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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON

1. Vente de meubles aux enchères publiques. - Transmission et discussion du texte de la commission mixte paritaire (p. 4560).

Mme Nicole Feidt, rapporteuse de la commission mixte paritaire.

Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 4562)

Mme Nicole Ameline,

MM. Jean Vila, Christian Martin, Alain Tourret, Pierre Lellouche, Jérôme Lambert.

Clôture de la discussion générale.

TEXTE DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (p. 4568)

Adoption de l'ensemble du projet de loi compte tenu du texte de la commision mixte paritaire.

Suspension et reprise de la séance (p. 4570)

2. Archéologie préventive. - Discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi (p. 4570).

M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

M. Marcel Rogemont, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 4573)

MM. Serge Blisko, Bruno Bourg-Broc, André Aschieri, François Goulard, Jean Vila, Christian Kert, Jacques Pélissard.

Clôture de la discussion générale.

M. le secrétaire d'Etat.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 4582)

Article 1er (p. 4582)

Amendement no 9 de la commission des affaires culturelles : MM. le rapporteur, le secrétraire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 31 de M. Goulard : MM. François Goulard, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 10 rectifié de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 1er modifié.

Article 1er bis (p. 4583)

Amendement no 11 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

L'article 1er bis est ainsi redigé.

Article 1er ter A (p. 4584)

Amendement de suppression no 11 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

L'article 1er ter A est supprimé.

Article 1er ter B (p. 4584)

Amendement de suppression no 13 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

L'article 1er ter B est supprimé.

Article 1er ter (p. 4584)

Amendement no 36 du Gouvernement : MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption.

Amendement no 14 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 15 rectifié de la commission, avec le sousamendement no 65 du Gouvernement : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Serge Blisko. - Rejet du sousamendement no 65 ; adoption de l'amendement no 15 rectifié.

Amendement no 32 de M. Goulard : MM. Christian Kert, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Adoption de l'article 1er ter modifié.

Article 1er quater (p. 4586)

Amendement de suppression no 16 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

L'article 1er quater est supprimé.

Article 2 (p. 4586)

Amendement de suppression no 33 de M. Goulard : MM. Christian Kert, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. Rejet.

Amendement no 17 de la commission, avec le sousamendement no 43 de M. Kert : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Christian Kert, Jacques Pélissard. - Rejet du sous-amendement no 43 ; adoption de l'amendement no

17. Amendement no 18 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 19 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 20 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 21 de la commission, avec les sousamendements nos 38 du Gouvernement et 52 de M. Vila : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Retrait du sousamendement no

38. MM. Jean Vila, le rapporteur. - Adoption du sousamendement no 52 et de l'amendement no 21 modifié.

Adoption de l'article 2 modifié.

Après l'article 2 (p. 4588)

Mme Odette Grzegrzulka, M. le secrétaire d'Etat.

Amendement no 22 rectifié de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

Amendement no 23 de la commission, avec le sousamendement no 42 du Gouvernement : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption du sous-amendement no 42 et de l'amendement no 23 modifié.

Article 4 (p. 4590)

M. André Vauchez.

Amendement de suppression no 34 de M. Goulard : MM. Léonce Deprez, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. Rejet.

Amendement no 57 de la commission, avec le sousamendement no 58 du Gouvernement : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption du sous-amendement no 58 et de l'amendement no 57 modifié.

L'amendement no 62 de M. Pélissard n'a plus d'objet.

Amendement no 30 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

L'amendement no 47 de M. Deprez n'a plus d'objet.

Amendement no 53 de M. Vila : MM. Jean Vila, le rapporteur. - Retrait.

Amendement no 1 du Gouvernement : MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption.

L'amendement no 45 de M. Bourg-Broc n'a plus d'objet.

Amendements nos 54 de M. Vila et 2 du Gouvernement : MM. Jean Vila, le secrétaire d'Etat. - Retrait de l'amendement no

54. M. le rapporteur. - Adoption de l'amendement no

2. Amendements identiques nos 35 de M. Goulard et 59 de M. Pélissard : MM. Jacques Pélissard, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 48 de M. Vila : M. Jean Vila. - Retrait.

Amendement no 3 du Gouvernement : MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption.

Amendement no 4 du Gouvernement : MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption.

Amendement no 5 du Gouvernement. - Adoption.

Amendement no 49 du M. Vila : M. Jean Vila. - Retrait.

Amendement no 6 du Gouvernement : MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption.

Amendement no 7 du Gouvernement : Adoption.

Amendements nos 44 de M. Bourg-Broc et 60 de M. Pélissard, MM. Bruno Bourg-Broc, Jacques Pélissard, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejets.

Amendement no 50 de M. Vila : MM. Jean Vila, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Serge Blisko. - Rejet.

Amendement no 51 de M. Vila et amendements identiques nos 46 corrigé de M. Deprez et 61 de M. Pélissard : MM. Jean Vila, Léonce Deprez, Jacques Pélissard, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejets.

Amendement no 8 du Gouvernement : MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur, Jean Vila. - Adoption.

Amendement no 25 rectifié de la commission, avec les sousamendements nos 64, 63 de M. Pélissard et 39 du Gouvernement : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Jacques Pélissard, Serge Blisko. - Rejet des sous-amendements nos 64 et 63 ; adoption du sous-amendement no 39 et de l'amendement no 25 rectifié et modifié.

Adoption de l'article 4 modifié.

Article 4 bis (p. 4597)

Amendement no 26 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 4 bis modifié.

Article 5 (p. 4597)

Amendement no 27 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 5 modifié.

Après l'article 5 (p. 4597)

Amendement no 40 du Gouvernement : MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption.

Amendement no 55 de M. Vila ; M. Jean Vila.

Amendement no 56 de M. Vila : M. Jean Vila. - Retrait des amendements nos 55 et 56.

Amendement no 28 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Retrait.

Amendement no 41 du Gouvernement : MM. le secrétaire d'Etat, Jacques Pélissard. - Adoption.

Article 6 (p. 4599)

Amendement de suppression no 29 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

L'article 6 est supprimé.

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 4599)

MM. Christian Kert, Jacques Pélissard, Serge Blisko.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 4600)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 4600).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1

VENTES DE MEUBLES AUX ENCHÈRES PUBLIQUES Transmission et discussion du texte de la commission paritaire

M. le président.

J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (no 2398).

La parole est à Mme la rapporteuse de la commission mixte paritaire.

Mme Nicole Feidt, rapporteuse de la commission mixte paritaire.

Monsieur le président, madame la ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, après la réunion de la commission mixte paritaire l'Assemblée nationale examine ce soir le projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

A l'issue de la seconde lecture de l'Assemblée, quatorze articles restaient en discussion entre les deux chambres.

Alors qu'un accord semblait envisageable sur certains d'entre eux, les positions de l'Assemblée et du Sénat pouvaient paraître plus difficilement conciliables sur d'autres points, notamment sur la question de l'indemnisation des commissaires-priseurs.

La volonté des deux assemblées a été telle que la CMP est parvenue à un accord, ce dont on ne peut que se féliciter, car cela permettra de mener enfin à son terme cette réforme, aujourd'hui très attendue par les professionnels.

M. Lellouche et M. Martin y ont beaucoup contribué.

Sur la question de l'indemnisation, l'accord entre les députés et les sénateurs a porté sur une solution proche de celle adoptée par l'Assemblée, dont le principe n'a pas été remis en cause. L'article 35 pose en effet clairement que l'indemnisation se fonde sur le « préjudice subi par les commissaires-priseurs du fait de la dépréciation de la valeur pécuniaire de leur droit de présentation ». Il y a d onc bien rupture de l'égalité devant les charges publiques, et non expropriation.

Concernant le montant de l'indemnité, le principe posé à l'article 37 correspond à la solution choisie par l'Assemblée nationale, à savoir une indemnité correspondant à 50 % de la valeur de l'office liée aux activités de ventes volontaires.

L'accord avec les sénateurs a conduit à modifier légèrement les modalités de calcul de l'indemnité. S'agissant de la période de référence de calcul de la valeur de l'office, la CMP a retenu le recours aux cinq derniers exercices connus au lieu de remonter à l'exercice 1992.

Le texte élaboré par la CMP précise ensuite, à l'article 37, que l'indemnité correspondant à 50 % de la valeur de l'office peut être augmentée ou diminuée de 20 % au plus par la Commission nationale d'indemnisation, au lieu des 15 % précédemment prévus.

Concernant l'article 2 bis et les ventes réalisées par voie électronique, le texte élaboré par la CMP marque l'accord des députés et des sénateurs sur une solution proche du texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

L'article opère donc toujours la distinction entre ventes véritablement réalisées aux enchères publiques et les opérations de courtage aux enchères. Les premières sont soumises à la présente loi quand bien même elles sont réalisées par voie électronique. Les secondes ne constituent pas des enchères publiques, et seules les opérations de courtage aux enchères portant sur les biens culturels seront soumises à cette loi.

L'accord obtenu en CMP a conduit à préciser la rédaction du premier alinéa, en indiquant l'ensemble des caractéristiques d'une vente aux enchères publiques : agir comme mandataire du propriétaire, en proposant un bien pour l'adjuger au mieux-disant des enchérisseurs.

La commission mixte paritaire est également parvenue à un accord sur l'ensemble des autres dispositions qui restaient en discussion.

Elle s'est ainsi prononcée en faveur de la composition du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques choisie par l'Assemblée nationale soit six personnes qualifiées et cinq représentants des professionnels, dont un expert. La CMP a donc opté pour l'absence de représentation majoritaire des professionnels et pour un président élu par les membres du Conseil en leur sein, un magistrat étant désigné pour exercer les fonctions de commissaire du Gouvernement auprès dudit Conseil.

Le texte précise que les onze membres du Conseil sont nommés par le Garde des sceaux, y compris les représentants des professionnels, et l'article 29 précise la qualité des experts et le nombre des spécialités.

La CMP s'est accordée sur la nécessité de recourir à un établissement de crédit ou un organisme d'assurance pour que la société de ventes puisse consentir des prix garantis.

En revanche, ce recours ne serait plus exigé pour les avances prévues à l'article 12.

On peut, en conclusion, se féliciter une nouvelle fois de l'issue positive de la CMP. Elle ouvre la voie à un achèvement rapide de cette réforme. En conséquence, la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

commission mixte paritaire vous demande de bien vouloir adopter ce texte ainsi amendé. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je requiers votre indulgence pour une faiblesse vocale que j'espère passagère.

M. Pierre Lellouche.

Nous aussi.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme la garde des sceaux, qui regrette de ne pas pouvoir être aujourd'hui parmi vous en raison d'autres engagements prévus de longue date, m'a demandé de représenter le Gouvernement pour la poursuite de l'examen de ce projet de loi que j'ai déjà eu l'honneur de présenter devant votre assemblée, quelques jours après ma nomination.

Comme vient de le rappeler votre rapporteur, la commission mixte paritaire chargée d'examiner le projet de loi portant réglement des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques est parvenue le 17 mai dernier à un accord sur l'ensemble des dispositions restant en discussion entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

Je tiens à remercier les deux assemblées d'avoir trouvé un accord unanime après un long débat qui aura permis d'apprécier les enjeux de la modernisation des ventes aux enchères publiques et de dégager les solutions d'une réforme devenue indispensable et souhaitée par tous les partenaires.

Alors que notre pays se voit poursuivi depuis 1995 pour non-compatibilité de notre législation avec les articles 49 et suivants du traité instituant la Communauté européenne, l'important travail de rapprochement accompli par la commission mixte paritaire permettra de réaliser, enfin, cette réforme essentielle. Elle dotera la France d'une nouvelle législation conforme aux règles communautaires, tout en garantissant aux commissaires-priseurs français les moyens juridiques et économiques nécessaires pour s'adapter à un marché de plus en plus ouvert à la concurrence.

Je tiens également à souligner, en ma qualité de ministre de la culture et de la communication, que cette réforme doit offrir aux commissaires-priseurs les moyens de redynamiser le marché de l'art et d'assurer à la place de Paris un nouvel essor.

Au regard du nombre et de l'importance des points qui restaient en discussion - quatorze articles -, le texte proposé par la CMP m'apparaît très satisfaisant et de nature à répondre aux questions restées en suspens, à l'issue de la deuxième lecture.

S'agissant de la délicate question de la réglementation des ventes aux enchères sur Internet, le texte adopté procède d'un équilibre entre, d'une part, la nécessité de préserver notre patrimoine national en assurant la protection des vendeurs et acquéreurs d'oeuvres d'art et, d'autre part, l'objectif de ne pas soumettre l'essentiel des transactions électroniques à la future loi.

Comme j'ai eu l'occasion de le souligner, le présent projet de loi n'a pas pour but de réglementer la totalité des transactions électroniques, qui demeurent soumises au droit commun des contrats, par application de la législation française ou des règles communautaires issues, notamment, de la directive sur le commerce électronique qui vient d'être adoptée le 15 mai par le Parlement européen.

C'est pourquoi le Gouvernement avait proposé devant le Sénat, en deuxième lecture, de distinguer les transactions constitutives de véritables ventes aux enchères de celles qualifiées de ventes aux enchères, mais qui n'empruntent la technique des enchères que pour la fixation du prix sans présenter les autres caractéristiques des ventes aux enchères : existence d'un mandat donné par le vendeur du bien à un professionnel chargé de réaliser la vente, c'est-à-dire d'assurer le transfert de propriété au profit de l'adjudicataire.

Seules les opérations satisfaisant aux critères de la vente traditionnelle aux enchères seront soumises à la loi nouvelle, mais aussi l'ensemble des ventes portant sur les biens culturels.

Cette solution satisfait à la nécessité de protéger l'ensemble des ventes en ligne portant sur les biens culturels dans le cadre de la nouvelle réglementation, tant pour des raisons de protection du patrimoine national, qu'eu égard aux spécificités de ces ventes.

Votre commission des lois avait très justement proposé de qualifier d'opérations de courtage les transactions exclues du secteur sécurisé, créé par la future législation.

C'est, en définitive, cette proposition qui a été retenue par la commission mixte paritaire, qui m'apparaît de nature à préserver, de manière équilibrée, les différents intérêts et droits en présence dans ce domaine d'activité en plein développement.

Autre point de divergence entre votre assemblée et le Sénat : les garanties offertes par les sociétés de ventes volontaires à leurs mandants. Le texte de la commission mixte paritaire a le mérite de préserver les mécanismes du prix garanti et de l'avance sur le prix d'adjudiction consentie au vendeur par la société de ventes volontaires.

S'agissant de l'avance sur le prix, elle écarte, toutefois, l'intervention obligatoire d'une entreprise d'assurance, en cas d'absence d'adjudication ou de vente à un prix inférieur au montant de l'avance.

En définitive, il est apparu préférable que l'obligation d'assurance ne soit pas inscrite dans la loi. Il appartiendra donc aux sociétés de ventes d'apprécier les capacités financières de leurs mandants et de leur consentir ou de leur refuser une avance sur le prix d'adjudication, en fonction des garanties qu'ils peuvent présenter ou des risques que la société est prête à assumer.

Concernant la composition du conseil des ventes et les modalités de désignation de ses membres, j'observe que l'option retenue à l'article 18 préserve la nature du Conseil des ventes, qui ne peut être qu'une autorité de régulation du marché et non une instance représentative des professionnels concernés, tout en leur assurant, bien sûr, une large représentation.

La dernière série de dispositions restant divergente, mais non la moindre, portait sur l'indemnisation des commissaires-priseurs et, plus particulièrement, sur la définition du fondement de l'indemnisation et sur le montant de l'indemnité versée aux professionnels.

Je ne reviendrai pas sur les raisons largement débattues qui ont conduit le Gouvernement, après avoir sollicité les avis d'autorités d'éminents juristes, à considérer que le droit de présentation des commissaires-priseurs n'était pas constitutif d'un droit de propriété, mais que ce droit de présentation subissait effectivement une perte de valeur en raison des modifications supportées par le marché des ventes volontaires du fait de la réforme législative.

L'indemnisation des commissaires-priseurs trouve donc son fondement dans la rupture de l'égalité devant les charges publiques, en raison de la suppression partielle


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

d'un monopole d'activité et de l'ouverture du marché à une certaine concurrence : ce sont des contraintes imposées par le droit communautaire.

Je ne puis, par conséquent, que me féliciter de la solution retenue par la commission mixte paritaire sur cette question du fondement de l'indemnisation.

Pour ce qui concerne la période de référence de l'activité des offices, retenue pour déterminer la valeur de l'offre, le texte reprend la proposition du Sénat, qui avait souhaité voir réduite cette période à cinq ans. Cette solution présente l'avantage, pour la profession, d'utiliser une période de référence plus courte, de nature à mieux refléter la valeur de l'office.

Enfin, la commission mixte paritaire est revenue au texte adopté par votre assemblée, qui prévoyait que le préjudice subi par les professionnels correspondait à 50 % de la valeur de l'office pour les activités de ventes volontaires, alors que le Sénat avait substitué une option offerte aux commissaires-priseurs entre deux régimes d'indemnisation.

Toutefois, le texte proposé prend en compte les situations particulières de certains offices en permettant à la future commission d'indemnisation de moduler le montant de l'indemnité de plus ou moins 20 %, au lieu des 15 % initialement prévus.

Ces modalités sont de nature à faciliter la prise en compte de situations individuelles spécifiques.

Sur les dispositions fiscales restant en discussion, le Gouvernement entend rappeler qu'il s'est engagé à faire préciser, par voie de circulaire, que l'indemnité versée aux commissaires-priseurs sera soumise au régime fiscal des plus-values professionnelles.

Il est temps pour la France de disposer d'une réglementation modernisée des ventes volontaires aux enchères publiques, conforme au droit communautaire et, surtout, adaptée aux évolutions du marché sous toutes ses formes et pour toutes les catégories de biens, tout en garantissant la qualité et la sécurité des services offerts par nos professionnels. Je suis sûre qu'avec ce texte, cette profession trouvera le meilleur cadre pour le développement de son avenir.

Ce nouveau dispositif juridique accompagnera le développement de notre marché dans sa dimension tant nationale qu'internationale. Pour ce faire, le Gouvernement prendra au plus vite les décrets d'application de la nouvelle loi pour permettre au conseil des ventes d'engager son travail d'agrément des sociétés de ventes dans les meilleurs délais.

Je souhaite très vivement remercier votre commission des lois, son président M. Bernard Roman et votre rapporteuse, Mme Nicole Feidt, qui ont travaillé avec persévérance et la plus grande efficacité.

Je vous demande, mesdames, messieurs les députés, de bien vouloir adopter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Ameline, premier orateur inscrit.

Mme Nicole Ameline.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat n'aura sans doute pas réglé tous les problèmes ni apaisé les inquiétudes légitimes de la profession face à la suppression d'un monopole quasi-historique dont elle bénéficiait.

Victime d'une accélération de l'histoire, mais également d'une insuffisante capacité d'anticipation des évolutions européennes, cette profession connaît aujourd'hui une nouvelle transition, non moins historique. Même si nous avons repris bien des arguments avancés par les opérateurs, nous aurons également contribué à soutenir le marché lui-même, sa place et son poids en Europe et dans le monde.

Mettant fin à une exception française issue d'une tradition juridique ancienne, la suppression du monopole des ventes aux enchères était une réforme attendue. Conformément à l'esprit de la construction de l'Europe, le marché de l'art - comme l'ensemble des secteurs d'activité avait en effet vocation à s'adapter à la libéralisation des échanges européens et mondiaux. On peut certes regretter que cette réforme ait été tardive et, surtout, qu'elle ait été menée, d'une certaine façon, sous la contrainte communautaire puisqu'elle est consécutive à une mise en demeure de la Commission. Cela a en effet indéniablement privé notre réflexion d'une approche plus large sur les adaptations qu'exige le marché face à la concurrence européenne et mondiale.

Or c'est bien là que se situe le débat : ouvrir la profession à la mondialisation ne se conçoit pas sans que soient réellement donnés aux opérateurs les moyens d'être compétitifs. Force est aujourd'hui de constater, madame la ministre, que le marché est affaibli. Si dans les années cinquante Paris pouvait se targuer d'être la capitale mondiale de l'art, le marché français est désormais loin derrière celui des Etats-Unis, qui traite 50 % des opérations, et celui de l'Angleterre, avec 30 %. Les causes de cet état de fait sont multiples, et nous les connaissons tous. Elles sont à la fois structurelles et conjoncturelles, c'est-à-dire tout autant liées au dynamisme des Etats-Unis et de certains pays tiers, au changement des comportements, qu'au contexte réglementaire, dont chacun mesure l'alourdissement.

Au cours des trente dernières années, on a ainsi pu constater que les transactions relatives aux oeuvres de haute qualité ne s'exerçaient plus au sein de marchés nationaux, juxtaposés, fermés sur eux-mêmes, mais intéressaient de plus en plus une clientèle internationale.

Acheteurs et vendeurs, extrêmement mobiles, recherchent les lieux de transaction les moins pénalisant. Souvent d'ailleurs ils ne résident pas dans les lieux où s'opèrent les échanges.

Ces mouvements d'importation et d'exportation se sont multipliés au profit de certaines places mondiales et, si la localisation des ventes n'obéit pas strictement - en tout cas pas systématiquement - à l'acquittement de tel droits ou de telle taxe, on discerne néanmoins parfaitement l'effet psychologique d'un tel contexte.

Quel que soit aujourd'hui le succès de places comme celle de Londres, le phénomène de déclin affecte également le marché européen. Les chiffres le démontrent.

Ainsi la croissance en volume des ventes d'oeuvres d'art au sein de l'Union européenne est nettement plus faible que la progression enregistrée dans le même temps aux

Etats-Unis. En clair, nous perdons chaque année des parts de marché.

Cette question n'est pas traitée par ce texte, et nous pouvons le regretter. Il faut cependant savoir que les effets de la TVA sur ce marché sont décelables, particulièrement la TVA à l'importation - dont on connaît les effets pervers ou le droit de suite, actuellement en débat à Bruxelles. De ce point de vue, madame la ministre, même si cela est quelque peu étranger au sujet de ce jour,


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mais parce que le droit de suite fait l'objet de discussions, il me paraît essentiel que la France pèse au maximum pour que les décisions prises au niveau communautaire dans ce domaine n'instaurent pas durablement de nouvelles entraves.

Le droit de suite, inventé par la France, est parfaitement intégré à notre culture et au droit français. Il est donc inutile d'imaginer en remettre en cause le principe.

Bien plus, il a inspiré d'autres législations. Certains rêvent même de le voir s'exporter outre-Atlantique, mais je ne crois pas à cette universalisation. En conséquence, il est essentiel que nous parvenions, à travers une harmonisation européenne acceptable, à ne pas créer de pénalités nouvelles, ce qui signifie un choix clair en faveur de taux dégressifs et faibles.

Le problème vient donc de cette accumulation de facteurs négatifs, aggravée, dans le système français, par le poids des prélèvements, que chacun connaît, et par les distorsions de concurrence que l'on retrouve aussi au niveau européen. J'ai tenu à évoquer ces questions en priorité dans mon intervention, car elles me paraissent indissociables de l'avancée juridique qui permettra le projet de loi que nous allons approuver.

On ne peut pas imaginer, comme vous l'a souhaité le Gouvernement, redynamiser le marché de l'art français et lui donner une place prépondérante en Europe et dans le monde si nous ne nous attaquons pas sérieusement au contexte fiscal, réglementaire et social qui paralyse aujourd'hui une partie de son exercice. En France, chacun le sait, trois des cinq taxes qu'une vente publique est susceptible de supporter - la TVA sur les ventes, la taxe sur les plus-values, le droit de reproduction, la TVA à l'importation et le droit de suite - sont à l'origine de graves distorsions, pour ne pas dire de délocalisations.

M. François Goulard.

C'est malheureux !

Mme Nicole Ameline.

Le véritable enjeu est clair : souhaitons-nous donner réellement au marché de l'art français de véritables chances de réussite en Europe et dans le monde ? I l est indéniable que ce texte apporte certaines réponses. Cela est heureux et nous voterons ses dispositions, notamment celles relatives à l'indemnisation. Bien que la reprise de certaines observations du Sénat en termes de période de référence ou de marges de fluctuation, n'ait pas suffi pour que l'on aboutisse à un accord sur le fondement juridique, cette indemnisation est essentielle et elle doit être rapidement mise en oeuvre, même si l'on peut déplorer le fait qu'elle aura des effets pénalisants pour certains opérateurs, notamment les plus jeunes qui sont souvent très endettés.

Nous approuvons les dispositions concernant la redéfinition de la notion de vente aux enchères, avec la distinction, que vous venez de rappeler quant aux ventes sur Internet selon qu'elles seront réalisées par mandataire ou par opération de courtage.

Je souhaite aussi que nous puissions engager très vite une réflexion sur les mécanismes d'encouragement à l'acquisition d'oeuvres d'art. A cet égard, le système des déductions fiscales est à revoir dans le sens d'une plus large ouverture. Il faut créer l'intérêt, la curiosité, la possibilité pour un plus grand nombre de nos concitoyens d'intervenir sur ce marché et d'acquérir de telles oeuvres.

C'est une façon de renforcer le marché mais aussi d'enrichir nos collections et de favoriser un nouveau goût pour l'art.

Madame la ministre, faites confiance aux opérateurs et aux professionnels du marché de l'art. Je ne doute pas qu'ils sauront démontrer leur capacité à agir, à condition d'avoir des armes égales à celles de leurs concurrents. Il faut simplement aller plus loin et adapter le marché de l'art au contexte international. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître qu'il s'agit d'une priorité, car les enjeux sont non seulement culturels et artistiques, mais aussi économiques. Il suffit, pour s'en convaincre, de consulter la liste des entreprises rattachées à ce secteur.

L'enjeu est également politique : si l'on veut parler d'exception française ou d'exception européenne, il faut le faire au meilleur sens du terme, en donnant aux opérateurs les plus grandes chances de démontrer qu'ils sont capables de retrouver la place qu'avait Paris dans les années cinquante. C'est en tout cas ce que nous souhaitons pour l'Europe aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance .)

M. le président.

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l'aboutissement de la commission mixte paritaire nous conduira ce soir à adopter définitivement le projet de loi portant réforme des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, et donc de la profession de commissaire-priseur.

Afin de mettre, en ce domaine, notre législation en conformité avec la réglementation européenne, il nous est demandé par Bruxelles, sous le regard attentif des maisons anglo-saxonnes de ventes aux enchères, Sotheby's en particulier, de procéder à la suppression du monopole des commissaires-priseurs au profit de sociétés de forme commerciale.

Sans remettre en cause la sincérité de vos intentions, madame la ministre, tendant à « redonner ainsi à la France la place qui était la sienne il y a une cinquantaine d'années sur le marché de l'art », les députés communistes ont souhaité à deux reprises, lors de la navette parlementaire, vous exprimer les craintes que leur inspiraient les dispositions proposées.

Comme plusieurs collègues, j'ai rencontré des professionnels concernés au premier chef. Il m'est ainsi apparu que, au-delà de leur accord au principe d'une telle réforme, transpiraient certaines inquiétudes face aux conséquences que ne manquerait pas de générer l'application du projet, notamment en ce qui concerne leur indemnisation. Il est évident, en effet, que, malgré leur savoir-faire, malgré la tradition française en matière d'art, ils risquaient, faute de moyens, de se trouver dans l'impossibilité de faire face aux géants des ventes aux enchères publiques.

Nous pouvons redouter la concurrence des maisons de vente les plus prestigieuses, en raison de leur technique commerciale et de leur surface financière.

La commission mixte paritaire a permis de dégager un accord sur l'ensemble du projet de loi. Les avancées ainsi enregistrées permettront-elles de créer les conditions pour que le passage d'une situation de monopole à une libéralisation quasi totale se réalise le mieux possible, en tenant compte des intérêts du consommateur, de la profession de commissaire priseur et, bien entendu, de l'avenir de la place de Paris en tant que lieu d'échanges et de transactions sur les biens meubles, singulièrement sur les objets d'art ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

Je ne doute pas que le Gouvernement ait l'ambition de restituer aux opérateurs français la place qui leur revient sur ce marché, devenu désormais international. Je souhaite simplement que le dispositif retenu permette d'accompagner cette compétitivité accrue des professionnels français d'exigences déontologiques strictes et de garanties au bénéfice des consommateurs.

C'est l'objectif qui semble être visé par le texte des travaux de la CMP. Dans ces conditions, le groupe communiste votera pour les dispositions proposées, en souhaitant que l'application de cette loi ne nous déçoive pas et constitue l'un des moyens privilégiés de la modernisation du marché de l'art français, qui occupe, aujourd'hui encore, la troisième place mondiale, mais ne représente que 7 % des parts de marché. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Martin.

M. Christian Martin.

Monsieur le président, madame la ministre, l'accord auquel est parvenu la commission mixte paritaire, le 17 mai dernier - vous n'y avez pas été étrangère, madame Feidt -, devrait permettre de donner un coup d'accélérateur à la libéralisation des enchères. Il é tait grand temps, au regard des retards pris dans l'ouverture du marché, puisque sept années se sont écoulées depuis le 22 janvier 1992, date à laquelle la société Sotheby's a sollicité du garde des sceaux, l'autorisation d'organiser en F rance des ventes publiques sur le fondement de l'article 59 du traité de Rome, sept années pendant lesquelles les professionnels des ventes publiques n'ont pu se préparer à l'ouverture du marché dans des conditions de visibilité juridique satisfaisantes.

C'est d'ailleurs cette urgence de l'adaptation de la profession de commissaire-priseur, largement ressentie par l'ensemble de ses représentants, qui a motivé notre position au sein de la CMP et notre volonté de rechercher un accord.

Les navettes parlementaires ont, en effet, permis d'améliorer le texte initial de la réforme proposée par le Gouvernment, parfois de manière sensible, notamment en élargissant le champ de la nouvelle réglementation aux ventes par Internet ; parfois de manière un peu trop timide, en particulier quant au fondement et aux modalités d'indemnisation des commissaires-priseurs.

Avant d'exposer les raisons essentielles pour lesquelles le groupe UDF a recherché un accord sur la réforme des enchères publiques, je rappelerai, brièvement, le contexte et les enjeux essentiels du débat en soulignant les regrets qui demeurent.

Sur le marché de l'art, les oeuvres d'art occupent une place prépondérante dans les biens vendus aux enchères publiques. Elles représentent 80 % du montant des ventes à Paris et 60 % en province.

C'est incontestablement dans le domaine du marché de l'art, devenu international et très concurrentiel, que les conséquences économiques de l'inadaptation de la réglementation des enchères publiques ont été les plus préjudiciables. Alors qu'il détenait le premier rang mondial jusque dans les années 50, le marché français de l'art est désormais loin derrière ses deux principaux concurrents.

Leur statut d'officier public a privé les commissairespriseurs des capitaux nécessaires à une activité internationale, et la réglementation des ventes publiques a inséré leurs techniques commerciales dans un cadre très strict, ce qui ne leur a pas donné les moyens de lutter à armes égales avec les grandes maisons de vente anglosaxonnes qui dominent le marché. Dans ce contexte, le monopole dont ils bénéficiaient est apparu davantage comme un handicap que comme une protection.

La réforme de leur statut répond donc à une double nécessité, juridique et économique, pour la modernisation et l'avenir du marché de l'art.

Rappelons toutefois que cette réforme ne vise à corriger que l'un des handicaps dont souffre aujourd'hui le marché français.

Il restera encore à mettre fin aux distorsions de concurrence résultant du niveau des prélèvements obligatoires.

Une vente en France est en effet susceptible de supporter cinq taxes - TVA sur les ventes, taxe sur les plus-values, TVA à l'importation, droit de suite et droit de reproduction -, dont la plupart constituent des facteurs de délocalisation. Or le projet de loi ne règle pas le problème essentiel de la fiscalité sur les ventes, dont la lourdeur entraîne une fuite des oeuvres d'art vers l'étranger et pénalise les transactions en France. L'enjeu est d'autant plus crucial que le dynamisme du marché de l'art est une condition nécessaire pour assurer la sauvegarde du patrimoine culturel et historique français.

Il faut aussi garder à l'esprit que les biens vendus aux enchères publiques peuvent être de nature très variée automobiles, biens industriels, etc. - et que la profession de commissaire-priseur est aujourd'hui marquée par une faible concentration et un important clivage entre Paris et la province. Si l'on dénombre aujourd'hui 456 commissaires-priseurs répartis en neuf compagnies régionales et 328 offices, la compagnie des commissaires-priseurs de Paris occupe une place particulière en raison de l'importance de son activité, organisée principalement dans le cadre de l'hôtel Drouot.

Il n'en demeure pas moins que la croissance du marché français des ventes publiques a été plus dynamique en province que dans la capitale. En dix ans, la compagnie des commissaires-priseurs de Paris a perdu plus de 6 % de parts de marché, passant de 47 % en 1987 à 41 % en 1997. Le taux de croissance du chiffre d'affaires de Paris est inférieur de moitié à celui de la compagnie de la région Lyon Sud-Est et, plus nettement encore, à celui de la compagnie Anjou-Bretagne, qui me tient beaucoup à coeur, vous le comprenez, dont le taux de croissance dépasse 12,5 % par an.

Cette meilleure résistance de la province à la crise s'explique, certes, par des différences de marché, mais, audelà, les commissaires-priseurs provinciaux ont provoqué un phénomène de rattrapage. La profession s'est rajeunie et modernisée. Elle assure un maillage essentiel du territoire, qu'il convient de ne surtout pas remettre en cause.

J'évoquerai maintenant les enjeux d'Internet.

Il importe de prendre en compte le véritable bouleversement induit par les ventes sur Internet. Il aura pour conséquence de généraliser la mondialisation du marché, jusque-là limité aux pièces « haut de gamme » et à la quasi-totalité des biens culturels. Face aux réseaux de drainage des biens culturels qui se profilent, face au risque de distorsion de concurrence, face à l'insécurité juridique préjudiciable aux vendeurs comme aux acheteurs, il importait d'étendre le nouveau régime juridique aux ventes par Internet.

Certes, la percée d'Internet sur le marché des ventes aux enchères est encore modeste en France mais il ne faut sous-estimer ni le dynamisme de son développement ni les épineux problèmes juridiques qu'il pose d'ores et déjà.

Outre les enjeux de ces nouveaux marchés en termes de diffusion de la culture française dans le reste du monde,


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il s'agit là financièrement d'une nouvelle « ruée vers l'or » dont les professionnels français peuvent espérer profiter pour reconquérir la place de premier plan qui était autrefois la leur... à condition que la loi leur en donne les moyens.

Dans ce contexte, il importait d'éviter que les enchères publiques n'échappent à toute réglementation et se développent de façon anarchique, ce qui laisserait les consommateurs sans aucune protection et confronterait les futures sociétés de ventes à une concurrence inéquitable.

L'intérêt du consommateur, de l'Etat et des professionnels nécessite des règles du jeu clairement définies. Il n'était guère satisfaisant, ni sur le plan des principes, ni sur le plan de la sécurité juridique, de laisser aux seuls acteurs, ou aux seuls juges, le soin de trancher ces questions.

Le Gouvernement s'est finalement rangé aux arguments de nombreux parlementaires, sénateurs et députés.

On peut néanmoins regretter la contradiction entre, d'autre part, la nécessité, affirmée, de protéger le consommateur et d'imposer des règles de concurrence loyale pour les ventes aux enchères sur Internet et, d'autre part, l'autorégulation à laquelle est laissé le courtage portant sur des biens autres que les biens culturels. Le risque est d'ouvrir une brèche importante au profit des activités non réglementées, à côté du secteur traditionnel des ventes aux enchères qui reste strictement encadré.

Je parlerai à présent de l'indemnisation.

C'est sans doute sur le fondement et les modalités d'indemnisation que nos regrets sont les plus grands.

La CMP a rétabli le texte initial, qui prévoit une indemnisation des commissaires-priseurs à raison du préjudice subi du fait de la dépréciation de la valeur pécuniaire de leur droit de présentation résultant de la suppression du monopole dans le domaine des ventes volontaires.

Selon ce raisonnement, le droit de présentation ne serait pas un droit de propriété, dans la mesure où le commissaire-priseur n'en a pas la libre disposition, sa cession et son aliénation étant subordonnées à l'agrément du garde des sceaux. Dès lors, le fondement juridique de l'indemnisation se trouverait dans l'atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques, qui découle de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789.

Pourtant, on pouvait juridiquement défendre que les commissaires-priseurs devaient être indemnisés sur le fondement de l'expropriation, conformément aux principes constitutionnels résultant de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789. Cette argumentation s'appuie sur la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a toujours reconnu la valeur patrimoniale du droit de présentation de leur successeur conféré aux commissairespriseurs.

La question de principe et le raisonnement juridique demeurent. Mais nous n'avons pas souhaité en faire un point de blocage de la réforme dans la mesure où des avancées ont pu être obtenues sur les modalités de cette indemnisation.

C'est ainsi que la période de référence retenue pour déterminer le calcul a été fixée par la CMP aux cinq derniers exercices, dont les résultats seront connus à la date de la promulgation de la loi, comme le proposait le Sénat. Le dispositif retenu permet de prendre en compte la période la plus récente. D'ailleurs, que ce soit dans le domaine industriel ou en matière commerciale, l'évaluation n'est jamais faite à partir des huit derniers exercices : sont habituellement prises en compte soit les trois dernières années, soit, plus généralement, les cinq dernières.

La CMP a fixé le préjudice subi par le commissairepriseur du fait de la dépréciation de la valeur pécuniaire de son droit de présentation à 50 % de la valeur de son office calculée conformément à l'article 36. Elle a toutefois offert à la commission d'indemnisation la possibilité de moduler ce montant de plus ou moins 20 %, en fonction de la situation particulière de l'office et de son titulaire. Cette modulation plus large permettra de prendre un peu mieux en compte la diversité des situations concrètes et d'assurer une juste indemnisation, mais elle demeure, à mon sens, trop limitée.

Par ailleurs, on peut regretter la discrimination au détriment de la province dans les coefficients retenus pour le calcul de l'indemnisation.

Toutefois, malgré ces regrets, l'urgence d'une réforme et d'une modernisation de la profession nous a conduits à rechercher un accord.

C'est pourquoi nous attendons du Gouvernement qu'il prenne le plus rapidement possible les décrets d'application nécessaires à sa mise en oeuvre, après concertation avec l'ensemble des professionnels concernés, qu'il s'agisse des commissaires de Paris ou de province, et de leurs salariés.

Il en va du respect du travail parlementaire comme de la prise en compte des enjeux et de l'avenir d'une profession qui participe au rayonnement culturel de la France par le biais de son rôle sur le marché de l'art et qui assure une mission essentielle de service public et de maillage du territoire à travers l'ensemble de ses acteurs, dans la capitale comme en province.

C'est avec l'espoir d'une réelle dynamisation du marché de l'art et de l'ensemble de la profession que le groupe UDF votera ce texte.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, nous ne pouvons que nous féliciter de ce que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord et je m'associe à toutes les félicitations que l'on peut adresser à Mme la rapporteuse. Cet accord est, somme toute, satisfaisant, même si, madame la ministre, la loi que nous sommes amenés à voter ne comporte pas de véritable volet fiscal. Celui-ci devra bien un jour être envisagé dans le cadre d'une nécessaire harmonisation européenne.

Nous avons en effet tous regretté l'évolution du marché de l'art dans notre pays, jadis plaque tournante des ventes des plus belles collections réunies par des familles, et par des collectionneurs épris du beau et amoureux des curiosités. En un demi-siècle, cela a été rappelé, Paris a progressivement décliné au profit de New York et de Londres. Or, ce qu'il y a de plus désolant, ce n'est pas tant la baisse des ventes que le fait que les objets français vendus dans les salles de vente étrangères ne reviennent que rarement, pour ne pas dire jamais, en France.

Pour la seule année 1999, Sotheby's a, selon sa présidente, fait sortir pour plus d'un milliard de francs d'objets d'art de notre territoire. Et il suffit de se reporter aux déclarations des responsables de Christie's pour voir que le chiffre est à peu près comparable. Par ces deux seules entreprises, ce sont donc 2 milliards de francs de chiffre d'affaires correspondant à des objets d'art français qui ont quitté, en une seule année, notre territoire. Par rapport à ce que nous avons connu il y a deux, trois et


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même quatre décennies, nous avons été victimes d'une véritable razzia d'objets d'art français, sans doute la plus grande de tous les temps. Il faut en être bien conscients.

C'est à mon sens la donnée la plus grave que nous ayons eu à analyser dans le cadre de l'évolution des ventes aux enchères.

Ce projet de loi était donc utile, et même indispensable, car l'organisation efficace et rationnelle du marché de l'art était devenue impossible du seul fait du carcan imposé par le statut des commissaires-priseurs, quelles que soient leurs qualités personnelles et professionnelles, que chacun reconnaît.

C'est très bien que la loi précise que les ventes aux enchères publiques seront réalisées par des sociétés à forme commerciale mais à objet civil. Désormais, ces nouvelles sociétés pourront et c'est heureux - utiliser les pratiques courantes à l'étranger garantie de prix, avance de prix d'adjudication - dans la plus parfaite transparence. La loi l'a également prévue, et c'est une bonne chose.

Le texte qui nous est présenté, madame la ministre, est cohérent, mais il vous appartiendra, avec le talent qui est le vôtre, de suivre les décisions prises dans le cadre de la directive actuellement en discussion à Bruxelles, notamment en ce qui concerne le droit de suite. Car vous n'échapperez pas à une discussion à ce sujet.

M. Pierre Lellouche.

C'est déjà concédé, mon pauvre !

M. Alain Tourret.

J'espère que non ! Laissez-moi au moins mes espérances !

M. Pierre Lellouche.

Demandez à Mme la ministre !

M. Alain Tourret.

Il vous appartiendra, ensuite, de repenser la TVA au taux de 5,5 % appliquée lors de l'importation. Cette imposition est en réalité symbolique.

Selon les chiffres qui m'ont été donnés, elle rapporte à peine 40 millions de francs au budget de l'Etat. En revanche, elle commet des ravages en réduisant la possibilité que nous avons de réaliser des ventes d'objets d'art tant étrangers en France que français en France.

La suppression de cette taxe s'impose. Mais il faut pour cela une renégociation de la septième directive européenne et elle doit être décidée en accord avec les galeristes.

Nous voterons donc le présent projet de loi qui prévoit, par ailleurs, une juste indemnisation des commis-s aires-priseurs. Il constitue un premier pas vers la reconquête par Paris de sa place de capitale de l'art et de la culture. Nous nous en réjouirons tous.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Monsieur le président, madame la ministre, la réforme des enchères publiques va enfin aboutir ce soir après plus de cinq années de retard. Je rappelle en effet que c'est sous l'impulsion de l'ancienne majorité que le garde des sceaux de l'époque, Jacques Toubon, avait préparé un projet de loi visant à adapter notre marché national des ventes volontaires à un marché mondial devenu globalisé. Avec 7 % de parts de marché, la France n'y joue plus, hélas ! qu'un rôle marginal alors qu'elle sert surtout aujourd'hui notre collègue Tourret vient de le dire, de lieu d'approvisionnement pour les marchands et les collectionneurs étrangers.

Mettre fin à l'hémorragie du patrimoine national au moins 2 milliards de francs par an - en modernisant notre marché, ses procédures, sa fiscalité, telle aurait dû être la grande ambition du Gouvernement. Hélas ! de retards en changements de majorité et en réécritures du texte, le projet de loi dont nous débattons ce soir n'a plus qu'un lointain rapport avec l'objectif initial pourtant si nécessaire pour notre pays.

Le volet fiscal, Nicole Ameline l'a dit avant moi et je l'ai moi-même souligné à maintes reprises au cours des lectures successives du texte, est totalement absent de la réforme. Des dispositions aussi incohérentes que néfastes, telles que la TVA à l'importation et le droit de suite, demeurent en place. Le droit de suite vient même d'être confirmé, conforté, cher collègue Tourret, par le gouvernement Jospin à Bruxelles. Ces mesures contribueront puissamment à la délocalisation de notre marché de l'art vers New York et Londres. Londres vient d'ailleurs de bénéficier d'une période dérogatoire de quinze ans s'agissant du droit de suite, ce qui est parfaitement choquant.

De même, aucune des incitations à la création artistique et aux métiers de l'art, que ce soit par la défiscalisation des achats d'objets d'art par les particuliers ou les entreprises incitations que j'avais proposées à plusieurs reprises - ou la réduction de la TVA sur un certain nombre de métiers d'art et d'artisanat, n'a été retenue par le Gouvernement. Quant au texte lui-même, s'il faut se féliciter qu'il marque certains progrès, notamment grâce aux propositions de l'opposition je pense à la disposition relative aux ventes sur Internet -, il reste très discutable et en deçà de la modernisation souhaitée sur un certain nombre de sujets tels que la garantie de remboursement des avances, l'écart injustifiable de responsabilité pénale entre opérateurs européens et opérateurs français, la composition, enfin, du conseil des ventes volontaires qui fait encore la part trop belle à l'étatisme à la française.

Reste enfin et surtout le problème crucial de l'indemnisation des commissaires-priseurs qui a fait l'objet de l'essentiel de la discussion en commission mixte paritaire.

Il est crucial à la fois sur le plan de l'équité et du droit, mais aussi parce que cette indemnisation doit d'abord servir à assurer la pérennité des futures maisons de vente française face à la compétition internationale et anglosaxonne.

Je rappelle que, s'inspirant du texte de 1995, le présent projet de loi met fin au monopole des commissairespriseurs, ouvrant ainsi notre marché de l'art à la concurrence étrangère. Mais il devrait prévoir en contrepartie une juste indemnisation pour compenser la disparition du droit de représentation desdits commissaires-priseurs. J'ai déjà eu l'occasion de dire ici même en deuxième lecture, combien me paraissait contestable la base juridique invoquée par le Gouvernement pour le calcul de l'indemnisation.

En vérité, il s'agit bien d'une spoliation liée à la disparition du droit de présentation par le fait du prince, en l'occurrence par le fait de la translation en droit français de la loi européenne et non « de la dépréciation de la valeur pécuniaire dudit droit de présentation ». En vérité, l'indemnisation, arbitrairement fixée à 50 % de la valeur des offices, n'est nullement fondée en droit. Elle s'explique tout simplement par le fait, purement comptable et arbitraire, que le gouvernement Jospin a décidé souverainement de diviser par quatre l'enveloppe budgétaire initialement prévue par son précécesseur : de 2,3 milliards de francs prévus par Jacques Toubon, nous sommes passés aujourd'hui à 450,6 millions de francs, soit environ 1 million de francs par office, pour un chiffre d'affaires de 8 milliards de francs.


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Tout en sachant fort bien que le sort des commissairespriseurs ne fera pleurer personne dans les chaumières, je rappelle, à titre de comparaison, par équité et aussi pour assurer la pérennité de cette profession, que François Pinault a dû, pour acheter Christie's, qui pèse 11 milliards de francs de chiffres d'affaires, débourser 8 milliards de francs.

Lors de la CMP qui s'est tenue il y a une dizaine de jours, la majorité a bien voulu concéder, par la bouche de M. Roman et de Mme la rapporteuse, « une soupape supplémentaire de 5 % ». Au lieu de 15 %, nous aurons 20 %, mais 20 % de 50 %. Le seuil de l'indemnisation a donc été relevé de 50 % à 60 %.

Pour ma part, j'ai voté ce compromis, non parce que je trouve, je tiens à le dire publiquement, madame Feidt, votre argument juridique fondé - je maintiens que, sur le plan du droit constitutionnel et de la jurisprudence de la Cour européenne de justice notamment et de celle de nos cours suprêmes, le raisonnement du Gouvernement est invalide - mais tout simplement parce que notre pays a besoin d'un cadre juridique. Nous ne pouvons accepter plus longtemps qu'il y ait en ce domaine un vide juridique : à cause de lui, les grandes entreprises anglo-s axonnes viennent s'approvisionner en France pour vendre à l'étranger. De ce point de vue, la France, pardonnez-moi ce mauvais jeu de mots, perd sur tous les tableaux. (Sourires.) J'ai donc préféré, en mon âme et conscience, faire en sorte que ce texte soit adopté même si la formule d'indemnisation ne me paraît pas toujours suffisante.

Elle ne me paraît en particulier absolument pas suffisante pour les jeunes commissaires-priseurs, sur la situation desquels, madame la ministre, je tiens à attirer votre attention. Les jeunes commissaires-priseurs, c'est-à-dire ceux qui se sont installés depuis cinq ans, sont dans notre pays, au nombre de trente-sept et le niveau d'indemnisation actuel risque sinon de mettre en cause la pérennité de leurs offices, en tout cas de se traduire par une rupture de l'égalité devant les charges publiques. N'est-ce pas d'ailleurs l'orateur du groupe socialiste lui-même, M. Jérôme Lambert, qui précisait en première lecture :

« Je suis d'accord pour revenir au texte du Gouvernement mais j'avais appelé l'attention du Gouvernement sur certains cas particuliers, notamment ceux des commissairespriseurs nouvellement installés » ? Si je crois aux vertus d'une modernisation du marché de l'art français pour mettre sur un pied d'égalité les intervenants français et leurs concurrents étrangers, je regrette que le Gouvernement ait autant attendu pour le faire et surtout qu'il n'ait pas consenti l'effort financier nécessaire pour mener à bien cette réforme. Il aurait été préférable que cette libéralisation se fasse dans des conditions économiques plus justes, de sorte que les études françaises, qui sont les maisons de vente de demain, puissent supporter la concurrence internationale résultant de cette ouverture. Or, selon les prévisions les plus optimistes, que je tiens des opérateurs eux-mêmes, les conditions d'indemnisation risquent d'être fatales à la moitié de la profession et à plusieurs milliers d'emplois. A Paris notamment, ce sont plus de cinquante offices sur cent dix qui devront fermer dans les mois à venir.

Il est dommage que Mme la ministre ne m'écoute pas car ce point est tout de même important.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mais je vous écoute, monsieur Lellouche !

M. Pierre Lellouche.

Il s'agit de la survie de la moitié des offices à Paris et, accessoirement, excusez-moi du peu, de l'hôtel Drouot qui, outre le fait qu'il se situe dans ma circonscription (Sourires sur les bancs du groupe socialiste) , détermine et structure l'essentiel du marché de l'art à Paris et au-delà. Je rappelle que 6 000 personnes visitent quotidiennement Drouot, que 3 millions de catalogues sont diffusés dans le monde et que cet hôtel des ventes est le lieu unique où se fait le marché de l'art en Europe et dans le monde. Vous me permettrez de penser qu'il y a un problème quand je vois disparaître, en tout cas potentiellement, la moitié des commissaires-priseurs.

Je répète, cependant, que l'intérêt général commande que ce texte, aussi imparfait soit-il, voie le jour. Nous ne pouvons pas laisser subsister un vide juridique par lequel la France se vide peu à peu de ses trésors. Si ce ne correspond pas au projet tant attendu...

M. Jean-Paul Bret.

Par vous !

M. Pierre Lellouche.

... il est nécessaire. Je suis contre le fait de remettre une nouvelle fois aux calendes grecques l'application du droit français à un marché aussi important. Je souhaite au contraire que, au moment de l'application du texte, vous veilliez, madame la ministre, à ce que l'indemnisation se fasse dans des conditions non seulement équitables mais surtout qui assurent la pérennité des maisons de vente françaises face à la concurrence internationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me revient de conclure la discussion générale sur un sujet qui, je l'avoue bien volontiers, m'était relativement étranger quelques mois avant la venue de ce texte en discussion devant notre assemblée. Je ne regrette aucunement l'investissement que j'y ai consacré, tant les diverses questions, techniques et juridiques, qu'il recèle sont riches, tant les sujets qu'il aborde surtout sont d'un grand intérêt pour notre pays.

Il me faut ajouter que tous les intervenants, parlementaires, ministres, cabinets, mais aussi acteurs du marché de l'art, m'ont apporté, au cours du travail que j'ai mené, de nombreuses matières à réflexion, et d'un grand intérêt. J'espère qu'ils auront en retour supporté sans trop de peine des prises de position que j'ai défendues avec la même conviction tout au long des différentes lectures.

En définitive, je crois que nous avons trouvé, à partir du texte du Gouvernement, les dispositions les plus adéquates, à même de répondre à l'attente du marché comme à celle des professionnels de grande qualité dont nous avons la chance de bénéficier.

Permettez-moi enfin de me féliciter des avancées que nous avons pu obtenir et de l'accord intervenu en commission mixte paritaire, qui repose sur les intérêts bien compris de tous les intervenants et du marché de l'art dans notre pays.

Cette réforme était nécessaire. Certains l'ont jugée tardive, mais elle a le mérite d'arriver dans un large consensus qui repose, n'en doutons pas, sur une volonté partagée sur tous ces bancs : éviter autant que possible les effets de récupération idéologique pour cerner les vrais problèmes et tâcher d'y répondre au mieux.

Ainsi en est-il de la prise en compte du développement inéluctable de la vente électronique, qui constitue un des principaux acquis du débat parlementaire. Il ne fallait pas


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plus attendre. Le Gouvernement nous a entendus et suivis. J'y vois une bonne chose pour le marché, mais aussi pour le Gouvernement lui-même, qui montre ainsi sa capacité à prendre en compte tous les aspects innovants de notre société.

Demain, les nouveaux opérateurs pourront développer le marché de l'art dans notre pays. Ils auront, soyons-en sûrs, pour ossature les commissaires-priseurs d'aujourd'hui. Je suis certains de leur volonté et de leur capacité à relever ces défis. Je crois aussi que l'indemnisation qui leur sera versée, dont j'avais, tout au long des débats, demandé qu'elle réponde à toutes les situations, les y aidera. Les nouveaux critères d'indemnisation, en prenant en compte une période différente de celle initialement proposée dans le projet et en offrant une plus grande souplesse, suffiront, je l'espère, à répondre à cette attente de justice tout en permettant une réelle relance du marché grâce à l'injection de sommes importantes.

Reste maintenant au Gouvernement, en particulier à la garde des sceaux, à mettre en place les structures prévues par la présente loi. Le conseil des ventes devra s'atteler à un formidable travail afin d'assurer l'ouverture et le développement du marché. La commission d'indemnisation - j'évoquais cette question il y a quelques instants devra quant à elle veiller à appliquer la loi dans la recherche d'une meilleure justice. Enfin, au-delà de l'examen de ce texte, notre assemblée devra continuer à s'intéresser de très près au marché de l'art. Sur le plan économique, comme sur le plan culturel, notre pays doit y gagner. La France tient une place toute particulière dans l'histoire et dans la richesse du patrimoine mondial.

Cette place, nous devons chercher à la reconquérir, car nous ne pouvons admettre qu'une quelconque domination culturelle s'impose à nous.

Je me félicite de cette discussion et des suites qu'elle pourra entraîner dans la réflexion du Parlement et dans le débat politique. Nous avons, me semble-t-il, joué pleinement notre rôle ; nous avons largement innové en prenant toutes les dispositions possibles pour protéger les consommateurs et garantir le sérieux du marché français, considéré par tous comme un de nos meilleurs atouts.

Le Parlement a joué un rôle important, madame la ministre, et je vous remercie de l'écoute dont vous avez fait preuve en tant que présidente de la commission des lois, puis de ministre de la culture et de la communication, en prenant en compte la plupart des demandes que nous avions exprimées.

Je vous remercie, madame la rapporteuse, d'avoir vous aussi abordé ce texte avec toute l'écoute nécessaire, mais aussi, et c'est bien normal, avec vos convictions, parfaitement respectables. Nous avons tous oeuvré ensemble et nous voyons ce soir l'exemple d'un travail réussi, puisqu'il nous rassemble. Puisse cela se poursuivre, afin que nous soyons toujours là pour défendre les intérêts de notre pays et de sa culture. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président.

Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire : C HAPITRE Ier Les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques

....................................................................

« Art. 2 bis Le fait de proposer, en agissant comme m andataire du propriétaire, un bien aux enchères publiques à distance par voie électronique pour l'adjuger au mieux disant des enchérisseurs constitue une vente aux enchères publiques au sens de la présente loi.

« Les opérations de courtage aux enchères réalisées à d istance par voie électronique, se caractérisant par l'absence d'adjudication et d'intervention d'un tiers dans la conclusion de la vente d'un bien entre les parties, ne constituent pas une vente aux enchères publiques.

« Sont également soumises aux dispositions de la présente loi, à l'exclusion des articles 6 et 15, les opérations de courtage aux enchères portant sur des biens culturels réalisées à distance par voie électronique. »

Section 1 Les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques

....................................................................

« Art. 11. Une société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques peut garantir au vendeur un prix d'adjudication minimal du bien proposé à la vente, qui est versé en cas d'adjudication du bien. Si le bien a été estimé, ce prix ne peut être fixé à un montant supérieur à l'estimation mentionnée à l'article 10.

« Cette faculté n'est offerte qu'à la société qui a passé avec un organisme d'assurance ou un établissement de crédit un contrat aux termes duquel cet organisme ou cet établissement s'engage, en cas de défaillance de la société, à rembourser la différence entre le montant garanti et le prix d'adjudication si le montant du prix garanti n'est pas atteint lors de la vente aux enchères. »

« Art. 12. Une société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques peut consentir au vendeur une avance sur le prix d'adjudication du bien proposé à la vente. »

....................................................................

« Art. 14. I. Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 2 500 000 francs d'amende le fait de procéder ou de faire procéder à une ou plusieurs ventes volontaires de meubles aux enchères publiques :

« si la société qui organise la vente ne dispose pas de l'agrément prévu à l'article 4, soit qu'elle n'en est pas titulaire, soit que son agrément a été suspendu ou retiré à titre temporaire ou définitif ;

« ou si le ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui organise la vente n'a pas procédé à la déclaration prévue à l'article 21 ;

« ou si la personne qui dirige la vente ne remplit pas les conditions prévues à l'article 7 ou est frappée d'une interdiction à titre temporaire ou définitif de diriger de telles ventes.

« Les personnes physiques coupables de l'une des infractions aux dispositions prévues au présent article encourent également les peines complémentaires suivantes :


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« 1o L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;

« 2o L'affichage ou la diffusion de la condamnation prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal ;

« 3o La confiscation des sommes ou objets irrégulièrement reçus par l'auteur de l'infraction, à l'exception des objets susceptibles de restitution.

II. Non modifié. »

....................................................................

Section 2 Le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques

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« Art. 18. Le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques comprend onze membres nommés pour quatre ans par le garde des sceaux, ministre de la justice :

« six personnes qualifiées ;

« cinq représentants des professionnels, dont un expert.

« Le mandat des membres du conseil n'est renouvelable qu'une seule fois.

« Le président est élu par les membres du conseil en leur sein.

« Des suppléants sont désignés en nombre égal et dans les mêmes formes.

« Un magistrat du parquet est désigné pour exercer les fonctions de commissaire du Gouvernement auprès du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

« Le financement du conseil est assuré par le versement de cotisations professionnelles acquittées par les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et par les experts agréés. Le montant de ces cotisations est fixé par le conseil en fonction de l'activité des assujettis. »

....................................................................

C HAPITRE II Libres prestations de services de l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques par les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne et des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen

....................................................................

C HAPITRE

III Les prisées et ventes judiciaires de meubles aux enchères publiques

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C HAPITRE IV Dispositions communes aux ventes volontaires et aux ventes judiciaires de meubles aux enchères publiques

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C HAPITRE V Des experts agréés par le conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques

....................................................................

« Art. 29. Tout expert agréé doit être inscrit dans l'une des spécialités dont la nomenclature est établie par le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

« Nul ne peut l'être dans plus de deux spécialités, à moins qu'il ne s'agisse de spécialités connexes aux précédentes dont le nombre ne peut être supérieur à deux. »

....................................................................

C HAPITRE VI L'indemnisation

« Art. 35. Les commissaires-priseurs sont indemnisés en raison du préjudice subi du fait de la dépréciation de la valeur pécuniaire de leur droit de présentation résultant de la suppression du monopole conféré jusqu'à l'entrée en vigueur de la présente loi à ces officiers ministériels dans le domaine des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. »

« Art. 36. La valeur de l'office, limitée à l'activité des ventes volontaires, est calculée :

« en prenant pour base la somme de la recette nette moyenne au cours des cinq derniers exercices dont les résultats seraient connus de l'administration fiscale à la date de la promulgation de la présente loi et de trois fois le solde moyen d'exploitation de l'office au cours des mêmes exercices ;

« en affectant cette somme d'un coefficient de 0,5 pour les offices du ressort des compagnies de commissaires-priseurs autres que celles de Paris et de 0,6 pour les offices du ressort de la compagnie des commissairespriseurs de Paris ;

« en ajoutant à ce résultat la valeur nette des immobilisations corporelles, autres que les immeubles, inscrite au bilan du dernier exercice clos à la date d'entrée en vigueur de la présente loi ;

« en multipliant le total ainsi obtenu par le rapport du chiffre d'affaires moyen de l'office correspondant aux ventes volontaires au cours des cinq derniers exercices dont les résultats seraient connus de l'administration fiscale à la date de la promulgation de la présente loi sur le chiffre d'affaires global moyen de l'office au cours des mêmes exercices.

« La recette nette est égale à la recette encaissée par l'office, retenue pour le calcul de l'imposition des bénéfices, diminuée des débours payés pour le compte des clients et des honoraires rétrocédés.

« Le solde d'exploitation est égal aux recettes totales retenues pour le calcul de l'imposition des bénéfices, augmentées des frais financiers et des pertes diverses et diminuées du montant des produits financiers, des gains divers et de l'ensemble des dépenses nécessitées pour l'exercice de la profession, telles que retenues pour le calcul de l'imposition des bénéfices en application des articles 93 et 93 A du code général des impôts.

« Les données utilisées sont celles qui figurent sur la déclaration fiscale annuelle et dans la comptabilité de l'office. »


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« Art. 37. Le préjudice subi du fait de la dépréciation de la valeur pécuniaire du droit de présentation est fixé à 50 % de la valeur déterminée à l'article 36. L'indemnisation correspondante peut être augmentée ou diminuée de 20 % au plus par la commission prévue à l'article 43 en fonction de la situation particulière de chaque office et de son titulaire. »

....................................................................

« Art. 41. La demande d'indemnité doit être présentée par les commissaires-priseurs dans le délai de deux ans à compter de la publication du décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 57. L'indemnité est versée dans les six mois suivant le dépôt de la demande. Ce versement est subordonné, d'une part, à la production d'une attestation d'assurance couvrant la responsabilité encourue par le commissaire-priseur à l'occasion de l'exercice des ventes volontaires à compter de son entrée en fonctions et au plus pour les dix années antérieures à la promulgation de la présente loi et, d'autre part, à la production d'un quitus délivré par la compagnie des commissaires-priseurs.

....................................................................

« Art. 43. Les demandes d'indemnisation sont portées devant une commission nationale présidée par un membre du Conseil d'Etat et comprenant, en outre, en nombre égal, d'une part, des représentants des professionnels et, d'autre part, des fonctionnaires désignés par le garde des sceaux, ministre de la justice.

« La commission évalue le montant de l'indemnisation, conformément aux règles prévues par les articles 35 à 38.

« La commission établit un rapport annuel sur le déroulement de l'indemnisation et l'équilibre financier du fonds.

« Les décisions de la commission peuvent faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat. »

C HAPITRE VI bis Dispositions fiscales

« Art. 43 quinquies Supprimé »

C HAPITRE

VII Dispositions diverses et transitoires

« Art. 44 A. Dans le d du 3o de l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle :

« 1o Les mots : "aux enchères publiques" sont remplacés par le mot : "judiciaire" ;

« 2o Les mots : "par un officier public ou ministériel" sont supprimés ;

« 3o Les mots : "qu'il met" sont remplacés par le mot : "mis". »

....................................................................

« Art. 48 bis A. Supprimé »

....................................................................

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Personne ne demande la parole dans les explications de vote.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinq, est reprise à vingt-deux heures quinze.)

M. le président.

La séance est reprise.

2 ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE Discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à l'archéologie préventive (nos 2303).

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, depuis fin février, le Parlement a entamé l'examen du projet de loi sur l'archéologie préventive adopté lors du conseil des ministres du 5 mai dernier. Cet examen constitue l'heureuse conclusion d'un dossier ouvert il y a maintenant quelque vingt ans.

L'entrée en application de cette loi donnera enfin un cadre juridique clair et incontestable à la pratique de l'archéologie préventive. Elle contribuera à modifier en profondeur l'organisation et les modes de fonctionnement de cette discipline scientifique dont le spectaculaire développement repose, pour l'essentiel, sur le dynamisme et la persévérance des agents en charge de l'archéologie au sein du ministère ainsi qu'au soutien que leur ont apporté les archéologues de toutes origines attachés à la préservation des archives du sol.

Sans trop m'étendre sur le passé, je crois utile de revenir en quelques mots sur les circonstances qui ont conduit le Gouvernement à proposer ce projet de loi.

A partir des années soixante, le développement des équipements publics et la mise en place de politiques d'urbanisme, notamment dans les centres-villes, ont provoqué de graves destructions de notre patrimoine archéologique. Pour y faire face, de trop rares opérations de sauvetage étaient pratiquées par un petit nombre d'agents du ministère de la culture avec l'aide de bénévoles, mais bien insuffisantes au regard de l'ampleur des bouleversements.

La création par l'Etat en 1974 d'une association paraadministrative, l'AFAN, a permis de répondre, mais en dehors de la comptabilité publique, aux demandes de crédits de sauvetage. Dans le même temps, l'Etat s'est progressivement doté d'instruments réglementaires permettant la prise en compte du risque archéologique dans les opérations d'aménagement.

Ce dispositif juridique s'est toutefois révélé d'une efficacité limitée, notamment par le fait qu'il ne comportait aucune disposition légitimant réellement les modes d'intervention de l'Etat. C'est dans ce contexte que les services archéologiques du ministère prirent l'initiative de mettre en place une politique contractuelle avec les divers responsables de l'aménagement du sol. Ce système de


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conventions avec les aménageurs s'est, depuis, généralisé.

Ceux-ci apportent l'essentiel des financements nécessaires à la réalisation de la fouille ; de leur côté, l'Etat et son opérateur, l'AFAN, s'engagent à ce que l'opération archéologique soit effectuée dans des délais compatibles avec les projets de l'aménageur et, sauf découverte exceptionnelle, à ce que cette intervention permette la levée de l'hypothèse archéologique.

Le dispositif mis ainsi en place a permis un développement significatif de l'archéologie préventive. La croissance de l'activité de l'AFAN en témoigne : quelques dizaines de salariés, tous contractuels à durée déterminée dans les premières années d'existence, plus de 1 200 agents en 2000, dont près de 80 % bénéficient désormais d'un statut d'agent permanent. Cependant, ce système butait toujours sur l'inadaptation de la loi du 27 septembre 1941, utilisée comme fondement juridique de l'intervention de l'Etat, sur la question du financement et sur celle de la légitimité de l'AFAN qui, en tant qu'opérateur public, disposait de fait d'un quasi-monopole d'intervention.

Ces questions ont donné lieu à de nombreuses études et propositions depuis 1990, mais la volonté politique d'aboutir faisait sans doute défaut. Cette discipline scientifique est ainsi entrée dans la crise que l'on sait ; le nombre d'interventions diverses émanant de la représentation nationale témoigne d'ailleurs de la préoccupation de beaucoup d'entre vous.

Saisie de ce dossier en 1997, Catherine Trautmann s'est employée à le résoudre. C'est sur la base des travaux de MM. Demoule, Poignant, et Pêcheur que la ministre de la culture et de la communication, en concertation étroite avec le ministère chargé de la recherche et, bien sûr, en liaison avec les autres ministères techniques concernés, a élaboré le projet de loi qui a été soumis à votre examen en première lecture, les 22 et 23 février derniers. Il me revient ce soir de représenter le Gouvernement pour débattre de ce projet de loi en deuxième lecture.

Le projet qui vous est soumis diffère quelque peu de celui que vous aviez adopté. Le Sénat, en effet, en a modifié très sensiblement l'économie. Mais j'observe cependant, pour m'en réjouir, qu'un certain nombre de points ne semblent plus poser problème.

Ainsi, une large unanimité s'est manifestée, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, sur la nécessité, et même l'urgence, qu'il y avait à légiférer sur l'archéologie préventive, afin de donner à cette discipline scientifique un véritable statut juridique. Sur plusieurs points, les avis se sont rapprochés. Ainsi, plus personne ne conteste que l'archéologie préventive est une activité de service public à caractère scientifique constituant une chaîne d'opérations indissociables, couvrant notamment la prescription, l'opération de terrain, l'exploitation scientifique des résultats, voire leur diffusion.

Plus personne ne conteste que, en s'appuyant sur les avis des commissions scientifiques compétentes, l'Etat dispose du pouvoir de désignation du responsable d'opération, de prescription, de contrôle et d'évaluation des opérations d'archéologie préventive.

Plus personne ne conteste que la compétence de l'Etat s'étend à la confection et à la mise à jour de la carte archéologique nationale, les informations qu'elle contient ayant vocation à être portées à la connaissance des tiers intéressés, ou que l'établissement public à caractère scientifique, à l'administration duquel participe l'ensemble des acteurs de l'archéologie préventive, se substitue à l'AFAN pour la réalisation des opérations de fouilles et l'exploitation de leurs résultats.

Plus personne ne conteste, je pense, que le financement de cet établissement public est assuré par voie de redevances présentant le caractère d'« imposition de toute nature », calculées selon des modalités qui permettent d'assurer une juste participation des aménageurs soumis à une opération d'archéologie préventive.

Plus personne ne conteste que des dispositifs d'exonération ou de plafonnement des redevances doivent éviter la remise en cause des politiques gouvernementales du logement, ou que les contestations relatives à la détermination de la redevance doivent pouvoir être arbitrées par une commission réunissant des personnalités représentatives des intérêts en présence, ou que les collectivités territoriales dotées de service archéologique sont associées, par principe, aux opérations d'archéologie préventive menées sur leur territoire.

Plus personne ne conteste, enfin, que les archéologues du CNRS, des universités, des collectivités locales, des associations et autres structures qualifiées sont partie prenante des opérations d'archéologie préventive et, plus généralement, des travaux scientifiques menés par l'établissement public.

Sur un sujet aussi sensible, félicitons-nous de cette convergence de vues. En tout cas, c'est dans cet esprit que nous abordons la discussion. Cette convergence n'était sans doute pas imaginable il y a encore quelques mois. Ce consensus trouve bien sûr ses limites. Il bute sur un des éléments essentiels du dispositif proposé par le Gouvernement et que vous aviez adopté le 23 février.

Le Sénat a en effet apporté une modification au statut de l'établissement. Qualifié d'administratif, doté de droits exclusifs dans la version issue des délibérations de votre assemblée, l'établissement public chargé de la réalisation des opérations préventives a reçu du Sénat le caractère industriel et commercial, ouvrant ainsi la discipline à la concurrence. Le Gouvernement a marqué son désaccord total avec le point de vue adopté par la Haute Assemblée.

Quelle est aujourd'hui la position du Gouvernement sur le projet de loi tel qu'il vous revient ? Je rappelle en premier lieu qu'il avait donné son accord à la plupart des amendements proposés par votre rapporteur au nom de votre commission des affaires culturelles à l'occasion de la première lecture de ce texte à l'Assemblée nationale. Dès lors, sa position ne peut être que très nuancée - c'est un euphémisme - sur certains amendements introduits par le Sénat.

Le Gouvernement a donc été très attentif au travail mené ces derniers jours par la commission des affaires culturelles et par son rapporteur, qui, par une série d'amendements, redonne à ce projet de loi sa cohérence initiale, sans manquer également d'en améliorer la lisibilité et d'en enrichir le contenu.

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bien ! M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Sans attendre la discussion du projet, article par article, je souhaite apporter quelques commentaires sur les amendements adoptés par le Sénat qui remettent en question le dispositif dont le Gouvernement souhaite voir la mise en oeuvre. Je pense en particulier aux modifications concernant l'ouverture à la concurrence commerciale.

Sur ce point, essentiel pour le Gouvernement, les choses sont particulièrement nettes. Analysant le fonctionnement a priori de l'AFAN et de ses modes d'inter-


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vention, le Conseil de la concurrence, consulté par le Gouvernement, avait conclu que, au regard du droit de la concurrence national et européen, les opérations archéologiques de terrain constituaient une activité économique soumise aux règles du droit de la concurrence. Mais les études entreprises par le Gouvernement visant à mesurer les conséquences pratiques et juridiques d'une telle approche ont conduit à écarter cette option.

M. François Goulard.

Et donc à négliger l'avis du Conseil de la concurrence ! M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Un système fondé sur la mise en c oncurrence économique s'avérait d'une lourdeur incompatible avec les impératifs de réponse rapide au risque archéologique inhérent aux activités d'archéologie préventive. De plus, sur le plan des objectifs poursuivis - sauvegarde du patrimoine, qualité scientifique de la recherche -, il est apparu dangereux, car susceptible de donner aux considérations économiques la priorité sur l'objectif scientifique. Enfin, tous les archéologues l'affirment, l'opération de terrain n'est pas dissociable de la recherche, elle en fait partie intégrante.

Ecartant ce risque de dérive, le projet de loi opte pour l a création d'un établissement public national de recherche, seul habilité à exécuter les opérations d'archéologie préventive. Cette création ne signifie pas pour autant enfermement, exclusion. Comme je l'ai rappelé à l'instant, tous les acteurs de l'archéologie, les chercheurs du CNRS et de l'université, les archéologues des collectivités territoriales, les structures privées qualifiées collaborent avec l'établissement dans l'exercice de chacune de ses missions, et notamment pour les opérations de terrain.

Seul l'établissement public, en revanche, a l'obligation et les moyens de garantir les interventions archéologiques nécessaires, diagnostic et fouilles, en tout temps, en tout lieu, et sur des champs couvrant la totalité des périodes c hronologiques, à des conditions identiques sur l'ensemble du territoire et compatibles avec les c ontraintes propres aux aménageurs, notamment en matière de délais.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est opposé au dispositif adopté par le Sénat, qui, au demeurant, ne lui paraît pas répondre aux préoccupations exprimées par les acteurs de l'archéologie préventive, qu'il s'agisse des archéologues ou des aménageurs, notamment en matière de délais, qui seraient considérablement allongés si des dispositifs de mise en concurrence étaient retenus.

S'inscrivant dans une démarche dynamique, le Gouvernement souhaite, chaque fois que cela est possible ou nécessaire, l'amélioration des projets de loi soumis à discussion, et il entend apporter sa contribution au débat.

Dans son article 1er bis adopté par votre assemblée, le projet de loi dispose qu'il appartient à l'Etat de veiller à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social. Je ne doute pas que le travail accompli par votre assemblée permettra d'y parvenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Marcel Rogemont, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Je veux d'abord vous remercier, monsieur le secrétaire d'Etat, pour les échanges nourris, édifiants et confiants que nous avons eus pour préparer la deuxième lecture de ce projet de loi à l'Assemblée nationale. Ces contacts se sont déroulés dans le même esprit que ceux que nous avions noués avec Mme Trautmann, que je voulais associer à ces compliments.

M. François Goulard.

Elle le mérite !

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Délaissant les aimables disputes qui, en première lecture, voulaient établir si Jérôme Carcopino était helléniste ou latiniste - il était probablement les deux, même s'il fut un peu plus l'un que l'autre -, je voudrais simplement faire quelques commentaires destinés à faciliter notre travail, puis évoquer deux points plus précis, ce qui me dispensera ensuite d'intervenir sur chaque article.

Je commencerai par un rappel des principes de ce projet de loi. L'archéologie, en ce qu'elle concerne le patrimoine, fait partie de la sphère publique. Chacun le reconnaît, et le reconnaissait déjà bien avant la convention de Malte. Deuxièmement, l'archéologie préventive, branche de l'archéologie, fait elle-même partie de cette sphère publique. Troisièmement, l'archéologie préventive est une activité intellectuelle et scientifique. Pour ceux qui en douteraient, la visite d'un chantier de fouilless erait très éclairante. Quatrièmement, l'organisation actuelle, ou plutôt l'absence d'organisation, juridiquement incontestable, commande une organisation nouvelle.

Sur quel socle cette nouvelle organisation doit-elle être bâtie ? Nous avions avancé, en première lecture, deux principes forts : prévisibilité et transparence. Je crois qu'il faut pouvoir les réaffirmer.

Nous devons prendre en compte la prévisibilité du risque archéologique. La carte nationale archéologique rassemble toutes les informations disponibles. Il faut donc faire en sorte qu'elle soit accessible à toutes les personnes qui souhaitent en prendre connaissance. Elle doit avoir une visée de communicabilité la plus large possible.

En ce qui concerne la « prévisibilité » du coût, nous avons instauré une redevance, et le coût est donc prédéterminé. C'est un point important, car la simplicité et la mutualisation, à défaut d'être parfaitement justes, répondent au critère de « prévisibilité ».

Il faudra, d'autre part, travailler en deuxième lecture sur la prévisibilité des délais, car nombre d'agents économiques les trouvent insupportables.

La deuxième qualité est la transparence des procédures.

Il faut définir clairement les responsabilités de l'Etat et celles de chacun des acteurs de l'archéologie préventive.

A l'Etat reviennent le pouvoir de police, le pouvoir de prescription, le pouvoir de nommer la personne qui va conduire les travaux de fouilles.

D'autre part, un établissement public sera doté de droits exclusifs pour effectuer les fouilles. Ces prérogatives visent à permettre à tout agent économique, public ou privé, qui veut entreprendre des travaux sur une parcelle où les fouilles ont été demandées par l'Etat d'être assuré qu'en tout temps, en tout lieu, pour quelque période historique que ce soit, les fouilles seront diligentées dans des délais appropriés et pour un coût prédéterminé.

Ainsi, chacun le comprend, l'établissement public administratif se voit confier une responsabilité forte et exigeante. L'examen attentif de la réalité de l'archéologie, notamment préventive, montre qu'il n'y a pas de marché qui puisse répondre à ces exigences intellectuelles et économiques.

La transparence peut aussi être garantie grâce au recours pré-contentieux.


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Prévisibilité et transparence doivent pouvoir se conjuguer dans le respect de l'ensemble des intervenants de l'archéologie préventive. Ce sont, d'abord, les collectivités territoriales disposant d'un service d'archéologie. Agréés par l'Etat, ces services doivent pouvoir agir ès qualités et donc être associés au processus.

Mais ce respect s'étend aussi aux associations d'archéologie - même si leur terrain de prédilection est l'archéologie programmée, elles n'en demeurent pas moins des intervenants possibles, actifs, compétents pour l'archéologie préventive - et à la communauté scientifique qui doit être associée très largement à l'archéologie préventive.

Pour apporter cette garantie à cette communauté, on proposera de simplifier la procédure de nomination du responsable des fouilles telle qu'elle a été prévue initialement en première lecture.

J'aborde maintenant l'examen des propositions du Sénat. Je tiens tout d'abord à rappeler que nous sommes favorables à la création d'un établissement public, et que le Sénat l'est également. Mais il subsiste une différence - probablement idéologique : le Sénat ne va pas jusqu'au bout du raisonnement. Il nous propose une solution différente : la création non d'un établissement public administratif, mais d'un établissement public et commercial.

Dès lors, il n'est pas prévu de droits exclusifs pour l'établissement public, car le Sénat fait confiance a priori à la multiplicité des intervenants et au marché. Selon qu'ils seront richement ou pauvrement dotés de capacités à effectuer les fouilles, les agents économiques seront ou non libérés dans les délais appropriés de la contrainte archéologique.

Convenons d'ailleurs que cette confiance envers le marché est relative, car, en proposant une participation de plein droit aux opérations de fouilles pour les collectivités locales qui ont un service d'archéologie, le Sénat organise des droits exclusifs. Pour ma part, je ne propose pas une organisation de marché pour les fouilles archéologiques, car le marché n'existe pas. Il y a donc lieu de mettre en place un établissement public administratif.

Venons-en maintenant aux modifications apportées par le Sénat. Premièrement, il faut certes reconnaître les services archéologiques des collectivités territoriales, mais ne pas les mythifier. Les réalités de ces services sont différentes suivant les collectivités. Celles-ci doivent pouvoir agir dès lors qu'elles en sont capables, et les décisions que nous aurons à prendre doivent leur ménager une place.

Deuxièmement, la reconnaissance de la communauté scientifique paraît également importante. Nous gagnerions à indiquer l'existence des instances consultatives, mais il ne paraît pas souhaitable pour autant de les nommer précisément dans la loi.

Troisièmement, la question des délais a déjà été abordée en première lecture. Nous devons lui accorder une attention plus grande.

Peut-on cependant en arriver, comme le propose le Sénat, à des délais impératifs ? Je ne le pense pas. Si l'inobservation d'un délai par la personne chargée des fouilles libérait l'acteur économique de la contrainte archéologique, ce serait grave. Nous reconnaîtrions qu'en matière d'archéologie préventive, on pourrait ne pas protéger, on pourrait même détruire, sans examen préalable, des vestiges du passé.

Il convient plutôt de mieux encadrer la notion de délais appropriés : ils ne doivent pas être impératifs, mais responsabilisants.

La quatrième question évoquée par le Sénat est celle du mobilier archéologique. Nous l'examinerons également, sans nous contraindre à retenir le texte du Sénat.

J'ajoute à cela la question de l'immobilier archéologique. Nous avions demandé au Gouvernement de nous proposer un texte. En l'attendant, la commission a repris l'amendement de notre collègue Pascal Terrasse.

L'actualité - les démêlés autour de la grotte Chauvet nous incite à profiter de ce texte pour légiférer en la matière et éviter, à l'avenir, des imbroglios désagréables pour tout le monde.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Très bien !

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Enfin, sur la redevance, un réajustement tarifaire pourrait être prévu afin d'essayer d'alléger le coût du diagnostic. Nous attendons vos propositions, monsieur le secrétaire d'Etat.

Pour conclure, la loi nouvelle doit répondre aux objectifs que je viens de fixer : sphère publique, prévisibilité, transparence, meilleure organisation de la chaîne des intervenants de l'archéologie préventive. Tous ces points sont importants pour faire entrer l'archéologie préventive dans le domaine de la légalité. Mais, ce faisant, l'archéologie préventive ne doit pas oublier sa légitimité : scientifique, bien entendu, mais aussi citoyenne, par le renforcement de la médiation culturelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. François Goulard.

L'archéologie préventive citoyenne !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Eh oui, c'est une avancée.

M. Jacques Pélissard.

C'est l'invention du jour !

Mme Odette Grzegrzulka.

Ils ne savent pas ce que c'est qu'un citoyen ! Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Serge Blisko, premier orateur inscrit.

M. Serge Blisko.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, adopté par l'Assemblée nationale en début d'année, le projet de loi sur l'archéologie préventive nous revient du Sénat fortement modifié. Nous l'avons déjà dit, mais je veux le répéter, ce texte était nécessaire et attendu.

En effet, l'encadrement juridique existant remontait à la fameuse loi de l'helléniste et latiniste M. Carcopino, du 27 septembre 1941. Adoptée sous le régime de Vichy, cette loi non seulement était devenue inadaptée, mais elle portait l'empreinte idéologique du gouvernement de l'époque : assez méfiant à l'égard de toute forme moderne d'urbanisme, attaché aux racines rurales de notre pays, défenseur d'un interventionnisme systématique de l'Etat, monsieur Goulard, sans concessions ni souplesse.

M. François Goulard.

Je fustige l'interventionnisme, mais, en réalité, cette loi est plus libérale que la vôtre !

M. Serge Blisko.

Cette loi a été plusieurs fois modifiée.

L'apparition des grands chantiers, en particulier des chantiers autoroutiers, la multiplication des interventions en sous-sol dans les centres-villes, dans lesquels se situent le plus souvent les sites historiques et protohistoriques, voire


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préhistoriques, ont changé les exigences des fouilles archéologiques, en même temps que la physionomie de notre pays.

Pour combler le vide, et à la suite de divers scandales de destruction prématurée de vestiges archéologiques au cours des années soixante, l'Etat, à l'initiative conjointe du ministère de l'économie et du ministère des affaires culturelles, a créé, en 1973, l'AFAN, l'Association pour les fouilles archéologiques nationales.

Cette création a permis à la France de rattraper son retard en matière d'archéologie préventive par rapport à ses voisins européens ; mais, en dépit de la qualité du travail de l'AFAN, que nous reconnaissons tous, l'association présentait un double handicap : un statut inadapté et un financement insuffisant et pour le moins irrégulier.

Je voudrais maintenant rappeler brièvement le contenu du projet de loi tel qu'il fut voté par notre assemblée en première lecture.

D'abord, comme le préconisait le rapport de MM. Demoule, Pêcheur et Poignant, le texte, dès sont premier article, réaffirmait la responsabilité de l'Etat dans la protection archéologique ainsi que la place de l'archéologie préventive comme composante essentielle de la recherche archéologique et historique française.

Ensuite, il proposait la création d'un établissement public à caractère administratif, destiné à suivre les trav aux, à les prescrire, mais aussi à harmoniser les recherches. Ce « monopole », pour rependre une expression qui a, semble-t-il, fait trembler la majorité sénatoriale, n'en est pas vraiment un. En effet, M. le secrétaire d'Etat le rappelait tout à l'heure, l'établissement public a ssociera tous ceux qui apportent leur concours à l'archéologie préventive. Des apaisements en ce sens ont été maintes fois apportés en direction des universitaires, des chercheurs du CNRS, des archéologues des collectivités territoriales et des associations d'archéologues bénévoles.

Enfin, en ce qui concerne le financement de cet établissement, qui a été traité principalement à l'article 4, le Gouvernement a progressé depuis la première lecture, sans doute parce que le débat a eu le temps de se dérouler.

Le Gouvernement souhaite inclure dans la loi des dispositions nouvelles, plus claires, plus précises et moins contraignantes pour les aménageurs. Ainsi seraient prévues deux redevances versées par les aménageurs : l'une sur les opérations de sondage et de diagnostic ; l'autre sur les opérations de fouilles elles-mêmes pour lesquelles on a tenu compte du concept de stratification. Viendront s'y ajouter des subventions de l'Etat et des autres collectivités publiques.

L'ensemble de ces dispositions doit offrir à l'établissement public nouveau les moyens de mener à bien sa mission, en particulier de valorisation du produit des fouilles, et de parvenir, comme le souhaitait M. le rapporteur, à une médiation culturelle de qualité.

Les modifications du Sénat sont très importantes et sur deux points, au moins, il nous faut revenir à la version adoptée par l'Assemblée au mois de février.

D'abord, à l'article 2 de la loi, qui transforme l'établissement public à caractère administratif que nous avions créé en établissement public à caractère industriel et commercial, un EPIC. Cette approche de l'archéologie n'est pas la nôtre. En effet, nous ne considérons pas le patrimoine culturel national comme un objet commercial autant pour des raisons philosophiques qui tiennent à la protection du patrimoine culturel que pour des raisons économiques.

L'archéologie préventive n'est pas dans le marché, mais à côté du marché. D'ailleurs, s'il y avait de l'argent à gagner dans ce domaine, cela se saurait.

M. François Goulard.

Ce n'est pas le sujet !

M. Serge Blisko.

C'est pourquoi le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial nous semble tout à fait inadapté à la mission de l'archéologie préventive.

Ensuite, le Sénat a cru bon d'ajouter un article 1er bis relatif aux délais d'exécution des fouilles, M. le rapporteur y faisait allusion tout à l'heure. Là encore, notre approche diverge de celle de la majorité sénatoriale.

Nous connaissons la difficulté que peut rencontrer une collectivité locale ou un aménageur quand les travaux d'aménagement prévus sont retardés durant plusieurs mois, voire plusieurs années, parce que le site choisi fait l'objet de fouilles prolongées - nous avons tous à l'esprit les difficultés des travaux actuellement en cours place de la Sorbonne où l'on vient de découvrir d'importants vestiges gallo-romains. Pour autant, il n'est pas envisageable de fixer, comme l'a fait le Sénat, des délais aussi contraignants. Si, et nous l'avons affirmé à plusieurs reprises dans cette assemblée, les fouilles archéologiques et le patrimoine culturel sont des priorités, nous ne pouvons pas fixer des délais qui peuvent, le cas échéant, conduire à interrompre des recherches. Nous préférons la voie de la contractualisation par la convention.

Les problèmes des délais souvent trop longs seront, à mon avis, très certainement réduits du fait des nouvelles dispositions budgétaires qui permettront de conduire plus rapidement et plus efficacement les travaux, y compris en cas de plusieurs travaux d'importance nationale en simultané.

La proposition de la majorité sénatoriale marque, là encore, une différence d'analyse et surtout de priorité.

Pour nous, les choses sont claires, les fouilles doivent être menées à leur terme et dans les meilleures conditions.

Nous ne méconnaissons pas la nécessité d'aller à un rythme normal qui ne puisse pas trop retarder une opération d'aménagement.

Conforme à sa tradition peu progressiste, la majorité sénatoriale semble vouloir, par ces modifications, faire de l'archéologie et du patrimoine culturel un objet mercantile et soumettre le travail de fouille à des contraintes temporelles qui conduiront inexorablement à revoir à la baisse la qualité des travaux.

Nous ne pouvons que constater, à regret, ces divergences de vue et de priorité. Notre volonté est claire, elle reste inchangée, nous continuons à vouloir donner aux archéologues tous les moyens de mener à bien leurs travaux tout en préservant les intérêts des aménageurs, publics comme privés.

C'est dans cet esprit que nous abordons cette nouvelle discussion et que nous modifierons, une dernière fois je l'espère, ce texte avant son adoption conforme par le Sénat.

Il nous faut revoir la question de la redevance diagnostic, car des remarques nous ont été faites, qui nous semblent justifiées. Ainsi, l'amendement du Gouvernem ent présenté en commission a tenu compte des remarques et observations de certaines professions, exploitants de carrières en particulier. Ces professions exploitent des surfaces étendues et sont peu créatrices de plus-value.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous proposez de baisser la redevance diagnostic de 2,60 francs par mètre carré à moins de 2 francs par mètre carré, ce qui est de nature à rassurer ces exploitants.

Par ailleurs, il nous faut traiter au mieux les deux problèmes restants - vous les évoquiez tout à l'heure, monsieur le rapporteur.

D'une part, la propriété des découvertes.

J'ai lu, avec plaisir, une dépêche de l'AFP, il y a huit jours, qui annonçait que deux jeunes chômeurs cela tombe bien ! - du Mans, qui avaient trouvé un trésor de 152 pièces gallo-romaines, s'étaient vu remettre au bout de trois ans 76 pièces, les 76 autres allant à la collectivité puis au musée municipal du Mans, soit une valeur d'environ 800 000 francs. Le partage a bien marché, personne n'a été lésé, ce qui est une bonne nouvelle puisque cette affaire concerne deux jeunes qui promenaient leur chien le long d'une rivière.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Quelle relation de cause à effet !

M. Serge Blisko.

Ils étaient observateurs et ils ont vu ! (Sourires.)

M. François Goulard.

C'est le chien qui les a trouvées, c'est tout !

M. Serge Blisko.

D'autre part, la propriété immobililère.

L es amendements proposés par le Gouvernement devraient être de nature à empêcher les contentieux et à permettre une valorisation des sites.

Nous attendons du débat de ce soir des réajustements pour nous permettre d'arriver à un texte équilibré.

En conclusion, l'archéologie préventive joue un rôle essentiel dans la mise à jour du passé de notre pays comme dans la conservation et l'enrichissement de notre patrimoine. Cette loi doit permettre de clarifier une situation qui jusqu'alors n'était pas suffisamment prise en compte par la législation.

Le groupe socialiste approuve donc le projet de loi tel que le Gouvernement et le rapporteur l'ont présenté et qui est fort différent de la version que nous a renvoyée le Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Bruno Bourg-Broc.

M. Bruno Bourg-Broc.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lors de son examen en première lecture, le groupe RPR avait dénoncé l'économie générale du texte et l'absence de cohérence globale.

En effet, deux options nous sont offertes. Soit nous souhaitons que l'archéologie préventive relève du seul

Etat, dès lors il est cohérent d'imaginer un établissement public monopolistique, mais il faut prévoir un financement sur le budget de l'Etat. Soit nous voulons que les aménageurs financent directement les fouilles, mais il faut alors que l'archéologie préventive ne relève pas d'un monopole et que d'autres acteurs, je pense notamment aux universités ou aux collectivités locales, puissent intervenir.

Ces deux concepts sont également défendables, mais vous les avez mélangés. Vous voulez le service public, mais vous ne voulez pas que l'impôt supporte les d épenses afférentes. Vous refusez la concurrence, y compris à l'intérieur du service public, mais vous voulez que les opérateurs directement concernés paient une redevance à un établissement public monopolistique.

Le Sénat a opéré un choix clair, différent du nôtre, comme M. Rogemont l'a rappelé lors de son intervention. Il a choisi un public industriel et commercial sans droit exclusif et un financement par les opérateurs.

Ce choix présente l'immense avantage de la souplesse, de la simplicité, de la cohérence, et, j'ajouterai, de la modernité. Il est tout de même très archaïque de vouloir, en l'an 2000, créer un monopole de l'Etat. Nous sommes tous soucieux de la défense du service public et de la préservation du patrimoine culturel et historique de notre pays. Faut-il pour autant refuser le concours des collectivités locales, des universités, du CNRS, des chercheurs, des archéologues ?

M. Serge Blisko.

Mais on ne refuse pas leur concours !

M. Bruno Bourg-Broc.

Qu'en matière d'archéologie préventive, il ne soit pas judicieux de mettre en concurrence l'établissement public et les entrepreneurs de BTP (Sourires), nous en sommes tous convaincus, mais il est tout à fait possible et même souhaitable d'organiser la concurrence entre cet établissement public et d'autres acteurs relevant du service public. D'ailleurs, actuellement, l'AFAN n'est pas le seul intervenant et le monopole n'existe pas.

Le retour au texte que propose de fait, à quelques modifications près, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, n'est sûrement pas un service que l'on rend à l'archéologie préventive. Le monopole va engendrer une machine administrative lente et dispendieuse. Les montants de redevance calculés à partir des formules du projet de loi semblent d'ailleurs confirmer cette tendance à l'augmentation des coûts supportés par les aménageurs.

J'ai donc déposé des amendements visant à rapprocher les montants de la redevance aux montants actuellement pratiqués ainsi qu'un plafonnement pour les redevances pour fouilles de structures archéologiques non stratifiées, nous aurons l'occasion d'en débattre lors de la discussion des articles.

Monsieur le secrétaire d'Etat, ce projet de loi relatif à l'archéologie préventive, citoyenne ou non - il est des modes qui portent à l'excès, voire au ridicule est attendu depuis de longues années. S'il faut mettre au crédit du Gouvernement d'avoir tenté de remédier à une situation que chacun déplorait, il est cependant regrettable d'aboutir à un texte qui, au bout du compte, ne satisfera pas grand monde.

Peu de concertation, des modalités de financement laborieusement négociées et une cohérence d'ensemble pour le moins surprenante, telles sont les raisons pour lesquelles le groupe du Rassemblement pour la Répuplique ne votera pas le texte que notre assemblée s'apprête à examiner. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Vous préjugez notre capacité à vous écouter !

M. Serge Blisko.

Nous espérons vous convaincre !

M. Bruno Bourg-Broc.

La discussion le permettra peutêtre !

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Ah, je préfère !

M. le président.

La parole est à M. André Aschieri.

M. André Aschieri.

Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'archéologie est une discipline en crise parce que son activité a été transformée de l'intérieur,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

sous l'effet de l'aménagement du territoire, par la croissance de l'archéologie préventive. Depuis 1975, une vingtaine de rapports sur l'archéologie ont été demandés par les gouvernements successifs. Aucun n'avait permis d'initier une réforme comme celle que vous nous proposez aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat.

Le développement de la précarisation de l'emploi scientifique, et une jurisprudence souvent favorable aux grands aménageurs nous imposent aujourd'hui de voter cette réforme. Je souhaiterais toutefois insister sur deux points qui me paraissent essentiels.

Dans mon intervention en première lecture, j'avais tenu à souligner le caractère évolutif de l'archéologie.

Cette discipline ne peut plus être pensée seulement sous l'angle du patrimoine et des beaux-arts. Une évolution de fond, justement provoquée par ces grands travaux d'aménagement, dont la loi tente de réguler les effets, a conduit l'archéologie préventive à s'ouvrir à de nouvelles formes d'archéologie nettement moins liées à l'objet, mais beaucoup plus dynamique dans l'espace. Aujourd'hui, à côté de recherches qui provoquent rarement la découverte de beaux objets, au sens communément accepté, la majorité d es fouilles intéressent des structures d'apparence modeste, mais dont on ne peut nier l'importance scientifique majeure.

Que nous apprennent en effet ces forêts de trous de poteaux, de fossés agraires, de paléo-cheneaux, ces habitats de bois et de terre, ces terres noires dans le sol de nos villes, tous ces vestiges qui n'ont aucune valeur marchande ? Ils nous informent sur la dynamique de l'occupation du sol, sur le rapport des sociétés avec leur milieu, bref sur l'histoire des relations entre l'homme et son environnement. Une histoire que nous avons bien oubliée.

Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, comment ferezvous payer ces fouilles aux aménageurs si vous n'affirmez pas avec force leurs finalités ? Il y a là de quoi faire de cette recherche un auxiliaire précieux de l'aménagement durable du territoire. Je vous invite à lire, mes chers collègues, le numéro de mai de la revue Géomètre , le mensuel des géomètres-experts, dans lequel un dossier de M. Chouquer définit et rappelle quelques vérités fondamentales sur l'archéologie des paysages.

Ces professionnels sont à l'écoute, ils anticipent de nouvelles façons de mobiliser leurs connaissances scientifiques pour inventer de meilleures pratiques ; ils dépassent une vision souvent trop académique de l'archéologie. Ils veulent savoir ce qu'ils peuvent attendre de disciplines nouvelles comme la morphologie dynamique des paysages ou la géo-archéologie.

Monsieur le secrétaire d'Etat, l'archéologie de demain est à inventer. Aujourd'hui, elle obéit encore à un schéma d'organisation hérité du

XIXe siècle, qui la fait dépendre de la seule direction de l'architecture et du patrimoine.

Sans remettre en cause la qualité des gens qui travaillent sur le sujet, je voudrais vous donner mon approche de l'archéologie, qui est un peu aussi celle des Verts. Ne pourrait-on pas imaginer une cotutelle de la direction de la nature et des paysages du ministère de l'environnement et de l'aménagement du territoire ? Ils ont certainement leur mot à dire dans ce domaine. Une telle rencontre pourrait être particulièrement fructueuse pour l'avenir de notre patrimoine culturel.

Ce lien entre l'environnement et l'archéologie me paraît de plus en plus fondé. Or c'est ce lien qu'on a oublié d'examiner lors de la discussion du projet de loi, en axant le débat sur les arcanes techniques du dédommagement et des procédures.

L'archéologie doit devenir un outil moderne au service de l'aménagement du territoire. Nous ne pourrons plus continuer à penser le progrès comme un enchaînement de causes et d'effets, qui va d'une part dans le sens d'une uniformisation croissante, et qui laisse d'autre part des pans entiers de paysages à l'abandon. Les Anciens avaient cette approche des paysages. Je crois que nous l'avons un peu oubliée.

Intégrer la géo-diversité du passé comme base de réflexion est notre souhait. On sait étudier la durabilité des constructions paysagères. On connaît la dynamique sur le long terme. Il faut utiliser ces connaissances pour dégager les lignes de force d'un aménagement du territoire qui se voudrait respectueux de cette géo-diversité.

A travers cette action de recherche, il faut faire de l'archéologie des paysages un véritable outil au service de l'aménagement du territoire.

Il me paraît nécessaire d'apporter quelques réflexions et de suggérer quelques modifications au projet.

Vous ne ferez progresser le droit de l'archéologie que si vous le faites bénéficier des principes du droit de l'environnement : principe de précaution, principe de prévention, principe de compensation pour les dégâts que l'on peut occasionner. A cet effet, il nous faudra définir un nouveau principe, que l'on pourrait appeler le principe de l'aménageur payeur, comparable à celui du pollueur payeur.

Cela implique un changement de culture, une vision moderne du droit que la loi de 1941 ne donnait pas. Il apparaît nécessaire de supprimer toute référence à cette loi dans le nouveau texte et de donner au Conseil d'Etat un signal clair pour qu'il adopte une nouvelle jurisprudence.

J'en viens à la recherche. L'archéologie préventive, vous l'avez inscrit dans la loi, est une activité scientifique. Il faut donner à vos archéologues les moyens de leurs ambitions. L'archéologie réclame des expertises sur son histoire, sur la dynamique des rapports entre les hommes et l'espace, sur la meilleure façon d'aménager l'espace, tenant compte de toute sa richesse potentielle. Sans ces perspectives, votre projet ne serait au fond qu'un outil de régulation légale des destructions.

La société a besoin de son histoire pour vivre. Elle demande que l'on respecte la mémoire du sol. Elle demande un espace qui ne soit plus seulement l'espace géométrique immatériel des aménageurs dans lequel on fait souvent n'importe quoi.

Pour terminer, j'insisterai sur trois aspects.

Je plaide tout d'abord pour une mutualisation des coûts de l'archéologie. En effet, comment une petite commune ayant découvert un site archéologique particulièrement riche pourrait-elle prendre en charge le coût considérable des fouilles, lorsqu'il s'agit d'un projet n'ouvrant pas droit à des exonérations, contrairement à la construction de logements sociaux, par exemple ? C'est une question sur laquelle nous pourrions revenir.

Nous souhaitons également que soient encouragées les associations, qui réalisent les inventaires des sites avec une conscience que j'oserai presque qualifier de professionnelle. Je tiens ici à saluer leur travail de recherches


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locales : en faisant vivre la mémoire collective, elles empêchent l'ouverture de travaux dans des zones riches en histoire.

Enfin, je soulèverai la question des personnels. En l'état actuel, le texte n'est pas suffisant. C'est par les hommes et les femmes de votre administration, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous pourrez initier le grand changement de culture que nous demandons.

Les Verts proposent un changement de perspective qui réforme l'archéologie, non en l'adaptant à la logique actuelle de l'aménagement du territoire, mais pour en faire une opportunité en vue de concevoir autrement notre développement durable du territoire.

C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, dans l'espoir d'une réforme de plus grande ampleur, les députés Verts voteront avec enthousiasme votre projet de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Je crains le pire...

M. François Goulard.

Vous avez bien raison. (Sourires.)

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre archéologie est en effet soumise à des textes anciens, puisque nous vivons sous le régime d'une loi de 1941 dont l'auteur, quoique ayant suivi un parcours politique pour le moins contestable, restera comme un très grand connaisseur de la Rome antique - il est l'auteur immortel de La Vie quotidienne des Romains à l'apogée de l'Empire

La loi de 1941, finalement, n'était peut-être pas si inadaptée que cela. C'est en réalité la gestion de votre administration, monsieur le secrétaire d'Etat, depuis bien des années, qui était profondément irrégulière et anormale. Et l'observateur attentif de la gestion des administrations que je m'efforce d'être sait bien que ce ministère est assez fréquemment l'objet de reproches et de critiques, en particulier de la part de la Cour des comptes. En l'occurrence, c'était le cas.

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est faux !

M. François Goulard.

L'association en question a été créée de manière totalement irrégulière et son mode de fonctionnement encourait de très nombreuses critiques.

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est scandaleux !

M. François Goulard.

A la suite d'un rapport que votre sens de l'humour a fait confier à M. Pêcheur et à M. Demoule, ce que chacun a apprécié, vous essayez d'habiller l'association en un établissement public administratif. Bruno Bourg-Broc l'a dit à l'instant et il faut le répéter, c'est une solution complètement surannée. Le monopole présente en effet de très nombreux inconvénients.

Vous en avez d'ailleurs évoqué un, monsieur le secrétaire d'Etat : c'est tout bonnement contraire au droit. Le Conseil de la concurrence, que vous avez consulté, vous a très clairement signifié qu'il était anormal de donner le monopole de ces prestations à un établissement public ou à tout autre organisme, quel que soit son statut ; le droit de la concurrence national et européen s'y oppose.

Le second inconvénient, c'est que tout monopole, dans quelque domaine que ce soit, constitue un frein à l'imagination et à la recherche des meilleures solutions.

Mme Odette Grzegrzulka.

Comme pour la SNCF, sans doute ? Idéologie réactionnaire !

M. François Goulard.

Certains des orateurs de la majorité ont embouché les trompettes de la protection de la culture contre les menaces de la mondialisation galopante.

Cela n'a évidemment aucun sens. Les prestations en question, assez modestes, intéressent peu, le « grand capital », pour employer un terme qui était cher à l'un de vos pères en politique, monsieur le secrétaire d'Etat.

Il s'agit simplement d'assurer une concurrence non pas m ercantile, mais une concurrence de solution, une concurrence de qualité de prestation, une concurrence entre les services existants - il n'est pas question de porter atteinte à leur existence -, mais également avec les prestataires de statuts divers que sont les services des collectivités locales ou les services universitaires. Il est en effet heureux que des universités puissent offrir des prestations de ce type, car cela peut être un sujet d'application extrêmement intéressant, très proche de la recherche, que certains ont évoquée. Et puis il se trouve que quelques entreprises privées, au demeurant très modestes, sont des prestataires dans le domaine de l'archéologie préventive...

Mme Odette Grzegrzulka.

Supprimez donc le ministère de la culture ! C'est votre slogan !

M. François Goulard.

Ma chère collègue, pourriez-vous cesser de m'interrompre continuellement ? Je sais bien que c'est votre habitude, mais elle n'est pas très agréable.

Mme Odette Grzegrzulka.

Soyez plus objectif !

M. Bruno Bourg-Broc.

Laissez parler M. Goulard !

M. François Goulard.

Je disais donc que quelques entreprises sont présentes dans ce secteur et il est tout à fait anormal de les écarter par principe. J'ai bien compris que l'établissement public, dans sa grande bonté, allait déléguer, sous-traiter, mais suivant son bon vouloir, et c'est une anomalie majeure.

On a utilisé l'alibi de la science. Il faudrait un monopole, il faudrait un établissement public, parce qu'il s'agit de science. Je suis désolé, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues de la majorité, mais je ne considère pas que l'Etat ait le monopole de la vérité scientifique.

On a vu, sous d'autres cieux et à d'autres époques, à quels excès cela pouvait conduire...

M. Jacques Pélissard.

Très bien !

M. François Goulard.

En réalité, les choses sont infiniment plus simples : vous avez choisi une solution de commodité. Vous êtes confrontés à une association dont vous ne savez pas très bien que faire, vous la dotez d'un statut d'établissement public et vous lui conférez un monopole. Ainsi, son activité est assurée jusqu'à la fin des temps, du moins le croyez-vous.

D'autre part, à mon sens, c'est également conforme à une habitude, un travers assez fréquent de votre administration et du secteur culturel en général, qui consiste à opposer une culture officielle et financée à une culture non officielle et par conséquent non financée.

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous exagérez !

M. François Goulard.

C'est une façon de raisonner qui, à mon avis, est contestable. C'est une des mauvaises pratiques de votre département ministériel.

S'agissant des solutions financières, la version initiale du projet de loi était très mal bâtie puisqu'elle avait pour effet d'accorder un pouvoir fiscal, de manière totalement anticonstitutionnelle, à un établissement public. Vous l'avez donc rectifiée en première lecture.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Ce sont nous, les députés, qui l'avons rectifiée, pas le Gouvernement !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

M. François Goulard.

Peut-être, mais peu importe. Ce qui compte, c'est que le texte ait été rectifié en première lecture.

Il y a un bon principe, c'est celui de la redevance : il est bien que les aménageurs soient aussi les « financeurs » des travaux. Mais on sait aussi qu'il faut éviter les excès, à la fois en matière de délai et de redevance, pour ne pas pénaliser abusivement l'activité économique de construction et d'aménagement en général.

On en revient aux inconvénients du monopole. En effet, que vous le vouliez ou non, vous donnez un grand pouvoir de détermination de la redevance à l'établissement public - en pratique, cela fonctionnera ainsi. Par conséquent, l'établissement public, étant juge et partie, aura évidemment tendance à rendre plus complexes qu'il ne sera nécessaire les fouilles ou sondages à opérer. La tendance à l'augmentation des coûts sera donc inéluctable.

Pour ces raisons de principe, nous ne pourrons voter votre projet, qui aurait pu être présenté à nos suffrages il y a trente ou quarante ans, mais qui, aujourd'hui, apparaît profondément suranné. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

)

M. le président.

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, promouvoir l'archéologie préventive, lui donner une source légale, laquelle faisant gravement défaut, reconnaître dans la loi son rôle et l'inscrire clairement comme une priorité publique relevant de missions de service public, telle est la volonté qui guide notre travail.

Ce projet de loi était d'autant plus attendu que le cadre de la loi de 1941 n'était plus adapté aux réalités d'aujourd'hui et que des velléités de soumettre certaines activités de l'archéologie préventive aux lois du marché planaient sur ce secteur.

Participant à la constitution et à la compréhension de notre histoire, prenant toute sa part dans l'aménagement de notre territoire, elle est ce fil conducteur qui relie le présent au passé et participe de notre identité nationale.

Avec le développement économique des années 1970 et l'émergence de la prise en compte de l'aménagement du territoire, l'archéologie préventive a donc pris un nouvel essor. Il s'agit de la considérer définitivement comme une discipline scientifique, une composante de l'archéologie.

Nous ne pourrions être en deçà de la réalité quotidienne, alors qu'aujourd'hui, 90 % des données scientifiques proviennent de fouilles issues de l'archéologie préventive.

Mais le Sénat a choisi de développer une autre démarche. Celle-ci, à nos yeux, est restrictive, puisqu'elle justifie l'existence de l'archéologie préventive principalement sous l'angle économique. Il a restreint la portée de cette discipline en se cabrant sur le monopole de l'établissement public et le cadre réglementaire dans lequel nous invitons les aménageurs à évoluer.

Or il ne s'agit nullement d'un monopole mais d'un carrefour, un lieu de concertation et de négociations où partenaires publics et privés devront expertiser les projets d'aménagement pour concilier l'intérêt général et l'intér êt particulier, de nature économique, en réponse aux nécessités de protection du patrimoine.

L'établissement public, c'est aussi des personnels qui souhaitent voir leur statut préservé. Et c'est pourquoi nous réitérons notre proposition tendant à inscrire dans la loi le fait que le statut des personnels relèvera du domaine réglementaire, notamment du décret relatif aux agents non titulaires de l'Etat et d'un décret particulier.

Ne pas l'inscrire dans la loi mettrait le ministère en position délicate, puisque alors s'appliquerait l'avis du Conseil d'Etat du 30 janvier 1997 précisant que seuls les organes compétents de l'établissement sont amenés à définir le régime de ces personnels. On comprend aisément le caractère aléatoire qui pèserait alors sur leur statut.

Prendre une décision dans ce sens, c'est aussi permettre à l'Etat de garantir la pérennité du statut des personnels tout comme l'égalité de traitement des futurs agents de l'établissement avec les autres agents non titulaires de l'Etat.

Sur ce point, les choses ont-elles évolué ? Si oui, monsieur le secrétariat d'Etat, quelle est votre proposition ? La considération de critères économiques n'implique pas qu'il faille automatiquement assimiler les fouilles à une activité économique, comme l'a fait le Conseil de la concurrence. Il s'agit bien évidemment d'intégrer et d'évaluer le plus correctement possible les notions de coûts et de délais.

Or la méthode que le Sénat a choisi à l'article 1er bis , selon nous, ne va pas dans le bon sens.

Il propose que les opérations de diagnostic ne durent pas plus d'un mois et que les opérations de fouilles n'excèdent pas six mois. Cette réduction drastique et hors des réalités reviendrait à mettre un frein aux investigations archéologiques et à diminuer leur qualité. Et il y a plus grave, puisque le Sénat précise que, si les délais ne sont pas respectés, les travaux peuvent être engagés. Il introduit ainsi dans la loi, sans aucun scrupule, le droit de détruire.

Pour cette deuxième lecture, nous nous sommes attachés, avec nos amendements, à réinsérer dans le texte les missions de service public inhérentes à l'archéologie préventive et à préciser que la carte archéologique ne doit pas devenir un document opposable aux tiers.

Mais je soulignerai que les conditions dans lesquelles l'Etat pourra s'acquitter de ses obligations dépendent pour une large part des crédits budgétaires qui seront alloués à l'archéologie. A cet égard, la construction permanente de la carte archéologique, qui contribue à gérer le risque archéologique, appelle des efforts pour renforcer les services impliqués.

Le Sénat propose ensuite que le représentant de l'Etat en région désigne le responsable des opérations archéologiques. Cela porterait atteinte à l'objectif recherché, qui consiste à doter notre pays d'un instrument public d'investigation archéologique. Nous retomberions dans les dérives d'un traitement chaotique de la question archéologique, ignorant le lien entre les dimensions nationale et régionale. La désignation de l'opérateur au niveau national nous paraît être une garantie de sauvegarde des intérêts de l'archéologie préventive et de notre patrimoine.

L'idée maîtresse du projet de loi est la conciliation des exigences de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique. Prendre en considération le critère économique, c'est apprécier les difficultés de l'aménageur pour gérer le risque ou la c ontrainte archéologique en absence d'informations fiables. Y répondre, c'est fixer les délais au travers d'une convention, comme le propose notre rapporteur.

Ce mécanisme nous paraît plus souple, moins arbitraire que celui proposé par le Sénat. Il correspond à la coresponsabilité, à la démarche contractuelle qui doit désor-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

mais lier toutes les parties en présence. Plus nous évoluerons dans le cadre d'une responsabilité collective, plus l'archéologie sera préventive, plus les coûts supportés par les aménageurs seront réduits. C'est cette logique que l'EPA aura la charge de faire vivre, c'est-à-dire celle de l'intérêt général ; dès lors, on ne peut lui contester une position de monopole.

Comme en première lecture, nous vous proposons de concevoir un système de financement qui favorise le diagnostic et implique une « redevance fouilles » dissuasive.

Nous avons noté, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous proposez de diminuer le coût de la « redevance diagnostic » pour celui qui projette des travaux. Il nous semblerait en revanche intéressant d'en relever le montant dans les zones à fort potentiel archéologique, notamment dans les centres-villes anciens, où les projets immobiliers dégagent des plus-values importantes. Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, quelle est votre proposition pour aboutir à une « redevance diagnostic » tenant compte des situations différentes, selon que le potentiel archéologique est fort ou ne l'est pas ? Dans le même esprit, le plafonnement de la redevance nous semble dangereux. Cet avantage n'incitera pas les promoteurs à rechercher et à proposer des solutions techniques de nature à éviter de détruire les niveaux archéologiques. Il nous semble porteur d'effets pervers. Je m'explique : le plafonnement T/3 est multiplié par la surface hors oeuvre nette totale, y compris la surface au sol et la surface cumulée des planchers.

Ce sont les constructions permettant d'atteindre très vite le plafond et de payer ainsi moins de redevance qui seront favorisées, c'est-à-dire les constructions à peu d'étages ou les lotissements à faible densité de construction, résidentiels, dans lesquels s'installeront des propriétaires à fort pouvoir d'achat.

De plus, la SHON, par définition, ne prend en compte ni les parkings, ni les caves, ni les combles, et on peut facilement imaginer les dérives qui peuvent en résulter...

Le plafonnement était une mesure d'aide au logement, mais veut-on aider l'ensemble du logement ou les seuls logements destinés aux catégories sociales aisées ? Si la première idée est la bonne, ne serait-il pas judicieux d'adopter le principe de dégrèvement de la redevance pour l'ensemble du logement ? Monsieur le secrétaire d'Etat, quelle est votre proposition pour supprimer ces effets pervers et faire en sorte qu'il y ait une aide générale au logement ? Quant à la redevance « fouilles », nous sommes attachés à ce que la formule prenne bien en compte l'existence de structures dites « simples » et « complexes » et que son calcul soit tel qu'il ne porte atteinte ni à la qualité des fouilles à réaliser, ni à la capacité d'interventio n de l'établissement public.

Enfin, après le travail réalisé en commission et les nouvelles propositions du Gouvernement, nous soulignons le sérieux des amendements qui, au cours des différentes lectures, visent à préciser le texte et à donner des moyens d'intervention à un service public de l'archéologie préventive. En conséquence, le groupe communiste votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert.

Monsieur le secrétaire d'Etat, en première lecture, le groupe UDF, comme les autres groupes de l'opposition, avait attiré l'attention de votre prédécesseur - je ne pense pas qu'il faille féminiser ce mot ! - sur la forte demande du milieu de la recherche archéologique relative à l'actualisation d'une législation inadaptée et d'une nécessaire réorganisation de cette archéologie dite « préventive ».

L'absence de concertation dans la préparation du projet de loi et l'inexistence d'un consensus de la communauté archéologique sur la création d'un véritable monopole d'Etat au bénéfice de l'établissement public avaient en quelque sorte « essoufflé » cette attente et soulevé l'opposition du groupe UDF au texte. Dans ce contexte, je tiens à souligner le travail effectué par le Sénat, qui a su enclencher ce travail de concertation en évitant de focaliser le débat sur les problèmes de l'AFAN, de sa légalisation par la création de l'établissement public et de son mode de financement. Certaines autres préoccupations ont ainsi été prises en considération et nous regrettons, monsieur le rapporteur, que notre commission ait cru bon de revenir de façon presque systématique au texte voté par l'Assemblée nationale en première lecture.

L'introduction d'une pluralité d'acteurs dans le secteur de l'archéologie préventive assouplissant le monopole légal institué au profit du futur établissement public répondait de façon tout à fait satisfaisante à l'une des principales critiques de l'opposition. L'archéologie préventive ne doit pas tomber dans un carcan légal vers lequel s'exercerait la conduite de toutes les interventions archéologiques. Ce que nous appelions le retour en force de « l'archéologie d'Etat » et d'un certain jacobinisme continue de nous apparaître de votre part, monsieur le secrétaire d'Etat, comme une véritable idée fixe. J'ai donc à nouveau déposé un sous-amendement à l'article 2 pour que les collectivités locales puissent participer de plein droit aux opérations archéologiques et ne soient pas en situation de dépendance par rapport à l'établissement public. En défendant ce sous-amendement, je rejoins d'ailleurs le souci de M. le rapporteur qui souhaite, que cette question du rôle des collectivités territoriales ne soit pas traitée avant l'article 2 et a donc déposé un amendement visant à supprimer l'article 1er quater introduit par le Sénat. A cet égard, monsieur le rapporteur, et sans faire de terrorisme intellectuel, je vois mal comment vous pouvez à la fois demander le rejet de ce sous-amendement et mettre à la mode, comme vous l'avez fait ce soir, l'expression : « archéologie préventive citoyenne ».

M. François Goulard.

C'est une avancée sémantique !

M. Christian Kert.

J'ai plutôt l'impression que c'est nous qui défendons une véritable archéologie citoyenne ! Nous sommes très attachés à ce que l'on peut appeler une « archéologie de proximité », car l'on ne peut tourner résolument le dos à toute idée décentralisatrice, au détriment de plusieurs centaines d'archéologues, salariés de l'université, du CNRS, de grands établissements ou de collectivités territoriales, qui se sont impliqués régulièrement et depuis toujours dans les opérations d'archéologie préventive et ont ainsi acquis une connaissance historique du terrain.

Je ne reviens pas sur le statut d'EPIC retenu par le Sénat, car nous avons bien compris en commission que ce choix ne serait pas retenu. Comme la Haute Assemblée, nous pensons toutefois qu'un établissement public à caractère administratif ne sera guère adapté à la mission qui sera dévolue à cet organisme.

Une meilleure maîtrise du risque archéologique passe par des mécanismes de publicité élargie. Le Sénat a donc prévu la possibilité de communiquer les données de la carte archéologique nationale - créée, il est vrai, à l'init ia-


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tive de notre rapporteur - à toute personne qui en ferait la demande. Nous avions, en première lecture, déposé un amendement ayant le même objet tout en précisant le délai dans lequel cette obligation de communication devait intervenir : deux mois. Là encore, nous ne pouvons que regretter que l'on revienne sur cette disposition. Toutefois, je reconnais que ce véritable zonage archéologique permettra de réduire l'imprévisibilité actuelle de l'archéologie préventive.

S'agissant des délais des travaux, l'instauration par le Sénat de garanties quant aux délais d'intervention de l'établissement public et à la durée d'exécution des fouilles donnait satisfaction aux aménageurs. S'il pouvait y avoir un risque que le dispositif ne soit pas adapté à la diversité des situations, je ne suis pas certain que le choix fait par notre commission de fixer ces délais de façon contractuelle, au cas par cas, soit de nature à apporter à ces aménageurs les garanties auxquelles ils peuvent légitimement prétendre. L'on peut également s'interroger sur la situation qui résulterait de l'absence de convention entre l'établissement public et l'aménageur ou du nonrespect des délais contractuels.

Avant d'aborder la partie de ce texte relative au financement, je souhaite une nouvelle fois attirer l'attention sur le rôle exact des conservateurs du patrimoine qui, dans les régions, devraient constituer les interfaces entre les collectivités et l'établissement public. Le texte ne dit rien sur le pouvoir de saisine de ces conservateurs, même après son passage au Sénat.

S'agissant, enfin, du dispositif de financement de l'archéologie préventive, vous nous avez, monsieur le secrétaire d'Etat, présenté plusieurs nouvelles modifications des mécanismes insérés à l'article 4 du projet de loi.

En première lecture, Mme Trautmann avait déjà proposé, en séance, un dispositif différent de celui du texte initial et qui était, selon ses propres termes, plus simple, plus équitable et plus attentif aux préoccupations légitimes exprimées par les aménageurs. Puisque des modifications sont à nouveau apportées par le Gouvernement, je ne sais plus ce qui est plus simple, plus équitable. Je vous rappelle que plusieurs orateurs, à cette tribune, en première lecture, avaient parlé d'usine à gaz.

Monsieur le secrétaire d'Etat, nous souhaitons que ces modifications n'augmentent pas de façon inconsidérée les contributions financières des aménageurs, car nous savons que c'est l'acquéreur final qui paiera ce supplément, lequel, en l'état actuel du projet, atteindrait 300 à 400 francs par mètre carré, ce qui est beaucoup.

M. François Goulard.

C'est considérable !

M. Christian Kert.

Mon excellent collègue Jean Briane m'a transmis une lettre du maire de Rodez qui risque de devoir renoncer à l'aménagement d'un parking souterrain à cause des surcoûts que risquent de faire peser sur ce projet les dispositions financières en la matière. En tout état de cause, les règles de plafonnement de toutes les redevances de fouilles doivent être inscrites dans la loi, même si cela peut paraître étrange.

Vous l'aurez compris, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est pour des raisons fondamentales que le groupe UDF votera contre ce texte, comme il l'a fait en première lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, un point nous rassemble. En effet, nous considérons tous que le cadre législatif relatif à l'archéologie préventive est aujourd'hui obsolète, largement inapproprié. La loi de 1941, la fameuse loi de Carcopino, que celui-ci ait été latiniste ou helliniste, ne répond plus de manière satisfaisante ni aux exigences de l'archéologie préventive ni aux préoccupations des aménageurs, qu'ils soient publics ou privés d'ailleurs. Il nous faut donc légiférer, réformer. Mais on ne peut parler de réforme lorsqu'un projet de loi vise à laisser subsister une situation d'impasse, voire à l'aggraver.

Pourtant, et je le dis avec plaisir au rapporteur, le texte a été bien amélioré depuis la mouture indigeste qui avait été approuvée en conseil des ministres le 5 mai 1999.

La situation des archéologues municipaux a été mieux appréhendée. On est passé d'un établissement public qui pouvait faire appel à un établissement public qui associe les archéologues municipaux. Mais ces progrès restent insuffisants.

Les modalités de calcul des coûts supportés par les aménageurs ont été simplifiées, mais le dispositif reste confus et financièrement lourd à supporter pour les aménageurs, qu'ils soient du secteur public ou du secteur privé.

La dimension recherche, restauration des mobiliers et diffusion n'est pas suffisamment prise en compte.

La mutualisation du risque archéologique et le financement de la mise en valeur des richesses archéologiques sont absents du projet de loi.

Le texte présente donc toujours des inconvénients dirimants et j'axerai mon propos sur le plus grave à mon sens, le plus archaïque : il instaure un monopole inadapté en droit comme en fait.

En droit, la logique du texte consiste à remplacer une association qui prétendait à un monopole de fait, l'AFAN, par un établissement public administratif qui serait bénéficiaire, lui, d'un monopole de droit. Ce projet prend le contre-pied de l'avis rendu le 18 mai 1998 par le conseil de la concurrence qui avait été saisi à l'époque par le ministre de la culture pour apprécier la compatibilité de la situation de l'AFAN avec le droit national et européen de la concurrence. A l'époque ce conseil avait établi une distinction qui me paraît essentielle entre ce qui relève des prérogatives de puissance publique attribuées à l'Etat pour la protection du patrimoine et ce qui relève tout simplement de l'exécution matérielle des fouilles elles-mêmes. Selon ses propres termes : « Conférer des droits exclusifs, voire un monopole, pour l'ensemble des opérations de fouilles n'apparaît ni indispensable ni nécessaire pour l'exécution de cette mission particulière. »

Si l'on se réfère au droit européen, aux articles 86 et 90 du traité de Rome, on arrive aux mêmes conclusions.

L'activité d'opérateur de fouilles ne donne lieu à aucune situation de monopole dans les autres pays européens.

Dès lors, les fouilles s'analysant, au sens de l'article 86 du traité de Rome, comme une activité économique, le monopole organisé par le présent projet de loi nous conduit dans une véritable impasse sur le plan juridique.

Au surplus, sur le plan des faits, ce monopole ne répond pas aux nécessités des missions imparties à l'archéologie préventive, monsieur le secrétaire d'Etat. En raison des droits exclusifs qui lui sont reconnus, l'établissement devra, en période d'intense activité économique, comme c'est heureusement le cas aujourd'hui, faire face à une forte demande des aménageurs, ce qui imposera des ajustements en termes d'effectifs.


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La nature des ressources de l'établissement entraînera des décalages de trésorerie qui rendront délicats ces ajustements, ce qui risque de se traduire par des délais supplémentaires imposés aux aménageurs.

Travaillant non plus sur devis, ce qui était la règle jusqu'à présent, mais sur recettes fiscales, l'établissement public fera apparaître dans son bilan des opérations globalisées un solde soit négatif, soit positif. Dès lors, comment un établissement de 1 200 salariés ne serait-il point tenté d'adapter sa stratégie d'intervention au nécessaire ajustement de ses comptes ? L'appel aux sous-traitants, s'il y est procédé, s'analysera en une véritable variable d'ajustement, ce qui n'est pas acceptable, mais sera pourtant inéluctable. Les soustraitants seront placés dans une situation de dépendance totale s'agissant tant de leur carnet de commandes, que de la nature des chantiers confiés et de leur rémunération.

L'établissement public aura non seulement le monopole des fouilles, mais aussi celui des sondages, qui conditionnent le calcul de la redevance prévue à l'article 4.

Souvenons-nous de cette fameuse variable « n » qui conditionne précisément la redevance pour les fouilles en zone non stratifiée. Enfin ce même établissement sera également le percepteur des redevances qu'il aura luimême fixées. C'est un cas de figure nouveau en droit français. Jusqu'à présent aucune agence d'Etat, aucun établissement public d'Etat n'a été à la fois le prescripteur de tâches, le collecteur de fonds et l'opérateur des missions.

Ce monopole va se traduire par une centralisation de l'archéologie préventive qui va à l'encontre d'un développement de l'archéologie de proximité, municipale ou territoriale. Il va marginaliser les autres acteurs essentiels de l'archéologie que sont non seulement les entreprises citées par notre collègue Goulard, mais surtout les universitaires et les chercheurs du CNRS.

Pourtant, monsieur le secrétaire d'Etat - je rêve -, il aurait été possible de conjuguer trois facteurs qui me paraissent importants. D'abord, le rôle essentiel de l'Etat à qui il incombe de prescrire, d'agréer et de contrôler si les services régionaux d'archéologie sont suffisamment dotés. Ensuite, le rôle des acteurs reconnus dans leur pluralisme avec le choix des aménageurs parmi des opérateurs agréés par l'Etat. Enfin, ce que l'on pourrait appeler une solidarité archéologique par l'intermédiaire d'un système de financement qui ne reposerait pas sur les aménageurs des seules zones riches en sites archéologiques, mais qui consisterait au contraire à prélever une somme modeste sur chacun des 53 millions de mètres carrés construits chaque année. Alors nous aurions une véritable péréquation du risque archéologique. Nous disposerions ainsi des moyens financiers nécessaires non seulement pour opérer des fouilles archéologiques préventives, mais surtout pour asseoir la restauration et la diffusion de nos richesses archéologiques.

M. le président.

Monsieur Pélissard, il faudrait envisager de conclure ! J'ai déjà été très indulgent, car vous avez largement dépassé votre temps de parole !

M. Jacques Pélissard.

Nous passons à côté de ces pistes, monsieur le secrétaire d'Etat. C'est dommage pour l'archéologie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et la décentralisation culturelle.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais tout d'abord féliciter très sincèrement M. le rapporteur pour le travail sérieux de la commission qui permettra sans aucun doute d'enrichir et de préciser le texte. Je remercie les orateurs qui soutiennent ce projet de loi et s'apprêtent à le voter.

M. Blisko a parfaitement expliqué la démarche du Gouvernement et les modifications auxquelles il est parvenu à la suite des débats au sein des commissions des affaires culturelles des deux chambres et des discussions en séance. Cet enrichissement des mécanismes et des procédures pour plus d'équité, de rigueur et de fluidité du système, nous a conduits ensemble à proposer une répartition équitable des produits de la redevance qui, je le précise, aboutira strictement au même résultat global, selon les calculs précis et croisés des services.

Monsieur Aschieri, je suis très sensible à la dimension environnementale de la démarche archéologique. Notre projet est présenté avec le ministère de la recherche, qui partagera la tutelle de l'établissement public avec le ministère de la culture et de la communication. C'est vous dire combien la préoccupation de la recherche est présente dans le dispositif. L'archéologie préventive a été à l'origine de ce mécanisme et de dispositifs nouveaux tels que les méthodes non destructives ou la prospection aérienne.

Enfin, le dispositif présenté prévoit l'association de l'ensemble des acteurs de l'archéologie. Nous y voyons la possibilité d'assurer la diffusion de l'archéologie comme source de la connaissance du territoire et de l'environnement.

Monsieur Vila, je suis très sensible à la qualité de votre analyse technique. Beaucoup de questions que vous avez soulevées sont pertinentes et trouveront une réponse positive à l'occasion de l'examen des amendements.

M. Christian Kert.

Quelle objectivité ! M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Le texte amendé, s'il est adopté, répondra aux souhaits que vous exprimez en matière de désignation des responsables d'opération. Je suis un peu réservé, en revanche, sur certaines propositions touchant les modalités de la redevance, car le Gouvernement a élaboré un dispositif qui perdrait de sa cohérence si son économie générale était remise en cause.

A MM. les orateurs de l'opposition...

M. Christian Kert.

Là, vous allez trouver les questions moins pertinentes !

Mme Odette Grzegrzulka.

Parce qu'elles ne le sont pas et qu'elles sont même impertinentes ! M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

J'ai trouvé en effet certaines de vos interventions moins pertinentes et surtout beaucoup plus négatives que celles que nous avions entendues au Sénat, où s'est toujours manifestée une volonté d'enrichissement.

A M. Bourg-Broc, je confirme que la création d'un établissement public administratif pour prendre en charge l'archéologie préventive traduit la volonté du Gouvernement d'affirmer le caractère de service public de cette activité. Ce choix est apparu indispensable, notamment pour couper court aux velleités de faire de l'archéologie une activité comme une autre. Le monopole d'intervention que le projet de loi confie à cet établissement doit être compris dans ce sens.

Monsieur Goulard, vous nous dites que nous recourons à un système qui cède à la facilité, que ce texte aurait pu être élaboré il y a vingt ou trente ans.


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M. François Goulard.

Et même quarante ! M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Je me demande pourquoi vous avez tant attendu et pourquoi vos amis n'ont rien proposé lorsqu'ils étaient au gouvernement.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Très bonne remarque ! M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Admettez tout de même que nous faisons des propositions très solides et que ce texte introduit des innovations indéniables qui apportent un plus.

L'AFAN, que vous critiquez, a cependant fait considérablement progresser la science archéologique. C'est bien ce gouvernement qui, par le présent projet, a décidé courageusement de rendre plus rigoureuse et même plus efficace et plus scientifique la procédure de l'archéologie préventive.

Monsieur Kert, je vous ai écouté attentivement et j'ai constaté un gros écart entre certaines de vos remarques préliminaires et les conclusions extrêmement sévères auxquelles vous avez abouti, rejetant l'ensemble d'un texte que le débat parlementaire, depuis deux mois, a pourtant notablement enrichi. Ce texte prévoit en particulier, comme vous le souhaitez, une étroite association des archéologues, des collectivités et des universitaires, sans oublier les associations.

La carte archéologique est un document scientifique.

Nous avons l'ambition de traduire progressivement les informations contenues dans la carte en zones de sensibilité archéologique qui pourront alors trouver une application en termes de droit des sols. Les calculs de redevance nous ont permis d'affiner les formules que nous vous p roposons aujourd'hui. Pour y parvenir, plus de 2 000 opérations ont été testées.

Je ferai un peu la même réponse à M. Pélissard pour ce qui concerne les droits exclusifs. J'insiste à cet égard sur le souci d'efficacité et de transparence du dispositif.

Les aménageurs ne s'y sont d'ailleurs pas trompés ; nous avons eu des réponses très positives de leur part.

Avant de nous exposer, si je puis dire, votre rêve final, vous nous avez dit, monsieur le député, que la prescription venait de l'établissement. Or c'est l'Etat qui prescrit et non l'établissement ; je tenais à le souligner pour la suite de la discussion.

Discussion des articles

M. le président.

En application de l'article 91, alinéa 9, du règlement, j'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er . - L'Etat est responsable de la protection du patrimoine archéologique.

« A ce titre, il veille à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social. Il garantit la diffusion des résultats de la recherche archéologique.

« L'archéologie préventive, partie intégrante de l'archéologie, relève de missions de service public. Elle a pour objet d'assurer la détection, la préservation ou la sauvegarde par l'étude scientifique du patrimoine archéologique lorsqu'il est menacé par des travaux publics ou privés d'aménagement. Chaque opération d'archéologie préventive donne lieu à un rapport qui fait apparaître son coût et son intérêt scientifique et patrimonial. Ce document est adressé au représentant de l'Etat dans la région, au maire de la commune sur le territoire de laquelle elle s'est déroulée et à l'aménageur concerné. »

M. Rogemont, rapporteur et M. Outin ont présenté un amendement, no 9, ainsi rédigé :

« Supprimer les deux premiers alinéas de l'article 1er »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Il s'agit de supprimer deux alinéas qui n'ont pas d'intérêt pour l'archéologie préventive.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Goulard a présenté un amendement, no 31, ainsi rédigé :

« Après le premier alinéa de l'article 1er , insérer l'alinéa suivant :

« Les travaux d'archéologie préventive donnent lieu à attribution par l'Etat des marchés suivant les dispositions du code des marchés publics. »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Cette disposition est cohérente avec les principes énoncés par l'opposition. Notre philosophie nous conduit à souhaiter qu'une pluralité d'acteurs puissent intervenir dans l'archéologie préventive. Par conséquent, l'Etat doit procéder à des appels d'offres et respecter le code des marchés publics pour l'attribution des travaux.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Monsieur Goulard, je ne comprends pas trop cet amendement. Je n'ai d'ailleurs pas entendu vos collègues de l'opposition approuver l'idée que les travaux d'archéologie préventive puissent donner lieu à l'attribution des marchés par l'Etat suivant les règles du code des marchés publics. Cela s'appliquerait en effet aux services archéologiques des collectivités territoriales comme à n'importe quel intervenant.

M. François Goulard.

Pourquoi pas ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Ce n'est pas ce que vous avez proposé tout à l'heure.

De deux choses l'une : ou bien vous êtes pour la concurrence et vous affirmez que ce principe s'applique à tout intervenant de l'archéologie préventive quel qu'il soit ; ou bien vous admettez qu'une parcelle du territoire national peut être couverte, selon vos propres termes, par un monopole et vous n'avez pas de leçon à nous donner sur la concurrence. Si les collectivités locales peuvent intervenir sans mise en concurrence, je ne comprends plus votre proposition.

Personnellement, je suis hostile à votre amendement, car je trouve désastreuse cette ouverture à la concurrence.

Pas simplement pour le futur établissement public, mais aussi pour les services des collectivités territoriales.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?


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M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Le Gouvernement, je l'ai annoncé, est défavorable à cet amendement. Le choix du Gouvernement a porté sur la création d'un établissement public administratif disposant de droits exclusifs. Cette formule est commandée par le souci de réunir toutes les conditions permettant à l'établissement public d'assurer une mission de service public en tout temps et en tout lieu.

Pour ces raisons, le choix d'une activité ouverte au marché et à la concurrence n'a pas été retenu par le Gouvernement. Dans vos interventions, messieurs, vous avez eu beaucoup de mal à vous expliquer, car vous avez opté pour une présentation quelque peu honteuse.

M. François Goulard.

Oh ! M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

L'amendement de par M. Goulard n'est donc pas cohérent avec le système proposé par le Gouvernement.

M. François Goulard.

M. le secrétaire d'Etat n'a pas encore l'habitude de l'Assemblée.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

31. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Rogemont, rapporteur, et M. Outin ont présenté un amendement, no 10 rectifié, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 1er :

« L'archéologie préventive, qui relève de missions de service public, est partie intégrante de l'archéologie. Elle est régie par les principes applicables à toute recherche scientifique. Elle a pour objet d'assurer, à terre et sous les eaux, dans les délais appropriés, la détection, la conservation ou la sauvegarde par l'étude scientifique, des éléments du patrimoine archéologique affectés ou susceptibles d'être affectés par les travaux publics ou privés concourant à l'aménagement. Elle a également pour objet la diffusion des résultats obtenus. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Il s'agit d'un retour au texte voté par l'Assemblée nationale en première lecture avec quelques modifications d'ordre rédactionnel, notamment « à terre et sous les eaux », tendant à montrer que nous sommes bien dans le cadre de la convention de Malte.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 10 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Article 1er bis

M. le président.

« Art. 1er bis. - Lorsque des travaux sont susceptibles de porter atteinte, en raison de leur localisation ou de leur nature, au patrimoine archéologique, le représentant de l'Etat dans la région, après avis de la commission interrégionale de la recherche archéologique, prend les mesures nécessaires à sa sauvegarde.

« Le représentant de l'Etat dans la région peut ordonner la réalisation de sondages ou de diagnostics. Il en fixe la durée, qui ne peut excéder un mois. A l'issue de ces opérations, il peut prescrire des fouilles dont la durée ne peut excéder six mois. Ces délais peuvent être prolongés par décision motivée si la protection du patrimoine archéologique l'exige.

« Dans un délai de deux mois à compter de la décision notifiant l'obligation de réaliser les opérations prévues à l'alinéa précédent, le représentant de l'Etat dans la région désigne le responsable de ces opérations archéologiques et détermine, en accord avec ce dernier et la personne qui exécute les travaux visés au premier alinéa, la date à laquelle elles seront engagées. Si les opérations prescrites n'ont pas été engagées à cette date ou ne sont pas achevées à l'issue des délais prévus à l'alinéa précéde nt, il peut être procédé aux travaux visés au premier alinéa, sauf si la personne qui les exécute est responsable de ces retards.

« Les opérations archéologiques et leur exploitation scientifique sont réalisées conformément aux prescriptions établies par le représentant de l'Etat dans la région et sous la surveillance des services de l'Etat.

« Pour les sites d'intérêt national, les fouilles liées à la réalisation des travaux soumis à la procédure d'instruction mixte et les fouilles concernant les recherches archéologiques sous-marines, les décisions prévues au présent article sont de la compétence du ministre en charge de l'archéologie après avis du Conseil national de la recherche archéologique.

« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. Il précise notamment les délais à l'expiration desquels le ministre ou le représentant de l'Etat dans la région sont réputés avoir émis un avis favorable à l'exécution des travaux visés au premier alinéa. »

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 11, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 1er bis :

« L'Etat veille à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social. Il prescrit les mesures visant à la détection, à la conservation ou à la sauvegarde par l'étude scientifique du patrimoine archéologique, désigne, après avis de l'établissement public créé à l'article 2, le responsable scientifique de toute opération d'archéologie préventive et assure les missions de contrôle et d'évaluation de ces opérations.

« Pour l'exercice de ses missions, l'Etat peut consulter des organismes scientifiques créés par décret en Conseil d'Etat et compétents pour examiner toute mesure relative à l'étude scientifique du patrimoine archéologique et à son inventaire, à la publication et à la diffusion des résultats de la recherche, ainsi qu'à la protection, à la conservation et à la mise en valeur de ce patrimoine. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Le premier alinéa rétablit le texte de l'Assemblée nationale. Le second prend en compte une préoccupation du Sénat en précisant le rôle des organes consultatifs. Sans les nommer, nous matérialisons leur existence dans le texte de loi. C'est une façon de rendre hommage au travail du Sénat.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Avis favorable pour les motifs indiqués par le rapporteur.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

11. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 1er bis est ainsi rédigé.

Article 1er ter A

M. le président.

Art. 1er ter A. - Il est institué auprès du ministre chargé de l'archéologie un Conseil national de la recherche archéologique compétent pour examiner toute mesure relative à l'étude scientifique du patrimoine archéologique et à son inventaire, à la publication et à la diffusion des résultats de la recherche, ainsi qu'à la protection, à la conservation et à la mise en valeur de ce patrimoine.

« Il comprend des représentants de l'Etat et des collectivités territoriales, des membres des commissions interrégionales de la recherche archéologique et des personnal ités qualifiées dans le domaine de la recherche archéologique.

« Sa composition, ses attributions et son mode de fonctionnement sont précisés par décret en Conseil d'Etat. »

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 12, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 1er ter A. » La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Comme je viens de l'indiquer, les organismes consultatifs n'ont pas à être nommés dans la loi. Ils seront créés par décret en Conseil d'Etat ainsi que le prévoit la nouvelle rédaction de l'article 1er bis.

Cette explication vaut également pour l'amendement no

13.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentral isation culturelle.

Le Gouvernement partage l'avis d e la commission. Les organismes consultatifs sur lesquels l'Etat peut s'appuyer sont désormais prévus à l'article 1er bis.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

12. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 1er ter A est supprimé.

Article 1er ter B

M. le président.

« Art. 1er ter B. - Sont créées des commissions interrégionales de la recherche archéologique. Elles sont compétentes pour les questions relatives aux recherches archéologiques dans leur ressort.

« Elles comprennent des représentants de l'Etat et des collectivités territoriales et des personnalités qualifiées dans le domaine de la recherche archéologique.

« Leur composition, leurs attributions et leur mode de fonctionnement sont précisés par décret en Conseil d'Etat. »

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 13, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 1er ter B. » Cet amendement vient d'être défendu par la commission et le Gouvernement y est favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 1er ter B est supprimé.

Article 1er ter

M. le président.

« Art. 1er ter. - Avec le concours des établissements publics ayant des activités de recherche archéologique et des collectivités territoriales, l'Etat dresse et met à jour la carte archéologique nationale. Elle contient pour l'ensemble du territoire national les données archéologiques disponibles.

« Les mesures prises par l'Etat en application de l'article 1er bis s'appuient notamment sur les informations qu'elle contient.

« Sous réserve des exigences liées à la préservation du patrimoine archéologique, elle est communiquée à toute personne qui en fait la demande dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 36, ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du premier alinéa de l'article 1er ter, substituer au mot : "contient", les mots : "rassemble et ordonne". »

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Il s'agit d'un amendement de précision.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

36. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Rogemont, rapporteur, et M. Outin ont présenté un amendement, no 14, ainsi rédigé :

« Supprimer le deuxième alinéa de l'article 1er ter. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Il est superflu de préciser que les décisions de l'Etat s'appuieront sur la carte archéologique nationale. En outre, cette mention est ambiguë car elle risque de laisser entendre que la carte archéologique deviendrait opposable, alors qu'elle est seulement communicable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Le Gouvernement est favorable à la suppression de cet alinéa.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 15 rectifié, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 1er ter ;

« Les autorités compétentes pour délivrer les autorisations de travaux ont communication d'extraits de ce document et peuvent les communiquer à toute


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

personne qui en fait la demande. Un décret détermine les conditions de communication de ces extraits. »

Sur cet amendement, le Gouvernement a présenté un sous-amendement, no 65, ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 15 rectifié, substituer aux mots : "et peuvent les communiquer à toute personne qui en fait la demande. Un décret détermine les conditions de communication de ces extraits.", la phrase suivante : "En outre, sous réserve des exigences liées à la protection du patrimoine archéologique, des extraits peuvent être communiqués par l'Etat, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à toute personne qui en fait la demande." » La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 15 rectifié.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

L'amendement no 15 rectifié propose que des extraits de la carte archéologique, elle-même communicable par les services régionaux d'archéologie, puissent être communiqués par les autorités compétentes pour délivrer les autorisations de travaux à toute personne qui en fait la demande.

Les autorités compétentes en la matière sont les maires.

Il me paraît en effet important que les citoyens qui se rendent dans les mairies pour y consulter les documents d'urbanisme, documents opposables, puissent également y obtenir communication des informations relatives à la carte archéologique. Si nous voulons affirmer la prévisibilité des travaux d'archéologie préventive, nous devons faciliter la communication des documents les concernant.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 15 rectifié et soutenir le sous-amendement no 65 ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

J'ai le regret de dire à M. le rapporteur que le Gouvernement est défavorable à l'amendement tel qu'il est rédigé. En effet, si le Gouvernement comprend parfaitement les motivations qui conduisent la commission des affaires culturelles à prévoir la communication d'extraits de la carte archéologique nationale à des tiers et partage cet objectif de transparence, il appelle l'attention de l'ssemblée sur les redoutables difficultés que risquerait d'entraîner la communication par les autorités compétentes pour délivrer les autorisations de travaux.

En premier lieu se pose la question de la responsabilité de celui qui délivrera les extraits. Que se passera-t-il si le document communiqué, sur lequel s'appuiera peut-être une décision d'investissement, n'a pas été actualisé ? Je rappelle que la mise à jour de la carte archéologique est une tâche quasi quotidienne. En outre, son établissement est une compétence de l'Etat, qui ne peut pas, pensonsnous, partager la responsabilité de ses effets.

En second lieu, le passage par les autorités compétentes mentionnées par l'amendement risque d'engendrer des délais supplémentaires pour la communication des extraits.

E nfin, la carte archéologique est un document complexe, qui nécessite un éclairage ou un commentaire faisant appel à la compétence des services chargés de son élaboration.

Pour ces motifs, le Gouvernement préférerait que les extraits soient délivrés par l'Etat, comme le prévoit le sous-amendement no

65.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Je suis embarrassé par la restriction « sous réserve des exigences liées à la protection du patrimoine archéologique », car elle signifie que l'on met une condition à la communication des extraits et que tout le monde ne pourra pas y avoir accès.

Quelles sont donc les personnes à qui on pourrait interdire d'accéder à l'information archéologique ? Les chasseurs de trésors, me dira-t-on. Je vous invite alors, m es chers collègues, à lire La Dépêche du Midi d'aujourd'hui : vous y trouverez la carte inédite de tous les trésors du Grand Sud. Pour tous les départements du Sud de la France, ce journal fournit des informations archéologiques, certes de qualité médiocre, mais qui pourront intéresser tel ou tel chasseur de trésors.

Je pose la question : Comment peut-on empêcher quelqu'un d'avoir accès à l'information au prétexte qu'il serait susceptible d'être « un chasseur de trésors » ? Qu'est-ce d'ailleurs qu'un « chasseur de trésors » ? Bref, je suis pour ma part très réservé sur la limitation de la communicabilité des données de la carte archéologique.

Cela dit, je partage tout à fait le souci du Gouvernement : la carte archéologique n'est pas opposable aux tiers. Les informations qu'elle contient ne dispensent pas, au moment d'engager des travaux, et même s'il n'y a a priori pas de risque archéologique, de faire, en cas de découverte, une déclaration selon les termes de la loi de 1941. Les informations contenues dans la carte préjugent d'un risque archéologique, point final.

Je préfère de très loin en rester à une communicabilité la plus large possible.

De toute manière, l'information circule, la preuve en est La Dépêche du Midi de ce jour. Toute personne qui veut obtenir des éléments sur l'existence d'éventuels vestiges archéologiques peut les obtenir. Nous sommes dans la société de l'information : à nous de l'accepter.

Avis défavorable de la commission.

M. le président.

Nous l'avions tous compris, monsieur le rapporteur.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Que M. le rapporteur se rassure : il n'y a de la part du Gouvernement ni volonté d'introduire une quelconque opacité ni suspicion vis-à-vis de quiconque. Quant à sa question, je lui réponds que, ce ne sont pas les personnes qui sont visées, mais les objets.

M. le président.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko.

Le sous-amendement du Gouvernement pose problème, car il est plus restrictif que l'amendement de la commission tendant à prévoir les condit ions - qui restent à être déterminées - de communication d'extraits de la carte archéologique par les autorités délivrant les autorisations de travaux. Certes, il ne s'agit pas de faire circuler cette carte, même s'il est probable que demain elle soit disponible sur Internet ! La carte archéologique n'est pas le territoire, mais pour mieux comprendre ce dernier, il faut avoir communication de la carte. Malgré la bonne volonté de M. le ministre, sa conception de la communication est par trop limitative.

Je propose donc que nous suivions l'avis du rapporteur.

M. Bruno Bourg-Broc.

Le rapporteur a raison.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

65. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 15 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Goulard a présenté un amendement, no 32, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 1er ter par l'alinéa suivant :

« L'Etat communique à toute personne publique ou privée qui lui en fait la demande et ayant un intérêt à cette communication, toutes informations ou tous documents existants sur les éléments du patrimoine archéologique susceptibles de se trouver dans une zone géographique ; le défaut de réponse dans le délai d'un mois à compter de la réception de l a demande vaut présomption d'absence de contrainte archéologique dans la zone concernée. »

Cet amendement est-il défendu ?

M. Christian Kert.

Il l'est, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la Commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Avis défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

32. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er ter , modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er ter , ainsi modifié, est adopté.)

Article 1er quater

M. le président.

« Art. 1er quater Les services archéologiques des collectivités territoriales sont organisés et financés par celles-ci. Leur activité est soumise au contrôle technique de l'Etat dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

« Lorsqu'une collectivité territoriale dispose d'un service archéologique, ce service participe de plein droit, si elle en fait la demande, aux opérations archéologiques réalisées sur son territoire.

« Sont exonérés en tout ou partie du paiement de la redevance prévue à l'article 4 les travaux réalisés par la collectivité territoriale pour elle-même lorsque celle-ci dispose d'un service archéologique. L'exonération est fixée au prorata de la réalisation par la collectivité des opérat ions archéologiques prescrites en application de l'article 1er bis. »

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 16, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 1er quater »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Cet amendement tend à supprimer l'article 1er quater introduit par le Sénat qui a suivi une logique que nous n'acceptons pas.

En effet, le rôle des services archéologiques des collectivités territoriales ne doit pas être évoqué avant l'article 2 qui traite de l'établissement public chargé de la recherche en archéologie préventive. Il n'est donc pas nécessaire de leur consacrer un article spécifique. Ces services sont associés à l'établisement public et réaliseront des travaux dès lors qu'ils sont compétents.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Le Gouvernement est favorable, car indéniablement la suppression de cet article représente une clarification dans l'organisation du texte, mais aussi parce que la mention à l'article 2 de l'association des services archéologiques et des collectivités territoriales suffit à consacrer l'importance de leur rôle qui ne fait pas de doute pour le Gouvernement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

16. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 1er quater est supprimé.

Article 2

M. le président.

« Art. 2. Il est créé un établissement public national à caractère industriel et commercial, chargé de la recherche en archéologie préventive. Cet établissement exécute des sondages, diagnostics et opérations de fouilles archéologiques conformément aux décisions et aux prescriptions imposées par l'Etat et sous la surveillance de ses services en application de la loi du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques et de la présente loi. Pour l'exécution de sa mission, il peut s'associer par voie de convention à d'autres personnes morales dotées de services de recherche archéologique.

« Le mobilier archéologique issu des opérations d'archéologie préventive appartient à l'Etat.

« L'établissement public assure l'exploitation scientifique de ses activités et la diffusion de leurs résultats, notamment dans le cadre de conventions de coopération conclues avec les établissements publics de recherche ou d'enseignement supérieur. Il concourt à l'enseignement, à la diffusion culturelle et à la valorisation de l'archéologie.

« L'établissement public est administré par un conseil d'administration et dirigé par le président du conseil d'administration nommé par décret.

« Le conseil d'administration comprend, outre son président, des représentants de l'Etat, des personnalités qualifiées, des représentants des organismes et établissements de recherche et d'enseignement supérieur dans le domaine de la recherche archéologique, des représentants des collectivités teritoriales et des personnes publiques et privées concernées par l'archéologie préventive, ainsi que des représentants élus du personnel. Les attributions et le mode de fonctionnement de l'établissement public ainsi que la composition de son conseil d'administration sont précisés par décret.

« Le conseil d'administration est assisté par un conseil scientifique.

« Les biens, droits et obligations de l'association dénommée "Association pour les fouilles archéologiques nationales" sont dévolus à l'établissement public dans des conditions fixées par décret. »

M. Goulard a présenté un amendement, no 33, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 2. »

L'amendement no 33 est-il défendu ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

M. Christian Kert.

Il l'est.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

33. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 17, ainsi rédigé :

« Substituer au premier alinéa de l'article 2 les deux alinéas suivants :

« Les diagnostics et opérations de fouille d'archéologie préventive sont confiés à un établissement public national à caractère administratif.

« Celui-ci les exécute conformément aux décisions et aux prescriptions imposées par l'Etat et sous la surveillance de ses représentants, en application des dispositions de la loi du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques et de la présente loi. Pour l'exécution de sa mission, l'établissement public associe les services archéologiques des collectivités territoriales et des autres personnes morales de droit public ; il peut faire appel, par voie de convention, à d'autres personnes morales, françaises ou étrangères, dotées de services de recherche archéologique. »

Sur cet amendement, M. Kert et M. Hellier ont présenté un sous-amendement, no 43, ainsi rédigé :

« Substituer à la dernière phrase du dernier alinéa de l'amendement no 17 les deux phrases suivantes : "Lorsqu'une collectivité territoriale dispose d'un service archéologique, ce service participe de plein droit aux opérations archéologiques réalisées sur son territoire ou sur celui de l'intercommunalité à laquelle la collectivité appartient. L'établissement public peut également faire appel, par voie de convention, à des personnes morales, françaises ou étrangères, dotées de services de recherche archéologiques ainsi qu'aux archéologues bénévoles inscrits sur une liste arrêtée par les conservateurs du patrimoine." » La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

17.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Il s'agit de revenir au dispositif adopté par l'Assemblée nationale en première lecture et de rétablir la qualification d'établissement public administratif doté de droits exclusifs. Etre doté de droits exclusifs ne l'empêche pas, bien au contraire, d'associer les services archéologiques des collectivités territoriales, des personnes morales de droit public, des associations d'archéologues bénévoles ou tout autre intervenant.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Le Gouvernement est favorable à cet amendement important. Les modalités de financement de l'établissement, essentiellement par redevance à caractère fiscal, lui confère un caractère administratif.

De plus, l'absence de maîtrise de son volume d'activités, l'obligation de réaliser les travaux de fouille ne donnant pas lieu à perception de la redevance, ainsi que la mission d'étude scientifique du résultat des fouilles, ne permettaient pas en tout état de cause l'assimilation des conditions de fonctionnement de l'établissement à celle d'une entreprise privée. Le caractère administratif de l'établissement et l'octroi par la loi de droits exclusifs sont absolument indispensables.

M. le président.

La parole est à M. Christian Kert, pour défendre le sous-amendement no

43.

M. Christian Kert.

Monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, voici le sous-amendement de la citoyenneté de l'archéologie préventive que vous appelez de vos voeux ! Nous souhaitons que les archéologues bénévoles comme les collectivités territoriales, soient véritablement acteurs de l'archéologie préventive, non seulement sur leur propre territoire, mais aussi dans le cadre de l'intercommunalité actuelle ou à venir.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement no 43 ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Avis défavorable pour la simple et bonne raison que les collectivités territoriales sont déjà des acteurs à part entière, comme l'indique d'ailleurs clairement l'amendement no

17. S'agissant des archéologues bénévoles, il sont inclus dans le texte. Nous avons eu ce débat, cher collègue, en première lecture, et vous aviez alors accepté de retirer votre amendement, après les explications données par le Gouvernement.

C'est pourquoi je vous suggère de faire de même aujourd'hui, votre préoccupation étant prise en compte.

M. le président.

Maintenez-vous votre sous-amendement, monsieur Kert ?

M. Christian Kert.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

L'avis du Gouvernement est également défavorable. Ce n'est pas un sous-amendement, citoyen, mais redondant. En outre, le Gouvernement n'est pas favorable à une participation juridiquement automatique des services archéologiques des collectivités territoriales aux opérations d'archéologie préventive. En effet, l'association, prévue à l'article 2, leur offre des garanties de participation selon un dispositif souple - et nous y tenons - qui ne leur crée pas d'obligations. Le Gouvernement n'est pas non plus favorable à la création d'une liste d'archéologues bénévoles arrêtée par les conservateurs du patrimoine. En effet, le projet de loi ménage la possibilité de faire appel en tant que de besoin au tissu associatif dans lequel s'insèrent les bénévoles, et la souplesse est suffisante.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard.

Parler d'association est trop vague. Le texte de M. Kert a l'avantage de bien cibler les choses et de présenter l'association avec ses données concrètes. On ne peut pas se contenter d'un simple effet d'affichage.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

43. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

17. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 18, ainsi rédigé :

« Supprimer le deuxième alinéa de l'article 2. »

La parole est à M. le rapporteur.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

La question de la propriété du mobilier archéologique sera traitée dans un autre article.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

18. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 19, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du troisième alinéa de l'article 2, après le mot : "assure", insérer les mots : "dans les mêmes conditions". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Amendement de précision.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

19. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 20, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du cinquième alinéa de l'article 2, après le mot : "établissements", insérer le mot : "publics". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

20. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 21, ainsi rédigé :

« Au début du dernier alinéa de l'article 2, insérer la phrase suivante : "Les emplois permanents de l'établissement public sont pourvus par des agents contractuels". »

Sur cet amendement, je suis saisi de deux sousamendements, nos 38 et 52, pouvant être soumis à une discussion commune.

Le sous-amendement no 38, présenté par le Gouvernement, est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 21 par les mots : "régis par un décret en Conseil d'Etat pris en application de l'article 7 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984". »

Le sous-amendement no 52, présenté par M. Vila, M. Outin et les membres du groupe communiste, est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 21 par la phrase suivante : "Le statut des personnels de l'établissement public est régi par le décret en Conseil d'Etat pris en application de l'article 7 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 et par un décret particulier". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

21.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Retour au texte voté par l'Assemblée en première lecture. Je profite de l'occasion pour dire que nous n'avons aucune objection au sous-amendement du Gouvernement qui donne des précisions sur le statut des personnels de l'établissement public.

En revanche, je suis opposé au sous-amendement proposé par M. Vila et M. Outin, parce qu'il va trop loin.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 21 et le sous-amendement no 52 et soutenir en même temps le sous-amendement no

38. M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement no 21 sur lequel il a présenté un sousamendement pour le compléter.

Cela dit, il préfère le sous-amendement no 52 proposé par M. Vila et M. Outin et retire le sous-amendement no

38.

M. le président.

Le sous-amendement no 38 est retiré.

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Notre sous-amendement complète l'amendement du rapporteur tout en étant plus précis que le sous-amendement du Gouvernement. En changeant les termes « un décret » par « le décret » notre sousamendement a pour but de faire très précisément référence au décret no 86-83 du 17 janvier 1986 cité à l'article 7 de la loi du 11 janvier 1984 qui s'applique aux personnels de l'établissement.

Et pour les autres dispositions non prévues par ce décret, il faut prendre un décret particulier.

A défaut de ces deux précisions, le statut du personnel serait arrêté par le conseil d'administration de l'établissement.

Notre sous-amendement permettra de garantir les statuts des personnels de l'EPA.

Cette disposition a donc pour but de permettre à l'Etat de garantir la pérennité des personnels tout comme l'égalité de traitement des futurs agents de l'établissements avec les autres agents non titulaires de l'Etat.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Le rapporteur ne sera pas plus royaliste... que la République et se rangera à l'avis du Gouvernement. (Sourires.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

52. (Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 21, modifié par le sous-amendement no

52. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 2

M. le président.

Nous en arrivons aux amendements portant articles additionnels après l'article 2.

La parole est à Mme Odette Grzegrzulka.

Mme Odette Grzegrzulka.

D'abord, je voudrais me réjouir de l'existence de ce projet de loi et dire à quel point il représente une avancée, un soulagement aussi. Il


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

rendra enfin l'archéologie plus harmonieuse et plus rigoureuse. Si j'ai souhaité intervenir à ce moment du débat, c'est pour me féliciter que, tenant compte des débats qui ont lieu au Sénat, le rapporteur ait proposé un amendement relatif au délai de diagnostic et au délai des opérations de fouilles.

En effet, nous déplorons tous dans nos communes des malentendus. De grandes difficultés existent entre les archéologues et les aménageurs que nous sommes parce que nous ne comprenons pas toujours la durée - arbitraire - des fouilles.

La situation est si grave qu'il était grand temps de favoriser un apaisement par la voie de la convention. J'en profite pour parler de la Picardie, région qui m'est chère, où de très modestes oppida gallo-romains freinent consid érablement le développement économique de nos communes sinistrées, où des élus courageux essaient d'implanter des zones économiques. Pourquoi les fouilles de Bohain ou de Vermand doivent-elles, durer huit mois, coûter 800 000 francs et retarder de presque un an le développement économique ? Il est plus dur encore, monsieur le secrétaire d'Etat, d'accepter le mépris qu'affichent les archéologues régionaux notamment dans la presse - je tiens un article à votre disposition - à l'égard des élus dont la seule ambition est de tenir les engagements qu'ils ont pris devant leurs électeurs de favoriser l'implantation d'entreprises.

Nous avons maintenant abouti à une bonne solution qui concilie le développement économique, la recherche, tout à fait légitime, des vestiges de notre passé et leur valorisation. Mais il était indispensable qu'une convention fixe les règles et les sanctions si les archéologues ne respectent pas leurs délais.

Je remercie notre rapporteur d'avoir été à l'écoute du Sénat et d'avoir suivi l'ensemble des propositions de la commission.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Madame la députée, je vous remercie de votre intervention parce que je suis d'accord avec l'argumentation que vous avez développée. C'est d'ailleurs en considération des difficultés que vous avez exposées que le Gouvernement propose le texte dont nous débattons aujourd'hui.

Je suis conscient que l'incertitude juridique qui régnait jusqu'à présent ne favorisait pas un climat serein entre archéologues et élus des collectivités territoriales. Je suis donc persuadé que la loi va contribuer largement à l'apaisement des relations que vous avez décrites.

M. le président.

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 22 rectifié, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Une convention conclue entre la personne projetant d'exécuter des travaux et l'établissement public définit les délais de réalisation des diagnostics et des opérations de fouille, les conditions d'accès aux terrains et les conditions de fourniture de matériels, d'équipements et des moyens nécessaires à leur mise en oeuvre. Cette convention détermine également les conséquences pour les parties du dépassement des délais fixés. Les délais fixés par la convention courent à compter de la mise à disposition des terrains, dans des conditions permettant d'effectuer les opérations archéologiques. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Des délais, oui, mais des délais impératifs, comme cela était proposé par le Sénat, non. Des délais responsabilisants, oui.

M. Serge Blisko.

Des délais raisonnables !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Je suis favorable à la disposition proposée par M. le rapporteur.

Le Sénat avait souligné, à juste titre, que la question des délais était importante pour les aménageurs. En revanche, la réponse qu'il a apportée n'est pas satisfaisante, car elle consiste à prévoir dans la loi un délai moyen qui, en pratique, ne peut être respecté dans tous les cas et qui conduirait à des difficultés non négligeables pour l'établissement, l'aménageur et le patrimoine.

La solution proposée par votre rapporteur est pragmatique et correspond à la pratique actuelle de l'AFAN qui donne satisfaction aux aménageurs et aux archéologues. Souplesse et pragmatisme caractérisent cette proposition ; c'est manifestement la bonne formule.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 22 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 23, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Le mobilier archéologique issu des opérations d'archéologie préventive est régi par les dispositions de l'article 11 de la loi du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques. »

Sur cet amendement, le Gouvernement a présenté un sous-amendement, no 42, ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 23, après les mots : "issu des opérations d'archéologie préventive", insérer les mots : "est confié, sous le contrôle des services de l'Etat, à l'établissement public le temps nécessaire à son étude scientifique. Au terme de ce délai, qui ne peut excéder cinq ans, ce mobilier". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

23.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Cet amendement concerne le mobilier archéologique issu des opérations d'archéologie préventive. Il s'agit de lui donner statut juridique, en rappelant la loi de 1941.

Le Gouvernement propose que les services de l'Etat aient le temps de pouvoir examiner ce mobilier archéologique. Cette proposition est très intéressante, puisqu'elle permet, durant un temps indéterminé, qui ne peut excéder cinq ans, l'examen effectif de ce mobilier. Je suis donc favorable à son sous-amendement.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat pour soutenir le sous-amendement no 42 et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no

23. M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Je ne peux en dire plus que M. le rapporteur, puisqu'il est favorable à mon sous-amendement.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

42. (Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 23, modifié par le sous-amendement no

42. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

Article 4

M. le président.

« Art.

4. I. Les redevances d'arc héologie préventive sont dues par les personnes publiques ou privées qui exécutent les travaux définis au premier alinéa de l'article 1er bis et qui sont soumis à autorisation préalable en application du code de l'urbanisme ou donnent lieu à étude d'impact en application de la loi no 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature et de la loi no 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement.

« Sont exonérés de la redevance d'archéologie préventive les travaux relatifs aux logements à usage locatif construits ou améliorés avec le concours financier de l'Etat en application des 3o et 5o de l'article L.

351-2 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les constructions de logements réalisés par une personne physique pour elle-même.

« Ouvrent droit à une réduction du montant de la redevance la fourniture par la personne redevable de matériels, d'équipements et de moyens nécessaires à l'exécution par l'établissement public prévu à l'article 2 des opérations archéologiques prescrites en application de l'article 1er bis ainsi que la prise en charge de ces opérations par la personne redevable.

« Lorsque les travaux définis au premier alinéa ne sont pas réalisés par le redevable, les redevances de diagnostics et de fouilles sont remboursées par l'établissement si les opérations archéologiques afférentes à ces redevances n'ont pas été engagées.

« II. Le montant de la redevance est arrêté par décision de l'établissement public sur le fondement des prescriptions de l'Etat qui en constituent le fait générateur.

Ce montant est établi sur la base :

« 1o Pour les opérations de sondages et de diagnostics archéologiques, de la formule R (en francs par mètre carré) = T / 2 4 0

« 2o Pour les opérations de fouille, sur le fondement des sondages et diagnostics :

« a) De la formule R (en francs par mètre carré) = T H pour les sites archéologiques stratifiés, H représentant la hauteur moyenne en mètres de la couche archéologique affectée par la réalisation de travaux publics ou privés d'aménagement ;

« b) De la formule R (en francs par mètre carré) = T N / 2 0 0 0 pour les ensembles de structures archéologiques non stratifiées. La variable N représente le nombre de structures archéologiques à l'hectare évalué par les sondages et diagnostics. Lorsque ces derniers révèlent la présence de structures archéologiques complexes, le montant de la redevance est établi sur la base de la formule R (en francs par mètre carré) = T N / 2 0 0

« Un site est dit stratifié lorsqu'il présente une accumulation sédimentaire ou une superposition de structures simples ou complexes comportant des éléments du patrimoine archéologique.

« Pour les constructions affectées de manière prépondérante à l'habitation, la valeur du 2o est plafonnée à T / T S, représentant la surface hors oeuvre nette totale du projet de construction.

« Dans le cas visé au 1o , la formule s'applique à la surface soumise à l'emprise au sol des travaux et aménagements projetés portant atteinte au sous-sol. Dans les cas visés au 2o , la formule s'applique à la surface soumise à l'emprise des fouilles.

« La variable T est égale à 620. Son montant est indexé sur l'indice du coût de la construction.

« III et IV. Non modifiés. »

La parole est à M. André Vauchez, inscrit sur l'article.

M. André Vauchez.

Lors de la première lecture du projet de loi relatif à l'archéologie préventive, le Gouvernement, à la demande de la commission, avait fait un effort particulier pour clarifier le financement des opérations de sondage et le coût des opérations de fouille archéologiques pour l'ensemble des aménageurs, plus particulièrement les aménageurs publics, qui sont souvent des communes, de toutes strates démographiques. Sa proposition tendait à assurer une approche mutualiste du risque archéologique, qualifié ainsi relativement à son coût.

En deuxième lecture, après le débat sur ce projet de loi au Sénat et un nouvel examen en commission, un amendement gouvernemental tend à rendre encore plus supportable pour les aménageurs ces diagnostics archéologiques.

L'objectif que vous poursuivez est triple : répondre à l'exigence d'économies dans les opérations de diagnostics, en faisant passer la redevance de 2,58 francs à 1,96 franc le mètre carré ; assurer une transparence accrue, en faisant en sorte que le coût des fouilles tienne compte du volume de terre archéologiquement stérile, en surface, qui reste à évacuer, avec des prix différenciés entre les zones rurales et le secteur urbain où les interventions sont très coûteuses ; instaurer l'équité, en excluant du régime de plafonnement les constructions de parkings ou de garages réalisées à but lucratif.

Toutefois, une question qui pose de réels problèmes n'a pas été évoquée : celle du coût de la remise en état des terrains, et, plus important encore, du surcoût induit par la nécessité de réaliser ensuite des fondations spéciales pour les édifices en raison de la destructuration du sol, voire du sous-sol. Ces pratiques sont fréquentes, surtout en zone rurale, et occasionnent des charges importantes tant aux propriétaires privés qu'aux constructeurs publics du secteur du logement social. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous faire part de votre réflexion sur ce sujet ? Cela étant, globalement, ce texte est un bon projet de loi qui marque un réel progrès pour une application durable.

M. le président.

M. Goulard, a présenté un amendement, no 34, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 4. »

Cet amendement est-il défendu ?

M. Léonce Deprez.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

34. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 57, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le premier alinéa du I de l'article 4 :

« I. - Les redevances d'archéologie préventive sont dues par les personnes publiques ou privées projetant d'exécuter des travaux qui sont soumis à auto-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

risation préalable en application du code de l'urban isme ou donnent lieu à étude d'impact en application de la loi no 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature et de la loi no 76663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement et pour lesquels les prescriptions prévues à l'article 1er bis rendent nécessaire l'intervention de l'établissement public afin de détecter, conserver et sauvegarder le patrimoine archéologique dans les conditions définies par la présente loi. »

Sur cet amendement, le Gouvernement a présenté un sous-amendement, no 58, ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 57, après les mots : "relative aux installations classées pour la protection de l'environnement", insérer les mots : "ou, dans les cas des autres types d'affouillements, à déclaration administrative préalable selon les modalités fixées par décret en Conseil d'Etat". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

57.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

L'amendement propose le retour à la rédaction adoptée en première lecture par l'Assemblée.

J'apprécie que le Gouvernement reprenne à son compte une disposition permettant de viser tous les types d'affouillement soumis à déclaration administrative préalable selon les modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. Cela élargit le champ de la redevance, et nous sommes très favorables à ce sous-amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

En première lecture votre rapporteur avait proposé cette modification de texte que la commission des affaires culturelles avait accepté. Mais la commission des finances l'avait déclarée irrecevable en application de l'article 40 de la Constitution. Le Gouvernement reprend donc cette disposition à son compte, car elle est nécessaire.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

58. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 57, modifié par le sous-amendement no

58. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 62 de M. Pélissard tombe.

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 30, ainsi rédigé :

« Supprimer les deuxième à dernier alinéas du I de l'article 4. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement rédactionnel, car il est préférable de regrouper dans un même titre, le titre III, l'ensemble des dispositions touchant à l'exonération, à la réduction ou au remboursement de la redevance.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

30. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 47 de M. Deprez tombe.

M. Vila, M. Outin et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 53, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du premier alinéa du II de l'article 4, après le mot : "public", insérer les mots : "sur la base d'une déclaration faite par les personnes visées au I de l'article 4" ».

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Cet amendement vise à assujettir la redevance sur la base d'un système déclaratif qui a l'avantage d'engager des actions avant même les demandes d'autorisation d'utilisation du sol, c'est-à-dire lorsque l'on en est encore au projet, voire à l'avant-projet. Cela permettra à l'aménageur de disposer le plus tôt possible des informations relatives aux éventuelles contraintes archéologiques.

Il pourra ainsi évaluer plus tôt et plus précisément ses coûts ce qui ne peut que l'aider à diminuer les frais de gestion financière.

C e système contribuera à générer de nouveaux comportements à l'égard de notre patrimoine en terme de responsabilisation collective et individuelle.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Il est exact qu'il est souhaitable d'intervenir le plus en amont possible, mais les précisions évoquées par notre collègue sont déjà incluses dans le I de l'article 4. C'est pourquoi je lui propose de retirer son amendement.

M. le président.

Monsieur Vila, accédez-vous à l'invitation du rapporteur ?

M. Jean Vila.

Je retire mon amendement.

M. le président.

L'amendement no 53 est retiré.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 1, ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa (1o ) du II de l'article 4, supprimer les mots : "de sondages et". »

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Il s'agit d'un amendement de précision visant à clarifier la nature des opérations d'archéologie préventive auxquelles il est fait référence. La suppression des mots : « de sondages et » permet de se conformer à la terminologie employée par tous les chercheurs.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 45 de M. Bourg-Broc, qui devait être appelé plus loin tombe.

Je suis saisi de deux amendements, nos 54 et 2, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 54, présenté par M. Vila, M. Outin et les membres du groupe communiste, est ainsi rédigé :

« A la fin du deuxième alinéa (1o ) du II de l'article 4, substituer à la fraction : "T/240", la fraction : "T/400". »

L'amendement no 2, présenté par le Gouvernement est ainsi rédigé :

« A la fin du deuxième alinéa (1o ) du II de l'article 4, substituer à la formule : "T/240", la formule : "T/320". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

La parole est à M. Jean Vila pour soutenir l'amendement no

54.

M. Jean Vila.

Il est défendu.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour soutenir l'amendement no

2. M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Monsieur le président, je tiens d'abord à expliciter la démarche du Gouvernement qui sera traduite dans plusieurs amendements.

Ainsi que je l'ai précisé dans mon discours introductif, l'ensemble du dispositif de redevances a été revu. Le système proposé aujourd'hui est, selon les calculs de nos services, globalement en équilibre au même niveau, 720 millions de francs par an, mais avec une répartition différente qui me paraît plus équitable et plus proche de la réalité du coût des opérations.

Ainsi, la redevance « diagnostics » a été notablement abaissée pour se rapprocher du coût moyen au mètre carré. De 2,58 francs au mètre carré à l'origine, elle est maintenant proche de 2 francs, ce qui correspond, dans le texte, à la fraction T/320 qui se substitue à T/240.

Cela me paraît équitable d'autant que cette modification répond à des critiques répétées des aménageurs oeuvrant en dehors des zones urbaines.

Par ailleurs, les deux formules correspondant aux fouilles stratifiées et non stratifiées ont été au contraire augmentées pour prendre en compte le décapage des terres dites stériles, du point de vue archéologique s'entend. Cette modification permettra de déduire la redevance du coût d'enlèvement dans les cas où cette prestation sera réalisée, sous le contrôle de l'Etat, par l'aménageur lui-même. Cette prise en compte est chiffrée au coût réel moyen, soit H'/7 T, c'est-à-dire 85 francs le mètre cube en zone urbaine pour des fouilles stratifiées, et H'/30 T, environ 20 francs le mètre cube en zone rurale pour des fouilles non stratifiées, H' correspondant à la hauteur moyenne des terres stériles.

La formule des fouilles non stratifiées a été précisée afin, premièrement, de l'unifier - une seule formule pour englober tous les cas de structure, simples ou complexes et, deuxièmement, d'ajuster le coefficient pour tenir compte de l'évolution de la formule dont je viens de parler. A la suite de vérifications, il a été fixé uniformément à 1/450, pour remplacer deux formules, 1/2 000 et 1/200, retenues dans la version issue des débats au Sénat.

Les définitions des structures complexes et, a contrario , des structures simples ont été revues par nos scientifiques pour tenir compte des cas appréhendés dans l'échantillonnage étudié.

Enfin, une dérogation au principe de plafonnement de la redevance en ce qui concerne les constructions à usage de logement est prévue. Ainsi, les constructeurs dépassant, dans un but de rentabilisation commerciale, les normes d'urbanisme applicables à la construction de places de stationnement, seront assujettis à la totalité de la redevance pour ces dépassements.

J'ai souhaité faire cette déclaration non pas pour me complaire dans la complexité des formules, mais pour faire état du travail accompli par les services du ministère depuis la première lecture, en vue d'affiner nos propositions tout en permettant de conserver les recettes correspondantes.

Quant à l'amendement no 2, il vise à substituer à la formule T/240 la formule T/320.

M. le président.

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Je retire l'amendement no 54, ainsi que l'amendement no

48.

M. le président.

L'amendement no 54 est retiré.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 2 ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Je vais donner l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements du Gouvernement concernant le titre II, c'est-à-dire le calcul de la redevance.

Contrairement à l'impression que les uns et les autres pourraient avoir, le mode de calcul de la redevance, tel qu'il est proposé, est beaucoup plus simple qu'il n'y paraît. La tâche étant loin d'être facile, je tiens à saluer cet effort de simplicité.

La commission a donc émis un avis favorable à tous les amendements du Gouvernement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 35 et 59.

L'amendement no 35 est présenté par M. Goulard ; l'amendement no 59 est présenté par M. Pélissard.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Compléter le deuxième alinéa (1o ) du II de l'article 4 par les mots : "ou, lorsque ces opérations portent sur une surface supérieure à 10 000 mètres carrés, de la formule R (en francs par mètre carré) = T/500". »

L'amendement no 35 est-il défendu ?

M. Christian Kert.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Pélissard, pour défendre l'amendement no

59.

M. Jacques Pélissard.

Nous proposons d'appliquer la formule T/500 lorsque les opérations portent sur une surface supérieure à 10 000 mètres carrés, afin de diminuer le coût unitaire pour les aménageurs, en particulier dans l'hypothèse de travaux sur des carrières.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 35 et 59.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

MM. Vila, Outin et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 48, ainsi rédigé :

«

« Compléter le deuxième alinéa (1o ) du II de l'article 4 par la phrase suivante : "Pour les zones de risques particuliers définies par arrêté préfectoral, R (en francs par mètres carrés) est porté à T/100". »

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 48 est retiré.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 3, ainsi rédigé :

« Dans le troisième alinéa (2o ) du II de l'article 4, supprimer les mots : "sondages et". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentral isation culturelle.

L'amendement no 3 découle de l'amendement no 1 qui établit le montant de la redevance pour les opérations de fouille uniquement sur le fondement des diagnostics.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Favorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« Dans le quatrième alinéa (a) du II de l'article 4, substituer à la formule : "T H", la formule : "T (H + H'/7)". »

Cet amendement a le même objet que le précédent, monsieur le secrétaire d'Etat ?...

M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Tout à fait, monsieur le président et il en est de même pour l'amendement no

5.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Favorable aux amendements nos 4 et 5.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 5, ainsi rédigé :

« Dans le quatrième alinéa (a) du II de l'article 4, substituer au mot : "affectée" les mots : "et H' la hauteur moyenne en mètres des stériles affectées". »

Cet amendement a déjà été défendu et la commission a émis un avis favorable.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

MM. Vila, Outin et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 49, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le cinquième alinéa (b) du II de l'article 4 :

« De la formule R (en francs par mètre carré) = T /(350 ST1) + T/(3500 ST2), ST1 et ST2 déterminés par les sondages et diagnostics représentant respectivement l'évaluation du nombre de structures archéologiques complexes et simples à l'hectare (ST 1 pour les structures complexes, ST 2 pour les structures simples). »

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

L'amendement no 6 du Gouvernement qui suit mon amendement reprend les propositions de celui-ci. Je retire donc l'amendement no

49.

M. le président.

L'amendement no 49 est retiré.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 6, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du cinquième alinéa (b) du II de l'article 4, substituer à la formule : "T N/2000", la formule : "T[(1/450) (Ns/10 + Nc) + (H'/30)]". »

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Pour l'amendement no 6, comme d'ailleurs pour le 7 qui le suit, l'argumentation est la même que celle qui a déjà été développée.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Marcel Rogemont.

Favorable aux deux.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 7, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi les deux dernières phrases du cinquième alinéa (b) du II de l'article 4 :

« Les variables Ns et Nc représentent le nombre à l'hectare de structures archéologiques respectivement simples et complexes évalué par le diagnostic. Une structure archéologique est dite complexe lorsqu'elle est composée de plusieurs éléments de nature différente et que son étude fait appel à des méthodes et techniques diversifiées d'investigation scientifique. »

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 44 et 60, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 44, présenté par M. Bourg-Broc, est ainsi rédigé :

« Compléter le cinquième alinéa (b) du II de l'article 4 par la phrase suivante : "Le montant de la redevance est plafonné à T S/30." » L'amendement no 60, présenté par M. Pélissard, est ainsi rédigé :

« Après le cinquième alinéa (b) du II de l'article 4, insérer l'alinéa suivant :

« Le montant total de la redevance afférente aux opérations de fouille est plafonné à T S/30 S, représentant la surface soumise à l'emprise de la fouille. »

La parole est à M. Bruno Bourg-Broc, pour soutenir l'amendement no

44.

M. Bruno Bourg-Broc.

L'objet de l'amendement no 44 est simple. Les entreprises de carrière et de matériaux de construction ne doivent pas être surtaxées, surtout quand elles exploitent de très grandes surfaces. Je l'expliquais dans mon amendement no 45 qui est tombé du fait de l'adoption de l'amendement no 1 du Gouvernement.

Dans mon amendement no 44, je suggère donc un plafonnement de la redevance pour les opérations de fouilles. Le montant de plafonnement préconisé s'établit à 260 000 francs l'hectare, ce qui représente déjà 10 % du chiffre d'affaires réalisé sur un hectare.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Pélissard, pour soutenir l'amendement no

60.

M. Jacques Pélissard.

L'explication vaut aussi pour l'amendement no

60.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Etant favorable à l'architecture présentée par le Gouvernement pour le calcul de la redevance et donc à la logique proposée, nous sommes défavorables aux amendements qui nous sont proposés.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle C'est une question de cohérence. Le système proposé par le Gouvernement est équilibré. Une


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formule de calcul de redevance ne peut être modifiée sans remettre en question l'ensemble du dispositif et son rendement.

Le Gouvernement n'est pas favorable à un plafonnement de la redevance dans la mesure où il a cherché à rester au plus près de la réalité du coût des opérations archéologiques. Par ailleurs un plafonnement enlèverait à la redevance le caractère dissuasif qu'elle doit avoir dans certains cas pour une meilleure protection du patrimoine archéologique.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

44. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

60. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Vila, Outin et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 50, ainsi rédigé :

« Supprimer le septième alinéa du II de l'article 4. »

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

La disposition qui figure à l'article 4 et qui a été insérée lors de la première lecture à l'Assembl ée revient à plafonner la redevance à 206 francs le mètre carré de surface hors oeuvre nette.

La formule de plafonnement T/3 qui a été retenue est multipliée par la surface hors oeuvre nette totale, donc par la surface au sol et les surfaces cumulées des planchers. En conséquence, les constructions comportant peu d'étages seront favorisées. Cela permettra d'atteindre très vite le plafond de la redevance et de payer moins de redevance.

Ainsi, les constructions qui n'auront pas beaucoup d'étages ou des lotissements qui ont une faible densité de construction, donc des projets dits résidentiels, seraient les seuls à être favorisés ! Par ailleurs, j'attire votre attention sur le fait que, si le coût archéologique dépasse le plafond prévu, le promoteur d'une construction ne sera pas incité financièrement à rechercher des solutions techniques permettant la conservation des vestiges archéologiques.

Si ce plafonnement a pour but d'aider le logement, ne serai-il pas judicieux de réfléchir à une mesure globale d'aide à tous les logements sous la forme d'un dégrèvement de redevance ? Je note toutefois que le Gouvernement propose un amendement pour tenir compte des dérives possibles de la part de certains aménageurs qui, voulant dépasser les normes prévues par les documents d'urbanisme et pour des visées de rentabilité commerciale, projetteraient de construire plus de parkings que ce qui leur est permis.

Malgré cela, nous souhaitons que les conséquences du plafonnement ainsi que notre proposition soient mieux évaluées.

En conséquence, nous vous proposons la suppression de ce type de plafonnement !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. En conséquence, je suggère que nous nous rangions à l'avis du Gouvernement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Je regrette de devoir vous dire, monsieur le député, que mon avis est défavorable. Depuis le début de la législature, le Gouvernement developpe une p olitique volontariste de logement. Une redevance archéologique trop lourde lui semble de nature à remettre en cause certains projets immobiliers dont il encourage par ailleurs la réalisation dans des secteurs urbains à fortes contraintes.

Il n'est donc pas favorable à la suppression du plafonnement institué à l'article 4. Toutefois, sensible aux arguments développés à propos de celui-ci, le Gouvernement entend en neutraliser les effets pervers et a déposé un amendement, no 8, en ce sens. C'est ainsi que nous proposons que les parkings réalisés à des fins de rentabilité commerciale, excédant les nécessités de la construction, soient exclus du dispositif de plafonnement.

M. le président.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko.

Il est exact que l'amendement no 4 n'a pas été examiné en commission, mais M. Vila soulève un vrai problème. Même si nous manquons peut-être d'un peu de recul en la matière, n'oublions pas, M. le secrétaire d'Etat vient d'y répondre, que le plafonnement pourrait conduire à des effets pervers, c'est-à-dire détruire plus de matériel archéologique qu'on le souhaiterait.

Nous examinerons attentivement l'amendement no 8 du Gouvernement pour voir s'il y a une possibilité de concilier ces deux positions.

Je me range donc à l'avis du Gouvernement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

50. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements, nos 51, 46 corrigé et 61, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 51, présenté par MM. Vila, Outin et les membres du groupe communiste, est ainsi rédigé :

« Dans le septième alinéa du II de l'article 4 substituer aux mots : "est plafonnée à T/3 S", les mots : "ci-dessus est dégrevée d'1/3". »

Les amendements nos 46 corrigé et 61 sont identiques.

L'amendement no 46 corrigé, est présenté par M. Deprez ; l'amendement no 61 est présenté par

M. Pélissard.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans le septième alinéa du II de l'article 4, substituer à la fraction : "T/3", la fraction : "T/5". »

La parole est à M. Jean Vila, pour soutenir l'amendement no

51.

M. Jean Vila.

Comme je l'ai expliqué dans mon intervention dans la discussion générale, nous pensons que le plafonnement de la redevance aura des effets pervers : il privilégiera les constructions qui n'auront pas beaucoup d'étages ou les lotissements avec une faible densité de construction, donc des projets résidentiels.

Or, si le plafonnement est une mesure d'aide au logem ent, une disposition de dégrèvement touchant l'ensemble du logement nous semble plus pertinente qu'une mesure qui tendra à ne favoriser qu'un seul type de construction.

M. le président.

La parole est à M. Léonce Deprez, pour défendre l'amendement no 46 corrigé.

M. Léonce Deprez.

Pour les opérations de constructions de logements, il est prévu que le montant de la redevance soit plafonné à 207 francs par mètre carré de SHON du projet de construction. Or, ce plafonnement ne tient pas compte de l'incidence réelle de ce surcoût sur le prix de vente des logements.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

En effet, les acquéreurs de logements neufs n'achètent pas des mètres carrés de SHON, mais des mètres carrés de surface habitable. Donc, l'incidence réelle sur le prix de vente serait alors de 350 à 400 francs par mètre carré de surface habitable vendue. Ce surcoût de près de 400 francs conduira à des hausses de prix très lourdes pour les acquéreurs ou les utilisateurs finaux, hausse qui, dans de nombreux cas, ne pourrait être absorbée par le marché de l'accession à la propriété. Pour un prix moyen de vente en province de 10 000 francs, la redevance pour fouille provoquera une hausse de près de 4 % du prix de vente des logements.

Je propose d'abaisser amendement abaisserait le plafond à 124 francs par mètre carré de SHON, soit un plafond réel d'environ 190 francs par mètre carré de SHON. Il s'agit de ne pas décourager les efforts pour l'accession à la propriété.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Pélissard, pour soutenir l'amendement no

61.

M. Jacques Pélissard.

Les mêmes explications valent pour l'amendement no

61.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Ces trois amendements n'ont pas été examinés par la commission. Traiter de l'assiette de la cotisation suppose une certaine logique dans l'approche de la redevance car, au bout d'un moment, il faut savoir quel en sera le produit. C'est à cette question, qu'au travers du titre II, nous essayons de répondre, de la façon la plus intelligente possible en tenant compte de la réalité des problèmes d'archéologie préventive.

N'ayant pas examiné les amendements, nous nous rangerons à l'avis du Gouvernement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Le Gouvernement est défavorable à ces amendements pour les motifs déjà invoqués précédemment. Nous souhaitons, en effet, que le plafonnement soit maintenu dans les limites fixées initialement dans le texte. Il serait dangereux de rompre la cohérence du texte.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

51. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 46 corrigé et 61.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 8, ainsi rédigé :

« Compléter le septième alinéa du II de l'article 4 par la phrase suivante : "Toutefois, dans le cas de 2o (a) la redevance est, en outre, due pour la hauteur et la surface qui excèdent celles nécessaires pour satisfaire aux normes prévues par les documents d'urbanisme". »

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Cet amendement, que j'ai déjà évoqué, est le résultat d'un travail interministériel mené conjointement avec le secrétaire d'Etat au logement.

Ce travail nous a permis de n'appliquer le plafonnement de la redevance dont bénéficient les opérations à dominante de logements que pour les seuls affouillements rendus impératifs par l'application de normes d'urbanisme. Ainsi, lorsque les constructeurs dépassent volontairement ces normes dans un but de rentabilisation c ommerciale, autrement dit lorsque les projets comprennent plus de parkings en sous-sol que ceux qui leur sont imposés, ils devront acquitter la redevance pour les volumes affouillés supplémentaires.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Je m'abstiendrai lors du vote sur cet amendement car, si j'approuve la prise en compte de la construction de parkings, les effets pervers du plafonnement me gênent.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 25 rectifié, ainsi rédigé :

« Après le II de l'article 4, insérer le paragraphe suivant :

« II bis - Sont exonérés de la redevance d'archéologie préventive les travaux relatifs aux logements à usage locatif construits ou améliorés avec le concours financier de l'Etat en application des 3o et 5o de l'article L.

351-2 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les constructions de logements réalisées par une personne physique pour elle-même.

« Sont exonérés du paiement de la redevance, sur décision du président de l'établissement public, les travaux de fouille d'archéologie préventive exécutés par une collectivité territoriale lorsque cette collectivité est dotée d'un service archéologique agréé par l'Etat dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. L'exonération est fixée au prorata de la réalisation par la collectivité territoriale des opérations archéologiques prescrites.

« La fourniture par la personne redevable de matériels, d'équipements et des moyens nécessaires à leur mise en oeuvre ouvre droit à une réduction du montant de la redevance. Sur la base de la redevance due, il est opéré une réduction qui ne peut excéder 50 % du montant de la redevance.

« Lorsque les travaux définis au premier alinéa du I ne sont pas réalisés par le redevable, les redevances de fouilles sont remboursées par l'établissement si les opérations archéologiques afférentes à ces redevances n'ont pas été engagées. »

Sur cet amendement, je suis saisi de trois sousamendements nos 64, 63 et 39.

Les sous-amendements nos 64 et 63 sont présentés par

M. Jacques Pélissard.

Le sous-amendement no 64 est ainsi rédigé :

« Au début du premier alinéa de l'amendement no 25 rectifié, après les mots : "Sont exonérés de lar edevance d'archéologie préventive", insérer les mots : "les travaux effectués dans les zones classées en objectif 2 au titre des fonds structurels européens et dans les zones de revitalisation rurales et". »

Le sous-amendement no 63 est ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'amendement no 25 rectifié, supprimer les mots : ", sur décision du président de l'établissement public,". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

Le sous-amendement no 39, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la dernière phrase de l'avantdernier alinéa de l'amendement no 25 rectifié : "La réduction est plafonnée à TH'/7 dans le cas mentionné au 2o a du II et à TH'/30 dans le cas mentionné au 2o b du II". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 25 rectifié.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Il s'agit de créer un II bis regroupant l'ensemble des dispositions relatives aux exonérations, réductions et remboursements de la redevance.

Les trois premiers alinéas opèrent un retour à la rédaction de l'Assemblée nationale en première lecture.

J'attire l'attention de nos collègues sur le fait que le dernier alinéa reprend le dispositif adopté par le Sénat, à une modification près : le remboursement de la redevance en cas de non-réalisation des travaux ne pouvant avoir lieu qu'après l'élaboration du diagnostic. On ne peut pas rembourser la redevance diagnostic.

Puisque j'ai la parole, je propose, si vous en êtes d'accord, monsieur le président, de donner l'avis de la commission sur les trois sous-amendements.

M. le président.

Allez-y, monsieur le rapporteur. Nous gagnerons un peu de temps.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

La commission propose, comme en première lecture, de rejeter les sousamendements nos 64 et 63. Par contre le sous-amendement no 39 est un sous-amendement de conséquence concernant le titre II, la commission y est donc favorable.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 25 rectifié et défendre le sous-amendement no

39. Nous bousculons un peu la procédure habituelle mais nous gagnerons ainsi du temps.

M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Nous sommes favorables à l'amendement no 25 rectifié. Quant au sous-amendement no 39, il s'agit, comme l'a dit M. le rapporteur, d'un sousamendement de cohérence.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Pélissard, pour soutenir les sous-amendements nos 63 et 64.

M. Jacques Pélissard.

De même que l'amendement no 25 rectifié tend à favoriser le logement locatif social construit ou amélioré avec le concours financier de l'Etat, de même, le sous-amendement no 64 tend à favoriser les travaux de construction dans les zones défavorisées au sens littéral du terme que sont les zones de revitalisation rurales désormais en voie de diminution et les zones classées en objectif 2 au titre des fonds structurels européens.

Les deux procèdent de la même démarche : aider des actions qui nous paraissent, aux uns et aux autres, prioritaires. Il faut certes s'occuper du logement social, mais il ne faut pas oublier non plus les zones rurales défavorisées.

M. le secrétaire d'Etat ne peut pas m'objecter que le sous-amendement détruirait l'équilibre financier de son texte dans la mesure où on ne connaît pas plus le nombre de travaux à réaliser en zone dite de revitalisation rurale que celui des logements locatifs à usage social qui seront construits dans l'année qui vient.

La logique et l'équité permettent donc, à mon sens, d'accueillir favorablement cet amendement.

M. le président.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko.

Nos collègues de l'opposition nous ont beaucoup parlé de l'intérêt des services d'archéologie des collectivités territoriales. Dans l'amendement no 25 rectifié présenté par notre rapporteur, il est bien précisé que « sont exonérés du paiement de la redevance, sur décision du président de l'établissement public, les travaux de fouille d'archéologie préventive exécutée par une collectivité territoriale lorsque cette collectivité est dotée d'un service archéologique agréé par l'Etat ». Il y a là une forte incitation à créer des services d'archéologie dans les collectivités territoriales.

Paris, pour ne prendre que cet exemple, a des archéologues, mais pas de service d'archéologie agréé. Donc, par cet amendement non seulement nous répondons à une inquiétude, mais encore nous favorisons le développement de services d'archéologie dans les collectivités territoriales.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard.

J'ai défendu le sous-amendement no 64, mais pas le sous-amendement no

63. Par ce sous-amendement, nous souhaitons supprimer les mots « sur décision du président de l'établissement public ». Pourquoi ? A l'article 2 du projet de loi, il est précisé qu'un établissement public associe les services archéologiques des collectivités territoriales. J'ai salué cette initiative. Elle constitue selon moi un progrès, quoique le mot « association » n'ait aucun contenu politique. Cette association comporte en elle-même, par nature, un rapport bilatéral puisqu'elle peut et même devrait se concrétiser dans une convention passée entre la commune dotée d'un service d'archéologie et l'établissement public, qui définirait les attribution de chacun.

A l'opposé de cette démarche associative et bilatérale de l'article 2, l'article 4 pose une démarche unilatérale : une décision unilatérale du président de l'établissement public s'imposerait à la collectivité dotée d'un service agréé d'archéologie. Cela me paraît inadmissible et c'est la raison pour laquelle j'ai déposé le sous-amendement no

63. En l'adoptant, nous encouragerons le conventionnement dans le cadre de l'association prévue par l'article 2.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Un débat a déjà eu lieu en première lecture sur ce sujet.

Je poserai une simple question : qui va exonérer de la redevance si ce n'est pas le président de l'établissement ? Cela ne peut être le partenaire ! Quand il s'agit d'argent, il ne faut pas qu'il y ait cinquante décideurs. Il n'en faut qu'un !

M. Serge Blisko.

Et il n'est pas obligatoire que la décision du président de l'établissement public soit arbitraire ! Ce n'est pas parce qu'il est fonctionnaire qu'il doit faire n'importe quoi !

M. Jacques Pélissard.

Je n'ai pas voulu faire un procès d'intention !

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Je suis défavorable aux deux sousamendements nos 63 et 64. En bonne logique, le Gouvernement souhaite ne pas voir se multiplier les exonérations à l'infini...

M. Jacques Pélissard.

C'est le cri du coeur, monsieur le secrétaire d'Etat ! M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Non, c'est de la logique... Ou alors, on briserait toute la cohérence du texte.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

Le Gouvernement ne souhaite leur conférer un caractère d'automaticité que lorsque les travaux sont exécutés par une collectivité territoriale dotée d'un service archéologique. Cela constituera - et je partage pleinement la démonstration de M. Blisko - un encouragement dont nous devrions voir rapidement les résultats positifs.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

64. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

63. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

39. (Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 25 rectifié, modifié par le sous-amendement no

39. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4 bis

M. le président.

« Art. 4 bis. Les contestations relatives à la détermination de la redevance d'archéologie préventive peuvent être examinées, sur demande du redevable, par une commision administrative présidée par un membre du Conseil d'Etat. Cette commission est composée, outre son président, de seize membres dont quatre représentants de l'Etat, quatre représentants des collectivités territoriales, quatre représentants des personnes effectuant des travaux visés par le premier alinéa du paragraphe I de l'article 4 de la présente loi et quatre personnalités qualifiées.

« L'avis de la commission est notifié aux parties.

« La composition de la commission, les modalités de sa saisine et la procédure applicable sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. »

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 26, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le premier alinéa de l'article 4 bis :

« Les contestations relatives à la détermination de la redevance d'archéologie préventive peuvent être examinées, sur demande du redevable, par une commission administrative présidée par un membre du Conseil d'Etat et composée de représentants de l'Etat, des collectivités territoriales, de représentants des personnes publiques et privées concernées par l'archéologie préventive et de personnalités qualifiées. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Retour au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. La composition de la commission n'a pas à être précisée dans la loi.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

26. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 4 bis, modifié par l'amendement no

26. (L'article 4 bis, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

M. le président.

« Art. 5. - I. - Non modifié.

« II. - Supprimé.

« III. - Le deuxième alinéa de l'article L. 480-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il en est de même des infractions aux prescriptions établies en application de l'article 1er bis de loi no du relative à l'archéologie préventive. »

« IV. - Supprimé. »

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 27, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi les II à IV de l'article 5 :

« II. - L'article L. 421-2-4 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'a été prescrite la réalisation de fouilles archéologiques préventives, le permis de construire indique que les travaux de construction ne peuvent être entrepris avant l'achèvement de ces fouilles. »

« III. - Le deuxième alinéa de l'article L. 480-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : "Il en est de même des infractions aux prescriptions établies en application de l'article 1er bis de la loi no du relative à l'archéologie préventive". »

« IV. - Le premier alinéa de l'article 1er de la loi no 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement est complété par les mots : "ainsi que des éléments du patrimoine archéologique". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Retour au texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale sur cet article de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

27. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 5, modifié par l'amendement no

27. (L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 5

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 40, ainsi rédigé :

« Après l'article 5, insérer l'article suivant :

« Au début de l'article 11 de la loi du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques, sont insérées les dispositions suivantes : "Le mobilier archéologique issu des fouilles est confié à l'Etat pendant le délai nécessaire à son étude scientifique. Au terme de ce délai, qui ne peut excéder cinq ans, la propriété...". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

En corollaire de la disposition adoptée sur l'article 2 pour le mobilier issu des fouilles archéologiques préventives, il est proposé de donner à l'Etat, pour les fouilles qu'il conduit dans le cadre du titre II, la capacité de détenir les mobiliers issus de ces fouilles, aux fins d'étude scientifique, pendant un délai maximal de cinq ans. Pour le surplus, le régime de partage et le droit de revendication de l'Etat sur ce mobilier est maintenu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Favorable, puisque nous avons retenu tout à l'heure le même dispositif pour l'archéologie préventive. Il convient qu'il puisse s'appliquer très largement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

40. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

MM. Vila, Outin et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 55, ainsi libellé :

« Après l'article 5, insérer l'article suivant :

« Après le mot : "fouilles", la fin de la première phrase de l'article 11 de la loi du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques est ainsi rédigée : "revient, à l'exception des objets visés par l'article 716 du code civil, à l'Etat". »

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Les amendements nos 55 et 56 vont de pair, monsieur le président.

M. le président.

En effet.

L'amendement no 56, des mêmes auteurs, est ainsi rédigé :

« Après l'article 5, insérer l'article suivant :

« Après la première phrase de l'article 11 de la loi du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques, il est inséré une phrase ainsi rédigée : "Après études, ces objets sont prioritairement déposés dans le musée le plus proche du lieu de la découverte susceptible de les recevoir". »

Veuillez poursuivre, monsieur Vila.

M. Jean Vila.

La création d'un établissement public placé sous le contrôle de l'Etat à l'article 2 et le délai de cinq ans introduit par le Gouvernement après l'article 5r épondent en partie au souci exprimé dans nos deux amendements. En conséquence, je les retire.

M. le président.

Les amendements nos 55 et 56 sont retirés.

M. Marcel Rogemont, rapporteur, et M. Terrasse ont présenté un amendement, no 28, ainsi libellé :

« Après l'article 5, insérer l'article suivant :

« L'article 16 de la loi du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les découvertes de caractère immobilier faites fortuitement ouvrent droit au profit de leurs inventeurs à la moitié de la plus-value réalisée résultant de cette découverte pour le propriétaire du terrain. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogement, rapporteur.

C'est là un amendem ent particulièrement important qui a longuement retenu l'attention de notre commission lors de cette deuxième lecture. Il a trait aux découvertes archéologiques immobilières. En première lecture, notre collègue Pascal Terrasse avait été à l'origine d'un amendement sur le statut de ces découvertes immobilières. Il souhaitait, tout comme nous, que des dispositions claires soient proposées pour mettre définitivement un terme aux imbroglios que nous avons connus, tel celui auquel a donné lieu la découverte de la grotte dite Chauvet.

Cette question exige en effet d'être abordée dans la plus grande clarté. Faute d'avoir pu, du fait de l'article 40 de la Constitution, présenter nous-même un amendement qui aurait pu conclure le travail collectif considérable réalisé par les députés, dont Pascal Terrasse et votre rapporteur, avec le Gouvernement, je me suis résolu à déposer un amendement reprenant celui que M. Terrasse avait retiré après explications de Mme Trautmann. Le but était de nous en servir de base de discussion, en attendant de pouvoir accepter l'amendement que le Gouvernement a entre-temps mis au point. Celui-ci a le mérite de clarifier avec netteté la situation de l'inventeur et du propriétaire du terrain et de régler toutes les questions liées à la propriété ou aux indemnités qui seraient dues à tel ou tel des partenaires.

En conséquence, je retire l'amendement no 28 au profit de l'amendement no 41 que va vous présenter le Gouvernement.

M. le président.

L'amendement no 28 est retiré.

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 41, ainsi libellé :

« Après l'article 5, insérer l'article suivant :

« Il est inséré après l'article 18 de la loi du 27 septembre 1941 précitée un article 18 bis ainsi rédigé :

« Art. 18 bis. - S'agissant des vestiges archéologiques immobiliers, il est fait exception aux dispositions de l'article 552 du code civil.

« L'Etat verse au propriétaire du fonds où est situé le vestige une indemnité destinée à compenser le dommage qui peut lui être occasionné pour accéder audit vestige. A défaut d'accord amiable, l'action en indemnité est portée devant le juge judiciaire.

« Lorsque le vestige est découvert fortuitement et qu'il donne lieu à une exploitation, la personne qui assure cette exploitation verse à l'inventeur une indemnité forfaitaire, ou, à défaut, intéresse ce dernier au résultat de l'exploitation du vestige. L'indemnité forfaitaire et l'intéressement sont calculés en relation avec l'intérêt archéologique de la découverte et dans des limites et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. »

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Je remercie M. le rapporteur d'avoir rappelé l'histoire, certes récente, de notre amendement. A mon tour de vous présenter, très rapidement, le travail effectué avec Mme la garde des sceaux depuis la présentation du projet de loi par Mme Trautmann.

Les vérifications opérées en liaison avec le ministère de la justice depuis la première lecture du texte devant votre assemblée ont fait apparaître les difficultés, d'ordre constitutionnel et d'ordre pratique, que pourrait poser l'amendement de M. Terrasse. En accord avec Mme Guigou, une solution alternative a pu être trouvée.

L'amendement du Gouvernement consiste à s'appuyer sur le droit de propriété en écartant, pour les vestiges a rchéologiques immobiliers, la présomption de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 MAI 2000

l'article 552 du code civil selon laquelle la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. Cette exception à l'article 552 se fonde sur le caractère d'intérêt général qui s'attache à la protection du patrimoine archéologique, dont la charge incombe à l'Etat, selon la convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique ratifiée par notre pays.

Bien entendu, l'Etat versera au propriétaire du fonds où est situé le vestige une indemnité pour le dédommager du trouble éventuellement occasionné pour accéder au vestige.

L'exception à l'article 552 proposée par l'amendement no 41 s'appliquera quelle que soit l'hypothèse dans laquelle la découverte a été faite, fortuitement ou à la suite de recherches volontaires. C'est la raison pour laquelle il est proposé de l'inscrire dans un article 18 bis inséré dans le titre IV de la loi de 1941 relatif aux dispositions diverses, qui ont un caractère transversal.

En outre, et cela répond à la préoccupation de M. Terrasse, en cas de découverte fortuite, l'amendement propose un régime de gratification de l'inventeur lorsque le vestige donne lieu à une exploitation.

Cette gratification prendra la forme d'une somme forfaitaire ou d'un intéressement au résultat de l'exploitation de la part de la personne qui assure cette exploitation ce pourra être l'Etat ou toute autre personne chargée de cette exploitation. Un décret en Conseil d'Etat viendra préciser les limites de cette gratification, limites dans le temps, dans sa quotité et dans ses modalités.

Voilà comment, avec l'aide de Mme la garde des sceaux, nous avons pu parvenir à l'article additionnel après l'article 5 que l'amendement du Gouvernement se propose d'introduire et que je soumets à l'approbation de l'Assemblée.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard.

Nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il faut trouver une solution au cas de figure qui nous occupe afin de régler le problème de la situation du propriétaire et de son indemnisation, tout comme celui d e l'inventeur par rapport au propriétaire en cas d'exploitation de la découverte. En revanche, sur le plan juridique, j'avoue être doublement surpris.

Vous proposez, pour les vestiges archéologiques immobiliers, de faire exception aux dispositions de l'article 552 du code civil. Mais qu'entend-on par vestiges archéologiques immobiliers ? A partir de quand un immeuble, une partie de terrain, une grotte, deviennent-ils des vestiges archéologiques immobiliers ? Ce régime exorbitant par rapport au droit commun pose le problème de la définition des seuils, de l'intérêt même du vestige en question. Aucune limite, aucun seuil n'est prévu, alors que ce régime est totalement dérogatoire par rapport au droit commun.

Par ailleurs, cet amendement introduit une sorte d'expropriation, sans respecter la procédure. Or l'expropriation est soumise, en droit français, à des formes, des proc édures précises, des étapes à franchir, autant de contraintes auxquelles il conviendrait dans le cas présent de se plier. On ne peut admettre qu'un régime aussi dérogatoire soit appliqué à un objet aussi peu identifié, et de surcroît dans des conditions aussi bâclées.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

41. (L'amendement est adopté.)

Article 6

M. le président.

« Art. 6. Le Gouvernement présente chaque année au Parlement avant le 1er octobre un rapport sur l'exécution de la présente loi.

« Ce rapport établit le bilan des opérations d'archéologie préventive. Il rend compte de l'état d'avancement de la réalisation de la carte archéologique nationale.

« Il retrace la situation financière de l'établissement public prévu à l'article 2 et indique le produit des redevances d'archéologie préventive constaté au titre de l'exercice précédent et évalué pour l'exercice en cours.

« Il indique le nombre et les motifs des contestations portées devant la comission prévue à l'article 4 bis et précise le sort réservé aux avis de cette commission. »

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 29, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 6. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Un rapport pourrait, à la limite, être intéressant la première année ; mais au bout de dix ans, dix rapports annuels... Nous proposons donc de supprimer cet article.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Le Gouvernement, respectueux des décisions du Parlement, avait accepté cette proposition faite par le Sénat, mais il s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

29. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 6 est supprimé.

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole et à M. Christian Kert, pour le groupe UDF.

M. Christian Kert.

Confirmant les propos que j'ai tenus à la tribune au nom du groupe UDF, je veux redire notre hostilité à ce texte. Le débat ne nous a pas permis de corriger notre première impression au moment de l'examen des articles : M. le rapporteur n'a eu de cesse de proposer le retour au texte initial de l'Assemblée nationale, en ignorant les dispositoins introduites par le Sénat, que nous considérions comme des avancées.

Ce débat aurait pu permettre de sortir de l'opposition entre deux logiques, pour peu que certains des amendements présentés par le groupe RPR, le groupe Démocratie libérale et le groupe UDF aient été acceptés. Tel n'a pas été le cas ; votre refus permanent prouve que nous sommes toujours dans des logiques fondamentalement différentes. Aussi le groupe UDF, je le confirme, voterat-il contre ce texte.

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous le regretterez toute votre vie !

M. le président.

La parole est à M. Jacques Pélissard, pour le groupe RPR.

M. Jacques Pélissard.

Alors que de vrais problèmes se posent, votre texte ne les règle pas ; tout au contraire, il les complique en renchérissant le coût des fouilles. Pour tout outil, vous proposez de créer un monopole archaïque et inefficace !


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Mme Odette Grzegrzulka.

Tout de suite les gros mots !

M. Jacques Pélissard.

Le groupe RPR ne votera pas ce mauvais texte.

M. le président.

La parole est à M. Serge Blisko, pour le groupe socialiste.

M. Serge Blisko.

Rétablissons un peu la vérité, mes chers collègues : entre le projet de loi initial proposé par le Gouvernement en 1999, puis la première lecture et enfin la deuxième lecture, plusieurs avancées ont été faites, tant par le Gouvernement que par notre rapporteur et notre assemblée.

Nous avons refusé, il est vrai, de nous inscrire dans la logique du Sénat, qui visait à mettre à bas toute l'architecture et la philosophie du projet de loi tel qu'adopté en première lecture. Je remarque cependant, monsieur Kert, monsieur Pélissard, que, sur la question du rôle des collectivités territoriales, des réponses nouvelles et positives ont été obtenues. Sur la question du délai également, notre rapporteur lui-même a fait un pas en essayant de contractualiser au lieu d'imposer, afin de tenir compte des angoisses des aménageurs comme des maires.

Sur les redevances enfin, le Gouvernement a accepté à l'article 4 plusieurs avancées significatives, en tenant compte notamment des demandes légitimes que lui avaient adressées les aménageurs, les fabricants de tuiles ou les exploitants de carrière.

Ces trois exemples montrent que le débat parlementaire aura permis, au cours de ces deux lectures, de renforcer la protection du patrimoine archéologique en s'efforçant de concilier les principes et la réalité économique. Aussi, le groupe socialiste votera-t-il avec détermination ce projet. Au demeurant, il nous reste encore une lecture pour apporter d'ultimes améliorations ; mais, d'ores et déjà, nous avons, me semble-t-il, bien travaillé.

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

3

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique : Questions au Gouvernement ; Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, no 2325, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce : M. Alain Vidalies, rapporteur, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2404).

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes :

M me Christine Lazerges, rapporteuse (rapport no 2409).

A vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 24 mai 2000, à une heure vingt.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmissions

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale les textes suivants : Communication du 18 mai 2000 No E 1450. Proposition de décision du Conseil conformément à l'article 122, paragraphe 2, du traité pour l'adoption par la Grèce de la monnaie unique au 1er janvier 2001 (COM [2000] 274 final).

No E 1451. Projet de proposition modifiant la convention Europol afin d'étendre la compétence d'Europol au blanchiment d'argent en général (EUROPOL [7/00]).

No E 1452. Projet de budget d'Europol pour 2001 (EUROPOL [8/00]).

No E 1453. Initiative de la République portugaise en vue de l'adoption d'une décision du Conseil portant création d'un secrétariat pour les autorités de contrôles communes chargées de la protection des données, instituées par la convention portant création d'un office européen de police (convention Europol), la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes et la convention d'application de l'accord de Schengen relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes : actes législatifs et autres instruments (JAI [30/00]).

Communication du 22 mai 2000 No E 1454. Proposition de décision du Conseil relative à un programme pluriannuel pour les entreprises et l'esprit d'entreprise, 2001-2005. La politique d'entreprise dans l'économie de la connaissance : communication de la commission (COM [2000] 256 final).

Prix du numéro : 0,64 - 4,20 F Imprimerie, 26, rue Desaix, Paris (15e ). - Le préfet, Directeur des Journaux officiels : Jean-Paul BOLUFER 103000450-000500