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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MAI 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

PHILIPPE

HOUILLON

1. Loi de finances rectificative pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 4317).

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 4317)

MM. Marc Laffineur, Augustin Bonrepaux, Philippe Auberger, Christian Cuvilliez, Pierre Méhaignerie, Yves Cochet, Gilbert Gantier, Michel Bouvard, Bernard Outin, Yves Deniaud, Alain Rodet, Michel Inchauspé, Jean-Pierre Brard, Yves Durand, Alain Barrau, René Dosière.

Clôture de la discussion générale.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

MOTION DE

RENVOI EN

COMMISSION (p. 4341)

Motion de renvoi en commission de M. Philippe DousteBlazy : MM. Jean-Jacques Jégou, Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances ; Mme le secrétaire d'Etat, MM. Gilles Carrez, Charles de Courson. - Rejet.

DISCUSSION

DES ARTICLES (p. 4347)

Article 1er (p. 4348)

Amendements nos 106, 107, 108 de M. Gantier, 3 de M. de Courson et 32 de M. Auberger : MM. Charles de Courson, Philippe Auberger, le rapporteur général,

Mme la secrétaire d'Etat. - Rejets.

Adoption de l'article 1er

Après l'article 1er (p. 4349)

Amendements nos 33 de M. Auberger, 109 corrigé de M. Gantier, 79 de M. Carrez et 110 corrigé de

M. Gantier : MM. Philippe Auberger, Charles de Courson, Gilles Carrez, le rapporteur général, Mme la secrétaire d'Etat, Michel Bouvard. - Rejets.

Amendement no 34 de M. Auberger : MM. Philippe Auberger, le rapporteur général, Mme la secrétaire d'Etat,

M. Gilles Carrez. - Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Dépôt de projets de loi (p. 4352).

3. Dépôt d'une proposition de loi constitutionnelle (p. 4352).

4. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 4352).

5. Dépôt de rapports (p. 4352).

6. Dépôt de rapports en application de lois (p. 4353).

7. Dépôt d'un rapport d'information (p. 4353).

8. Ordre du jour des prochaines séances (p. 4353).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MAI 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1 LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2000 Suite de la discussion d'un projet de loi Le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000 (nos 2335, 2387).

Discussion générale

M. le président.

La parole est à M. Marc Laffineur, premier orateur inscrit dans la discussion générale.

M. Marc Laffineur.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat au budget, mes chers collègues, ce collectif budgétaire, manifestement, n'est pas l'oeuvre du ministre des finances, à qui j'ai dit hier que je ne voyais pas comment il pouvait à la fois défendre les orientations budgétaires qu'il nous avait présentées et le collectif budgétaire. Il nous avait parlé de transparence et de maîtrise des dépenses publiques : exactement l'inverse de ce qui ressort de ce collectif. D'ailleurs, pour bien nous montrer que ce n'était pas son collectif, mais celui du Premier ministre, il vous a laissée seule le défendre, madame la secrétaire d'Etat. Pour bien montrer qu'il ne voulait, en aucune façon, le cautionner, il est aujourd'hui absent.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Cela procède du fantasme !

M. Marc Laffineur.

Non, monsieur le rapporteur.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Alors, du délire...

M. Marc Laffineur.

Non. C'est une évidence, un constat ! Le texte dont nous avons à connaître aujourd'hui, si peu de temps après avoir examiné la loi de finances initiale pour 2000, est le résultat de la prise en compte de la cagnotte que le Gouvernement a dissimulée lors de nos débats de la fin de l'année dernière.

On peut invoquer, comme on l'a déjà fait, les difficultés de la prévision budgétaire, les aléas des projections macroéconomiques, les contraintes de la préparation de la loi de finances. Mais l'opposition, et certains instituts économiques avec elle, a suffisamment alerté le Gouvernement sur des écarts manifestes entre les prévisions retenues et les perspectives vraisemblables pour qu'elle ne s'interroge pas sur l'opportunité de la manoeuvre et sur le manque de sincérité budgétaire - sans doute volontaire manifesté alors : ordre avait en effet été donné à la CADES de ne pas verser son dû à la fin du mois de décembre. Il en avait été de même pour la COFACE et pour la Caisse des dépôts, tout cela, bien entendu, avec l'aval du ministre.

Mais, avant même d'examiner dans le détail la façon dont vous utilisez les surplus de recettes, permettez-moi de vous faire remarquer que les sommes que vous présentez dans ce collectif sont à nouveau en décalage par rapport à la réalité. C'est la raison pour laquelle d'ailleurs j'ai insisté sur la différence qui existait entre le discours d'hier et celui d'aujourd'hui.

En effet, la cagnotte a, elle aussi, été sous-estimée. Les 50 milliards nouveaux qui apparaissent dans votre projet sont inférieurs aux réels surplus de recettes. Lorsque M. Sautter, sous la pression de l'opinion et des parlementaires de l'opposition, a fini par révéler le montant de la cagnotte attendue pour 2000, il a annoncé ce chiffre de 50 milliards et nous l'avions contesté avec force. Moimême, dans cet hémicycle, j'avais dit au ministre des finances qu'il serait bien supérieur.

La Cour des comptes vient de rendre public le montant exact de la cagnotte de 1999 : il est supérieur à vos prévisions ! A n'en pas douter, lorsque l'heure des comptes pour ce budget 2000 sera venue, vous reconnaîtrez que vous vous étiez trompé. En attendant, l'examen de ce collectif est faussé, puisque, du fait des manoeuvres du Gouvernement, il y a bel et bien aujourd'hui une nouvelle cagnotte. Vous la dissimulez aux Français et à la représentation nationale pour ne pas avoir à débattre de son affectation et de son utilisation. J'en vois la preuve dans le fait que vous nous avez annoncé une diminution du déficit budgétaire. De deux choses l'une : ou il y a - ou il y aura - manipulation, ou il y a une nouvelle cagnotte dont vous connaissez l'existence et qui sera dévoilée à la fin de l'année ! Sans doute le Premier ministre a-t-il voulu éviter les tentations et les réflexes dépensiers de sa majorité composite, écartelée entre les prises de position passées du Premier ministre et celles nettement moins modernes de vos alliés communistes, ou plus simplement de l'aile gauche de votre parti.

Mais le résultat est là : nous sommes aujourd'hui réunis pour examiner un texte déjà incomplet et dépassé.

Ce collectif, en plus de ce défaut originel, prête le flanc à d'autres critiques.

Tout d'abord, il a été présenté comme un collectif de baisses d'impôts. J'insiste sur le terme de « présenté ». Le Premier ministre a en effet expliqué qu'il regrouperait des baisses d'impôts et des mesures nouvelles, sans que la cagnotte ne soit utilisée pour diminuer le déficit de notre budget.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MAI 2000

Il faut, bien sûr, se réjouir que la croissance de notre économie permette des mesures fiscales positives, même si le choix des impôts sur lesquels portent ces mesures est, une nouvelle fois, révélateur d'intentions cachées.

Avant d'évoquer ces intentions tacites, permettez-moi de souligner que la France et l'Europe bénéficient aujourd'hui de la faiblesse de l'euro : celle-ci dope notre économie et notre croissance. C'est grâce à elle que le taux de croissance de notre pays va sans doute atteindre 4 % et que le nombre de chômeurs en France va, dans un avenir proche, redescendre sous la barre des 2 millions.

J'ai parlé d'intentions tacites à propos de vos baisses d'impôts. Comment, en effet, ne pas revenir un instant sur la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation. Après avoir modifié le mode de calcul de la taxe professionnelle, voilà que vous décidez une nouvelle fois d'utiliser les impôts locaux pour prendre des mesures fiscales, et ce sans en informer les responsables des collectivités locales concernées et sans envisager aucune concertation avec eux. Où est la concertation dont vous parlez tant ? Vous décrétez, sans autre forme de méthode ! De tels procédés sont d'autant moins acceptables que vous faites supporter à ces collectivités une partie du poids de la réforme dont vous vous attribuez le seul mérite. En effet, si la première année d'application de la réforme, vous compensez intégralement la perte de recettes supportée par les collectivités, dès la deuxième année, la compensation n'est pas complète : en indexant sur la DGF, qui, on le sait très bien, augmente beaucoup moins que la TP ou que la taxe d'habitation, vous pénalisez les collectivités locales et vous amorcez en même temps un mouvement de recentralisation.

Cette attitude n'est pas acceptable, madame la secrétaire d'Etat. Elle témoigne, je le répète, d'une tendance à la recentralisation. Les lois d'aménagement du territoire, que nous avions adoptées l'an dernier, participaient déjà à ce mouvement. Avec cette mesure fiscale, vous poursuivez dans la même direction. Vous auriez pu, avant de toucher à la part régionale, commencer par revenir sur la part de la taxe d'habitation qui revient à l'Etat, qui a été mise en place par les soins de M. Bérégovoy, il y a dix ans, pour financer une réforme des valeurs locatives, laquelle n'a, d'ailleurs, jamais vu le jour.

Indépendamment des mesures prises isolément, il est abusif et inexact de dire que ce collectif va conduire à des baisses d'impôts.

M. le Premier ministre a indiqué qu'il trouvait impropre le terme de cagnotte, puisqu'il recouvre des sommes qui ne sont pas des excédents budgétaires, mais seulement des surplus de recettes. Permettez-moi de vous dire que les termes de diminution d'impôts appliqués à votre collectif me paraissent également impropres.

Qu'est-il prévu dans ce collectif ? 10 milliards de recettes supplémentaires ! Donc 10 milliards d'impôts supplémentaires pour les contribuables français ! Vous justifiez les nouvelles dépenses qui figurent dans ce collectif par la survenue de la tempête et de la marée noire. Nous nous sommes tous dans cet hémicycle associés aux difficultés et à la douleur des victimes et des premiers touchés par ces deux événements tragiques et nous comprenons qu'il soit nécessaire d'engager des dépenses pour leur venir en aide.

Mais vous revenez toujours à vos vieux réflexes ! Vous pensez que, pour faire face à une nouvelle source de dépenses, il faut trouver des recettes nouvelles, alors qu'une saine gestion devrait vous conduire à rechercher de nouvelles économies pour ne pas alourdir encore le taux de prélèvements obligatoires que nous connaissons.

Et Dieu seul sait s'il y avait des possibilités de redéploiement ! En effet, comme la Cour des comptes l'a fait remarquer dans son rapport, la forte augmentation des dépenses que nous avons connue en 1999 était bien supérieure au taux d'inflation dont vous aviez parlé l'année dernière et permettait certainement de trouver des économies pour pouvoir financer les nouvelles dépenses qui ont été entraînées par la marée noire et la tempête.

Vous comprendrez donc que les Français soient, comme nous, dubitatifs. Votre politique procède du tour de passe-passe. La solidarité gouvernementale va être certainement mise à mal. D'ailleurs, comme on peut le constater, dès le premier collectif budgétaire, le ministre des finances se désolidarise.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

De nouveau le délire !

M. Marc Laffineur.

Le collectif que vous nous présentez est incomplet, parce qu'il est amputé d'une partie de la cagnotte. En effet, si vous nous parlez déjà d'un déficit différent de celui affiché dans ce collectif budgétaire, c'est forcément qu'il y a cagnotte. Ce n'est d'ailleurs pas du tout étonnant puisque, lors de la discussion du budget nous avions déjà prévenu que vous sous-estimiez, comme vous l'aviez déjà fait à la fin de l'année dernière, les ren trées fiscales. Pour toutes ces raisons, le groupe Démocratie libérale ne votera pas ce collectif budgétaire, ce qui ne doit pas beaucoup vous étonner.

M. Philippe Auberger.

Très bien !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est le contraire qui nous aurait inquiété, monsieur Laffineur.

M. le président.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux.

Ce collectif, madame la secrétaire d'Etat, traduit la réussite de la politique du Gouvernement. Il est particulièrement caractéristique et beaucoup l'ont qualifié d'exceptionnel. Je vais expliquer pourquoi.

Il est exceptionnel, d'abord, parce que c'est la première fois, depuis bien longtemps, qu'un collectif de printemps est réalisé en dehors d'une consultation électorale. Il est p résenté, tout simplement, parce que la croissance apporte des recettes supplémentaires.

M. Jean-Louis Idiart.

Très bien !

M. Augustin Bonrepaux.

Il est exceptionnel ensuite par son montant, qui dépasse de loin les prévisions que l'on considérait déjà comme optimistes lors du débat sur la loi de finances.

Il est exceptionnel, enfin, par les baisses d'impôts qu'il prévoit, puisque 40 milliards, sur 51,4 milliards, seront affectés à celles-ci. Ces 40 milliards viennent d'ailleurs s'ajouter aux 40 milliards déjà prévus dans la loi de finances.

Les recettes, d'un montant total de 51 milliards, sont assurées pour l'essentiel par la croissance économique, ce qui souligne la réussite de la politique suivie depuis 1997.

La croissance enregistrée dans notre pays est bien supérieure à la moyenne européenne et à celle de nos principaux voisins. Cette réussite s'accompagne de la réduction progressive du déficit, qui se situera autour de 200 milliards à la fin de l'année, et d'une réduction du chômage, qui ramènera progressivement le taux de celui-ci audessous de 10 % et le nombre de chômeurs sous la barre des deux millions à la fin de l'année 2001.


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Ce collectif consacre, je l'ai dit, 40 milliards à la réduction d'impôts.

Cette réduction se manifeste tout d'abord par l'abaissement du taux de la TVA de 20,6 à 19,6 %. Je suis un peu surpris que ceux qui ont procédé autrefois à son augmentation la contestent aujourd'hui. C'est certainement pour se donner bonne conscience.

M. Didier Migaud, rapporteur.

Le remords !

M. Augustin Bonrepaux.

Je constate aussi quelques divisions. M. d'Aubert a déposé un amendement pour ramener la TVA à 18,6 % alors que le RPR propose une baisse plus importante de l'impôt sur le revenu.

M. Jean-Louis Idiart.

Ils ne savent pas ce qu'ils disent !

M. Augustin Bonrepaux.

Il était indispensable d'abaisser le taux de la TVA. D'abord, parce que les Français attendent cette baisse et ils ne comprendraient pas qu'on maintienne le taux de 20,6 % alors qu'il y a, par exemple, cette année dans ce collectif près de deux points de baisse de TVA, et, ensuite, parce que, dans la mesure où on sait qu'un impôt, d'une part, est injuste et, d'autre part, pénalise l'économie, ce n'est pas parce que sa baisse n'est pas sensible immédiatement qu'elle ne sera pas importante. Il fallait le faire, et vous avez bien fait de le faire.

Quant aux autres baisses d'impôts, elles répondent à une préoccupation qui a été largement exprimée dans cet hémicycle sur la totalité ou presque de ces bancs. Là encore, je remarque que l'opposition nous rattrape en route, parce que, l'année dernière, quand nous parlions des transferts de cotisations patronales sur la valeur ajoutée, nous n'étions pas tellement suivis lorsqu'il s'agissait d'alléger la charge du travail.

Il est vrai qu'aujourd'hui la reprise d'un emploi ne s'accompagne pas d'un gain de salaire suffisant et cela est dissuasif. Il faut des mesures pour encourager le retour à l'emploi. Vous en proposez deux : la baissse des deux premiers taux de l'impôt sur le revenu et la baisse de la taxe d'habitation. Elles vont tout à fait dans le sens que nous souhaitons et je regrette que nos collègues de l'opposition ne s'en soient pas rendu compte.

M. Jean-Louis Idiart.

Ils sont aveuglés !

M. Augustin Bonrepaux.

Mais j'ajoute tout de suite que l'on ne pourra pas résoudre ce problème uniquement par l'impôt sur le revenu, car je crois que l'on a atteint une limite et qu'il faut chercher d'autres pistes.

Pour ce qui nous concerne, nous avons fait faire, l'année dernière, une étude pour voir quel serait l'impact de l'allègment de la CSG par un abattement à la base.

Cette étude vient d'être affinée et il semble que cela puisse être une solution. Il y en a peut-être d'autres. Pour ma part, je n'écarte pas - loin de là -, la réduction de cotisations sociales. Il me semble cependant que l'option de l'allègement de la CSG est beaucoup plus compréhensible, parce que nous y avons réfléchi depuis plus longtemps. En tout cas, elle apparaît comme l'une des rares possibilités permettant d'accroître le salaire net et donc de résoudre ce problème préoccupant pour tout le monde et, en particulier, pour nous, pour qui la priorité a toujours été l'emploi. Nous devons y travailler, madame la secrétaire d'Etat, pour la prochaine loi des finances.

Je voudrais dire aussi quelques mots des dépenses.

Je veux, tout d'abord, exprimer ma satisfaction devant les moyens attribués à l'hôpital. Les Français sont particulièrement attachés à leur système de soins et la meilleure marque de solidarité n'est-elle pas de permettre à tous les Français de recevoir des soins de qualité ? Je me réjouis que vous y consacriez les moyens nécessaires.

Je vous demande simplement de vous interroger, mes chers collègues, sur ce que serait devenu l'hôpital si les orientations de M. Jupé - 1 % d'augmentation chaque année - avaient été tenues. Cette année, nous sommes à 2,4 % et ce n'est pas suffisant. Vous faites bien d'y consacrer des moyens supplémentaires car il faut que les régions qui sont un peu sous-dotées puissent rattraper les autres.

Je pourrais en dire autant pour l'éducation nationale, mais le temps me manque. Aussi résumerai-je mon propos par une formule générale : la première responsabilité du Gouvernement est de faire fonctionner les services publics dans les meilleures conditions. Il faut donc y consacrer les moyens nécessaires ; c'est la meilleure façon de réduire les disparités, qu'elles soient sociales ou territoriales.

Un mot enfin sur les collectivités locales. Les crédits qui leur sont affectés sont insuffisants. On n'avait pas prévu la progression de la coopération intercommunale, si bien qu'il manque 497 millions ; or nous ne retrouvons que 250 millions dans ce collectif. Il faudra consolider l'année prochaine toutes les avancées faites cette année, soit 500 millions pour la DSU, 200 millions pour le recensement, 150 millions pour le DSR...

M. Gilles Carrez et M. Michel Bouvard.

Très bien ! M. Augustin Bonrepaux ... et 500 millions pour la coopération intercommunale. Cela représente un total de 1,350 milliard et nous veillerons à ce qu'il soit bien prévu dans la loi de finances pour 2001.

M. Gilles Carrez.

Nous vous y aiderons !

M. Augustin Bonrepaux.

En conclusion, mes chers collègues, le groupe socialiste apportera son soutien à ce collectif qui traduit tout à la fois la réussite du Gouvernement et la priorité qu'il entend réserver à l'emploi et aux services publics.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Madame la secrétaire d'Etat, vous n'avez pas eu de chance. Le programme de l'Assemblée prévoyait jusqu'à la semaine dernière que l'on examinerait le collectif avant d'engager le débat d'orientation budgétaire. Malheureusement, l'ordre des facteurs a été inversé par la conférence des présidents de la semaine dernière. Le collectif se devait de suivre les grandes indications annoncées hier par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; or, comme vient de le remarquer mon collègue Laffineur, entre les intentions affichées par le ministre hier et le projet que vous nous présentez aujourd'hui, les différences sont criantes.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Pas du tout !

M. Philippe Auberger.

Vous avez tout à l'heure qualifié ce collectif d'historique. Le ministre se refusait hier à faire de l'autosatisfaction comme de l'autoflagellation ; pour votre part en tout cas, vous avez délibérement versé dans l'autosatisfaction. C'est pourtant la première fois depuis dix-huit ans que l'on voit un collectif présenté au printemps, moins de trois mois après l'adoption de la loi de finances, sans qu'aucun événement économique ou politique ne soit venu justifier une telle précipitation.

M. Jean-Louis Idiart.

Si, le succès !


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M. Philippe Auberger.

Ce n'est pas le succès, mon cher collègue, mais tout simplement l'aveu des erreurs que vous avez commises et que nous avons dénoncées...

M. Jean-Louis Idiart.

De votre part, c'est du dépit ! M. Philippe Auberger ... dès les mois de septembre et d'octobre, dans l'évaluation des recettes prévisionnelles pour l'année 2000.

M. Gilles Carrez.

Il a raison !

M. Philippe Auberger.

Dès le 21 octobre, j'avais fait remarquer qu'il manquait 30 à 40 milliards de recettes fiscales dans le projet de budget. Votre prédécesseur m'avait répondu que ce n'était pas vrai.

M. Gilles Carrez.

On aurait dû vous écouter !

M. Philippe Auberger.

Le ministre de l'économie et des finances de l'époque et vous-même, au moment de la présentation du collectif de fin d'année, en novembre, comme lors de l'adoption définitive de la loi de finances et de la loi de finances rectificative, vous êtes entêtés sur ces prévisions manifestement erronées, si bien que vous vous retrouvez en fait victimes de votre propre aveuglement.

Depuis, la Cour des comptes nous a expliqué que vous avez eu recours à certaines opérations afin de minorer davantage encore les résultats de l'année 1999 et majorer, par voie de conséquence, les résultats de l'année 2000.

Tant et si bien que ce ne sont pas 50 milliards de recettes supplémentaires qui devraient figurer dans ce collectif, mais bien, comme je le disais dès le mois de février, de 65 à 70 milliards ! La rectification à laquelle vous avez procédé reste donc très insuffisante et nous sommes très loin de la transparence que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie appelait ici même de ses voeux hier.

De surcroît, le projet que vous nous présentez ne prévoit pratiquement pas d'évolution du déficit par rapport à la loi de finances initiale ; la baisse n'est que de 50 millions de francs à comparer avec un déficit affiché de 215 milliards de francs, qui serait même en augmentation de 10 milliards par rapport aux réalisations 1999.

M. le ministre de l'économie et des finances nous a pourtant excellemment présenté hier, à cette même tribune, la séquence des évolutions prévues du déficit budgétaire de l'Etat, et nous a annoncé que celui-ci serait ramené à 200 milliards pour l'année 2000. On mesure dès lors le formidable décalage entre ce collectif et les prévisions du ministre de l'économie vingt-quatre heures plus tôt : vous avouerez qu'il y a de quoi être surpris...

Si l'on voulait véritablement assurer la sincérité et la transparence du budget, et permettre au Parlement d'en suivre l'exécution, non plus mois par mois, mais quinzaine par quinzaine, comme l'a promis le ministre hier...

M. Michel Bouvard.

Chiche !

M. Philippe Auberger.

... il faudrait sans tarder nous présenter une lettre rectificative afin de parvenir à un collectif qui tienne debout, qui corresponde aux prévisions du ministre de l'économie : nous saurions alors d'où proviennent ces 15 milliards - pour moi, c'est évident, je l'avais pressenti et annoncé dès le mois de février - et nous serions à même d'en suivre l'exécution sur une base un peu plus sérieuse. En attendant, la glasnost dont on parlait hier reste une formule rituelle, de la pure rhétorique.

Ensuite, on nous annonce dans ce collectif 12 milliards de dépenses supplémentaires qui correspondent, nous assure-t-on, à des besoins exceptionnels, auxquels il faut naturellement pourvoir dans les meilleurs délais. En fait, on y trouve un peu de tout. Certes, 3,5 milliards sont prévus au titre des dépenses liées à la tempête et à la marée noire. Il s'agissait effectivement de phénomènes imprévisibles et il était normal de prévoir quelques crédits pour remédier aux dégâts. Mais on trouve à côté plus d'un milliard de francs d'aides au titre de la reconstitution des monuments historiques classés ou inscrits : chacun sait pourtant qu'il faut compter environ un an entre l'attribution des fonds et leur mise à disposition effective aux maîtres d'ouvrage... Il n'est pas du tout évident que ce milliard sera dépensé d'ici la fin de l'année...

Et que dire des mesures exceptionnelles de soutien au spectacle vivant ? Présentent-elles vraiment un caractère d'urgence ? Je crois d'ailleurs savoir que cela concernerait M. Jérôme Savary, récemment nommé dans une de nos grandes institutions et qui aurait des besoins financierse xtrêmement urgents. De même, la dotation pour l'économie sociale, ou encore les indemnités pour les délégués de proximité du médiateur de la Républiques ont-elles véritablement des mesures dictées par l'urgence ? Bref, on a mis un peu tout et n'importe quoi.

Le cas des prisons également est assez singulier. Chacun sait que la situation des prisons exige des mesures rapides, mais la loi de finances pour 2000 prévoyait déjà des crédits et l'on en a encore ajouté lors du collectif de fin d'année 1999 ; or ces crédits n'ont pas encore été dépensés. Nous en sommes donc au troisième budget pour les prisons... Le ministère de la justice est-il en mesure d'engager et de dépenser correctement ces fonds si l'on revoit son budget tous les trois mois ? Certainement pas. Il y a là une anomalie.

Une autre anomalie, que j'ai déjà signalée tout à l'heure, concerne le fameux fonds de réforme des cotisations de sécurité sociale, le FOREC. Ainsi que l'a écrit le rapporteur général dans son rapport, il manque 7 milliards de francs pour équilibrer ce fonds. Ces 7 milliards ne peuvent être obtenus que par des recettes fiscales ou par une aide de l'Etat, dès lors qu'il s'agit d'un établissement public à caractère public à caractère administratif. Or rien n'est dit là-dessus. Vous voilà prise à votre propre piège, madame la secrétaire d'Etat : pourquoi avoir créé le FOREC, et isolé les dépenses de la CMU, sinon pour sortir ces financements de l'enveloppe « normée », comme vous l'appelez, des dépenses de l'Etat pour l'an 2000 ? Alors que ces dépenses augmentent formidablement pour l'an 2000, vous les avez sorties de la norme que vous vous étiez fixée. Mais il vous faut maintenant équilibrer des comptes qui, manifestement, aussi bien pour le FOREC que pour la CMU, ne le sont pas.

Vous faites état d'un effort extrêmement significatif d'allégement fiscal. Vous prévoyez, si les estimations de Bercy sont exactes, 40 milliards de francs d'allégements fiscaux qui viendront s'ajouter à ceux déjà prévus dans la loi de finances pour l'an 2000. Mais en fait, même en retenant les évaluations que vous nous avez présentées, ces 80 milliards de francs au total nous permettront seulement de revenir au niveau des prélèvements obligatoires de l'année 1998. Je ne vois pas où est le miracle... Ou s'il y en a un, j'aimerais bien le connaître ! Parmi ces trois allégements, il y a celui de la TVA. Le ministre m'a répondu en commission des finances qu'il était en train de mettre en place un observatoire pour examiner les effets de ce point de TVA en moins. Autant dire qu'il était relativement sceptique... Car s'il ne l'était pas, pourquoi irait-il mettre en place un observatoire ?


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L'INSEE, qui a publié la semaine dernière son estimation de l'évolution des prix pour le mois d'avril, a calculé que l'incidence de ce point de TVA n'aura pas dépassé 0,1 %.

M. Augustin Bonrepaux.

Vous avez une vision électoraliste des choses !

M. Philippe Auberger.

Autant dire que la répercussion de la baisse de la TVA reste pour l'instant plus que modérée.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Ce n'est pas ce que l'INSEE a dit !

M. Jean-Jacques Jégou.

Qui fait de l'électoralisme ?

M. Philippe Auberger.

J'attends avec impatience, madame le secrétaire d'Etat, les résultats des mesures de cet observatoire.

Deuxième allégement, celui de la taxe d'habitation.

Cette fois-ci, l'effort est relativement significatif, mais je regrette que rien n'ait été fait pour réduire les frais d'assiette et de recouvrement - n'est-il pas abusif de prélever 4,4 % de frais d'assiette et de recouvrement pour la taxe d'habitation ? - ni pour mettre en place la révision des propriétés bâties, alors que le comité des finances locales s'était mis d'accord sur un cheminement pour y parvenir.

Je le regrette d'autant plus que le moment le plus opportun pour procéder à cette révision se situe, évidemment, dans l'année 2001, c'est-à-dire après les élections municipales ; ensuite, il sera trop tard.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Philippe Auberger.

Pour ce qui concerne l'impôt sur le revenu enfin, 11 milliards d'allégement seraient prévus ; mais ils font suite à plus de 30 milliards d'alourdissement du même impôt sur le revenu en 1998 et 1999.

M. Michel Bouvard.

Et ce sont les familles qui ont payés !

M. Philippe Auberger.

Autant dire que l'allégement en question doit être largement relativisé. Au surplus, vous avez réduit, vous le savez, le plafond du quotient familial à 11 000 francs alors que ce quotient est estimé à 19 000 francs dans le calcul des abattements pour la taxe d'habitation.

M. Michel Bouvard.

Mme Parly n'aime pas la famille !

M. Philippe Auberger.

Je vous ai interrogée sur la cohérence entre ces deux chiffres, en commission des finances, mais vous n'avez pas été en mesure de me répondre... J'attends toujours vos éclaircissements, et avec une certaine impatience, car je ne comprends vraiment pas.

M. Jean-Louis Idiart.

C'est comme pour la conquête du pouvoir : il faut savoir attendre !

M. Philippe Auberger.

Enfin, j'ai bien entendu les explications du ministre sur l'attribution des licences téléphoniques. Mais, là encore, il y a deux points que je ne comprends pas. Pour commencer, se pose un problème de méthode. L'autorité de régulation des télécommunications a donné un avis. Le Gouvernement, semble-t-il, ne souhaite pas le suivre. Dans ces conditions, il faudra naturellement une disposition législative pour aller contre l'avis de l'autorité. Cela me semble tout à fait normal ; ou alors, il faut supprimer l'autorité !

M. Christian Cuvilliez.

Hors sujet !

M. Philippe Auberger.

Pas du tout, mon cher collègue !

M. le président.

Monsieur Auberger, il faudrait conclure, plutôt que de répondre à vos collègues. J'ai déjà été très tolérant, comme avec vos prédécesseurs.

M. Philippe Auberger.

Non seulement il faut une disposition législative, mais il convient naturellement d'inscrire les recettes correspondantes, non en 2001, comme l'affirmait le ministre hier, mais bien dès 2000, par le fait que le droit d'entrée, si le Gouvernement en tout cas s'en tient à sa position, sera payable dès 2000. C'est donc bien une recette de l'année 2000 que ce collectif aurait dû par conséquent prévoir et dont nous aurions dû discuter de l'utilisation, au lieu d'être mis devant le fait accompli comme cela risque d'être le cas.

En conclusion, madame le secrétaire d'Etat, je ne vois dans ce collectif, en matière de politique fiscale et d'allégements, aucune vision stratégique. Vous ne nous proposez que des mesures éparses alors que le Premier ministre avait commandé au Conseil d'analyse économique une étude sur la nouvelle architecture de la fiscalité française.

M. le président.

Monsieur Auberger, je vous prie de conclure dès maintenant, car vous avez largement dépassé votre temps de parole !

M. Philippe Auberger.

Nous ne retrouvons aucune trace de ce rapport. Vous vous en tenez en fait à une gestion politicienne de la fiscalité, au gré des échéances élec torales, sans aucune évolution structurelle et stratégique.

Dans ces conditions, le groupe RPR ne pourra s'associer à votre collectif et votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Quelle surprise !

M. le président.

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le collectif budgétaire soumis aujourd'hui à l'examen de notre assemblée sort de l'ordinaire. En effet, pour l'année 2000, l'annonce puis la confirmation de l'existence de plus-values fiscales égales à 51,4 milliards de francs ont relancé légitimement le débat sur la répartition des fruits de la croissance et plus précisément sur une répartition plus équitable.

Demandé par les parlementaires communistes, ce collectif de printemps se devait de faire écho aux revendications exprimées par les différents mouvement sociaux.

Ceux-ci, il n'est pas inutile de rappeler, surtout après tout ce que nous avons entendu ce soir, contestaient le gel de l'emploi public et réclamaient de nouveaux moyens pour l'école, la santé, la formation ou bien encore la recherche.

Pour la première fois, en dehors de toute échéance bugétaire, un collectif vient ouvrir des crédits nouveaux, à hauteur de 10 milliards de francs dont 5,5 milliards au titre de la solidarité envers les victimes des tempêtes, des cyclones et de la marée noire, et apporte de premières réponses de financement aux besoins clairement identifiés.

Ainsi, pour financer ces mesures exceptionnelles, 2 milliards de francs de crédits supplémentaires sont affectés notamment aux services hospitaliers, 430 millions de francs à la politique de la ville, 1 milliard de francs au plan d'urgence pour les prisons, 110 millions de francs à la mise en oeuvre de l'accord conclu en début d'année avec les transporteurs routiers.

Je veux dire au passage combien je suis consterné par les allégations constamment répétées par l'opposition qui se fonde sur des modèles mathématiques pour incriminer


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la dépense publique ou qui invoque les macro-systèmes p our prétendre que cette démarche ne serait pas conforme aux règles générales. Les dépenses publiques correspondent aux besoins exprimés par les gens, et c'est ce qui nous importe au premier chef. La dépense publique est un des moteurs de la croissance interne parce qu'elle favorise la consommation. Bref, si vous considérez que la dépense publique est un élément négatif d'un budget, nous considérons, quant à nous, et c'est là un de nos mérites et une de nos revendications, qu'elle est au contraire un investissement dont le retour n'est pas seulement d'ordre politique.

Mon collègue Bernard Outin reviendra tout à l'heure sur la question de l'éducation nationale. Toutefois, s'il est exact que celle-ci, pour la première fois depuis vingt ans, bénéficie d'un collectif budgétaire, le milliard de francs annoncé - soit 2 % seulement des crédits de cette loi de finances rectificative - reste très loin des attentes et des besoins des personnels, des parents et des jeunes.

De plus, le contenu des mesures apparaît davantage comme un saupoudrage que comme l'outil d'une politique éducative forte. Si on portait à 2 milliards la mesure annoncée - en la doublant donc - le collectif budgétaire de printemps gagnerait en efficacité sociale et économique, en s'assignant des objectifs concrets : augmentation des effectifs, en termes budgétaires, pour répondre aux besoins d'amélioration de l'offre d'éducation, aux exigences de réduction des inégalités face à l'enseignement et aux défis des innovations sociales et technologiques.

Cela dit, même si elle est insuffisante au regard des besoins que je viens de rappeler, l'inflexion est bien repérable dans ce collectif, ne serait-ce que par ce qu'il ne présente plus comme une priorité absolue la réduction du déficit de l'Etat, et ce malgré les pressions récurrentes du MEDEF, celles de la droite et celles, insistantes, de la Commission européenne. Voilà qui rend plus crédible un débat national sur l'émergence de nouvelles priorités budgétaires, fondées sur une démarche plus cohérente.

L'objectif du plein emploi, que chacun défend à sa manière, doit nous offrir l'occasion de développer la conception en matière de gestion des finances publiques, d'une sorte de nouveau triangle d'or dont la base serait le progrès raisonné de la dépense publique et sociale, et non pas son freinage systématique, l'un des deux autres côtés, une plus grande efficacité et une meilleure justice sociale des prélèvements obligatoires afin, d'une part, d'inciter au développement de l'emploi, de la formation et de l'activité réelle et, d'autre part, de dissuader la spéculation immatérielle ou virtuelle ; le dernier côté serait la diminution des déficits publics, comme résultante des effets possitifs sur la croissance réelle, les rentrées fiscales des deux premiers côtés de ce nouveau triangle d'or.

Cela suppose bien entendu, comme le rappelait Alain Bocquet, lors de notre débat d'hier, un changement dans l'ordre des priorités budgétaires, ainsi que dans la méthode.

Lors des journées parlementaires du parti socialiste, à Strasbourg, Lionel Jospin soulignait que la deuxième étape de cette législature devait prendre la mesure des atouts et des acquis de la majorité plurielle, notamment

« dans sa relation positive avec les Français », mais aussi prendre « la conscience des attentes qui restent fortes, des inquiétudes et des impatiences ». A partir de ces deux postulats, le Premier ministre a dégagé les principales priorités du Gouvernement : construire une croissance solidaire et partagée, bâtir de nouveaux outils de régulation, affirmer de nouvelles solidarités, poursuivre la modernisation de la société en ouvrant de nouveaux droits.

Sans revenir sur le débat d'orientation budgétaire, je crois nécessaire, dès ce collectif, d'introduire, y compris en matière fiscale, des mesures de justice pour favoriser précisément une croissance plus solidaire, parce que mieux partagée. Nous avons conscience que les marges de manoeuvre sont limitées, mais il serait possible d'améliorer, par exemple - comme s'y était engagé Christian Sautter - le sort réservé aux contribuables les plus modestes, en acceptant notre amendement tendant à exonérer du foncier bâti les « bénéficiaires » des minima sociaux ou celui, plus délicat, tendant à prolonger de cinq ans l'exonération des taxes foncières dont bénéficient les organismes de logement social.

Dès l'automne, le Gouvernement avait annoncé sa volonté d'engager une réforme profonde de la fiscalité directe. Cette annonce avait d'ailleurs conduit notre assemblée à demander un rapport complet sur les modalités de réforme de la taxe d'habitation - ne l'ayant reçu qu'aujourd'hui, nous n'avons pas encore eu le temps de le lire en vue d'aboutir à un allégement significatif de la charge supportée par les contribuables.

Or, avant même que le rapport soit étudié, ce collectif propose de supprimer la part régionale de la taxe d'habitation. Cette disposition va bénéficier à tous les contribuables, y compris - et c'est peut-être un effet pervers à corriger - à ceux qui sont propriétaires de plusieurs résidences secondaires. Elle aura, par conséquent, un impact réel puisque cela équivaut à une baisse de 600 francs par ménage en moyenne, jusqu'à 1 000 francs pour les six millions de ménages modestes. Cependant, les élus locaux, quelle que soit leur sensibilité politique, s'interrogent sur le remplacement de la fiscalité locale par des compensations de l'Etat.

La compensation au profit des régions devrait, d'ailleurs, dès 2001, être remplacée par une dotation budgétaire assise sur l'évolution de la DGF. En outre, le maintien du prélèvement au titre de la révision des valeurs locatives, dont la mise en oeuvre est de moins en moins probable, est difficilement compréhensible, je ne suis pas le seul à le dire.

A travers ce débat, c'est la question d'une véritable réforme fiscale globale, cohérente et respectueuse du principe de libre administration des collectivités qui est posée.

C'est dans cette perspective, mais aussi avec la volonté de favoriser l'économie réelle et de relativiser l'économie virtuelle, que nous proposons de prendre en compte une fraction des actifs financiers des entreprises dans le calcul de l'assiette de la taxe professionnelle.

S'agissant de l'impôt sur le revenu, la réforme du barème proposé par le projet de loi de finances rectificative coûtera 11 milliards en 2000. Elle se traduit par une baisse d'un point de chacun des deux premiers taux d'imposition, qui seront fixés désormais à 9,5 % et 23 %. Si nous apprécions l'option retenue de privilégier les contribuables les plus modestes, permettez-moi de rappeler, pour relativiser la portée sociale de la mesure, que 50 % des ménages ne paient pas d'impôt sur le revenu.

Du reste, telle qu'elle est conçue, cette baisse bénéficiera à l'ensemble des revenus, même à ceux qui sont imposables au taux le plus élevé.

M. Jean-Jacques Jégou.

Quelle horreur !

M. Christian Cuvilliez.

C'est en prenant en compte cette problématique que nous vous invitons à examiner deux de nos propositions. La première vise à intégrer


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dans le barème de l'impôt sur le revenu les revenus d'intérêts d'obligations et assimilés, soumis au prélèvement libératoire, sans oublier la marge de manoeuvre dont on pourrait disposer pour augmenter les taux de l'impôt sur la fortune. La seconde vise à instituer un prélèvement social additionnel sur les revenus financiers des entreprises et des institutions financières qui aurait vocation en outre à alimenter, par des ressources nouvelles, les caisses de sécurité sociale, à réorienter les activités des entreprises vers la croissance réelle et la création d'emplois.

Nous proposons de rétablir - mais je l'ai déjà dit lors de l'examen de la loi relative aux régulations économiques - l'impôt de bourse pour les non résidents, d'instaurer une cotisation sociale additionnelle prélevée sur les produits financiers des entreprises et des banques à hauteur de ce que cotisent les salariés.

M. Bernard Outin.

Très bien !

M. Christian Cuvilliez.

Tout cela contribuerait au rétablissement de l'équilibre de la caisse de sécurité sociale.

Les nouvelles recettes ainsi collectées nous permettraient de consolider notre système de retraite par répartition, d'accroître les dotations de l'UNEDIC par l'allocation formation, ou bien encore de dégager des marges de manoeuvre pour augmenter de façon significative les minima sociaux. Je conviens que ce sont des revenus de substitution, dont l'écart avec les revenus du travail les plus bas est insuffisant. Mais on ne saurait remédier à cela qu'en augmentant les salaires les plus bas, c'est-à-dire en décidant une augmentation importante du SMIC - nous proposons 6 % pour l'année 2000.

M. Jean-Jacques Jégou.

Et les charges ?

M. Christian Cuvilliez.

Une véritable réforme fiscale doit soutenir la croissance également, par la relance de la consommation. A cet égard, nous approuvons la décision de diminuer d'un point la TVA, même si l'effet peut en paraître légèrement dilué. Nous pensons que des baisses ciblées de TVA pourraient compléter avantageusement la mesure générale proposée dans ce collectif budgétaire.

Enfin, nous serons sensibles à l'adoption de notre amendement, dont le rapporteur a parlé tout à l'heure, concernant les victimes de l'amiante.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le présent collectif budgétaire doit contribuer à faire nous progresser vers la transparence.

L'Assemblée nationale a, en effet, vocation à exercer un véritable pouvoir dans ce domaine, mais je n'y insiste pas, d'autres l'ont fait avant moi. Mais surtout, cette loi de finances rectificative - encore plus si elle est amendée comme nous le proposons - qui précède l'examen de la dernière loi de finances de notre législature, doit être l'occasion, pour la majorité de gauche plurielle, d'infléchir ses choix budgétaires et fiscaux dans le sens d'une croissance dynamique parce que solidaire, durable parce que mieux partagée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Alain Rodet.

Il s'est déjà largement exprimé !

M. Pierre Méhaignerie.

Madame la secrétaire d'Etat, vous nous présentez, aujourd'hui, un collectif budgétaire qui n'est pas sans poser des questions.

D'abord, quelle crédibilité accorder à vos chiffres, compte tenu de ce qui s'est passé au cours de ces quinze derniers mois ? Au moment de l'élaboration du projet de loi de finances, le Gouvernement avait choisi de ne pas tenir compte des estimations dont il disposait, afin d'éviter un véritable débat sur l'affectation des fruits de la croissance et de cacher la forte hausse des prélèvements obligatoires. Alors, peut-on donner crédit à votre engagement ? Nous le saurons dans les mois à venir.

Quant à votre déclaration sur la « transparence au service du débat démocratique », nous jugerons de sa sincérité au sort qui sera réservé à notre amendement à l'article 15, lequel nous permettra d'insister sur la nécessité de disposer de chiffres pour avoir un véritable débat public sur les affectations de la croissance.

M. Jean-Jacques Jégou.

Très bien !

M. Pierre Méhaignerie.

Du surplus de recettes qui s'élève à une cinquantaine de milliards, 40 sont affectés à la baisse de l'impôt, 10 à des dépenses nouvelles. Nous aurions souhaité - je ne fais pas le détail - aller plus loin dans la réduction du déficit, ne serait-ce que pour rester en cohérence avec nos choix européens et avec les engagements que nous avons pris vis-à-vis des autres pays. La Commission européenne a d'ailleurs rappelé que, malgré la vigueur de la croissance de ces dernières années, la France se situe en matière de déficit pour l'ensemble des administrations publiques, en queue de peloton des pays européens.

M. Christian Cuvilliez.

Mais en tête pour la croissance !

M. Pierre Méhaignerie.

Il y a une certaine contradiction entre vos souhaits personnels dont nous avons pris connaissance dans le document que vous nous avez remis hier, et les contraintes de l'Union. Mais nous l'avons déjà ressentie au cours de l'année dans les différents arbitrages du Gouvernement.

Nous estimons que le déficit pourrait descendre largement au-dessous des 200 milliards. Peut-être cela nous aiderait-il à enrayer la progression des taux d'intérêts et à donner à l'euro une place plus enviable afin de réduire les risques d'inflation.

Un autre point nous inquiète auquel la majorité n'est guère sensible : je veux parler de l'absence de maîtrise des dépenses publiques. Je ne vois pas comment l'embauche de nouveaux fonctionnaires pourrait améliorer la qualité du service. Nous sommes là encore en totale contradiction avec les engagements pris vis-à-vis de nos partenaires sur les réformes du secteur public. J'aimerais que l'Etat soit géré, et que le principe de la « bonne gouvernance » s'applique à lui et aux collectivités ou établissements publics.

M. Bernard Outin.

Et privés !

M. Pierre Méhaignerie.

Le secteur privé est soumis à la concurrence ! Aussi disparait-il, s'il ne consent pas ces efforts de gestion ! Si le secteur public réduisait ses coûts comme le fait le secteur soumis à la concurrence, les moyens financierss upplémentaires qui en résulteraient permettraient d'abaisser les taxes et donc d'améliorer les salaires directs.

J'en viens, à présent, à quelques amendements.

L'article 1er vise à baisser d'un point l'impôt sur le revenu des deux premières tranches. Cette mesure est insuffisante pour inciter les salariés non qualifiés et les jeunes à revenir sur le marché de l'emploi. Nous avions proposé, quant à nous, de rétablir le barème de l'impôt sur le revenu adopté pour la loi de finances 1997. Je n'y reviens pas car cela a déjà été exposé.

S'agissant de la baisse d'un point de la TVA et de l'allégement de la taxe d'habitation, je ne nie pas que ces deux mesures puissent avoir des effets positifs. Mais


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peut-on les mettre en balance avec les effets pervers de ces deux choix et, surtout, avec les effets positifs d'une autre alternative, que nous avons déjà présentée il y a quelques semaines et sur laquelle je reviendrai ? Quelle sera la répercussion de la baisse de la TVA ? Nous avions, bien entendu, critiqué sa hausse.

M. Jean-Louis Idiart.

Critiqué, mais voté !

M. Pierre Méhaignerie.

Tous les observateurs ont noté que cette hausse de deux points...

M. Jean-Louis Idiart.

Mais qui n'a pas rapporté deux points !

M. Pierre Méhaignerie.

... était nécessaire pour entrer dans l'euro, compte tenu du poids des déficits budgétaires. Je n'y serai pas revenu - ça a tellement été dit ! - si M. Migaud ne se plaisait pas à le répéter !

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Proposez donc aux Français une hausse de la TVA ! Soyez courageux jusqu'au bout !

M. Pierre Méhaignerie.

Il faut rappeler que les deux points de hausse de la TVA n'ont pas été répercutés. Je crains fort qu'il en soit de même pour la baisse.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Ce n'est pas l'avis de l'INSEE, contrairement à ce qu'a prétendu M. Auberger !

M. Pierre Méhaignerie.

Nous proposons de supprimer l'article 6 du collectif qui vise à supprimer la part régionale de la taxe d'habitation et à remplacer les mécanismes actuels de dégrèvement par un dispositif unique de plafonnement de la taxe en fonction du revenu fiscal, faisant ainsi écho aux protestations des élus locaux, en tout cas de la totalité des présidents de région.

En effet, les effets pervers de cette mesure seront nombreux. Elle contribuera à déresponsabiliser les élus locaux tout en remettant en cause le principe constitutionnel de la libre administration des collectivités locales. Par ailleurs, il est assez incompréhensible que la majorité permette aux personnes qui possèdent plusieurs propriétés de bénéficier de cette mesure au même titre que celles qui ont un faible revenu et un seul logement.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Déposez un amendement !

M. Pierre Méhaignerie.

Elle est également injuste et inégalitaire, puisqu'elle bénéficiera davantage aux collectivités dépensières qu'à celles qui ont une politique fiscale modérée. J'ai plusieurs fois appelé l'attention du ministre sur ce point, mais je n'ai jamais obtenu de réponse. Peutêtre me répondrez-vous, madame Parly. Estimez-vous juste que les dégrèvements et exonérations profitent bien davantage aux départements riches qui imposent beaucoup qu'aux départements pauvres qui imposent peu ? Je rappelle les chiffres, qui n'ont jamais été contestés : 455 francs par habitant pour les Alpes-Maritimes, contre 90 francs pour la Lozère et les départements les plus pauvres de France.

M. Jean-Louis Idiart.

Il faut le dire à vos amis des Alpes-Maritimes !

M. Pierre Méhaignerie.

D'ailleurs, ces chiffres figurent dans le tableau sur la taxe d'habitation qui vient de nous être remis.

Tous ces éléments font que la réforme de cette taxe ne nous paraît pas bonne.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Bref, il ne faut pas baisser les impôts ?

M. Pierre Méhaignerie.

L'alternative que nous proposons est meilleure, monsieur le président de commission des finances, vous le reconnaîtrez vous-même, puisque vous avez affirmé, à plusieurs reprises, que ce qui reste prioritaire, c'est la lutte contre le chômage et la reprise de l'emploi.

M. Augustin Bonrepaux.

C'est vrai et c'est à quoi nous travaillons !

M. Pierre Méhaignerie.

Selon l'INSEE, un établissement industriel sur deux éprouve de profondes difficultés de recrutement. Les Verts sont favorables à une baisse des impôts de nature à favoriser le travail ; le parti communiste dit que les surplus doivent aller à ceux qui ont le moins. Quant à Jacques Chirac, il explique : « S'il y a une difficulté, ce n'est pas du fait que les minima sociaux seraient trop élevés, c'est parce que de nombreuses situations de travail ne permettent pas d'accéder à un revenu suffisant. »

M. Christian Cuvilliez.

Il faut donc augmenter les salaires les plus bas !

M. Pierre Méhaignerie.

Oui, c'est ce que je propose !

Vous, vous proposez d'augmenter le SMIC, avec les répercussions que cela suppose, alors que, je l'ai dit déjà, le salaire global français est en moyenne supérieur à ceux des pays européens.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

C'est faux, il est dans la moyenne !

M. Pierre Méhaignerie.

Je parle d'augmenter le salaire net qui est trop faible, en raison des cotisations, des taxes et des prélèvements publics multiples qui le grèvent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous devriez mieux gérer la dépense publique ! Rappelez-vous ce slogan qui a une part de vérité : « Big government égale petit salaire. » Et

donc grosse dépense publique signifie souvent petit salaire...

Or, ce que souhaitent nos compatriotes, c'est d'abord la revalorisation du travail, et nous le souhaitons aussi.

D'abord, pour combattre les trappes à pauvreté, vous l'avez dit mais nous ne voyons rien venir.

Ensuite, parce qu'elle correspond à de fortes attentes des salariés qui ont grand peur des 35 heures et de la stagnation du pouvoir d'achat qu'elle va entraîner.

Enfin, pour des raisons liées à la convergence européenne. D'autres pays nous ont montré la voie : une allocation compensatrice de revenu, laquelle pourrait concerner sept millions de salariés dont les revenus sont compris entre 1 et 1,3 SMIC. Si nous ne vous convainquons pas cette fois-ci, peut-être y arriverons-nous pour le prochain budget.

Toutes les enquêtes ont montré que, pour beaucoup de gens, aujourd'hui, le RMI représente la sécurité et les emplois précaires, l'insécurité. Un des principaux freins au retour à l'emploi reste le faible écart entre le RMI et les bas salaires.

M. Bernard Outin.

On le répétera aux RMistes.

M. Pierre Méhaignerie.

Nous proposons d'abaisser les cotisations sociales salariales de 6,1 points sur ces tranches de salaires. Pour un SMIC, cela ferait passer les cotisations sociales salariales de 21 % à 15 %. Nous nous classerions alors à la deuxième place parmi les pays ayant les niveaux de cotisation sur le travail les plus élevés. Nous aurions enregistré une baisse de 28 % des charges sociales


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salariales, ce qui équivaudrait à une majoration de salaire annuelle de 5 000 à 6 500 francs pour sept millions de salariés.

S'il faut choisir entre des mesures de réduction de TVA et d'allégement de la taxe d'habitation, qui n'auront pas un effet structurant très important, et notre proposition, l'efficacité et l'équité doivent vous porter vers celle-ci.

M. Gilles Carrez.

C'est l'évidence !

M. Jean-Jacques Jégou.

Y a pas photo !

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Vous ne risquez pas de le faire !

M. Pierre Méhaignerie.

Nous n'aurons de cesse de le répéter, cette mesure, qui favoriserait une croissance pluss olidaire, aurait plusieurs conséquences positives, à commencer par l'augmentation du pouvoir d'achat de ceux qui travaillent dur pour un salaire parfois modeste.

La mesure que nous proposons, et qui a prouvé son efficacité dans les nombreux pays où elle a été mise en oeuvre, contribuera à ramener les inactifs vers le marché du travail. Dans son rapport sur les perspectives de la France, rappelons-le, le commissaire général au Plan, Jean-Michel Charpin, dénonce, lui aussi, l'existence des trappes à pauvreté et recommande la création d'une allocation compensatrice de revenu.

Telles sont les trois raisons qui nous conduisent à rejeter ce collectif budgétaire. Premièrement, il n'engage aucune réforme de l'Etat : au-delà d'un certain pourcentage - que nous avons atteint -, la dépense publique est plus créatrice de chômage que d'emploi. Deuxièmement, il contredit les souhaits formulés dans le rapport d'orientation dont nous avons débattu hier. Enfin, nous avons la volonté de consacrer l'effort financier et fiscal à améliorer le sort des 7 à 8 millions de salariés qui, aujourd'hui, ne perçoivent pas un salaire correspondant à leur travail.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Madame la secrétaire d'Etat, les députés Verts sont dans l'ensemble satisfaits du projet de loi de finances rectificative et partagent un grand nombre des analyses formulées ici par le rapporteur général, par M. Bonrepaux ou par M. Cuvilliez. Aussi ne vais-je pas me lancer dans une étude globale de ce collectif et me contenterai-je d'insister sur quelques points particuliers.

Ainsi, je défendrai d'ores et déjà quelques-uns de nos amendements, car la discussion des articles ne commencera vraisemblablement que demain, et je regrette de ne pouvoir y participer.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

Quel dommage !

M. Yves Cochet.

Je vous prie de m'excuser, mais j'ai un autre engagement.

M. Jean-Louis Idiart.

On pourrait remettre la séance...

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Nous tâcherons d'aller vite !

M. Yves Cochet.

Ma première remarque concerne l'effort de dépense de 1 milliard pour l'éducation nationale. Je ne puis qu'être satisfait des 357 millions de francs que l'on accorde à l'enseignement professionnel, sans doute à la suite des légitimes mouvements revendicatifs, notamment de ceux qui se sont développés, dès le début, dans mon département du Val-d'Oise.

M. Michel Bouvard.

Ils sont donc encore plus légitimes que les autres ! (Sourires.)

M. Yves Cochet.

Ils paraissaient en effet très légitimes aux enseignants de cette filière ! Je m'inquiète toutefois que ne soit dégagé aucun moyen supplémentaire, notamment en termes de création de postes d'enseignants, dans les autres filières scolaires, et que ne soit pas prévu de plan d'urgence pour certains départements. Vous vous en souvenez, un tel plan avait été défini, il y a deux ans, pour la Seine-Saint-Denis : d'autres départements en auraient aujourd'hui besoin - je ne veux pas citer encore le Val-d'Oise, quoique M. Pernot soit présent, lui aussi -, où l'on constate des sous-effectifs en matière scolaire.

Ma seconde remarque concerne l'économie solidaire.

Tout le monde s'en est aperçu, un nouveau secrétariat d'Etat a été créé il y a un mois et demi. Ce collectif propose de le doter de 40 millions de francs jusqu'à la fin de cette année afin de financer un appel à projet.

M. Charles de Courson.

Ce n'est pas cher !

M. Yves Cochet.

L'intention et les chiffres ne sont qu'à moitié bons. En effet, lorsqu'on dote un département ministériel, il faut qu'il soit en mesure de dépenser utilement son argent. On ne peut pas augmenter sa dotation trop rapidement. Or, en l'occurrence, on passe de zéro à 40 millions. Je crois que, si l'effort avait été double, il aurait été plus satisfaisant. En effet, des projets d'économie solidaire, j'en connais beaucoup - des centaines, des milliers, même. Je ne les passerai pas tous en revue, mais, sans vouloir revenir à tout prix dans mon département, j'en connais déjà trois dans ma circonscription.

L'un d'eux est particulièrement intéressant : c'est une entreprise d'insertion qui, depuis deux ans, essaie de venir en aide aux jeunes en difficulté, de les habituer au travail par la pratique de l'agriculture biologique. Ils vendent donc des fruits et légumes, selon un principe de proximité, ce qu'ils appellent le système du panier, et ils projettent de valoriser leur production en créant une unité de transformation et de commercialisation un peu plus dynamique. Cette réalisation coûte 3,5 millions et ils ont demandé des subventions au conseil général, car il leur faudrait un petit coup de pouce. Je connais des centaines d'exemples de ce type.

M. Charles de Courson.

Madame la secrétaire d'Etat, une petite subvention !

M. Germain Gengenwin.

Ça ne peut pas marcher sans subventions ?

M. Yves Cochet.

En outre, ces initiatives très dispersées sont grandes créatrices d'emplois et renforcent la cohésion sociale. Mais il leur manque parfois l'impulsion initiale, qui leur permet de démarrer, de prendre confiance, de jouir d'une viabilité économique rapide.

J'en viens à la présentation de quelques-uns de nos amendement, que je ne pourrai, hélas, défendre moimême demain.

Les premiers concernent précisément l'économie solidaire et, plus précisément, l'épargne solidaire. Il s'agit de favoriser l'emploi - priorité des priorités pour le Gouvernement - et la lutte contre les exclusions, en facilitant une mobilisation des ressources - épargne ou dons -, des personnes physiques et des personnes morales vers les acteurs qui y contribuent. L'épargne solidaire est donc d estinée à soutenir l'insertion et le développement durable local, notamment par le biais du financement sous forme de prêt ou de participation au capital, d'entreprises y contribuant.


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Ces entreprises se caractérisent par leur difficulté à trouver, auprès des intervenants financiers classiques, les prêts, mais surtout les fonds propres qui correspondent à leurs besoins. Il faut avouer que leur rentabilité est parfois faible, que les lignes de financement qu'elles demandent sont modestes et qu'elles ne représentent, pour couvrir les frais d'étude et l'accompagnement spécifique qu'elles nécessitent, des clients évidemment peu attractifs pour les intervenants, les banques « classiques », qui s'en désintéressent.

Ce type d'épargne solidaire justifie donc un traitement fiscal adapté, qui n'existe pas à l'heure actuelle. C'est l'objet de neuf amendements que nous avons déposés.

Ces organismes, de type coopératif ou associatif, doivent pouvoir faire appel aux dons, directement ou par le biais de produits d'épargne solidaire et de proximité.

Un de nos amendements concerne plus spécifiquement les dons : j'espère qu'il sera favorablement accueilli par notre assemblée et par le Gouvernement, mais les huit autres sont dignes de considération et ne méritent pas qu'on en sourie, monsieur le rapporteur général, car ils pourraient faire un jour l'objet d'une proposition de loi, voire d'un projet de loi. En tout cas, nous serons amenés à en rediscuter s'ils ne sont pas tous adoptés, car je reviendrai à la charge.

Cette nouvelle économie solidaire est riche de possibilités. Ainsi, elle peut mobiliser l'épargne, qui, chacun le sait, est extrêmement forte en France. Elle est presque aussi élevée que le PIB, atteignant, je crois, les 9 000 milliards de francs - à 1 000 milliards près, mais le chiffre est considérable. Cependant, on ne sait pas très bien comment la mobiliser, comment la faire servir à ce qui est socialement utile et à la croissance économique.

J'entendais ce matin, à la radio, parler de « l'épargne éthique ». Ce n'est pas tout à fait le mot, car on voit que, dans les « fonds éthiques » à l'américaine, il y a des entreprises qui ne sont pas tout à fait éthiques.

M. Charles de Courson.

A chacun son éthique !

M. Yves Cochet.

Je vois que M. de Courson fait de l'ironie !

M. Jean-Pierre Brard.

Il préfère ironiser plutôt que de pratiquer !

M. Yves Cochet.

Une deuxième série de nos amendements va justement beaucoup intéresser M. de Courson, car elle concerne le PACS.

M. Jean-Pierre Brard.

Il a l'oeil coquin ! (Sourires.)

M. Yves Cochet.

Nous proposons, d'une part, de supprimer le délai pendant lequel deux pacsés ne peuvent bénéficier des avantages fiscaux dans les cas de donations et, d'autre part, d'aligner les taux et les abattements sur le régime du mariage.

Pour ce qui est des délais, même si la question des donations est moins centrale que celle de l'imposition commune, les arguments sont les mêmes. Pourquoi mettre à l'épreuve des pacsés ? Pourquoi les considérer comme suspects, ce qui est une atteinte à la notion de solidarité, pourtant constitutive du PACS ? Je note que ce délai ne s'impose pas aux fratries, qui disposent pourtant d'avantages fiscaux plus importants que les couples pacsés, sans qu'il y ait pour autant engagement par un quelconque contrat. Par exemple, deux frères ou soeurs qui n'ont aucun devoir l'un vis-à-vis de l'autre paient 35 % pour la tranche inférieure à 150 000 francs d'une donation, 45 % au-dessus, et sans délai, alors que les pacsés paient 40 % pour la tranche inférieure à 100 000 francs d'une donation et 50 % au-dessus, et seulement après un délai de deux ans. Entre zéro et la deuxième année, ils paient plein tarif - j'allais dire « plein pot ».

Ainsi, alors que les fratries ne sont liées par aucun devoir réciproque, elles bénéficient d'avantages fiscaux plus importants en matière de fiscalité que les couples pacsés, pourtant liés par un devoir d'aide mutuelle et matérielle et une solidarité à l'égard des dettes contractées auprès des tiers. Supprimer ce délai est donc nécessaire.

C'est l'objet de l'un de nos amendement.

Le deuxième amendement concerne les successions.

Dans le nouvel ordre juridique, les couples pacsés ne sont pas considérés à la hauteur de ce qu'ils représentent symboliquement. En effet, l'abattement de 300 000 francs pour la perception des droits de mutation à titre gratuit est équivalent à celui dont bénéficient les ascendants et les descendants, voire un héritier dans l'incapacité de travailler à cause d'une infirmité. Nous proposons de revaloriser cet abattement au niveau de celui dont bénéficie le survivant d'un couple marié. Les situations des couples pacsés et celles des couples mariés sans enfant nous semblent, en effet, équivalentes. Rien ne justifie que ces situations similaires entraînent une différence de traitement sur le plan fiscal.

Je terminerai par quelques considérations d'ordre écologique. Je m'en voudrais et vous m'en voudriez sans doute aussi, chers collègues, de ne pas évoquer ce sujet.

M. Jean-Pierre Brard.

Ça créerait un manque !

M. Yves Cochet.

Voire une frustration, monsieur Brard !

M. Bernard Outin.

C'est précisément pour cela que j'ai applaudi lorsque vous êtes monté à la tribune !

M. Yves Cochet.

Mais ne croyez pas que nous soyons des députés spécialisés. Nous avons vocation, comme l'ensemble des groupes représentés ici, à émettre des avis, des critiques ou même des propositions positives sur l'ensemble de la vie publique.

M. Jean-Pierre Brard.

Tout à fait !

M. Yves Cochet.

D'ailleurs, je viens d'en faire quelques-unes...

M. Jean-Pierre Brard.

Qui sont dignes d'intérêt !

M. Yves Cochet.

... et il y en aura d'autres.

Il faut rendre grâce à ce Gouvernement et à sa majorité d'avoir mis en pratique une idée qui nous est chère, à savoir qu'il faut moins taxer le travail et un peu plus les pollueurs.

M. Charles de Courson.

Pas le capital, monsieur Brard : les pollueurs !

M. Yves Cochet.

Il ne s'agit pas d'alourdir la fiscalité, mais de la rendre plus juste. Il y a des distorsions.

M. Méhaignerie en conviendra peut-être, le travail est trop lourdement taxé, et il faut par exemple, à prélèvements fiscaux constants, se tourner un peu plus vers la TGAP...

M. Germain Gengenwin.

Il faut financer les 35 heures avec la TGAP !

M. Yves Cochet.

... et élargir l'application du principe pollueur-payeur, qui est aujourd'hui couramment admis, non seulement en France, mais dans toute l'Union européenne.

M. Georges Tron.

Mais ce n'est pas le cas de la TGAP !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MAI 2000

M. Yves Cochet.

Si, la TGAP, c'est exactement ça !

M. Jean-Pierre Brard.

Les aristocrates sont des pollueurs !

M. Michel Bouvard.

Il ne faut pas transformer cela en droit à polluer !

M. Yves Cochet.

Nous proposons donc une mesure qui a des partisans sur tous les bancs de notre assemblée - je l'ai constaté en commission des finances il y a quelques jours - et qui consiste à appliquer le principe pollueurpayeur, déjà en vigueur pour la valorisation des emballages ménagers, aux documents publicitaires et aux journaux gratuits qui inondent nos boîtes aux lettres.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Charles de Courson.

Sauf aux documents électoraux !

M. Yves Cochet.

M. Bouvard lui-même serait favorable à ce type d'amendement.

M. Michel Bouvard.

J'en ai déjà voté de semblables !

M. Jean-Pierre Brard.

C'est vrai !

M. Yves Cochet.

Cet amendement devrait être adopté, car il n'est pas très lourd : un franc par kilo.

(Sourires.)

On peut faire mieux.

Le deuxième amendement de type écologique concerne la maîtrise de l'énergie et les sources d'énergie renouvelable - SER -, sigle introduit par la Commission européenne, mercredi dernier,...

M. Michel Bouvard.

Quelle réactivité !

M. Yves Cochet.

... dans un projet de directive concernant l'électricité renouvelable.

Les SER sont très défavorisées en France. Notre amendement propose, à la suite de l'excellent rapport concernant la fiscalité écologique de notre excellente collègue Nicole Bricq, la baisse ciblée de la TVA à 5,5 % sur le bois énergie - et Dieu sait s'il y en a depuis les cyclones de l'hiver dernier -, sur les réseaux de chaleur et, plus généralement, sur tous les matériels, dispositifs et procédés permettant d'économiser l'énergie ou d'utiliser les énergies renouvelables. Cela est tout à fait conforme à la démarche industrielle de création d'un marché en France, puis en Europe, voire à l'exportation, car nos industriels et nos ingénieurs en sont capables.

M. Michel Bouvard.

Je le propose tous les ans et, tous les ans, le Gouvernement le repousse !

M. Yves Cochet.

Par exemple, Jeumont produit de belles éoliennes, mais ne parvient pas à les développer parce que le marché n'est pas assez soutenu en France.

J'en ai déjà parlé assez longuement hier à l'occasion du débat d'orientation budgétaire, et je n'y reviendrai pas.

Néanmoins, cela représente un véritable enjeu pour notre pays.

Le troisième amendement concerne les ouragans, et il intéressera particulièrement le président de notre commission des finances. Cet amendement propose en effet de majorer, à titre exceptionnel mais pour une durée limitée à trois ans, le taux de la taxe départementale des espaces naturels sensibles, afin de permettre toutes les opérations - le nettoyage, l'achat, l'entretien, la valorisation des forêts - consécutives aux ouragans de décembre 1999.

M. Philippe Auberger.

Il faut augmenter les impôts !

M. Yves Cochet.

Pas plus que les autres, je ne pourrai soutenir moi-même cet amendement demain, mais vous pourrez considérer, lorsqu'ils seront appelés, qu'ils sont défendus.

M. Philippe Auberger.

C'est le fruit défendu !

M. François Brottes.

Bonne proposition !

M. Yves Cochet.

Oui, c'est une bonne proposition, qui a d'ailleurs été inspirée par des collègues siégeant dans des conseils généraux, notamment dans ceux des départements comportant d'importants massifs forestiers.

Un dernier amendement me tient à coeur, et il est également d'ordre écologique. Il s'agit d'augmenter les moyens destinés à renforcer les actions en matière économique et de protection de l'environnement des collectivités territoriales situées à proximité des aéroports. On a d'ailleurs pu lire, dans un grand journal du soir - selon l'expression consacrée -, un excellent article inspiré par un lobby - le mot n'est pas péjoratif - à la tête duquel est notre cher collègue M. Blazy.

M. Charles de Courson.

Un lobby respectable !

M. Yves Cochet.

Cette association d'élus s'inquiète des nuisances, sonores ou autres, que subissent les riverains des aéroports. Il est simplement proposé d'augmenter raisonnablement la taxe de l'aviation civile, qui est très faible en France : elle se monte à 14 francs par passager en Hollande, alors que, chez nous, elle doit être à peu près à 1,50 franc.

J'ai parlé de l'amendement, que vous sembliez considérer d'un air bienveillant, concernant l'assimilation à un don, la non-perception volontaire d'un revenu sur un produit financier placé dans une entreprise solidaire ou une banque solidaire. D'autres amendements, au nombre de 25 - ce qui, en soi, n'est pas un nombre très élevé mais ce collectif fait l'objet de peu d'amendements - sont aussi importants, à tel point que s'ils n'étaient pas tous adoptés, je les redéposerai dans les prochains mois, notamment au moment de la loi de finances initiale pour 2001.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la discussion de ce collectif budgétaire intervient après ce que j'appellerai un feuilleton mouvementé. Croyez-en un ancien de cette maison, il n'est pas si commun de voir une loi de finances rectificative intervenir à peine cinq mois après le vote de la loi de finances initiale alors qu'il n'y a pas eu de changement de majorité.

M. Jean-Louis Idiart.

C'est la modernité !

M. Gilbert Gantier.

Il s'agit évidemment pour le Gouvernement de corriger l'image calamiteuse de la cagnotte 1999, qui a bien entamé sa crédibilité, mettant d'ailleurs au tapis un ministre et certains membres de son cabinet.

Entre septembre 1999 et février 2000, le Gouvernement s'est empêtré dans une sorte de marmelade budgétaire.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est bon, la marmelade !

M. Michel Bouvard.

Dans la semoule !

M. Gilbert Gantier.

Le Parlement a été ridiculisé...

M. Jean-Louis Idiart.

Oh !

M. Gilbert Gantier.

... tout au moins sa majorité, qui passe pour une chambre d'enregistrement capable désormais d'avaler tout et n'importe quoi.

M. Jean-Louis Idiart.

Vous êtes bien placés pour dire ça, vous !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MAI 2000

M. Georges Tron.

Respectez l'orateur !

M. Gilbert Gantier.

Parfaitement, j'ai toute l'expérience qu'il faut, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Brard.

Y compris dans la digestion des couleuvres ! (Rires sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. Gilbert Gantier.

Cet après-midi encore, nous avons eu une démonstration de la capacité d'absorption de la m ajorité, après la brillante exception d'irrecevabilité défendue par notre collègue François d'Aubert, et la non moins brillante démonstration que notre collègue Gilles Carrez a développée dans sa question préalable.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La réponse a été également brillante !

M. Gilbert Gantier.

A la première, vous avez répondu longuement, madame la secrétaire d'Etat, mais, vous me permettrez de le dire, pas de façon très pertinente.

Le but d'une exception d'irrecevabilité est de démontrer qu'un texte est contraire à une ou plusieurs dispositions de la Constitution. Or, notre collègue a montré, notamment à propos des prélèvements sur recettes opérés de façon indue et clandestine, que le Gouvernement avait allègrement violé les dispositions organiques qui régissent la discussion budgétaire, et notamment l'ordonnance organique de 1959, que M. Fabius entend certes remettre en question mais qui reste pour nous, jusqu'à nouvel ordre, la loi et les prophètes.

La question préalable quant à elle...

M. Michel Bouvard.

Brillamment défendue par M. Carrez.

M. Gilbert Gantier.

... vise à montrer qu'il n'y a pas lieu de délibérer. Notre collègue Gilles Carrez a ainsi apporté des indications troublantes, en indiquant que le déficit annoncé n'était pas sincère, et que le Gouvernem ent nous dissimulait une nouvelle cagnotte, une cagnotte politique. Si cela est vrai, il n'y a pas lieu, en effet, de délibérer et il faut demander au Gouvernement de revoir sa copie.

M. Gilles Carrez.

C'est juste !

M. Gilbert Gantier.

Si ces accusations sont fausses, il faut les démentir vigoureusement.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Cela n'en vaut pas la peine.

M. Gilbert Gantier.

Or ni le rapporteur général ni vous, madame la secrétaire d'Etat, n'avez apporté le moindre démenti chiffré à notre collègue Carrez. Vous vous êtes, l'un et l'autre, contentés de dire qu'il fallait repousser la question préalable.

M. Gilles Carrez.

Ils étaient fatigués !

M. Gilbert Gantier.

Et la majorité vous a suivis sans hésiter, sans solliciter la moindre explication.

M. Jean-Louis Idiart.

Vous exagérez !

M. Gilbert Gantier.

Je connais des pays démocratiques où les alliés du gouvernement au pouvoir sont plus curieux que vous ne l'êtes...

M. Jean-Pierre Brard.

Cela nous rappelle le temps de Juppé.

M. Gilbert Gantier.

... et, vous me permettrez de le dire, mon cher collègue, moins serviles.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) Aux Etats-Unis, par exemple, il y a parfois non seulement des discussions trans-courants, comme chez nous, au parti socialiste par exemple, mais aussi des discussions trans-partis.

Pour en revenir à notre discussion, je regrette que M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'honore pas notre assemblée de sa présence. Nous y gagnons, certes, en charme féminin, grâce à vous, madame la secrétaire d'Etat, mais il est dommage de ne pas pouvoir poursuivre la discussion engagée hier avec

M. Fabius sur les orientations budgétaires car, en réalité, les deux sujets ne sont pas dissociables. Les déficits d'aujourd'hui sont, chacun le sait, les impôts de demain. Les impôts d'hier ont permis les cagnottes d'aujourd'hui, et permettront peut-être même celles de demain.

Hier, j'ai annoncé que la méthode Jospin avait rapporté 420 milliards de francs de prélèvements supplémentaires depuis 1997.

M. Jean-Louis Idiart.

Quelle efficacité !

M. Gilbert Gantier.

Avec sa courtoisie habituelle, M. Fabius s'est autorisé à se gausser de moi en me demandant avec ironie si je parlais en nouveaux francs et en assurant que j'avais provoqué des sourires même, prétendait-il, chez mes amis. Mais, répondant à mon collègue d'Aubert et à moi-même, M. Fabius poursuit, si j'en crois l'analytique : « Ces arguments ne sont dignes d'aucun de ces deux spécialistes...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est gentil. Des

« spécialistes » !

M. Gilbert Gantier.

... qui savent fort bien qu'il faut distinguer ce que les entreprises et les particuliers auraient eu à payer en plus si l'on avait changé les mécanismes fiscaux de ce qu'ils ont dû acquitter parce que la croissance a permis l'augmentation de leurs revenus. Cet effet richesse qui accompagne la croissance, on ne peut le reprocher au Gouvernement »...

Madame la secrétaire d'Etat, je ne reproche pas du tout la croissance au Gouvernement, mais vous comprendrez que je ne puisse laisser sans réponse la critique de M. Fabius. D'autant plus que si j'ai commis une erreur, c'est une erreur par défaut.

M. Gilles Carrez.

Tout à fait !

M. Gilbert Gantier.

En effet, en me reportant au document de votre ministère, madame la secrétaire d'Etat, ainsi qu'au rapport de notre éminent rapporteur général,...

M. Jean-Louis Idiart.

Très bien !

M. Gilbert Gantier.

... je lis que les prélèvements fiscaux et sociaux ont effectivement augmenté de 420 milliards de francs de 1997 jusqu'à la loi de finances initiale pour l'an 2000. Je vous ferai grâce de ces chiffres, M. le rapporteur général les connaît beaucoup mieux que moi.

Je citerai simplement l'année 1999 qui, à elle seule, procure un supplément de recettes de près de 200 milliards de francs, presque un point de PIB supplémentaire par rapport à 1998.

Cela comprend, mais je ne veux pas engager un débat avec M. Fabius, les impôts d'Etat mais aussi, les prélèvements sociaux, et par conséquent, bien entendu, l'effet richesse que je n'ai absolument pas oublié. Je ne suis pas très malin, mais quand même pas stupide à ce point !

M. Jean-Pierre Brard.

Il ne faut pas pousser l'autocritique trop loin !

M. Gilbert Gantier.

Ces recettes supplémentaires sont donc la conséquence de la croissance, mais aussi, ne l'oublions pas, mon cher collègue, de treize nouveaux pré-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MAI 2000

lèvements sociaux et fiscaux, parmi lesquels la taxe sur les activités polluantes, le fonds d'allégement des cotisations patronales pour financer les 35 heures, et j'en passe. Malgré toute l'ironie dont M. Fabius est capable, nous arrivons bien, d'après les calculs du rapporteur général, à 420 milliards.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Mais non !

M. Gilbert Gantier.

Néanmoins, je confesse mon erreur : je me suis en effet trompé, trompé par défaut, car aux 420 milliards qui ont choqué M. Fabius hier aprèsmidi, il faut ajouter les surplus, et notamment les 51 milliards calculés par notre rapporteur général et dont il a fait la démonstration à la commission des finances. Nous arrivons donc au total, je passe sur les broutilles, à quelque 470 milliards de supplément de recettes.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il y a quelques recettes non fiscales dans les 51 milliards.

M. Gilbert Gantier.

J'ai parlé de recettes sociales et fiscales, en m'inspirant de votre rapport, monsieur le rapporteur général.

M. Didier Migaud.

rapporteur général.

Lisez-le mieux !

M. Gilbert Gantier.

Que M. Fabius me demande si je me suis exprimé en nouveaux francs ou en anciens francs me paraît quelque peu excessif par rapport à votre éminent rapport et par rapport aux documents officiels du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'était peut-être en euros ! (Sourires.)

M. Gilbert Gantier.

Nos collègues de l'opposition que j'ai cités, et notre collègue Charles de Courson qui a fait une intervention tout à fait remarquable,...

M. Jean-Pierre Brard.

Il ne faut pas exagérer !

M. Gilbert Gantier.

... ont eu raison de critiquer ce collectif et de considérer que la question de la cagnotte de l'an 2000 notamment n'a pas encore été réglée.

Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas le collectif qui nous est présenté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, Gilles Carrez dans la défense de la question préalable, comme Philippe Auberger, ont eu l'occasion de dire pourquoi nous ne partagions pas l'orientation générale de ce collectif budgétaire. Je voudrais, pour ce qui me concerne, m'attarder sur les deux mesures phares de celui-ci en termes d'allégement d'impôts. Non pour critiquer cet allégement d'impôt, dont nous avons bien compris hier, à l'occasion du débat d'orientation pour 2001, qu'il n'était pas encore culturellement admis par l'ensemble des députés de la majorité mais pour m'interroger sur le choix des cibles retenues et l'efficacité des mesures.

La première de vos décisions concerne la TVA avec l'abaissement de 20,6 % à 19,6 % du taux normal, représentant un coût budgétaire de 18,6 milliards de francs pour 2000 et estimé à 31 milliards de francs en année pleine. Cela représente-t-il, pour le consommateur contribuable, une économie équivalente ? La mesure sera-t-elle efficace en termes de soutien à la consommation et à l'emploi ? Je suis dubitatif à la fois parce que la baisse est limitée à 1 % et parce que sa répercussion sera plus difficile à vérifier que lorsque la baisse est plus importante. Le Gouv ernement, lors d'une audition en commission des finances, à laquelle vous étiez présente, madame la secrétaire d'Etat, a d'ailleurs lui-même reconnu que la restitution pour le consommateur ne représenterait sans doute que trois quarts de point. En outre, cette mesure n'aura pas ou peu d'impact sur les créations d'emplois.

Dès lors qu'on ne pouvait assurer une baisse générale plus importante, pourquoi avoir marqué une rupture par rapport à la position retenue au cours de l'année dernière qui privilégiait des baisses ciblées de TVA, mesure que nous avons d'ailleurs soutenue, notamment lors de la proposition de résolution à l'Union européenne ? Pour un coût budgétaire équivalent, le Gouvernement aurait ainsi pu s'engager dans la baisse de la TVA sur la restauration par exemple.

A la différence d'une baisse de 1 % du taux normal, la baisse aurait pour être plus forte, sa répercussion aurait été contrôlable par le consommateur, elle aurait concerné vraisemblablement de nombreux contribuables, notamment tous les salariés qui utilisent de petits restaurants de quartier, des routiers, par exemple. De plus, cette mesure aurait été génératrice d'emplois - plus de 14 000 selon la profession. Nous aurions ainsi évité l'évaporation de 8 milliards de francs en année pleine non répercutés - trois quarts de point de 31 milliards correspond à peu près à 8 milliards de francs. Enfin, et ce n'est pas le moindre avantage, une telle baisse ciblée aurait permis de mettre fin à la distorsion de concurrence qui existe aussi bien au niveau national, entre les fast-foods et la restauration traditionnelle, qu'au niveau européen entre la France et ses principaux concurrents touristiques.

Madame la secrétaire d'Etat, vous n'avez pas retenu cette mesure. Dans ces conditions, je vous demande, comme j'ai eu l'occasion de le faire il y a quinze jours, lors d'une séance des questions d'actualité, et en espérant u ne réponse plus précise, comment vous comptez répondre à l'arrêt du Conseil d'Etat qui vous met en demeure de mettre fin, dans un délai de six mois - c'està-dire d'ici à l'automne -, aux distorsions de concurrence existant avec les cantines d'entreprise ? C'est en effet le très important écart de TVA constaté entre la restauration d'entreprise ou administrative, qui concerne 10 % des salariés français, et la restauration traditionnelle, tout comme l'immobilisme du Gouvernement sur ce sujet, malgré les prises de position claires en faveur d'une baisse de la commission des finances de l'Assemblée quasi unanime, du rapporteur général ici présent, du précédent président de la commission des finances, du président de notre assemblée avant qu'il ne devienne ministre, qui a abouti au recours devant le Conseil d'Etat et à une décision susceptible de fragiliser non seulement cette forme de restauration d'entreprise mais aussi la restauration scolaire et hospitalière qui n'étaient pas visées par le recours de l'Union des métiers et industries de l'hôtellerie UMIH et de la FNIH mais qui se trouvent être dans le champ des dispositions en cause.

Madame la secrétaire d'Etat, personne ne comprendrait que le Gouvernement ne donne pas une réponse précise sur la manière dont il entend régler cette question, ainsi que sur ses intentions par rapport à l'introduction de la restauration traditionnelle dans l'annexe de la directive TVA lors de la présidence française de l'Union européenne, ainsi que le souhaite et le réclame déjà un autre


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pays de l'Union, le Portugal. Nous avons déposé sur ces problèmes de TVA quelques amendements afin de mettre fin aux incohérences les plus flagrantes.

L'autre mesure phare du collectif, en terme d'allégement d'impôt, concerne la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation. J'en parlerai très librement, n'étant pas moi-même élu régional, pour constater qu'il s'agit là aussi d'un mauvais choix.

Mauvais choix d'abord parce que le Gouvernement, en diminuant un impôt local, souhaite sans doute accréditer l'idée que la fiscalité locale porte en elle la responsabilité d'une grande partie du niveau record des prélèvements obligatoires.

Or vous savez bien qu'il n'en est rien. Vous l'avez d'ailleurs implicitement reconnu lors du débat d'orientation budgétaire, puisque, après avoir présenté communément les comptes sociaux et ceux des collectivités territoriales, vous avez admis la stabilité de ces derniers.

Le rapport de Didier Migaud confirme d'ailleurs cette donne puisque les taux de la taxe régionale d'habitation ont diminué de 1,2 % en 1997, de 0,4 % en 1998 et sont restés stables en 1999.

La part régionale de la taxe d'habitation, outre le fait qu'en raison des régimes actuels d'exonération ou de compensation, elle n'est payée à taux plein que par un Français sur deux, constitue une très faible part de l'imposition locale. Dès lors, il eut été plus logique soit de faire porter l'effort ailleurs, en décidant par exemple une plus forte diminution de l'impôt sur le revenu, notamment pour les familles qui ont pris de plein fouet la modification du plafond du quotient familial, soit de supprimer les frais de rôle de l'Etat sur la feuille d'impôts locaux, frais de rôle supérieurs à la part régionale dans la plupart des régions françaises.

L'Etat aurait alors donné l'exemple en supprimant l'une de ses recettes plutôt que la recette d'une collectivité locale, ce qui accroît le phénomène inquiétant, très inquiétant - plusieurs orateurs l'ont souligné avant moi de dépendance fiscale de ces dernières vis-à-vis de l'Etat.

Au-delà de la compensation, qui, sauf adoption des amendements de l'opposition, sera figée dans le temps, se pose à travers cette disposition, le problème du respect de l'esprit de la décentralisation qui veut que les collectivités locales s'administrent librement, ce qui suppose l'exercice de la première des libertés pour elles, celle du vote de l'impôt.

S'agissant des régions, vous me permettrez d'ajouter que cette disposition arrive à un bien mauvais moment, car nous savons tous les efforts que les régions doivent poursuivre pour la mise à niveau des lycées, mais aussi les frais qu'elles devront engager pour l'amélioration des formations, indispensable si nous ne voulons pas buter très rapidement sur un chômage structurel, ainsi que chacun en convenait hier sur tous les bancs. Ce sont les régions qui ont la responsabilité de la formation professionnelle.

Il en est de même avec les efforts qu'elles doivent engager pour le passage à la deuxième phase de la réforme de la SNCF, engagée par Bernard Pons et Anne-Marie Idrac, qui consiste en la généralisation de l'expérimentation, réussie, de la régionalisation des services voyageurs de la SNCF.

La coïncidence entre ces nouvelles charges et la suppression de recettes, dont la compensation sera fatalement injuste, explique d'ailleurs sans aucun doute que le débat sur la réforme des services voyageurs, dans le cadre de l'examen en première lecture du projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbains, se soit subitement durci hier, au Sénat, alors qu'ici, il avait été relativement consensuel.

Je regrette que le dossier de la taxe d'habitation ne soit abordé que par le petit bout de la lorgnette, puisque vous vous contentez de proposer une simple adaptation - d'autres, plus virulents, parleraient de bricolage.

M. Philippe Auberger.

De replâtrage !

M. Michel Bouvard.

La mise en oeuvre de la réforme générale des bases n'est toujours pas décidée, malgré l'engagement de plusieurs de vos prédécesseurs, depuis 1990.

Je constate à regret que les Français continuent d'ailleurs de payer, à hauteur de 0,4 % par an, le coût de cette réforme, que vous avez initiée et que vous ne souhaitez pas faire aboutir. Cela me conduit à déposer à nouveau des amendements tendant à supprimer le prélèvement pour frais de révision ou encore à modifier les bases de la taxe d'habitation, lorsque la situation du bien s'est dégradée. Je pense aux habitations à proximité immédiate desquelles un axe de grande circulation a été construit - autoroute, voie rapide urbaine, ligne à grande vitesse - ou a vu s'accroître le trafic, et aux nuisances qui en découlent. Dès lors que la révision générale n'est pas engagée, il est temps de modifier certains dispositifs applicables à ces propriétaires ou ces locataires.

Pour terminer sur une note positive, dans le souci d'objectivité que je m'efforce toujours de garder, j'indiquerai que l'enveloppe complémentaire de crédit accordée au budget du tourisme - budget dont je suis le rapporteur - me satisfait : elle prend en effet en compte les mesures en faveur de l'hôtellerie de plein air ou des activités de tourisme vert rendues nécessaires par la catastrophe écologique de l' Erika et la tempête.

M. Alain Rodet.

C'est la Savoie qui parle !

M. Michel Bouvard.

Je souhaiterais néanmoins connaître, s'agissant de l' Erika , le montant des participations effectives attendues du FIPOL et de la société TotalFina pour le financement du plan de communication. Ces montants prendront-ils en charge le remboursement à l'Etat des crédits engagés pour la saison ou s'ajouteront-ils aux crédits figurant dans le document du collectif ? Certes, il eût été préférable de procéder par redéploi ement. Mais je ne suis pas choqué, à titre personnel, que des mesures exceptionnelles de ce type soient financées par un surplus de recettes.

En dépit de cette prise en compte de quelques mesures d'urgence, ne partageant pas les options retenues pour les allégements d'impôts, constatant, comme mes collègues de l'opposition, le décalage entre les recettes réelles et les crédits programmés dans le collectif - qui, de ce fait, ne prend aucunement en compte la diminution du déficit -, je me prononcerai à regret contre son adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Pierre Brard.

A regret ? On ne croirait pas ! (Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Outin.

M. Bernard Outin.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je centrerai mon i ntervention sur le milliard accordé à l'éducation nationale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MAI 2000

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Très bien !

M. Bernard Outin.

Avec un peu plus de 300 milliards de francs pour 2000, le budget de l'enseignement scolaire est bien le premier budget de la nation. Ainsi le Gouvernement affiche-t-il clairement, une fois encore, qu'il considère l'éducation et la formation comme la priorité nationale.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Tout à fait !

M. Bernard Outin.

Néanmoins, l'amélioration des performances du système éducatif ne dépend pas uniquement des moyens financiers qui lui sont accordés.

M. Georges Tron.

En effet !

M. Michel Bouvard.

Très juste !

M. Bernard Outin.

Une réflexion approfondie sur son organisation, ses objectifs et ses méthodes sera nécessaire pour aller vers plus d'égalité des chances. Mais il n'en demeure pas moins que les moyens doivent suivre.

Il est donc surprenant de constater la faiblesse de la somme affectée à l'éducation nationale par ce collectif budgétaire. Un milliard de francs ne correspond en effet qu'à environ 0,35 % du montant du budget 2000 et 2 % de la totalité des 50 milliards de francs inscrits en crédits dans le projet de loi de finances rectificative.

Ce milliard de francs, de notre point de vue, sera insuffisant pour répondre aux besoins éducatifs, pour mettre en oeuvre complètement et activement ou poursuivre les réformes dans ce qu'elles ont de positif. Il ne règle pas tous les problèmes immédiats de la prochaine rentrée scolaire.

La lutte contre l'échec et la violence scolaires ne peut être victorieuse sans une amélioration de la carte scolaire privilégiant la baisse ciblée des effectifs par classe pour un meilleur encadrement des enfants là où cela est nécessaire, la stabilisation des équipes éducatives, le remplacement des personnels absents, la réintroduction du travail en petits groupes ou encore la sauvegarde de l'école en milieu rural.

Les innovations pédagogiques prévues par la réforme - comme l'aide individualisée et les travaux personnels encadrés, les mesures portant sur le contenu des programmes, avec l'augmentation des heures de cours de mathématiques, de français, de langues, voire d'éducation physique - ne pourront être appliquées et généralisées sans la création d'emplois statutaires et sans l'amélioration de la formation des enseignants spécialisés.

Les carences sont criantes en matière de personnel médico-social. Les demandes des élèves, qui trouvent en ces personnels une écoute attentive, montrent bien que leur présence renforce la confiance des jeunes dans l'établissement. L'assistance médicale et paramédicale à l'école, au collège et au lycée a permis de trouver des solutions et, quelquefois, d'éviter des drames. Malheureusement, le dévouement de ces personnels ne suffit pas toujours, car les postes sont trop parcimonieusement distribués sur tout le territoire.

La question de la précarité des emplois de l'éducation nationale exige une solution rapide.

Des moyens accrus sont également nécessaires pour équiper l'école en informatique, pour répondre aux besoins en matériel et en personnel des lycées professionnels et pour renforcer la réalité de la gratuité scolaire.

Lors de la discussion du budget 2000, j'avais déjà souhaité que l'accès de tous les collégiens aux technologies de l'informatique et de la communication ne dépende plus pour l'essentiel des seuls conseils généraux. J'avais estimé que l'allocation de moyens nouveaux pour l'informatique pédagogique, dans ce budget, était très insuffisante et méritait d'être multipliée par dix.

Les contenus disciplinaires doivent, par leur qualité, contribuer à la réussite scolaire, à l'insertion sociale de tous et à la formation du futur citoyen. Ils doivent favoriser l'égalité des chances. Toutefois, il me semble que l'avenir et la nécessaire réforme du système éducatif sont incompatibles avec une politique exigeant de l'école et de ses enseignants des résultats à court terme. Par contre, ils requièrent des moyens adéquats à allouer en urgence.

En attendant des précisions sur la programmation pluriannuelle des moyens et sur le budget pour 2001, que l'on nous annonce en hausse, les députés communistes auraient souhaité un collectif budgétaire beaucoup plus significatif, à hauteur d'au moins 2 milliards de francs, p our répondre aux nombreux problèmes éducatifs urgents - je n'ai pas pu tous les évoquer dans mon intervention.

Tout le monde admet que l'éducation n'est pas une dépense mais un investissement pour l'avenir de notre jeunesse. Le retour de la croissance résultant de l'action persévérante du gouvernement de la gauche plurielle doit pouvoir servir à répondre aux attentes de la population, en particulier dans le domaine scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Deniaud.

M. Yves Deniaud.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la loi de finances rectificative qui nous est proposée paraît assez surréaliste dans le contexte national et international actuel, tout comme la politique qui l'inspire depuis trois ans, d'ailleurs. Décalée par rapport à nos déficits et à nos dettes, elle l'est aussi par rapport à la réalité européenne et mondiale dans laquelle nous devons inéluctablement nous inscrire - personne ne le conteste sérieusement.

Comme vous tous, j'ai entendu le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à la sortie d'un conseil des ministres européens, regretter la faiblesse de l'euro et d iagnostiquer que l'insuffisante rigueur des finances publiques européennes y jouait incontestablement un rôle. Il parlait d'or, pour une fois, j'attire votre attention sur ce point.

Quelle est la situation respective des Etats-Unis et de l'Union européenne ? Les Etats-Unis connaissent une croissance plus forte, même si celle de l'Europe est substantielle, tirée en partie par l'activité américaine, il faut bien le reconnaître.

Les tensions inflationnistes sont fortes aux Etats-Unis - l'inflation y suit une pente annuelle de 3 % - et plus faibles en Europe.

Quoique le déficit commercial enregistré aux EtatsUnis soit important, il est compensé par les mouvements de capitaux. L'Europe, quant à elle, dégage un excédent commercial et sa part dans le commerce mondial est plus élevée que celle des Etats-Unis : 25 % au lieu de 16 %. En réalité, ces divers éléments s'équilibrent, mais ce qui fait la différence et plombe l'euro, c'est que les Etats-Unis dégagent un excédent budgétaire : 165 milliards de dollars en 1999, tandis que l'Europe affiche encore des comptes publics déficitaires. Et le principal coupable, c'est la France ! Alors ne larmoyons pas sur la faiblesse de l'euro, mais réduisons nos déficits pour donner à cette nouvelle monnaie la fiabilité qu'elle mérite, sans changer le cap de la


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politique monétaire, c'est-à-dire sans casser la croissance par une hausse des taux d'intérêt - qui deviendrait pourtant inéluctable si la chute de l'euro continuait.

Le point noir de notre politique budgétaire, on l'a répété tout l'après-midi, c'est en effet le déficit et la de tte.

En ce qui concerne le déficit, je vous renverrai tout simplement aux intentions manifestées par le Gouvernement : limiter la hausse des dépenses publiques à 1 % en volume, c'est-à-dire hors inflation. Si cet objectif avait été tenu en 1997, 1998, 1999 et 2000, le déficit, cette année, se situerait aux alentours de 100 milliards et on pourrait raisonnablement envisager l'équilibre budgétaire pour 2002. Au lieu de quoi vous prévoyez, dans votre projet de loi de finances rectificative, que le déficit 2000 risque d'être supérieur à celui constaté en 1999 : 215 milliards affichés au compteur contre 206 en 1999.

Comme M. Fabius nous a lui-même indiqué hier que la hausse des taux d'intérêt entraînerait une progression mécanique de l'annuité de l'ordre de 7 milliards, il s'avère encore plus important de réduire activement le déficit afin de faire diminuer les emprunts, le stock de la dette et ses annuités : cela libérerait, en ce qui concerne le PIB, des financements pour l'investissement privé, et, en ce qui concerne le budget, des marges de manoeuvre pour des baisses d'impôt saines et des dépenses d'investissem ent accrues. Car l'investissement public de l'Etat connaît un naufrage inadmissible, M. Bouvard l'a souligné, et j'ai cru comprendre que M. Fabius en convenait, du moins en partie.

Les Français doivent savoir que les seules baisses d'impôt crédibles et durables sont celles qui sont fondées sur l'assainissement préalable des finances publiques, sur la maîtrise des dépenses et sur la diminution des annuités.

Mais l'idéal, comme c'est le cas aujourd'hui dans sept pays européens, est de dégager un excédent budgétaire.

Les baisses d'impôt que vous nous proposez apparaîtraient comme de la poudre aux yeux et seraient vite balayées par de nouvelles hausses si la conjoncture se retournait, car elles ne reposent pas sur de vraies et saines marges de manoeuvre conquises sur la dette.

L'endettement n'engage pas seulement le sort des générations futures, selon la formule consacrée qui renvoie à des perspectives lointaines : le poids fiscal pèse directement, à l'horizon de trois à cinq ans, sur les générations présentes.

Les 599 milliards empruntés en 2000 entraîneront un alourdissement de la dette en valeur absolue qui sera meurtrier si la croissance s'atténue - à moins que vous ne nous indiquiez que ce montant a été revu à la baisse.

Ce risque, nous ne voulons pas que la France le prenne. Une loi de finances rectificative sans baisse du déficit ne peut accorder de baisses d'impôt que momentanées, voire illusoires. Voilà pourquoi elle est inacceptable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Alain Rodet.

M. Alain Rodet.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, chers collègues, je n'enfourcherai pas les Rossinantes de la macroéconomie (Sourires), mais j'essaierai de revenir sur les dispositions d'urgence prises au début de l'année pour faire face aux conséquences des intempéries des 25 et 27 décembre 1999.

L'effort consenti par l'Etat est important puisqu'il se traduit par un crédit de près de 5,5 milliards de francs, sur 48 chapitres et 17 sections budgétaires. Ce sont donc des mesures appréciables, qui expriment un réel sentiment de solidarité. Elles correspondent d'ailleurs aux engagements pris à chaud par le Gouvernement, notamment par le Premier ministre, lorsqu'il s'était rendu dans des zones particulièrement éprouvées.

Dans le cadre du débat qui nous réunit aujourd'hui, je reviendrai sur les dispositions prévues pour les collectivités locales, notamment les communes et les départements.

Les tornades des 25 et 27 décembre ont touché 69 départements, dont la liste figure dans l'arrêté portant constatation de l'état de catastrophe naturelle. Ces événements climatiques d'une ampleur jamais observée dans notre pays méritent d'être analysés avec beaucoup de rigueur et d'attention. C'est pourquoi je considère que le voile de l'oubli et de l'indifférence ne doit pas retomber trop vite sur les conséquences de cette catastrophe - car il s'agit bien d'une catastrophe.

Quand les deux tiers d'un territoire, en l'occurrence le territoire métropolitain de la France, sont concernés par de tels événements, n'en déplaise à certains, le grand débat sur les finances publiques, sur l'importance du déficit, sur les ratios qui s'y rapportent paraît quelque peu surréaliste.

A l'intérieur de cette vaste zone, sept ou huit départements ont été plus, et même beaucoup plus durement touchés que les autres, selon les informations remontées au ministère de l'intérieur, qui émanaient soit des préfectures, soit des associations départementales d'élus. Parmi ces départements fortement touchés, la Charente-Maritime, la Haute-Vienne et la Dordogne occupent les trois marches d'un bien triste podium.

Pour ne parler que de la Haute-Vienne, que je connais un peu mieux que les autres départements, le constat est le suivant : 25 000 hectares de forêt complètement dévastés, des centaines de kilomètres de voies communales endommagées, des centaines de kilomètres de lignes électriques et téléphoniques à terre, des dizaines de kilomètres de berges de rivière et une centaine de ponts entravés par des embâcles et, pour nombre de communes, près de trois semaines sans courant électrique. Allez donc parler à des gens qui n'ont pas eu de lumière pendant trois semaines du déficit budgétaire et des grands ratios que certains agitent comme des sémaphores ! Grâce aux aides prévues par l'Etat, l'extrême urgence a été traitée, et les mesures complémentaires qui vont être adoptées seront de nature à régler les problèmes les plus immédiats. L'indemnisation par l'Etat et l'intervention des assurances permettent et permettront de panser les plaies. Mais pour parler clair, s'agissant des collectivités locales, il faut faire plusieurs remarques.

D'une part, les estimations des charges supplémentaires résultant de cette catastrophe ont été, dans la plupart des communes, assez largement sous-estimées.

Ainsi, il y a une très forte probabilité pour que, à partir de l'automne, on découvre de nouveaux et graves désordres, affectant notamment la voirie communale ; quant aux effets du gel ou du débardage du bois sur les voiries départementales et communale, ils placeront les collectivités concernées face à de nouvelles charges qui ne sont pas encore correctement appréciées.

De plus, dans nombre de communes de ces départements, les dépenses de personnel ont fortement progressé depuis la fin du mois de décembre : pour certaines petites


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c ommunes, l'augmentation dépasse 10 % ; pour les communes plus importantes, elle est assez nettement inférieure, mais elle peut aller jusqu'à 2, 3, voire 4 %. C'est la raison pour laquelle, tout en me félicitant de la prise en compte très significative, par l'Etat, des besoins immédiats consécutifs à la tempête, il me paraît indispensable de saisir l'occasion de ce débat pour anticiper la préparation de la loi de finances initiale pour 2001 et suggérer des pistes susceptibles de compléter efficacement et équitablement les aides accordées aux communes et aux départements.

Il pourrait ainsi être envisagé, dans le projet de loi de finances pour 2001, d'abonder la DGF attribuée aux collectivités des zones les plus durablement meurtries. Le contour des périmètres ne sera pas très difficile à établir : on pourra se fonder sur le nombre d'hectares de forêt jetés à terre, la voirie communale endommagée, les lignes électriques détruites, le nombre de jours sans électricité, les charges supplémentaires enregistrées dans les sections de fonctionnement des communes et des départements, les décisions modificatives aux budgets communaux et départementaux. Ultérieurement, à partir des comptes administratifs, des comparaisons assez précises pourront être opérées.

Il serait bon d'envisager, pour les zones les plus touchées un abondement, d'une part de la dotation globale de fonctionnement en faveur des communes, d'autre part, de la dotation générale d'équipement en faveur des départements. Ces deux mesures, qui pourraient ne pas être très coûteuses et ne pas excéder le milliard de francs, permettraient de soutenir des zones importantes de notre territoire où l'on n'a pas encore fait entièrement le compte des dégâts et estimé les conséquences très négatives de ces intempéries.

Madame la secrétaire d'Etat, votre administration et la direction générale des collectivités locales au ministère de l'intérieur, avec le concours des représentants des groupements et associations d'élus, pourraient faire un travail de mise au point, à la fois pour délimiter les périmètres, établir les critères et tenter d'évaluer les enveloppes nécessaires en vue d'un bon abondement, équitable et efficace de ces dotations.

Cela dit, l'effort qui est consenti dans ce collectif budgétaire pour pallier les conséquences de la tempête est déjà fort appréciable et il convient de s'en féliciter.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Inchauspé.

M. Michel Inchauspé.

Ce collectif, comme vous l'avez dit, madame la secrétaire d'Etat, est historique car il est exceptionnel en ampleur et en recettes. Depuis trente ans que je suis ici, je n'en ai jamais vu autant ! (« Merci ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Seulement, il n'y a pas d'économies qui soient budgétisées, sauf quelque 49 millions. Comment est-ce possible ? Tout le monde se renvoie la balle. Evidemment, l'opposition dit que c'est la faute du Gouvernement ! Mais n'est-ce pas un peu notre faute à tous ? Jusqu'à présent, je n'ai entendu aucun orateur s'exprimer sur les difficultés de la procédure des lois de finances. Essayons tout de même d'oeuvrer pour trouver des économies. Je pense que c'est le rôle des parlementaires, qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition.

Encore faut-il le vouloir et revenir à un travail sérieux et approfondi. Car on a quelquefois l'impression qu'il n'y a que le pauvre rapporteur du budget qui travaille, et qui travaille nuit et jour. (Sourires.)

M. Bernard Outin.

Excellemment !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Merci !

M. Michel Inchauspé.

Sur les soixante membres de la commission des finances, il n'y a qu'une vingtaine de présents, sauf quand M. le ministre ou Mme la secrétaire d'Etat est là. Où se passe le travail des autres ? Il faut dire que nous ne sommes pas aidés du tout.

M. le ministre nous a promis hier, et c'est très intéressant, qu'il allait nous aider à faire en sorte que nos comptes soient transparents. L'année dernière, on a pris l'initiative de traiter en commission quatre budgets en présence du ministre lui-même. Je ne sais d'ailleurs pas qui est à l'origine de cette initiative, le président de l'Assemblée ou le rapporteur général...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'était une initiative conjointe ! M. Michel Inchauspé. Mais il ne faudrait pas que cette procédure n'ait d'autre but que d'éviter une discussion générale fastidieuse et souvent inutile comme malheureusement, celle d'aujourd'hui. Et il faudrait, dans ce cadre, appliquer un peu la méthode ancienne.

Il y a trente ans, quand je suis arrivé ici en commission des finances, nous passions normalement une demijournée sur chaque budget, en l'examinant chapitre par chapitre, article par article, titre par titre. Aujourd'hui, nous passons moins de temps. Heureusement, la presse n'est pas présente...

M. Jean-Pierre Brard. Il y a des oreilles partout ! (Sourires.)

M. Michel Inchauspé. Même si quelquefois, grâce à vous, monsieur Brard, la discussion est plus longue, nous consacrons une demi-heure, trois quarts d'heure, une heure maximum à chaque budget. Ce n'est pas sérieux ! Nous n'associons pas l'administration à nos efforts. Or il suffit d'ouvrir le Bottin administratif, qui est d'ailleurs de plus en plus volumineux, pour voir qu'il existe dans l'administration toute une batterie de chefs de services. Je me suis amusé à téléphoner à plusieurs d'entre eux ; ils sont d'une amabilité remarquable et se mettent volontiers à votre disposition. Mais il faudrait faire comme le président de l'Assemblée nationale et demander à chacun qui fait quoi ! Ce serait très intéressant et nous trouverions sans doute là des « trappes » à économies.

Un exemple. Je ne sais pas, madame la secrétaire d'Etat, si vous connaissez le document que voici...

M. Michel Bouvard. C'est le « vert » des transports ! M. Michel Inchauspé. Ce type de document existe pour tous les budgets. Pourtant, je peux vous dire, mes chers collègues, que peu de gens en disposent. Dans celui qui est consacré aux transports - je l'ai pris tout à fait au hasard -, on constate que, pour 20 milliards, il n'y a que deux lignes d'explications. Et j'y ai relevé au début une phrase extraordinaire, sur laquelle je vous demanderai de m'éclairer : « Le budget voté ne retrace pas l'ensemble des paragraphes de la nomenclature d'exécution » ! Monsieur le président de la commission des finances, vous qui êtes aussi ancien que moi - ou presque -, j'avoue que je ne comprends plus rien !

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Je suis catastrophé ! M. Michel Inchauspé. M. le ministre nous a proposé douze mesures pour mieux travailler et il nous a garanti la transparence des comptes. Nous espérons que ce n'est pas une promesse en l'air.


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Les rapporteurs de la majorité, comme il est normal, travaillent bien. Mais ne faudrait-il pas, c'est une suggestion, leur adjoindre un rapporteur de l'opposition ? Il est délicat, pour un rapporteur de la majorité, de mettre en cause certains crédits. Le rapporteur de l'opposition, qui sera là pour aider celui de la majorité pourrait, lui, remettre en cause certaines opérations. On ne pourrait d'ailleurs pas y opposer l'article 40, puisque ce serait avec un souci d'économies. Encore faudrait-il que nous disposions, en commission des finances, d'un administrateur par budget.

Actuellement, les « pauvres » administrateurs sont chargés chacun de quatre à cinq budgets,...

M. Michel Bouvard. Tout à fait ! M. Michel Inchauspé. ... et courent de droite à gauche.

Il ne peuvent que nous dire : « Je ne peux pas m'occuper de vous, parce que je dois assurer l'autre budget ! »

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il faut augmenter les moyens ! M. Michel Inchauspé. Je peux vous dire qu'un poste nouveau d'administrateur serait rentabilisé l'année même ! Mais ce n'est qu'une suggestion...

Madame la secrétaire d'Etat, votre collègue M. Fabius nous a proposé des contrats de gestion. N'y aurait-il pas la possibilité, pour les rapporteurs, de faire le point devant la commission, une, deux ou trois fois par an ? Tout le monde pourrait suivre beaucoup mieux.

Autrefois, nous avions des contrôleurs financiers. Je ne sais pas s'ils existent toujours. Mais, pour avoir été au Gouvernement, je peux vous dire que le contrôleur financier était un personnage excessivement important. Et quand nous voulions utiliser des crédits de fonctionnement pour créer des postes de fonctionnaires vacataires, ce n'était pas possible ! A l'heure actuelle, c'est devenu une règle au lieu d'être une exception.

Ce matin, réunis au titre de l'article 88, nous avons passé plus d'une dizaine d'amendements gouvernementaux qui régularisaient l'inscription de centaines de millions de crédits. Sans explication et donc sans contrôle ! Cela manque de sérieux et ce n'est pas responsable !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je ne suis pas d'accord !

M. Michel Inchauspé.

Monsieur le président de la commission, ce ne sont que des suggestions et vous jugerez s'il est possible d'en faire bon usage.

L'acte budgétaire est l'acte majeur de la session parlementaire. Mes propositions ne sont même pas audacieuses. Lorsque vous les accepterez, nous pourrons voter en toute connaissance de cause. Pour le moment, nous n'y voyons pas clair. Merci de prendre en considération mes propositions, qui, je l'espère, verront le jour, sinon cette année, peut-être l'année prochaine.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Il croit toujours au Père Noël !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, nous vivons souvent, dans cet hémicycle, des choses insolites, et nous venons d'en vivre une : nous savions que M. Inchauspé était un vieux sage de notre commission des finances, expert, homme d'expérience, mais qu'il fût délégué syndical, nous l'ignorions ! C'est une nouvelle corde à son arc. Cela prouve l'éclectisme de notre collègue.

(Sourires.)

Tout à l'heure, M. Gantier s'est gaussé de l'existence d'un collectif budgétaire. Ce n'est pas notre cas, puisque nous le réclamions ; nous avons donc obtenu satisfaction.

Sans doute M. Gantier a-t-il oublié, bien que cela m'étonne de sa part, ce qui avait été dit l'année dernière.

Nos collègues de droite fustigeaient alors des prévisions, qu'ils estimaient trop optimistes, espérant que le trou d'air devienne dépression. Mais les Cassandre de droite ont vu leurs prévisions démenties (Sourires.), car les résultats ont été meilleurs.

M. Michel Bouvard.

Mais Cassandre avait toujours raison !

M. Jean-Pierre Brard.

Absolument, monsieur Bouvard, je vous remercie. Cassandre, hélas ! avait raison, comme nous le rappelle la mythologie. Tandis que nos collègues de droite, comme d'habitude, ont eu tort ! (Rires.)

M. Jean-Jacques Jégou.

La mythologie revisitée par

M. Brard.

(Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.

Nous aurons un débat spécifique, si vous le voulez, sur ce sujet.

(Sourires.)

Si les résultats ont été meilleurs, on peut se demander pourquoi. Vous dites toujours que c'est grâce à la conjoncture internationale. Or, quand nous comparons les résultats d'un pays à l'autre, nous voyons que tel n'est pas le cas. Les choix opérés depuis 1997 et soutenus par la majorité plurielle...

M. Jean-Jacques Jégou.

Tous les choix ? (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.

... servent une politique favorable à l'emploi, qui commence à produire des résultats.

Et cette politique et ces résultats sont un camouflet pour les ultralibéraux comme pour les sociaux-libéraux du type Schrder ou Blair. Schrder, par exemple, administre actuellement une purge sévère à ses concitoyens et ne gagne d'ailleurs les élections que grâce à la déconfiture de ses adversaires.

M. Philippe Auberger.

C'est mieux que rien !

M. Jean-Pierre Brard.

Quand nos collègues comme M. Gantier parlent de 400 milliards de prélèvements supplémentaires, ils commettent un abus de langage. En effet, il ne s'agit pas de prélèvements supplémentaires, mais de recettes supplémentaires résultant de l'amélioration de l'activité.

Pour ma part, madame la secrétaire d'Etat, je regrette que le Gouvernement ne défende pas l'impôt de manière plus dynamique.

M. Charles de Courson.

Allez, plus d'impôts !

M. Jean-Jacques Jégou.

M. Brard se dévoile !

M. Jean-Pierre Brard.

L'impôt est légitime. Les apôtres de la baisse des impôts font des comparaisons avec l'étranger. Mais qu'ils aillent jusqu'au bout. Comment paierions-nous notre système d'éducation, notre système de santé, notre politique du logement social sans l'impôt qui - dans une mesure certes trop faible - corrige les inégalités et permet de donner un peu plus à ceux qui sont victimes d'un système dont vous vantez les mérites ?

M. René Dosière.

En effet !

M. Jean-Pierre Brard.

Le problème de l'impôt, ce n'est pas qu'il soit globalement trop lourd, c'est qu'il doit être plus juste...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MAI 2000

M. René Dosière.

Eh oui !

M. Jean-Pierre Brard.

... et qu'il pèse trop sur ceux qui ont moins et pas assez sur ceux qui ont plus. Les propos de certains de nos collègues de droite étaient fort étranges. N'est-ce pas M. d'Aubert qui prétendait que nous découragions les plus entreprenants et les plus dynamiques ? Il voulait parler des moins patriotes et des moins citoyens de nos compatriotes.

M. Jean-Jacques Jégou.

De Liliane Bettencourt ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Brard.

Il ne parlait pas, bien évidemment, ni des ingénieurs de Kourou ni des ouvriers de l'Aérospatiale, mais de ceux qui partent avec la mallette et le coffre-fort de l'autre côté de la Manche ou ailleurs...

M. Yves Durand.

Ce sont les immigrés de Coblence !

M. Jean-Pierre Brard.

Tout à fait. Et ils ont pour nom Afflelou, Arnault et consorts ! Madame la secrétaire d'Etat, sans revenir sur le détail de la répartition des crédits, on peut se demander si la baisse des impôts était vraiment une priorité et on peut s'interroger sur les choix que vous avez faits. N'aurait-il pas été préférable de prévoir des baisses ciblées de TVA plutôt qu'une baisse générale d'un point dont on sait que, dans certains cas, elle sera récupérée, alors que dans d'autres cas elle le sera d'une façon beaucoup moins certaine ? On aurait aimé que votre collectif budgétaire aborde d'autres « chapitres ». Par exemple, que vont devenir les emplois-jeunes dont la pérennisation n'est plus assurée à partir du mois d'octobre ?

M. Michel Bouvard et M. Georges Tron.

Bonne question !

M. Jean-Pierre Brard.

On a pourtant mesuré la fonction sociale - dans le meilleur sens du terme - de ces emplois-jeunes. Mais pour l'instant, nous n'avons pas de réponse.

La diminution de la taxe d'habitation que vous avez prévue profitera à l'ensemble de la population et en particulier aux plus modestes. C'est une bonne chose, mais des choix restent à faire. Evidemment, je ne parle pas de baisse des tranches supérieures de l'IRPP, intention qu'on prête - certainement à tort - à M. le ministre de l'écono mie et des finances... Vous imaginez bien, en effet, que nous serions nombreux, au sein de la majorité plurielle, à ne pas pouvoir suivre cette proposition et même à nous y opposer avec détermination.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Jacques Jégou.

On va apprendre des choses !

M. Georges Tron.

Vous seriez nombreux ? Disons, en nombre suffisant ? Enfin, vous seriez là...

M. Jean-Pierre Brard.

En nombre suffisant pour que cette détermination se manifeste avec une efficacité certaine...

Nous avons évoqué la taxe sur le foncier bâti, à propos de laquelle M. Sautter et M. Strauss-Kahn avaient pris des engagements qui, pour l'instant, ne se sont pas concrétisés. Il est nécessaire qu'il y ait plus de justice dans cet impôt qui pèse sur tous également, c'est-à-dire de manière très inégalitaire puisque les plus pauvres le paient autant que les plus fortunés. Nous souhaitons que vous nous disiez, madame la secrétaire d'Etat, quelles propositions le Gouvernement entend avancer, sinon dans le collectif, du moins à l'occasion du projet de loi de finances pour 2001.

Nous pourrions également discuter de la CSG, notamment de la façon dont il serait possible de la rendre plus progressive et plus légère pour ceux qui ont les revenus les plus faibles. Ce serait là un moyen de redistribution, une manière plus évidente et plus équitable de faire bénéficier les plus modestes des fruits de la croissance.

C'est dans cet esprit, madame la secrétaire d'Etat, que nous allons participer à la discussion...

M. le président.

Monsieur Brard, vous avez dépassé largement votre temps de parole. Pouvez-vous conclure ?

M. Gilbert Gantier.

M. Brard est dans la tranche supérieure ! (Sourires.)

M. François Brottes.

Il va avoir des pénalités ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.

Je proposerais volontiers, monsieur le président, d'augmenter à due concurrence l'impôt pour les plus riches. (Sourires.)

M. le président.

Proposez ce que vous voulez, mais je souhaite entendre maintenant votre conclusion. Vous avez doublé votre temps de parole, au préjudice de tous vos autres collègues.

M. René Dosière.

M. Brard va passer dans la tranche à 54 % !

M. Jean-Pierre Brard.

J'en reste là, en concluant qu'il faut défendre l'impôt et l'utiliser pour mettre en oeuvre une politique plus juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.) M. Georges Tron, M. Charles de Courson et M. JeanJacques Jégou.

Encore plus d'impôts !

M. le président.

La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, je souhaite exprimer, en essayant d'être un peu plus bref que M. Brard, notre satisfaction car ce collectif qui a déjà le mérite d'exister, témoigne à la fois de la bonne santé de notre économie et de la fiabilité de la politique de notre Gouvernement.

Je me félicite également qu'ait été prévu, dans ce collectif, un milliard pour moderniser le système éducatif.

Certains ont pu regretter tout à l'heure que cette somme ne soit pas plus importante. Certes ! Mais je voudrais leur rappeler non seulement que le budget de l'éducation nationale est redevenu le premier budget de la nation,...

M. Georges Tron.

Eh oui, la charge de la dette s'est allégée !

M. Yves Durand.

... ce qui n'était pas le cas avant 1997, mais que ce milliard vient s'ajouter au budget existant.

Ce milliard, la lettre de cadrage pour le budget de 2001 le confirme, constitue la preuve que l'éducation est réellement la priorité du Gouvernement. Jacques Guyard et moi-même avions, en tant que rapporteurs du budget de l'éducation nationale, fait un certain nombre de remarques, lors de la discussion du budget de l'an 2000.

Le collectif y répond, en particulier en ce qui concerne les personnels adultes non enseignants - les ATOS mais également la médecine scolaire qui, depuis un certain nombre d'années, a subi un retard considérable, ainsi que le secteur médico-social, qui voit, dans l'affectation de ce milliard, un début de solution à ses problèmes, cet engagement devant être confirmé par la suite.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MAI 2000

Je ne veux pas omettre de signaler la présence de 2 800 personnes supplémentaires pour la rentrée 2000, qui aura lieu dans quelques mois. Cet apport contribuera sans nul doute à améliorer les conditions de la rentrée prochaine. Notons d'ailleurs que, chaque année, la situation s'améliore eu égard au renforcement du budget de l'éducation nationale.

Je vois aussi dans ce collectif un progrès - qui doit se poursuivre - vers plus de gratuité pour les élèves.

Enfin, et surtout, je voudrais dire que, en matière d'éducation nationale, ce collectif montre la volonté de prolonger les réformes courageusement engagées depuis trois ans, et qui ont été confirmées après le remaniement gouvernemental. Ces réformes sont en effet nécessaires pour une plus grande efficacité de notre système éducatif.

Celui-ci a besoin de moyens, même si les moyens ne font pas tout, ainsi que M. le ministre l'a rappelé hier à propos d'un autre sujet.

Je constate avec satisfaction que 50 millions de francs - certes insuffisants eu égard aux besoins - sont affectés à la formation des enseignants dans les lycées afin, dès la rentrée de l'année 2000-2001, de mettre en oeuvre les réformes qui touchent les lycées. Il y a donc là une politique cohérente que nous soutenons.

C'est vrai également en ce qui concerne les nouvelles technologies. C'est vrai aussi en ce qui concerne les 30 millions de francs pour l'enseignement des langues à l'école primaire.

Accroître les moyens de fonctionnement des établissements en les modernisant ; améliorer les conditions de travail des enseignants...

M. Germain Gengenwin.

Baisser les heures de travail !

M. Yves Durand.

... qui peuvent ainsi prendre la mesure de la solidarité du Gouvernement à leur égard ; tendre plus encore vers cette idée fondamentale de la gratuité de la scolarité : tels sont les trois axes qui se dégagent de ce collectif budgétaire et je m'en réjouis.

Je conclurai, madame la secrétaire d'Etat, en réaffirmant notre satisfaction et en exprimant deux souhaits.

Le premier, c'est que le budget pour 2001 confirme ce qui est engagé dans ce collectif, dans le domaine de l'éducation nationale - une des quatre priorités gouvernementales - en lui donnant les moyens nécessaires pour engager des réformes.

Le deuxième, c'est que les besoins, et donc les moyens correspondants, soient étudiés dans un cadre pluriannuel, comme l'a d'ailleurs annoncé le Premier ministre et comme le prévoit la loi de 1989. Ainsi, loin d'être un collectif de rattrapage, même si le collectif doit recaler l'effort gouvernemental, il sera un collectif volontariste p our que les réformes, soutenues par la majorité, deviennent réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Barrau.

M. Alain Barrau.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais évoquer deux questions brièvement et une autre plus longuement.

Premièrement, quelques critiques ont été formulées sur le bien-fondé de discussion de ce collectif budgétaire.

Franchement, je ne les comprends pas, car, l'an dernier, les critiques ont précisément porté sur l'absence de collectif budgétaire pour affecter des excédents de recettes qui ont été directement affectés par le Gouvernement. Cette année, le Gouvernement, à la demande des groupes de la gauche plurielle, propose un débat. Tout le monde devrait donc être satisfait. En tout cas, pour ma part, je le suis.

Deuxièmement, priorité est donnée à la baisse des impôts. D'autres ayant développé ce point, je n'insisterai pas.

M. Georges Tron.

D'autres encore ont développé l'inverse !

M. Alain Barrau.

La baisse de la taxe d'habitation touche l'ensemble de nos concitoyens, ce qui est très bien reçu.

M. Michel Bouvard.

A condition qu'ils y soient assujettis !

M. Alain Barrau.

Par ailleurs, s'agissant de la baisse de la TVA, la stratégie d'une baisse ciblée aurait pu être poursuivie. Que ce Gouvernement rattrape en quelques années cette pénalité considérable imposée par les gouvernements de droite à l'économie et aux entreprises françaises me semble, en tout état de cause, un élément extrêmement positif.

Le troisième point sur lequel je voudrais particulièrement insister, c'est la remise en cause du tabou consistant à considérer que toute gestion publique est mauvaise dès lors que l'on a recours à des créations d'emplois publics.

J'ai, pour ma part, toujours pensé que la création d'emplois publics n'était pas nécessairement la seule voie à développer.

M. Michel Bouvard.

Très bien.

M. Alain Barrau.

En revanche, ne laissons pas l'idéologie néo-libérale nous dicter sa loi et ne culpabilisons pas si nous créons des emplois publics si les créations se révèlent nécessaire. Je suis persuadé que ce point de vue est partagé par l'ensemble de la gauche plurielle, mais aussi, par un certain nombre de formations de l'opposition.

Permettez-moi à cet égard de vous faire part de mon expérience personnelle de député de Béziers. Sous le gouvernement de Michel Rocard, nous avons obtenu un nouvel hôpital. Aujourd'hui, l'ensemble de la médecine libérale de notre ville, l'ensemble des cliniques privées, se réassurent, en quelque sorte, auprès de l'hôpital public extrêmement bien coté et accessible à une majorité de la population. Il est donc normal que, si le besoin de postes ou de moyens supplémentaires se fait sentir dans l'hôpital public, cela constitue une priorité. Quant à moi, madame la secrétaire d'Etat, je vous félicite que ce choix ait été fait clairement à hauteur de 2 milliards de francs.

Après l'exemple de l'hôpital, je prendrai, à l'instar de mon collègue et ami Yves Durand, celui de l'éducation nationale. Face à un grand projet collectif, comme la scolarisation des enfants à partir de deux ans, les moyens en personnel doivent suivre en cas d'augmentation démographique. La théorie du redéploiement, consistant à dire que l'ensemble des enseignants affectés à des zones rurales iront dans des zones urbaines plus peuplées, n'est pas une théorie raisonnable dans la mesure où nous savons - nous sommes élus locaux les uns et les autres ...

M. Yann Galut et M. Michel Bouvard.

C'est vrai !

M.

Alain Barrau.

... qu'il y aura une mobilisation à la fois des populations et des élus pour garder - et c'est justifié - les écoles en milieu rural, même, s'il y a une diminution effective de population. Ne fonctionnons donc pas comme si la théorie du redéploiement était la panacée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MAI 2000

Je prendrai de nouveau l'exemple de ma région qui a connu un mouvement populaire très large de parents d'élèves, d'enseignants, dans le Languedoc, dans le Gard, dans l'Hérault et dans d'autres départements,...

M. Philippe Auberger.

A Béziers !

M. Alain Barrau.

Exactement, à Béziers ! Leurs besoins en effectifs, en moyens ont tout à fait été reconnus par le rectorat comme par l'administration de l'éducation nationale. Une négociation sur trois ans a été engagée pour satisfaire un certain nombre de besoins. C'est dans le cadre de ce collectif qu'il faut agir. Même s'il s'agit essentiellement du remplacement de personnel, d'heures supplémentaires, ou des personnels ATOS, c'est déjà un premier pas. Je vous demande donc, madame la secrétaire d'Etat, que dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2001, nous prenions clairement en considération les besoins quand ils existent et dès lors qu'ils sont reconnus de bonne foi par tous. Quand nous avons besoin de créer des emplois publics dans ce pays, pour satisfaire un certain nombre de besoins, aussi bien dans l'hôpital que dans l'éducation nationale, éventuellement dans le domaine de la justice ou la sécurité,...

M. Georges Tron.

Redéploiement !

M. Alain Barrau.

... nous puissions le faire et pas uniquement à coup de redéploiement dont vous savez très bien, chers collègues, qu'il ne répond pas à toutes les situations.

M. Georges Tron.

C'est vous qui employez ce terme !

M. Alain Barrau.

En conclusion, je soulignerai, madame la secrétaire d'Etat, l'importance de ce collectif budgétaire. Premièrement, il a le mérite d'exister. Deuxièmement, il est très clair par rapport à la question de la baisse des impôts. Troisièmement, il ouvre la voie à la création d'emplois publics là où cela se justifie. J'espère que, dans la préparation du prochain projet de loi de finances, nous poursuivrons dans cette voie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, s'agissant de la fiscalité locale (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) , la loi de finances rectific ative propose une baisse significative de la taxe d'habitation 11 milliards de francs, c'est-à-dire 17 % de moins pour les contribuables locaux. Ce n'est donc pas négligeable. Cette diminution importante de la taxe d'habitation résulte de deux mesures. D'abord d'une refonte intelligente et efficace - c'est du « meilleur Bercy » pourrait-on dire - du système actuel de dégrèvements que j'évoquerai à l'occasion de l'examen de l'article 6. Ensuite, de la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation que je développerai maintenant.

Mettre un terme à cette fiscalité additionnelle régionale particulièrement archaïque est une bonne chose. De plus, cette suppression constitue un pas vers la spécialisation fiscale. Pour autant, je ne suis pas satisfait d'une compensation de l'Etat qui pèse sur les dépenses du budget,...

M. Gilles Carrez.

Merci de le reconnaître !

M. René Dosière.

... et j'aurais préféré le transfert d'une recette fiscale de l'Etat vers les régions.

En procédant de cette manière, vous êtes d'ailleurs, madame la secrétaire d'Etat, dans le droit-fil des politiques suivies en ce domaine par vos prédécesseurs, puisque depuis vingt ans l'étatisation de l'impôt local progresse chaque année, avec une nette accélération ces deux dernières années,...

M. Jean-Jacques Jégou et M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. René Dosière.

... car cette prise en charge a augmenté de 35 milliards de francs, au point d'ailleurs que le budget de l'Etat supportera en cette année plus de 130 milliards d'impôts locaux sur un produit fiscal qui, pour la première fois, dépassera les 500 milliards de francs. Or c'est trop, et je souhaite vivement, comme Pierre Mauroy, que l'on restaure un système fiscal local.

M. Charles de Courson.

Vous souhaitez comme l'opposition.

M. René Dosière.

En premier lieu, par fidélité aux orientations fondamentales prises dans le cadre des lois de décentralisation et combattues alors par la droite qui a mis du temps à défendre l'autonomie de la fiscalité locale qu'elle a contribué à limiter pendant les six années où elle a exercé le pouvoir.

En second lieu, parce que les collectivités locales constituent l'investisseur public le plus important de notre pays, et que, dans ce domaine, le rôle des régions est essentiel, comme on le voit avec les contrats de plan.

Vous n'ignorez pas, madame la secrétaire d'Etat, que cet effort d'investissement local contribue pour une part significative à la croissance de l'économie nationale. Or, pour financer ces équipements publics, les collectivités doivent maîtriser le niveau de leurs ressources. C'est possible avec une fiscalité locale. Ce n'est pas le cas avec des dotations budgétaires, comme le démontre l'exemple de la dotation de compensation de taxe professionnelle...

M. Michel Bouvard.

C'est vrai.

M. René Dosière.

... qui, à l'origine, est une compensation indexée de fiscalité locale et qui, aujourd'hui, décline d'année en année finira par disparaître.

En troisième lieu, parce que les collectivités locales sont bien gérées,...

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. René Dosière.

... au point d'avoir permis à la France de remplir les critères de convergence pour l'entrée dans l'euro - leur endettement reste limité et stable dans le temps, ce qui n'est pas tout à fait le cas de l'Etat - et une capacité de financement alors que l'Etat présente un déficit.

En quatrième lieu, parce que le financement par le contribuable national des budgets locaux à travers la prise en charge de la fiscalité accentue les inégalités entre collectivités et annule les péréquations des dotations d'Etat comme je l'ai démontré dans mon rapport pour avis à l'occasion de la loi de finances.

Enfin, pour lutter contre l'exclusion civique que constitue la dissociation entre le contribuable et l'électeur. Alors que l'abstention augmente, y compris aux élections municipales, nous devons encourager tout ce qui favorise la participation civique.

Contribuer de manière directe et visible au budget de sa commune constitue un geste d'intégration. C'est d'ailleurs l'un des motifs mis en avant pour justifier le vote des immigrés aux élections locales.

C'est pourquoi, madame la secrétaire d'Etat, je continuerai à plaider ici et ailleurs pour que la taxe d'habitation soit transformée en une « contribution locale généralisée » spécialisée au niveau communal.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MAI 2000

M. Gilles Carrez.

Très bien.

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

De très nombreuses questions ont été abordées au cours de cette discussion générale dont certaines renvoient à des sujets que nous avons traités hier dans le cadre du débat d'orientation budgétaire. Nous les traitons à nouveau dans le cadre de ce collectif, ce qui me conduit à dire que non, il n'y a pas de contradiction entre les orientations budgétaires du Gouvernement pour 2001, sa politique budgétaire pour 2000, pas plus qu'avec ce qu'il a fait depuis 1997.

M. Alain Barrau.

Très bien !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Certains d'entre v ous, comme M. Laffineur et M. Auberger, nous reprochent un manque de transparence. Ce thème n'est pas nouveau, nous l'avons entendu plusieurs fois au cours de cette discussion générale. Je pense qu'au fond, ce que l'on nous reproche, c'est que nous disons ce que nous faisons ; pour moi, ce n'est pas manquer à la transparence.

De surcroît, ce qui vous gêne plus encore, c'est que non seulement nous disons ce que nous faisons, mais que nous faisons ce que nous avons dit que nous ferions.

Pour vous aider à vérifier que nous tenons notre norme d'évolution de la dépense, quoi que vous en pensiez, quoi que vous en disiez, nous présenterons dans le budget pour 2001 une charte de budgétisation qui expliquera de manière extrêmement pédagogique comment nous comptons les dépenses au moment où nous les prévoyons dans le projet de loi de finances et comment nous les comptons lorsque nous exécutons les budgets. Cela vous permettra, je l'espère, de sortir du registre du fantasme dans lequel vous vous ingéniez à nous cantonner.

M. Michel Bouvard.

La cagnotte n'était pas fantasmatique !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

M. Augustin Bonrepaux a très judicieusement rappelé que, s'agissant des baisses d'impôt, thème sur lequel vous avez également beaucoup disserté, l'opposition faisait des propositions contradictoires, notamment en matière de baisse de TVA, nous le verrons tout à l'heure avec des amendements à la hausse et d'autres à la baisse.

Je crois que nous pouvons résumer assez simplement les positions qui nous opposent au sein de cet hémicycle.

Alors que, de ce côté de l'hémicycle, nous sommes favorables à plus de croissance et à moins d'impôt, je constate que, de l'autre, pour moins de croissance, il y a plus d'impôt. C'est véritablement cela qui nous sépare.

(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Augustin Bonrepaux a rappelé que les autres baisses d'impôt figurant dans ce projet de collectif budgétaire avaient été demandées par le Parlement. Ainsi, s'agissant de la taxe d'habitation, le Gouvernement répond à une demande exprimée à l'automne dans le cadre de la préparation du budget pour 2000. Ces baisses d'impôt vont dans le sens de l'incitation à la reprise de l'activité, comme celle de l'impôt sur le revenu.

M. Pierre Méhaignerie.

Tout à fait !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

M. Bonrepaux nous a invité à ne pas nous cantonner, dans le cadre de nos réflexions sur le budget 2001, à l'impôt sur le revenu.

Je lui indique donc que nous allons appréhender cette question de manière large. En effet, notre feuille de route, élaborée par le Premier ministre, prévoit l'étude de l'ensemble des prélèvements directs pesant sur les ménages, notamment sur ceux dont les revenus sont les plus modestes ou moyens. Cela étant, il conviendra avec moi qu'il n'est pas tout à fait l'heure de trancher ces choix. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

Il a également rappelé que des engagements avaient été pris vis-à-vis des collectivités locales. Il en est un que je ne saurais oublier : celui du contrat de croissance et de solidarité qui, en 2001 - ce sera sa dernière année d'application - verra les concours de l'Etat aux collectivités locales progresser en fonction d'une partie de la croissance portée à 33 %.

M. Pierre Méhaignerie.

Voir la DCTP : moins 17 % !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

M. Auberger a souligné que ce collectif budgétaire était exceptionnel. Tel est effectivement le cas comme l'a très bien indiqué le rapporteur général.

Il est en effet exceptionnel qu'un collectif de printemps porte des baisses d'impôts de l'ampleur de celles que nous vous proposons aujourd'hui - 40 milliards -...

M.

Alain Barrau.

Eh oui !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... et, surtout, profitant à tous les Français, en particulier à ceux dont les revenus sont les plus modestes.

A ce propos je renvoie au précédent de 1986, où les 10 milliards de francs de baisses prévus étaient liés à la suppression de l'impôt sur les grandes fortunes. Tel n'est pas notre projet.

Il a également avancé que nous sous-estimions très nettement les recettes supplémentaires. Selon lui il aurait fallu inscrire dans ce collectif, non pas 50 milliards, mais plutôt 65 à 70 milliards. Je ne souhaite qu'une chose : qu'il ait raison, car cela nous permettrait de réduire le déficit, comme vous le souhaitez, comme nous le souhaitons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M.

Charles de Courson.

Vous augmentez les prélèvements obligatoires !

M.

Philippe Auberger.

C'est ce que M. Fabius a dit hier !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

M. Cuvilliez a eu raison de souligner que tous les ménages ne payaient pas l'impôt sur le revenu, mais qu'en revanche la plupart étaient concernés par la taxe d'habitation.

M.

Charles de Courson.

Dix-huit pour cent sont exonérés !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Le Gouvernement a pris des mesures en faveur des bénéficiaires des minima sociaux car notre priorité est de favoriser le retour à l'emploi en réduisant les trappes à inactivité. De ce point de vue, la baisse de la taxe d'habitation et le reformatage des systèmes de dégrèvement proposés vont dans le même sens que la réduction des deux premières tranches de l'impôt sur le revenu. Cette mesure, bien qu'elle ne concerne qu'une partie de la population, bénéficiera néanmoins à des personnes qui, lorsqu'elles reprennent une activité, subissent des ressauts d'imposition qui peuvent être désincitatifs.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MAI 2000

En diminuant la taxe d'habitation, en diminuant l'impôt sur le revenu, en diminuant la TVA, on accroît aussi le revenu disponible des ménages.

A M. Méhaignerie qui s'est interrogé sur le crédit à accorder à nos chiffres, je réponds rapidement qu'il y a les procès d'intention et les faits.

Or, même si vous n'accorderez pas de crédit aux chiffres du Gouvernement, qui ont tout de même été validés par un certain nombre d'autorités statistiques, les faits, c'est que nous avons réévalué les recettes, que nous discutons d'un collectif, que la dépense publique rapportée au PIB a singulièrement diminué depuis 1996, puisque nous sommes passés de 55,6 %, taux historiquement haut, à 53,8 % en 1999, et que nous prévoyons de revenir à 52,6 % en 2000, soit trois points de moins qu'en 1996.

Vous nous avez également demandé s'il était juste que les dégrèvements et les exonérations de taxe d'habitation bénéficient surtout, selon vous, aux départements les plus riches. Vos propos me laissent un peu perplexe, car deux éléments bien différents doivent être distingués en la matière.

En effet, pour obtenir un produit fiscal satisfaisant, il faut soit avoir des bases elles-mêmes élevées grâce à la qualité de l'habitat et à la richesse économique de la collectivité, soit des taux forts. Ainsi, les collectivités pauvres, qui doivent aussi remplir de très lourdes obligations, sont obligées de fixer, à regret, bien évidemment, des taux élevés.

Vous avez cité le cas du département des AlpesMaritimes dans lequel les dégrèvements représentent 11 % de la taxe d'habitation, soit 288 millions de francs.

M. Pierre Méhaignerie.

455 francs par habitant !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Si je prends l'exemple du département du Nord, je constate qu'avec 15 % de dégrèvements on atteint 418 millions. Or, lequel des deux est-il le plus riche ?

M. Charles de Courson.

Combien cela fait-il par habitant ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

M. Cochet a eu l'amabilité de marquer son accord d'ensemble sur le projet de collectif.

M. Philippe Auberger.

Tellement d'accord qu'il est parti !

M. Jean-Jacques Jégou.

Se coucher.

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Il nous a indiqué qu'il avait quelques obligations (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.), mais je lui répondrai néanmoins.

M. Jean-Jacques Jégou.

A cette heure-là ?

M. Philippe Auberger.

Des obligations spécieuses ! (Sourires.)

M. Charles de Courson.

C'est une atteinte scandaleuse à sa vie privée !

M. Bernard Outin.

Qu'allez-vous imaginer ?

M. le président.

Mes chers collègues, laissez parler

Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

M. Cochet a souligné tout l'intérêt qu'il portait à l'économie solidaire.

Le Gouvernement a entendu cette préoccupation puisqu'un nouveau secrétaire d'Etat vient de prendre ce secteur en charge. Certes, 40 millions de francs de crédits peuvent paraître modestes dans l'absolu, mais il faut les rapporter aux 13 millions initialement consacrés à cette action. Nous opérons donc un quadruplement et il faut laisser le temps à M. Hascoët de travailler sur les chantier qui leur sont communs.

M. Philippe Auberger.

C'est un secrétaire d'Etat qui coûte cher !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

M. Gantier a rappelé qu'il n'était pas commun d'avoir un collectif aussi précoce. Effectivement, il faut remonter assez loin pour retrouver une situation dans laquelle un gouvernement a dû revoir à la hausse sa prévision de croissance dans des proportions aussi importantes. A ce propos je vous demande simplement de faire un bref retour en arrière sur la situation de 1999.

Je ne m'attarde pas sur ce qu'a été le "trou d'air", sinon pour me féliciter que nous en soyons sortis. Nous avons même pu réévaluer les prévisions de croissance non seulement pour 1999 mais aussi pour 2000 et c'est pour cette raison que nous sommes en train de débattre de l'affectation de recettes supplémentaires.

M. Alain Barrau.

Très bien !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

M. Bouvard a d'abord tenu des propos pas très agréables en indiquant que la réforme de la taxe d'habitation présentée n'était qu'une sorte de bricolage.

M. Michel Bouvard.

Non, j'ai dit que certains la qualifieraient de bricolage !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Je ne peux l'accepter, d'autant que cela répond à une demande formulée au Parlement où elle a été votée à l'unanimité (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.),...

M. Charles de Courson et M. Jean-Jacques Jégou.

Pas du tout !

M. Pierre Méhaignerie.

Vous n'écoutez jamais, madame !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... aussi bien ici qu'au Sénat.

M. Jean-Jacques Jégou.

Alors, l'opposition n'existe pas !

M. le président.

Un peu de silence.

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Je ne peux donc pas laisser dire qu'il s'agit de bricolage.

En ce qui concerne la TVA, M. Bouvard a, comme M. Auberger, exprimé quelques doutes quant aux répercussions réelles de la baisse d'un point intervenue le 1er avril.

M. Michel Bouvard.

M. Fabius a parlé lui-même de trois quarts de point !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Actuellement, on peut dire que la répercussion a été très bonne dans certains secteurs, notamment dans la distribution. Ainsi les chiffres fournis par la direction générale de la concurrence et de la consommation montrent que la baisse a été répercutée à hauteur de 57 % dans les hypermarchés,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MAI 2000

M. Charles de Courson.

Ce n'est pas beaucoup !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... et de 65 % dans les magasins populaires. Ainsi que Laurent Fabius l'a indiqué, l'INSEE prévoit globalement sur l'année une répercussion à hauteur des trois quarts.

M. Michel Bouvard.

Soit 8 milliards de perdus !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Cela explique que le glissement annuel de l'indice des prix constaté par l'INSEE entre mars et avril soit passé de 1,5 % à 1,3 %. Enfin, j'ai noté avec beaucoupe de satisfaction que M. Bouvard, comme M. Auberger, n'était pas hostile à la p roposition du Gouvernement de financer par des recettes les dépenses exceptionnelles liées aux intempéries et à la marée noire. Il s'agit d'une petite entorse que je note dans un discours, bien huilé, sur ce que devrait être notre stratégie des finances publiques.

M. Michel Bouvard.

Et la TVA sur restauration, madame la secrétaire d'Etat ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

M. Outin a bien voulu insister sur la priorité que constitue l'éducation pour le Gouvernement et pour la majorité. Il a eu raison de souligner qu'elle était un investissement. Nous avons d'ailleurs entendu sa préoccupation puisqu'un crédit d'un milliard de francs est ouvert en faveur de l'éducation dans ce collectif, soit 20 % du total si l'on met à part les 5 milliards inscrits pour des remboursements ou des dépenses liés aux intempéries. Cet apport est donc significatif.

Je confirme à M. Outin et à M. Rodet que l'éducation demeurera une priorité du Gouvernement dans la préparation du projet de loi de finances pour 2001.

M. Yves Deniaud a indiqué, en bonne logique, que les baisses d'impôt devraient être conciliées avec des baisses de déficit. Je ne suis pas en désaccord avec cette façon de faire.

M. Charles de Courson.

Mais je n'en ferai rien !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Cependant ce sage conseil a été un peu perdu de vue, notamment, il y a quelques années, lorsqu'un précédent gouvernement a annoncé 75 milliards de baisse d'impôt sur le revenu alors que la France n'était même pas qualifiée pour l'euro. Or chacun connaît la suite de l'histoire : il y a eu quelques difficultés d'atterrissage.

Accorder des baisses d'impôt qui ne sont pas financées ne correspond pas à notre façon d'agir. Nous préférons décider des baisses d'impôt après avoir opéré une réduction des déficits.

A ce propos, je ne rappelle qu'un chiffre : nous avons réduit de 90 milliards les déficits depuis 1997. Nous pouvons donc mettre en oeuvre des baisses d'impôts importantes en 2000 parce que nous avons su financer la réduction des déficits, d'ailleurs de manière anticipée, puisque nous avons atteint en 1999 les objectifs fixés initialement pour deux années.

M. Rodet a beaucoup insisté sur les intempéries en soulignant qu'il serait souhaitable que le projet de loi de finances pour 2001 abonde certaines dotations, notamment la DGF et la DGE.

A cet égard je peux indiquer que, à l'occasion du CIADT du mois de février, le Gouvernement a annoncé que des avenants aux contrats de plan pourraient être signés avec les régions qui ont été plus particulièrement touchées par les tempêtes. Ils iront jusqu'en 2003 et le projet de loi de finances pour 2001 devra en tenir compte.

M. Inchauspé a formulé plusieurs observations, dont certaines très judicieuses. Néanmoins je ne me risquerai pas à m'immiscer dans la discussion à caractère nettement budgétaire qui l'a opposé au rapporteur général. Chacun sait en effet que, en ce domaine, le Parlement est souverain tant pour la détermination de ses ressources que pour leur allocation.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Charles de Courson.

Elle y croit encore, elle est toute jeune ! (Sourires.)

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Vous m'excuserez donc de passer rapidement sur cette question.

Jean-Pierre Brard a fait des rappels très justes, en particulier en disant que l'impôt est légitime. Oui, l'impôt est légitime et ce n'est pas cette majorité qui dira le contraire.

Il a également souligné que, en matière de prélèvements obligatoires - débat qui nous a beaucoup occupés ces dernières heures - il fallait comparer ce qui est comparable. A ce propos je ne citerai qu'un exemple qui montre toute la relativité de ces exercices.

En Allemagne, les dépenses de retraites complémentaires ne sont pas prises en compte dans les prélèvements obligatoires. Pourtant, la dépense n'est pas contestable, mais elle est assurée par le secteur privé. En France, la situation est différente. La comparaison en termes de prélèvements obligatoires entre nos deux pays n'est donc pas toujours pertinente.

Par conséquent il a eu raison de souligner que l'essentiel, en la matière, était la tendance. Or celle-ci est de réduire les prélèvements obligatoires, notamment les impôts, en particulier au profit des plus démunis de nos concitoyens. De ce point de vue, il a judicieusement rappelé qu'il fallait que l'impôt soit plus juste.

C'est d'ailleurs pourquoi nous avons proposé une réforme de la taxe d'habitation qui me paraît constituer une mesure de justice sociale.

En ce qui concerne les intentions du Gouvernement en matière de réforme du foncier bâti, je me souviens que Christian Sautter et Dominique Strauss-Kahn avaient déjà eu ce débat il y a quelques mois avec vous, monsieur Brard. A cet égard plusieurs pistes sont envisageables : des allégements ciblés pour les personnes en situation précaire ou des mécanismes destinés à permettre aux organismes de logement social se trouvant dans des zones défavorisées d'accompagner des opérations de réhabilitation. Elles sont à l'étude et nous aurons l'occasion d'en reparler.

M. Durand a fait part de son souhait que, dans le projet de loi de finances pour 2001, l'éducation nationale bénéficie des moyens correspondant à la volonté de réforme qui s'est exprimée et qui est amorcée dans le collectif budgétaire. Il a souligné que nous devions nous inscrire dans un cadre pluriannuel. Nous en sommes d'accord et cela correspond aux propos tenus par le Premier ministre lui-même. Dans ce domaine il ne s'agit pas d'un collectif de rattrapage. Au contraire nous nous inscrivons dans une perspective de moyen terme. Enfin, Alain Barrau a relevé l'importance des services publics en soulignant que ce collectif leur apportait des moyens supplémentaires.

Il a également évoqué le fait qu'en matière hospitalière, le secteur privé avait tendance à se décharger sur le secteur public. Il est effectivement exact que l'hôpital public est parfois le dernier recours, en tout cas, l'endroit qui permet à tous de se faire soigner.


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Ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire, le service public participe de la compétitivité globale de notre pays ; il est l'un des gages essentiels de sa cohésion sociale. Nous voulons une dépense publique maîtrisée avec des services publics modernes qui rendent le meilleur service à la population. A cet égard, nous ne partageons pas l'idée que la dépense publique est mauvaise.

M. Alain Barrau.

Très bien !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Nous ne partageons pas l'idée que les services publics doivent être affaiblis.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Toujours la langue de bois ! Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai conscience de provoquer quelque irritation sur les bancs de la majorité.

Mme Hélène Mignon.

Tout à fait !

M. Jean-Jacques Jégou.

Néanmoins, comme nous venons d'entendre de la bouche même de Mme la secrétaire d'Etat que nous étions les maîtres de ces lieux et qu'il nous appartenait de faire le budget, je crois que cette motion de renvoi en commission n'en a que plus de force. Après les critiques qui ont été faites sur les précédentes motions de mes collègues et amis de l'opposition, nous aurons peut-être, après que je l'ai défendue - et j'espère parler le plus rapidement possible... si je ne suis pas interrompu - la possibilité de discuter réellement au fond de ce collectif.

Le collectif que nous examinons aujourd'hui est étonnant, madame la secrétaire d'Etat : il révèle un net changement de tactique de la part du Gouvernement. En effet, plutôt que d'avouer, honteux et sous la contrainte, des recettes supplémentaires, comme vous l'avez fait à l'automne dernier, de 10 milliards ou plus, vous avez décidé de travailler en amont, en rectifiant dès le mois de mai une loi de finances votée quatre mois plus tôt. C'est étonnant mais c'est déjà un peu mieux.

L'affaire dite de la cagnotte de la fin de l'année dernière vous aura coûté cher, tant auprès des Français qu'auprès de votre majorité.

M. Charles de Courson.

Surtout auprès des Françaises !

M. Jean-Jacques Jégou.

Elle vous a coûté cher surtout auprès de votre majorité qui ne manque pas vous suggérer, dans sa diversité, des solutions extrêmement variées.

M. Philippe Auberger.

Et même contradictoires !

M. Jean-Jacques Jégou.

Nous l'avons encore entendu ce soir.

Il est vrai que le décalage entre les prévisions de rentrées fiscales en 1999 et les recettes réalisées a été telle ment grand et la gestion de ce surplus tellement mauvaise qu'il a bien fallu vous plier aux exigences de votre majorité, à savoir redistribuer le surplus de recettes prélevé.

Souvenons-nous que, sur la richesse supplémentaire créée en 1999, 71 % ont été prélevées par l'Etat. Malgré tout, on ne peut pas croire que vous ne vous y attendiez pas. L'opposition vous demandait, comme l'a dit excellement mon ami Philippe Auberger, depuis septembre dernier, de nous dire la vérité. En fait, vous avez volontairement occulté la réalité.

M. Philippe Auberger.

Très juste !

M. Jean-Jacques Jégou.

Aujourd'hui, les échéances électorales approchant, vous êtes au pied du mur. Vous vous sentez obligés de répartir les fruits de la croissance que vous avez subtilisés aux Français il y a quelques mois.

(« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Louis Mexandeau.

On entend cette antienne depuis trop longtemps !

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur Mexandeau, vous faites partie des troupes fraîches qui viennent d'arriver dans cet hémicycle mais vous ne parviendrez pas pour autant à couvrir la voix de l'orateur ! Il est encore aussi frais que vous !

M. Philippe Auberger.

Dormez du sommeil du juste, monsieur Mexandeau ! (Sourires.)

M. Charles de Courson.

Dodo Mexandeau ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Une fois de plus, vous faites tout pour éviter le débat sur l'efficacité de cette répartition. L'objet de cette motion est précisément de vous demander que le débat ait lieu, contrairement aux habitudes prises depuis maintenant juin 1997.

Cette décision modificative, pompeusement qualifiée de collectif, pourrait se rapprocher de celles que prennent les collectivités en cours d'année pour ajuster les recettes aux dépenses, créer de nouvelles dépenses ou affecter quelques économies. Cependant, comme chacun le sait ici, les collectivités, elles, n'ont pas la possibilité de vivre à crédit. On ne peut pas en dire autant pour le budget de l'Etat, qui, malgré la croissance, vit toujours avec un déficit important et effectue de nouvelles dépenses - en l'occurrence pas très pertinentes.

Je parlerai tout d'abord des dépenses.

Comme l'a dit notre excellent ami Charles de Courson, il suffit de cliquer sur htpp://www.finances.gouv.

pour voir qu'aujourd'hui les salaires et pensions, les rémunérations et charges sociales et les dépenses civiles augmentent comme elles n'ont jamais augmenté, puisqu'elles progressent, madame la secrétaire d'Etat, de 5,9 %. Nous avions il y a deux ans un dérapage de 18 milliards. Aujourd'hui, rien que sur les rémunérations et les pensions, il est de 30 milliards.

Lorsqu'on compare les dispositions de ce collectif avec le débat d'orientation budgétaire qui s'est déroulé hier, votre discours peut, certes, apparaître cohérent, mais la réalité est totalement contradictoire. Vous proposez, pour l'an prochain, une augmentation des dépenses d'environ 1,3 %. Vous noyez cela, d'ailleurs, dans l'engagement européen pluriannuel - dont vous nous parlez de temps en temps - afin de remettre à plus tard - comme d'habitude - les économies que vous pourriez faire d'ores et déjà. Vous appelez cela pudiquement une augmentation maîtrisée des dépenses. Compte tenu du niveau d'inflation et du taux de croissance, c'est une maîtrise qui ne va pas vous coûter beaucoup d'efforts ! Pour autant, cela ne vous empêche pas d'augmenter les dépenses de 10,75 milliards de francs. Ces dépenses ne semblent pas justifiées, hormis, comme l'ont dit certains de nos collègues, pour ce que l'on n'attendait pas et qui a malheureusement gêné beaucoup de Français : la tempête.

Regardons-les de près, ces dépenses : on ne peut qu'être d'accord avec l'aide que vous nous proposez de débloquer pour réparer les conséquences désastreuses des


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intempéries de novembre et décembre derniers. Mais je voudrais être certain que les collectivités locales ne vont pas être, comme d'habitude, roulées dans cette affaire.

Ma commune, en région parisienne, a, comme beaucoup d'autres a été très touchée par la tempête. Or, il y a quarante-huit heures, j'ai reçu une lettre par laquelle j'ai appris qu'il nous était royalement alloué la somme de 1 408,50 francs pour les biens non assurables, lesquels sont nombreux. Entrent dans cette catégorie en effet le mobilier urbain, les clôtures municipales, par exemple.

M. Philippe Auberger.

Avec ça vous n'êtes pas fauché ! Ce n'étaient pas des nouveaux francs ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Je n'ai qu'un espoir, c'est que ce chèque soit un simple acompte, car cette somme ridicule, voire provocatrice, représente à peine 1 % des dépenses occasionnées par la tempête.

La plupart du temps, sauf pour les très grosses réparations, les dépenses engagées sont des dépenses de fonctionnement - et donc non éligibles au fonds de compensation de TVA. Nous avons examiné cette question en commission des finances. Nous vous proposerons d'ailleurs un amendement tendant à rendre éligibles ces dépenses faites de façon exceptionnelle par les collectivités.

Les autres dépenses, appelées « mesures d'urgence », n'en ont que l'appellation. En fait, tout aurait pu être réglé - cela a été dit, je n'y insisterai donc pas - dè s la loi de finances initiale pour 2000.

Il est vrai qu'entre-temps « Jospin II » est arrivé. Il faut donc appâter les nouveaux arrivants avec quelques sucreries. Mais il y en a qui coûtent assez cher ! Regardez, par exemple, le ticket d'entrée de Jack Lang : 593 millions de francs.

M. Philippe Auberger.

Voilà un type en or, un coeur généreux !

M. Michel Bouvard.

Vous auriez dû le laisser se faire battre à la mairie de Paris !

M. Jean-Jacques Jégou.

Sur un budget total pour l'éducation nationale de près de 400 milliards de francs, vous n'avez même pas fait l'effort, madame la secrétaire d'Etat, de redéployer 593 millions ! Vous ne nous ferez pas croire que vous réglerez les problèmes de l'éducation nationale avec cette somme.

Mme Nicole Bricq.

Nous ne l'avons pas dit !

M. Jean-Jacques Jégou.

Et pour quoi, je vous le demande ? Pour un système scolaire inadapté qui perd de plus en plus d'efficacité en termes d'adaptation au marché du travail, pour des enfants, particulièrement en banlieue, dont beaucoup d'élus sont présents ici ce soir, dont l'intégration sociale ne se fait plus, et pour un niveau qui baisse en permanence !

M. Yves Durand.

C'est faux !

M. Jean-Jacques Jégou.

Cela montre bien que vous n'avez pas du tout l'intention de maîtriser des dépenses et de redéployer des budgets qui sont pourtant faramineux.

Heureusement, il y a des tickets d'entrée qui coûtent moins cher que les autres. L'économie sociale, dont a parlé M. Cochet, est estimée à 40 millions de francs !

M. Philippe Auberger.

C'est une paille, un détail !

M. Jean-Jacques Jégou.

Vous nous avez dit qu'il fallait que M. Hascoët se mette au travail. Nous verrons ce que le deuxième ministre Vert du Gouvernement va pouvoir faire avec une telle somme ! Je continue sur les autres dépenses, celles que l'on connaît depuis longtemps et qui, pourtant, sont rallongées ici. La FINUL, ou le TPI n'ont pas été créés le mois dernier, me semble-t-il. De même, la maladie de la vache folle, dont nous continuons à découvrir les effets, n'a pas été découverte hier. Or, pour ces deux éléments, il est encore prévu 361 millions de francs, sans trop savoir d'ailleurs ce qu'ils financeront.

Au total, ce sont près de 4 milliards de dépenses qui sont prévues en plus, cette année, en dépenses diverses, alors que tout cela aurait dû, avec un peu de rigueur, être trouvé au sein de chaque enveloppe ministérielle. C'est ainsi que pratiquent nos voisins européens GrandeBretagne, Pays-Bas, Italie, entre autres -, qui ont décidé de mettre un terme aux dépenses inutiles. Quand un ministre va demander une rallonge au ministre des finances, il est prié de trouver l'argent au sein de son enveloppe budgétaire. Cette méthode a un grand avantage : elle responsabilise vraiment ceux qui ont la charge de portefeuilles ministériels. Mais, chez nous, mes chers collègues, un ministre important est un ministre qui augmente son budget, surtout en cours d'année.

M. Charles de Courson.

Hélas !

M. Jean-Jacques Jégou.

En France, il est vrai qu'en plus des ministres qui demandent des rallonges budgétaires, il y a maintenant la majorité parlementaire qui est toujours prête à réclamer de nouvelles dépenses et dont les différentes composantes ne sont jamais d'accord entre elles. Je plains Laurent Fabius et Lionel Jospin, qui doivent, en permanene, marier la carpe et le lapin.

M. Bernard Outin.

Merci pour tant de sollicitude !

M. Jean-Jacques Jégou.

Entre le débat d'orientation budgétaire d'hier et le collectif d'aujourd'hui et nous pourrons faire les mêmes remarques demain pour le règlement définitif de 1998 -, on voit qu'il y a loin de la coupe au lèvre, qu'il y a un grand décalage entre vos bonnes intentions affichées et la réalité de votre politique.

Rien que pour cela, madame la secrétaire d'Etat, un retour en commission s'impose. Vous ne dites la vérité ni aux représentants du peuple ni au peuple lui-même. Il n'y a pas vraiment de débat. Il est vrai que le président de la commission des finances n'étant pas souvent d'accord avec ce que vous faites et ne se gênant d'ailleurs pas pour le faire savoir, tout débat est gentiment écarté pour éviter de mettre de l'huile sur le feu. En plus, à quoi bon débattre puisque tout est bouclé ? Réveillez-vous donc, mes chers collègues ! Il m'est arrivé de constater que, lorsque les députés veulent bien exercer leur pouvoir, ils ont gain de cause.

Aux 3,683 milliards de francs, il faut ajouter les dépenses en capital que vous annulez au profit de nouvelles dépenses de fonctionnement. Là encore, on marche sur la tête : l'an dernier, déjà, on vous reprochait de ne pas faire assez d'investissement et vous annulez le peu de crédits d'investissement que vous avez laissé.

Normalement, avec ce qui se déverse de vos cornes d'abondance, les deux mamelles de la France devraient être la baisse du déficit et la baisse des impôts. Vous faites exactement l'inverse. En diminuant les investissements, en augmentant les dépenses de fonctionnement, vous avez tout faux ! Bravo ! Sur les 50 milliards de surplus fiscal pour 2000, vous en gardez 10, pour des dépenses nouvelles. On vient de le voir. Je n'y reviens pas.

Quid du déficit ? Rien.


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Il reste au niveau élevé voté en loi de finances initiale.

Nous n'avons toujours pas compris comment vous avez pu augmenter le déficit en 1999 pour essayer de le diminuer en 2000 tout en conservant des réserves fiscales et non fiscales. Il n'est pas possible de faire des économies lorsqu'on ne veut pas diminuer les dépenses publiques.

Et, en 2000, vous étiez gênés sur ce sujet.

Tout le problème est là : vous n'avez pas du tout l'intention de diminuer le déficit. Cela ne fait pas partie de votre politique. Pourtant, mon petit doigt m'a dit que vous avez été tenus de prendre des engagements très f ermes vis-à-vis de nos partenaires européens - et M. Fabius le sait bien - pour baisser le déficit d'ici à la fin 2000.

Je n'ose imaginer le jour où nous n'aurons plus de surplus de recettes et où il faudra bien financer les dépenses courantes. C'est à ce moment-là que le déficit remontera en flèche, parce que vous ne pourrez pas toujours augmenter les impôts des Français. Mais vous ne serez certainement plus là pour faire ce sale travail.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Idiart.

Tant qu'on a Chirac, on est tranquilles !

M. Jean-Jacques Jégou.

Madame la secrétaire d'Etat, ce n'est pas ainsi que l'on construit l'Europe et nos voisins finiront par en avoir assez de nous voir traîner les pieds. Assumons les efforts que nous avons à faire, surtout en période de vache grasse.

Après les dépenses qui continuent à déraper, le déficit qui ne bouge pas, il nous reste 40,6 milliards de francs de recettes fiscales supplémentaires à distribuer, puisque vous ne voulez pas les activer.

Je tiens à rappeler que ces dizaines de milliards supplémentaires à venir sont le résultat des impôts payés par les Français et de leurs efforts importants, auxquels contribuent singulièrement pour une part importante les petites et moyennes entreprises, celles précisément qui créent le plus d'emplois et dont Mme Lebranchu et M. Besson nous ont parlé lors d'un colloque auquel je participais.

Certes, ces milliards sont, pour une part, le fruit de la croissance mais, pour une autre part non négligeable, ils résultent des nombreuses augmentations d'impôts que vous avez décidées ces deux dernières années. Sur ce point, les Français savent d'ores et déjà que vous leur avez concocté un marché de dupes ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Avec ces 40 milliards de francs, vous avez fait un joli bouquet composé, mais qui s'étiole déjà.

Vous nous proposez de baisser d'un point les deux premières tranches du barème de l'impôt sur le revenu. Le coût estimé est de 11 milliards.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Oui !

M. Jean-Jacques Jégou.

Si votre intention est louable - inciter les personnes peu qualifiées à travailler - la mesure proposée ne tient pas.

Le niveau de redistribution est tel que, pour certains, le RMI est préférable au SMIC et vous le savez, mes chers collègues.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Oh !

Mme Nicole Bricq.

On connaît le problème !

M. Jean-Jacques Jégou.

Il n'est pas facile, dans ce cas, d'accepter un travail rémunéré à 5 435 francs net par mois. Ecoutez, mes chers collègues, pour un couple qui bénéficie de l'APL et des différentes exonérations d'impôt afférentes, mieux vaut rester à la maison...

M. Jean-Louis Idiart.

Quand il en a une !

M. Jean-Jacques Jégou.

... car le bonus est de 300 francs.

M. Bernard Outin.

N'importe quoi !

M. Jean-Jacques Jégou.

Il n'y a que pour les célibataires que cela vaille encore la peine de travailler, car la différence entre un SMIC et un RMI, après prise en c ompte des impôts, leur permet de bénéficier de 1 400 francs en plus, mais après une journée de travail, quelquefois particulièrement pénible, comme l'a dit Pierre Méhaignerie.

M. Charles de Courson.

Et avant frais professionnels !

M. Henri Emmanuelli, président de la commission et

M. Bernard Oudin.

Plus l'ISF !

M. Jean-Jacques Jégou.

Le fait que vous proposiez des idées, pour résoudre ce problème, même si nous attendons toujours les mesures d'application concrètes, est une véritable innovation à gauche. Nous aussi nous y travaillons depuis longtemps, mais nos propositions sont, semble-t-il, beaucoup plus efficaces et plus valorisantes pour le salarié que les vôtres.

M. Jean-Louis Idiart.

C'est pour cela que vous êtes dans l'opposition !

M. Jean-Jacques Jégou.

Pour revenir à l'impôt sur le revenu, il me semble que vous vous réveillez après une longue nuit de sommeil. En effet, qu'avait-on fait en 1997 ? Nous avions fortement diminué l'impôt sur le revenu, et cette diminution concernait tous les contribuables. Certes, vous me direz que vous n'avez pas l'intention de faire baisser les dernières tranches du barème.

J'entends bien. Cependant, notre réforme avait l'avantage de faire passer la première tranche de 10,5 à 7, et non à 9,5 comme vous le faites. Vous proposez donc une petite réforme. De même, nous faisions passer la deuxième tranche à 20 % alors que vous proposez de la mettre à 23.

Au rythme où vous réformez, il est difficilement imaginable que votre réforme crée un impact réel pour les salariés d'ici à la fin de la législature.

Qu'avez-vous fait en arrivant au pouvoir ? Vous avez supprimé la réforme, que nous proposions en même temps que vous augmentiez d'autres impôts - en particulier pour les familles que vous qualifiez d'aisées, en diminuant le quotient familial - et que vous en créiez de nouveaux. Heureusement, l'heure des comptes a sonné, et vous vous apercevez aujourd'hui que vous avez trop tiré sur la ficelle et que le contribuable est proche de l'écoeurement.

Cette réforme est inutile : elle n'encourage pas le retour à l'emploi, car le salaire touché par le salarié est toujours le même. Rien n'est donc réglé. Mieux vaudrait commencer par donner un peu plus de salaire direct.

Deuxième mesure proposée : la baisse d'un point du taux normal de TVA, de 20,6 à 19,6 %. Je sais déjà ce que vous allez me dire, madame la secrétaire d'Etat : il ne fallait pas augmenter la TVA de deux points en 1995. Je suis d'accord, nous aurions mieux fait de diminuer les dépenses de l'Etat. C'était ma position à l'époque, et celle de mes collègues et amis, Pierre Méhaignerie et Charles de Courson. Cependant, à la décharge de ceux qui ont pris cette décision, l'état des finances publiques réclamait une mesure d'urgence, étant donné la situation catastrophique que vous aviez laissée.

M. Bernard Outin.

La situation laissée par M. Balladur !


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M. Jean-Jacques Jégou.

Il est vrai qu'actuellement le surplus de recettes fiscales permet d'être large et généreux.

Cependant, cette baisse d'un point était la dernière chose à faire. Qui, dans cet hémicycle, hormis celui qui a acheté une voiture - ce que les Français ne font pas tous les jours - a remarqué que la TVA avait baissé ?

M. Gilles Carrez.

Personne !

M. Jean-Jacques Jégou.

Absolument personne ! Si en achetant une paire de chaussures 300 francs chez André, vous gagnez péniblement trois francs, quel changement ! Quel est le coût de cette mesure ? 18 milliards pour cette année, 31 milliards en année pleine. Je suis sûr que vous être nombreux, surtout sur les bancs de la gauche, à imaginer tout ce que vous auriez pu faire avec 31 milliards. Bien sûr, les communistes rêvent à de nouvelles dépenses et d'autres, plus réalistes, imaginent des baisses d'impôts fulgurantes mais efficaces, en pleurant sur ces milliards qui leur échappent.

M. Philippe Auberger.

C'est Pérette et le pot au lait...

ou le pot aux roses !

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est dommage, mais notre Premier ministre s'est fixé comme but de revenir au taux de prélèvement obligatoires de 1995. C'est un but fort noble en soi, et que les Français apprécieront sûrement, mais qui ne doit pas l'obliger pour autant à faire des choix hasardeux.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Oh !

M. Jean-Jacques Jégou.

Disons-le, cette mesure n'a eu aucun impact ou presque sur les consommateurs finaux alors que ce sont eux que vous vouliez viser. Et, bizarrement, c'est la gauche qui fait aujourd'hui le bonheur des entreprises, qui ont augmenté leurs prix en conséquence.

M. Philippe Auberger.

Elles rétablissent leurs marges !

M. Jean-Jacques Jégou.

Dernier argument contre mesure : la consommation. Elle est à un très bon niveau en ce moment, vous nous le dites assez souvent. Or, de ce point de vue, cette mesure est inutile puisque les Français achètent, ils n'ont pas besoin d'être motivés.

Je lisais dernièrement dans les services de la recherche de la Caisse des dépôts, madame la secrétaire d'Etat, à laquelle j'ai l'honneur de siéger avec le président Balligand, que les annonces faites par le Gouvernement ne concernent aucunement les entreprises et ne vont pas absolument pas dans le sens d'un soutien de l'offre. Je vous livre le commentaire que j'ai lu, et vous demande de le méditer : « Pourtant, le contexte actuel est déjà caractérisé par une bonne tenue de la demande intérieure, notamment de la consommation. En revanche, des doutess ubsistent sur l'aptitude de l'économie française à accroître ses capacités de production et, en conséquence, à augmenter sa croissance potentielle. En conséquence, on peut regretter le manque de mesures en faveur de l'investissement des entreprises ou en vue d'accroître les capacités de production. »

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Elles ont l'air d'en avoir besoin !

M. Augustin Bonrepaux.

Vous nous endormez, monsieur Jégou !

M. Jean-Jacques Jégou.

J'ai connu des interventions plus lénifiantes.

M. Augustin Bonrepaux.

Nous, on vous réveillait au moins !

M. Jean-Jacques Jégou.

Quant à la troisième mesure que vous proposez, c'est, je crois, la plus critiquable, non d'un point de vue économique - la TVA remporte le concours - mais pour ses conséquences pour les élus.

C'est aussi celle, peut-être, dont on a le moins débattu en commission et lors de l'audition des ministres, il y a quelques semaines. Je veux parler de la baisse de la taxe d'habitation, qui consiste à supprimer la part régionale et à aménager les dégrèvements.

Concernant l'aménagement des différents dégrèvements en un dégrèvement unique visant à plafonner la taxe en fonction du revenu fiscal de référence, cela ne change pas grand-chose par rapport à ce qui existait avant, et ce n'est donc pas fondamentalement critiquable, sauf si l'on considère que de moins en moins de personnes paieront la taxe d'habitation.

Ce qui l'est plus en revanche, c'est la suppression de la part régionale. Qu'est-ce qui est en cause ici, sinon les grandes réformes de décentralisation des années 80 ?

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

L'opposition était contre !

M. Jean-Jacques Jégou.

En fait, vous revenez vingt ans en arrière, en mettant à mal le principe de libre administration des collectivités régionales. J'ai noté que l'intervention de M. Dosière, tout à l'heure, n'a pas déclenché autant de réactions que la mienne alors que je ne fais que dire des choses simples. Le principe de libre administration des collectivités est affirmé dans la Constitution.

Nous qui, à l'UDF, demandons de pousser plus avant une décentralisation en panne depuis plus de dix ans (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), nous ne pouvons que refuser une telle mesure. Pour s'administrer librement, une collectivité doit pouvoir lever librement l'impôt. Et si elle en abuse, les électeurs le lui font rapidement savoir. Le plus grave, c'est que vous déresponsabilisez les élus régionaux en leur enlevant cet impôt : il leur ne restera bientôt plus que le produit de la carte grise...

Pire encore, vous avez permis à certains de commettre un délit d'initié : ainsi quelques présidents, à l'affût des n ouvelles mesures gouvernementales, ont profité de l'annonce préalable faite par le Premier ministre, pour augmenter leur taux de taxe d'habitation sachant bien que, de toute façon, ça ne serait pas leurs contribuables qui paieraient, mais l'Etat. Ainsi, la région Nord Pas-deCalais a augmenté son taux de 9,3 % en 2000...

M. René Dosière.

Les quatre taux !

M. Jean-Jacques Jégou.

... alors que c'était déjà l'une des régions, hors DOM-TOM, qui avait le plus fort taux.

Evidemment, certaines régions l'ont augmenté de beaucoup plus : ainsi la PACA - 19 % ...

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

La PACA, c'est Gaudin, ça !

M. Jean-Jacques Jégou.

... ou la Lorraine 15 % -, mais leurs taux étaient parmi les plus bas de ceux des vingt-deux régions.

Pour ceux-là, peu importe : l'Etat compensant, ils ne seront pas sanctionnés. En revanche, et sur ce plan également votre mesure est hautement contestable car trompeuse, c'est le contribuable national qui, une fois de plus, se substitue au contribuable local. Car qui dit compensation par l'Etat dit paiement de l'impôt par tous les Français, tout au moins par ceux qui le paient. Est-il bien normal que le contribuable ariégeois paie pour le contribuable de la région Nord Pas-de-Calais, monsieur Bonrepaux ? Je ne pense pas que vous en soyez d'accord.


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M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Mais si, Augustin est d'accord !

M. Jean-Jacques Jégou.

Enfin, et c'est le côté amusant de cette disposition, le Gouvernement, issu d'une majorité normalement de gauche, mais plurielle, voire hétéroclite, propose clairement d'en faire bénéficier tous les locataires ou propriétaires, quel que soit le nombre de taxes d'habitation payées. En guise d'anecdote, mes chers collègues, qui peut-être reveillera M. Bonrepaux et son voisin - prenons l'exemple de quelqu'un qui, comme moi, possède trois résidences : la principale dans ma commune, un petit studio dans le quartier pour les jours d'embouteillage et une résidence secondaire en Bretagne.

Croyez-vous que j'aie réellement besoin de bénéficier d'une telle disposition ? D'autres le mériteraient davantage... En fait, plus on a de résidences, plus c'est profitable ! Il est étonnant que vous vous soyez jetés sur une pareille mesure... Certes, vous l'imaginez bien, nous ne vous pousserons pas à la restreindre à deux, voire une habitation ; car en plus de certains arguments que je ne dévoilerai pas ici, cela compliquerait encore la loi, alors que nous sommes pour la simplification législative, en particulier quand il s'agit de fiscalité.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Allez-y, compliquez !

M. Jean-Jacques Jégou.

Que ce soit compliqué, tout le monde l'a compris, monsieur le président !

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Je veux dire que c'est vous qui allez tout compliquer par vos amendements !

M. Jean-Jacques Jégou.

Plus sérieusement, le groupe UDF vous proposera de vraies mesures pour les Français en difficulté.

M. Jean Espilondo.

Tiens !

M. Charles de Courson.

Ecoutez bien !

M. Jean-Jacques Jégou.

Oui, écoutez bien, mes chers collègues ! Ces onze milliards ainsi gaspillés, c'est encore un peu plus de pouvoir que vous ôtez aux collectivités locales.

Depuis trois ans, nous devrions faire le compte de ce que vous supprimez au niveau local pour le compenser au niveau national. M. Dosière vient d'ailleurs de le faire sans avoir été contesté, madame la secrétaire d'Etat. Nous nous apercevrions sûrement que vous n'avez qu'une ambition : diminuer les pouvoirs locaux au profit de ceux de l'Etat. Et là encore, on voit le véritable décalage entre vos discours et vos actes : vous dites blanc pour faire noir, et les Français finiront bien par s'en apercevoir...

M. Dominique Baert.

Noir, c'est noir... (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou.

... quoique vous n'ayez jamais caché votre attirance pour une supercentralisation des pouvoirs.

Enfin, comme pour les autres mesures de ce type, la compensation faite aux collectivités est injuste, puisqu'elle est arrêtée à l'année n et ne bougera plus. Ce sera donc une perte nette pour les collectivités : en effet, même si elles n'augmentaient pas leur taux, elles pouvaient avoir des bases en augmentation. C'est un système rigide et injuste que vous mettez en place, comme la réforme de la taxe professionnelle instaurée voilà deux ans et qui commence à montrer ses effets pervers. Demandez donc à certaines entreprises ! Au total, voilà plus de 40 milliards 53 milliards en année pleine qui disparaissent sous nos yeux sans que personne n'en bénéficie vraiment ou n'en voie réellement l'impact sur sa vie quotidienne. Et tout cela, bien sûr, est passé comme une lettre à la poste en commission des finances, qui n'a pas mis plus de trois heures et encore, je suis généreux à examiner quelque 200 amendements ! Cela montre peut-être à quel point le débat avait peu d'intérêt. C'est pourtant de l'argent des Français qu'il s'agit, ainsi que de leur avenir. Sans doute auraient-ils aimé savoir que vous preniez leurs affaires à coeur ; leurs économies méritaient un peu plus d'attention de votre part ! Mais il n'y a aucun dialogue entre l'exécutif et le Parlement, ou en tout cas avec l'opposition, sans cesse bafouée. Vous avez les bonnes idées, nous avons les mauvaises ; votre discours s'arrête là.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Oh !

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Mais non, on vous adore !

M. Jean-Jacques Jégou.

Et si vraiment vous ne voulez pas nous entendre, nous pourrons encore réduire le nombre des séances ; nous avons du travail dans nos circonscriptions. Plutôt que de parler de réformer le quinquennat.

M. Jean-Louis Idiart.

Le quinquennat, c'est vous ! C'est Giscard !

M. Jean-Jacques Jégou.

... il devient beaucoup plus urgent, plusieurs ici l'ont dit, que nous reprenions un pouvoir que nous avons abandonné depuis le début de la Ve République.

M. Jean Espilondo.

Parlez-en à M. Giscard d'Estaing !

M. Jean-Jacques Jégou.

Nous ne pouvons même pas espérer que vous lèverez une paupière sur nos propositions. Et pourtant, mes chers collègues, quoi que vous en disiez, et particulièrement en matière fiscale, nous en avons.

M. Jean-Louis Idiart.

Nous voilà rassurés !

M. Jean-Jacques Jégou.

Laissons les 11 milliards de francs de la baisse d'un point des deux premières tranches de l'impôt sur le revenu. Cette mesure n'est vraiment pas satisfaisante, parce qu'insuffisante, mais elle a le mérite d'exister et profitera quand même à certains. Restent 42 milliards de francs qui passent en mesures fiscales inopérantes.

M. Jean Espilondo.

Inopérantes ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Il y avait pourtant un moyen d'utiliser ces 42 milliards de façon plus efficace...

Mme Nicole Bricq.

Ecoutons !

M. Jean-Jacques Jégou.

... tant sur le plan social que sur le plan économique.

Revenons à votre proposition de départ concernant l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire l'incitation au retour au travail ; j'ai déjà souligné à quel point une telle politique était nécessaire. Avec 2,5 millions de chômeurs, certaines professions sont déjà bloquées par des goulots d'étranglement de main-d'oeuvre, en particulier pour ce qui concerne la main-d'oeuvre peu qualifiée. C'est vrai dans le bâtiment comme dans l'hôtellerie, la restauration ou l'informatique.

M. Jean Espilondo.

Il n'y a qu'à mieux payer !

M. Jean-Jacques Jégou.

Deux raisons à cela : la première, la plus sérieuse sans doute, c'est le problème permanent de la formation dans notre pays, parce qu'on a trop dévalorisé les formations qualifiantes au profit du baccalauréat et des études supérieures,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MAI 2000

M. Jean-Louis Idiart.

C'est la faute à Bayrou !

M. Jean-Jacques Jégou.

... mais nous ne pourrons pas le résoudre à l'occasion de ce collectif. La deuxième raison tient au fait que la différence entre les revenus sociaux de remplacement et le salaire minimum est infime.

M. Jean Espilondo.

Augmentez-le !

M. Jean-Jacques Jégou.

Comme je le disais tout à l'heure, un salarié vivant seul au SMIC, après avoir a cquitté son impôt sur le revenu parce qu'il en paie ! et sa taxe d'habitation, et après avoir touché l'APL, aura exactement 1 427 francs de plus que le RMiste. A ce niveau-là, cela vaut encore le coup de travailler. Mais pour un couple, c'est déjà moins intéressant puisque la différence tombe à 388 francs. Croyez-vous vraiment que cela donne envie de travailler ou d'aller se former pour travailler ?

M. Jean-Louis Idiart.

Oui !

M. Jean-Jacques Jégou.

Quant aux couples ayant respectivement un et deux enfants, ils perdent en allant travailler respectivement 157 pour le premier et 799 francs pour le second ! A ce niveau-là, c'est de l'encouragement au RMI qui, d'ailleurs, explose cette année, et vous le savez.

Entendons-nous bien : il ne s'agit pas de nier l'utilité des revenus de remplacement. Vous savez depuis longtemps que nous sommes acquis à l'idée de pourvoir aux besoins de certaines familles qui ne s'en sortent pas. Mais nous sommes tombés dans l'excès inverse, celui qui consiste à pérenniser l'inactivité.

M. Bernard Outin.

Il faut augmenter le SMIC !

M. Jean-Jacques Jégou.

Peut-on se permettre de critiquer ces personnes qui préfèrent rester chez elle plutôt que d'aller travailler pour perdre de l'argent. Qui ne serait pas tenté d'en faire autant ? Mais attention, mes chers collègues : l'assistanat, poussé trop loin, peut tuer la solidarité indispensable, et ce n'est pas ce que nous voulons.

C'est donc à ce problème que nous devons nous attaquer. Or, je peux vous l'assurer, madame la secrétaire d'Etat, nous n'avons pas, en commission, ne serait-ce qu'abordé ce sujet à l'occasion de l'article 1er . C'est fort dommage de la part de cette assemblée qui, me semblet-il, devrait s'occuper plus attentivement de cette question.

Avec 42 milliards de francs, nous aurions pu réduire les cotisations sociales salariales de six points, soit une baisse de près de 28 % des charges pesant sur les salaires compris entre 1 SMIC et 1,3 SMIC. Rendez-vous compte que cela aurait constitué pour 6,9 millions de salariés parmi les plus défavorisés, ceux dont l'activité est la plus pénible et la plus difficile, un mois supplémentaire de salaire par an, 420 francs par mois pour un SMIC, 545 francs par mois pour 1,3 SMIC ! Cela recommence à vouloir le coup de travailler... Dans l'absolu, il faudrait pouvoir aller, comme l'a dit Pierre Méhaignerie, jusqu'à 1,5 ou 1,6 SMIC ; malheureusement, les finances de l'Etat ne le permettent pas en l'état actuel des choses.

Comparés à vos 3 francs économisés sur une paire de chaussures, et aux moins de 100 francs annuels de la taxe d'habitation, et encore, pour ceux qui la paient, cela aurait mérité une réflexion et un débat plus approfondi...

Une étude de la CDC vient d'ailleurs de montrer que l'impact de vos mesures sera de 0,3 % sur le pouvoir d'achat du revenu disponible brut. Tout ça pour ça, aurait dit un réalisateur bien connu ! Sans doute espérez-vous, madame la secrétaire d'Etat, que d'autres surplus de recettes fiscales viendront vous aider à baisser d'autres impôts - en espérant que ce ne soit pas un nouveau point de TVA. Mais ce sera une année de perdue, une de plus, pour l'économie française, l'emploi, et surtout les Français, ceux qui travaillent ou aimeraient travailler pour faire vivre leur famille.

Raymond Barre parlait ce week-end des idéologues qui composent une partie de la majorité plurielle, malheureusement la plus nombreuse, ajoutant que celle-ci s'arrêtait souvent à cela... Je ne peux que lui donner raison, comme d'habitude ; entre vos grands discours généreux et vos actes, c'est plus qu'un gouffre, c'est une faille géologique béante !

M. Philippe Auberger.

Un abîme !

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

Une abysse, tant que vous y êtes !

M. Jean-Jacques Jégou.

Un certain nombre d'entre vous, je le sais, sont d'accord avec l'idée de baisser les charges sociales salariales, mais comme elle vient d'une partie de l'opposition, elle n'est pas acceptable, ni même digne d'être débattue. Et pourtant, à l'heure où la majorité est en panne d'idées, il serait peut-être bon d'écouter celles des autres.

Plus que de votre panne d'idées, vous êtes victimes de l'aspect composite de vote majorité, qui vous maintient les pieds et poings liés par les tendances contraires qui l'anime. Les différentes idéologies qui conduisent votre p olitique auraient bien besoin d'un dépoussiérage complet, d'un nettoyage de printemps qui remettrait vos pendules à l'heure de la modernité.

M. Jean Espilondo.

C'est justement pour cela que nous avons ce collectif !

M. Jean-Jacques Jégou.

Vos difficultés politiques ne doivent pas occulter le débat qui s'impose mais qui n'a plus lieu depuis votre arrivée au pouvoir en juin 1997.

M. Jean-Louis Idiart.

Grâce à vous !

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est pour cette raison que je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cette motion de renvoi en commission pour qu'enfin la vie quotidienne des Français soit prise au sérieux par la représentation nationale et se voie consacrer un véritable débat.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

Quel courage ! Quelle détermination !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Nous avons écouté avec attention notre collègue Jean-Jacques Jégou, mais je ne vois pas l'intérêt d'un retour en commission, dès lors que celle-ci s'est réunie à trois reprises, a examiné 175 amendements et traité de toutes les questions qu'il a évoquées au cours de son intervention. Et comme M. Jégou est un des commissaires les plus assidus, il sait parfaitement le travail que nous avons réalisé. Je ne peux donc qu'inviter notre assemblée à rejeter la motion de renvoi en commission.

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Je n'ai rien à ajouter à ce que vient de dire le rapporteur général.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MAI 2000

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Je serai très bref à cette heure presque matinale. Si l'intervention de notre collègue Jégou, extrêmement convaincante et argumentée, a été pour une partie critique, s'agissant du déficit et de l'insuffisante maîtrise des dépenses,...

M. Jean-Louis Idiart.

Passez-moi la moutarde, je te passe le sénevé ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez.

... elle n'en a pas moins été avant tout animée par des propositions. C'est bien cet aspect constructif que je retiens essentiellement. Les propositions précises que notre collègue a développées sur le thème du retour au travail, du retour à l'emploi, sur le thème de la réforme de l'Etat, étaient animées par un seul souci, un souci généreux : améliorer la vie de nos concitoyens. Des pistes extrêmement riches viennent d'être ouvertes à l'instant à notre réflexion, qui méritent que l'on y consacre le temps nécessaire en adoptant le renvoi en commission.

C'est ce que vous propose le RPR. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Le groupe UDF s'étonne quelque peu de ne pas voir Mme la secrétaire d'Etat répondre à l'opposition...

M. Henri Emmanuelli, président de la commission.

C'est la troisième motion de procédure !

M. Michel Bouvard.

Elle méprise l'opposition nationale. Pourtant, nous sommes des élus et nous représent ons des électeurs ! La représentation nationale est composée d'une majorité et d'une opposition, mais Mme la secrétaire d'Etat ne semble pas le savoir !

M. Charles de Courson.

Nous avons avancé deux propositions tout à la la fois courageuses et totalement cohérentes sur le plan social comme sur le plan économique.

La première, c'est la baisse des charges sociales jusqu'à leur suppression totale pour les bas salaires. Cette mesure permettrait tout à la fois de lutter contre la trappe à la pauvreté et de répondre aux besoins de nos concitoyens peu formés, qu'ils travaillent ou qu'ils émargent aux minima de solidarité. Nous nous échinons à poser la question à Mme la secrétaire d'Etat. Estime-t-elle qu'on puisse poursuivre dans un système fiscal et social dans lequel une famille gagne moins lorsqu'elle travaille au

SMIC que lorsqu'elle est au RMI ? Aucune personne sensée ne peut l'accepter.

M. Jean-Claude Lefort.

C'est ridicule !

M. Charles de Courson.

Certains de nos collègues demandent à relever le SMIC. Ce n'est pas possible, car cela reviendrait à en alourdir le coût pour les entreprises.

Il faut augmenter le SMIC en jouant sur le salaire direct, c'est-à-dire en réduisant les charges sociales pesant sur les salariés jusqu'à les supprimer pour les bas salaires. C'est cette thèse que défend l'opposition et tout particulièrement le groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance ; nous aimerions avoir là-dessus une réponse de Mme la secrétaire d'Etat, que nous n'avons toujours pas.

Notre deuxième proposition vise à récompenser ceux qui travaillent, ceux qui innovent et qui créent la richesse, en baissant toutes les tranches de l'impôt sur le revenu, et pas seulement les deux premières.

M. Jean Espilondo.

Démago !

M. Charles de Courson.

Ce n'est pas du tout démago ! Nous en avons parfaitement les moyens, grâce aux plusvalues de recettes.

Ensuite, que verront nos concitoyens de vos baisses, qu'il s'agisse de l'impôt sur le revenu ou de la TVA ? Rien ! Pour l'impôt sur le revenu, vos 11 milliards ne représentent qu'à peine 3,3 % du montant total. Or quel est le taux de croissance, fin mars, de l'impôt sur le revenu ? Nous en sommes à plus de 7 %. En d'autres termes, contrairement à ce que soutient le Gouvernement, la grande masse de nos concitoyens ne verra aucune baisse sur leur impôt 2000 par rapport à l'impôt 1999, mais seulement une moindre hausse moindre hausse qui, pour la plupart d'entre eux, se situera en moyenne à 3 % au moins !

M. Jean Espilondo.

Ce n'est pas la même chose !

M. Charles de Courson.

Il en est de même pour la baisse de la TVA. Combien coûtera-t-elle ? 18 milliards pour l'année 2000. Or, Mme la secrétaire d'Etat l'a ellemême avoué, les premières études montrent que l'on peut espérer au maximum 70 % de répercussion sur le prix à la consommation. En d'autres termes, le consommateur n'aura pas ces 18 milliards, mais seulement 70 % de 18 milliards. Ce qui, rapporté au total de ce que représente la taxe à la valeur ajoutée, ne fait que 1,5 % de baisse. Et dans le même temps, de combien croît la TVA ? De 5,3 %, à en croire les chiffres de la fin mars. Soit, compte tenu de votre baisse de 1,5 %, un différentiel toujours positif d'environ 3,8 % ! Là encore, le consommateur, premier concerné en principe par toute mesure fiscale, n'en verra que fort peu la couleur. Ce n'est qu'une moindre hausse, en aucun cas une baisse.

M. Jean-Louis Idiart.

Est-ce à dire qu'il ne faut pas baisser l'impôt ?

M. Jean-Claude Lefort.

Il veut le beurre et l'argent du beurre !

M. Charles de Courson.

J'en viens à la disposition, probablement la plus perverse, proposée par le Gouvernement sur la part régionale de la taxe d'habitation. Notre collègue Dosière a au moins eu l'honnêteté de boucler son raisonnement en se déclarant d'accord pour la suppression de la part régionale, pour peu que l'on trouve une recette nouvelle qui permette aux régions d'avoir une fiscalité propre avec une assiette propre.

M. le président.

Monsieur de Courson, il faudrait envisager de conclure !

M. Charles de Courson.

Aussi le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance ne peut-il que s'opposer aux propositions du Gouvernement, qui pour une large part ne sont que des illusions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Espilondo.

On s'y attendait !

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MAI 2000

Article 1er

M. le président.

Je donne lecture de l'article 1er :

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

« Art. 1er . - I. - Au 1 du I de l'article 197 du code général des impôts, les taux de "10,5 %" et "24 %" sont respectivement remplacés par les taux de "9,5 %" et "23 %".

« II. - Les dispositions du I s'appliquent pour l'imposition des revenus de 1999. »

Je suis saisi de cinq amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 106, présenté par M. Gantier et M. Laffineur, est ainsi libellé :

« I. Rédiger ainsi le I de l'article 1er :

« I. Le 1 du I de l'article 197 du code général des impôts est ainsi rédigé :

«

1. L'impôt sur le revenu est calculé en appliquant à la fraction de chaque revenu qui excède 35 000 F les taux de :

« 15 % pour la fraction supérieure à 35 000 F et inférieure à 100 000 F ;

« 25 % pour la fraction supérieure à 100 000 F et inférieure à 200 000 F ;

« 30 % pour la fraction supérieure à 200 000 F et inférieure à 290 000 F ;

« 40 % pour la fraction supérieure à 290 000 F ».

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 403 et 403 A du code général des impôts, aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts, et par le relèvement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers prévue au tableau B du I de l'article 275 du code des douanes. »

L'amendement no 107, présenté par M. Gantier et M. Laffineur, est ainsi libellé :

« I. - Rédiger ainsi le I de l'article 1er :

« I. Le 1 du I de l'article 197 du code général des impôts est ainsi rédigé :

«

1. L'impôt sur le revenu est calculé en appliquant à la fraction de chaque revenu qui excède 46 900 F, les taux de :

« 15 % pour la fraction supérieure à 46 900 F et inférieure à 100 000 F ;

« 25 % pour la fraction supérieure à 100 000 F et inférieure à 250 000 F ;

« 35 % pour la fraction supérieure à 200 000 F et inférieure à 290 000 F ;

« 45 % pour la fraction supérieure à 290 000 F ».

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 403 et 403 A du code général des impôts, aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts, et par le relèvement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers prévue au tableau B du I de l'article 275 du code des douanes. »

L'amendement no 108, présenté par M. Gantier et M. Laffineur, est ainsi libellé :

« I. Rédiger ainsi le I de l'article 1er :

« I. Le 1 du I de l'article 197 du code général des impôts est ainsi rédigé :

«

1. L'impôt sur le revenu est calculé en appliquant à la fraction de chaque revenu qui excède 26 230 F les taux de :

« 9,5 % pour la fraction supérieure à 26 230 F et inférieure ou égale à 51 600 F ;

« 23 % pour la fraction supérieure à 51 600 F et inférieure ou égale à 90 820 F ;

« 32 % pour la fraction supérieure à 90 820 F et inférieure ou égale à 147 050 F ;

« 42 % pour la fraction supérieure à 147 050 F et inférieure ou égale à 239 270 F ;

« 47 % pour la fraction supérieure à 239 270 F et inférieure ou égale à 295 070 F ;

« 53 % pour la fraction supérieure à 295 070 F. »

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 403 et 403 A du code général des impôts, aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts, et par le relèvement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers prévue au tableau B du I de l'article 275 du code des douanes. »

L'amendement no 3, présenté par MM. de Courson, Méhaignerie, Jégou, Barrot, Hériaud, Ligot et Mme Idrac, est ainsi libellé :

« I. - Rédiger ainsi le I de l'article 1er :

« I. Le 1 du I de l'article 197 du code général des impôts est ainsi rédigé :

«

1. L'impôt est calculé en appliquant la fraction de chaque part de revenu qui excède 25 610 F les taux de :

« 7 % pour la fraction supérieure à 40 190 F et inférieure ou égale à 50 380 F ;

« 20 % pour la fraction supérieure à 50 380 F et inférieure ou égale à 88 670 F ;

« 28 % pour la fraction supérieure à 88 670 F et inférieure ou égale à 101 000 F ;

« 35 % pour la fraction supérieure à 101 000 F et inférieure ou égale à 143 580 F ;

« 41 % pour la fraction supérieure à 143 580 F et inférieure ou égale à 233 620 F ;

« 47 % pour la fraction supérieure à 233 620 F.

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et aux articles 265 et suivants du code des douanes. »

L'amendement no 32, présenté par M. Auberger, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 1er :

« I. Au 1 du I de l'article 197 du code général des impôts, les taux de "10,5 %", "24 %", "33 %", "43 %", "48 %" et "54 %" sont remplacés respectivement par les taux de "9,5 %", "23 %", "32 %", "42 %", "47 %" et "53 %".

« II. Les dispositions du I s'appliquent pour l'imposition des revenus de 1999.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MAI 2000

« III. La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 106 est-il défendu ?

M. Charles de Courson.

Oui, monsieur le président.

De même que les amendements nos 107 et 108.

M. le président.

Et vous soutenez maintenant votre amendement no

3.

M. Charles de Courson.

La thèse du groupe UDF est très simple : il faut encourager la création économique et récompenser ceux qui travaillent et qui sont assujettis à l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire la moitié des Français ; et il faut une mesure sociale d'encouragement au retour au travail, récompensant ceux qui ont le courage de reprendre un travail après avoir bénéficié des minima sociaux.

A cet effet, nous proposons l'amendement no 3, qui vise à abaisser l'ensemble du barème.

Quand on additionne les effets du barème de l'impôt sur le revenu à ceux de la CSG et de la CRDS, on s'aperçoit que les taux marginaux français sont parmi les plus élevés de l'Europe occidentale. Dès lors, on voit bien que c'est l'ensemble du barème qu'il faut baisser, et il faut revenir à celui que l'ancienne majorité avait voté dans la loi de finances 1997 et qui n'a été appliqué qu'une année car vous l'avez interrompu. C'est une énorme erreur. Chaque année, le barème de l'impôt sur le revenu français s'éloigne plus encore de celui des autres pays européens.

Savez-vous, mes chers collègues, que nombre d'entre eux ont des tranches marginales entre 35 et 40 % ? Nous sommes, nous, à 54 %, sans compter la CSG et la CRDS, ni le double point sur les revenus des capitaux, qui les portent à plus de 64 % ! On ne pourra pas tenir longtemps ainsi !

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no

32.

M. Philippe Auberger.

Comme je l'ai dit dans la discussion générale, le Gouvernement allège de 11 milliards de francs l'impôt sur le revenu, alors que le produit de cet impôt a augmenté de plus de 30 milliards de francs en deux ans. Nous nous proposons simplement de réduire d'un tiers le surplus fiscal prélevé en deux ans ! Ne viser que les deux premières tranches est inique, car c'est remettre en cause la progressivité actuelle de l'impôt sur le revenu. Voilà pourquoi je propose que l'allégement s'applique à l'ensemble des tranches, de façon équivalente sur tous les taux du barème. Ainsi, la progressivité actuelle sera maintenue, ce qui me semble tout à fait équitable.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission a rejeté ces amendements dont l'inspiration est différente du dispositif proposé par le Gouvernement.

Je fais observer à M. de Courson que le produit de l'impôt sur le revenu est moins élevé en France que dans de nombreux autres pays.

M. Charles de Courson.

Je parlais des barèmes !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il ne faut pas seulement raisonner en termes de taux marginaux, car en taux moyens la réalité est quelque peu différente.

M. Charles de Courson.

Mais il faut ajouter la CSG !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Comparaison n'est pas raison. On ne saurait isoler un aspect du problème pour le plier à son propre raisonnement. Le Gouvernement nous propose des mesures ciblées sur les populations les plus modestes. Adoptons cet article 1er et, par conséquent, refusons les amendements de nos collègues.

J'invite notre assemblée à suivre sa commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Il faut comparer ce qui est comparable. Dans certains pays où l'assiette est plus large, les taux sont plus bas - c'est le cas de l'Allemagne. Par ailleurs, le rapporteur l'a indiqué, il ne faut pas raisonner seulement en taux marginal mais en taux moyen.

Je m'étonne, par ailleurs, que M. Méhaignerie se joigne à l'amendement no 3, car j'avais cru comprendre qu'il souhaitait que nous concentrions nos efforts sur la baisse des cotisations salariales.

M. Charles de Courson.

Il veut les deux !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Faut-il à la fois baisser les cotisations salariales « en y mettant le paquet », tout en dépensant 60 à 75 milliards de francs pour rétab lir le barème de l'impôt issu de la réforme de M. Juppé ?

M. Pierre Méhaignerie.

Ça, c'est l'étalement !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces cinq amendements.

M. le président.

Je vais mettre aux voix successivement les cinq amendements.

(Les amendements nos 106, 107, 108, 3 et 32, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er

(L'article 1er est adopté.)

Après l'article 1er

M. le président.

Je suis saisi de quatre amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 33, présenté par M. Auberger et les m embres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission des finances, est ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« I. - Au 2 du I de l'article 197 du code général des impôts, la somme "11 060 francs" est remplacée par la somme "19 070 francs".

« II. - Les dispositions du I s'appliquent pour l'imposition des revenus de 1999.

« III. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 109 corrigé, présenté par M. Gantier et M. Laffineur, est ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« III. - Dans le premier alinéa du 2 du I de l'article 197 du code général des impôts, la somme : "11 060 francs", est remplacée par la somme : "16 636 francs".


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MAI 2000

« IV. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 79, présenté par M. Carrez, est ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« I. - Dans le premier alinéa du 2 du I de l'article 197 du code général des impôts, la somme de "11 060 francs" est remplacée par la somme de "16 600 francs".

« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 110 corrigé, présenté par M. Gantier, est ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« III. - Dans le premier alinéa du 2 du I de l'article 197 du code général des impôts, la somme : "11 060 francs", est remplacée par la somme : "11 706 francs".

« IV. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no

33.

M. Philippe Auberger.

Il est incontestable que la baisse du plafond du quotient familial, fixé à 11 060 francs pour l'année 2000, a entraîné une augmentation considérable de la charge fiscale pour certaines familles, y compris des familles à revenus moyens, car elle n'a pas seulement touché celles qui ont les plus hauts revenus.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Philippe Auberger.

Par ailleurs, je ne m'explique toujours pas - et je n'ai reçu encore aucune réponse satisfaisante à ce sujet - pourquoi, s'agissant de l'impôt sur le revenu, le plafond du quotient familial pour une demipart est de 11 060 francs, alors que, pour le calcul de l'abattement familial sur la taxe d'habitation, il est à 19 070 francs. Il n'y a aucune raison que ce soit deux fois plus élevé dans un cas que dans l'autre. C'est là une incohérence manifeste de notre système fiscal.

M. Michel Bouvard.

Bien sûr !

M. Philippe Auberger.

C'est la raison pour laquelle je propose, par cet amendement, que le plafond du quotient familial soit porté au niveau de celui retenu pour l'abattement de la taxe d'habitation dans l'article 6 de ce projet de loi.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. le président.

L'amendement no 109 corrigé est-il défendu ?

M. Charles de Courson.

Il l'est, monsieur le président.

M. le président.

La parole est à M. Gilles Garrez, pour présenter l'amendement no

79. Gilles Garrez.

J'ajoute à ce qu'a dit à l'instant notre collègue Philippe Auberger que, lorsque votre prédécesseur a présenté cette mesure, il y a un an et demi, madame la secrétaire d'Etat, il avait indiqué, d'une part, qu'elle ne concernerait que quelques centaines de familles très privilégiées et, d'autre part, qu'elle conduirait à un alourdissement de 3 à 4 milliards de francs.

Or on observe, en premier lieu, que l'augmentation est beaucoup plus forte puisque, en 1999, l'impact de cette mesure est plutôt de l'ordre de 5 à 6 milliards. En second lieu, on constate, sur le terrain, que ce sont non pas des familles privilégiées, mais beaucoup familles moyennement aisées qui ont été touchées.

Nous, maires de banlieues parisiennes, nous le voyons tout particulièrement : très souvent, pour ces jeunes ménages où les deux conjoints travaillent, les charges de logement sont très élevés, qu'ils soient propriétaires ou locataires, ainsi que les charges de garde d'enfants du fait des temps de transport. Et c'est par milliers - les trois maires de banlieue parisienne présents ici ce soir peuvent en témoigner - qu'ils ont été mis en difficulté, à l'auto nome dernier, par l'abaissement du quotient familial.

C'était donc là une erreur manifeste, plusieurs de nos collègues sur les bancs de la gauche l'ont d'ailleurs reconnu. Il est dommage, madame la secrétaire d'Etat, que vous ne l'ayez pas corrigée d'emblée. Mais nous volons à votre secours avec cet amendement !

M.

Philippe Auberger.

Absolument ! Aide-toi, le ciel t'aidera !

M.

le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M.

Didier Migaud, rapporteur général.

La commission ne les a pas adoptés.

Je m'inscris en faux contre ce que dit notre collègue Gilles Carrez. Dans le rapport général de l'année dernière, il trouvera les conséquences exactes de la réforme du quotient familial, l'ensemble des ménages concernés et le coût que cela représente.

Il est donc faux de dire que nous n'avions pas apprécié les conséquences de cette disposition...

M.

Gilles Carrez.

Vous les aviez sous-évaluées !

M.

Philippe Auberger.

Et pourquoi M. Emmanuelli et M. Bonrepaux y sont-ils opposés ?

M.

Didier Migaud, rapporteur général.

... qui avait été prise, à l'époque, effectivement, à la suite d'un arbitrage budgétaire.

Il ne faut pas oublier que nous sommes dans le cadre d'un collectif, j'aurai l'occasion de le répéter à propos d'autres amendements. Une loi de finances rectificative, ce n'est pas une loi de finances initiale et la capacité à d époser des amendements est obligatoirement plus réduite dans le premier que dans le second cas.

J'ajoute que nous avons engagé une réflexion sur toutes les questions touchant à l'impôt sur le revenu. C'est un c hantier qui devait être ouvert pour la loi de finances 2001 et qui incluait l'ensemble des prélèvements directs. La question du quotient familial pourra être intégrée dans cette réflexion. En tout cas, c'est le souhait que nous avons émis en commission des finances.

Pour ces raisons, monsieur le président, j'invite notre assemblée à rejeter ces amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Avis défavorable également.

On a reproché au Gouvernement d'avoir abaissé le plafond du quotient familial ; c'était, je le rappelle, une contrepartie au rétablissement de l'universalité des allocations familiales. Mais il n'avait pas caché le montant de son produit - 4 milliards de francs - pas plus que le type de ménages qui seraient concernés : ceux dont le revenu


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est au moins égal à 36 400 francs par mois, qu'on ne peut pas qualifier vraiment de revenus « moyens ». Ces ménages bénéficieront des mesures du collectif, il est important de le dire, puisqu'elles profiteront aussi aux familles. Du reste, depuis 1997, le Gouvernement a pris des mesures fiscales et sociales qui sont globalement favorables aux familles.

M. Michel Bouvard.

Lesquelles ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Et si je mets de côté le collectif de printemps, dont nous discutons en ce moment, le solde en leur faveur est de l'ordre de 9 milliards de francs, tout compris, sur le plan fiscal et social.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Nous nous sommes efforcés de limiter nos amendements sur le collectif à ce qui nous paraissait essentiel, là où nous avions le sentiment qu'il y avait une situation d'urgence.

M. Philippe Auberger.

D'injustice criante !

M. Michel Bouvard.

Gilles Carrez a expliqué en quoi il y avait urgence. Je veux à mon tour témoigner de la difficulté où se sont trouvées certaines familles du fait de l'alourdissement de leur impôt sur le revenu.

Aux familles d'Ile-de-France, dont les charges de logement sont élevées, on pourrait ajouter celles de province dont les grands enfants doivent suivre des études supérieures alors qu'il n'y a pas d'université sur place : déplacements et logement de leurs enfants leur coûtent fort cher, d'autant que le CROUS est loin d'offrir suffisamment de logements et que les conditions d'attribution les pénalisent.

Ce n'est pas admissible et ce qui l'est moins encore, c'est le tour de passe-passe - puisque vous m'avez reproché d'être désagréable, je ne crains pas de l'être totalement (Sourires) - je dis bien le tour de passe-passe, par lequel vous avez d'abord supprimé une partie des allocations familiales, puis essayé de donner le sentiment aux familles que vous leur faisiez un cadeau en remplaçant cette supression par un surplus d'impôt sur le revenu ! Au bout du compte, les familles sont perdantes !

M. Bernard Outin.

Certaines familles !

M. Michel Bouvard.

Ce n'est pas ainsi qu'on va régler durablement, dans ce pays, le problème des retraites, pas plus qu'on ne va le doter de la politique familiale dont il a tant besoin.

M. Philippe Auberger.

Absolument !

M. Michel Bouvard.

Voilà la raison qui fonde notre amendement, qui a toute sa justification ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je vais mettre aux voix les quatre amendements successivement.

(Les amendements nos 33, 109 corrigé, 79 et 110, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président.

M. Auberger a présenté un amendement, Sénat, chargé des rapatriés ; 34, ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« I. Après l'article 80 undecies du code général des impôts, il est inséré un article 80 duodecies ainsi rédigé :

« Art. 80 duodecies Lorsqu'un salarié a été privé d'emploi pendant plus de six mois et qu'il reprend une nouvelle activité salariée, le montant de la différence entre sa rémunération d'activité et les allocations compensant la perte d'emploi ne fait l'objet d'une imposition qu'à raison d'un tiers l'année de reprise de l'activité salariée et deux tiers l'année qui suit la reprise de l'activité ».

« II. La perte de recettes pour l'Etat est compensée, à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Il a déjà été beaucoup question du problème dont il s'agit ici. J'ai cité l'exemple fourni par l'INSEE : pour que les deux millions de personnes qui sont privées d'emplois ou sont au RMI, et sont susceptibles de retrouver un emploi, puissent bénéficier de mille francs de pouvoir d'achat en plus, de revenu supplémentaire, la charge salariale et sociale s'élèverait à 4 350 francs. C'est une somme considérable et un « ressaut » inacceptable.

C'est pourquoi mon amendement - qui n'est qu'un remède partiel - propose de n'assujettir que très progressivement les personnes qui ont été privées d'emploi pendant plus de six mois à l'impôt sur le revenu, en ne prenant en compte que le tiers de la différence entre leur salaire et les indemnités qu'elles percevraient, la première année, les deux tiers la deuxième année, et d'attendre la troisième année pour les y soumettre totalement.

Il s'agit d'un amendement simple, qui permet de faire un premier geste en direction de cette population à la recherche d'un emploi et qui aura bien besoin d'une aide pour y accéder.

M. Michel Bouvard.

Opposition constructive !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Didier Migaud, rapporteur.

Notre collègue pose un vrai sujet. D'ailleurs, le Premier ministre l'a évoqué à plusieurs reprises et un certain nombre de mesures ont déjà été adoptées par le Parlement dans le cadre de la loi contre les exclusions. Une réflexion est engagée pour voir comment nous pourrions sortir de cette « trappe à pauvreté » ou « trappe à inactivité », bref, comment favoriser les personnes qui reviennent à l'emploi.

Ce chantier est ouvert pour la loi de finances 2001.

Des travaux sont en cours notamment au sein du commissariat général du Plan, mais également à l'Assemblée nationale et au ministère de l'économie et des finances. Cette question est aussi, pour nous, une préoccupation et elle constituera une de nos priorités dans le cadre de la prochaine loi de finances.

Ce n'est donc pas pour des raisons de fond, mais pour des raisons de calendrier, et parce que la marge de manoeuvre qu'offre une loi de finances rectificative est faible que la commission des finances ne vous propose pas de retenir cet amendement, étant entendu que nous reviendrons sur ce sujet à l'occasion de la loi de finances pour 2001.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Si vous m'y autorisez, je veux d'abord répondre d'un mot à M. Bouvard : j'accepte la discussion sur tout et comprends parfaitement


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ses préoccupations. Ce collectif comprend des mesures qui auront un effet indiscutablement positif, notamment pour les familles. Je ne prolongerai donc pas ce débat, que nous aurons, de toute façon, de manière un peu plus approfondie à la faveur de la discussion de chaque article.

Pour en revenir à l'amendement de M. Auberger, il me semble qu'il vise des personnes qui sont précisément l'objet de la réflexion du Gouvernement. Il faut en effet alléger l'impôt pour ceux qui sont à la frontière de l'imposition et qui, pour cela, peuvent être dissuadés de reprendre une activité. Cette réflexion est engagée. On a cité, tout à l'heure, le rapport du conseil d'analyse économique. D'autres travaux sont en cours, qui ne concernent pas seulement le champ fiscal, mais aussi, par exemple, la réforme des allocations logement, ce qui peut contribuer à résoudre une partie du problème.

Le Gouvernement est donc défavorable au système proposé, qui paraît compliqué, mais il n'a aucune opposition de principe à la question qui a été soulevée.

M. le président.

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

La proposition de notre collègue Philippe Auberger n'est pas seulement intelligente, elle est surtout très simple.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Gilles Carrez.

A priori, elle n'est pas très coûteuse et correspond à l'échelle des chiffres du collectif. Elle complète très utilement - vous ne l'avez pas dit, madame la secrétaire d'Etat - la mesure de fusion des dégrèvements de taxe d'habitation, d'une part, et la baisse d'un point sur les deux premières tranches, d'autre part. Elle est donc bien dans la logique du collectif.

Bien sûr, il faudrait aller plus loin, étudier notamment, comme vous venez de le dire, la refonte du barème de l'allocation logement. Mais il serait très sage d'adopter dès maintenant l'amendement de notre collègue Philippe Auberger.

M. Charles de Courson.

Il y a un amendement ALS !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

34. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2 DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 17 mai 2000, de M. le Premier ministre un projet de loi relatif à la sécurité du dépôt et de la collecte de fonds par les entreprises privées.

Ce projet de loi, no 2395, est renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 17 mai 2000, de M. le Premier ministre un projet de loi relatif à la modernisation du service public du gaz naturel et au développement des entreprises gazières.

Ce projet de loi, no 2396, est renvoyé à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 17 mai 2000, transmis par M. le Premier ministre un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'élection des sénateurs.

Ce projet de loi, no 2402, est renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

3 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

M. le président.

J'ai reçu, le 17 mai 2000, de M. JeanMarc Ayrault et plusieurs de ses collègues une proposition de loi constitutionnelle relative à la réduction du mandat de Président de la République à cinq ans.

Cette proposition de loi constitutionnelle, no 2400, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

4 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président.

J'ai reçu, le 17 mai 2000, de M. JeanPierre Brard une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la sécurité des cartes bancaires.

Cette proposition de résolution, no 2397, est renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.

5 DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 17 mai 2000, de M. Marcel Rogemont un rapport, no 2393, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur le projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à l'archéologie préventive (no 2303).

J'ai reçu, le 17 mai 2000, de M. Marc Dolez un rapport, no 2394, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'élection des sénateurs.

J'ai reçu, le 17 mai 2000, de Mme Nicole Feidt un rapport, no 2398, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MAI 2000

J'ai reçu, le 17 mai 2000, de M. Marc Reymann un rapport, no 2399, fait au nom de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire et douanière (ensemble une déclaration), signé à Berne le 11 mai 1998 (no 2169).

J'ai reçu, le 17 mai 2000, de M. Marc Dolez un rapport, no 2403, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'élection des sénateurs.

J'ai reçu, le 17 mai 2000, de M. Alain Vidalies un rapport, no 2404, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur la proposition de loi, adoptée avec modifications par le Sénat en deuxième lecture, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce (no 2325).

J'ai reçu, le 17 mai 2000, de Mme Raymonde Le Texier un rapport, no 2405, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur le projet de loi, modifié par le Sénat en deuxième lecture, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (no 2274).

J'ai reçu, le 17 mai 2000, de M. Bruno Le Roux un rapport, no 2406, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur le projet de loi, modifié par le Sénat en deuxième lecture, portant création d'une C ommission nationale de déontologie de la sécurité (no 2326).

6 DÉPÔT DE RAPPORTS EN APPLICATION DE LOIS

M. le président.

J'ai reçu, le 17 mai 2000, de M. le Premier ministre, en application de l'article 15 de la loi no 94-99 du 5 février 1994 d'orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie française, un rapport établissant le bilan de ladite loi.

J'ai reçu, le 17 mai 2000, de M. le Premier ministre, en application de l'article 21 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, le septième rapport sur les mesures prises dans la fonction publique pour assurer l'application du principe d'égalité des sexes.

7 DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président.

J'ai reçu, le 17 mai 2000, de M. Georges Hage un rapport d'information, no 2401, déposé, en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires étrangères, sur la mission effectuée par une délégation de la commission à Cuba.

8

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à neuf heures quinze, première séance publique : Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000, no 2335 : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2387) ; Discussion du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1998, no 1822 : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2360).

A quinze heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 18 mai 2000, à une heure cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

TEXTE SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmission M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, le texte suivant : Communication du 17 mai 2000 No E 1449. - Proposition de directive du Conseil concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements (COM [2000] 259 final).