ne manqueront pas de se développer dans l'avenir.

La surveillance de nos grands monopoles publics transport, énergie -, la recherche d'une plus grande efficacité à un moindre coût pour l'usager, un meilleur contrôle démocratique constituent également un volet essentiel de la régulation économique, volet qui est, lui aussi, totalement absent de ce texte. Et je n'ai pas le temps d'évoquer la réforme de l'Etat, d'un Etat perpétuel donneur de leçons, dont il est le premier à s'exonérer.

M. Gilbert Gantier.

Très bien !

M. Alain Rodet.

A propos de réforme, c'était quoi, la loi Carrez ? Ce n'était pas cette loi qui obligeait à mesurer la superficie des appartements avec un double décimètre ?

M. Gilles Carrez.

Enfin, à force de vouloir absolument légiférer au sein de l'Hexagone, votre projet de loi ne prend pas en compte la dimension internationale de la régulation dans un marché mondialisé. Quand, par exemple, mes chers collègues, au cours du débat sur le budget 2000, certains d'entre vous ont relancé le débat sur la taxe Tobin, ils sont allés au coeur des problèmes de régulation monétaire internationale. Je ne partage pas leur optimisme sur les vertus de cette taxe, mais au moins la question de la régulation, était posée. On n'en trouve aucune trace dans le projet de loi que vous nous soumettez, alors même que s'approchent, notre collègue Balligand le disait à l'instant, la présidence française de l'Europe et la possibilité de discuter ces questions dans un cadre plus approprié.

S'il n'aborde pas les vraies questions, et pour cause, votre projet de loi a cependant un grand mérite dans sa modestie. Il s'inscrit parfaitement dans les mécanismes de marché qu'il cherche à réguler, et non plus à juguler. Le ralliement de la gauche plurielle au marché, même si elle dénonce, pour se donner bonne conscience, le « capitalisme », est le principal enseignement de ce projet de loi sans ambition. Les OPA et OPE seront de plus en plus transparentes, les concentrations de plus en plus massives, les fournisseurs de plus en plus dépendants, les monopoles publics de moins en moins efficaces, mais au moins la loi sur les nouvelles régulations aura sanctifié ces évolutions. L'imagination, l'ambition, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ne sont vraiment pas au pouvoir avec ce texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Fuchs, dernier orateur de la soirée.

M. Gérard Fuchs.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues - oui, je peux encore parler au pluriel (Sourires) -, on évoque souvent la mondialisation économique et financière. On évoque trop peu, à mon goût, la mondialisation du crime organisé. Cette mondialisation repose aujourd'hui sur trois piliers. Le premier est le trafic de drogue, avec, pour l'héroïne, le Triangle d'or - Birmanie, Laos, Thaïlande - le Croissant d'or - Afghanistan, Iran, Pakistan - et les pays andins pour la cocaïne. Deuxième pilier : la prostitution internationale, dont les racines aujourd'hui sont essentiellement dans l'ex-Europe de l'Est et l'ex-Union soviétique. Troisième pilier enfin : le grand banditisme.

Le chiffre d'affaires, au niveau mondial, de ce crime organisé est évalué, selon les experts, entre 500 et 1 000 milliards de dollars. Les profits générés sont compris entre le tiers et la moitié de ces chiffres. Comment est matérialisé ce profit ? Grâce au blanchiment. Et le blanchiment lui-même fonctionne grâce au secret : secret bancaire, secret professionnel, secret des affaires.

Lever ce secret grâce à la déclaration de soupçon à TRACFIN, tel était l'objet de la loi de 1990 pour les acteurs bancaires et financiers. Avec le projet de loi que nous discutons aujourd'hui se pose la question : allonsnous introduire d'autres acteurs, et lesquels, pour cette déclaration de soupçon ? Cela a été et cela sera, dans la discussion des articles, objet de débat.

Certains d'entre nous, dans ces travées, considèrent que la levée du secret, pour certaines professions, pourrait conduire à un risque de délation. Un expert-comptable doit-il signaler ses doutes ? Un avocat peut-il répéter les confidences d'un de ses clients ? C'est une vraie question.

Mais au risque de la délation, ne faut-il pas opposer le risque de non-assistance à personne en danger ? Les activités criminelles que j'ai mentionnées - trafic de drogue, prostitution organisée et grand banditisme - justifient aujourd'hui que l'on se pose cette question. Le silence à l eur égard met effectivement en question des vies humaines, qu'il s'agisse de la vie des paysans producteurs de drogue rackettés dans leur pays, d'un dealer-consommateur de nos banlieues ou d'une prostituée de nos centres-villes.

Alors, on me dit qu'aujourd'hui le moment n'est pas venu d'élargir la liste des acteurs à qui l'on pourrait demander de faire cette fameuse « déclaration de soupçon ». Il faut attendre la transposition d'une nouvelle directive européenne sur ce sujet. Européen convaincu, je reçois l'argument, car je pense effectivement qu'il est préférable d'agir au niveau européen dans ce domaine du blanchiment. Mais je dis quand même qu'alors il nous faut profiter du délai qui s'écoulera entre notre discussion de cette semaine et la discussion sur la transposition de la nouvelle directive pour inviter les professions potentiellement concernées à réfléchir et à présenter leurs propres propositions et suggestions avant que le législateur ne se saisisse à nouveau du sujet.

Chers collègues, à un mal nouveau, je crois qu'il faut impérativement des réponses nouvelles, et dans la mesure où l'autorégulation ne suffit pas, c'est effectivement à la régulation publique de les donner. L'argent sale n'est pas seulement aujourd'hui un scandale en termes d'inégalité sociale, je crois profondément qu'il menace à terme notre démocratie elle-même.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Mes chers collègues, compte tenu de l'heure, nous allons maintenant interrompre nos travaux.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

Mme la présidente.

J'ai reçu, le 12 avril 2000, de M. le Premier ministre, un projet de loi d'orientation sur la forêt.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 25 AVRIL 2000

Ce projet de loi, no 2332, est renvoyé à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

3 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Mme la présidente.

J'ai reçu, le 17 avril 2000, de M. Bernard Accoyer, une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions de sécurité sanitaire liées aux différentes « pratiques non réglementées de modifications corporelles » (piercing, tatouage, scarification, implants divers de corps étrangers).

Cette proposition de résolution, no 2333, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

4 DÉPÔT D'UN RAPPORT EN APPLICATION D'UNE LOI

Mme la présidente.

J'ai reçu, le 25 avril 2000, de M. le Premier ministre, en application de l'article 13 de la loi no 97-1051 du 18 novembre 1997 d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines, un rapport sur l'exercice de la pêche dans la zone côtière de la France.

5 DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

Mme la présidente.

J'ai reçu, le 25 avril 2000, de MM. Jean-Claude Sandrier, Christian Martin et Alain Veyret, un rapport d'information, no 2334, déposé, en application de l'article 145 du règlement, par la commission de la défense nationale et des forces armées sur le contrôle des exportations d'armement.

6 DÉPÔT DE RAPPORTS DE L'OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

Mme la présidente.

J'ai reçu, le 7 avril 2000, de M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, un rapport, no 2330, établi au nom de cet Office, sur les programmes multilatéraux de soutien à la recherche et à l'innovation : perspectives pour les petites et moyennes entreprises françaises.

J'ai reçu, le 12 avril 2000, de M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, un rapport, no 2331, établi au nom de cet Office, sur le contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires.

Première partie : analyse des incidents survenus à la centrale nucléaire du Blayais lors de la tempête du 27 décembre 1999 : enseignements sur le risque d'inondation des installations nucléaires.

7

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente.

Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 2250, relatif aux nouvelles régulations économiques : M. Eric Besson, rapporteur au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (rapport no 2327) ; M. André Vallini, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et d e l'administration générale de la République (avis no 2309) ; M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 2319).

A vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 26 avril 2000, à une heure.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ERRATA SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITÉ Au compte rendu intégral de la 2e séance du 19 janvier 2000 (Journal officiel, Débats de l'Assemblée nationale, no 2, du 20 janvier 2000) Page 189, 2e colonne, 2e alinéa, 2e ligne : Au lieu de :

« détachement à recruter », Lire :

« détachement et recruter ».

ÉLECTION DES SÉNATEURS Au compte rendu intégral de la séance du 26 janvier 2000 (Journal officiel, Débats de l'Assemblée nationale, no 5, du 27 janvier 2000) Page 462, 2e colonne, amendement no 14, dernier alinéa, 1re ligne : Au lieu de :

« Le deuxième de l'article », Lire :

« Le deuxième alinéa de l'article ».


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 25 AVRIL 2000

Au compte rendu intégral de la 1re séance du 2 février 2000 (Journal officiel, Débats de l'Assemblée nationale, no 7, du 3 février 2000) Page 631, 1re colonne, amendements nos 51 et 52, avantdernière ligne : Au lieu de :

« à la gestion et la comptabilité », Lire :

« à la gestion et à la comptabilité ».

Au compte rendu intégral de la 2e séance du 2 février 2000 (Journal officiel, Débats de l'Assemblée nationale, no 7, du 3 février 2000) Page 673, 1re colonne, article 32, 5o , 6o et 7o du II : Au lieu de :

« 5o Délit de la section IV du chapitre II du titre II du livre du code pénal ; 6o Délit de la section I du chapitre III du titre II du livre du code pénal ; 7o Délit de la section V du chapitre VII du titre II du livre du code pénal ; » Lire :

« 5o Délit de la section II du chapitre III du titre II du livre II du code pénal ; 6o Délit de la section II du chapitre IV du titre II du livre II du code pénal ; 7o Délit de la section V du chapitre VII du titre II du livre II du code pénal ; ».

CUMUL DES MANDATS (Nouvelle lecture) Au compte rendu intégral de la 2e séance du 8 février 2000 (Journal officiel, Débats de l'Assemblée nationale, no 9, du 9 février 2000) Page 850, 1re colonne, amendement no 7, 3e alinéa : Au lieu de :

« s'il n'est pas âgé », Lire :

« s'il n'est âgé ».

PRÉSOMPTION D'INNOCENCE (Deuxième lecture) Au compte rendu intégral de la 2e séance du 9 février 2000 (Journal officiel, Débats de l'Assemblée nationale, no 10, du 10 février 2000) Page 918, 1re colonne, amendement no 90, après le dernier alinéa, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« III. Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 154 du même code, après la référence : "63-4", est insérée la référence : "63-5" ».

Au compte rendu intégral de la 1re séance du 10 février 2000 (Journal officiel, Débats de l'Assemblée nationale, no 11, du 11 février 2000) Page 935, 1re colonne, 2e alinéa, avant-dernière ligne : Au lieu de :

« à l'alinéa précède », Lire :

« à l'alinéa précédent ».

Page 970, 1re colonne, amendement no 130, 2o , 2e ligne : Au lieu de :

« peine correctionnelle supérieure ou égale », Lire :

« peine correctionnelle d'une durée égale ou supérieure ».

Page 970, 1re colonne, amendement no 130, 3o , 2e ligne : Au lieu de :

« peine correctionnelle d'une durée égale ou supérieure à cinq ans », Lire :

« peine correctionnelle supérieure ou égale à cinq ans ».

Au compte rendu intégral de la 2e séance du 10 février 2000 (Journal officiel, Débats de l'Assemblée nationale, no 11, du 11 février 2000) Page 994, 2e colonne, 1er alinéa, 9e ligne : Au lieu de :

« aux fins de pourte », Lire :

« aux fins de poursuite ».

Page 1037, 2e colonne, V, 1re ligne : Au lieu de :

« les mots : "à la majorité" », Lire :

« les mots : "la majorité" ».

GENS DU VOYAGE (Deuxième lecture) Au compte rendu intégral de la 2e séance du 24 février 2000 (Journal officiel, Débats de l'Assemblée nationale, no 14, du 25 février 2000) Page 1307, 2e colonne, amendements nos 56 et 18, 1er alinéa : Au lieu de :

« Compléter l'article 7 par l'alinéa suivant : », Lire :

« Compléter l'article 7 par la phrase suivante : ».

ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE

ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES Au compte rendu intégral de la 2e séance du 7 mars 2000 (Journal officiel, Débats de l'Assemblée nationale, no 18, du 8 mars 2000) Page 1557, 1re colonne, article 1er , 2e ligne : Au lieu de :

« article L.

423-3-1 du code du travail », Lire :

« article L.

432-3-1 du code du travail ».

Page 1562, 1re colonne, article 6, 1re ligne : Au lieu de :

« L'article L.

123-1 », Lire :

« L'article L.

123-3-1 ».

CUMUL DES MANDATS (Lecture définitive) Au compte rendu intégral de la 1re séance du 8 mars 2000 (Journal officiel, Débats de l'Assemblée nationale, no 19, du 9 mars 2000) Page 1620, 1re colonne, article 2 quinquies, 2e ligne : Au lieu de :

« la fin du présent alinéa », Lire :

« la fin du premier alinéa ».

Page 1620, 1re colonne, article 3, dernier alinéa, 2e ligne : Au lieu de :

« ne sont applicables », Lire :

« ne sont pas applicables ».

Page 1621, 2e colonne, article 9, 2e alinéa, dernière ligne : Au lieu de :

« par ces dispositions.

A défaut d'option », Lire :

« par ces dispositions. A défaut d'option ».

Page 1622, 2e colonne, 7e alinéa, 2e ligne : Au lieu de :

« communes de 500 habitants », Lire :

« communes de 3 500 habitants ».

SOLIDARITÉ ET RENOUVELLEMENT URBAINS Au compte rendu intégral de la 3e séance du 14 mars 2000 (Journal officiel, Débats de l'Assemblée nationale, no 21, du 15 mars 2000) Page 1939, 1re colonne, 1er alinéa, 2e ligne : Au lieu de :

« aux chapitres V et VI du présent livre », Lire :

« aux chapitres V et VI du titre IV du présent livre ».

Page 1946, 2e colonne, amendement no 152, avant-dernière ligne : Au lieu de :

« à la référence : "L.

230-3" », Lire :

« à la référence : "L.

230-4" ».

Page 1958, 2e colonne, article 19, II, 2e ligne : Au lieu de :

« article L.

421 », Lire :

« article L.

421-2-1 ».

Au compte rendu intégral de la 1re séance du 16 mars 2000 (Journal officiel, Débats de l'Assemblée nationale, no 23, du 17 mars 2000) Page 2116, 2e colonne, amendement no 1429, 1re ligne : Au lieu de :

« article 30 », Lire :

« article 31 ».

Au compte rendu intégral de la 3e séance du 16 mars 2000 (Journal officiel, Débats de l'Assemblée nationale, no 23, du 17 mars 2000) Page 2280, 2e colonne, amendement no 344 rectifié, 2e alinéa, 1re ligne :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 25 AVRIL 2000

Au lieu de :

« des répartitions », Lire :

« des réparations ».

Page 2290, 1re colonne, article L.

633-4, 4e alinéa, 1re ligne : Au lieu de :

« les membres du Conseil sont de concertation », Lire :

« les membres du Conseil de concertation ».

CHASSE (Première lecture) Au compte rendu intégral de la 2e séance du 29 mars 2000 (Journal officiel, Débats de l'Assemblée nationale, no 28, du 30 mars 2000) Page 2820, 2e colonne, amendement no 79, avant-dernière ligne : Au lieu de :

« de l'unanimité des propriétaires », Lire :

« de l'unanimité des copropriétaires ».

Page 2821, 1re colonne, amendement no 80, dernière ligne : Au lieu de :

« provenant de son fonds », Lire :

« provenant de ses fonds ».

Page 2889, 2e colonne, 3e alinéa, antépénultième ligne : Au lieu de :

« une participation personnel des chasseurs », Lire :

« une participation personnelle des chasseurs ».

RELATIONS DES CITOYENS AVEC LES ADMINISTRATIONS (Lecture définitive) Au compte rendu intégral de la 1re séance du 30 mars 2000 (Journal officiel, Débats de l'Assemblée nationale, no 29, du 31 mars 2000) Page 2916, article 24, 5e ligne : Au lieu de :

« ces établissements publics », Lire :

« ses établissements publics ».

ÉLECTION DES SÉNATEURS (Deuxième lecture) Au compte rendu intégral de la 2e séance du 4 avril 2000 (Journal officiel, Débats de l'Assemblée nationale, no 30, du 5 avril 2000) Page 3041, 1re colonne, article 15, 3e alinéa, 2e ligne : Au lieu de :

« aux articles », Lire :

« des articles ».

CANDIDATURES MULTIPLES AUX ÉLECTIONS CANTONALES (Première lecture) Au compte rendu intégral de la 2e séance du 4 avril 2000 (Journal officiel, Débats de l'Assemblée nationale, no 30, du 5 avril 2000) Page 3047, 2e colonne, 1re ligne : Au lieu de :

« de l'article L.

3123-1 », Lire :

« de l'article L.

3133-1 ».

Page 3047, 2e colonne, 2e alinéa, avant-dernière ligne : Au lieu de :

« des articles L.

312-9 », Lire :

« des articles L.

3121-9 ».

VENTE DE MEUBLES AUX ENCHÈRES PUBLIQUES (Deuxième lecture) Au compte rendu intégral de la 3e séance du 4 avril 2000 (Journal officiel, Débats de l'Assemblée nationale, no 30, du 5 avril 2000) Page 3072, 2e colonne, amendement no 9, 2e alinéa, avantdernière ligne : Au lieu de :

« est fonction de la situation », Lire :

« en fonction de la situation ».

ACCORD AVEC LA SLOVÉNIE SUR L'ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION RÉCIPROQUES DES INVESTISSEMENTS Au compte rendu intégral de la 1re séance du 5 avril 2000 (Journal officiel, Débats de l'Assemblée nationale, no 31, du 6 avril 2000) Page 3116, 2e colonne, article unique, avant-dernière ligne : Au lieu de :

« le 11 février 1938 », Lire :

« le 11 février 1998 ».

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmisions

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale les textes suivants : Communication du 6 avril 2000 No E 1433. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels (produits chimiques).

No E 1434. - Proposition de règlement du Conseil modifiant l'annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (préservatifs en polyuréthane) (COM [2000] 136 final).

No E 1435. - Proposition de règlement du Conseil établissant c ertaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles transformés et prévoyant l'adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues dans l'accord européen avec l'Estonie (COM [2000] 164 final).

Communication du 14 avril 2000 No E 1436. - Projet de position commune du Conseil prorogeant et modifiant la position commune 96/635/PESC relative à la Birmanie/au Myanmar.

Communication du 18 avril 2000 No E 1437. - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la lutte contre les mines antipersonnel : Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, contribution accrue de l'Union européenne (COM [2000] 111 final).

Communication du 20 avril 2000 No E 1438. - Proposition de décision du Conseil et de la Commission relative à la conclusion du protocole à l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'Ukraine, d'autre part (COM [2000] 102 final).

No E 1439. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant, pour la septième fois, la directive 76/768/CEE du Conseil concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux produits cosmétiques (COM [2000] 189 final).

NOTIFICATION D'ADOPTIONS DÉFINITIVES Il résulte d'une lettre de M. le Premier ministre qu'ont été adoptés définitivement par les instances communautaires les textes suivants : Communication du 7 avril 2000 No E 1071 (COM [1998] 249 final). - Proposition de décision du Conseil relative à l'approbation, au nom de la Communauté européenne, du traité de l'OMPI sur le droit d'auteur et du traité de l'OMPI sur les interprétations et exécutions et sur les phonogrammes (adopté au conseil Marché intérieur le 16 mars 2000).

No E 1234 (COM [1999] 102 final). - Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CEE, EURATOM, CECA) no 259/68 fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (statut des interprètes freelance) (adopté au conseil Affaires générales le 20 mars 2000 ).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 25 AVRIL 2000

No E 1298 (COM [1999] 391 final). - Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 97/787/CE portant attribution d'une aide financière exceptionnelle à l'Arménie et à la Géorgie en vue de l'étendre au Tadjikistan (adopté au conseil Affaires générales le 20 mars 2000).

No E 1348 (COM [1999]). - Proposition de règlement du Conseil relatif à la modification du règlement (CE) no 2622/97 du Conseil portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires pour certains produits de la pêche originaires de Ceuta (alevins et juvéniles de bar et dorade, bars et dorades) (adopté au conseil JAI le 27 mars 2000).

No E 1378 (COM [1999] 703 final). - Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE concernant le système commun de taxe sur la valeur ajoutée. - Dispositions transitoires accordées à la République d'Autriche et à la République portugaise (adopté au conseil Environnement le 30 mars 2000).

No E 1379 (COM [1999] 671 final). - Proposition de décision du Conseil autorisant les Pays-Bas à appliquer un taux réduit de droit d'accises à certaines huiles minérales utilisée s à des fins spécifiques, conformément à la procédure prévue à l'article 8, paragraphe 4, de la directive no 92/81/CEE (adopté au conseil Environnement le 30 mars 2000).

No E 1389 (COM [1999] 721 final). - Proposition de décision du Conseil autorisant le Royaume des Pays-Bas à appliquer une mesure dérogatoire à l'article 11 de la sixième directive (77/388/CEE) du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (régime particulier applicable à l'or d'inve st issement) (adopté au conseil Affaires générales le 20 mars 2000).

No E 1409 (COM [2000] 29 final). - Proposition de décision du Conseil autorisant la Commission à conclure, pour la Communauté européenne, un accord sous forme d'échange de lettres avec, respectivement, le Gouvernement de la Confédération helvétique, le Gouvernement de la République tchèque et le gouvernement de chacun des pays non communautaires, parties contractantes à la convention du 20 mai 1987 relative à un régime de transit commun définissant les procédures d'extension du réseau commun de communication/interface commune des systèmes (CCN/CSI) pour chacun d'entre eux (adopté au consei l Environnement le 30 mars 2000).

No E 1410 (COM [2000] 35 final). - Proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CEE) no 737/90 relatif aux conditions d'importation de produits agricoles originaires des pays tiers à la suite de l'accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl (adopté au conseil Affaires générales le 20 mars 2000).

No E 1416 (COM [2000] 101 final). - Proposition de règlement (CE) du Conseil portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits de la pêche (morues, crevettes, surimis, grenadiers, calmars et encornets, harengs, longes de thon) (adopté au conseil JAI le 27 mars 2000).

No E 1425 (COM [2000]). - Proposition de règlement du Conseil suspendant, pour une période de six mois, le règlement (CE) no 2151/1999 du Conseil concernant l'interdiction des vols entre les territoires de la Communauté et la République fédérale de Yougoslavie, à l'exception de la République du Monténégro et de la province du Kosovo, et modifiant les règlements (CE) no 1294/1999 et no 2111/1999 du Conseil en ce qui concerne les paiements et les fournitures effectués en relation avec les vols durant la période de suspension (adopté au conseil Affaires gén érales le 20 mars 2000).

Communication du 25 avril 2000 No E 615 (SEC [1995] 1719 final). - Proposition de décision du Conseil et de la Commission relative à la conclusion d'un accord euro-méditerranéen établissant une association entre les CE et leurs Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre part (décision du Conseil du 17 avril 2000).

No E 1150 (COM [1998] 331 final). - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant le programme d'action communautaire en faveur de la jeunesse (décision du Conseil du 10 avril 2000).

No E 1267 : annexe 4 (SEC [1999] 1648 final). - Avantprojet de budget rectificatif et suppléméntaire no 5/99. - sect ion III. - Commission (arrêt définitif du Conseil du 18 novembre 1999).

No E 1344 (COM [1999] 536 final). - Proposition de règlement du Conseil relatif aux actions d'information dans le domaine de la politique agricole commune (décision du Conseil du 17 avril 2000).

No E 1390 (COM [2000] 12 final). - Proposition de décision du Conseil autorisant l'Allemagne à appliquer un taux réduit de droit d'accise à certaines huiles minérales utilisées à des fin s spécifiques, conformément à la procédure prévue par l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE (décision du Conseil du 10 avril 2000).

No E 1426 (COM [2000] 150 final). - Proposition de règlement du Conseil modifiant le réglement (CE) no 1294/1999 relatif à un gel des capitaux et à une interdiction des investissements en relation avec la République fédérale de Yougoslavie (RFY) [et abrogeant les règlements (CE) no 1295/98 et (CE) no 1607/98] (procédure écrite du Conseil du 6 avril 2000).

No E 1427 (COM [2000] 122 final). - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels [ferrochrome] (décision du Conseil du 13 avril 2000).