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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 9 MAI 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

PATRICK

OLLIER

1. O rientations de la présidence française de l'Union européenne. - Suite du débat sur la déclaration du Gouvernement (p. 3915).

MM. Maurice Ligot, Jean-Claude Lefort, Pierre Lequiller, Mme Chantal Robin-Rodrigo,

MM. Christian Jacob, Jean-Marie Bockel, Philippe de Villiers, Félix Leyzour, Mmes Nicole Ameline, Marie-Hélène Aubert, Nicole Catala,

MM. Gérard Charasse, Jacques Myard, Mmes Odile Saugues, Nicole Feidt,

M.

Pierre Brana, Mme Martine Lignières-Cassou,

M.

Yann Galut, Mme Odette Trupin.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Clôture du débat.

2. Dépôt d'une proposition de loi constitutionnelle (p. 3940).

3. Dépôt de rapports (p. 3940).

4. Dépôt d'un rapport d'information (p. 3940).

5. Ordre du jour des prochaines séances (p. 3941).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 9 MAI 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

ORIENTATIONS DE LA PRÉSIDENCE FRANÇAISE DE L'UNION EUROPÉENNE Suite du débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite du débat sur la déclaration du Gouvernement sur les orientations de la présidence française de l'Union européenne.

La parole est à M. Maurice Ligot.

M. Maurice Ligot.

Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, chers collègues, la présidence française de l'Union européenne doit être l'occasion de faire avancer l'Europe - du moins est-ce la conviction des députés UDF, qui suivent la ligne tracée par les pères fondateurs, et par l'un des plus grands d'entre eux, Robert Schuman. Elle doit avancer simultanément dans plusieurs domaines, augmenter sa capacité à décider, grâce aux réformes institutionnelles, à répondre aux aspirations des Européens, à occuper la place qui doit lui revenir dans le monde, à s'ouvrir à tous les pays candidats.

Si ces objectifs paraissent clairs, du moins à ceux qui croient à la nécessité d'une Union européenne forte, la question se pose de savoir si la présidence française peut effectivement faire progresser l'Europe dans les circonstances actuelles.

Il n'est pas douteux que plusieurs écueils se dressent devant nous. Ainsi, en ce qui concerne les institutions, rappelons que le traité de Maastricht avait posé le principe de leur réforme, qui paraît nécessaire pour assurer l'efficacité et la force de l'Union face au reste du monde et dans la perspective de l'élargissement, mais que le traité d'Amsterdam n'a abouti à aucune décision en ce domaine. Reconnaissons que les Etats membres n'ont pas su définir avec certitude ce qu'il fallait réformer. Sera-t-il plus facile de s'accorder sur des décisions au cours des six prochains mois ? Rien ne le laisse penser.

L'élargissement, qui constitue un enjeu capital pour l'Union européenne, n'est pas, cependant, sans présenter des obstacles qu'il faudra surmonter : difficultés institutionnelles, difficultés économiques, compte tenu des différences de niveau de développement, différences juridiques, culturelles. Les populations des pays candidats attendent beaucoup de leur adhésion à l'Europe, et risquent donc d'être fort déçus. Les inévitables retards ne pourraient qu'aggraver cette déception.

Nous devons, d'autre part, relever un défi assez imprévu, avec la situation monétaire de l'Europe face à ses grands compétiteurs qui disposent soit du dollar, soit du yen. La faiblesse actuelle de l'euro ne doit pas, a priori , être considérée comme néfaste pour l'économie européenne, car elle favorise les exportations, le niveau d'activité et d'emploi. Toutefois, correspond-elle à une volonté délibérée de politique économique et monétaire ? En l'absence d'une véritable autorité politique européenne concernant l'économie, ce sont des voix divergentes qui s'expriment. Il ne semble pas y avoir unité de vues sur l'euro. Il faut d'urgence qu'une voix politique unique s'exprime.

Ces difficultés ne seraient peut-être pas perçues comme telles et les perspectives d'y trouver remèdes paraîtraient sans doute plus claires si le couple franco-allemand fonctionnait comme à d'autres époques de l'histoire de la Communauté européenne. Ce n'est pas, semble-t-il, le cas aujourd'hui, et c'est préoccupant pour l'Union, car il ne faut pas oublier que l'idée même d'Union européenne est construite, depuis exactement cinquante ans aujourd'hui, sur la réconciliation franco-allemande et, au-delà, sur le travail en commun et en accord de la France et de l'Allemagne. Tout autre couple d'Etats membres, au sein de l'Europe, ne peut avoir la même signification symbolique et la même portée pratique, en termes de propositions et de réalisations.

On ne peut donc que s'inquiéter de cette absence d'initiative concertée franco-allemande, situation qui contraste tant avec ce qui se passait naguère à l'aube d'une nouvelle présidence.

La situation autrichienne constitue un autre défi, qui nous interroge sur la nature même de l'Union européenne, fondée sur la démocratie et les libertés individuelles. Elle pose à la prochaine présidence européenne un double problème : d'une part, les attitudes des pays membres, à l'égard de l'actuelle majorité autrichienne, d ivergent ; d'autre part, le gouvernement autrichien menace de bloquer les décisions au cours du prochain semestre pour boycotter la présidence française. Ces menaces seront-elles mises à exécution ? Nul ne le sait.

Elles ne doivent, en tout cas, pas être prises à la légère.

Le problème des limites de l'Europe est également très sérieux. Autant l'élargissement aux pays européens du centre et de l'est de notre continent doit-il être considéré comme un processus de réunification de l'Europe après une longue histoire de divisions, autant la porte ouverte à la Turquie ne paraît fondée ni sur la géographie, ni sur la culture, ni sur les traditions, ni, bien entendu, sur l'histoire, ce qui n'exclut pas, cela va de soi, des possibilités d'accord dans toutes sortes de domaines.

Toutes ces difficultés, ou perspectives de difficultés, doivent nous convaincre que, si des enjeux importants sont devant la présidence française, il ne faut pas afficher d'ambitions excessives, qui pourraient être déçues.

M. Alain Barrau, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

Très bien !

M. Maurice Ligot.

Il faut donc se fixer des objectifs utiles et raisonnables.


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Dans cet esprit, je retiendrai quelques lignes d'action, chacune correspondant à des préoccupations spécifiques au sein de l'Union européenne : celles des citoyens, celles des pays candidats ou celles qui sont liées à la place de l'Europe dans le monde. Je dirai, enfin, ce qui est nécessaire au bon fonctionnement de l'Union.

L'Union européenne doit d'abord toucher les citoyens dans leur vie, montrer qu'elle existe et fonctionne pour eux. Plusieurs axes d'action doivent répondre à cette attente ! La sécurité alimentaire, la sécurité des transports maritimes, la sécurité des tunnels, la justice - avec l'espace judiciaire prévu à Tampere, la lutte contre la criminalité organisée et le blanchiment de l'argent, la sécurité dans la politique d'immigration - et les droits et libertés des Européens, qu'il faut inscrire dans la Charte.

L'euro paraît très loin des citoyens. Pourtant, ils sont tous très directement concernés, puisque ce sera notre seule monnaie en 2002, c'est-à-dire demain. Il y a donc une double action à mener, à l'égard des citoyens, pour les informer de la proximité de la monnaie unique, et aussi, par symétrie, en matière de gestion politicoéconomique de l'euro à l'égard des autres grandes monnaies mondiales.

Le domaine des harmonisations fiscales et sociales constitue, d'autre part, un champ dans lequel la France a beaucoup à gagner, car elle est très lourdement imposée.

Quant au développement d'une Europe de l'innovation, il apparaît comme un facteur de progrès économique et il est de nature à dynamiser la jeunesse de l'Europe. Voilà pour ce que j'appellerai les préoccupations des citoyens.

De même, l'Union européenne doit être sensible aux attentes des populations des pays candidats, moins en termes d'aides que de délais et de conditions.

Mais il faut leur faire comprendre en même temps nos préoccupations en matière d'institutions, qui ne sont pas un prétexte à retarder l'élargissement, mais au contraire un atout essentiel du bon fonctionnement de l'Union européenne élargie.

De même, il ne faut pas occulter, mais mesurer les p roblèmes qu'entraînera l'intégration des agricultures polonaise, hongroise, roumaine, ni ignorer les concurrences redoutables qu'elle suscitera à l'égard des produits agricoles français, déjà durement malmenés par la réforme de la PAC.

Le poids économique et démographique de l'Europe ne doit pas rester un atout inemployé, comme c'est trop souvent le cas aujourd'hui : il impose que l'Union européenne occupe toute sa place dans le monde et joue de ses facteurs culturels et humanitaires pour être un acteur de paix et de sécurité, et donc qu'elle remplisse un rôle politique.

La présidence française doit s'employer à renforcer les capacités de défense, aujourd'hui insuffisantes, en mettant en oeuvre les décisions prises en termes opérationnels - capacités, commandement, renseignement -, en progressant dans la mise en oeuvre des organes de la défense européenne. Elle aura aussi à organiser le premier sommet euro-méditerranéen, à Marseille, si le processus de paix le permet, à organiser le sommet Europe-Asie du Sud-Est, à Séoul, et des rencontres multiples avec des pays aussi importants que le Japon, la Chine, la Russie, l'Ukraine, dont la position géographique et les attentes ne peuvent être ignorées,...

M. Alain Barrau, président de la délégation.

Très bien !

M. Maurice Ligot.

... et à se pencher sur la situation dans les Balkans, qui impose une plus grande cohérence de l'action de l'Union européenne. Elle doit aussi jouer un rôle décisif dans le processus de mondialisation, à la fois comme moteur et comme protecteur de l'ensemble du continent.

C'est volontairement que je n'ai pas abordé plus tôt ce qui constitue sans doute la mission centrale de la présidence française : la réforme institutionnelle est capitale pour permettre à l'Union de jouer son rôle politique mondial, même si, reconnaissons-le, elle n'est pas la préoccupation première des citoyens et des pays candidats.

De plus en plus, à quinze, l'Union est inefficace. A vingt-neuf ou à trente, elle deviendra ingouvernable.

Quelle signification aurait l'Europe si elle était impotente ? Pour que l'Union élargie fonctionne comme une véritable communauté, il faut au moins remettre en cause la composition de la Commission, le régime des votes au sein du Conseil des ministres - unanimité ou majorité et le régime du vote à la majorité - la pondération. C'est ce que l'on appelle l'approfondissement.

Je ferai, sur ces trois sujets, trois propositions très rapides. Il faut d'abord dresser très soigneusement une liste des matières à décider à l'unanimité.

Il me paraît souhaitable, en deuxième lieu, que chaque pays membre ait un commissaire. L'efficacité de la Commission sera garantie par l'établissement d'une hiérarchie des commissaires selon leurs domaines et compétences.

Enfin, en troisième lieu, je suis favorable à une double majorité simultanée pour obtenir une décision au sein du Conseil : majorité d'Etats et majorité démographique.

Ces modifications seront-elles suffisantes pour donner efficacité et légitimité aux institutions de l'Union ? Ne faut-il pas aussi approfondir la mise en oeuvre de la subsidiarité ? Il semble que le principe en ait été oublié au cours des années, alors qu'il est nécessaire de parvenir à un véritable partage de compétences entre Union, au centre, et les Etats membres, et même si la frontière entre chacun des partenaires ne peut être ni définitive ni précise. Ce serait, en tout cas, préférable au système actuel.

Il faut donner une place aux parlements nationaux, expression de la souveraineté nationale dans le processus de décision européenne.

Ces réformes institutionnelles marqueraient une refondation de l'Union. Il conviendrait, dans ce dessein, de donner aux institutions européennes une forme solennelle, durable et compréhensible par tous avec un texte court, qui ne serait plus un traité, que l'on peut modifier, mais ce que nous appelons, nous Français, et en français, une constitution.

M. le président.

Pouvez-vous conclure, monsieur Ligot ?

M. Maurice Ligot.

Ce n'est sans doute pas la mission de la présidence française aujourd'hui, mais songeons-y dès maintenant. Ne serait-ce pas la meilleure réponse à ceux que l'Europe effraie ? Nous sommes donc en droit d'attendre beaucoup de la présidence française pour lever les incertitudes trop nombreuses et redonner force à l'Union européenne. Le succès de cette présidence se mesurera à la place qui sera donnée aux attentes des citoyens de l'Union par rapport à d'autres préoccupations essentielles, certes, mais moins compréhensibles pour eux. Le succès de la présidence


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française serait réel, si les réformes institutionnelles espérées depuis Maastricht, même modestes, trouvaient enfin un dénouement positif en donnant plus de force à l'Union. Le succès de la présidence française serait réel, si, comme l'a dit tout à l'heure le président Giscard d'Estaing, elle facilitait la coopération renforcée, considé-r ée comme le meilleur moyen de faire progresser l'Europe, ce que, je crois, nous souhaitons tous.

M. Pierre Lequiller et M. Jean Proriol.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lefort.

M. Jean-Claude Lefort.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'idée européenne est née il y a cinquante ans aujourd'hui. C'est dire que les finalités, le sens de la construction européenne ne sont plus, aujourd'hui, ce qu'ils étaient à l'origine. Le monde a profondément changé en cinquante ans. Le monde, l'Europe ne sont plus dominés par la question, autrefois primordiale, de l'affrontement Est-Ouest. Aujourd'hui, une autre bipolarité s'est imposée, qui doit donner à l'Europe une finalité renouvelée, revisitée en fonction des enjeux du monde contemporain.

Ces enjeux sont liés à ce qui domine le monde d'aujourd'hui, la bipolarisation entre pays riches et pays pauvres, et, au sein même des pays riches, l'aggravation des inégalités. Le projet européen en peut faire abstraction de cette situation, pas plus qu'il ne peut être une simple réplique aux volontés hégémoniques des EtatsUnis. Nécessaire, cette dernière dimension trouve vite ses limites, en ce qu'elle fait du libéralisme l'alpha et l'oméga de la construction européenne, ce qui nuit au besoin de progrès social, de démocratie, d'épanouissement des diversités, qui sont une richesse, un vivier fécond du développement humain.

C'est précisément parce que le dessein de l'Europe actuelle n'est pas en concordance avec cette vision moderne, humaine, adaptée au monde contemporain, qu'elle suscite indifférence, mécontentement, quand elle ne provoque pas des replis identitaires dangereux.

Cela, pourtant, n'a rien de fatal, dès lors qu'une volonté forte dote l'Europe d'une politique favorable aux peuples qui la composent, mais aussi à ceux qui, dans le reste du monde, cherchent un point d'appui pour contrebattre la mondialisation actuelle et donner un tour progressiste au développement humain.

C'est sur ce fond et dans ce cadre que la présidence française est attendue. Certes, six mois c'est peu. Mais c'est aussi beaucoup si l'on veut donner des impulsions qui suscitent l'intérêt - et donc le soutien - de l'opinion publique.

La présidence française doit tenter de parachever, d'ici au Conseil de décembre à Nice, la réforme des institutions avant l'élargissement de l'Europe. Robert Hue a déjà indiqué notre souci et notre souhait d'associer les pays candidats. Il a dit également que l'extension du vote à la majorité qualifiée à l'ensemble du « pilier 1 » posait un problème.

En effet, si nous ne sommes pas par principe opposés à la majorité qualifiée, nous sommes par contre défavorables à l'idée d'une extension par principe de cette règle à l'ensemble du « pilier 1 ». Cela rejoint la problématique générale évoquée précédemment.

Les forces politiques et économiques qui dominent actuellement l'Europe sont-elles acquises, dans leur majorité, à cette conception d'une Europe de progrès social, porteuse d'un message actif pour une autre mondialisation que celle actuellement en cours ? Il est permis d'en douter, notamment après le sommet de Lisbonne.

Qu'en aurait-il été de la loi des 35 heures par exemple si la majorité qualifiée s'était appliquée pour interdire

« les contributions financières visant à la promotion de l'emploi » ? Un autre exemple mérite d'être souligné : celui de la politique commerciale, du droit de la propriété intellectuelle et des services. Si cette politique avait été soumise à la règle de la majorité qualifiée, nous aurait-elle permis de prendre l'attitude qui a été celle de la France à propos de l'AMI ou, encore, de refuser à Seattle de déroger au principe de l'exception culturelle et d'inclure les biotechnologies dans les discussions ? Compte tenu des réalités européennes actuelles, la plus grande circonspection est de mise en matière de majorité qualifiée, sous peine de dévier du dessein qui doit être celui de l'Europe et de consacrer un libéralisme par trop triomphant.

Par contre, nous voyons du meilleur oeil l'élaboration d'une Charte des droits fondamentaux et sociaux qui ne détermine pas un plafond, mais un socle minimal au niveau européen, chaque pays restant libre de faire mieux.

Une résolution du Parlement européen encourage ce processus, en souhaitant l'introduction de clauses comme le droit de grève et le droit de se syndiquer, les principales conventions de l'OIT, la non-discrimination vis-àvis des femmes et des étrangers. Encore faut-il veiller à ce que ces droits sociaux s'appliquent à tous et non aux seuls résidents communautaires, comme le droit de vote aux élections locales sur lequel notre assemblée s'est prononcée.

Il en va de même du projet de fixer des objectifs sociaux, qui devraient être enfin quantifiés et suivis, en matière de réduction du chômage, de formation, de salaires et de protection sociale.

Voilà un message fort qui, concrétisé, aurait un autre intérêt que celui provoqué par les critères inclus dans le pacte de stabilité ! En vérité, l'Europe sera sociale ou ne sera pas !

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Très bien !

M. Jean-Claude Lefort.

Je voudrais, pour terminer, faire quelques propositions.

La première concerne précisément la lutte contre le libéralisme et son corollaire consubstantiel que sont les mouvements spéculatifs de capitaux qui déstabilisent en glonflant l'économie non réelle, que d'aucuns appellent la

« nouvelle économie ».

La Délégation pour l'Union européenne a proposé, dans une résolution, que la présidence française présente à ses partenaires l'instauration d'une taxe sur ces mouvements qui affectent les changes. C'est la taxe Tobin, dont on nous a dit qu'elle ne pouvait être appliquée rationnellement au niveau national. La chose est donc toute différente au niveau de l'Europe : en adoptant cette taxe, l'Europe provoquerait la création d'une masse critique dans le monde, de sorte que personne ne pourrait s'en abstraire. Déjà plus de 130 parlementaires français députés, sénateurs, députés européens - se sont pronon cés en ce sens tandis qu'un appel mondial des parlementaires recueille déjà plusieurs centaines de signatures.

M. Jean-Marie Bockel.

Très bien !

M. Jean-Claude Lefort.

La France est donc attendue sur ce point, qui va de pair avec la lutte contre les paradis fiscaux dont la présidence française devrait porter l'exigence au sein des institutions de Bretton Woods.

M. Jean-Marie Bockel.

Tout à fait !


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M. Jean-Claude Lefort.

Puisque par là même je parle du Sud, outre le sommet euro-méditerranéen, il me semble propice, après Seattle, que notre pays initie, à l'occasion de sa présidence, des initiatives fortes en direction du Sud afin de travailler ensemble à une modification en profondeur de l'OMC.

M. Alain Barrau, président de la délégation.

Très bien !

M. Jean-Claude Lefort.

Sans initiatives, le système se trouvera bloqué du fait du poids de ces pays et des coups qu'ils ont subis avec la libéralisation des échanges. Et sans initiatives, la légitimité de cette organisation sera compromise durablement, alors qu'il faut des règles autres que celles qui résultent de la loi du plus fort.

De même, considérant, à l'inverse du président Clinton, qu'il faut et du commerce et de l'aide pour ces pays, les questions telles que celles de la dette, du montant de l'aide publique au développement et de la simplification de l'affectation du Fonds européen de développement devraient être posées. Cela est attendu par les pays ACP, mais aussi au-delà. La non-affectation par l'Europe de 10 milliards d'euros vers ces pays, alors que les sommes existent au sein du FED, constitue un véritable déni de solidarité indigne de notre Europe.

Un message fort vers les peuples européens en réorientant vers le social, et donc vers l'efficacité économique, la politique de l'Union européenne ; un message fort vers le Sud en termes à la fois d'aides et de travail à propos de l'OMC, voilà qui marquerait positivement, ainsi que nous le souhaitons, la présidence française de l'Union européenne. Et voilà qui redonnerait un sens à l'Europe, elle qui, aujourd'hui, en manque tant aux yeux de beaucoup de nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après Monnet, Schuman et tous ces Français qui ont marqué l'histoire européenne, la France a, en juillet prochain, de nouveau rendez-vous avec l'Europe.

Comme souvent dans l'histoire des cinquante dernières années, celle-ci attend beaucoup de nous. Nous sommes à un tournant, et le rôle de la présidence française ne doit évidemment pas se cantonner à consolider les acquis.

Dans l'état actuel des choses, cette seule consolidation serait synonyme de stagnation, et même de recul. Nous devons offrir un nouveau départ à l'Union pour qu'elle pèse vraiment sur l'avenir du monde, aujourd'hui dominé par une seule super puissance militaire, économique et technologique. Nous ne sommes pas les vassaux des

Etats-Unis. Avec l'Union, nous avons une grande ambition, celle de l'indépendance européenne.

Depuis l'avènement de l'euro, les avancées ont été trop timides. La présidence française doit, selon nous, se fixer deux objectifs pour l'Europe : à l'extérieur, sa reconnaissance pleine et entière sur la scène mondiale ; à l'intérieur, sa perception comme une authentique communauté de citoyens.

Saint-Exupéry disait : « Si tu veux aller quelque part, si tu ne dis pas où tu vas, ni comment tu y vas, comment v oudrais-tu que nous y allions ensemble ? » Quelle Europe voulons-nous ? L'Europe que nous voulons, c'est d'abord une Europe forte et démocratique.

Nous l'obtiendrons en réformant les institutions et les modalités de prises de décision. Au gré des élargissements successifs, le poids des grands pays moteurs de l'Europe s'est fortement amoindri. De plus, le caractère démocratique des règles originelles a été très affaibli en faussant le rapport entre poids décisionnel et poids démographique.

Soyons lucides : il ne sera pas possible de revoir la pondération dans le cadre du système actuel. Les petits pays ne voudront évidemment pas renoncer à leurs droits acquis.

Quand un système montre ses limites, il faut savoir innover. Proposons à nos partenaires une nouvelle règle qui serait à la fois plus équitable et plus aisément adaptable aux échéances successives des élargissements futurs, comme celle proposée par Valéry Giscard d'Estaing et Alain Madelin d'une double majorité qualifiée, par exemple au trois cinquièmes, de pays et de population.

Sachons également réaliser la réforme courageuse du nombre de commissaires. Celui-ci doit être redéfini en fonction des missions de la Commission et non du nombre de pays.

L'Europe que nous voulons, c'est aussi une Europe réunifiée.

L'Europe est d'abord et avant tout une exigence politique. Comme le Président de la République Jacques Chirac et Helmut Kohl l'avaient affirmé, il n'est ni réaliste ni opportun de continuer à faire attendre les pays candidats de l'Europe centrale et orientale. Nous avons exigé d'eux, à juste titre, des réformes préalables. Elles sont aujourd'hui pour une bonne part entamées, voire largement engagées au prix d'efforts et de sacrifices parfois importants. Comme le disait de façon très imagée le p résident de la délégation européenne hongroise la semaine dernière, à l'occasion de sa visite : « On ne peut pas nous demander de faire une course dont on ne sait pas où est le point d'arrivée. »

Nous devons d'autant moins les laisser sans perspectives que leurs peuples sont impatients et que certains pays, comme la Pologne, la Hongrie et la République tchèque, ont adhéré à l'OTAN.

Nous devons désormais passer aux actes et leur envoyer un signal positif fort. Il faut, monsieur le ministre, fixer une échéance claire pour l'adhésion du premier groupe de pays qui se sera mis en conformité, quitte à prévoir des modalités de transition nécessaires.

Oui, nous voulons une Europe réunifiée, mais, pour autant, nous ne voulons pas une Europe sans contours.

Le Gouvernement a pris position, à Helsinki, en faveur de la candidature de la Turquie au sein de l'Union européenne. Cette décision - j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, monsieur le ministre - est contestable tant sur la forme que sur le fond. En effet, à aucun moment, vous n'avez consulté le Parlement sur cette question fondamentale qui déplace les limites géographiques de l'Union et en modifie sa cohérence historique et conceptuelle.

Pour nous, l'Europe s'arrête aux frontières de l'ex-URSS, avec toutefois une discussion possible sur l'Ukraine. En tout cas, la définition des contours de l'Europe mérite, nous l'avons réclamé à plusieurs reprises, un grand débat au Parlement français comme en Europe.

M. François Loncle, président de la commission des affaires étrangères.

C'est exact.

M. Pierre Lequiller.

L'Europe que nous voulons, c'est aussi une Europe puissante et capable d'aller de l'avant.

A terme, et en raison même de l'élargissement en vue, l'Europe change de nature. La distinction opérée par Valéry Giscard d'Estaing, il y a plusieurs années, entre


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l'Europe espace et l'Europe puissance, est plus que jamais d'actualité. Or l'Europe puissance repose sur l''encouragement à la coopération renforcée. A cet égard, Amsterdam a, là aussi, échoué. Il ne sert à rien de créer un principe si, par ailleurs, on le rend inapplicable par le fait que le veto d'un seul Etat empêche les autres d'avancer. La coopération renforcée doit être l'outil principal au service de ceux qui souhaitent aller de l'avant, comme cela s'est fait avec Schengen ou l'euro. Il faut donc en faciliter l'usage et instaurer une règle simple, par exemple un tiers des

Etats représentant un tiers au moins de la population de l'Union pourront créer une coopération renforcée.

L'Europe que nous voulons, c'est également une Europe moderne et subsidiaire.

Une Europe moderne, ce n'est certes pas un super-Etat archaïque et tatillon, intervenant sur tout et n'importe quoi. C'est une Europe respectueuse des diversités et des spécificités des Etats qui la composent. Les idées de grand emprunt, d'harmonisation fiscale et sociale, d'impôt européen sont des idées dangereuses qui, d'ailleurs, ne recueilleront pas l'assentiment de vos partenaires. Vous isolez politiquement la France en poursuivant périodiquement la chimère qui consiste à vouloir exporter les mauvaises recettes de votre socialisme désuet. On sait l'accueil qu'ont réservé Schrder et Blair aux 35 heures. On se souvient de l'isolement de Lionel Jospin à Lisbonne. Il faudrait que M. le Premier ministre surmonte sa souffrance devant l'Europe libérale, celle qui prône la déréglementation et l'Etat social actif pour sortir les gens de l'enfermement des prestations d'assistance.

M. Jean Proriol.

Très bien !

M. Pierre Lequiller.

Il éviterait alors l'humiliation devant Tony Blair qui créait, la veille du sommet de Lisbonne, un axe avec Aznar et Schrder, le même Tony Blair qui l'a invité à ne pas avoir peur de la déréglementation électrique, lui rappelant que le 10 Downing Street était alimenté par une entreprise française.

(Sourires.) Il est grand temps de revenir à la définition originelle du principe de subsidiarité, qui fonde, depuis Maastricht notre engagement européen. Il faut le clarifier et le contrôler démocratiquement en associant les parlements nationaux à son application et en offrant des voies de recours devant une cour de justice rénovée.

L'Europe que nous voulons, c'est aussi une Europe qui pèse sur la scène internationale.

La politique étrangère et de sécurité commune reste, par bien des aspects, embryonnaire. Même si la France a obtenu à Amsterdam la création d'un monsieur PESC, l'Europe reste, à certains égards, soumise au bon-vouloir des Etats-Unis. La France devra défendre auprès de ses partenaires le renforcement et une autonomie plus grande de « monsieur PESC ».

Il est également indispensable que l'Europe se dote réellement des instruments militaires de sa volonté. Dans la foulée des Conseils européens de Cologne et d'Helsinki, il faudra obtenir des progrès significatifs en matière de projection des forces, de commandement, de transport des troupes, de renseignement et de communication, sans lesquels l'autonomie du pilier européen serait un leurre.

Une réorientation des budgets de défense des pays européens s'impose, tout comme l'édification d'une véritable industrie de défense européenne.

Enfin, l'Europe que nous voulons, c'est une Europe respectueuse des droits, des libertés et des citoyens.

Nous voulons construire une Europe libérale, bien sûr, mais, avant tout, une Europe humaniste. A l'évidence, l'élaboration d'une charte européenne des droits de l'homme va dans ce sens. Il n'existe pas encore dans les traités de véritable bill of right comme c'est le cas dans de nombreux Etats dits de droit. Pour autant, l'intégration de cette charte au sein des traités n'est pas souhaitable.

Encore une fois, nous ne voulons pas faire de l'Europe un super-Etat.

N'aurait-elle qu'une valeur déclarative, que cette charte serait déjà un signal fort envoyé aux citoyens de l'Union.

En effet, la citoyenneté européenne devra être au coeur de la prochaine présidence française. Il est indispensable que les citoyens aient le sentiment que leurs préoccupations concrètes sont prises en compte par l'Europe.

Comme le Président de la République l'a souhaité à plusieurs reprises, une grande priorité devrait être donnée à la mobilité des jeunes. Il existe aujourd'hui des programmes d'échanges mais ils sont encore trop peu nombreux, trop confidentiels et souvent élitistes.

Par ailleurs, les Européens sont de plus en plus soucieux de leur sécurité environnementale ou alimentaire. Il faut - et j'approuve le Premier ministre sur ce point q ue la politique européenne définisse une stratégie c ommune de développement durable garantissant la sécurité sanitaire. Tout doit être mis en oeuvre à l'échel le de l'Union pour que des catastrophes comme l' Erika ou des scandales comme celui de la vache folle ne puissent plus se reproduire.

Forte, démocratique, réunifiée, puissante, capable d'aller de l'avant, moderne, subsidiaire, avec une influence sur l'échiquier mondial, respectueuse des citoyens, telle est l'Europe que nous voulons.

Mais nous ne voulons pas, monsieur Barrau, d'une présidence française modeste.

Reprenant la locution latine, ne perds pas courage, c'est ainsi que l'on va dans les astres, nous voulons, au contraire, une présidence à la hauteur de l'enjeu. Après l'édification de l'Europe monétaire, nous voulons l'Europe politique pour la paix.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Henri Cuq.

Très bon discours, monsieur Lequiller !

M. le président.

La parole est à Mme Chantal RobinRodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de Biarritz à Nice, un long voyage de six mois se prépare, qui doit ramener le train de l'Europe sur les bons rails, ceux construits par les bâtisseurs visionnaires que furent Schuman, Monnet, Spinelli et Faure.

Un retour aux sources s'impose pour cette Europe aujourd'hui en panne d'idées et de progrès.

La présidence française est une occasion unique de faire prendre à l'Union européenne le bon virage, de donner à l'Europe son vrai visage, celui de la citoyenneté, celui d'une Europe légitimée qui appartient d'abord à ses habitants avant d'être l'affaire des Etats ou de l'administration européenne. La prochaine conférence intergouvernementale de Nice est une chance à saisir pour la France et ses partenaires européens. Il s'agit avant tout de faire oublier le rendez-vous manqué d'Amsterdam et de redonner souffle et légitimité à l'idée européenne.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 9 MAI 2000

Le premier défi à relever pour la présidence française est sans aucun doute la réforme des institutions et notamment le processus de décision, préalable à la réalisation de l'élargissement aux pays candidats à l'adhésion.

Je ne souhaite pas m'attarder sur cet enjeu fondamental pour l'avenir de l'Union. Nombreux sont les parlementaires qui sont déjà intervenus sur cette question.

Je souhaite vous parler simplement de l'Europe des femmes et des hommes, celle trop souvent affirmée dans les traités et les politiques communautaires et rarement consacrée dans les faits.

La charte des droits fondamentaux, actuellement en préparation, nous permet d'édifier une construction européenne justifiée autrement que par la nécessité de constituer de grands ensembles économiques, de jouer dans un grand marché sans entraves.

C'est pourquoi je souhaite que la présidence française inscrive la charte à l'ordre du jour de la CIG et qu'elle soit incorporée dans le traité sur l'Union européenne afin de lui conférer un caractère contraignant.

S'agissant des droits civils et politiques, rien ne justifierait l'application de cette charte aux seuls ressortissants de l'Union. Les droits fondamentaux ont, par essence, une vocation universelle. Les citoyens des pays tiers résidant légalement en Europe doivent en bénéficier au même titre que les résidents communautaires.

Ce constat d'un risque croissant d'inégalités dans l'accès à la citoyenneté m'amène à évoquer les droits sociaux et économiques.

L'Europe est riche, la croissance est soutenue et les créations d'emplois sont au rendez-vous. Pour autant, cette prospérité doit-elle s'accompagner, voire se nourrir de nouvelles inégalités ? Comment accepter que la maind'oeuvre peu qualifiée soit sacrifiée sur l'autel de la nouvelle économie ? Comment accepter que notre jeunesse paye le prix fort du chômage en Europe ? La haute spécialisation exigée aujourd'hui par le monde du travail ne permet pas à un chômeur ou à un RMIste d'obtenir un emploi dans les secteurs en vogue de l'informatique, de la biotechnologie ou des télécommunications.

Il est donc important que le traité de l'Union reconnaisse le travail comme un droit légitime et fondamental pour tous.

Il est tout aussi important que la présidence française fasse de la lutte contre l'exclusion sa priorité. A ce titre, les radicaux de gauche souhaitent, au-delà du renforcement du pacte européen pour l'emploi, que l'Union européenne mette en oeuvre une politique commune d'insertion et d'aide aux personnes exclues de la citoyenneté.

Le sommet d'Helsinki de décembre dernier a consacré l'échec d'une harmonisation de la fiscalité européenne sur l'épargne et les entreprises.

Le déséquilibre entre fiscalité du travail et fiscalité du capital se creuse dangereusement, favorisant les délocalisations. Après le citoyen-consommateur nourri aux OGM, la mode est au citoyen-boursicoteur, à l'oeil rivé sur la rentabilité à court terme et le cours de la bourse, deux images qui véhiculent parfaitement les idées modernes de rentabilité à tout prix. En face, il y a ceux qui, comme moi, dénoncent cette idéologie du « toujours plus ».

Les gouvernements ont jugulé l'inflation des salaires et des prix, ils ont le devoir de juguler l'inflation des actifs financiers. L'outil existe, il repose sur l'idée d'instaurer un prélèvement assis sur les mouvements des capitaux. Il ne reste plus qu'à appliquer cette taxe sur la spéculation boursière à l'échelle européenne, afin de redonner sa pleine mesure à une économie socialement responsable, celle qui correspond à un échange de biens, de marchandises ou de services réels et de montrer par là même que la véritable création de valeurs n'est rendue possible que par le travail humain. Sur cette base, je souhaite que la France organise une lutte efficace contre la spéculation financière.

Par ailleurs, si je considère comme impératives l'évolution et la redéfinition des missions de service public, je m'oppose à leur remise en cause. J'appelle donc à un rééquilibrage des dispositions inscrites dans le traité entre les règles de concurrence et les services d'intérêt général.

La politique menée par le Gouvernement de la gauche plurielle ne peut s'accomoder de cette règle qui veut que la concurrence soit élevée au rang de sacro-saint principe.

Pour nous, le service public ne peut être réduit à un régime d'exception.

La France doit proposer des réponses concrètes au démantèlement de nos services publics, inscrit en filigrane dans les conclusions de Lisbonne.

Pour les radicaux de gauche, il s'agit de garantir l'égalité d'accès des citoyens au service public. Nous devons profiter de la conférence intergouvenementale pour affrimer une conception européenne du service public, qui reposerait sur un projet concret d'aménagement du territoire afin d'endiguer la tendance à la désertification qui se fait jour, induisant de graves inégalités de développement.

Les fonds structurels ne compensent que très maigrement les inégalités territoriales. C'est pourquoi nous souhaitons que l'Union européenne arrête un vaste plan de rééquilibrage en faveur des régions défavorisées.

M. le président.

Madame Robin-Rodrigo, pourriezvous conclure ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

J'ai presque terminé, monsieur le président.

S'il s'agit de laisser faire la logique de concentration et d'en soigner quelques effets négatifs, il n'y a, somme toute, aucun besoin d'une politique régionale communautaire.

Telles sont, messieurs les ministres, mes chers collègues, les orientations importantes que souhaitent voir mises en oeuvre les députés radicaux de gauche. Elles sont de nature à donner une dimension et une ambition sociales à l'Europe. A défaut, la construction européenne apparaîtrait comme purement monétaire et financière. Je suis persuadée que, sous l'impulsion de la présidence française, des progrès seront réalisés dans l'édification de l'Europe sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, peu de sujets suscitent à la fois autant d'espoirs et autant de craintes que celui qui nous occupe aujourd'hui.

M. Jean-Claude Daniel.

Vous dites vrai !

M. Christian Jacob.

Si une majorité de nos concitoyens est persuadée que notre avenir passe par la construction européenne, le sentiment de subir l'Europe et de ne pas pouvoir participer à cette formidable aventure hante en permanence l'esprit de beaucoup d'entre eux. C'est pourquoi il faut avancer vers cette Europe qu'a appelée de ses voeux le Président de la République, vers une Europe qui soit à la fois plus proche, plus réaliste et plus pragmatique.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 9 MAI 2000

Permettez-moi de citer une phrase prononcée il y a quelques jours par le Président de la République à propos de l'Europe : « Elle ne doit intervenir qu'à condition de pouvoir le faire plus efficacement que les Etats et seulement lorsque nous le décidons collectivement. »

L'Europe sera donc ce que les Etats en feront et c'est en cela que votre responsabilité, messieurs les ministres, comme celle du gouvernement auquel vous appartenez, est importante.

Le Président de la République a fixé clairement le cap, en rappelant que nos collectivités publiques devront être plus compétitives, à commencer par l'Etat, dont les réglementations et le système fiscal ne doivent pénaliser ni l'emploi ni l'initiative.

De la même façon, l'Etat doit réussir une baisse durable des prélèvements obligatoires en maîtrisant la dépense publique, encourager le travail plutôt que l'assistance et garantir l'avenir de notre protection sociale.

Or j'ai le sentiment que l'action conduite par le Gouvernement français depuis trois ans, va rigoureusement à l'inverse de ces objectifs pourtant partagés par le plus grand nombre.

Par exemple, si l'on avait élargi le vote à la majorité qualifiée, que notre collègue Lefort a évoquée tout à l'heure et à laquelle je suis favorable, on aurait peut-être évité les 35 heures qui vont à contre-courant de ce qui se fait dans les autres pays de l'Union européenne.

Mme Odile Saugues.

Pourtant, ça marche !

M. Alain Barrau, président de la délégation.

Et je ne suis pas sûr qu'il s'agisse là d'un raisonnement très gaulliste !

M. Christian Jacob.

On peut également citer l'exemple de la TGAP. En tirant prétexte d'une directive européenne visant à favoriser la protection de l'environnement, vous mettez en place un véritable droit à polluer, mais pas dans le but d'aider les entreprises à accroître leur compétitivité en appliquant les normes de protection sur l'environnement : vous vous servez du produit de ce droit à polluer pour combler une petite partie du gouffre financier créé par les 35 heures.

Je passerai sur l'augmentation des prélèvements obligatoires, arrêtant là mes exemples car la liste serait trop longue.

Les vraies convictions européennes se traduisent aussi dans les actes quotidiens d'un gouvernement. A chaque fois que l'Europe sert de bouc émissaire et que la politique économique conduite va à l'inverse de ce qui est souhaité par l'ensemble des autres pays ou de leur majorité, on contribue à conforter le sentiment d'euroscepticisme qui existe dans l'esprit de quelques-uns de nos concitoyens.

Autre point très important : la réforme des institutions, évoquée par plusieurs de nos collègues.

Je fais partie de ceux qui pensent que le nombre de commissaires ne doit pas augmenter et que la Commission doit s'en tenir à ces principes de base que sont son pouvoir d'initiative et son pouvoir de contrôle. En effet, il y a un risque réel que la Commission se transforme en instance de représentation des Etats : si, chaque fois qu'un nouveau pays arrive au sein de l'Union européenne, un commissaire supplémentaire est mis en place, on risque s'assister à cette dérive qui fera que, petit à petit, la commission s'identifiera à chacun des Etats membres.

Un tel risque est d'autant moins à négliger que nous avons déjà connu des cas où la Commission est sortie de ses prérogatives.

Rappelons-nous : en 1993, au moment de boucler les accords du GATT, le ministre des affaires étrangères de l'époque, Alain Juppé, avait dû taper du poing sur la table pour rappeler quelles étaient les prérogatives du Conseil par rapport à la Commission.

Plus récemment, mais dans le sens contraire, Jean Glavany, ministre de l'agriculture, a tout « laissé filer » - pardonnez-moi l'expression - lors du Conseil des ministres de l'agriculture sur l'Agenda 2000. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Baeumler.

Ces propos ne sont pas acceptables !

M. Alain Barrau, président de la délégation.

C'est très mesquin !

M. Christian Jacob.

Le Président de la République a dû reprendre, en Conseil des chefs d'Etat, les dossiers les uns après les autres, que ce soit sur le lait, sur la viande...

M. Jean-Pierre Baeumler.

Vos propos ne sont pas acceptables !

M. le président.

Monsieur Baeumler, laissez M. Jacob s'exprimer, s'il vous plaît !

M. Christian Jacob.

... ou sur les céréales.

Il a dû batailler à la fois sur le système d'intervention, sur la protection et le maintien des quotas et sur les soutiens à l'exportation.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Caricature !

M. Christian Jacob.

Il faut lire les comptes rendus, monsieur Baeumler.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Je les lis !

M. Christian Jacob.

Je vous invite à relire, car je pense que vous les avez déjà lus, les principes qui ont été mis en place lors de la loi d'orientation agricole : on nous a expliqué que les exportations agricoles n'étaient pas un point essentiel dans la politique agricole commune, mais un point « résiduel ».

Je rappellerai également que la France est le premier exportateur mondial de denrées alimentaires transformées et la deuxième de produits agricoles bruts et qu'entre un emploi sur quatre et un emploi sur cinq dépend directement de l'agro-alimentaire. Par conséquent, lorsqu'on intervient sur la construction européenne, on intervient aussi sur l'action qui est conduite au quotidien par le Gouvernement. Et cela me conduit à évoquer une autre institution : le Conseil des ministres.

M. Alain Barrau, président de la délégation.

Qui a défendu la PAC à Berlin ?

M. Christian Jacob.

C'est le Président de la République. Je n'y peux rien, mais c'est comme ça !

M. le président.

Monsieur Jacob, ne vous laissez pas interrompre !

M. Christian Jacob.

Merci de votre intervention, monsieur le président.

M. le président.

Et vous, monsieur Barrau, laissez parler M. Jacob !

M. Christian Jacob.

Ecoutez le président, chers collègues !

M. François Loncle, président de la commission des affaires étrangères.

M. Jacob fait du sectarisme !

M. le président.

M. Jacob est libre de ses propos, monsieur le président de la commission !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 9 MAI 2000

M. Christian Jacob.

Je crois qu'à l'avenir il faudra réaffirmer le rôle du Conseil des ministres qui doit être, de mon point de vue, prédominant, notamment grâce à une présidence qui doit être adaptée et durer peut-être plus longtemps que les six mois qui sont prévus aujourd'hui.

Le Conseil des ministres est en effet l'une des institutions essentielles puisque c'est par lui que se construira l'Europe politique.

L'Europe politique, c'est, bien sûr, la monnaie, et la France peut être fière d'avoir été au rendez-vous de la monnaie unique et de l'euro. A cet égard, je voudrais, au risque de vous faire réagir, souligner l'action particulière qui a été menée par les deux grouvernements successifs d'Edouard Balladur et d'Alain Juppé, qui ont permis à la France d'être à l'heure de l'euro,...

M. François Loncle, président de la commission des affaires étrangères.

Si vous aviez été si bons que vous le dites, vous ne seriez pas dans l'opposition !

M. Christian Jacob.

... et cela dans un contexte économique particulièrement difficile.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Toujours le passé ! M. Jacob est l'homme du passé ! Qu'il regarde plutôt vers l'avenir !

M. Christian Jacob.

Mais je parle justement de l'avenir, monsieur Baeumler ! L'Europe politique, c'est aussi celle de la défense, de la sécurité et de la justice, autant de domaines où les frontières de nos Etats tendent à disparaître. Mais, dans le même temps, les frontières extérieures de l'Union européenne doivent être clairement identifiées et efficacement contrôlées.

J'évoquerai un autre point touchant aux institutions : l'association en amont des parlements nationaux.

Le rôle de nos parlements respectifs ne peut se limiter à traduire dans les droits nationaux des décisions communautaires. Pour ma part, je serais assez favorable à la création d'une deuxième chambre européenne où pourraient être représentés les parlements nationaux. Mais on peut avoir d'autres idées. Ce qui est important, c'est que les parlements nationaux, qui jouissent de la proximité du terrain, jouent un rôle essentiel dans l'élaboration des décisions communautaires.

M. Henri Cuq.

Très bien !

M. Christian Jacob.

Je ne prendrai qu'un seul exemple : la chasse. Il faut être sacrement déconnecté du terrain pour nous expliquer, comme l'a fait ici un ministre du Gouvernement, Mme Voynet, à propos de la directive « chasse », que les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs devaient être les mêmes dans toute l'Union européenne. En effet, s'il s'agit d'oiseaux migrateurs, ils ne peuvent, par définition, décoller du sud du Portugal et arriver au même moment au nord de l'Irlande. Cela me semble évident. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Plus on associera les parlements nationaux, plus les choses avanceront dans le bon sens.

Un dernier point : les négociations de l'OMC. Il s'agit d'un enjeu essentiel et la présidence française doit être l'occasion de poser un certain nombre de jalons. L'Union européenne est l'une des zones géographiques du monde où les normes sont les plus strictes sur les plans sanitaire,e nvironnemental, social et monétaire, notamment.

Aujourd'hui, que convient-il de faire ? Il faut mettre en place ce qui est déjà prévu et l'améliorer aussi souvent qu'on le peut, ce qui va dans l'intérêt de nos entreprises car cela tend à accroître leurs marges de compétitivité : chaque fois qu'une entreprise exporte, elle fait entrer des devises qui permettent ensuite de réduire la dépense publique et donc d'alléger les charges qui pèsent sur nos contribuables.

Voilà à quoi doit servir la construction d'une Europe sociale : favoriser la création d'emplois par des gains importants de parts de marché. Et telle est bien l'orientation qui doit être la nôtre dans les négociations de l'OMC.

Nous n'avons pas peur de la compétitivité. A partir du moment où nos concurrents suivent les mêmes règles, la compétitivité ne me gêne pas.

Quant aux normes, il s'agit de les mettre en place sans chercher à en inventer de nouvelles qui n'ont comme objectif que de créer des contraintes supplémentaires pour les entreprises. L'Union européenne doit être un plus pour l'ensemble de nos concitoyens, qu'ils soient français ou qu'ils viennent des autres pays de l'Union.

Tels sont les quelques points sur lesquels je voulais attirer votre attention. Le cadrage dessiné par le Président de la République est suffisamment clair et limpide. Il s'agit maintenant pour le Gouvernement de prendre sa part de responsabilité et de savoir mettre ces orientations en application. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Marie Bockel.

M. Jean-Marie Bockel.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l'approche de la présidence française de l'Union européenne, si l'attente est grande et témoigne de la force d'attraction de l'Union sur les pays d'Europe centrale et orientale, les menaces de paralysie de l'ensemble le sont tout autant.

L'enthousiasme qui nous a conduits à promettre une intégration rapide à tous ces pays orphelins est désormais révolu et a cédé la place à la prudence.

Au terme d'« élargissement », je préfère celui d'« européanisation ». Ouvrir notre Union, c'est gagner en « européanité », si j'ose dire, à condition de préparer nos institutions à accueillir les nouveaux Etats.

Je souhaiterais à mon tour évoquer les coopérations renforcées. Elles peuvent, certes, être un remède, et c'est pourquoi il faut les étendre à la politique étrangère et de sécurité commune. Elles ont néanmoins leurs limites et elles ne suffiront pas à faire progresser l'intégration car elles porteront sur des domaines à compétences bien limités. L'extension des coopérations renforcées à tous les domaines risquerait d'ailleurs de brouiller le paysage institutionnel.

A insi se pose, inévitablement, la question d'une

« avant-garde », d'un « noyau dur ». Quelle qu'en soit sa forme politique ou juridique, une avancée de la part de certains pays s'impose, dans l'esprit même du traité de Rome.

Il faut que nous retrouvions la finalité qui animait les six pays fondateurs de la Communauté européenne : aller par « des réalisations concrètes » et des « solidarités de fait » vers une « fédération européenne » - tels sont les termes du traité. Ce retour aux finalités des origines suppose de la part des dirigeants une forte volonté politique, qui nous contraint à une vision à long terme des véritables enjeux et intérêts de l'Europe.

Pourquoi ne pas mettre en place, comme le suggérait il y a peu Jacques Delors, des institutions allégées oùs eraient représentés de manière permanente les six


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 9 MAI 2000

membres fondateurs - l'Allemagne, la France, l'Italie, les pays du Benelux - qui composeraient le noyau dur, lequel serait ouvert à d'autres ? Ils seraient dotés d'une grande capacité d'action et d'intégration avec pour mission de tendre à la création d'instruments démocratiques d'un gouvernement commun. Voilà une piste tout à fait sérieuse et d'actualité.

En attendant, Paris et Berlin, réfléchissent ensemble depuis plusieurs mois au concept d'une Europe élargie et au contenu politique de l'Union. Joschka Fischer s'est exprimé récemment dans un quotidien français sur cette coopération étroite entre les deux capitales, qui pour-r aient proposer dans quelques mois les « premières réponses politiques » à apporter à la « dernière pierre de l'unité européenne », à savoir l'Europe politique.

A ceux qui craignent, messieurs les ministres que le couple franco-allemand ne cesse de jouer un rôle moteur, je dirai simplement qu'il ne suffit plus à lui seul, j'en suis d'accord avec vous, à relancer la mécanique européenne.

Mais il demeure indispensable et élémentaire. Il ne manquera pas, à mon avis, de retrouver toute son importance - c'est presque une profession de foi que je fais là - dans la réflexion sur les instruments qui nous permettront de développer une Europe autonome, unie, politique.

Pour finir, je formulerai deux brèves remarques.

La première, et je parle sous le contrôle du président de la délégation, M. Barrau, est que, dans ce cadre, nous avons eu à Paris avec nos collègues allemands, que nous irons voir à Berlin, des contacts pour nous préparer, nous parlementaires, à cette période. Ces contacts ont été fructueux.

Ma seconde remarque sera plutôt un message personnel à votre adresse, monsieur Moscovici : quid de l'inscription à l'ordre du jour du prochain sommet francoallemand, le 9 juin prochain, du dossier ô combien important du TGV Rhin-Rhône ?

M. Jean-Pierre Baeumler.

Très bonne question !

M. Jean-Marie Bockel.

En conclusion, je dirai que les attentes et les espoirs qui pèsent sur la présidence française sont grands, démesurés peut-être. Elle aura à faire face à l'une des étapes les plus décisives, dont on ne sait pas encore, comme si souvent en Europe, quelle tournure elle prendra. Je ne peux, après beaucoup de collègues, que formuler le voeu qu'on aboutira, à Nice, à un traité très satisfaisant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe de Villiers.

M. Philippe de Villiers.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, chacun l'a reconnu depuis le début de ce débat, du Premier ministre à mon prédécesseur à cette tribune : la présidence française intervient à un moment crucial. Aujourd'hui, un malaise s'exprime plus ou moins clairement, un malaise au sein de l'Europe et il doit nous conduire à imaginer quelque chose de différent pour l'avenir.

Au cours des derniers jours, j'ai été frappé d'entendre à de nombreuses reprises les mêmes expressions dans la bouche tant du Premier ministre que du Président de la République : « Europe des citoyens », « Europe de la proximité ». Ces expressions, nous les avions déjà entendues très fréquemment depuis une dizaine d'années, comme si les hommes politiques qui veulent favoriser l'intégration européenne à tout prix étaient en même temps conscients que les peuples ne suivent plus, ou qu'ils suivent de moins en moins bien, les décisions de plus en plus aberrantes qui peuvent être prises par les instances de Bruxelles.

L'Europe de la proximité : plus on nous en parle, plus on constate que l'Europe s'éloigne ! Et plus on nous parle de l'Europe des citoyens, plus on mesure la difficulté pour le citoyen d'accepter d'être chaque jour piétiné. On a invoqué l'exemple de la chasse, on pourrait en citer bien d'autres.

Et maintenant voilà qu'on nous propose, sans coup férir, une « charte des droits fondamentaux » pour mieux garantir, nous a dit le Premier ministre cet après-midi,

« les droits des citoyens ». Qu'est-ce que cela signifie ? Que nous, la représentation nationale, accepterions sans sourciller, un terrible sous-entendu : que notre Constitution n'est plus capable de protéger les droits des citoyens ! Ne nous faisons aucune illusion, cette charte-là n'a d'autre but que d'instituer une sorte de Constitution, et un recours systématique ouvert auprès des instances juridictionnelles de l'Europe.

Voyez les dernières décisions prises par cette Europe à la dérive.

Voyez la Turquie. Moi, ce qui me frappe, c'est qu'à Helsinski, une certaine Europe, est morte. Avec l'entrée de la Turquie, l'Europe c'est l'Eurasie. Ce n'est plus l'Europe, une certaine civilisation, quoi qu'on pense par ailleurs. Ce qui me frappe plus encore, c'est que personne n'est capable de nous dire qui a voulu faire entrer la Turquie. Monsieur le ministre des affaires étrangères, je vous vois sourire.

M. François Loncle, président de la commission des affaires étrangères.

C'est un droit fondamental !

M. Philippe de Villiers.

Qui sera bientôt protégé par la charte des droits fondamentaux à Bruxelles ! (Sourires.)

Qui donc a fait entrer la Turquie ? On ne sait pas.

Nos gouvernants nous expliquent qu'ils n'y sont pour rien, qu'ils regrettent. Mme Fontaine, présidente du Parlement européen, sorte de pythie, disons cariatide de ce nouveau temple (Sourires). nous explique que ce n'est pas elle non plus, et qu'elle regrette aussi. M. Giscard d'Estaing, M. Madelin, j'en passe, tous ces « eurolâtres » nous disent en coeur : « C'est pas nous ! » N'empêche, la Turquie va entrer et son entrée change fondamentalement la configuration de l'Europe, sa définition, son sens même ! Les OGM ? Ici même, sauf erreur de ma part, il y a une immense majorité pour dire son désaccord sur les imprudences qui pourraient être commises sous l'influence des lobbies et des multinationales. Pourtant, la machine avance comme une broyeuse. Et l'Europe prend position - culture, importation, commercialisation, tout au mépris officiel, solennel, du principe de précaution.

La vache folle, c'est un autre exemple qui devrait tous nous faire réfléchir. Voilà que la France se met en situation d'avoir à violer officiellement la loi européenne, le principe de libre circulation. Pour quoi faire ? Pour protéger la santé des citoyens français. Entre la santé de ses citoyens et la liberté de circulation, un pays, qui s'appelle la France - encore heureux ! - doit choisir. Mais que lui arrive-t-il à ce pays ? Il va être condamné en justice, sous une astreinte quotidienne payée par les contribuables français. Croyez-vous que cela va durer longtemps ? On pourrait ainsi multiplier les exemples. En voici encore un, tout simple, tout bête, et qui fait sans doute sourire les ministres, l'exemple du chocolat. On nous annonce maintenant une norme pour le chocolat ! Vous


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 9 MAI 2000

mangerez tous le même chocolat, un chocolat sans cacao, comme on pourrait imaginer des yaourts sans lait ou du p ain sans farine. C'est « sovietiforme » ! (Sourires.)

Bruxelles imagine la norme, et l'empire de la norme s'impose à nous.

Autre exemple, qui touche le littoral atlantique de près, la marée noire. Nous avons tous d'avance accepté l'idée qu'il fallait attendre la présidence française pour faire

« quelque chose », c'est-à-dire en fait pour imaginer une réglementation maritime. C'est extravagant ! Cela signifie que, depuis cinq mois, l'Europe ne fait rien, que la Commission de Bruxelles ne fait rien.

M. Jean-Claude Lefort.

Bon, que voulez-vous ? Qu'elle fasse quelque chose ou rien ?

M. Philippe de Villiers.

Oh, ce n'est pas demain la veille qu'elle fera quelque chose, puisque l'adhésion de Malte et de Chypre viendra naturellement renforcer la Grèce et l'Allemagne, très défavorables à une politique restrictive en matière de pavillons de complaisance.

En d'autres termes, nous sommes à la dérive. Et pourquoi ? Parce que nous n'avons pas voulu voir - le nous, évidemment de politesse, vous englobe, vous qui êtes au pouvoir, les « cohabitants » -, parce qu'ils n'ont pas voulu voir, depuis François Mitterrand, jusqu'à Jacques Chirac que nous avions changé d'époque.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Ah ça, nous ne sommes plus en 1997, c'est vrai !

M. Philippe de Villiers.

Dès lors que les pays d'Europe de l'Est se sont libérés du joug soviétique, la manière de construire l'Europe ne peut plus être la même.

M. Jean-Claude Daniel.

C'est pourquoi vous avez souhaité devenir député européen ?

M. Philippe de Villiers.

Ecoutez-moi ! Ça pourrait être des fois intéressant !

M. le président.

Vous seul avez la parole !

M. Philippe de Villiers.

Je vous en remercie. Avant la chute du mur de Berlin, il s'agissait de construire une Europe de petite taille, selon un modèle unitaire, centralisé, monolithique et supranational. Depuis dix ans, il aurait fallu réfléchir à la question de l'élargissement, la seule importante et intéressante. En termes d'objectifs, il fallait penser autrement. Comme l'a dit le ministre des affaires étrangères dans une interview audacieuse à Ouest France, le 16 avril dernier, on ne peut plus aujourd'hui concevoir l'Europe comme avant. Il faut imaginer une Europe flexible et respectueuse des souverainetés nationales. Oui, je le dis, au risque de le gêner, M. Védrine est sur le chemin du doute, bientôt de l'inquiétude. Bientôt, vous allez le voir rejoindre les analyses de ceux qui, à cette tribune, ne cessent de dire la même chose depuis Maastricht : si vous vous éloignez des peuples, des nations et des démocraties, les démocraties, les nations et les peuples ne vous suivront plus ! Or à 20, à 25, à 30 ou à 35, peut-être demain, on ne pourra pas construire l'Europe autrement qu'en accordant deux principes : d'une part, souveraineté nationale et respect du veto sur les intérêts vitaux pour un peuple, une nation, ou un Etat, d'autre part, flexibilité - ce que vous avez appelé « géométrie variable » - et coopérations différenciées. On peut très bien imaginer que sur un domaine comme la réglementation maritime, certains pays se rassemblent pour prendre des mesures dont d'autres ne veulent pas. Sur le désarmement des centrales nucléaires de l'Est, sur le dôme antimissile - si les Américains font le leur -, sur les questions d'environnement ou même de santé publique, il arrive qu'on ne soit pas tous d'accord, mais il faut que l'on puisse au moins coopérer sur la base des souverainetés nationales. Rien de tout cela ne pourra fonctionner si nous passons de la méthode de l'intégration forcée à un super Etat fédéral. Mais grâce à la géométrie variable, l'Europe pourra se faire avec souplesse et d'un seul tenant. Un dernier exemple, celui de l'euro. En regardant M. Barrau, je ne peux pas m'empêcher de penser...

M. Alain Barrau, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

Que le Conseil de l'euro marche bien ?

M. Philippe de Villiers.

... Un instant, nous allons en parler ! Je ne puis m'empêcher de penser à ceux qui préconisaient un euro fort et nous vantent aujourd'hui les mérites de l'euro faible. Vraiment fantastique !

M. Alain Barrau, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

Ce n'est pas mon cas !

M. François Loncle, président de la commission.

Ni le mien.

M. Philippe de Villiers.

Si ce n'est pas vous, c'est donc d'autres (Sourires.) Ne vous sentez pas toujours pas visés parce que vous êtes socialistes.

M. François Loncle, président de la commission.

Ah, ça aurait pu être eux ! (Sourires.)

M. le président.

Allons, laissez conclure M. de Villiers.

M. Philippe de Villiers.

Il y a des « eurolatres » sur tous les bancs ici ! Cette après-midi, je relisais la profession de foi de l'UDF au moment de Maastricht. L'euro ? « Ce sera la plus forte monnaie du monde » ! Oui, mais aujourd'hui, c'est la plus faible ! Vous le voyez, tout le monde peut se tromper et pas seulement la gauche ! Refermons la parenthèse.

M. François Loncle, président de la commission.

Il vaut mieux !

M. Philippe de Villiers.

Allons au fond des choses.

Pourquoi l'euro est-il faible, et faible durablement ? Pas seulement à cause de la conjoncture - différentiels de taux d'intérêt ou de taux de croissance avec les EtatsUnis. C'est aussi pour une raison inavouée beaucoup plus fondamentale, dont M. Fabius s'approchait dans un communiqué vendredi dernier. En réalité, l'euro est une monnaie artificielle, une fausse monnaie, une monnaie virtuelle. Elle n'est pas adossée à un peuple, à une nation, à un Etat. Les économistes appellent cela une « zone optimale monétaire ». Vous ne pouvez pas imposer une monnaie unique à des pays qui ont des rythmes, des démographies, des cultures et des réflexes différents. C'est ainsi ! La monnaie unique est en train d'échouer parce qu'elle a voulu se faire sans le politique, exemple sans doute unique dans l'histoire. Alors, aujourd'hui, que faire ?

M. le président.

Conclure, monsieur de Villiers.

M. Philippe de Villiers.

On peut accorder la monnaie, la monnaie commune et les nations, ce qui signifie construire une maison à double étage, avec une monnaie commune qui sera une unité de compte pour les bourses et les contrats commerciaux mais aussi les monnaies nationales conservées. Je vous en supplie, messieurs les ministres, réfléchissez bien avant de vous associer à cette décision grave, la disparition du franc. Décidez au moins d'un moratoire, demandez que les Français soient consul-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 9 MAI 2000

tés. On ne peut pas assister à le déroute de l'euro et accepter la disparition du franc, symbole de la liberté française.

Oui, je le répète ici, à cette tribune, avec une conviction que je vous demande de respecter au regard de l'histoire, par-delà nos clivages et nos sensibilités, aujourd'hui dépassées, une question grave se pose, celle de la paix civile et de l'équilibre de tout un continent. Comment construire l'Europe ? Comme avant la chute du Mur ou en essayant d'innover, en accordant le principe de la coopération et le principe de la nation ? Si vous vous passez des peuples, des démocraties et de la nation, l'histoire vous rattrapera très vite. Ce sera un échec. Cet échec vous donne rendez-vous avec l'histoire !

M. Robert Galley.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Féliz Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans le prolongement de ce qu'ont dit les intervenants du groupe communiste et apparentés, Robert Hue et Jean-Claude Lefort, je voudrais souligner les points sur lesquels la présidence française devra mettre l'accent dans le domaine de l'agriculture et de la filière alimentaire. Dans sa déclaration, M. le Premier ministre a d'ailleurs lui-même souligné que ces questions devaient constituer une priorité.

L'agriculture, chacun le sait, est l'un des piliers de la c onstruction européenne avec la politique agricole commune. Or ce secteur est aujourd'hui confronté à des difficultés aux niveaux national, européen et mondial.

Avec la loi d'orientation agricole, notre pays a tracé la voie à un nouveau type de développement agricole. Ce qui est visé, c'est une agriculture qui produise, en qualité et en quantité, tout en préservant la diversité, une agriculture créatrice d'activités et d'emplois, respectueuse de l'environnement, une agriculture qui soit un élément de l'aménagement du territoire et qui serve de point d'appui à une filière alimentaire pour laquelle la sécurité sanitaire sera un impératif.

A cet égard, il ne faut pas perdre de vue, dans le contexte actuel, que le risque existe, tant au niveau européen que mondial, de voir la loi que le Parlement français a adoptée contrariée par la réforme récente de la PAC, dont on a certes limité les conséquences, mais qui pèse sur notre agriculture. La loi peut aussi être contrecarrée par les logiques destructrices du libéralisme plus débridé. Il faut donc agir dans le sens de prix rémunérateurs du travail paysan, en faveur d'une politique de prix de base fixés pour un volume donné alliée à une maîtrise de la production et appliquer une préférence communautaire rénovée qui permette de véritables coopérations mutuellement avantageuses.

Cette action au plan européen, soutenue par la présidence française, devra aussi s'exercer en direction de l'Organisation mondiale du commerce, qu'il faut démocratiser et transformer afin qu'elle ne soit plus au service d es puissants et des intérêts nord-américains mais devienne une institution favorisant la coopération et le progrès social.

Personne ne s'attend que les obstacles dont je viens de parler tombent un à un, sous prétexte que la France assurera pour six mois la présidence européenne. L'agriculture constitue un vaste terrain, riche en contradictions, où des intérêts différents s'affrontent, où des mobilisations populaires se dessinent. Ce qu'on attend de la présidence française, c'est qu'elle contribue à impulser le débat, et fasse naître de nouvelles relations plus favorables aux peuples.

Quand on sait que l'ultralibéralisme, la pression permanente sur les coûts de production et de fabrication des produits alimentaires sont pour une large part à l'origine des dysfonctionnements observés dans la longue chaîne alimentaire, on a une raison supplémentaire d'agir dans le sens que je viens d'indiquer et de concentrer l'effort sur l'amélioration de la sécurité sanitaire.

L'action, la lutte pour la sécurité dans le domaine alimentaire répondent à la fois aux intérêts des consommateurs et à ceux des producteurs. On sait que les normes concernant la transparence et la sécurité sont différentes d'un pays européen à l'autre et entre l'Europe et les autres pays. Un des objectifs, c'est d'arriver à une harmonisation des normes au plan européen. La question reste de savoir à quel niveau. Nous pensons qu'il faut combattre tout ce qui tendrait à tirer notre système vers le bas et agir pour tirer le système européen vers le haut.

Dans ce domaine de la sécurité, la France a pris de l'avance avec la création de l'AFSSA, qui s'attache, de manière indépendante, à évaluer les risques en appliquant le principe de précaution, fournissant ainsi des éléments objectifs, le plus objectif possible, au pouvoir politique, à qui il appartient de gérer les risques, comme il l'a fait avec l'embargo sur les viandes britanniques et comme il le fait avec les précautions qu'il préconise concernant les OGM.

L'Europe vient de publier ce qu'on appelle un Livre blanc sur les problèmes de sécurité alimentaire. Elle envisage de créer une autorité européenne, à l'image de notre AFSSA. Les choses bougent donc dans le bon sens. Reste à concrétiser les avancées pour une meilleure évaluation des risques, et à trouver les bonnes articulations entre le niveau européen et le niveau national dans la gestion de ces risques.

En faisant progresser la cause de la sécurité sanitaire au plan européen, nous serons en meilleure situation pour la faire respecter et avancer au plan mondial. Les députés communistes et apparentés seront vigilants.

M. René André.

Ils ne seront pas les seuls !

M. Félix Leyzour.

Et ils soutiendront tout ce qui ira dans le sens d'une plus grande sécurité alimentaire. Sur toutes ces questions, mes chers collègues, il faut donner du sens à l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pendant des siècles, les rois, empereurs ou dictateurs ont tenté d'unifier l'Europe par la force. Cette journée anniversaire n'est donc pas exempte d'émotion puisque c'est une logique de paix et de droit qui a fondé l'idée européenne. La volonté de rendre cet acquis irréversible doit continuer d'inspirer le processus européen. Car l'affirmation de cet espace de paix, de liberté, de démocratie, la réalisation d'une Union plus forte et plus unie constituent un aspect positif pour les Européens mais aussi pour le reste du monde.

Dès lors, la première préoccupation doit être d'affirmer cet intérêt européen commun. Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des chantiers qui ont été évoqués à cette tribune, j'évoquerai simplement trois priorités : réussir l'élargissement et l'approfondissement des institutions, réaffirmer le rôle de l'Europe dans le monde, renforcer la conscience et le sentiment d'appartenance européens.

D'abord, la grande Europe. La réunification du continent est une étape nouvelle particulièrement décisive pour notre histoire et notre géographie. Mais, si cette


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perspective s'affirme, elle n'en reste pas moins floue dans ses limites et imprécise dans son calendrier. Certes, personne ne sous-estime les difficultés techniques, politiques, économiques qui entourent l'agrandissement de l'Europe sans limite apparente. Mais il est urgent de situer précisément cette perspective d'unification, de clarifier les échéances et d'engager un débat ouvert sur cette configuration nouvelle.

Il y a urgence en effet pour ces pays qui ont atteint courageusement les rives de la liberté et qui se souviennent comme nous qu'au

XVIIIe siècle, on parlait français à Prague comme à Budapest.

M. Alain Barrau, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

Même entre les deux guerres !

Mme Nicole Ameline.

Nous avons atteint le point où des progrès nouveaux, tangibles, ne se feront pas sans refondation, sans souffle politique rénovateur intégrant autant la volonté des Etats que l'adhésion des peuples eux-mêmes.

Cette expression de la volonté populaire, de l'affirmation du sentiment européen est une condition nécessaire à la poursuite du processus d'unification. Si nous n'avons m alheureusement pas dépassé cette tentation manichéenne, ce vieux débat entre l'intégration supranationale et la préservation des intérêts nationaux, c'est probablement largement parce que beaucoup de nos concitoyens comprennent mal les processus et mécanismes de décision, de même que le fonctionnement des institutions européennes, ou bien encore la répartition des compétences entre le niveau national et l'échelon européen.

D'où la nécessité, si l'on veut donner plus de force au processus d'intégration, de réussir la réforme engagée, de l'inscrire dans une véritable perspective d'avenir indétachable de la question fondamentale : quelle Europe voulons-nous et quelle architecture pour cette Europe nouvelle ? Si, le « reliquat » d'Amsterdam peut être un objectif immédiat, son examen est indissociable d'une vision d'avenir plus large et plus ambitieuse. Chacun sait qu'à quinze, vingt, vingt-cinq ou trente, lorsque d'éventuelles négociations s'ouvriront avec l'Ukraine ou la Moldavie, l'Europe aura changé de nature et de dimension. N'ayons pas peur d'envisager cette Europe nouvelle, subsidiaire autant que diverse, dont l'organisation et le fonctionnement devront renforcer l'efficacité interne par une clarification réelle des compétences, cette Europe flexible laissant place à l'initiative des pays qui auront la volonté et la possibilité d'aller plus loin et plus vite.

Ce nouvel équilibre des institutions, lié au rôle mieux a ffirmé des parlements nationaux dans ce nouvel ensemble, doit aussi s'accompagner du renforcement de l'adhésion des peuples. Il faut être pragmatique lorsque l'on parle d'Europe, mais aussi enthousiaste. Cela passe, et cela peut être une priorité de la présence française, par la mise en oeuvre de l'espace de liberté, de justice et de sécurité, ce troisième pilier trop faible aujourd'hui et dont chacun mesure cependant l'importance concrète et quotidienne pour les citoyens européens.

Je ne reprendrai pas les défis qui ont été évoqués s'agissant non seulement de l'Europe du savoir, de la diffusion des connaissances, mais aussi de l'Europe de la sécurité, de la qualité, de la prévention des risques, de la gestion des pollutions, qui constituent autant d'avancées significatives.

Il faut aussi redonner une autre place et un autre poids à l'Europe dans le monde. Cela passe naturellement par la consolidation de l'euro, ainsi que par la mise en oeuvre réelle de la politique extérieure et de sécurité commune, élément central de la crédibilité de l'Europe. Des résultats significatifs sont attendus d'ici à la fin de l'année 2000.

Malgré la difficulté de l'exercice, nous espérons que nous pourrons progresser sur ce point central.

Enfin, si beaucoup de nos concitoyens sont acquis à l'idée européenne, ils souhaitent mieux en percevoir autant la perspective historique que les traductions pratiques. L'Europe est née d'une inspiration politique forte.

La présidence française peut contribuer à l'affirmation d'une véritable conscience européenne. La préparation de ce qui sera le fondement de cette conscience, un texte refondateur, permettra de poursuivre l'édification de cette Europe sous son angle le plus noble, celui d'une communauté de valeurs et de destin. Le retour aux forces nationales du passé serait une erreur historique. Il faut retrouver l'esprit, le souffle et le courage des pères fondateurs.

Je souhaiterais terminer par l'évocation de cette journée anniversaire de la rencontre, en mai 1950, de Jean Monnet et du chancelier Konrad Adenauer. Ce dernier, conscient qu'il était possible, après tant de conflits, de voir la France et l'Allemagne se retrouver sur le projet de la CECA, s'adressait alors ainsi à l'un de ses collaborateurs : « Voulez-vous dire à M. Jean Monnet lorsqu'il m'a proposé son projet, j'ai remercié Dieu. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, mes chers collègues, s'exprimer sur un sujet si important à cette heure tardive devant un hémicycle quasi désert et des tribunes vides a quelque chose sinon d'irréaliste, du moins de frustrant. Cela dit, je remercie les collègues ici pré-s ents. Je regrette que les choses soient largement

« pliées », comme on dit, mais nous profiterons de l'occasion pour faire certaines remarques et exprimer « modestement », puisque c'est le mot d'ordre d'aujourd'hui, quelques idées.

Vu le temps qui m'est imparti, je me contenterai d'exprimer la contribution des Verts aux priorités de la France lors de cette présidence, pour une Europe que nous voulons celle du développement durable et de la paix.

En matière d'institutions communautaires, nos propositions sont bien connues. Je ne m'y attarderai pas. Nous souhaitons des réformes dans le sens de plus de démocratie, de fédéralisme, d'une plus grande efficacité grâce, entre autres, à une extension de la majorité qualifiée, une dynamisation des Etats pionniers par la coopération renforcée, un renforcement du rôle du Parlement européen ainsi que des parlements nationaux et - pourquoi pas ?- une Europe dotée d'une véritable constitution à terme. Mais nous ne voulons pas non plus que les réformes institutionnelles deviennent l'alpha et l'oméga du discours européen, ce qui ne serait ni passionnant ni compréhensible d'ailleurs pour beaucoup de nos concitoyens, français et européens. Quant à la charte des droits européenne, elle doit comprendre aussi des droits sociaux et environnementaux, faire partie du traité et être contrai-


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gnante, sans quoi ce ne serait qu'une déclaration de plus, qui aurait pris beaucoup d'énergie mais ne changerait pas grand-chose.

Mais venons-en aux deux orientations que nous attendons d'une présidence française dans une Europe majoritairement de gauche, et bien souvent dans le cadre d'alliances avec les Verts. Cette Europe, nous la voulons démocratique, solidaire, écologique. J'insisterai d'abord sur un premier axe, celui de la mise en oeuvre du développement durable tel qu'il a été décrit lors de la conférence de Rio en 1992 et qui reste malheureusement plus du domaine des mots que de celui des réalisations concrètes. S'il est un modèle européen dont nous pouvons nous réclamer, c'est bien celui-là. Or aujourd'hui on peine à voir ce qui différencie le modèle européen de celui des Etats-Unis, modèles qui semblent converger de plus en plus.

Outre les questions mises en lumière par l'actualité récente, à savoir celle du transport maritime, avec la marée noire, et celle de la sécurité alimentaire avec l'affaire de la vache folle qui nous préoccupera encore bien des années, l'enjeu prédominant pour nous est la lutte contre les changements climatiques et l'effet de serre qui doit être une priorité et qui est d'ailleurs désignée comme telle dans beaucoup d'instances internationales.

L'Europe a porté cette préoccupation à Kyoto - et Dominique Voynet y est d'ailleurs pour quelque chose - en s'engageant à réduire de 8 % ses émissions d'ici à 2010. Il s'agit à présent de s'en donner les moyens.

Laisser cela au bon vouloir des Etats membres n'est pas une garantie sérieuse de résultat. L'Europe joue traditionnellement un rôle dynamiseur sur ces questions, elle doit continuer à le faire.

L'enjeu des organismes génétiquement modifiés va égal ement marquer cette présidence. La directive 90/220/CEE sera bientôt examinée et il faudra, là aussi, affirmer très volontairement notre position dans le cadre de la conciliation qui s'annonce.

L'enjeu de la diffusion des produits chimiques a été évoqué récemment, notamment lors du G 8 Environnement.

Sur l'immense enjeu du brevetage du vivant, la France doit aussi avoir une position claire, car on ne peut pas à la fois défendre nos industries des biotechnologies et afficher pour l'opinion publique une position très volontaire sur le sujet. Il faut sortir des ambiguïtés.

Second axe : une politique étrangère et de sécurité commune qui favorise réellement la paix. C'est presque un lieu commun de dire que la paix, chez nous, en Europe est définitivement acquise, que nous sommes à l'abri des conflits qui ne pourraient dorénavant survenir qu'à l'extérieur. Je crois qu'il n'en est rien et que la paix, y compris en Europe, doit être préservée et maintenue, à l'aide notamment d'une politique de prévention des conflits beaucoup plus développée, d'une politique étrangère allant bien au-delà d'un Monsieur PESC dont on se demande ce qu'il fait réellement depuis qu'il a été nommé, et d'une politique de défense - nous ne contestons pas la nécessité d'un outil de défense européen - qui soit au service d'objectifs clairs de politique étrangère et non pas une fin en soi pour satisfaire essentiellement le commerce des armements et le lobby militaro-industriel.

Enfin, il faut une politique de coopération au service de ces mêmes objectifs et du développement durable à l'égard des pays ACP, de l'Afrique et de l'Euroméditerranée.

Pour conclure, je dirai que nous avons trop connu de petits pas et de double langage dans le domaine de la construction européenne. Il convient aujourd'hui de lutter de façon efficace et volontaire contre les inégalités criantes qui se développent et de privilégier un modèle de développement humain. Il ne faut pas être trop pragmatique et trop modeste, car nos concitoyens attendent du souffle et une ambition. Sachons affirmer dans ce domaine une réelle volonté politique, qui nous fait, hélas ! tant défaut depuis quelque temps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la onzième présidence de l'Union va devoir s'atteler à des tâches si nombreuses et si diverses que le défi sera difficile à relever pour notre pays, d'autant plus difficile que planent aujourd'hui sur l'Europe des incertitudes qui n'existaient pas il y a cinq ou dix ans : l'impuissance des Etats membres à réformer les institutions communes, vérifiée à Amsterdam, plus récemment la chute de l'euro et, enfin, le choc annoncé de l'élargissement à l'Est. Tous ces événements sont porteurs de craintes et de doutes.

La France affrontera d'autant mieux ces difficultés que le couple franco-allemand aura été resserré. Force est en effet de constater que ce couple n'est plus le moteur de l'Europe, alors pourtant que la commune inspiration idéologique des partis au pouvoir dans les deux pays aurait dû conduire au résultat inverse. Les discussions qui auront lieu au deuxième semestre de cette année seront, de ce point de vue, un bon test de la solidité du couple franco-allemand.

Ces discussions se dérouleront dans des enceintes et à des niveaux divers. Les unes ont déjà lieu au sein du groupe chargé de préparer un projet de charte européenne des droits fondamentaux. Certaines vont se poursuivre dans le cadre de la Conférence intergouvernementale et d'autres se dérouleront sur le terrain plus classique des négociations entre Etats. Dans le temps assez court qui m'est imparti, je n'évoquerai que les deux premiers de ces sujets, mais je voudrais auparavant souligner combien le projet de charte et la question de la réforme des institutions sont juridiqument liés à l'idée actuellement débattue d'une Constitution européenne. Or cette idée me paraît constituer une fausse piste.

M. Jacques Myard.

Un abus de langage !

Mme Nicole Catala.

En effet, la Cour de justice a décidé, en 1986, que les Etats européens étaient d'ores et déjà dotés, à leur insu probablement, d'une « Charte constitutionnelle ». Que signifient ces termes à ses yeux ? Il faudrait pouvoir le lui demander. En tout cas, la Cour a réitéré cette affirmation dans des avis plus récents et ces termes sont maintenant entrés dans la terminologie juridique de l'Union. On peut s'en étonner - c'est mon cas -, mais personne n'a critiqué la décision de la Cour.

On peut à coup sûr souhaiter une réécriture des traités qui les rendrait plus lisibles. C'est d'ailleurs mon propre souhait. Mais entre récrire les traités sans en changer le fond et envisager leur refonte, ce qui serait une véritable réforme, un véritable progrès, il y a un pas qui, pour être franchi, devrait déboucher sur une répartition claire des compétences entre les Etats et l'Union. C'est, à mon sens, le seul changement qui pourrait entraîner une modification de fond dans l'ordre juridique communautaire. C'est aussi la seule réforme qui aurait une utilité pratique indis-


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cutable. Mais qui, aujourd'hui, peut considérer qu'une telle aventure aurait des chances d'aboutir ? Qui osera se lancer dans une entreprise aussi utile que malaisée ? Pourtant ce serait, à mes yeux, la seule raison que l'on pourrait avoir de passer de l'état actuel de traités formant, selon la Cour, une Charte constitutionnelle à un projet de Constitution européenne.

D'ailleurs, l'Europe peut-elle juridiquement se doter d'une constitution au sens où l'on l'entend dans le cadre étatique ? Je ne le crois pas. L'Union n'est pas un Etat et elle n'est pas près de devenir un Etat européen. En effet, il lui manque certains des éléments essentiels pour constituer un système complet de gestion des affaires publiques.

Il lui manque des moyens juridiques, des ressources financières, des moyens de coercition. Elle n'a pas les outils indispensables du pouvoir étatique. Elle n'est pas non plus un Etat nation, un Etat souverain. Elle n'a pas la compétence de la compétence, comme disent les juristes allemands. Il n'est donc pas concevable que l'Union devienne un Etat dans un avenir prévisible. Dans ces conditions, faut-il envisager de pourvoir cette entité juridique sui generis d'une constitution qui serait distincte des traités ? Je ne le crois pas.

Il n'en demeure pas moins que le projet de Charte communautaire des droits fondamentaux...

M. Jacques Myard.

Plagiat !

Mme Nicole Catala.

... a été considéré par certains comme le socle d'une future Constitution européenne.

C'est justement ce qui me paraît dangereux. Je reproche souvent à la construction européenne d'être souterraine.

Peut-être n'êtes-vous pas d'accord avec moi, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mais c'est un constat que l'on fait souvent.

M. François Loncle, président de la commission des affaires étrangères.

Vous me faites un procès d'intention !

Mme Nicole Catala.

L'Europe avance masquée, et là encore je pense que c'est ce qu'elle essaie de faire. Ce projet, on pourrait le considérer comme inoffensif. Je ne pense pas que ce soit le cas. Je le crois à la fois inutile et dangereux et je me bornerai à reprendre ce soir en séance les observations que j'ai faites au sein de la délégation.

Cette charte européenne serait inutile parce que les citoyens des Etats de l'Union bénéficient déjà de garanties importantes pour protéger leurs libertés, garanties qu'ils puisent dans les ordres juridiques nationaux. En France, notre Constitution renvoie à la Déclaration des droits de l'homme de 1789 et aux droits économiques et sociaux du préambule de la Constitution de 1946. Nous disposons donc d'un appareil juridique tout à fait complet et protecteur du point de vue des libertés. Mais il en va de même dans les autres Etats de l'Union et, sous réserve de vérification, dans les pays actuellement candidats. De surcroît, les citoyens de ces pays sont aussi protégés par la Convention européenne des droits de l'homme et ont la possibilité de saisir la Cour européenne des droits de l'homme dont chacun connaît la jurisprudence extraordinairement protectrice.

On peut donc se demander ce qu'une charte supplémentaire ajouterait à de tels dispositifs. Les boucliers des libertés sont déjà extrêmement protecteurs au sein de l'Union et ils dépassent même le cadre de l'Union puisque la Convention européenne couvre plus de quarante Etats. Que peut-on attendre de plus ? Je ne vois pas ce qu'une telle charte apporterait de vraiment nouveau, sinon peut-être la protection des droits touchant à la bioéthique ou aux données individuelles. Mais cela ne justifie sans doute pas que l'on prenne le risque de c onflits de normes et de juridictions qui risquent d'empoisonner la vie des Etats et de l'Union.

En effet, dans quelle situation se trouvera-t-on si cette charte est adoptée ? Deux sources juridiques supranationales surplomberont les ordres juridiques constitutionnels des différents Etats membres : la Convention européenne des droits de l'homme d'un côté, la Charte européenne des droits fondamentaux de l'autre. Ces deux sources juridiques, qui devront être respectées par les

Etats, seront mises en oeuvre par des juridictions distinctes - la Cour de Strasbourg dans un cas, la Cour de Luxembourg dans l'autre. On ne peut espérer ni que ces documents de droit international soient strictement identiques dans leurs termes, ni que les jurisprudences soient elles aussi strictement identiques. Il y aura donc des divergences et nul n'y gagnera. Ce projet de charte recèle ainsi plus d'inconvénients que d'avantages. Encore faut-il en discuter. Il est donc bon que ce sujet soit examiné ce soir.

Je pense - c'est un point de vue personnel - qu'il est vain d'espérer qu'un tel projet rendra l'Europe plus lisible, plus proche des citoyens. Les citoyens européens sont à coup sûr beaucoup plus préoccupés, aujourd'hui, par les questions concernant la sécurité alimentaire ou la sécurité maritime que par de grandes proclamations dont les effets, pour eux, restent lointains et incertains.

M. Jacques Myard.

C'est pour masquer l'échec de l'euro !

Mme Nicole Catala.

Il faudrait aussi - sed tempus defuit - évoquer la réforme des intitutions. Je souhaiterais qu'elle se fasse sur des bases réalistes. Aboutira-t-elle sous la présidence française ? Je n'en suis pas certaine. En tout cas, reprenant le point de vue de certains orateurs, je dirai qu'il vaut mieux attendre pour aboutir à des solutions satisfaisantes que se presser pour en terminer avant la fin de l'année.

Beaucoup de points peuvent être discutés. Le nombre de commissaires en fait partie. L'extension du vote à la majorité qualifiée est aussi un point extrêmement important. Peut-on vraiment envisager de gaieté de coeur sa quasi-généralisation ? Pour ma part, je n'y suis pas favorable. J'estime que de nombreuses décisions doivent rester du domaine de l'unanimité, et que l'on doit maintenir le principe de l'arrangement de Luxembourg, qui a été jusqu'ici respecté et doit continuer de l'être.

Je salue néanmoins le réalisme qui a inspiré certaines des observations de notre délégation sous la présidence de M. Barrau, et notamment le fait que, dans le rapport de M. Fuchs sur la réforme des intitutions, il soit envisagé d'établir des taux minima pour des sujets aussi sensibles que la fiscalité, comme pour la TVA, l'impôt sur les sociétés ou la fiscalité de l'épargne. Je constate avec satisfaction que l'on ne parle plus d'une harmonisation fiscale complète, mais que l'on est plus raisonnable, tout comme sur le plan social, où il est question également de normes minimales et non plus d'une harmonisation poussée. On se situe ainsi dans la ligne de textes comme le code social européen, la charte sociale européenne ou même la charte communautaire des droits sociaux. Ce sont des textes utiles, sans doute, mais qui se fixent des objectifs beaucoup moins ambitieux que ceux qu'aurait inspiré un objectif d'harmonisation poussée.

Réalisme à certains égards, donc. A mon sens, toutefois, il en faudrait beaucoup plus pour parvenir à une réforme des institutions qui, certes, préserve l'avenir de l'Europe mais qui permette tout de même à notre pays


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de défendre, lorsqu'il le faut, ses intérêts essentiels.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Gérard Charasse.

M. Gérard Charasse.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans quelques jours, la France occupera, pour six mois pleins, le siège de président de l'Union européenne. On pourrait juger ce fait à la seule aune de son annonce lapidaire. Il n'en est rien.

Pour la onzième fois, le 1er juillet, c'est à notre pays qu'il reviendra de présider aux destinées de 375 millions d'habitants.

Au niveau national, cet événement en a déjà entraîné un autre. Avons-nous assez dit que, pour la première fois, le Parlement s'est risqué à proposer au Gouvernement des initiatives à prendre sous cette présidence ? C'est tout à l'honneur de la représentation nationale de l'avoir fait.

Qu'au nom du groupe RCV notre collègue Alain Barrau soit remercié du travail ainsi fourni, qui marque le début d'une nouvelle ère dans le rôle que la représentation nationale entend jouer dans la conduite des affaires européennes.

H abilement, la délégation de notre assemblée ar egroupé ses propositions sous quatre chapitres : la réforme des institutions ; l'Europe sociale et de la croissance ; les réponses aux attentes des citoyens ; la contribution à la construction d'un monde multipolaire.

C'est sur ce dernier chapitre que j'insisterai, en soulignant que la France doit saisir l'occasion du rôle important qui lui est attribué pour faire accomplir, dans le d omaine de la politique étrangère et de sécurité commune, un grand pas à l'Union.

Je ne déclinerai pas les perspectives ouvertes par les conclusions qu'a adoptées la délégation, puisque tant le rapport Barrau que la discussion qui y est annexée ouvrent des pistes nombreuses et toutes intéressantes. Je veux plutôt dire trois raisons qui plaident, à mon sens, pour que le Gouvernement se saisisse de cette question.

D'abord, personne n'est aussi bien placé que la France pour accomplir ce pas. La France a, depuis Suez, une politique extérieure qui lui a préservé, autant que faire se peut, une forme d'indépendance à l'égard des équilibrese t des déséquilibres mondiaux. Aux autres d'autres choix : là n'est plus la question. Aujourd'hui l'Union, et nos partenaires dans l'Union - rappelons-nous SaintMalo -, veulent emprunter le même chemin. Evidemment, les contours en sont différents, les enjeux ont changé et personne ne peut songer à faire une Gerboise bleue étoilée.

(Sourires.) Mais cet esprit, celui des moyens à s'offrir pour délivrer un message et ainsi contribuer, sans illusion mais à sa place, à engager le monde sur le chemin de l'équilibre, cet esprit nous l'avons, l'Union le veut. Eh bien, partageons-le ! Ensuite, bien sûr, il nous faudra parler du paquet fiscal, de la coordination des politiques économiques au sein de l'Euro 11, de l'harmonisation sociale. Mais pourquoi ne pas travailler à un dessein, à un projet à long terme qui puisse continuer de faire ce que Schuman et Monnet ont fait : la paix ? Il n'y a pas de hasard dans l'histoire. « L'Europe - j'emprunte à Jean-Michel Gaillard ces quelques mots - ne doit plus être amnésique. Rappelons sans cesse aux peuples et aux jeunes générations que la logique de l'Europe, c'est la guerre entre les nations et que la construction européenne a été faite pour que cela ne se reproduise plus. »

Nous avons, de ce constat, un exemple à nos portes.

Qui ne voudrait pas aujourd'hui étendre la zone de paix sur notre continent, région par région, bout de territoire par bout de territoire ? Qui d'autre que l'Union peut le faire avec une telle envie de réussir ? Et comment le faire autrement qu'en renforçant la politique étrangère et de sécurité commune ? Enfin, je voudrais que nous dépassions le débat de l'approfondissement contre l'élargissement puisqu'à terme l'un n'ira pas sans l'autre. Si l'approfondissement est notre voeu à tous, pensons qu'il est, à trois heures d'avion d'ici, dans la moitié des directions que la boussole offre du nord au sud, des hommes et des femmes pour qui rester vivant demeure un souci de chaque heure. Au nom de quoi pourrions-nous, un seul instant, leur refuser l'entrée de notre logis commun ?

M. Jacques Myard.

Très bien !

M. Gérard Charasse.

Et au nom de quoi voudraient-ils y pénétrer, sinon au nom de la sécurité et de l'assurance de retrouver, la porte passée, leur dignité d'homme et de citoyen ? Messieurs les ministres, je connais votre attachement à l'Union et à son devenir. La confiance en est un des éléments. Elle se construit avec des signaux que l'on doit aussi pouvoir lire ailleurs. J'en veux pour preuve les difficultés que rencontre l'euro.

En ce début d'année 2000, tous les indicateurs économiques sont au vert, dans tous les pays de l'Union. A s'en tenir au pacte de stabilité - que j'approuve sur le fond -, la monnaie commune devrait être forte. Il n'en est rien. Prenons cela comme un avertissement : l'Union n'a de vrai sens que politique.

Eh bien faisons-en ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il faut se rendre à l'évidence : l'Europe de papa est morte et bien morte ! Le monde a changé depuis la conférence de Messine : c'est une certitude que chacun a rappelée. Et pourtant la machine communautaire, imperturbable, continue à tourner et ignore les changements.

Faut-il rappeler - c'est une autre évidence - qu'on assiste au sein de l'Union européenne à une double dérive ? Une dérive centralisatrice. Arrêt après arrêt, règlement après règlement, directive après directive, l' imperium des règles communautaires vient briser les droits nationaux.

Récemment encore, le Premier ministre me rappelait qu'une simple directive peut être effectivement supérieure à une constitution nationale, sous la férule conjointe, évidemment, de la Commission et de la Cour de justice.

Une dérive boulimique de compétences. Il s'agit de tout réglementer, de tout régimenter, et on constate aujourd'hui, avec un certain effroi, qu'il y a 80 000 pages d'acquis communautaires ! Une bagatelle ! L'Europe est, à l'évidence, hypertrophiée. Elle va mourir, messieurs les ministres, d'un infarctus, car c'est la logique même d'un système qui s'est emballé. Dans l'histoire des vingt derniers siècles, nous en avons plusieurs exemples, et elle n'échappera pas à cette loi des empires qui croulent pour avoir trop voulu faire.

Or c'est cette même Europe qui doit politiquement réussir l'élargissement. Il est inéluctable, impératif, néce ssaire, et ce n'est pas à vous, messieurs les ministres, que je


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vais rappeler que s'il ne se faisait pas, nous reconstruirions le mur là même où il est tombé. Ce ne serait pas acceptable. Après avoir dit, à longueur de temps, à ces peuples que nous les accueillerions dans la maison Europe - on ne peut pas, aujourd'hui, ne pas les y faire entrer.

Face à cette réalité, à ces processus qui dérivent, que le politique ne contrôle plus, nous constatons que votre programme, du moins tel qu'il nous est parvenu à la délégation pour l'Union européenne présidée par Alain Barrau, constitue une sorte de fuite en avant. Vraiment, vous chargez la mule ! Le Premier ministre, cet après-midi encore, a rappelé - excusez du peu - tous les dossiers qu'il souhaite pousser ou mener à terme : le droit social renforcé, l'emploi, la sécurité maritime, la protection de l'eau, la sécurité alimentaire, le brevet communautaire, le droit d'asile, des programmes d'équipements scientifiques pour tous nos scientifiques ! Au passage, je me souviens que le ministre Allègre disait qu'on n'avait pas besoin de programmes européens pour que les scientifiques puissent échanger dans le cadre européen et mondial...

Et voici maintenant la dernière lubie : la charte des droits fondamentaux, phénoménal plagiat de ce qui existe par ailleurs et qui, en réalité, semble plutôt le résultat d'une querelle de boutique entre la Cour de Luxembourg et la Cour européenne des droits de l'homme.

Dois-je rappeler que le premier qui a dénommé une femme une rose était un génie, le second un imbécile ? Je ne vois pas pourquoi nous devrions réécrire des droits fondamentaux qui existent dans des textes que nous respectons et qui sont universels. Je ne vois pas pourquoi ils seraient concentrés sur cet isthme étroit qu'est l'Europe ? Bref, il y a là quelque chose d'un peu abscons, à moins que l'on essaie en réalité de tout capter au niveau supranational pour pouvoir ensuite ordonner au Conseil constitutionnel ou au Bundesverfassungsgericht, en leur signifiant que, désormais, les droits fondamentaux sont dictés par une Cour suprême et que l'on ne veut voir qu'une tête dans le rang : rentrer dans le rang, c'est ainsi que les choses doivent se passer ! Bref, vous continuez de créer un super-Etat, une supernova qui va imploser tôt ou tard, tellement cette construction est contre nature.

Tout cela ressemble à une tragédie grecque, où le destin des héros est noué d'avance car tout s'est joué dans les actes antérieurs : Acte unique, Maastricht-acte II, traité d'Amsterdam-acte III, et on empile, et on continue ! Alors, monsieur le ministre, prêtez l'oreille au choeur de la tragédie, celui qui annonce la crise, et prenez un peu le temps. Je sais que vous êtes capable de le faire vous nous l'avez déjà prouvé en commission des affaires étrangères et à la délégation - je sais que vous êtes capable de comprendre les choses et de reprendre l'initiative.

Il faut refonder l'Europe, et vite. Vous parlez d'une union de nations. Chiche, faites-la ! La primauté doit être le Conseil des ministres, et rien que le Conseil des ministres. Il faut faire rentrer dans le rang tous ces lobbies incessants qui veulent faire des normes européennes en tout genre et qui, en définitive, n'ont qu'un souhait : ligoter les souverainetés nationales.

Il faut réécrire, bien sûr, les traités, en tenant compte de l'élargissement géostratégique qui s'annonce. Oui à une Europe à trente, mais elle doit bien évidemment changer de nature. Face à une situation de plus en plus complexe et de plus en plus difficile, il faut - c'est connu - s'en tenir à l'essentiel. Et l'essentiel, c'est la sécurité collective - ce pour quoi, d'ailleurs, les pères fondateurs avaient pensé l'Europe -, quelques règles de libre concurrence, quelques règles d'environnement, le respect des droits de l'homme, qui sont déjà inscrits... et puis c'est tout ! Tout le reste doit redescendre au niveau des

Etats. Tout le reste doit être l'application d'un principe sacro-saint auquel vous dérogez aujourd'hui, à savoir la subsidiarité.

En un mot, l'Europe doit s'élargir et s'amaigrir, et vite, avant qu'elle ne meure d'apoplexie. A l'heure de la mondialisation, il est même clair que le concept même d'Europe est largement dépassé. L'heure n'est pas à la création d'une Europe carcan, voire d'une Constitution européenne. L'heure est à la diversité et à la souplesse.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Odile Saugues.

Mme Odile Saugues.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans le cadre de ce débat majeur, j'insisterai pour ma part sur la nécessité de construire l'Europe des transports et sur les initiatives que la France pourrait prendre pour atteindre cet objectif.

Plusieurs événements nous rappellent l'urgence de dépasser le stade de la réflexion et des déclarations d'intention. Je pense, bien sûr, au drame du tunnel du Mont-Blanc et à la catastrophe écologique provoquée par l' Erika , mais j'ai aussi à l'esprit la grande mobilisation des cheminots de toute l'Union européenne en novembre 1998, qui nous indique, si besoin était, que la construction de l'Europe des transports ne saurait reposer sur un socle de déréglementation, de privatisation et de libéralisme sauvage.

La présidence française devra donc promouvoir l'indispensable régulation d'un secteur aussi vital pour nos économies, aussi déterminant pour l'aménagement de nos territoires et l'équilibre de nos régions, aussi lourd de conséquences pour notre environnement.

Le 3 février dernier, à cette tribune, le Premier ministre a annoncé que la France ferait de la sécurité maritime l'une des priorités de sa présidence. Et dans sa déclaration, il y a quelques heures à peine, cette volonté politique a été rappelée avec force.

Comment ne pas partager cet engagement tant nous paraissons à ce jour démunis devant les pratiques de certains armateurs, mais aussi devant le comportement de quelques Etats qui encouragent les pavillons de complaisance, au nom des seuls intérêts marchands ? Nous comptons sur la présidence française pour que nos partenaires adhèrent aux propositions que le Premier ministre a formulées, comme la création d'une autorisation préalable pour l'entrée de tout navire transportant des matières dangereuses dans un port européen ou encore l'amélioration des conditions de travail des équipages, indispensable pour contribuer à la sécurité des navires. Ainsi la France incitera-t-elle les Etats membres à ratifier rapidement les trois conventions adoptées dans le cadre de l'Organisation internationale du travail : un tel engagement commun permettrait de tendre vers une véritable harmonisation sociale dans le domaine des transports maritimes.

De même, le Gouvernement a proposé à nos partenaires de ne plus accepter dans les ports européens des navires à simple coque transportant des produits dange-


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reux ou polluants. Un échéancier contraignant devrait permettre d'éliminer dès 2005 les plus gros de ces navires.

Il nous faudra renforcer le contrôle des sociétés de classification chargées d'inspecter et de décider si les navires sont aptes à naviguer, ainsi que définir les moyens de lutter efficacement contre le dégazage en mer, pratique délictueuse trop fréquente.

Les propositions de la France ont été favorablement accueillies lors du dernier Conseil des ministres européens des transports, tenu le 28 mars dernier. Ce signe est encourageant et permet d'espérer des avancées considérables lors du second semestre sous l'impulsion de la France, mais la nécessité du contrôle ne se limite pas à la seule sécurité maritime. C'est une ligne de conduite qui doit aussi s'appliquer, notamment, pour le transport routier de marchandises, dont la libéralisation, depuis le 1er juillet 1998, est porteuse d'effets pervers. Il suffit d'observer dans quelles conditions certains transporteurs comme Willy Betz tirent l'Europe sociale vers le bas.

Le Premier ministre vient de nous faire part de sa détermination d'harmoniser les temps de travail dans le transport routier en Europe. Je tiens à dire que cette orientation répond à une nécessité urgente et incontournable.

En effet, la directive du conseil du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, couvre la plupart des secteurs, à l'exception notamment des transports. Cette situation doit changer, et déjà, sous la pression des principaux intéressés, plusieurs pays de l'Union ont été conduits à rechercher des solutions adaptées.

La présidence française devra s'attacher à progresser sur cette voie pour que la durée du travail des salariés des transports fasse l'objet, dans chaque Etat de l'Union européenne, d'une réglementation cohérente.

Je crois que les esprits sont prêts à mettre en oeuvre de telles réformes, notamment afin d'éviter que la concurrence soit faussée par certaines pratiques. Mais cette nécessité d'harmonisation de la réglementation de la durée du travail devra aller de pair avec une harmonisation des contrôles et des sanctions, de manière à rendre effective son application dans tous les Etats concernés.

Notons par ailleurs que le jour où la France prendra la présidence de l'Union entrera en vigueur une décision des ministres européens des transports rendant obligatoire l'installation d'un appareil de contrôle électronique sur tous les véhicules neufs.

Au-delà de cette disposition concrète, j'espère que la présidence française nous permettra de formuler aussi des propositions pour tendre vers une formation professionnelle obligatoire dans le transport routier en Europe.

Très rapidement, j'aborderai la situation du transport ferroviaire. Nous en avons déjà parlé ici même, lors d'un débat concernant des propositions de directives relatives aux chemins de fer communautaires. Si nous avons dit notre opposition quasi unanime à une approche idéologique qui tentait de déstabiliser les entreprises ferroviaires et la notion de service public, nous sommes tous convaincus que l'Europe ferroviaire est une priorité.

Sa construction nécessitera la prise en compte, au plan communautaire, des expériences nationales. Il nous faudra profiter de la présidence française pour plaider en faveur d'un emprunt européen afin de financer un ambitieux programme d'infrastructures et pour proposer une stratégie commune de limitation des émissions de gaz à effet de serre, ce qui passera nécessairement par la priorité donnée au rail.

Comme le Premier ministre vient de le confirmer à la représentation nationale, cette mise en oeuvre du protocole de Kyoto guidera l'action de la France lors de la présidence de l'Union européenne. Nous en attendons beaucoup, car, rappelons-le, la France a joué un rôle éminent dans le processus de négociations internationales portant sur la lutte contre l'effet de serre. Elle aura donc une responsabilité majeure dans la poursuite de cette prise de conscience et dans la traduction concrète de cet impératif, dont le point d'orgue sera sans aucun doute le sommet de La Haye, en novembre prochain, et sa conférence préparatoire, en juillet à Lyon.

Le 19 janvier dernier, lors de la commission interministérielle sur l'effet de serre, le Premier ministre déclarait : « Le devoir des gouvernants est à la fois d'intégrer les constats et les apports des scientifiques et de mettre en pratique le principe de précaution particulièrement indispensable, étant donné l'incertitude sur les interactions entre réchauffement et modifications climatiques. »

Oui, ce devoir est celui des gouvernants, mais il est aussi, et peut-être surtout, celui des institutions europ éennes, car nos réponses doivent être cohérentes, conjointes et fortes.

Je terminerai ce propos en rappelant que nous devons concilier les exigences d'équité de la concurrence et la préservation de nos acquis sociaux. L'exercice n'est pas toujours simple, mais en introduisant dans le transport routier de marchandises la définition d'un prix abusivement bas, nous avons apporté une réponse pertinente qu'il nous faut maintenant généraliser. Le Gouvernement a retenu ce principe pour la voie fluviale, dont on parle trop peu et qui est pourtant l'une des clefs de l'Europe des transports. Nous examinerons, dans quelques jours, après le Sénat, le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les transports, qui aborde ce point précis. Mais il faudrait aller au-delà et assainir des secteurs particulièrement exposés à la concurrence et à ses dérives. Je pense précisément au secteur aérien.

Si nous devons fortement contribuer à l'enrichissement et à la réorientation de la construction européenne, gardons-nous d'en sous-estimer les apports.

Bien des Etats européens peuvent nous donner des leçons sur la sécurité routière, sujet qui nous préoccupe tous, ou sur le développement du transport combiné. Et comment ne pas juger pertinentes les observations formulées à propos des dérives du financement de la politique autoroutière française, qu'il nous faudra aborder avec courage et détermination ? Pour conclure, je soulignerai la nécessité de faire progresser une Europe des transports qui concilierait la liberté des déplacements et la sécurité de tous, l'équité de la concurrence et l'affirmation des acquis sociaux. Par sa culture du service public, par son attachement à l'aménagement du territoire, la France a un message original à délivrer au-delà de ses frontières.

La présidence française de l'Union européenne est assu-r ément une chance pour proposer, convaincre et construire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Feidt.


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Mme Nicole Feidt.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'Europe a réussi sur le plan économique, elle est en train, n'en déplaise à M. de Villiers, de réussir sur le plan monétaire. Elle progresse sur le plan politique et désormais sur le plan militaire. Mais l'Europe est encore loin des préoccupations de ses habitants et ils le lui ont fait savoir lors des dernières élections européennes. L'Europe a donc encore beaucoup à faire pour répondre aux préoccupations quotidiennes de ses concitoyens.

S'il est un domaine qui intéresse tout un chacun au quotidien, c'est celui de la justice et des affaires intérieures de l'Union européenne. Le Traité d'Amsterdam, entré en vigueur le 1er mai 1999, a pronfondément rénové le troisième pilier, « Justice et affaires intérieures », créé par le Traité de Maastricht. Un nouvel objectif, énoncé dans l'article 2 du Traité sur l'Union européenne, est désormais assigné à l'Union : la création d'un « espace de liberté, de sécurité et de justice, au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes, en laision avec des mesures appropriées en matière de contrôle des frontières extérieures, d'asile, d'immigration ainsi que de prévention de la criminalité et de lutte contre ce phénomène ».

Un espace de liberté tout d'abord qui permettra la libre circulation des personnes, la mise en place d'une véritable politique européenne en matière d'asile et de migration et, par voie de conséquence, de gestion des flux migratoires. Un espace de sécurité, ensuite, qui aura pour but de lutter contre toutes les formes de criminalité au sein de l'Union européenne. Un espace de justice, enfin, qui améliorera la vie quotidienne des citoyens, au moyen d'une justice plus accessible.

Il faut néanmoins préciser que les domaines relevant de la libre circulation des personnes, des visas, de l'asile, de l'immigration et de la coopération judiciaire civile ont été communautarisés, tandis que la coopération policière et judiciaire en matière pénale continue de relever de la coopération intergouvernementale.

Il est également nécessaire d'indiquer que la coopération instituée par la convention de Schengen a été intégrée dans le cadre institutionnel de l'Union européenne sous la forme d'une « coopération renforcée ». Le Conseil a adopté, le 20 mai 1999 la décision définissant les bases juridiques des traités pour les dispositions Schengen, répartie entre le nouveau titre IV du Traité CE et le titre VI du Traité sur l'Union européenne. Toutes les instances de travail de Schengen - Comité exécutif, groupe central, groupes de travail - ont disparu, au profit des instances compétentes du Conseil. L'acquis de Schengen est devenu un « acquis de l'Union » qui devra, en ce sens, être intégralement repris par les pays candidats, mais aussi être appliqué correctement par les Etats-membres actuels.

Si le traité d'Amsterdam a défini les bases de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, le Conseil européen de Tampere des 14 et 15 octobre 1999, spécialement consacré à la justice et aux affaires intérieures, a défini les grandes lignes de l'action de l'Union européenne dans ce domaine pour les cinq années à venir.

Plusieurs axes ont été adoptés, qui portent sur des propositions concrètes et des échéances à respecter.

Premier axe, définir une politique européenne de l'immigration, impliquant, d'une part, un partenariat avec les pays d'origine de l'immigration afin de favoriser le codéveloppement et, d'autre part, le « traitement équitable » des ressortissants des pays tiers résidant légalement dans l'Union.

Deuxième axe, établir, à terme, un régime d'asile commun dans le respect de la Convention de Genève.

L'objectif des quinze est de doter les Etats-membres de l'Union d'une procédure d'asile commune et d'un statut uniforme pour les personnes se voyant accorder l'asile. Le Conseil européen souhaite également que la protection temporaire des personnes déplacées fasse l'objet d'une p lus grande solidarité entre les Etats membres. Il demande qu'une réserve financière soit créée en cas d'afflux massif et rapide de réfugiés. Je pense à l'exemple des kosovars.

Troisième axe, créer un véritable espace judiciaire européen, fondé sur la reconnaissance mutuelle des décisions de justice en matière civile et pénale, et sur la création, d'ici à la fin 2001, à une unité composée de magistrats européens ayant pour mission de faciliter les poursuites judiciaires. Le Conseil européen souhaite que les quinze s'engagent vers des définitions, des incriminations et des sanctions communes en droit pénal, dans les domaines de la criminalité financière, du trafic de drogue, de la traite des êtres humains ou encore de la criminalité contre l'environnement.

Quatrième axe, renforcer la coopération policière, en particulier grâce au développement d'Europol et à la création d'équipes communes d'enquêtes pour lutter contre la criminalité organisée à dimension transnationale.

Cinquième axe, définir une véritable stratégie européenne de lutte contre le blanchiment de l'argent. Le Conseil européen demande que les dispositions soient prises afin d'améliorer la transparence en matière de transactions financières, de provenance des capitaux des sociétés et d'accès des autorités judiciaires aux activités bancaires, quelles que soient les dispositions applicables en matière de confidentialité. Le rapprochement des dispositions de droit et de procédure en matière pénale est également recommandé.

Le Conseil européen demande aux Etats membres de l'Union européenne de conclure des accords avec des centres offshore des pays tiers, afin de renforcer la coopération en matière d'entraide judiciaire.

M. le président.

Madame Feidt...

Mme Nicole Feidt.

Je conclus, monsieur le président.

Des normes communes contre le recours à des sociétés immatriculées hors du territoire de l'Union doivent être également élaborées.

Les avancées institutionnelles opérées par le traité d'Amsterdam, conjuguées aux orientations politiques définies à Tampere vont donc entraîner un développement substantiel de la coopération en matière de justice et d'affaires intérieures au cours des prochaines années.

Il faut rappeler également qu'une harmonisation des législations doit intervenir en matière d'incrimination de certains crimes et délits et des sanctions applicables au blanchiment d'argent, au trafic de la drogue, à la corruption ou à l'exploitation sexuelle des enfants.

L'affaire Rezala montre combien un espace judiciaire européen est nécessaire, comme l'a rappelé Elisabeth Guigou cet après-midi même. Ce dispositif doit être l'un des chantiers prioritaires de l'Union européenne durant la présidence française. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Brana.

M. Pierre Brana.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, parmi les nombreux sujets qui composent la réalité européenne d'aujourd'hui, je


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 9 MAI 2000

retiendrai plus particulièrement la lutte contre la fraude aux intérêts financiers des Communautés européennes.

Sujet complexe parce qu'il met en cause aussi bien la réforme des institutions, l'édification d'un espace européen de liberté, de sécurité et de justice, que la dynamique de l'élargissement.

Les entretiens que, rapporteur de la délégation pour l'Union européenne, j'ai eus sur ce sujet avec plusieurs responsables, à Paris et à Bruxelles, m'ont fait apparaître combien les opinions étaient diverses, non sur la réalité de la fraude, mais sur les solutions juridiques et politiques qui peuvent aider à la prévenir et à la réprimer.

En l'état actuel, je ne peux que constater la difficulté manifeste de dégager à terme des solutions concrètes permettant d'obtenir un consensus.

Certes, tout le monde est d'accord pour éviter que ne se reproduisent les errements fâcheux qui ont couté la vie à la commission Santer. J'ai pu constater à quel point ce précédent pesait sur les esprits à Bruxelles et incitait les responsables européens à proclamer à toute occasion leur volonté de mettre en place des systèmes de prévention, d'enquête et de répression efficaces. La création de l'Office européen de lutte antifraude - OLAF - est présentée comme le symbole de cette volonté. Mais la « fraude interne » n'est pas toute la fraude aux intérêts communautaires, elle n'en est même pas l'essentiel.

La fraude qui me préoccupe le plus, aujourd'hui, c'est notamment la fraude aux aides de la politique agricole commune, aux fonds structurels, à l'aide humanitaire.

Or de nombreuses questions paraissent encore aujourd'hui sans solution définie. Pour les uns, les différences de définition des infractions que l'on regroupe sous le nom générique de « fraude » compromettraient l'efficacité de la répression, en permettant aux fraudeurs de choisir, selon le type d'activité frauduleuse qu'ils entretiennent et selon le degré de précision du droit et d'effectivité de la répression, le pays où ils placeront ensuite le centre de leurs entreprises.

On met aussi en cause, parmi les freins à une répression réelle, la diversité des voies de recours, voire l'opposition entre procédure accusatoire à l'anglo-saxonne et instruction à la française. On en déduit la nécessité de définir des éléments essentiels, communs aux Etatsmembres, des infractions constitutives de fraudes communautaires. On envisage également la constitution d'un parquet européen permettant d'unifier les actes de poursuite, de diminuer les délais de la procédure pénale : c'est toute l'entreprise du corpus juris . Mais, compte tenu des réflexes nationaux autant que des textes, un consensus est-il possible ? Là est la question.

Pour d'autres responsables européens, rien ne distingue dans leur contenu concret les comportements fauduleux au préjudice des Communautés européennes des comportements frauduleux imputables à des entreprises mafieuses au rayon d'action plus large. Il serait donc vain, en tout cas prématuré, d'entreprendre, sur la seule base de la défense des intérêts communautaires, une action allant plutôt dans le sens de l'intégration qui serait contraire à la sensibilité de plusieurs Etats-membres, avant d'avoir exploré et véritablement mis en oeuvre les instruments de coopération judiciaire et policière européens tels qu'EUROPOL et EUROJUST.

Lorsque nous avons reçu la semaine dernière une délégation du Parlement hongrois, j'ai d'ailleurs noté que nos i nvités plaçaient d'eux-mêmes la discussion sur le renforcement de la lutte contre la fraude sur ce terrain de la grande criminalité.

M. Alain Barrau, président de la délégation.

Absolument !

M. Pierre Brana.

Mais n'est-ce pas trop élargir le débat, au risque de méconnaître la spécificité de la fraude communautaire liée à la part d'intégration juridique qui caractérise dès aujourd'hui la construction européenne ? La question plus générale de l'espace judiciaire européen, défini au Conseil de Tampere en octobre dernier, mérite encore de grands efforts. EUROJUST, l'unité composée de magistrats européens, verra-t-elle le jour d'ici à la fin de 2001 afin de faciliter les poursuites, en liaison avec un office européen de la police réellement renforcé ? L'imbroglio juridique et les blocages mis en évidence par l'affaire Rezala, forts justement évoqués, illustrent le chemin à parcourir. Les disparités entre les systèmes nationaux nuisent aussi bien à l'efficacité de la lutte contre la criminalité transnationale qu'à celle des délinquants ou les criminels qui échappent à la justice en se protégeant derrière certaines frontières.

Vous l'avez constaté, je me suis attaché à poser des questions, à rappeler certaines thèses. Pourriez-vous, messieurs les ministres, préciser quelles impulsions le Gouvernement entend donner en ce domaine, sous la présidence française ? S'agissant plus particulièrement de la lutte contre la fraude, je suis convaincu que, sans préjudice du choix des moyens juridiques, la France, comme elle l'a fait en 1995, doit prendre des initiatives significatives.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.

Mme Martine Lignières-Cassou.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la construction européenne doit, en premier lieu, répondre aux attentes des citoyens, prendre en compte les difficultés qu'ils rencontrent et coller aux réalités vécues par chacun d'entre nous. Les inégalités entre les femmes et les hommes font partie de ces réalités dont souffrent plusieurs millions d'Européennes. Reconnaître ces disparités et lutter en faveur de l'égalité me semblent de nature à rapprocher les citoyens de l'institution européenne et à redonner un nouvel espoir.

Nous allons, à partir du 1er juillet, accéder à la présidence de l'Union européenne. Certes, la France n'est pas le pays européen le plus ouvert aux femmes. Nos récents débats sur la parité et sur l'égalité professionnelle ont montré nos retards en ce domaine et un certain nombre d'avancées législatives françaises ont été acquises sous la pression de la législation européenne. Mais je fais confiance au gouvernement français et à Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes, pour proposer et soutenir les initiatives en faveur de l'égalité.

Le principe d'égalité entre les femmes et les hommes est présent dans la construction européenne depuis son origine. Dès 1957, le traité de Rome a posé le principe :

« A travail égal, salaire égal ». La question de l'emploi est toujours la première des priorités.

Le Conseil européen de Lisbonne qui s'est tenu les 23 et 24 mars derniers a réaffirmé, après le sommet de Luxembourg de l'automne 1997, la volonté des Quinze de lutter contre le chômage. Les Quinze se sont fixés comme objectif un taux d'emploi global de 70 % d'ici à 2010 et une participation des femmes sur le marché de l'emploi de 60 % en 2010, contre 51 % aujourd'hui.

Outre la croissance, un certain nombre de politiques devraient nous permettre d'atteindre ce but. Je pense d'abord à l'initiative « Equal », qui doit traduire la


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volonté de l'Union de renforcer la cohésion sociale et de lutter contre les discriminations fondées sur le sexe, la race, le handicap ou la religion, dans le contexte du marché du travail.

Un récent rapport du Parlement européen à ce sujet demande à la Commission que les programmes d'initiative communautaire établissent clairement une distinction entre les actions prioritaires visant à combattre les discriminations sexuelles et les inégalités hommes-femmes et les actions visant à combattre les autres formes de discriminations. Les femmes ne sont pas une catégorie ; elles sont simplement la moitié de l'humanité.

Auparavant, la question des femmes relevait d'un volets pécifique appelé « Now », dépendant de l'initiative Emploi. En rattachant à partir de 2001 le volet droit des femmes à l'initiative Equal, l'Union prend le risque de diluer l'action en faveur des femmes.

Certes, la question de l'égalité est une question transverse. Nous approuvons, à ce titre, le projet du cinquième programme d'actions « Egalité des chances ». Il a l'ambition d'incorporer à toutes les politiques communautaires la dimension égalité, quel que soit le secteur concerné. Il sera construit autour de cinq objectifs stratégiques : égalité dans la vie économique, dans la vie civile, dans la vie sociale, dans les processus de décision et dans la lutte contre les stéréotypes.

Veillons à ce que ce texte soit finalisé rapidement, c'est-à-dire sous la présidence française, et que soient déterminés les financements nécessaires à l'évaluation de cette approche intégrée.

Mme Péry a, par ailleurs, proposé trois thèmes qui recoupent les préoccupations du programme d'action. Le premier, « Femmes et décisions », s'inscrit également dans la continuité de la conférence de Paris de 1999. Le deuxième a trait à l'articulation « vie familiale vie professionnelle » et la troisième a pour ambition de construire des outils méthodologiques permettant d'évaluer la politique transversale.

L'arrivée de la France à la présidence européenne coïncide également - il en a été longuement question ce soir avec la rédaction de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cette charte est attendue et donnera une légitimité à notre union. Car l'Europe, c'est d'abord la rencontre de différents peuples réunis autour de valeurs communes.

Jusque-là, nous avons construit l'Europe parce que nous croyons ensemble aux vertus de la démocratie, à la liberté, à la paix, au respect des individus et à l'égalité entre les femmes et les hommes. Pour notre collègue, François Loncle, qui a présenté devant cette assemblée un rapport d'information sur cette charte, la démarche s'inscrit dans une dynamique de reconnaissance des droits fondamentaux. « Qu'il s'agisse de l'acte unique européen, du traité de Maastricht et du traité d'Amsterdam, chaque étape récente de la construction européenne a été marquée par une référence toujours plus explicite aux droits fondamentaux ».

A terme, cette charte sera le socle de notre union.

Parmi les droits fondamentaux, je souhaite que la France retienne et défende les droits des femmes, le droit au respect du corps ou encore le droit à un traitement égal dans le travail.

J'appelle néanmoins la France à une grande vigilance en ce qui concerne la notion de consentement en matière de prostitution. Je sais que des débats sont en cours à ce sujet. Cela a été le cas lors de la récente conférence de Vienne, et il semble qu'il en soit également question au sein du BIT. Je ne voudrais pas que l'Union européenne établisse une distinction entre ce qui relèverait d'une prostitution consentie et d'une prostitution forcée. L'exploitation des femmes et de leur corps n'est jamais un acte consenti, qu'il y ait ou non un proxénète ou un réseau mafieux de proxénètes derrière elle. La prostitution est toujours une souffrance dans le corps et dans l'âme.

Aussi, je souhaite que la France refuse de s'engager dans une démarche de reconnaissance implicite de la prostitution et qu'elle adopte des mesures concrètes pour donner la possibilité aux femmes de subsister autrement que par l'exploitation de leur corps.

Tout en appelant le Gouvernement à une grande vigilance, je réitère mon soutien et ma confiance dans la présidence française de l'Union européenne. Dans notre histoire récente, l'Europe a souvent été un moteur pour l'égalité entre les sexes. Je ne doute pas que notre pays des droits de l'homme saura montrer la voie pour une Europe des droits de la femme et de l'homme et pour une Europe plus proche des citoyens et des citoyennes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Yann Galut.

M. Yann Galut.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la problématique de la taxation des flux financiers est devenue une préoccupation de premier plan. Cette revendication a pris une ampleur considérable depuis quelques années et s'est accélérée ces derniers mois.

Après Seattle, une nouvelle opinion publique mondiale émerge réclamant une autre mondialisation au service du codéveloppement, compatible avec la protection de l'environnement, de la santé et des consommateurs, une mondialisation sous contrôle citoyen, différente de celle chère à Georges Soros, à TotalFina, ou à Monsanto, en tout cas différente de celle du FMI et de ses plans d'ajustements structurels.

Au cours des dernières années, le poids grandissant et la volatilité des marchés financiers ont conduit des économistes, des ONG comme ATTAC, ainsi que, dans plusieurs pays, des parlementaires à formuler des propositions pour freiner les excès de la spéculation.

Parmi les propositions les plus connues, celle de James Tobin, prix Nobel d'économie en 1981, a rencontré un écho particulier. Sa taxe, devenue emblématique, incarne la volonté de reconquérir les espaces que la puissance financière a confisqué à la démocratie et à ses représentants élus.

Certes, cette taxe n'épuise pas à elle seule le débat sur la régulation écononomique, la mondialisation et les relations Nord-Sud. Mais elle pourrait constituer un premier pas vers la construction d'une économie mondiale dans laquelle la croissance est mise au service de l'homme. Elle amène aussi à repenser une nouvelle architecture financière internationale.

Pour notre assemblée, ce débat n'est pas nouveau.

J'avais, pour ma part, interrogé, avec de nombreux députés de la gauche plurielle, le Gouvernement sur cette question en octobre et novembre 1999. Par la voix de Christian Sautter, il m'avait été répondu que l'idée de la taxe Tobin était intéressante mais irréalisable dans un seul pays et que l'Union européenne était la bonne échelle pour aborder ces questions qui ne peuvent trouver de réponse dans un cadre strictement national.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 9 MAI 2000

Je partage bien entendu cette analyse, même si je pense que nous pourrions suivre l'exemple du Parlement et du gouvernement canadien qui ont voté la mise en place de la taxe Tobin en la conditionnant à un accord international.

Il est indispensable maintenant de porter le débat non seulement au niveau européen, mais également au plan mondial.

Dans cette perspective, la Délégation pour l'Union européenne de notre assemblée, soutenue par 130 collègues, a adopté un amendement présenté par notre collègue Jean-Claude Lefort, qui demande que la présidence française « examine et propose l'institution d'une taxe spécifique sur les opérations de change des monnaies afin de lutter contre les mouvements de capitaux spéculatifs ».

Dans le même état d'esprit, un amendement de la commission des finances avait été adopté lors de la discussion budgétaire dans lequel le Gouvernement doit présenter des propositions avant le 15 juin. A ce propos, je n'ai entendu parler d'aucune audition d'économistes ou d'associations défendant l'instauration de la taxe Tobin pour la réalisation de ce rapport. Pourriez-vous, messieurs les ministres, nous informer de l'état d'avancement de celui-ci ? Pour sa part, le Parlement européen a trouvé en son sein plus de 220 euro-députés pour approuver une résolution demandant à la commission une étude de faisabilité de la taxe Tobin. Il a manqué six voix à cette résolution pour qu'elle soit adoptée. Elle aurait permis l'enclenchement d'un processus mettant pour de bon la taxe Tobin à l'ordre du jour du calendrier européen.

Au-delà de l'Union européenne, au Brésil, un front de 100 parlementaires s'est constitué et le président Cardoso a plaidé pour la taxe Tobin lors du « sommet des réformateurs » à Florence en novembre 1999. C'est après Lionel Jospin en 1995, le deuxième homme politique de premier plan à prendre position sur le sujet.

Aux Etats-Unis, une résolution a été déposée au Congrès, le 11 avril dernier, à l'initiative du représentant démocrate Peter DeFazio et du sénateur Paul Wellstone.

Parallèlement, un appel mondial de parlementaires a été lancé à cette occasion avec des députés européens et nationaux. Cet appel a recueilli près de 300 signatures en seulement trois semaines.

La présidence française doit prendre appui sur le fort écho que reçoit cette proposition dans les opinions publiques et dans les parlements nationaux, en Belgique, en Italie et même il y a 15 jours en Grande-Bretagne, pour faire avancer concrètement la taxe Tobin en Europe.

Le nord de l'Europe nous montre le chemin. Nos amis finlandais ont officiellement pris position en faveur de cette taxe.

Enfin, permettez-moi de terminer sur ce que certains considèrent comme l'argument massue pour refuser une telle proposition : l'impossibilité supposée d'asseoir la perception de la taxe sur toutes les places financières, en arguant que le marché se déplacerait instantanément vers des pays plus compréhensifs.

Cet argument que l'on présente comme technique alors qu'il est politique, a ses propres limites notamment en raison du fait qu'en terme de marché, l'Union est à elle seule une "masse critique" représentant l'immense majorité des transactions de change sur les monnaies, soit environ 50 % des opérations. Mieux, environ 80 % des transactions se font sur les places situées dans des pays du G7 ou de l'Union européenne.

La taxe Tobin est une proposition concrète, pour commencer à agir contre la domination de la spéculation sur les marchés financiers. C'est une question de justice mondiale.

Le moment n'est plus à exprimer sa sympathie pour cette idée, mais à prendre des initiatives concrètes pour sa mise en oeuvre.

L'écho d'une décision porterait loin au-delà des frontières de l'Union. Elle renforcerait les mouvements qui s'expriment en faveur de la taxe dans d'autres régions du monde. La France, et le gouvernement français, prendrait dans ce débat un rôle déterminant comme elle a su le faire dans le passé sur d'autres sujets d'importance.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Odette Trupin, dernier orateur inscrit.

Mme Odette Trupin.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, M. le Premier ministre a évoqué tout à l'heure la nécessité d'une politique française ambitieuse en Europe. Dans cet esprit, je souhaiterais, messieurs les ministres, vous alerter sur la position de la langue française et du multilinguisme en tant qu'outils de travail et de communication au sein de l'Union et des institutions européennes.

Comme vous le savez, le principe de l'égalité des langues officielles, posé par le règlement du Conseil no 1 du 15 avril 1958, a été constamment réaffirmé au fil des adhésions. Le traité d'Amsterdam a adopté, en outre, une disposition permettant à tout citoyen de l'Union d'écrire aux institutions dans la langue de son choix et d'obtenir une réponse dans cette même langue.

Au début de la construction européenne, la langue française bénéficiait d'une position privilégiée, en rapport avec l'image forte de la France et se situait presque à égalité avec l'anglais comme langue de rédaction dans les services de la Commission. Elle est également l'une des trois langues de travail de la Commission et la langue de délibération dans le système juridictionnel communautaire.

Cependant, aujourd'hui, la place du français semble être remise en cause. De nombreux constats établissent que l'emploi de notre langue au sein des institutions européennes décline, notamment à la suite des dernières adhésions. La langue anglaise domine les secteurs de la technologie, de la science, voire de la culture et de la politique. Le prochain élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale, les PECO, suscite pourtant, dans plusieurs pays, comme j'ai pu le constater lors de mes déplacements, un souci réel de formation au français.

Cependant, l'attrait de l'anglais dans les PECO reste fort.

Aujourd'hui, la dégradation de la position de la langue française peut être constatée quotidiennement au service des traductions des textes législatifs européens et elle est particulièrement sensible dans les relations extérieures de la Communauté européenne.

Cette situation est très préjudiciable à l'image du français et de la France. Elle pourrait léser à moyen terme les intérêts nationaux et créer progressivement un lourd handicap pour la représentation de la France au sein du monde européen, voire international.

Les conséquences regrettables de cet état de fait risquent d'être non seulement politiques, mais également économiques. Cette régression rencontrée au sein des institutions européennes ne doit pourtant pas être considérée comme une fatalité, mais elle nécessite une réaction d'autant plus rapide que le prochain élargissement pourrait accroître encore le phénomène.


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Certes, face à cette situation, des efforts ont déjà été accomplis, mais ils restent limités et, s'il faut se féliciter de cette vigilance, elle est vouée à l'échec si elle n'est pas accompagnée d'une politique volontariste de promotion de la langue française et, plus généralement, d'un plurilinguisme auprès des administrations communautaires et des partenaires européens.

La France va occuper pendant six mois la présidence d e l'Union européenne. Cette lourde responsabilité implique que nous devons être particulièrement vigilants sur ce problème et faire en sorte que cette prise de conscience atteigne l'ensemble de la Communauté européenne. C'est par une action collective en faveur de l'usage réel du français dans les institutions européennes et, plus généralement, en faveur du respect de la diversité linguistique et culturelle en Europe, que nous pourrons nous préserver du risque d'uniformisation et d'appauvrissement de la pensée que représenterait automatiquement la prépondérance d'une seule langue. L'Europe est constituée en effet de pays de cultures multiples, porteuses de valeurs qui nous préservent de la standardisation.

Il convient de prendre des mesures afin de permettre le respect du statut juridique des langues européennes et la promotion du multilinguisme. Il nous faut favoriser et intensifier l'action de la France pour obtenir de continuer à travailler dans notre langue au sein des institutions européennes, car je suis convaincue que c'est par la place que le français saura occuper en Europe qu'il conservera également sa force d'attraction dans le monde et qu'il répondra aux défis que représente la promotion de la diversité culturelle et du plurilinguisme sur la scène internationale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je tiens d'abord à féliciter tous ceux qui ont tenu à assister à ce débat jusqu'à sa conclusion. Il a tenu ses promesses. L'intervention du Premier ministre a été d'une grande qualité et tous ceux qui sont intervenus ensuite ont situé la discussion à un très haut niveau : ils ont fait preuve d'un sérieux, d'une connaissance du sujet et d'une exigence qui font honneur à la représentation nationale et au débat politique français. Ils montrent bien l'idée, très haute et très exigeante, que nous avons de la présidence que nous allons exercer pendant six mois. Le débat avait d'ailleurs été organisé à cette fin.

Je ne reprendrai pas en détail chacune de vos très nombreuses interventions, préférant centrer mon propos sur deux points avant que Pierre Moscovici n'en développe quelques autres.

Vos attentes en matière de construction européenne sont impressionnantes. Il m'a semblé que tous les intervenants, quelle que soit leur appartenance politique, partageaient le sentiment que cette Europe, qui a surmonté tant d'obstacles depuis son origine - et nous commémorons aujourd'hui la déclaration Schuman - a été jusqu'à maintenant en grande partie la concrétisation d'une pensée française - encore que Schuman ait précisément pu agir comme il l'a fait parce qu'il était un peu allemand, un peu luxembourgeois et un peu français ! L'Europe semble née d'une vision française de l'avenir, d'une ingéniosité française et, à plusieurs reprises, ce sont des relances d'initiative française qui ont permis de franchir certains caps difficiles et de surmonter les difficultés.

Nous sommes tous animés par cette idée, habités par cette expérience et par ce souvenir, et nous voudrions tous intensément, lors de cette présidence, qui arrive à un moment clé, être à la hauteur de la situation. Ce sentiment m'a paru beaucoup plus fort que les nuances ou les différences qui se sont exprimées. Je crois pouvoir dire que c'est bien dans cet esprit que les autorités françaises abordent la présidence de l'Union.

En même temps, quel que soit l'extrême intérêt de toutes les interventions, de toutes les analyses, de toutes les demandes, de toutes les interrogations aussi, nous allons, Pierre Moscovici et moi-même, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, être à la tâche, parfois à la peine, jour et nuit, pendant ce semestre, en présidant le Conseil des affaires générales ou en défendant les intérêts de la France. On ne peut pas ne pas avoir une sorte de sentiment d'inquiétude quand on dresse la liste de ce qui est attendu de cette présidence.

En quelque sorte, on voudrait que cette présidence française, dans un laps de temps de quelques mois, corrige tous les défauts qui apparaissent maintenant dans les mécanismes européens et dans les institutions, réponde à toutes les attentes, allant des formes les plus spectaculaires de la puissance de l'Europe, pôle du monde multipolaire de demain, aux éléments les plus concrets correspondant à toute la gamme des activités politiques, économiques, sociales, culturelles, juridiques ou autres, concernant l'ensemble des aspects de la vie sociale, sans empiéter sur le rôle des uns et des autres, en restant à sa place, les différents rôles étant clarifiés.

Cela nous honore et cette attente est forte, conforme à notre histoire et à notre génie, et à l'idée que nous nous faisons de ce que nous apportons à l'Europe, mais il est clair que nous allons devoir fixer des priorités et porter notre effort sur certains points.

Naturellement, nous allons faire de notre mieux, avec toute l'énergie dont nous sommes capables et la meilleure coordination possible. Croyez bien que tout le monde se sent mobilisé pour travailler à plein pendant cette présidence. Croyez-bien qu'aucune des suggestions qui ont été faites cet après-midi et ce soir dans cette enceinte ne sera négligée ou oubliée, et que nous ferons tout ce que nous pourrons pour faire avancer les choses. Mais je voulais tout de même souligner l'ampleur des attentes et des demandes. Il faudra que vous vous en rappeliez pendant le déroulement de cette présidence et au moment du bilan.

Je peux vous garantir que nous ferons l'effort maximal et, je le répète, tout ce qui dépend de nous. Mais, pour apprécier le résultat, il faut se rappeler qu'une présidence doit travailler avec les autres pays. Il y a quatorze autres pays et la présidence ne peut pas se susbstituer à chacun d'entre eux. A la limite, la présidence doit avoir une attitude présidentielle et, dans certains cas, nous ne pouvons pas défendre nos intérêts ou nos idées, quand elles ne sont qu'à nous, de la même façon que le ferait un autre pays, qui n'a pas à prendre de telles précautions.

Nous allons donc devoir nous situer à ces deux niveaux. Naturellement, nous ne laisserons tomber ni une responsabilité, ni l'autre, à aucun moment. Ainsi, nous n'oublierons jamais que nous sommes président, même quand nous devrons être très exigeants sur des intérêts ou des conceptions nationales.

Mes deux observations concernent l'élargissement et la réforme.


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Au cours des dix dernières années, les Européens ont eu beaucoup de mal à se mettre d'accord sur la façon d ont il fallait traiter les demandes d'adhésion de l'ensemble des pays qui redevenaient capables de demand er leur adhésion en raison de l'effondrement du c ommunisme à l'Est. Cela a occupé toutes les années 89-99.

Il y a eu des attitudes très généreuses, maximalistes, très ouvertes, notamment de la part de pays pour qui le renforcement de l'Europe n'est pas le souci majeur et qui étaient donc prêts à accueillir tous ces pays du jour au lendemain parce que, au fond, l'Europe était pour eux une organisation internationale comme les autres, qui peut s'élargir et augmenter le nombre de ses participants sans problème.

Il y a eu par ailleurs, à certains moments, une attitude plus raisonnable selon laquelle il faut réussir cet élargissement et on ne peut pas laisser adhérer un aussi grand nombre de pays sans avoir réadapté nos institutions.

C'est un débat qui a déjà eu lieu dans le passé. Avant l'entrée de l'Espagne et du Portugal, il avait opposé la France et l'Allemagne. Il les a opposées à nouveau en 1992 avant le passage de douze à quinze. A chaque fois la France expliquait qu'il faudrait tous de même adapter les institutions avant d'élargir précipitamment sans préparation, et, à chaque fois, on lui répondait :

« Vous êtes des égoïstes, vous ne voulez pas laisser bénéficier les nouveaux pays de la politique agricole communs, des fonds structurels, de ceci ou cela. »

En fait, nous étions guidés par cette idée européenne, que je ne développe pas car elle se retrouve sur tous les bancs et dans toutes les interventions, même parmi ceux qui sont les plus critiques par rapport à l'Europe. On a l'impression que leur attente est trop déçue, mais ils en attendent en fait la même chose.

Cette idée, nous l'avons donc portée, et si, au bout du compte, en décembre dernier, à Helsinki, les décisions prises par le Conseil européen sont plutôt raisonnables, c'est à peu près uniquement parce qu'il s'est trouvé des représentants de la France, notamment ces toutes dernières années, pour expliquer que l'élargissement devait être réussi, qu'on devait réformer les institutions avant et que ce serait un cadeau empoisonné ou une victoire à la Pyrrhus pour les pays candidats que d'entrer dans une Union européenne qui ne fonctionnerait plus parce qu'ils seraient entrés et qu'elle ne serait pas prête.

Nous avons pu retomber sur nos pieds et avoir la ligne que nous avons maintenant, consistant à traiter les pays candidats sur la base de leurs mérites propres, au cas par cas, ni par groupes ni par vagues, parce que cela n'a pas de sens de regrouper des pays qui peuvent poser des problèmes totalement différents. Nous avons ainsi trouvé un bon compromis ; on décide d'être prêt à accueillir de nouveaux candidats à partir de fin 2002, début 2003, et on verra en fonction des dossiers ; seront pris les pays qui seront prêts à entrer en respectant les acquis, ceux qui se seront préparés suffisamment.

C'est l'approche la plus raisonnable, la plus rationnelle, celle qui concilie le mieux les intérêts des pays membres actuels, ceux des pays candidats et celui de l'Union en tant que telle.

Tout ce travail a été celui de la France, et il est un peu surprenant de constater en France, depuis le Conseil d'Helsinki en décembre, une sorte d'étonnement à propos de l'élargissement alors que l'Europe, dans son entier, ne parle que de ça depuis dix ans, alors que l'ensemble de nos partenaires n'ont que ce mot à la bouche et que nous avons entendu dans trente-six réunions du conseil des affaires générales ou du Conseil européen : si nous tentions de rationaliser l'élargissement, c'était parce que nous étions égoïstes ou autres.

Ce n'est donc par la France qui a mis l'accent de façon impréparée ou bâclée sur un élargissement dans de mauvaises conditions. C'est au contraire grâce à son action, et Pierre Moscovici et moi avons beaucoup bataillé sur ce plan, que l'élargissement passe finalement par ce processus plus rationnel et qui a plus de chance, au bout du compte, de marcher, celui d'Helsinki.

Il faut tout de même avoir en tête le point de vue de l'ensemble des autres, les quatorze autres, et puis, déjà, l'ensemble des pays candidats qui se considèrent un peu comme partie prenante, interviennent constamment dans ce débat par leurs déclarations, leur presse, leurs dirigeants politiques.

Nous devons donc à notre pays, je crois, le fait que la politique d'élargissement à l'est est une politique maîtrisée, rationnelle, qui, par conséquent, peut fonctionner. Il n'empêche qu'en dépit de cet effort et du rétablissement que nous avons opéré sur ce sujet - on était plutôt auparavant dans une logique de toboggan - ce grand élargissement bouleverse la donne, et il faut avoir le courage de le dire. Tout le monde le dit maintenant, tant mieux ! Mieux vaut tard que jamais ! Ce qui est important, c'est que nous repartions tous ensemble de cette analyse, en comprenant bien qu'on ne peut pas plaquer, transposer le fonctionnement actuel de nos institutions dans une Europe à vingt-sept, si on prend la liste des candidats avec lesquels on a ouvert les négociations, à vingt-huit, si on ajoute la Turquie, dont nous n'avons fait qu'enregistrer la demande de candidature, sans ouvrir de négociation, ou à plus de trente, et si on n'oublie pas les quelques autres pays européens qui ont vocation à être candidats un jour, que ce soit des pays comme la Suisse, la Norvège ou l'Islande s'ils changent d'avis, ou des pays des Balkans, pays européens sans controverse possible sur leur nature.

La question de la transformation institutionnelle est donc au centre de la discussion. Tout ce qui a été dit par tous les intervenants, dans tous les domaines, social, économique, culturel ou autre, ne peut pas fonctionner si l'Europe ne marche pas, ne marche plus ! Bientôt, on ne pourra apporter aucune réponse à tous ces souhaits que l'Europe soit plus proche des gens sur tel point, plus efficace sur tel autre. Le fait de savoir si l'Europe élargie peut marcher est donc une question absolument centrale.

Il se trouve que la conférence intergouvernementale commence maintenant. C'est le signe de l'échec d'Amsterdam, qu'on n'a pas oublié, mais c'est en même temps une bonne chose puisque, à Amsterdam, il n'y avait que trois pays qui acceptaient l'idée qu'il fallait faire une réforme avant l'élargissement. Petit à petit, nous les avons convaincus. Maintenant, ils l'admettent tous, à tel point qu'ils se sont mis d'accord sur le principe de cette conférence et qu'elle a été ouverte. Nous avons à y traiter trois sujets que chacun connaît et sur lesquels je ne reviens pas. Nous essaierons d'obtenir le plus d'améliorations possible pour que cette Europe puisse fonctionner, même sans être à trente, parce que, à quinze, elle est déjà grippée. Elle n'est pas bloquée mais elle est grippée, c'est plus compliqué qu'avant, et tous les perfectionnements que nous apportons au système européen compliquent aussi les choses, d'une certaine façon.


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Que répondre à cela ? Il est politiquement salutaire qu'un débat se soit ouvert dans notre pays sur la façon dont cette grande Europe élargie pourra fonctionner malgré tout. Il est très utile que les uns et les autres d emandent où en est le moteur franco-allemand, expliquent qu'il faudrait approfondir l'euro 11. Il y a aussi toutes les formules que le Premier ministre a évoquées dans son intervention.

Cela dit, nous ne sommes pas uniquement confrontés à ce débat intellectuel et politique qui est important pour l'avenir de l'Europe à long terme. La question de la CIG se pose tout de suite. Pour nous, la question est de savoir comment nous allons nous comporter dans la présidence de cette CIG à partir de début juillet, comment nous allons reprendre le débat, pour avoir le meilleur résultat possible, sur la repondération, et donc sur l'élargissement du vote à la majorité qualifiée, et puis, par ailleurs, sur la Commission. Cela, c'est un enjeu immédiat.

Nous serons guidés dans cette affaire par l'idée de trouver des dispositifs qui ne régleront certainement pas tout pour l'Europe à long terme mais qui, en tout cas, seront cohérents et compatibles avec les projets ultérieurs.

Une disposition est très importante, et c'est sur ce point que je terminerai, celle des coopérations renforcées.

Au stade où nous sommes, alors que nous prenons la présidence, nous ne pensons pas pouvoir prendre la responsabilité de mettre sur la table de la négociation européenne un mécanisme sur lequel les Européens s'opposeraient immédiatement, avec un très grand risque de fracture. Si on met en avant l'idée d'un petit noyau fixe composé de tels ou tels pays, quelle que soit la façon dont on les définit d'ailleurs, et à supposer qu'ils existent et qu'ils soient candidats pour cela, on entre immédiatement dans un débat assez vif, les pays ne faisant pas partie du noyau central s'opposant de toutes leurs forces au dispositif. Cela interviendrait au moment où nous avons à conduire la CIG à bon port, à faire tout ce qui dépend de nous pour qu'elle aboutisse avant la fin de l'année sous présidence française. C'est donc un débat éclairant pour l'avenir, mais, politiquement, nous ne pouvons pas le reprendre tout de suite. Sinon, on va créer un blocage plutôt qu'un progrès.

En revanche, si nous arrivons à un bon résultat sur les coopérations renforcées, c'est-à-dire sur ce qui permet à quelques pays d'aller plus loin ou de faire autre chose que les autres, dans le cadre communautaire, sur un pied d'égalité, comme fonctionnent la PAC ou les fonds structurels, si nous arrivons à assouplir ce dispositif qui existe dans le traité d'Amsterdam - mais qui est soumis à des exigences tellement contraignantes que c'est impraticable à l'assouplir vraiment en ce qui concerne le nombre des participants et les conditions préalables, nous avons là un mécanisme qui permettrait à des pays qui veulent développer une coopération dans un domaine particulier, thématique, géographique ou autre, de le faire entre eux sans gêner personne, de façon souple et pragmatique, comme, après tout, on a fait beaucoup de choses, comme on a lancé Euréka, fait Ariane ou Airbus, commencé Schengen, initié l'euro, et même lancé l'affaire de la défense européenne.

Il y a une autre conception, plus ambitieuse, de la coopération renforcée, qui répond tout à fait à ce qu'ont dit les orateurs les plus animés par l'idée européenne et les plus proches de l'esprit des pères fondateurs, c'est celle du bond en avant en matière institutionnelle de la part de pays qui voudraient créer entre eux, par exemple, ce que Jacques Delors appelle la fédération d'Etats nations, d'autres expressions étant employées. En réalité, il y a de nombreuses formulations autour de la même idée.

Donc, s'il se trouve en Europe des pays qui veulent vraiment faire ce saut, après avoir bien réfléchi à tout ce que cela représente, dans un débat démocratique très ouvert, englobant les populations, qui veulent vraiment aller au bout de ce processus, ils pourraient le faire demain dans le cadre d'une coopération renforcée.

On pourrait dire que l'euro actuel, c'est une coopération renforcée. Ce n'est pas tout à fait vrai juridiquement, mais c'est pour expliquer ce qu'on peut faire grâce à une telle souplesse. Cela résoudrait cette contradiction apparemment insoluble entre le fait que la grande Europe s'élargit considérablement et la nécessité de lui retrouver un moteur, sans pour autant casser la grande communauté et créer un désaccord frontal entre ceux qui sont dedans et les autres.

Une telle présentation des coopérations renforcées - le débat n'a pas encore eu lieu, la négociation n'a pas commencé, les Portugais ont commencé la CIG, mais ils ont surtout travaillé pour le moment sur la question des majorités qualifiées - évite l'affrontement sur le fait de savoir qui est dedans, qui est dehors, qui est en avant, qui est en arrière, si on a éliminé ceux qui ne sont pas dedans, quelles sont les procédures de rattrapage, toute une rhétorique qui est en train de se développer en Europe depuis qu'on reparle de noyau dur, et qui fait qu'une majorité de pays sont plutôt réticents par rapport à cette idée, et qu'ils ne la voient pas comme l'alpha et l'oméga du progrès européen que nous souhaitons nous, tellement nous sommes saisis par les difficultés que traverse maintenant l'Union.

Tels sont les deux points sur lesquels je voulais dire quelques mots à la fin de ce débat fort intéressant, un petit rappel historique sur la façon dont on a géré le grand débat des dix dernières années sur l'élargissement pour aboutir à l'approche la plus rationnelle ou la plus gérable possible, et l'esprit dans lequel nous abordons la prochaine conférence intergouvernementale, qui devrait répondre, je crois, à des attentes très larges des uns et des autres car cela préserve tous les futurs de l'Europe auxquels nous travaillons, y compris le meilleur, le plus ambitieux et le plus européen possible, ce que, pour ma part, je souhaite, mais il faut sans doute laisser des options. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, comme Hubert Védrine, je ne peux que me réjouir de la qualité des orateurs qui sont intervenus, de la haute tenue de leurs interventions, de la prof ondeur des débats ouverts, mais aussi, il faut le reconnaître, à quelques exceptions près, du large degré de consensus ou de rassemblement qui s'est fait jour sur les orientations européennes de la France - de toutes les autorités françaises, j'insiste sur ce point - à la veille de notre présidence de l'Union, telles que les a exprimées et dessinées le Premier ministre cet après-midi devant l'Assemblée.

Comme Hubert Védrine, je ne peux pas répondre dans le détail à chacun et chacune d'entre vous, mais je m'efforcerai au moins de donner l'éclairage du Gouvernement


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 9 MAI 2000

sur les principales questions évoquées au cours de la discussion, en faisant écho aux interventions des parlementaires qui se sont exprimés dans ce débat.

Hubert Védrine vient d'en parler, et je serai donc très bref, notre débat a été dominé par les interrogations nouvelles sur l'avenir de l'Europe dans le contexte de son élargissement, et on comprendra que, sur ce point, je partage entièrement ses conclusions.

En dépit d'un large appui au processus d'élargissement, il y a eu un grand nombre d'interrogations et, à vrai dire, quelques réponses négatives sur la capacité future de l'Europe à conserver à trente le niveau d'ambition qui était celui des fondateurs. Il y a eu sur ce point la démonstration magistrale, forcément magistrale, du président Giscard d'Estaing, mais aussi quelques interventions très fortes de plusieurs orateurs, parmi lesquelles je retiens celle de Gérard Fuchs.

En même temps, on note une large adhésion aux objectifs que la France s'assigne dans la conférence intergouvernementale et une grande insistance sur la nécessité d'une haute ambition. Nous ne pouvons, de ce point de vue, qu'être d'accord avec le Premier ministre Alain Juppé et avec le président Giscard d'Estaing.

Plusieurs orateurs ont également considéré que la tâche serait très difficile et je crois que chacun s'accorde à dire que, si nous avons ciblé l'ordre du jour de la conférence intergouvernementale, ce n'est pas à cause d'un déficit d'ambition, mais, au contraire, par souci d'éviter une dispersion qui eût été synonyme d'échec - un échec qui, du reste, n'est nullement conjuré. En définitive, nous nous situons à mi-chemin entre deux débats. D'une part se pose la question fondamentale de savoir si nous pouvons faire vivre l'Union élargie. D'autre part, il faut se demander quelles réformes réalistes nous pouvons élaborer.

Cette double interrogation peut être contradictoire, même si nombre d'orateurs - notamment Gérard Fuchs - n'ont pas exclu, pour l'avenir, la constitution institutionnalisée d'une avant-garde ; elle trouvera sans doute sa réponse dans le large consensus qui semble se dessiner autour de la priorité à accorder aux coopérations renforcées et donc à l'amélioration du mécanisme institué pour ce faire par le traité d'Amsterdam, qu'il faut rendre plus souple, plus accessible, plus flexible.

De ce point de vue, le président Giscard d'Estaing a utilement clarifié, dans son intervention, ce qu'il avait écrit dans Le Figaro avec l'ancien chancelier allemand Helmut Schmidt et qui me paraissait plus restrictif. Plusieurs orateurs sont allés dans ce sens : le président François Loncle, Alain Madelin, Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne, Marie-Hélène Aubert et même Philippe de Villiers, dont je dois dire qu'il m'a un peu déçu, car il n'est plus tout à fait souverainiste : encore un effort et il se retrouvera défenseur « eurolâtre » des coopérations renforcées.

(Sourires.)

En revanche, l'idée d'une Constitution européenne n'est pas apparue, dans ce débat, à un degré de maturité suffisant, me semble-t-il, si l'on se fie à la majorité des interventions. M. Juppé n'a pas défendu cette idée autant qu'on aurait peut-être pu l'attendre. M. Madelin l'a fait, mais avec une conviction qui ne m'a pas paru très forte.

Et Mme Catala, au contraire, a instruit un procès extrêmement argumenté. L'idée constitutionnelle demande donc à être encore remise sur le métier.

Je crois que chacun s'accorde sur la nécessité d'une meilleure application du principe de subsidiarité, même si ce n'est pas simple, parce que, dans l'Union, la plupart des compétences sont partagées entre le niveau européen et les Etats, comme dans l'union économique et monétaire.

Beaucoup, en revanche, ont marqué leur adhésion au beau projet d'adoption d'une Charte européenne des droits fondamentaux comportant un très large volet économique et social : Robert Hue, Jean-Claude Lefort, Pierre Lequiller, Chantal Robin-Rodrigo, Marie-Hélène Aubert. Martine Lignières-Cassou, quant à elle, a insisté, à juste titre, sur la priorité constante et consciente que doit être pour l'Union européenne l'égalité entre les hommes et les femmes.

Je n'ai noté que trois avis divergents sur la Charte : M.

Philippe de Villiers a déclaré son opposition de principe, comme Mme Nicole Catala et M. Jacques Myard, qui ont cependant formulé des arguments plus précis. Est-ce vraiment une surprise ? Ainsi posé, le débat sur l'avenir de l'Europe et sur les institutions aura, je crois, été utilement cadré.

P armi les interrogations sur l'avenir de l'Europe figurent aussi toutes celles concernant l'euro et sa valeur actuelle. On pourrait ironiser sur ceux qui, hier, craignaient un euro trop fort et qui se lamentent aujourd'hui sur sa faiblesse excessive, à moins que ce ne soit l'inverse.

On peut partager l'étonnement des uns et des autres, mais c'est avant tout une affaire très sérieuse. Pour ce qui nous concerne, nous estimons qu'il est surtout important que l'euro reflète les fondamentaux de l'économie européenne et de l'économie française, qui sont bons, qui vont encore en s'améliorant - je pense à la croissance, au chômage, à l'inflation maîtrisée. Ce qui importe, c'est que nous parvenions à créer les conditons de la stabilité.

Voilà la véritable force de l'euro.

Surtout, au cours de ce débat, j'ai noté le très large consensus sur la nécessité de renforcer le gouvernement économique de la zone euro en consolidant le Conseil de l'euro. Valéry Giscard d'Estaing et Maurice Ligot, mais aussi Georges Sarre, à sa manière, ont défendu cette position. Et ce sera, assurément, une priorité majeure de la présidence française.

La croissance et l'emploi seront également au nombre de ses préoccupations primordiales. Beaucoup ont rappelé les efforts engagés depuis trois ans et les succès obtenus par le Gouvernement pour réorienter en ce sens la construction européenne. C'était le sens des interventions d'Alain Barrau ou de Félix Leyzour. Nous aurons à amplifier ce mouvement, n'en déplaise à ceux qui, tels Alain Madelin, Christian Jacob ou Pierre Lequiller, rêveraient de nous voir nous rallier au libéralisme professé par certains de nos partenaires européens. Nul doute qu'ils seront déçus : au contraire, nous aurons à coeur de défendre les services publics européens, comme plusieurs d'entre nous l'ont demandé.

Beaucoup d'orateurs, en particulier des membres de la majorité - Robert Hue, Chantal Robin-Rodrigo, Gérard Fuchs -, ont d'ailleurs insisté sur la nécessité de veiller particulièrement à deux objectifs : faire adopter un agenda social ambitieux et défendre nos services publics contre les offensives ultra-libérales. Ils ne seront pas déçus, car, pour le Gouvernement, la modernité économique est inséparable de la cohérence sociale. C'est même un des fondements de la construction européenne depuis cinquante ans.

J'ai également constaté une large adhésion aux priorités citoyennes exposées par le Premier ministre. Beaucoup d'orateurs - Robert Hue, Gérard Fuchs, Odile Saugues, Nicole Feidt, Pierre Brana, Martine Lignières-Cassou,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 9 MAI 2000

Nicole Ameline, Marie-Hélène Aubert, Nicole Catala ont salué les grands thèmes citoyens suggérés par le Premier ministre, en relevant que le Président de la République avait fait largement siennes les propositions du Gouvernement : espace européen des savoirs, santé, sécurité des transports, espace de liberté, de sécurité, de justice, environnement. J'ajouterai à cette liste la maîtrise de la mondialisation, l'organisation de l'espace économique mondial. Le Gouvernement, c'est vrai, a entendu l'appel que Yann Galut a déjà lancé à plusieurs reprises ; Florence Parly travaille au rapport qui a été demandé par la délégation pour l'Union européenne - que préside Alain Barrau - sur l'initiative, notamment, de JeanClaude Lefort.

Contrairement à ce qu'a indiqué Alain Madelin ou, d'une autre façon, Philippe de Villiers, ces objectifs sont, en effet, primordiaux, parce qu'ils parlent à nos concitoyens, parce qu'ils ne doivent pas être méprisés ou traités comme des questions secondaires.

D'autres préoccupations ont été mentionnées. Je ne peux les citer toutes. J'évoquerai seulement l'aide aux pays en voie de développement - Jean-Claude Lefort, à nouveau, François Loncle et Marie-Hélène Aubert en ont parlé - et l'évolution du modèle agricole européen, vers une meilleure prise en compte de la sécurité alimentaire des consommateurs, avec l'intervention de Félix Leyzour.

Nul doute, enfin, que la présidence française aura à coeur de veiller à la place du français et au respect du multilinguisme dans les institutions européennes, comme nous y a appelés Odette Trupin.

Il convient de dire un mot de méthodologie sur les suites de ce débat, qui doit marquer un saut qualitatif, le d ébut de la concertation permanente, confiante et constructive que le Gouvernement souhaite entretenir avec l'Assemblée d'ici à la fin de l'année 2000 sur la conduite de la présidence française de l'Union européenne. Je salue, en tout cas, les propositions que la délégation pour l'Union européenne a faites au Gouvernement, avant même ce débat. Elles ont été fort utiles.

Pour ce qui me concerne, j'approuve la suggestion d'Alain Barrau d'ouvrir à la presse et, donc, à l'opinion publique, les auditions des ministres devant la délégation pour l'Union européenne pendant la présidence française.

Le Gouvernement sera très disponible pour participer à ces travaux.

Pour conclure, je ne voudrais pas contredire le président Giscard d'Estaing, et j'abonderai même dans son sens. Le choix du 9 mai, jour du cinquantième anniversaire de la déclaration de Robert Schuman, ne doit évidemment rien au hasard. Il traduit la volonté du Gouvernement de saisir pleinement, en étroite association avec l'Assemblée nationale, l'occasion de la présidence française de l'Union européenne pour redonner du sens à la construction européenne, pour faire en sorte que, au sein de la grande Europe de demain, de cette Europe qui, plus que jamais, est notre avenir et représente une perspective historique, les pays désireux d'aller plus vite et plus loin puissent rester à l'avant-garde et demeurer ainsi fidèles à l'ambition des pères fondateurs.

Comme en 1950, une étroite collaboration entre la France et l'Allemagne sera nécessaire pour faire accomplir à l'Europe ces nouvelles avancées. Je rejoins, sur ce point, les propos de François Loncle, de Maurice Ligot ou de Jean-Marie Bockel.

Ce matin, dans une remarquable interview, le président de la délégation pour l'Union européenne considérait que la présidence française devait être modeste et pragmatique. J'ajouterai, cher Alain Barrau, qu'elle devra aussi être concrète et ambitieuse, s'inscrivant, par là, dans le droit fil de la déclaration de Robert Schuman. Grâce au consensus sur une présidence modeste, pragmatique, ambitieuse et concrète, le Gouvernement sortira armé de ce débat, et s'efforcera d'être à la hauteur de son contrat.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Le débat est clos.

2 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

M. le président.

J'ai reçu, le 9 mai 2000, de M. Valéry Giscard d'Estaing une proposition de loi constitutionnelle portant modification de l'article 6 de la Constitution.

Cette proposition de loi constitutionnelle, no 2363, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

3 DÉPÔTS DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 9 mai 2000, de Mme Raymonde Le Texier un rapport, no 2365, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.

J'ai reçu, le 9 mai 2000, de M. Bernard Roman un rapport, no 2366, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles Wallis-etFutuna.

J'ai reçu, le 9 mai 2000, de Mme Roselyne BachelotNarquin un rapport, no 2367, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur la proposition de loi de M. Edouard Balladur sur l'épargne salariale et la participation (no 2099).

4 DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président.

J'ai reçu, le 9 mai 2000, de M. Michel Destot un rapport d'information, no 2364, déposé en application de l'article 146 du règlement par la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, sur l'innovation en France.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 9 MAI 2000

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ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique : Questions au Gouvernement ; Discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 2322, d'orientation pour l'outre-mer :

M. Jérôme Lambert, rapporteur, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2359), M. Michel Tamaya, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 2356), M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 2355).

A vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 10 mai 2000, à zéro heure quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Retraits Il résulte d'une lettre de M. le Premier ministre en date du 9 mai 2000 qu'ont été retirés par les instances communautaires les textes suivants: No E 207 (COM [1993] 667 final). Proposition de décision du Conseil concernant l'extension du bénéfice des dispositions de la directive 90/531/CEE à la République d'Autriche, à la République de Finlande, à la République d'Islande, à la Principauté du Liechtenstein, au Royaume d e Norvège et au Royaume de Suède (retiré le 17 décembre 1998).

No E 226 (COM [1993] 650 final). Proposition de décision du Conseil relative au programme pluriannuel (19941996) d'actions communautaires en faveur des coopératives, des mutualités, des associations et des fondations dans la Communauté (retiré le 29 juillet 1997).

No E 342 (COM [1994] 516 final). Proposition de règlement du Conseil fixant les mesures à prendre à l'égard des opérateurs qui ne respectent pas certaines dispositions relatives aux activités de pêche prévues par l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande, de la Norvège et de la Suède (retiré le 17 décembre 1998).

No E 376 (COM [1995] 004 final). Proposition de règlement du Conseil portant mesures transitoires en matière douanière à la suite de l'adhésion de la Finlande et de la Suède (retiré le 4 février 1998).

No E 733 (COM [1996] 510 final). Proposition de règlement d u Conseil modifiant les règlements no 3355/94, no 3356/94 et no 3357/94, relatifs au régime applicable aux importations, dans la Communauté, de produits originaires des Républiques de Bosnie-Herzégovine, de Croatie, de Slovénie et de l'ancienne République yougoslave de Macédoine (retiré le 17 décembre 1998).

Transmissions

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le Président de l'Assemblée nationale les textes suivants : Communication du 5 mai 2000 No E 1445. Proposition de décision du Conseil et de la Commission relative à la conclusion du protocole à l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Moldava, d'autre part (COM [2000] 116 final).

Communication du 4 mai 2000 No E 1442. Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels et agricoles.

No E 1443. Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et la République du Chili ajoutant à l'accord-cadre de la coopération entre la Communauté européenne et les Etats membres, d'une part, et la République de Chili, de l'autre, un protocole additionnel relatif à l'assistance administrative mutuelle en matière douanière (COM [2000] 138 final).

No E 1444. Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté européenne et le gouvernement de l'île Maurice concernant la pêche dans l es eaux de l'île Maurice, pour la période du 3 décembre 1999 au 2 décembre 2002. (COM [2000] 220 final).

Notification d'adoptions définitives Il résulte d'une lettre de M. le Premier ministre en date du 9 mai 2000 qu'ont été adoptés définitivement par les instances communautaires les textes suivants : Communication du 9 mai 2000 No E 623 (COM [1996] 132 final). Proposition de décision du Conseil et de la Commission relative à la conclusion d'un protocole à l'accord de partenariat et de coopérat ion entre les CE et leurs Etats membres et la République de Moldova (adopté le 28 mai 1998).

No E 628 (SEC [1996] 492 final). Proposition de révision des perspectives financières présentée par la Commission au Parlement européen et au Conseil en application des paragraphes 11 et 12 de l'accord interinstitutionnel du 29 octobre 1993 sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire (procédure achevée suite à l'adoption du no E 1128 le 6 mai 1999).

No E 841 (COM [1997] 166 final). Rapport de la Commis-s ion au Conseil (application d'une dérogation aux articles 2 et 10 de la sixième directive 77/388/CEE en m atière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires). Proposition de décision du Conseil autorisant la République française à proroger l'application d'une mesure dérogatoire aux articles 2 et 10 de la sixième directive (77/388/CEE) (procédure de l'article 27) du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (déchets neufs d'industrie et matières de récupération) (adopté le 19 juin 1997).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 9 MAI 2000

No E 850 (COM [1997] 215 final). Rapport de la Commission au Conseil présenté conformément à l'article 2 de la décision du Conseil 92/544/CEE du 23 novembre 1992 (application de mesures dérogatoires à l'article 17 et à l'article 22, paragraphes 3, 4 et 5, de la sixième directive 77/388/CEE en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux TVA). Proposition de décision du Conseil autorisant la République française à p roroger l'application de mesures dérogatoires à l'article 17 et à l'article 22, paragraphes 3, 4 et 5, de la sixième directive (77/388/CEE) du Conseil du 17 mai 1997 en matière d'harmonisation des législations des

Etats membres relatives aux TVA (droits d'auteur) (adopté le 14 juillet 1997).

No E 887 (COM [1997] 257 final). Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les équipements de télécommunications connectés et la reconnaissance mutuelle de la conformité de ces équipements (adopté le 9 mars 1999).

No E 888 (SEC [1997]). Règlement no ... du Conseil du ... m odifiant le règlement (CEE, Euratom, CECA) no 260/68 portant fixation des conditions et de la procédure d'application de l'impôt établi au profit des Communautés européennes (adopté le 30 octobre 1997).

No E 985 (COM [1997] 558 final). Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion du protocole d'adaptation des aspects commerciaux de l'accord sur la libéralisation des échanges (du 18 juillet 1994) et l'institution de mesures d'accompagnement entre les Communautés européennes, d'une part, et la République d'Estonie, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à l'Union européenne et des résultats des négociations agricoles de l'Uruguay Round, y inclus les améliorations du régime préférentiel existant (adopté le 18 mai 1998).

No E 991 (COM [1997] 578 final). Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion du protocole d'adaptation des aspects commerciaux de l'accord sur la libéralisation des échanges et l'institution de mesures d'acc ompagnement entre les CE, d'une part, et la République de Lituanie, d'autre part, pour tenir compte d e l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à l'UE et des résultats des négociations agricoles de l'Uruguay Round, y inclus les améliorations du régime préférentiel existant (adopté le 18 mai 1998).

No E 1010 (COM [1998]). Recommandation du Conseil du ... sur la décharge à donner à la Commission sur l'exécution du budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1996 (procédure achevée suite au refus définitif du Parlement européen de donner la décharge le 4 mai 1999).

No E 1039 (SEC [1998] 306 final). Ajustement technique pour 1999 des perspectives financières à l'évolution du PNB et des prix (paragraphe 9 de l'accord interinstitutionnel du 29 octobre 1993 sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire) : communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen (procédure achevée suite à l'arrêt déf initif du budget 1999 signé par le président du Parlement européen le 18 décembre 1998).

No E 1049 (COM [1998] 164 final. L'établissement de nouvelles perspectives financières pour la période 20002006 : communication de la Commission au Conseil et a u Parlement européen (procédure achevée suite à l'adoption du no E 1128 le 6 mai 1999).

No E 1099 (COM [1998]). Lettre de la Commission européenne du 17 mars 1998 relative à une demande de dérogation présentée par le Portugal en application de l'article 27 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière de TVA (proposition caduque suite à l'adoption d'une proposition formelle par le Conseil [cf. no E 1131] le 18 janvier 1999).

No E 1171 (COM [1998] 574 final). Proposition de lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres pour 1999 : communication de la Commission (procédure achevée le 22 février 1999).

No E 1239 (JUSTPEN 114, 13909/98). Action commune du ..... adoptée par le Conseil sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne, relative à la corruption dans le secteur privé (adopté le 22 décembre 1998).

No E 1249 (JUSTPEN 16 CK4 16, 6946/99). Projet d'action commune relative à la poursuite pénale des pratiques trompeuses ou autres pratiques déloyales faussant la concurrence dans la passation des marchés publics au sein du marché intérieur (proposition caduque suite à l'initiative de la RFA en vue de l'adoption d'une décision-cadre du Conseil [cf. no E 1441] présenté le 20 mars 2000).

No E 1304 (COM [1999] 387 final). Proposition de règlement (CE) du Conseil portant ouverture d'un contingent tarifaire pour l'importation de viande bovine séchée désossée [viande des Grisons] (adopté le 22 octobre 1999).

MODIFICATION À LA COMPOSITION DES GROUPES (Journal officiel , Lois et Décrets, du 6 mai 2000)

GROUPE DE L'UNION

POUR LA DÉMOCRATIE FRANÇAISE-ALLIANCE (64 membres au lieu de 65) Supprimer le nom de M. Jean-Jacques Weber.

COMMUNICATION FAITE À L'ASSEMBLÉE NATIONALE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL Décision du Conseil constitutionnel constatant la déchéance d'un député (Application de l'article L.O. 136 du code électoral) Décision no 2000-12 D du 4 mai 2000 Déchéance de plein droit de M. Jean-Jacques Weber de sa qualité de membre de l'Assemblée nationale Le Conseil constitutionnel, Saisi le 5 avril 2000 d'une requête du garde des sceaux, ministre de la justice, tendant à la constatation de la déchéance de plein droit de M. Jean-Jacques Weber de sa qualité de membre de l'Assemblée nationale ; Vu les articles L.O. 130 et L.O. 136 du code électoral ; Vu le code pénal ; Vu l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, siégeant en matière correctionnelle, en date du 11 février 1999 ; Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 1er mars 2000 ; Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ; Le rapporteur ayant été entendu ; Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L.O. 136 du code électoral : « Sera déchu de plein droit de la qualité de membre de l'Assemblée nationale celui... qui, pendant la durée de son mandat, se trouvera dans l'un des cas d'inéligibilité prévus par le présent code. La déchéance est constatée par le Conseil constitutionnel, à la requête du bureau de l'Assemblée nationale ou du garde des sceaux, ministre de la justice, ou, en outre, en cas de condamnation postérieure à l'élection, du ministère public près la juridiction qui a prononcé la condamnation. »

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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 9 MAI 2000

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L.O. 130 du même code : « ... Sont en outre inéligibles : 1o Les individus privés par décision judiciaire de leur droit d'éligibilité, en application des lois qui autorisent cette privation ;... », et qu'en vertu

de l'article 42 du code pénal applicable au moment des faits et d e l'article 131-26 du code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994, l'interdiction des droits civiques, civils et de famille porte notamment sur le droit de vote et l'éligibilité ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Weber a été condamné par la cour d'appel de Colmar le 11 février 1999 à la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis, à la peine d'amende de 100 000 francs et à deux ans d'inéligibilité ; que cette décision est devenue définitive à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation en date du 1er mars 2000 rejetant le pourvoi formé par M. Weber contre l'arrêt susmentionné ; Considérant qu'il appartient, dès lors, au Conseil constitutionnel de constater, en application de l'article L.O. 136 du code électoral, la déchéance de plein droit de son mandat de député encourue par M. Weber du fait de l'inéligibilité résultant de la condamnation prononcée à son encontre ; Déclare : Est constatée la déchéance de plein droit de M. Jean-Jacques Weber de sa qualité de membre de l'Assemblée nationale.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 mai 2000, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Georges Abadie, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Alain L ancelot, Mme Noëlle Lenoir, M. Pierre Mazeaud et

Mmes Monique Pelletier et Simone Veil.