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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 MAI 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

PIERRE-ANDRÉ

WILTZER

1. L oi d'orientation pour l'outre-mer. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 3983).

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 3983)

MM. Emile Blessig, Elie Hoarau, Dominique Bussereau, Mme Christiane Taubira-Delannon,

MM. Jean-Louis Debré, Ernest Moutoussamy, Gérard Grignon, Mme Chantal Robin-Rodrigo,

MM. Philippe Douste-Blazy, Camille Darsières, Pierre Petit, Jacques Brunhes, André Thien Ah Koon, Alfred Marie-Jeanne, Philippe Chaulet, Louis Mermaz, Léon Bertrand, Mme Huguette Bello,

MM. Anicet Turinay, Léo Andy.

Clôture de la discussion générale.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Dépôts d'un projet de loi (p. 4015).

3. Dépôts de propositions de loi (p. 4016).

4. Dépôt de rapports (p. 4016).

5. Dépôt d'un rapport en application d'une loi (p. 4017).

6. Dépôt d'un rapport sur une proposition de résolution (p. 4017).

7. Dépôt d'un rapport du Premier ministre (p. 4017).

8. Ordre du jour des prochaines séances (p. 4017).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1

LOI D'ORIENTATION POUR L'OUTRE-MER Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer (nos 2322, 2359).

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Emile Blessig.

M. Emile Blessig.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, mes chers collègues, premier orateur inscrit dans la discussion générale, du fait du hasard de la distribution des temps de parole, je veux rappeler que, le 19 mars 1946, a été votée la fameuse loi de départementalisation. J'ai du mal à imaginer l'atmosphère qu'il devait y avoir ce jour-là. Ce que nous en avons entendu, notamment par la voix de M. Aimé Césaire, laisse à penser que ce fut un tournant majeur.

En tout cas, il fallut toute la détermination des députés de l'outre-mer, et particulièrement celle d'Aimé Césaire et de Gaston Monnerville, pour arriver à arracher à un gouvernement, qui y était opposé, le statut de département.

Cela suscista beaucoup de joie et de liesse, car pour nos concitoyens d'outre-mer, la départementalisation était synonyme d'espoir. Cela signifiait le progrès et la rupture avec le colonialisme. Cela impliquait l'égalité des droits et la reconnaissance des Domiens par la France et les Francais.

Aujourd'hui, alors que nous abordons ce débat sur une loi d'orientation, la question est de savoir si l'espoir de 1946 a été confirmé. La réponse n'est pas facile. Néanmoins, il faut reconnaître que, grâce à la départementalisation, des progrès significatifs ont été accomplis dans le domaine des équipements, de l'éducation, de la santé, de l'économie et surtout de la solidarité.

Cependant, ne nous le cachons pas, les besoins restent immenses et légitimes. Ainsi, alors que 45 % de la population des départements d'outre-mer à moins de vingtcinq ans, quel avenir attend cette jeunesse quand on sait que, sur 1 665 000 habitants, on compte 118 800 allocataires du RMI, soit 250 000 personnes avec les ayants droit ? Pour être clair, cela représente 15 % de la population des départements d'outre-mer, contre 3,1 % en métropole. Toute la difficulté est là.

M. Henri Plagnol.

Très juste !

M. Emile Blessig.

Notons encore que le taux de chômage varie de 25 à 37 % et que 43 600 logements insalubres ont été dénombrés dans l'ensemble des DOM.

Plus grave, à mon sens, malgré les efforts de tous et des progrès, notamment en économie avec des résultats encourageants, la situation ne s'améliore pas de manières ignificative sur le long terme. Notre rapporteur démontre d'ailleurs dans son rapport que le nombre de bénéficiaires du RMI est en hausse. Autrement dit, la situation est extrêmement difficile et une véritable rupture avec les habitudes anciennes est indispensable pour apporter un progrès significatif. Par conséquent, il s'agit de savoir si le présent projet de loi d'orientation est de nature à répondre aux attentes et aux espoirs des habitants des départements d'outre-mer.

Je reconnais volontiers que ce texte contient des avances significatives, notamment dans les domaines économique et social. Néanmoins, à nos yeux, il s'agit globalement d'une loi complexe, incomplète et qui manque de vision prospective.

S'agissant de la complexité de ce texte, je prendrai trois exemples.

En matière institutionnelle, d'abord, là où nos concitoyens demandent plus de simplifications...

M. Henri Plagnol.

Eh oui !

M. Emile Blessig.

... votre projet de loi crée une structure supplémentaire : le congrès ou la bidépartementalisation à la Réunion, sans clarifier les compétences entre les différences collectivités locales. Or cette clarification est indispensable pour améliorer l'efficacité et la transparence démocratique.

En matière économique, ensuite, l'exonération des charges sociales patronales est une bonne mesure. Mais pourquoi tant de complexité dans sa mise en oeuvre : double critère du nombre de salariés et du domaine d'activités de l'entreprise, effet de seuil au-delà de dix salariés ? Aujourd'hui encore, un lecteur non averti peut se demander si les artisans sont compris ou non dans le champ d'application de la loi. La discussion législative devra préciser l'ensemble de ces questions car la simplicité du texte et sa compréhension par le plus grand nombre sont source d'efficacité et surtout répondent à un impératif démocratique.

S'agissant des mesures sociales, enfin, l'alignement sur la métropole doit faire l'objet d'une analyse sérieuse et globale. A défaut, on prend le risque de mettre en difficulté d'autres secteurs tout aussi importants, du fait notamment de l'importance du travail dissimulé dans les départements d'outre-mer. Par exemple, l'alignement du RMI domien sur le RMI de métropole met en péril l'avenir du logement social, jusqu'à présent financé dans le


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cadre de la créance de « proratisation », qui représente 20 % du RMI. Or, nous savons qu'il existe 43 600 logements insalubres à résorber et que les besoins en logements sociaux sont immenses.

Ce texte complexe est aussi incomplet. En effet, il n'aborde pas - ou il le fait de manière insatisfaisante des questions pourtant incontournables dont voici quelques exemples.

Le premier concerne la crise financière des collectivités locales. Ainsi, il n'est prévu aucune mesure d'assainissement des finances locales alors que de nombreuses collectivités d'outre-mer ont des difficultés financières et qu'une fraction non négligeable d'entre elles est sous tutelle de la chambre régionale des comptes. Certes, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez annoncé des mesures d'abondement. Mais celles-ci ne sont pas de nature à assainir la situation financière des collectivités locales des départements d'outre-mer. Or, comment parviendronsnous à un développement durable, reposant sur des partenaires solides, avec des collectivités territoriales financièrement asphyxiées ? De même, vous ne proposez aucune proposition sur la réforme, absolument nécessaire pourtant, de la fonction publique dans les départements d'outre-mer. En effet, le nombre des agents non titulaires représente 68 % du personnel des collectivités locales. Leur titularisation pèse sur les collectivités, comme une épée de Damoclès, compte tenu de leur situation financière. L'avenir de la fonction publique mérite d'être analysé en vue des adaptations nécessaires et utiles au développement durable. Cela ne se fera pas à la hussarde. Mais il importe que ce thème ne soit plus tabou. Il doit être courageusement abordé par l'ensemble des responsables locaux et nationaux.

Notons encore l'absence d'inscription dans la durée des mesures de soutien fiscal. Pourquoi avoir renvoyé l'examen des mesures de la loi Pons à une loi ultérieure ? Je suis de ceux qui pensent qu'elle avait sa place dans le présent texte puisqu'il s'agit d'une loi d'orientation.

Par ailleurs, et cette question est plus technique, le texte ne prévoit rien sur l'octroi de mer. Quel avenir pour cette taxe sur les produits importés, qui constitue une source de financement essentielle pour les collectivités locales des départements d'outre-mer ? Son régime, modifié par la loi du 16 juillet 1992 à la suite d'une d écision du Conseil des ministres européen du 22 décembre 1989, n'est que transitoire, puisqu'il expire le 31 décembre 2002. Quelles sont les propositions du G ouvernement sur ce point fondamental pour les finances locales ? Enfin, et cela a été rappelé, le projet est muet sur les transports. Je crois savoir qu'une ordonnance avait été prise avant d'être retirée. C'est pourtant un problème qu'il faut traiter et la loi d'orientation était une occasion excellente pour fixer précisément les grandes perspectives de l'organisation des transports.

Le dernier reproche que je souhaite faire à ce texte au nom de l'Union pour la démocratie française-Alliance porte sur l'absence de perspectives. La référence implicite et exclusive du texte étant le rattrapage par rapport à la métropole, je considère qu'il fait insuffisamment place a ux caractéristiques propres à chaque département d'outre-mer pris dans son contexte régional. La transversalité des questions l'emporte sur les spécificités locales.

La Guyane en Amérique du Sud, la Guadeloupe et la Martinique dans les Caraïbes, la Réunion dans l'océan Indien ont, chacune dans son contexte spécifique, un rôle incontestable à jouer. Or les mesures proposées sur ce point sont insuffisantes. Les nouvelles possibilités de coopération régionale doivent pourtant s'accompagner de sources de financement pérennes. Tout se passe comme si l'on n'avait pas voulu voir le monde tel qu'il est. Il faut abandonner cette conception centrée sur les rapports métropole-DOM. La France a intégré l'Union européenne, et de ce fait, les départements d'outre-mer sont devenus des régions ultra-périphériques, partie intégrante de cette Union européenne. Mais de ce point de vue nous restons sur notre faim avec votre texte.

Selon nous, compte tenu des acquis de la départementalisation que j'ai rappelés, et suivant les propositions du rapport Fragonard, les départements d'outre-mer peuvent et doivent être pensés comme de futurs pôles d'excellence dans leurs zones géographiques respectives, autour des thèmes suivants : université, santé, technologie d e l'information, environnement et services. Bien entendu, tout ce qui concerne les secteurs traditionnels que sont le développement des industries de substitution, de l'artisanat, du tourisme et du secteur agro-alimentaire doit être maintenu. Mais il faut avoir une vision offensive. La jeunesse de ces départements le mérite.

Du reste et cela constitue un fait nouveau, la France peut compter aujourd'hui sur l'appui des fonds structurels européens pour réaliser des programmes de développement ambitieux. Il aurait été utile de compléter l'effort réel consenti par la nation pour les départements d'outre-mer par celui de l'Europe.

De 1989 à 1993, les fonds structurels alloués aux DOM ont représenté 4,9 milliards de francs. Pour la période 1994-1999, ce montant était de 11,9 milliards de francs : 2,7 milliards pour la Guadeloupe, 1,3 milliard pour la Guyane, 2,6 milliards pour la Martinique et 5,2 milliards pour la Réunion.

Pour la période à venir, c'est-à-dire 2000-2006, le montant alloué aux DOM s'élèvera à 21,3 milliards de francs, soit un quasi-doublement des aides européennes affectées à des actions de développement et qui viennent compléter ce dont nous débattons aujourd'hui. A mon sens, il eût été indispensable de compléter les dispositions de cette loi d'orientation par un soutien européen au développement des départements d'outre-mer.

Reste néanmoins posé le problème de la non-consommation des crédits. Selon M. Barnier, commissaire européen, à l'automne dernier, la créance de fonds structurels non consommés pour la France - métropole et DOM confondus - s'élevait à 19,1 milliards. Or des crédits non engagés sont des crédits perdus.

Le rapport Trousset soulignait que « La France ne s'est pas donné les moyens de permettre aux politiques structurelles de l'Union européenne toute l'efficacité autorisant une véritable ambition en termes de cohésion nationale. »

Dans leur rapport, MM. Lise et Tamaya confirment cette analyse : « La situation financière des collectivités locales des départements d'outre-mer, et en particulier celle des départements et des régions qui sont déjà sollicités dans de nombreux secteurs, ne permet pas toujours de dégager les contreparties nationales aux programmes communautaires. »

Par conséquent, dans le cadre de cette loi d'orientation, le problème de la contrepartie nationale des crédits structurels européens est fondamental. Je regrette qu'il ne soit pas abordé dans ce texte.


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Pour la période 2000-2006, cette contrepartie nationale s'élève à 15 %, soit 3,195 milliards de francs, qui généreront globalement, sur six ans, 24 milliards de francs d'investissement pour les départements d'outremer. Cela mériterait d'être rappelé.

Monsieur le secrétaire d'Etat, j'évoquerai en conclusion d'une récente mission, au cours de laquelle j'ai eu l'honneur, en compagnie de plusieurs de mes collègues, de rencontrer M. Aimé Césaire à Fort-de-France. Un peu lassé face à une attitude qu'il a qualifiée de « repentante » il appelait de ses voeux une nouvelle espérance pour les départements d'outre-mer.

L'inscription de la présente loi - et ses conséquences dans le cadre européen aurait pu être porteuse d'un nouvel élan. Organiser une décentralisation nouvelle permettrait aux départements d'outre-mer de jouer un rôle dynamique dans leur environnement géographique - il faut substituer le dynamisme au rattrapage : le rattrapage est certes nécessaire mais les DOM ne se développeront pas sans dynamisme -, d'assurer leurs responsabilités locales dans la transparence des compétences, de négocier de manière concertée, dans le cadre de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, les conditions durables d'application du traité et des politiques communes dans les DOM. En 1946, après la départementalisation et ses acquis, une plus grande autonomie régionale et un ancrage à l'Union européenne auraient représenté un nouvel espoir pour les départements d'outre-mer, porteurs ainsi d'une mission ambitieuse au service de notre pays et de l'Europe, capables d'assurer un développement durable.

Votre texte, monsieur le secrétaire d'Etat, et je le regrette pour les départements d'outre-mer, a manqué cette occasion et ne répond pas à cette ambition. C'est la raison pour laquelle le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance ne le votera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Elie Hoarau.

M. Elie Hoarau.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au moment où en métropole, mois après mois, la baisse du chômage crédibilise l'ambition du Gouvernement d'un retour au pleinemploi au cours de la prochaine décennie, au moment où les acteurs économiques renouent avec la confiance et où l'horizon s'éclaircit pour la jeunesse, dans les départements d'outre-mer les impasses se multiplient sur le plan économique, social et culturel.

Rappelons, pour la Réunion, ces quelques données fondamentales. Avec 5 % de croissance annuelle, taux largement supérieur à celui que connaît la métropole, il est créé 3 500 emplois nets par an. Or, chaque année, plus de 10 000 jeunes arrivent sur le marché du travail. C'est dans ce décalage, et non dans l'atonie de l'économie réunionnaise, qu'il faut surtout chercher les raisons de la progression constante du nombre d'inscrits à l'ANPE : 125 000 personnes, 40 % de la population active, avec une proportion croissante de jeunes de plus en plus diplômés. Cette situation est intolérable, inacceptable pour la jeunesse réunionnaise mortifiée par la crise.

Face à cette réalité, les perspectives sont tout aussi sombres : une étude prospective parue ces derniers jours conclut que dans trente ans, pour une population de 1,2 million d'habitants, le taux de chômage serait ramené à la Réunion, dans l'hypothèse la plus optimiste, à 27 %.

Il faudrait donc trente ans pour diminuer le chômage à la Réunion de moins d'un tiers et le ramener au taux de chômage des Antilles d'aujourd'hui.

Vous comprendrez, mes chers collègues, que le débat national sur le retour au plein-emploi est vécu par nos populations comme un débat surréaliste.

Dans ces conditions, nous ne bénéficions d'aucun sursis. Le temps est venu d'apporter des solutions ambitieuses et durables pour que la décennie qui s'ouvre soit celle du défi réussi de l'emploi et du développement.

Si le projet de loi d'orientation n'a évidemment pas pour ambition de tout régler en trente ans, il se doit d'être la marque de la volonté politique du Gouvernement d'engager définitivement les départements d'outremer sur la voie d'un réel développement, durable et solidaire.

La convergence du calendrier de la loi d'orientation avec la signature des contrats de plan pour la période 2000-2006, celle des documents de programmation en matière de fonds structurels et enfin la définition des mesures découlant de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam est une opportunité unique pour traduire dans les faits une réelle volonté de changement et de mise en oeuvre de réformes audacieuses.

Les mesures inscrites dans la loi d'orientation peuvent p ermettre un renversement de tendances. Certaines d'entre elles, en faveur des entreprises, des travailleurs indépendants, des agriculteurs, des pêcheurs, prennent en compte les handicaps de ces secteurs et représentent un effort significatif pour créer un cadre favorable au développement des activités et à la création d'emplois.

Pour autant, ces mesures ne seront efficientes qu'à condition que les aides publiques sur lesquelles elles s'appuient trouvent pour contrepartie la création effective d'emplois. Nous avons déposé des amendements en ce sens afin de prévenir toute tentative de contournement de la loi.

Pour qu'une véritable stratégie de relance de l'activité et de l'emploi soit réussie, la diminution du coût du travail doit nécessairement avoir pour corollaire un soutien à l'investissement. Nous serons attentifs à l'élaboration des prochaines lois de finances qui devront compléter la loi d'orientation, notamment au niveau de la refonte du dispositif de défiscalisation.

La combinaison de ces mesures s'impose dans les départements d'outre-mer, peut-être plus qu'ailleurs. En effet, nos régions doivent bien sûr affronter la concurrence des pays en voie de développement, mais aussi tirer tous les bénéfices, en termes d'exportation, de leur avantage géographique qui les situe dans des zones d'échanges en forte croissance. C'est précisément l'objet des amendements que nous avons déposés et sur lesquels je reviendrai au moment de la discussion des articles.

Toutes les conditions doivent être réunies pour une meilleure insertion de la Réunion dans son environnement régional. L'article 299-2 du traité d'Amsterdam nous donne aujourd'hui cette possibilité. C'est à nous, au Gouvernement et la Commission de Bruxelles, d'y veiller.

Les mesures inscrites dans la loi d'orientation, qui confient aux collectivités locales des compétences nouvelles en ce domaine, en constituent le préalable. La possibilité offerte aux collectivités d'être associées aux blocs régionaux constitue une avancée. Les perspectives de codéveloppement avec nos voisins de l'océan Indien sont considérables. Les îles de l'océan Indien, regroupées au sein de la COI, représentent aujourd'hui 17 millions d'habitants mais ils seront 32 millions en l'an 2025.


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Ceux des quatorze Etats d'Afrique australe, regroupés au sein de la SADC, qui représentent 180 millions d'habitants actuellement, constitueront en 2025 une force de 300 millions d'habitants. C'est vers ce nouvel horizon que nous devons regarder ; c'est aussi dans cet espace que s'inscrit l'avenir de notre pays.

Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour trouver leur plein effet, les mesures économiques préconisées dans le projet de loi supposent d'être acceptées par la population. On ne conçoit pas de projet de développement sans mobilisation collective. Vous conviendrez que celle-ci suppose un sentiment de justice sociale, de responsabilité et de respect des identités culturelles.

On ne conçoit pas de justice sociale sans possibilité d'accès à l'activité et à la dignité. Le loi d'orientation envisage une série de mesures en faveur de l'emploi des jeunes. Une forte impulsion doit, en effet, être donnée à l'économie solidaire, de même que les emplois-jeunes devront nécessairement, du fait de notre situation démographique, être pérennisés.

Alors que l'exclusion avance, que les inégalités ne cessent de s'accroître, la réalisation de l'égalité sociale à la Réunion est plus que jamais liée au développement.

Nous avions déposé, à l'article 11, un amendement tendant au versement immédiat du RMI dans les mêmes conditions qu'en métropole. L'article 40 de la Constitution nous est opposé. Il est regrettable de constater que, cinquante ans après la loi de départementalisation, de telles arguties d'ordre juridique viennent encore retarder l'achèvement de l'égalité sociale, et les Réunionnais ne comprendraient pas que la réalisation de l'égalité du RMI soit encore différée.

Il en est de même pour la question des employés communaux toujours en attente d'un véritable statut, question indissociable du débat plus général sur l'harmonisation des revenus et la réduction des inégalités. Il importe d'harmoniser les revenus, tous les revenus, dans le secteur public comme dans le secteur privé. A cet égard, nous proposons la création d'un observatoire des prix et des revenus dont la première étape pourrait être la suppression de la prime d'éloignement versée aux fonctionnaires mutés dans les départements d'outre-mer.

Mesures économiques, mesures sociales, mesures culturelles avec la reconnaissance de l'identité réunionnaise et des langues régionales, c'est bien la prise en compte de cette vision globale qui conduit l'opinion réunionnaise à ne pas dissocier la question du développement de celle de l'organisation des pouvoirs publics et de l'aménagement du territoire. Il ne peut y avoir de développement sans aménagement équilibré du territoire. Le schéma d'aménagement régional a posé la nécessité absolue de corriger les déséquilibres entre les quatre microrégions de l'île.

Nous devons, de plus, prévoir dans les vingt-cinq ans à venir l'installation d'une population représentant 40 % de la population actuelle.

C'est pourquoi s'exprime à la Réunion la ferme volonté de voir se concrétiser dans les meilleurs délais une réforme administrative générale : création de nouvelles communes, de nouveaux cantons et d'un deuxième département. Cet aménagement harmonieux du territoire représentera le support du développement économique.

Monsieur le secrétaire d'Etat, la prise en compte de cette triple aspiration - développement économique, égalité sociale, aménagement équilibré du territoire - conditionne la crédibilité de la démarche engagée par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Bussereau.

M. Dominique Bussereau.

Monsieur le secrétaire d'Etat, au cours du débat de réflexion que vous aviez organisé en octobre 1998, j'avais parlé, au nom de mon groupe, de la nécessité d'un grand dessein pour l'outremer. La formule n'était pas de moi.

Il est vrai que l'outre-mer avec ses valeurs fortes à caractère universel, les valeurs d'une société multiculturelle et multiethnique offre à la France la chance d'être présente sur tous les continents.

M. Henri Plagnol.

C'est vrai !

M. Henry Jean-Baptiste.

Très bien !

M. Dominique Bussereau.

Il nous faut donc une vraie politique de l'outre-mer. Ce projet de loi, malheureusement, ne répond pas à nos attentes. Comme cela a déjà été indiqué, il manque de souffle. Il n'est pas à la hauteur des besoins économiques et sociaux des collectivités d'outre-mer pour aborder le

XXIe siècle.

Un mot, si vous le voulez bien, sur la forme. Comme je l'ai déjà indiqué lors de votre audition en commission des lois, ce texte abonde en mesures d'ordre réglementaire.

M. Henri Plagnol.

Très juste !

M. Dominique Bussereau.

Vous n'êtes ni le premier, ni le dernier ministre à faire figurer des mesures à caractère réglementaire dans une loi. J'espère que M. le président Roman saura faire preuve à l'avenir de la même fermeté que le président Mazeaud...

M. Bernard Roman, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Je n'ai pas son talent !

M. Dominique Bussereau.

... pour traquer le règlement lorsqu'il s'introduit subrepticement dans le domaine législatif ! (Sourires.)

Il y a eu également, et je le regrette, une absence de concertation. Il y a pourtant eu de grands rapports d'experts, mais on en retrouve assez peu la trace dans ce texte. De plus, comme l'a rappelé Henri Plagnol, même si vous l'avez vous-même évoqué, avec malice, à propos d'un autre ministre, six des huit assemblées locales consultées ont donné un avis négatif sur votre texte.

M. Henri Plagnol.

Il fallait le rappeler ! C'est gênant, mais c'est ainsi !

M. Dominique Bussereau.

Enfin, nous avons constaté, ce qui est assez étonnant pour un texte qui vient de loin, et qui voudrait peut-être aller loin, beaucoup d'improvisation. Le Conseil d'Etat vous a fait passer un grand oral assez difficile vous imposant bien des corrections. En commission des lois, la majorité plurielle a elle aussi fait passer un assez mauvais moment à votre texte en amendant fortement vos proposition.

J'en viens maintenant, si vous le voulez bien, au volet institutionnel.

Le groupe Démocratie libérale et Indépendants est tout à fait favorable à une évolution à la carte. C'est dans l'air du temps, le Gouvernement s'y attelle, mais encore faudrait-il définir un socle commun, comme le Président de la République l'a indiqué dans son discours de Madiana au mois de mars dernier.

A partir du moment où aurait été défini un socle constitutionnel commun, pourquoi être hostile à une assemblée unique ? Cela pourrait être le choix de cer-


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taines collectivités, alors que d'autres pourraient en faire un autre. En tout cas, une vraie réforme constitutionnelle, paisible, consensuelle, si possible, après un débat approfondi est un préalable indispensable.

M. Henri Plagnol.

Très juste !

M. Dominique Bussereau.

Il faut en effet éviter de mettre en place des usines à gaz complexes, comme celle qui a été inventée pour les accords de Nouméa, où la grande innovation de votre ministère a été la création des POM à la demande. Néanmoins cela n'est que de la tuyauterie institutionnelle, qui peut beaucoup amuser les membres de la commission des lois et intéresser les étudiants en droit, mais on a du mal à y retrouver la cohérence républicaine et une certaine stabilité.

Si l'on arrivait à cette cohérence, on pourrait admettre la création, dans ce texte, d'un congrès dans les régions monodépartementales. Toutefois, il aurait fallu qu'il soit mieux rédigé et qu'il ait fait l'objet d'une concertation plus poussée. Cela vous aurait évité la censure préalable du Conseil d'Etat et la censure politique de votre propre majorité plurielle.

Le dossier de la bidépartementalisation qui tient à coeur à nos collègues réunionnais a déjà été évoq ué par Henri Plagnol dans sa défense de l'exception d'irrecevabilité. Avec les explications de vote qui ont suivi, le débat a été ouvert devant notre assemblée d'une manière vivante et intéressante.

Mes collègues réunionnais qui connaissent ma position ne seront pas étonnés si je rappelle que notre groupe manifeste une opposition ancienne et de principe à cette proposition.

Sur la forme d'abord, nous estimons que cela revient à organiser un « bourg pourri », comme l'on disait à propos de certains découpages électoraux. D'ailleurs, après l'avis du Conseil d'Etat, on ne sait plus très bien où l'on en est. L'échéance a été avancée de 2004 à 2001 puis on est revenu en arrière. On ne sait même pas ce que donnera la discussion des amendements.

Et nous avons donc l'impression que le Gouvernement a pataugé dans cette affaire et qu'il n'a pas pris en compte l'avis de la majorité des habitants de l'île. En effet, les sondages d'opinion et la force des diverses manifestations organisées sur le terrain montrent bien que les Réunionnais, y compris au sein de la majorité plurielle, sont majoritairement hostiles à la bidépartementalisation, du moins sous la forme proposée.

Sur le fond, tous nos collègues réunionnais ont raison de souligner le retard de développement du Sud. Les membres de la commission des lois, après d'autres, n'ont pu que le constater lors de la visite qu'ils ont effectuée dans ce département au mois de septembre. Cela étant, je ne crois pas tenir un langage de théoricien libéral en indiquant qu'on ne rattrapera pas les retards de développement du Sud avec la création de structures administratives nouvelles et avec plus d'Etat.

M. Henri Plagnol.

Bien sûr !

M. Henry Jean-Baptiste.

C'est évident !

M. Dominique Bussereau.

Il faut répondre aux problèmes réels du Sud, qui méritent, certes, des solutions politiques, par des mesures économiques et des mesures sociales. Peut-être faudrait-il mettre en oeuvre dans le Sud des dispositions expérimentales, dérogatoires et intelligentes, qui ne procéderaient pas obligatoirement de la même législation que celle appliquée dans le Nord. En revanche, ce n'est pas la mise en place d'une DDA, d'une DDE et d'autres services de l'Etat supplémentaires qui permettra de régler le problème du développement économique du Sud de la Réunion.

En ce qui concerne le volet économique et social, M. Elie Hoarau vient de rappeler, en prenant l'exemple de la Réunion, que le vrai défi du texte, le défi que doit relever la représentation nationale et tout gouvernement, est celui du chômage. A cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, pardonnez-moi si le propos vous choque, j'estime que votre texte manque de souffle. Il est vraiment faible, comme l'écrivent les professeurs un peu sévères sur les copies des mauvais élèves. Sans doute cela tient-il au fait que Bercy ne vous a pas suivi et que les arbitrages budgétaires n'ont pas été opérés en votre faveur.

Heureusement, la loi Perben est maintenue, mais nous assistons, semaine après semaine, au sabotage et au démantèlement par Bercy et par les fonctionnaires de l'Etat de l'application de la loi Pons qui avait pourtant donné, sur le terrain, des résultats tout à fait intéressants.

En fait vous proposez surtout des mesures d'affichage politique, mais les risques d'effets pervers sont grands.

J'en donnerai deux exemples qui ont déjà été cités par Emile Blessig.

D'abord, on peut craindre que l'exonération de cotisations sociales offerte aux entreprises de moins de onze salariés se traduise par une inflation galopante de la création d'entreprises qui auront juste dix salariés. Au fil des années leur nombre croîtra et vous verrez même des entreprises existantes se scinder pour bénéficier de l'effet d'aubaine que vous aurez créé. Et je ne parle pas des conséquences sur le travail au noir et sur l'économie grise qui vont évidemment se développer. (Murmures sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

A priori on ne peut être contre l'alignement du RMI et l'allocation de parent isolé. Nous devons néanmoins nous demander si cela fait partie d'une politique sociale d'ensemble. Y aura-t-il, comme dans le cas du RMI métropolitain, un vrai volet d'insertion ? Ainsi qu'Henri Plagnol l'a souligné, l'augmentation de l'allocation de parent isolé fera peser un risque sur la cellule familiale qui est déjà plus fragile dans les départements ultramarins qu'en métropole. A cet égard, une réflexion a-t-elle été engagée sur le contrôle de la natalité ? (Protestations sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Henry Jean-Baptiste.

C'est le langage de la vérité !

M. Dominique Bussereau.

Si ces mesures partent d'un bon principe, en tout cas d'un bon principe électoral, elles recèlent des risques graves de marginalisation pour les populations ultramarines.

D'autres dispositions du texte qui auront peut-être moins d'effets pervers me paraissent également dangereuses.

Ainsi, l'exonération des cotisations vieillesses comprise dans l'exonération des charges sociales des entreprises est dangereuse pour le régime des retraites des DOM.

De même, l'abandon de créances fiscales et sociales risque de nuire à la lutte contre le travail au noir, car cela constitue un encouragement à la fraude et à l'incivisme, organisé de manière délibérée par les autorités gouvernementales.

J'aurais souhaité voir dans ce texte, ou entendre proposer, dans la déclaration du Gouvernement, des mesures pour faciliter le dialogue social. Ainsi que l'ont en effet montré des exemples récents dans les départements


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d'outre-mer, un conflit, même limité, dans un contexte insulaire, a des conséquences gravissimes pour l'ensemble de l'économie.

M. Henry Jean-Baptiste.

C'est vrai !

M. Dominique Bussereau.

Il faut réorganiser le dialogue social outre-mer, comme l'a demandé le Président de la République dans son discours aux Antilles. Malheureusement, votre texte ne propose aucune disposition en la matière.

Je crois très profondément, comme vous, monsieur le secrétaire d'Etat, comme tous les députés présents ce soir, en particulier, bien sûr, nos collègues des DOM, que l'outre-mer est une chance pour la France, une chance pour l'ensemble de l'Europe.

Malheureusement vous n'abordez pas ce dossier par la haute mer. Vous faites du cabotage car seuls les rivages de 2002 retiennent votre atention.

M. Henry Jean-Baptiste.

Très juste !

M. Dominique Bussereau.

J'en prends pour exemple votre amendement qui prévoit l'alignement du RMI en trois ans : 2000, 2001, 2002 ! Tiens donc ! Votre texte ne prévoit rien non plus sur un sujet extrêmement difficile et complexe qui concerne l'essence même de la vie sociale et économique outre-mer, je veux parler de l'immigration. Nous l'avions évoqué lors du débat sur Mayotte.

M. Henry Jean-Baptiste.

C'est vrai !

M. Dominique Bussereau.

En la matière on continue à appliquer des textes fort anciens.

Comme le Président de la République a eu raison de le dire aux Antilles, l'outre-mer a besoin d'un grand projet économique et social ambitieux. Ce grand dessein mérite des mesures fortes pour diminuer le coût du travail et relancer l'investissement. Il faut mettre en place des mécanismes modernes de défiscalisation, engager une nouvelle politique du crédit et d'aide aux investissements, prévoir des aides spécifiques à l'embauche des jeunes.

Il convient surtout de faite preuve de courage politique afin de mettre fin aux anachronismes et aux injustices sociales. Il est donc évident que nous jugerons votre courage politique au sort qui sera réservé à l'excellent amendement de notre collègue M. Hoarau sur la surrémunération des fonctionnaires.

M. Henri Plagnol.

Très bien !

M. Dominique Bussereau.

Nous verrons bien alors quel sera le courage politique du Gouvernement sur ce dossier à l'approche de l'échéance de 2002.

Il devient également urgent de définir une véritable politique des transports pour l'outre-mer. J'ai été effaré de constater que l'ordonnance prévue en la matière avait explosé en vol ! Il est pourtant indispensable d'aller jusqu'au bout des conséquences de la libéralisation du transport aérien pour abaisser encore les prix entre l'outre-mer et la métropole. Il faut notamment favoriser l'émergernce de compagnies aériennes régionales aux assises économiques solides. A cet égard je suis heureux que, à la suite de la mission que j'avais effectuée auprès du gouvernement Juppé, la raison ait enfin triomphé aux Antilles où a été créée une compagnie desservant l'ensemble de l'archipel.

Il est aussi nécessaire de revoir les infrastructures de sécurité aérienne dans les aéroports. En effet, bien des usagers l'ignorent, mais certains des grands aéroports d'outre-mer n'ont pas de radars et les approches se font uniquement par radio, ce qui, à l'orée du

XXIe siècle, est tout de même étonnant ! Pensons encore à régler le problème du transport urbain et interurbain et celui des taxis collectifs.

Au lieu de créer un second département à la Réunion ne vaudrait-il pas mieux aider les élus réunionnais à créer, dans des zones de forte densité - je pense à la périphérie de Saint-Denis - des moyens de transport en site propre, du type train ou tramway, comme cela existe en métropole ? Si des efforts sont consentis en ville, avec le développement des bus en site propre, on pourrait aller plus loin. Dans les régions d'outre-mer à forte densité de population il y a sans doute un avenir pour un système ferroviaire moderne.

M. Claude Hoarau.

C'est parti !

M. Dominique Bussereau.

C'est parti doucement ! Monsieur le secrétaire d'Etat. Le vrai débat politique auquel vous n'échapperez pas consiste à ouvrir une réflexion sur le cadre constitutionnel. On ne saurait en rester à des discussions théoriques sur les statuts. Il faut faire en sorte que les DOM entrent dans un système juridique stable et définitif à l'orée du nouveau siècle. Je souhaite que ce thème soit l'objet d'un débat devant la représentation nationale.

Telles sont les réflexions du groupe parlementaire Démocratie libérale et Indépendants sur ce projet, qui sera une occasion ratée. Cela est regrettable car nous aurions pu, tous ensemble, participer à un grand essor pour l'outre-mer en travaillant sur un texte plus ambitieux.

Pour toutes les raisons que j'ai indiquées, monsieur le secrétaire d'Etat, mais vous l'aviez déjà compris, le groupe auquel j'appartiens ne votera pas le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme Christiane Taubira-Delannon.

Mme Christiane Taubira-Delannon.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous examinons ce texte dans un contexte un peu insolite au regard des titres V, VI et VII, qui établissent un nouveau partage de responsabilités et de compétences entre les collectivités et l'Etat, puisque certaines collectivités bénéficiaires de ce nouvel ordonnancement ont choisi de le rejeter sans l'examiner. Vont-elles l'appliquer ? Vontelles ignorer ses innovations ? Il serait surtout dommage que cette situation particulière serve de jurisprudence à la mise en place de nouvelles configurations de répartition de pouvoirs, sans que les collectivités directement concernées aient pu en débattre sur le fond.

M. Henri Plagnol.

Voilà !

Mme Christiane Taubira-Delannon.

On se retrouverait, de fait, dans la situation de centralisme d'avant le décret d'avril 1960 qui impose cette consultation préalable.

M. Henri Plagnol.

Exactement !

Mme Christiane Taubira-Delannon.

En l'occurrence, la réponse appartient aux collectivités.

Je relève que si le Gouvernement semble décidé à se désaisir d'une part de ses prérogatives régaliennes internationales en faveur des collectivités, ce même esprit ne traverse pas le chapitre II du titre Ier consacré à l'emploi


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des jeunes, car l'encadrement, l'accompagnement des jeunes pour l'accès à l'offre de formation dans les pays voisins, j'entends les pays étrangers, ne sont pas encore à l'ordre du jour.

Le titre VIII a prévu d'organiser l'évolution des départements d'outre-mer. Il a subi tellement de métamorphoses et de rétrécissements qu'il m'inspire juste un commentaire sommaire. Compte tenu des dynamiques de terrain et de la fluidité des dispositions, il faudra un volontarisme prométhéen pour y introduire des débats de fond, sereins et féconds sur des questions aussi complexes que la multiculturalité en Guyane et l'effilochement, par endroit, du lien social, la question foncière en Guyane, les enjeux de l'aménagement du territoire, la maîtrise des politiques publiques sectorielles : maritime, agricole, forestière, minière.

Par contre, ce texte contient des audaces sans précédent en faveur des entreprises. Il rompt ainsi en volume et en déploiement, sinon en esprit, avec les mesures d'exonération et de dérogation élaborées depuis 1952, qui ont connu un niveau exhaustif en 1980 puis un point culminant en 1986 avec la loi Pons et un premier élargissement en 1994 avec la loi Perben.

Le premier effet, indésirable à mon avis, sera le risque de contagion, parce que le message peut-être le plus clair ou le plus lisible est sans doute la prime donnée à l'incivisme. J'ai même eu parfois l'impression que les entreprises étaient devenues la catégorie sociale la plus vulnérable à protéger.

Les discussions sur les effets de seuil ont été importantes, plus encore que sur les effets d'aubaine que les guichets des multinationales vont pourtant se dépêcher de saisir.

En revanche, les discussions sur la nécessité du contrôle des emplois créés et sur les sanctions des abus ont été plus difficiles, comme si la doctrine libérale était devenue une religion avec ses commandements d'exonérer et ses interdits de surveiller et de punir.

Tout cela va certainement donner un ballon d'oxygène aux entreprises. Néanmoins je me demande si nous répondrons bien ainsi aux faiblesses chroniques des très petites entreprises, des petites entreprises, des moyennes entreprises et si ces facilités vont satisfaire leurs besoins en fonds propres, en fonds de roulement, dans un contexte bancaire déprimé et morose, avec la nécessité d'un encadrement pour une gestion rigoureuse du compte 104 du plan comptable général et la mise en place de services communs.

J'ai donc regardé quelles avaient été la nature et l'intensité des interventions gouvernementales dans le lancement de la politique d'investissement pour la reconstruction de la France après la guerre.

L'Etat a joué un rôle central. Il a ventilé l'aide américaine du plan Marshall et décidé des dépenses d'équipement orientées. Il a pris le contrôle des leviers de la finance en nationalisant la Banque de France. Il a fixé les conditions de recours aux marchés financiers, maîtrisé l'agrément des crédits bancaires et lancé une politique de réescomptes, de prêts bonifiés et de garanties. Il a financé des activités coûteuses dont la rentabilité était incertaine.

Il a placé le Trésor public au centre du dispositif afin de transformer les liquidités à court terme en moyens de financement à long terme, de sorte qu'entre 1948 et 1951, le fonds de modernisation et d'équipement a fonctionné comme le banquier du Plan, à côté d'autres fonds chargés de la construction, de l'équipement rural, de la conversion et du reclassement de la main-d'oeuvre.

Tous ces fonds ont fusionné en 1955 dans un fonds de développement économique et social et, à partir de 19661967, les lois Debré ont permis aux banques de prendre progressivement le relais de l'Etat,

M. Emile Blessig.

Que faites-vous de l'Europe ? La Guyane veut-elle en sortir ?

Mme Christiane Taubira-Delannon.

La Guyane décidera de ce qui conviendra le mieux à son avenir ! En 1960, l'amortissement dégressif a été institué.

Entre 1967 et 1975, des aides fiscales ont été remplacées, compte tenu de leur efficacité douteuse, par des baisses d'impôt, celui sur les sociétés étant ensuite passé de 50 % en 1985 à 33,3 % en 1993. Tout cela n'est pas si vieux.

Ces mesures ciblées et structurées ont été nécessaires pour la reconstruction de l'économie, laquelle n'avait pourtant pas perdu la totalité du bénéfice du premier processus d'accumulation du capital qui datait de la traite de l'esclavage, donc du pillage de l'Afrique et des Amériques, et qui avait permis à l'appareil productif de la France de passer d'une économie féodale à une économie agricole productive, puis à une économie industrielle diversifiée.

Il ne s'agit pas pour nous de suivre le même parcours, mais nous devons nous interroger sur l'opérationnalité de telles mesures en fonction des besoins et du contexte.

Autre exemple : l'Algérie et le Venezuela, ont utilisé leurs recettes issues des exportations en hydrocarbures et en gaz pour financer leur industrie lourde et légère de seconde transformation.

M. Henri Plagnol.

Brillants exemples ! Quelles réussites ! Ce sont sans doute des modèles à suivre !

Mme Christiane Taubira-Delannon.

Chacun sait qu'il n'y a de défaillances ni dans l'économie ni dans la société françaises !

M. Henri Plagnol.

Demandez aux Algériens et aux Vénézuéliens !

Mme Christiane Taubira-Delannon.

J'ai le sens du discernement et je ne globalise pas les pays ! Je ne les stigmatise pas et je respecte les forces progressistes qui existent dans tous les pays du monde !

M. Claude Hoarau et M. Ernest Moutoussamy.

Très bien !

M me Christiane Taubira-Delannon.

Certains pays miniers ont choisi d'adosser leur stratégie de développement à leur politique d'exploitation minière. Ce n'est même pas le cas en Guyane.

Toutes ces mesures vont donc soulager les entreprises, mais elle provoqueront la légitime exaspération des contribuables qui continueront à supporter les charges fiscales, celle des retraités qui sont de plus en plus nombreux à perdre leur patrimoine immobilier, accumulé parfois durant plusieurs générations, celle des ménages surendettés dont les dossiers de surendettement ne sont même pas traités selon la loi Neiertz.

Quant aux allocataires du RMI, ils apprécieront sans doute de savoir que, pendant au moins trois ou cinq ans, il continueront à vivre avec 1 700 francs ou 2 500 francs par mois, surtout quand ils sauront, en plus, que les critères d'attribution du RMI outre-mer sont différents et que certains d'entre eux en sont exclus ; que certains d'entre eux relèveraient de l'indemnisation chômage si le système fonctionnait normalement, et que les 20 % de la créance de proratisation qui servent au financement du


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logement social ne sont même pas vérifiés en termes de croisement de fichiers pour s'assurer que ces sommes vont bien là où elles devrait aller.

Les maires des commune les plus dépourvues vont sans doute beaucoup apprécier ce qui va leur rester des 40 millions prévus à l'article 33. Ils seront polis parce qu'ils savent qu'on ne proteste pas lorsqu'on prend déjà chez les pauvres pour donner aux pauvres ! Et ceux qui n'ont rien à voir avec tout cela seront certainement contents de savoir que les primes de chaleur et de serpent sont maintenues. En effet lorsque ces primes d'attraction tropicale ont été instituées par le décret

« cadeau de Noël » du 22 décembre 1953, sous le nom pudique d'indemnités d'installation et de départ, la principale motivation affichée étant qu'il fallait envoyer dans ces contrées lointaines des fonctionnaires dont on n'était pas sûrs qu'ils auraient la fibre missionnaire. Il est vrai qu'à l'époque, les tropiques et l'équateur paraissaient presque aussi lointains que du temps de Christophe Colomb et que le voyage en bâteau pour arriver jusque-là ressemblait peut-être à une expédition coloniale, en classe de luxe tout de même.

On leur a donné surtout la pire des motivations et ils sont tous devenus suspects de chasser la prime, même lorsqu'ils postulaient, en fait, par curiosité ethnologique, par goût du carnaval, par exotisme anthropologique, par quête des origines de l'homme ou par vénération de Krishna ! La mesure était censée permettre d'attendre que nous ayons une formation suffisante pour occuper nous-mêmes les postes. Or, cela fait maintenant un certain temps que les jeunes de nos pays effectuent des études brillantes et qu'ils rayonnent ici et là. Ils sont d'ailleurs souvent obligés de saisir leur député pour obtenir une mutation chez eux !

M. Elie Hoarau.

Absolument !

M me Christiane Taubira-Delannon.

Le décret du 15 octobre 1960 qui autorisait les préfets à muter d'office - et sans prime - des fonctionnaires jugés représenter un risque pour l'ordre public...

Mme Huguette Bello.

Mesure scélérate !

Mme Christiane Taubira-Delannon.

... a permis à ces gouverneurs récemment départementalisés d'expulser de leur propre territoire des leaders actifs et charismatiques et des fonctionnaires locaux qui, se croyant dans un pays de libre d'expression, avaient le tort de manifester avec ferveur leur attachement à leur terre d'origine et leurs idéaux.

Mme Huguette Bello.

C'est vrai ! Il faut rappeler tout ça.

Mme Christiane Taubira-Delannon.

Je me demande donc quel intérêt le présent gouvernement aurait à maintenir ces primes. Cela ne se justifie ni sur le plan de la morale publique, ni sur le plan financier - parce que ces sommes grèvent les budgets de l'Etat et des collectivités ni sur le plan économique, parce qu'elles ne contribuent même pas à la consommation locale. D'ailleurs, si elles le faisaient, elles auraient un effet inflationniste puisqu'elles augmenteraient les salaires de la fonction publique et doperaient l'économie d'importation. Elles n'apportent aucune contributon à l'épargne nécessaire au financement des investissements. Par conséquent, sauf raisons mystérieuses, je ne vois pas à quoi servirait de maintenir un dispositif aussi générateur de distorsions.

M. Dominique Bussereau.

Très bien !

Mme Christiane Taubira-Delannon.

Le titre IV consacré aux questions culturelles ne soulève pas non plus l'enthousiasme, parce que la complexité de la multiculturalité en Guyane et les défis qu'elle lance à la cohésion sociale ne peuvent être pris en charge par quelques lucarnes ouvertes sur les langues régionales, sur le prix du livre et sur le rattachement universitaire de l'IUFM. Les questions culturelles sont consubstantielles à l'organisation sociale et aux rapports économiques. Les Amérindiens ont soulevé des protestations. Il y a lieu de les écouter et de les soumettre à débat.

Les Bushinenges ont beaucoup à dire et à exiger.

M. Henri Plagnol.

C'est vrai !

Mme Christiane Taubira-Delannon.

Les autres Guyanais des milieux ruraux et urbains, confrontés au sousaménagement du territoire, savent qu'on ne peut faire l'économie d'un débat de fond sur l'accès à l'éducation et aux cultures.

M. Henri Plagnol.

Très bien !

Mme Christiane Taubira-Delannon.

L'alignement du prix du livre, dont les effets pervers risquent, aux dires de tous les professionnels, commerciaux et culturels, d'être fatals à l'offre d'ouvrages, ne peut évacuer le débat de fond d'une politique de promotion culturelle, de promotion de la lecture et d'un plan d'urgence d'ajustement des ratios de surfaces pour les bibliothèques, les médiathèques et les autres espaces publics de lecture.

M. Henri Plagnol.

Très juste !

Mme Christiane Taubira-Delannon.

On ne peut se contenter de rattacher l'IUFM à une université extérieure comme si la Guyane était condamnée à n'avoir jamais sa propre université alors qu'elle héberge de véritables pôles d'excellence en matière de technologie spatiale et hydroélectrique et qu'elle a sur son sol des centres de recherche scientifique qui d'ailleurs développent des pratiques de coopération avec les pays voisins.

Le droit commun est dévastateur. Il l'est pour les entreprises et pour les artisans comme il l'est pour les écoliers et les étudiants. Bref, il l'est pour nous tous.

C'est pourquoi il faut que nous participions de plus en plus à l'élaboration, à l'évaluation et au réajustement des politiques publiques dans les domaines culturels, éducatifs, audiovisuels, administratifs, financiers, fiscaux et sociaux.

Le texte de loi qui nous est présenté contient des réponses non négligeables et urgentes à des maux réels et pressants, mais il n'envisage qu'un traitement symptomatique des problèmes. Il reste à s'attaquer aux causes mêmes du non-développement et de la morosité cyclique, des éruptions sociales, du désenchantement persistant, de l'exaspération hyperbolique qu'il entraîne. Les réponses à ces questions sont sur le terrain. Elles sont entre nos mains, dans notre aptitude à les explorer, à les disséquer, à les formuler.

M. Gérard Grignon.

Très bien !

M me Christiane Taubira-Delannon.

Parce que les consciences des peuples sont portées par leurs minorités, nous prendrons appui sur nos artistes, sur nos créateurs en tous arts, dont l'appartenance ethno-culturelle est à la fois un étendard et un laissez-passer vers d'autres cultures, et qui s'obstinent à dire, à chanter, à peindre, à sculpter et à filmer notre génie - eh oui ! - comme nos turpitudes et nos embardées, notre persévérance comme nos improvisations.


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M. Henry Jean-Baptiste et M. Dominique Bussereau.

Bravo !

Mme Christiane Taubira-Delannon.

Nous nous appuierons aussi sur les femmes de nos campagnes et de nos villes qui ressuscitent ou inventent des métiers ignorés par les statisticiens, sur les enseignants qui refusent de capituler devant la multiculturalité récalcitrante, sur les médecins qui croient encore que le droit à la santé est un droit de l'homme, de la femme et de l'enfant - surtout s'ils sont faibles et isolés - sur les avocats qui conservent leur combativité même lorsqu'ils sont commis d'office, sur les magistrats qui ne conçoivent pas la justice comme une expédition punitive et qui savent que la détention préventive est une punition avant jugement exigeant l'accélération de l'instruction judiciaire, sur les fonctionnaires de tous métiers qui font oeuvre de service public, sur les agriculteurs qui savent rendre la terre complice de leur volonté, sur les capitaines d'industrie qui croient encore à l'entreprise citoyenne, sur la jeunesse qui ne comprend pas que l'on s'accommode d'un monde aussi injuste et délirant, sur la diaspora qui s'arc-boute sur toutes les nouvelles venues du pays et dont le coeur palpite au rythme de celui-ci, selon ses victoires, ses tressautements et même ses désappointements, sur tous les associatifs bénévoles qui recousent sans bruit le lien social et redonnent le goût du rêve aux exclus.

Pendant quelque temps encore, nous paraîtrons imprévisibles et déconcertants. C'est vrai qu'il est difficile de nous comprendre. Nous avons toujours l'air de prendre la mouche, de vouloir discuter, puis de bouder. Le moindre impair, même sans intention d'offenser, lacère nos âmes d'écorchés vifs. Nous sommes irritables et pointilleux, ombrageux, nerveux : nous portons notre dignité à fleur de peau.

(Sourires.)

Mais c'est qu'il fallait du ressort pour affronter l'humiliation et les injustices, l'arrogance et les impostures, les feintes et les parjures !

M. Henry Jean-Baptiste.

C'est vrai !

Mme Christine Taubira-Delannon.

Depuis, nous battons pavillon de susceptibilité et de méfiance.

Mais nous sommes majoritairement imaginatifs et raisonnables et nos impatiences bruissent déjà de nos desseins hardis pour cet avenir en invention. Et si le Gouvernement veut bien tendre l'oreille, il saura les entendre.

(Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Louis Debré.

M. Jean-Louis Debré.

Monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de loi est décevant. Il est très loin des espoirs suscités par le grand discours prononcé par le président de la République, le 11 mars dernier, à la Martinique.

La déception des élus d'outre-mer, de tous ceux qui aiment l'outre-mer - en dépit du caractère parfois déconcertant de sa population -, et de tous ceux qui ont une grande ambition pour elle, est évidente. Manifestement, l'outre-mer n'est pas une priorité pour le Gouvernement actuel.

Votre projet de loi cristallise tous les mécontentements, y compris ceux de vos amis. D'ailleurs, en écoutant Mme Taubira-Delannon, j'ai eu l'impression qu'elle allait voter contre.

Nous examinons, ce soir, un projet de loi pour le moins « édulcoré », selon le mot employé par votre rapporteur lui-même. Vore méthode de travail n'est plus adaptée à notre temps. Elle peut finalement se résumer en trois mots : improvisation, manque d'ambition et absence de concertation avec les élus locaux.

Improvisation, d'abord. Une simple étude juridique préalable aurait évité au Gouvernement de se fourvoyer en proposant la création d'un congrès qui, à l'évidence, est incompatible avec l'article 73 de la constitution. L'avis du Conseil d'Etat vous a obligé à revoir ce dispositif, dont vous avez limité la portée. De toute façon, c'est une mesure inutile et vous avez échoué car vous n'avez même pas réussi à l'imposer à vos propres amis puisque la commission des lois a purement et simplement rejeté cet article.

Quoi qu'il en soit, les élus d'outre-mer peuvent se réunir, débattre et faire au Gouvernement des propositions d'évolutions statutaires sans qu'il soit besoin de créer une nouvelle et troisième institution locale.

L'improvisation et l'absence de vraie concertation avec les élus se voient également dans la méthode utilisée par le Gouvernement pour créer le deuxième département à La Réunion. Celle-ci illustre malheureusement toute votre politique : échéance brusquement avancée, découpage contestable et curieux proposé sans consultation, un texte de douze pages ramené à six lignes pour renvoyer - quelle confusion ! - la réforme à un autre texte. Tout cela manque de sérieux.

Vous ne savez pas ou vous ne voulez pas écouter les acteurs locaux. Vous ne tenez pas plus compte des rapports d'experts - qui ont été nombreux sur l'outre-mer ni les avis exprimés par les assemblées locales. Six assemblées sur huit ont repoussé votre projet et, malgré ces votes, vous persistez dans l'erreur. Monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi un tel entêtement ? Cela n'est pas sérieux ! Les populations d'outre-mer, comme tous les Français, veulent être entendues, respectées et associées aux décisions. Le temps du parternalisme est révolu. Quand le comprendrez-vous ?

Mme Huguette Bello.

Et c'est lui qui dit ça !

M. Jean-Louis Debré.

Préparé dans de telles conditions, le projet de loi ne pouvait pas être un bon texte pour l'outre-mer. Il manque d'ambition. Or l'outre-mer en a besoin. Ce n'est qu'un projet de loi d'orientation, pas un projet de loi de programme.

Sur le plan institutionnel, vous n'avez pas encore compris que le modèle unique pour tous, c'est fini. Ce qu'il faut, c'est, comme l'a indiqué le Président de la République, une réflexion globale et cohérente dans le respect à la fois de l'unité de la République et de l'identité de chacun. Il faut en tirer toutes les conséquences juridiques. Votre politique relève d'une improvisation dont les considérations politiques sont évidentes. Nous, nous voulons une véritable refondation des liens avec les populations d'outre-mer dans le respect de l'unité de la République. Déjà trés insuffisant, votre texte prévoit en outre des dispositions économiques et sociales dont certaines, comme l'a montré M. Dominique Bussereau, peuvent avoir des effets pervers.

Fier de son histoire et fort de l'affection très profonde qui le lie aux départements d'outre-mer, le groupe du Rassemblement pour la République aborde le

XXIe siècle sans craindre les évolutions nécessaires. Celles-ci doivent sant tarder être amorcées avec le concours de toutes les populations et de tous les élus d'outre-mer.

Votre projet, monsieur le secrétaire d'Etat, est incapable - et c'est dommage - de susciter une nouvelle espérence pour l'outre-mer. C'est la raison pour laquelle le


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groupe du Rassemblement pour la République ne le votera pas (Applaudissements sur les bancs du groupe duRassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Ernest Moutoussamy.

M. Ernest Moutoussamy.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, jamais l'élaboration d'un texte sur l'outre-mer - n'en déplaise à M. Debré ! - n'aura été aussi consciencieuse, aussi féconde en propositions et rapports et n'aura suscité autant de déclarations, de prises de position et d'espoir !

Exceptionnel par sa préparation, ce texte fondamental peut l'être aussi par ses résultats tant sur le plan du développement économique et social que sur celui de l'exercice de la responsabilité, c'est-à-dire d'un pouvoir local dans un cadre statutaire neuf et adapté.

Vous l'avez compris, l'enjeu est de taille. Il s'agit de doter les « quatre vieilles colonies » de moyens efficaces et justes et d'institutions nouvelles pour qu'elles tentent de s'évader de la situation catastrophique actuelle afin d'assumer leur avenir dans la République, dans l'Union européenne et dans leur zone géographique.

Aussi la démarche politique du Gouvernement, unique et remarquable par son originalité, par l'ampleur du champ de réflexion et de concertation et par la portée des orientations issues du débat démocratique, inscrit-elle la discussion parlementaire de ce projet de loi dans un cadre débarrassé des préjugés et des tabous.

De Pointe-à-Pitre au Caire, en passant par Basse-Terre et Fort-de-France, par les contributions de toutes les organisations politiques et professionnelles, une véritable résurrection s'est produite dans une avalanche de propositions emportant les repères traditionnels et les frontières idéologiques. Ce n'est nullement signe de folie mais plutôt signe de passion. Pour nous qui étions en panne de pensée, de perspectives, de créativité théorique, le mouvement est ainsi lancé pour la grande mutation qu'impose un Etat moderne « qui libère les énergies et les volontés, qui respecte les hommes et les femmes, l'identité des cultures et des peuples ».

Toutes nos intelligences, toutes nos expertises, toutes nos forces sont donc convoquées au banquet de l'imagination. N'est-ce pas, chère collègue Taubira-Delanon ? Le débat, qui brasse toutes les options - du statut départemental à l'indépendance - témoigne d'une forte vitalité démocratique, d'une grande maturité politique et prouve surtout que nos départements ont besoin d'un statut progressiste, adapté aux exigences d'un monde nouveau et correspondant à l'image d'une République fidèle aux droits de l'homme et aux droits des peuples. Dès lors, une question fondamentale se pose : un statut, pour quoi faire ? Au service de quel projet de société ? Dans un monde où l'interdépendance dicte sa loi à l'indépendance, où les Etats sacrifient chaque jour des pans entiers de leur souveraineté, où la mondialisation fait des ravages, où les moyens de communication et d'information s'imposent de façon outrancière, il n'est pas simple de dessiner les contours de notre avenir. Cependant, à notre jeunesse, enthousiaste et ambitieuse, mue par la compétence acquise et l'esprit d'initiative, demandeuse ardente de responsabilités - mais traversée dans le même temps par l'incertitude, et même l'angoisse - il faut, sans attendre, donner des signes forts d'espoir et proposer des réponses constructives. Notre capacité à assumer nous-mêmes une part essentielle de notre destin passe par la mise en oeuvre d'un modèle original et authentique de développement, sous la responsabilité reconnue des élus du suffrage universel de notre pays.

Notre projet de société, dont l'élaboration nécessite la réflexion de tous, sans exclusive et sans hégémonie, appelle un programme dynamique contre le malaise, le chômage, l'absence d'horizon, la perte des repères fondamentaux et le doute identitaire. Nous laissons donc derrière nous les slogans simplistes, les promesses et les recettes miraculeuses, pour traiter d'un sujet dont la solution n'a jamais été évidente.

C'est à ce niveau, monsieur le secrétaire d'Etat, que les t ermes de l'équation de notre appartenance à la République et à l'Union européenne, doivent être mieux définis et pleinement valorisés. Cela implique la consolidation des acquis progressistes, la défense et l'utilisation plus rationnelle des moyens disponibles, et un nouvel ancrage dans la Communauté européenne à la lumière de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam.

La France ne devrait-elle pas saisir l'occasion que va lui fournir sa présidence prochaine de l'Union européenne pour nous aider à bénéficier, d'une part, de la garantie de marché pour nos productions traditionnelles et de revenus pour nos producteurs et, d'autre part, d'un statut social et fiscal particulier, en nous donnant des moyens adéquats pour compenser nos handicaps structurels ? L'outre-mer ne pourrait-elle pas être aussi une des priorités de la présidence française ? Au coeur de cette problématique, je suis convaincu que l'outre-mer peut faire émerger le projet attendu par la jeune génération, dès lors que tous les paramètres sont réunis et maîtrisés dans une réflexion locale prenant en compte les valeurs de la démocratie, la diversité culturelle, l'éducation, la santé, la formation, l'aménagement du territoire, l'environnement.

Envisager une avancée institutionnelle, qui passe par une révision de la Constitution, à l'heure où, dans l'Union européenne même, les départements d'outre-mer b énéficient d'un statut particulier au titre de l'article 299-2, me paraît tout à fait naturel, en tout cas indispensable pour la construction de l'avenir, d'autant que, et c'est probablement dans le présent débat la dimension politique la plus intéressante, l'évolution statutaire des départements d'outre-mer ne constitue pas une p ierre d'achoppement entre M. le Président de la République et M. le Premier ministre, du moment qu'elle ne met pas en cause la République et ses valeurs fondamentales. C'est bien ce qui résulte des déclarations officielles faites récemment et cela constitue pour nous une chance exceptionnelle dont il faut saisir la portée.

A ce sujet, il me paraît important de souligner l'évolution considérable de la position de la droite locale sur la question du statut. C'est l'un des éléments majeurs du débat actuel. Elle laisse penser que le rêve des forces progressistes, vieux d'un demi-siècle, a enfin une chance de se réaliser dans un cadre où l'affrontement traditionnel laisserait la place à un minimum de consensus. En effet, à entendre M. le Président de la République, les anciens ministres de l'outre-mer et les voix autorisées de l'opposition actuelle, une majorité parlementaire en faveur de la révision constitutionnelle pourrait être constituée.

Le projet de loi qui nous est soumis répond-il à toutes ces attentes ? La discussion permettra d'en juger.

Aujourd'hui, pour l'essentiel, c'est à la Guadeloupe de se prononcer avec clarté et de façon majoritaire sur un projet. Encore faut-il que ce dernier soit élaboré démocratiquement. C'est pourquoi j'approuve la mise en place


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d'un congrès qui nous permettra de sortir du champ des propositions personnelles et partisanes et de mettre les contributions de tous dans le creuset de la réflexion.

Cependant, dans la mesure où chaque assemblée pourra amender le projet issu du congrès et, en définitive, soumettre son option propre au gouvernement, il est nécessaire pour ce dernier d'être aussi saisi des propositions du congrès.

Aussi est-il indispensable d'obtenir pour cet espace de débats et de propositions une rédaction plus cohérente, plus précise, avec un calendrier législatif, voire de révision constitutionnelle, si la population concernée en décidait ainsi. C'est le sens des amendements que nous proposons à l'article 39.

En tout état de cause, vous ouvrez la voie à l'évolution démocratique du statut des départements d'outre-mer. Je salue avec émotion cette initiative attendue depuis un demi-siècle. Les progressistes apprécieront l'importance de ce jalon dans notre histoire. J'ose penser que le Conseil constitutionnel ne coupera pas cet élan et que notre population prendra pour la première fois rendez-vous avec son avenir dans les plus brefs délais.

Aux forces politiques locales d'assumer et de gérer cette avancée réclamée depuis si longtemps.

Par ailleurs, ce texte dont la portée est incontestable, nous donne aussi rendez-vous avec le présent.

En effet, pour la première fois, les marins-pêcheurs vont bénéficier d'une diminution des cotisations ENIM.

M. Gérard Grignon. Très bien ! M. Ernest Moutoussamy. Les agriculteurs pourront poursuivre la restructuration des exploitations et la diversification, grâce à l'exonération des cotisations AMEXA jusqu'à 40 hectares pondérés.

Le dispositif retenu en faveur des entreprises laisse espérer leur résurrection.

Les jeunes pourront s'investir dans le projet initiativejeune.

Les bénéficiaires du RMI et des autres minima sociaux pourront tenter un retour à l'activité.

Le développement de la culture et des identités trouvera des leviers intéressants avec le prix unique du livre et l'application à la langue créole de trente-neuf mesures de la charte des langues régionales.

Les collectivités locales pourront s'engager davantage dans la coopération régionale.

A l'énoncé de ces mesures, les 50 000 chômeurs de la Guadeloupe, les 25 000 RMistes, les 27 000 petites entreprises pourraient penser à la fin de leur cauchemar, de leur échec, de leurs incertitudes. Ce ne sera malheureusement pas le cas.

Il manque en effet au dispositif, pour une application performante, un cadre local approprié. Dans notre région, par exemple, il n'y a pas de schéma d'aménagement, pas de schéma de transport, de développement touristique, pas de vision d'avenir, pas de politique prospective. De plus, les collectivités locales, faute de projets et de moyens, pourront très difficilement capitaliser les ressources des contrats de plan, du DOCUP, des fonds européens, pour impulser un projet de développement durable porteur de richesses et d'emplois dans le secteur marchand, susceptible de faire reculer le chômage de façon massive.

C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je regrette les faiblesses et les insuffisances du projet de loi qui portent sur l'absence de mesures fortes en faveur de la production agricole, de l'emploi non marchand, de l'économie solidaire, des collectivités locales, des investissements productifs, du crédit au développement, de l'éducation et des transports.

Aussi est-il nécessaire que le Gouvernement entende les propositions qui lui sont faites dans ces différents domaines par les nombreux amendements déposés, pour que le projet de loi connaisse une application dynamique, cohérente et féconde en emplois.

En conclusion, le chemin de la construction de la Guadeloupe ne relève pas de l'improvisation ou du néant.

Son tracé résulte d'un passé colonial, d'un demi-siècle d'assimilation, d'identité législative, de gestion décentralisée. Il passe aujourd'hui par un compromis entre toutes les options politiques, dans la redéfinition du lien institutionnel avec la nation. C'est la seule voie susceptible de sauvegarder l'identité, de promouvoir la responsabilité, de maintenir le contact avec le progrès et de pérenniser la c onfiance des populations d'outre-mer dans la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Gérard Grignon.

M. Gérard Grignon.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si je tiens à ce que Saint-Pierre-et-Miquelon soit concerné par ce projet de loi d'orientation relatif à l'outre-mer, c'est essentiellement en raison des dispositions destinées à favoriser l'emploi.

Je ne m'étendrai pas longuement sur les difficultés économiques bien spécifiques et bien réelles que rencontre l'archipel. Je rappellerai simplement que l'arbitrage frontalier de New York, en juin 1992, et les moratoires sur la pêche à la morue qui ont suivi, en 1993, ont totalement sinistré l'économie de l'archipel, tout en laissant une population traumatisée, interrogative et perplexe quant à son avenir et à sa raison d'être.

En 1990, 1991 et 1992, pour ne citer que ces années, le taux de couverture de l'ensemble des importations par les exportations des produits de la mer était respectivement de 48, 54 et 49 %, mais seulement de 8 % en 1993 et 1997.

La baisse des quotas de pêche depuis le début des années 80 puis le moratoire de 1993 ont considérablement ralenti et même anéanti l'activité portuaire. Près de 700 navires de pêche étrangers fréquentaient le port de Saint-Pierre pour un tonnage brut de 500 000 tonnes dans les années 70 et le début des années 80. En 1994, 57 bateaux de pêche étrangers seulement ont fait escale dans le port de Saint-Pierre pour dix fois moins de tonnage, soit 50 000 tonnes.

Les deux sociétés de pêche et de transformation du poisson ont licencié plus de 300 personnes depuis 1994, ce qui est énorme à l'échelle de notre population. L'une de ces sociétés, Miquelon SA, a d'ailleurs totalement disparu.

La crise est donc réelle, monsieur le secrétaire d'Etat, et vous comprenez pourquoi j'accorde priorité à l'emploi et à la diversification économique.

En dépit de ce choc des années 1992 et 1993, la population n'a jamais baissé les bras. En effet, depuis 1994, l'archipel a fait face en mettant en place une véritable politique de diversification économique.

Certes, cette politique en faveur de l'emploi a porté ses fruits puisque, au cours des six dernières années, en dépit de la fermeture des usines de pêche, le taux de chômage fut toujours inférieur à celui d'avant 1994, mais elle


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trouve rapidement ses limites du fait de handicaps structurels lourds, comme le coût des transports, l'absence de matières premières, en particulier depuis le moratoire de 1993, qui impose un recours important à l'importation, l'étroitesse du marché intérieur qui contraint les investisseurs à un développement immédiat de leurs exportations.

Par ailleurs, si l'exploitation des hydrocarbures est, j'en suis convaincu, la chance de l'archipel, il faudra encore attendre six ou sept années pour arriver à une certaine concrétisation.

Cette situation de l'emploi dans l'archipel, même si notre taux de chômage est nettement meilleur que dans les quatre DOM, est extrêmement fragile et inquiétante.

Il est donc impératif de réduire les handicaps structurels.

Pour cette raison, j'ai toujours insisté sur la nécessité de pérenniser les dispositions d'exonération des charges sociales patronales ainsi que les primes à la création d'emploi nées de la loi Perben, voire de les améliorer, et, bien évidemment, de les appliquer à Saint-Pierre-etMiquelon, d'autant que les coûts salariaux chez nos voisins des provinces atlantiques demeurent nettement inférieurs aux nôtres du fait de l'importance des aides de l'Etat et du poids moins élevé des charges pesant sur les entreprises. Nous sommes, nous aussi, très brimés par la concurrence immédiate.

Ainsi, lorsque les dispositions du dispositif d'ordre économique du présent projet de loi sont rendues applicables à la collectivité territoriale, je ne peux qu'être satisfait. Je vous avais également soumis une proposition de modulation de la prime à la création d'emploi quant à son montant et au taux d'exportation exigé. Je constate que votre projet de loi a repris ce schéma, à moins que vous n'en ayez eu l'idée auparavant. Ces dispositions ne peuvent donc qu'être favorables à la création d'emplois ainsi qu'à la diversification des activités économiques dans l'archipel et, d'une manière générale, dans l'ensemble de l'outre-mer.

Et, c'est vrai, mes chers collègues, on ne peut d'un côté, au plan national, contester des mesures telles que les 35 heures ou les emplois jeunes tout en affirmant que la seule disposition qui vaille serait la baisse des charges qui pèsent sur les entreprises et, lorsqu'il s'agit de l'outre-mer, contester un système qui consiste à supprimer totalement les charges patronales dans presque tous les secteurs d'activité économique.

M. Henry Jean-Baptiste.

C'est vrai !

M. Gérard Grignon.

Quels arguments avancer pour expliquer qu'on est pour les exonérations de la loi Perben et contre celles prévues par la loi Queyranne, qui sont trois fois plus élevées ? Qu'on me donne une explication et je reverrai ma position, mais je suis persuadé que les arguments ne tiendraient pas debout.

Ces dispositions sont donc positives pour l'emploi dans l'archipel, monsieur le secrétaire d'Etat, d'autant que les mesures propres à favoriser l'emploi des jeunes, le titre de travail simplifié, l'aide à la réinsertion professionnelle, sont également rendues applicables à la collectivité territoriale.

J'ai cependant déposé plusieurs amendements, dont certains sont tombés sous le coup de l'article 40.

J'en évoquerai deux : le premier, relatif aux exonérations et contributions des employeurs et travailleurs indépendants, prévoit qu'il soit tenu compte du plafond de sécurité sociale en vigueur dans l'archipel ; il a été adopté ce matin en commission des lois ; le second tend à faire en sorte que, comme en métropole et dans les DOM, les exonérations de charges sociales autorisées soient intégralement remboursées à la caisse de prévoyance sociale par le budget de l'Etat. Je sais que le Gouvernement le reprend et je vous en remercie parce qu'il s'agissait d'une demande forte de la caisse de prévoyance sociale.

Je voudrais également profiter de l'occasion qui m'est offerte pour rappeler le problème posé par le fonctionnement de la fonction publique dans l'archipel, qu'il s'agisse de la promotion des agents locaux aux différents postes de responsabilité ou de l'accès des jeunes à la fonction publique, la décentralisation des concours, mais j'aurai l'occasion d'y revenir plus tard, puisque j'ai également déposé un amendement visant à créer dans l'archipel un observatoire de la fonction publique.

Ce texte est aussi l'occasion d'apporter quelques améliorations importantes relatives aux échanges éducatifs, culturels, sportifs, ainsi qu'à la protection sociale.

J'ai ainsi demandé l'application à l'archipel de l'article 21 de la loi afin que nous puissions bénéficier du fonds destiné à promouvoir les échanges éducatifs, culturels ou sportifs vers la métropole ou les provinces maritimes.

De même, par voie d'amendement, j'ai demandé l'application de la loi de 1975 relative aux personnes handicapées, la mise en place du régime invalidité, ainsi que la coordination des régimes d'assurances sociales métropolitains avec celui de l'archipel. L'article 40 est tranquillement passé par là. Je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, que cet amendement soit également repris par le Gouvernement afin de combler un vide juridique et de rattraper un retard évident dans l'archipel dans certains domaines de la protection sociale. Je sais que vous le reprendrez.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement tient compte de mes demandes en reprenant les amendements qui sont tombés sous le coup de l'article 40, et je considère que les dispositions du titre VIII de ce projet de loi ne peuvent qu'avoir un effet positif sur l'économie et l'emploi à Saint-Pierre-et-Miquelon. C'est pourquoi, indépendamment des appartenances et des considérations politiques, à titre personnel, je le voterai. Je le voterai parce que j'étais demandeur. Je le voterai dans l'intérêt de Saint-Pierre-et-Miquelon, parce que je pense tout simplement que ce projet est bon pour Saint-Pierre-et-Miquelon.

Et puis, ce projet, dans son article 41, propose certaines dispositions d'ordre institutionnel.

C es dispositions touchent au fonctionnement du conseil général, aux compétences en matière d'urbanisme, à la répartition des recettes fiscales.

La dernière disposition institue une conférence des finances locales. Ces réformes étaient réclamées depuis six ans par le maire de Saint-Pierre et le maire de Miquelon.

Or le maire de Saint-Pierre vient de prendre la présidence du conseil général tout en conservant son siège de maire.

C'est une réforme institutionnelle de fait. C'est l'Assemblée unique de fait qui serait de nature à combler notre ami Camille Darsières ! (Sourires.) Le problème, c'est que le président du conseil général et sa majorité nouvellement élue ne veulent pas de ces dispositions. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement de suppression des trois dernières dispositions d'ordre institutionnel de l'article 41.

Je m'en expliquerai plus tard.


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Je ne m'étendrai pas davantage puisque j'aurai l'occasion de revenir plus en détail sur certains sujets lors de la discussion des articles, mais je voudrais insister sur deux points qui me paraissent importants.

Le premier, c'est la rédaction du cahier des charges relatif au transfert des compétences pour ce qui concerne les ressources halieutiques, biologiques et non biologiques du sous-sol marin et des eaux sus-jacentes dans la zone économique exclusive autour de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le décret en Conseil d'Etat n'est encore pris. Or il est important, compte tenu du dossier pétrolier.

Le second concerne les activités de transbordement douanier qui s'effectuaient dans le cadre légal de la réglementation européenne et de la loi statutaire et qui sont interrompues depuis mi-1999. Il s'agit d'un manque à gagner considérable pour la collectivité territoriale.

La Commission européenne n'a pas encore rendu sa décision sur la suite à donner à cette affaire, mais je considère que ces opérations s'effectuent en toute légalité et que, si la Commission n'apporte pas la preuve d'une quelconque illégalité, elle devra rembourser les sommes perdues par la collectivité depuis juin 1999. Pour ce faire, le Gouvernement devra sans doute porter l'affaire devant le tribunal de La Haye ou donner à la collectivité territoriale les moyens juridiques et financiers de le faire ellemême.

Sur un plan général, votre projet présente deux points faibles, monsieur le secrétaire d'Etat, et c'est dommage : l'absence d'un dispositif fort de substitution à la loi Pons, sans lequel aucun investissement productif ne se concrétisera outre-mer, complément indispensable aux mesures d'exonérations fortes de votre projet, et les dispositions d'ordre institutionnel, mais il est exact que rien n'est parfait. Et puis l'outre-mer est tellement divers, avec tant de spécificités particulières.

En tout cas, j'estime que ce projet va dans la bonne direction, qu'il s'agit d'un pas positif pour l'outre-mer en général et pour Saint-Pierre-et-Miquelon en particulier.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe socialiste et sur divers bancs.)

M. le président.

La parole est à Mme Chantal RobinRodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Après M. Grignon, je souhaiterais moi aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, concentrer mon intervention sur Saint-Pierre-et-Miquelon.

Nous avons, vis-à-vis de cette collectivité territoriale de l'Atlantique, un devoir d'écoute, d'attention, et donc de solidarité pour ses 6 500 habitants.

Du point de vue institutionnel, nous souhaiterions voir évoluer le mode d'élection des dix-neuf conseillers généraux de la collectivité. L'instauration d'un système de liste unique pour l'ensemble de l'archipel nous paraîtrait la solution la plus cohérente. Dans le système actuel, en effet, les citoyens de Miquelon se sentent trop souvent considérés comme des électeurs de seconde zone. Cette proposition, qui ferait de l'archipel une seule et même entité, serait de nature à unir les populations des deux communes.

Pour ce qui concerne l'élection du bureau du conseil général, les dispositions contenues dans votre texte constituent certes un progrès. Nous souhaiterions cependant une rédaction plus contraignante de l'article 41, de nature à assurer la représentation de toutes les listes d'oposition au sein du bureau du conseil général.

Nous nous félicitons par ailleurs de l'application à Saint-Pierre-et-Miquelon des mesures du projet de loi relatives au développement économique - Gérard Grignon vient d'en parler longuement. Je me réjouis particulièrement de l'exonération des charges sociales pour les petits exploitants agricoles, dossier sur lequel j'avais, avec mon collègue Jean Rigal, appelé l'attention du secrétariat d'Etat.

Pour en rester aux questions agricoles, il semblerait judicieux d'étendre à l'agriculture le champ de compétence de la chambre de commerce, d'industrie et des métiers. Cette proposition est soutenue par l'assemblée générale de la chambre, par le président du conseil général et par le représentant de l'Etat.

Nous approuvons également le projet initiative-jeune, mais nous souhaiterions une aide de l'Etat accrue lorsque la formation se déroule dans un pays étranger hors Union européenne. Nous regrettons vivement que les dispositions de l'article 21, portant création d'un fonds de promotion des échanges à but éducatif, culturel et sportif, et permettant de compenser en partie l'isolement géographique des départements d'outre-mer, ne soient pas applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon, collectivité territoriale qui n'a pas de liaison directe avec la métropole.

Il serait bon, par ailleurs, que la création d'un titre de travail simplifié, assouplissement de la formule emploijeunes, s'accompagne d'une gestion par les autorités déconcentrées. En effet, le fait que la gestion du dispositif se fasse, je crois, à Saint-Etienne, alourdit la formule et la déconnecte des réalités locales.

Je terminerai mon intervention consacrée à SaintPierre-et-Miquelon par une réflexion plus large sur l'outil de rayonnement de la culture et de la langue françaises, que devrait constituer RFO. Vivant tout près de la grande puissance anglo-saxonne, mais aussi d'un pays - le Canada - où la francophonie se bat avec courage, les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon sont particulièrement sensibles à l'avenir de RFO. Je souhaite, avec tous ceux qui aiment la France, que RFO ne soit pas un simple réseau local, mais un ambassadeur efficace de la culture et de la langue françaises.

Bien évidemment, monsieur le secrétaire d'Etat, les radicaux de gauche voteront ce texte, dont ils vous remercient. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Gérard Grignon et M. André Thien Ah Koon.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Philippe DousteBlazy.

M. Philippe Douste-Blazy.

Depuis cinquante ans, quels q ue soient les gouvernements qui l'incarnaient, la République a su trouver les voies de la stabilité et du d éveloppement dans les départements et territoires d'outre-mer.

En 1946, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion accédaient au statut de département. A partir de cette date historique, ces quatre départements d'outremer, comme on les appelle déjà à l'époque, cessent d'être des colonies pour devenir des départements français, au même titre et avec les mêmes droits que les départements métropolitains.

Ce n'était que justice pour des territoires plus anciennement français que bien des départements de la France métropolitaine. Ce n'était que justice pour des territoires qui, pendant des siècles, avaient largement contribué à la


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prospérité de la France. Ce n'était que justice pour des territoires restés libres quand la France était occupée. Et ce n'était que justice pour des territoires qui participèrent à la libération de la métropole et de l'Europe occupées.

En 1958, les articles 73 et 74 de la Constitution scellaient irrévocablement la départementalisation en l'inscrivant au coeur de nos lois fondamentales tout en offrant à la France d'outre-mer une première reconnaissance de sa spécificité et de ses particularismes. Depuis cinquante ans, la stabilité et la souplesse des institutions ont garanti non seulement l'intégration politique, mais le développement économique des départements et territoires d'outre-mer.

Certes, l'attachement de la métropole aux départements d'outre-mer ne se mesure pas uniquement à l'aune des performances économiques ou de la richesse créée. Il est néanmoins légitime de vouloir faire en sorte qu'aucune portion du territoire national ne soit oubliée par le développement économique, qu'elle soit ou non située à plusieurs milliers de kilomètres de la capitale.

Il faut ici le rappeler avec force, sans le statut de département d'outre-mer, le développement auquel nous avons assisté depuis cinquante ans n'aurait jamais eu lieu, car c'est bien la stabilité politique qui crée le cercle vertueux de la confiance économique.

Or, que constatons-nous depuis vingt ans ? Certains gouvernements ont mis en place des régimes fiscaux et sociaux spécifiques, qui ont eu des effets extrêmement positifs sur le développement et sur le rattrapage en matière économique et sociale avec la métropole.

D'autres gouvernements, en revanche - et celui-ci n'y fait pas exception, monsieur le secrétaire d'Etat -, ont eu pour objectif de transformer les institutions, accroissant ainsi l'incertitude sur le devenir de ces régions.

Le projet que vous nous soumettez est tout d'abord bien tardif, puisque le Gouvernement découvre après trois ans d'existence que la situation dans les départements d'outre-mer nécessite l'adoption de mesures spécifiques.

Tard venu, ce projet de loi d'orientation est également trop flou, trop imprécis. Bon nombre d'articles sont en effet de simples déclarations d'intention : elles n'engagent que ceux qui les écoutent et confondent incantation et décision.

L'UDF aurait souhaité une véritable loi de programmation, à l'instar de celle votée en décembre 1986, neuf mois seulement après l'arrivée au pouvoir du gouvernement de l'époque.

Tardif et incomplet, ce projet de loi se trompe surtout de priorité. La véritable priorité des populations d'outremer, sans cesse rappelée par leurs collectivités territoriales, reste celle du développement économique qui appelle, à l'évidence, des solutions concrètes, concertées et réfléchies : elle n'a que faire d'improvisations, voire de manipulations institutionnelles.

Pourtant, les solutions sont connues de tous et un consensus existe à leur sujet.

Quelles sont, pour nous, les mesures qu'aurait dû contenir ce projet ? Celles concernant la défiscalisation, tout d'abord. Il ne reste plus que des vestiges de la loi de défiscalisation qui a permis à l'investissement outre-mer de connaître une progression fulgurante depuis 1986 ; elle est aujourd'hui en lambeaux. Au lieu de rétablir une défiscalisation attractive pour les investisseurs, le Gouvernement se contente de mettre en place un groupe de travail réservé à quelques professionnels. C'est bien peu, alors que le nombre d'agréments est en chute libre depuis deux ans.

Ce n'est pas tout. Le plan Export est également resté lettre morte. La seule mesure destinée à favoriser les entreprises exportatrices consiste à abaisser le pourcentage du chiffre d'affaires à l'export donnant droit à la prime créée, en 1994, par la loi Perben. Elle est, bien entendu, trop insuffisante pour que l'on considère que ce projet va favoriser durablement le désenclavement économique.

L es organisations patronales et les chambres de commerce ont pourtant fait des propositions précises dont vous auriez dû vous inspirer, monsieur le secrétaire d'Etat. Comment prétendre décentraliser et développer l'initiative locale en restant sourd aux recommandations de ceux qui assurent aujourd'hui la dynamique économique outre-mer ? De même, l'UDF pense que la notion d'entreprise franche est plus pertinente que celle de zone franche, qui n'a pas du tout eu le succès escompté.

Le projet de loi d'orientation est également, selon nous, un projet virtuel, totalement étranger, dans la forme comme dans le fond, aux aspirations locales. Le Gouvernement n'a pas commandé moins de trois rapports sur les causes du « mal-développement » d'outremer. Ils ont en commun de dresser un même diagnostic sur les profondes mutations que devra accepter le tissu économique ultra-marin. De ces réformes en profondeur, le projet ne dit rien.

Or, compte tenu des progrès énormes en matière de productivité, la satisfaction de ces marchés ne peut plus suffire à générer le nombre d'emplois équivalents aux arrivées sur le marché du travail.

Le moment est donc venu de permettre aux producteurs locaux d'exporter leurs productions et, en même temps, d'attirer des investisseurs métropolitains ou étrangers qui considéreront les DOM comme des platesformes pour réexporter dans le monde entier. Nul besoin d'insister sur l'inadéquation complète du projet de loi à cette mutation historique.

Le projet va donc bel et bien à contre-courant de l'histoire économique puisqu'il tend à rendre les institutions plus instables, brisant ainsi le climat de confiance nécessaire aux investisseurs.

Enfin, ce projet de loi est idéologique. Les vrais problèmes des habitants de l'outre-mer sont, hélas, ceux que c onnaissent beaucoup de Français : chômage, délinquance, difficultés pour se loger. Or, que nous propose le Gouvernement pour sortir les départements d'outre-mer des difficultés que leurs habitants rencontrent ? La création d'un organe institutionnel, destiné à faire des propositions en matière institutionnelle, et celle d'un second département à la Réunion.

L'UDF aura l'occasion de revenir sur le projet de création d'un congrès. Mais j'aimerais appeler particulièrement votre attention sur celle d'un second département à la Réunion. Ce projet a été repoussé à la fois par la population réunionnaise, qui est descendue en masse dans la rue le 15 mars dernier...

M. Claude Hoarau.

C'est faux !

M. Philippe Douste-Blazy.

... afin de manifester son hostilité, par le conseil général, principal intéressé, et p ar le conseil régional, pourtant majoritairement de gauche.

M. Hoarau dit que c'est faux, mais j'ai eu l'occasion d'aller régulièrement à la Réunion et, récemment encore, j'ai vu des sondages qui montrent que la population de la R éunion refuse le projet de bidépartementalisation.

M. Virapoullé a d'ailleurs montré le chemin.

M. Claude Hoarau.

C'est pour cela qu'il n'est plus ici !


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M. Philippe Douste-Blazy.

Et c'est pour cela qu'il y reviendra ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Brunhes.

Ça, c'est moins sûr !

M. Claude Hoarau.

En tout cas, il n'en prend pas le chemin !

M. Philippe Douste-Blazy.

Il est permis de s'interroger sur les motivations réelles d'un gouvernement qui persiste à aller à l'encontre de l'avis des assemblées locales, alors que son projet de loi a pour principe - théorique - et pour ambition proclamée d'être davantage à leur écoute.

Contestée par la majorité des Réunionnais, la bidépartementalisation n'est donc pas une priorité pour la population : bien plus, elle risque même, sans aucun doute, d'accroître les difficultés de concertation entre les collectivités locales, ce qui finira par nuire à l'aménagement du territoire et au développement économique.

Je n'ose imaginer l'indignation qui serait celle de cette assemblée si un gouvernement, de quelque tendance qu'il soit, s'acharnait de la sorte sur un département métropolitain, à quelques mois d'une échéance électorale. C'est pourtant ce qui se passe aujourd'hui à la Réunion. C'est faire injure à la décentralisation et à ce principe fondamental qu'est la libre administration des collectivités locales.

Mais il y a plus grave. Certains n'hésitent pas à dénoncer ce projet comme une tentative du Gouvernement d'effacer un vote qui l'inquiète, celui de 1998. Des échéances électorales approchent : il se pourrait qu'elles soient moins favorables à la majorité actuelle que ce que certains augures politiques se plaisaient à dire. Le département de la Réunion pourrait bien faire basculer des majorités. Cela a déjà commencé et l'affolement du Gouvernement est aujourd'hui perceptible.

Par conséquent, le groupe UDF propose au vote du Parlement un amendement de suppression de l'article 38 portant création de ce second département et engagera, si ce texte devait être adopté, un recours devant le juge constitutionnel.

Cinquante ans après la départementalisation, l'outremer est à un tournant de son histoire économique. Les vieux schémas de l'économie post-coloniale sont en train de s'effacer au profit d'un nouveau développement. La m étropole et, au-delà, les gouvernements de la République ont un seul devoir : ne pas contrarier cette mutation et, au contraire, l'encourager, car elle est au coeur du futur rayonnement économique et culturel des départements et territoires d'outre-mer, c'est-à-dire de la France.

Nous nous battrons pour créer un véritable statut de régions économiques européennes, qui profitera pleinement du nouvel article 299-2 du traité d'Amsterdam.

Je voudrais remercier ici Henry Jean-Baptiste et notre ami Gérard Grignon du travail qu'ils effectuent au sein du groupe UDF pour défendre les DOM-TOM. Mais, pour toutes les raisons que je viens d'énoncer et, comme l'a dit mon ami Emile Blessig, l'UDF ne votera pas ce texte, tant qu'un volet institutionnel inutile et dangereux y prendra la place que devraient occuper des mesures économiques et sociales courageuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Camille Darsières.

M. Camille Darsières.

Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut vous reconnaître le mérite d'avoir parfaitement perçu que le retard de développement de l'outre-mer ne se rattraperait pas par des rafistolages, qu'il est dû à des handicaps structurels permanents et qu'il appelle une thérapeutique qui n'agisse pas au coup par coup, qui ne soit pas dérisoire, mais globale et très forte.

Vous avez annoncé la loi d'orientation le 23 octobre 1998. Et vous vous rappellerez que, dès le lendemain, place Beauvau, le groupe inter-DOM a suggéré une méthode pour son élaboration. Il s'agissait d'instaurer une concertation permanente entre le secrétariat d'Etat et les élus, entre un de vos collaborateurs par département, d'une part, et les parlementaires et exécutifs de chaque DOM, d'autre part. Les élus auraient fait remonter les doléances des populations, les auraient analysées et discutées avec votre conseiller. Après quoi, une première mouture du texte aurait été adressée aux instances locales, puis revue et corrigée en tenant compte des observations des assemblées territoriales. Bref, c'eût été une manière de loi décentralisée, élaborée contradictoirement, à partir du terrain même.

Vous avez choisi une autre méthode, dont nous avons absolument respecté les règles. Elle n'a pas été sans avantage, puisque le projet comporte des mesures très positives. Ainsi, du point de vue économique, il prévoit des exonérations de cotisations de sécurité sociale d'un montant sans précédent, renflouant le budget de nombre d'acteurs économiques ; il comporte des incitations au passage aux 35 heures, offrant, aux femmes et aux hommes de l'outre-mer aussi, une meilleure qualité de vie ; il encourage les jeunes à créer leur entreprise par le biais d'une incitation financière et par la suppression de toute contribution sociale durant une année ; il élargit le champ des exonérations de cotisations sociales agricoles, la superficie des exploitations bénéficiaires passant de vingt à quarante hectares pondérés. Tout cela n'est pas rien.

Pourtant, ce que nous redoutions s'est produit : la rédaction du projet a été solitaire ; votre concertation s'est faite à partir de rapports écrits, de correspondances, de transmission de délibérations. Bref, ce fut une concertation sans débats, scripturale, alors que l'intergroupe avait préconisé une concertation orale, avec échanges et discussions. En raison de cette procédure, les députés ont éprouvé de grandes difficultés pour apporter des corrections en temps utile. Cela s'est même parfois révélé impossible. L'interdiction que la Constitution fait au parlementaire de modifier un projet de loi par un amendement susceptible de créer une charge financière à l'Etat a grandement réduit notre capacité d'agir.

Ainsi, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez pris en compte le surendettement des entreprises, des travailleurs indépendants et des particuliers. La brûlante actualité à la Martinique vous donne raison. Vous avez compris que ce surendettement n'était pas typique d'une mauvaise gestion, mais qu'il pouvait être le résultat de circonstances spécifiques diverses : des cyclones et des tempêtes tropicales, car, en dépit des efforts des parlementaires, les assureurs refusent obstinément de prendre en charge les risques avec pour résultat des centaines de petits agriculteurs, d'éleveurs, de marins pêcheurs assaillis par les huissiers ; un taux d'intérêt insupportable, dépassant parfois de quatre points le taux en cours en métropole, qui accable tout acteur économique étant acquis qu'il est plus facile de trouver crédit pour l'acquisition d'une Mercedes que pour s'outiller d'un tracteur Caterpillar, lancer une petite entreprise ou créer un cabinet d'avocat ; l'étroitesse du marché intérieur, qui livre nos producteurs à une


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concurrence extérieure d'autant plus impitoyable qu'elle est encouragée par l'excuse facile de la mondialisation, exacerbée par cette loi de la jungle moderne qu'est la libéralisation des marchés.

En vérité, le cri que poussent les endettés ne saurait être banalisé. Il donne le pouls d'une société dont les maux, très réels et profonds, ne sont pas pris en compte.

Il faudrait se garder de s'équiper de boules Quies et de refuser d'entendre.

Votre projet envisage une procédure de désendettement excellente en son principe. Mais, sans aucun doute, faut-il être plus contraignant à l'endroit des administrations créancières.

S'agissant des arriérés de sécurité sociale, il est prévu jusqu'à 50 % d'effacement de la dette. C'est une bonne avancée, mais le texte propose que, pour le solde, un plan d'apurement « peut être signé ». Cette rédaction autorise la sécurité sociale créancière à refuser d'apurer. Or pré cisément c'est le face-à-face du pot de terre et du pot de fer qu'il faut éviter. J'estime que le législateur doit être impératif. Je proposerai donc, dans un amendement, un plan d'apurement « est signé ». Ainsi, le principe même de l'apurement serait acquis.

S'agissant des arriérés fiscaux, le projet, qui prévoit jusqu'à l'effacement total des arriérés d'impôts directs, offre au contribuable la possibilité de demander un échelonnement de la dette, mais il offre à l'administration fiscale la liberté souveraine de refuser. Là aussi, je proposerai un amendement visant à sortir le contribuable des fourches caudines du fisc et à imposer à celui-ci une discussion.

Or qu'est-il advenu de mes contre-propositions ? On peut évidemment contester ma façon de voir, mais du moins faut-il débattre, jusques et y compris en cet hémicycle. Que non pas ! La commission des finances, estimant que mes amendements créaient une charge financière pour l'Etat, les a frappés d'irrecevabilité.

M. Jacques Brunhes.

Le Gouvernement va les reprendre !

M. Camille Darsières.

Autre exemple, relatif, cette fois, à la coopération régionale. Actuellement, il existe deux fonds d'Etat voués à la coopération : l'un pour la Réunion, l'autre pour les Antilles et la Guyane. Le projet annonce la création de trois fonds d'Etat : un pour la Guyane, un pour la Réunion - très bien -, mais un seul et unique pour la Guadeloupe et la Martinique, ce qui est moins bien. J'ai déposé un amendement suggérant de créer un fonds pour la Martinique et un autre pour la Guadeloupe, non pas pour doubler le fonds GuadeloupeMartinique, mais pour le diviser par deux. Mais la commission des finances a déclaré l'initiative anticonstitutionnelle.

Je pourrais poursuivre. (Sourires.) Mais mon propos était de souligner que la meilleure méthode eût été d'ouvrir un débat contradictoire préalable, de faire toucher du doigt nos besoins en amont. Ainsi le Gouvernement aurait-il été en mesure d'évaluer le coût réel des dispositions proposées par les députés, et, après concertation, il aurait pris l'initiative, qu'aucune commission ne peut lui enlever, d'appliquer les mesures dont la discussion l'aurait convaincu de la nécessité.

Monsieur le secrétaire d'Etat, un spectre hante la Martinique : la généralisation de la paupérisation. Plus aucune profession n'est à l'abri : pendant le débat sur le budget des DOM, en novembre dernier, défilaient dans les rues de Fort-de-France, rassemblés pour bien marquer l'étendue tentaculaire du mal, des agriculteurs et des médecins, des avocats et des petits commerçants, des marinspêcheurs et des chirurgiens-dentistes. C'est bel et bien que, chez nous, à part vivoter, plus rien n'est sûr.

Sauf pour ceux qui, depuis les origines, détiennent le foncier donc le crédit ; le crédit, donc l'initiative de la création durable d'entreprises. Ceux-là sont les moteurs ubiquitaires de notre économie : tout à la fois exploitants agricoles, donc touchant à l'export, propriétaires de grandes surfaces, donc ayant des intérêts dans l'import, rassembleurs des producteurs de nos produits d'exportation, pêle-mêle petits, moyens, gros agriculteurs, mais, dans le même temps, vendeurs à leurs associés, et néanmoins concurrents, d'articles phyto-sanitaires, d'engrais et d'emballages à prix libre. Ce sont les maîtres de notre économie.

M. Jacques Brunhes.

Ce sont les békés !

M. Camille Darsières.

Faut-il s'en prendre à eux ? Evacuons le problème : il ne le faut pas. Déjà, ce sont d'authentiques Martiniquais, une composante de la population, parmi d'autres, grâce auxquelles nous sommes plus qu'une population, un peuple. Ils sont de ces porteurs de capitaux dont nous avons besoin, et qu'il nous faut savoir intéresser. Ce sont des hommes d'imagination, de créativité, qui, à l'occasion, savent mouiller leur chemise, et leurs initiatives sont de nature, sur le tas, à provoquer un effet d'entraînement dans la bourgeoisie compradore.

Il ne s'agit pas de s'en prendre à eux. Il faut, en revanche, les inciter, au besoin les contraindre, à créer des emplois et des activités nouvelles ; il faut briser le système dont ils profitent exclusivement depuis plus de trois siècles.

Or là est précisément la grande faille du projet de loi d'orientation.

Le texte accorde certes des exonérations de cotisations patronales, ce qui renflouera beaucoup de patrons en difficulté, mais il est frappé du péché originel, à la longue mortel, qui a frappé la loi Perben de 1994 : aucune contrepartie n'est exigée des chefs d'entreprise, en termes de création d'emplois. Et, là aussi, lorsqu'un parlementaire propose d'aller en ce sens, la hache de la commission des finances est brandie, quand ce n'est pas celle d'une commission sectorielle qui n'a pu disposer du temps nécessaire, pour analyser en profondeur la proposition. Je ne connais pas le sort de mon amendement qui tendait à exonérer de cotisations sociales les emplois créés au-dessus de vingt, de trente ou de quarante salariés.

Mais, en l'état actuel, votre projet incite plutôt à se contenter de dix salariés, voire à ramener au-dessous de onze le nombre de salariés que compte aujourd'hui l'entreprise.

Créer des activités nouvelles. Il manque au projet l'affirmation forte que, en même temps qu'il s'efforce à mettre en place l'actuel dispositif, le Gouvernement, avec un groupe de réflexion que je ne critique pas, contrairement à M. Douste-Blazy qui ne doit pas connaître ses membres, travaille à élaborer une loi d'incitation à l'investissement, de nature à attirer des capitaux étrangers, mais surtout, selon moi, à susciter l'épargne locale. Celle, notamment, de la bourgeoisie compradore qui, poursuit aujourd'hui sa fonction historique d'intermédiaire aux fournisseurs de métropole, mais qui, intelligente et volontariste, attend d'être mise en état de se reconvertir pour orienter notre économie vers un développement durable.

Nous sommes dans l'ignorance des principes qui guident ce groupe de réflexion. Va-t-on garantir la durée de la loi d'incitation à l'investissement, nul investisseur ne venant qui ne soit assuré d'un avantage se prolongeant


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dans le temps ? Va-t-on, lors de l'octroi de l'agrément des dossiers, associer l'exécutif régional dans la mesure où c'est la région qui est chargée du schéma d'aménagement régional et de l'aménagement du territoire ? Cette attente est d'autant plus regrettable que, manifestement, la loi à venir doit former un tout avec la loi d'orientation actuelle.

Briser le système en place depuis plus de trois siècles.

Monsieur le secrétaire d'Etat, il n'y aura pas de développement économique durable qui ne renverse la notion d'un outre-mer seulement conçu pour consommer les produits de la métropole, pour garantir à la métropole le monopole de pavillon, pour assurer la carrière de cadres métropolitains en chasse de primes de toute nature.

Le pacte colonial a la vie dure. Isidore Renouard, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges pour les DOM, déclarait de cette tribune, le 26 octobre 1970 : « On peut aussi dire que les firmes métropolitaines considèrent les îles comme un marché réservé et tuent dans l'oeuf des concurrents éventuels. »

Depuis, la multiplication des grandes surfaces, où 99 % des produits offerts aux consommateurs viennent de métropole, démontre que le constat de Renouard vaut encore.

De même, le sort de l'article 21 de la loi du 25 juillet 1994 est significatif. Il a posé le principe d'une conférence paritaire du coût du fret maritime et aérien afin de contrôler le fondement des prix en cours outre-mer et de donner des moyens de lutter contre le dumping. Six années plus tard, aucun décret n'a créé cette conférence, comme s'il était reproché à cet article 21 d'avoir été d'origine parlementaire, comme si le lobby de l'importexport avait trouvé quelque protecteur dans quelque ministère.

La situation de l'outre-mer repose sur une fiction. En chaire, le professeur Lampué enseigne magistralement et doctement que le pacte colonial est « aujourd'hui unanimement condamné » et il affirme : « On a reconnu que la fin qui doit être poursuivie outre-mer est le développement propre de chaque pays et que, par suite, les intérêts de ses habitants doivent y avoir la primauté ». Si le professeur Lampué peut se contenter de l'indéfini « on », il me plairait fort que ce « on » ait le visage de la gauche plurielle et que celle-ci, en l'état de délabrement où marinent les DOM, garantisse le développement propre de chaque DOM et la primauté aux intérêts des domiens.

Cette loi d'orientation est de bonne inspiration. Elle a le mérite d'exister, alors tâchons de l'améliorer fortement.

Elle peut supprimer les difficultés d'aujourd'hui, mais elle ne serait que cautère sur jambe de bois si elle n'éradiquait les maux qui ont fait surgir ces difficultés. Et, demain, il faudrait recommencer si elle n'était renforcée par une loi d'incitation à l'investissement comportant, cette fois, un solide fil directeur.

Inciter à investir, certes. Mais pas n'importe comment.

Précisons le propos. S'il est vrai que l'avenir des DOM est dans le tourisme, alors encourageons résolument et sans réserves toutes les professions qui y sont rattachées, c'est-à-dire pas seulement l'hôtellerie et la restauration mais toutes les professions qui permettront de développer ce que l'on a pu appeler le « tourisme actif » et le « tourisme identitaire ». Actif, car il assurera au consommateur à domicile qu'est l'étranger de consommer notre propre production locale, qu'il faudra par conséquent développer, sauf à continuer d'être vecteurs des produits de l'Europe.

Cela implique des mesures, notamment en faveur de nos agriculteurs, de nos éleveurs et de nos marinspêcheurs. Si nous limitons le raisonnement aux agric ulteurs, il faudra leur assurer des conditions d'exploitation qui n'entretiennent pas des déficits d'exploitation.

Prêt d'avance sur récolte à taux zéro, pour les exploitations au-dessous d'une superficie à définir, dont les détenteurs n'ont pas d'entrée dans les organismes bancaires.

Extension des assurances contre les calamités naturelles, dont on refuse la couverture au motif que l'outre-mer serait zone à hauts risques, position à revoir et corriger sans doute depuis que les dernières tempêtes ont démontré que ni Paris ni le sud ni l'est de la France ne sont zones tempérées. (Sourires.)

Révision de l'aspect français de la procédure de paiement des indemnités compensatoires et engagement du Gouvernement à négocier la régionalisation par l'Europe de cette indemnité.

Cela doit se faire sans préjudice pour la mise en place d'une commission technique ayant pour mission d'entendre les partisans d'une économie martiniquaise bio, d'en étudier les possibilités et le coût de son éventuelle application.

Le tourisme doit être identitaire. Cela veut dire que toutes les activités qui touchent à la culture d'outre-mer devront être encouragées et soutenues : les métiers d'artisanat d'art, les métiers artistiques touchant à la musique, aux arts plastiques, au théâtre, à la littérature, sans omettre les manifestations sportives et culturelles. Avec ces mesures qu'il faudra bien prendre quelque jour, et qui touchent à l'organisation interne de notre économie, vont de pair des dispositions d'organisation extérieure, d'incitation à la coopération régionale. Entourés d'îles avec lesquelles nous sommes en compétition sur le plan touristique, il est important d'avoir avec elles des contacts permanents et par conséquent d'obtenir de l'Etat la possibilité, dans la limite évidemment des compétences d'un territoire qui ne jouit pas de la souveraineté nationale et qui ne la revendique pas, de rencontrer directement les territoires voisins, de dialoguer avec eux, d'arrêter avec eux des conventions d'action commune, bref, cela suppose l'organisation d'une véritable insertion de l'outremer dans sa sphère géographique. D'où mon amendement tendant à ce que chaque département d'outre-mer puisse être lui-même membre associé des associations internationales de leur environnement, et que chaque DOM, à peine d'être ridicule, soit représenté par un seul exécutif, celui de la région.

M. le président.

Il faudrait conclure, mon cher collègue.

M. Camille Darsières.

C'est tout cela qui aurait dû être traité en profondeur par le projet de loi d'orientation.

Reste à savoir comment passer d'un principe à son application, qui mettra en mouvement ce qui sortira de nos débats, comment les élus locaux seront-ils en mesure d'exercer leur contrôle ? C'est l'aspect institutionnel de la loi. Il ne s'agit pas pour moi de l'évacuer, d'autant que cette assemblée sait ma position très claire à ce propos.

C'est, dans les DOM, aux élus du suffrage universel, qu'il appartiendra tôt au tard de gérer les affaires propres à leur territoire. Ce n'est pas la revendication incantatoire du pouvoir local pour la satisfaction de le détenir. C'est une exigence et une contrainte. Car un tel pouvoir, l'autonomie pour ne pas le nommer, se veut sous le contrôle constant, coercitif du peuple électeur. Il est dans


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l'ordre naturel des choses car il n'est d'action efficiente que pensée et élaborée sur le terrain par les hommes du terrain.

Ce projet prévoit de pousser les deux assemblées qui

« mijotent » sur un même territoire à se rencontrer pour délibérer ensemble sur l'avenir du territoire. Alors toutes les tendances s'exprimeront enfin, alors les langues se délieront. Rien n'est plus prometteur, rien n'est plus porteur d'espérance. Seulement voilà : il y a pour le moins deux manières de provoquer une rencontre, qui, tôt tard, se fera. Je me réserve de préciser mon sentiment sur cet aspect complexe de la loi au moment où l'on abordera l'examen de l'article 39.

Pour l'heure, j'aborde le débat avec un esprit positif, critique peut-être, mais assurément un esprit de proposition.

(Applaudissement sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Petit.

M. Pierre Petit.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon propos restera exclusivement politique, car les difficultés que nous rencontrons dans les départements d'outre-mer sont d'abord d'origine politique.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je pense que vous êtes l'un de ceux qui ont le mieux compris les problèmes de l'outre-mer, mais votre volonté d'agir trouve ses limites dans l'obstination du Gouvernement à ne pas entendre les élus des DOM qui, dans leur majorité, ont désapprouvé votre projet de loi. Après deux ans de gestation, vous soumettez en effet à la représentation nationale un texte qui, malheureusement, ne correspond ni à l'évolution sociologique des populations concernées ni aux aspirations exprimées par la grande majorité des élus lors du débat tenu, à votre initiative, le 23 octobre 1998.

Je voudrais d'abord faire quelques observations sur la portée politique de votre projet, avant de vous livrer mon analyse des orientations qui nous sont soumises.

Les départements d'outre-mer sont parvenus à un stade de leur évolution où la prise de conscience identitaire doit coïncider avec le niveau de responsabilité des élus du peuple. Nous sommes confrontés à une double crise - celle du pouvoir local et celle du pouvoir économique et le mal qui nous frappe, ce que d'aucuns semblent ignorer, est exclusivement d'ordre politique.

Nous attendions une nouvelle dynamique institutionnelle dans les DOM. Nous attendions une simplification des niveaux de pouvoir grâce à la mise en place d'un exécutif responsable devant une assemblée désignée par la population, un exécutif qui détiendrait réellement les leviers de commande de l'action publique. Au lieu de cela, vous nous proposez un exécutif en trompe-l'oeil, le congrès, dont la seule mission sera de jouer les prolongations sur la question institutionnelle.

Nous revendiquons pour les départements d'outre-mer, notamment la Martinique, la mise en oeuvre d'un dispositif global de développement durable, approuvé par la population, à partir duquel nous pourrions définir avec l'Etat un nouveau contrat de progrès comprenant un projet de développement et un plan de financement, avec les lois et les règlements appropriés.

Monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi ce refus de f aire évoluer de manière décisive les départements d'outre-mer ? Serions-nous confrontés aujourd'hui à une forme insidieuse d'immobilisme ? Pourtant, nous étions prêts à faire un bout de chemin avec vous afin de parvenir à une réforme de fond de l'organisation des pouvoirs locaux dans les DOM et à la création d'un nouveau cadre légal pour le développement économique de nos régions, notamment grâce à l'adoption d'un nouveau statut fiscal et social pour les entreprises. Nous étions aussi disposés à soutenir une réforme institutionnelle qui s'inscrive dans la Constitution.

Vous avez fait le choix de ne rien changer et d'ignorer le discours d'ouverture prononcé par le Président de la République, le 11 mars dernier, au palais des congrès de Madiana, à la Martinique.

Nous avons le sentiment d'être atteints du syndrome de mai 1902. Souvenez-vous : malgré les menaces du volcan, malgré les demandes répétées d'évacuation, la population a été maintenue à Saint-Pierre et tout le monde est mort.

Aujourd'hui, toutes proportions gardées, la situation est semblable. Le Gouvernement reste sourd à nos mises en garde et nos demandes en faveur d'un changement fondamental sont ignorées alors que la structure économique et sociale des départements d'outre-mer implose sous le poids des difficultés.

J'ose à peine, monsieur le secrétaire d'Etat, vous rappeler quelques réalités : le chômage et l'exclusion frappent 52 000 Martiniquaises et Martiniquais ; 27 000 de nos compatriotes sont allocataires du RMI ; les artisans, les petites entreprises et les travailleurs indépendants sont dans la rue à l'heure où je vous parle.

Nous sommes à la veille d'une implosion sociale que les dispositions de votre projet pourront retarder mais malheureusement pas éviter.

Nous ne refusons pas les quelques adaptations et les crédits proposés. En période de crise, il faut savoir s'accommoder du remède qui calme la douleur même si le soulagement n'a pas de portée réelle et durable.

Mais ce n'est pas seulement davantage de crédits que les DOM souhaitent. Ils veulent aussi et surtout accéder à un modèle de développement qui leur ouvre de véritables perspectives d'avenir et de dignité.

Ne vous y trompez pas, sans projet global, plus l'Etat versera de fonds publics dans nos régions, moins l'effet de décollage économique recherché se fera sentir. Nos régions, singulièrement la Martinique, souffrent d'une crise de confiance. Sans confiance, il n'y aura pas d'investissements, pas de création d'entreprises et donc pas d'impact sur l'emploi et sur le développement.

Quelles que soient les nouvelles facilités apportées par votre texte, et il y en a, la situation de nos compatriotes ne changera pas. Seul un petit nombre d'opérateurs, bien souvent les mêmes, disposant des moyens humains, techniques, et financiers, pourront en bénéficier. M. Darsières le rappelait tout à l'heure.

La réalité, c'est que votre texte ne s'attaque pas au problème de fond qui exige d'abord que l'on réponde à cette question qui est devenue mon antienne : « Quel développement pour quelle Martinique ? » Seul un projet global de société, fondé sur un développement durable au service d'une ambition collective, pourra devenir l'instrument d'une nouvelle dynamique politique et économique dans nos régions.

Il est assez aisé d'en convenir. Mais aujourd'hui, nous n'en sommes pas là. Comprenons-nous bien. Nous ne sommes pas partisans d'un schisme avec la France et avec l'Europe, nous voulons seulement mieux d'Europe et mieux de France, afin d'être des Martiniquais responsables et fiers de l'être.


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L'expérience de la Corse prouve bien que ce n'est ni à coup de milliards, ni en ébauchant un exécutif régional sans réel pouvoir que l'on peut obtenir des résultats concrets.

Même si j'ai relevé avec satisfaction certaines dispositions de votre texte qui reprennent des idées avancées par mon mouvement politique « Osons oser », je dois à la vérité de dire qu'elles sont trop dispersées pour déclencher une réelle dynamique de développement à la Martinique et plus généralement dans les DOM.

Dans la deuxième partie de votre projet de loi, vous nous enfermez dans une contrainte politique de concurrence entre les deux assemblées locales. Vous ne réglez donc pas le problème de fond : la nécessaire réorganisation des pouvoirs locaux, y compris sur le plan de la coopération régionale, où il semble y avoir un effort.

Enfin, de nombreuses questions essentielles concernant mon département restent sans réponse : Qu'en est-il de la zone franche, ou zone d'investissement spéciale pour le Nord Caraïbe, actuellement en état de détresse ? Que comptez-vous faire face à la perte de 250 emplois dans le secteur de l'ananas qui, ramenée à l'échelle de la population de l'Hexagone, équivaudrait à 40 000 emplois perdus ? L'absence du règlement du statut du personnel non titulaire des communes de la Martinique grève des pans entiers des budgets de nos collectivités qui sont les plus grands employeurs du pays. Allez-vous apporter l'aide promise ? Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai le sentiment que nous nous sommes fait piéger et que le projet que vous défendez ne correspond pas à ce que vous vouliez entreprendre pour les départements d'outre-mer.

Tant que le gouvernement de la France ne comprendra pas que les départements d'outre-mer sont parvenus à un stade de leur évolution où la responsabilité doit se substituer à la dépendance exclusive, le développement durable à l'assistanat, nous aurons le sentiment de n'avoir pas changé de siècle.

Nous avons de plus en plus conscience de ce que nous voulons pour notre pays. Il suffirait désormais que le Gouvernement nous écoute et surtout qu'il nous entende.

En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, vous me permettrez de citer cette phrase de Sénèque : « Il n'y a pas de vent favorable pour le navigateur qui ne sait où il va ». Elle vaut pour la Martinique. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, le texte qui nous est soumis était impatiemment attendu. Il conditionne en effet l'avenir des départements d'outre-mer pour les prochaines décennies. Or la situation dans les DOM est particulièrement préoccupante. La politique consistant à accompagner mécaniquement une évolution non maîtrisée est un échec patent. Elle a conduit à l'immobilisme et à une impasse économique, sociale et culturelle.

Nul ne peut nier, monsieur le secrétaire d'Etat, les efforts de votre gouvernement, notamment en matière budgétaire. Ils sont considérables mais ils ont montré leurs limites. A La Réunion, si un taux de croissance de 5 % a permis de créer environ 3 500 emplois nets par an, 10 000 jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail. La Guyane, la Martinique et la Guadeloupe souffrent d'un chômage endémique qui touche 30 à 40 % de la population active, soit un taux trois à quatre fois supérieur à celui de l'Hexagone.

La solution à ce fléau ne saurait résider dans des mesures au coup par coup. Le renversement de tendance passe par une ambition à court terme, parce qu'il y a urgence, et à moyen et à long termes, parce qu'il faut élaborer une véritable stratégie de développement. Une loi d'orientation peut y contribuer.

Dans l'exposé des motifs de votre projet, monsieur le secrétaire d'Etat, vous exprimez la volonté que « pour les habitants des départements d'outre-mer, le nouveau pacte républicain et le nouveau pacte de développement et de croissance, proposés à tous les Français, ne restent pas lettre morte ». L'ambition est affichée. Mais vous êtesvous donné les moyens de la mettre en oeuvre ? Nous partons de si bas que le temps nous est compté. Les nouvelles voies de développement économique doivent être durables. Pour reprendre une formule de Paul Vergès, au Sénat, « le pari du développement doit être relevé. »

Cela est possible à condition de prendre en compte l'extraordinaire évolution démographique. Mais on peut se demander si les mesures envisagées par le rapport Fragonard et les préconisations du chapitre Ier de la loi constituent des voies de développement réellement nouvelles. Ne s'agit-il pas plutôt de simples ajustements ? Et ceux-ci, même s'ils étaient exceptionnels par rapport à de précédentes dispositions, ne suffiraient pas.

Les atouts existent. La reconquête des parts d'un marché intérieur appelé à se développer est possible. Malgré la crise du système de formation, les DOM ont souvent une avance considérable sur les pays voisins. Ils peuvent jouer un rôle dans le développement des transferts de savoirs et de savoir-faire techniques. C'est bien sûr vrai à la Réunion qui peut et doit jouer un rôle majeur dans l'Océan indien, c'est vrai aussi pour les départements français d'Amérique ou les régions ultra-périphériques, comme on dit maintenant, sans parler du rôle que peuvent jouer le DOM dans le système mondial de communication.

Le nouveau pacte de développement et de croissance doit en finir avec des économies artificielles qui ne visent qu'au recyclage des subsides publics nationaux et européens car cette valeur fondamentale qu'est la solidarité a été transformée en assistanat généralisé.

Une des conditions favorables à la réussite du développement est la réalisation à tout prix de l'égalité sociale.

Il faut harmoniser les revenus, tous les revenus, dans le secteur public comme dans le secteur privé et bien entendu aligner le montant du RMI sur celui versé en métropole. Cette revendication est fondée en droit et en fait, puisque le SMIC est identique en métropole et dans les DOM. Elle l'est aussi au regard de l'égalité sociale, comme le note le rapport Fragonard. Or dans la loi d'orientation, cet alignement n'est prévu que dans un délai de cinq ans.

Je sais bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que le dispositif actuel est mal maîtrisé. Mais sans remettre en cause le mécanisme de financement du logement social par la créance de proratisation, j'estime que cinq ans, après tant d'interventions et de promesses, c'est trop long, beaucoup trop long. Ecoutons les voix qui s'élèvent des conseils généraux et régionaux, des conseils économiques et


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sociaux régionaux, des syndicats et des associations. Que d emandent-elles ? Un alignement immédiat. Notre commission les a entendues et je m'en félicite.

Au nom d'un « Ne nous précipitons pas ! » ressassé sur tous les tons, ne faisons pas perdre espoir à ceux qui comptent sur nous. Vous proposez, monsieur le secrétaire d'Etat, de ramener par voie d'amendement le délai à trois ans. Mais c'est encore trop long.

Mme Huguette Bello et M. Claude Hoarau.

Très bien !

M. Jacques Brunhes.

L'article 14 prévoit que l'allocation de parent isolé sera versée dans les mêmes conditions qu'en métropole au terme d'un délai de sept ans. Mais quand on sait ce que représente la situation de parent isolé dans les DOM et que le revenu moyen d'une famille est là-bas moitié moindre qu'en métropole, sept ans c'est aussi beaucoup trop long.

Les mesures incitatrices pour la création d'emplois doivent s'inscrire dans une stratégie globale de développement. Les mesures passées ont eu des effets partiels sans permettre un renversement de tendance. Il convient d'en tirer les leçons, tout en veillant à établir des incitations sélectives. Comment ne pas noter que les exonérations diverses contenues dans le projet de loi risquent de générer des effets pervers ? S'adressant à toutes les entreprises de moins de onze salariés, sans aucune contrepartie en termes d'emploi, ce dispositif qui ne met aucunement à l'abri des effets de seuil et des effets d'aubaine pourrait bien conduire à des démembrements artificiels. Nous évoquerons cette question dans la discussion des amendements.

J'évoquerai maintenant en deux mots, le cas de M. Jacques Bertholle, responsable de la direction départementale du travail de la Martinique. Soucieux de voir appliquer la législation sociale, il a été victime des pressions des grands propriétaires terriens, les békés. Mis à pied sans traitement, son cas réclame justice. Il témoigne du climat que font régner certains dans les départements d'outre-mer.

Les institutions, c'est-à-dire l'organisation des pouvoirs publics, ne sauraient être dissociées du développement. Il ne peut y avoir développement sans équilibre des pouvoirs, donc sans aménagement correspondant du territoire. En Nouvelle-Calédonie, avec la signature des accords de Nouméa, le gouvernement français a fait preuve d'un sens de l'Etat qui a favorisé le dialogue entre les communautés. Il a pris des engagements pour mettre en oeuvre les réformes nécessaires au processus émancipateur. Vous avez su innover sur ce sujet très sensible par un fin dosage de concessions et de compromis, allant jusqu'à déroger au droit français, d'où la réunion du Parlement en congrès à Versailles en juillet 1998.

Concernant les départements d'outre-mer, le volet institutionnel a subi diverses modifications, notamment à propos du congrès, réunion commune du conseil régional et du conseil général, que le projet de loi institue dans lesr égions monodépartementales d'outre-mer. C'est une innovation juridique dont la substance a été édulcorée par rapport à une première version. La raison pour laquelle cette solution a été retenue, nous avez-vous dit en commission, monsieur le secrétaire d'Etat, tient au risque d'une éventuelle censure du Conseil constitutionnel fondée sur l'article 73 de la Constitution et sa jurisprudence de décembre 1982.

Cet argument de précaution aboutit à un texte à la baisse. Le congrès n'est plus une instance de décision nouvelle, capable de délibérer sur les affaires relevant de la compétence partagée entre la région et le département et de proposer des évolutions statutaires propres à chacun d'eux. Ses prérogatives sont réduites. Sa réunion n'est plus de droit, elle est laissée à l'initiative des élus.

Malgré la longue et minutieuse préparation de votre projet de loi, sa dernière mouture nous semble très en retrait par rapport à la première. Je souhaite, comme Mme Taubira-Delannon l'a indiqué en commission, que le débat parlementaire apporte davantage de substance au congrès. Sinon, je crains qu'aucune réponse ne soit donnée au blocage institutionnel actuel. Le seul aspect positif résiderait alors dans la mise en place d'un lieu de débat commun qui aurait de fortes chances de s'avérer bien stérile au final.

Par ailleurs, l'article 38 du texte institue la bidépartementalisation de la Réunion. Et ce projet, pour reprendre la formule de M. Douste-Blazy, a l'air d'affoler la droite.

La commission des lois s'est rendue à Mayotte au mois de septembre 1999 pour préparer le futur statut. Elle s'est arrêtée à la Réunion. Elle n'a pas fait que visiter la prison de Saint-Denis - car ses déclarations sont restées dans les mémoires ; elle a évoqué avec tous les élus les problèmes de la Réunion et ceux de la bidépartementalisation. Et je suis fort surpris, comme je l'ai dit tout à l'heure, de constater que, parmi toutes les personnes que nous avions rencontrées sur le terrain, les élus du Sud et du Nord, d'Elie Hoarau à M. Thien Ah Konn, au conseil général et au conseil régional et qui s'étaient exprimées en faveur de cette bidépartementalisation, un certain nombre y soient aujourd'hui réticentes.

Je ne vous cache pas que mon groupe juge nécessaire cette bidépartementalisation, non pour des questions de cuisine électorale comme on voudrait nous le faire accroire, mais pour une raison essentielle qui tient au rééquilibrage économique et au développement harmonieux de la Réunion. Il suffit d'y voyager, pour constater qu'il y a un problème d'aménagement du territoire entre le Nord et le Sud. La solution proposée à l'article 38 peut contribuer à le résoudre, comme le ferait le rédécoupage communal que souhaitent nombre d'élus réunionnais.

Nous évoquerons aussi cette question lors de l'examen des amendements.

Deux de nos amendements ont pour préoccupation de relever tout transfert de compétences qui ne s'accompagnerait pas d'une compensation financière intégrale ainsi que l'artifice d'une majoration de la dotation forfaitaire des communes d'outre-mer qui se ferait à moyens constants.

Monsieur le secrétaire d'Etat, une question a été peu évoquée ; celle de l'éducation, élement pourtant essentiel du développement. L'éducation est quasiment absente du projet de loi d'orientation. C'est pourquoi nous proposons un article additionnel avant l'article 17 qui entend conférer à l'éducation et à la formation toute l'ampleur que leur place justifie au sein d'un texte d'orientation.

Reste la question de la reconnaissance et du développement culturel de ces diverses identités ultramarines. Elle est en suspens dans votre texte ; elle est pourtant essentielle. Qu'il me soit permis de citer la fin de l'appel intitulé « Culture unique égale mort de toute culture », signé par Marie-Claude Tjibaou et Paul Vergès : « A la veille du sommet de Seattle, nous lançons donc un appel : pour la sauvegarde de la diversité culturelle et contre l'uniformité appauvrissante, pour la reconnaissance et l'expression des cultures dites minoritaires, pour que la mondialisation du marché n'étouffe pas la dimension universelle de toute culture humaine. La culture unique est la mort de toute culture. Oui à l'universel, non à l'uniformité. »


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E n conclusion, monsieur le ministre, le groupe communiste et apparentés se montrera très attentif à l'évolution du débat et à votre volonté de prendre en compte nos observations. Nous veillerons aux nécessaires avancées susceptibles d'améliorer cette loi d'orientation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. André Thien Ah Koon.

M. André Thien Ah Koon. Monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de loi d'orientation pour l'outre-mer a provoqué, comme vous pouvez l'imaginer, une réelle vague d'espoir.

Vous comprendrez que mon intervention porte, pour l'essentiel, sur le département de la Réunion.

Dans un contexte exceptionnel où encore trop nombreux sont ceux de nos compatriotes confrontés au quotidien à la misère, à la précarité, mon combat vise surtout à ce que la devise « Liberté, égalité, fraternité » devienne une réalité chez nous aussi.

J'attends que le projet de loi permette de réaliser définitivement : d'abord l'égalité sociale, avec l'alignement immédiat du RMI et de l'API ensuite l'égalité institutionnelle avec la création du deuxième département, et enfin l'égalité économique au service du développement et de l'emploi.

L'égalité sociale répond à notre devoir citoyen. Pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, l'alignement du RMI doit-il être repoussé à cinq ans ? C'est une insulte, une injure profonde faite à notre citoyenneté française. Après avoir subi l'esclavage, la colonisation, et quarante-six ou cinquante ans après la départementalisation, nous sommes simplement en train de réclamer nos droits ! J'estime que ce qu'on tolère dans cette assemblée, et que le Gouvernement voudrait encore nous faire subir, est grave ! Je demande un alignement effectif et immédiat du RMI pour mettre un terme à des années de discrimination et rendre justice aux enfants de la France, même s'ils vivent sur des terres lointaines.

Par ailleurs, dans nos communes, 11 000 agents qui travaillent au service de la population et assument avec compétence et loyauté une mission de service public attendent depuis cinquante ans l'adoption d'un statut. Or rien n'est prévu pour eux dans la loi.

Il est un autre sujet qui nous interpelle chaque jour avec davantage d'acuité et qui aurait mérité que votre gouvernement s'y attelle : il s'agit du sort qui sera réservé aux contrats emplois jeunes et aux contrats emploi consolidé. Que feront les intéressés au bout de leurs cinq années de contrat ? On les fait vivre dans l'angoisse d'un lendemain incertain.

S'agissant de l'égalité institutionnelle, monsieur le secrétaire d'Etat, ce n'est pas sans une grande émotion que je salue la création d'un deuxième département à la Réunion. Je voudrais vous dire merci.

Depuis 1976, en tant que député de la majorité présidentielle et fervent défenseur de la Réunion, terre française et des intérêts de la population du Sud sui ont été trop longtemps ignorés, comme du nécessaire rééquilibrage entre les différentes micro-régions de l'île, je me réjouis que ce thème porteur de l'ancrage définitif de la Réunion dans la France ait progressivement réuni la quasi-unanimité des élus nationaux réunionnais - sept parlementaires sur huit - ainsi que les élus locaux. C'est une victoire considérable contre l'autonomie et les dérives statutaires dont les Réunionnais ne veulent pas.

Dans le même ordre d'idée, le Président de la République, qui est le garant des institutions et de l'unité de la République, s'est prononcé pour la bidépartementalisation à deux reprises, lors de ses déplacements à la Réunion et aux Antilles.

A la démagogie, à la langue de bois, aux manipulations politiciennes et aux trahisons, j'opposerai toujours le sens de la responsabilité de l'élu, le respect de ses électeurs, le sens de l'éthique et de la morale politique. C'est pourquoi il faut expliquer, encore et toujours, que la création d'un deuxième département permettra un meilleur équilibre, une plus juste répartition des crédits, des moyens supplémentaires au service du développement dans le Sud et une amélioration importante à la vie quotidienne des Réunionnaises et des Réunionnais. C'est un atout extraordinaire au service du développement et de l'emploi.

Je ne peux accepter, et les Réunionnais du Sud ne peuvent accepter, que malgré un énorme potentiel économique, touristique, agricole et artisanal, le Sud soit tenu à l'écart du développement économique. Le chômage, ce cancer qui mine chaque jour un peu plus nos familles et nos enfants, doit être combattu de toutes nos forces.

L e deuxième département, monsieur le secrétaire d'Etat, est l'un des grands moyens d'y parvenir et sa mise en place doit intervenir dans les plus brefs délais, au plus tard en 2001.

Cependant, un plan ambitieux de rattrapage des retards sera nécessaire pour le Sud et l'Ouest, avec notamment : la construction d'un port en eau profonde ; l'extension de la piste de l'aérodrome de Pierrefonds à 3 200 mètres ; le développement de l'université du Sud, de l'IUT de Saint-Pierre, de la zone de cambaie à SaintPaul, des ports de pêche de l'Etang-Salé, de Saint-Joseph et de Saint-Philippe, du port de plaisance de Saint-Leu, de la RN 3 reliant Saint-Pierre à Saint-Benoît, de la quatre-voies de Saint-Paul à Saint-Joseph, de la route de moyenne altitude entre Saint-Louis et Saint-Joseph et l'exploitation optimale de nos immenses ressources touristiques.

En outre, créer un deuxième département à la Réunion, c'est rapprocher les administrés des services publics et des élus, comme le préconise la loi Voynet. Le renforcement de la décentralisation n'est pas un luxe dans une île qui comptera un million d'habitants dans deux décennies.

Notre vote est solennel et historique car il s'agit d'écarter toute dérive institutionnelle. Nous ne voulons plus que les Réunionnais luttent contre la peur de l'autonomie, de l'assemblée unique et de l'indépendance. C'est un odieux chantage au statut qui prend fin.

Rendons un juste hommage à nos anciens qui ont mené avant nous ce combat. Je pense en particulier à Michel Debré, qui a consacré une grande partie de sa vie aux Réunionnais et qui nous a laissé en héritage cette flamme et cet amour de la France toujours présents dans le coeur de chaque Réunionnais. Je dirai avec lui : « Français un jour, Français toujours. »

Je salue, certes ! ceux qui m'ont toujours accordé leur confiance et ceux qui, au-delà de leur appartenance politique, ont su s'élever au-dessus des querelles partisanes et se tourner résolument vers l'avenir.

Je remercie le Gouvernement qui a su entendre la voix des Réunionnais, c'est-à-dire celle du bon sens, du progrès et de leur foi en la France.

La Réunion avec deux départements, c'est enfin une porte ouverte sur notre environnement régional, de Mayotte aux Terres australes. La création d'une région


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française de l'océan Indien permettra à notre pays de retrouver sa place et de jouer un rôle majeur dans une région en pleine mutation, carrefour entre l'Europe, l'Inde, l'Afrique et l'Asie.

En revanche, s'agissant du volet économique, monsieur le secrétaire d'Etat, force est de constater le manque d'ambition de votre projet.

Ce volet économique s'apparente plus à une juxtaposition de mesures, alors que la Réunion a besoin d'un plan Marshall global pour faire reculer le chômage.

Certaines mesures sont particulièrement intéressantes.

Mais j'aurais apprécié, et il n'est pas trop tard pour le faire, que le projet ouvre des perspectives nouvelles en faveur de l'emploi : par la mise en place d'un dispositif de préretraite à partir de cinquante-deux ans, avec obligation d'embauche d'un jeune pour un départ ; par le renouvellement et la consolidation de la défiscalisation, qui a été partiellement vidée de son contenu pour des raisons politiques. Je fais appel à votre sens de l'objectivité pour que la loi Pons soit prorogée jusqu'à 2004 en attendant la mise en place de nouvelles dispositions.

Par ailleurs, il faut se pencher sérieusement et dès à présent sur les concepts modernes et novateurs d'entreprises franches et de ports francs, qui permettraient à notre île, en tant que porte d'entrée de l'Europe dans l'océan Indien, non seulement d'attirer des entreprises et des investisseurs étrangers et par conséquent des capitaux, mais également de créer des milliers d'emplois, comme c'est le cas aujourd'hui à l'île Maurice.

Enfin, je demande que l'on applique réellement la législation sur l'interdiction des grands groupes monopolistiques ; j'ai d'ailleurs déposé un amendement à ce sujet.

En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, au nom de tous ceux qui placent en nous leurs espoirs d'une société plus juste, plus solidaire et à dimension humaine, je souhaite que nous adoptions le texte de telle sorte qu'il puisse figurer en lettres d'or au fronton de notre histoire, tout comme l'abolition de l'esclavage en 1848 et la création de la Réunion, département français d'outre-mer en 1946. Vous l'avez compris : nous n'avons plus droit à l'erreur, et encore moins à l'échec qui accompagne l'envol des illusions perdues. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Alfred MarieJeanne.

M. Alfred Marie-Jeanne.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, collègues de l'Assemblée, le projet de loi aurait, dit-on, pour finalités premières de promouvoir le développement durable, de compenser les retards d'équipements et d'accroître les responsabilités.

Entre ces objectifs et le contenu retenu, existe un fossé que nul amendement ne saurait combler. En effet, annoncé comme ambitieux et exceptionnel, le projet de loi d'orientation ne répond pas aux attentes actuelles du

« peuple martiniquais » dont on connaît l'aspiration inextinguible au changement responsable.

Faire la sourde oreille, continuer à jouer tranquillement la montre, c'est augmenter les risques de perturbations en tout genre. L'heure n'est plus à la sempiternelle tergiversation.

Pour s'en convaincre, encore faut-il admettre que toute société mise en situation de dépendance extrême, sans aide normale et solidarité opportune, finit par sombrer dans une vulnérabilité mettant en cause sa propre survie.

Tel est le cas de la Martinique d'aujourd'hui.

Devant cette atmosphère délétère, n'est-il pas temps de rompre une fois pour toutes avec cette spirale qui déresponsabilise en dernier lieu le citoyen et l'élu lui-même ? C'est ce que préconisent la plupart des courants de pensée transcendant et les diverses sensibilités politiques.

Ces courants revendiquent un bloc de pouvoirs opérationnels pour permettre à la collectivité martiniquaise d'assumer pleinement son rôle et ses missions.

Quoi de plus légitime que d'élaborer un projet cohérent à teneur très large pour satisfaire une demande sociétale brûlante ? Il est impératif de disposer d'un instrument institutionnel pour mieux accompagner l'économique, le développement durable, le fiscal, le social, le culturel et l'éducatif.

En somme, de disposer d'un projet sortant de l'ordinaire et ayant valeur d'exemple, d'un projet à portée clinique, thérapeutique, d'un projet prenant sa source dans une démarche volontariste, impliquant d'abord les intéressés eux-mêmes.

Ce projet existe, car je n'ai jamais été en panne de pensée.

Il est condensé dans la déclaration de Basse-Terre du 1er décembre 1999, initiée par les présidents des régions de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique - dont je suis.

La solution envisagée permet de s'affranchir de la théorie de l'adaptation, strictement bornée par l'article 73 de la Constitution. Elle vise à créer une collectivité nouvelle appelée « région outre-mer », dans le cadre plus approprié de l'article 72.

Une révision urgente et une refonte à tout niveau, ni déchirantes, ni humiliantes, dans lesquelles la France n'aura rien à perdre et la Martinique, tout à gagner, s'imposent. En ce sens, une proposition de loi constitutionnelle sera déposée dans les semaines à venir.

En totale opposition avec cette démarche, le Gouvernement a fait le choix d'un projet de loi d'orientation qui ne cesse de « se handicaper » chemin faisant.

Au nom d'un passé révolu, il est fait référence intangible au « dogme des DOM », comme si le monde n'avait pas évolué depuis plus d'un demi-siècle. Et ce n'est pas l'instance bâtarde dénommée « congrès » qui facilitera l'approche sereine des problèmes.

Visant avant tout à court-circuiter toute évolution statutaire, le projet de loi confine l'élu dans le rôle subalterne de simple gérant d'habitation.

Ce projet « patchwork », qui n'a ni souffle, ni fil conducteur, ni programmation qui engage, maintient l'avenir en otage. Il ne contient que quelques transferts enfin octroyés après maintes réclamations et des mesures socio-économiques relevant pour la plupart du domaine réglementaire et dont on sait, par expérience, qu'elles resteront globalement inefficaces.

« Sé gran van, piti kout baton » ou « Révolution » dans un verre d'eau ! En outre, le texte est porteur de beaucoup de peu - avec ou sans « t ». Or possibilité ne vaut droit.

Monsieur le secrétaire d'Etat, toute pensée véritable ne s'actualise que dans les faits et dans l'action.

N'avez-vous pas déclaré le 15 septembre 1999 : « En ce qui concerne l'outre-mer, je suis convaincu depuis longtemps qu'il n'existe ni schéma, ni modèle. Chaque société a son histoire, chaque territoire sa géographie, chaque


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peuple ses aspirations et ses besoins propres. Le manteau institutionnel doit épouser autant que faire se peut le corps vivant de la société. » Eh oui...

Ce manteau institutionnel doit nécessairement prendre en compte la déclaration de Basse-Terre que vous avez, personnellement, ainsi que les thuriféraires outre-mer marchant à reculons, accueillie avec le mépris le plus souverain. Par quels moyens allez-vous encore nous berner ? De quelles initiatives voulez-vous encore nous priver ? Quelles solutions prétendez-vous encore nous refuser ? En cette matière importante, s'il est vrai que le rôle de l'élu est de proposer et celui du peuple de disposer, le Gouvernement ne saurait indéfiniment s'opposer.

Pour éviter l'amalgame, n'aurait-il pas mieux valu dissocier le contingent immédiat des perspectives d'avenir ? D'un côté, le contingent aurait déjà dû être traité pa r des mesures urgentes en direction d'entreprises qui vont tout droit à la tombe. De l'autre, des concertations sereines devraient permettre de mieux appréhender le futur.

En conclusion, compte tenu de l'absence de lisibilité et d'une logique de programmation, de la faiblesse des compétences territoriales, du jeu malsain de marionnettistes en matière de coopération régionale et des limites de l'action internationale, de la non-reconnaissance du droit d'accès préférentiel aux emplois, aux marchés, au titre de l' affirmative action, de la non-prise en compte de l'évolution statutaire et de l'usage excessif du traitement juridique par ordonnances, l'impasse reste grande en dépit des mesures d'exonération et d'allégement préconisées.

Dans ces conditions, ce projet de loi, qui manque de vertèbres, ne saurait emporter mon approbation. Monsieur le secrétaire d'Etat, ne vous en prenez pas à ceux qui font preuve d'audace : plaignez plutôt ceux qui l'on perdue. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme Christiane Taubira-Delannon.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Philippe Chaulet.

M. Philippe Chaulet.

Monsieur le secrétaire d'Etat, dixneuf mois après l'avoir annoncé, vous voilà aujourd'hui devant la représentation nationale pour présenter votre projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, qui a fait couler beaucoup d'encre.

Sans revenir sur toutes les dispositions du texte, je veux souligner que son volet économique et social se résume à un élargissement du champ d'application de la loi Perben de 1994, loi que vous avez toujours combattue, tout comme la loi Pons, que vous avez tuée avec la « tunnélisation ».

Dans son volet institutionnel, vous essayez tant bien que mal de répondre aux aspirations des départements d'outre-mer, qui veulent être acteurs de la coopération interrégionale. Par ailleurs, vous remettez sur le chantier la question institutionnelle par une voie détournée, en créant un congrès des assemblées locales, région et département, au sein des trois régions monodépartementales, la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous savez pertinemment que cette démarche est aventureuse, puisque le Conseil constitutionnel va vous sanctionner sur ce dernier point.

D'ailleurs, la commission des lois a rejeté votre article 39.

En tout premier lieu, je regrette la méthode d'élaboration de ce texte, dont une série de rapports est à l'origine - rapports Mossé, Lise et Tamaya, Fragonard, Seners.

En effet, si l'on peut apprécier la justesse des analyses des divers rapports qui ont permis d'amorcer un débat de fond sur l'approfondissement de la décentralisation et sur les outils des développements économiques et sociaux dans chaque département, il me faut cependant remarquer que vous avez été le chef d'orchestre d'une réelle cacophonie. Preuve en est que sur les huit conseils généraux et régionaux des départements d'outre-mer, six ont désapprouvé le projet du Gouvernement. En fin de compte, sous couvert de concertation et d'écoute, vous n'avez pris en compte aucune des aspirations de nos compatriotes d'outre-mer.

J'aurais singulièrement préféré la mise en place d'une méthode plus pragmatique et donnant la priorité au débat local. Il aurait pu en sortir, pour chacun de nos départements, un véritable pacte de développement prévoyant un transfert accru de responsabilités vers nos sociétés tout en maintenant les solidarités française et européenne.

Monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de loi d'orientation est riche... en inconsistance et en incohérence. Chez nous, on dirait : Grand wache ti coup de bâton.

Pour illustrer l'incohérence, je ne prendrai qu'un exemple : la mise en place du plan d'apurement fiscal prévu par l'article 6. Je ferai référence ici à l'article L. 24 7 du livre des procédures fiscales, qui dispose que l'administration, en l'occurrence le directeur des services fiscaux, peut accorder des remises totales ou partielles d'impôts directs, d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts.

Votre texte est donc parfaitement redondant.

Sur ce sujet, le Gouvernement aurait dû exercer la plénitude de ses attributions réglementaires, en prenant un décret ou une circulaire informant les services fiscaux de chaque département d'outre-mer de la mise en place, dans le cadre de cet article L. 247, des mesures de remises et transactions à titre gracieux pour les entreprises et contribuables subissant des difficultés - risque de liquidation suite à des conflits sociaux, dommages subis en raison d'aléas climatiques. Cette démarche aurait certainement permis de sauver bon nombre d'entreprises et d'emplois depuis deux ans, et plus particulièrement les très petites entreprises.

Pour illustrer l'inconsistance de votre projet de loi d'orientation, plusieurs dossiers peuvent être évoqués.

Il y a d'abord celui de l'investissement privé en outremer, autrement dit la loi Pons. Sur ce point, le silence de votre texte est assourdissant. Comment créer et préserver des emplois sans aides à l'investissement puisque la tunnélisation a d'ores et déjà tué la défiscalisation, surtout dans le secteur du tourisme ? Alors qu'il vous a fallu dixhuit mois pour mettre en place une équipe de réflexion pour élaborer ce projet, vous prétendez que tout pourrait être prêt pour la fin de l'année. Permettez-moi cependant d'en douter.

Il y a aussi celui du transport terrestre de personnes. Le silence de votre projet de loi est, là aussi, assourdissant.

Toutefois, plusieurs amendements de députés de votre majorité tentent de vous sauver la mise en reprenant en substance votre projet d'ordonnance que les professionnels du transport ont rejeté. Qu'est-il advenu du mémorandum d'octobre 1999 établi par les professionnels et cautionné par la région, le département et l'association des maires de la Guadeloupe ?


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Il y a également celui du régime des catastrophes naturelles. Là encore, c'est le silence, malgré les solutions que n ous proposons depuis de longues années et qui consistent à étendre le régime de catastrophe naturelle à la couverture des effets des vents cycloniques.

Quant au dossier concernant le régime fiscal dans les îles du nord que sont Saint-Martin et Saint-Barthélemy, votre silence est affligeant, pour ne pas dire scandaleux.

J'ai déposé deux amendements tendant à reconnaître ces deux communes comme des zones franches puisque tout le monde dit et pense qu'elles le sont. Mais l'article 40 les a laminés.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous tiens pour responsable de la situation explosive qui règne à SaintMartin, car aucune des nombreuses promesses que vous y avez faires n'a été tenue. Vous ne proposez aujourd'hui que de régulariser des compétences déjà exercées.

Pouvez-vous nous garantir que les nombreux décrets nécessaires à l'application de ce projet de loi seront pris dans les meilleurs délais, contrairement à l'exemple de la loi sur les cinquante pas géométriques qu'il a fallu attendre près de cinq ans ? Nos compatriotes d'outre-mer, et singulièrement les Guadeloupéens, s'interrogent légitimement sur la place qu'ils occupent dans ce monde qui change. Malheureusement, votre projet de loi d'orientation ne vient en aucune manière atténuer le malaise qui subsiste dans notre région, celui généré par le chômage et l'assistanat qui humilie. Manquant d'ambition et d'audace, ce texte n'impulse pas une politique dynamique de relance de l'économie des DOM-TOM, qui est pourtant nécessaire et urgente.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez, à plusieurs reprises, fait référence au Président de la République. Je veux souligner, pour conclure, que votre projet de loi d'orientation est bien en deçà des propositions qu'il a présentées dans son discours de Madiana. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, ce projet de loi d'orient ation pour l'outre-mer concerne le développement économique, la situation sociale, les relations internationales et l'évolution institutionnelle. A cet égard, l'important est que les garanties du maintien de l'unité de la République aient été données d'emblée aux uns et aux autres. Mais il faut aussi, et ce texte s'y emploie, tenir compte des situations particulières.

Ainsi, la Guyane, dont la superficie représente le sixième de la France, est un territoire aux contrastes très forts : la côte, la forêt primitive, le centre de Kourou.

Bref, c'est une vaste région au développement très inégal.

Les Antilles, vieille terre française associée à tous les combats de la République, sont au sein de la Caraïbe, où s'étend l'influence américaine à travers l'ALENA et la zone dollar. Cela pose le problème de l'indépendance des Antilles par rapport à l'ensemble américain. La Réunion qui, dans l'océan Indien, fait face à l'immense île de Madagascar et au Mozambique, est une terre où toute l'histoire de notre pays, de l'Ancien régime jusqu'à nos jours, est présente. Chaque fois que, dans ces départements, l'idée de la République l'a emporté, des progrès décisifs ont été accomplis. Il faut que cela continue et nous veillerons à ce que ce texte - et il y en aura d'autres - aille dans ce sens.

L es départements d'outre-mer font partie de la République pour ce qui est du statut des personnes, de la citoyenneté, de la libre circulation des citoyens et des biens et de l'appartenance à la même nation. Tout cela doit être affirmé avec force. Mais ils sont aussi isolés. Le fait pour la Guyane d'être adossée au continent américain, son voisinage avec le Surinam et le Guyana, l'insularité des autres départements d'outre-mer posent des problèmes particuliers.

L'histoire et l'appartenance à la République exigent que soit respectée l'égalité des droits. Existe-t-elle ? Dans les textes, oui. Dans la réalité, c'est une autre affaire. Car le chômage, la précarité et le retard dans le développement économique au sortir d'une économie post-coloniale, qui en porte encore les stigmates, soulèvent bien des problèmes, même si, depuis vingt ans, des progrès ont été réalisés. Ainsi, les inégalités sociales demeurent très fort es, plus fortes qu'en métropole. Dès lors, la question qui vient à l'esprit est celle de savoir si la loi d'orientation dont nous discutons fera reculer ces inégalités de façon décisive.

Je souhaite, à cet égard, citer un cas tout à fait particulier. Puisque la commission d'enquête sur les prisons revient des trois départements d'outre-mer, je veux, monsieur le secrétaire d'Etat, lancer en votre direction un cri qui s'adresse également à Mme Elisabeth Guigou. La prison de Basse-Terre que nous avons visitée est indigne de la République : douze prisonniers sont enfermés dans des petites cellules, sans éclairage, et ne contenant qu'un seul tabouret, près de 22 heures sur 24 ; les sanitaires sont immondes. Une telle situation, qu'on ne tolérerait pas en métropole - doit cesser à Basse-Terre comme à la prison de Saint-Denis.

La République a entraîné les départements d'outre-mer dans l'Union européenne. Cela leur permet de bénéficier, comme la métropole, de fonds structurels. Ainsi, la différence se creuse sur le plan économique avec d'autres îles des Caraïbes. Cette loi d'orientation vise non seulement à maintenir l'unité, mais aussi à nous faire accomplir des pas décisifs pour assurer ce maintien. Le texte comporte donc des dispositions d'ordre économique, social et culturel. Il ouvre aussi la voie à une évolution des institutions locales dans le respect de la Constitution.

Monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet est très attendu outre-mer pour traiter l'urgente question de l'emploi. Les départements d'outre-mer n'ont pas bénéficié de la croissance autant que la métropole. Les taux de chômage y sont doubles au moins de ceux que nous connaissons dans l'Hexagone. La précarité, la crise du l ogement demeurent aiguës. Allégements de charges sociales en faveur des petites entreprises, aides à la création d'emplois, aides en direction des jeunes de 18 à 30 ans qui innoveront, remise ou l'échelonnement de dettes fiscales ou sociales, alignement progressif du RMI domien sur celui de la métropole - sur trois ans, c'est mieux que sur cinq ; mais sur un an ou deux c'eût été encore mieux - alignement de l'allocation de parent isolé - sur sept ans, malheureusement ! - possibilité pour les communes d'être aidées dans la résolution de leur déficit budgétaire, nouveaux équipements : tout cela constitue bien sûr des avancées importantes. Mais il importe que les pauvres profitent en priorité des nécessaires mesures prises en direction des entreprises. Il appartient aux pouvoirs publics d'y veiller.

Le texte comporte aussi d'excellentes dispositions culturelles : création d'un IUFM en Guyane, soutien aux langues régionales, entre autres.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 MAI 2000

Il prévoit également plus de responsabilités pour les assemblées territoriales : des compétences nouvelles en matière de logement, de gestion des routes dites nationales, d'exploitation des ressources naturelles, de la mer, des ressources en énergie. De même, l'augmentation de la dotation globale de fonctionnement pour les communes, la possibilité pour les conseils généraux d'augmenter les taxes sur les tabacs vont dans le bon sens.

Nous nous réjouissons aussi des premiers pas qui sont faits pour permettre à la Guadeloupe, à la Martinique, à la Guyane et à la Réunion, d'avoir enfin une action internationale là où ces territoires ou ces îles sont immergés. Il faut ainsi noter la possibilité de conclure, avec l'aval du Gouvernement, des accords de coopération régionale, de participer à des organisations régionales, à des négociations internationales. Oui, il y a là le début d'un esprit d'ouverture pour que les départements d'outre-mer, partie intégrante de la communauté française, jouent pleinement leur rôle au sein de l'océan Indien, dans la Caraïbe et au flanc du continent amérindien.

J'en arrive enfin au problème de l'évolution institutionnelle. En la matière, nous n'avons pas les coudées franches, puisqu'en 1982 le Conseil constitutionnel a imposé l'existence de deux assemblées, le conseil régional et le conseil général dans les départements d'outre-mer.

Mais l'article 73 de la Constitution permet d'entrouvrir une porte : deux départements demain à la Réunion. La cause semble être entendue, et les élus de ces départements sont quasi unanimes pour le demander. Cela signifiera davantage de présence dans le département, davantage d'actions et de possibilités de réduire les inégalités entre le Nord plus développé et le Sud qui l'est moins.

Dans les trois autres départements d'outre-mer, le conseil régional et le conseil général pourront se réunir en congrès et celui-ci soumettra au vote de chacune de ces assemblées les propositions d'évolution institutionnelle.

Cela peut sembler complexe et lourd, mais nous ne pouvons pas faire plus aujourd'hui, sauf à nous réunir en Congrès. Ces propositions, une fois votées, seront transmises au Gouvernement qui pourra consulter les populations par référendum. Le mécanisme est lourd, c'est vrai.

Mais un mouvement est indiqué. Si une volonté populaire s'exprime, soyez certains que le Gouvernement ne pourra pas faire mieux que d'en tenir compte.

Ce sont là des difficultés constitutionnelles qui datent de plus de vingt ans, mais nous devons en tenir compte.

Cela n'empêchera pas l'histoire de passer.

Ce qui importe, c'est de maintenir entre la métropole et les départements d'outre-mer des liens forts face à la mondialisation. D'ores et déjà, nous savons que, même s'il y a beaucoup de choses à faire, la situation est meilleure que dans d'autres îles des Caraïbes, totalement sous l'emprise américaine.

L'exception française, c'est justement ce désir de conserver un service public, de ne pas céder aux lois impitoyables du marché, de maintenir ce que certains appellent, avec un peu d'ironie, l'Etat providence, pour que l'égalité des droits, la solidarité existent vraiment.

Ce texte offre davantage de moyens économiques et sociaux. Il permettra, nous l'espérons, le développement d'une agriculture vivrière dans des pays dont François Mitterrand disait, voilà plus de vingt ans : « Plantez un bout de bois, il pousse un arbre », et où les sociétés d'importation sont si fortes qu'elles étranglent les économies locales au bénéfice d'intérêts privilégiés.

I l permettra aussi le développement d'activités secondaires et tertiaires, d'un tourisme qui profite à l'ensemble de la population et non pas seulement à quelques groupes venus là pour rafler les bénéfices et les exporter.

De ce texte nous attendons aussi des propositions à caractère social. Ah, si, sur le RMI, vous pouviez aller un peu plus vite ! Il faut, de temps en temps, savoir sortir des contraintes budgétaires, pour faire un geste politique fort ! Vous souriez, monsieur le secrétaire d'Etat. Mais je sais bien ce que c'est : nous avons l'article 40, vous, les contraintes budgétaires ! Les Chinois de l'antique Chine avaient, eux, les « bureaux », si influents auprès des ministres. (Sourires.)

Ceux que l'on voit pleins d'audace lorsqu'ils sont candidats à la députation ne sont plus tout à fait les mêmes, lorsqu'il sont revêtus de l'apparat ministériel ! Monsieur le secrétaire d'Etat, des gestes politiques forts et rapides emportent souvent la décision et comptent pour longtemps. Il faut savoir sortir de calculs imposés par les contraintes budgétaires ou trop de rationalisme.

Aller plus vite serait une bonne chose, aller aussi vers l'égalité d'accès dans la fonction publique. Lors de la discussion d'amendements, nous essayerons de comprendre cette prime d'éloignement dont on parle beaucoup. Nous ne voulons pas improviser mais sortir de situations qui ne correspondent plus à l'évolution des temps modernes.

Les départements d'outre-mer doivent s'ouvrir sur le reste du monde, et leur rayonnement sera aussi celui de la politique française.

Il faut faire évoluer les institutions locales sans attendre une révision de la Constitution, qu'il faudra certes faire un jour, pour marquer notre volonté d'égalité, et de liberté. Faisons confiance aux populations et aux élus, en leur accordant davantage de responsabilités, et une élévation de leur niveau de vie. Les deux se tiennent, c'est la même dialectique : liberté et progrès. Faisons en sorte qu'on ne proclame pas seulement l'égalité des droits mais q u'elle soit une réalité. Ce sera l'honneur de la République et de votre Gouvernement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Léon Bertrand.

M. Léon Bertrand.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il aura fallu près de deux ans de contacts et d'auditions avec les différents partenaires d'outre-mer pour voir aboutir aujourd'hui un projet de loi d'orientation qui, s'il a le mérite de prévoir dans le temps une série de mesures d'ordre social, économique, culturel, voire institutionnel, ne répond toujours pas à certaines préoccupations majeures.

Bien que je ne sois pas du tout favorable à l'idée du congrès, car il ouvre la voie à des changements institutionnels auxquels je suis farouchement opposé, et parce que la loi de décentralisation laisse encore des marges de manoeuvres, néanmoins le fait qu'il renvoie à une consult ation populaire modère sa portée puisqu'il associe l'ensemble de la population à la prise de décision. Il aura au moins le mérite de couper court, une fois pour toutes, à un vieux débat institutionnel qui pollue la vie politique de l'outre-mer.

Monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi avoir tiré à b oulets rouges sur la loi Pons, pourtant porteuse d'emplois malgré ses défauts ? Pour la remplacer, les élus attendaient du Gouvernement un texte audacieux, novateur, traçant des perspectives d'avenir.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 MAI 2000

Certes, l'exonération des charges fiscales et sociales, ainsi que l'effacement, partiel ou total, de certaines dettes pour beaucoup d'entreprises sont intéressants, mais ces mesures seront sans effet majeur si un dispositif incitatif à l'investissement n'est pas rapidement mis en place. Sans patrons, l'exonération des charges patronales est un coup d'épée dans l'eau.

Conscient du fait, vous avez pris aujourd'hui même l'engagement de proposer un nouveau dispositif de défiscalisation dans un délai très court. Nous en prenons acte.

Monsieur le secrétaire d'Etat, j'appelle également votre attention sur une demande que je réitère depuis de nombreuses années : une définition politique claire des relations que la France entend avoir avec son outre-mer.

Rappelons-nous ce que disait André Malraux : « A choisir entre l'intérêt national et la justice sociale, il faut privilégier le premier car, à travers lui, on peut faire la justice sociale, alors que l'inverse n'est pas faisable. »

Autrement dit, la politique passe avant toute chose. Or dans votre texte cette ligne politique reste encore la grande absente. J'y relève toujours cet aspect social de

« bons sentiments » dont l'application aveugle comporte plus d'effets pervers que de réels avantages. C'est un

« sociétal existentiel » et non un social s'inscrivant dans une ligne de pensée authentiquement politique pour nos régions, dans le cadre de la nation.

Dans ce « sociétal » se retrouvent pêle-mêle nombre de sujets comme la flexibilité, le partage de la croissance, l'aménagement du territoire, toutes choses existentielles certes, mais importantes. Mais quelle est leur signification sans l'adhésion des populations à des valeurs communes, et sans rappel que le fondement de la politique est l'exécution d'un contrat entre le citoyen et la nation ? Bossuet disait : « Nos vrais ennemis sont en nousmêmes. » A déprécier les représentants de la nation, le

Gouvernement se discrédite lui-même et c'est la rue qui gouverne au gré de ses humeurs ou de sa fantaisie.

En novembre 1996, des émeutes ont éclaté en Guyane en raison du retard pris dans la mise en place d'un rectorat. « Juré, vous l'avez votre rectorat ! » avait promis deux ans auparavant, en séance publique, le ministre.

Deux ans après, la rue l'a obtenu en vingt-quatre heures.

Quel exemple ! Depuis, nous avons des émules, sur n'importe quel sujet. Et, pas à pas, les gouvernements successifs cèdent du terrain, reculent devant la pression de la rue.

Ces reculades exaspèrent les passions et irritent la métropole qui, par médias interposés, a une image de plus en plus négative des domiens : gestionnaires irresponsables, revendicatifs, exigeant toujours plus de moyens et de pouvoir sans contrepartie.

Et pourtant, en Guyane, le monde n'a pas changé depuis que le Président de la République, François Mitterrand, disait qu'on y tirait des fusées sur fond de bidonvilles, Pourquoi ? Parce qu'il n'y a jamais eu de sérieuses évaluations sur l'adaptation en outre-mer des lois prises pour l'ensemble de la nation, lois qui, appliquées telles quelles dans le contexte géographique particulier de nos régions, ont des effets catastrophiques. Par exemple, la loi sur la nationalité a provoqué une immigration massive et incontrôlée. Depuis ce texte, les Français sont minoritaires en Guyane française ; l'interdiction de faire jouer la préférence nationale pour l'inscription des enfants dans les écoles. De ce fait, le contribuable français paie pour qu'il y ait sur son territoire des classes dont les Français sont de plus en plus absents, hormis l'enseignant, bien entendu ; l'accession facilitée à la nationalité française avec ouverture de facto aux droits sociaux pour les enfants d'étrangers nés sur le sol français, alors que l'on sait que les futures mères sont entrées illégalement sur notre territoire aux seules fins d'obtenir des droits sociaux.

Monsieur le secrétaire d'Etat, ce contexte vous est connu. Vous en conviendrez que même au nom de grands principes généreux et républicains, aucun élu d'outre-mer ne peut accepter de voir se déstructurer et se déstabiliser la société qu'il a en charge.

On ne peut imposer indéfiniment des lois sans les adapter à l'outre-mer. Comme le disait M. Jean Foyer lors du débat sur la loi de décentralisation relative à l'outre-mer de 1982 : « l'adaptation ne permet pas de tout faire et ne saurait porter atteinte à l'esprit général ou aux dispositions essentielles de nos principes républicains et des textes que l'on veut adapter. »

Aussi, par voie d'amendement, je ferai des propositions pour pallier ces dérives. Ainsi, le classement de l'hôpital de Saint-Laurent en établissement à statut international permettrait aux enfants qui y naîtraient de garder la nationalité de leur mère.

La proposition peut paraître audacieuse, car il n'existe pas en France d'hôpital à statut international. Il faut savoir innover, la preuve : on a bien su trouver une solution pour l'aéroport Bâle-Mulhouse ! Sur le plan de la recherche sur les maladies tropicales, notre hôpital bénéficie déjà d'une réputation internationale. En confortant officiellement sa position, on lui ouvrirait la possibilité d'échanges et d'aides plus importants avec des organismes de santé internationaux. Peutêtre lui permettrait-on même de présenter les créances de leurs ressortissants aux pays limitrophes.

J'ai, par ailleurs, présenté un amendement tendant à la création d'un deuxième département bien que je le sache contraire aux dispositions de l'article 40 de la Constitution. Mais ne m'aviez-vous pas ouvert la porte, monsieur le secrétaire d'Etat, avec votre article 39 ? Si j'ai agi ainsi c'est que je pense pouvoir défendre une proposition que j'aurais souhaité voir reprise par le Gouvernement.

On m'a aussi objecté la nécessité d'un consensus des élus sur le sujet. Ne soyons pas naïfs, il n'y en aura jamais.

En effet, la majorité des élus sont à Cayenne et dans les communes directement liées. Pourquoi céderaient-ils une parcelle du pouvoir et des moyens de pression que leur donnent les finances au bénéfice d'une partie du territoire que la plupart d'entre eux ignore ? J'en donne pour preuve le déséquilibre constant dans la décision de répartition des finances publiques, qui résulte du prélèvement de 35 %, pris sur l'octroi de mer, dans la part destinée aux communes, et au bénéfice du seul conseil g énéral. Disposition transitoire qui néanmoins dure depuis plus d'un quart de siècle ! Je propose également un amendement tendant à réduire dans le temps ce prélèvement jusqu'à l'extinction de cette anomalie typiquement guyanaise. Nul ne peut être favorable au déséquilibre des finances départementales, pas plus qu'il ne peut admettre et permettre de laisser perpétrer une injustice dont la permanence est un abus. Je souhaite que le Gouvernement tranche une fois pour toutes la question.

Le second exemple concerne la dotation forfaitaire aux communes. Je présente également un amendement tendant à une répartition plus juste, adaptée aux particularités de chaque commune guyanaise et non pas octroyée en fonction du seul critère de la population communale.


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Monsieur le secrétaire d'Etat, en vertu de grands principes d'un autre temps, on déstabilise notre pays en profondeur. L'effondrement social qui en résulte est encore plus grave dans nos micro-sociétés d'outre-mer et l'on voit s'y développer de plus en plus de revendications autonomistes.

Elles ne sont pas dues à un rejet de la France, mais au décalage grandissant entre la loi constitutionnelle de plus en plus tentaculaire à mesure qu'on la réforme - parlementaire depuis dix ans, j'ai eu l'occasion de participer à sept modifications cette Constitution - et de plus en plus rigide à mesure qu'elle révèle son inadaptation aux réalités de notre temps.

Néanmoins, je reste persuadé que la départementalisation demeure un cadre utile pour la vie de l'outre-mer français, encore faudrait-il que la Constitution lui permette de s'adapter à la mondialisation que sa géographie symbolise. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce projet de loi et les deux journées de débat auxquelles il va donner lieu constituent, à n'en point douter, le grand rendez-vous du Gouvernement de Lionel Jospin avec les départements d'outre-mer.

Nous ne sous-estimons pas l'ampleur de la tâche, ni ne méconnaissons, monsieur le secrétaire d'Etat, votre souci de doter nos départements d'une grande loi qui en favorise l'évolution pour la prochaine décennie.

Ce projet de loi se veut global ; il traite à la fois des aspects sociaux et économiques, des perspectives culturelles et institutionnelles. Mais, avant tout, nous notons que, pour la première fois, un gouvernement propose un texte dans lequel les départements d'outre-mer ne sont pas envisagés comme un ensemble homogène mais en tant que tels, c'est-à-dire avec leur histoire, leur situation dans le temps et dans l'espace, leur réalité, leur désir.

C'est aussi la première fois que sont aussi nettement reconnues les appartenances multiples des départements d'outre-mer et qu'au lieu d'opposer ces solidarités diverses, on se propose de les concilier. Ile de l'océan Indien, département d'outre-mer, région européenne, la Réunion doit pouvoir désormais se prévaloir de ces trois aspects de son identité qui constituent en fait le socle de son développement. Nous n'ignorons pas que, sur ce chemin, les obstacles sont nombreux. C'est en les affrontant résolument, et sans arrière-pensées, qu'on se donnera les chances les plus grandes de sortir du désarroi et de l'impasse actuels en jugulant les inégalités et les injustices qui aggravent chaque jour un peu plus l'exclusion.

En consonance avec l'intervention de mon collègue Elie Hoarau, je voudrais précisément mettre l'accent sur la partie de ce projet de loi qui est relative à l'égalité sociale et à la lutte contre les exclusions. Avant même d'entrer dans le détail des mesures, il est évident que la loi qui sera votée devra rester dans les mémoires comme celle qui aura parachevé, de façon totale et définitive, sans d étour et sans délai, le processus d'égalité sociale commencé en 1946, jeté dans un lourd sommeil durant de longues décennies, puis réactivé par le président Mitterrand en 1988. Les générations futures ne comprendraient pas que votre gouvernement ait manqué ce rendez-vous avec l'histoire ; le jugement qu'elles porteraient sur un tel raté historique serait aussi sévère que celui que les jeunes adultes d'aujourd'hui portent sur la parité sociale que les responsables de jadis ont imposée à leurs parents.

N ous avons déposé plusieurs amendements dont l'adoption permettra d'aboutir, enfin, à l'égalité sociale entre tous les citoyens. Vous comprendrez que nous ne laisseront pas l'article 40 et l'irrecevabilité financière devenir de trop commodes refuges pour justifier un nouveau report ou un nouveau calendrier. Pour non-spécialistes qu'elles soient des arcanes de la loi, les populations, à la Réunion comme ailleurs, ne confondent pas droiture et artifice.

Quel est en effet le fond des choses ? Il réside dans la nature de l'égalité républicaine. Est-elle, oui ou non, un des principes fondateurs de la République ? N'est-ce pas au nom de ce principe que la départementalisation a été réalisée ? Son sens était-il, oui ou non, de faire de cette terre de misère, par l'intégration dans la République, un sol de justice et d'égalité ? Comment justifierons-nous auprès de la population réunionnaise, nous, les héritiers de cette espérance, que des considérations indignes de ce débat repoussent, une fois de plus, à un futur lointain ce que le plus simple sentiment de justice impose pour aujourd'hui.

Si de bons apôtres allaient prétendre que l'égalité sociale immédiatement établie entraînerait de vilains effets pervers pour la société réunionnaise, pourrions-nous empêcher que, du fond de notre mémoire, ne surgisse l'imposture des esclavagistes refusant l'abolition pour le plus grand bien des intéressés et la gloire des colonies ? Ce n'est pas le RMI qu'il faut maîtriser, mais la misère. Ce n'est pas du RMI que vient le danger, mais de l'injustice. Pourquoi ce RMI est-il devenu, dans notre île, un tel catalyseur ? Parce qu'il est désormais l'irréfutable témoin non seulement de l'égalité que l'on proclame, mais aussi de la sincérité avec laquelle on la proclame.

Le revenu minimum d'insertion dans cinq ans ou dans trois ans, vient-on d'apprendre ? L'allocation de parent isolé dans sept ans ? MM. les pauvres ont le temps devant eux ! Et quid de l'allocation pour jeune enfant, du complément familial, de cette allocation versée aux femmes qui ont élevé cinq enfants et dont les bénéficiaires réunionnaises potentielles ignorent jusqu'à l'existence ? Un texte d'une telle importance ne devrait pas comporter de telles carences, de telles restrictions, de tels silences.

Ce débat nous donnera plusieurs occasions de préciser ces différents points. Le même souci exigeant de justice, sans détour et sans délai, guidera chacune de nos interventions. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Anicet Turinay.

M. Anicet Turinay. Le 23 octobre 1998, lors du débat consacré au budget de l'outre-mer, vous annonciez, monsieur le secrétaire d'Etat, votre intention de présenter un projet de loi d'orientation pour les DOM qui serait discuté à l'automne 1999. Ce projet de loi, disiez-vous,

« devra marquer, pour les départements d'outre-mer, une nouvelle étape, celle du développement durable ».

Aujourd'hui débute la discussion de ce texte. C'est bien la première fois que le Gouvernement Jospin, en place depuis le mois de juin 1997, marque son intérêt pour l'outre-mer. Le projet tant attendu est enfin arrivé et j'y souscris. Je l'ai examiné avec d'autant plus d'atten-


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tion que c'est le volet « développement économique et emploi » qui a été mis au premier plan, contrairement à ce qui avait été prévu dans l'avant-projet qui mettait d'emblée l'accent sur l'évolution institutionnelle, arbitrage du Conseil d'Etat oblige ! Ce texte a donc été recentré sur les priorités actuelles des départements d'outre-mer et sur les attentes de leurs populations. La satisfaction que j'ai éprouvée en lisant les grands titres de ce projet de loi s'est vite transformée en d éception quand j'ai pris connaissance du contenu détaillé des différents articles.

Le titre Ier , qui traite du développement économique et de l'emploi, consiste essentiellement en l'exonération de cotisations patronales, l'allégement des cotisations sociales, l'instauration d'une prime à la création d'emploi. Il s'agit donc de poursuivre le dispositif de la loi Perben votée en 1994. Ces mesures ont certes permis la création d'emplois dans les DOM, mais elles n'ont pas abouti au véritable décollage économique tant espéré. Je ne vois, monsieur le secrétaire d'Etat, dans votre texte, aucune mesure incitative à l'investissement dans les DOM.

En effet, il n'est nulle part fait mention d'une fiscalité locale et nationale adaptée aux besoins en matière d'emploi, ni de la détérioration du ratio coût du travailproductivité, ni de l'accès difficile à un financement trop coûteux, dû à la frilosité des banques, compromettant la création et la santé financière des entreprises, ni de l'exiguïté et de l'insularité des territoires, ni de l'éloignement géographique par rapport à la métropole et à l'Europe - ce qui multiplie considérablement le coût du transport et complique les transactions avec l'extérieur - ni d'une certaine inertie administrative.

Tous ces sujets ne sont pas pris en compte. Cela explique d'ailleurs, en partie, le blocage actuel de la Martinique par les professionnels indépendants.

Il est temps que s'ouvre un débat sur les problèmes réels que je viens de citer auxquels nous estimons tous qu'il est urgent de remédier.

Il en est de même pour les délicates questions de la prime d'éloignement et de la surrémunération. Ces sujets ont d'ailleurs mobilisé la commission des lois. Compte tenu des conditions de vie dans les départements d'outremer, il convient de mener une étude précise sur la justification des majorations de salaires. Celles-ci ne contribuent que faiblement au développement local puisque l'épargne additionnelle qu'elles génèrent repart en grande partie vers la métropole.

Leurs effets pervers sont en revanche nombreux : elles exercent une constante pression à la hausse sur les salaires et les prix dans le secteur marchand, ainsi que sur le coût des services bancaires ; elles nuisent à l'investissement, à l'emploi et à la compétitivité des DOM ; enfin, elles entretiennent les tensions sociales dans ces départements où les inégalités sont très fortes.

Les municipalités qui souhaitent titulariser leur personnel contractuel ne le peuvent pas, faute de détenir un budget correspondant à la prise en charge du supplément de 40 %.

M. Henry Jean-Baptiste.

Très juste !

M. Anicet Turinay.

Aujourd'hui, il est souhaitable que les syndicats, les élus locaux ainsi que le Gouvernement engagent la concertation pour étudier les possibilités d'une sortie progressive de ce système et la réaffectation des montants correspondants dans nos économies.

Le titre II est relatif à l'égalité sociale et à la lutte contre l'exclusion.

L'alignement du RMI est fondé en droit, au nom de l'égalité sociale. Cependant, un alignement prématuré de ce dispositif dans les DOM sans qu'il ait été au préalable maîtrisé et recentré sur des politiques d'insertion plus effectives, serait une erreur économique et sociale dont les effets pervers seraient lourds et durables sur l'économie, aggravant les phénomènes d'assistance et de travail informel, couramment dit « travail au noir ».

C'est pourquoi, je souhaite que soient retenus mes amendements sur le RMI et sur l'allocation de parent isolé qui visent à aligner progressivement, dans un délai de dix ans, ces aides dans les DOM sur ce qu'elles sont en métropole.

Mme Huguette Bello.

C'est scandaleux !

M. Anicet Turinay.

J'insiste sur ce point car ni l'allocation de retour à l'activité ni le titre de travail simplifié ne seront suffisants, dans l'immédiat, pour contenir l'attribution du RMI.

M. Claude Hoarau.

Attendons le

XXIe siècle !

M. Anicet Turinay.

Sous peine de rester dans une démarche d'assistance permanente, il faut renforcer les contrôles, mais, surtout, adapter et conforter les parcours d'insertion. Il faut financer l'emploi, pas le chômage ! Le titre III porte sur le logement.

L'alignement du RMI dans les DOM aura pour conséquence la perte de la créance de proratisation. Celle-ci correspond au différentiel entre le RMI versé en métropole et celui des DOM. Il est affecté aux politiques d'insertion, dont 70 % servent à abonder la LBU. Le logement étant une compétence de l'Etat, ce dernier doit continuer à répondre aux besoins importants en ce domaine et maintenir l'aide à la pierre spécifique pour le logement social.

Dans le cadre de l'unification des barèmes de l'allocation logement dans le secteur locatif, j'ai déposé un amendement visant à l'alignement du barème unique appliqué dans les DOM sur celui de la métropole, afin d'améliorer l'efficacité sociale de l'allocation logement.

Les sociétés d'HLM m'ont alerté sur le poids de la taxe foncière sur les propriétés bâties qui grève lourdement leurs budgets. En raison du soutien à apporter à la construction pour les plus démunis, la solidarité entre l'Etat et les collectivités locales devrait intervenir afin de plafonner la TFPB à 10 % du montant total des loyers annuels. Je souhaite que l'amendement que j'ai déposé en ce sens soit retenu.

La partie du projet de loi relative au développement de la culture et des identités outre-mer me satisfait puisque c'est la première fois qu'un texte prend acte de la reconnaissance et de l'usage du créole dans les départements d'outre-mer. En revanche, il n'y a aucune disposition favorisant l'apprentissage de l'anglais ou de l'espagnol dans nos régions alors que notre environnement géographique est exclusivement anglophone et hispanophone.

Il me semble incohérent de vouloir intégrer les départements d'outre-mer dans leur environnement régional sans proposer de mesures qui prennent en compte la barrière de la langue. Pensez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, que la langue française est suffisante pour mettre sur pied une véritable coopération régionale avec les pays voisins ? Il est indispensable d'enseigner l'anglais ou l'espagnol à nos écoliers, dès l'école primaire. Cet apprentissage serait dispensé par des professeurs de langue. Cela


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favoriserait l'embauche des nombreux originaires de nos départements qui, à dessein, se sont formés pour enseigner les langues étrangères, notamment l'anglais.

Nos départements ont également besoin de formations dans le domaine des nouvelles technologies de communication et de l'information. A l'ère de l'Internet, la génération montante doit être formée à ces nouveaux outils informatiques essentiels tant dans la vie professionnelle que dans la vie quotidienne. Ces différentes attentes mériteraient d'être débattues avec le ministre de l'éducation n ationale, afin qu'il nous garantisse l'obtention de moyens budgétaires pour y répondre.

Q uant à l'action internationale des départements d'outre-mer dans leur environnement régional, il n'y a dans votre texte, monsieur le secrétaire d'Etat, aucune ambition ni volonté de leur donner une réelle compétence dans ce domaine puisque leur rôle reste confiné à la simple représentation de la France. Leur pouvoir d'action est strictement subordonné à l'autorisation de l'Etat.

Si le Gouvernement souhaite que se réalise la coopération dans nos régions, il doit user d'une certaine souplesse et laisser les départements gérer, même partiellement, leurs relations avec les pays proches. Ainsi, devrait s'appliquer un régime dérogatoire dans les départements d'outre-mer leur conférant une initiative propre en la matière. Des entreprises s'installent et investissent dans les

Etats voisins, les acteurs économiques circulent dans toute la Caraïbe.

Chaque département d'outre-mer nécessite des compétences élargies adaptées à sa situation géographique afin de mettre en oeuvre des structures opérationnelles de coordination associant les administrations de l'Etat, les élus locaux et les socioprofessionnels. Les ambassadeurs de la France doivent être au service d'une diplomatie régionale pouvant servir d'interlocuteur aux assemblées locales pour définir l'élaboration de programmes de partenariat dans les domaines économique, social et culturel.

Le titre VI concerne l'approfondissement de la décentralisation.

Le transfert de compétences de l'Etat vers les collectivités locales répond à une demande unanime des élus locaux. Mais je m'inquiète de savoir si les moyens suivront. En effet, depuis le transfert aux communes de la gestion des écoles par les lois de décentralisation, nombreuses sont les municipalités qui ne peuvent assumer l'entretien et la réparation des établissements scolaires, désormais placés sous leur responsabilité, car les crédits pour grosses réparations ont été supprimés. Nous devons donc avoir l'assurance que les budgets correspondants aux secteurs faisant partie des nouvelles compétences dévolues aux collectivités seront maintenus et leur seront versés.

En ce qui concerne l'évolution des départements d'outre-mer, l'Etat crée, dans chaque région d'outre-mer monodépartementale, un congrès. Cette entité consiste en la réunion du conseil général et du conseil régional. Elle a pour but de saisir le Gouvernement de toute proposition relative à une évolution institutionnelle. Ce projet a é té transmis pour avis aux collectivités locales en mars 2000. Or six assemblées sur huit ont émis un avis négatif à la création du congrès.

Ce résultat démontre bien que cette structure qui créera un niveau de décision supplémentaire ne correspond pas à l'objectif prioritaire des élus et de la population. En donnant l'impression que l'on accorde un certain pouvoir aux collectivités locales pour modifier les institutions, on aboutira inéluctablement à une rupture de confiance entre la population et les élus locaux.

Enfin, inutile et dangereux, ce projet de congrès paraît pour le moins non conforme à la Constitution. Il a été perçu comme tel par le Conseil d'Etat le 30 mars 2000, puisqu'il crée un organe exerçant une certaine forme de tutelle sur les deux assemblées locales. J'ai déposé un amendement de suppression de cette mesure, d'autant que l'article 73 de la Constitution offre encore des espaces de liberté inexploités. De plus, l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 299, paragraphe 2, du traité d'Amsterdam donne un cadre nouveau pour une plus grande prise en considération des spécificités des départements d'outre-mer dans l'espace communautaire.

Votre texte, monsieur le secrétaire d'Etat, a raté le coche. Il n'apporte aucune innovation et pas de dynamisme pour un développement écnomique durable des départements d'outre-mer. Il est dommage que vous n'ayez pas eu le courage de vous attaquer aux vraies difficultés pour faire des propositions beaucoup plus utiles.

(Aplaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Léo Andy, dernier orateur inscrit.

M. Léo Andy.

Monsieur le secrétaire d'Etat, ce projet de loi est la réponse apportée par le Gouvernement à une très forte demande exprimée par les parlementaires domiens le 23 octobre 1998, lors de la discussion du débat budgétaire sur l'outre-mer, demande relayée par tous les acteurs politiques, sociaux et économiques des DOM en raison du profond malaise affectant nos pays.

Malaise identitaire lié à une histoire tragique, toujours présente dans la mémoire collective, à cet éloignement géographique de l'hexagone et de l'Europe dans laquelle ils sont pourtant intégrés, à ce découpage de leur environnement régional auquel ils appartiennent cependant, culturellement.

Malaise économique lié à leur mal-développement,r ésultant de leurs handicaps structurels, désormais reconnus dans le concept d'ultrapériphicité, figurant dans l'article 299-2 du traité de l'Union européenne. Maldéveloppement qui se traduit par une croissance inégale et inégalitaire, et par une dépendance extrême à l'égard de l'extérieur.

Malaise social enfin, lié à la dégradation du tissu familial, à la crise des valeurs, au désoeuvrement de la jeunesse frappée par un taux record de chômage, et au caractère dichotome d'une société dans laquelle les poches de richesse avoisinent la misère et l'exclusion du plus grand nombre.

A ce malaise général, le Gouvernement a bien voulu répondre par un projet global. Il convient donc de saluer, d'emblée, cette volonté ambitieuse tout comme la démarche de longue concertation qui a présidé à l'élaboration de ce projet. En effet, comme le rappelle l'exposé des motifs du texte, pendant plusieurs mois, les élus et les responsables socio-économiques des DOM ont été largement consultés. Sur cette base, plusieurs rapports ont été rédigés, dont celui de nos collègues parlementaires, contenant des propositions d'ordre économique, social, institutionnel et culturel.

S'inspirant de ces dernières, le document-cadre établi par le Gouvernement a de nouveau recueilli les avis et remarques des conseils régionaux et généraux. C'est bien la première fois dans l'histoire des DOM qu'une telle démarche de concertation a précédé l'élaboration d'un projet de loi. C'est tout à l'honneur du Gouvernement.


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Bref, ce projet de loi est en quelque sorte l'émanation des forces vives des DOM, le reflet de leurs préoccupations. Nous sommes donc loin de la pratique antérieure qui consistait à imposer d'en haut, ou plutôt de loin, des textes de loi souvent en décalage avec les attentes locales.

Cette démarche est inédite et l'esprit qui la sous-tend nous permettra, j'en suis convaincu, de parfaire le projet, lors des débats parlementaires, dans tous ces aspects.

L'enjeu de ce débat est de taille. Le dispositif législatif qui en résultera va déterminer l'avenir de nos territoires et leur développement durable en combattant ce fléau du chômage qui les mine et les détruit, assurer leur épanouissement culturel fondé sur la reconnaissance de leur identité plurielle, accroître leur responsabilité politique, traduite par une gestion largement décentralisée de leurs affaires et par des institutions permettant de l'exercer.

Puisque l'enjeu est vaste, il est de notre devoir de faire de ce texte l'outil le plus approprié pour réussir ce pari de la dernière chance en le renforçant, en l'améliorant là où cela est nécessaire, bref, en en faisant une grande loi pour l'outre-mer qui fera date.

A cet égard, prenons d'abord acte de l'effort financier sans précédent consenti par l'Etat en faveur de l'emploi et de l'activité économique qui constituent, je le relève avecs atisfaction, « une priorité pour la nation » selon l'article 1er du projet.

Ainsi, le dispositif étendu d'allégement, voire d'exonération des cotisations de sécurité sociale pour les entreprises de moins de onze salariés, pour celles des secteurs exposés à la concurrence quels que soient leurs effectifs, pour les travailleurs indépendants, pour les entreprises du secteur du BTP, pour les exploitations agricoles de moins de 40 hectares pondérés, concernera plus de 100 000 salariés, c'est-à-dire près de la moitié de ceux du secteur privé, et neuf entreprises sur dix. Si l'on y ajoute l'aide supplémentaire en cas d'un accord sur la réduction du temps de travail, le coût budgétaire pour l'Etat est estimé autour de 3,5 milliards de francs, l'aide par salarié avoisinant 35 000 francs par an.

A ces dispositions, il convient d'ajouter les mesures d'annulation ou d'apurement des dettes sociales et fiscales des entreprises, la création du projet initiative-jeune, l'allocation de retour à l'activité, la création du titre de travail simplifié, la prime à la création d'emploi pour les entreprises exportant au moins 20 % de leur production dans les pays voisins.

On voit clairement l'ampleur de l'effort dégagé et son importance par rapport à la loi du 25 juillet 1994. La loi Perben, en effet, concernait 40 000 salariés et touchait moins d'entreprises.

Son coût total se chiffrait à 800 millions de francs.

Elle a pourtant eu des effets bénéfiques incontestables.

Entre 1995 et 1997, les créations d'emplois ont été quatre fois plus importantes dans les secteurs exonérés que dans ceux qui ne l'étaient pas et elle a permis une baisse importante du travail illégal.

L'effort financier est quadruplé dans le présent projet.

Nous pouvons donc escompter des avancées bien plus importantes dans la lutte contre le chômage grâce à la pérennisation des petites entreprises et des travailleurs indépendants, à l'effet incitateur de la diminution du coût du travail sur la création d'emploi, à l'assainissement de la situation fiscale des entreprises, ainsi qu'aux aides directes favorisant l'initiative et la formation des jeunes et l'insertion des RMIstes.

Cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, il y a lieu d'améliorer le dispositif proposé sur certains aspects et de le renforcer sur d'autres afin d'en optimiser l'efficacité.

Plusieurs amendements en ce sens ont déjà été adoptés au sein des trois commissions saisies. D'autres viendront en discussion en séance et je souhaite que notre assemblée les soutienne et que le Gouvernement ne s'y oppose pas.

Ainsi, concernant l'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale, je voudrais d'abord souligner les dangers que comporte l'effet de seuil de dix salariés prévu à l'article 2 du projet. Il est en effet à craindre que les entreprises ne veuillent dépasser ce nombre, malgré l'existence du dispositif dégressif, ou, hypothèse bien pire, que celles ayant onze ou douze salariés décident d'en licencier pour bénéficier des exonérations prévues par la loi. Pour éviter cet effet pervers qui va à l'encontre de l'objectif essentiel du projet, il est impératif que le bénéfice de l'exonération reste acquis, dans la limite de dix salariés, pour les petites entreprises qui auront créé des emplois et dépassé ce nombre. De même, il conviendra de s'assurer que l'entreprise dont l'effectif passe au-dessous de onze salariés traverse véritablement une période difficile avant de lui accorder le bénéfice de l'exonération.

Par ailleurs, il n'est pas concevable d'exclure un secteur de pointe - celui de l'informatique et des technologies nouvelles - de la liste des secteurs exposés à la concurrence et qui, à ce titre, sont bénéficiaires de l'exonération des charges patronales.

S'agissant du plafond d'exonération prévu, pourquoi le limiter à 133 % du SMIC et ne pas l'augmenter à 150 % par référence au dispositif existant dans les zones franches urbaines ? Monsieur le secrétaire d'Etat, il me semble aussi que l'ampleur du chômage des jeunes et de la pression démographique, outre-mer, justifie la mise en place d'un dispositif généralisé de départ à la retraite à cinquante-deux ans, assorti d'une obligation d'embauche de jeunes de moins de trente ans. Cette mesure est préconisée dans le rapport Fragonard et son impact sur l'emploi sera de toute évidence extrêmement positif.

Dans le même esprit, j'avais proposé la mise en place des mesures de « discrimination positive » visant à favoriser, autant que possible, l'emploi local. Mon amendement a malheureusement subi le couperet de l'article 40. Pourtant, l'outre-mer a besoin d'une thérapie de choc, donc de mesures radicales, pour compenser ses handicaps structurels.

Avant d'évoquer le chapitre sur le développement de la culture et des identités d'outre-mer, je voudrais émettre le voeu que les mesures d'alignement du RMI et de l'allocation de parent isolé, qui achèvent enfin l'égalité sociale avec la métropole, interviennent dès le vote de cette loi et non pas progressivement - sur cinq et sept ans, respectivement - comme le prévoit le texte. Je demande également, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'engagement que vous avez pris concernant l'effort budgétaire de l'Etat pour le financement du logement social et les mesures d'insertion après la suppression progressive de la créance de proratisation, figure dans le texte de loi. Je souhaite quant à moi que mon amendement, tendant à porter l'augmentation de la DGF à 250 millions de francs, adopté par la commission des lois, soit voté par l'Assemblée.

La volonté du Gouvernement de renforcer les mesures en faveur des langues régionales est certes louable. Mais comment se concrétisera-t-elle ? Par exemple, le créole sera-t-il autorisé officiellement à l'école ? Autrement dit,


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la loi Deixonne sera-t-elle applicable aux langues régionales d'outre-mer ? Je rappelle, pour mémoire, qu'il est précisé, dans le rapport sur les langues et cultures régionales, que M. Poignant a remis au Premier ministre le 1er juillet 1998, que les créoles sont la langue maternelle la plus répandue sur le territoire de la République.

Je rappelle par ailleurs ce que j'ai eu l'occasion de dire à l'ancien ministre de l'éducation nationale, M. Claude Allègre, à savoir, qu'il faut mettre au programme scolaire, non seulement des départements et territoires d'outremer, mais aussi de la métropole, l'enseignement de l'histoire et de la civilisation des Antilles et de l'outre-mer en général, afin de mieux faire comprendre aux jeunes générations les relations qui existent depuis plus de trois siècles entre la France et ces terres lointaines que certains ont appelé « les confettis de l'Empire » Quant à la décision d'établir l'égalité du prix du livre entre la métropole et les départements d'outre-mer, je m'en réjouis. Cependant, il reste à répondre à l'interrogation des libraires sur le surcoût lié aux frais de transport et de stockage.

Le volet de votre projet de loi relatif à l'approfondissement de la décentralisation et des compétences nouvelles pour les collectivités locales répond à une très forte demande des élus et de la population d'outre-mer. Cela est particulièrement vrai dans le domaine de la coopération régionale puisque - et c'est une avancée considérable - le texte prévoit la délégation des pouvoirs dans les domaines de compétence de l'Etat aux présidents des conseils régionaux ou aux présidents des conseils généraux des DOM, pour négocier et signer des accords avec les

Etats voisins, les organismes régionaux dans leur zone respective ou organismes régionaux dépendant des institutions spécialisées des Nations unies.

Lorsqu'il s'agit des domaines de compétence du département ou de la région, cette possibilité de négociation et de signature des accords est ouverte de plein droit dans le respect des engagements internationaux de la France.

Ainsi, les DOM deviennent, selon l'expression utilisée par le Président de la République lors de son récent voyage aux Antilles, des acteurs de plein exercice de la coopération avec leur environnement régional et les représentants et les porte-parole naturels de la France et de l'Europe dans leur zone respective.

Dans le même esprit, il me semble éminemment souhaitable que les présidents des régions ou leur représentants participent, au sein de la délégation française, aux négociations avec l'Union européenne concernant la définition et la mise en oeuvre des politiques ou des mesures découlant de l'article 299-2 du traité de l'Union. Mais il me semble que vous avez prévu un amendement en ce sens. Ma préoccupation est donc apaisée.

En effet, compte tenu des enjeux, pour les DOM, des propositions d'actes communautaires pris en application de cet article, il est nécessaire que ceux-ci soient associés en amont des décisions.

Le transfert de nouvelles compétences aux collectivités territoriales en matière d'exploitation des ressources naturelles de la mer, de construction et de gestion des routes nationales, de valorisation des énergies renouvelables et de gestion de l'eau témoigne effectivement d'une volonté d'approfondir la décentralisation et je m'en félicite. Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est faire preuve de frilosité, pour ne pas dire de méfiance, de n'attribuer qu'une coprésidence avec le préfet de l'office de l'eau au président du conseil général et de subordonne la nomination de son directeur à la proposition du préfet. De même, il est incompréhensible que le conseil départemental de l'habitat soit présidé conjointement par le préfet et le président du conseil général. Ces dispositions sont, me semble-il, contradictoires avec toute la philosophie de ce projet et de la décentralisation.

Concernant le chapitre institutionnel, je dois vous faire part de la déception, voire de l'incompréhension, d'une majorité de Guadeloupéens. En effet, lors de la concertation engagée sur ce projet, de fortes aspirations concernant une évolution institutionnelle dans le cadre de la République se sont exprimées dans mon département.

Dans la mesure où notre demande d'une assemblée unique, dans une région monodépartementale, se heurte à un obstacle constitutionnel, ne pouvant s'intégrer dans le cadre de l'article 73 de la Constitution, nous avons accepté le compromis offert par l'idée du congrès, telle qu'elle apparaît dans le rapport de nos collègues Claude Lise et Michel Tamaya et telle qu'elle était présentée dans l'avant-projet de loi.

En effet, composé des conseillers régionaux et des conseillers généraux, le congrès était habilité à saisir directement le Gouvernement de toute proposition relative, d'une part, à l'accroissement ou à la modification de lar épartition des compétences des collectivités locales concernées et au développement économique et social et, d'autre part, à l'évolution institutionnelle. Dans ce dernier cas, sur la base des propositions du congrès, le Gouvernement pouvait organiser une consultation pour avis des populations concernées et, dans l'hypothèse d'un avis positif, consentir des modifications statutaires en procédant, le cas échéant, à une révision constitutionnelle.

C'était une démarche démocratique, transparente et responsable. Le congrès était considéré comme le lieu d'un franc débat et de propositions permettant de dégager un large consensus des élus locaux, notamment sur les questions statutaires. Le Gouvernement quant à lui acceptait implicitement le principe d'une évolution statutaire différenciée pour chaque DOM dans le cadre de la République et après avis des populations concernées. Le congrès avait ainsi une légitimité reconnue.

Cette avancée était d'autant plus appréciable que le Président de la République affichait également son accord avec ce principe. Lors de la consultation qu'il a organisée à l'Elysée avec nous, avant son voyage aux Antilles début mars, puis lors de ce voyage, le Président, sans trancher entre les diverses demandes, allant de l'autonomie jusqu'au renforcement de la départementalisation, s'est en effet déclaré ouvert à toute évolution institutionnelle sur mesure, soulignant que toutes les orientations étaient admissibles à condition qu'elles s'inscrivent dans le cadre de la République et qu'elles soient approuvées par la population des DOM.

Dans ce contexte, le projet gouvernemental ouvrait la perspective d'une nouvelle étape pour les DOM dans l'ensemble français. Or la censure du Conseil d'Etat a vidé le congrès de sa substance, faisant de cette institution une coquille vide. En effet, le projet en discussion maintient le principe de la réunion en congrès des deux assemblées locales, mais ses délibérations sont renvoyées à chacune d'elles pour un vote. C'est uniquement lorsque le conseil régional et le conseil général émettent un vote conforme que la proposition peut être transmise au Gouvernement pour la deuxième étape, celle de la consultation populaire.

Il ne s'agit pas seulement d'un alourdissement de la procédure ; il s'agit d'un recul et même d'un véritable blocage si l'on considère les difficultés réelles qui hypothèquent, tout au moins en Guadeloupe, la coopération


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entre deux assemblées n'ayant pas la même majorité politique. Je rappelle aussi qu'à l'heure actuelle il est déjà courant de réunir ces deux instances pour débattre des questions d'intérêt commun. Dès lors, pourquoi légiférer pour créer un organisme qui n'aura ni pouvoir, ni légitimité ? S'il est vrai, monsieur le secrétaire d'Etat, que les questions de développement sont prioritaires chez nous, j'estime erronée l'idée selon laquelle les problèmes institutionnels n'ont pas d'incidence sur l'efficacité des mesures économiques prises. Mon département est l'exemple même des dysfonctionnements inhérents à la coexistence de deux assemblées sur un même territoire. Nous ne pouvons pas faire l'économie d'une réflexion sur la création d'une nouvelle collectivité dans le cadre de la République qui bénéficierait progressivement d'une autonomie grandissante en matière de gestion et de ressources. La possibilité pour les départements d'outre-mer qui le souhaitent d'évoluer sur le plan institutionnel ne peut pas et ne doit pas être écartée. En attendant cette évolution, préparée démocratiquement et en toute transparence, le congrès doit demeurer un lieu de débat permanent, permettant aux élus des deux assemblées de proposer au Gouvernement des mesures chaque fois qu'un vide juridique ou l'inapplicabilité aux conditions locales d'une loi ou d'un règlement créent un blocage sur le plan administratif ou sur celui du développement économique ou social. Ainsi, conserverons-nous au moins, à ce texte, monsieur le secrétaire d'Etat, son aspect novateur en matière institutionnelle.

Le chapitre institutionnel mis à part, le projet de loi répond globalement aux exigences créées par la situation de crise multiforme qui affecte l'outre-mer. Tant dans son esprit que dans son contenu, il correspond aux attentes et aux aspirations des Domiens. Enrichi par les amendements qui, je l'espère, seront adoptés au cours du débat, ce projet - qui deviendra la loi Queyranne - fera tout de même date dans l'histoire de l'outre-mer.

J e reste cependant convaincu qu'avant longtemps d'autres projets seront mis en chantier pour briser les contraintes du Conseil constitutionnel et donner de véritables responsabilités aux populations des départements d'outre-mer, qui ne souhaitent que leur épanouissement par le travail et la dignité, dans le cadre de la République.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Mesdames et messieurs les députés, je ne répondrai pas ce soir à l'ensemble des intervenants puisque nous aurons l'occasion de reprendre les différences questions qui ont été posées lors de l'examen des articles. Je veux simplement revenir sur deux points : la méthode qui a présidé à l'élaboration du projet de loi et les objectifs de celui-ci.

La méthode, d'abord. Ce texte est le produit d'une longue concertation, certains diront même trop longue, puisque le débat a été lancé il y a dix-huit mois. Celui-ci a intéressé non seulement les élus, mais aussi tous les acteurs sociaux, économiques et culturels. Au cours de cette période, nous avons eu une discussion la fois riche et contradictoire. Ainsi, nous avons reçu plus de deux cents contributions écrites à la consultation que nous avons lancée à la fin de l'année 1999.

Le fait que l'outre-mer ait participé à ce vaste débat et, pour reprendre le mot de Mme Taubira-Delanon, à ce

« banquet philosophique », au sens platonicien du terme, me paraît très prometteur pour l'avenir.

Contrairement à ce qu'a dit M. Debré, il n'y a eu aucune improvisation. D'ailleurs, le Président de la République a fait plusieurs fois référence, dans son discours de Madiana, au débat qui avait été engagé avec les collectivités d'outre-mer.

Nous ne sommes pas davantage dans le virtuel, monsieur Douste-Blazy, mais bien dans un texte qui entend aborder l'ensemble des problèmes de l'outre-mer. Il va être complété par le débat parlementaire. Certains sujets n'y sont pas traités. J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer que seront revus plus tard les problèmes de défiscalisation.

D'autres relèvent du droit commun - même si on peut parfois déplorer que celui-ci ne soit pas suffisamment adapté aux situations particulières -, tels les problèmes d'immigration, notamment en Guyane. Mais, là, nous nous heurtons aussi à des principes constitutionnels.

Il s'agit donc d'une nouvelle méthode. Elle a révélé, dans la société locale, chez les responsables économiques, les acteurs culturels, la vie associative, une réelle volonté de prendre en main l'avenir de l'outre-mer. Cela est important, car, comme le disait Mme Taubira-Delanon, il y a en outre-mer une réelle capacité d'initiative, mais elle n'a certainement pas été suffisamment sollicitée. C'est pour cela que nous pouvons parler de responsabilité.

Examinons maintenant les objectifs du projet de loi.

Tout le monde reconnaît les difficultés que rencontre l'outre-mer - chômage, inégalités, mal-développement qui tiennent à sa situation géographique particulière et à son héritage historique. Mais peu d'orateurs, en dehors de M. Mermaz, ont souligné les atouts dont il dispose, dont la formation des hommes, le niveau des services publics, l'adossement à un ensemble non seulement national mais européen. Je constate d'ailleurs que personne n'a remis ce dernier en cause.

Certains ont souligné que le texte devrait faire plus référence au niveau auropéen, ce qui va d'ailleurs de soi.

L'article 299-2 du traité d'Amsterdam, qui a notamment été ma première préoccupation quand j'ai été nommé ministre de l'outre-mer puisque nous étions à quinze jours de la négociation d'Amsterdam engagée par le gouvernement précédent - il ne s'agit pas de dire que ce gouvernement a fait mieux que le précédent, nous avons pour-s uivi une discussion -, est véritablement, pour l'outre-mer, une reconnaissance de son rôle, de sa place et de ce qu'il représente pour l'Europe dans les trois grandes zones géographiques où il est situé.

Il y a des handicaps et des atouts.

Tout le monde s'accorde aussi à dire que les départements d'outre-mer se trouvent à un tournant de leur hist oire. M. Douste-Blazy et M. Andy ont d'ailleurs employé cette expression.

En 1946, des parlementaires qui ont marqué l'histoire de l'outre-mer et l'histoire de France ont choisi la départementalisation pour sortir du statut de colonies et aller vers l'égalité au nom du rattrapage. On mesure le chemin parcouru.

Je crois que personne aujourd'hui ne peut contester la valeur du choix qui a été fait en 1946 ici même, dans cette assemblée, mais nous sommes à un tournant, parce que les départements d'outre-mer ne peuvent plus vivre en circuit fermé avec la métropole, dans les réminiscences de ce que Camille Darsières appelait « le pacte colonial ».

Il faut aussi sortir des réflexes anciens où le recours à


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l'Etat était systématique : Etat bienveillant mais Etat que l'on accusait de tous les maux quand il s'agissait d'évoquer le mal-développement.

Si l'on regarde les crédits qui vont contribuer au développement de l'outre-mer dans les six ans qui viennent crédits européens, qui seront doublés, et c'est donc une période bénéfique pour l'outre-mer, crédits des contrats de plan, crédits des collectivités locales -, si l'on reprend les mesures de la loi d'orientation, si l'on évoque une défiscalisation renouvelée, prenant en considération non pas simplement la défiscalisation de l'immobilier mais aussi les problèmes de financement des entreprises, on se rend compte que les départements d'outre-mer auront les moyens de leur développement économique, et cela sans renoncer à leur niveau de protection sociale.

Il y a donc une véritable chance à saisir pendant cette période. Soit l'Etat et les responsables locaux savent assumer ce tournant et nous sortirons probablement du cycle de la dépendance et de l'assistanat, soit nous n'en sommes pas capables et ce sera probablement le signe d'une régression pour l'outre-mer. Qui peut penser, en effet - on peut toujours le souhaiter -, que, dans sept ans, l'Europe, avec l'élargissement, consentira autant pour l'outre-mer ? Si nous n'avons pas créé une économie viable pendant cette période, nous serons complètement submergés dans le courant de la mondialisation.

Or il y a des possibilités économiques. Il y a quelques semaines, à New York, le responsable de la DATAR m'expliquait que des entreprises informatiques américaines souhaitaient s'installer dans les Caraïbes et que, dans les départements d'outre-mer, elles étaient assurées de trouver un certain niveau de développement, des services publics, la stabilité et la sécurité, mais que c'était très difficile de trouver des interlocuteurs pour favoriser ces implantations.

On se rend donc bien compte que, dans ces courants de mondialisation, si nous savons valoriser les atouts et le niveau de la commande publique, nous pourrons réussir.

Je pense aussi que l'ouverture à l'environnement régional est un changement fondamental, une petite révolution dans l'administration des affaires étrangères. M. le Premier ministre avait dit à Madiana que, sur ce plan-là, il fallait briser les tabous ! Les choses cheminent donc et la coopération nationale, idée que Michel Rocard avait lancée au début des années 90, qui s'est traduite dans la loi Joxe, a été une première étape. Maintenant, nous sommes dans un autre mouvement pour que les départements d'outre-mer existent dans leur zone géographique, et cela, c'est possible. Ce sera bien pour eux, pour la France et pour l'Europe.

Il y a aussi la dimension de l'identité culturelle, qui prend le relais de l'égalité. Aimé Césaire l'évoquait lors de nos entretiens en indiquant qu'en 1946, on parlait beaucoup d'assimilation - cela voulait dire égalité de droit et non-négation de l'identité de l'outre-mer -, car c'était le temps de l'égalité, et que c'est aujourd'hui le temps de l'identité.

Un grand nombre de mesures ne sont pas du domaine législatif et ne figurent donc pas dans la loi mais, quand on voit la richesse de l'outre-mer sur le plan culturel, quand on sait, par exemple, que nous envisageons d'organiser l'année prochaine à la Cité des sciences une exposition qui mettra en valeur la recherche scientifique outremer, tout ce qu'elle apporte dans des domaines multiples, de l'énergie à la biodiversité, aux recherches marines, quand on sait par exemple que c'est la France qui a le plus grand volume de récifs coralliens, on se rend compte de cette richesse qui, souvent, n'est pas mise en valeur dans notre ensemble national.

Cette identité culturelle va donc s'affirmer, une identité culturelle multiple, faite de métissage, de créolité, mais aussi d'une appartenance à la République, et le rôle des départements d'outre-mer d'être des carrefours de culture et de civilisation prend véritablement tout son sens.

Enfin, ce projet de loi rompt avec le principe de l'uniformité. Mme Bello l'a souligné, comme un grand nombre d'autres orateurs. Il s'agit de donner à chaque département d'outre-mer - nous donnons déjà à la Réunion, le sujet est controversé et nous aurons l'occasion d'y revenir, une dimension départementale forte, cette volonté de rester dans l'article 73 - la possibilité d'imaginer un avenir en tenant compte des transferts de compétences, de responsabilités, éventuellement, des changements constitutionnels qui pourront intervenir. J'ai noté ce soir que tous les orateurs de droite qui se sont exprimés, sauf peut-être M. Turinay, souhaitaient qu'il y ait des changements constitutionnels - voilà une grande avancée ! -, c'est-à-dire que l'on puisse sortir du cadre de l'article 73 pour aller vers une évolution plus différenciée, vers des transferts de pouvoirs, et de compétences plus assurés. Pourquoi pas ? Mais, vous le savez bien, s'il doit y avoir révision constitutionnelle, elle ne peut se faire que dans un consensus large, évidemment. Les règles de majorité en matière constitutionnelle l'imposent. Par ailleurs, la vision que nous pouvons avoir de l'outre-mer dans l'ensemble français mérite qu'il y ait un consentement le plus large possible à des changements, et non pas seulement la vision imposée par une majorité à une minorité, ce qui n'aboutit pas quand on veut réunir le Congrès à Versailles.

Donnons donc aux congrès des départements d'outremer la possibilité de mettre en oeuvre ces changements.

Ne nous rallions pas à telle ou telle déclaration, à telle ou telle prise de position, qui ont le mérite d'exister et de poser le débat, mais recherchons le consensus sur le plan local. Il sera source de changement sur le plan national parce qu'il montrera que, cette fois, la volonté émane de l'outre-mer, comme c'était d'ailleurs le cas en 1946 puisque le texte instituant la départementalisation a été adopté, je crois, à l'unanimité de l'Assemblée constituante. Il s'agit de reprendre la même démarche, les départements d'outre-mer manifestant une volonté reprise par le pouvoir législatif.

Telle est la démarche du Gouvernement, que je tenais à confirmer. Je serai évidemment ouvert demain aux amendements qui pourront enrichir le texte. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2 DÉPÔTS D'UN PROJET DE LOIS

M. le président.

J'ai reçu, le 10 mai 2000, de M. le Premier ministre un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 MAI 2000

Ce projet de loi, no 2386, est renvoyé à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

3 DÉPÔTS DE PROPOSITIONS DE LOIS

M. le président.

J'ai reçu, le 10 mai 2000, de M. Gilbert Le Bris et des membres du groupe socialiste et apparentés une proposition de loi modifiant la loi no 83-583 du 5 juillet 1983 réprimant la pollution par les navires.

Cette proposition de loi, no 2371, est renvoyée à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 10 mai 2000, de M. Robert Gaïa et plusieurs de ses collègues une proposition de loi relative à la levée de forclusion des textes législatifs pour la prise en compte des droits à reconstitution de carrière administrative de certains fonctionnaires anciens combattants et rapatriés du ministère de la défense.

Cette proposition de loi, no 2372, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 10 mai 2000, de M. Patrick Bloche et des membres du groupe socialiste et apparentés une proposition de loi portant pénalisation des propos à caractère discriminatoire.

Cette proposition de loi, no 2373, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 10 mai 2000, de M. Jacques Fleury et des membres du groupe socialiste et apparentés une proposition de loi relative à la prolongation du mandat et à la date de renouvellement des conseils d'administration des services d'incendie et de secours.

Cette proposition de loi, no 2374, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 10 mai 2000, de M. Laurent Dominati une proposition de loi visant à renforcer la protection accordée aux locataires âgés dans l'hypothèse de signification de congé par leurs propriétaires.

Cette proposition de loi, no 2375, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 10 mai 2000, de M. Noël Mamère et plusieurs de ses collègues une proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations.

Cette proposition de loi, no 2376, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 10 mai 2000, de M. François Sauvadet une proposition de loi tendant à étendre la procédure du chèque-service au secteur associatif.

Cette proposition de loi, no 2377, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 10 mai 2000, de M. Michel Bouvard une proposition de loi tendant à instituer un abattement sur la valeur locative cadastrale des locaux d'habitation exposés aux nuisances sonores dues aux infrastructures de transports routiers et ferroviaires.

Cette proposition de loi, no 2378, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 10 mai 2000, de M. Pierre Albertini et plusieurs de ses collègues une proposition de loi tendant à la suppression du régime d'exception applicable à Paris en matière de pouvoirs de police.

Cette proposition de loi, no 2379, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 10 mai 2000, de M. Jacques Myard une proposition de loi tendant à réserver l'appellation « chocolat » au produit fabriqué exclusivement avec du beurre de cacao.

Cette proposition de loi, no 2380, est renvoyée à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 10 mai 2000, de Mme Roselyne BachelotNarquin une proposition de loi modifiant les règles d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le virus du sida.

Cette proposition de loi, no 2381, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 10 mai 2000, de M. François Sauvadet une proposition de loi tendant à généraliser les équipements cinéraires dans les cimetières.

Cette proposition de loi, no 2382, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 10 mai 2000, de M. Patrick Delnatte et des membres du groupe du Rassemblement pour la République et apparentés une proposition de loi tendant à la création d'un congé de solidarité familiale.

Cette proposition de loi, no 2383, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 10 mai 2000, de M. François Goulard une proposition de loi tendant à élargir le champ d'application des nouvelles modalités de calcul des cotisations de sécurité sociale dues pour l'emploi des assistantes maternelles.

Cette proposition de loi, no 2384, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

4 DÉPÔTS DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 10 mai 2000, de M. Bernard Roman, un rapport, no 2368, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 MAI 2000

de l'administration générale de la République, sur le projet de loi organique, modifié par le Sénat en deuxième lecture, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna (no 2341 rectifié).

J'ai reçu, le 10 mai 2000, de Mme Martine Aurillac, un rapport, no 2369, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur : le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay, signée à Paris le 5 novembre 1996 (no 2171) ; le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay, signée à Paris le 5 novembre 1996 (no 2172).

J'ai reçu, le 10 mai 2000, de Mme Bernadette IsaacSibille un rapport, no 2370, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à la coopération en matière d'adoption d'enfants entre la République française et la République socialiste du Vietnam (no 2358).

J'ai reçu, le 10 mai 2000, de M. Didier Migaud, rapporteur général, un rapport, no 2387, fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2000 (no 2335).

5 DÉPÔT D'UN RAPPORT EN APPLICATION D'UNE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 10 mai 2000, de M. le Premier ministre, en application de l'article 3 de la loi no 92-654 du 13 juillet 1992 relative au contrôle de l'utilisation et de la dissémination des organismes génétiquement modifiés et modifiant la loi no 76-663 du 19 juill et 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, le rapport d'activité pour l'année 1998 de la commission du génie biomoléculaire.

6 DE PO T D'UN RAPPORT

SUR UNE PROPOSITION DE RE

SOLUTION

M. le président.

J'ai reçu, le 10 mai 2000, de M. JeanJacques Denis, un rapport, no 2385, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur la proposition de résolution, no 2264 de M. André A schieri tendant à la création d'une commission d'enquête relative à l'organisation et aux pratiques des ordres départementaux des médecins au regard de leurs missions déléguées.

7 DÉPÔT D'UN RAPPORT DU PREMIER MINISTRE

M. le président.

J'ai reçu, le 10 mai 2000, de M. le Premier ministre, un rapport déposé par le Gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire.

8

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à dix heures, première séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 2322, d'orientation pour l'outre-mer :

M. Jérôme Lambert, rapporteur, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2359) ; M. Michel Tamaya, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 2356) ; M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 2355).

A quinze heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 11 mai 2000, à une heure trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

DE

CISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL M. le président informe l'Assemblée que le Conseil constitutionnel a publié au Journal officiel des 8, 9 et 10 mai 2000 sa décision sur la loi organisant une consultation de la population de Mayotte.