page 04514page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Questions au Gouvernement (p. 4516).

M. le président.

COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (p. 4516)

M. Alfred Recours, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES (p. 4517)

M mes Paulette Guinchard-Kunstler, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

TECHNOLOGIES NOUVELLES DANS L'ADMINISTRATION (p. 4518)

MM. Patrick Bloche, Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

DÉMOLITION DE GRANDS ENSEMBLES À SAINT-ÉTIENNE (p. 4519)

MM. Gérard Lindeperg, Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

SOLIDARITÉ GOUVERNEMENTALE (p. 4519)

M. Yves Deniaud, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

DÉCLARATIONS DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR (p. 4520)

MM. Pierre Lellouche, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.

LANCEMENT DE L'AIRBUS A 3XX (p. 4521)

MM. Jacques Godfrain, Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

DÉCLARATIONS DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR (p. 4521)

MM. François Léotard, Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

SOLIDARITÉ GOUVERNEMENTALE (p. 4522)

M. Alain Ferry, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

AÉROPORT DE ROISSY (p. 4523)

M. Francis Delattre, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

EMPLOI PRÉCAIRE (p. 4524)

M. Maxime Gremetz, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

RISQUES SANITAIRES LIÉS À L'INSTALLATION D'ANTENNES RELAIS DE TÉLÉPHONE (p. 4525)

M. Jean Pontier, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

INSPECTION DU TRAVAIL (p. 4525)

M. Yves Cochet, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Suspension et reprise de la séance (p. 4526)

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

2. Gens du voyage. - Discussions, en nouvelle lecture, d'un projet de loi (p. 4526).

M. Louis Besson, scrétaire d'Etat au logement.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse de la commission des lois.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 4529)

MM. Patrice Martin-Lalande, Daniel Vachez, Yves Bur, Patrick Braouezec, Michel Meylan, Mme Françoise Imbert,

MM. Jean-Pierre Blazy, Jean-Jacques Filleul.

Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 4538)

Avant l'article 1er (p. 4538)

Amendement no 42 de M. Bur : M. Yves Bur, Mme la rapporteuse, M. le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 43 de M. Bur : M. Yves Bur, Mme la rapporteuse, M. le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Article 1er (p. 4539)

Amendement no 39 de M. Martin-Lalande : M. Patrice Martin-Lalande, Mme la rapporteuse.

Amendement no 1 de la commission des lois : Mme la rapporteuse, M. le secrétaire d'Etat. - Rejet de l'amendement no 39 ; adoption de l'amendement no

1. Amendement no 2 de la commission : Mme la rapporteuse, MM. le secrétaire d'Etat, Patrice Martin-Lalande. Adoption.

L'amendement no 44 de M. Bur n'a plus d'objet.

Amendement no 3 de la commission, avec les sousamendements nos 45 de M. Bur, 30 de M. Martin-Lalande et 41 du Gouvernement : Mme la rapporteuse, MM. le secrétaire d'Etat, Christian Martin. - Rejet du sousamendement no

45. M. Patrice Martin-Lalande, Mme la rapporteuse, M. le secrétaire d'Etat. - Retrait du sous-amendement no

30. M. le secrétaire d'Etat, Mme la rapporteuse. - Rejet du sous-amendement no 41 ; adoption de l'amendement no

3. Amendement no 46 de M. Bur : M. Christian Martin,

Mme la rapporteuse, M. le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 4 de la commission : Mme la rapporteuse,

M. le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 5 de la commission, avec les sousamendements identiques nos 47 de M. Bur et 56 de M. Martin-Lalande, et les sous-amendements nos 55, 57, 58 et 59 de M. Martin-Lalande : Mme la rapporteuse,


page précédente page 04515page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

MM. le secrétaire d'Etat, Patrice Martin-Lalande. - Rejet des sous-amendements nos 47 et 56, 55, 57, 58 et 59 ; adoption de l'amendement no

5. Amendement no 6 de la commission : Mme la rapporteuse,

M. le secrétaire d'Etat, M. Yves Bur. - Adoption.

Adoption de l'article 1er modifié.

Article 1er bis (p. 4545)

Amendement de suppression no 7 de la commission : Mme la rapporteuse, M. le secrétaire d'Etat. - Adoption.

L'article 1er bis est supprimé.

Article 2 (p. 4545)

Amendement no 8 de la commission, avec le sous-amendement no 35 de M. Martin-Lalande : Mme la rapporteuse, MM. le secrétaire d'Etat, Patrice Martin-Lalande. Adoption du sous-amendement no 35 et de l'amendement no 8 modifié.

Amendement no 9 de la commission : Mme la rapporteuse,

M. le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 2 modifié.

Article 3 (p. 4546)

Amendement no 10 de la commission, avec le sousamendement no 60 de M. Martin-Lalande : Mme la rapporteuse, MM. le secrétaire d'Etat, Patrice MartinLalande. - Rejet du sous-amendement no 60 ; adoption de l'amendement no

10. Amendement no 11 de la commission : Mme la rapporteuse,

M. le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 3 modifié.

Article 4 (p. 4547)

Amendement no 12 de la commission : Mme la rapporteuse,

M. le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 4 modifié.

Article 5 (p. 4548)

Amendement no 13 de la commission : Mme la rapporteuse,

M. le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 5 modifié.

Article 7 (p. 4548)

Amendement no 14 de la commission, avec les sousamendements nos 62 et 61 de M. Martin-Lalande : Mme la rapporteuse, MM. le secrétaire d'Etat, Patrice MartinLalande, Daniel Vachez. - Rejet du sous-amendement no

62. M. Patrice Martin-Lalande, Mme la rapporteuse. - Rejet du sous-amendement no 61 ; adoption de l'amendement no

14. Adoption de l'article 7 modifié.

Article 8 (p. 4549)

Amendement no 48 de M. Bur : M. Yves Bur, Mme la rapporteuse, M. le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 15 de la commission : Mme la rapporteuse,

M. le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 8 modifié.

Article 9 (p. 4550)

Amendements nos 40 du Gouvernement et 16, deuxième correction, de la commission : M. le secrétaire d'Etat, Mme la rapporteuse. - Rejet de l'amendement no

40. Sous-amendements à l'amendement no 16, deuxième correction : Sous-amendement no 52 de M. Bur : M. Christian Martin,

Mme la rapporteuse, M. le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Sous-amendement no 53 de M. Bur : M. Yves Bur, Mme la rapporteuse, M. le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Sous-amendements identiques nos 54 de M. Bur et 63 de M. Martin-Lalande : M. Yves Bur, Mme la rapporteuse, MM. le secrétaire d'Etat, Patrice Martin-Lalande. Retrait du sous-amendement no

63. M. Christian Martin. - Retrait du sous-amendement no

54. Sous-amendement no 64 de M. Martin-Lalande : M. Patrice Martin-Lalande, Mme la rapporteuse, M. le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Adoption de l'amendement no 16, deuxième correction.

L'article 9 est ainsi rédigé.

Les amendements nos 38 de M. Meylan, 50, 51 et 49 de M. de Courson n'ont plus d'objet.

Article 9 bis (p. 4554)

Le Sénat a supprimé cet article.

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 4554)

MM. Patrice Martin-Lalande, Daniel Vauchez, Yves Bur.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 4555)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

3. Désignation d'un candidat à un organisme extraparlementaire (p. 4555).

4. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 4555).


page précédente page 04516page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

M. Charles Ehrmann.

Mais le Gouvernement n'est pas là !

M. le président.

Vous semblez l'ignorer, mais un sommet franco-espagnol se tient en ce moment ! C'est pourquoi une partie du Gouvernement est absente aujourd'hui.

COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

M. le président.

La parole est à M. Alfred Recours.

M. Alfred Recours.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

(Vives exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Lucien Degauchy.

Evidemment !

M. le président.

Je ne comprends pas ce qui justifie, au tout début du propos de M. Recours, les réactions bruyantes de M. Degauchy !

M. Jean-Noël Kerdraon.

Vous avez raison !

M. le président.

S'il vous plaît, monsieur Degauchy, ne suivez pas votre pente habituelle et laissez donc s'exprimer l'orateur ! Monsieur Recours, vous avez seul la parole.

M. Alfred Recours.

Merci, monsieur le président.

Depuis quinze ans, année après année, dans l'hémicycle comme dans le pays, nous avons l'habitude de discuter des déficits et des trous de la sécurité sociale. Or nous venons de prendre connaissance des comptes de la sécurité sociale pour 1999, et il apparaît que, pour la première fois, ils sont à l'équilibre, voire en léger excédent.

M. Lucien Degauchy.

Merci Juppé !

M. Alfred Recours.

Ce n'est certes pas le fruit du hasard puisque, après 265 milliards de francs de déficit cumulé de 1993 à 1997, l'action engagée depuis lors a progressivement permis d'assainir la situation.

M. André Aschieri.

Très bien !

M. Alfred Recours.

Dès lors que les prévisions tablent sur 13,5 milliards de francs d'excédent pour 2000, il s'agit de savoir ce que nous allons en faire. Nous avons entendu différentes propositions, qui intéressent les Français, quant à la pérennisation de notre protection sociale, en particulier du système des retraites. Mais nous savons aussi que certaines prestations médicales sont peu ou mal remboursées, comme la lunetterie,...

M. Lucien Degauchy.

Tout à fait !

M. Alfred Recours.

... la dentisterie ou les prothèses auditives.

Madame la ministre, mes questions seront simples.

(« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Finis les déficits, bonjour les excédents ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Première question : pourquoi ? Deuxième question : pour quoi faire ? Troisième question : comment ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député, depuis quinze ans, en effet, lorsque l'on parlait de la sécurité sociale, les Français avaient l'habitude de penser d'abord au « trou de la sécu ». Mais nous avons appris hier que la sécurité sociale, depuis 1999, n'avait plus de trou, que ses comptes étaient en équilibre. Nous prévoyons même 13,5 milliards de francs d'excédent pour 2000 et nous envisageons déjà d'en affecter une partie - 8,5 milliards au fonds de réserve.

Ces résultats ne sont pas tombés du ciel. Vous avez rappelé, monsieur le député, que nous avons trouvé une sécurité sociale déficitaire de 54 milliards de francs. Il a fallu s'attaquer à toutes les causes de ce déficit. S'agissant des dépenses de ville, nous avons négocié âprement avec les médecins - rappelez-vous les discussions avec les radiologues, les cardiologues, les laboratoires biologiques.

Nous avons mis en place une politique de l'hôpital visant à mieux répondre aux besoins, à améliorer la qualité et la sécurité, à réduire les inégalités et à rendre la gest ion plus rigoureuse.

M. le président.

Madame la ministre, excusez-moi de vous interrompre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je vous en prie, monsieur le président.

M. le président.

Monsieur Debré, puis-je vous demander de respecter nos débats et de vous asseoir ? (« Debré, assis ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous pouvez poursuivre, madame la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous avons engagé une véritable politique du médicament, fondée sur les effets des produits commercialisés sur la santé et sur le développement des génériques.


page précédente page 04517page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

Les résultats sont là. Bien évidemment, la croissance et la réduction du chômage expliquent une partie de cette réduction des déficits. Toutefois, disons-le simplement, à croissance égale, si nous n'avions pas mis en oeuvre ces réformes et fait ces économies, si les dépenses maladie avaient continué à croître comme dans les années 19931997, nous n'aurions pas aujourd'hui un excédent de 1 milliard de francs, mais un déficit de 30 milliards !

M. Lucien Degauchy.

Ce n'est pas sérieux !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il fallait effectivement mettre en oeuvre ces réformes pour pouvoir mieux répondre aux attentes des Français.

J'en viens à l'affectation des excédents de la sécurité sociale. Nous savons effectivement que les besoins sont nombreux. La priorité, je l'ai déjà dit, c'est de mieux rembourser dans les domaines où la prise en charge actuelle n'est pas suffisante : les lunettes, les soins dentaires, les prothèses auditives. Nous allons le faire, et rapidement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Pierre Michel.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le deuxième objectif, c'est d'être capables de suivre les évolutions thérapeutiques - tout en continuant d'être vigilants, car nous consommons encore trop de médicaments et parfois à des prix excessifs. En un an, le nombre d'appareils d'IRM destinés à la prévention de maladies souvent graves, pour améliorer la sécurité des Français a plus que doublé ; il y en a maintenant 182, et nous les finançons. Nous voulons aussi payer à leur juste prix les médicaments innovants, les thérapies coûteuses contre des maladies graves, comme nous l'avons fait pour la trithérapie.

Troisièmement, les retraités demandent à bénéficier d'une part plus grande des fruits de la croissance ; et ils ont raison. Nous devrons y réfléchir, alors même que nous affectons de l'argent au fonds de réserve, comme nous nous y étions engagés, pour atteindre les 1 000 milliards de francs en 2020.

Enfin, nous continuerons à mettre en oeuvre une politique familiale ambitieuse, avec Ségolène Royal, et une politique active d'aide aux personnes handicapées.

Je suis heureuse d'annoncer que le retour à l'excédent, pour les Français, c'est effectivement l'assurance que nous n'irons pas vers la sécurité sociale privée, porteuse d'inégalités, et que nous prendrons chaque jour mieux en compte leurs besoins en matière de santé, de politique familiale, de retraite et d'accidents du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES

M. le président.

La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

M me Paulette Guinchard-Kunstler.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, je souhaite revenir sur un sujet important pour notre société : les personnes âgées en perte d'autonomie.

En France, aujourd'hui, 1,3 million de personnes âgées sont lourdement dépendantes. Or seules 120 000 d'entre elles bénéficient de la prestation spécifique dépendance.

Les aides accordées par les caisses de retraite sont également insuffisantes et, elles aussi, très inégalitaires. Ce sont donc, aux côtés des professionnels, les familles qui assument l'accompagnement : 80 % des personnes âgées dépendantes sont effectivement prises en charge par leur famille et 50 % par leur seule famille.

Ce ne sont pas uniquement les personnes âgées qui souhaitent cette réforme, mais une partie très importante de la population : les familles et les professionnels des maisons de retraite, des services long séjour et des services de maintien à domicile.

Le 22 mars, le Premier ministre annonçait sa volonté de créer un véritable droit pour les personnes âgées en perte d'autonomie, volonté que vous avez réaffirmée ici même, madame la ministre.

Jean-Pierre Sueur vous a remis son rapport la semaine dernière. Il apporte des propositions de très grande qualité, suggérant notamment que l'attribution de cette prestation soit un droit mis en oeuvre dans les mêmes condit ions sur l'ensemble du territoire. Cette nouvelle prestation, l'« aide personnalisée à l'autonomie », pourrait se substituer à la prestation spécifique dépendance ainsi qu'aux autres prestations, prises en charge par les caisses de retraite. Ce serait une avancée juste et appréciée.

Madame la ministre, pouvez-vous nous renseigner sur les mesures concrètes que vous comptez prendre en vous inspirant de ces propositions ? Surtout, dans quel délai pourront-elles être mises en oeuvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Vous avez la parole, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, pour une réponse rapide, s'il vous plaît.

M. Christian Jacob.

Très bien, monsieur le président ! Rapide et précise !

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les députés de l'opposition se montrent parfois mauvais joueurs et ont du mal à accepter les bonnes nouvelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Madame la députée, vous avez raison, la dépendance est aujourd'hui un problème qui touche chaque personne âgée, mais aussi la quasi-totalité des familles françaises.

Nous devons faire preuve de solidarité pour que chaque personne âgée puisse choisir son mode de vie, à domicile ou en établissement, en fonction de sa préférence, de son état de dépendance physique et psychique, et de son état de dépendance financière.

Le système actuel est un échec, parce que 120 000 personnes seulement bénéficient de la PSD - alors que beaucoup plus nombreuses sont les personnes âgées qui ont besoin de soutien - et parce que les aides sont insuffisantes et inégalitaires d'un point du territoire à un autre.

Nous allons donc mettre en place, suite au rapport que m'a remis Jean-Pierre Sueur, une prestation identique sur tout le territoire. Celle-ci sera versée à un nombre bien plus grand de personnes âgées, vivant à domicile comme en établissement, et son montant sera revalorisé, grâce au cofinancement des départements, des caisses d'assurance vieillesse et de l'Etat - le Premier ministre l'a dit. Les conseils généraux, qui ont l'atout de la proximité et dont la qualité des réseaux a fait ses preuves, continueront à gérer la prestation.


page précédente page 04518page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

Cette prestation sera accompagnée par des mesures que vous connaissez bien, puisque vous en avez abondamment traité dans le rapport que vous avez remis au Gouvernement. Nous allons d'abord lancer une politique de formation des personnels à la dépendance...

M. Yves Nicolin.

C'est du baratin !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et de médicalisation des maisons de retraite : 6 milliards seront engagés dans les trois ans à venir. D'autre part, sur la même période, 1,5 milliard seront consacrés au développement des services infirmiers à domicile. Enfin, nous allons coordonner l'ensemble des services destinés à la personne âgée et à sa famille.

C'est un enjeu majeur pour les prochains mois : il faut redonner aux personnes âgées leur place dans la société et aider particulièrement les plus dépendantes d'entre elles à retrouver le maximum d'autonomie dans leur choix de vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

TECHNOLOGIES NOUVELLES DANS L'ADMINISTRATION

M. le président.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche.

Monsieur le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat,...

M. Pierre Lellouche.

Il n'y en a pas !

M. Patrick Bloche.

... l'administration utilise de plus en plus les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Elle recourt à Internet pour ses échanges avec les citoyens et les entreprises ; elle met en place des outils de travail internes comme le courrier électronique ou les intranets.

La modernisation de l'administration et la réforme de l'Etat sont donc de plus en plus tributaires des choix informatiques. Or, et nous venons d'en avoir l'éclatante démonstration avec le virus I love you, les outils informatiques posent des problèmes nouveaux de sécurisation.

M. Bernard Accoyer.

Comme les faux PACS !

M. Patrick Bloche.

Par ailleurs, l'usage de ces outils suppose souvent l'achat de matériels et de logiciels coûteux, et le choix que l'on fait en faveur de telle ou telle solution peut avoir une influence importante sur le coût pour l'usager. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste vient de déposer une proposition de loi, dont le premier signataire est notre collègue Jean-Yves Le Déaut, qui vise, dans un souci de vraie concurrence, à ce que les services de l'Etat et des collectivités territoriales recourent à des standards de communication ouverts et utilisent des logiciels dont les codes sources leur soient accessibles.

Monsieur le ministre, l'utilisation des nouvelles technologies de l'information est un progrès considérable pour les administrations et les usagers. Cependant, il semble nécessaire, dans le cadre de la réforme de l'Etat, de mener une réflexion globale sur les critères de choix en matière informatique, afin d'éviter que l'administration électronique ne soit une administration fragile. Comment le Gouvernement compte-t-il mener cette réflexion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Monsieur le député, vous connaissez particulièrement bien le sujet. Les technologies de l'information sont déjà un formidable outil de modernisation des administrations locales et nationales, à quelque niveau qu'elles se situent,...

M. Bernard Accoyer.

Première nouvelle ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... et elles le seront encore davantage dans l'avenir. Un meilleur accès à l'information et des démarches plus faciles pour l'usager, qui est au centre des améliorations nécessaires de nos services publics,...

M. Bernard Accoyer.

M. Sapin était moins prolixe à propos du Crédit Lyonnais...

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... c'est ce que permet et permettra la bonne utilisation des technologies de l'information.

M. Yves Nicolin.

C'est de la langue de Sapin ! (Sourires.)

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Vous le savez, en 1998, le Premier ministre a lancé le programme d'action pour l'entrée de la France dans la société de l'information,...

M. Yves Nicolin.

Baratin ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... qui concerne tout le monde : entreprises et les citoyens, dans le cadre de leur utilisation privée, mais aussi les administrations, d'une manière générale.

Cependant, chacun en est bien conscient, il faut veiller à ce que les nouvelles techniques de l'information soient un élément de lutte contre les exclusions, et non qu'elles créent une nouvelle exclusion, soit par leur coût, soit par leur difficulté technique d'utilisation.

C'est ainsi que se pose, au-delà du matériel lui-même et des infrastructures, la question des logiciels, sur laquelle vous m'avez interrogé. Il faut que les techniques soient simples, en même temps que le moins onéreuses possible...

M. Yves Nicolin.

Et voilà ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... pour l'usager comme pour l'administration.

Il faut se garder de considérations à caractère commercial, risquant de faire obstacle à la meilleure utilisation d'un savoir qui doit être très largement diffusé.

M. François d'Aubert.

C'est le discours des années 60 ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

C'est la raison pour laquelle le Premier ministre, dans les jours qui viennent, chargera un parlementaire - je crois même pouvoir dire que ce sera un député (Exclamations sur quelques bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants) - d'une mission auprès de moi, visant à appréhender les enjeux relatifs aux logiciels et à faire des propositions concrètes et précises au Gouvernement.

Ainsi, dans quelques mois, nous disposerons de tous les éléments nécessaires pour que cette grande révolution soit mise au service de l'usager et de la modernisation de l'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Yves Nicolin.

Baratin !


page précédente page 04519page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

DÉMOLITIONS DE GRANDS ENSEMBLES A SAINT-ETIENNE

M. le président.

La parole est à M. Gérard Lindeperg.

M. Gérard Lindeperg.

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la ville.

M. Pierre Lellouche.

Il n'y en a pas !

M. Gérard Lindeperg.

Monsieur le ministre, vous serez présent à Saint-Etienne, samedi prochain (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , ainsi que de très nombreux journalistes.

En effet, les Français pourront voir en direct, sur leur é cran de télévision, la destruction du plus grand immeuble jamais démoli en Europe : il s'agit d'une barre longue de 275 mètres, comportant 250 logements qui ont accueilli, dans les années 60, jusqu'à 2 000 personnes.

La taille de cette barre est si démesurée que les Stéphanois l'ont baptisée « muraille de Chine » dès sa construction, en 1962.

Dans quatre jours, en l'espace de quinze secondes, cette « muraille de Chine » sera réduite en un amas de 80 000 tonnes de gravats ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

J'ai voulu mettre l'accent sur cet événenement particulier, car il me paraît dépasser le cadre local et illustrer la plupart des difficultés qui touchent l'ensemble de nos grandes villes. Symbole du confort moderne et du progrès lors de sa construction, ce type d'immeuble, quarante ans plus tard, est devenu l'expression du mal-vivre urbain et de l'échec d'une politique, patent depuis les années 80.

(« La question ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous en prie !

M. Gérard Lindeperg.

Ces opérations de relogement et de destruction sont, la plupart du temps, devenus nécessaires, mais la démolition, en soi, n'est pas une politique.

Il faut également reconstruire : reconstruire un tissu urbain ; reconstruire un tissu social ; reconstruire un tissu économique pour redonner de l'espérance à tous les habitants qui vivent ces destructions comme un moment douloureux et attendent des perspectives d'avenir.

Monsieur le ministre, dans quelle politique globale ces destructions s'inscrivent-elles ? Quelles mesures le Gouvernement propose-t-il aux élus locaux et aux offices HLM pour les aider à répondre aux attentes des habitants de nos quartiers en crise ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mon cher collègue, je vous enjoins de conclure en moins de temps qu'il n'en faudra pour détruire cette barre de 270 mètres. (Sourires.)

M. Gérard Lindeperg.

Je termine. Après tant d'espoirs déçus, les habitants attendent les signes concrets d'une nouvelle politique, fondée sur une volonté plus forte, sur un projet plus pertinent et sur une ambition plus généreuse.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la ville. Pour une réponse de moins d'une minute.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Oui, monsieur le député, je serai, dans quelques jours, aux côtés des élus et des habitants de Saint-Etienne pour marquer une nouvelle étape dans la politique de la ville.

Mesdames, messieurs les députés, nous sommes tous concernés. Si nous n'y prenons garde, avec la reprise économique, le sentiment de vivre dans des ghettos pourrait se renforcer dans certaines de nos villes, en raison des problèmes liés à l'emploi et à l'urbanisme. En effet, les f emmes et les hommes qui habitent les quartiers construits dans les années 60, quartiers nécessaires à cette époque, en ont une perception tellement dégradée qu'ils veulent déménager lorsqu'ils retrouvent du travail, et ils sont alors remplacés par des femmes et des hommes en plus grande souffrance sociale, ce qui aggrave encore la situation. Le Gouvernement a donc souhaité soutenir cinquante grands projets de ville et trente opérations de renouvellement urbain pour travailler, aux côtés des élus et de la population, à l'égalité des chances pour les villes du

XXIe siècle.

Mais ce travail ne peut pas concerner uniquement le bâti. Nous le voyons bien dans cette période de reprise économique, il nous faut aussi intervenir dans les secteurs traditionnels de la politique de la ville - le social, la culture, le sport, la santé - et dans le domaine de l'emploi. Les habitants de ces quartiers doivent pouvoir constater que les élus travaillent pour améliorer leur vie quotidienne. Le Gouvernement a ainsi décidé, ces derniers jours, deux mesures allant dans ce sens. Jean-Claude Gayssot, Louis Besson et moi-même avons défendu un texte pour que la mixité sociale et urbaine soit une réalité dans toutes nos agglomérations. Et, il y a quelques jours, avec Jean-Pierre Chevènement et Martine Aubry, nous avons installé le numéro 114 pour que les habitants qui se sentent victimes d'une ségrégation raciale puissent dénoncer ce genre de comportement. J'ai voulu lier ces deux points parce que les villes de l'avenir ne seront solidaires que si l'on traite tous les problèmes qui se posent à elles aujourd'hui. C'est à ce prix que les hommes et les femmes qui les habitent pourront prétendre à l'égalité des chances.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

SOLIDARITÉ GOUVERNEMENTALE

M. le président.

La parole est à M. Yves Deniaud.

M. Yves Deniaud.

Ma question s'adressait à M. le Premier ministre, mais je sais qu'il est en Espagne. D'une certaine façon, elle concerne aussi la destruction d'un édifice : celui de la cohésion gouvernementale.

(Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

A la fin de la semaine dernière, Mme Voynet a dénoncé le manque de cohésion gouvernementale et a indiqué que le Premier ministre naviguait à vue.

M. Didier Boulaud.

Vous feriez mieux de vous occuper de Paris !

M. Yves Deniaud.

Après quelques amabilités envers ses collègues de l'agriculture et de l'équipement, elle a souligné que la méthode du Gouvernement s'inscrivait dans la tradition mitterrandienne des grands copinages et des petits arrangements.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Didier Boulaud.

Tibéri !


page précédente page 04520page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

M. Yves Deniaud.

Si de telles déclarations ne chagrinent guère l'opposition, elles sont de nature à inquiéter les Français sur la solidité du Gouvernement. Voilà pourquoi je souhaite savoir comment celui-ci entend gérer des déclarations de ce genre. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Didier Boulaud.

Et l'Etat RPR ? Les copains et les coquins !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l 'aménagement du territoire et de l'environnement.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, je vous remercie chaleureusement...

M. Guy Teissier.

Les chasseurs aussi vous remercient ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... de manifester autant de souci à l'égard de la majorité plurielle, mais vous avez décidément beaucoup d'imagination ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Vous tirez trop hâtivement des conclusions apocalypt iques d'une malheureuse compilation de bouts de phrases tirées de leur contexte (Mêmes mouvements) et dont la plupart se rapportaient à des dossiers précis évoqués par des militants lors d'un exercice démocratique d'échanges directs où j'ai tenté de faire valoir non seulement les grandeurs et les aspects positifs, mais aussi les servitudes et les difficultés du travail de ministre dans un g ouvernement pluriel après trois ans d'exercice du pouvoir.

Vous connaissez les priorités de ce gouvernement : l'emploi, la lutte contre l'exclusion sociale et territoriale, le développement durable. Le dialogue reste la règle au sein de cette majorité et s'il arrive que les ministres s'expriment de façon plurielle (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), une chose apparaît certaine : ils sont tous unis au service de la justice sociale et de la qualité de la vie, et ils tirent tous dans le même sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. Huées sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) DÉCLARATIONS DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

J'ai deux questions à poser, qui concernent M. le Premier ministre et M. le ministre de l'intérieur. Ces derniers étant malheureusement retenus à l'étranger, je m'adresserai à M. le ministre des relations avec le Parlement.

A près les déclarations « fracassantes » du Premier ministre à Bir Zeit, un ministre important du Gouvernement vient de commettre un dérapage extrêmement lourd de sens, sur une question centrale qui touche à la politique européenne de la France. Il a dit dimanche aprèsmidi : « l'Allemagne ne s'est pas encore guérie du déraillement qu'a été le nazisme dans son histoire ». Un peu plus tard, le même jour, répondant au ministre allemand des a ffaires étrangères lors d'un colloque sur l'Europe, M. Chevènement, toujours lui, disait de l'Allemagne :

« Au fond, elle rêve toujours du Saint Empire romain germanique, rêve maladif de l'Allemagne qui ne peut s'affranchir du concept de Volk. »

Ce qui est grave dans cette affaire, ce n'est pas seulement que M. Chevènement n'ait rien compris à l'histoire contemporaine de l'Allemagne (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) , c'est que ces déclarations fracassantes, elles aussi,...

M. Didier Boulaud.

Il fallait écouter Giscard l'autre jour !

M. Pierre Lellouche.

... aient été faites cinq semaines avant la présidence française de l'Union et à l'heure où se déroulait, à Rambouillet, un sommet franco-allemand en présence du Président de la République, du Premier ministre et du chancelier fédéral. Après le ratage français de la réunification de l'Allemagne sous François Mitterrand (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste) , la gauche nous offre aujourd'hui le spectacle d'au moins trois politiques allemandes : celle du ministre de l'intérieur, celle du ministre des affaires étrangères et celle de certains porte-parole des Verts. Quarante-huit heures après cet épisode, le silence du Gouvernement est consternant. D'où ma question : monsieur le Premier ministre, reprenez-vous, ou non, à votre compte les propos du ministre de l'intérieur ? L'Allemagne est-elle, ou non, guérie du nazisme ? L'Allemagne veut-elle encore faire l'Empire romain germanique ? Et si, comme M. Chevènement, vous pensez que l'Allemagne n'est pas guérie de ces maladies, que diable faisons-nous avec elle à construire l'Europe ? Ma seconde question s'adresse, elle, au ministre de l'intérieur. Selon une autre de ses déclarations célèbres, « Un ministre ça démissionne ou ça ferme sa gueule. » Mon-

sieur Chevènement, quand comptez-vous tirer les conclusions de vos propres déclarations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des relations avec le Parlement.

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.

Vous l'avez dit, monsieur le député, le Premier ministre et le ministre de l'intérieur participent au sommet franco-espagnol de Santander, ce qui explique leur absence ici cet après-midi.

M. Jean Bardet.

Ça on le savait !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Le ministre de l'intérieur a eu l'occasion de s'exprimer lundi matin sur les réactions qu'avaient provoquées ses déclarations de la veille. Il a en effet souhaité y revenir pour deux raisons : d'une part, parce qu'il estimait que sa pensée avait été trop contractée (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), d'autre part, parce que ses propos ont souvent été déformés. Il a ainsi pu réitérer son attachement à l'amitié francoallemande et sa confiance dans la construction franco-


page précédente page 04521page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

allemande pour l'avenir de l'Europe. Quant au fond, le débat sur l'avenir de l'Europe et de ses institutions à long terme est parfaitement justifié.

Soyez assurés enfin que le Gouvernement fera tout...

M. Pierre Lellouche.

Pour que M. Chevènement n'y participe pas !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

... pour que la prochaine conférence intergouvernementale soit couronnée de succès dès que nous serons parvenus à un consensus sur un projet ambitieux. J'observe d'ailleurs que les dirigeants allemands partagent l'analyse du Gouvernement français sur le caractère très constructif du sommet de Rambouillet qui s'est tenu la semaine dernière et que les propos du ministre de l'intérieur provoquent plus de réactions de ce côté du Rhin que de l'autre. Je veux y voir la preuve que la relation franco-allemande est solide et que ces péripéties ne sont pas de nature à l'entamer.

Par ailleurs, monsieur Lellouche, l'essentiel c'est que le ministre de l'intérieur fasse bien son travail (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), au service de l'intérêt général, de la sécurité des Français. Et, avec M. Debré, vous n'avez guère de leçons à nous donner ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

LANCEMENT DE L'AIRBUS A 3XX

M. le président.

La parole est à M. Jacques Godfrain.

M. Jacques Godfrain.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement, ou à celui qui répondra en son nom. C'est une question technique.

Le report de la décision de la société Airbus de lancer prochainement l'A 3XX, le super Airbus, oblige tous ceux qui s'intéressent au monde du transport aérien et de l'industrie aérienne à s'interroger. D'abord, c'est un point grave et important, sur les pressions que vient d'exercer Boeing sur les acheteurs potentiels ou déclarés. Ensuite, sur le fait qu'à ce jour les compagnies européennes ne sont pas beaucoup manifestées, contrairement aux compagnies asiatiques.

Monsieur le ministre des transports, vous êtes déjà intervenu auprès de la compagnie nationale Air France pour qu'elle utilise la technologie européenne. Ma question est simple : allez-vous donner une chance supplémentaire à l'Airbus A 3XX en faisant en sorte que la compagnie nationale soutienne son lancement prochain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au logement.

M. Pierre Lellouche.

Et nouveau ministre de l'industrie !

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

Après vous avoir présenté les excuses de Jean-Claude Gayssot, présent au sommet franco-espagnol, je souhaite vous indiquer, monsieur le député, que le Gouvernement, bien sûr, se félicite des excellents résultats commerciaux d'Airbus - je ne les reprendrai pas dans le détail - qui a connu en 1999 se meilleure année.

M. Thierry Mariani.

Cela n'a aucun rapport avec la question !

M. le président.

Monsieur Mariani, n'obligez pas le ministre à vous faire une réponse « contractée » ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il prend son temps pour répondre largement ! Vous avez seul la parole, monsieur le secrétaire d'Etat !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

S'agissant de l'A 3XX, Airbus a déjà annoncé la clientèle de Emirates et de Singapore Airlines. Elle a en outre reçu des engagements de quatre clients qui, à ce stade, ont demandé la confidentialité et deux autres engagements sont en cours de finalisation. Depuis le début, Air France participe activement au groupe de travail mis en place par le constructeur sur la définition de cet avion, montrant son vif intérêt à ce qu'il va apporter. La compagnie a bien évidemment connaissance du calendrier fixé par Airbus pour le lancement de l'A 3XX. Elle en tient compte et fera connaître sa décision dans les toutes prochaines semaines. Vous n'aurez donc plus longtemps à attendre, monsieur le député, pour être complètement informé.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

DÉCLARATIONS DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

M. le président.

La parole est à M. François Léotard.

M. François Léotard.

Ma question s'adressera au membre du Gouvernement qui voudra bien répondre au lieu et place de M. le Premier ministre.

La semaine dernière, j'ai posé au nom du groupe UDF une question sur les réactions du gouvernement français à la proposition de M. Fischer, devenue depuis, du fait de l'approbation du chancelier, celle du gouvernement allemand. Pour nos amis allemands, il ne s'agissait, ni plus ni moins, que d'un plan proposé à la France, d'un projet progressif, cohérent, sur lequel on attendait du gouvernement français un jugement explicite, positif ou négatif, conforme à la qualité des relations entre nos deux pays que le général de Gaulle avait voulues. Nous pouvons d'ailleurs penser les uns et les autres à ce qu'était, il y a fort longtemps, en 1962, le plan Fouchet.

Par la voix de l'un de ses ministres les plus importants, aujourd'hui absent, nous avons reçu du gouvernement français une réponse qui sonne comme une insulte à l'Allemagne démocratique d'aujourd'hui. Il ne suffit pas de dire que le nazisme n'était au fond qu'un « déraillement » dans l'histoire allemande. La composition avec un accident ferroviaire n'est qu'une blessure supplémentaire, ajoutée à toutes celles qu'ont connues les victimes du nazisme. Faut-il rappeler dans cet hémicycle que les premières de ces victimes ont été les résistants allemands ? Il ne suffit pas de dire que les propos tenus ont été une maladresse. Il y a, dans l'histoire des nations, des maladresses, appelées aujourd'hui des « contractions », qui sont des fautes contre les peuples.


page précédente page 04522page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

Le Président de la République française a, quant à lui, eu, sur la responsabilité de la France dans la tragédie qui a accompagné et l'Occupation et la collaboration, des mots courageux qui ont honoré notre pays. Il n'est pas admissible aujourd'hui - pour tout dire, il est fort dangereux - que la construction européenne soit assimilée par un ministre français, aux yeux de l'opinion allemande, à une résurgence du nazisme.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Joseph Parrenin.

C'est une libre interprétation !

M. François Léotard.

La question qui est posée au gouvernement de la République française est bien celle-ci, celle de la cohérence de sa politique, celle de la fiabilité de son engagement européen, celle de la crédibilité de ceux qui s'expriment en son nom : oui ou non, le Gouvernement approuve-t-il les propos du ministre de l'intérieur ? Si la réponse est oui, la présidence française de l'Union européenne restera lourdement handicapée dans l'esprit des opinions publiques de part et d'autre du Rhin. Si la réponse est non, il paraîtrait convenable que M. Chevènement mette, de lui-même, un terme à la lourde fonction qu'au nom du Gouvernement il exerce.

S'il ne le faisait pas, il appartiendrait au Premier ministre de s'adresser au peuple allemand dans des termes qui ne devraient exclure ni la clarté de l'excuse ni la sincérité de l'amitié.

(Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le ministre, s'agissant de ce qu'a dit M. le ministre de l'intérieur, M. le ministre des relations avec le Parlement a, je crois, fait la mise au point qui s'imposait.

(« Non ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mais je voudrais vous répondre sur le fond, puisque votre interrogation porte en fait sur la position de la France par rapport à l'Allemagne et à la construction européenne. Il y a quelques jours, nous avons célébré le cinquantenaire de la grande déclaration de Robert Schuman qui a marqué le début de la construction européenne et de l'aventure commune qu'ont décidé de vivre ensemble l'Allemagne et la France. S'il est un point sur lequel, depuis des décennies, tous les présidents de la République, tous les premiers ministres et tous les chanceliers d'Allemagne, quels que soient les péripéties et les événements, ont été d'accord, c'est sur le fait que la construction européenne soit l'une des clés de la politique de la France et repose avant tout sur l'amitié profonde entre l'Allemagne et la France.

M. Alain Barrau.

Très bien ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ce gouvernement, monsieur le ministre, est un gouvernement européen.

M. François d'Aubert.

Sauf un de ses membres ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Fischer, récemment, a développé un certain nombre de propositions que vous avez sans doute lues et qui méritent de l'être. On peut être en accord ou en désaccord sur tel ou tel point, mais personne...

M. Maurice Leroy.

Sauf Chevènement ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... ne peut mettre en cause l'élévation de pensée de M. Fischer, ni le fait que les questions qu'il pose nous sont posées à tous pour les années qui viennent.

Mme Sylvia Bassot.

Même à Chevènement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Fischer prend le soin de distinguer d'abord...

M. Jean Bardet.

La question, c'est Chevènement, pas Fischer ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... la tâche immédiate, à laquelle s'attachent aussi bien le Chancelier Schrder que le Président Chirac et le Premier ministre Jospin, qui est de faire réussir la conférence intergouvernementale.

M. Georges Tron.

Ce n'est pas la question !

Mme Yvette Roudy.

Mais c'est la réponse ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ensuite, il évoque de grandes perspectives pour le futur et il propose, pour le moyen terme, un certain nombre d'orientations sur lesquelles les options sont ouvertes. Je tiens à vous dire que, pour ce qui dépend du Gouvernement, c'est cette approche européenne, fondée sur l'amitié franco-allemande, qui continuera à être notre déterminant.

M. Jean Bardet.

Sauf pour Chevènement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Et puisque vous avez posé, avec une élévation de pensée que je veux saluer, la question des relations franco-allemandes, je voudrais vous répondre, faisant allusion à toute cette polémique, par une phrase de Goethe :

« La négation, c'est le néant. Il ne faut pas renverser, il faut bâtir. »

M. Pierre Lellouche.

Expliquez-le à Chevènement ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

L'objectif de ce gouvernement c'est de bâtir, et en particulier de bâtir sur l'amitié entre l'Allemagne et la France.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

SOLIDARITÉ GOUVERNEMENTALE

M. le président.

La parole est à M. Alain Ferry, pour une brève question.

M. Alain Ferry.

Madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, n'ayant pas entendu de réponse satisfaisante à la question de mon collègue du RPR, permettez-moi de rebondir sur vos déclarations de dimanche dernier devant vos militants et d'ajouter à une compilation que vous semblez négliger.

Je cite : « Trois ans après l'arrivée de ce gouvernement, nous sommes loin de la mise en oeuvre collective d'une stratégie collective. Les choix principaux se font dans des réunions de ministres, où les socialistes sont très majoritaires, et les mardis matins lors des petits déjeuners avec les éléphants du PS. »

(« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)


page précédente page 04523page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

Vous avez en outre indiqué, je vous cite à nouveau, que « les choses se passent mal avec le ministère des transports » et qu'avec votre collègue de l'agriculture, M. Glavany, « il n'y a pas un seul dossier où ça aille bien ».

(« Oh ! » sur les mêmes bancs.)

Le moins que l'on puisse dire est que vous êtes visiblement désabusée quant à l'intérêt de votre place au sein de ce gouvernement.

M. François Goulard.

Mme Voynet voudrait-elle remplacer Chevènement ?

M. Alain Ferry.

D'où cette double question : Premièrement, pouvez-vous, madame la ministre, nous confirmer ces propos ? Deuxièmement, puisque vous condamnez clairement la méthode Jospin, comptez-vous en tirer les conséquences personnelles qui s'imposent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, je vous laisse l'exégèse des rumeurs, des ragots et des bons mots ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Chut ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Quand j'aurai un commentaire à exprimer sur la méthode de gouvernement et sur le travail du Gouvernement, j'aurai soin de le faire publiquement et de façon argumentée, devant ceux auxquels ce bilan pourrait et devrait s'adresser, c'est-à-dire devant mes partenaires de la majorité plurielle.

En tout cas, je dois le rappeler, la participation des Verts au Gouvernement est fondée sur la volonté de mettre en oeuvre un projet défendu par les différentes composantes de cette majorité devant les Français pendant la campagne des élections législatives de 1997.

(Exclamations sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

La solidarité gouvernementale s'évalue dans la capacité de chacun des membres de ce gouvernement à porter collectivement les réformes, à assumer les décisions qu'imposent l'état de la France et les attentes des Français. Pas dans le déni de l'identité de ses membres. Pas dans le gommage des engagements militants de chacun. Pas dans le muselage de la parole des ministres.

(Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste. - « Hou ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous passons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

AÉROPORT DE ROISSY

M. le président.

La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre.

Ma question devait s'adresser à M. le ministre des transports. Dans une de ces envolées oratoires dont il a le secret, il nous a indiqué en séance publique, le 12 mai 1999, qu'il avait fixé les limites de trafic acceptables à 55 millions de passagers pour Roissy et que nous les atteindrions d'ici à dix ou quinze ans.

« La création, disait-il, d'un troisième aéroport en région parisienne semble indispensable. » Et péremptoire, il ajou-

tait : « Il faut prendre une décision dans l'année qui vient, car il faut dix ans pour construire un aéroport international. »

Nous ne pouvions que souscrire à cette présentation des faits. Or, aujourd'hui, M. le président d'ADP vient de nous indiquer que la limite n'était pas 55 millions de passagers, mais plutôt 63 millions ; nous sommes en train de construire, vous le savez tous, une quatrième piste à Roissy, et on peut dire que, deux ans ou trois ans après sa construction, l'aéroport de Roissy sera saturé.

Autrement dit, si aucune décision n'est prise sur le troisième aéroport, nous nous orientons vers un aéroport monstrueux, comme il en existe trois aux Etats-Unis, de 100 millions de passagers par an. Ce serait inacceptable pour l'environnement et pour les riverains. Déjà, un collectif santé dénonce régulièrement les conséquences des vols, notamment nocturnes, sur Roissy.

La décision, monsieur Fabius, nous l'attendons depuis un an. Il est vrai qu'il faut un peu de courage politique pour arbitrer entre M. Gayssot, qui gère raisonnablement ce dossier, et Mme la ministre de l'environnement et les Verts, qui ont pris position contre la création d'un troisième aéroport dans le Grand Bassin parisien.

Ma première question est simple : quand le Gouvernement va-t-il prendre cette décision importante pour de très nombreux habitants de la région parisienne, ceux qui vivent dans le secteur de Roissy et subissent déjà des nuisances sonores insupportables ? Tout à l'heure, monsieur le Premier ministre, vous avez cité Goethe. Je citerai Mendès France : « Gouverner, c'est choisir. » Il faudra

bien choisir.

Ma seconde question concerne les vols de nuit. Roissy est pratiquement le seul aéroport international à les accepter, ils représentent 6 % de son chiffre d'affaires et le collectif santé dénonce continuellement leurs méfaits sur la santé des riverains. Ne pensez-vous pas qu'il est urgent d'instituer ce qu'on appelle un couvre-feu, comme il en existe sur tous les aéroports internationaux, qui permettra aux riverains de Roissy de vivre un peu plus décemment ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l 'aménagement du territoire et de l'environnement.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mes chers collègues, vous ne pouvez pas à la fois mettre en cause un ministre et vous plaindre quand il intervient !

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. le président.

Madame la ministre, vous avez la parole.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je vous remercie chaleureusement, monsieur le député, de me donner l'occasion


page précédente page 04524page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

de montrer que, contrairement à certaines rumeurs, le ministre des transports et moi-même travaillons dans un excellent climat (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ...

M. Bernard Accoyer.

Vous le dites quand il n'est pas là ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... sur des dossiers pourtant lourds et conflictuels.

Vous l'avez souligné, le transport aérien s'est beaucoup démocratisé. Il connaît depuis quelques années une croissance importante en France comme au plan international.

Comme vous le savez, en septembre 1997, le Gouvernement a assorti la décision de construire deux nouvelles pistes sur l'aéroport Charles-de-Gaulle d'engagements sans précédent sur la maîtrise du développement de la plateforme et sur le contrôle et la limitation des nuisances sonores.

Jean-Claude Gayssot a pris un certain nombre d'engagements auprès des élus et des associations représentatives des riverains.

Le dispositif envisagé a été soumis, à mon initiative, au Conseil national du bruit, dont l'avis a permis de compléter et, sur certains points, de renforcer le dispositif initialement envisagé. La limite de capacité de la plateforme a ainsi été fixée à 55 millions de passagers par an.

Rien ne vous autorise aujourd'hui à remettre en cause l'engagement du Gouvernement sur ce point.

M. Maurice Leroy.

Vous n'avez pas écouté la question ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Quant au volume de bruit généré, de jour comme de nuit, il ne devrait pas augmenter avec la mise en service des deux nouvelles pistes.

Une charte de l'environnement a été signée avec les représentants du transport aérien pour maîtriser les nuisances. Un bilan de l'application de cette charte sera réalisé avant l'été.

Je cite pour mémoire la loi du 12 juillet 1999, qui a créé l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires. L'ACNUSA est maintenant opérationnelle.

C'était une revendication forte des riverains. Cette autorité indépendante peut être saisie par les élus comme par les riverains. Elle peut émettre des recommandations, mais aussi prononcer des sanctions à l'égard des compagnies qui ne respecteraient pas leurs engagements.

L'augmentation du trafic implique de mener les réflexions nécessaires pour y faire face, tant pour les voyageurs que pour le fret, qui est en pleine expansion, avec, vous avez raison de le souligner, une accentuation des nuisances, notamment en ce qui concerne le bruit nocturne.

La perspective de réalisation d'un troisième grand aéroport, actuellement analysée dans le cadre de l'élaboration des schémas de services collectifs prévus par la loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire, s'appuiera sur trois études commandées par Jean-Claude Gayssot pour éclairer les décisions à prendre sur ce sujet. Elles portent sur les potentialités des aéroports régionaux, sur le développement de l'intermodalité TGV-avion et sur la stratégie des compagnies aériennes sur le continent européen.

Voilà, monsieur le député, l'état des lieux dans cette affaire. Il convient de se garder de toute démagogie et de ne pas faire d'annonces apocalyptiques qui inquiéteraient les riverains. Je le redis ici à leur intention : nous entendons respecter les engagements pris il y a dix-huit mois.

(Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons au groupe communiste.

EMPLOI PRÉCAIRE

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, chez Valeo, Dunlop, Goodyear, Procter et Gamble, Magnetti, Marelli, Whirlpool et tant d'autres, grands groupes dont on connaît la situation financière florissante, des milliers de jeunes sont employés sur des postes permanents avec des contrats d'une semaine. Certains travaillent sur le même poste depuis un an, deux ans, voire six ans...

Par ailleurs, alors que les CDD ont tendance à régresser, l'intérim explose. Aujourd'hui, les chiffres officiels annoncent, dans le secteur marchand, plus de deux millions de contrats atypiques. En outre, dans les services et le secteur publics, on compte des centaines de milliers de vacataires, de CES, de CEC, d'emplois non statutaires.

Comme le Gouvernement s'y est engagé, il est grand temps de prendre des mesures urgentes et efficaces pour s'attaquer à cette précarité, source de bas salaires, de c onditions de travail déplorables et d'impossibilité, notamment pour les jeunes et les femmes, d'envisager l'avenir avec sérénité.

C'est pourquoi, madame la ministre, dans le cadre du projet de loi sur la modernisation sociale, nous allons présenter plusieurs propositions.

Il est juste que les intérimaires et les salariés en contrat à durée déterminée, travaillant depuis plus d'un an, soient embauchés définitivement.

En cas d'embauches sous contrat à durée indéterminée, les salariés sous CDD ou les intérimaires doivent bénéficier d'une priorité d'embauche.

Il serait judicieux d'inscrire dans la loi la jurisprudence du 1er mars 2000, aux termes de laquelle le licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors qu'avant et après le licenciement, l'employeur a recouru de façon systématique à des travailleurs intérimaires pour un nombre d'heures correspondant à l'emploi de plusieurs salariés.

Enfin, ainsi que le Gouvernement s'y emploie, il est important d'instaurer une taxation forte et progressive pour dissuader réellement du recours abusif au travail temporaire.

Madame la ministre, je souhaite connaître l'état de vos réflexions sur ce grand problème et les moyens que vous entendez mettre en oeuvre pour résorber progressivement le travail précaire, à la fois dans le secteur privé et dans le secteur public. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, nous l'avons déjà dit les uns et les autres à plusieurs reprises, si les contrats temporaires, CDD ou missions d'intérim, ont un sens pour remplir des missions de courte durée, assurer le remplacement de salariés absents ou faire face à un surcroît occasionnel d'activité, il n'est pas acceptable que les entreprises les utilisent de manière permanente sur des emplois permanents.


page précédente page 04525page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

De la même manière, s'il apparaissait normal, lorsque la croissance redémarrait, que certains chefs d'entreprise, n'étant pas sûrs qu'elle se poursuive, recrutent au moyen de contrats temporaires, maintenant que la croissance est installée depuis trois ans dans notre pays, il faut qu'ils les transforment en contrats à durée indéterminée.

Certes, on observe des progrès. Nous avons pu établir que les offres d'emplois comptaient 25 % de contrats à durée indéterminée de plus au premier trimestre 2000 qu'au premier trimestre 1999. Mais il reste beaucoup d'abus.

J'espère comme vous que la loi de modernisation sociale permettra d'aller de l'avant, puisqu'elle nous donnera les moyens, d'abord, de mieux contrôler le recours au travail précaire, en modifiant diverses dispositions et en sanctionnant certains comportements ; ensuite, de renforcer les droits des travailleurs précaires. Nous examinerons vos propositions à ce double titre.

Je souhaite aussi, et je le redis devant l'Assemblée nationale, que les négociations qui doivent avoir lieu demain à l'UNEDIC permettent d'améliorer l'indemnisation des chômeurs ayant occupé des emplois précaires.

Sur l'ensemble de ces dossiers, nous devons avancer dans les semaines qui viennent.

Enfin, s'agissant de la fonction publique, la résorption de l'emploi précaire a été un de mes objectifs dans les trois budgets précédents. Sur les 2 200 salariés de mon ministère occupant des emplois précaires, 1 600 sont d'ores et déjà titularisés et les 600 derniers le seront d'ici à la fin de l'année prochaine. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

RISQUES SANITAIRES LIÉS À L'INSTALLATION D'ANTENNES-RELAIS DE TÉLÉPHONE

M. le président.

La parole est à M. Jean Pontier.

M. Jean Pontier.

Madame la secrétaire d'Etat à la santé, je souhaite appeler votre attention sur les dangers que peut présenter, notamment sur le plan neurologique, l'usage du téléphone mobile qui, en zone de montagne, en Ardèche par exemple, a besoin d'un grand nombre de relais émettant des ondes ultracourtes de forte puissance.

M. Bernard Accoyer.

Le téléphone et les relais, cela n'a rien à voir !

M. Jean Pontier.

L'installation de tels émetteurs à proximité de lieux d'habitation ne fait pas encore l'objet, dans notre pays, d'une demande d'autorisation préalable soumise à une obligation de publicité. D'autres pays, en revanche, l'Angleterre, l'Australie et les Etats-Unis notamment, ont imposé une distance de sécurité de 300 à 500 mètres entre l'émetteur et toute maison habitée.

Autre exemple, des arrêts rendus par les juridictions civiles belges ont contraint des opérateurs à démonter un émetteur jugé dangereux pour le réinstaller à une plus grande distance de l'habitation considérée.

Quelle position juridique le Gouvernement compte-t-il adopter ? Il ne s'agit pas, bien évidemment, de remettre en cause l'ensemble du fulgurant équipement de téléphone mobile, mais simplement d'éviter que des émett eurs aux ondes vraisemblablement nocives, comme l'affirment des scientifiques internationaux de renom, soient installés à trop grande proximité des habitations.

Cela vaut d'ailleurs non seulement pour la France rurale, mais aussi pour les grandes villes. (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Monsieur le député, le Gouvernement va prochainement définir les valeurs limites d'exposition au rayonnement des antennes-relais de téléphone, et ces valeurs seront fondées sur les recommandations internationales.

Depuis les années 60, vous le savez, les effets sur la santé des champs électromagnétiques ont fait l'objet d'un certain nombre d'études. A l'exception d'effets clairement individualisés lors d'expositions aiguës à des installations de forte puissance, ces études n'ont permis d'établir aucun effet sanitaire avéré. Cependant, on ne peut affirmer de façon certaine l'inexistence, à long terme, d'un risque potentiel. Les recherches doivent donc être poursuivies.

A cet effet, la France, s'associant aux efforts menés au niveau international, participe à l'étude épidémiologique engagée dans treize pays par l'OMS et le Centre international de recherche contre le cancer. L'an dernier, le G ouvernement a lancé le programme français de recherche COMOBIO, qui associe treize équipes de recherche et vise à compléter les connaissances sur les effets biologiques et sanitaires de l'utilisation des téléphones mobiles. La commission de sécurité des consommateurs s'attache également à étudier cette question. Pour ma part, en complément de ces recherches, j'ai chargé un groupe d'experts d'évaluer les risques éventuels en fonction des recherches engagées et de l'évolution de leurs résultats.

Pour l'instant, la France retient comme base de sa réglementation la recommandation européenne publiée le 12 juillet dernier et s'appuie sur l'état actuel des connaissances. Nous avons demandé au Centre scientifique des techniques du bâtiment de traduire les valeurs limites d'exposition retenues dans cette recommandation en prescriptions techniques pour l'implantation des antennesrelais, comportant des périmètres de sécurité en fonction des types d'antenne et des réseaux. Ce travail sera achevé le mois prochain. Le Gouvernement lui donnera alors les suites réglementaires appropriées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

INSPECTION DU TRAVAIL

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, avec l'ensemble des parlementaires de la majorité plurielle, les Verts sont favorables à la réduction du temps de travail, à la fois comme moyen privilégié de réduire le chômage et comme projet d'une société plus solidaire. Encore faudrait-il que l'inspection du travail ait les moyens de vérifier la mise en oeuvre concrète de la loi sur les 35 heures sur le terrain. Les inspecteurs et les contrôleurs du travail considèrent, en effet, qu'ils ne sont pas assez nombreux, et je partage leur souci.

Par ailleurs, vous avez annoncé, aujourd'hui, un projet de réforme du statut de l'inspection du travail, qui permettrait, certes, aux directeurs départementaux du travail


page précédente page 04526page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

de bénéficier d'une rémunération supérieure, mais qui présenterait l'inconvénient de dissoudre un peu l'indépendance fonctionnelle de l'inspection du travail. Autrement dit, les directeurs départementaux de l'emploi quitteraient les garanties générales du statut de la fonction publique pour se rapprocher d'un statut comparable à celui des préfets, nommés à la discrétion du Gouvernement. Or cela remettrait notamment en cause certaines conventions de l'OIT. En outre, la quasi-totalité des syndicats de votre ministère est opposée à cette réforme, madame la ministre.

Dans ces conditions, comment comptez-vous garantir l'indépendance fonctionnelle de l'inspection du travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, voilà maintenant vingtcinq ans que je suis dans ce ministère.

M. Eric Doligé.

Cela fait longtemps !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Eh oui ! Cela donne d'ailleurs des résultats. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Monsieur Cochet, n'ayez aucune crainte : je connais très bien la convention no 81 du BIT, que j'ai toujours défendue et que je continuerai à défendre. Depuis mon arrivée au ministère, 620 emplois relevant de l'administration du travail ont été créées dont 45 emplois d'inspecteur du travail et 230 de contrôleur du travail. Cela ne s'était jamais produit.

Aujourd'hui, nous envisageons effectivement d'adopter de nouvelles règles statutaires pour le corps de l'inspection du travail, dont le premier objet est de donner aux inspecteurs du travail un statut qui corresponde à leurs responsabilités. Ces hommes et ces femmes accomplissent, en effet, un travail difficile, qui nécessite des compétences juridiques, techniques, économiques, un sens de la négociation et de l'observation mais qui implique aussi de savoir prendre des sanctions.

Je tiens d'ailleurs à souligner que, depuis mon arrivée, les contrôles ont augmenté de 20 %, les procès verbaux de 55 %, soit 30 000 l'année dernière, les arrêts de chantier de 40 %, soit 2 500. Voilà comment l'inspection du travail fonctionne en toute indépendance ! Vous m'interrogez sur le nouveau statut des directeurs départementaux du travail. Il s'agit simplement de permettre à ces fonctionnaires de travailler au sein de l'administration centrale ou dans les services déconcentrés, comme c'est prévu dans tous les autres ministères. Cette possibilité existe aussi pour les directeurs régionaux du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.

Certaines organisations syndicales s'y étaient déjà opposées, à l'époque. Mais le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 9 octobre 1996, a considéré que l'instauration de ce statut ne violait en aucun cas la convention de l'OIT.

J'ajoute que j'ai mis beaucoup de transparence dans cette réforme puisque les CAP, où sont représentées les organisations syndicales, auront leur avis à donner. Ces directeurs seront nommés pour cinq ans. Ils auront donc le temps de travailler en toute indépendance. Et ces nominations ne se feront qu'après avoir été arrêtées en comité des directeurs. En outre, à la demande des organisations syndicales, j'ai mis en place un comité d'experts comprenant des représentants du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation et de l'IGAS, qui pourrait être saisi si, un jour, l'indépendance des nominations était contestée.

Vous le voyez, monsieur le député, nous sommes allés bien au-delà de ce que vous espériez (Sourires sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert) pour garantir cette convention de l'OIT que je défends depuis vingt-cinq ans et que je continuerai à défendre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Yves Cochet.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2

GENS DU VOYAGE Discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 9 mai 2000.

« Monsieur le président,

« J'ai « été informé que la commission mixte paritaire n'a pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.

« J'ai l'honneur de vous faire connaître que le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture du texte.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de ce projet de loi (nos 2274, 2398).

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au logement.

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, après deux lectures par les deux assemblées et la réunion d'une commission mixte paritaire qui n'a pu déboucher sur un texte commun, les enjeux, les analyses et les positions des différents acteurs du travail parlementaire se sont clarifiés.

Au sein des deux assemblées, les débats ont été riches, d'un grand intérêt, parfois vifs. De nombreux amendements ont été déposés, correspondant largement à un


page précédente page 04527page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

travail de préparation en commission. Le Gouvernement a pu préciser, voire infléchir ses positions, lorsque vos arguments l'ont convaincu que l'amélioration du texte était utile.

Les débats qui ont eu lieu dans le cadre de la commission mixte paritaire qui a réuni des représentants des deux assemblées ont, à mon sens, utilement permis de faire le point sur l'état actuel des débats, même si un accord n'a pu se dégager sur un texte commun.

Il me semble que le constat qui fonde la décision du Gouvernement de présenter un nouveau texte législatif est largement partagé. Dix ans après l'article 28 de la loi du 31 mai 1990, la question de l'accueil des gens du voyage itinérants est source de nombreuses difficultés, parfois de vives tensions. L'objectif d'une cohabitation harmonieuse des différentes catégories de la population n'est pas atteint.

La logique générale de l'article 28 n'est pas à mettre en cause. Il faut répondre aux besoins en développant les aires d'accueil, tout en donnant des moyens juridiques renforcés aux communes qui ont fait des aires pour qu'elles puissent lutter contre les stationnements illicites.

Cette logique générale est fondée sur une double idée : le mode de vie itinérant doit pouvoir s'exercer, car c'est un droit essentiel lié au choix d'un mode de vie. Il n'est donc pas question pour le Gouvernement, comme pour la très grande majorité des parlementaires, me semble-t-il, d'envisager une sédentarisation « forcée » des gens du voyage,...

M. Patrice Martin-Lalande.

Tout à fait !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

... mais ce mode de vie doit s'exercer en respectant certaines règles, car à tout droit correspondent des devoirs.

M. Patrice Martin-Lalande.

Comme c'est bien dit !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

En revanche, le fait que le bilan de l'article 28 soit insatisfaisant, s'il ne tient pas à sa logique générale, tient essentiellement à sa mise en oeuvre trop limitée et surtout trop inégale. Des aires d'accueil ont été aménagées et des schémas départementaux ont été adoptés, mais en nombre insuffisant. Il faut, pour répondre aux besoins, multiplier le nombre de places par 6 pour arriver aux 30 000 places nécessaires.

Ce résultat trop limité tient à plusieurs causes, dont l'analyse permet de comprendre les objectifs et le contenu du projet qui vous est soumis.

Si les trois quarts des communes de plus de 5 000 habitants n'ont pas aménagé d'aires - malgré l'obligation légale depuis 1990 -, c'est pour une part parce que le financement de l'Etat était insuffisant pour l'investissement et inexistant pour la gestion.

C'est aussi parce que l'analyse préalable et partagée des besoins et la concertation de tous les acteurs n'ont pas toujours été bien menées.

C'est également parce que les communes ayant fait une aire rencontrent des difficultés pour lutter contre les stationnements illicites.

C'est enfin surtout, et nous le savons tous, parce que la loi de 1990 ne prévoyait aucun délai pour sa mise en oeuvre, et que les obligations de la loi n'étaient assujetties d'aucune sanction, lorsqu'il n'y était pas satisfait. Ne pas respecter la loi n'avait pas de conséquence pratique, si ce n'est une éventuelle montée des difficultés liées aux stationnements illicites et, hélas ! trop souvent sur le territoire d'autres communes.

Permettez-moi d'insister sur une conséquence de cette non-mise en oeuvre de la loi par les trois quarts des c ommunes concernées. Ce sont, en effet, certaines communes, qui, parce qu'elles s'étaient dotées d'une aire, ont paradoxalement rencontré plus de difficultés car les gens du voyage en trop grand nombre y venaient stationner. Cela est inadmissible : d'une certaine façon, des communes ne respectant pas la loi non seulement se sont, de fait, défaussées sur d'autres qui respectaient la loi, mais elles ont de plus contribué à faire percevoir l'accueil des gens du voyage comme une question sans solution ! Le projet de loi présenté par le Gouvernement, amélioré par le débat parlementaire et particulièrement par votre assemblée, en première et deuxième lectures, permet de prévenir la répétition de ces difficultés : Par l'affirmation de la nécessité d'une élaboration concertée de réponses aux besoins, dans un cadre départemental.

Par le soutien aux solutions intercommunales, même s'il est important pour le Gouvernement de créer une obligation spécifique pour les communes de plus de 5 000 habitants. C'est en effet une garantie que des réponses seront apportées, si une solution intercommunale n'est pas trouvée.

Par le doublement de l'aide de l'Etat à l'investissement - passant de 35 % à 70 % - et la création d'une aide à la gestion. Ceci se traduira par un effort financier très significatif pour l'Etat.

Enfin par un net renforcement des moyens juridiques pour faire face aux stationnements illicites, tout en respectant les principes de bases de protection des libertés, lorsqu'une commune a créé une aire de stationnement.

Il reste cependant que, sur certains points décisifs, le texte adopté par le Sénat en deuxième lecture, et que vous allez examiner, n'a pas repris des dispositions qui sont, aux yeux du Gouvernement, essentielles car elles visent à faire face aux faiblesses les plus graves du dispositif de 1990.

L'action de toutes les parties concernées doit se dérouler dans des délais prévus et communs à tous, tant pour l'adoption des schémas départementaux - dix-huit mois que pour l'aménagement des aires - deux ans après l'adoption du schéma. Ces délais fixent un cadre dans lequel les acteurs, plus particulièrement les communes, ont à agir.

La réflexion partagée, l'action concertée, la négociation, sont préférables à toute méthode autoritaire : nous en sommes tous convaincus. Mais, et ce point décisif a été au coeur de la discussion de la CMP, si au terme des délais, le schéma n'a pas été adopté par le président du conseil général et par le préfet, ou si telle ou telle commune n'a pas aménagé l'aire prévue au schéma, le préfet doit pouvoir adopter seul le schéma ou obliger la commune à remplir ses obligations en se substituant à elle.

Mon souhait est que cela ne se produise pas : mais, pour éviter que les problèmes ne soient pas traités, et donc que les difficultés continuent, et pour éviter que quelques communes ne se défaussent sur d'autres, l'Etat, garant du respect de la loi, doit être en capacité d'intervenir le cas échéant.

Sur un autre point, moins central pour l'équilibre global du dispositif prévu mais cependant important, le Sénat n'a pas jugé bon de reprendre une mesure que votre assemblée avait votée avec l'accord du Gouvernement : une bonification de DGF est prévue pour toute commune ayant fait une aire - cela fait accord -, mais


page précédente page 04528page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

cette bonification sera accrue pour les communes qui connaissent des difficultés sociales et financières marquées. Ce dernier point n'a pas été repris par le Sénat, alors que la solution me semble équitable et positive.

Sur ces trois grands sujets, je compte sur vos débats pour aboutir à des solutions efficaces, c'est-à-dire permettant de faire face aux difficultés qui pourraient se présenter si certains faisaient preuve de mauvaise volonté.

Je ne doute pas de la volonté de l'Assemblée nationale de suivre le Gouvernement dans cette voie, la seule à même de permettre la création dans un délai rapide d'un réseau d'aires correspondant aux besoins, et la seule solution susceptible de répondre, dans un délai raisonnable, aux difficultés que nous connaissons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la rapporteuse de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s'est réunie au Sénat le mardi 9 mai dernier n'est pas parvenue à élaborer un texte commun sur les dispositions du projet de loi relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage. Nous abordions pourtant cette commission mixte avec la volonté d'aboutir. En effet, convaincus de l'impérieuse nécessité de répondre à la demande pressante, tant des élus locaux que des gens du voyage, nous souhaitions ardemment arriver à un accord. Malheureusement, faute d'une réelle volonté du Sénat, il n'a pas été possible d'obtenir le consensus souhaité. Aussi l'Assemblée est-elle saisie, en nouvelle lecture, du texte adopté par le Sénat au cours de sa séance du 23 mars dernier.

La majorité sénatoriale, tout en déclarant qu'elle souscrivait à l'objectif du projet de loi visant à sortir rapidement de la pénurie actuelle en matière d'aires d'accueil, a refusé que le représentant de l'Etat dans le département puisse disposer d'un pouvoir de substitution, tant en matière d'approbation du schéma départemental qu'en m atière de réalisation des aires d'accueil par les communes figurant dans ce schéma.

Le rapporteur pour le Sénat a indiqué qu'il était préférable, sur ce point, de s'en tenir à une logique contractuelle et incitative entre l'Etat et les collectivités locales, sans prévoir de moyens de contraintes vis-à-vis de celles qui refuseraient d'appliquer les dispositions de la loi.

Cette position de principe, défendue au nom d'une certaine conception de la décentralisation dont la seconde chambre s'est faite le dépositaire, méconnaît tant la lettre que l'esprit des dispositions de l'article 72 de notre Constitution. En effet, aux termes de cet article, la libre administration des collectivités locales s'effectue « dans les conditions prévues par la loi », et le représentant de l'Etat

« la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». Ces exigences, maintes fois rappelées par le Conseil constitutionnel, sont au coeur du dispositif proposé destiné à garantir l'égale application de la loi sur l'ensemble du territoire national, alors même qu'elle fait aujourd'hui cruellement défaut.

La position de la majorité sénatoriale est, par ailleurs, pour le moins paradoxale : elle admet, en effet, que compte tenu des avancées opérées par le projet de loi, notamment en matière d'aide à l'investissement et au fonctionnement des aires d'accueil, ainsi qu'en matière d'expulsion, la grande majorité des communes concernées devrait appliquer volontairement le nouveau dispositif. Le rapporteur du Sénat estime que ce projet de loi est suffisamment incitatif pour que les communes réalisent de leur propre chef les aires souhaitées. Dans ce cas, il n'y a donc pas lieu de redouter le pouvoir de substitution du préfet.

M. Patrice Martin-Lalande.

Cela ne sert à rien de le supprimer !

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Pour autant, il serait préjudiciable de le supprimer, car nous nous priverions ainsi des moyens de surmonter d'éventuels blocages locaux, toujours possibles dans un domaine aussi sensible.

La nécessité d'une telle prérogative du préfet est d'autant plus impérieuse que ce sont actuellement les maires qui ont appliqué les dispositions de la loi en vigueur qui souffrent le plus du problème de la surpopulation des aires compte tenu du refus des autres communes de réaliser les équipements nécessaires.

M. Patrice Martin-Lalande.

Tout à fait exact !

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Nous sommes tous convaincus ici de l'urgence qu'il y a à trouver enfin des réponses adaptées aux problèmes de stationnement des gens du voyage. Afin que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets, l'Etat doit pouvoir jouer son rôle de garant et disposer des moyens juridiques de le faire.

L'échec de la commission mixte paritaire sur ce sujet n'a pas permis d'aborder les autres points de divergence entre les deux assemblées. Ceux-ci portent essentiellement sur trois questions : l'institution d'un schéma national, le financement des aires d'accueil par l'Etat, ainsi que les procédures d'expulsion applicables en cas de stationnement irrégulier dans les communes ayant satisfait aux dispositions du schéma départemental.

La volonté du Sénat d'instituer un schéma national d'accueil des gens du voyage en matière de grands rassemblements traduit le souci manifesté par la seconde chambre de voir la responsabilité de l'Etat clairement affirmée en ce domaine. Ce souci n'est pas antinomique d'une logique décentralisée et il apparaît préférable, dans un but de simplicité, de faire du schéma départemental le texte de référence en matière d'accueil des gens du voyage, qu'il s'agisse des aires permanentes ou des terrains affectés aux rassemblements traditionnels temporaires. Le dispositif introduit par le Sénat en deuxième lecture afin de permettre la coordination entre le schéma national et les schémas départementaux est par ailleurs caractérisé par sa complexité. En effet, il implique une transcription des dispositions du schéma national dans les directives territoriales d'aménagement, qui sont des décrets en Conseil d'Etat pris pour une portion donnée du territoire. De plus, le schéma national serait élaboré après consultation du Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire. Nous voyons bien la lourdeur d'un tel dispositif.

En matière de financement, le Sénat a porté à quatre habitants par place de caravane la population prise en compte pour l'attribution de la dotation globale de fonctionnement aux communes. Cette disposition, faute d'un abondement supplémentaire de la DGF, aurait pour conséquence de modifier les modalités de répartition de ce concours financier dans des proportions dommageables et qui ne tiennent pas compte des différences de richesse entre les communes concernées par l'obligation de réaliser une ou plusieurs aires d'accueil.


page précédente page 04529page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

Enfin, en matière d'expulsion, le Sénat n'a pas souhaité suivre l'Assemblée nationale sur la voie de l'unification de la compétence contentieuse au profit du juge civil. Sans rétablir les dispositions qu'il avait précédemment adoptées, instituant des procédures d'expulsion administratives, le Sénat a estimé que l'actuelle répartition des compétences entre les ordres de juridication ne posait pas de difficulté dans la mesure où la compétence du juge administratif en matière d'occupation illicite du domaine public est communément admise. Cet argument ne tient pas compte de la complexité de la jurisprudence en matière de définition du domaine public, alors même que cette définition conditionne la compétence du juge.

En outre, le texte adopté par le Sénat donne compétence au juge administratif, pour statuer sur l'expulsion de gens du voyage occupant le domaine public dans son ensemble.

Le Sénat revient ainsi sur la répartition des compétences prévue, tant par l'article L. 116-1 du code de la voirie routière que par la jurisprudence du tribunal des conflits, qui a récemment confirmé la compétence du juge judiciaire pour l'ensemble des litiges relatifs à l'occupation illicite du domaine routier et de ses dépendances. Le statu quo défendu par le Sénat en matière de répartition des compétences impliquerait donc que le contentieux de l'expulsion des gens du voyage soit réparti entre trois juges différents, selon que l'on se trouve sur le domaine public routier, sur le domaine public nonroutier, ou sur un terrain n'appartenant à aucune de ces deux catégories.

En raison de ces divergences, et compte tenu du refus opposé par la majorité sénatoriale de donner au représentant de l'Etat la faculté de faire respecter les délais d'approbation des schémas départementaux et les délais de réalisation des aires d'accueil par les communes, je vous propose de revenir, pour l'essentiel, aux dispositions adoptées précédemment par l'Assemblée nationale. En effet, ce projet de loi répond à une véritable attente des acteurs concernés. Il repose sur un équilibre des droits et des devoirs de chacun. Il apporte des réponses efficaces et pragmatiques. La concertation, le partenariat et l'incitation sont au centre du dispositif voulu par l'Etat qui y prend largement sa part.

R épétons-le, aujourd'hui, seulement un quart des 1 800 communes de plus de 5 000 habitants ont une aire ! Il faut que, demain, chaque commune concernée s'implique également à la résolution de ce problème.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le texte qui nous revient en troisième lecture, après examen en commission des lois, comporte beaucoup d'éléments qui reprennent en compte les préoccupations admises par les uns et par les autres tant au Sénat qu'à l'Assemblée. Et il faut s'en réjouir. Nous n'insisterons donc pas sur les acquis positifs : ils sont indéniables. Ce dont il reste à discuter aujourd'hui est important, car, dans son état actuel, le projet de loi n'est pas satisfaisant. D'abord, il traduit un climat de méfiance vis-à-vis des maires et des élus ; ensuite, il manquera d'efficacité puisque, d'une part, il ne rééquilibre pas les moyens dont les maires ont besoin et, d'autre part, il se limite au stationnement alors que l'accueil des gens du voyage est une question beaucoup plus large.

La méfiance que traduit à nos yeux le texte vis-à-vis des maires et des élus nous apparaît sur plusieurs points, le premier étant la coordination de l'élaboration des schémas départementaux.

Le Gouvernement et sa majorité confient cette tâche au préfet de région, qui est chargé de « réunir » une commission dont les pouvoirs ne sont d'ailleurs pas définis dans le projet. Le préfet « réunit ». Point à la ligne ! Le Sénat et nombre de députés, j'en suis persuadé, préfèrent que la coordination soit confiée à la commission dont propose la création le Sénat, chargée d'assurer la coordination. Si l'on voulait une autre preuve de la volonté de partenariat et de concertation du Sénat, elle se trouve dans le fait que ce dernier a prévu que les commissions soient soit régionales, soit interdépartementales, ce qui est une formule plus souple et plus adaptable à la situation sur le territoire national, et que leurs propositions soient soumises pour avis aux commissions consultatives départementales. S'il n'en était pas ainsi, les schémas départementaux pourraient être remis en cause sans dialogue possible avec les instances consultatives.

Autre exemple de méfiance vis-à-vis des maires et des élus : dans l'article 2-I bis relatif au délai de réalisation d'une aire, le Sénat prévoit la possibilité, sur la demande de la commune concernée, de prolonger le délai initial de deux ans, après avis de la commission consultative. Or, le texte du Gouvernement et de sa majorité réserve, dans l'article 3, l'initiative au seul représentant de l'Etat et ne prévoit aucune consultation de la commission consultative - laquelle porte donc mal son nom, en l'occurrence dans le cas pourtant grave où une commune aurait rencontré des obstacles suffisament sérieux l'empêchant de mettre en oeuvre la réalisation du schéma.

Autre exemple de cette méfiance envers les élus : le préfet dispose du pouvoir de se substituer au président du conseil général pour approuver, seul, le schéma départemental au-delà d'un délai de dix-huit mois à compter du vote de la présente loi. Ce pouvoir de substitution nous semble non seulement choquant vis-à-vis des représentants de la population mais aussi très risqué.

Le principal risque est naturellement que les présidents de conseil général se sentent démobilisés, enfermés qu'ils sont dans des contraintes très lourdes. L'autre risque est de ne laisser aucune chance à la concertation locale si les décrets et autres textes d'application de la loi que nous allons voter aujourd'hui mettent plusieurs mois, voire éventuellement un an à sortir, compte tenu du délai prévu, à savoir dix-huit mois. Je vous rappelle que les dix-huit mois courent à partir du vote de la loi, et non à partir de la publication des textes d'application. Resterat-il seulement du temps pour mettre en oeuvre ce schéma ? Il en va de même s'agissant du pouvoir de substitution du préfet pour acquérir, aménager et gérer les aires d'accueil.

Il est regrettable, à nos yeux, que le projet, tel qu'il est présenté aujourd'hui, rejette, comme l'a voulu la majorité de l'Assemblée nationale, la possibilité d'une enquête publique préalable à l'implantation d'une aire, comme la loi l'exige pour un camping ou pour une installation sportive.

I l est regrettable aussi qu'une consultation de l'ensemble des communes du département ne puisse avoir lieu - puisque toutes, par définition, sont concernées par


page précédente page 04530page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

la réalisation de ce schéma - pour pouvoir utiliser le droit d'expulser lorsqu'il y a une occupation illégale et qu'un terrain d'accueil existe, par exemple sous forme d'intercommunalité. Il n'y a pas de raison que l'ensemble des communes ne puisse se prononcer.

Le projet nous semble aussi manquer d'efficacité car il ne rééquilibre pas les moyens dont les maires ont besoin.

Par exemple, sur le plan financier, il n'y a pas de financement des investissements, souvent lourds, nécessaires pour réparer les dégradations ou les vols sur les aires d'accueil. Si les dégradations étaient chose légère par rapport à l'investissement initial, ce serait peu de chose, mais nous savons par expérience, et avec regret, que, dans un certain nombre de cas qui reviennent trop souvent, ces dégradations ou ces vols d'objets mobiliers sont lourds et équivalent à un réinvestissement total, comme si on repartait de zéro. J'ai donné l'exemple en seconde lecture d e la commune de Selles-sur-Cher, qui compte 4 800 habitants : elle a eu 85 000 francs de dépenses depuis le début de l'année pour le réaménagement de l'aire d'accueil.

Autre exemple de manque d'efficacité sur le plan financier : l'aide à l'investissement initial est plafonnée sans tenir compte de la valeur vénale des terrains, ce qui se révèlera inadapté dans certains endroits. Pourquoi ne pas tenir compte de la réalité économique et financière ? Autre exemple de manque d'efficacité : majorer la population, pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement, d'un seul habitant par place de caravane revient, nous semble-t-il, à nier et la réalité et la vitalité démographiques et à sous-estimer ce que représente l'accueil quand une commune remplit convenablement ses obligations - prise en charge scolaire, aide sociale ou sanitaire - au lieu de se contenter d'installer une simple aire de stationnement.

Le point le plus grave est que les maires et la population de nos communes continueront de supporter le déséquilibre existant dans la procédure d'expulsion en cas de stationnement illégal. Les délais, les actes à accomplir, les possibilités d'obtenir la mise en oeuvre des décisions judiciaires restent, hélas, malgré quelques améliorations que je suis tout à fait prêt à reconnaître, insuffisantes et la situation reste moins favorable aux maires qu'à ceux qui ne respectent pas la loi.

Une autre raison pour laquelle le projet manquera d'efficacité est qu'il se limite au stationnement, alors qu'il devrait prendre en compte la question beaucoup plus large de l'accueil des gens du voyage. D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, lorsque, il y a deux ans, je demandais au Gouvernement quand serait déposé un texte sur ce sujet, vous m'avez répondu que vous souhaitiez prendre le temps nécessaire pour élaborer un projet de loi global qui prenne en compte tous les aspects de ce dossier, dont beaucoup sont délicats, à savoir ceux qui touchent aux plans social, humain et économique. Or, force est de constater que le présent projet de loi concerne uniquement le stationnement - qui est un point important mais pas les autres aspects. Il y a donc là un manque.

L'inexistence ou la grave insuffisance du contrôle des arrivées de gens du voyage originaires des pays de l'Est est inquiétante, comme l'a souligné, lors de la précédente lecture, notre collègue Robert Pandraud.

L'inégalité devant le fisc et la législation des activités économiques continuera d'alimenter la méfiance si rien n'est fait.

L'absence de mesures pour aider au maintien d'un système minimal d'organisation et de responsabilité au sein des groupes de gens du voyage est regrettable. Malgré les efforts des « pasteurs », il devient très difficile de négocier avec des groupes déstructurés à la suite de la disparition des patriarches. Il est dommage que le projet n'ait pas tenté de remédier à cette situation.

Tout en prenant acte des avancées qui ont pu être obtenues, le groupe RPR constate d'abord le refus quasi systématique, en commission et en séance, des amendements de l'opposition cherchant à rééquilibrer les droits et les devoirs de chacun - mon cher collègue Charles Cova l'avait déjà souligné en deuxième lecture - et ensuite l'absence de solutions à la fois réalistes et novatrices sur les aspects sociaux, scolaires, économiques et humains de la situation des gens du voyage. Nous sommes loin du texte d'ensemble promis par le Gouvernement il y a un ou deux ans.

C'est pourquoi nous ne pourrons voter ce texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement de la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Daniel Vachez.

M. Daniel Vachez.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, madame la rapporteuse, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour une nouvelle lecture du projet de loi relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, après la tentative infructueuse d'accord de l'Assemblée nationale et du Sénat sur un texte commun.

Nos débats auront au moins permis de nous entendre sur le constat d'une situation devenue aujourd'hui intenable et qui commande des mesures courageuses et volontaires.

En effet, nous sommes tous convaincus du caractère critique de la situation que nous connaissons dans l'ensemble du pays et de la nécessité d'agir vite pour trouver des solutions adaptées, efficaces et respectueuses des droits et des devoirs de chacun.

Lors des deux premières lectures, tous les intervenants ont exprimé leur inquiétude devant la multiplication des conflits entre sédentaires et itinérants, et les tensions et les incompréhensions qu'ils provoquent, lesquelles sont lourdes de menace pour la paix civile de nos communes.

On peut toutefois regretter que certains parlementaires aient profité des difficultés réelles qui existent sur le terrain pour tenir un discours démagogique, simpliste, reprenant à leur compte les préjugés les plus primaires et flirtant même, à certains moments, avec des idées bien éloignées de nos principes républicains.

M. Yves Bur.

C'est excessif !

M. Daniel Vachez.

Pour leur part, les députés socialistes ont toujours eu le souci de se tenir éloignés de deux attitudes apparemment opposées mais qui convergent dans l'inefficacité : l'angélisme et la diabolisation. L'angélisme tend à nier ou à réfuter les difficultés, tandis que la diabolisation, sous prétexte de dénoncer ces difficultés, ne fait que les conforter.

Comme tout groupe social, les itinérants renvoient à une réalité diverse et contrastée. Les caravanes des gens du voyage ne sont pas toutes, comme j'ai pu l'entendre à plusieurs reprises, tractées par de superbes Mercedes flambant neuves, même si certains peuvent apparemment se payer ce confort. Nombre d'entre eux sont particulièrement modestes et vivent dans des conditions difficiles.

Pour s'en convaincre, il suffit d'observer l'espérance de vie des nomades : elle est en moyenne inférieure de près de vingt ans à celle des sédentaires.


page précédente page 04531page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

Comme dans tout groupe social, quelques voyageurs enfreignent délibérément les lois et privilégient une logique d'affrontement. Pour ceux-là, bien sûr, nous ne devons avoir aucune complaisance. Mais il y a aussi une majorité d'itinérants qui n'aspirent qu'à vivre en paix et trouver simplement et sereinement leur place au sein de notre communauté nationale. Notre rôle d'élus n'est-il pas précisément d'aider, de conforter cette majorité qui aspire à assumer pleinement ses droits et ses devoirs de citoyen français ? Cela, d'ailleurs, ne nous donnera que plus de poids et de légitimité pour sanctionner, le cas échéant, ceux qui refusent les lois de la République, lesquelles doivent s'appliquer à tous.

Qui ne voit pas que la situation de non-respect du droit dans laquelle se sont maintenues de trop nombreuses collectivités locales, en ne se conformant pas à leurs obligations légales en matière d'accueil des gens du voyage, fournit une bien utile justification à ceux qui refusent de se plier aux règles de la société et voudraient pouvoir jouir d'une liberté sans limite ? Car c'est bien de l'exercice d'une liberté qu'il s'agit ici, la liberté de circuler et, corrélativement, de stationner, qui est constitutionnellement garantie, une liberté qui, conformément aux règles de notre République, doit s'exercer dans le strict cadre de la loi.

Notre démarche est donc une démarche essentiellement pragmatique, dictée d'abord et avant tout par le souci de trouver des solutions concrètes au problème que pose le stationnement des gens du voyage.

Notre ambition n'est en aucun cas d'accorder je ne sais quel droit exorbitant à une catégorie de la population française...

M. Patrice Martin-Lalande.

Personne n'a parlé de ça !

M. Daniel Vachez.

... mais d'organiser la liberté de circulation dont jouit chaque citoyen français.

Vous ne l'avez pas dit tout à l'heure ! Je l'ai entendu aux précédentes lectures, malheureusement ! Or force est aujourd'hui de constater que cette liberté de circuler et de stationner dans de bonnes conditions, n'est pas véritablement assurée.

Les raisons en sont connues, et nous avons eu largement l'occasion de les détailler au cours des précédentes lectures. Elles tiennent d'abord et avant tout à la pénurie en places de stationnement. Cette pénurie est, nous le savons, liée au fait que, dans le cadre du dispositif législatif en vigueur jusqu'à présent, la charge financière de l'aménagement et de l'entretien d'une aire d'accueil pour les communes demeurait beaucoup trop lourde et que, par ailleurs, les communes qui respectaient leurs obligations ne bénéficiaient pas des garanties suffisantes pour voir respectés leurs arrêtés d'interdiction de stationner en dehors des aires aménagées.

En ce qui concerne la charge financière pesant sur les communes, chacun, il me semble, à droite comme à gauche, s'accorde à reconnaître qu'un très gros effort a été décidé par l'Etat, en matière d'investissement et de fonctionnement, de sorte que les sommes restant à la charge d'une commune aménageant une aire d'accueil devraient se révéler très modérées. Elles ne pourront en t out cas plus justifier une éventuelle inertie des communes.

S'agissant du respect des arrêtés d'interdiction de stationner en-dehors des aires aménagées - question cruciale -, je me réjouis qu'une vision réaliste et respectueuse des principes de notre droit ait finalement prévalu.

Je constate, en effet, qu'après avoir été brandie de façon démagogique par certains parlementaires, par ailleurs parfaitement conscients de l'inanité de leur proposit ion, l'idée d'une expulsion sans jugement - idée contraire à nos principes constitutionnels - a finalement disparu de nos débats.

A ce propos le Sénat n'a, pour l'essentiel, pas modifié l'article 9 bien qu'il soit toutefois revenu, de façon peu compréhensible, sur l'unification du contentieux voulue par notre assemblée, disposition qui répond, je crois, au souci de simplification des procédures en faveur des maires.

M. Patrice Martin-Lalande.

On est d'accord !

M. Daniel Vachez.

Ce faisant, le Sénat a reconnu le bien-fondé de la démarche du Gouvernement et de la majorité de l'Assemblée nationale, à savoir que nous sommes allés aussi loin qu'il est juridiquement possible pour simplifier et accélérer les procédures.

Les amendements de la rapporteuse vont permettre, en outre, d'apporter des précisions utiles qui confortent ce dispositif.

Les dispositions introduites au IV de l'article 9, en ce qui concerne les terrains privés affectés à une activité à caractère économique, répondent, de toute évidence, à un besoin fortement ressenti dans nos circonscriptions. On assiste, en effet, à une recrudescence des stationnements illicites sur les zones industrielles, ce qui pénalise lourdement l'activité de trop nombreuses entreprises et peut même, à terme, hypothéquer le développement économique de tout un secteur géographique.

M. Jean-Pierre Blazy.

Tout à fait !

M. Daniel Vachez.

Je pense ici, notamment, à la grande banlieue parisienne, particulièrement touchée par ce phénomène.

M. Jean-Pierre Blazy.

C'est vrai !

M. Patrice Martin-Lalande.

Ailleurs aussi !

M. Daniel Vachez.

Pour faire face à ce problème grave et réel, nous ouvrons ainsi la faculté aux propriétaires de terrains privés affectés à une activité économique - chefs d'entreprise ou agriculteurs - de saisir par la voie du référé heure à heure le juge du tribunal de grande instance en cas de stationnement illicite.

Toutefois, pour respecter l'esprit général du projet de loi, nous avons souhaité lier cette faculté au respect par la commune des obligations qui lui incombent en application du schéma départemental.

Au final, les maires disposeront donc d'un arsenal juridique aussi complet et aussi efficace que possible pour lutter contre les stationnements illicites.

Reste à appliquer promptement les décisions de justice, m'objectera-t-on. Soyons clairs et regardons objectivement la réalité : si, aujourd'hui, des préfets accordent parfois avec tant de réserve le recours aux forces de l'ordre pour appliquer un jugement d'expulsion, c'est évidemment parce que nous souffrons d'une pénurie chronique en places de stationnement. De fait, dans cette conjoncture, l'expulsion ne règle rien et ne fait que déplacer le problème de quelques kilomètres, parfois même de quelques centaines de mètres. Dans la mesure où un nombre de places suffisant auront été aménagées, la question de l'expulsion des caravanes qui stationnent de façon illicite se posera dans des termes radicalement différents.

Voilà qui nous ramène du même coup au coeur de ce projet de loi, à ce qui constitue son ossature : construire un maximum d'aires en un minimum de temps. Parvenir


page précédente page 04532page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

à cet objectif nécessite, d'une part, que soit fixé dans la loi un délai de publication des schémas et de réalisation des aires et, d'autre part, que le préfet puisse se substituer aux collectivités territoriales qui, passés ces délais, ne se conformeraient pas à leurs obligations légales.

C'est bien sur ce pouvoir de substitution du préfet que s'est focalisé le désaccord politique entre la majorité et l'opposition de notre assemblée d'une part, et entre l'Assemblée nationale et le Sénat d'autre part.

Nous, députés de la majorité, pensons que ce pouvoir de substitution aux mains des préfets constitue une garantie indispensable pour l'efficacité de la loi.

D'autres y voient une atteinte qui serait insupportable à la décentralisation et au principe de libre administration des collectivités territoriales. Je crois utile de rappeler que ce projet de loi ne fait pas novation en la matière. Il existe d'ores et déjà, dans notre législation, de très nombreux textes qui prévoient un tel pouvoir de substitution des préfets lorsque des collectivités territoriales ne remplissent pas les obligations qui leur sont légalement imparties. Tel est notamment le cas en matière de mise en oeuvre de l'obligation scolaire ou des mesures à prendre lorsque des immeubles menacent ruine.

C ertains parlementaires nous demandent de faire confiance aux communes. Nous ne doutons pas a priori de leur volonté d'agir et de respecter la loi, mais sommesnous réellement aujourd'hui en situation de prendre le risque - faute de dispositions suffisamment contraignantes -, de nous retrouver dans dix ans avec une loi largement inappliquée et des difficultés qui n'auront fait que s'accroître ? Je ne le crois évidemment pas et puisque, comme je l'indiquais tout à l'heure, chacun s'accorde à reconnaître l'urgence de la situation, personne sur ces bancs ne devrait accepter de prendre un tel risque.

Du reste, si, comme le clament notamment nos chers collègues sénateurs, les maires sont tous d'une totale bonne foi et prêts à assumer leurs responsabilités avec l'appui financier de l'Etat, ils n'ont dès lors aucune raison de craindre, de quelque façon que ce soit, cette disposition dont, bien, sûr, nous souhaitons qu'elle ne constitue q u'une arme ultime. Nous pouvons d'ailleurs faire confiance aux préfets qui, bien évidemment - le ministre nous l'a indiqué à plusieurs reprises -, conserveront leur pouvoir d'appréciation avant d'engager une telle procédure.

Expliquer, comme le font certains, que le seul fait de prévoir ce dispositif dissuaderait les maires de remplir leurs obligations n'est donc absolument pas sérieux.

En définitive, je ne comprends guère l'attitude du Sénat, qui, en s'opposant à ces dispositions, a fait échouer la commission mixte paritaire, à moins que ce refus de principe ne cache en réalité une attitude plus politicienne qui consisterait, une fois encore, à refuser réellement de participer à l'effort national que requiert l'accueil des gens du voyage et à en rejeter la responsabilité sur les autres.

Outre que cette attitude ne serait pas digne de l'attachement à l'intérêt général qui devrait prévaloir chez to us les élus, je crois profondément qu'elle ne pourrait qu'être vouée à l'échec et conduire à une détérioration de la situation que nous connaissons aujourd'hui. C'est, me semble-t-il, faire un bien mauvais calcul. J'ai la conviction q u'une majorité d'élus locaux en ont aujourd'hui conscience.

J'observe ainsi dans mon département qu'un nombre croissant de maires de communes concernées par le stat ionnement anarchique des gens du voyage ont commencé à réfléchir, avec leurs collègues des communes voisines, à l'aménagement d'aires d'accueil. Ils ont bien conscience qu'au-delà de toute dimension idéologique, il est devenu pour eux et pour leurs habitants nécessaire et urgent de trouver de façon pragmatique des solutions concrètes au problème que pose le stationnement des gens du voyage.

Ce projet de loi va les aider de façon substantielle dans leur entreprise, en même temps qu'il va leur permettre de mieux lutter contre les stationnements illicites. C'est pourquoi les députés du groupe socialiste soutiendront les amendements de la rapporteuse visant, pour l'essentiel, à revenir au texte adopté par notre assemblée en deuxième lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire, l'accueil des populations du voyage constitue une réelle difficulté qui méritait l'intervention du législateur. En effet, si, depuis 1990, des progrès ont pu être réalisés, ceux-ci l'ont été de manièr e très inégale sur le territoire national et de façon très largement insuffisante face à l'ampleur du problème posé.

Nous avons pu constater une pression migratoire plus importante entraînant, par voie de conséquence, une augmentation des stationnements illégaux et une exaspération de plus en plus marquée des habitants des communes concernées. Cette exaspération, nous le savons bien, se trouve renforcée par l'incapacité des maires de faire respecter la loi et l'ordre public, la justice n'ayant été jusque-là que peu active pour aider les élus dans leur tâche.

Nous ne pouvions donc pas faire l'économie d'un débat approfondi et nous vous savons gré, monsieur le secrétaire d'Etat, de l'avoir engagé comme l'avait d'ailleurs souligné lors des débats précédents notre ancien collègue Jean-Jacques Weber.

M. Jean Ueberschlag.

Un excellent député !

M. Yves Bur.

... si, aujourd'hui, l'issue ne nous satisfait pas.

Si, comme je l'ai indiqué, le législateur devait intervenir, nous avons le sentiment que nous aurions pu aller plus loin si le Gouvernement avait fait preuve de plus d'ouverture et avait écouté davantage l'opposition et le Sénat. Nous aurions pu éviter les mesures suspicieuses que vous nous proposez, qui risquent de ne pas encourager les maires à faire preuve de bonne volonté, d'autant que de légitimes interrogations demeurent sur les coûts de fonctionnement. Ensuite, l'équilibre proposé par l'opposition aurait été plus juste entre droits et devoirs de chacun, ce que réclament, à juste titre, les maires et une large majorité de nos concitoyens.

Nous le regrettons d'autant plus que nous partageons largement le diagnostic qui est le vôtre. Nous sommes tous conscients du besoin urgent de créér des places de stationnement, qui sont indispensables pour faire baisser les tensions qui ne manquent pas de surgir fréquemment.

Nous pensons que l'élaboration des schémas départementaux représente plutôt un atout pour organiser le débat entre les collectivités concernées et apporter la cohérence indispensable. Cependant, en limitant les obligations aux seules communes de plus de 5 000 habitants, seuil qui nous paraît discutable, vous pérennisez une rigidité qui ne tient pas compte des situations particulières au niveau de certains territoires, notamment au sein de structures intercommunales.


page précédente page 04533page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

En mobilisant des moyens financiers importants que l'Etat mettra à la disposition des communes concernées par l'obligation légale qu'instaurera cette loi, vous tirez les leçons de l'échec de la loi de 1990 et vous mettez en place un dispositif de solidarité qui incitera, j'en suis sûr, certains conseils municipaux à réaliser des aires d'accueil même si les modalités d'attribution de l'aide au fonctionnement nous paraissent discutables. Alors, pourquoi ne pas suivre plus avant cette logique et aller plus loin que ce que vous proposez, comme l'a d'ailleurs souligné, à juste titre, le Sénat ? Je regrette que la contrainte l'emporte sur les incitations positives, qui permettraient d'enclencher une véritable dynamique. Nous déplorons votre choix, qui érige la contrainte financière et la tutelle préfectorale sur les maires comme modes de relation avec les collectivités locales. Nous ne pouvons y souscrire. Je n'arrive pas à imaginer comment pourrait se concrétiser le pouvoir de substitution reconnu au préfet pour décider et agir en lieu et place du maire, en faisant fi de l'opposition des habitants d'une commune et de ses élus. Une telle intervention serait le signe d'un nouvel échec de la loi face aux réalités du terrain, et ne ferait qu'accroître l'incompréhension des citoyens à l'égard de l'administration.

Elle renforcerait aussi le sentiment d'impuissance des élus.

Si les nouveaux concours financiers de l'Etat constituent un atout, et nous le reconnaissons, pour apporter une solution acceptable à l'accueil des gens du voyage, c'est bien de la capacité de l'Etat à faire respecter la loi que dépendra la réussite ou l'échec de cette ambition d'accueil et d'apaisement que, pour notre part, nous souhaitons exprimer à travers ce projet de loi.

A notre avis, ce texte ne donne pas suffisamment aux autorités publiques les moyens de peser avec efficacité p our que soient respectés les aménagements. La contrainte nous paraît peser plus lourdement sur les communes que sur les usagers de ces aires de stationnement.

Vous nous dites par ailleurs que l'introduction du recours au référé heure par heure constituera une avancée sérieuse pour permettre au maire de faire respecter la loi et l'ordre public, en particulier, et ce sera la règle générale, quand la commune aura satisfait aux obligations de la présente loi.

Pour avoir déjà mis en oeuvre à plusieurs reprises cette procédure du référé d'heure en heure, je ne suis pas rassuré quant à son efficacité réelle, d'autant plus que vous ouvrez dans le texte même la porte à des interprétations qui permettront au juge de ne rien décider, notamment si le terrain d'accueil communal ou ceux des communes voisines sont déjà complets. Nous espérons que des instructions très claires seront adressées par le garde des sceaux aux magistrats, afin que la justice ne soit pas finalement un frein à l'action des maires pour faire respecter la loi par tous.

Ce risque est d'autant plus grand durant la période intermédiaire entre l'adoption de cette loi et la réalisation des aires d'accueil dans les communes concernées. Si les décisions de justice désavouent l'autorité du maire en cas de stationnement illicite, il est fort à craindre que la dynamique attendue, même par la contrainte, ne sera qu'un voeu pieux.

Au terme de ce débat sur un sujet sensible, nous ne nous sentons pas pleinement rassurés par les dispositions retenues, et nos craintes subsistent que, faute d'avoir donné aux maires un signal fort pour garantir le respect de l'autorité municipale, les réticences persistent, tout comme les stationnements illégaux. Nous regrettons que nos propositions, comme celles du Sénat, n'aient trouvé aucune grâce à vos yeux.

Enfin, même si l'accueil des gens du voyage constitue une priorité, il faudra bien aborder d'autres questions qui les concernent et qui nous interpellent dans nos responsabilités locales, comme la scolarisation des enfants, les exigences d'insertion liées à la perception du RMI par nombre d'entre eux, les difficultés profondes liées à la sédentarisation de certaines familles, qui est un véritable drame, sans oublier la nécessité d'y voir plus clair dans la constitution de leurs revenus.

Si, pour garantir aux populations du voyage le droit à la dignité, dans le respect de leur différence, notre société doit savoir faire preuve de plus de tolérance, elle est en droit aussi d'exiger le respect de la loi, dans un équilibre qui s'impose à tous entre droits et devoirs. A défaut d'approcher cet équilibre, l'accueil et l'acceptation des gens du voyage feront encore longtemps l'objet d'un débat passionné, dont les premières victimes seront les gens du voyage eux-mêmes.

N'ayant pu vraiment contribuer à faire évoluer ce texte, le groupe UDF, comme les autres groupes de l'opposition, ne pourra soutenir votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme en deuxième lecture, le texte qui nous revient du Sénat est profondément modifié, au point de rompre son équilibre.

La majorité sénatoriale s'est écartée de l'intitulé même du projet, relatif à l'accueil des gens du voyage, pour le transformer en simple outil visant à faciliter leur expulsion de commune en commune.

Grâce aux amendements de la commission, il nous faut revenir au contrat initial, c'est-à-dire permettre, par des incitations, la réalisation rapide d'un nombre suffisant d'aires d'accueil, au besoin en permettant aux préfets de se substituer aux communes défaillantes, avec comme contrepartie le renforcement de la lutte contre les installations illicites, la surpopulation et les dégradations des aires autorisées. Ce dispositif cohérent et volontariste est seul de nature à concilier la dignité des personnes concernées avec celle des habitants et riverains des communes de passage ou de séjour.

La proposition de la majorité sénatoriale d'inverser les priorités n'est pas acceptable. La condition préalable de la réalisation des aires devient accessoire et sans garantie, tandis que les pouvoirs des maires sont renforcés.

Ce dernier point, qui constituait dans le projet de loi une contrepartie à l'obligation de réaliser des aires d'accueil, est devenue la mesure essentielle, limitant ainsi la question des gens du voyage aux seuls problèmes de stationnement illégal sans améliorer les conditions de leur accueil. La majorité sénatoriale a préféré aborder la question sous le seul angle des problèmes répétitifs soulevés par l'accueil des gens du voyage dans nos communes.

Cette vision, qui fait supporter aux seuls gens du voyage la responsabilité de l'insuffisance des aires d'accueil, est injuste et irréaliste. Elle ne fait que conforter les mentalités rétrogrades, suscitant par là même incompréhension, rejet et climat de tension.


page précédente page 04534page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

Cette attitude est d'autant plus regrettable que les deux assemblées s'accordent sur le constat, partagé sur tous les bancs, de l'inefficacité de la loi de 1990. Le bilan comptable de l'application de l'article 28 est particulièrement éloquent : seuls un tiers des départements ont un schéma approuvé et un quart des 1 800 communes de plus de 5 000 habitants seulement se sont dotées d'une aire d'accueil. Au total, il n'existe que 5 000 places de caravanes correspondant aux normes alors que le besoin peut être estimé à 30 000. Nous sommes donc loin du compte ! Le statu quo est impossible, tout le monde le reconnaît.

Les dispositions retenues par la majorité du Sénat, à l'image de la loi de 1990, ne constituent en effet qu'une incitation pour les communes, sans que l'Etat ait la possibilité de se substituer à celles qui seront défaillantes. Il n'y a aucune chance, dans ces conditions, que l'application de ces mesures soit plus efficace que celle de l'article 28 ! La position de la majorité sénatoriale est donc paradoxale : d'un côté, le dispositif financier est jugé suffisamment incitatif et l'on considère, avec une confiance déclarée, que les communes réaliseront des aires ; de l'autre, on refuse que le préfet se substitue aux communes défaillantes, car on souhaite ne pas déresponsabiliser les municipalités.

Le discours sur la responsabilisation des communes est démenti par deux modifications introduites par le Sénat.

La première supprime le seuil de 5 000 habitants, ce qui risque de pousser les communes les plus importantes à se défausser de leurs obligations sur les plus petites. La seconde prévoit la prise en charge systématique par l'Etat des dommages causés aux aires d'accueil, ce qui pourrait avoir pour effet pervers de dédouaner les élus locaux de la gestion et de la surveillance de ces équipements.

Le Sénat semble en fait présumer que beaucoup de communes continueront à refuser de réaliser des aires d'accueil. C'est la majorité du Sénat, et non celle de notre Assemblée, qui ne fait pas confiance aux élus locaux. Or, dans le projet initial, la substitution du préfet n'est pas destinée à devenir la règle, mais constitue une simple incitation supplémentaire.

Il ne s'agit pas d'une limite posée à la décentralisation, mais d'un moyen de garantir l'égalité des communes face à cette question et de cesser de pénaliser celles qui assument leur part de responsabilité en réalisant les aires d'accueil nécessaires.

L'exemple du département de la Seine-Saint-Denis est révélateur de ce besoin d'aides supplémentaires et de garanties pour le réalisation rapide et simultanée d'aires d'accueil au sein des communes concernées et dans les départements de l'agglomération parisienne. Comme dans beaucoup de départements, la discussion du schéma départemental et sa réalisation se heurtent à la crainte des communes pionnières de faire les frais de l'immobilisme de leurs voisines, au travers de la dégradation et de la suroccupation de leur équipement du fait de la pénurie générale. Cette difficulté concerne des communes gérées par des équipes de tous bords, ce qui aurait dû conduire à un accord unanime au sein de nos assemblées.

Pour toutes ces raisons, nous approuvons la volonté affichée par la commission de revenir pour l'essentiel aux dispositions du texte que nous avions adopté en février.

Les incitations proposées et la possibilité de voir le préfet se substituer aux communes défaillantes doivent permettre de surmonter cette situation de blocage, l'expulsion des gens du voyage qui sont ballottés de commune en commune. L'Etat est ici parfaitement dans son rôle, qui est de faire prévaloir l'intérêt général et d'assurer le contrôle et le respect des lois. Il ne s'agit nullement de déresponsabiliser les communes, mais de leur offrir les conditions équitables de l'exercice de leurs responsabilités.

La réalisation rapide d'un nombre d'aires d'accueil suffisant est un préalable pour sortir de ce cercle vicieux où l'ostracisme et le repli sur soi s'alimentent mutuellement.

Elle doit permettre un dialogue et une concertation plus actifs avec les gens du voyage sur les autres questions, notamment scolaires et sociales. En réduisant la source principale de discriminations, de conflits et de tensions, l'amélioration des conditions d'accueil facilitera la contractualisation entre l'Etat, les collectivités et les gens du voyage.

Notre objectif à long terme est en effet de concilier le respect du mode de vie et des traditions de la communauté des gens du voyage, tout en permettant aux individus qui la composent, notamment aux enfants, d'exercer la liberté du choix de perpétuer ou non, pour euxmêmes, ce mode de vie.

En préalable, ce texte - et c'est tout son intérêt - tend à créer les conditions d'un équilibre satisfaisant, entre, d'une part, la liberté constitutionnelle d'aller et venir, l'aspiration légitime des gens du voyage à stationner dans des conditions décentes et, d'autre part, le souci tout aussi légitime qu'éprouvent les élus locaux d'éviter les installations sauvages qui occasionnent des difficultés de coexistence.

Ces observations faites, les députés communistes soutiendront les orientations initiales du projet de loi. Elles constituent une avancée vers le droit à un habitat adapté à la libre circulation des personnes, dans un rapport équilibré entre les droits et les devoirs de chacun. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Meylan.

M. Michel Meylan.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes saisis, en troisième lecture, du projet de loi relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, à la suite de l'échec de la commission mixte paritaire qui s'est réunie au Sénat le 9 mai dernier.

Le schéma départemental, dont l'élaboration avait été prévue par la loi du 31 mai 1990 relative à la mise en oeuvre du droit au logement, a acquis avec ce texte une nouvelle définition, le représentant de l'Etat pouvant l'approuver seul dans un délai de dix-huit mois.

La question du stationnement des gens du voyage est récurrente. Elle devient plus délicate à l'approche des m igrations estivales. Chaque jour, les maires sont confrontés à des stationnements sauvages et à leurs corollaires - litiges, voire dégradations -, que leur commune soit ou non dotée des équipements nécessaires à leur accueil.

A cet égard, je ne peux m'empêcher de penser à mes collègues élus de Haute-Savoie, impuissants, régulièrement confrontés au non-droit, voire à la violence. Je pense aux agriculteurs de ma commune, aux propriétaires fonciers et aux commerçants dont des biens ont été impunément saccagés ces dernières semaines.

Ces contentieux à répétition entre les élus, les riverains et les gens du voyage enveniment chaque année les relations entre les différentes parties, et le législateur doit avoir pour objectif de mettre un terme à ces tensions.

Or un dispositif coercitif dans lequel l'Etat se dispenserait de la libre adhésion des collectivités locales à des solutions concertées et qui ne permettrait pas la répres-


page précédente page 04535page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

sion effective du stationnement illicite aurait peu de c hances de résoudre les difficultés auxquelles les communes sont confrontées. Loin de réduire les tensions, il risquerait au contraire de les exacerber.

Force est de constater que le projet, tel qu'il nous est présenté aujourd'hui, nourrit davantage les tensions qu'il ne les apaise.

Grâce à la discussion au Sénat, les principaux points d'achoppement entre la majorité et l'opposition avaient disparu. Mais, devant la commission des lois, Mme la rapporteuse a rejeté les solutions qui avaient été adoptées, et c'est quasiment sur le même texte que celui que mon groupe avait repoussé en seconde lecture que nous devons nous prononcer à nouveau.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous le disiez devant nos collègues du Sénat, « les difficultés sont grandes parce qu'elles sont liées à l'exercice de droits fondamentaux, droit de choisir son mode de vie, droit de libre circulation, droit de propriété, respect de la loi républicaine ».

Vous touchez là, en effet, à l'un des aspects fondamentaux de ce projet de loi : celui des droits, de leur exercice et de leur respect.

En seconde lecture déjà, les élus du groupe Démocratie libérale n'ont pas souhaité voter le texte proposé par le Gouvernement. Si nous nous accordions sur l'opportunité de légiférer, l'éventualité de voir le représentant de l'Eta t se substituer aux collectivités et l'impossibilité pour elles de faire cesser rapidement des occupations illicites de terrains n'étaient pas acceptables.

Si les droits des gens du voyage étaient pris en compte, ceux des élus locaux et des populations qu'ils représentent étaient, par ces dispositions, réduits à la portion congrue.

Les débats n'avaient pas permis de faire évoluer la position de la majorité vers plus de consensus et, n'ayons pas peur de le dire, vers plus de pragmatisme.

La position que défend le groupe Démocratie libérale est simple : seule une définition claire des droits et des devoirs respectifs des collectivités locales et des gens du voyage, mais aussi de l'Etat, permettra d'ébaucher une solution au problème de l'accueil des gens du voyage.

Cette définition des droits de chacun doit, pour être valide, se faire dans la concertation.

Il n'est en effet pas admissible que le représentant de l'Etat puisse approuver seul le schéma départemental et se substituer aux communes pour la réalisation des aires d'accueil.

Il n'est pas non plus admissible que l'Etat demande aux collectivités locales de prendre leurs responsabilités et s'exonère des siennes en réfutant l'opportunité d'un schéma national pour les grands rassemblements traditionnels dont l'ampleur, c'est indéniable, dépasse la responsabilité des collectivités locales.

M. Michel Voisin.

C'est vrai !

M. Michel Meylan.

La décentralisation a posé des principes selon lesquels communes et départements sont des acteurs responsables dans le cadre des compétences qui leur sont dévolues par la loi.

Le principe de subsidiarité, dont il est régulièrement question dans les relations entre la France et la Communauté européenne, doit, quant à lui, pouvoir également s'appliquer entre l'Etat et les collectivités locales pour que les problèmes soient traités à l'échelon où ils sont les plus pertinents.

M. Robert Lamy.

Tout à fait !

M. Michel Meylan.

La démocratie n'est pas un régime où certains ont des droits et d'autres des devoirs, et la concertation vaut mieux que la contrainte : aussi, les élus locaux rempliront leur devoir dès lors qu'ils sauront pouvoir compter sur l'Etat pour sa part du contrat.

M. Michel Voisin.

Voilà !

M. Michel Meylan.

Pour ces raisons, nous ne voterons ce texte que dans la mesure où il ne fera pas état d'un pouvoir de substitution du préfet pour la réalisation des aires d'accueil ; où il ne prévoira pas que le préfet ait la possibilité d'approuver seul le schéma départemental, cette faculté étant disproportionnée et de nature à exacerber inutilement les tensions locales ; où il prévoira l'élaboration d'un schéma national pour l'accueil des grands rassemblements traditionnels ou occasionnels ; où il prévoira une procédure de référé accélérée, rétablira la compétence du juge administratif pour les occupations illicites du domaine public et permettra la mise en oeuvre de la procédure judiciaire pour obtenir l'évacuation forcée des résidences mobiles de nature à porter atteinte à l'activité économique d'un bien à usage industriel, commercial ou professionnel ou de la zone économique environnante ; où il prévoira, pour les communes, une compensation effective des charges qui leur sont imposées pour assurer le fonctionnement de ces aires.

Il importerait aussi, en préalable, de clarifier certaines notions pour éviter d'inutiles contentieux. La notion de

« résidences mobiles », caractérisant l'habitat des gens du voyage, voulue par le Sénat, devrait ainsi être retenue, de même que devrait être prévu le recensement des populations composant la communauté des gens du voyage.

Par ailleurs, je souhaiterais tout particulièrement attirer votre attention sur le volet financier de ce dossier, notamment sur la transparence qu'il serait opportun d'appliquer en cette occasion.

Nous allons lancer des programmes d'investissement qui ne seront pas neutres pour nos budgets et pour lesquels il faudra que nous fassions passer une information auprès de nos administrés. Or nombreux sont ceux de nos concitoyens qui s'interrogent sur les revenus dont disposent les gens du voyage, dont les véhicules sont le plus souvent de grosses berlines, parfois françaises, mais très souvent étrangères.

M. Michel Voisin.

C'est vrai !

M. Michel Meylan.

Au nom du principe de nondiscrimination, la direction générale des impôts s'interdit d'identifier les contribuables en fonction de leur statut social ou culturel et n'effectue donc pas de contrôle particulier sur les revenus des gens du voyage. Le principe est louable. Reste une réelle contradiction entre le train de vie affiché par certains et les revenus dont ils semblent pouvoir disposer.

A titre indicatif, dans son édition du 15 mai notre quotidien local, le Dauphiné Libéré , publiait la photographie du campement de nomades d'Annecy-le-Vieux avec, au premier plan, un cabriolet Mercedes à l'immatriculation récente. Ce type de véhicule vaut, selon la cylindrée, entre 473 000 francs et 800 000 francs. Si l'on table sur un prix moyen de 650 000 francs et un prix moyen du rempaillage de chaise de 100 francs, il faut rempailler 6 500 chaises pour payer ce véhicule. Cela représente, en volume, le contenu de quelque 14 semi-remorques, à raison de 8 chaises par mètre cube. A ce tarif, le carburant n'est pas compris, pas plus que les pneus, la vignette ou l'entretien, et pas plus que les autres charges de la famille, ne serait-ce que la nourriture. Il y a de quoi se poser des questions !


page précédente page 04536page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

M. Patrice Martin-Lalande.

Quelle démonstration !

M. Michel Meylan.

Même si on considère que leur attelage est leur seul bien, il faut garder à l'esprit que son prix est plus important que le patrimoine de nombre de nos concitoyens. Comment, dans ces conditions, justifier auprès de nos administrés que ce sont les contribuables qui vont assumer le coût des aires de stationnement qui seront créées pour répondre aux besoins d'une population qui a choisi en toute liberté son mode de vie itinérant ? Je souhaiterais donc que l'Etat fasse aussi la preuve de sa volonté d'appliquer le principe de justice fiscale à l'ensemble des résidents sur le territoire national, que leur mode de vie complique ou facilite les contrôles.

M. Michel Voisin.

Très bien !

M. Michel Meylan.

Ce n'est pas en créant un déséquilibre entre les droits et les devoirs de chacune des parties que nous apaiserons les tensions. La loi et les moyens de la faire respecter doivent aller de pair pour que l'ordre soit respecté.

L'Etat ne peut sous-estimer sa responsabilité et, parallèlement, s'octroyer le pouvoir de mise en oeuvre de mesures coercitives envers les collectivités locales, limitant ainsi leur marge d'action.

La défense de l'intérêt général ne peut, par ailleurs, se faire en exacerbant les intérêts catégoriels.

C'est pourquoi les élus du groupe Démocratie libérale, tout en étant conscients de la nécessité de réaliser des aires d'accueil, voteront contre le projet de loi tel qu'il nous est présenté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Christian Martin.

Et les « voleurs de poules » ? (Sourires.)

M. le président.

La parole est à Mme Françoise Imbert.

Mme Françoise Imbert.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la troisième lecture de ce projet de loi marque une étape importante et traduit notre volonté d'avancer dans un contexte de solidarité nationale. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Assurer, dans les meilleures conditions, l'accueil des gens du voyage est non seulement une obligation légale, mais une nécessité sociale et humaine.

La liberté de circuler, inscrite dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ne peut exister sans la faculté de s'arrêter ou de stationner dans des endroits adaptés.

Certes, les gens du voyage sont des personnes qui se déplacent, mais ce sont aussi des citoyens qui ont des droits et des devoirs, quel que soit leur espace de déplacement :...

M. Robert Lamy.

Nous sommes d'accord avec cela !

Mme Françoise Imbert.

... droit d'être accueillis dans des conditions adaptées à leurs besoins, devoir d'occuper et de respecter, lorsqu'ils existent, les lieux aménagés en fonction de leur mode de vie.

Depuis plus d'un an, le projet de la loi fait la navette entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Pour ma part, je souscris tout à fait à la volonté de notre assemblée et du Gouvernement de mettre en avant la cohésion du corps social.

Ce projet de loi est attendu. Il est aussi demandé par de nombreux élus. Ainsi, les maires souhaitent une loi qui respecte l'équilibre entre les droits et les devoirs de chacun : ceux des collectivités locales, qui ont la responsabilité de l'accueil des gens du voyage ; ceux des gens du voyage, qui ont la liberté de circuler mais doivent respecter, comme tout citoyen, les règles collectives ; enfin, ceux de l'Etat qui exerce la solidarité nationale et doit être garant de cet équilibre.

Dans notre pays, la présence des gens du voyage, d'appartenances culturelles diverses, est très ancienne. Il n'en reste pas moins que cette question suscite au niveau local de plus en plus de conflits. Le problème des places d'accueil, qui sont actuellement très insuffisantes - il faut le reconnaître - devrait être réglé par l'application de la nouvelle loi.

Les maires que je rencontre soulèvent deux problèmes.

Le premier concerne les grands rassemblements qui se sont multipliés, ces dernières années, et qui aboutissent parfois à des dégradations du domaine public. L'article 1er du projet de loi spécifie bien le rôle des schémas départementaux qui détermineront les emplacements affectés à ce type de rassemblement et les obligations de chacun.

Le second problème évoqué est le plus sensible pour les collectivités locales ; c'est celui du stationnement irrégulier. Si la multiplication du nombre d'emplacements permet de le résoudre en grande partie, l'action en justice que les maires pourront engager est désormais simplifiée et semble, par là même, plus efficace.

En Haute-Garonne, depuis seize ans déjà, le syndicat intercommunal pour l'étude et l'accueil des nomades de l'agglomération toulousaine permet de favoriser l'accueil des gens du voyage. Il aide les communes adhérentes à constituer les dossiers de demande de subvention, participe à l'étude des différents modes d'habitat et favorise la scolarisation des enfants.

Ce syndicat intercommunal souhaite maintenant des ajustements et des dispositions complémentaires que la loi que nous discutons va certainement leur apporter, et ce souci est également exprimé par des associations travaillant pour l'intégration des gens du voyage.

Nous devons aujourd'hui voter cette loi et en permettre l'application rapide.

Ce texte pose les bases du respect de la libre circulation des gens du voyage, tout en leur offrant la possibilité d'accéder à des structures aménagées, s'ils décident de s'établir durablement.

Il implique aussi les gens du voyage dans la vie en communauté à l'échelle des villes, dans le plein exercice de leur citoyenneté.

Parce qu'il touche à une question essentielle - comment vivre ensemble ? -, il participe au processus de construction d'une société où les êtres sont destinés à communiquer et à coexister, dans le respect de la différence des cultures, des choix de vie des uns et des autres.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce projet de loi revient en nouvelle lecture après une commission mixte paritaire qui a échoué mais aurait dû réussir, étant donné l'esprit d'ouverture de la rapporteuse de l'Assemblée nationale.

Ainsi, la majorité sénatoriale a refusé que le représentant de l'Etat dans le département puisse disposer d'un pouvoir de substitution, que ce soit pour approuver le schéma départemental ou pour réaliser des aires d'accueil dans les communes figurant dans ce schéma. C'était rendre volontairement inopérante toute la philosophie de la loi et compromettre sa mise en application.


page précédente page 04537page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

Cette position de principe, défendue au nom d'une certaine conception de la décentralisation, dont le Sénat est l'ardent défenseur, méconnaît tant la lettre que l'esprit des dispositions de notre Constitution, le dispositif proposé étant destiné à garantir l'égale application de la loi sur l'ensemble du territoire national, alors même qu'elle fait aujourd'hui cruellement défaut. Le Sénat se contente de conforter la logique qui a conduit à ce que le dispositif issu de l'article 28 de la loi du 31 mai 1990 n'a pas pu - on le sait - être mis en oeuvre de façon satisfaisante.

Le fait qu'aujourd'hui trop peu d'aires d'accueil aient été construites conduit à une situation inextricable. Les communes qui ont eu le courage et la possibilité de mettre en oeuvre les dispositions de la loi de 1990 sont celles qui sont confrontées aux problèmes les plus aigus du fait d'une présence continue et désordonnée de gens du voyage souvent en surnombre par rapport aux capacités des aires existantes.

Ces communes ne peuvent légitimer, aux yeux d'une population souvent exaspérée et révoltée contre l'apparente immunité dont disposent les gens du voyage, la construction d'une aire d'accueil, synonyme de problèmes supplémentaires au regard des expériences déjà vécues.

Cette réalité est aujourd'hui particulièrement insupportable dans la région parisienne, je le sais pour la vivre q uasi quotidiennement en tant que maire d'une commune de la grande couronne. Mes concitoyens et nombre d'entreprises ont à subir de nombreuses intrusions de gens du voyage.

Cette situation nous impose de réussir la réforme que nous nous apprêtons à voter. Ce n'est pourtant pas, semble-t-il, la volonté de certains élus de l'opposition, qui tentent d'accentuer les peurs de la population et l'égoïsme des élus locaux. On l'a vu, il y a quelque temps, à propos du logement social, on le voit encore aujourd'hui s'agissant de l'accueil des gens du voyage.

La nécessité, pour le préfet, de détenir un pouvoir de substitution véritable et affirmé aux communes qui contreviendraient à la loi en matière de construction d'aires d'accueil est d'autant plus impérieuse, Mme la rapporteuse a raison de souligner que les maires qui ont appliqué les dispositions de la loi en vigueur souffrent le plus actuellement de la surpopulation des aires et du refus des autres communes de réaliser les équipements nécessaires.

Il faut à la fois contraindre et inciter, l'un ne va pas sans l'autre, sauf à ne pas vouloir réussir. Voilà les termes du contrat. La voie peut apparaître étroite, mais elle est aujourd'hui, me semble-t-il, la seule possible.

En outre, le manque d'esprit d'ouverture de la majorité sénatoriale a interdit la discussion sur les trois questions sur lesquelles un accord avait pu être trouvé, à savoir l'institution d'un schéma national, le financement des aires d'accueil par l'Etat, et les procédures d'expulsion applicables en cas de stationnement irrégulier dans les communes ayant satisfait aux dispositions du schéma départemental.

Je voudrais m'attarder un instant sur l'attitude du Sénat qui, en matière d'expulsion, n'a pas souhaité suivre l'Assemblée nationale sur la voie de l'unification de la compétence contentieuse au profit du juge civil, qui constituait pourtant une des avancées majeures du texte et permettait de simplifier les procédures et leur lisibilité pour des élus régulièrement confrontés à des invasions délictueuses.

Ainsi, j'approuve sans réserve la position défendue par Mme Le Texier et Vachez dont le travail excellent - je me plais à le répéter - permettra de pacifier cette question difficile d'une meilleure intégration des gens du voyage dans la communauté des citoyens.

Je me félicite de l'amendement proposé par la commission qui ouvre la possibilité d'un référé d'heure en heure aux propriétaires de terrains privés affectés à un usage professionnel, et des assurances données par le secrétaire d'Etat au logement quant aux dispositions réglementaires qui devront définir les conditions dans lesquelles l'Etat pourra contribuer à la réparation des dommages causés aux aires d'accueil, dès lors qu'ils ne seraient pas imputables à une mauvaise gestion ou à un défaut de surveillance.

Ce projet de loi est attendu car il s'agit de remédier à une situation sur le terrain de plus en plus insupportable, pour nos concitoyens comme pour les élus, qui ne garantit pas aux gens du voyage le respect républicain indispensable à l'exigence, nécessaire, de réciprocité entre le devoir d'accueil pour les uns et le devoir citoyen pour les autres.

L'équilibre entre droit et devoir, voulu par le Gouvernement et notre assemblée, est essentiel à la réussite de la mise en oeuvre de ce projet de loi. En effet, si la réalisation d'aires d'accueil est indispensable, celle-ci doit s'accompagner d'un contrat clair qui suppose le respect et l'application de la loi de la République dans tous les domaines, y compris au regard de l'impôt.

Monsieur le secrétaire d'état, ce projet de loi qui répond à l'exigence de sécurité et d'affirmation du principe de justice sociale voulue par le Premier ministre, constituera une avancée décisive à la condition que tous les acteurs concernés soient réellement et rapidement mobilisés, que des moyens significatifs soient mis en oeuvre et que tous les décrets d'application nécessaires soient publiés dans les meilleurs délais. (Applaudissement sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.

M. Jean-Jacques Filleul.

Monsieur le secrétaire d'Etat, la loi relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ne prétend pas régler l'ensemble des difficultés que pose l'insertion de ces femmes et de ces hommes dans notre société. Elle doit cependant apporter des réponses aux problèmes de stationnement des caravanes et définir les prérogatives des maires.

C'est dire l'espoir que suscite ce débat parlementaire, c'est dire aussi mon étonnement devant l'attitude de nos collègues de la majorité sénatoriale qui ont dénaturé ce texte afin de lui ôter tout ce qui est coercitif, tout ce qui qui le rend opérationnel aussi bien sur les territoires publics que sur les terrains privés.

Cette attitude incohérente a forcément semé le doute dans l'esprit des élus favorablement impressionnés par le texte adopté ici même le 24 février dernier. Il faut revenir sur ce qui nous a réuni dans la préparation du projet de loi, qui apporte une réponse nette aux préoccupations non seulement des élus, mais aussi des citoyens de plus en plus remontés contre les gens du voyage et leur comportement malheureusement par trop incivique.

Ce texte appliqué sur le terrain avec fermeté et vigilance répondra aux aspirations parfois confuses mais fortes de nos concitoyens sédentaires. Il faut réguler les flux importants de caravanes de plus en plus regroupées


page précédente page 04538page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

et permettre une bonne répartition sur des terrains préalablement traités, préparés, gardiennés pour les plus grands, gérés efficacement, permettant un libre accès, supprimant ainsi les occupations illégales de lieux publics ou privés.

Si tel n'était pas le cas, certains comportements pourraient conduire à des réactions que nous ne saurions admettre mais qui seraient la conséquence de tensions vives et fréquentes.

Une fois ce projet devenu loi de la République applicable sur l'ensemble du territoire national, il nous faudra, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, accompagner l'élaboration des schémas départementaux pour les rendre au plus vite disponibles au public et faire accepter par les élus les implantations d'accueil sur le territoire communal. Toute attitude laxiste rendrait ce texte rapidement inutile, provoquant de nombreuses déceptions.

Cette crainte est réelle car, dans certains départements, les pressions pourraient être telles que les préfets ne pourront jouer le rôle dévolu par ce texte aux représentants de l'Etat. Pourtant, la substitution des représentants de l'Etat aux communes est pour moi la pierre angulaire de ce texte.

Dans le même esprit, il me semble décisif d'instituer les pouvoirs d'expulsion du maire dès la construction de l'aire sur le territoire communal.

L'arrêté d'interdiction ainsi pris donnera autorité immédiate dans le périmètre approprié et servira de bon exemple à ceux qui douteraient encore de la pertinence de ce texte.

Dernier point sur lequel je souhaite intervenir, l'effort déterminant des services de police...

M. Yves Bur.

... et de la justice !

M. Jean-Jacques Filleul.

... pour aboutir au départ des caravanes. Malgré la qualité du texte, il faudra faire preuve d'une ferme volonté.

M. Christian Martin.

C'est une course de vitesse !

M. Jean-Jacques Filleul.

Nombre de personnages de plus en plus influents dans le milieu des gens du voyage ne se privent pas d'exprimer le mépris qu'ils portent à ce texte.

Ce week-end encore, le maire de Larçay, petite commune de 2 000 habitants, proche de Tours, envahie par plus de 150 caravanes parties dimanche soir vers vingt heures, laissant derrière elles désolation, terrain de foot dévasté, déchets et nuisances répartis au gré du vent, n'a-t-il pas entendu l'un des membres de cette communauté itinérante exprimer son refus de s'installer sur quelque terrain aménagé que ce soit ?

M. Yves Bur.

C'est une réalité, ça aussi !

M. Christian Martin.

Bien sûr !

M. Jean-Jacques Filleul.

Il faudra donc une volonté forte et ferme.

Et ce ne sont pas les doutes que vous laissez poindre dans vos interventions, messieurs, qui faciliteront la tâche des maires et des préfets sur le terrain.

Monsieur le secrétaire d'Etat, pour conclure, j'espère que de l'acceptation de la différence de vie entre sédentaire et non sédentaire contenue dans ce projet de loi découlera l'acceptation de vivre ensemble dans le respect mutuel. Sinon, ce problème de société deviendrait vitee xplosif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9 du règlement, les articles du projet de loi sur lesquels les deux Assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique, dans le texte du Sénat.

Avant l'article 1er

M. le président.

M. Bur et M. Christian Martin ont présenté un amendement, no 42, ainsi rédigé :

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Les gens du voyage sont des personnes identifiables comme faisant partie d'une communauté tzigane ou des personnes n'appartenant pas à ces communautés, qui disposent d'un carnet de circulation mais qui n'ont ni domicile, ni résidence fixes depuis plus de six mois (commerçants titulaires d'un livret spécial de circulation, caravaniers logeant de façon permanente dans un véhicule, remorque, abrimobile, ou encore des nomades ne disposant pas de ressources fixes). Sont exclues de ces dispositions les personnes voyageant à des fins touristiques ou professionnelles. »

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Nous l'avions déjà dit lors des deux premières lectures, nous souhaitons que les populations concernées soient bien identifiées pour que les dispositifs mis en place leur soient exclusivement réservés.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

L'amendement no 42 a été repoussé par la commission, comme les amendements similaires déposés au cours des deux lectures précédentes. Il est contraire au principe d'égalité devant la loi d'apporter une définition ethnique des gens du voyage ou de les définir par la détention d'un titre de circulation.

Cela dit, je ne pense pas que les touristes qui se déplacent avec des mobile homes, par exemple, surchargent les aires mises en place pour accueillir les gens du voyage. (Sourires.)

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Même avis, monsieur le président. La définition des gens du voyage qui nous est proposée est par trop restrictive ; elle exclut notamment des personnes du voyage qui n'auraient pas de titre de circulation ou des personnes de communauté yenishe qui ne sont pas des tziganes. Plus fondamentalement, une définition générale est préférable à une énumération qui risque toujours d'être incomplète. Le Gouvernement souhaite donc que cet amendement ne soit pas retenu, monsieur le président.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

42. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Bur et M. Christian Martin ont présenté un amendement, no 43, ainsi rédigé :

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Le principe de liberté de circulation doit avoir pour contrepartie le respect des règles de stationnement et d'utilisation des aires prévues. »


page précédente page 04539page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Cet amendement propose d'inscrire dans le texte l'obligation du respect de la loi par les populations du voyage. Le principe de liberté de circulation, que nous acceptons bien sûr tous ici, doit avoir pour contrepartie le respect des conditions d'accueil qui seront offertes par les communes.

Ce que nous visons avant tout ici, c'est un meilleur équilibre entre droits et devoirs. Or, à l'issue de la discussion générale, nous avons malgré tout le sentiment qu'un meilleur sort est réservé aux gens du voyage qu'aux autres citoyens sous prétexte qu'ils sont marginalisés. Si nous pouvons comprendre les difficultés qu'ils rencontrent, nous ne pouvons pas pour autant tout excuser.

C'est l'équilibre qui doit prévaloir. Or je ne suis pas certain que le présent dispositif y parvienne.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Cet amendement n'a pas été examiné par la commission, mais il me semble qu'il est satisfait. L'esprit même du projet de loi est de concilier la liberté de circulation et le respect des règles de stationnement. Il ne s'agit pas de subordonner la jouissance d'une liberté à une condition mais de faire respecter les règles en vigueur grâce à la réalisation d'un nombre suffisant d'aires d'accueil - car les règles sont aujourd'hui inapplicables faute d'aires d'accueil. A titre personnel, je propose de ne pas adopter l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Il est évident que la contrepartie de l'accueil, c'est-à-dire le respect des règles de stationnement, nécessite que les aires prévues soient réalisées. Ecrire cette contrepartie en amont me semble mal venu : soit il s'agit d'une pétition de principe, et c'est superfétatoire, soit il s'agit d'une condition, et on ne saurait lui subordonner une liberté à valeur constitutionnelle. Je propose à M. Bur et M. Christian Martin de retirer leur amendement car le débat qu'ils soulèvent est tranché, sur le fond, à l'article 9.

M. le président.

Maintenez-vous l'amendement, monsieur Bur ?

M. Yves Bur.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

43. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er I. Les communes participent à l'accueil des personnes dites gens du voyage et dont l'habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles.

« Est considéré comme résidence mobile, au sens de la présente loi, tout véhicule ou élément de véhicule constituant le domicile permanent de ses occupants et conservant des moyens de mobilité lui permettant de se déplacer par lui-même ou d'être déplacé par simple traction.

« I bis. Un schéma national d'accueil des gens du voyage définit les conditions d'accueil des gens du voyage dans le cadre de rassemblements traditionnels.

« Dans le respect des orientations de la politique nationale d'aménagement et de développement du territoire, le schéma national fixe la liste des terrains susceptibles d'être utilisés à cette fin et prévoit les aménagements nécessaires qui devront être réalisés sur ces terrains.

« Le Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire, créé par la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, et la Commission nationale consultative des gens du voyage sont associés à l'élaboration du projet de schéma national d'accueil des gens du voyage. Ils donnent leur avis sur ce projet.

« Les directives territoriales d'aménagement mentionnées à l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme, lorsqu'elles précisent les objectifs de l'Etat en matière de localisation des terrains d'accueil des gens du voyage dans le cadre des rassemblements traditionnels, prennent en compte les orientations du schéma national.

« II. Dans chaque département, au vu d'une évaluation préalable des besoins et de l'offre existante, notamment de la fréquence et de la durée des séjours des gens du voyage, des possibilités de scolarisation des enfants, d'accès aux soins et d'exercice des activités économiques, un schéma départemental prévoit les secteurs géographiques d'implantation des aires permanentes d'accueil et les communes où celles-ci doivent être réalisées.

« Le schéma départemental précise la destination des aires permanentes d'accueil et leur capacité. Il recense les a utorisations délivrées sur le fondement de l'article L. 443-3 du code de l'urbanisme. Il définit la nature des actions à caractère social destinées aux gens du voyage qui les fréquentent.

« Le schéma départemental prend en compte les terrains qui, en application du schéma national et sous la responsabilité de l'Etat, sont susceptibles d'être occupés temporairement à l'occasion de rassemblements traditionnels. Il peut prévoir les adaptations nécessaires.

« III. Le schéma départemental est élaboré par le représentant de l'Etat dans le département et le président du conseil général. Après avis du conseil municipal des communes concernées et de la commission consultative prévue au IV, il est approuvé conjointement par le représentant de l'Etat dans le département et le président du conseil général dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi. Il fait l'objet d'une publication.

« Le schéma départemental est révisé selon la même procédure au moins tous les six ans à compter de sa publication.

« IV. Dans chaque département, une commission consultative, composée des représentants du département, des représentants des communes et de leurs groupements, des représentants des services de l'Etat, des représentants des gens du voyage et des associations intervenant auprès des gens du voyage ainsi que des personnalités qualifiées, est associée à l'élaboration et à la mise en oeuvre du schéma. Elle est présidée conjointement par le représentant de l'Etat dans le département et par le président du conseil général, ou par leurs représentants.

« La commission consultative établit chaque année un bilan d'application du schéma. Elle peut désigner un médiateur chargé d'examiner les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de ce schéma et de formuler des propositions de règlement de ces difficultés. Le médiateur rend compte à la commission de ses activités.

« V. En région d'Ile-de-France, une commission régionale composée des représentants de l'Etat dans les départements, du président du conseil régional et des présidents de conseils généraux, ou de leurs représentants, assure, le cas échéant, la coordination des travaux d'élaboration des schémas départementaux ainsi que la cohérence de leur contenu et de leurs dates de publication.


page précédente page 04540page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

« Les propositions de la commission régionale sont soumises pour avis aux commissions consultatives départementales concernées.

« VI. Hors la région d'Ile-de-France, une commission interdépartementale composée des représentants de l'Etat dans les départements et des présidents de conseils généraux concernés, ou de leurs représentants, assure, le cas échéant, la coordination des travaux d'élaboration des schémas départementaux de départements limitrophes ainsi que la cohérence de leur contenu et de leurs dates de publication.

« Les propositions de la commission interdépartementale sont soumises pour avis aux commissions consultatives départementales concernées. »

M. le président.

MM. Martin-Lalande, Cova, Quentin, Estrosi, Julia, Pandraud, Mariani, Fromion et Lasbordes ont présenté un amendement, no 39, ainsi rédigé :

« Compléter le premier alinéa du I de l'article 1er par la phrase suivante : "Est considéré comme résidence mobile, au sens de la présente loi, tout véhicule ou élément de véhicule constituant le domicile permanent de ses occupants et conservant des moyens de mobilité lui permettant de se déplacer par lui-même ou d'être déplacé par simple traction". »

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Monsieur le président, je pensais pouvoir intervenir sur l'article mais puisque vous nous engagez à aller vite, j'accepte pour ce premier article votre proposition.

Les dispositifs mis ici en place reposent principalement sur la nature particulière de la résidence des gens du voyage. En tant que domicile, elle est inviolable et il faut fixer des règles pour respecter cette liberté ; en tant que véhicule, elle pose des difficultés de stationnement. Il nous a semblé intéressant de réintroduire la définition de la résidence mobile dans le texte. Nous ne faisons d'ailleurs que reprendre la définition qu'en avait donnée M. le secrétaire d'Etat lors d'une lecture précédente. C'est dire si notre amendement n'est pas explosif.

En définissant dès le début du texte le terme de résidence mobile, nous cadrons bien la nature particulière des dispositions qui s'appliquent aux gens du voyage compte tenu du choix de vie qu'ils ont fait.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Si vous m'y autorisez, monsieur le président, j'aimerais présenter, en même temps que je donnerai l'avis de la commission sur cet amendement, l'amendement no 1 qui vient juste après. Ils traitent tous deux de la définition des résidences mobiles.

M. le président.

Volontiers. L'amendement no 1, présenté par Mme Le Texier, rapporteuse, est ainsi rédigé :

« Supprimer le deuxième alinéa du I de l'article 1er »

Vous avez la parole, madame la rapportrice.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Rapportrice ou rapporteuse, comme vous voulez, monsieur le président.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois constitutionnelles de la législation et de l'administration générale de la République.

Ou rapporteure !

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

L'amendement de M. Martin-Lalande reprend la définition des résidences mobiles introduite par le Sénat. L'amendement no 1 adopté par la commission des lois rétablit le texte initial de l'Assemblée nationale sans tenir compte des précisions apportées par le Sénat.

Le Sénat a souhaité reprendre pour définir les résidences mobiles des gens du voyage les termes utilisés par M. le secrétaire d'Etat à l'Assemblée. Il est préférable, de mon point de vue, de laisser le pouvoir réglementaire définir plus précisément cette notion, sachant que, depuis peu, deux lois permettent d'opérer une distinction entre les résidences mobiles constituant l'habitat traditionnel des gens du voyage - c'est le texte dont nous discutons -e t les résidences mobiles de loisir, concernées par l'article 91 de la loi sur la solidarité et le renouvellement urbain adoptée par le Sénat. Les confusions ne sont donc plus possibles. Il me semble donner ainsi satisfaction.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Même avis.

M. le président.

Je suppose, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous voulez nous dire que vous êtes défavorable à l'amendement no 39 et favorable à l'amendement no 1 ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Exactement, monsieur le président.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

39. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

L'amendement no 22 de M. Lionnel Luca n'est pas défendu.

M. Patrice Martin-Lalande.

Si, il l'est !

M. le président.

Mes chers collègues, vous aurez remarqué, comme moi, que M. Luca n'est pas là.

M. Michel Meylan.

Oh, nous avons une heure d'avance sur le programme !

M. le président.

C'est tout à fait son droit de n'être pas présent, mais je propose que nous avancions. Vous avez vous-même d'ailleurs, déposé des amendements.

Lorsque les auteurs des amendements ne sont pas présents, la tradition voulait que les amendements ne soient pas appelés. Du reste, il s'agit ici d'amendements déjà discutés en première lecture.

Mme Le Texier, rapporteuse, a présenté un amendement, no 2, ainsi rédigé :

« Supprimer le I bis de l'article 1er »

La parole est à Mme la rapportrice.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Il s'agit en fait de supprimer le schéma national d'accueil des gens du voyage introduit par le Sénat pour les grands rassemblements, ceux-ci étant pris en compte dans le cadre des schémas départementaux. Il nous semble préférable d'avoir une seule source de référence, établie au niveau départemental, pour éviter tout problème d'articulation entre documents.

En outre, ce point particulier, le stationnement des grands rassemblements, est traité clairement dans le dernier alinéa du II de l'article 1er

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Favorable. Et, je le précise, cette position ne signifie pas du tout que l'Etat se désengage, puisque plus le rassemblement est important, plus les préfets sont amenés à agir au nom de l'Etat, et ils continueront bien sûr de le faire.


page précédente page 04541page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Je regrette simplement que l a suppression du schéma national d'accueil soit envisagée.

Comme je l'ai dit en commission, les grands rassemblements convergent vers un point d'arrivée, mais leurs participants se retrouvent par groupes, lors d'étapes interm édiaires. Ces regroupements ne sont certes pas immenses, mais ils sont tout de même trop importants au regard de la capacité d'accueil d'un terrain normal.

Par conséquent, l'absence de coordination au niveau national nous semble présenter un risque : la prise en compte de la réalité de ces migrations sera limitée, puisqu'elle s'arrêtera au point d'arrivée du rassemblement.

Même un schéma régional serait insuffisant. Certaines grandes migrations sont nationales et nécessitent de ce fait une vue nationale.

La réalisation d'un schéma national n'aurait pas nécessairement été très lourde, mais ce schéma aurait constitué un outil de coordination, de prévision et de gestion adapté pour assurer le bon déroulement des quelques grandes migrations d'échelle nationale. Je souhaite que le schéma national soit maintenu.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 44 tombe.

Mme Le Texier, rapporteuse, a présenté un amendement no 3, ainsi rédigé :

« Substituer aux deux derniers alinéas du II de l'article 1er les trois alinéas suivants :

« Les communes de plus de 5 000 habitants figurent obligatoirement au schéma départemental. Il précise la destination des aires permanentes d'accueil et leur capacité. Il définit la nature des actions à caractère social destinées aux gens du voyage qui les fréquentent.

« Le schéma départemental détermine les emplacements susceptibles d'être occupés temporairement à l'occasion de rassemblements traditionnels ou occasionnels et définit les conditions dans lesquelles l'Etat intervient pour assurer le bon déroulement de ces rassemblements.

« Une annexe au schéma départemental recense les a utorisations délivrées sur le fondement de l'article L.

443-3 du code de l'urbanisme. Elle recense également les terrains devant être mis à la disposition des gens du voyage par leurs employeurs, notamment dans le cadre d'emplois saisonniers. »

Sur cet amendement, je suis saisi de trois sousamendements, nos 45, 30 et 41.

Le sous-amendement no 45, présenté par M. Bur et M. Christian Martin, est ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du premier alinéa de l'amendement no 3, après le mot : "communes", i nsérer les mots : "ou les groupements de communes". »

Le sous-amendement n o 30, présenté par MM. MartinL alande, Cova, Quentin, Estrosi, Julia, Pandraud, Mariani, Fromion et Lasbordes, est ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa de l'amendement no 3, après les mots : "Le schéma départemental détermine les emplacements", insérer les mots : "communaux et appartenant au domaine privé de l'Etat". »

Le sous-amendement no 41, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la dernière phrase du dernier alinéa de l'amendement no 3 : "Elle peut également recenser les terrains mis à disposition des gens du voyage par leurs employeurs, notamment dans le cadre d'emplois saisonniers". »

La parole est à Mme la rapportrice, pour soutenir l'amendement no

3.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Il s'agit de revenir au texte de l'Assemblée. Celui-ci prévoit que le schéma départemental statue obligatoirement pour les communes de plus de 5 000 habitants. On pouvait en effet craindre que les communes les plus importantes ne se défaussent sur les communes les plus petites.

Par ailleurs, nous prenons en compte, dans cet amendement, le souhait du Sénat de voir recensées les autorisations d'installation sur des terrains familiaux, mais ce recensement figure en annexe du schéma. Cela signifie qu'en cas d'absence de recensement ou de recensement incomplet, les dispositions relatives à la réalisation des aires d'accueil ne sauraient être remise en cause ou retardées.

Enfin, et c'est un point important, cet amendement introduit une nouvelle disposition en annexe du schéma : le recensement des obligations d'hébergement incombant aux employeurs des gens du voyage dans le cadre de travaux saisonniers. Nous reprenons ainsi l'article 9 bis, qui avait été adopté par l'Assemblée à l'initiative de M. Gilbert Mitterrand.

M. Patrice Martin-Lalande.

Entre autres !

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Vous avez sans doute raison.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

L'avis du Gouvernement est favorable, sous réserve que soit pris en compte l'objectif de son sous-amendement no

41.

M. le président.

La parole est à M. Christian Martin, pour soutenir le sous-amendement no

45.

M. Christian Martin.

Dès lors que le texte propose d'inclure, dans un article ultérieur, les établissements publics de coopération intercommunale, il paraît nécessaire d'harmoniser en tous points la future loi, afin de la rendre cohérente.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Ce sousamendement n'a pas été examiné en commision puisqu'il ne nous est parvenu qu'il y a un instant. A titre personnel, je n'y suis pas favorable, puisque tous les groupements de communes n'ont pas compétence en matière d'accueil des gens du voyage. Il me semble donc que la référence aux communes permet d'englober tous les cas.

Lorsqu'une commune est représentée dans un EPCI et que celui-ci a compétence en matière d'accueil des gens du voyage,...

M. Michel Meylan.

Tous les EPCI n'ont pas cette compétence !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Ils peuvent se l'attribuer !

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

... c'est naturellement le groupement de communes qui est concerné. Il me semble par conséquent que ce sous-amendement n'apporte rien.


page précédente page 04542page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Le Gouvernement en est conscient, dans certaines zones géographiques, aucune commune n'atteint le seuil de 5 000 habitants.

M. Yves Bur.

Bien sûr !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de passage de gens du voyage et qu'il n'est pas nécessaire de créer des aires pour les accueillir.

M. Michel Meylan.

Malheureusement...

M. le secrétaire d'Etat au logement.

C'est la raison pour laquelle, tout au long des discussions, lors des lectures précédentes, le Gouvernement avait bien indiqué que l'obligation incombant aux communes de plus de 5 000 habitants ne dispensait pas toutes les communes de moins de 5 000 habitants, et qu'il revenait au schéma départemental de bien évaluer les besoins et de les prendre en compte. Evidemment, quand cette compétence n'a pas été déléguée à un groupement intercommunal, ce sera affaire de négociation.

Sous le bénéfice que les choses soient interprétées de la sorte, le Gouvernement pense qu'il a répondu au problème. Si l'Assemblée voulait l'écrire dans la loi, encore faudrait-il bien indiquer que, dans les cas où aucune instance ne détient la compétence, il doit y avoir négociation.

M. Robert Poujade.

C'est évident !

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

45. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande, pour soutenir le sous-amendement no

30.

M. Patrice Martin-Lalande.

Il s'agit de bien montrer que l'effort, pour les grands rassemblements, doit venir des collectivités de base que sont les communes, mais aussi de l'Etat. Nous savons très bien qu'une partie des terrains nécessaires pour ces très grands rassemblements ne peut être trouvée que dans le patrimoine de l'Etat, notamment parmi les sites militaires désaffectés ou les grands périmètres qui ne sont plus utilisés comme autrefois. Il faut donc indiquer clairement que la solution à l'accueil des grands rassemblements ne doit pas être recherchée uniquement sur des terrains communaux.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

La commission a repoussé cet amendement. Je comprends le souci de M. Martin-Lalande, mais pas la rédaction de son sousamendement. C'est au schéma départemental de rechercher les terrains susceptibles de convenir le mieux possible aux grands rassemblements. Ceux-ci peuvent tout aussi bien se tenir sur le domaine public de l'Etat - par exemple sur des bases militaires -, sur le domaine privé, sur des terrains appartenant au conseil général ou, pourquoi pas, au conseil régional, par exemple. Ce sousamendement me semble donc plus restrictif que l'amendement no 3, alors que ce n'était certainement pas l'objectif de notre collègue.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Même avis que la commission. J'ajoute que, hormis le domaine public de l'Etat, on peut citer des cas dans lesquels les terrains utilisés appartiennent à des associations ou sont loués par des agriculteurs, de façon très traditionnelle. Je ne vois pas pourquoi nous le leur interdirions. Le Gouvernement est donc défavorable à l'adoption du sous-amendement no 30, qui conduirait à cette extrémité.

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Je ne suis pas loin de partager le point de vue du Gouvernement en la matière.

Dans la mesure où M. le secrétaire d'Etat a confirmé que l'Etat apporterait sa contribution à l'effort d'accueil des grands rassemblements, je retire mon sous-amendement.

M. le président.

Le sous-amendement no 30 est retiré.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au logement, pour soutenir le sous-amendement no

41.

M. le secrétaire d'Etat au logement.

J'appelle l'attention de la commission et de Mme la rapporteuse sur la rédaction de la dernière phrase de l'amendement no 3 : l'annexe du schéma départemental « recense également les terrains devant être mis à la disposition des gens du voyage par leurs employeurs ». Je vous signale que le code du travail ne prévoit aucune obligation de mise à disposition de terrains spécifiques pour les saisonniers. Le Gouvernement, par son sous-amendement no 41, répond au problème. La commission pourrait peut-être s'en tenir à la formule : « Elle recense également les terrains mis à la disposition des gens du voyage. »

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Ce sousamendement n'a pas été examiné par la commission.

M. le président.

Peut-être avez-vous un avis personnel ?

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Certes, mais j'hésite à le formuler, parce qu'il ne va pas exactement dans le même sens que celui du secrétaire d'Etat... (Sourires.)

M. Michel Meylan.

Enfin !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Tout arrive !

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Effectivement, monsieur le secrétaire d'Etat, les employeurs ne sont pas tenus de loger les travailleurs saisonniers. Et c'est justement pourquoi nous avons travaillé sur la question au cours des lectures précédentes.

Pour les vendanges, par exemple, dans le Bordelais ou ailleurs,...

M. Michel Meylan.

Et pour les travaux saisonniers en montagne !

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

... ce sont les villes limitrophes des exploitations vinicoles qui subissent l'installation du nombre considérable de caravanes occupées par les travailleurs employés provisoirement.

Il nous avait semblé tout à fait important de donner suite aux demandes de nos collègues qui sont confrontés à ce problème dans leur région. Or, de toute évidence, monsieur le secrétaire d'Etat, la rédaction que vous nous proposez affaiblit considérablement la portée du texte que nous avions adopté en première lecture. A titre personnel, je préfère m'en tenir à celui-ci.

M. Michel Meylan.

Bravo !

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Nous devrions arriver à nous comprendre. La rédaction qui avait été proposée M. Mitterrand et quelques-uns de ses collègues


page précédente page 04543page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

créait une obligation explicite : « L'employeur est tenu de mettre à leur disposition... ». Or le texte proposé par la

commission supprime cette obligation, mais tout en faisant comme si elle existait, avec la formule « devant être mis ». Par conséquent, vous devez soit supprimer l'obligation, et donc les mots « devant être », soit la rétablir explicitement et reprendre le texte de M. Mitterrand.

M. le président.

La parole est à Mme la rapportrice.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Dans notre esprit, l'obligation résulte des mots « devant être mis ».

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

41. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Bur et M. Christian Martin ont présenté un amendement, no 46, ainsi rédigé :

« Dans la deuxième phrase du premier alinéa du III de l'article 1er , après le mot : "concernées", insérer les mots : "et information du conseil général des conséquences financières du schéma". »

La parole est à M. Christian Martin.

M. Christian Martin.

Notre amendement vise à associer le conseil général à ces dispositions, en garantissant que l'assemblée départementale soit dûment saisie du problème et qu'elle en mesure la portée budgétaire.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

La commission n'a pas examiné l'amendement. J'y suis favorable, à titre personnel, puisque le président du conseil général est déjà associé à tout : à l'élaboration du schéma, à sa mise en place, à sa signature. Il est donc parfaitement informé, en tant que président du conseil général, et il est par conséquent évident qu'il informera son assemblée, sans qu'il soit utile de le préciser dans la loi.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Même avis, monsieur le président. Je fais remarquer à M. Martin que son souci d'information du conseil général, d'une certaine façon, se traduit par une suspicion à l'endroit de son président,...

M. Michel Meylan.

Exactement.

M. le secrétaire d'Etat au logement.

... qui est co-élaborateur du schéma.

M. Christian Martin.

Ce n'est pas le cas dans le Maineet-Loire !

M. Michel Meylan.

Changez donc de président ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Si vous adoptiez cet amendement, vous donneriez à penser que le président du conseil général élabore un document dont il ne parle pas à son assemblée. Le Gouvernement, lui, fait confiance aux présidents de conseils généraux pour informer leurs assemblées respectives !

M. Christian Martin.

C'est nouveau !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

46. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Le Texier, rapporteuse, a présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« Avant la dernière phrase du premier alinéa du III de l'article 1er , insérer la phrase suivante : "Passé ce délai, il est approuvé par le représentant de l'Etat dans le département". »

La parole est à Mme la rapportrice.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Cet amendement rétablit le pouvoir de substitution du préfet en cas de refus du président du conseil général d'approuver le schéma départemental dans le délai de dix-huit mois suivant la publication de la loi.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Favorable, bien sûr.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Mme Le Texier, rapporteuse, a présenté un amendement, no 5, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le premier alinéa du IV de l'article 1er :

« Dans chaque département, une commission consultative, comprenant notamment des représentants des communes concernées, des représentants des gens du voyage et des associations intervenant auprès des gens du voyage, est associée à l'élaboration et à la mise en oeuvre du schéma. Elle est présidée conjointement par le représentant de l'Etat dans le département et par le président du conseil général, ou par leurs représentants. »

La parole est à Mme la rapportrice.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Cet amendement porte sur la composition de la commission consultative. Il s'agit de revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Favorable.

M. le président.

Sur cet amendement, je suis saisi de six sous-amendements, dont deux sont identiques.

Le sous-amendement no 47 est présenté par M. Bur et M. Christian Martin ; le sous-amendement no 56 est présenté par MM. Martin-Lalande, Cova, Quentin, Estrosi, Julia, Pandraud, Mariani, Fromion et Leroy.

Ces sous-amendements sont ainsi rédigés :

« Dans la première phrase de l'amendement no 5, après les mots : "communes concernées", insérer les mots : "et de leurs groupements". »

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir le sous-amendement no

56.

M. Patrice Martin-Lalande.

Peut-être pourrai-je présenter en même temps les quatre autres sous-amendements, monsieur le président ?

M. le président.

Les sous-amendements nos 55, 57, 58 et 59, présentés par MM. Martin-Lalande, Cova, Quentin, Estrosi, Julia, Pandraud, Mariani, Fromion et Maurice Leroy, peuvent effectivement faire l'objet d'une présentation commune avec les sous-amendements nos 47 et 56.

Le sous-amendement no 55 est ainsi rédigé :

« Dans la première phrase de l'amendement no 5, après les mots : "communes concernées", insérer les mots : ", des représentants des services de l'Etat". »


page précédente page 04544page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

Le sous-amendement no 57, est ainsi rédigé :

« Dans la première phrase de l'amendement no 5, après les mots : "communes concernées", insérer les mots : ", des représentants des caisses d'allocations familiales". »

Le sous-amendement no 58 est ainsi rédigé :

« Dans la première phrase de l'amendement no 5, après les mots : "communes concernées", insérer les mots : ", des représentants de la région, ". »

Le sous-amendement no 59 est ainsi rédigé :

« Dans la première phrase de l'amendement no 5, après les mots : "communes concernées", insérer les mots : ", des représentants du département". »

Poursuivez, monsieur Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Il s'agit de compléter la composition de la commission consultative, et notamment en n'en écartant pas les instances susceptibles d'apporter un financement. Comme on le verra plus loin, il est prévu que les régions, les départements et la caisse d'allocations familiales puissent financer les aires. Il serait donc assez logique que ces instances participent à la réflexion et à la définition du schéma.

Je propose également que participent à cette commission les groupements de communes, pour les raisons qui ont été évoquées aussi par Christian Martin et Yves Bur.

La présence de représentants des services de l'Etat nous semble tout aussi nécessaire, puisque la scolarisation, l'accès aux soins, l'activité économique et d'autres domaines cités parmi les objectifs du schéma relèvent aussi de leur compétence. Il me semblerait paradoxal qu'ils ne soient pas représentés dans la commission consultative.

Quant au conseil général, le fait que son président copréside la commission consultative ne suffit pas à lui assurer une représentation compte tenu de l'importance du financement qu'on peut attendre de lui, il est normal qu'il soit représenté par plusieurs de ses membres.

M. le président.

L'amendement no 47 de M. Bur est défendu.

Quel est l'avis de la commission sur ces sous-amendements ?

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Ces sousamendements n'ont pas été examinés par la commission.

Nous insistons beaucoup, quant à nous, sur l'adverbe

« notamment » qui figure dans l'alinéa traitant de la composition des commissions consultatives. Ce mot est à notre avis lourd de sens.

M. Robert Poujade.

Il n'a aucune valeur juridique.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Peut-être, mais par ce mot, nous avons voulu, une fois de plus, être pragmatiques et associer à la commission consultative, dans chaque département, toute personne qui, de par ses investissements, mérite de l'être.

Plus nous élargirons la liste, plus nous créerons une espèce de super-commission, dont les membres déserteront les séances. Nous avons tous vécu, dans notre vie d'élu, les dysfonctionnements de ce type de structure. Je tiens donc au mot « notamment ». A titre personnel, je suis défavorable aux sous-amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Le Gouvernement approuve la présence du mot « notamment » qui permettra une certaine souplesse dans la composition de cette commission pour que celle-ci soit réellement adaptée aux réalités locales.

Pour ce qui est de la présence des représentants du département, dès lors que le président du conseil général sera coprésident de cette commission, il sera assisté des collaborateurs de son choix. Et il en sera de même du préfet. C'est une coutume dans toutes nos commissions.

Je peux vous donner l'assurance que les instructions réglementaires la rappelleront. Les auteurs de ces sousamendements auront ainsi satisfaction sur ce point.

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Je crois que l'on se fait des fausses peurs. Personne ne parle de supprimer le mot

« notamment ! » Nous souhaitons simplement que l'on n'oublie pas de mentionner, dans la liste proposée par le texte initial, après le mot « notamment », les représentants des collectivités ou organismes qui seront appelés à contribuer. Il serait en effet paradoxal que l'on doive payer, mais que l'on n'ait pas le droit de réfléchir !

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les sous-amendements nos 47 et 56.

(Ces sous-amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je vais maintenant mettre aux voix successivement les sous-amendements nos 55, 57, 58 et 59.

(Les sous-amendements nos 55, 57, 58 et 59, mis aux voix successivement, ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Mme Le Texier, rapporteuse, a présenté un amendement, no 6, ainsi rédigé :

« Substituer aux V et VI de l'article 1er le paragraphe suivant :

« V. Le représentant de l'Etat dans la région coordonne les travaux d'élaboration des schémas départementaux. Il s'assure de la cohérence de leur contenu et de leurs dates de publication. Il réunit à cet effet une commission constituée des représentants de l'Etat dans les départements, du président du conseil régional et des présidents des conseils généraux, ou de leurs représentants. »

La parole est à Mme la rapportrice.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Cet amendement vise à rétablir le texte de l'Assemblée nationale prévoyant, sur l'ensemble du territoire national, une coordination régionale en matière d'accueil des gens du voyage.

Initialement, nous avions prévu cette coordination pour la seule région d'Ile-de-France mais, suite aux réflexions de nombre de nos collègues, nous l'avons étendue à l'ensemble du territoire national.

Cela étant, je voudrais préciser, pour répondre à une question souvent posée, que rien n'interdira à des départements limitrophes, mais n'appartenant pas à la même région, de se concerter si besoin est. Les articles L.

5411-1 et L.

5411-2 du code général des collectivités territoriales, qui traitent de l'entente, des conventions et des conférences interdépartementales, rendent d'ores et déjà possibles ces concertations interdépartementales.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Sagesse favorable ! (Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Tout à l'heure, M. le secrétaire d'Etat insistait pour que l'on reste dans le cadre départemental.

Maintenant, nous sommes déjà au niveau régional ou


page précédente page 04545page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

interdépartemental. Encore un petit effort et vous accepterez le schéma national ! Nous aurions alors une véritable coordination et une cohérence globale du dispositif.

M. Patrice Martin-Lalande.

Encore un petit effort, monsieur le secrétaire d'Etat !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Article 1er bis

M. le président.

« Art. 1er bis . - Il est inséré dans le chapitre V du titre Ier du livre II de la deuxième partie du c ode général des collectivités territoriales un article

L. 2215-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L.

2215-1-1. - Dans le cadre des pouvoirs qui lui sont reconnus par l'article L.

2215-1, le représentant de l'Etat dans le département veille à la mise en oeuvre des orientations fixées par le schéma national prévu par la loi no ... du ........ relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage. »

Mme Le Texier, rapporteuse, a présenté un amendement, no 7, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 1er bis »

La parole est à Mme la rapportrice.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Il s'agit de supprimer un article introduit par le Sénat par coordination avec la suppression du schéma national opérée par l'Assemblée nationale à l'article 1er

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 1er bis est supprimé.

Article 2

M. le président.

« Art. 2. - I. - Les communes et leurs groupements concourent à la mise en oeuvre du schéma départemental par la réservation, en fonction des orientations fixées par celui-ci, de terrains aménagés et entretenus en vue du passage et du séjour des gens du voyage. A cette fin, dans un délai de deux ans à compter de la publication du schéma départemental, les communes mettent à la disposition des gens du voyage les aires d'accueil, aménagées et entretenues, prévues par ce dernier.

Elles peuvent également transférer cette compétence à un é tablissement public de coopération intercommunale chargé de mettre en oeuvre les dispositions du schéma départemental ou contribuer financièrement à l'aménagement et à l'entretien de ces aires d'accueil dans le cadre de conventions intercommunales.

« I bis . - Sur la demande de la commune concernée, le délai mentionné au I peut être prolongé par le représentant de l'Etat dans le département, après avis de la commission consultative départementale, lorsque la réalisation de l'aire dans ce délai se heurte à des difficultés techniques ou de procédure dûment constatées.

« II. - Non modifié »

Mme Le Texier, rapporteuse, a présenté un amendement, no 8, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le I de l'article 2 :

« Les communes figurant au schéma départemental en application des dispositions des II et III de l'article 1er sont tenues, dans un délai de deux ans suivant la publication de ce schéma, de participer à sa mise en oeuvre en mettant à la disposition des gens du voyage une ou plusieurs aires d'accueil, aménagées et entretenues. Elles peuvent également t ransférer cette compétence à un établissement public de coopération intercommunale chargé de mettre en oeuvre les dispositions du schéma départemental ou contribuer financièrement à l'aménagement et à l'entretien de ces aires d'accueil dans le cadre de conventions intercommunales. »

Sur cet amendement, MM. Martin-Lalande, Cova, Quentin, Estrosi, Julia, Pandraud, Mariani, Fromion et Lasbordes ont présenté un sous-amendement, no 35, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase de l'amendement no 8, après les mots : "mise en oeuvre", insérer les mots : ". Elles le font". »

La parole est à Mme la rapportrice, pour soutenir l'amendement no

8.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Cet amendement tend à reprendre le texte de l'Assemblée nationale définissant les obligations des communes et des établissements publics de coopération intercommunale figurant au schéma départemental.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande, pour défendre le sous-amendement no

35.

M. Patrice Martin-Lalande.

Nous avons déposé ce sousamendement pour qu'il soit bien clair que l'obligation de respecter le délai de deux ans s'appliquera aux trois formes de mise en oeuvre de cette obligation, et pas seulement à la première comme pourrait le laisser croire la rédaction actuelle.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Ce sousamendement ne change rien au fond et le verbe « faire » n'est guère précis, du point de vue juridique. Cela étant, on peut adopter cette rédaction.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Favorable.

M. Michel Meylan.

C'est la fête !

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

35. (Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je mets aux voix l'amendement no 8, modifié par le sous-amendement no

35. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est, là encore, acquis à l'unanimité.


page précédente page 04546page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

M. Jean-Pierre Blazy.

C'est bien pour les gens du voyage !

M. le président.

Mme Le Texier, rapporteuse, a présenté un amendement, no 9, ainsi rédigé :

« Supprimer le I bis de l'article 2. »

La parole est à Mme la rapportrice.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Il s'agit de supprimer la procédure introduite par le Sénat en vue d'obtenir un allongement des délais de réalisation des aires d'accueil. En effet, le pouvoir de substitution n'étant pas automatique et le préfet ayant un pouvoir d'appréciation en la matière, il ne sera pas automatiquement mis en oeuvre si une commune ou un EPCI prend du retard dans la réalisation de l'aire d'accueil pour diverses raisons matérielles ou pratiques.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Favorable, car des délais resserrés sont une condition de l'efficacité.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 3

M. le président.

« Art 3. I. Supprimé.

« II. Le 31o de l'article L.

2321-2 du code général des collectivités territoriales est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« 31o Les dépenses occasionnées par l'application des dispositions de l'article 2 de la loi no du relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ;

« 32o L'acquittement des dettes exigibles. »

Mme Le Texier, rapporteuse, a présenté un amendement, no 10, ainsi rédigé :

« Rétablir le I de l'article 3 dans la rédaction suivante :

« Si, à l'expiration d'un délai de deux ans suivant la publication du schéma départemental et après mise en demeure par le préfet restée sans effet dans les trois mois suivants, une commune ou un établissement public de coopération intercommunale n'a pas rempli les obligations mises à sa charge par le schéma départemental, l'Etat peut acquérir les terrains nécessaires, réaliser les travaux d'aménagement et gérer les aires d'accueil au nom et pour le compte de la commune ou de l'établissement public défaillant.

« Les dépenses d'acquisition, d'aménagement et de fonctionnement de ces aires constituent des dépenses obligatoires pour les communes ou les établissements publics qui, selon le schéma départemental, doivente n assumer les charges les communes ou les établissements publics deviennent de plein droit propriétaires des aires ainsi aménagées, à dater de l'achèvement de ces aménagements. »

Sur cet amendement, MM. Martin-Lalande, Cova, Quentin, Estrosi, Julia, Pandraud, Mariani, Fromion et Maurice Leroy ont présenté un sous-amendement, no 60, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'amendement no 10, après les mots : "L'Etat peut", insérer les mots : ", après avis de la commission consultative départementale,". »

La parole est à Mme la rapportrice, pour soutenir l'amendement no

10.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Il s'agit de rétablir le pouvoir de substitution du préfet en matière de réalisation des aires d'accueil. Nous avons longuement évoqué ce point dans la discussion générale.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Je n'ai pas répondu aux intervenants dans la discussion générale, car je savais bien que certains articles et amendements nous permettraient de rebondir sur l'essentiel.

Le Gouvernement avait prévu le pouvoir de substitution du représentant de l'Etat dans le projet de loi initial.

Il est donc bien évidemment favorable à son rétablissement par l'amendement no 10. Sur ce point, il faut que les choses soient claires.

D'une part, nous devons tirer les enseignements de l'insuffisance constatée dans la mise en oeuvre de l'article 28 de la loi du 31 mai 1990. Si nous adoptions un nouveau texte législatif dont la seule différence avec le précédent serait les moyens financiers apportés par l'Etat, il y aurait fort à redouter, compte tenu de la sensibilité et de la difficulté du problème à résoudre, que l'on soit amené, dans quelques années, à faire le même constat que dix ans après l'adoption de la loi du 31 mai 1990.

D'autre part, il y a là une question de fond. Aucun législateur conséquent ne peut accepter de contribuer à l'élaboration de lois dont il serait fait un usage « à la carte », de lois parmi lesquelles ceux qu'elles concernent pourraient faire le tri, retenant l'une, écartant l'autre. La loi, c'est la traduction très concrète de la conception que l'on peut avoir de la République et de ses valeurs et, bien évidemment, la République doit être partout chez elle.

Donc, même dans un domaine délicat comme celui-ci, il faut certaines garanties.

Il faut savoir aussi que certains maires agissent déjà en v ertu de cette conception républicaine de la décentralisation, selon laquelle l'on a créé non pas 36 000 républiques, mais 36 000 communes qui sont autant d'acteurs de la mise en oeuvre des lois de la République. Or, ces maires, leur conseil municipal et leur population doivent, me semble-t-il, avoir l'assurance qu'ils ne seront pas confrontés à des problèmes accrus, voire insolubles, du fait que d'autres s'affranchiraient de l'application de la loi.

M. Yves Bur.

C'est valable à gauche comme à droite !

M. Jean-Jacques Filleul.

Bien sûr !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Il faut soutenir ce principe républicain et ces maires, et l'Assemblée nationale s'honorerait en convenant que tel doit être l'objectif.

Pour que celui-ci soit clairement affirmé, il faut que le pouvoir de substitution soit prévu par la loi, même si c'est pour ne s'en servir qu'en ultime recours, voire j amais. Je souhaite donc que l'amendement de la commission soit adopté.

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande, pour soutenir le sous-amendement no

60.

M. Patrice Martin-Lalande.

J'ai déjà exprimé mes réticences quant au pouvoir de substitution et aux risques de déresponsabilisation qui pourraient en résulter. Cela dit, il est vrai qu'il présente aussi des aspects positifs.

M. Jean-Jacques Filleul.

C'est très intéressant ! Vous êtes convaincant, monsieur le secrétaire d'Etat ! (Sourires.)


page précédente page 04547page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

M. Patrice Martin-Lalande.

Ce sous-amendement vise à rendre obligatoire la consultation de la commission consultative départementale en cas d'utilisation du pouvoir de substitution pour que la commission ait connaissance des difficultés qui sont survenues et qu'elle en examine les conséquences. Le préfet pourrait ainsi continuer le dialogue avec la commission, même en cas de difficulté majeure. M. le secrétaire d'Etat nous a dit tout à l'heure que ce serait exceptionnel, cela mérite donc que l'on prévoie une telle disposition.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Ce sousamendement n'a pas été examiné par la commission.

A titre personnel, j'y suis défavorable puisque le pouvoir de substitution ne s'exercera que dans le cas où le schéma élaboré avec la commission consultative ne sera pas respecté. Je ne vois donc pas l'intérêt d'une telle disposition qui, de plus, risquerait d'alourdir et de ralentir encore les procédures.

M. Jean-Jacques Filleul.

Exactement !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Le Gouvernement est, comme la commission, très attaché au pouvoir de substitution. Si l'adoption de ce sous-amendement devait être le prix à payer pour que le Parlement accepte à l'unanimité ce moyen ultime, le Gouvernement pourrait y être favorable. En effet, le schéma est élaboré avec l'aide de la commission consultative départementale et le pouvoir de substitution ne s'appliquerait que pour mettre en oeuvre un document qui aurait été éclairé par celle-ci tout au long de son élaboration. Je n'imagine donc pas la commission consultative départementale ne pas appuyer l'initiative du représentant de l'Etat. Dès lors, je ne vois pas d'objection à ce que la commission puisse donner son avis si c'est l'occasion de réunir toute la représentation nationale et d'exprimer une volonté telle qu'il y aura d'autant moins de situations nécessitant le recours à cette disposition.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

60. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Mme le Texier, rapporteuse, a présenté un amendement, no 11, ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa du II de l'article 3, après les mots : "des dispositions", substituer aux mots : "de l'article 2" les mots : "des articles 2 et 3". »

La parole est à Mme la rapportrice.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

11. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 3, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4

M. le président.

« Art. 4. L'Etat prend en charge les investissements nécessaires à l'aménagement et à la réhabilitation des aires prévues au premier alinéa du II de l'article 1er , ainsi que la réparation de dommages éventuels, dans la proportion de 70 % des dépenses engagées dans le délai fixé à l'article 2, dans la limite d'un plafond fixé par décret.

« La région, le département et les caisses d'allocations familiales peuvent accorder des subventions complémentaires pour la réalisation de ces aires d'accueil. »

Mme Le Texier, rapporteuse, a présenté un amendement, no 12, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article 4, après les mots : "l'article 1er ,", supprimer les mots : "ainsi que la réparation de dommages éventuels,". »

la parole est Mme la rapportrice.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Il s'agit de supprimer le dispositif introduit par le Sénat, prévoyant le remboursement systématique par l'Etat des frais engendrés par les dommages occasionnés aux aires permanentes d'accueil des gens du voyage. En effet, nous ne voulons pas mettre en place un mécanisme de financement systématique qui pourrait être perçu comme un encouragement à la mauvaise gestion des aires d'accueil (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Yves Bur.

Ce n'est pas sérieux !

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

... au laisseraller. C'est néanmoins un vrai problème qu'a soulevé la Haute assemblée. Au cours des débats au Sénat, M. le secrétaire d'Etat s'était exprimé à ce propos et avait pris des engagements. Il serait intéressant qu'il nous confirme que ce point reste préoccupant et que l'Etat accomplira, une fois de plus, son devoir.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Ce projet de loi, je le rappelle à l'Assemblée, induit, pour le financement des aires, une aide de l'Etat de 1,750 milliard de francs, effort sans précédent. J'ajoute que nous créons une aide à la gestion sur la base de 10 000 francs par place, qui représentera, lorsque 30 000 places auront été mises à disposition, une dépense annuelle de 300 millions de francs.

Il est évident que ces efforts n'auront de sens que si tous les acteurs sont responsabilisés. Or ce ne sont pas les maires qui assureront la gestion des aires au quotidien, ni même, dans bien des cas, les services municipaux, ce seront très souvent des associations. Nous n'avons à douter ni de la compétence ni de la bonne volonté de leur personnel. Mais nous souhaitons que, par la voie réglementaire, on puisse bien distinguer les dommages résultant d'une présence ou d'une surveillance insuffisante du gérant et ceux provoqués par une action de vandalisme qui, bien évidemment, méritent réparation et accompagnement de l'Etat pour les dépenses nécessaires, de la même façon qu'il aura participé aux dépenses initiales d'aménagement de l'aire. Or, si une disposition prévoyait l'intervention automatique de l'Etat pour réparer les dommages, les deux situations seraient couvertes, et c'est justement ce que nous ne souhaitons pas.

Cela étant, madame la rapporteuse, l'engagement que j'ai pris devant le Sénat est, bien sûr, confirmé devant votre assemblée, dans ces termes que j'espère très clairs.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

12. (L'amendement est adopté.)


page précédente page 04548page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

M. le président.

Je mets aux voix l'article 4, modifié par l'amendement no

12. (L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

M. le président.

« Art. 5. - I et II. - Non modifiés.

« III. - L'article L. 851-1 du même code est complété par un II ainsi rédigé :

« II. - Une aide forfaitaire est versée aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale qui gèrent une ou plusieurs aires d'accueil de gens du voyage. Elle est également versée aux personnes morales qui gèrent une aire en application d'une convention prévue au II de l'article 2 de la loi no du relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.

« Une convention passée avec l'Etat fixe, compte tenu de la capacité effective des aires d'accueil, le montant prévisionnel de l'aide versée annuellement à ces gestionnaires. Cette convention détermine les modalités de calcul de la redevance perçue par les gestionnaires des aires d'accueil et définit les conditions de leur gardiennage. »

« IV et V. - Non modifiés. »

Mme Le Texier, rapporteuse, a présenté un amendement, no 13, ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du troisième alinéa du III de l'article 5, substituer aux mots : "de la redevance perçue" les mots : "du droit d'usage perçu ».

La parole est à Mme la rapportrice.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

S'agissant de la participation financière des gens du voyage à leur accueil dans les aires aménagées, nous préférons l'expression de

« droit d'usage » à celle de « redevance perçue », introduite par le Sénat. Ce n'est qu'une question de terminologie, mais la notion communément utilisée est celle de droit d'usage, et elle nous paraît plus participative.

M. Yves Bur.

Comme si cela changeait quelque chose !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

13. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 5, modifié par l'amendement no

13. (L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Article 7

M. le président.

« Art. 7. I. Le deuxième alinéa de l'article L.

2334-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Cette population est la population totale majorée, sauf disposition particulière, d'un habitant par résidence secondaire et de quatre habitants par place de caravane située sur une aire d'accueil des gens du voyage satisfaisant aux conditions de la convention de l'article

L. 851-1 du code de la sécurité sociale et aux normes techniques en vigueur, fixées par un décret en Conseil d'Etat. »

« II. La perte de recettes résultant pour l'Etat de la majoration de la population prise en compte pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Mme Le Texier, rapporteuse, a présenté un amendement, no 14, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 7 :

« Le deuxième alinéa de l'article L.

2334-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Cette population est la population totale majorée, sauf disposition particulière, d'un habitant par résidence secondaire et d'un habitant par place de caravane située sur une aire d'accueil des gens du voyage satisfaisant aux conditions de la convention de l'article L.

851-1 du code de la sécurité sociale et aux normes techniques en vigueur, fixées par un décret en Conseil d'Etat. La majoration de population est portée à deux habitants par place de caravane pour les communes éligibles l'année précédente à la dotation de solidarité urbaine prévue à l'article

L. 2334-15 ou à la première fraction de la dotation de solidarité rurale prévue à l'article L.

2334-21. »

Sur cet amendement, je suis saisi de deux sousamendements, nos 62 et 61, présentés par MM. MartinL alande, Cova, Quentin, Estrosi, Julia, Pandraud, Mariani, Fromion et Maurice Leroy.

Le sous-amendement no 62 est ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du dernier alinéa de l'amendement no 14, substituer aux mots : "d'un habitant par place de caravane", les mots : "de quatre habitants par place de caravane". »

Le sous-amendement no 61 est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 14 par le paragraphe suivant :

« II. La perte de recettes résultant pour l'Etat de la majoration de la population prise en compte pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à Mme la rapportrice, pour soutenir l'amendement no

14.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

L'article 7 concerne la prise en compte des aires d'accueil par l'Etat dans le calcul de la DGF. Nous proposons un retour au texte de l'Assemblée nationale, qui prévoit une modulation en fonction de l'éligibilité des communes à la DSU ou à la DSR.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Le texte de première lecture résultait d'un accord entre les divers ministères concernés. Etant toujours mandaté pour faire aboutir cet accord, j'approuve le retour à la rédaction de l'Assemblée.

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande, pour soutenir les sous-amendements nos 62 et 61.

M. Patrice Martin-Lalande.

Nous souhaitons que la population prise en compte pour la DGF soit augmentée de quatre habitants par place de caravane au lieu d'un seul.

D'abord, ce calcul nous semble correspondre à la réalité démographique. Tous ceux qui ont eu des contacts avec les gens du voyage savent qu'il y a beaucoup plus d'un habitant par caravane.


page précédente page 04549page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

En outre, il convient de tenir compte des charges que représente l'accueil des gens du voyage, et pas seulement le stationnement, pour la commune. Ces charges ne sont pas comparables à celles liées aux résidences secondaires.

Je pense en particulier à la scolarisation des enfants. Certaines communes de la vallée du Cher ont ouvert une classe complète pour les enfants des familles du voyage. Il faut prévoir des locaux et des moyens - c'est normal et nous devons le faire -, mais nous devons aussi trouver le financement. Il faut également assurer l'accès aux soins, favoriser, quand c'est possible, l'exercice d'activités économiques, organise, des actions à caractère social.

Autant de charges bien réelles si l'on veut que l'accueil soit autre chose que du stationnement. Nous proposons donc de prendre en compte quatre habitants par place de caravane afin de revaloriser l'aide que pourront recevoir les communes.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les deux sous-amendements ?

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Ce sousamendement n'a pas été examiné pour la commission.

Avis défavorable à titre personnel parce que, faute d'un abondement supplémentaire, la répartition de la DGF serait modifiée au détriment des autres communes, ce qui ne paraît pas très équitable.

M. Patrice Martin-Lalande.

Tout effort en ce domaine suppose aussi un effort financier !

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Je crois que l'effort consenti par le Gouvernement est déjà substantiel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Avis défavorable.

Non qu'on ne puisse pas trouver d'arguments pour un effort supplémentaire. J'en donne acte très volontiers.

Mais j'appelle quand même l'attention de M. MartinLalande sur le fait que les gens du voyage présents le jour du recensement général de la population sont comptés pour leurs effectifs réels tout au long de la période intercensitaire. C'est une pratique de très longue date.

M. Patrice Martin-Lalande.

Et très injuste pour la commune voisine !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

L'article 7 prend en compte, dans les limites que vous connaissez, les populations de passage qui ont échappé au recensement.

C'est un progrès. Comme s'y ajoute l'aide au fonctionnement des aires elles-mêmes, le Gouvernement estime que ce sont là des avancées significatives. Il propose d'en rester là et de ne pas retenir les sous-amendements nos 61 et 62.

M. le président.

La parole est à M. Daniel Vachez.

M. Daniel Vachez.

Pour appuyer la déclaration de M. le secrétaire d'Etat, je rappelle qu'il y aura d'autres recensements généraux. Lorsqu'une commune construit un nouveau quartier, elle a des charges supplémentaires. Elle doit mettre en place des équipements et des services publics pour les nouveaux habitants. Or ceux-ci ne sont pris en compte pour les dotations de l'Etat que lors du recensement général suivant, sauf si l'augmentation de la population atteint 15 %. Il en est de même pour les communes qui n'ont pas encore réalisé d'aire d'accueil. Elles auront la possibilité de décompter la totalité des gens du voyage présents sur leur territoire lors du prochain recensement.

Par conséquent, la disposition prévue à l'article 7 vient en plus de ce décompte habituel de la population. Et je tiens en outre à remercier le Gouvernement d'avoir ajouté la prise en compte d'un deuxième habitant par emplacement de caravane lorsque la commune bénéficie de la DSU ou de la dotation bourg-centre de la DSR.

C'est un effort appréciable. Nous avons eu un débat entre nous pour savoir s'il fallait aller au-delà, mais il ne faut pas oublier que, la DSU étant fixée à périmètre constant, cette dotation doit maintenir certains équilibres.

Il est évident que si on augmente trop la part affectée à un des critères de répartition, la pondération se fera au détriment des autres.

Notre groupe tient donc à saluer l'effort consenti et il entend revenir au texte de l'Assemblée.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

62. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

61. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 7 est ainsi rédigé.

Article 8

M. le président.

« Art. 8. Le code de l'urbanisme est ainsi modifié : 1o Au 2o de l'article L.

111-1-2, après les mots : "Les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs,", sont insérés les mots : "à la réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage," ;

« 2o Au premier alinéa de l'article L.

121-10, après les mots : "la satisfaction des besoins présents et futurs en matière d'habitat", sont ajoutés les mots : ", y compris ceux des gens du voyage" ;

« 3o Le chapitre III du titre IV du livre IV est complété par un article L.

443-3 ainsi rédigé :

« Art. L.

443-3. Dans les zones constructibles, des terrains peuvent être aménagés afin de permettre l'installation de caravanes constituant l'habitat permanent de leurs utilisateurs. L'autorisation d'aménagement est délivrée dans les formes, conditions et délais définis par le décret en Conseil d'Etat mentionné à l'article L.

443-1. »

M. Bur et M. Christian Martin ont présenté un amendement, no 48, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le début du dernier alinéa de l'article 8 :

« Art. L.

443-3. Les communes ou groupements de communes disposant d'un plan d'occupation des sols ou d'un plan d'occupation des sols de secteur doivent prévoir l'emplacement de l'aire ou des aires dans celui-ci lors de sa prochaine révision.

Dans les zones constructibles... (Le reste sans changement.) » La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Cet amendement tend à inscrire dans les plans d'occupation des sols les terrains destinés à accueillir les gens du voyage. Les habitants ont un droit à l'information qu'ils ne pourront exercer que si les intentions de la municipalité, puis la destination effective des terrains sont reprises dans les documents d'urbanisme.


page précédente page 04550page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

De plus, serait ainsi officialisée une pratique qui existe au moins dans certains départements où les préfectures imposent aux communes, lors de la révision des plans d'occupation des sols, de mentionner les terrains prévus pour accueillir ou accueillant déjà les gens du voyage. Le plan d'occupation des sols de ma propre commune est actuellement soumis à cette obligation. Autant la consacrer dans la loi.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

La commission n'a pas examiné cet amendement, mais elle avait déjà repoussé une proposition similaire au cours des deux précédentes lectures dans le souci de ne pas alourdir la procédure.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

L'avis du Gouvernement est interrogatif.

(Sourires.)

J'accepterais volontiers d'être éclairé par les auteurs de cette proposition, mais je vais vous dire quelle en est, selon moi, la portée. Si une commune désignée dans le schéma départemental pour accueillir une ou plusieurs aires n'en fait pas mention dans son plan d'occupation des sols, ce document serait alors entaché d'irrégularité car il ne serait pas en conformité avec le schéma départemental. Si telle est bien l'intention des auteurs de l'amendement, elle ne me heurte pas, elle me semble au contraire en cohérence avec la démarche suivie.

M. le président.

Que pense la commission de cette interprétation plutôt favorable du Gouvernement ?

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Nous restons défavorables à l'amendement. Si, dans trois mois, une commune commence à travailler sur l'implantation et la réalisation concrète d'une aire de stationnement et si le POS actuel ne la prévoit pas, il lui faudra procéder à une révision du POS. Nous serons alors pieds et poings liés, et c'est dommage, car une seconde révision serait nécessaire pour changer de projet. Les révisions, même partielles, sont des opérations lourdes. C'est bien pourquoi, je crois, nous avions rejeté cette proposition lors des précédentes lectures.

M. le président.

Eh bien, ce sera à l'Assemblée de trancher, dans sa sagesse.

Je mets aux voix l'amendement no

48. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Le Texier, rapporteuse, a présenté un amendement, no 15, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 8, après les mots : "des terrains", insérer les mots : "bâtis ou non bâtis". »

La parole est à Mme la rapportrice.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Cet amendement, tout en maintenant la condition introduite par le Sénat selon laquelle les terrains dits familiaux ne peuvent être aménagés que dans des zones constructibles, rétablit la précision adoptée par l'Assemblée sur le caractère bâti ou non bâti de ces terrains.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

15. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 8, modifié par l'amendement no

15. (L'article 8, ainsi modifié, est adopté.)

Article 9

M. le président.

« Art.

9. I. La section I du chapitre III du titre Ier du livre II de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L.

2213-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L.

2213-6-1. Dès qu'une commune respecte l'obligation qui lui incombe, en application du schéma départemental prévu à l'article 1er de la loi no du relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, de réaliser une aire d'accueil, le maire ou, à Paris, le préfet de police, peut, par arrêté, interdire le stationnement sur le territoire de la commune, en dehors des aires d'accueil aménagées, des résidences mobiles mentionnées au même article.

« Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables aux communes non inscrites au schéma départemental mais dotées d'une aire d'accueil, ainsi qu'à celles qui décident, sans y être tenues, de contribuer au financement d'une telle aire.

« Elles ne sont pas applicables au stationnement des résidences mobiles appartenant à des gens du voyage lorsque ceux-ci sont propriétaires du terrain sur lequel elles stationnent, lorsqu'ils disposent d'une autorisation délivrée sur le fondement de l'article L.

443-1 du code de l'urbanisme ou qu'ils stationnent sur un terrain aménagé dans les conditions prévues à l'article L.

443-3 dudit code.

« II. La section 1 du chapitre III du titre Ier du livre II de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L. 2213-6-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 2213-6-2. I. En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu à l'article L. 22136-1 sur un terrain n'appartenant pas au domaine public, l e maire peut, par voie d'assignation délivrée aux occupants ainsi qu'au propriétaire du terrain ou au titulaire d'un droit réel d'usage, saisir le président du tribunal de grande instance aux fins de faire ordonner l'évacuation forcée des résidences mobiles.

« Sauf dans le cas où le terrain appartient à la commune, le maire ne peut agir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, à la sécurit é ou à la tranquillité publiques. Toutefois, à la demande du propriétaire ou du titulaire d'un droit réel d'usage sur le terrain, le maire peut saisir le président du tribunal de grande instance aux mêmes fins lorsque le stationnement de résidences mobiles, en violation de l'arrêté prévu à l'article L. 2213-6-1, est de nature à porter atteinte à l'activité économique d'un bien à usage industriel, commercial ou professionnel, ou de la zone économique environnante.

« Le juge peut, en outre, prescrire aux occupants, le cas échéant sous astreinte, de rejoindre l'aire de stationnement aménagée en application de la loi no du relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, à défaut de quitter le territoire communal, et ordonner l'expulsion de tout terrain qui serait occupé en violation de cette injonction. Le juge statue en la forme des référés. Sa décision est exécutoire à titre provisoire. En cas de nécessité, il peut ordonner que l'exécution aura lieu au vu de la seule minute. Si le cas requiert célérité, il fait application des dispositions du second alinéa de l'article 485 du nouveau code de procédure civile.

« II. En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu à l'article L. 2213-6-1 sur un terrain appartenant au domaine public, le juge administratif peut


page précédente page 04551page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

prescrire aux occupants, le cas échéant sous astreinte, de rejoindre l'aire de stationnement aménagée en application de la loi no du relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, à défaut de quitter le territoire communal, et ordonner l'expulsion de tout terrain qui serait occupé en violation de cette injonction. Le juge statue en la forme des référés.

« III. Les dispositions du I ne sont pas applicables au stationnement des résidences mobiles appartenant à des gens du voyage lorsque ceux-ci sont propriétaires du terrain sur lequel elles stationnent, lorsqu'ils disposent d'une autorisation délivrée sur le fondement de l'article L. 443-1 du code de l'urbanisme ou qu'ils stationnent sur un terrain aménagé dans les conditions prévues à l'article L. 443-3 dudit code. »

« IV. Supprimé. »

Je suis saisi de deux amendements, nos 40 et 16, deuxième correction, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 40, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 9 :

« I. Dès lors qu'une commune respecte les obligations qui lui incombent en application de l'article 2 de la présente loi, son maire ou, à Paris, le préfet de police peut, par arrêté, interdire en dehors des aires d'accueil aménagées le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées à l'article 1er . Ces dispositions sont également applicables aux communes non inscrites au schéma départemental mais dotées d'une aire d'accueil, ainsi qu'à celles qui décident, sans y être tenues, de contribuer au financement d'une telle aire.

« II. En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I ci-dessus sur un terrain n'appartenant pas au domaine public, le maire peut, par voie d'assignation délivrée aux occupants ainsi qu'au propriétaire du terrain ou au titulaire d'un droit réel d'usage, saisir le président du tribunal de grande instance pour voir ordonner l'évacuation forcée des résidences mobiles.

« Sauf dans le cas où le terrain appartient à la commune, le maire ne peut agir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques.

« Le juge peut, en outre, prescrire aux occupants, le cas échéant sous astreinte, de rejoindre l'aire de stationnement aménagée en application de la présente loi, à défaut de quitter le territoire communal et ordonner l'expulsion de tout terrain qui serait occupé en violation de cette injonction. Le juge statue en la forme des référés. Sa décision est exécutoire à titre provisoire. En cas de nécessité, il peut ordonner que l'exécution aura lieu au seul vu de la minute. Si le cas requiert célérité, il fait application des dispositions du second alinéa de l'article 485 du nouveau code de procédure civile.

« III. En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I ci-dessus sur un terrain appartenant au domaine public, le juge administratif peut prescrire aux occupants, le cas échéant sous astreinte, de rejoindre l'aire de stationnement aménagée en application de la présente loi, à défaut de quitter le territoire communal et ordonner l'expulsion de tout terrain qui serait occupé en violation de cette injonction. Le juge statue en la forme des référés.

« IV. Les dispositions du I et du II ci-dessus ne sont pas applicables au stationnement des résidences mobiles appartenant aux personnes mentionnées à l'article 1er de la présente loi :

« 1o Lorsque ces personnes sont propriétaires du terrain sur lequel elles stationnent ;

« 2o Lorsqu'elles disposent d'une autorisation délivrée sur le fondement de l'article L. 443-1 du code de l'urbanisme ;

« 3o Lorsqu'elles stationnent sur un terrain aménagé dans les conditions prévues à l'article L. 433-3 du code de l'urbanisme.

« V. En cas d'occupation, en violation de l'arrêté prévu au I, d'un terrain privé affecté à une activité à caractère économique, et dès lors que cette occupation est de nature à entraver ladite activité, le propriétaire ou le titulaire d'un droit réel d'usage sur le terrain peut saisir le président du tribunal de grande instance aux fins de faire ordonner l'évacuation forcée des résidences mobiles. Dans ce cas, le juge statue en la forme des référés. Sa décision est exécutoire à titre provisoire. En cas de nécessité, il peut ordonner que l'exécution aura lieu au seul vu de la minute. Si le cas requiert célérité, il fait applic ation des dispositions du second alinéa de l'article 485 du nouveau code de procédure civile. »

L'amendement no 16, deuxième correction, présenté par Mme Le Texier, rapporteuse, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 9 :

« I. Dès lors qu'une commune remplit les oblig ations qui lui incombent en application de l'article 2, son maire ou, à Paris, le préfet de police, peut, par arrêté, interdire en dehors des aires d'accueil aménagées le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées à l'article premier. Ces dispositions sont également applicables aux communes non inscrites au schéma départemental mais dotées d'une aire d'accueil, ainsi qu'à celles qui décident, sans y être tenues, de contribuer au financement d'une telle aire.

« II. En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I, y compris sur le domaine public, le maire peut, par voie d'assignation délivrée aux occupants et, le cas échéant, au propriétaire du terrain ou au titulaire d'un droit réel d'usage, saisir le président du tribunal de grande instance aux fins de faire ordonner l'évacuation forcée des résidences mobiles.

« Sauf dans le cas où le terrain appartient à la commune, le maire ne peut agir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques.

« Le juge peut, en outre, prescrire aux occupants, le cas échéant sous astreinte, de rejoindre l'aire de stationnement aménagée en application de la présente loi à défaut de quitter le territoire communal et ordonner l'expulsion de tout terrain qui serait occupé en violation de cette injonction.

« Le juge statue en la forme des référés. Sa décision est exécutoire à titre provisoire. En cas de nécessité, il peut ordonner que l'exécution aura lieu au seul vu de la minute. Si le cas requiert célérité, il fait application des dispositions du second alinéa de l'article 485 du nouveau code de procédure civile.


page précédente page 04552page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

« III. Les dispositions du I et du II ne sont pas applicables au stationnement des résidences mobiles appartenant aux personnes mentionnées à l'article 1er de la présente loi :

« 1o Lorsque ces personnes sont propriétaires du terrain sur lequel elles stationnent ;

« 2o Lorsqu'elles disposent d'une autorisation délivrée sur le fondement de l'article L.

443-1 du code de l'urbanisme ;

« 3o Lorsqu'elles stationnent sur un terrain aménagé dans les conditions prévues à l'article L.

443-3 du code de l'urbanisme.

« IV. En cas d'occupation, en violation de l'arrêté prévu au I, d'un terrain privé affecté à une activité à caractère économique, et dès lors que cette occupation est de nature à entraver ladite activité, le propriétaire ou le titulaire d'un droit réel d'usage sur le terrain peut saisir le président du tribunal de grande instance aux fins de faire ordonner l'évacuation forcée des résidences mobiles. Dans ce cas, le juge statue en la forme des référés. Sa décision est exécutoire à titre provisoire. En cas de nécessité, il peut ordonner que l'exécution aura lieu au seul vu de la minute. Si le cas requiert célérité, il fait applic ation des dispositions du second alinéa de l'article 485 du nouveau code de procédure civile. »

La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour défendre l'amendement no

40.

M. le secrétaire d'Etat au logement.

L'Assemblée ne sera pas étonnée que le Gouvernement maintienne son appréciation sur le partage de la compétence entre la juridiction administrative et la juridiction civile selon la nature des terrains. Je n'ai pas oublié que le Gouvernement, lors de la lecture précédente, n'avait pas été entendu. Mais il persévère.

M. Patrice Martin-Lalande.

Diabolicum ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Par ailleurs, cet amendement vise à supprimer la codification dans le code général des collectivités territoriales.

J'appelle enfin votre attention sur le V, qui complète le dispositif par la prise en compte des terrains affectés à une activité à caractère économique. C'est d'ailleurs un souci que partage la commission : voilà au moins un point sur lequel les amendements de la commission et du Gouvernement convergent.

M. le président.

La parole est à Mme la rapporteuse, pour défendre l'amendement no 16, deuxième correction.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Cet amendement reprend pour l'essentiel le texte adopté par l'Assemblée en matière d'expulsion des gens du voyage, texte qui vise à unifier le contentieux au profit du tribunal de grande instance. Je rappelle que ces dispositions avaient fait l'objet d'un vote unanime lors des deux précédentes lectures, l'Assemblée ayant considéré qu'elles permettraient d'améliorer l'efficacité des procédures.

Pour tenir compte des objections formulées par le Sénat, nous simplifions par ailleurs les conditions requises pour prendre un arrêté réglementant le stationnement des gens du voyage et pour enclencher les procédures prévues à l'article 9, c'est-à-dire les procédures d'expulsion. La rédaction du Sénat, que nous reprenons à notre compte, permet d'enclencher ces procédures dès lors que la commune a réalisé l'aire de stationnement, même si elle ne satisfait pas à l'ensemble des obligations prévues par les différents schémas.

Enfin, et nous nous retrouvons avec le Gouvernement sur ce dernier point, nous introduisons la possibilité de recours au référé d'heure en heure pour les propriétaires de terrains privés affectés à un usage professionnel.

M. Jean-Pierre Blazy.

Excellente disposition !

M. Patrice Martin-Lalande.

Indispensable !

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

L'amendement no 40 n'a pas été examiné par la commission. J'assume donc la lourde responsabilité de donner un avis défavorable à cet amendement du Gouvernement qui maintient la compétence du juge administratif, y compris sur le domaine public routier, ce qui revient à opérer un transfert de compétence du juge judiciaire vers le juge administratif dans un domaine touchant aux libertés individuelles.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 16, deuxième correction ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

J'ai expliqué, en présentant l'amendement no 40, les raisons pour lesquelles le Gouvernement le préfère à l'amendement no 16, deuxième correction, les deux étant alternatifs.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

40.

M. Christian Martin et M. Yves Bur.

Pour ! (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Sur l'amendement no 16, deuxième correction, plusieurs sous-amendements ont été déposés.

Le sous-amendement no 52, présenté par M. Bur et M. Christian Martin, est ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du II de l'amendement no 16, deuxième correction, après les mots "domaine public", insérer les mots : "ou quand il y a violation du droit privé". »

La parole est à M. Christian Martin.

M. Christian Martin.

A la première hypothèse visée par la commission au II de l'article 9 : « En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I, y compris sur le domaine public », je propose d'en ajouter une seconde : « ou quand il y a violation du droit privé ».

Face au développement des occupations illégales de terrains, notamment privés, les maires sont souvent démunis. Il convient de les soutenir en leur permettant de saisir le président du tribunal de grande instance quand il y a eu violation du droit de propriété d'une personne privée.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Amendement non examiné. A titre personnel, avis défavorable. Si les maires sont actuellement démunis, ils pourraient en revanche, si on adoptait ce sous-amendement, être très vite débordés. Le maire est fondé à intervenir sur les terrains privés en cas de trouble à l'ordre public. Il ne paraît pas opportun de substituer le maire au propriétaire privé dans les autres cas. C'est alors au propriétaire privé de saisir le juge.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Je pense que les auteurs du sous-amendement sont bien informés de ce qu'il est question de sanctionner : la violation d'un arrêté d'interdiction de stationner. Le Gouvernement préfère donc la rédaction précise de l'amendement à celle trop générale de « violation du droit privé ».


page précédente page 04553page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

52. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 53, présenté par M. Bur et M. Christian Martin, est ainsi rédigé :

« Dans l'avant-dernier alinéa du II de l'amendement no 16, deuxième correction, après le mot "aménagée", insérer les mots : "sur le territoire communal ou départemental et sous réserve des places disponibles". »

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

L'amendement no 16, deuxième correction, prévoit que le juge peut prescrire à des gens du voyage en stationnement illégal, le cas échéant sous astreinte, de rejoindre l'aire de stationnement aménagée de la commune. Mais que se passerait-il si cette aire était totalement occupée ? Je crains que le juge ne décide d'attendre jusqu'à ce qu'une place se libère. Je préférerais donc que le dispositif soit étendu à l'échelon départemental. Le juge sera ainsi à même de prendre plus rapidement sa décision. Les expériences ont montré que le recours au référé d'heure en heure n'est pas en soi une garantie d'efficacité. En outre, plus on laissera de liberté d'appréciation aux juges, plus ils souhaiteront l'exercer. Et ils le feront - comme ce fut le cas dans le passé - au détriment de l'autorité du maire.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Ce sousamendement n'a pas été examiné par la commission.

A titre personnel, j'y suis plutôt défavorable car on ne peut pas obliger les gens du voyage en stationnement illicite à rejoindre une aire de stationnement à l'autre bout du département. Cela me paraît complètement irréaliste et surtout contraire au principe de liberté d'aller et de venir.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

L'avis du Gouvernement est conforme à celui de la commission. Jusqu'à présent, la décision du juge ne valait que pour le terrain concerné. Dès lors, les maires, exaspérés, étaient chaque fois obligés de reprendre la procédure à zéro pour obtenir une décision d'expulsion d'une famille qui ne faisait que changer de terrain sur la commune. Avec ce texte, et c'est une avancée, la décision vaut pour tout le territoire communal. Il ne semble pas possible d'aller au-delà.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

53. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux sous-amendements identiques nos 54 et 63.

Le sous-amendement no 54 est présenté par M. Bur et M. Christian Martin ; le sous-amendement no 63 est présenté par MM. Martin-Lalande, Cova, Quentin, Fromion, Accoyer, Maurice Leroy et Philippe Martin.

Ces sous-amendements sont ainsi rédigés :

« Compléter la dernière phrase du dernier alinéa du II de l'amendement no 16, deuxième correction, par les mots : "dans un délai de vingt-quatre heures". »

La parole est à M. Yves Bur pour soutenir le sousamendement no

54.

M. Yves Bur.

Je considère qu'il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Ce sousamendement n'a pas été examiné par la commission.

A titre personnel, j'y suis défavorable. La procédure du référé d'heure en heure permet au magistrat de statuer en urgence, y compris chez lui, même le dimanche. On ne peut être plus coercitif. Il faut laisser aux juridictions le soin de s'organiser.

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande pour soutenir le sous-amendement no

63.

M. Patrice Martin-Lalande.

Le 24 février dernier, en deuxième lecture, nous avons déjà présenté ce sousamendement. Vous m'aviez alors répondu, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'on ne pouvait pas faire mieux dans le cadre législatif, mais que le Gouvernement s'engageait à émettre des directives de politique pénale pour que les délais de réponse du juge soient les plus courts possible.

Cet engagement est-il toujours d'actualité ? Ce point est essentiel si l'on veut résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Si les délais de décision sont trop longs, en effet - et je ne parle pas de la mise en oeuvre certaines décisions judiciaires arrivent après le départ des gens du voyage en stationnement illégal, et il y a donc une impunité de fait. Or, si celle-ci est systématique, parce que les délais sont systématiquement trop longs, elle peut finalement constituer une incitation à ne pas respecter le cadre légal, ce que nous voulons tous éviter.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Je le rappelle, le référé d'heure en heure est la solution la plus rapide que nous connaissions. Elle permet d'obtenir une décision dans la journée. Telles sont les pratiques de nos juridictions et il n'y a pas lieu de douter qu'elles s'en écarteront.

Par ailleurs, ma collègue garde des sceaux m'a donné l'assurance que la Chancellerie prendrait des dispositions pour sensibiliser tout particulièrement les juridictions sur l'application de ces dispositions.

M. Jean-Pierre Blazy.

Très bien !

M. le président.

Monsieur Martin-Lalande, les propos de M. le secrétaire d'Etat vous donnent-ils satisfaction ?

M. Patrice Martin-Lalande.

Tout à fait. Et je retire mon sous-amendement.

M. Yves Bur.

Je retire également le mien.

M. le président.

Les sous-amendements nos 54 et 63 sont retirés.

Le sous-amendement no 64, présenté par MM. MartinLalande, Cova, Quentin, Fromion, Accoyer, Maurice Leroy et Philippe Martin, est ainsi rédigé :

« Compléter le II de l'amendement no 16, deuxième correction, par la phrase suivante : "Dans l'attente de la décision du juge, le maire ou, à Paris, le préfet de police peut faire procéder à l'immobilisation ou à la mise en fourrière des véhicules tracteurs de résidences mobiles". »

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Ce sous-amendement avait été repoussé en deuxième lecture. Mais j'ai souhaité le représenter car je trouve choquant que le véhicule tracteur de personnes stationnant illégalement puisse circuler alors que n'importe lequel de nos concitoyens qui s'est garé sur des clous ou à proximité d'une école - le plan Vigipirate n'a toujours pas été suspendu - sera sanctionné et devra peut-être même aller chercher sa voiture à la fourrière. Dans l'esprit du public, il y a deux poids deux mesures.


page précédente page 04554page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

Naturellement, il ne s'agit pas de faire en sorte que les gens du voyage restent encore plus longtemps en stationnement illégal. Nous voulons simplement éviter, la décision d'expulsion ayant été rendue par le juge, qu'un départ rapide, en tout cas avant l'arrivée des forces de l'ordre, permette d'échapper aux sanctions. En immobilisant le véhicule, on peut espérer qu'il n'en sera pas ainsi.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse.

Ce sousamendement n'a pas été examiné par la commission.

A titre personnel, je suis défavorable à la double peine.

M. le président.

Diable ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Blazy.

J'ai déjà entendu ça quelque part ! (Sourires.)

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Il s'agit d'immobiliser le véhicule tracteur d'une résidence mobile dont on souhaite qu'elle cesse d'occuper un terrain illicite.

J'appelle l'attention des auteurs de l'amendement sur le fait qu'ils risquent de parvenir à l'inverse du but recherché. Avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

64. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 16, deuxième correction.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 9 est ainsi rédigé.

Les amendements nos 38 de M. Meylan, 50, 51 et 49 de M. de Courson, n'ont plus d'objet.

Article 9 bis

M. le président.

Le Sénat a supprimé l'article 9 bis.

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Nous regrettons que la plupart de nos amendements n'aient pas été retenus et que les dispositions votées par le Sénat, et qui pour un certain nombre d'entre elles nous convenaient, aient subi le même sort. Cela étant, nous prenons acte de certaines avancées, dont nous nous réjouissons.

M. Jean-Pierre Blazy.

Ah, c'est bien de la reconnaître !

M. Patrice Martin-Lalande.

Il était temps, puisque nous vivions les uns et les autres en situation de crise. Nous espérons donc que ce projet de loi permettra en partie de résoudre les problèmes. Nous considérons toutefois qu'il reste encore des points sur lesquels nous aurions pu aller plus loin. Nous estimons aussi que ce texte ne répond pas totalement à l'engagement du Gouvernement de présenter un projet de loi d'ensemble - je reprends vos propres termes, monsieur le secrétaire d'Etat - en faveur de l'insertion des gens de voyage. Seul le problème de stationnement est en partie traité, et encore pas de façon entièrement positive. Pour toutes ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République ne votera pas ce texte.

M. le président.

La parole est à M. Daniel Vachez.

M. Daniel Vachez.

A l'issue de cette discussion en nouvelle lecture, je suis convaincu qu'au-delà des clivages politiques et tout en constatant que nous avons eu un débat constructif, la raison et l'équilibre l'emporteront. Si nous parvenons dans les quelques années à venir à remplir les objectifs que cette loi s'est assignés, à savoir la création d'un nombre suffisant de places de stationnement, qui répondent de façon adaptée aux besoins des gens du voyage, nous y gagnerons tous.

Les gens du voyage y gagneront en dignité et verront leurs conditions de vie améliorer, étant entendu que la question de leur stationnement ne constitue qu'un préalable indispensable, avant que nous ne nous penchions de façon plus approfondie sur les autres difficultés qu'ils rencontrent.

Les populations sédentaires y gagneront également puisqu'elles souffriront moins des nuisances que provoque le stationnement anarchique des gens du voyage. Et sans doute - je l'espère du moins - porteront-elles un regard plus apaisé, plus bienveillant, sur cette catégorie de la population.

Les élus enfin y gagneront en crédibilité. Leur mission essentielle, n'est-elle pas, en effet, de favoriser la coexistence pacifique de toutes les catégories de la population au sein de la cité ? En définitive, ce sont bien les fondements de notre République qui en sortiront renforcés. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste apportera une nouvelle fois son soutien à ce texte réaliste, efficace, et équilibré.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je reconnais que nous avons eu un débat utile sur un sujet toujours d'actualité. Comme l'a souligné Patrice Martin-Lalande, il nous a permis de constater des progrès par rapport au texte de 1990. Je pense notamment aux efforts de solidarité consentis pour permettre aux communes les plus concernées de réaliser ces aires de stationnement.

Nous regrettons toutefois que vous ne soyez pas allés au bout de la logique de confiance, et que vous n'ayez pas fait évoluer le dispositif de coercition que le texte prévoit, en dépit des arguments avancés ici et au Sénat.

Enfin, je veux souligner que c'est de la capacité de l'Etat à faire respecter les dispositions votées que dépendra la réussite de la loi. En effet, si l'Etat, s'agissant notamment du recours que le texte ouvre aux maires, n'arrive pas à faire respecter l'autorité publique, nous irons au-devant de nouvelles déconvenues. Il me paraît donc essentiel que le Gouvernement, notamment grâce aux instructions qu'il s'est engagé a donner, fasse en sorte que la loi s'applique dans sa rigueur et soutienne les élus dans leur mission d'autorité publique. Si ces directives n'étaient pas suffisamment claires, nous risquerions malheureusement de perpétuer la situation actuelle.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je regrette que nous n'ayons pas pu travailler de manière plus constructive, et que vous soyez resté arc-bouté sur votre volonté de trouver un équilibre. J'espère que celui-ci suffira à apaiser la situation. Mais faute d'avoir été associés de manière suffisamment tolérante à l'élaboration de cet équilibre, nous ne voterons pas ce projet de loi.

M. Daniel Vachez et M. Jean-Jacques Filleul.

C'est bien dommage !


page précédente page 04555

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MAI 2000

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

3 DÉSIGNATION D'UN CANDIDAT À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre une demande de remplacement d'un membre de l'Assemblée nationale au sein du Comité consultatif pour la gestion du Fonds national pour le développement des adductions d'eau.

Conformément aux précédentes décisions, le soin de présenter un candidat a été confié à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

La candidature devra être remise à la présidence avant le mercredi 14 juin, à 18 heures.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

Mme Nicole Feidt, rapporteur (rapport no 2398).

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, no 2303, relatif à l'archéologie préventive : M. Marcel Rogemont, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 2393).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT