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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

1. Cessation de mandat et remplacement de députés nommés membres du Gouvernement (p. 3585).

2. Vote des étrangers. - Discussion d'une proposition de loi constitutionnelle (p. 3585).

M. Noël Mamère, rapporteur de la commission des lois.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 3591)

Exception d'irrecevabilité de M. José Rossi : MM. Claude Goasguen, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Jacques Floch, Pierre Albertini, Christian Estrosi, François Goulard, Bernard Birsinger, Alain Tourret. Rejet par scrutin.

3. Ordre du jour de l'Assemblée (p. 3603).

4. Vote des étrangers. - Reprise de la discussion d'une proposition de loi constitutionnelle (p. 3603).

QUESTION PRÉALABLE (p. 3603)

Question préalable de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Julien D ray, Jean-Antoine Leonetti, Patrick Delnatte, Mme Muguette Jacquaint, M. Guy Teissier, Mme MarieHélène Aubert.

- Rejet par scrutin.

Rappels au règlement (p. 3615)

MM. Bruno Le Roux, André Aschieri, Alain Bocquet, Pierre Albertini, Thierry Mariani.

Modification de l'ordre du jour prioritaire (p. 3617)

Mme la garde des sceaux.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 3617)

M. Alain Tourret.

Renvoi de la suite de la discussion à une prochaine séance.

5. Ordre du jour des prochaines séances (p. 3618).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1

CESSATION DE MANDAT ET REMPLACEMENT DE DÉPUTÉS

NOMMÉS MEMBRES DU GOUVERNEMENT

M. le président.

J'informe l'Assemblée que M. le président a pris acte, au Journal officiel du samedi 29 avril 2000, de la cessation le 27 avril 2000, à minuit, du mand at de député de Mme Catherine Tasca et de MM. Laurent Fabius, Guy Hascoët, Jack Lang et RogerGérard Schwartzenberg, nommés membres du Gouvernement par décret du 27 mars 2000.

Par une communication, en date du 27 avril 2000, de M. le ministre de l'intérieur, faite en application des articles L.O. 176-1 et L.O. 179 du code électoral, M. le président a été informé de leur remplacement par MM. Guy Malandain, Didier Marie, André Lebrun, Michel Fromet et Joseph Rossignol.

2

VOTE DES ÉTRANGERS Discussion d'une proposition de loi constitutionnelle

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle de M. André Aschieri et plusieurs de ses collègues tendant à compléter l'article 3 et à supprimer l'article 88-3 de la Constitution et relative au droit de vote et à l'éligibilité des résidents étrangers pour les élections aux conseils des collectivités territoriales (no 2063).

Le rapport de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République porte également sur les propositions de loi : de M. Bernard Birsinger et plusieurs de ses collègues, tendant à compléter l'article 3 de la Constitution et relative au droit de vote et à l'éligibilité des étrangers n on communautaires dans les élections municipales (no 1881) ; de M. Roger-Gérard Schwartzenberg et plusieurs de ses collègues, visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux résidents étrangers non citoyens de l'Union européenne (no 2042) ; de M. Kofi Yamgnane et plusieurs de ses collègues, visant à accorder le droit de vote d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France (no 2075).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Noël Mamère, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, au nom de la commission des lois, j'ai l'honneur de demander à l'Assemblée nationale d'accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales pour les citoyens étrangers non communautaires résidant en France.

Chacun d'entre nous mesurera ici la portée que revêt le vote de cette proposition de loi des députés Verts.

En effet, pour la première fois dans cette enceinte, nous pouvons discuter de l'accession à une citoyenneté pleine et entière de deux millions d'habitants de notre pays, exclus du suffrage universel depuis trop longtemps.

L a grande majorité des résidents étrangers non communautaires qui vivent en France sont installés sur notre sol depuis de nombreuses années et se soumettent aux devoirs qui leur incombent. Mais ils n'ont aucun droit de regard sur les décisions qui touchent à leur vie quotidienne. Ils travaillent et paient leurs impôts, élèvent leurs enfants, sont présents dans les instances des établissements scolaires ou universitaires, enseignent, siègent au sein des conseils d'administration des caisses de sécurité sociale, sont délégués du personnel et militants associatifs, mais, sans le droit de vote, ils vivent un véritable apartheid politique.

La grande majorité de ces hommes et de ces femmes qui appartiennent à notre communauté nationale finiront leur vie sur notre sol mais n'auront jamais eu le droit de voter ou d'être élu sur leur lieu de vie. Au nom de quoi ? D'une préférence nationale honteuse, inspirée par la peur et les tabous de la différence, contre la préférence citoyenne pour laquelle nous nous battons au nom de la République, mais une République ouverte et généreuse.

Sans représentation politique de tous ses habitants, notre république restera orpheline de l'égalité et ne pourra décliner la liberté et la fraternité sans une certaine hypocrisie.

Où est l'égalité, en effet, lorsque, dans certaines de nos banlieues, la proportion d'habitants n'ayant pas ce droit m inimum d'expression politique peut atteindre 20 à 40 % ? Pourquoi, alors, le nombre d'élus de chacune de nos municipalités est-il calculé sur la base du nombre d'habitants et non pas sur le nombre d'électeurs ? Peutêtre pour mieux humilier ces bannis de la citoyenneté.

Parce qu'ils vivent comme un échec et une mise à l'index ce déni de citoyenneté envers leurs pères et leurs mères, les jeunes issus de l'immigration ne se sentent pas motivés pour accomplir leur devoir de citoyen et s'inscrivent peu sur les listes électorales. Cette situation


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

absurde, scandaleuse, dangereuse pour la démocratie, devrait suffire à nous décider d'y mettre fin, quels que soient nos camps politiques.

Le droit fondamental de contribuer à la construction du destin de la collectivité dans laquelle on vit, le droit d'y être reconnu et d'y participer, sont le levain de la citoyenneté, là où se forme le sentiment d'appartenance à une même communauté. Quiconque a vu les yeux brillants d'une personne privée de ce droit mettre un bulletin dans l'urne pour la première fois de sa vie comprend la signification profonde de l'acte démocratique. Comme le disait Victor Hugo : « Le suffrage universel, au milieu de toutes nos oscillations dangereuses, crée un point fixe. Et pour qu'il soit bien le suffrage universel, il faut qu'il n'ait rien de contestable, c'est-à-dire qu'il ne laisse personne, absolument personne en dehors du vote ; qu'il fasse de la cité la chose de tous, sans exception ; car en pareille matière, faire une exception c'est commettre une usurpation ; il faut, en un mot, qu'il ne laisse à qui que ce soit le droit redoutable de dire à la société : je ne te connais pas. »

Un siècle et demi plus tard, oui, un siècle et demi plus tard, notre assemblée se décide enfin à discuter de cette question longtemps considérée comme tabou. Le fera-telle dans la sérénité ? J'en doute, au regard des motions de procédure déposées par quelques-uns de mes collègues de la droite de cet hémicycle, qui visent à pourrir le débat et à faire resurgir artificiellement de vieux démons dont notre société est pourtant en train de se débarrasser.

Va-t-on porter encore longtemps comme un fardeau cette question du vote des étrangers non communautaires ? Notre vieux pays serait-il condamné à être toujours en retard d'une loi ? Depuis deux siècles, les républicains n'ont cessé de lutter pour l'égalité des droits politiques en refusant les différences fondées sur la religion, la fortune, le savoir ou le sexe. Introduire un critère de nationalité, accorder des droits à certains et non à d'autres, c'est revenir à l'idéologie aristocratique basée sur le mérite.

La démocratie ne sélectionne pas les électeurs en fonction de leur naissance. Elle implique, au contraire, que tout résident régulièrement installé, soumis à l'impôt, a u code civil et à l'obligation scolaire, puisse être représenté et participer à l'exercice du pouvoir.

Sous la pression de la société et de l'évolution des mentalités, les verrous ont sauté les uns après les autres : verrou de la fortune, avec la fin du suffrage censitaire ; verrou du sexe, qui fit de notre pays la lanterne rouge de l'Europe - loin derrière la Turquie, eh oui ! - dans l'accès des femmes au suffrage, autorisé seulement en 1946 ; verrou de l'âge, avec le vote à dix-huit ans accordé en 1974 ; verrou de la nationalité, enfin, avec l'application du traité de Maastricht sur le droit de vote des étrangers communautaires.

Même si elle s'est faite à reculons et de manière restrictive en 1998, cette nouvelle législation a créé, de facto, une nouvelle discrimination entre étrangers extracommunautaires et immigrés européens. Du coup, se trouve posé le problème de l'Europe que nous voulons. Une Europe citadelle, constituée des seuls nationaux des pays de l'Union ? Une Europe blanche et judéo-chrétienne, culturellement uniforme ? Ou une Europe ouverte, composée de ses résidents sans distinction d'origines et de religions ? Les arguments utilisés lors des débats sur cette question sont toujours restés les mêmes, et nous allons sans doute les entendre à nouveau ce matin. Ils jouent sur les fantasmes et les peurs recuites de l'opinion publique : l'intégrisme des immigrés et les risques de « déstabilisation » de notre société...

Les pays qui accordent le droit de vote et d'éligibilité aux étrangers non communautaires, comme l'Irlande, le Danemark, la Suède ou les Pays-Bas, n'ont pourtant été victimes d'aucune déstabilisation. Et si leur indépendance est remise en cause, ce n'est pas par l'accès au suffrage d'une partie de leurs habitants, mais plutôt par l'émergence d'un nouveau pouvoir, totalement incontrôlé, celui des entreprises transnationales dirigées par des actionnaires anonymes ou des fonds de pension appartenant à des retraités dont personne n'a jamais songé à vérifier la nationalité.

Le droit de vote et d'éligibilité des étrangers non communautaires est un vrai défi démocratique, parce qu'il passe outre les positions xénophobes d'une partie de l'opinion et qu'il parie sur la maturité des Français. Il suit en ce sens la même démarche démocratique qui a inspiré la gauche lorsqu'elle a aboli la peine de mort.

Nous devons, aujourd'hui, accompagner la marche en avant de la société et de la jeunesse qui en a fini avec ces frilosités d'un autre âge. Comme pour le débat sur le PACS, nous devons refuser de nous laisser enfermer dans des confrontations stériles.

Chers collègues, une fois de plus, une fois de trop, ne soyons pas à la traîne d'une opinion qui évolue dans un sens positif. Le sondage réalisé pour le compte de La Lettre de la Citoyenneté, publié à l'automne 1999, ne montrait-il pas que 52 % des Français et 73 % des jeunes se déclaraient favorables au droit de vote des résidents étrangers non communautaires ? A l'instar de la parité, de la fin du cumul des mandats ou de la proportionnelle, l'égalité des droits politiques est un des facteurs essentiels de la modernisation de la vie publique. Ouvrir ce débat est donc pleinement légitime.

A ceux qui nous accusent de l'instrumentaliser comme un chiffon rouge, je répondrai en citant cette phrase de François Mitterrand, qui n'a pourtant jamais osé franchir le pas sur cette question essentielle, une phrase prononcée en juin 1990, et que toute la gauche devrait méditer aujourd'hui : « C'est comme si vous reprochiez aux socialistes du

XIXe et du XXe siècle d'avoir "agité en permanence" les droits de la femme, les droits de l'enfant, le droit à la retraite, le droit au repos, le droit à la sécurité sociale. Ils les ont agités, en effet, jusqu'au moment où ils ont eu gain de cause ».

L'application de cette mesure de justice n'est d'ailleurs que le retour aux sources de la démocratie citoyenne, celle de 1789, où des étrangers comme Thomas Paine, le Suisse Marat ou Anarchasis Cloots, pouvaient être élus députés, où Washington et Madison, futurs présidents des Etats-Unis, pouvaient être considérés comme des citoyens à part entière.

La Constitution de 1793 indiquait dans son article 4 :

« Tout homme né et domicilé en France, âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilé en France depuis une année, y vit de son travail ; ou acquiert une propriété ; ou épouse une Française ; ou adopte un enfant, ou nourrit un vieillard ; tout étranger, enfin, qui sera jugé par le corps législatif avoir bien mérité de l'humanité est admis à l'exercice des droits du citoyen français ».

Ce sont les logiques de guerre et de défense des frontières qui ont peu à peu fusionné les notions de citoyenneté et de nationalité. C'est aujourd'hui la paix avec nos voisins, la construction d'une Europe solidaire et la


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mondialisation qui permettent à la France de renouer avec la conception universaliste de la citoyenneté et de la République.

Enfin, il nous faut parler de la dette que nous avons à solder avec l'apport historique de l'immigration à la défense de notre pays et aux valeurs de la République.

Dès juin 1790, 4 % d'étrangers pouvaient revendiquer le titre officiel de « vainqueurs de la Bastille ». Des citoyens défenseurs de la patrie en danger pendant les guerres révolutionnaires aux combattants de la Commune de Paris, des tirailleurs marocains et sénégalais aux résistants francs-tireurs et partisans de la main-d'oeuvre immigrée, dirigés par l'Arménien Manouchian, l'immigration a courageusement versé son sang pour la défense de la République et ce, bien souvent, contre des nationaux qui l'avaient trahie. Loin d'être une cinquième colonne au service de l'ennemi, les immigrés, résidents ou coloniaux, ont contribué à consolider la démocratie et les droits de l'homme au péril de leur vie. Du haut de cette tribune, qu'ils en soient chaleureusement remerciés.

Il nous faut aussi dire que, si le débat sur le droit de vote des étrangers non communautaires est redevenu possible, nous le devons aussi aux immigrés et notamment aux sans-papiers qui ont su imposer leur visibilité et leur présence politique dans l'espace public. Leur lutte légitime pour exiger « droit de cité », au sens fort du terme, est loin d'être terminée. Elle est complémentaire de la mobilisation pour l'égalité des droits de nombreuses organisations politiques, syndicales, associatives, à travers les collectifs « Même sol : mêmes droits, même voix » et « un résident, une voix ».

Le débat de ce matin doit être considéré comme un pas de plus dans un combat démocratique commencé il y a trente ans.

L'actuel Président de la République, M. Jacques Chirac, n'a-t-il pas, lui aussi, contribué positivement à ce débat, lorsque, en octobre 1977, devant une commission de la Communauté européenne, il déclarait : « un travailleur immigré est concerné par les structures sociales et économiques de la cité, au même titre qu'un Français.

Par conséquent, on pourrait parfaitement concevoir que le droit de vote, pour l'élection des municipalités, soit donné tout naturellement aux résidents et non pas aux seuls nationaux ».

Même si, par la suite, il est revenu sur cette déclaration, il est légitime que, élu d'une grande ville, le maire de Paris de l'époque ait pu être sensible à l'absence totale de représentation d'une partie de ses administrés.

Cette proposition de loi dessine aussi une autre conception de l'Europe. Je le disais tout à l'heure, ne faisons pas de l'Europe une forteresse, blanche et judéoc hrétienne, qui se retranche derrière ses frontières.

L'Union européenne doit avoir pour grand dessein de proposer un modèle nouveau d'alliances entre les peuples, elle doit être une fédération ouverte. Les seize millions d'immigrés extracommunautaires qui vivent sur notre vieux continent sont une chance pour l'Europe, parce qu'ils sont une passerelle vers le reste du monde. Les

Etats-nations doivent reconsidérer leur rôle, leur fonctionnement et leur structuration dans une Europe où la souveraineté est, de facto, plurielle et partagée.

Ce qui fonde la nationalité, au-delà de la stricte définition de la nationalité, c'est l'existence d'une communauté de vie et de travail sur un territoire commun. Le droit de vote doit donc être considéré comme un élément permettant d'accéder à une citoyenneté européenne de résidence.

La présidence française de l'Union européenne s'honorerait de mettre ce projet à l'ordre du jour. L'extension du droit de vote des immigrés non communautaires aux élections européennes irait dans le même sens.

M. le président.

Je vous prie de conclure, monsieur Mamère.

M. Noël Mamère, rapporteur.

En terminant, j'évoquerai à grands traits les principales dispositions du texte.

La synthèse s'est faite sur la base de l'examen conjoint de quatre propositions issues de la majorité plurielle : Parti communiste français, des radicaux de gauche, du parti socialiste et des Verts. Un certain nombre de traits communs s'en dégagent : il s'agit de propositions de réforme de la Constitution, procédure justifiée par la décision du Conseil constitutionnel du 9 avril 1992, corrélative au traité de Maastricht.

Notons que les quatre textes proposaient initialement de modifier l'article 3 du titre Ier de la Constitution - démarche logique puisque ce titre traite du suffrage et de l'électorat. Cette convergence s'inscrivait effectivement dans la perspective de mutation de la notion même de souveraineté.

L'amendement proposé à l'article 1er , au nom du groupe socialiste, vise à transférer le droit de vote des étrangers non communautaires au titre XII, qui traite des collectivités territoriales. Je constate que cette proposition affaiblit le sens du texte et introduit une discrimination supplémentaire entre électeurs étrangers communautaires et extracommunautaires.

La proposition des députés Verts était également plus étendue quant à son champ d'application puisqu'elle concernait les élections cantonales et régionales qui, comme les élections municipales, ne touchent pas directement aux fonctions régaliennes de l'Etat et concernent la vie quotidienne des citoyens dans les domaines de l'éducation ou de la politique de la ville. Une version restrictive a donc été adoptée à la majorité de la commission.

Il nous faut tout mettre en oeuvre pour que ce texte soit discuté et voté avant les élections municipales de 2001.

Par son unité et sa détermination, la gauche prouvera, une fois de plus, que seule la volonté politique permet de réaliser de réelles réformes de société.

J e conclurai, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en réaffirmant ma conviction que, ce matin, notre Parlement renoue avec le meilleur de sa tradition, celle de l'émancipation démocratique.

Le droit de vote est un signal fort que la République se doit de donner à tous ceux qu'elle accueille sur son territoire. Pour donner un sens à l'aspect universel du suffrage, il convient de renouer avec l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme. La démocratie signifie que les hommes sont nés libres et égaux parce que, pour reprendre Jean-Paul-Sartre dans Les Mots, rien ne sépare les humbles des puissants : chacun est « tout un homme, fait de tous les hommes, et qui les vaut tous, et que vaut n'importe qui ».

A cet instant plus qu'à aucun autre, j'ai le sentiment d'assumer mon travail d'élu du peuple, d'élu d'une France qui est grande, au-delà de sa puissance, par l'éclat des idées, des causes et de la générosité qui l'ont emporté au moment décisif de son histoire contre les forces du conservatisme et de l'obscurantisme.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le droit de vote et l'éligibilité des résidents étrangers : voilà incontestablement une question qui, depuis de nombreuses années, et aujourd'hui encore, suscite des réactions contradictoires. Je n'en suis ni surpris ni choqué car l'enjeu est essentiel : nous touchons là à ces convictions qui sont constitutives de nos consciences politiques respectives.

Je voudrais vous dire simplement, en quelques mots, de quelle façon j'aborde et de quelle façon je souhaite que nous abordions ensemble ce débat : avec passion - pourquoi pas ? - mais aussi avec sérénité, et cela me semble possible sous réserve que chacun s'exprime sur le texte qui nous est soumis, sans arrière-pensée, et non pas sur des fantasmes ou des enjeux qui n'ont rien à voir avec l'article unique de la proposition de loi.

M. Bruno Le Roux.

Très bien !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Car le texte que nous examinons est généreux, comme doit l'être la République, et il est également, compte tenu des modifications apportées par la commission des lois, respectueux de ses principes essentiels, et notamment de sa souveraineté.

Oui, c'est un texte généreux, comme doit l'être la République. Une République qui resterait fermée, fril euse, tournée vers le passé n'a pas de sens. La République ne peut être qu'ouverte, accueillante, audacieuse, toujours prête à se moderniser.

Personnellement, j'ai toujours pensé que, dans cet esprit, il faudrait nécessairement accorder le droit de s'exprimer, sur le plan local, aux étrangers qui résident sur notre sol depuis un certain temps. Mais encore faut-il préciser de qui nous parlons et pourquoi il nous semble juste de pouvoir les qualifier de « concitoyens ».

De qui parlons-nous ? Je suis parfois surpris des réponses qui sont apportées à cette question. Nous parlons de ces hommes et de ces femmes « attachés à leurs racines mais insérés dans nos cités », comme l'a écrit le rapporteur, et que nous sommes allés chercher, le plus souvent il y a de nombreuses années, dans des pays parfois lointains, parce que nous avions besoin d'eux. Leurs enfants sont français, leurs petits-enfants parfois aussi, mais eux ne le sont pas car ils sont nés ailleurs, même si nous savons tous que leur présence en France n'est pas provisoire et que c'est sur notre sol, qui n'a pas toujours été aussi accueillant qu'il aurait dû l'être, qu'ils finiront leurs jours.

Pourquoi leur accorder le droit de vote aux élections locales ? Pour de nombreuses raisons.

Par reconnaissance, un peu, car de leur déracinement, du manque de repères de leurs enfants, des difficultés qu'ils rencontrent, plus que d'autres, dans leur vie quotidienne, nous sommes, à tout le moins, redevables ! Pour leurs enfants, ensuite, à qui nous demandons de s'intégrer, de respecter les lois de la République, mais qui ont du mal à s'imprégner de cette citoyenneté qui s'arrête aux limites de leur cadre familial et qui ne comprennent pas pourquoi leurs parents continuent de dépendre, y compris dans leur vie quotidienne, de règles sur lesquelles ils ne sont pas consultés.

Pour que vive et s'épanouisse notre démocratie locale, enfin, ce qui suppose la participation de tous les habitants de nos communes et ce qui implique, en sens inverse, que les élus s'intéressent à chacun d'entre eux. Le fait qu'ils soient tous électeurs ne pourra qu'inciter davantage les élus à s'intéresser à eux.

J'ai toujours été favorable à cette réforme, au demeurant déjà mise en oeuvre en 1992 pour les ressortissants de l'Union européenne et pour l'ensemble des étrangers chez plusieurs de nos voisins, comme le recommandent d'ailleurs le Conseil de l'Europe et le Parlement européen.

Les députés Verts ont pris l'initiative de faire figurer à notre ordre du jour cette proposition, et je salue leur démarche. Mais cette proposition est aussi un texte respectueux des principes constitutifs de la République. Bien sûr, la générosité et la modernité font partie de ces principes, mais il en est de même du lien entre la souveraineté et la nationalité, et c'est pourquoi, lorsque j'affirme que ces principes ne sont pas affectés, je me fonde sur le texte issu des travaux de la commission des lois.

S'il fallait résumer les résultats de nos travaux, je le ferais en deux phrases : nous disons oui à la reconnaissance d'une « citoyenneté multiple » dont la composante locale serait, sous certaines conditions, déconnectée de la nationalité ; mais nous disons non à la reconnaissance d'une « souveraineté multiple » à laquelle pourraient participer des personnes qui n'ont pas la nationalité française. Sur le plan juridique, nous approuvons en conséquence la reconnaissance du droit de vote et d'éligibilité des étrangers. Nous le faisons cependant pour les seules élections municipales, qui ne participent pas de la souveraineté, mais qui constituent le coeur de nos démocraties locales.

Dans le même esprit, nous avons écarté la possibilité pour une étranger d'être maire, adjoint au maire ou électeur sénatorial.

Ainsi, nous faisons également prévaloir un autre grand principe républicain, celui de l'égalité, puisque nous proposons tout simplement d'accorder aux étrangers non communautaires les mêmes droits que ceux que nous avons reconnus en 1992 aux ressortissants des pays de l'Union européenne.

Mes chers collègues, ce texte n'est donc pas pour moi un « compromis », encore moins une provocation. Et nous, élus du peuple, nous devons avancer au même rythme que la République. Je ne crois pas qu'au terme de nos débats nous parviendrons à un consensus. Mais je voudrais que ceux qui étudieront, demain, les grands moments du Parlement et de la République et qui ne pourront pas faire l'impasse sur la lecture du Journal officiel des débats du 2 mai de l'an 2000, puissent trouver, dans nos échanges, le témoignage d'une assemblée respectueuse des opinions contradictoires des uns et des autres, et ambitieuse pour la République, que nous voulons à la fois moderne et sûre de ses valeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je rappelerai en préambule que le débat sur le vote des ressortissants étrangers aux élections municipales a une longue histoire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

Dès 1977, le Parti socialiste proposait d'accorder le droit de vote aux étrangers aux élections municipales.

Cette proposition servait de fondement à l'article 80 de la plate-forme présidentielle de François Mitterrand, plateforme dite « des 110 propositions ».

M. Rudy Salles. De triste mémoire ! Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. Cet engagement en faveur du vote des étrangers aux élections municipales a été une constante de la gauche. Chacun reconnaissait cependant que c'était là une mesure à l'époque impopulaire et qu'il restait à accomplir un grand effort de pédagogie pour faire comprendre que le droit de vote des étrangers aux élections municipales se situait dans le droit fil de la République et des évolutions en Europe.

Depuis lors, cette pédagogie n'a pas cessé et le débat a lentement mûri.

M. le Premier ministre, Lionel Jospin, en évoquant récemment l'initiative prise par de nombreux députés de déposer une proposition de loi visant à accorder aux étrangers le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales, a clairement fait savoir qu'il était favorable à cette reconnaissance, même s'il lui semblait que les conditions d'aboutissement d'un tel projet n'étaient pas aujourd'hui réunies.

Je crois que c'est tout à l'honneur du Gouvernement de Lionel Jospin d'avoir dépassionné le débat sur l'immigration, notamment avec le vote, en 1998, de la loi relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France et au droit d'asile.

Nous le savons, plusieurs représentants de l'opposition, et non des moindres, se disent favorables à cette réforme.

L'opinion publique elle-même évolue, puisqu'il semble qu'une majorité de Français soient maintenant favorables à l'octroi aux étrangers non communautaires du droit de vote aux élections municipales, comme l'a montré un sondage réalisé pour La Lettre de la Citoyenneté.

J'espère donc que nous pourrons aborder aujourd'hui ce débat avec sérénité, et avec le sérieux et la réflexio n qu'exigent des dispositions qui s'adressent à des hommes et des femmes qui vivent sur notre sol alors qu'ils n'ont pas la nationalité française. Parfois, ils ou elles ont choisi de vivre chez nous, mais il arrive aussi que cette résidence sur notre sol soit le fruit amer de la persécution, de la misère et du déracinement.

Etrangers sur notre sol, mais non à notre sol, ces hommes, ces femmes et ces enfants y sont venus, toujours guidés par l'espoir d'une vie meilleure, espoir souvent réalisé, parfois déçu.

Mais le débat s'adresse aussi et peut être surtout à ceux qui ont la nationalité française, aux Français, c'est-à-dire à ceux qui jouissent des droit civils et politiques, dont celui de voter.

Je dis que ce débat s'adresse aussi aux Français parce qu'il soulève des interrogations sur des notions, comme celles de citoyen ou de national français, qui sont si familières que l'on vit avec elles sans y avoir réfléchi.

Je suis convaincue que toute société politique doit reposer sur un élément d'identification fort qui produit immédiatement une différenciation. Qu'on le veuille ou non, c'est parce que nous pouvons dire « nous » que nous pouvons dire « eux ». L'anthropologie nous l'a appris des peuples lointains ou parfois disparus ; elle nous le confirme des peuples d'aujourd'hui : le sentiment d'appartenir à la communauté repose sur la forme du lien national.

Votre commission des lois a examiné quatre propositions de loi constitutionnelle relatives au vote des étrangers non communautaires aux élections locales. Elles émanent du groupe socialiste, du groupe communiste, des Verts et des radicaux. Toutes les quatre inscrivaient cette réforme constitutionnelle à l'article 3 de la Constitution.

Votre commission, à l'initiative de Bruno Le Roux, a préféré l'inscrire au titre XII, intitulé « Des collectivités territoriales », après l'article 72 relatif à la libre administration de ces collectivités. J'approuve ce choix et je voudrais dire pourquoi.

L'article 3 du titre Ier de notre constitution est celui qui définit la souveraineté nationale. Celle-ci appartient au peuple, c'est-à-dire aux nationaux français majeurs des deux sexes, qui sont les seuls à pouvoir exprimer la souveraineté par l'expression du suffrage.

Je pense qu'en raison de la longue histoire qui lie la nationalité et la souveraineté, il n'est aujourd'hui pas souhaitable de modifier l'article qui, dans notre constitution, symbolise la souveraineté.

M. Bernard Roman, président de la commission, et M. Maurice Adevah-Poeuf. Très bien !

Mme la garde des sceaux.

C'est la raison pour laquelle j'approuve que votre commission des lois ait finalement placé la disposition sur le droit de vote des étrangers aux élections municipales à un article qui suit l'article 72 de la Constitution, relatif à la libre administration des collectivités territoriales. En effet, la reconnaissance de ce droit touche à la notion de citoyenneté et non à la notion de souveraineté nationale.

Il importe de faire cette distinction pour trois raisons.

En premier lieu, je pense que toutes les élections ne participent pas au même degré à la souveraineté nationale, même si elles sont toutes politiques et concourent à l'expression de la démocratie. C'est dire que la citoyenneté peut s'exprimer par le suffrage sans être le reflet de la volonté du peuple en tant qu'il est le souverain. Les élections locales ne peuvent être confondues avec les grands scrutins nationaux comme les élections législatives et présidentielle, ou encore le référendum, qui sont la manifestation la plus tangible de l'expression de la souveraineté.

Je ferai d'ailleurs remarquer que la décision du Conseil constitutionnel du 9 avril 1992, qui a conclu à l'inconstitutionnalité de la disposition du traité de Maastricht accordant le droit de vote aux citoyens européens aux élections municipales, est plus complexe qu'il n'y paraît.

La Haute juridiction n'a déclaré cette disposition inconstitutionnelle que parce que la désignation des conseillers municipaux a une incidence sur l'élection des sénateurs et qu'en sa qualité d'assemblée parlementaire le Sénat participe à l'exercice de la souveraineté nationale.

A cet égard, je souscris aux propos de M. le député Alain Tourret, qui rappelait, lors des débats en commission, que les étrangers disposaient déjà du droit de vote dans de nombreuses élections régies par le droit social, telles que les élections des délégués du personnel ou des comités d'entreprise.

On peut donc s'interroger sur la cohérence qu'il y a à autoriser la participation des étrangers à la vie de l'entreprise et à ne pas l'accepter quand il s'agit de gérer démocratiquement les affaires d'une commune.

La participation des étrangers renforcera la commune comme elle permet une meilleure cohérence de la représentation des forces vives de l'entreprise.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

En deuxième lieu, je suis persuadée que la possibilité donnée aux ressortissants étrangers durablement installés sur notre sol de voter aux élections municipales est un facteur d'intégration nécessaire au fonctionnement de la démocratie locale. D'ailleurs, cela explique que de nombreuses villes aient ressenti le besoin de mettre en place des structures spéciales et consultatives pour prendre en compte l'expression des étrangers.

En effet, les étrangers vivent et résident dans ces villes, y payent des impôts, participent à la vie associative, envoient leurs enfants dans les écoles communales. Ils doivent pouvoir s'y exprimer.

On ne peut pas, d'un côté, être contraint d'obéir aux délibérations prises par la collectivité dans laquelle on vit et, de l'autre, ne pas avoir le droit de consentir personnellement à ces décisions. C'était une grande idée démocratique de 1789 d'établir que nul ne doit payer l'impôt à moins de l'avoir consenti directement ou par ses représentants.

Le fait que les étrangers soient « sans voix » aux élections qui concernent leur propre collectivité perpétue leur infériorité, alors même que, pour toutes sortes d'autres raisons, ils subissent plus que d'autres les discriminations et le chômage. Les dernières assises de la citoyenneté organisées par le Gouvernement ont aussi souligné cela.

Enfin, je crois que ce qui a contribué à faire évoluer le débat sur le droit de vote des étrangers aux élections municipales vient de la création d'une citoyenneté européenne par le traité de Maastricht. En affirmant que

« tout citoyen de l'Union résidant dans un Etat membre dont il n'est pas le ressortissant a le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans l'Etat membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat », le traité créait une catégorie d'étrangers qui ne l'étaient plus tout à fait.

Par conséquent, l'ancienne opposition binaire entre nous et eux, entre nationaux et étrangers laisse une place à un nouveau concept, celui d'Européens. La citoyenneté européenne donne accès aux élections municipales dans les Etats membres sans pour autant que les Européens qui y prennent part aient la nationalité de l'Etat où elles ont lieu.

Cette disposition du traité a conduit librement la France à modifier sa constitution alors que tous les Etats membres n'ont pas eu à réviser la leur sur ce point.

L'Irlande, le Danemark et les Pays-Bas accordaient déjà ces droits à tout étranger. La Suède et la Finlande les donnaient également depuis quelques années à tout étranger. Le Portugal et la Grande-Bretagne accordaient ces mêmes droits à certaines catégories d'étrangers non communautaires en raison de l'histoire particulière qui les attachait aux pays lusophones pour l'un, à ceux du Commonwealth pour l'autre.

Je rappellerai également que la convention du Conseil de l'Europe du 5 février 1992 engage les parties contractantes à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales à tout étranger, dans les mêmes conditions que les citoyens, pourvu qu'il ait résidé légalement et habituellement pendant cinq ans dans l'Etat.

La France a révisé sa constitution pour accorder aux

« seuls Européens » résidant sur son sol le droit de vote aux élections municipales, et cela conduit évidemment à s'interroger sur le statut des autres étrangers.

Je ne parlerai pas, comme l'a fait votre rapporteur, de discrimination opérée entre les citoyens ressortissants de la Communauté et les ressortissants non communautaires.

En effet, il convient d'accorder toute son importance à l'article 88-1 de la Constitution qui proclame que la République française a décidé de participer à une Union constituée d'Etats qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences. Ce choix fondamental repose sur l'idée d'un vouloir vivre ensemble dans l'Union européenne qui conduit à élaborer un droit communautaire spécifique et à se doter d'institutions propres - Parlement, Commission, Cour de justice.

Autrement dit, les ressortissants communautaires sont dans une relation particulière avec les citoyens français qui ne permet pas de parler de discrimination au détriment des étrangers non communautaires.

Accorder le droit de vote aux étrangers non communautaires, cela n'est pas mettre fin à une rupture d'égalité, c'est consacrer l'idée d'une citoyenneté locale participative au profit de ceux qui sont établis durablement sur notre sol, quelle que soit leur nationalité.

C'est aussi la raison pour laquelle je partage le choix de votre commission des lois, qui n'a pas souhaité supprimer l'article 88-3 de la Constitution qui réserve une place particulière dans notre constitution aux Européens. Dès lors, il ne pouvait être question d'accorder plus de droits aux étrangers qu'aux Européens.

Par conséquent, je souscris au fait que le droit de vote et d'éligibilité au bénéfice des ressortissants non communautaires doit être limité aux élections municipales et exclure l'exercice des fonctions de maire ou d'adjoint. Il ne peut pas non plus concerner la participation à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs qui touche à la souveraineté nationale.

Le Gouvernement, vous l'avez compris, est favorable à la proposition de loi telle qu'elle a été rédigée par la commission des lois.

Mais je ne voudrais pas esquiver le problème qui tient à la nécessité même d'opérer une réforme constitutionnelle pour que le droit de vote des étrangers aux élections municipales devienne une réalité.

Malgré les déclarations des uns et des autres, notamment de personnalités importantes de l'opposition, je doute que l'on trouve un consensus pour une réforme pourtant raisonnable. Le fait que des motions de procédure soient déposées aujourd'hui en témoigne.

M. Thierry Mariani.

C'est notre droit !

M. Christian Estrosi.

Heureusement que nous sommes là !

Mme la garde des sceaux.

En outre, vous savez que pour faire aboutir une proposition de loi constitutionnelle, la procédure est particulièrement complexe : il faut non seulement qu'elle soit adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées, mais encore qu'elle soit approuvée par référendum, et par référendum seulement, pour être définitive.

M. Jean-Pierre Michel.

Nous perdons notre temps !

Mme la garde des sceaux.

Il n'est donc pas possible que cette proposition aboutisse dans de courts délais...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Pour la candidature de M. Jospin aux présidentielles !

Mme la garde des sceaux.

... et je rappelle que nous sommes à moins d'un an des élections municipales.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

Mais je pense qu'il est bon, tout de même, que le processus menant à l'accès des ressortissants étrangers au droit de vote aux élections locales soit engagé et que cette proposition de loi constitutionnelle soit votée à l'Assemblée nationale.

C'est pourquoi je remercie Noël Mamère, votre rapporteur (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) d'y avoir contribué avec toute son éloquence...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

L'hommage à la majorité plurielle !

Mme la garde des sceaux.

... comme je remercie votre commission des lois et son président, Bernard Roman, d'avoir opéré une utile synthèse entre les différentes propositions de loi des groupes de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Claude Goasguen, pour une durée...

raisonnable. (Sourires.)

M. Claude Goasguen.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tous les six ans, nous nous retrouvons à examiner une proposition de loi constitutionnelle au goût de déjà-vu, malgré quelques légères variantes. Avec une constance qui honore ses auteurs - même s'ils sont dans l'erreur - la gauche tente d'effectuer, inlassablement, année après année, un véritable travail d'usure. Nous en avons à nouveau la preuve, aujourd'hui, sur un sujet tabou,...

M. Robert Gaïa.

Pourquoi tabou ? Il existe des sujets tabous à l'Assemblée nationale ?

M. Claude Goasguen.

... le droit de vote des étrangers aux élections municipales.

Je note d'abord, mes chers collègues, que c'est la troisième fois en quelques semaines que nous discutons d'un texte visant à modifier les conditions dans lesquelles devraient se dérouler les élections municipales.

Permettez-moi de vous dire que si je conçois que l'on défende des principes auxquels on tient, je comprends mal, en revanche, que le moment choisi pour le faire ait toujours un goût prononcé d'électoralisme. Tel un coucou, le vote des étrangers revient à moments fixes dans le débat politique français, en l'occurrence à moins d'un an des élections municipales.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Un hommage à Mitterrand !

M. Claude Goasguen.

Comme l'on dit dans un film célèbre, mes chers collègues : « Vous avez dit bizarre ? Comme c'est bizarre ! » Parce que nous estimons vos procédés dangereux, parce que nous pensons que vous abusez de l'esprit des propositions de loi, nous défendrons toutes les motions de procédure, non pas pour alourdir...

M. Kofi Yamgnane.

Bien sûr que si !

M. Claude Goasguen.

... mais pour éclairer l'opinion sur les diverses facettes de vos méthodes politiques.

Je défendrai, en ce qui me concerne, l'exception d'irrecevabilité, au regard de la Constitution, ce qui est bien le moins que l'on puisse faire pour une réforme qui se veut constitutionnelle. Le paradoxe n'est qu'apparent : j'y viens.

Des antécédents existent bien, je le dis car certains juristes pourraient s'étonner de ma démarche. Il y a quelques années - ceux qui étaient là s'en souviendront peutêtre -, un certain 24 avril 1990, notre collègue Jacques Brunhes avait défendu au nom du groupe communiste une exception d'irrecevabilité relative à la réforme constitutionnelle qui visait à instituer un contrôle de constitutionnalité des lois par voie d'exception. La méthode que j'emploierai est donc proche, pour une fois, de celle de notre collègue Brunhes. Je voudrais dénoncer les dangers d'un projet qui, sous le couvert d'un approfondissement de la démocratie et de la citoyenneté, porte gravement atteinte à l'esprit de notre constitution.

Avec ce texte, en effet, c'est à un esprit politique totalement différent de nos principes républicains que vous faites référence.

D'abord, comme vous le savez, notre constitution est fortement dominée par les principes issus de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui fait partie du bloc de constitutionnalité. Je vous rappelle, à cet égard, l'article III de la Déclaration selon lequel : « Le principe de toute Souveraineté réside actuellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément. » A sa

lecture, je ne peux que m'étonner de vous voir vous réclamer d'un texte pourtant si explicite pour justifier la rupture du lien entre l'appartenance à la nation et l'exercice de la souveraineté qu'est le droit de vote. Vous vous servez en effet d'un autre article, l'article Ier , comme si la Déclaration était une suite d'aphorismes sans lien les uns avec les autres. Or, on ne peut comprendre l'article Ier sans se référer à l'article III : la liberté révolutionnaire de 1789 n'aurait pu se concevoir sans l'idée d'unité de la n ation. Toute l'histoire de la fondation de notre république est dans le geste fort de supprimer les multiples diversités qui paralysaient l'exercice de la souveraineté. Aucun des constituants de 1789 n'aurait imaginé de divergences entre l'exercice de la citoyenneté et l'appartenance à la nation.

La Constitution de 1958 confirme cette approche dans son article 3 : « Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes jouissant de leurs droits civils et politiques. »

Et cet article se situe au titre Ier de notre constitution, intitulé « De la souveraineté », nouvelle preuve, s'il en était besoin, de la volonté de nos constituants de faire de la souveraineté nationale le concept phare de notre système politique.

Le fait que la qualité d'électeur ne soit attribuée qu'aux citoyens français relève directement d'un choix politique et institutionnel qui est celui de notre histoire. Oserai-je vous rappeler que ce sont les révolutionnaires de 1789 qui consacrent la nation comme titulaire de la souveraineté, souveraineté qui fonde le droit de suffrage ? Selon les constituants de 1791, la nation est une entité distincte des individus dans laquelle ces derniers se retrouvent.

C'est parce qu'ils appartiennent à cette entité qu'ils sont en droit de peser sur sa destinée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

La nation, et donc la nationalité, n'est pas l'addition des citoyens, elle est l'expression de la volonté générale, de l'intérêt général, comme le dira le Conseil constitutionnel dans sa décision de 1992, lorsqu'il sera consulté sur le traité de Maastricht, j'y reviendrai.

La souveraineté nationale est avant tout un principe d'identité. Dans l'esprit de nos constitutions, souveraineté et nation servent de base à ce qu'on appellera plus tard la politique d'intégration. Elle désigne en outre la faculté de créer des règles politiques, de charger le pouvoir de les organiser au sein d'un groupe, en même temps que d'exprimer une identité vis-à-vis de l'extérieur. C'est cette souveraineté nationale, indivisible et abstraite, qui fonde notre république.

En dissociant l'appartenance à la nation et l'exercice de la souveraineté pour une partie du droit de vote, vous balayez d'un revers de main ce qui fait l'essence même de nos institutions. Vous en cassez la cohérence, chère à Sieyès, qui a tenu bon contre vents et marées, au profit d'une philosophie politique qui a abouti en 1793,

M. Mamère l'a évoqué, à un cataclysme politique rapide.

Alors la citoyenneté primait sur la nation. Alors la France, engagée dans une guerre internationale, voulait dominer le monde par l'idéologie, mais ce n'était plus la même conception de la nation qui prévalait.

Votre égalité politique pour tous, votre citoyenneté fondée sur la résidence, sur le paiement des impôts - mais y a-t-il vraiment des critères dans votre texte ? - mélange tout : égalité politique et égalité civile, nation et citoyenneté. Elle est, en tout cas, aux antipodes des fondements de notre pacte constitutionnel.

Cette conception justifierait que les étrangers, parce qu'ils sont hommes avant tout, aient le droit de vote en France. Cela se défend sans doute philosophiquement.

Mais la France n'a jamais accepté cette conception antinationale, même au moment du référendum de Maastricht dont vous vous servez pour essayer de nous sortir des normes constitutionnelles.

Il n'est pas possible, mes chers collègues, de souscrire à cette conception. L'argument que vous invoquez n'en est plus un aujourd'hui. En effet, la notion de droits de l'homme n'est pas, contrairement à ce qu'on voit ici ou là, un simple exercice de logomachie. Loin d'être utopique, elle correspond à des réalités juridiques. C'est l'appartenance à la communauté, en l'occurrence à la nation, qui détermine les droits et les devoirs de chacun.

Je vous invite à ce sujet à vous reporter à un auteur qui n'est pas de droite, M. Debray (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendant)..., Régis Debray ! qui écrit dans Que vive la République ! :

« Parler droits sans d evoirs, c'est vouloir l'homme sans le citoyen, la récompense sans l'obligation, la ville à la campagne. C'est plus certainement ne rien vouloir du tout. »

Ainsi l'argument qui cherche à justifier le droit de vote des étrangers par la référence aux droits de l'homme ne tient pas. Le raisonnement est de plus dangereux - les constituants ne s'y sont pas trompés.

Votre proposition de loi est donc loin d'être anodine.

Derrière ses airs angéliques, elle menace, dans tout ce qu'elle a de plus symbolique, notre constitution. Et ce n'est pas en vous retranchant derrière un humanisme de bon ton, dont la sincérité n'est peut-être pas aussi profonde que vous voulez bien le laisser croire, que vous parviendrez à nous faire avaler une agitation dont on connaît bien depuis quelques années, et les tenants et les aboutissants.

Cette loi n'est pas conforme à notre idéal constitutionnel, elle est, de plus, inutile pour plusieurs raisons.

A la différence de M. Mamère, je ne sens pas monter en France de véritable engouement populaire pour ce thème : 52 % d'opinions favorables, c'est peu, chers collègues, surtout dans un sondage aux questions aléatoires.

N'en déplaise aux associations qui se dépensent pour trouver après les sans-papiers un deuxième champ d'activité, je ne sens même pas d'enthousiasme chez ceux-là même qui devraient être concernés, c'est-à-dire les étrangers qui ne sont pas naturalisés. Dans leur immense majorité, ils ne demandent rien : 6 000 signatures, c'est tout de même assez peu pour un public de 3 millions de personnes, vous conviendrez, mes chers collègues.

Pourquoi ne demandent-ils rien, en réalité ? Parce que leur attachement à leur nationalité, car ils en ont une, est puissant et que celui-ci aussi doit être respecté. Dans le refus de demander la naturalisation, il y a un geste éminemment fort de la part de ces étrangers, qui n'acceptent pas qu'on leur dénie leur appartenance initiale. Mais vous ne concevez même pas que des étrangers résidant sur le territoire de la République ne veuillent pas forcément acquérir la nationalité ou la citoyenneté françaises. Quoi q u'il en soit, j'attends toujours les preuves d'une demande essentielle et populaire qui émanerait des publics étrangers résidants.

P ourquoi demander une citoyenneté interprétée comme une déchirure quand l'égalité civile permet d'obtenir les mêmes résultats ? Vous voudriez obliger les étrangers à voter ? Ils vous répondent « non ». D'ailleurs, et c'en est la meilleure preuve, les ressortissants européens, qui bénéficient de ce droit depuis le traité de Maastricht et la révision constitutionnelle du 25 juin 1995, ne l'exercent pas. Lors des élections européennes du 12 juin 1994 - auxquelles les nouvelles dispositions s'appliquèrent pour la première fois - le taux de participation fut particulièrement faible : 50 000 sur 1,5 million de ressortissants européens concernés en Allemagne, 47 508 sur 1,4 million en France, soit moins de 5 % des intéressés.

Malgré les discours et les voeux de nombre d'entre nous - dont je suis - en faveur de la construction européenne, nous sommes obligés de considérer que les choses ne vont pas d'elles-mêmes.

La demande du droit de vote émane en réalité, non de ceux qui pourraient le revendiquer, mais d'un courant d'opinion respectable, de quelques associations qui ser etranchent derrière un collectif au nom évocateur

« Même sol : mêmes droits, même voix » et qui ne visent qu'à discréditer les liens de la nationalité pour leur substituer une citoyenneté utopique.

M. Bruno Le Roux.

C'est faux !

M. Kofi Yamgnane.

C'est scandaleux !

M. Claude Goasguen.

Je ne suis pas très étonné que cette proposition de loi émane essentiellement des députés Verts. Au fond, monsieur Mamère, vous êtes les héritiers d'Anarchasis Cloots, dont vous avez parlé tout à l'heure, les héritiers de ce courant mondialiste et utopiste qui tente vainement d'exister depuis deux siècles.

M. Noël Mamère, rapporteur.

A Seattle, ils ne s'en sont pas si mal sortis !

M. Claude Goasguen.

J'ai bien senti, cependant, en commission, que l'enthousiasme d'une grande partie des socialistes était mitigé. Les communistes, quant à eux, ont


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

développé contre Maastricht les mêmes arguments que ceux qu'ils avancent aujourd'hui en faveur des étrangers non européens. Comprenne qui pourra... M. Michel, au nom du MDC, a fait une intervention que j'ai beaucoup appréciée. Il a dit en substance : « Non à Maastricht, non au vote des étrangers » ; cela avait au moins le mérite de la cohérence. Mais la surprise nous est venue de la position de M. Chevènement - qui n'est pas là aujourd'hui.

Jadis le plus convaincu des jacobins orthodoxes, lui qui n'avait cessé de rejeter toute proposition susceptible de porter atteinte à la souveraineté nationale préférant un assouplissement du droit de la naturalisation, vient de céder au courant mondialiste qu'il vilipendait avec talent il y a peu. Incompréhensible ? Peut-être pas : les Européens votent depuis Maastricht, pourquoi pas les autres ? Il faut donc « noyer » les dangers de Maastricht. Ainsi, les p lus anti-européens rejoignent les mondialistes de M. Cohn-Bendit, pour des motifs contradictoires.

Mais revenons à ce qu'attendent les étrangers. Pourquoi n'y a-t-il pas de demande de leur part ? Parce que, contrairement à ce que prétendent les partisans de cette proposition de loi, il n'y a pas de rupture d'égalité en leur défaveur.

En matière de protection sociale, la distinction fondatrice du système n'a jamais opposé nationaux et étrangers, mais résidents et non-résidents. Autrement dit, tant pour les cotisations que pour le versement des prestations sociales, le fait générateur est bien de résider et de travailler en France. D'ailleurs, un des aspects méconnus de la loi sur l'intégration du 11 mai 1998 est d'avoir complètement aligné le régime social des étrangers sur celui des Français. La seule condition pour percevoir des prestations reste celle de la régularité du séjour.

En matière de travail, l'article L.

133-5 du code du travail stipule que les négociations collectives doivent déterminer, dans les entreprises, le respect de « l'égalité de traitement entre les salariés français et étrangers ». De même, les étrangers sont éligibles aux élections professionnelles, pourvu qu'ils puissent s'exprimer en français. Les mêmes conditions s'appliquent aux délégués syndicaux. Rien ne s'oppose, par conséquent, à ce que les étrangers siègent au sein des conseils d'administration au titre du personnel.

En matière de mariage, d'héritage ou de capacité des personnes, on applique traditionnellement le droit du lieu de la résidence. Enfin, en 1982, l'ensemble des droits associatifs fut reconnu aux étrangers. Il n'y a donc désormais pas l'once d'une différence, civilement, entre un Français et un étranger résident, et cela honore notre pays.

On ne peut donc parler d'inégalité. Si vous affirmez le contraire, c'est que vous recherchez l'égalité absolue, l'égalitarisme. Or tout le monde sait que cette égalité absolue n'existe pas et que l'égalitarisme peut se révéler être un remède plus nocif que le mal qu'il est censé prévenir. Je ne suis pas sûr que les étrangers eux-mêmes revendiquent l'égalité, en fassent leur mot d'ordre ou une u rgence. La plupart d'entre eux ont parfaitement conscience qu'ils n'ont rien à y gagner. Gardons-nous des passions égalitaires qui aboutissent à un monde totalitaire...

Vous nous dites qu'il y a encore des discriminations sociales et civiles. S'il y en a, je vous suggère que nous les combattions ensemble. En ce qui nous concerne, nous y sommes prêts.

V ous nous dites que certains emplois publics demeurent réservés aux nationaux. Il n'y a pas si longtemps, en 1934, les naturalisés n'avaient pas accès à la fonction publique. C'est le 17 juillet 1978, sous un gouvernement de droite, monsieur Mamère, qu'ont été levées les dernières incapacités professionnelles pour les naturalisés en ce qui concerne la fonction publique.

Vous protestez contre les inégalités. Mais, dans votre proposition, je ne vois rien qui puisse permettre d'yr emédier. Vous vous contentez d'une déclaration citoyenne. Promesse sans conséquence ! Seriez-vous frileux ? A moins que vous ne vouliez pas gêner vos ministres socialistes et, notamment, celui de la fonction publique ? Vous êtes très courageux lorsqu'il s'agit de débattre d'idées, surtout quand vous savez qu'elles ne seront jamais appliquées, mais vous l'êtes beaucoup moins lorsqu'il s'agit de poser les questions qui fâchent votre électorat et vos ministres réformistes.

Demandez donc à M. Chevènement, à M. Lang ou à M. Fabius s'il faut intégrer les étrangers résidents qui refusent la naturalisation pour enseigner, pour faire la police ou pour lever les impôts ! Evidemment, il est beaucoup moins glorieux d'évoquer ce genre de questions que de signer des pétitions moralisatrices. Mais cela permettrait certainement de mieux déceler les véritables intentions des Français.

A ce sujet, puisque vous parlez de sondage, je vous recommande d'en faire un nouveau ; vous ne serez pas déçu du résultat...

M. Kofi Yamgnane. Un petit nouveau ? M. Claude Goasguen. Fallacieuse, démagogique, votre proposition de loi suscite en outre des questions juridiques.

M. Patrick Delnatte. En effet ! M. Claude Goasguen. Votre texte est contraire à l'ensemble de la jurisprudence, pourtant stable, du Conseil constitutionnel. Ce dernier s'attache, en effet, à distinguer entre élection politique et élection corporative.

Toute élection faisant intervenir les citoyens en tant que tels, indépendamment de toute qualité ou particularité, se voit appliquer l'article 3, alinéa 4, de la Constitution. Il en est ainsi, non seulement des élections nationales, mais des élections municipales, comme le Conseil l'a rappelé expressément le 18 novembre 1982, « considérant que la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l'éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n'en sont pas exclus pour une raison d'âge, d'incapacité ou de nationalité », et « qu'il en est ainsi pour tout suffrage p olitique, notamment pour l'élection des conseillers municipaux ».

Le Conseil n'a pas manqué de souligner que l'on ne peut pas distinguer entre élection nationale et élection locale, car le corps politique est unique et composé dans les deux cas des mêmes citoyens « dont l'interchangeabilité garantit, avec la parfaite homogénéité du corps, l'indivisibilité de la souveraineté dont il est titulaire ».

Le corps politique est le même, qu'il s'agisse d'élire des représentants au niveau national ou au niveau local. Les citoyens ne changent pas de nature. Cela se traduit en d roit positif par l'application d'un régime électoral commun qui, lui aussi, est enraciné dans notre tradition : liste électorale unique depuis l'instauration du suffrage universel au milieu du

XIXe siècle ; code électoral comportant un titre premier commun aux élections des députés, conseillers généraux, régionaux et municipaux ; application, dès ses premiers articles, des principes constitutionnels de l'article 3, sans distinction selon le type d'élection.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

La tentation de distinguer élection locale et élection nationale témoigne de la permanence d'un courant et d'une vision strictement « administrativiste » des élections territoriales. Ainsi, les collectivités territoriales, et les communes en particulier, seraient écartées du droit constitutionnel. Elles seraient à peine recevables dans le giron du droit administratif - elles sont d'ailleurs « décalées » dans la Constitution -, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays.

N'est-ce pas susciter une distorsion dévalorisante pour les communes que d'étendre un droit de citoyenneté qui les éloignerait du droit de souveraineté ? Notre collègue Tourret a déclaré en commission des lois que les maires n'étaient finalement que des « poseurs de tuyaux ».

N'est-ce pas là l'exacte illustration de cette dérive ? Prenons l'exemple, opposé, de nos voisins allemands.

Dans un arrêt du 30 octobre 1990, la cour de Karlsruhe a considéré que « les décisions constitutionnelles touchant au principe de la souveraineté des peuples et de la démocratie ne valent pas seulement pour les niveaux fédéraux, mais aussi pour les subdivisions de L ander, les communes et les groupements de communes », et cela « parce que la Constitution garantit à toutes les collectivités sur le territoire allemand l'unicité de la légitimité démocratique ».

La Cour en déduit que, même pour les assemblées de quartier, à Hambourg en l'occurrence, le droit de vote ne p eut pas être accordé aux étrangers. Décidément, M. Cohn-Bendit n'est pas plus efficace en Allemagne qu'en France ! En Allemagne, en effet, la souveraineté reste composée à tous les niveaux, sans distinction, des nationaux allemands.

En réalité, mes chers collègues, en Allemagne comme en France, le véritable clivage se situe entre les élections politiques et les élections corporatistes ou professionnelles.

Le citoyen se distingue radicalement de « l'homme situé » - dont parlait Georges Burdeau - qui se caractérise par son appartenance à une catégorie économique, familiale, sociale ou par sa nationalité. A la représentation politique s'oppose la représentation des intérêts particuliers de chacun. Telle est la situation en France où, comme l'a affirmé dans sa décision de 1982 le Conseil constitutionnel, les étrangers peuvent participer aux élections universitaires ainsi qu'aux élections de la sécurité sociale.

Certains d'entre vous pourraient être tentés de faire des élections municipales modernes - j'en ai d'ailleurs saisi les prémisses dans un discours précédent - une sorte d'élection syndicale, le syndicat étant composé des habitants de la commune. Le maire ne serait ni un simple poseur de tuyaux ni le représentant de l'intérêt général de la commune, mais celui d'une multitude d'intérêts particuliers. Il y aurait ainsi un maire utilisateur de routes communales, un président du syndicat du ramassage des ordures ménagères ou un représentant de présidents d'associations de parents d'élèves. Dans ces conditions, les élections municipales n'étant pas de vraies « élections de souveraineté », les étrangers pourraient avoir le droit d'y prendre part. Singulière conception, d'ailleurs, quand on veut bien y réfléchir...

Mais c'est oublier un peu rapidement la double qualité d'un maire. Si le maire est le chef de l'administration communale décentralisée, il n'en est pas moins, en même temps, le représentant de l'Etat dans la commune. A ce titre, il assure la publication et l'exécution des lois et des règlements sous l'autorité des représentants de l'Etat dans le département et des ministres ; il a la qualité d'officier de police judiciaire, il tient les registres de l'état civil sous l'autorité du procureur de la République et du ministre de la justice, il révise la liste électorale, il organise les scrutins.

Le maire n'est donc pas seulement, contrairement à ce que vous laissez penser, le président d'un syndicat de citoyens locaux, il est le représentant de l'Etat et de la nation dans sa commune. Et les élections municipales ont une vraie dimension politique. La simple résidence ou les intérêts que l'on peut avoir dans telle ou telle opération menée dans la commune ne donnent pas qualité à voter.

Vous mettez alors en avant la décisions du Conseil constitutionnel du 9 avril et du 2 septembre 1992 qui marqueraient un changement de cap et ouvriraient la voie à la reconnaissance du droit de vote des étrangers par le biais de la consultation relative au traité de Maastricht.

Or c'est tout le contraire. Le Conseil constitutionnel a mis un terme aux discussions relatives à l'interprétation de l'article 3 alinéa 4 de la Constitution.

Certains auteurs soutenaient que la disposition d'après laquelle sont électeurs tous les nationaux français majeurs des deux sexes n'avait rien d'exclusif. Selon eux, en 1958, lors de la discussion devant le Conseil d'Etat, on aurait laissé la porte ouverte aux ressortissants de la Communauté, ce qui nous aurait alors rapprochés d'un système de type anglais où les nationaux du Commonwealth votent aux élections locales. Selon cette interprétation, le Constituant, pour réserver le vote aux nationaux français, aurait dû préciser que, seuls, les nationaux français avaient le droit de vote.

Les décisions de 1992 du Conseil constitutionnel rejettent clairement cette interprétation : selon ce dernier, le quatrième alinéa de l'article 3 de la Constitution implique que, seuls, les nationaux français ont le droit de vote et d'éligibilité ; c'est le paragraphe 26.

Par conséquent, contrairement à ce que vous affirmez, le Conseil de 1992 exclut catégoriquement toute possibilité d'ouverture du droit de vote aux étrangers. Il reconnaît la possibilité, pour les ressortissants européens, de voter et d'être éligibles aux élections municipales. Mais ce serait conclure bien hâtivement que l'on rompt ainsi avec la tradition française. Car Maastricht donne en réalité une expression politique à une citoyenneté européenne englobant la citoyenneté française. La notion de citoyenneté européenne est, en effet, désormais inscrite dans la deuxième partie du traité et c'est cet enrichissement qui a justifié à lui seul que la Communauté européenne perde son qualificatif d'économique pour d evenir simplement Communauté européenne. Cette appartenance donne d'ailleurs un sens au passeport commun de notre Communauté européenne. Le ressortissant d'un Etat membre de la Communauté devient citoyen de l'Union. A ce titre, il circule sur le territoire de l'Union. Il vote, il est éligible aux élections européennes et municipales. Il a le droit de pétition ou encore le droit de saisir un médiateur. La citoyenneté européenne est donc conditionnée par la possession de la nationalité d'un des Etats membres. C'est la raison pour laquelle on a pu parler de « citoyenneté de superposition » ou de conséquence.

Les ressortissants européens ne sont pas des étrangers comme les autres parce qu'ils sont citoyens européens et que cette citoyenneté européenne englobe la citoyenneté française, à l'instar de ce qui se passe avec le Commonwealth, autre communauté superposée - si ce n'est qu'au niveau européen, le mouvement ne fait que commencer.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

L'Europe est donc, mes chers collègues, sui generis, comme le disent les juristes. Contrairement à ce que vous prétendez, il n'y a pas de discrimination entre ressortissants européens et étrangers non européens, tout simplement parce qu'ils se trouvent dans des situations différentes. A titre de mémoire, revoyez la position du C onseil d'Etat. Depuis 1974, sa jurisprudence est constante en la matière : le principe d'égalité n'interdit enr ien de traiter différemment des personnes qui se trouvent dans des situations différentes.

Mais si vous tenez absolument à mettre sur un pied d'égalité Européens et non-Européens, allez au bout de votre logique. Demandez un référendum sur ce sujet capital qui touche directement à la conception de la nation, comme la France a eu le courage de le faire au moment de ratifier, sur des questions voisines, le traité de Maastricht.

Croyez-vous possible d'étendre, par le détour d'une simple proposition de loi s'achevant sur un référendum, l'immense débat que la France a dû mener pour ratifier un traité qui a suscité tant de polémiques ? Ce serait en tout cas l'occasion de mettre à l'épreuve vos sondages, de les vérifier « grandeur nature » et de respecter un certain parallélisme des formes.

Je crains que tout cela, mes chers collègues, ne reste qu'hypothèse. La plupart d'entre vous savent très bien que le débat de ce matin n'est qu'un débat de témoignage, à fins politiques.

M. Bruno Le Roux.

C'est une grande avancée !

M. Claude Goasguen.

J'en viens maintenant aux exemples étrangers. Je remarque qu'on parle très souvent du retard qu'aurait pris la France et de l'archaïsme dont ferait preuve notre pays en matière de droit de vote des étrangers. Je vais donner quelques indications précises. Le suivisme est très reposant, encore faut-il l'analyser de près...

Je trouve d'ailleurs très savoureux, monsieur Mamère, de voir les chantres de la lutte contre le mondialisme que vous voulez être se retrouver tout d'un coup mondialistes quand il s'agit de citoyenneté ! En réalité, le droit de la nationalité comme de la citoyenneté est le résultat d'une histoire qui, même dans le creuset des droits de l'homme, a abouti, d'un Etat à l'autre, à des différences incontestables. Il y a ainsi trois systèmes chez nos voisins européens.

D'abord, celui du Royaume-Uni. Il est vrai que certains étrangers y ont le droit de vote : les citoyens irlandais, mais aussi ceux des Etats membres du Commonwealth. Pourquoi ? Tout simplement parce que la reine d'Angleterre règne également sur le Commonwealth. Or, que je sache, à la différence des pays du Commonwealth, qui reconnaissent la reine d'Angleterre comme chef de l'Etat - l'Australie l'a confirmé récemment encore par référendum -, la France et les anciennes colonies françaises ont rejeté explicitement ce système avec le refus de la Communauté et ne semblent pas envisager de s'en rapprocher, même dans le cadre de la francophonie. Laissons à l'Angleterre son histoire ; gardons la nôtre.

Le deuxième système est celui de la réciprocité, que connaissent des pays comme l'Espagne ou le Portugal.

L'article 15, alinéa 4, de la Constitution portugaise précise : « Sous réserve de réciprocité, la loi peut accorder le droit de vote à des étrangers... ». Le Portugal n'a pas vécu

comme nous la décolonisation, et ses rapports avec le Brésil - Mme la garde des sceaux y a fait référence expliquent bien des choses. Pourrions-nous étendre ce système à la France ? Que répondre alors aux demandes d'un certain nombre de pays d'émigration, alors qu'il y a peu d'émigration française ? De telles demandes sont liées au passé colonial de ces pays - je pense notamment à l'Algérie -, et j'ai la certitude que l'instauration d'un régime de réciprocité serait de nature à réveiller nationalisme et autres xénophobies anticoloniales. Or nous avons eu suffisamment de mal à apaiser ces ressentiments pour leur redonner vigueur dans des entretiens diplomatiques aléatoires.

Enfin, le troisième système, celui dont on va parler le plus et qu'on connaît le moins - c'est toujours comme ça -, a la faveur des pays qui appliquent le principe du droit du sang pour l'acquisition de la nationalité.

M. Noël Mamère, rapporteur.

Ce n'est pas le problème !

M. Claude Goasguen.

C'est le cas des pays scandinaves comme la Suède ou la Finlande. En Suède, par exemple, monsieur Mamère, les règles relatives à la nationalité sont fondées sur le principe de la filiation. Le rôle de la mère est prépondérant. La mère transmet sa nationalité suédoise à son enfant né dans et hors mariage, alors que le père ne transmet sa nationalité qu'à l'enfant légitime si la mère est étrangère. Vous voyez déjà le caractère émine ment progressiste de ce régime ! Si la citoyenneté se généralise en Suède, c'est que l'accès à la nationalité y est quasiment fermé. Il est bien évident que la tradition de la France est toute différente.

Nous avons réaffirmé récemment notre attachement au droit du sol. Voulez-vous, monsieur Mamère, que par l'intermédiaire de votre proposition nous étudions ensemble l'application d'un régime de type scandinave à notre droit de la nationalité ? C'est parce que, dans ces pays, l'acquisition de la nationalité leur est presque impossible que les étrangers ont le droit de vote. A l'inverse, c'est parce que, en France, les modalités d'acquisition de la nationalité sont souples qu'il n'est pas nécessaire de recourir à la citoyenneté pour les élections locales.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Très bien !

M. Claude Goasguen.

Depuis des siècles - c'était déjà le cas dans la Constitution de 1791 - l'attribution de la nationalité française relève de critères simples : filiation, lieu de naissance et résidence. Nous avons eu, à propos de l'immigration, de très longs débats sur les fluctuations du droit de la nationalité et il en est ressorti, pour résumer, que la tradition française est, contrairement à ce que prétendent les bien-pensants de gauche, plus souple et libérale que celle de nombreux pays étrangers. Elle repose sur l'idée d'un contrat de droit entre l'individu et la nation.

Dira-t-on, autre objection, que c'est la procédure de naturalisation qui est en cause ? Cinq ans de résidence, dix-huit mois de procédure me paraissent des délais convenables. Beaucoup souhaitent d'ailleurs les reproduire pour l'obtention de la citoyenneté simple, ce qui signifie que les délais prévus par la loi ne sont pas en cause. Dans la réalité, évidemment, ils sont plus longs et les procédures sont effroyablement compliquées. Mais il ne tient qu'au ministre de l'intérieur de faire appliquer la loi ou de l'assouplir dans certains cas, comme l'a suggéré récemment le Premier ministre pour les jeunes résidents étrangers. Nous attendons des propositions à ce sujet, nous sommes prêts à débattre sur des sujets concrets et non sur des déclarations moralisatrices.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

La naturalisation est en effet l'acte le plus commode et le plus sûr pour maîtriser les flux migratoires puisqu'elle repose sur un accord de volonté entre l'individu qui la souhaite et la nation qui l'accepte. La nationalité ne se présume pas, elle ne s'offre pas non plus à l'ancienneté elle repose, et nous y sommes très attachés, sur un acte commun d'adhésion de l'individu et d'acceptation de la nation.

Etes-vous prêts pour ces débats ? Vous me permettrez d'en douter, mes chers collègues, si j'en juge par les difficultés que vous avez faites pour l'octroi automatique de la nationalité française aux enfants de légionnaires tués au combat. D'ailleurs, nous n'avons pas réussi à convaincre le Gouvernement.

Vous souhaitez la citoyenneté pour tous et vous vous servez sans vergogne, à cette fin, des anciens combattants de la France d'outre-mer. Je ne vous ai pas toujours trouvés si bien disposés à aider nos frères d'armes en difficulté, notamment les anciens combattants du Maroc.

C'est, en effet, votre loi du 11 mai 1998 qui leur impose une obligation de résidence pour bénéficier du droit à l'allocation spéciale vieillesse. Cette obligation de résidence les contraint à s'entasser dans des foyers pour sansabri à Bordeaux, monsieur Mamère, dans les conditions les plus précaires, malgré nos demandes pressantes.

M. Noël Mamère, rapporteur.

Parlez-en à M. Juppé, je ne suis pas maire de Bordeaux !

M. Claude Goasguen.

Vous êtes tout à côté.

En réalité, toutes ces procédures concrètes vous gênent.

Vous leur préférez le débat idéologique général. Mais je suis au regret de vous dire que la France entière considère votre texte comme une ultime supercherie politique sur les ujet. C'est le fameux « chiffon rouge », c'est une manoeuvre politique, destinée d'abord à masquer votre incapacité à maîtriser l'immigration. Tous les rapports récents le soulignent ; le rapport Weil de janvier 2000 est parmi les plus éloquents.

M. Thierry Mariani.

Catastrophique !

M. Claude Goasguen.

M. Weil s'interroge, par exemple, sur le laisser-faire du Gouvernement en matière d'exécution des mesures d'éloignement des étrangers, dont le nombre aurait diminué de près de 50 % entre 1997 et 1998. Plus grave, il met le doigt sur le fait qu'en France le décompte des immigrés est quasiment impossible. Il n'existe pas de source unique et les méthodes divergent. Le ministère de l'intérieur, par exemple, ne tient pas compte des décès ni des naturalisations de mineurs de moins de seize ans. L'Office des migrations internationales voit des entrées d'étudiants en forte hausse, pendant que le ministère de l'intérieur, lui, les estime à la baisse. Même la classification des séjours et la comptabilisation des titres posent problème.

Vous nous proposez donc une loi dont on ne sait même pas à combien de personnes elle va s'appliquer, et comme vous êtes dans l'incapacité de maîtriser les flux migratoires, vous entrez dans un débat idéologique.

Je ne suis pas sûr, d'ailleurs, que vous ayez mesuré toutes les conséquences de cette loi en termes de politique d'intégration. La France, par l'intermédiaire de l'école ou encore de l'armée, a toujours bâti l'intégration des étrangers autour d'une démarche individuelle d'intég ration citoyenne, en refusant toute intégration de communautés particulières. La règle est la même pour tous, y compris dans ses aspects coercitifs. Vous nous proposez une échappatoire avec une citoyenneté sans nationalité qui compliquera encore un système d'intégration particulièrement complexe. Ce sera mal perçu par une population toujours sensible aux discours xénophobes. Vous risquez ainsi de refermer un peu plus les groupes d'immigrés sur eux-mêmes, en aggravant une marginalisation déjà trop forte au sein des ghettos urbains, alors que l'intégration repose sur l'effort vers le modèle national et la rupture des cloisonnements.

Les Chinois résidant en France seront-ils davantage citoyens que nationaux ? Seront-ils différents des Vietnamiens ou des Polonais ? Il y aurait donc dans le futur des sentiments diversifiés d'appartenance à la nation, que l'on pourrait graduer. Cela me paraît totalement irresponsable et cela ne répond pas aux vrais problèmes du temps.

Belle affaire d'être citoyen plutôt que national, s'il n'y a d'emploi pour personne ! Je ne suis pas sûr, monsieur Mamère, que vous ayez envisagé toutes les conséquences de l'application de vos grands principes. Les propositions de loi ne seraient-elles que des coups de clairon ? Peut-on se dispenser d'un réel examen préalable de leurs effets juridiques ? Nous aurions voulu pour le moins l'avis éclairé des juristes du Conseil d'Etat. Le PACS est un précédent qui a dû éveiller chez certains quelques ambitions, mais ceux-là auraient mieux fait de regarder de plus près les mésaventures que provoque actuellement son application.

Puisque rien ne tient dans votre proposition, à quoi peut-elle donc servir ? C'est une question que nous sommes assez nombreux à nous poser, à gauche comme à droite.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

A droite ! A gauche, c'est très clair !

M. Claude Goasguen.

Ce texte ne sert en réalité qu'à raviver chez les Français des craintes non fondées, et à faire renaître de ses cendres un courant politique moribond. Décidément, vous restez les dignes héritiers maladroits du président Mitterrand, qui a instrumentalisé l'extrême droite dans une stratégie de division de la droite républicaine ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bruno Le Roux.

N'importe quoi !

M. Julien Dray.

Scandaleux !

M. Claude Goasguen.

Vous pouvez crier, cela ne change rien !

M. Thierry Mariani.

Goasguen a raison !

M. Claude Goasguen.

Le dépôt de cette proposition de loi à un an des élections municipales est donc loin d'être fortuit. Vous faites ce qu'il faut pour tenter de sauver les vôtres, les quarante-neuf députés élus en triangulaire.

M. Jacques Floch.

Vous en aviez autant !

M. Claude Goasguen.

Mais vous le faites dans des conditions telles que vous suscitez les réticences de la part du chef de votre majorité lui-même, puisque le Premier ministre refuse de manger de ce pain-là.

Il y a peu, les libéraux défendaient dans cette enceinte une proposition de loi relative à l'adoption internationale.

Elle fut adoptée à l'unanimité, car elle comblait un vide j uridique. Aujourd'hui, votre fenêtre parlementaire s'ouvre directement sur M. Le Pen, auquel vous adresssez ce signe. Est-ce vraiment l'objet d'une proposition de loi que de montrer à l'opinion une caricature d'esprit politicien ?

M. François Lamy.

Vous parlez de votre discours ?

M. Serge Blisko.

Vous vous égarez !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

M. Claude Goasguen.

J'arrive au terme de ce long exposé, qui aura essayé de montrer combien cette proposition de loi est contraire à l'esprit de notre constitution, combien elle est inutile, combien elle est dangereuse juridiquement. Je ressens, comme beaucoup de mes collègues, une grande amertume à voir les membres de la représentation nationale se livrer à un exercice cynique.

Nous savons tous qu'il s'agit de votre part d'un petit jeu, qui ne vous grandit pas. Votre manoeuvre fera long feu.

Au mieux, elle aura troublé certains esprits.

La gauche ne manquait pourtant pas d'acteurs et d'hommes politiques, il y a peu, pour dénoncer la tentation à laquelle vous succombez. Je citerai deux d'entre eux, dans un passage, me semble-t-il, de bonne facture :

« Où est l'intégration dans notre pays ? Quelques indices nous permettent d'apprécier ses progrès. Il en est ainsi de l'acquisition de la nationalité française. Que cela plaise ou non, l'aboutissement ultime de l'intégration, le symbole de l'intégration, est bien la nationalité. »

Voilà ce qu'affirmaient Mme Martine Aubry et M. Olivier Duhamel dans un livre intitulé Petit Dictionnaire pour lutter contre l'extrême droite. C'était en 1995. Je vous laisse méditer, mes chers collègues, sur les causes du retournement actuel, et je vous demande, bien sûr de voter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Noël Mamère, rapporteur.

Naturellement, j'invite les députés, de gauche comme de droite, à ne pas voter l'exception d'irrecevabilité que vient de défendre M. Goasguen. Nous pourrions débattre longtemps des arguments qu'il a invoqués. Je voudrais simplement revenir sur deux ou trois d'entre eux, qui prouvent à l'évidence qu'il a lu très rapidement le rapport que j'ai eu l'honneur de présenter au nom de la commission des loise t que certains paragraphes lui ont manifestement échappé.

Monsieur Goasguen, aucun chiffon rouge n'est agité ici ; nous souhaitons tous, dans la majorité plurielle, que cette discussion aille jusqu'à son terme et qu'il y ait un vote. On fait aussi de la politique avec des symboles.

Si vous estimez qu'il n'y a pas de demande de citoyenneté, c'est que nous ne devons pas rencontrer les mêmes Français ni les mêmes étrangers.

M. Thierry Mariani.

Ça, c'est sûr !

M. Noël Mamère, rapporteur.

Il y a en effet une très forte demande.

Notre proposition de loi n'est pas du tout inspirée par l'égalitarisme qui, effectivement, peut conduire au totalitarisme, mais par la volonté de lutter contre une rupture d'égalité devant la citoyenneté.

Quant à la question de la mondialisation et du combat que nous serions censés mener contre elle, je vous rappelle que le slogan des écologistes, et en particulier des Verts, est « Penser globalement et agir localement ». Ce contre quoi nous nous battons, ce sont les dégâts d'une mondialisation entendue comme une concurrence sauvage qui ne fait qu'opprimer les plus faibles. Il suffit pour s'en convaincre de lire les rapports de l'ONU sur le fossé qui s'est creusé entre les pays les plus riches et les plus pauvres.

Vous affirmez, monsieur Goasguen, que, sur vos bancs, vous êtes d'accord à une très grande majorité pour refuser une proposition de loi qui n'est pertinente ni juridiquement ni politiquement. Sans doute n'avez-vous pas entendu - mais les surdités sont sélectives - certains de vos amis, et non des moindres, comme M. de Robien, ici présent, M. Barre ou M. Borloo. Sans doute n'avez-vous pas entendu les déclarations de quelques-uns de vos amis sur les questions de l'immigration. Sans doute n'avez-vous pas lu un article récent de l'ancien Premier ministre,

M. Juppé, sur ce sujet.

M. Charles Ehrmann et M. Lionnel Luca.

Cela n'a rien à voir !

M. Noël Mamère, rapporteur.

Sans doute n'avez-vous pas entendu M. Pasqua parler de la régularisation de tous les sans-papiers qui en ont fait la demande.

M. Lionnel Luca.

Aucun rapport !

M. Noël Mamère, rapporteur.

Mais si, et c'est vous, monsieur Goasguen, qui avez fait ce rapport dans votre longue présentation de l'exception d'irrecevabilité.

Vous vous présentez comme un de ceux qui ont contribué à installer avec force la citoyenneté communautaire. Mais vous oubliez de dire - c'est à la page 17 de mon rapport - que la majorité de l'époque n'a pas respecté l'échéance de Maastricht. Le bureau de l'Assemblée nationale a bien enregistré, le 2 août 1995, un projet de loi organique présenté au nom du Premier ministre, M. Alain Juppé, par M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur, mais il n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour.

En réalité, vous avez tout fait pour retarder le vote des é trangers communautaires aux élections municipales.

Alors que vous auriez pu l'autoriser dans des délais convenables par rapport au traité de Maastricht, vous l'avez repoussé à 2001.

Et l'on ne peut pas dire - c'est un maire qui vous parle - que l'on ait fait, sur l'ensemble du territoire, une large publicité auprès des étrangers communautaires pour les inciter à voter aux élections municipales. Je crois même savoir qu'à l'époque, la majorité s'était opposée à la diffusion de spots publicitaires à la télévision.

Par ailleurs, monsieur Goasguen, quand on débat d'un sujet aussi important pour la citoyenneté et la vitalité démocratique du pays, on doit faire preuve d'une certaine honnêteté. Je ne suis pas d'accord sur l'idée que les étrangers non communautaires doivent avoir le droit de vote parce qu'ils paient des impôts. Pour moi, cet argument est secondaire. Le principe essentiel qui fonde l'Etat de droit, qui fait que notre République doit être ouverte et généreuse au sens de 1789 et de 1793, c'est l'égalité devant la citoyenneté.

C'est au nom de ce principe que les Verts ont présenté leur proposition de loi et ce n'est pas leur faute si elle vient en discussion à un an des élections municipales de 2001. Nous n'étions pas représentés à l'Assemblée avant 1997. Nous ne sommes aujourd'hui que cinq députés et nous n'avons droit qu'à deux fenêtres parlementaires durant toute la législature. La première a été utilisée le 25 avril par mon collègue André Aschieri pour créer l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, la seconde est utilisée aujourd'hui pour accorder le droit de vote aux étrangers. Et je dirai à l'ensemble de cet hémicycle que si l'on avait voulu dédramatiser cette affaire, il n'était pas nécessaire d'attendre la transposition du traité de Maastricht dans le droit français et une révision constitutionnelle pour instituer, par une loi ordinaire le droit de vote des étrangers non communautaires aux élections européennes.

Enfin, monsieur Goasguen, je veux bien comprendre que vos emportements politiciens l'emportent sur la raison (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Ras-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

semblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Patrick Delnatte.

Vous êtes bien placé pour le dire !

M. Noël Mamère, rapporteur.

Alors, s'il vous plaît, arrêtez ces références qui ne sont pas dénuées d'arrièrepensées dangereuses !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Qui a des arrières-pensées ici ?

M. Noël Mamère, rapporteur.

Par trois fois, vous avez associé le nom de Daniel Cohn-Bendit au mondialisme ; vous ne l'avez pas fait pour José Bové. Allier CohnBendit au mondialisme, n'est jamais loin du cosmop olitisme. Ces mots-là, nous ne voulons plus les entendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. Claude Gatignol.

Vous n'applaudissez pas très fort !

M. Claude Goasguen.

C'est un peu léger, monsieur Mamère !

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Tout d'abord, monsieur Goasguen, je tiens à vous rappeler que le constituant est souverain. Par conséquent, aucune proposition ou projet de loi constitutionnelle ne peut être inconstitutionnel. L'article 89 de la Constitution interdit seulement de mettre en cause la forme républicaine du Gouvernement. Pour le reste, le Parlement est libre de tout faire.

En deuxième lieu, vous affirmez que la souveraineté est indissociable de la nationalité. J'ai précisé à cet égard qu'en raison de notre histoire constitutionnelle et politique il ne me paraissait pas souhaitable de toucher à l'article 3 de la Constitution. C'est d'ailleurs le sens de la proposition qui vous est soumise aujourd'hui.

Sont souverains les nationaux français, néanmoins notre constitution autorise des dérogations pour permettre le vote des citoyens européens.

Et le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 2 septembre 1992, a reconnu que l'article 88-3 dérogeait à la Constitution. En tout état de cause, cette proposition de loi ne touche pas à la souveraineté puisqu'il s'agit de faire participer les citoyens étrangers à la vie démocratique locale sans que ces scrutins aient une portée ou un enjeu national.

Vous soutenez qu'il n'est pas possible de distinguer élections municipales et élections nationales. Pourtant, dans sa décision d'avril 1992, dite « Maastricht I », le Conseil constitutionnel avait déclaré le vote des Européens inconstitutionnel non pas au motif qu'ils pourraient voter ou être élus mais parce qu'ils participeraient à l'élection des sénateurs.

En outre, si le Conseil constitutionnel a affirmé, dans sa décision du 18 novembre 1982, que toutes les élections étaient politiques, il n'a pas dit qu'elles exprimaient au même titre la souveraineté ; il faisait allusion au référendum. Les élections municipales sont des élections politiques, mais qui se déroulent seulement au niveau local et n'expriment pas la souveraineté nationale. Chaque député, chaque sénateur représente à lui seul la nation tout entière puisque, aux termes de l'article 27 de notre Constitution : « Tout mandat impératif est nul. »

Il me semble que la plupart de vos arguments visaient une question qui a été tranchée en 1992 par le référendum sur le traité de Maastricht, permettant aux étrangers, en l'occurrence des Européens, de voter aux élections municipales.

Par conséquent, la question de la distinction entre souveraineté et citoyenneté est désormais réglée pour nous ; le référendum, en tout cas, l'a permis.

Monsieur Goasguen, vous demandez un référendum.

Je vous précise qu'il aura de toute façon lieu puisque aucune proposition de loi ne peut pas être approuvée définitivement sans approbation par référendum. Ainsi, vous serez satisfait.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Et le Sénat ?...

Mme la garde des sceaux.

Je ne m'étendrai pas sur la dernière partie de votre intervention. J'ajouterai simplement que je n'estime pas que M. Raymond Barre fasse de la démagogie lorsqu'il déclare, le 12 décembre 1999, que tôt ou tard, les étrangers seront appelés à exprimer leur point de vue au moment des élections locales. M. Raymond Barre est une personnalité dont vous vous réclamez souvent sur d'autres terrains.

M. Thierry Mariani. Pas tous ! Mme la garde des sceaux. De même, je ne pense pas non plus que M. Gilles de Robien, ici présent, M. Borloo, M. Paillé, ou d'autres encore, fassent preuve de démagogie ou veuillent ressusciter les peurs lorsqu'ils prennent position en faveur du vote des étrangers aux élections locales.

M. Charles Ehrmann. Dans votre camp, certains sont avec nous !

M. Noël Mamère, rapporteur.

Ils ne sont pas nombreux ! Mme la garde des sceaux. Monsieur Goasguen, c'est avec des arguments comme ceux-ci, qui mettent en doute la sincérité en politique, que l'on attise les passions de ceux qui se réclament de ce mouvement que vous déclarez vouloir combattre. J'appelle cela, en effet, de la démagogie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Jacques Floch, pour le groupe socialiste.

M. Jacques Floch. Monsieur Goasguen, je vous ai écouté, avec certes un peu de retard mais comme toujours avec beaucoup d'attention, que ce soit à la commission des lois ou dans cette enceinte.

Vous avez déposé une exception d'irrecevabilité au motif que le texte que nous proposions était non conforme à notre constitution. L'argument est un peu bizarre, puisque cette proposition de loi vise justement à modifier la Constitution. Devrions-nous supprimer les exceptions d'irrecevabilité sur les textes qui proposent de modifier la Constitution ? M. Kofi Yamgnane. Très bien ! M. Jacques Floch. Oui, si l'on fait abstraction de l'article 89 de notre constitution, qui dispose qu'« aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire », et que « la forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision ».

Ainsi que Mme la garde des sceaux l'avait d'ailleurs rappelé à M. de Villiers, on peut tout modifier dans la Constitution, sauf ces deux points particuliers. Peut-être


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

cela avait-il choqué M. de Villiers, mais je crois que, sur l'ensemble de ces bancs, nous tenons à la forme républicaine de la Constitution.

Cette bizarrerie étant levée, on comprendra que Claude Goasguen n'a fait que profiter d'une occasion pour exprimer ses arguments à la tribune, et c'est seulement cela que nous avons entendu. Vous pouvez donc, sans aucune crainte, rejeter la motion d'irrecevabilité, car elle n'a pas lieu d'être.

Je voudrais cependant revenir sur certains aspects qui m'ont intéressé et notamment rappeler à Claude Goasguen un petit point d'histoire. Il prétend, par exemple, que nous manquons de respect à l'égard des anciens combattants d'Afrique, d'Asie ou d'Afrique du Nord qui ont servi la France, participé à sa libération mais aussi, malheureusement, à quelques guerres coloniales.

Je vous rappelle que c'est entre 1960 et 1962 qu'est intervenue la cristallisation des pensions des anciens combattants d'Afrique, d'Asie ou d'Afrique du Nord...

M. François Goulard. Vous n'y avez pas mis fin ! M. Jacques Floch. ... parce que les gaullistes particulièrement, et c'est une faute de leur part, ont voulu punir nos anciennes colonies. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

C'est ainsi que les pensions des anciens combattants d'Afrique, d'Afrique du Nord et d'Asie ont été bloquées à la date de l'indépendance de leur pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) M. Jacques Myard. Les colonialistes, c'est vous ! M. Jacques Floch. Telle est votre responsabilité et nous sommes obligés aujourd'hui de corriger les graves conséquences de cette situation.

M. Jean de Gaulle.

C'est lamentable de dire cela !

M. François Goulard.

Vous ne le faites pas ! M. Jacques Myard. Vous avez attendu quinze ans pour le faire !

M. Jacques Floch.

Monsieur Goasguen, il faut faire attention à ce type d'argument, car les 30 000 anciens combattants d'Afrique, d'Asie ou d'Afrique du Nord méritent davantage d'attention que celle qui leur est accordée.

Fallait-il aborder aujourd'hui le sujet du droit de vote des étrangers non issus des Etats de l'Union européenne ? Il y a quelques années encore, on disait que la France n'était pas prête. Aujourd'hui, certains disent « peutêtre » ; nous, nous disons : oui, maintenant nous pouvons le faire. Je crois aussi que les Français sont prêts à l'accepter - sous réserve de certaines conditions de résidence sur le territoire français. Aujourd'hui, compte tenu de ce qui se passe dans nos cités, qui sont moins frileuses que vous voulez bien le dire,...

M. Jacques Myard.

C'est chaud, dans les banlieues !

M. Jacques Floch.

... les Français, majoritairement, sont prêts à accepter que leurs voisins, qu'ils ont vus vivre pendant plusieurs années à leurs côtés, non seulement participent à la désignation de leurs conseils municipaux, mais puissent aussi en être membres.

M. Bruno Le Roux.

Bravo !

M. Jacques Floch.

Ainsi pourrons-nous, sans faux débat, rompre avec un vieux tabou, qui conduirait, paraît-il, à la renaissance de l'extrême droite ! De cela, vous en chargez très bien, il n'est nul besoin que nous intervenions ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Antoine Leonetti.

Si vous êtes majoritaire c'est grâce à l'extrême droite !

M. Jacques Floch.

Non, car vous avez obtenu autant d'élus que nous grâce aux triangulaires.

M. le président.

Je vous en prie, messieurs. Monsieur Floch, pourriez-vous terminer votre propos ?

M. Jacques Floch.

Je termine, monsieur le président.

Ce texte fait partie des remèdes qui vont nous permettre de lutter contre ce vieux poison qu'est le débat sur la présence d'étrangers en France.

Les étrangers, notamment ceux qui viennent de pays qui ne sont pas démocratiques, pourront apprendre ainsi dans notre pays la démocratie. Et lorsqu'ils retourneront chez eux, ils seront porteurs de cette grande idée et y permettront peut-être des avancées.

Ce texte doit être voté. Aussi, mes chers collègues, je v ous demande de rejeter l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissement sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, la parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour soutenir l'exception d'irrecevabilité qu'a défendue M. Goasguen, je présenterai, au nom du groupe UDF, deux observations.

La première porte sur la méthode, la seconde, beaucoup plus importante, a trait au fond.

La méthode, d'abord. Nous avons le sentiment aujourd'hui, compte tenu des contraintes de délais et des contraintes juridiques, que nous nous donnons bonne conscience à peu de frais. Monsieur Mamère, il vaudrait mieux parler d'une citoyenneté d'un jour ou de quelques heures plutôt que d'une citoyenneté réelle accordée aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne.

En effet, nous étions habitués, depuis le double septennat de François Mitterrand, à l'ambiguïté la plus totale. Il est vrai qu'il avait mis en place le Haut conseil à l'intégration au mois de février 1990 pour évoquer ces question. Vous n'en avez d'ailleurs pas fait état, pourtant il eût été intéressant de se reporter précisément aux conclu sions défavorables qu'il a présentées sur le point précis de la reconnaissance du droit de vote aux étrangers, même aux élections locales, dans un rapport de 1993.

C'était alors le règne de l'ambiguïté. « Parlons-en, mais ne faisons rien. Excitons fantasmes et arrière-pensées, jouons au passage avec les nerfs des étrangers, puisqu'il s'agit d'un débat sans conséquence et sans aucune traduction ! » Nous pensions que le Premier ministre, qui revendiquait, en 1997, un droit d'inventaire, avait provisoirement clos ce débat, considérant que le moment n'était pas venu et que les conditions de la sérénité, indispensables à un tel débat n'étaient pas réunies. Puis, curieusement, en 1999, sans doute parce que nous approchions


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

du terme de mars 2001, le ministre de l'intérieur en a reparlé, les Verts et quelques députés ont usé de leur droit de proposition, la plupart d'entre eux en s'imaginant que cette proposition ne viendrait pas à l'ordre du jour. Or une recherche de compromis dont nous savons bien qu'elle a pour origine le vote, à l'époque à haut risque, du projet de loi sur la chasse a permis sa venue à l'ordre du jour. (Exclamations sur divers bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Kofi Yamgnane.

Lamentable !

M. Pierre Albertini.

Donc, nous débattons. Avec une citoyenneté d'un jour, on se donne bonne conscience en faisant des propositions dont on sait pertinemment qu'elles n'aboutiront pas. Ainsi, madame la ministre, vous avez évoqué un référendum en nous faisant croire un instant qu'il serait possible. Vous avez oublié l'étape qui s'interpose entre le vote d'aujourd'hui - qui n'aura d'ailleurs sans doute pas lieu, vu le déroulement de ce débat, avant treize heures - et le référendum, je veux parler du vote du Sénat. Pour soumettre un texte au référendum, il faut qu'il soit voté en termes identiques par l'Assemblée nationale et par le Sénat. Or nous savons parfaitement que cette condition ne sera pas remplie. On parle donc de la citoyenneté et de l'intégration pour se faire plaisir, sans les faire progresser sur le fond.

Sur le fond, en effet, et cela me paraît être le point essentiel, cette proposition de loi constitutionnelle est d'abord contraire, M. Goasguen l'a rappelé à plusieurs reprises, à notre conception de la nationalité et de la citoyenneté. Chez nous, comme le rappelle le Haut conseil de l'intégration dans son rapport, la nationalité et la citoyenneté font bloc. Ce lien a toujours été conçu jusqu'ici, depuis des siècles, comme indissociable. Peut-on les découper à sa convenance ou en fonction de situations préélectorales ? Madame la ministre, j'appelle cela, moi aussi, de la démagogie.

Par ailleurs, la réduction du droit de vote aux seules élections municipales ne fait-elle pas perdre tout son sens au droit de vote ? Celui-ci ne se partage pas.

M. Jacques Myard.

Très bien !

M. Pierre Albertini.

On pourrait participer indirectement au choix du maire mais il serait interdit, dans le même pays, dans le même système juridique, de participer au choix de son conseiller général ou de son conseiller régional ? Tout cela n'a aucun sens !

M. Gérard Fuchs.

Si vous l'avez voté pour les Européens, c'est que cela a du sens !

M. Pierre Albertini.

Mon cher collègue, c'est tout à fait différent. Nous sommes engagés, depuis cinquante ans, dans un processus de construction européenne qui est d'une autre nature que les rapports que nous pouvons entretenir avec les 150 ou 180 Etats qui nous envoient certains de leurs ressortissants. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Vous comprendrez bien que la situation n'est absolument pas comparable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Enfin, l'intégration n'implique pas nécessairement le droit de vote. L'intégration est une exigence beaucoup plus difficile à remplir. Elle est d'une autre nature que la simple reconnaissance du droit de vote qui est une solution facile pour se donner bonne conscience à peu de frais.

Les étrangers demandent d'abord à être traités avec le respect et la tolérance dus à chaque homme.

M. le président.

Monsieur Albertini, je vous propose de conclure.

M. Pierre Albertini.

Je termine, monsieur le président.

Ils demandent aussi à avoir des conditions de vie décentes. Peut-on dire ici que c'est le cas pour les quatre millions d'étrangers qui sont sur notre territoire ? Vous savez bien que résoudre ces problèmes est infiniment plus complexe. Nous préférerions une politique d'intégration beaucoup plus généreuse, une politique de lutte contre les exclusions, pour les nationaux comme pour les étrangers,...

M. Jacques Floch.

Il faut voter nos textes alors !

M. Pierre Albertini.

... une politique de l'intégration plus intelligente, plus active, plus sélective en même temps et plus efficace, notamment pour l'Afrique, ce continent oublié. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Christian Estrosi.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le Premier ministre déclarait, plein de bonnes intentions, en décembre dernier, refuser de jouer avec le droit de vote des ressortissants étrangers pour lequel, disait-il, l'opinion n'était pas mûre.

Hélas ! les vieux démons mitterrandiens sont revenus.

M. Jospin a levé son veto au prix de marchandages peu glorieux. Ce qui est le plus choquant et au fond le plus méprisant pour les personnes concernées, c'est la nature de l'échange : la peau de l'ours slovène des Pyrénées contre le vote des résidents non communautaires. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Kofi Yamgnane.

Grossier personnage !

M. Christian Estrosi.

Tout cela est inacceptable quand on sait que depuis vingt ans vous n'avez eu aucun scrupule à agiter le chiffon rouge du droit de vote des étrangers pour faire le jeu du Front national.

La nation française, contrairement à ce que vous prétendez, n'est pas une entité abstraite. Elle s'est forgée au cours des siècles sur la base d'une histoire commune et d'un avenir partagé. Ce n'est pas une construction intellectuelle.

J'ajoute qu'à cet égard nous estimons que cette proposition de loi s'apparente à une forme d'hérésie constitutionnelle.

Vous estimez qu'avec la citoyenneté européenne, c'est le concept même du couple citoyen-nation qui s'est effondré. Vous oubliez qu'il figure dans l'article 3 de notre constitution et qu'il remonte depuis la Révolution française.

Vous oubliez également les conditions de la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 qui a instauré le droit de vote pour les citoyens européens. En effet, ce droit ne fut accordé que sous réserve de réciprocité, ce qui n'apparaît nullement dans votre proposition, alors qu'elle devrait en constituer un élément majeur,...

M. Patrick Ollier.

Très bien !

M. Christian Estrosi.

... étroitement lié à l'engagement européen de notre pays.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

Pour le reste, monsieur Floch, nous ne pouvons accepter les insultes que vous avez adressées aux gaullistes car, plus que d'autres, ils ont veillé à offrir une place, à intégrer dans notre nation tous ceux qui ont payé l'impôt du sang pour défendre nos libertés ! (Applaudissements sur d ivers bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jacques Floch.

Sauf les anciens combattants que vous avez punis !

M. Christian Estrosi.

Notre pays, vous l'ignorez, semble-t-il, est un pays unitaire. La souveraineté est une et indivisible. Elle est celle de la nation incarnée par l'Etat. Elle ne se subdivise pas, ne se décompose pas. Il ne peut y avoir de souveraineté locale, encore moins municipale. Ne confondez pas souveraineté et organisation administrative. Pour nous, le vote ne peut être dissocié de la nationalité.

La rédaction de votre proposition ne changera rien. Le vote des étrangers non ressortissants de l'Union européenne ne trouvera ni justification ni légitimité dans le principe d'égalité que vous voulez invoquer.

Comment imaginer que des Etats, souvent très éloignés de la démocratie, puissent disposer demain, par l'intermédiaire de leurs ressortissants résidant en France, d'un puissant moyen de pression sur notre pays ? Voter, c'est exercer un droit acquis par d'infatigables et permanents sacrifices, par des luttes, des chagrins, des souffrances de la part d'hommes qui nous ont précédés dans l'histoire. C'est cela que nos différentes constitutions ont consacré.

C'est pourquoi le groupe RPR ne laissera jamais accorder le droit de vote aux étrangers non communautaires ni aux élections municipales ni aux autres élections dans notre pays. Il soutiendra cette exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. François Goulard.

Claude Goasguen a fort bien dressé le tableau juridique des faiblesses de cette proposition de loi. Il en a également défini le contexte politique.

Incontestablement, sa présentation comporte une part de gesticulation et de provocation. On retrouve, dans l'inspiration de cette manoeuvre, le machiavélisme mitterrandien (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qui a si bien servi les intérêts de vos partis respectifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

En tout état de cause, je ne crois pas que le dépôt d'une proposition de loi par un groupe parlementaire de la majorité soit un acte innocent. Le fait que le groupe RCV ait présenté ce matin un texte accordant le droit de vote aux ressortissants de pays non membres de l'Union européenne dans les élections locales est un acte politique manifeste. Il faut que les Français sachent que désormais cette proposition fait partie de votre programme politique. (« Oui ! oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bruno Le Roux.

Sans discussion !

Mme Nicole Bricq.

Cela fait vingt ans !

M. François Goulard.

Oui, les Français doivent le savoir. (« Oui ! oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous savez pertinemment que vous n'avez pas les moyens de faire adopter ce texte en raison de l'opposition résolue et justifiée du Sénat, mais, désormais, cela fait partie des propositions de la gauche. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Noël Mamère, rapporteur.

Merci !

M. François Goulard.

Il faudra que les Français le sachent au moment des prochaines élections.

M. Noël Mamère, rapporteur.

Rejoignez-nous !

M. François Goulard.

La tradition constitutionnelle française, comme notre conception de la souveraineté nationale, interdit que l'on « découpe en tranches » droit de vote et citoyenneté. Or les élections locales sont des élections à part entière. Leur réserver un sort spécial, les ravaler à un rang subalterne dans l'édifice constitutionnel serait contraire à notre tradition républicaine.

M. Bruno Le Roux.

Vous l'avez accepté pour les élections européennes !

M. François Goulard.

Le faux parallèle que vous établissez avec le droit conféré aux ressortissants européens néglige l'existence et la force des liens qui, désormais, nous rapprochent au sein de l'Europe.

L'acquisition de la nationalité française à part entière, qui est aujourd'hui facile, est un facteur d'intégration. En revanche, dans les pays qui ont accordé le droit de vote aux étrangers dans les élections locales, l'acquisition de la nationalité est extrêmement difficile. Notre tradition est différente en ce qu'elle valorise l'acquisition de la nationalité et le statut de citoyen à part entière.

Pour nous, il est inconséquent, il est contraire aux conceptions les plus fondamentales de notre république de diviser la citoyenneté. C'est pour ces raisons évidentes que nous voterons l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Avant de donner la parole aux deux derniers orateurs inscrits pour les explications de vote, je vous indique que, sur le vote de l'exception d'irrecevabilité, le groupe Démocratie libérale et Indépendants a demandé un scrutin public.

Je vais donc, d'ores et déjà, faire annoncer ce scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Bernard Birsinger, pour le groupe communiste.

M. Bernard Birsinger.

Monsieur le président, chers collègues, M. Goasguen se cache derrière un pseudo-cours de droit constitutionnel pour ne pas aborder franchement le débat.

Sa conception de la nation est étriquée.

Oui, monsieur Goasguen, nous voulons que les étrangers aient le droit de vote aux élections municipales, tout simplement parce que ce sont des hommes et des femmes, des êtres humains. Simple philosophie, selon vous, ce qui montre que vous avez oublié que la Révolution française, qui a fondé la conception moderne de la nation, a été profondément marquée par les philosophes des Lumières, des hommes qui se sont battus pour que l'utopie devienne réalité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

Oui, pour nous, les étrangers sont des êtres humains qui doivent être égaux en droits à tous les autres citoyens de notre pays.

M. Bernard Accoyer.

Provocateur !

M. Bernard Birsinger.

Nous ne réduirons pas l'étranger à de la main-d'oeuvre à laquelle nous faisons appel quand notre économie en a besoin, mais que nous rejetons quand cela n'est plus le cas. Le débat philosophique de fond est bien là.

Oui, les étrangers sont des êtres humains à part entière qui aiment, qui vivent, qui souffrent, qui se battent, qui contribuent à la construction de notre histoire nationale.

Ils sont des femmes, des hommes de chair et de sang et non cette abstraction à laquelle vous faites allusion. Ils ont, pour moi, dans une ville qui compte un étranger sur cinq habitants, des visages et des noms. Selon vous, monsieur Goasguen, s'ils veulent voter, ils n'ont qu'à devenir Français. Pourtant vous savez, comme moi, que cela n'est pas un droit dans notre pays, mais un acte octroyé par l'Etat. J'ai déjà vu la naturalisation refusée à des étrangers parce qu'ils étaient handicapés, chômeurs, ou parce qu'ils avaient payé leurs impôts avec quelques jours de retard.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Devedjian.

La gauche est au pouvoir !

M. Bernard Birsinger.

Il est vrai que certains étrangers ne veulent pas devenir Français.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il s'agit d'un choix personnel, intime, que nous respectons. Qui pourrait d'ailleurs le leur reprocher ? Vous qui parlez souvent de liberté quand il s'agit de circulation des capitaux, vous l'oubliez quand il est question des libertés individuelles.

(Protestations sur les mêmes bancs.)

Vous présentez la liberté de choisir sa nationalité comme une sorte d'irresponsabilité, de mauvais choix quand on reste étranger et de bon choix quand on devient Français. Ce type de discours dérape souvent, monsieur Goasguen, vers la pire des idéologies, celle qui nie l'individu ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Aucune étrangère, aucun étranger ne l'est dans sa ville, dans la vie associative, dans la vie de la cité. La plupart des étrangers y participent activement.

Il s'agit, en conférant un droit essentiel à deux millions et demi d'habitants, de donner un souffle nouveau à la dynamique démocratique. Notre pays n'a pas à craindre le regain de la vitalité citoyenne. Au contraire, il a tout à y gagner, à commencer dans la lutte contre la crise de la politique. Développer des droits nouveaux d'intervention pour les citoyens, permettre à tous d'être coauteurs des décisions collectives, voilà ce à quoi doit servir la politique ! J'ai entendu un argument ahurissant selon lequel nous ne devrions pas donner le droit de vote aux étrangers non communautaires parce que l'abstention a été importante chez les étrangers communautaires auquel il a déjà été accordé. En effet, si l'on poussait ce raisonnement, il faudrait supprimer purement et simplement le droit de vote parce que, dans notre pays, l'abstention progresse ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Staline est de retour !

M. Bernard Birsinger.

Ainsi qu'en témoigne ce débat sur le droit de vote des étrangers, c'est la conception même de la politique qui est en cause et qui provoque cet affrontement dans lequel nous voulons faire prévaloir une conception moderne de la nation qui s'enrichit des différences de ceux qui constituent la communauté nationale.

Nous voterons donc contre l'exception d'irrecevabilité parce que nous pensons que tous les êtres humains doivent pouvoir exercer des droits politiques là où ils vivent. Nous voulons que tel soit le cas en France dès 2001. Le débat s'est accéléré depuis quelques mois. Il va encore prendre de l'ampleur. Les communistes y contribueront.

Si le vote de cette proposition de loi ne pouvait intervenir aujourd'hui, je demanderais au Gouvernement de la reprendre à son compte et de l'inscrire à l'ordre du jour prioritaire de notre assemblée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe RCV.

M. Alain Tourret.

La proposition de notre collègue Claude Goasguen relève, à mon sens, d'une curieuse conception de la Constitution. Ainsi que l'a rappelé Mme la garde des sceaux, en effet, je vois assez mal, sauf à essayer de prendre modèle sur les propos tenus par un orateur dans d'autres débats, comment on peut prétendre qu'il ne serait pas possible de modifier la Constitution par une proposition de loi constitutionnelle, à partir du moment où elle ne met pas en jeu l'intangibilité du territoire ou du gouvernement républicain. Cela signifie que, sur le plan de la Constitution elle-même, l'argument ne tient pas.

En fait on nous a essentiellement présenté des arguments d'opportunité en avançant surtout le fait que cette proposition est présentée moins d'un an avant les prochaines élections municipales. Or, dès 1979, lors de la réunion des maires francophones, M. Jacques Chirac déclarait qu'il était nécessaire que les étrangers puissent participer aux élections municipales. Je suppose qu'il avait de bonnes raisons de tenir de tels propos, mais peut-être êtes-vous en désaccord avec cette déclaration.

(Murmuress ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Raymond Barre ayant eu à peu près le même langage il y a moins de deux ans, je constate que l'actuel Président de la République et un ancien Premier ministre appartenant à l'opposition ne sont pas très éloignés des propositions que nous présentons. Cela correspond d'ailleurs à une évolution continue puisque, depuis 1945, les étrangers ont progressivement acquis la possibilité de voter aux élections des délégués du personnel, des délégués aux comités d'entreprise, des magistrats même puisque, depuis 1982, ils peuvent élire les conseillers prud'hommes, des administrateurs des caisses de sécurité sociale et des administrateurs des sociétés d'HLM. Dans ces conditions pourquoi ne pourraient-ils pas être conseillers municipaux ? En ce qui concerne le droit de vote accordé aux ressortissants des Etats membres de l'Union européenne il faut savoir que le traité de Maastricht, adopté en France par référendum, permet de le donner non seulement à ceux des pays qui appartenait à l'Union à cette époque mais aussi à tous ceux des Etats qui le deviendront au fil des


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

ans. Il serait donc paradoxal que, dans quelques années, puissent voter aux élections municipales françaises des Polonais, des Hongrois, des Slovènes, des Estoniens, des Lituaniens et - pourquoi pas, dans quelques décennies, si l'on retient la vision du général de Gaulle de l'Europe allant de l'Atlantique jusqu'à l'Oural ? - des Turcs et des Russes, alors que ce droit serait dénié à des Algériens qui ont été Français il y a quarante ans. Reconnaissez que cela serait absurde ! Nous avons, avec les étrangers qui vivent sur notre territoire depuis au moins cinq ans, une communauté de destin. Nous voulons donc faire en sorte qu'elle puisse se traduire par la possibilité d'acquérir la nationalité française et, quand ce n'est pas possible, par celle de voter aux élections municipales.

M. le président.

Je vous prie de conclure, monsieur Tourret.

M. Alain Tourret.

Je termine en citant une phrase qui me semble très belle : « Les étrangers sont sans voix parce qu'ils sont en situation d'infériorité, et s'ils sont en situation d'infériorité, c'est parce qu'ils sont sans voix. »

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

323 Nombre de suffrages exprimés .................

322 Majorité absolue .......................................

162 Pour l'adoption .........................

146 Contre .......................................

176 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) 3

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président.

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 18 mai 2000 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

4

VOTE DES ÉTRANGERS Reprise de la discussion d'une proposition de loi constitutionnelle

M. le président.

Nous reprenons la discussion de la p roposition de loi constitutionnelle, de M. André Aschieri et plusieurs de ses collègues, tendant à compléter l'article 3 et à supprimer l'article 88-3 de la Constitution et relative au droit de vote et à l'éligibilité des résidents étrangers pour les élections aux conseils des collectivités territoriales.

Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Monsieur le président, je regrette que nos collègues socialistes quittent l'hémicycle.

M. Jacques Floch.

Les députés de l'opposition aussi !

M. Thierry Mariani.

Je veux, en effet, leur rappeler quelques bons souvenirs, en revenant dix-neuf ans en arrière pour évoquer certaines des propositions du candidat François Mitterrand : lors de la campagne pour l'élection présidentielle en 1981.

P roposition 77 : « L'enseignement technique sous toutes ses formes recevra les moyens nécessaires en personnel et en matériel afin qu'aucun jeune, fille ou garçon, n'arrive dans le monde du travail sans qualification professionnelle. » Avouez que, compte tenu de l'actualité,

cette proposition ne manque pas de saveur ! Proposition 80 : « Le droit de vote aux élections municipales après cinq ans de présence sur le territoire français sera accordé aux étrangers. »

Proposition 81 : « Le plan fixera le nombre annuel de travailleurs étrangers admis en France. L'Office national d'immigration sera démocratisé. La lutte contre les trafics clandestins sera renforcée. »

Si la proposition 81 a malheureusement été oubliée, nous sommes réunis ce matin pour débattre d'une proposition de loi visant à mettre en oeuvre la promesse non tenue no 80 du candidat François Mitterrand, à savoir accorder, pour les élections locales, le droit de vote aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne.

Il s'agit là d'une idée qui court depuis bien longtemps.

Le thème du droit de vote pour les étrangers fait partie de ces serpents de mer de la vie politique de notre pays qui ont la peau dure.

Apparu au programme du Parti socialiste en 1973, il fut l'une des 110 propositions de François Mitterrand en 1981, qui ne cessera d'agiter cette question durant ses deux septennats passés à l'Elysée.

Qu'on en juge.

Peu avant les élections législatives de 1986, celui-ci prenait à nouveau position en faveur de cette réforme.

Dans sa Lettre à tous les Français, en 1988, le candidat Mitterrand déplorait « à titre personnel » que l'état des moeurs de notre pays ne permette pas de faire aboutir ce projet. Avouez que l'expression est savoureuse et distillée par un expert ! En 1990, à l'occasion de la traditionnelle interview du 14 juillet, François Mitterrand est revenu à la charge. Il déclarait : « Je n'ai pas abandonné ce projet. Il nous faut une réforme constitutionnelle.

« A partir de là, il est évident qu'il n'y a pas de majorité en France (...) pour cette réforme. Eh bien, les réformes, ça se gagne d'abord par la conviction et par l'explication, et si les Français ne nous écoutent pas, c'est qu'on s'est mal expliqué. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

En 1993, toujours le 14 juillet, en période de cohabitation, il remit une nouvelle fois cette question en débat.

Depuis cette époque, il n'y eut plus rien du côté du Parti socialiste jusqu'au dépôt, à la hâte, d'une proposition de loi visant à concurrencer l'initiative des autres composantes de l'actuelle majorité.

C'est dire, mes chers collègues, si le sujet que nous abordons n'est pas neuf. La gauche l'a toujours évoqué, soit en période de cohabitation, soit, comme le rappelait Claude Goasguen, à la veille d'échéances électorales, comme c'est le cas aujourd'hui. Bizarre, bizarre !

M. Jacques Myard.

Etrange, en effet !

M. Thierry Mariani.

Cette énième tentative de remettre la question du droit de vote des étrangers en débat a-telle aujourd'hui plus de chance d'aboutir qu'hier ? Certainement pas ! Chacun sait bien une proposition de loi constitutionnelle, que, pour être adoptée, doit être votée dans les mêmes termes par notre assemblée et par le Sénat puis approuvée par référendum.

C'est dire, mes chers collègues, que nous sommes bien loin de voir votre dispositif entrer en vigueur.

C'est dire aussi que cette démarche matinale ne peut être, à ce stade, que purement idéologique, symbolique et politicienne.

Mme Christine Boutin.

Et provocatrice !

M. Thierry Mariani.

Elle est aussi, c'est vrai, provocatrice.

Je ne vois, pour ma part, que deux mobiles principaux à l'inscription aujourd'hui de votre texte à l'ordre du jour : tout d'abord tenter de redonner un peu de vigueur à une extrême droite affaiblie ; ensuite exécuter sa part du marchandage public du vote positif des Verts sur le projet de loi relatif à la chasse.

M. Jean Launay.

C'est scandaleux !

M. Thierry Mariani.

Mais c'est ce qu'a dit le rapporteur, M. Mamère, il y a quelques jours ! Le premier mobile est de tenter de redonner un peu de vigueur à une extrême droite affaiblie. Les vieilles recettes mitterrandiennes ont décidément fait école au Parti socialiste.

Si ce gouvernement se targue d'un droit d'inventaire sur le fond des années Mitterrand, la forme et les petits calculs qui ont fait les succès électoraux de la gauche d'antan restent aujourd'hui bien vivaces.

Le rapide historique, que j'ai brossé il y a un instant, de la position du Parti socialiste sur la question du droit de vote des étrangers non ressortissants de l'Union européenne montre, s'il en était besoin, l'instrumentalisation politicienne de cette réforme.

Nous percevons clairement la manoeuvre, qui consiste à parler toujours du droit de vote des étrangers non ressortissants de l'Union européenne à l'approche d'élections, mais à ne pas aller au bout de la logique, puisque chacun sait qu'une telle réforme est condamnée à ne pas aboutir.

Mes chers collègues de gauche, je vous invite à faire preuve, pendant quelques minutes au moins, d'un peu de sincérité. Même si vous allez pousser quelques cris d'horreur, je vous pose la question.

Lequel d'entre vous n'a pas pensé, au fond de lui, qu'une petite polémique sur l'immigration et le droit de vote des étrangers en France pourrait redonner un peu de tonus à une extrême droite aujourd'hui divisé et quasi moribonde ? Lequel d'entre vous n'a pas le secret espoir de lui donner un coup de pouce afin qu'elle retrouve son unité, et surtout un seuil électoral utile pour vous, c'est-à-dire vous permettant de vous maintenir au second tour, ce seuil qui a permis à quarante-neuf d'entre vous d'être élus à l'issue de triangulaires et ainsi à la gauche d'être majoritaire dans cet hémicycle ? Nier cette évidence ne fait que vous discréditer un peu plus encore.

Aujourd'hui, chacun doit être conscient que, sous vos belles paroles d'ouverture au monde, sous vos grands discours de générosité et de fraternité, se cachent aussi de petits calculs et votre incapacité à réussir l'intégration des étrangers demeurant sur notre sol.

Mais la proposition dont nous allons débattre émane de la branche écologiste de la majorité. Et là encore, nous ne croyons pas aux coïncidences.

La discussion de ce texte et le vote positif du groupe socialiste sont, comme l'a d'ailleurs rappelé notre rapporteur à l'AFP, la contrepartie du vote par les cinq députés écologistes du projet de loi relatif à la chassse.

M. Jacques Myard.

Eh oui !

M. Thierry Mariani.

A une période où les écologistes tentent de sortir des questions liées à l'environnement, tout est bon, décidément pour les flatter dans cette majorité : création d'un ministère ad hoc sur l'économie solidaire, acceptation d'une proposition de loi symbolique p ermettant une large communication... Le Premier ministre ne recule devant rien.

D'ailleurs, il suffit de sortir dans la rue pour constater que les Verts sont en pleine campagne d'adhésion, et qu'ils utilisent la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui à des fins de propagande.

Quel mépris, mes chers collègues, pour les personnes que vous êtes censés défendre, et qui ne se retrouvent être finalement que l'instrument de votre campagne médiatique ! Car, comme je le disais tout à l'heure, et comme l'affirme très justement le ministre chargé des relations avec le Parlement, que je cite, « il faut dire la vérité : cette réforme suppose une modification de la Constitution, et même si elle est votée à l'Assemblée nationale, elle ne pourra pas aller au-delà. Il ne faut pas faire de fausse promesse. »

Voilà, mes chers collègues, planté le décor du débat qui nous attend.

Nous discutons d'une proposition de loi symbolique, démagogique et politicienne, destinée, d'une part, à réveiller les électeurs du Front national et, d'autre part, à donner un contenu politique au programme des Verts.

Ce seul argument justifierait amplement l'adoption de c ette question préalable. La démonstration de la manoeuvre politicienne que constitue ce débat suffirait en effet à justifier que l'on ne légifère pas sur cette question, dans ces conditions.

Cependant, le sujet est à nos yeux trop important pour qu'il soit évacué comme cela.

Le droit de vote, qui constitue l'attribut le plus achevé de la citoyenneté, mérite un vrai débat. C'est une question que l'on doit traiter aujourd'hui et ne pas instrumentaliser à des fins politiciennes.

Chaque occasion de rappeler notre conception de la citoyenneté, liée à la nationalité, doit être saisie afin que les Français puissent prendre conscience, textes à l'appui, argument contre argument, des différences profondes qui nous séparent en la matière. Sur ce sujet, aucun consensus n'est possible entre la droite et la gauche.


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C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d'imaginer pour quelques instants que votre proposition de loi puisse aboutir. Mettons de côté pendant quelques minutes vote manoeuvre et parlons du coeur du sujet, c'est-à-dire de la citoyenneté française.

A notre sens, non seulement votre texte est inacceptable tant dans sa forme que dans le fond, mais il est, de plus, inutile et dangereux.

V otre texte est inacceptable dans la forme tout d'abord.

Nous discutons d'une proposition de loi constitutionnelle dans le cadre étroit et limité d'une niche parlementaire. Ces conditions de débat, chacun en conviendra, ne sont pas à la hauteur de l'enjeu de la question du droit de vote des étrangers non ressortissants de l'Union européenne. Nous ne disposons que d'une matinée en séance publique pour débattre d'un texte qui, s'il devait être adopté, bouleverserait de façon considérable toute notre tradition constitutionnelle et notre conception de la citoyenneté.

Madame la ministre, mes chers collègues, croyez-vous qu'il soit raisonnable d'espérer apporter une telle modification à notre Constitution en quatre heures ? Personne ne le pense ici sérieusement.

Si la question du droit de vote des étrangers non ressortissants de l'Union européenne aux élections locales, notamment municipales, doit faire l'objet d'un débat dans notre hémicycle, celui-ci doit, à notre sens, être suffisamment long pour que chacun puisse s'exprimer de façon exhaustive sur un sujet qui nous concerne tous.

Madame la ministre, en déposant ces trois motions, l'opposition ne fait rien d'autre que ce travail d'explication.

La niche parlementaire est donc, dans ces conditions, totalement inadaptée et ne permet pas un travail sérieux.

Il en est de même des conditions de travail au sein de la commission des lois : en quelques minutes, nous sommes passés en effet d'une proposition de loi présentée par les Verts, qui prévoyait l'octroi du droit de vote aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne à toutes les élections locales à une proposition de loi socialiste, heureusement bien plus restreinte, qui ne le dispose que pour les élections municipales, et encore, vous le savez, sous conditions...

Malheureusement, ce pas vers plus de lucidité, ou plutôt moins d'utopie, ne change rien au principe du texte qui demeure, je le répète, totalement inacceptable en soi.

Fait encore plus marquant : le texte issu de la commission a été adopté avec l'abstention du rapporteur, une abstention fondée, nous précise-t-il, sur un souci de cohérence.

M. Jacques Myard.

Ils sont incohérents, de toute façon !

M. Thierry Mariani.

Oui, il y a là une conception toute verte de la cohérence. Que va faire M. Mamère à l'issue de ce débat ?

M. Jacques Myard.

Il n'est pas là !

M. Thierry Mariani.

Va-t-il s'abstenir une nouvelle fois ? Ou bien, dans un souci de cohérence qui ne manquera pas d'étonner les observateurs de nos discussions, va-t-il changer son vote et adopter le texte qui nous est soumis ce matin ? Tout cela n'est vraiment pas très sérieux et montre bien votre embarras devant une question qui touche à l'essence même de la nation et qui revêt dans notre pays une importance toute particulière.

D'autres griefs sur la forme peuvent être évoqués.

Puisqu'il s'agit d'une proposition de loi, le Conseil d'Etat ne l'a pas examinée et n'a donc pas rendu d'avis sur le dispositif proposé. Compte tenu de l'importance de la question, cette absence de réflexion juridique nous semble particulièrement préjudiciable. Nous avons vu les résultats d'une telle procédure avec le PACS.

Le Conseil économique et social, lui non plus, n'a pas été saisi de votre proposition de loi. Il aurait été pourtant intéressant de connaître l'avis de cette institution qui représente la société française dans toute sa diversité sur un sujet aussi important que les conditions d'exercice de la citoyenneté.

S'il n'est pas question pour nous de nier l'initiative parlementaire en matière d'élaboration de la loi, nous considérons, par contre, que les séances réservées à l'ordre du jour fixé par notre assemblée doivent concerner des réformes directement applicables ne bouleversant pas les institutions de notre pays.

Au lieu de cela, vous nous proposez quasi systématiquement, à l'occasion des niches parlementaires, des textes polémiques, uniquement destinés à produire des effets médiatiques et à marquer les différences entre composantes de la majorité plurielle.

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Thierry Mariani.

Mes chers collègues, nous avons bien compris que vous étiez pluriels.

Les Français sont au fait de vos différences d'appréciation sur un certain nombre de sujets. Il est regrettable que la séance réservée à l'ordre du jour fixé par notre assemblée ne soit mise à profit que pour étaler vos divisions et vos particularités. Tel n'est pas l'esprit de la réforme de notre règlement en ce domaine.

Si le cadre de ce débat est inadapté, le texte que vous nous proposez est, dans sa forme, laconique et inachevé.

Qu'il s'agisse en effet du texte initial déposé par les Verts ou du dispositif sorti des trop brefs travaux de la commission, nous ne disposons pas aujourd'hui de tous les éléments qui auraient permis de débattre sereinement et en connaissance de cause de cette question.

Pour l'essentiel, vous renvoyez les conditions d'application de votre proposition de loi constitutionnelle à une loi organique à ce jour purement virtuelle.

Comment voulez-vous exposer simplement et de façon complète aux Français vos arguments en faveur de l'octroi du droit de vote des étrangers non ressortissants de l'Union européenne dans ces conditions ? Comment voulez-vous que nous vous répondions de façon tout aussi complète sans connaître tous les tenants et les aboutissants de votre texte ? Franchement, qui méprise le débat démocratique en employant de tels procédés ? De nombreuses zones d'ombre demeurent.

Allez-vous fixer un délai de résidence ? Dans l'affirmatique, ce délai sera-t-il de dix ans, comme semble le préconiser le ministre de l'intérieur, de trois ans, comme nous avons cru le comprendre en lisant les différentes déclarations des Verts, ou bien encore de cinq ans comme c'était le cas dans le programme de la gauche en 1981 ? Comptez-vous appliquer votre texte sous réserve de réciprocité, comme cela est actuellement la règle pour les ressortissants de l'Union européenne ? Cela ne semble pas être le cas. Dans ces conditions, vous accorderiez moins


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de droit à nos partenaires européens qu'aux ressortissants des Etats tiers, ce qui nous paraît constituer une bien étrange conception de la construction européenne.

En bref, nous sommes contraints de constater qu'en l'état actuel de votre texte, nous ne savons pas trop de quoi nous débattons.

Nous savons bien que l'objectif de cette discussion est ailleurs. Nous avons compris qu'il s'agit juste pour vous de profiter d'une tribune et de tenter de réveiller et de ressouder un électorat d'extrême droite aujourd'hui en désérence.

Permettez-moi de vous dire qu'il y a tout de même des l imites. Les manoeuvres politiciennes ne grandissent jamais ceux qui les ont imaginées.

Si votre texte, dans sa forme, est totalement inacceptable, nous considérons qu'il heurte au fond toute notre tradition constitutionnelle et ne trouve aucune justification.

Votre texte est également inacceptable quant à son fond.

Il est, en effet, contraire à notre tradition constitutionnelle. Vous le reconnaissez d'ailleurs vous-même ! Depuis la Révolution, toutes les constitutions, sauf une, liaient étroitement droit de vote, nationalité et citoyenneté.

La conception républicaine française de la citoyenneté a toujours été de réserver le droit de vote aux nationaux et à eux seuls.

Seule la constitution montagnarde de 1793, qui n'a jamais été appliquée, prévoyait la possibilité d'accorder le droit de vote à des étrangers. Permettez-moi, rapidement, de vous lire l'article 4 de cette fameuse Constitution de 1793 : « Tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis qui, domicilié en France depuis une année, y vit de son travail ou acquiert une propriété, épouse une Française ou adopte un enfant, ou nourrit un vieillard ; tout étranger enfin qui sera jugé par le corps législatif avoir bien mérité de l'humanité est admis à l'exercice des droits de citoyen français. »

Ce texte qui, selon certains auteurs, a fortement influencé les constitutions révolutionnaires marxistes, n'a été comme le souligne le professeur Louis Favoreu, qu'une « utopie dans le droit public français ».

C'est cette utopie que votre idéologie vous conduit à nous proposer à travers le dispositif dont nous débattons aujourd'hui. Car votre texte suppose que la citoyenneté puisse être multinationale.

Or, mis à part le cas très particulier de l'Union européenne, qui se justifie, mais j'y reviendrai plus tard, nous ne pensons pas que cela soit opportun.

Pour nous, la citoyenneté est étroitement liée à l'exercice de la souveraineté nationale. Elle ne peut s'exerceer à travers le droit de vote que pour les nationaux, et eux seuls.

Le droit de vote doit être un et indivisible.

Nous considérons, à l'exception du droit accordé aux ressortissants de l'Union européenne, qu'il n'est pas opportun de fractionner la citoyenneté, de la découper en tranches. C'est ce que vous voulez faire en accordant le droit de vote aux étrangers à certaines élections mais pas à d'autres.

Nous refusons, pour notre part, de délivrer aux étrang ers installés régulièrement sur notre territoire une citoyenneté au rabais, tout comme nous refusons de leur accorder un droit de vote et d'éligibilité partiel. Ces derniers méritent mieux que cela, et ce n'est pas les respecter que de leur faire cette aumône.

Etre citoyen français, cela passe par l'acquisition de la nationalité française.

J'entends bien les principaux arguments que vous développez pour tenter de justifier votre proposition de loi.

Le premier consiste à considérer que toute personne payant des impôts en France doit pouvoir bénéficier du droit de vote en contrepartie de son tribut.

M. Mamère, il y a quelques minutes, nous a dit que c'était un argument scandaleux. Je note cependant qu'il a été employé à plusieurs reprises par certains membres de votre majorité plurielle.

Le deuxième argument, le plus souvent mis en avant, consiste en la prétendue inégalité qui résulterait de l'octroi du droit de vote aux élections municipales aux ressortissants de l'Union européenne par rapport aux ressortissants des autres Etats.

Quant au troisième, il a trait à la prétendue largesse en ce domaine de nombreux pays de l'Union.

Nous ne sommes convaincus par aucun de ces trois arguments.

En ce qui concerne la possibilité de lier impôts et droit de vote, cela revient à réintroduire dans notre droit le suffrage censitaire.

Voilà, mes chers amis de la majorité, la grande avancée sociale que vous nous proposez ! Ce n'est ni plus ni moins que le retour à l'ancien régime. Car admettre de lier le paiement de l'impôt au droit de vote, c'est nier le concept même de citoyenneté.

La logique d'une telle démarche entraînerait la privation des droits civiques de tous nos concitoyens qui ne paient pas l'impôt.

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Thierry Mariani.

A une époque où un foyer sur deux est exonéré d'impôt sur le revenu, votre démarche est pour le moins hasardeuse et cavalière.

Mme Christine Boutin.

C'est scandaleux !

M. Thierry Mariani.

Car, entendons-nous bien, si le critère d'octroi du droit de vote consiste dans le paiement de l'impôt et non plus dans la détention de la nationalité française, il faudra, certes, si l'on suit votre raisonnement, accorder le droit de vote à certains étrangers, mais aussi le retirer à certains de nos concitoyens.

Cette attitude est totalement inacceptable et je sais que personne n'y songe sérieusement, mais cela montre aussi que cet argument n'est pas sérieux.

L'argument de l'impôt ne tient donc pas.

Le deuxième argument qui consiste en la prétendue rupture d'égalité entre ressortissants de l'Union européenne et ressortissants d'Etat tiers n'est guère plus convaincant.

L'Union européenne, mes chers collègues, est aujourd'hui une réalité économique, politique et institutionnelle. Elle garantit des droits à ses ressortissants.

Elle dispose d'institutions politiques - le Parlement, la Commission, le Conseil des ministres - et juridictionnelles - la Cour européenne de justice et la Cour européenne des droits de l'homme.

Cet édifice juridique en fait une construction institutionnelle originale et autonome.

Dans la mesure où la France et ses partenaires sont engagés depuis maintenant plusieurs décennies dans un destin commun, il est tout à fait acceptable d'attacher à


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cette construction des droits politiques tels que le droit de vote des ressortissants de l'Union pour les élections locales. Je note au passage que ces droits politiques sont accordés en application d'un traité international, en l'occurrence le traité de Maastricht, et conditionnés à une stricte réciprocité dans chacun des Etats membres.

Or tout cela n'a aucun rapport avec la proposition dont nous débattons ce matin, puisque celle-ci vise à accorder le droit de vote aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne pour les élections municipales, sans réciprocité ni contrepartie.

Enfin, un troisième argument revient souvent, contre lequel nous nous élevons et qui est repris dans l'exposé des motifs de la proposition de loi : de nombreux pays membres de l'Union accorderaient le droit de vote aux étrangers pour les élections locales. Regardons cela de plus près et nous verrons que cette « règle » est de très loin minoritaire : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la Grèce, l'Italie, le Luxembourg et le Royaume-Uni n'accordent pas de droit de vote aux étrangers non ressortissants de l'Union. Et dans les quelques pays qui l'ont fait, ce droit est ou bien fortement encadré, ou bien le résultat d'une particularité historique non transposable en France.

Prenons l'exemple du Portugal. En principe, les droits politiques et l'exercice des fonctions publiques sont réservés exclusivement aux citoyens portugais. Cependant, la constitution de ce pays, en son article 15, prévoit la possibilité d'accorder certains droits politiques aux citoyens des pays de langue portugaise par convention internationale et sous réserve de réciprocité ; ceux-ci ne peuvent toutefois être membres des organes de souveraineté et des organes du gouvernement des régions autonomes. Le Portugal n'a signé à ce jour qu'une seule convention de ce type avec le Brésil.

Plus largement, la loi électorale portugaise, toujours sous réserve de réciprocité, peut accorder à des étrangers qui résident sur le territoire national le droit de vote et d'éligibilité pour l'élection des membres des organes des collectivités locales, sous condition d'un délai de résidence de deux à cinq ans en fonction du pays d'origine. C'est dire que l'octroi du droit de vote aux étrangers non ressortissants de l'Union n'est pas la règle au Portugal, mais bien une exception fortement encadrée et justifiée par des considérations historiques.

Autre exemple : l'Espagne. Aux termes de l'article 23 de la constitution, seuls les citoyens espagnols ont le droit de voter et d'être éligibles. Cependant, les traités et les lois peuvent accorder un droit de suffrage aux étrangers pour les élections municipales sous réserve de réciprocité.

Le droit de vote n'est donc accordé à des étrangers qu'en application d'une convention bilatérale. En l'état actuel du droit espagnol, seuls les ressortissants norvégiens ont le droit de vote aux élections municipales en Espagne depuis un accord du 6 février 1990. Là encore, force est de constater que le droit de vote est non seulement fermement encadré, mais aussi clairement limité.

Aux Pays-Bas, troisième exemple, les étrangers originaires d'Etats non membres de l'Union peuvent depuis 1985 voter aux élections municipales sous deux conditions : y avoir résidé pendant cinq années et ne pas être au service d'un autre Etat. Deux conditions de poids qui ne figurent pas dans votre proposition... Deux conditions auxquelles il convient d'ajouter le fait qu'il est impossible dans ce pays de détenir une double nationalité. Nous sommes loin de la situation française ! Au Danemark enfin, depuis le 30 mars 1981, le droit de vote aux élections municipales est accordé à tout ressortissant étranger de plus de dix-huit ans résidant sur le territoire national depuis plus de trois années. Ici, la situation est différente, puisque le droit du sang domine très largement en matière d'acquisition de la nationalité.

La naissance au Danemark ne donne pas le droit à la nationalité ; le mariage avec un Danois ne le donne pas automatiquement non plus, et pas davantage l'adoption.

De surcroît, les règles de naturalisation y sont bien plus contraignantes qu'en France : il faut justifier de sept années de résidence ininterrompues, ne pas être arrivé sur le territoire après l'âge de cinquante ans et être bien intégré dans la société danoise.

Ce rapide tour d'horizon sur les législations de nos partenaires en matière d'octroi du droit de vote aux étrangers montre à l'évidence une forte disparité de situations, qui en aucun cas ne permet de conclure à une plus grande souplesse chez nos voisins. Tout au contraire la France semble particulièrement ouverte sur ce sujet.

Chaque fois qu'un pays a accordé le droit de vote à des étrangers, l'on peut trouver une justification sociale, juridique ou historique qui ne peut être transposée dans le nôtre.

En France, l'octroi du droit de vote aux municipales pour les étrangers non ressortissants de l'Union nous apparaît comme une proposition à la fois inutile et dangereuse.

Votre proposition est en effet inutile pour trois raisons majeures : Elle confond d'abord intégration et droit de vote, la France connaît depuis peu des règles très souples d'acquisition de la nationalité française...

M. Robert Gaïa.

Pas grâce à vous !

M. Thierry Mariani.

Enfin, une meilleure application des procédures déjà existantes de naturalisation suffirait amplement à régler la question.

Commençons par la première. Il convient de ne pas mélanger, ce que vous faites, intégration et droit de vote.

La France, qui peut se prévaloir d'une longue tradition d'accueil des étrangers sur son sol, a toujours su intégrer les populations qui ont souhaité s'y installer de façon stable et durable. Or cette intégration n'a aucun lien avec la nationalité des étrangers concernés.

Nous n'allons pas refaire le débat sur les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. Mais vos belles paroles et vos perpétuelles leçons de morale commencent quand même à nous lasser.

Vous avez rompu à plusieurs reprises les conditions qui permettaient justement à un étranger d'être bien accueilli en France et de s'y intégrer harmonieusement. Vous avez ainsi supprimé les certificats d'hébergement. Pourquoi donc avoir abrogé sans précaution des dispositions législatives extrêmement récentes, puisque nous avions réformé le régime des certificats d'hébergement en avril 1997 ? C'était un instrument de lutte contre l'immigration irrégulière, mais aussi un outil qui permettait aux étrangers de bénéficier de conditions de résidences décentes sur notre sol.

Je ne citerai qu'une phrase d'un ancien président de l'Assemblée nationale, devenu depuis quelques semaines ministre de l'économie de votre gouvernement, que vous trouverez au Journal officiel du 25 février 1997 : « Les certificats n'avaient qu'un but : préserver la dignité de l'étranger accueilli sur notre sol, lui garantir un toit, assurer sa santé physique et morale, mettre fin à l'exploitation


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de la misère des plus pauvres à laquelle se livrent les marchands de sommeil. » Nous ne pouvions qu'adhérer à

cette déclaration.

S'assurer que les étrangers qui entrent sur notre territoire ne sont pas livrés à des profiteurs qui les exploitent et abusent de leur situation de détresse, quoi de plus normal ? Chacun sait que certains logements étaient devenus des appartements relais et que certains individus présentaient des dizaines de demandes de certificat d'hébergement dans l'année ! En fait, il s'agissait de filières de travail clandestin. Ce sont les raisons pour lesquelles nous avions souhaité réformer le dispositif afin de mieux contrôler la délivrance des certificats, dans l'intérêt des étrangers eux-mêmes. Il s'agissait non pas d'interdire à nos concitoyens d'inviter des amis étrangers à leur domicile, mais tout simplement de lutter contre les filières organisées de travail au noir. C'est cela que vous avez remis en cause ! Ce n'est pas vraiment sérieux. Là, il s'agissait vraiment d'intégration ; or, je le répète, le droit de vote ne la favorise pas.

Une bonne intégration nécessite des conditions de vie décentes ; les certificats avaient eux aussi cet objectif. Ils faisaient obstacle aux filières de travail clandestin. Nous ne pensons pas que les personnes vivant dans des logements insalubres se trouveront mieux intégrées si, par la grâce de votre loi, elles peuvent demain voter aux élections municipales. Une bonne intégration impose par ailleurs des flux migratoires maîtrisés. Là encore, vos belles paroles ne sont pas suivies d'actes.

Autre exemple : les conditions du regroupement familial. Par la loi du 24 août 1993, nous avions voulu l'encadrer par des règles précises.

Contrairement à ce que prétend la gauche, prompte à donner des leçons, la législation que nous avions adoptée était conforme à la Convention européenne des droits de l'homme, qui pose le principe du droit à mener une vie familiale normale. La Convention disposant que le respect de la vie privée et familiale des étrangers n'est pas exclusif de considérations relatives « à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale et à la protection des droits et libertés d'autrui », il nous paraissait indispensable d'exam iner sérieusement les conditions matérielles dans lesquelles les personnes bénéficiant du regroupement familial pouvaient vivre en France. Or vous avez assoupli, et de façon radicale, les règles du regroupement familial sur plusieurs points.

Nous avions prévu que le droit au regroupement était ouvert aux étrangers qui pouvaient justifier de deux années de résidence légale en France ; vous avez décidé de ramener ce délai à une seule année de résidence, en l'ouvrant de surcroît aux enfants du demandeur ou de son conjoint dès lors qu'ils exerçaient l'un ou l'autre l'autorité parentale en vertu d'une décision émanant d'une juridiction étrangère ; quand on connaît l'état de la justice dans certains pays, on ne peut être qu'inquiet d'un tel élargissement.

N ous avions également prévu que les ressources devaient au minimum atteindre le SMIC mensuel. En d'autres termes, il devait être possible de refuser le regroupement familial aux familles nombreuses dont les revenus, même s'ils dépassaient le SMIC mensuel, restaient trop faibles pour vivre normalement en France. Or vous avez décidé qu'on ne pourra plus refuser le regroupement si le revenu de la famille est égal ou supérieur au SMIC, prestations sociales incluses. Cela n'est pas sérieux et, une fois de plus, ne favorise en rien une bonne intégration. Croyez-vous vraiment l'améliorer en accordant le droit de vote à des personnes qui résident sur le territoire national sans réels moyens de subsistance ? Enfin, nous avions prévu que le demandeur devait disposer d'un logement « considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France », cette condition de bon sens devant être appréciée au jour de la demande.

Vous avez considéré que le demandeur devra seulement justifier qu'il sera en mesure de disposer d'un tel logement à la date d'arrivée de la famille.

Ces quelques exemples montrent que les assouplissements contenus dans votre proposition de loi, mes chers collègues, vont à l'encontre de l'objectif de maîtrise des flux migratoires que nous avions souhaité mettre en oeuvre et qui avait commencé à porter ses fruits. Le nombre de personnes entrées au titre du regroupement familial était passé de 32 665 en 1992, à 13 889 en 1996 : c'est dire que nous avions obtenu des résultats encourageants, aujourd'hui remis en cause par votre politique.

Vous avez renoncé à maîtriser les flux migratoires.

Votre proposition de loi, tout comme la façon dont vous avez géré l'affaire des sans-papiers, met gravement en péril l'intégration des étrangers venus s'installer dans notre pays. Sous couvert de générosité, vous allez précisément à l'encontre de l'intégration des étrangers régulièrement installés sur notre sol.

E n favorisant l'irrégularité, vous affaiblissez la République, vous méprisez les étrangers qui respectent nos lois, vous créez un réflexe de rejet de la part de nos concitoyens ; avant de penser à accorder le droit de vote aux étrangers, vous feriez bien de mettre en oeuvre des règles d'accueil et de séjour qui permettent réellement leur intégration à la communauté nationale. Or toute votre politique reste à cet égard marquée par un communautarisme que vous favorisez et une ghettoïsation que vous entretenez.

Les belles déclarations et les élans de générosité n'y changent rien et vous vous trompez de débat quand vous affirmez que l'intégration passe par le droit de vote. A ce titre, votre proposition de loi apparaît inutile car totalement hors sujet.

J'en viens maintenant à ma deuxième raison : la France propose plusieurs modes d'acquisition de la nationalité largement ouverts à tous les étrangers qui souhaitent l'obtenir et, par voie de conséquence, participer aux élections.

L'acquisition par mariage tout d'abord : le conjoint d'une personne de nationalité française peut devenir français par déclaration après un an de mariage et de vie commune. Ce délai est supprimé en cas de naissance d'un enfant dont la filiation est établie à l'égard des deux conjoints. La déclaration est enregistrée par le ministre chargé des naturalisations et le juge d'instance en délivre un récépissé à l'intéressé.

L'acquisition par la naissance et la résidence en France ensuite : cette acquisition est de plein droit pour les enfants nés en France de parents étrangers résidant en France et qui justifient y avoir résidé pendant une période discontinue ou continue d'au moins cinq ans depuis l'âge de onze ans. Dès lors, ceux-ci acquièrent la nationalité française à leur majorité.

La loi prévoit également une acquisition par déclaration. Tout enfant né en France de parents étrangers peut, dès l'âge de seize ans, réclamer la nationalité française si , lors de sa déclaration, il a en France sa résidence principale et s'il y a eu sa résidence habituelle pendant au moins cinq ans depuis qu'il a onze ans. Les parents étrangers peuvent également réclamer la nationalité française


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pour leur enfant nés en France dès qu'il atteint l'âge de treize ans, à condition que celui-ci donne son accord et qu'il réside en France depuis au moins cinq ans depuis l'âge de huit ans. Une procédure d'acquisition par réclamation est par ailleurs prévue pour les enfants recueillis ou adoptés.

L'acquisition par la naturalisation enfin : l'article 21-15 du code civil dispose que « L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. » La naturalisation n'est en rien une procédure

subsidiaire. C'est le mode normal d'acquisition de la nationalité française lorsqu'une personne étrangère ne bénéficie pas du droit d'acquérir la nationalité française de manière automatique ou par déclaration. Et dès lors que l'intéressé n'a pas la volonté de devenir français, pourquoi aurait-il le droit de vote ? Nous le voyons bien, il est aisé de devenir français, pour peu qu'on le souhaite réellement. Du reste, les derniers chiffres publiés par la ministère de la justice en attestent. Je vous renvoie au rapport : « Estimées à 123 761, les acquisitions de la nationalité française ont été en 1998 nettement supérieures - plus 6,5 % - à ce qu'elles avaient été en 1997 - 116 194 acquisitions. Le flux d'acquisitions de 1998 atteint ainsi le niveau le plus élevé observé depuis 1994, année également marquée par de forts phénomènes transitoires générés par une réforme du droit de la nationalité. » Suit une série de chiffres en

fonction des principaux modes d'acquisition de la nationalité française - naturalisation, réintégration, manifestation de volonté, acquisition de droit, dispositions transitoires, acquisition anticipée - que je viens d'énumérer.

« Les personnes étrangères mariées à un conjoint français peuvent acquérir elles aussi la nationalité française par déclaration, après une durée de mariage ramenée à un an au lieu de deux ans par la loi du 16 mars 1998.

Plus de 22 000 personnes étrangères ont ainsi acquis la nationalité française à raison du mariage avec un conjoint français en 1998, soit une augmentation de 6 % par rapport à 1997. »

Ces résultats montrent combien votre proposition est inutile, pour peu qu'on la regarde de près.

Bien entendu, nous sommes conscients que la procédure de naturalisation est lourde. Dans ce cas, pourquoi ne pas l'alléger quelque peu ou du moins l'appliquer avec plus de rapidité ? Il n'est pas besoin d'une réforme constitutionnelle pour cela ; nous pensons même que les résultats d'une telle démarche seraient bien plus efficaces pour les intéressés. Nous serions donc tout à fait ouverts à une telle évolution qui permettrait, tout en s'assurant de la bonne intégration des demandeurs, d'instruire leurs dossiers dans des délais plus rapides.

Votre proposition est à nos yeux non seulement inutile, mais bel et bien dangereuse. Non seulement elle ouvre la porte au droit de vote des étrangers aux élections nationales, mais elle ranimera un sentiment xénophobe dans notre pays.

Le ministre de l'intérieur, M. Chevènement, a luimême reconnu que l'élargissement du droit de vote aux étrangers pour les élections locales était une première étape vers l'octroi du droit de vote à toutes les élections.

Vous-mêmes, mes chers collègues, l'avez bien senti en commission, à tel point que vous avez finalement préféré adopter un amendement portant article additionnel après l'article 72 de la Constitution, et non plus, comme le prévoyait la proposition initiale, à l'article 3 de notre texte fondateur.

En modifiant l'article 3, vous vous attaquiez à l'exercice de la souveraineté nationale ; en nous proposant un article additionnel après l'article 72, vous semblez ne vous attaquer qu'aux principes régissant les conditions de fonctionnement des collectivités territoriales. Mais ne croyez pas que nous soyons dupes ! En répondant favorablement à l'appel du collectif réclamant le droit de vote pour les étrangers, dont le slogan est « Même sol, mêmes droits, même voix », vous mettez le doigt dans un engrenage qui risque de vous entraîner jusqu'à l'octroi du droit de vote aux étrangers pour toutes les élections. La proposition de loi initiale allait du reste dans ce sens. Elle ne contenait aucun garde-fou en matière de vote pour les élections sénatoriales, elle permettait à des étrangers d'être maires ou adjoints, ou même présidents de collectivités locales, et je ne parle même pas du cas du conseiller général ou du conseiller régional.

Dès lors, notre débat change totalement de sens ! Comment en effet accepter que des étrangers puissent participer à l'exercice de notre souveraineté nationale ? L'article 3 de notre constitution est pourtant bien clair :

« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum... Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques. »

Sont électeurs tous les nationaux français... Cela paraît tomber sous le coup du bon sens ! Comment en effet imaginer un seul instant que des étrangers, fussent-ils installés en France depuis un certain temps, puissent voter aux élections nationales et ainsi décider des choix fondamentaux de notre nation ? L'intention du constituant de 1958 de lier droit de vote et nationalité ne fait aucun doute. Et cela est d'ailleurs bien normal.

A nos yeux, le fait d'être Français implique des devoirs, qui ont pour corollaire le droit de vote. Or ces devoirs, et notamment celui de défendre notre pays en cas d'agression, ne sont pas partagés par les étrangers. Ceux-ci peuvent être accueillis sur notre sol, y jouir de droits sociaux et politiques équivalents aux droits de nos concitoyens, mais il ne saurait être question pour nous d'y ajouter le droit de vote aux élections nationales. Nous considérons pour notre part que la souveraineté nationale ne peut se partager avec des non-nationaux ; nous avons déjà eu ce débat à l'occasion des transferts de souveraineté en faveur des institutions européennes et chacun sur ces bancs a pu clamer son attachement à la souveraineté nationale. De surcroît, si la France a accepté des transferts de compétence, il a bien été précisé que ceux-ci restaient limités et soumis au principe de subsidiarité. Comment appliquer concrètement votre proposition d'accorder le droit de vote à des étrangers non ressortissants de l'Union européenne ? Voter en France implique de détenir ses droits civils et politiques. Se pose alors la question du contrôle de la capacité de l'étranger désirant voter dans notre pays.

Il n'est déjà pas aisé de vérifier la capacité de nos partenaires ressortissants de l'Union européenne ; comment comptez-vous procéder quand il faudra vérifier celle du ressortissant dont le pays n'a pas la même rigueur en matière de tenue de l'état civil ? Comment allez-vous vérifier la capacité d'un ressortissant rwandais, sénégalais, éthiopien ou russe ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

Par ailleurs, allez-vous accepter, mes chers collègues, le double vote ? Allez-vous accepter que les étrangers votant aux élections municipales en France puissent aussi voter dans leur pays d'origine ? Autant de questions auxquelles vous devriez répondre ! Voilà quelques-uns des dangers que recèle ce texte tant il est général et incomplet. Car si nous devions accepter ce double vote, si nous devions accepter le fait que l'on puisse être élu dans un pays tiers et voter en France, alors, mes chers collègues, nous aurions une bien curieuse conception de la citoyenneté.

M. Bernard Birsinger.

Cela existe déjà avec la double nationalité.

M. Thierry Mariani.

Enfin, sur cette question qui, nous le savons, réveille dans notre pays certains sentiments xénophobes et racistes, ne pensez-vous pas à l'instar d'un de vos amis, M. Sami Naïr, que « ce serait une erreur politique de faire voter une loi constitutionnelle sur ce sujet à l'approche des élections municipales : la majorité actuelle violerait ainsi l'usage qui veut que l'on ne change pas la loi dans l'année qui précède une élection nationale.

En y consentant, elle s'exposerait à l'accusation légitime de démagogie électorale...

M. Patrick Ollier.

C'est vrai !

M. Thierry Mariani.

... soit pour gagner les voix des immigrés, soit pour réchauffer, à des fins de division de la droite, la haine d'une extrême droite en perdition » ? Ces propos ont été cités dans Libération du 7 décembre 1999.

M. Patrick Ollier.

C'est le bon sens !

M. Thierry Mariani.

On ne peut mieux résumer la situation et les conditions du débat.

Cette proposition de loi est donc démagogique, politicienne et contraire à nos principes constitutionnels. Sous couvert de générosité, vous nous présentez des textes qui ne sont que la traduction de calculs électoraux. Vous jouez avec nos institutions, vous jouez avec nos concitoyens, vous jouez, enfin, avec les étrangers eux-mêmes à qui vous faites de fausses promesses ! Notre position est claire : nous refusons d'accorder le droit de vote aux étrangers non communautaires. La citoyenneté et la nationalité sont indéfectiblement liées.

Contrairement à ce que déclarait l'un de nos collègues, Bruno Le Roux, ce matin sur une chaîne de radio, nous ne pensons pas être au début d'un quelconque processus allant dans ce sens.

M. Julien Dray.

Oh que si !

M. Thierry Mariani.

Quand nous reviendrons aux affaires, et cela ne saurait tarder,...

M. Julien Dray.

Cela viendra en son temps, mais ce temps sera long !

M. Thierry Mariani.

... nous ferons ce qu'il faudra pour maintenir de manière pérenne le lien entre droit de vote et nationalité.

Telles sont, mes chers collègues, les raisons qui justifient amplement l'adoption de la question préalable que j'ai eu l'honneur de présenter au nom du groupe du Rassemblement pour la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Noël Mamère, rapporteur.

Monsieur Mariani, notre intention n'est pas d'aller à l'encontre de l'esprit des institutions. Il ne me semble pas contraire à la tradition démocratique que les constituants que nous sommes modifient la Constitution. Cela entre dans nos attributions. Que je sache, ce n'est pas au Conseil constitutionnel, derrière lequel vous vous réfugiez, de fixer le droit et l'Etat de droit, cela revient au constituant. Nous sommes les élus du peuple et nous représentons le peuple pour faire progresser l'Etat de droit.

J'ajouterai, monsieur Mariani, que nous irons jusqu'au bout du processus parlementaire. Malgré les efforts que vous déployez pour empêcher que la discussion générale se termine ce matin et, donc, qu'un vote intervienne dans le cadre de la « fenêtre parlementaire », l'ensemble de la majorité plurielle compte sur le Gouvernement pour qu'il inscrive le plus vite possible cette discussion à l'ordre du jour prioritaire de l'Assemblée nationale, comme ce fut le cas pour le PACS.

Enfin, monsieur Mariani, vous avez évoqué un marchandage. Mais les Verts ne veulent pas accorder une citoyenneté au rabais et on ne marchande pas des droits fondateurs de la démocratie. La proposition de loi que nous présentons aujourd'hui n'a fait l'objet d'aucune négociation. Pour la raison simple - il suffit de lire ces publications du parti Vert pour vous en convaincre - que notre position sur cette affaire est constante. Nous avons proposé, dans le cadre des fenêtres parlementaires qui nous sont bien chichement attribuées, un texte qui nous semble essentiel et nous attendons de nos collègues de la gauche plurielle, ici rassemblés, qu'ils soient solidaires comme nous l'avons été sur d'autres textes fondamentaux.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jean-Antoine Leonetti.

Message décodé !

M. Charles Cova.

Il faut vous en expliquer dans les communes, et ce ne sera pas facile.

M. Noël Mamère, rapporteur.

Le compromis trouvé en commission des lois va dans ce sens : il y aura un vote unanime de la majorité plurielle sur cette proposition de loi.

Je ne m'étendrai pas sur la confusion que vous faites entre « citoyenneté » et « nationalité ». Je rappellerai simplement les risques que nous faisons courir à la vie démocratique de nos pays de l'Union européenne. Nous sommes en train de construire une citoyenneté européenne appuyée sur la nationalité qui interdit une citoyenneté européenne de résidence. Depuis la chute du mur de Berlin, l'Europe a passé son temps, à travers des directives, à se refermer sur elle-même, je pense, en particulier, aux accords de Schengen. Ce que vous proposez va tout à fait dans ce sens. Nous plaidons, quant à nous, pour une République ouverte et généreuse, mais aussi pour une Europe citoyenne ouverte et généreuse.

Pour ces raisons, je demande à l'Assemblée de se prononcer contre la question préalable.

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, j'ai noté le plan de votre intervention : inacceptable, inutile et dangereux, et je vais l'utiliser à mon tour pour qualifier vos propos.

Votre intervention était inacceptable car vous êtes obsédé par la maîtrise des flux migratoires. Vous parlez non pas de la proposition de loi mais du regroupement


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

familial. Il ne s'agit pas aujourd'hui, monsieur Mariani, de l'entrée et du séjour des étrangers ; il s'agit d'aborder la situation d'étrangers qui sont durablement installés chez nous. Il ne faut pas confondre l'entrée sur le territoire et la résidence stable.

A ce sujet, je tiens à vous rappeler les propos que tenait M. Alain Juppé dont vous êtes proche...

M. Robert Gaïa.

De moins en moins !

Mme la garde des sceaux.

... le 1er octobre 1999 dans une interview accordée au Monde

M. Thierry Mariani.

Lisez l'intégralité de l'interview !

Mme la garde des sceaux.

« L'immigration zéro ne veut pas dire grand-chose. Le regroupement familial est un droit et l'Europe, compte tenu de sa démographie, aura sans doute besoin d'apport de main-d'oeuvre étrangère. »

M. Thierry Mariani.

Lisez le reste de l'interview !

Mme la garde des sceaux.

Votre intervention était inutile car vous avez repris les arguments développés tout à l'heure par M. Goasguen. Vous répétez que la souveraineté ne se divise pas, qu'elle n'est pas détachable de la nationalité. Lisez donc la proposition de loi, elle modifie la Constitution après l'article 72 et non l'article 3.

M. Thierry Mariani.

C'est ce que j'ai dit !

M. François Goulard.

Mais cela concerne l'article 3.

Mme la garde des sceaux.

Certes, cette attitude ne m'étonne pas puisque, lors du référendum sur le traité de Maastricht, vous aviez déjà pris des positions extrêmement hostiles. D'ailleurs l'opposition à laquelle vous appartenez aujourd'hui s'est bien gardée de transposer en droit français la directive prévoyant le droit de vote des étrangers communautaires aux élections municipales dès 1995. Il faut attendre les élections municipales prochaines pour le faire.

Enfin, votre intervention est dangereuse, car vous laissez persister l'idée qu'il faudrait stigmatiser une large frange de la population durablement établie chez nous qui, je le répète, mérite le respect. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Patrick Ollier.

Cela n'a rien à voir avec le respect !

M. Thierry Mariani.

C'est de la caricature !

M. François Goulard.

Ils n'ont qu'à choisir la nationalité française !

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Julien Dray, pour le groupe socialiste.

M. Julien Dray.

Monsieur le président, je voudrais m'adresser à nos collègues de l'opposition.

Pour la première fois dans cet hémicycle, nous discutons d'un sujet qui a été débattu dans la vie politique mais sur lequel l'Assemblée nationale n'avait jamais eu le droit de se prononcer. En effet, depuis maintenant plus de dix-huit ans, la question du droit de vote des étrangers aux élections locales est un élément du débat politique, de la vie politique de notre pays mais l'Assemblée nationale n'avait jamais pris position.

L'Assemblée nationale représente le peuple. Elle est majeure. On ne peut pas lui interdire, au nom de je ne sais quel sondage, le droit de discuter et de donner sa version des faits.

M. François Goulard.

Personne ne le conteste.

M. Julien Dray.

Elle est responsable. Si elle se trompe, le peuple peut, le moment venu, sanctionner la majorité qui a voté ou tout au moins donner son point de vue.

Développer l'argumentation selon laquelle l'Assemblée nationale ne pourrait pas discuter de cette question au nom de je ne sais quel censeur moral qui s'élèverait audessus de la représentation nationale relève d'une conception de la démocratie qui n'est pas la mienne. Il est au contraire normal et légitime d'en débattre, et nous aurions dû le faire depuis longtemps. Nous aurions pu connaître alors la position de chacun d'entre nous, représentants du peuple français.

M. Patrick Ollier.

Vous n'avez jamais défendu de question préalable, vous ?

M. Julien Dray.

Nous nous serions expliqués dans nos circonscriptions, en revendiquant nos choix, ce qui aurait permis au peuple de trancher.

Oui, il est bien urgent et utile de débattre de cette proposition de loi.

Il est utile que la représentation nationale dise enfin quel type de droit de vote elle veut voir s'exercer dans les années à venir.

On nous dit que ce n'est pas le moment, on avance la fameuse théorie du « chiffon rouge ». Quand les élections locales sont éloignées, on nous explique que nous faisons une opération politicienne, et quand nous sommes à la veille de ces mêmes élections, on nous adresse le même reproche au motif que nous essaierions de peser sur le scrutin.

En réalité, c'est parce que ce n'est jamais le moment de discuter de cette question qu'elle se pose de manière lancinante à toute la société française. A aucun moment, nous n'avons pu savoir si elle représentait ou non un intérêt pour l'intégration et pour la citoyenneté que nous voulons conférer à certaines populations étrangères en France.

Voilà pourquoi je crois au contraire que, à quelques mois des prochaines élections locales, sur lesquelles cette loi ne pèsera pas puisqu'elle ne permettra pas aux étrangers d'y voter, il y a un certain courage à assumer politiquement cette mesure devant le pays, en expliquant la citoyenneté que nous voulons pour l'avenir. Si le peuple français rejetait cette proposition aussi massivement que vous voulez bien le dire, il serait suicidaire pour la majorité actuelle que d'accepter d'en discuter, et vous n'auriez qu'à vous réjouir de nous voir vous donner des arguments pour gagner les futures élections locales.

M. Charles Cova.

On verra les résultats.

M. Julien Dray.

C'est donc un acte de courage que de soutenir cette proposition de loi à la veille d'élections et de l'assumer dans les mois à venir.

Sur le fond, le débat me semble utile pour une raison qui tient à mon expérience.

Je participe actuellement à de nombreuses réunions dans plusieurs villes et, d'une certaine manière, je suis surpris d'entendre de nombreux jeunes citoyens français réclamer le droit de vote, non pour eux-mêmes - ils ont déjà leur carte d'électeur - mais pour leurs parents.

M. Thierry Mariani et M. Guy Teissier.

Ils n'ont qu'à devenir Français !

M. Julien Dray.

Ils ont aidé à construire la France pendant vingt ou trente années, me disent-ils, ils ont contribué à développer ce pays par leur sang et par leur travail, mais ils sont des « sans-droits ». Ils ne comprennent pas, ces nouveaux citoyens français, pourquoi on ne respecte pas le travail que leurs parents ont fourni.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

M. Jacques Floch.

Très bien !

M. Richard Cazenave.

Cela n'a rien à voir avec le respect !

M. Thierry Mariani.

Ils n'ont qu'à se faire naturaliser !

M. Julien Dray.

Ils ne comprennent pas pourquoi on ne leur donne pas une forme de considération en leur permettant de s'exprimer aux élections locales.

M. Charles Cova.

Mais non !

M. Richard Cazenave.

N'importe quoi !

M. Julien Dray.

Le droit de vote est un élément d'intégration. En le donnant à leurs parents, nous offrons à ces jeunes Français qui doutent de leur appartenance à la communauté, un élément supplémentaire de confiance et un signe supplémentaire d'appartenance à la communauté française.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. Julien Dray.

Il est urgent de mettre en place ce dispositif parce que c'est en intégrant les parents que nous intégrerons au mieux leurs enfants, citoyens français qui ont souvent le sentiment d'être des citoyens de seconde zone ou d'être stigmatisés par des mesures discriminatoires.

C'est par ces actes positifs à l'égard de leurs parents que nous favoriserons l'intégration de ces jeunes. Vous le savez bien, puisque beaucoup de responsables politiques de votre bord ont reconnu, à la suite des colloques ou des discussions auxquels ils ont participé et parce qu'ils ont été confrontés, dans la pratique, à cette demande des plus jeunes générations, que ce droit constituait un acte fort.

Voilà pourquoi je crois qu'il est impératif aujourd'hui de discuter de cette proposition.

Je finirai par une remarque très importante : l'Europe que nous construisons, si elle veut être une Europe ouverte, ne peut oublier sa façade méditerranéenne. Elle ne peut oublier des peuples et des pays avec lesquels nous partgeons souvent une histoire plus longue qu'avec les pays avec lesquels nous construisons aujourd'hui l'Europe.

Ils attendent de la France des signes de reconnaissance et l'assurance qu'ils ne seront pas oubliés dans la construction de l'Europe.

M. Rudy Salles.

Satisferont-ils la condition de la réciprocité ?

M. Julien Dray.

Les peuples, ou leurs représentants, d'Afrique noire comme du Maghreb évoquent, eux aussi, cette question du droit de vote des étrangers aux élections locales.

M. Yves Cochet.

Monsieur Dray, je vous prie de conclure, s'il vous plaît.

M. Julien Dray.

La France et l'Europe enverraient ainsi un signe à leur façade méditerranéenne.

Voilà pourquoi, monsieur le président, je pense qu'il est nécessaire de ne pas voter la question préalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Antoine Leonetti, pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Au nom du groupe RPR, M. Mariani vient de défendre avec conviction et efficacité la question préalable.

Il a montré combien cette loi n'est utile ni à la France, ni à la construction européenne, ni même aux étrangers que l'on voudrait ainsi défendre. Elle est, en effet, fondée sur une conception mondialiste de la citoyenneté, en rupture avec notre conception républicaine de la citoyenneté qui est, dans notre tradition et notre constitution, indissociable de la nationalité.

Pour nous, en effet, être citoyen, et posséder le droit de vote qui s'attache à cette citoyenneté, signifie être membre d'une communauté forgée par l'histoire des générations antérieures, qui, sur un socle de valeurs démocratiques, affirme clairement vouloir une destinée commune et se déclare prête à défendre un territoire et des valeurs. C'est là une vision républicaine de la citoyenneté.

Pour vous, être citoyen et voter, c'est seulement être là pendant une période et participer à la vie de la cité. C'est une citoyenneté de résidence, une citoyenneté de passage, une citoyenneté de consommateurs. C'est une vision communautariste de la citoyenneté.

Je vous demande de mesurer les risques de cette proposition de loi.

Elle comporte d'abord le risque d'ébranler les repères identitaires du peuple français et les valeurs républicaines qui s'y rattachent, dans une société en quête de valeurs.

Que restera-t-il, à terme, de la France si les nationaux n'ont pas plus de droits politiques que les étrangers pour décider de leur avenir ? Elle comporte aussi, indubitablement, le risque de compromettre la construction européenne, à laquelle nouss ommes particulièrement attachés. En accordant les mêmes droits aux étrangers européens et aux étrangers non communautaires, elle fragilise la notion de citoyenneté européenne, qui est fondée sur la nationalité des

Etats membres, et complète, sans la remplacer, la citoyenneté nationale.

Elle comporte le risque, même s'il est moins grand qu'à une certaine période, de faire renaître les vieux démons de la xénophobie et du racisme, mais n'est-ce pas, chez certains d'entre vous, un risque calculé ? Elle comporte le risque de faire perdre leurs illusions et leurs espoirs à des étrangers à qui vous promettez depuis vingt ans des choses que vous savez ne pas pouvoir tenir.

D'ailleurs ces personnes, qui bénéficient en France, Dieu merci, de tous les droits fondamentaux et civiques, ne les réclament pas.

Elle comporte enfin, et peut-être surtout, le risque de discrédit de la classe politique, en montrant que la représentation nationale, au cours d'une fenêtre parlementaire de quelques heures utilisée par le groupe le plus minoritaire de notre assemblée, discute d'une proposition de loi qui touche au droit le plus fondamental des peuples démocratiques et souverains, l'identité nationale et le droit de vote. Avec comme seule excuse, il est vrai, la certitude que cette loi ne sera pas votée. « Une vaste blague », comme l'a qualifiée aujourd'hui dans la presse le président de SOS-Racisme.

M. Julien Dray.

Il ne dit pas que des choses bien !

M. Jean-Antoine Leonetti.

J'en appelle à la responsabilité de nos collègues de la majorité plurielle. Vous ne pouvez, pour je ne sais quel calcul, toucher à l'essentiel et jouer des symboles. N'insultez pas le passé de la France, qui a fait de notre peuple, à travers les immigrations successives, le peuple capable de faire passer le message universel des droits de l'homme à l'ensemble du monde.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

Ne commettez pas non plus l'erreur de compromettre l'avenir européen de la France, qui peut bâtir sur des valeurs démocratiques une force de paix et de tolérance, valeurs qui s'imposeront aussi au monde.

Offrez aux étrangers qui résident sur notre sol et qui adhèrent à notre idéal la possibilité de partager pour eux et leurs enfants les mêmes droits et les mêmes devoirs, de faire partie des forces de la nation, sans leur proposer une sous-citoyenneté, qui n'est pas dans la tradition républicaine de la France ! Personne ne s'intègre mieux à la société française qu'un Français.

Avec l'opposition, le groupe UDF, parce qu'il est démocrate, parce qu'il est français et parce qu'il est européen, votera la question préalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte, pour le groupe RPR.

M. Patrick Delnatte.

Les arguments avancés par Thierry Mariani pour justifier, en adoptant la question préalable, qu'il n'y a pas lieu de légiférer, s'appuient sur un véritable sentiment de déception quant aux conditions du débat.

Déception quant à la méthode choisie, d'abord : affirmer, comme le rapporteur, que les conditions sont aujourd'hui réunies pour que ce débat puisse être abordé

« sans passion » à l'Assemblée nationale est une véritable provocation, qui relève du dicton : « plus c'est gros, plus ça passe ».

M. Patrick Ollier.

C'est vrai !

M. Patrick Delnatte.

Je doute qu'à ce petit jeu les Français s'y retrouvent. Oserai-je rappeler que ce débat est le résultat d'un marchandage entre partenaires alliés : loi sur la chasse contre loi sur le droit de vote des étrangers.

M. Patrick Ollier.

Scandaleux !

M. Patrick Delnatte.

Déception quant au calendrier choisi : une nouvelle fois, le débat est, comme par hasard, réactivé à la veille d'échéances électorales. Je ne parle rai pas du « chiffon rouge », mais je tiens à dire que la majorité donne un nouvel exemple de rupture avec la tradition républicaine, qui exclut qu'un mode de scrutin soit modifié dans l'année qui précède une échéance électora le.

M. Bernard Accoyer.

Très juste !

M. Patrick Delnatte.

Enfin, qu'est-ce que cette méthode qui consiste, pour la majorité, à faire voter une loi en sachant pertinemment qu'elle n'a aucune chance d'aboutir, compte tenu de l'opposition du Sénat et de l'obligation de modifier la Constitution par voie référendaire en raison de l'origine parlementaire du texte ? Toutes ces méthodes contradictoires s'apparentent à un détournement. Elles ne grandissent pas leurs auteurs, quelles que soient les bonnes intentions affichées par ailleurs.

Déception, donc, quant à la méthode, mais aussi quant à l'examen au fond.

Le droit de vote des étrangers touche aux fondements de notre organisation sociale et politique. Préalablement, le débat doit largement s'ouvrir à la société civile ; toutes les familles de pensée devraient pouvoir s'exprimer pour éclairer l'opinion avant toute prise de décision.

Il y a deux conceptions de la citoyenneté : la conception mondialiste, qui tend à donner un droit de vote large et quasiment ouvert à qui le veut, et la conception française, qui s'inscrit dans une tradition qui rend celle-ci indissociable de la nationalité. Cette tradition est fondée sur l'adhésion à des valeurs communes ; elle est fondée sur le coeur et l'esprit. C'est la force de notre pays d'avoir su, par la naturalisation, assimiler des hommes et des femmes d'origines et d'horizons très divers.

Cette conception française de la citoyenneté n'interdit pas des évolutions, des élargissements. Nous le voyons dans l'édification de l'Europe : des pays se regroupent pour bâtir ensemble une nouvelle communauté de vie et de destin autour de valeurs communes. Ainsi, sans démonter les mécanismes de l'élaboration de la souveraineté nationale, une citoyenneté partagée se met en place, permettant l'élection du Parlement européen et la participation des ressortissants de l'Union européenne aux élections locales dans la réciprocité.

Telle n'est pas l'évolution ni la technique proposées par les auteurs du texte.

L'élargissement européen, je le rappelle, repose sur des conditions de réciprocité et d'acceptation de valeurs communes, au premier rang desquelles on trouve la démocratie et le respect des droits de l'homme.

De plus, l'initiative de la majorité tend à dévaloriser la naturalisation : elle tend à dévaloriser la notion de nationalité, socle de l'histoire et du patrimoine français. Philippe Séguin a très bien exprimé cette idée en écrivant :

« Ce n'est pas en poussant la logique de la dilution de la citoyenneté à son terme que l'on confortera le sentiment d'appartenance à une seule et même République. »

Nous sommes loin des conditions d'un débat utile à la nation. C'est pourquoi le groupe RPR votera la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe communiste.

Mme Muguette Jacquaint.

Je ne suis guère surprise par le dépôt des deux motions de procédure par l'opposition parlementaire.

Regardons un peu l'histoire.

Quand il s'est agi d'accorder de nouveaux droits citoyens aux étrangers, vous vous y êtes, chaque fois, opposés avec force. Vous vous êtes, chaque fois, élevés contre les mesures proposées. Vous avez hurlé, parfois même en défonçant à la hache la porte des églises. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Rudy Salles.

Laissez les églises tranquilles !

M. Thierry Mariani.

Et rappelez-vous les bulldozers !

Mme Muguette Jacquaint.

Chaque fois, vous avez agité les peurs et les haines ! Chaque fois, vous vous êtes accrochés à des arguties juridiques ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Vous voyez bien que j'ai raison : vous hurlez.

Chaque fois, vous vous êtes inclinés et, chaque fois, l'histoire a pu avancer.

Qui, dans cet hémicycle, oserait remettre en question des droits considérés comme essentiels et normaux, comme celui d'être délégué du personnel, celui d'être res-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

ponsable d'une association, celui d'être représentant de parents d'élèves ou encore d'être membre du conseil d'administration d'un office d'HLM ou d'une caisse de sécurité sociale ?

M. Charles Cova.

Vous faites du clientélisme !

Mme Muguette Jacquaint.

En fait, monsieur Mariani, ce qui fait obstruction chez vous, c'est votre conception des droits humains.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Deflesselles.

Vous êtes bien placée pour dire des choses pareilles !

M. Thierry Mariani.

Entendre ça de la bouche d'une communiste, c'est savoureux !

M. Rudy Salles.

Les droits humains au goulag !

M. Patrick Devedjian.

Pendant cinquante ans, vous avez cautionné le goulag !

M. Thierry Mariani.

De la part des staliniens, ces propos sont grotesques !

M. Patrick Devedjian.

Pendant cinquante ans, ils ont cautionné les exécutions de Katyn.

M me Muguette Jacquaint.

Je vous souhaite de comprendre en quoi notre société a bougé, en quoi elle s'est enrichie de l'apport de générations d'étrangers qui ont apporté leur culture, leur savoir-faire, leur implication dans la vie sportive, associative et citoyenne.

Au lieu d'agiter l'argument de l'exclusive, il serait plus efficace de travailler à ce que notre nation s'enrichisse au mieux de l'apport de chacune et de chacun.

A cette fin, pour la France, pour notre planète, l'enjeu, c'est de gagner de nouveaux droits citoyens pour que chacun, là où il se trouve, dans la communauté à laquelle il a lié son destin, puisse participer pleinement aux grands choix collectifs.

Bien entendu, tout cela renvoie au principe de citoyenneté de résidence, pilier d'une conception moderne de la politique : une politique qui se ferait avec tous ceux qui vivent, travaillent, participent à la vie associative sans aucune exclusive liée à la nationalité ; une politique qui respecte nos différences et qui se fonde sur l'égalité des droits, à commencer par le droit de vote.

Dans nos quartiers, dans nos villes, dans notre pays, nous avons tout à gagner à construire ensemble un autre avenir.

Monsieur Mariani, vous pouvez compter sur les associations d'étrangers, sur les collectifs tels que « Même sol : mêmes droits, même voix », sur les partis de progrès, tels que le Parti communiste, pour aller au bout de ce combat.

Je vous recommande de bien méditer les propos qu'a tenus récemment l'un de vos collègues de l'opposition, M. de Robien, qui, avec d'autres, s'est déclaré favorable à cette réforme et qui invitait la droite à ne pas marcher indéfiniment à reculons de l'histoire.

Aussi, je vous invite déjà à travailler les acrobaties qu'il vous faudra faire d'ici à quelques années pour justifier votre attitude d'aujourd'hui, lorsque le chantier sera engagé, abouti ; lorsque les étrangers participeront, le plus naturellement du monde, aux scrutins et que, mis à part quelques fanatiques, personne n'y trouvera rien à redire.

Les députés communistes repousseront la question préalable comme ils ont repoussé l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Avant de donner la parole aux deux derniers orateurs inscrits dans les explications de vote, je vous informe, mes chers collègues, que, sur le vote de la question préalable, les groupes UDF et RPR ont déposé une demande de scrutin public.

Je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin, de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Guy Teissier, pour le groupe DL.

M. Guy Teissier.

Comme nous l'a, à son tour, excellement démontré M. Mariani, on ne peut dissocier nationalité et citoyenneté.

C'est parce que l'on appartient à une communauté nationale que l'on est en droit de peser sur son propre avenir. Par conséquent, de quel droit un étranger qui n'appartient pas à la nation - souvent, d'ailleurs, parce qu'il ne le veut pas - voterait-il ? Un étranger qui réside sur notre territoire depuis un certain temps, s'il n'est pas devenu citoyen français, peut à tout instant, contrairement à ce que disait Julien Dray, le devenir. L'acquisition de la nationalité française, la procédure de nationalisation sont en effet en France bien plus souples que dans les pays donnés en exemple et qui, eux, seraient modernes et accorderaient le droit de vote aux étrangers. C'est précisément parce que l'acquisition de la nationalité y est difficile que ces pays accordent le droit de vote à des étrangers. Mais ce n'est pas la tradition française, à moins que vous ne vouliez remettre en cause le droit du sol.

Pour toutes ces raisons, le groupe DL votera la question préalable.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Si ce débat était inutile et n'intéressait personne, notre hémicycle ne serait pas plein comme il l'est aujourd'hui et comme il l'est rarement pour la discussion d'autres propositions de loi.

M. Patrick Ollier.

Comment le savez-vous ? Vous n'étiez pas là il y a dix minutes !

Mme Marie-Hélène Aubert.

En tout état de cause, ce n'est pas déshonorer la République que de reprendre une proposition qui date maintenant de deux siècles. En effet, nos collègues, si j'ose dire, de 1789 et de 1793 considéraient comme une évidence d'accorder aux résidents étrangers le droit de vote.

M. Jean-Louis Debré.

La Constitution de 1793 n'a jamais été appliquée !

M. Patrick Devedjian.

C'était la Terreur !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Ce n'est pas non plus faire obstacle à la construction européenne, à laquelle nous sommes particulièrement attachés, que de vouloir mettre en cohérence le droit des résidents communautaires et le droit des résidents extra-communautaires. Je ne vois pas au nom de quoi il serait plus légitime pour un Hollandais qui aurait une résidence secondaire dans notre pays, dans laquelle il passerait un mois ou deux par an, de participer aux élections municipales que pour un travailleur marocain, algérien ou autre, qui serait installé dans notre pays depuis vingt ans, qui paierait ses impôts et contribuerait à la richesse de notre pays.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Le Hollandais est un européen, voilà tout !

M. Jean-Claude Lefort.

Raciste !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Cet état de fait est inacceptable. Pour nous, le minimum serait que les résidents extra-communautaires jouissent des mêmes droits que les résidents communautaires.

M. Charles Cova.

Qu'on se mette d'accord sur la réciprocité !

Mme Marie-Hélène Aubert.

J'ajoute que, déjà en 1997, lorsque notre assemblée a adopté les dispositions du traité de Maastricht, qui datait de 1992, la France était déjà en retard par rapport aux autres pays européens.

Je crois que, pour ce qui concerne l'idéal républicain, nous serions plutôt en train de régresser par rapport à ce qui était déjà proposé depuis de nombreuses années.

Par ailleurs, si l'Assemblée nationale ne proposait que des réformes de modernisation de notre démocratie que l'on serait assuré de voir aboutir dans les trois mois, nous ne proposerions plus grand-chose. La loi sur le cumul des mandats, pour ne citer qu'elle, est toujours bloquée, mais cela ne nous a pas empêchés de la proposer.

Depuis de longues années, nous avons participé à la mobilisation pour la parité. On nous disait à l'époque que cela ne passerait jamais, que personne n'en voudrait.

C'est maintenant chose faite, grâce à notre majorité.

Aujourd'hui, pour ce qui touche au droit de vote des résidents étrangers, une première étape doit être franchie.

Je rappelle aussi qu'en 1936, soit neuf ans avant l'octroi du droit de vote des femmes, Pierre Mendès France avait fait, à Louviers, voter en faveur de conseillères municipales associées. Que n'avait-il entendu à l'époque ? Il est nécessaire et urgent d'avoir ce débat sur le droit de vote des résidents étrangers et de franchir une première étape. Il s'agit de redonner espoir non seulement à celles et à ceux qui résident dans notre pays depuis de longues années, mais également à leurs enfants, qui sont en mal de reconnaissance et d'intégration, et notamment aux jeunes et aux femmes car la citoyenneté les concerne aussi.

De plus, le droit de vote serait, pour les résidents étrangers, un outil d'intégration formidable - ce ne serait bien entendu pas le seul.

Enfin, je souhaiterais que nous nous adressions à ce qu'il y a de plus intelligent, de plus ouvert et de plus généreux chez nos concitoyens, plutôt que de faire appel, comme vous le faites systématiquement, à ce qu'il y a de plus obscur, de plus étroit et de plus frileux.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est vous qui, en l'occurrence, pratiquez la pire des démagogies.

Bien entendu, le groupe Radical, Citoyen et Vert votera contre la question préalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Je mets aux voix la question préalable.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

321 Nombre de suffrages exprimés .................

320 Majorité absolue .......................................

161 Pour l'adoption .........................

144 Contre .......................................

176 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, citoyen et Vert.) Rappels au règlement

M. le président.

La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

M. Bruno Le Roux.

Nous avons assisté ce matin à des artifices de procédure...

M. Jean-Antoine Leonetti.

Nous n'avons pas recouru à des artifices, mais utilisé un droit démocratique !

M. Bruno Le Roux.

On a notamment soutenu une exception d'irrecevabilité qui nous a fait perdre beaucoup de temps, ce qui, s'agissant d'une « niche parlementaire », fera que nous ne pourrons respecter le temps d'examen prévu.

(Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le groupe socialiste, comme toute la majorité, me semble-t-il, de cette assemblée, souhaite que nous puissions aller jusqu'à un vote sur le texte. Nous souhaitons donc interroger le Gouvernement : la séance va-t-elle, en dépit de l'heure, se poursuivre, ou bien la discussion du texte pourra-t-elle s'insérer dans le cadre de l'ordre du jour prioritaire de notre assemblée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. André Aschieri.

M. André Aschieri.

Nous comptons nous aussi pouvoir achever l'examen de la proposition de loi. Or nous n'avons pas encore commencé la discussion générale. Par conséquent, nous demandons que l'Assemblée use de son pouvoir et sollicite du Gouvernement la réinscription, le plus rapidement possible, de ce texte à notre ordre du jour, dans le cadre d'une niche parlementaire, afin que n ous puissions achever le travail que nous avons commencé.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est ce qui s'appelle de la stéréo !

M. le président.

La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet.

Monsieur le président, chers collègues, ce matin, à la conférence des présidents, j'ai soulevé le problème que pose l'obstruction dans le cadre de ce que l'on appelle les niches parlementaires.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Guy Teissier.

Vous parlez d'or !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

M. Alain Bocquet.

Je ne visais pas seulement le texte qui est ce matin en discussion.

Nous avons obtenu, et c'est un acquis important, même s'il est limité, que chacun des groupes, de la majorité ou de l'opposition, puisse bénéficier du droit d'initiative parlementaire. C'est un acquis qu'il faut préserver.

Je sais bien que le règlement de notre assemblée autorise le dépôt de motions de procédure. Nous respectons évidemment cette disposition, à laquelle nous tenons.

Mais, quand on y regarde de plus près, on s'aperçoit que chacune des procédures peut être défendue pendant une heure et demie.

En l'occurrence et si je compte bien, une heure et demie plus une heure et demie plus une heure et demie, cela fait quatre heures et demie.

(Applaudissements sur les bancs des groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française - Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Guy Teissier.

Bravo !

M. Thierry Mariani.

Nous n'avons pas utilisé tout le temps dont nous pouvions disposer !

M. Alain Bocquet.

Or, la durée de la discussion des textes entrant dans les niches parlementaires est de quatre heures. Un problème réel se pose dès lors, reconnaissons-le, quels que soient les textes concernés.

Où va-t-on quand, sur un texte déposé par un groupe de la majorité, l'opposition fait de l'obstruction ? Imaginons que nous fassions la même chose sur un texte déposé par l'opposition. Nous aboutirions alors à une auto-destruction des niches parlementaires. Tout cela n'est pas sérieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

J'ai demandé ce matin à tous mes collègues présidents de groupe de réfléchir à une adaptation consensuelle du règlement en vue de préserver l'acquis que constituent les niches parlementaires.

M. Kofi Yamgnane.

Très bien.

M. Alain Bocquet.

Nous sommes en outre confrontés à un problème concret : il reste seulement vingt minutes.

Etant donné l'importance de cette proposition de loi, je souhaiterais que le Gouvernement l'inscrive à l'ordre du jour de notre assemblée pour une prochaine séance afin que le débat se poursuive dans de bonnes conditions.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. François Goulard.

Pourquoi ne pas en avoir discuté avant ?

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Monsieur le président, mes chers collègues, nous avons suivi avec beaucoup d'intérêt l'échange qui vient de se produire. Il était prévisible : depuis déjà une heure ou deux, nous sentions que le terme des treize heures n'allait pas permettre le passage à la discussion générale et le vote du texte.

Cela étant, je ferai une observation à notre collègue communiste. Je prétends que le sujet que nous avons abordé ce matin est un sujet grave. Dès lors, on ne peut pas accuser l'opposition d'avoir usé...

M. Julien Dray.

Abusé !

M. Pierre Albertini.

... des moyens que le règlement de notre assemblée lui reconnaît pour défendre ses points de vue.

(Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mesdames, messieurs, vous serez un jour à nouveau dans l'opposition - probablement assez vite - et vous serez bien heureux de trouver à votre tour des fenêtres d'expression sur des sujets aussi importants que le droit de vote des étrangers non ressortissants de l'Union européenne.

M. Bernard Accoyer.

Comme ils ont la mémoire courte, ils sont imprévoyants !

M. Pierre Albertini.

Il s'agit, je vous le rappelle, d'une modification de la Constitution et ce sujet mérite un peu mieux qu'un débat de quelques heures.

M. Julien Dray.

Diversion !

M. Pierre Albertini.

Nous avons donc utilisé, c'est notre honneur et notre fierté, toutes les techniques qui étaient à notre disposition. A charge de réciprocité.

M. Jacques Brunhes.

Vous n'avez rien compris !

M. Pierre Albertini.

J'ajoute que le respect de la minorité, quelle qu'elle soit, est une des obligations les plus élémentaires qui s'attachent à la fonction de président de l'Assemblée. Car c'est aussi la démocratie que de respecter la minorité.

Enfin, dans ce débat qui est plus important pour moi que celui sur la chasse, vous invoquez le temps que nous avons utilisé pour défendre notre point de vue. Mais bien des propositions que l'UDF a inscrites dans les niches parlementaires qui lui étaient réservées ont été tronquée s, notamment par le souhait exprimé à plusieurs reprises de ne pas passer à la discussion des articles et au vote.

Alors, je vous en prie, ne nous donnez pas de leçons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Mes chers collègues, les mots ont quand même leur importance. Pouvez-vous sincèrement dire que nous avons fait de l'obstruction...

Plusieurs députés socialistes.

Oui !

M. Thierry Mariani.

... quand nous avons défendu deux motions de moins d'une heure chacune alors que le règlement, que vous avez pourtant modifié l'année dernière, nous aurait permis de défendre, chacun, une motion d'une heure et demie ? En outre, comme vient de le souligner notre collègue Albertini, c'est une question primordiale pour l'avenir de notre pays que de savoir si, oui ou non, nous accordons le droit de vote aux étrangers aux élections municipales.

Permettez tout de même à l'opposition de s'exprimer...

M. Noël Mamère, rapporteur.

Mais vous n'avez rien à dire !

M. Thierry Mariani.

... deux fois quarante-cinq minutes ! En fait, monsieur le président, il faudrait modifier le règlement de notre assemblée afin d'indiquer que l'opposition n'a plus droit à la parole quand les niches parlementaires sont consacrées à une proposition de la majorité.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

M. Jean-Paul Bacquet.

Simpliste !

M. Thierry Mariani.

Finalement, c'est la seule chose que vous souhaitez.

(« C'est nul ! » sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Thierry Mariani.

Ce qui est nul, c'est d'expliquer que nous faisons de l'obstruction, car l'opposition n'a pas du tout abusé de son droit.

En réalité, vous avez fait inscrire ce texte à l'ordre du jour en sachant très bien qu'il ne pourrait pas être discuté à quinze minutes du terme de la séance, tout le monde voit qu'on ne peut pas voter ce texte.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Mariani.

M. Thierry Mariani.

Vous vous trouvez dans une impasse qui illustre bien la situation dans laquelle s'est mise la gauche plurielle. Impasse totale d'ailleurs puisque vous savez que ce texte n'a aucune chance d'être adopté au Sénat.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Modification de l'ordre du jour prioritaire

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, comme je l'ai indiqué dans mon discours, le Gouvernement est favorable à ce que le débat sur cette proposition de loi constitutionnelle aille à son terme et que ce texte puisse être voté par votre assemblée.

A la demande des groupes de la majorité qui viennent de s'exprimer, je vous indique que l'ordre du jour prioritaire sera modifié sans tarder.

En effet, la suite de la discussion sur le présente proposition de loi aura lieu demain, mercredi, après le vote du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter les textes législatifs au passage à l'euro. Ainsi la conclusion de cette discussion en première lecture devant votre assemblée pourra intervenir dès demain.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe radical, Citoyen et Vert.)

M. Patrick Devedjian.

Ce n'est pas comme pour le génocide arménien !

M. le président.

L'ordre du jour prioritaire est ainsi modifié.

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà un quart de siècle que les radicaux, sur proposition de Michel Crépeau, ont inscrit dans tous leurs programmes le principe du droit de vote des étrangers aux élections municipales.

Tous les partis de gauche se sont prononcés dans le même sens. Mais d'autres voix se sont jointes à la gauche unanime. Récemment chacun a en tête les déclarations de M. Barre, ancien Premier ministre, de M. Borloo ou de M. de Robien. En octobre 1979, n'était-ce pas Jacques Chirac lui-même qui, à l'occasion de la réunion des maires des capitales francophones, se prononçait pour le droit de vote aux élections municipales des étrangers ? Certes, trois années plus tard, il aurait indiqué que ses propos avaient été mal compris. Le débat d'aujourd'hui aurait donc pu être serein, tant il est vrai que la passion soulevée par les partis d'extrême droite est retombée.

Pourquoi donc s'opposer au vote des étrangers aux élections municipales avec une telle hargne ? Tout milite aujourd'hui pour reconnaître le droit des étrangers à participer à la vie municipale. Depuis 1945, ils participent aux élections des représentants du personnel et des membres des comités d'entreprise. Depuis 1982, ils élisent des magistrats, et participent ainsi à la souveraineté, avec les élections des conseillers prud'homaux.

Depuis décembre 1982, ils peuvent élire les administrateurs de la sécurité sociale, les représentants des locataires au conseil d'administration des organismes HLM. Enfin, depuis 1985, ils participent aux élections des représentants des parents d'élèves. Les étrangers pourraient donc participer à la vie économique et sociale mais non à la vie locale. Comprenne qui pourra ! Car être conseiller municipal - on a daubé un peu sur ce que j'ai dit tout à l'heure -, sans participer au choix des délégués sénatoriaux, c'est davantage prendre part à des votes sur les tuyaux, les ordures ménagères ou encore les cantines que participer à la souveraineté. La souveraineté, elle s'exerce au Sénat et à l'Assemblée nationale. La souveraineté, pour l'essentiel, est l'exercice des fonctions régaliennes de l'Etat.

Ne peut-on également soutenir que le modèle républicain hérité de la Révolution française, avec pour fondement l'idée de nation, a profondément évolué depuis le traité de Maastricht, en février 1992, et le référendum qui en a marqué l'acceptation ? Les dispositions du paragraphe 1 de l'article 8 du traité concernant le vote des citoyens de l'Union européenne a été précisé par la directive du Conseil du 19 décembre 1994 fixant les modalités d'exercice du droit. Or, en révisant sa constitution et en introduisant l'article 88-3, la France a donné le droit de vote à plus de 300 millions de personnes au motif de leur appartenance à l'Europe des Quinze. Mais, par là même, elle a admis, ipso facto et de plein droit, que tout étranger appartenant à un pays qui adhérerait dans les années futures à l'Union puisse voter aux élections municipales françaises. Demain, pourront voter les Polonais, les Hongrois et les Slovènes. Après-demain, pourront voter les Estoniens, les Lituaniens, les Bulgares et les Roumains.

Dans quelques décennies, les Russes et les Turcs si l'on se rappelle la vision du général de Gaulle, qui donnait pour frontières à l'Europe et l'Atlantique et l'Oural. Ainsi les Tchétchènes pourront voter, alors que les Algériens qui, eux, étaient français il y a quarante ans ne le pourront pas ! Et on voudrait soutenir après cela que nos liens avec les futurs Européens sont plus forts qu'avec des pays qui ont eu avec la France une communauté de vie particulièrement importante ! Tout cela relève de l'absurde.

Qu'on le veuille ou non, le traité de Maastricht a fait exploser le lien prétendument indissoluble entre la nationalité et le droit de vote.

L'idéal eût été, il est vrai, que tous les pays de l'Union puissent participer aux mêmes votes en adoptant les mêmes normes. Le principe du vote aux élections locales est d'ailleurs admis par tous les pays d'Europe sauf l'Autriche, le Luxembourg et la Grèce. Certes, on l'a vu, le Royaume-Uni entretient avec le Commonwealth des relations particulières. Certes, l'Espagne et le Portugal


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

exigent la réciprocité. Certes, la Belgique, l'Allemagne et l'Italie n'en sont qu'aux projets. Mais finalement ce sont aujourd'hui toutes les grandes nations de l'Europe qui veulent donner le droit de vote aux étrangers.

Par le droit de vote, nous entendons permettre à ceux qui ne peuvent obtenir la nationalité française, ou qui ne le veulent pas, de participer à une communauté de destin.

Le droit de vote sera à l'évidence un puissant moyen d'intégration à la société française, un moyen évident d'éliminer le repli communautariste.

Le vote de cette proposition restera sans lendemain mais ne sera pas dépourvu d'effectivité. Il permettra à la représentation nationale de donner une indication utile sur notre volonté d'associer des étrangers qui, en restant plus de cinq années sur le territoire communal, ont participé à l'impôt et aux décisions locales avec les Français, avec les Européens. Ils ont décidé de participer à une destinée commune. Nous souhaitons donc qu'ils puissent voter.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

5

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques ; Discussion du projet de loi, no 2253, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de santé des animaux et de qualité sanitaire des denrées d'origine animale et modifiant le code rural : M. Joseph Parrenin, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 2339).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ORDRE DU JOUR ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS (Réunion du mardi 2 mai 2000 et déclaration du Gouvernement du même jour) L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 2 au jeudi 18 mai 2000 inclus a été ainsi fixé : Mardi 2 mai : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi constitutionnelle de M. André Aschieri tendant à compléter l'article 3 et à supprimer l'article 88-3 de la Constitution et relative au droit de vote et à l'éligibilité des résidents étrangers pour les élections aux conseils des collectivités territoriales (nos 2063-2340).

(Ordre du jour complémentaire.)

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement et, éventuellement, le soir, à vingt et une heures : Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques (nos 22502309-2319-2327).

Discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de santé des animaux et de qualité sanitaire des denrées d'origine animale et modifiant le code rural (nos 2253-2339).

Mercredi 3 mai : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement et, le soir, à vingt et une heures : Discussion, en lecture définitive, du projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives (nos 2336-2337).

Discussion du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à adapter par ordonnance la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs (nos 22362338).

Suite de la discussion de la proposition de loi constitutionnelle de M. André Aschieri tendant à compléter l'article 3 et à supprimer l'article 88-3 de la Constitution et relative au droit de vote et à l'éligibilité des résidents étrangers pour les élections aux conseils des collectivités territoriales (nos 2063-2340).

Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi modifiant la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (nos 2239-2353).

Jeudi 4 mai : Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures , et, éventuellement, le soir, à vingt et une heures : Suite de l'ordre du jour de la veille.

Mardi 9 mai : Le matin, à neuf heures : Questions orales sans débat.

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement et, le soir, à vingt et une heures trente : Déclaration du Gouvernement sur les orientations de la présidence française de l'Union européenne, et débat sur cette déclaration.

Mercredi 10 mai : l'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, le soir, à vingt heures ; et jeudi 11 mai : l'après-midi, à quinze heures et, le soir, à vingt et une heures : Discussion du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer (no 2322).

Mardi 16 mai : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi de M. Edouard Balladur sur l'épargne salariale et la participation (no 2099).

(Séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l' Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution)

L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement et, le soir, à vingt et une heures : Discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000 (no 2335).

Mercredi 17 mai : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement et, le soir, à vingt et une heures : Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000 (no 2335).

Débat d'orientation budgétaire pour 2001.

Jeudi 18 mai : L'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Suite de l'ordre du jour de la veille.

Discussion du projet de loi portant règlement définitif du budget 1998 (no 1822).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 MAI 2000

ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL de la 1re séance du mardi 2 mai 2000 SCRUTIN (no 236) sur l'exception d'irrecevabilité opposée par M. Rossi à la proposi tion de loi constitutionnelle tendant à compléter l'article 3 et à supp rimer l'article 88-3 de la Constitution et relative au droit de vote et à l'éligibilité des résidents étrangers pour les élect ions aux conseils des collectivités territoriales.

Nombre de votants .....................................

323 Nombre de suffrages exprimés ....................

322 Majorité absolue ..........................................

162 Pour l'adoption ...................

146 Contre ..................................

176 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (254) : Pour : 2. - MM. Gérard Bapt et Jean-Pierre Pernot.

Contre : 148 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votant : M. Raymond Forni (président de l'Assemblée nationale).

Groupe R.P.R. (137) : Pour : 71 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe U.D.F. (70) : Pour : 37 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Contre : 1. - M. Gilles de Robien.

Abstention : 1. - M. Pierre Méhaignerie

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Pour : 35 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe communiste (35) : Contre : 17 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (30) : Contre : 10 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-inscrits (7).

Pour : 1. - M. Lionnel Luca.

Mises au point au sujet du présent scrutin (Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4, du règlement de l'Assemblée nationale) MM. Gérard Bapt et Jean-Pierre Pernot , qui étaient présents au moment du scrutin ou qui avaient délégué leur droit de vote, ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter « contre ».

SCRUTIN (no 237) sur la question préalable opposée par M. Debré à la proposition de loi constitutionnelle tendant à compléter l'article 3 et à supprim er l'article 88-3 de la Constitution et relative au droit de vote et à l'éligibilité des résidents étrangers pour les élections aux conseils des collectivités territoriales.

Nombre de votants .....................................

321 Nombre de suffrages exprimés ....................

320 Majorité absolue ..........................................

161 Pour l'adoption ...................

144 Contre ..................................

176 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (254) : Contre : 151 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votant : M. Raymond Forni (président de l'Assemblée nationale).

Groupe R.P.R. (137) : Pour : 64 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe U.D.F. (70) : Pour : 55 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Contre : 2. - MM. Jean-Louis Borloo et Gilles de Robien

Abstention : 1. - M. Pierre Méhaignerie

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Pour : 23 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe communiste (35) : Contre : 15 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (30) : Contre : 8 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-inscrits (7).

Pour : 2. - MM. Lionnel Luca et Philippe de Villiers