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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Questions au Gouvernement (p. 5175).

AIDES AU TRANSPORT DU BOIS (p. 5175)

MM. François Dosé, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

RÉVISION DE LA CONVENTION 103 DE L'OIT (p. 5175)

Mmes Danielle Bousquet, Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

UTILISATION DU SITE DU FORT DE VAUJOURS (p. 5176)

MM. Alain Calmat, Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.

D

IFFICULTÉS DES PRODUCTEURS DE FRUITS ET LÉGUMES (p. 5177)

MM. Christian Bourquin, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

HOSPITALISATION PRIVÉE (p. 5178)

M. Bernard Accoyer, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

COLLÈGE UNIQUE (p. 5178)

Mme Nicole Catala, M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué chargé de l'enseignement professionnel.

HAUSSE DU PRIX DES CARBURANTS (p. 5179)

M. Lucien Degauchy, Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

POLITIQUE BUDGÉTAIRE (p. 5180)

Mme Anne-Marie Idrac, M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

REPORT D'INCORPORATION

POUR INSERTION PROFESSIONNELLE (p. 5180)

MM. Dominique Dord, Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants.

STATUT DES INSPECTEURS DU TRAVAIL (p. 5181)

M. François Liberti, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

PEINE CAPITALE AUX ÉTATS-UNIS (p. 5182)

MM. Gilbert Biessy, Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

RÉMUNÉRATION DU LIVRET A (p. 5183)

MM. Bernard Charles, Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 5184)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

2. Chasse. Discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi (p. 5184).

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 5189)

Exception d'irrecevabilité de M. Philippe Douste-Blazy : MM. Charles de Courson, le rapporteur, Christian Bataille, Marc Laffineur, Jean-Claude Lemoine, François Liberti, Maurice Leroy. - Rejet par scrutin.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 5198)

MM. François Liberti, Antoine Carré, Jacques Desallangre, Jean-Claude Lemoine, Christian Bataille, Jacques Le Nay, Maxime Gremetz, Didier Quentin, Noël Mamère, Hervé Morin,

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

MM. Pierre Ducout, Patrice Martin-Lalande, Mme Geneviève Perrin-Gaillard,

MM. Jean-Pierre Dufau, Henri Sicre.

Clôture de la discussion générale.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Fait personnel (p. 5214).

MM. Charles de Courson, François Patriat.

4. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 5215).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

N ous commençons par les questions du groupe socialiste.

AIDES AU TRANSPORT DU BOIS

M. le président.

La parole est à M. François Dosé.

M. François Dosé.

Ma question s'adresse à M. le ministre des transports.

Le Parlement examine un projet de loi d'orientation pour la forêt française, et c'est tant mieux. Evidemment, sa mise en oeuvre, outre la diversité territoriale, sera rythmée par des saisons plutôt que par des sessions, et par des décennies plutôt que par des septennats ou des quinquennats. Mais pendant ce temps, dans de nombreuses régions de France, sinistrées par la tempête du 26 décembre 1999, les problèmes forestiers demeurent, des questions d'actualité appellent encore des réponses urgentes.

(« Ils se réveillent ! », sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Ainsi, bûcheronnage et débardage furent, lors du premier trimestre 2000, les activités prioritaires. L'aide publique, la présence de professionnels étrangers - européens, scandinaves, québécois - ont contribué à relever les défis de tous les acteurs français de la filière. Mais aujourd'hui, nous sommes confrontés à un problème ubuesque : tandis que les aires de stockage de proximité, privées ou publiques, sont totalement mobilisées, les ventes au profit d'acheteurs lointains, métropolitains ou étrangers, s'organisent. Or, faute de moyens de transport ferroviaires et routiers, certaines essences - je pense particulièrement au hêtre - se déprécient, notamment sur des quais improvisés ou réactivés par la SNCF. Si des wagons et des véhicules routiers ne sont pas immédiatement disponibles,...

M. le président.

Un instant, monsieur Dosé. Mes chers collègues, puis-je vous faire remarquer qu'un de nos collègues est en train de poser une question ? Cela dit au cas où vous ne l'auriez pas compris ! (Applaudissements sur divers bancs.)

Veuillez poursuivre, monsieur Dosé.

M. François Dosé.

Monsieur le ministre, si des wagons et des véhicules routiers ne sont pas immédiatement disp onibles, nous connaîtrons une deuxième tempête, économique cette fois. Car certains exploitants forestiers déposeront le bilan, ou y seront contraints, pour avoir engagé des financements gagés sur des recettes qui se d érobent, les acheteurs menaçant d'annuler les commandes, considérant que les grumes ont perdu leur qualité, la chaleur accélérant la détérioration des bois.

Monsieur le ministre, pouvez-vous exiger immédiatement que les solidarités nationale, européenne, internationale soient mises en oeuvre afin de mettre fin à ce gâchis ? Pouvez-vous anticiper la mobilisation des moyens ferroviaires et routiers nécessaires dans la perspective des prochains rendez-vous : automne 2000, printemps 2001 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Jean-Claude Gayssot, retenu par l'inauguration de la nouvelle gare TGV de Poitiers. Je vais m'efforcer de répondre à votre question.

Comme vous le savez, le Gouvernement a mis en place un plan national pour la forêt, que le Premier ministre a annoncé le 12 janvier dernier et que nous avons complété à plusieurs reprises. Il représente 2 milliards de crédits sur l'année 2000, 12 milliards de prêts bonifiés, 6 milliards pour la reforestation et 600 millions de francs par an pendant dix ans, l'abaissement de la TVA à 5,5 % pour les travaux forestiers (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République ), bref, c'est un plan très complet. Des 2 milliards de crédits, 700 millions seront consacrés à l'aide au transport du bois, dont 200 millions pour le transport ferroviaire ; l'aide pour le transport routier, est proportionnelle à la longueur des trajets ; une aide au transport maritime, laquelle nous a été demandée par plusieurs régions de France.

En ce qui concerne le transport ferroviaire, la SNCF a mobilisé 1 700 wagons, et nous allons obtenir de sa part, dans les tout prochains jours, que les capacités de transport soient augmentées d'au moins 150 wagons.

Surtout, ce que je veux vous dire, c'est que, comme je l'ai annoncé mercredi dernier, lors de la première lecture du projet de loi d'orientation forestière, le Premier ministre vient de décider que l'aide au transport dont les enveloppes étaient déjà épuisées dans un certain nombre de régions de France serait maintenue pendant plusieurs mois, autant que, de besoin, donc abondée, pour faire face à la situation que vous venez de décrire.

Je peux donc vous assurer, monsieur le député, que le Gouvernement est prêt à faire tout son possible pour que le plan forestier fasse l'objet des prolongements et des précisions nécessaires pour lever les blocages que vous venez d'évoquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

RÉVISION DE LA CONVENTION 103 DE L'OIT

M. le président.

La parole est à Mme Danielle Bousquet.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

Mme Danielle Bousquet.

Ma question s'adresse à

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Madame la ministre, la convention 103 de l'OIT est en voie de révision, et de révision à la baisse en ce qui concerne le congé de maternité. Celui-ci devrait être fixé à un chiffre très inférieur au délai légal en vigueur en France.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous dire quelle sera la position de la France sur ce point ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

En effet, madame la députée, la convention 103 est en cours de révision à l'Organisation internationale du travail. C'est une des plus anciennes conventions, car la p rotection contre la maternité est l'une des plus anciennes règles internationales. (Exclamations sur divers bancs à droite.)

M. Thierry Mariani.

La protection contre la maternité ?

M. Bernard Accoyer.

Quel aveu !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Je parle des règles visant à protéger la maternité contre les discriminations.

La France a abordé ce débat avec un double objectif : d'abord, élargir les protections de la maternité au travail ; ensuite, faire en sorte qu'un plus grand nombre de pays ratifient la nouvelle convention, la précédente n'ayant été ratifiée que par trente-sept pays. Vous l'avez dit, madame la députée, les premiers projets engageaient une régression de la protection de la maternité. Grâce à l'action de la France en particulier - Mme Martine Aubry était sur place, le 7 juin, pour défendre une position extrêmement ferme -, mais aussi grâce à l'action d'autres pays, le texte a consacré plusieurs avancées : d'abord, l'allongement de douze à quatorze semaines du congé de maternité ; ensuite, l'interdiction des discriminations à l'embauche liées à la maternité ; en troisième lieu, l'extension de l'interdiction de licencier pendant le congé de maternité et le congé d'allaitement ; quatrièmement, le renversement de la charge de la preuve, puisqu'il appartiendra désormais aux employeurs de prouver que les licenciements ne sont pas dus à la maternité ; enfin, l'augmentation des normes de protection de la santé des femmes enceintes au travail, en particulier l'interdiction de les exposer à des métiers dangereux.

Vous le voyez, cette nouvelle convention est un progrès. Aujourd'hui, la France agit pour qu'un maximum de pays puissent la ratifier.

Enfin, pour apporter tous apaisements aux légitimes préoccupations que vous exprimez, je puis vous dire que les normes juridiques françaises, qui sont en avance sur celles de l'Organisation internationale du travail, ne seront pas touchées. Ainsi, vous le savez, chez nous, le congé de maternité est de seize semaines, l'interdiction du licenciement pendant le congé de maternité est absolue et les autres normes du droit du travail sont extrêmement protectrices de la femme enceinte. Bien évidemment, il n'est pas question, pour la France, de régresser dans tous ces domaines.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

UTILISATION DU SITE DU FORT DE VAUJOURS

M. le président.

La parole est à M. Alain Calmat.

M. Alain Calmat.

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de la défense.

Monsieur le ministre, les terrains et bâtiments du Commissariat à l'énergie atomique, situés à Vaujours, en S eine-Saint-Denis, doivent être bientôt vendus aux enchères. A l'occasion de la clôture de l'enquête publique, une vive inquiétude a saisi les populations des alentours.

En effet, le préfet a préconisé des servitudes dans le cadre de cette enquête, visant à interdire la construction d'écoles, de logements ou de centres aérés, au nom du principe de précaution, car il semble que ce site - le fort de Vaujours - ait servi de lieu de stockage et de tir de munitions. Certaines de ces munitions seraient encore enfouies, et toutes n'auraient pas été détectées.

Par ailleurs, un débat s'est instauré, relayé par la presse, concernant l'éventuelle dangerosité nucléaire de ce site.

En effet, des révélations récentes font état d'essais militaires, avec utilisation d'uranium, qui auraient eu lieu dans les années cinquante, essais préparant le premier tir français à Reggane, dans le Sahara algérien, en 1960. Ces tirs concernant la partie explosive de la première bombe atomique française se seraient d'ailleurs prolongés pendant plusieurs années.

Devant ces interrogations et l'inquiétude légitime des habitants de Vaujours et de Coubron pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner des précisions que j'espère rassurantes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.

M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.

Monsieur le député, vous exprimez une préoccupation très forte et vous avez raison de le faire.

Le centre d'expérimentation de Vaujours a en effet été exploité par le CEA de 1955 à 1997, et les expérimentations qui ont été faites ont porté sur des explosifs classiques, avec de l'uranium naturel et de l'uranium appauvri. Mais à aucun moment les expérimentations n'ont fait appel à la fission nucléaire, je peux vous le garantir.

Le CEA ayant abandonné le site, il s'agit de le vendre.

Avant de le vendre, il a été procédé à une décontamination, avec l'Office de protection contre les rayonnements ionisants, de 1996 à 1998. Les rapports d'experts en témoignent, le marquage radiologique est normal, il correspond tout à fait aux normes.

Pendant la guerre, et vous y avez fait allusion, le site a été utilisé par les armées d'occupation comme dépôt de munitions. Des explosifs ont été réalisés ; des explosions se sont produites et il peut y avoir eu dispersion d'engins.

Nous avons donc procédé à la dépollution du site, aux profondeurs que permettent aujourd'hui les moyens techniques, et un certificat d'expert a été délivré.

Maintenant, si un projet de construction de locaux d'habitation devait être réalisé, votre demande serait prise en compte, monsieur le député, et nous procéderions à des analyses complémentaires pour vérifier que les normes du ministère de la santé sont respectées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Accoyer.

Voilà qui est clair !

M. Pierre Lellouche.

Et pourtant ! Ou bien c'est décontaminé ou bien ça ne l'est pas !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

DIFFICULTÉS DES PRODUCTEURS DE FRUITS ET LÉGUMES

M. le président.

La parole est à M. Christian Bourquin.

M. Christian Bourquin.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture. Elle concerne les inquiétudes des producteurs de fruits et légumes face à la campagne de cet été, qui s'annonce difficile, plus particulièrement pour les départements du sud de la France. Une dizaine de départements sont concernés, notamment le mien, les Pyrénées-Orientales.

Je voudrais rappeler les faits qui m'amènent à évoquer la loi sur les nouvelles régulations économiques, que nous avons votée ici au Parlement le 2 mai.

M. Philippe Auberger.

Votée difficilement !

M. Christian Bourquin.

Cette loi pose les bases d'un partenariat plus équilibré entre les producteurs et les distributeurs. Mes chers collègues, le monde économique, et le monde agricole plus particulièrement, apprécie ce texte, qui répond à ses attentes.

Il répond à ses attentes par la réglementation de l'étiquetage, par le fait que les fruits et légumes ne seront plus un produit d'appel dans les grandes surfaces - de sorte qu'ils ne seront plus sous-payés - et par l'instauration d'un prix plancher qui pourra éventuellement être fixé par le ministre de l'économie.

Ce sont là des dispositions très attendues et très appréciées par les agriculteurs sur le terrain.

M. Gilbert Meyer.

Et la question ?

M. Christian Bourquin.

Mais voilà, les sénateurs n'examineront pas ce texte avant l'automne, malheureusement.

M. Gilbert Meyer.

Bon, et la question ?

M. Christian Bourquin.

Trop de travail, ont-ils dit ! C'est dommage, car l'efficacité du dispositif, les producteurs de fruits et légumes l'attendent pour cet été. (« La question ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mes chers collègues, vous pouvez contester, mais c'est ainsi ! Et déjà, l'alerte est là. Monsieur le ministre de l'agriculture, le prix de la pêche a chuté, et il en sera de même, nous le craignons, pour l'abricot et la tomate.

M. Franck Dhersin.

La question !

M. Christian Bourquin.

Monsieur le ministre, après les catastrophes climatiques qui se sont récemment produites - et je voudrais ici exprimer une pensée solidaire pour tous les départements qui ont subi des orages de grêle et des inondations ce week-end, l'Isère, la HauteGaronne et tant d'autres -, je voudrais rappeler que, durant ces deux dernières années, beaucoup de départements...

M. Franck Dhersin.

La question !

M. Christian Bourquin.

... ont connu le gel, la sécheresse, la grêle et les inondations. Les producteurs sont pénalisés par ces catastrophes climatiques, mais aussi par des catastrophes économiques, et notamment par la mévente, de l'été dernier. (« La question ! La question ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Enfin, mes chers collègues, une autre calamité apparaît.

(Même mouvement.)

M. le président.

Un peu de silence, mes chers collègues ! M. Bourquin, voulez-vous en venir à votre question précise, s'il vous plaît ? (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Christian Bourquin.

Enfin, disais-je, et j'en termine, l'autre calamité qui apparaît, c'est la lenteur sénatoriale sur ce texte.

Alors, monsieur le ministre, va-t-on prendre le risque d'assister, cet été encore, à une crise dans le secteur des fruits et légumes alors que l'Assemblée nationale a fait son boulot ? (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer, pouvez-vous rassurer les producteurs de fruits et légumes sur les dispositions que vous serez à même de prendre pour que cet été soit meilleur que le précédent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, il est vrai que c'est le Gouvernement qui fixe l'ordre du jour du Sénat,...

M. Gilbert Meyer.

Voilà ! C'est la réponse ! (Sourires.)

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... et qu'on ne peut donc pas l'incriminer directement. Mais il est vrai aussi que les sénateurs ont mis beaucoup de temps à examiner le projet de loi SRU - plus du double du temps prévu -, si bien que nous ne pouvons plus programmer avant l'été la discussion d'un certain nombre de projets de loi que nous souhaitions voir adopter, en particulier le projet relatif aux nouvelles régulations économiques.

D'abord, monsieur le député, je peux vous dire que le Gouvernement compte inscrire ce texte à l'ordre du jour du Sénat dès la rentrée d'octobre, afin de s'assurer que l'on ne tardera plus sur ce sujet.

Pour le reste, je voudrais vous dire deux choses.

Premièrement, il est encore trop tôt pour s'affoler sur la situation des fruits et légumes dans notre pays. La campagne est à peine commencée, les volumes sur le marché sont tellement faibles qu'on ne peut pas tirer de leçons de l'état actuel des cours. Je n'ai pas d'informations particulièrement alarmantes sur ce sujet.

Deuxièmement, avec ma collègue et amie Marylise Lebranchu, nous allons prendre dans les jours qui viennent toutes les initiatives nécessaires, ...

M. Thierry Mariani.

Tout ça, c'est du baratin !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... pour éviter qu'entre les deux lectures, celle de l'Assemblée et celle du Sénat, se produisent une nouvelle crise, de nouveaux conflits entre producteurs et distributeurs. Nous avons commencé ce travail en commun, nous allons prendre des initiatives avant l'été...

M. Thierry Mariani.

Lesquelles ?

M. Charles Ehrmann.

Une prière de Lionel Jospin !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... car tout doit être fait pour aller dans le sens d'une pacification, sans l'aide de la loi et en attendant cette loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

HOSPITALISATION PRIVÉE

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Ma question s'adresse au ministre de l'emploi et de la solidarité. Elle concerne l'hospitalisation et, plus précisément, l'hospitalisation privée.

Le secteur hospitalier traverse une crise grave, sur laquelle, madame le ministre, les agents hospitaliers se sont d'ailleurs chargés d'attirer votre attention. Sous leur pression, vous avez accordé à l'hôpital public une rallonge budgétaire hors loi de financement de la sécurité sociale, notamment pour assurer les remplacements.

Mais il reste le secteur de l'hôpital privé, également en grande difficulté. Ce secteur représente en France 50 % des actes de chirurgie et plus de 50 % des accouchements, il emploie 130 000 salariés et 50 000 professionnels libéraux.

Or il se trouve que la tarification de l'hospitalisation privée est restée à l'écart des adaptations indispensables, notamment pour suivre le progrès des techniques et pour tenir compte des dispositions concernant la sécurité sanitaire.

Enfin, l'application de l'accord concernant la réduction du temps de travail augmentera la masse salariale de l'hospitalisation privée dans des proportions telles que, dans bien des cas, elles rendront ce secteur non viable sur le plan économique.

Cette situation est particulièrement grave, non seulement, bien entendu, pour les personnels, mais également pour la qualité des soins et le libre choix des malades.

C'est une liberté fondamentale pour les Français que d'avoir le libre choix du lieu où ils veulent se faire soigner ou se faire opérer.

Ma question est très simple, madame la ministre : quand et comment entendez-vous apporter à l'hospitalisation privée les moyens lui permettant de prolonger sa mission dans des conditions décentes et surtout sécurisantes pour l'avenir de ce secteur décisif et la qualité des soins ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, j'ai déjà dit combien l'hôpital public comme l'hospitalisation privée étaient au coeur de l'organisation de notre système de soins. Certes, l'hôpital public remplit des missions en matière de recherche, d'éducation et d'accueil de tous qui ne sont pas remplies par l'ensemble des cliniques privées, mais j'ai souligné combien le secteur privé jouait un rôle essentiel dans le système de soins français, et vous venez d'en rappeler à l'instant les principaux éléments.

Jusqu'au vote de la loi de financement de la sécurité sociale de 2000, il existait une distorsion entre la façon dont étaient traités les hôpitaux publics et les hôpitaux privés. Nous y avons mis fin, puisque, dorénavant, l'Etat discutera avec l'hôpital public et avec l'hôpital privé de la même manière. Nous irons demain - nous commençons à y travailler - vers une tarification à la pathologie, qui permettra effectivement de prendre en compte les efforts des uns et des autres, et vous savez combien nous avançons en la matière.

En attendant, nous avons commencé à discuter avec les cliniques privées comme nous le faisons avec l'hôpital.

Vous n'ignorez pas, monsieur le député, que le 1er mars dernier, l'Etat a signé avec les trois grandes fédérations représentant les cliniques privées un accord sur les tarifs.

Il a également été prévu que nous allions poursuivre les discussions sur les urgences, la réanimation et les soins de suite.

Cela dit, je partage votre souci de voir le personnel des cliniques privées bénéficier des efforts de formation et d'amélioration des conditions de travail qui figurent dans le protocole que nous avons signé avec le personnel hospitalier. Nous sommes en train d'oeuvrer en ce sens avec les fédérations de cliniques privées, notamment s'agissant de la formation.

Par ailleurs, comme je l'ai annoncé devant la commission des comptes de la sécurité sociale, nous allons adapter les normes relatives aux personnels. Ces normes qui datent de 1956 et qui s'appliquent essentiellement aux cliniques privées sont, en effet, un frein à la mobilité, à la souplesse de gestion et à la rentabilité de ces établissements. Je sais qu'il subsiste des difficultés pour adapter certaines de ces normes, mais nous allons en discuter.

Croyez bien que mon souci est de faire en sorte que les cliniques privées prennent toute leur place dans l'hospitalisation dans notre pays et que les Français puissent choisir en toute connaissance de cause les établissements où ils souhaitent se faire soigner.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

COLLÈGE UNIQUE

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

(« Il n'y en a plus ! » sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Monsieur le ministre, depuis un quart de siècle, le collège unique accueille tous les jeunes Français, tout en permettant - jusqu'à présent - la préorientation de certains élèves avec les classes de quatrième et de troisième technologiques. Or M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel vient ouvertement de mettre en cause l'efficacité de ce système en déclarant qu'il fallait mettre un terme à l'hypocrisie des apparences et prendre davantage en compte les réalités du marché du travail. Sur sa lancée, il a exprimé son hostilité à la fermeture des classes technologiques qui était par ailleurs programmée.

Certes, le rapport Dubet, qui a été remis l'an dernier à Mme Royal, a mis en lumière une grave crise des collèges. Mais M. Mélenchon semble vouloir aller bien plus loin que les conclusions de ce rapport, lequel ne met pas en cause le principe du même collège pour tous.

Vous-même, monsieur le ministre, avez déclaré récemment qu'il n'y avait aucun tabou.

Ces déclarations divergentes me conduisent à vous poser les questions suivantes : quelle sera la politique suivie par le Gouvernement à l'égard du collège ? Allez-vous conserver le principe du même collège pour tous ou bien aménager une orientation différenciée par filière, dont M. Meirieu disait qu'elle n'était que l'officialisation de ce qui se faisait dans la clandestinité ? Quel collège voulezvous faire pour demain, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel.

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel.

Madame la députée, si votre inquiétude a trait à la pérennité du collège pour tous, du collège unique, alors, je la lève tout de suite : ni le ministre de l'éducation nationale ni moi-même ni le Gouvernement, en aucune manière, ne remettent en cause la nécessité de ce collègue unique.

Il est exact que j'ai souhaité, avec l'accord du ministre de l'éducation nationale, que l'on cesse de fermer les classes de quatrième et de troisième technologiques qui se trouvent dans les lycées professionnels.

(« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Si bien, madame, que c'est par une espèce d'extrapolation que l'on en est venu à traiter d'un sujet qui ne faisait pas partie de mes préoccupations et qui ne relevait pas davantage de mes compétences.

M. Thierry Mariani.

Ah bon ? Vous en avez ? M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel.

Mais un problème se pose. En effet, comment peut-on supporter que, d'un côté, il y ait des pénuries de travailleurs et, de l'autre, des établissements professionnels ou technologiques - pour lesquels nous consacrons des sommes importantes - qui se vident de leurs élèves ? N'y a-t-il pas là quelque chose qui s'est déréglé ? (Exclamations sur les bancs du du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Quel aveu ! M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel.

Peut-on supporter qu'il y ait eu 15 000 inscrits de moins l'an passé, et qu'on en annonce 20 000 de moins pour l'avenir ? Je conviens que poser ce problème revient à évoquer une question que certains n'ont peut-être pas envie de voir aborder : la réussite du Gouvernement en matière d'emploi.

(« Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

En effet, cette crise n'éclate que parce qu'il y a retour au plein emploi.

(Exclamations et rires sur les mêmes bancs.)

Mais parfaitement, c'est le cas ! Soyez sûre, madame la députée, que nous mettons en oeuvre toute notre intelligence pour concilier l'existence du collège unique et la nécessité d'assurer pleinement la formation professionnelle de notre jeunesse.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocration française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et indépendants.)

HAUSSE DU PRIX DES CARBURANTS

M. le président.

La parole est à M. Lucien Degauchy.

M. Lucien Degauchy.

Monsieur le Premier ministre, lorsque vous êtes arrivé au pouvoir, le prix du litre de gazole - pour ne prendre que l'exemple de ce carburant qu'utilisent la plupart des Français moyens - était de 4,40 francs à la pompe. Il est vendu aujourd'hui près de 5,60 francs, voire parfois près de 6 francs.

C ontrairement à ce qu'assure votre ministre des finances, qui détourne l'attention en fustigeant les pétroliers, la hausse du prix du brut n'a qu'une très faible incidence sur les prix à la pompe. En revanche, vos taxes y sont, elles, pour beaucoup ! Ainsi, depuis votre arrivée au pouvoir, vous avez allègrement augmenté la taxe sur les produits pétroliers, profitant de la baisse momentanée du prix du pétrole pour camoufler cette hausse.

(« C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Pour ce qui est du gazole, carburant qui est utilisé par le plus grand nombre pour aller travailler, conduire les enfants à l'école (Exclamations sur les mêmes bancs) ou aller faire les courses en famille, vous avez fait passer la TIPP de 2,36 francs en 1997 à 2,42 francs en 1998, puis à 2,50 francs en 1999, pour atteindre aujourd'hui 2,57 francs.

M. Michel Bouvard.

C'est scandaleux !

M. Lucien Degauchy.

Si l'on prend aussi en compte la TVA, dont le produit grossit évidemment avec la hausse des prix, on se rend compte que la manne a augmenté de 30 %. Du jamais vu, monsieur le Premier ministre ! Il est évident que la hause du prix du brut a pour vous deux conséquences heureuses : premièrement, faire porter le chapeau aux autres ; deuxièmement, faire grossir un peu plus votre cagnotte fiscale ! Alors, monsieur le Premier ministre, ma question et simple : au-delà des promesses, des beaux discours et du rejet sur les autres de cette situation, allez-vous enfin prendre des mesures pour faire baisser le prix des carburants ? En étant moins gourmand sur les taxes, vous le pouvez.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au budget.

M me Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

Comme vous le savez, monsieur le député, puisque ce n'est pas la première fois que cette question est abordée devant cette assemblée, le prix de l'essence subit les effets de la hausse du prix du pétrole.

(« Non ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Par ailleurs, je tiens à préciser immédiatement que la fiscalité sur les carburants n'est pas assise sur les prix, mais sur les quantités,...

M. Jean Auclair.

A d'autres !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... ce qui prouve, une fois de plus, que les propos que nous entendons ne sont pas forcément justes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - « Et la TVA ? » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Les prix augmentent à la pompe, c'est indéniable. C'est la raison pour laquelle Laurent Fabius a, depuis plusieurs semaines déjà, demandé que des investigations et des contrôles soient effectués tant par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes que par les douanes. Et ces opérations ont été renouvelées dès la fin de la semaine dernière.

Permettez-moi de m'arrêter un instant sur la fiscalité sur les carburants. Les décisions qui ont été prises par le Gouvernement depuis deux ans ont contribué non à augmenter cette fiscalité, mais, au contraire, à en limiter les effets.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemble-


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ment pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Oui, à en limiter les effets ! En effet, après vingt ans de hausse ininterrompue, le Gouvernement a stabilisé la fiscalité sur le supercarburant, tandis qu'il procédait au rattrapage du prix du gazole sur une période de plusieurs années.

Evidemment, c'est une politique nouvelle pour les automobilistes.

(« Oh que oui ! » sur les mêmes bancs.)

Et comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, chaque fois qu'un automobiliste passe à la pompe, il verse un franc de fiscalité au titre de décisions qui ont été prises entre 1993 et 1997.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

J'ajoute que le collectif budgétaire prévoit la pérennisation de la baisse d'un point de la TVA, ce qui, toutes choses égales par ailleurs, puisque nous ne maîtrisons pas totalement la hausse des cours du prix du pétrole, correspond à une diminution du prix qui est payé par le consommateur.

(Protestations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je souhaite que l'on rappelle des choses exactes. Certes, le Gouvernement est responsable de la fiscalité, mais celle-ci est stable, voire en diminution, compte tenu de la baisse de la TVA.

(« C'est faux ! » sur les mêmes bancs.)

Mais les pétroliers sont responsables de l'augmentation des cours ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous passons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

POLITIQUE BUDGÉTAIRE

M. le président.

La parole est à Mme Anne-Marie Idrac.

Mme Anne-Marie Idrac.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la France présidera à partir du 1er juillet l'Union européenne. D'ici là, votre majorité aura voté le collectif budgétaire, qui se caractérise par les quelques points suivants : absence de maîtrise des dépenses, en particulier de fonctionnement ; recyclage partiel de certaines hausses de recettes fiscales dues à la croissance ; persistance d'un déficit important.

Cela fait apparaître un décalage - pour ne pas dire des distorsions - fiscal et budgétaire grave avec nos partenaires. Ailleurs, en effet, des réformes de fond sont engagées, et je citerai notamment l'exemple de l'Allemagne, puisque chacun se réjouit, nous dit-on, de la « relance » du couple franco-allemand.

M. Schrder a, en effet, engagé une baisse de l'impôt sur le revenu qui concernera toutes les tranches et tous les assujettis à cet impôt. Il a également engagé une baisse massive et une simplification drastique de l'impôt sur les sociétés. Son plan d'économies est sérieux, ce qui rend crédible, à terme, un véritable équilibre budgétaire.

Pour assurer la crédibilité de la France durant sa présidence de l'Union européenne, pour contribuer aussi à las tabilité de l'euro, n'est-il pas temps, monsieur le ministre, de prévoir des réorientations budgétaires et fiscales dans le sens bénéfique qu'a choisi M. Schrder ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Madame la députée, le collectif budgétaire n'a pas le contenu que vous lui prêtez. Si vous l'avez examiné attentivement - ce dont je ne doute pas -, vous savez qu'il se caractérise essentiellement par des baisses massives d'impôts. Si on les ajoute à celles prévues dans la loi de finances, on atteint le total de 80 milliards, soit la baisse la plus importante depuis au moins une décennie.

M. Pierre Lellouche.

Et la hausse de 400 milliards ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je participe, chaque mois, à la réunion des ministres de l'économie et des finances, au sein de la commission économique et financière ou de l'Euro 11.

Nous y parlons extrêmement librement, les opinions exprimées y sont diverses, et je n'ai entendu aucun de mes collègues reprendre les critiques que vous formulez.

Je peux même vous dire, sans crainte d'être démenti, que mon collègue allemand me dit toujours qu'il souhaiterait que son pays connaisse un taux de croissance aussi fort que celui de la France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Madame la députée, persuadé que nous reprendrons cette intéressante discussion d'une façon plus approfondie lors de l'examen de la loi de finances pour 2001, je prendrai votre question pour ce qu'elle est et me bornerai à constater que, une fois de plus, pour vous, les bons socialistes, ce sont les socialistes qui se trouvent à l'étranger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Pierre Lellouche.

Tout à fait !

M. le président.

Nous passons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

REPORT D'INCORPORATION

POUR INSERTION PROFESSIONNELLE

M. le président.

La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord. Monsieur le ministre de la défense, en 1997, la loi a inventé une nouvelle forme de report d'incorporation pour les jeunes appelés au service national : le report pour ceux qui bénéficient, sous certaines conditions, d'un contrat de travail.

Mme Nicole Bricq.

Adressez-vous au Président de la République ! M. Dominique Dord. Cette loi excellente a porté ses fruits, puisque, grâce à elle, plusieurs dizaines de milliers de jeunes Français ont réussi leur insertion professionnelle et font désormais partie de la communauté économique ou sociale nationale. Au demeurant, je me demande si ce n'est pas la mesure la plus efficace pour l'emploi qui ait été prise depuis longtemps, mais ce n'est pas le sujet.

(Rires et applaudissements sur les bancs du groupe Démocra-


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tie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Actuellement, les premiers bénéficiaires voient leur report d'incorporation de deux ans arriver à échéance. Or ils ne savent pas s'ils devront ou non effectuer leur service national. Il s'agit d'une vraie question qui préoccupe plusieurs dizaines de milliers de jeunes Français ; ceux-ci sont, à notre sens - et je pense que ce sentiment est partagé sur tous les bancs -, en droit d'attendre une vraie réponse, dépourvue de toute contingence électoraliste qui viserait justement à la faire traîner... jusqu'à une échéance électorale future.

Trois catégories de réponses sont possibles. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Mme Nicole Bricq. Seules les bonnes réponses sont possibles ! M. Dominique Dord. Mes chers collègues, je crois que la question intéresse beaucoup de monde. Peut-être pourriez-vous l'écouter jusqu'au bout.

Premièrement, on fait de la loi une application stricte : le report n'est pas une dispense, le service national est toujours en vigueur, et les jeunes Français devront partir sous les drapeaux.

Une réponse de ce type ne nous paraît pas compatible a vec les objectifs d'insertion professionnelle affichés lorsque ce report a été institué. Par ailleurs, elle occasionnerait certaines injustices. Par conséquent, je l'écarte.

Le deuxième type de réponse, beaucoup trop laxiste, à l'opposé, consisterait à reconnaître que le problème se pose réellement et à avancer de deux ans la suppression de la conscription obligatoire. Ce qui serait contraire à la loi de programmation militaire causerait probablement, de surcroît, de graves difficultés d'organisation du personnel pour nos armées. J'écarte donc également cette possibilité.

Le troisième type de réponse, auquel nous arrivons donc, est très simple :...

Mme Nicole Bricq. Si vous faites les réponses, ce n'est pas la peine de poser les questions ! M. Dominique Dord. ... nous aménageons simplement le dispositif existant en permettant que le délai de report de deux ans puisse être prorogé au moins une fois, sous réserve que les jeunes soient toujours confrontés à des problèmes d'insertion professionnelle.

M. le président.

Monsieur Dord, pouvez-vous conclure ? M. Dominique Dord. Ce troisième type de réponse a notre préférence. Est-ce aussi votre cas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.

M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.

Monsieur le député, répondre à votre question revient à concilier une exigence et une préoccupation.

L'exigence, c'est le bon fonctionnement de nos armées, de nos régiments, c'est le respect de la loi, votée par la représentation nationale, qui prévoit l'achèvement de la p rofessionnalisation au 31 décembre 2002. Par conséquent, la règle du jeu, si j'ose dire, est parfaitement connue. Et personne ne pourrait prendre une décision affaiblissant notre organisation de défense, chacun en est parfaitement conscient.

La préoccupation, vous l'avez évoquée, c'est celle de nos jeunes concitoyens bénéficiant d'un report d'incorporation parce qu'ils ont signé un contrat à durée indéterminée - c'est essentiel pour l'engagement dans la vie professionnelle et l'insertion. La loi que vous avez votée indique d'ailleurs qu'une fois son service national terminé, le jeune retrouve son emploi. Ce dispositif existe donc déjà.

(Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cette exigence et cette préoccupation, le Premier ministre les a retenues dans sa déclaration de la Villette, le 12 mai dernier. D'autre part, M. le ministre de la défense, retenu aujourd'hui à Luxembourg, et dont je vous prie d'excuser l'absence, a donné aux préfets pour directives d'harmoniser les règles de gestion de ces situations et d'interpréter le plus largement possible les textes légaux applicables. Enfin, la direction du service national a été invitée à prendre contact avec tous les jeunes qui bénéficient de ce report d'incorporation, pour une meilleure information, de façon à savoir, au début de la deuxième année, s'il sera reconduit.

L'essentiel du dispositif tend à s'assurer des moyens dont doit disposer notre défense. Si on la déstabilisait, vous viendriez probablement, monsieur le député, avec toute la représentation nationale, demander des comptes au Gouvernement.

Nous optons donc, au bout du compte - à l'initiative de M. le Premier ministre - pour la troisième réponse que vous avez énoncée : celle qui consiste à choisir une application la plus large possible des reports, tout en donnant la priorité aux besoins de la défense et de la professionnalisation.

M. Robert Pandraud.

Ce n'est pas vrai ! M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Le nombre d'engagements augmente tandis que le nombre de soldats du contingent décroît. Cet équilibre répond à votre préoccupation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Pierre Lellouche.

Les jeunes qui entendront cela ne seront pas déçus !...

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe communiste.

STATUT DES INSPECTEURS DU TRAVAIL

M. le président.

La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti.

Ma question s'adresse à Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, et concerne le projet de réforme du statut du corps de l'inspection du travail.

Si les propositions actuelles étaient retenues, à moyen terme, huit inspecteurs du travail sur dix n'atteindraient jamais un niveau d'indice supérieur à 966. Elles auraient des effets négatifs sur les fins de carrière, les retraites, et risqueraient d'aboutir à la formation d'un double corps, une infime partie des membres du corps restant dans la catégorie A. En outre, le dispositif causerait un préjudice à l'indépendance puisque les directeurs départementaux du travail et de la formation professionnelle seraient


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nommés à la seule discrétion du ministre, sans passage par la commission administrative paritaire, c'est-à-dire sans transparence.

Le risque est donc réel, à terme, de voir sortir le corps de l'inspection du travail de la haute fonction publique.

Difficile, dans ces conditions, d'être autonome et de résister aux pressions, qui sont déjà nombreuses.

Le 23 mai dernier, vous nous avez indiqué, madame la ministre, que de l'avis du Conseil d'Etat, le projet de statut d'emploi n'enfreignait pas la convention de l'OIT garantissant l'indépendance. Mais l'avis donné concernait le statut d'emploi des directeurs régionaux et non celui des directeurs départementaux. Or ces derniers ont des missions bien plus larges, notamment en matière d'attribution des aides à l'emploi et de contrôle de l'application du droit du travail. On ne peut donc soutenir que leurs pouvoirs et leurs responsabilités sont identiques.

Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour remédier à ces dangers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député, dès mon arrivée au Gouvernement, en 1997, j'ai rappelé aux inspecteurs du travail que le contrôle du code du travail et des conventions collectives était leur mission essentielle et qu'à travers les priorités qui étaient fixées - notamment le contrôle de l'amiante, les risques professionnels, le contrôle des heuress upplémentaires dépassant les durées maximales, le contrôle du SMIC et des minima conventionnels -, ils devaient faire respecter la loi.

Je commencerai par citer quelques chiffres, pour illustrer le rôle ô combien rigoureux, efficace et responsable que remplit l'inspection du travail dans notre pays.

En 1999, les 1 200 agents de l'inspection du travail ont effectué 265 000 interventions en entreprise, soit 25 % de plus qu'en 1996, et 51 000 visites de chantier, soit 50 % de plus qu'en 1996. Ils ont dressé 30 000 procès-verbaux, soit 55 % de plus qu'en 1996, et pris 2 500 décisions d'arrêt de chantier, soit 40 % de plus qu'en 1996. Cela montre combien l'inspection du travail agit en toute indépendance pour faire son métier, c'est-à-dire contrôler les lois et les conventions collectives.

Par ailleurs, le Gouvernement a souhaité élargir les missions et surtout les moyens affectés à l'inspection du travail. Alors que, vous le savez, les effectifs globaux de la f onction publique sont actuellement stationnaires, 620 emplois déconcentrés auront été créés entre 1998 et 2000, dont 45 d'inspecteurs du travail et 230 de contrôleurs du travail. Les effectifs n'avaient jamais augmenté dans de telles proportions.

Comme vous l'avez dit, monsieur le député, il faut maintenant revaloriser le statut de l'inspection du travail.

La réforme en cours permettra, en réduisant de six à trois le nombre de grades, un déroulement de carrière nettement plus favorable. En effet, l'inspecteur du travail, dès l'entrée en vigueur de la réforme, bénéficiera d'une augmentation indiciaire de 100 points, et 40 % des membres du corps atteindront le grade de directeur adjoint ou de directeur du travail et pourront ainsi accéder à la hors échelle A, alors qu'aujourd'hui seuls une vingtaine de directeurs départementaux ont eu la possibilité.

Le deuxième axe de la réforme, c'est effectivement le statut d'emploi. De quoi s'agit-il ? Essentiellement de reconnaître la responsabilité et la qualité des directeurs départementaux du travail. Ceux-ci doivent pouvoir être nommés en administration centrale à des postes correspondant à leurs responsabilités, comme c'est maintenant le cas pour les directeurs régionaux du travail. C'est cette possibilité de mobilité entre les services déconcentrés et l'administration centrale, reconnaissant leurs responsabilités et leur niveau, qui donne lieu au statut d'emploi.

Vous avez raison - mais je n'avais pas dit le contraire -, le Conseil d'Etat, dans son arrêt de 1996, s'était prononcé sur les directeurs régionaux, alors qu'il s'agit là des directeurs départementaux du travail.

Je tiens à dire que la quasi-totalité des corps de directeurs départementaux sont passés sous statut d'emploi et que j'ai mis en place un certain nombre de dispositions spécifiques pour garantir la transparence des nominations et l'indépendance, conformément à la convention du BIT de 1981.

L es commissions administratives paritaires seront consultées sur les décisions d'avancement dans les corps et seront informées des critères de nomination et de l'ensemble des décisions. Les directeurs sont nommés pour cinq ans, ce qui constitue une garantie d'indépendance. Les nominations seront effectuées sur proposition du comité des directeurs d'administration centrale et des directeurs régionaux. Enfin, un comité d'experts, composé d'un représentant du Conseil d'Etat, d'un représentant de la Cour de cassation et d'un représentant de l'IGAS, sera saisi pour avis de questions pouvant poser problème au regard de la transparence et de l'indépendance.

Je crois, monsieur le député, que le statut d'emploi consacre la reconnaissance du niveau et de la responsabilité de nos directeurs départementaux du travail. Comptez sur moi pour garantir l'indépendance du corps et la transparence de son fonctionnement.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

PEINE CAPITALE AUX ÉTATS-UNIS

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Biessy.

M. Gilbert Biessy.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, parler d'indignation ne serait pas assez fort pour traduire l'horreur qu'inspire aux démocrates la publication de l'étude réalisée par les chercheurs de la faculté de droit de Columbia sur la peine capitale aux

Etats-Unis, qui met un peu plus encore cette honte américaine en accusation.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Sept pour cent des condamnations à mort prononcées entre 1973 et 1995 ont dû être révisées par les juges à la suite de manquements graves à la loi.

M. François Goulard.

Ah non, de votre part, c'est scandaleux !

M. le président.

Monsieur Goulard, je vous en prie !

M. Gilbert Biessy.

Et ce n'est pas tout : le taux de jugements révisés pour cause d'erreur judiciaire est de 18 % en Virginie, 53 % au Texas et 73 % en Floride.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Arrêtez-le !

M. le président.

Monsieur Accoyer, je vous en prie !

M. Gilbert Biessy.

Combien d'erreurs judiciaires parmi les 68 exécutions de 1998 ? (« Et les procès de Moscou, vous en parliez ? » sur divers bancs des mêmes groupes.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

M. François Vannson.

Et le goulag ?

M. Claude Goasguen.

Et Staline ?

M. Gilbert Biessy.

Odell Barnes, Noir américain de 31 ans, est mort le 1er mars 2000 à Huntsville, au Texas, en niant le meurtre pour lequel il avait été condamné à mort en 1991. Etait-il innocent ? (« Combien d'innocents au goulag ? » sur divers bancs des mêmes groupes.)

M. François Goulard.

Vous n'êtes pas qualifié pour en parler !

M. le président.

Monsieur Goulard, je tiens à vous rappeler qu'ici, chacun est qualifié par le suffrage universel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Thierry Mariani.

Chacun ? Nous n'avons pas tous le même passé !

M. Bernard Accoyer.

Certains députés sont disqualifiés par l'histoire !

M. le président.

Vous avez la parole, monsieur Biessy.

M. Gilbert Biessy.

Combien, parmi les 3 669 autres personnes qui croupissent dans les couloirs de la mort, ont-elles été victimes de procès pour le moins expéditifs ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je pense particulièrement à Mumia Abu Jamal, journaliste noir dont le crime est d'avoir osé défendre les opprimés...

M. François Vannson.

Les communistes sont amnésiques !

M. Gilbert Biessy.

... et donc l'innocence est reconnue dans le monde entier.

(Exclamations et « Combien d'innocents au goulag ? » sur les mêmes bancs.)

D'ailleurs, mon collègue Jacques Brunhes, il y a quelques semaines, a déjà posé une question sur ce dossier.

Tout cela est inacceptable. Comment qualifier un pays qui prétend représenter le modèle mondial de la démocratie alors qu'il foule les droits humains les plus élémentaires ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Nous sommes de ceux qui veulent faire entendre la voix de la raison et la voix du coeur pour que cette barbarie aussi cruelle qu'inutile disparaisse de tous les coins de la planète. Il y a urgence à déclarer l'abolition de la peine de mort partout dans le monde. (« En Corée ? » sur les mêmes bancs.)

M. Christian Estrosi.

Même en Chine ?

M. Gilbert Biessy.

Monsieur le ministre, je vous demande d'interpeller le président américain, M. Bill Clinton, pour que le droit à la justice soit reconnu aux

Etats-Unis comme en France, et de prendre les initiatives nécessaires, au plan international, pour rompre avec l'élimination programmée d'hommes et de femmes au nom de la justice de certains pays, qui utilisent encore cette machine à tuer. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, pour une réponse rapide.

M. Bernard Accoyer.

Rafraîchissez-lui la mémoire, monsieur le ministre !

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Monsieur le député, condamné à mort en 1982 pour le meurtre d'un policier, Mumia Abu Jamal ne cesse, depuis, de clamer son innocence. Selon ses avocats, il aurait été victime de 29 violations de ses droits constitutionnels par la justice de Pennsylvanie.

Pour la première fois depuis le début de sa détention elle dure depuis dix-huit ans -, M. Abu Jamal va pouvoir bénéficier de l'examen de son cas par un juge fédéral non élu. Celui-ci, dans quelques jours, prendra sa décision quant au réexamen ou à la confirmation de la procédure dont M. Abu Jamal est actuellement l'objet. Il s'agit donc d'une période cruciale dans cette affaire, qui suscite émotion et réactions - je sais la mobilisation considérable à laquelle a donné lieu la dernière manifestation organisée à Paris, en particulier, il y a quelques semaines.

Le Gouvernement français n'a de cesse de relayer cette émotion auprès des autorités concernées. Hubert Védrine, le 20 octobre dernier, s'en est entretenu avec vous, ici même. Depuis, il a écrit à M. Thomas Ridge, gouverneur de Pennsylvanie, pour lui demander d'user de son droit de grâce, et l'avocat de Mumia Abu Jamal, M. Weinglass a été reçu par le directeur des Amériques, tout récemment, le 10 avril dernier.

La France, vous le savez, est attachée à la suppression définitive de la peine de mort. Elle milite en ce sens, avec ses partenaires européens, dans les enceintes internationales - j'ai eu l'occasion d'exprimer ce point de vue devant la commission des droits de l'homme des Nations unies, à Genève, il y a quelques semaines -, mais aussi au travers du dialogue avec les autres Etats, y compris les

Etats-Unis.

M. Thierry Mariani.

Et la Chine ?

M. Bernard Accoyer.

Et Cuba ?

M. Thierry Mariani.

Et le Vietnam ? M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Mais j'observe que la période est également importante car, pour la première fois, un vrai débat a lieu, aux Etats-Unis, autour de la peine de mort. L'Union européenne a pu ainsi se féliciter de la décision prise par le gouverneur de l'Illinois, il y a quelques semaines : il a adopté un moratoire sur l'ensemble des peines susceptibles d'être exécutées. Cela suscite un espoir pour tous ceux qui luttent contre la peine de mort. D'autre part, il est incontestable que l'implication de journaux aussi importants que le Chicago Tribune ou le New York Times...

M. Thierry Mariani.

Et l'Humanité alors ! (Sourires.)

M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

... en faveur de la suppression de la peine de mort est un signe d'espoir très fort pour ceux qui, comme vous et nous, luttent dans cette direction.

Croyez en tout cas que le Gouvernement français continuera le combat qu'il a engagé. C'est un beau combat.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Accoyer.

Et si on parlait des victimes ?...

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

RÉMUNÉRATION DU LIVRET A

M. le président.

La parole est à M. Bernard Charles.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

M. Bernard Charles.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en 1999, nous vivions une période historique de baisse de l'inflation et des taux d'intérêt ; le taux de rémunération des livrets A de la Caisse d'épargne avait donc été abaissé. Depuis lors, nous avons assisté à une remontée des taux et de l'inflation, tant aux Etats-Unis qu'en Europe. La Banque centrale européenne vient à nouveau d'augmenter de 0,5 % point son taux directeur, qui atteint désormais 4,5 %, contre 2,5 % en août 1999. Dès lors, les petits épargnants titulaires d'un livret A accusent un retard de deux points.

Ma question sera donc simple. Au vu de ces chiffres, le Gouvernement envisage-t-il d'augmenter prochainement le taux de rémunération du livret A ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député, c'est effectivement une question importante,...

M. Thierry Mariani.

Comme le prix de l'essence ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... qui concerne beaucoup de familles, puisque plus de 45 millions de Français ont leur livret.

M. Thierry Mariani.

Il y a encore plus de consommateurs ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous avez bien défini les termes du problème.

Actuellement, le livret A est rémunéré à 2,25 %.

M. Bernard Accoyer.

Une misère !

M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.

Jusqu'en 1997, sous la droite, c'était encore moins ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

En même temps, si l'inflation reste contenue, elle est de l'ordre de 1,2 ou 1,3 % sur une année. Et les taux à court terme, eux, ont augmenté.

Vous vous rappelez qu'en juin 1998, pour éviter l'arbitraire, le Gouvernement a décidé de mettre en place un nouveau système, aux termes duquel un comité indépendant, le comité consultatif des taux réglementés, émet un avis. Ensuite, il appartient au Gouvernement - en l'occurrence à moi-même - de prendre la décision et de fixer les taux, dans une fourchette comprise entre au moins 1 % de plus que l'inflation et 0,5 % de moins que le taux à 3 mois. Par rapport au taux de 2,25 %, il existe effectivement une marge de progression.

Néanmoins, nous devons faire attention, parce que, comme vous le savez, la rémunération du livret A a une contrepartie : c'est la ressource, notamment, à partir de laquelle le logement social est alimenté. Il serait peut-être possible de jouer sur la rémunération des circuits de collecte.

Bref, il faut faire en sorte de garantir le pouvoir d'achat des Français sans pénaliser le logement social.

Il se trouve que le comité consultatif des taux réglementés doit se réunir à la fin du mois de juin ou au début du mois de juillet. Nous en avons parlé avec M. le Premier ministre et M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement, qui sont, l'un et l'autre, directement concernés, et notre position, fondée sur un premier examen, est favorable.

Dès que le comité consultatif se sera réuni, en fonction de ce qu'il préconisera, nous nous servirons de la marge disponible pour revaloriser le livret A. Nous devrions donc être en mesure, dans les jours qui viennent, d'annoncer à la représentation nationale la bonne nouvelle : le livret A sera mieux rémunéré qu'il ne l'est.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Mes chers collègues, il m'a été rapporté que certains d'entre vous s'interrogeaient sur le maintien à la date initialement prévue de la réception dans l'hémicycle de M. Abdelaziz Bouteflika, président de la République algérienne démocratique et populaire.

Je dois donc vous confirmer que cette réception aura bien lieu demain, mercredi 14 juin, vers dix-sept heures, et que nous devrions reprendre la séance aux alentours de dix-huit heures trente.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Patrick Ollier.)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2 CHASSE Discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministe la lettre suivante :

« Paris, le 30 mai 2000

« Monsieur le président,

« J'ai été informé que la commission mixte paritaire n'a pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la chasse.

« J'ai l'honneur de vous faire connaître que le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture du texte que je vous ai transmis le 25 mai 2000.

« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de ce projet de loi (nos 2427, 2459).

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, nous examinons ce texte sur la chasse en nouvelle lecture, après en avoir longuement débattu devant votre assemblée et devant le Sénat en première lecture. Je ne vais donc pas vous refaire l'exposé détaillé auquel il a été procédé à l'occasion de vos travaux précédents. Je voudrais simplement insister, pour introduire notre débat général, sur les points principaux qui me semblent devoir être réglés par votre assemblée à l'occasion de ce nouvel examen du projet de loi relatif à la chasse.

Le Gouvernement vous a présenté en première lecture un projet qui avait l'ambition de répondre à l'ensemble des questions auxquelles le monde de la chasse est aujourd'hui confronté. Ce projet représentait un compromis équilibré entre les préoccupations des chasseurs et celles du reste de la société. Je voudrais vous inviter à ne pas perdre de vue les objectifs que nous devons atteindre au travers de ce texte de loi sur la chasse.

La loi que vous adopterez doit constituer un compromis acceptable par toute la société française. Il ne s'agit pas de consacrer par une loi la victoire d'un camp sur un autre, car celle-ci ne serait qu'illusoire et très temporaire.

Les préoccupations des chasseurs comme celles des nonchasseurs doivent être prises en compte avec la même attention.

Le texte que vous adopterez doit être compatible avec le droit communautaire, faute de quoi, là encore, nous ne pourrions pas croire très longtemps avoir apporté une solution aux problèmes qui sont en cause. S'il faut transposer la directive de 1979 dans notre droit interne et en respecter, enfin, les principes, c'est parce que ceux-ci sont de bon sens. En adoptant la directive de 1979, les ministres et le Parlement européen ont pris les dispositions nécessaires à la gestion durable d'espèces qui constituent un patrimoine commun des Européens.

Enfin, le texte que vous adopterez doit se fixer pour ambition d'apporter une solution à l'ensemble des problèmes auxquels le monde de la chasse est confronté depuis déjà de nombreuses années, et d'y apporter une solution si possible durable.

C'est dans ce sens que le Gouvernement a travaillé et préparé le projet que vous avez examiné en première lecture. Ce projet, vous l'avez amendé sur un certain nombre de points, parfois avec l'accord du Gouvernement, parfois contre son avis. J'ai considéré, à l'issue de vos travaux en première lecture, que nous étions parvenus à un compromis acceptable qui pouvait constituer la base d'un règlement durable des conflits liés à la pratique de la chasse dans notre pays. Ce texte a été profondément modifié par les sénateurs. Le projet de loi qui revient devant vous aujourd'hui est à mes yeux très déséquilibré et, de ce fait, incapable de répondre aux objectifs que je viens de rappeler.

Il est inacceptable socialement, parce qu'il fait droit de façon trop exagérée aux exigences non pas de la majorité des chasseurs, mais d'une minorité d'entre eux, qui considèrent que la satisfaction de leur passion, pour reprendre le mot toujours utilisé, l'emporte sur toute autre considération.

Il est inacceptable au regard de la réglementation communautaire. Les sénateurs ont choisi de réintroduire dans la loi des dates de chasse aux gibiers d'eau et aux oiseaux migrateurs qui ne sont pas compatibles avec la directive de 1979.

Pour toutes ces raisons, ce texte ne constitue pas une réponse aux problèmes que nous devons régler. C'est sans doute pour cela et parce que le projet de l'Assemblée nationale a été aussi profondément modifié, au mépris de la prise en compte de toutes les préoccupations des nonchasseurs, que la commission mixte paritaire a échoué.

Je souhaite qu'à l'issue de ce nouvel examen, vous choisissiez de revenir à l'équilibre initial du texte que vous avez adopté en première lecture, que vous réaffirmiez les principes sur lesquels nous nous sommes alors appuyés pour parvenir à un accord. Quelles sont ces principes ? Le premier, c'est que la loi relative à la chasse doit créer des conditions d'un accès partagé et harmonieux aux espaces naturels et ruraux entre les chasseurs et les autres usagers de la nature. A ceux qui mettent en avant, pour s'opposer à cet objectif, le respect du droit de propriété, je rappellerai d'abord qu'on ne peut pas à la fois invoquer le droit de propriété pour refuser toute limitation à l'exercice du droit de chasse et défendre dans le même temps la loi Verdeille et les ACCA, qui constituent bien, elles aussi, une limitation au droit de propriété et au droit de chasse qui lui est attaché.

Pour autant, je ne méconnais pas le droit de propriété qui est garanti par nos textes fondamentaux, mais je demande simplement que l'évolution de notre société, les attentes des citoyens, les conditions du partage de l'espace soient prises en compte aussi dans le domaine de la chasse. Le Conseil constitutionnel, s'il est saisi, aura d'ailleurs l'occasion de se prononcer sur la légitimité de ces dispositions.

Concrètement, cette préoccupation doit se traduire dans la loi par un certain nombre de dispositions. C'est d'abord la transformation de l'Office national de la chasse en office national de la chasse et de la faune sauvage. Audelà des mots, il s'agit de consacrer l'évolution souhaitée par la majorité des chasseurs consistant à reconnaître le rôle de la chasse, si elle est raisonnée, dans la gestion des espaces naturels et de la faune sauvage. Pour que cela ne reste pas que des mots, il faut naturellement en accepter les conséquences. L'une d'entre elles, c'est nécessairement l'ouverture du conseil d'administration de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage à d'autres usagers de la nature qui, eux aussi, participent à cette gestion.

Une autre disposition manifestant cette volonté de dialogue entre les chasseurs et le reste de la société est l'instauration du jour sans chasse. En effet, à mes yeux, l'inst auration d'un jour sans chasse n'est pas justifiée principalement ou exclusivement par des préoccupations de sécurité. Il s'agit, au travers de cette disposition, d'afficher la volonté du monde de la chasse de s'adresser au reste de la société pour lui dire qu'il est prêt à prendre des mesures nécessaires pour que la pratique de la chasse se déroule dans le respect des préoccupations des autres usagers de la nature. L'Assemblée nationale a trouvé en première lecture une formule qui me semble tout à fait juste et je souhaite que l'on y revienne, à l'exclusion de toute disposition tendant à vider cette mesure de son sens.

Cette volonté de partage de l'usage des espaces naturels et ruraux doit se traduire aussi dans la redéfinition du rôle des fédérations de chasseurs. Sur ce point également, les termes du projet adopté en première lecture par votre assemblée me paraissaient satisfaisants. Ceux qui ont été adoptés par le Sénat me paraissent en revanche dangereux. Ils tendent à transformer les fédérations de chasseurs en syndicats de défense des intérêts des chasseurs, ce


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qu'elles ne peuvent être en aucun cas. Les fédérations ont pour objet principal la gestion du patrimoine cynégétique, elles ne doivent pas s'en écarter ! Le deuxième grand objectif auquel nous devons parvenir, c'est la modernisation de notre droit de la chasse afin de le rendre compatible avec la réglementation européenne. Vous savez tous de quoi il s'agit. En premier lieu, ce qui est en cause, c'est la définition des périodes d'ouverture de la chasse aux gibiers d'eau et aux oiseaux migrateurs. Je crois que nous avons suffisamment débattu cette question pour considérer que les périodes de chasse n'ont pas à figurer dans la loi elle-même et que celle-ci doit s'en tenir à la définition des principes qui encadrent ces périodes d'ouverture et de fermeture de la chasse.

L'arrêt rendu par le Conseil d'Etat la semaine dernière devrait convaincre ceux qui en doutaient encore que toute tentative de faire figurer dans la loi des dispositions contraires à la directive est vouée à l'échec. Les principes définis par la directive de 1979 ont été heureusement repris dans les termes du texte adopté par votre assemblée en première lecture.

A partir du moment où vous confiez au pouvoir réglementaire le soin de définir les périodes de chasse, dans le respect des principes posés par le législateur, il est normal que vous souhaitiez en savoir un peu plus sur les décisions qui seront prises dans ce cadre par le Gouvernement. C'est pourquoi je vous ai communiqué le projet de décret préparé par mes services. Ce projet de décret reprend le principe général mis en avant tant par le rapport Patriat que par les scientifiques. La chasse aux oiseaux migrateurs et aux gibiers d'eau sera ouverte en règle générale du 1er septembre au 31 janvier. Les exceptions à ce principe doivent être appuyées sur des analyses scientifiques incontestables.

Nous disposons de ce point de vue d'un ensemble très complet d'études réalisées par le professeur Lefeuvre, travaillant avec une commission de scientifiques reconnus, qui a étudié de façon détaillée les périodes de nidificat ion et de reproduction, ainsi que celles de retour vers le lieu de nidification, des principales espèces chassables.

Par ailleurs, j'ai demandé au Muséum national d'histoire naturelle, à l'INRA, à l'Office national de la chasse et au CNRS de désigner des chercheurs particulièrement compétent pour compléter l'approche espèce par espèce, conduite par le professeur Lefeuvre, par une approche par groupe d'espèces. Je tiens également à votre disposition le résultat de leurs travaux. Ils nous permettent de déterminer des dates d'ouverture et de fermeture sur le domaine public maritime qui peuvent aller au-delà du 1er septembre et du 31 janvier pour certaines espèces. Dans ce cas, la chasse pourra être pratiquée du 10 août au 10 février. Il s'agit non pas de dérogations à la directive, mais de dates fixées dans le respect des principes qu'elle pose.

Des dérogations sont prévues, en revanche, pour la chasse au pigeon ramier et à la grive, afin de porter la date de clôture de la chasse au 20 février dans le cadre de l'article 9 de la directive de 1979. Il s'agit donc bien, dans ce cas, de dérogations qui devront être justifiées auprès de la Commission, notamment en définissant les conditions dans lesquelles cette chasse plus tardive sera pratiquée. J'indique que, par ailleurs, des dates d'ouverture plus tardive de la chasse aux canards, aux rallidés et aux foulques seront fixées dans les grandes régions de nidification. Enfin, ce décret prévoit la possibilité d'un moratoire sur la chasse des espèces en mauvais état de conservation. Tel est le dispositif que je vous propose quant à la chasse aux gibiers d'eau et aux oiseaux migrateurs.

S'agissant de la chasse de nuit, vous le savez, je n'ai pas pu donner mon accord à la solution adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture. J'ai proposé une solution expérimentale et progressive pour sortir de la situation d'interdiction de la pratique de la chasse de nuit dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, alors que vous avez souhaité légaliser purement et simplement cette pratique dans vingt départements, tout en conservant les conditions d'encadrement de la chasse de nuit souhaitées par le Gouvernement. Mon devoir est de vous dire que cela fragilise le texte et peut être source de contentieux avec l'Union européenne. Aller au-delà de ce que vous avez adopté en première lecture, notamment en ajoutant des départements à la liste sur laquelle vous vous étiez accordés à ce moment-là, me paraît devoir être évité. Cela constituerait un élément de fragilité supplémentaire. Je vous rappelle que cette liste avait été établie sur la base du rapport de François Patriat qui avait considéré, après un travail approfondi, que cette pratique de chasse de nuit pouvait être considérée comme traditionnelle dans ces seuls départements.

Je me dois de faire la même remarque s'agissant de la chasse à la passée. Vous avez souhaité porter de une heure à deux heures, avant et après le coucher du soleil, la durée pendant laquelle cette pratique était possible.

M. Denoix de Saint Marc, qui est à la fois président de l'Office national de la chasse et éminent juriste, a indiqué à la commission des affaires économiques du Sénat qu'il voyait dans cette disposition également une source de contentieux avec l'Union européenne.

S'agissant enfin des adaptations qu'il convient d'apporter à la loi Verdeille après la décision de la Cour européenne des droits de l'homme, je crois que la sagesse doit l'emporter. Le droit de non-chasse ou le droit d'objection cynégétique doit être reconnu et il doit l'être sans restriction. Toute disposition qui viendrait en rendre l'exercice difficile, voire impossible, risquerait de nous ramener à la situation précédente. Là encore, nous avions trouvé un compromis entre les exigences de la préservation des libertés fondamentales et celles qui tiennent à la préservation des ACCA, compte tenu de leur rôle dans la gestion cynégétique. Il faut s'en tenir à cet accord.

Enfin, et ce n'est pas le moindre des objectifs que nous poursuivons, il faut clarifier les rôles en matière d'organisation du monde de la chasse. Les missions de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, d'un côté, celle des fédérations de chasseurs, de l'autre, doivent être définies avec précision.

A l'Office national de la chasse et de la faune sauvage de réaliser des études, de constituer l'expertise, de mettre à disposition l'appui technique qui permettra de renforcer la préservation et le développement de la faune sauvage.

A lui également de mettre en place les formations nécessaires et de délivrer le permis de chasser. A lui enfin, et à lui seul, d'exercer la police de la chasse.

Aux fédérations de travailler sur le terrain à la mise en valeur du patrimoine cynégétique, d'élaborer et de proposer à l'autorité administrative des schémas de gestion cynégétique qui contribueront à cette mise en valeur. A elles enfin de financer et d'organiser l'indemnisation des dégâts de gibier, puisque telle est la décision que vous avez prise.

Le rôle des fédérations est donc très important. Mais en aucun cas elles ne doivent être considérées ou instituées comme des syndicats de chasseurs. Trop souvent déjà, certaines confondent les genres. J'ai l'exemple tout récent d'une fédération de chasseurs qui envoie à ses


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

adhérents, en même temps que des documents d'information, des bulletins d'adhésion à Chasse, pêche, nature et traditions.

M. Yves Cochet.

Scandaleux ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

La Cour des comptes a pu relever, pour sa part, des pratiques financières inacceptables, étrangères à la vocation des fédérations de chasseurs. Il faut mettre fin à cette confusion des genres.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Très bien ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Si les fédérations de chasseurs étaient des syndicats, elles ne pourraient en aucun cas bénéficier en même temps d'une adhésion obligatoire des chasseurs.

Les syndicats, en France, doivent convaincre et démontrer leur efficacité pour conserver leurs adhérents ou en recruter de nouveaux. Ce n'est pas la loi qui les leur apporte de façon obligatoire. Les fédérations de chasseurs ne sauraient, de ce point de vue, bénéficier d'un quelconque statut dérogatoire. Si elles bénéficient de la clause d'adhésion obligatoire, c'est qu'elles sont investies de missions de service public, dont la préservation du patrimoine cynégétique ou l'indemnisation des dégâts de gibier font partie. La contrepartie de cette prérogative importante doit être à la fois un strict respect de leurs missions et un contrôle public fort de leurs activités et de leur financement. De ce point de vue, je souhaite que l'Assemblée rétablisse les dispositions relatives au contrôle des fédérations qui ont été supprimées par le Sénat.

Enfin, la clarification des rôles impose celle des circuits financiers. Le partage dans ce domaine devrait être finalement très simple : les fédérations de chasseurs seront financées par les cotisations obligatoires de leurs adhérents, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage sera financé par des redevances cynégétiques.

T elles sont mesdames, messieurs les députés, les grandes orientations que je défendrai devant vous dans la suite de nos débats. Elles ne peuvent vous surprendre : le Gouvernement a, sur ce dossier, des principes qu'il n'a pas souhaité modifier tout au long du débat parlementaire. J'ai constaté avec satisfaction, lors de la première lecture à l'Assemblée nationale, que vous aviez, pour l'essentiel, accepté les orientations générales qui vous étaient proposées par le Gouvernement. Je reste persuadée que nous pourrons les maintenir à l'occasion de cette nouvelle lecture.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, mes chers collègues, pourquoi nous faut-il terminer ce débat avant la fin de la session ? Comment faut-il le faire ? Dans quel état d'esprit, dans quel intérêt ? Dans quelques semaines, quelques jours même, la France prendra la présidence de la Communauté européenne. Elle se doit, ce jour-là, de n'être pas en défaut par rapport aux autres pays et par rapport à ses propres règles, pour pouvoir intervenir efficacement dans d'autres domaines que la chasse, sur des sujets bien plus importants, même s'ils sont peut-être moins sensibles, moins

« bruyants » aussi. Sur ce dossier-là, la Commission, l'Europe nous regarde, nous attend et entend que nous ayons mis notre droit en conformité avec la législation européenne.

Dans deux mois, c'est l'ouverture de la chasse. Qu'attendent les chasseurs ? De pouvoir chasser dans la tranquillité, dans la sérénité, sans être montrés du doigt.

M. René André.

Vous n'y contribuez pas !

M. Marc Laffineur.

C'est pourtant tout ce qu'ils demandent !

M. François Patriat, rapporteur.

De pouvoir chasser un temps raisonnable, dans des conditions acceptables, sans que soient remis en cause en permanence leur légitimité...

M. René André.

Qui la remet en cause ?

M. Charles de Courson.

Qui revient sur la loi en vigueur ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Le Conseil d'Etat, monsieur de Courson.

M. François Patriat, rapporteur.

... et l'exercice d'un sport qui, par ailleurs, ne laisse personne indifférent.

Au début de mon propos, je voudrais rappeler deux faits récents qui montrent que, souvent, on ment aux chasseurs, on leur dit des contrevérités pour leur épargner de devoir affronter l'essentiel.

La semaine dernière, le Conseil d'Etat, confirmant de nouveau son avis, a réitéré l'affirmation que les dates indiquées dans les lois de 1994 et de 1998 étaient incompatibles avec l'interprétation de la directive européenne faite par la Cour de justice en janvier 1994. Par là même, la Cour a déclaré illégale la loi française...

M. Charles de Courson.

Dont Mme Voynet n'avait pas saisi la Commission !

M. René André.

Elle n'a pas fait son travail !

M. François Patriat, rapporteur.

... introduisant dans notre droit des dates maximales que ne justifiaient ni la tradition ni les textes antérieurs.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collègues, laissez s'exprimer

M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

Je vous promets, moi, de ne pas vous interrompre et je souhaite que nous puissions commencer ce débat autrement que dans le brouhaha et dans l'invective.

M. René André.

Vous nous emmenez là où nous ne voulons pas aller !

M. François Patriat, rapporteur.

La semaine dernière également, les commissaires et les responsables de la Commission ont fait savoir à beaucoup d'entre nous que le compromis que nous avions obtenu, en première lecture à l'Assemblée nationale, sur les dates que nous avions proposées, était compatible avec l'interprétation de la directive et était de nature, sous réserve que nous poursuivions notre discussion sur la chasse de nuit, à mettre fin à l'astreinte pesant sur la France, et par là même sur l'avenir de la chasse.

M. René André.

Une astreinte qui n'est pas appliquée !

M. François Patriat, rapporteur.

Comment pouvez-vous dire, cher collègue de la Manche, que les sanctions ne sont pas appliquées, alors que l'arrêt « ortolans » a été


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appliqué immédiatement et que la France a été condamnée à 700 000 francs d'astreinte ? Pourquoi proférez-vous cette contrevérité ?

M. René André.

Ce n'est pas une contrevérité !

M. François Patriat, rapporteur.

Ce compromis, bien que conforme à l'intérêt général et au nécessaire équi libre entre les parties, n'avait pas, j'en conviens, recueilli l'assentiment général.

M. Jean-Claude Lemoine.

C'est le moins qu'on puisse dire !

M. François Patriat, rapporteur.

Personne n'était totalement satisfait du vote en première lecture, mais tout le monde comprenait qu'il fallait avancer de part et d'autre et que ces avancées étaient de nature à instaurer une paix durable. Dans ce contexte, les chasseurs avaient compris que leurs structures étaient confortées, que les rôles étaient clairement répartis entre l'ONC et les fédérations, que les périodes de chasse étaient, dans la plupart des cas, d'une amplitude raisonnable, bref que, pour l'essentiel, leurs acquis étaient sauvegardés. De l'autre côté, non seulement les opposants ou les objecteurs, mais tous ceux qui utilisent la nature avaient admis que la chasse n'était pas illégitime et compris en même temps que des gestes importants avaient été faits en leur faveur, en faveur des citoyens que la chasse laisse indifférents ou qui se sentent très peu concernés.

Cet équilibre a-t-il été préservé au Sénat ? Je pense que le Sénat, en voulant faire plaisir à tous les chasseurs, y compris les plus extrêmes, et en cédant à toutes leurs revendications, a créé dans l'opinion française un phénomène de stupéfaction, voire de rejet, en tout cas d'incrédulité.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Auclair.

C'est à vous que vous faites plaisir !

M. François Patriat, rapporteur.

Voulez-vous des exemples ? Le Sénat, mes chers collègues, a cédé sur plus de dix points importants mais, pour alléger mon propos, je m'en tiendrai à cinq.

M. Jean-Claude Lemoine.

C'est cinq ou dix ? Il faut savoir.

M. Charles de Courson.

Pas plus de cinq !

M. François Patriat, rapporteur.

C'est quinze en réalité.

J'en ai dressé la liste et je la tiens à votre disposition.

En supprimant le jour de non-chasse, croyez-vous que le Sénat ait fait un geste envers la société ? (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Claude Lemoine.

Le jour de non-chasse, les chasseurs l'organisent eux-mêmes !

M. François Patriat, rapporteur.

En généralisant la chasse de nuit dans trente et un départements, le Sénat a ajouté à la liste onze départements où elle n'existe même pas ou de façon épiphénoménale.

M. Hervé Morin et M. Charles de Courson.

C'est faux !

M. François Patriat, rapporteur.

En introduisant dans la loi des dates échelonnées, condamnées à plusieurs reprises par le Conseil d'Etat, croyez-vous que le Sénat ait pris une position sérieuse ? Plus grave, en supprimant le gel des installations, il a pris le risque de stériliser le milieu par la multiplication des zones de chasse diurne et nocturne et les prélèvements excessifs contraires à l'intérêt général, à l'inté rêt de la faune et à l'intérêt des chasseurs.

M. Jean-Claude Lemoine.

Mais non ! Vous ne connaissez rien à la chasse !

M. Eric Doligé.

Rien de rien !

M. François Patriat, rapporteur.

Monsieur Lemoine, au cours de cette seule année, j'ai appris beaucoup plus que vous pendant tant d'années où vous n'avez peut-être même pas chassé ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Très bien !

M. Serge Poignant.

C'est du dédain !

M. François Patriat, rapporteur.

Ce n'est pas du dédain : c'est juste le fruit de ma petite expérience !

M. Jean-Claude Lemoine.

Alors, c'est du mépris !

M. François Patriat, rapporteur.

Encore moins du mépris : ce n'est pas mon style !

M. le président.

Monsieur Patriat, évitez de dialoguer avec vos collègues !

M. François Patriat, rapporteur.

Alors, qu'ils évitent de m'interrompre, monsieur le président ! Le Sénat n'est-il pas allé jusqu'à rétablir une police fédérale de la chasse, rallumant ainsi la guerre entre la police de l'Etat et celle des fédérations ? N'est-il pas allé, exemple plus criant encore, jusqu'à rétablir la chasse aux espèces protégées ?

M. Yves Cochet.

C'est scandaleux !

M. Jean Auclair.

Les cormorans sont les pires prédateurs !

Mme Christine Boutin.

On ne sait plus quoi faire !

M. René André.

C'est un problème très grave !

M. François Patriat, rapporteur.

Voilà encore une décision qui a laissé les Français incrédules devant une telle démagogie (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), à laquelle, à aucun moment les membres de la Haute Assemblée ne se sont opposés.

Compte tenu des positions qu'ils avaient prises, j'ai dit aux sénateurs, en arrivant à la commission mixte paritaire : « je vois dans votre texte plus de vingt gestes en faveur des chasseurs, et souvent des chasseurs les plus extrêmes. Quels gestes avez-vous faits en faveur des nonchasseurs, en faveur de ceux que la chasse ne concerne pas, en faveur des promeneurs ? »

M. René André.

Ce n'est pas comme ça qu'il faut poser le problème !

M. Jean Auclair.

C'est une loi pour les chasseurs ! Faites-en une autre pour les non-chasseurs !

M. François Patriat, rapporteur.

L'un d'entre vous m'a répondu comme aujourd'hui : « Nous faisons une loi pour les chasseurs ! » Alors, j'ai tout compris ! Mais moi, je suis convaincu qu'il y a dans cette assemblée une majorité raisonnable pour penser que nous faisons une loi


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pour la France et non pour les chasseurs.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité, à l'Assemblée nationale, revenir à un compromis d'équilibre garantissant par là même l'intérêt général. La pire des choses, mes chers collègues, serait de croire qu'en acceptant des amendements qui déséquilibreraient le texte...

M. Jean-Claude Lemoine.

Selon vous !

M. François Patriat, rapporteur.

... vous arriveriez à sauver la chasse. En rétablissant des dates dans la loi, en supprimant le jour de non-chasse, en rallumant la guerre entre les fédérations et l'ONC,...

M. Jean-Claude Lemoine.

C'est vous qui l'avez allumée !

M. François Patriat, rapporteur.

... vous provoqueriez de multiples contentieux. Car figurez-vous que fixer les dates dans la loi n'éliminerait pas les contentieux, contrairement à ce que j'ai entendu dire !

M. Charles de Courson.

Pas plus que dans le décret !

M. François Patriat, rapporteur.

Vous avez raison. Mais le Conseil d'Etat considère que le décret fixe un cadre général qui peut au moins être modifié en fonction des besoins.

M. Hervé Morin.

Ce n'est pas le Conseil d'Etat qui fait la loi !

M. François Patriat, rapporteur.

Imaginez un instant que la loi ne soit pas votée, pour des raisons politiciennes que je comprends bien sur vos bancs.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Qu'arriverait-il ? Si la loi n'était pas votée, ceux que vous croyez défendre seraient terriblement marris. Car, sans la loi, la chasse de nuit n'existe plus, la chasse à la passée n'existe plus, la chasse n'est plus ouverte que du 1er septembre au 31 janvier ! Croyez-vous qu'en faisant échec au texte, vous serviriez le monde de la chasse ? Bien sûr que non ! C'est la raison pour laquelle la commission est revenue sur l'ensemble des positions extrêmes prises par le Sénat à la demande des chasseurs. Elle a notamment rétabli la séparation entre l'ONC et les fédérations. Je ne crois pas qu'il faille maintenir un climat de guerre entre ces structures.

M. René André.

C'est vous qui le créez !

M. François Patriat, rapporteur.

Il faut assurer leur coopération. Il faut trouver dans le décret des dates eurocompatibles aujourd'hui. Il faut que le texte de loi soit compatible avec l'attente sociétale. Il faut qu'il soit durable.

Je vous entends parler des dates, je vous entends parler de la chasse de nuit, je ne vous entends jamais vraiment parler, pas même dans les interviews que vous donnez à la presse, de la gestion cynégétique, du renouvellement des espèces.

(Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. René André.

Vous vous moquez du monde !

Mme Christine Boutin et M. Serge Poignant.

Provocateur !

M. le président.

Chers collègues, un peu de calme ! Laissez conclure M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

Revenant sur la plupart des amendements du Sénat, la commission a rétabli la directive européenne sur la chasse qui doit, comme les autres, être transposée au droit français.

Je vais maintenant conclure, mais laissez-moi vous dire auparavant que les deux griefs que vous faites à Mme la ministre sont totalement infondés.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Vous lui reprochez d'abord de n'avoir pas négocié les dérogations et d'être ainsi responsable des désagréments subis par les chasseurs. La vérité n'est-elle pas tout simplement que, n'ayant pas transposé la directive, il nous était impossible de demander des dérogations ? Comment peut-on changer les roues tant qu'on n'a pas acheté la voiture ? (« Oh ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jean-Paul Charié.

Avec un peu d'imagination, on y arrive ! (Sourires.)

M. le président.

Votre temps de parole est écoulé, monsieur le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

Je termine, monsieur le président.

En second lieu, vous nous avez reproché, à nous et à Mme Voynet, de ne pas vouloir généraliser sur l'ensemble du territoire un certain nombre de pratiques. Or ces pratiques seraient de toute façon rejetées par la société.

En conclusion, je vous invite, mes chers collègues, à revenir au texte de l'Assemblée, qui était le fruit d'un réel compromis...

M. Jean-Claude Lemoine.

Non !

M. François Patriat, rapporteur.

... et qui permettait donc de ne satisfaire personne mais de contenter tout le monde.

M. Jean Auclair.

Sauf les chasseurs !

M. François Patriat, rapporteur.

C'est ce texte qui permettra demain aux chasseurs d'obtenir une date d'ouverture raisonnable, début août, avec, comme l'a précisé Mme la ministre, des dérogations pour les migrateurs terrestres comme la grive et la bécasse, ainsi que pour les palombes. Car je suis allé dans des départements difficiles comme l'Ardèche, où j'ai entendu le message que l'on m'a transmis.

Le texte amendé par la commission est de nature à apaiser les conflits. Je fais donc appel à votre sens de la responsabilité pour comprendre que ce n'est pas seulement une partie de cet hémicycle mais l'Assemblée tout entière qui a intérêt à le voter, car il répond à l'inté rêt des chasseurs, à l'intérêt général, à l'intérêt de la France.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Charles de Courson, pour une durée qui, je le rappelle, ne peut excéder trente minutes.

M. Charles de Courson.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors qu'en première lecture l'opposition nationale n'avait pas déposé de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

motions de procédure, espérant qu'une solution raisonnable pourrait être trouvée, le groupe UDF a décidé, en nouvelle lecture, de défendre une exception d'irrecevabilité. En effet, après l'échec, voulu par le rapporteur mais aussi par le Gouvernement, de la commission mixte paritaire, après la volonté manifestée en commission par le rapporteur de revenir, pour l'essentiel, au texte adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, il est de notre devoir d'appeler l'attention de la représentation nationale sur les graves risques pris par le rapporteur et par le Gouvernement au regard des principes fondamentaux inscrits dans notre Constitution. En synthétisant - puisque je ne dispose que de trente minutes -, on peut relever des atteintes claires, répétées et graves à trois principes fondamentaux fermement établis par la jurisprudence du Conseil constitutionnel : le droit de propriété ; le droit d'association, et en particulier la liberté d'association ; le principe d'égalité.

Monsieur le rapporteur, le texte que vous proposez à l'issue de nos travaux en commission est contraire au moins sur quatre points au droit de propriété, droit inaliénable et sacré aux termes de la Constitution de 1958 et de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

En premier lieu, vous entendez promouvoir une chasse qui - écoutez bien, mes chers collègues - « s'exerce dans des conditions compatibles avec les usages non appropriatifs de la nature dans le respect du droit de propriété ».

M. François Patriat, rapporteur.

Exactement !

M. Charles de Courson.

On ne peut que s'interroger devant l'impressionnante opacité de la formule, quis emble vouloir rendre compatibles deux éléments incompatibles.

Plus fondamentalement, vous commettez une erreur grave en distinguant les usages appropriatifs de la nature qui seraient contraires au droit de propriété de ceux qui ne sont pas appropriatifs et qui, eux, seraient compatibles avec le droit de propriété.

Je reprends l'un des deux exemples que vous avez cités en commission.

Croire qu'une balade dans une forêt est un usage non appropriatif est une erreur grave, car la promenade est l'une des formes d'exercice du droit de propriété, monsieur le rapporteur.

M. Maurice Leroy.

Bien sûr !

M. Charles de Courson.

Cela relève du droit d'user de la chose. Il s'agit de l' usus, selon le code civil l'un des trois attributs du droit de propriété qui comprend aussi le fructus, l' usus et l' abusus. Il permet notamment de se promener dans sa propriété. Par conséquent, quand vous nous expliquez, mon cher collègue, qu'il est tout à fait compatible avec le droit de propriété de se balader dans la propriété de quiconque, vous commettez une grave erreur.

Mme Christine Boutin.

Bien sûr !

M. Charles de Courson.

Au regard des principes constitutionnels il n'y a pas de distinction entre les usages appropriatifs de la nature...

M. Maurice Leroy.

Bien sûr !

M. Charles de Courson.

... et ceux que vous qualifiez, à tort, de non appropriatifs de la nature.

Mme Christine Boutin.

Très bien !

M. Jean-François Chossy.

Très bien expliqué !

M. Charles de Courson.

Le second exemple que vous avez cité est celui du droit de photographier. Or je vous rappelle que l'on ne peut pas photographier et publier la photo...

M. François Patriat, rapporteur.

D'une perdrix ? Elle n'appartient à personne !

M. Charles de Courson.

... de votre maison sans votre autorisation. Cela s'appelle le droit à l'image qui est l'un des éléments constitutifs des libertés publiques.

M. François Patriat, rapporteur.

Et un chevreuil, à qui appartient-il ?

M. Charles de Courson.

Vous aurez d'ailleurs bien du mal à nous donner la liste que je vous ai demandée, mais que j'attends toujours, monsieur le rapporteur, des usages non appropriatifs de la nature et de démontrer leur compatibilité avec le droit de propriété qui s'exerce sur la totalité des parcelles constituant le territoire national.

Il semble d'ailleurs que certains de nos collègues aient oublié que la totalité du territoire métropolitain est appropriée. Ainsi, il n'existe pas une seule parcelle du territoire de la République qui n'ait pas de propriétaire. Le droit français a même prévu qu'un bien vacant devient propriété de l'Etat à l'issue d'une procédure permettant de l'intégrer au patrimoine privé de l'Etat.

M. Hervé Morin.

Tout à fait !

M. Charles de Courson.

Le droit de propriété participe d'ailleurs à la valorisation de notre patrimoine national.

Sa remise en cause par le texte actuel nous paraît donc particulièrement dangereuse et anticonstitutionnelle.

Abandonnons aussi ces idées que je qualifie de primitives selon lesquelles le droit de propriété est attentatoire à la protection de la faune sauvage.

Mme Christine Boutin.

C'est l'inverse !

M. Charles de Courson.

Absolument ! En effet, mes chers collègues, que deviendrait la faune sauvage française s'il n'y avait pas des chasseurs, des associations, des sociétés de chasse et des fédérations qui s'en occupent ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je ne suis pas un élu des villes, mais un élu des zones rurales où j'ai passé toute mon enfance et mon adolescence.

M. François Patriat, rapporteur, et

M. Pierre Ducout.

Nous aussi !

M. Charles de Courson.

Qui va nourrir, l'hiver, les animaux quand il y a de la neige ? En tout cas, ce ne sont pas...

M. Marc Laffineur.

Les écologistes !

M. Charles de Courson.

... ceux qui prétendent défendre la faune sauvage.

(« Très bien ! » sur les les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Qui protège les oiseaux migrateurs en période hivernale quand il gèle ?

M. François Patriat, rapporteur.

Les tireurs de passereaux sans doute ?

M. Charles de Courson.

Qui va casser la glace pour leur permettre d'atterrir et de boire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

Pour ceux qui ne le savent pas, mes chers collègues, j'indique que, dans mon enfance, on installait des bottes de paille pour éviter que la glace ne prenne.

M. Marc Laffineur.

Exact !

M. Charles de Courson.

Ceux qui aiment les oiseaux migrateurs le savent, et ils tournent toute la nuit pour éviter la reprise de la glace.

M. Jean Auclair.

Mme Voynet ne le sait pas !

M. Charles de Courson.

Cet aspect des choses semble avoir échappé au Gouvernement. Cela ne m'étonne qu'à moitié de la part de Mme Voynet ; je devrais même dire au quart. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

En réalité c'est grâce au droit de propriété exercé par les chasseurs que l'on a pu protéger la faune sauvage dans ce pays.

Mme Christine Boutin.

Très juste ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Vous êtes en train de me confondre avec Rosa Luxemburg !

M. Charles de Courson.

Ceux qui veulent détruire et socialiser - comme on disait autrefois à gauche - le droit de propriété se trompent fondamentalement. D'ailleurs, nos collègues communistes qui avaient autrefois de telles idées en matière de chasse sont revenus à une position pleine de sagesse.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. François Rochebloine.

Ah !

M. Charles de Courson.

Ils savent bien que c'est à travers les fédérations, les sociétés de chasse, les ACCA que l'on arrive à protéger la faune.

M. François Vannson.

Cela démocratise la chasse !

M. Charles de Courson.

Le second exemple de nonrespect du droit de propriété que je veux évoquer est l'obligation d'étendre à l'ensemble des terres qu'elle détient sur le territoire national le droit de non-chasse qu'une personne souhaite mettre en oeuvre.

Sur ce sujet nous avons eu de longs débats. Aux deux extrêmes figuraient, d'une part, la position déraisonnable d u Gouvernement qui voulait limiter à une seule commune l'extension de l'exercice du droit de nonchasse, c'est-à-dire que quelqu'un qui aurait possédé des propriétés sur dix communes aurait pu l'exercer dans une seule et non dans les autres, mêmes limitrophes ; d'autre part, celle du rapporteur qui, au vu des critiques formulées par l'opposition, a bien compris que cette position était indéfendable, mais qui est tombé dans un excès inverse en proposant la généralisation nationale de ce choix.

M. François Patriat, rapporteur.

Bien sûr ! Cela est tout à fait légitime !

M. Charles de Courson.

Ainsi le propriétaire qui déciderait d'exercer son droit de non-chasse dans une commune devrait le faire jouer pour toutes les propriétés qu'il possède sur le territoire national.

M. Pierre Ducout.

Pourquoi pas ?

M. Charles de Courson.

Par exemple, si notre rapporteur était propriétaire d'une petite parcelle en Saône-etLoire ou dans son département...

M. François Patriat, rapporteur.

Oh, je ne suis propriétaire de rien !

M. Charles de Courson.

Vous avez bien une maison, un jardin ?

M. François Patriat, rapporteur.

Je ne chasse pas dans mon jardin !

M. Charles de Courson.

... et s'il décidait d'y exercer son droit de non-chasse, il serait obligé de le faire jouer partout, y compris pour une parcelle d'un demi-hectare dont il aurait hérité du côté de sa belle-famille dans les Landes.

M. François Patriat, rapporteur.

Malheureusement, ce n'est pas le cas.

M. Pierre Ducout.

De toute façon, ce serait normal !

M. Charles de Courson.

Non, nous ne voyons vraiment pas du tout où est la logique.

En fait vous oubliez le fondement du droit de nonchasse qui est la défense du droit de propriété.

Mme Christine Boutin.

Eh oui !

M. Charles de Courson.

D'ailleurs, la Cour de justice de sauvegarde des droits de l'homme a annulé l'une des dispositions des statuts des ACCA sur ce fondement.

Pour des motifs tout à fait légitimes et qui me sont personnels, je dois pouvoir exercer le droit de non-chasse dans telle partie du territoire et pas dans telle autre, par exemple, parce que, dans un cas, j'estime que mes voisins ne sont pas assez respecteux de la faune, alors que, dans l'autre, ils le sont.

L'opposition nationale a donc adopté une position pleine de sagesse.

M. Marc Laffineur.

Comme d'habitude !

M. Charles de Courson.

Pour une fois, les Verts nous ont ralliés.

M. Hervé Morin.

Ah !

M. Jean-Louis Bernard.

Très bien !

M. Charles de Courson.

Cela est assez rare pour être souligné.

Elle consiste à limiter la généralisation de l'exercice du droit de non-chasse aux départements et aux cantons limitrophes, ce qui constitue un équilibre entre la posit ion gouvernementale qui veut permettre un choix commune par commune et celle du rapporteur qui souhaite une extension nationale.

Le rapporteur a d'ailleurs du mal à expliquer comment il fera respecter la règle qu'il veut imposer. Pour cela, en effet, il faudrait un fichier national des propriétés.

Mme Christine Boutin.

Eh oui !

M. Charles de Courson.

Or quelqu'un peut être copropriétaire d'un hectare de terrain avec ses frères et soeurs dans un département et seul propriétaire de terres dans un autre département.

Je lui souhaite donc bien du courage pour essayer de mettre en oeuvre une telle disposition qui est en fait totalement inapplicable ! Et quand on lui a posé la question en commission, il a donné une réponse grave pour un rapporteur en indiquant qu'il compterait sur les dénonciations. (Vives prestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Auclair.

Scandaleux !

M. le président.

Mes chers collègues !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

M. Charles de Courson.

Mais où va-t-on ? Cette disposition, largement infondée, parait en outre disproportionnée à son objet, alors qu'une extension aux départements et aux cantons limitrophes aurait été, comme l'a toujours souligné l'opposition nationale, largement suffisante.

Cette généralisation automatique du droit de nonchasse constitue indirectement une attaque contre le droit de propriété, puisqu'elle pénalise injustement les propriétaires qui souhaitent, pour diverses raisons, ne pas accorder le droit de chasse sur une partie des parcelles dont ils sont propriétaires mais l'ouvrir dans un autre secteur.

Troisièmement, l'instauration, par un amendement à l'article 12, d'un jour de non-chasse, a priori du mercredi à six heures au jeudi à six heures, représente aussi une atteinte manifeste au droit de propriété. En effet, et j'ai appelé l'attention sur ce sujet dès la première lecture en commission puis en séance publique, ce jour de nonchasse prive le propriétaire d'un septième de la valeur de son bien au regard de la possibilité de chasser. Quant aux chasseurs ayant loué le droit de chasse pour le jour de non-chasse, ils seront privés de la jouissance des baux qu'ils ont contractés. Ce jour de non-chasse est donc bien - je tiens à en avertir le Gouvernement - une pure et simple expropriation sans qu'une indemnisation ait été prévue par la loi.

Or une juste et préalable indemnité doit être prévue, conformément à l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, faute de quoi l'on s'orienterait vers des mises en cause sans fin de l'Etat au nom de la responsabilité du fait des lois, ce que nul ici ne peut souhaiter.

Madame la ministre, j'ai reçu une lettre des représentants d'une société de chasse qui loue un bois domanial le mercredi. Ils demandent que, au cas où cette disposition serait adoptée, soit prévu l'abaissement du montant du loyer...

M. François Patriat, rapporteur.

On changera le jour !

M. Charles de Courson.

Cela serait normal puisque, la chasse étant interdite le mercredi, ils ne pourront plus chasser trois jours par semaine comme le prévoit leur bail.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

On changera le jour !

M. Charles de Courson.

Si l'on choisit le jeudi au lieu du mercredi, le problème se posera pour d'autres.

M. Pierre Ducout.

Ce ne sera pas partout le même jour de chasse !

M. Charles de Courson.

C'est pourquoi je vous ai demandé, madame la ministre, si vous aviez prévu une indemnisation des propriétaires, car vous n'échapperez pas à l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

M. Pierre Ducout.

On peut prévoir le jeudi ou le vendredi.

M. Charles de Courson.

Mon cher collègue, il y a des gens qui chassent le vendredi.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il n'y a pas de problème ! Le mercredi pourra être remplacé par un autre jour.

M. Charles de Courson.

Peu importe : pour un propriétaire qui loue toute la semaine, la valeur du bail sera réduite d'un septième quel que soit le jour choisi.

Il semble que vous ne connaissiez bien ni le droit civil ni le problème de la propriété, sinon vous ne diriez pas qu'il n'y a pas de problèmes, car cette disposition en pose. Ainsi que direz-vous à un propriétaire qui louait une terre ou un bois sept jours sur sept pendant la période de chasse et auquel vous allez enlever une journée, réduisant ainsi la valeur du loyer qu'il pouvait espérer ? A cause de cette mesure générale vous devrez l'indemniser sinon vous aurez une multitude de recours.

Vous pouvez rire, mais le jour où vous aurez mille recours et que vous serez incapable de verser les indemnisations demandées, vous rirez moins. S'il le faut, cette question ira jusquà la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme, mais cela ne devrait pas être nécessaire puisque la Constitution française et la déclaration des droits de l'homme et du citoyen sont très claires à ce sujet. Pourtant vous n'avez jamais voulu répondre sur ce grave problème.

Par ailleurs, il convient de souligner que le caractère général de la disposition visant à interdire la chasse le mercredi constitue une atteinte au principe constitutionnel de proportionnalité entre le but de police poursuivi et le caractère général de cette mesure. Or un vieux principe du droit français veut qu'une disposition soit proportionnée à son objectif.

M. Maurice Leroy.

Eh oui !

M. Charles de Courson.

Quel est l'objectif en matière de police ? Selon vous il s'agit de rendre la promenade plus sûre.

Vous devriez d'ailleurs préciser : sur la voirie publique.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Non !

M. Charles de Courson.

Si ! Cela ne peut pas être sur les propriétés privées, puisque l'on ne peut y pénétrer qu'avec l'accord du propriétaire.

Si cette thèse était exacte, cette mesure générale était totalement disproportionnée et elle serait annulée sur la base de cet autre principe du droit constitutionnel français qui est la proportionnalité entre la mesure de police et les moyens mis en oeuvre. Une interdiction générale qui ne serait pas adaptée aux situations individuelles ne tiendrait pas devant ce principe constitutionnel.

M. Jean-François Chossy.

C'est vrai !

M. Charles de Courson.

Enfin, une quatrième atteinte au droit de propriété est clairement établie quand le rapporteur impose une participation des propriétaires de postes fixes de chasse à l'entretien des plans d'eau situés à proximité de ces postes et des parcelles humides attenantes.

Monsieur le rapporteur, vous n'avez même pas précisé comment le propriétaire d'un poste fixe qui ne serait pas celui des plans d'eau situés à proximité de son installation, ce qui arrive, pourrait pénétrer sur une propriété sur laquelle il n'a aucun droit.

M. Maurice Leroy.

Ce serait une ingérence !

M. Charles de Courson.

L'hypothèse selon laquelle quand on possède un poste fixe on est propriétaire des alentours, ne correspond absolument pas à la réalité du terrain.

M. René André.

C'est une méconnaissance totale !

M. Charles de Courson.

Je vous ai donc donné quatre exemples d'atteintes caractérisées au droit de propriété.

Elles sont en outre doublées par des dispositions contraires au droit et à la liberté d'association : en effet le droit d'association, en particulier la liberté d'association,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

qui constitue l'un des piliers de notre démocratie et de notre droit constitutionnel est mis à mal par le texte que vous nous proposez.

Premièrement, les dispositions relatives aux fédérations départementales, régionales et nationale de chasseurs restreignent plusieurs libertés fondamentales garanties par la Constitution : liberté d'adhésion aux associations, liberté de fonctionnement de ces associations. Plus globalement, il me semble que ce sont le statut des fédérations départementales et la nature juridique des ressources dont elles bénéficient qui posent problème et qui méritent instamment d'être clarifiés avant le vote final.

En effet, les fédérations de chasseurs demeurent des associations chargées d'une mission de service public conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 20 février 1987 puisqu'il en ressort qu'elles sont des associations. A moins que vous espériez que le Conseil constitutionnel change sa position. Or cela m'étonnerait car il est très pointilleux, à juste titre, en matière de défense de la liberté d'association.

Cependant, la conception du fonctionnement des fédérations que M. le rapporteur et le Gouvernement privilégient je ne parle pas de nos collègues Verts qui ont déposé des amendements totalement liberticides ...

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Ils ne sont pas là !

M. Charles de Courson.

... semble bien éloignée des normes en la matière.

Ainsi l'amendement déposé à l'article 2 bis sur le fonct ionnement des assemblées générales des fédérations départementales de chasseurs accorde au président de chaque société de chasse un droit exclusif de recevoir les délégations de vote des titulaires de permis de chasse de sa société.

M. Pierre Ducout.

Cela a été modifié !

M. Charles de Courson.

En d'autres termes, si je suis adhérent à une société de chasse, je ne peux déléguer mon droit de vote qu'au président.

M. Pierre Ducout.

Les explications figurent dans le rapport !

M. Charles de Courson.

Je le sais et j'ai toujours été présent en commission ! Je m'y suis d'ailleurs insurgé contre cette disposition et le rapporteur a paru quelque peu troublé par mes arguments.

M. François Patriat, rapporteur.

Pas du tout !

M. Charles de Courson.

J'ai en effet souligné qu'une telle mesure était attentatoire à la liberté d'association.

Nous avons même déposé un amendement que M. le rapporteur a enfin accepté ce matin pour qu'il soit permis de déléguer à toute personne sans plafond.

M. François Patriat, rapporteur.

Vous allez donc voter le texte !

M. Charles de Courson.

Je m'étais déjà tué en première lecture à expliquer que nous allions transformer les assemblées générales des fédérations de chasseurs en Woodstock ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Patriat, rapporteur.

Nous n'avons pas adopté votre amendement.

M. Charles de Courson.

Vous en avez accepté le principe, monsieur le rapporteur, à partir du moment où a été retenue le règle démocratique : une tête, une voix. En effet comment auriez-vous fait dans une fédération comme celle de la Gironde qui compte 60 000 adhérents ? Comment auraient-ils voté ? La seule solution était bien d'autoriser les délégations à toute personne et pas seulement aux présidents d'association comme vous le proposiez.

Le principe de la liberté d'association veut que la délégation demeure libre, c'est-à-dire que toute personne, tout adhérent soit susceptible de recevoir une délégation de vote et pas uniquement le président.

M. Pierre Ducout.

Vous n'avez pas lu le rapport !

M. Charles de Courson.

Mon cher collègue, j'ai participé à toute les réunions de la commission et je sais ce qui s'y est passé ! De surcroît, le texte amendé consacre un contrôle par l'Etat particulièrement étendu sur les fédérations qui est, à nos yeux, incompatible avec le principe de la liberté d'association. En effet, le préfet, à travers l'approbation qu'il donnerait au budget de la fédération, exercerait un droit de regard excessif sur ce qui demeure une association, c'est-à-dire un organisme faisant appel à des cotisations librement fixées par les adhérents en assemblée générale.

Un problème identique concerne d'ailleurs les comptes des fédérations régionales, ainsi que la Fédération nationale dans la mesure où l'amendement de M. le rapporteur prévoit que le budget de la fédération serait, avant d'être exécuté, soumis à l'approbation du ministre chargé de la chasse.

C'est donc une intervention tous azimuts que le Gouvernement propose, sous la forme d'un contrôle a priori et a posteriori , lequel ne peut que heurter les chasseurs qui invoqueraient légitimement la défense de la liberté d'association. Ainsi que vous le savez, l'opposition nationale est hostile au contrôle a priori sur le budget et les comptes des fédérations, mais n'est pas défavorable à un contrôle a posteriori

Toujours au titre de la liberté d'association, j'appelle l'attention sur l'article 8 quater tel que proposé par M. le rapporteur, qui prévoit la constitution d'un fichier national des permis et autorisations de chasser.

M. François Patriat, rapporteur.

Tout à fait !

M. Charles de Courson.

Il nous paraît en effet attentatoire à la liberté de nos concitoyens d'adhérer aux fédérations et, par là même, de participer à la vie associative de notre pays. Il y a une nouvelle, disproportion évidente entre les fins poursuivies et les moyens employés, qui portent atteinte aux libertés publiques, ce qui ne fait que renforcer nos premières présomptions.

Ces inconstitutionnalités ne sont toutefois rien comparées au flou juridique qui entoure le statut des fédérations et qui rend l'ensemble de ce texte, modifié par les amendements du rapporteur, rien moins que boiteux. Cette f oison d'inconstitutionnalités en est d'ailleurs la récompense.

En ce qui concerne le statut des fédérations départementales de chasseurs, je rappelle que la jurisprudence du Conseil constitutionnel les qualifie d'associations chargées d'une mission de service public. Le Conseil d'Etat les considère même comme des organismes de gestion d'un service public. Cependant, le caractère mixte des fédérations conduit à faire cohabiter d'une façon tout à fait insatisfaisante la liberté de la vie associative et les rigueurs du cadre d'un organisme gérant un service public. De cette situation peu claire résultent les errements financiers du texte.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

D'après le récent rapport de la Cour des comptes sur l'office national de la chasse, la nature juridique des redevances cynégétiques les apparente clairement à une imposition en les classant dans la catégorie constitutionnelle des « impositions de toute nature ». Or la loi prévoit que ces redevances cynégétiques sont fixées par les fédérations départementales. Dire qu'une association - ce qu'est chaque fédération de chasseurs - fixe le montant d'une taxe ne constitue-t-il pas une contradiction de taille ? L'amendement déposé à l'article 8 A approfondit, madame la ministre, le désarroi du législateur. Il dispose en effet que le ministre fixe par arrêté le montant des redevances cynégétiques dans la limite d'un plafond. Or la fixation par la loi de plafonds s'entend uniquement pour les impositions de toute nature, ce qui tendrait à prouver que les redevances cynégétiques en sont bien, conformément à l'analyse de la Cour des comptes.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Evidemment.

M. Charles de Courson.

Comment se fait-il alors que leur fixation relève d'un arrêté...

M. Pierre Ducout.

Nous avons voté sur ce sujet en commission ce matin.

M. Charles de Courson.

... alors que l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement sont du domaine de la loi, conformément à l'article 34 de la Constitution ?

M. Maurice Leroy.

Très bien.

M. Charles de Courson.

Nous l'avons certes voté ce matin en commission, mon cher collègue, mais vous nous avez expliqué que le ministre des finances estimait que cela n'était pas possible. Nous en discuterons ce soir.

Loin de s'arrêter là, le texte proposé par M. le rapporteur prévoit la participation des fédérations départementales des chasseurs à l'indemnisation des dégâts de g rand gibier, le produit des taxes mentionnées à l'article L.

225-4 servant à faire face à cette obligation. A nouveau, on ne peut manquer d'être surpris devant une disposition qui tend à affecter le produit d'une taxe à une association. En effet, la législation ne peut imputer une imposition de quelque nature qu'elle soit par le biais d'un amendement d'origine parlementaire. Seul un amendement gouvernemental peut le faire.

Cette succession d'incohérences m'apparaît, mes chers collègues, très préjudiciable à la clarté de cette loi et à son applicabilité.

M. René André.

Préjudiciable à l'image du Parlement !

M. Charles de Courson.

Le flou s'étend aux ressources dont disposent les fédérations.

Il convient donc, d'urgence, de sortir du flou constitutionnel et juridique que créent les présentes dispositions en définissant clairement le statut des fédérations départementales de chasseurs et en établissant une claire distinction entre les ressources de chacune : aux fédérations départementales et régionales, les fonds privés provenant de cotisations obligatoires fixées par les assemblées générales, et à l'ONC, les impositions de toute nature, c'est-àdire les impôts, et cela en vertu du statut d'établissement à caractère administratif de cet organisme.

Il convient enfin de revenir sur le troisième et dernier principe que bafoue ouvertement ce texte : le principe d'égalité. Celui-ci est bafoué au moins sur deux points.

Premièrement, l'amendement du rapporteur institue une inégalité géographique en matière de chasse de nuit.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Oh oui !

M. Charles de Courson.

La liste des départements où existe le droit de chasser le gibier d'eau la nuit comporte vingt et un départements dans votre amendement, monsieur le rapporteur. Or le critère invoqué pour l'établissement de la liste est le caractère traditionnel de cette prat ique. Pour quel motif en exclut-on sept autres départements - voire vingt si l'on se réfère aux circulaires de l'ONC - dans lesquels la chasse de nuit au gibier d'eau est une pratique traditionnelle reconnue ?

M. Christian Jacob.

C'est incohérent !

M. Maurice Leroy.

Et arbitraire !

M. Charles de Courson.

L'argument que vous avez fait valoir en commission et en séance publique, selon lequel il n'y a que vingt ou trente installations fixes, n'est absolument pas juridique.

M. René André.

Tout à fait !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est comme dans la baie du Mont-Saint-Michel.

M. Charles de Courson.

Cette exclusion manifeste clairement une rupture du principe d'égalité.

D euxièmement, on relèvera une inégalité fiscale.

L'amendement du rapporteur à l'article 2 provoque en effet une rupture de l'égalité devant l'impôt puisque les chasseurs financent non seulement les espèces chassables mais aussi les espèces non chassables.

Quelques mots pour terminer sur les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse. Certes, le texte existant n'est pas contraire au droit constitutionnel, mais on ne peut, monsieur le rapporteur, exonérer Mme la ministre de ses responsabilités. Elle n'a pas tout dit dans son propos liminaire. En effet, dans son arrêt du 9 juin 2000, le Conseil d'Etat ne s'en prend plus au législateur mais au Gouvernement, condamné pour avoir refusé de se conformer à la jurisprudence européenne. Les juges ont en effet annulé deux décisions, prises au cours de l'été 1999 par la ministre de l'environnement, Mme Voynet, ici présente, qui avait refusé à trois associations de fixer au 1er septembre la date d'ouverture de la chasse au gibier d'eau et aux oiseaux migrateurs sous prétexte que la loi de 1998 l'aurait dessaisie de sa compétence.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Quand même !

M. Charles de Courson.

Or, face à une loi inapplicable, le Conseil d'Etat a estimé que Mme Voynet aurait dû agir dans le respect des objectifs de la directive. Voilà la vérité ! La dernière décision du Conseil d'Etat est une critique à l'égard de Mme Voynet : il considère qu'elle n'a pas su gérer ce problème.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Et ce n'est pas fini. Ce n'est qu'un début !

M. François Patriat, rapporteur.

Elle voulait défendre les chasseurs !

M. Charles de Courson.

En conclusion, parce que le texte voté en première lecture, et auquel notre rapporteur et le groupe socialiste veulent, pour l'essentiel, revenir, est contraire à la Constitution sur de nombreux points, alors que le texte du Sénat, lui, y était conforme, nous vous appelons à voter cette motion d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Maurice Leroy.

Ça va être dur !

M. François Patriat, rapporteur.

Monsieur le député de Courson, ma mise en cause dans votre argumentation m'a un peu fait sourire.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Jacob.

C'était un sourire nerveux ?

M. Edouard Landrain.

C'est votre incompétence qui est mise en cause !

M. François Patriat, rapporteur.

D'abord, vous tentez de nous faire voter une exception d'irrecevabilité sur le texte du Sénat. Nous pouvons le faire, monsieur de Courson, il n'y a pas de problème !

M. Maurice Leroy.

Mais c'est bien sur le texte du Sénat que nous débattons.

M. François Patriat, rapporteur.

En second lieu, la façon un peu méprisante que vous avez de donner des leçons de droit ou de fiscalité, (Protestations sur les mêmes bancs.)...

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

La façon de parler de M. de Courson n'est pas méprisante mais professionnelle !

M. Jean Auclair.

Il sait de quoi il parle, lui !

M. François Patriat, rapporteur.

... alors que je demande simplement à cette assemblée, toutes tendances politiques confondues, un peu de fermeté et de courage, me surprend un peu.

Je vais reprendre deux ou trois points.

M. Maurice Leroy.

Ce serait mieux de revenir sur le fond du projet !

M. François Patriat, rapporteur.

En première lecture, beaucoup d'entre vous - et je les en remercie - avaient vanté le rapport que j'avais remis au Premier ministre, lui avaient trouvé quelques mérites et avaient même parlé de

« la chasse apaisée de M. Patriat ».

(Protestations sur les mêmes bancs.)

Nous l'avons traduit dans la loi.

M. Edouard Landrain.

Ce n'est pas suffisant !

M. François Patriat, rapporteur.

Et voilà qu'aujourd'hui tout ce qui paraissait vertu à vos yeux, il y a quelques semaines, devient objet de critiques permanentes.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. René André.

C'est la vertu dévoyée !

M. François Patriat, rapporteur.

Arrêtez de hurler ! Monsieur de Courson, vous avez dit que l'échec de la commission mixte paritaire était le fait du rapporteur.

M. Charles de Courson.

Et du Gouvernement !

M. François Patriat, rapporteur.

Je vais rappeler brièvement à l'assemblée la chronologie des faits.

Le Sénat vote un texte maximaliste, caricatural. (Protestations sur les mêmes bancs)...

M. René André.

C'est un texte de bon sens !

M. Charles de Courson.

Vos collègues du Sénat, monsieur le rapporteur, ne s'y sont pas opposés !

M. le président.

Monsieur de Courson, le rapporteur vous a écouté avec attention, faites-en de même, je vous prie.

M. François Rochebloine.

M. le rapporteur tient des propos méprisants pour nos collègues du Sénat, monsieur le président.

M. François Patriat, rapporteur.

Les sénateurs euxmêmes, dont M. Poniatowski et M. Larcher...

M. Charles de Courson.

Et M. Charasse ?

M. François Patriat, rapporteur.

... ont reconnu qu'ils étaient allés au-delà de ce qu'ils voulaient faire et qu'ils en avaient d'ailleurs un peu honte. (Protestations sur les mêmes bancs.)

Notez que les sénateurs sont allés jusqu'à retirer du texte de loi l'excellent amendement « sécurité » déposé par notre collègue M. Vauchez ! Et ils sont arrivés en commission mixte paritaire en disant : « Tout cela n'est pas grave, ne vous inquiétez pas.

Tout ça peut s'arranger. Nous allons trouver un accord sur tout. »

M. Christian Jacob.

Démagogue !

M. François Patriat, rapporteur.

Sur le premier point, la fixation des dates dans la loi - nous avons tout de suite compris qu'il n'y avait pas de possibilité d'entente,...

M. Charles de Courson.

Il a fallu trois heures !

M. François Patriat, rapporteur.

... parce que nous, nous nous plaçons dans le droit et que vous, par ailleurs donneurs de leçons juridiques, vous vous placez en dehors du droit. (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. François Rochebloine.

Et la différence entre

M. de Courson et vous, c'est que lui est bon et que vous, vous êtes mauvais !

M. le président.

Chers collègues, s'il vous plaît.

M. François Patriat, rapporteur.

M. de Courson m'a fait un numéro sur l'usage non appropriatif.

Mais, monsieur de Courson, photographier un chevreuil ou des rapaces, sur la propriété d'autrui, est-ce s'approprier cette propriété ? Pas du tout !

M. René André.

Il n'a pas dit ça !

M. Charles de Courson.

C'est le fait de pénétrer sur la propriété d'autrui qui est en cause, cher monsieur !

M. François Patriat, rapporteur.

Vous avez dit, en première lecture, monsieur de Courson, qu'il fallait refaire la révolution. Permettez-moi de vous dire que votre défense du droit de propriété ressemble à celle d'un hobereau d'avant la Révolution ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Auclair.

C'est scandaleux !

M. Maurice Leroy.

M. le rapporteur doit retirer ses paroles !

M. Edouard Landrain.

Même M. Gremetz n'est pas d'accord !

M. Charles de Courson.

Je demande la parole, monsieur le président !

M. le président.

Monsieur de Courson, si vous demandez la parole pour un fait personnel, je vous demanderai d'attendre la fin de la séance pour le faire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

M. Maurice Leroy.

Cela augure bien du débat !

M. le président.

Je vous en prie, chers collègues ! Monsieur de Courson, j'ai bien compris qu'il s'agissait d'un fait personnel. Je vous rappelle qu'en pareil cas le règlement ne vous autorise à prendre la parole qu'en fin de séance.

M. François Patriat, rapporteur.

Monsieur de Courson, je considère, avec beaucoup de mes collègues du groupe socialiste et de la gauche plurielle, qu'il y a encore bien des bastilles à prendre dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme Christine Boutin.

Ce n'est pas bon du tout !

M. François Patriat, rapporteur.

J'en viens à la question du jour de non-chasse. Oui, je suis pour l'objection cynégétique de conscience sur tout le territoire.

M. Charles de Courson.

Ce n'est pas une objection de conscience !

M. François Patriat, rapporteur.

On ne peut pas être objecteur de conscience et interdire la chasse sur son territoire, et aller chasser sur d'autres terres que les siennes.

On ne peut pas être objecteur de conscience dans la Marne, monsieur de Courson, comme vous auriez tendance à le faire, je le sais bien, et chasser en Côte-d'Or, par exemple. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste. - Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. René André.

C'est nul !

Mme Christine Boutin.

Quelles sont ces insinuations ?

M. Edouard Landrain.

Lamentable ! Quand on n'a pas d'arguments, on dit n'importe quoi !

M. François Patriat, rapporteur.

Vous m'avez cherché !

M. Charles de Courson.

Monsieur le président !

M. le président.

Monsieur de Courson, vous aurez droit à la parole en fin de séance, comme le règlement le prévoit.

M. Charles de Courson.

C'est inacceptable...

M. le président.

Oui, monsieur de Courson, je vous ai entendu !

M. Charles de Courson.

... et faux, en plus !

M. le président.

Monsieur le rapporteur, pourrait-on éviter que des mises en cause personnelles ne fassent dériver le débat ? (Exclamations sur tous les bancs.)

M. Maurice Leroy.

M. le rapporteur est un provocateur !

M. Maxime Gremetz.

Et, pendant ce temps, on ne discute pas du fond ! Encore une fois !

M. le président.

Quant à vous, chers collègues de l'opposition, je vous demanderai d'avoir la patience d'écouter le rapporteur.

Monsieur de Courson, je rappelle que vous aurez la parole en fin de séance.

M. François Patriat, rapporteur.

Monsieur le président, je vous renverrai la question : dire à la tribune que le rapporteur fait appel à la dénonciation, n'est-ce pas une mise en cause personnelle ? Je reviens à la question du mercredi sans chasse en forêt domaniale.

M onsieur de Courson, votre département devrait copier celui de la Côte-d'Or. Il y a longtemps que, dans les forêts domaniales périurbaines, on ne chasse plus le mercredi.

M. Charles de Courson.

Il n'y a pas besoin de loi pour cela. C'est bien ce que j'ai dit.

M. François Patriat, rapporteur.

Il y a longtemps qu'en Côte-d'Or on informe les gens et qu'on peut changer le jour quand on veut, sans modification du bail. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. René André.

Dans ces conditions, pourquoi faire une loi ?

M. Maxime Gremetz.

Vous êtes pour ou contre ?

M. François Patriat, rapporteur.

En dernier lieu, monsieur de Courson, vous n'avez pas lu le rapport...

M. Charles de Courson.

Il a été distribué ce matin à dix heures !

M. François Patriat, rapporteur.

... et vous n'avez pas écouté ce qui a été dit en commission. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.) Je vous lis le rapport. Il y est écrit : « En tout état de cause, le dispositif permet à n'importe quel chasseur de recevoir une délégation de vote d'un autre adhérent sur tout le territoire. » Non seulement vous n'avez pas

compris la volonté du rapporteur en la matière, mais, en plus, vous n'avez pas écouté l'explication qu'il vous a donnée.

Je considère que tout ce que vous avez voulu démontrer n'a rien prouvé si ce n'est qu'il était nécessaire de voter très vite un bon texte sur la chasse. Mais je ne compte pas trop sur vous pour le faire. Je compte surtout sur la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Edouard Landrain.

Les applaudissements de la majorité sont bien maigres !

M. le président.

Mes chers collègues, veuillez retrouver votre calme, s'il vous plaît ! Nous en arrivons aux explications de vote. Chacun pourra s'exprimer et répondre à la fois aux propos de M. de Courson et à ceux de M. le rapporteur.

La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille.

Monsieur le président, mes chers collègues, M. de Courson nous propose de déclarer le texte du Sénat irrecevable, ce qui est pour le moins surprenant.

M. Charles de Courson.

Vous ne m'avez pas écouté !

M. Edouard Landrain.

Il n'a pas compris !

M. Christian Bataille.

Mais j'ai l'impression que M. de Courson juge ce texte irrecevable par simple effet de procédure.

Le groupe socialiste quant à lui prouvera son irrecevabilité en examinant ce texte point par point. Nous considérons en effet qu'en l'état il est irrecevable, mais nous


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

proposons d'en discuter, c'est-à-dire de poursuivre la procédure. Nous démontrerons, point par point, qu'il faut revenir au compromis et à l'équilibre que nous avions trouvé en première lecture.

Au fond, ce que vous voulez, monsieur de Courson, c'est arrêter une procédure qui est en route et qui va nous conduire cette nuit à voter sur la chasse un texte répondant aux attentes de l'ensemble des Français. Manifestement, le texte ne vous satisfera pas, mais ce n'est pas en votant l'exception d'irrecevabilité que vous avez défendue que nous pourrons remédier aux inconvénients que vous avez décrits.

L'article 10 sera très important. Nous reviendrons, comme M. le rapporteur vient de le dire, à la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale.

Quel est, à présent, l'enjeu ? De deux choses l'une. Ou nous « décapitons », en quelque sorte, plus de 18 mois d'effort pour résoudre un problème qui altère la considération dont jouit habituellement notre pays. Ou bien nous faisons aboutir cet effort. Pour ce qui me concerne, et pour nombre de mes collègues du groupe socialiste, la réponse est claire : nous voulons poursuivre la discussion afin d'aboutir à une loi qui soit l'expression de l'équilibre.

Il est de l'intérêt général que nous trouvions aujourd'hui une issue à la question de la chasse. C'est l'intérêt des chasseurs - qui, sinon, encourront la rigueur des tribunaux - des protecteurs de l'environnement et de nous tous aussi car personne n'a envie que de lourdes astreintes communautaires viennent alourdir encore la charge du contribuable ou simplement que notre pays soit montré du doigt en Europe, une Europe qu'une majorité d'entre nous défend et que nous ne savons pas aujourd'hui

« appliquer ».

En conclusion, mes chers collègues, je n'irai pas jusqu'à dire que ce texte est révélateur de l'étiage auquel se trouve aujourd'hui l'intérêt général. Il faut plus d'un signe pour l'établissement d'une telle conjoncture. Je dirai plus modestement que, si nous sommes attachés à la défense de l'intérêt général, nous devons porter ce texte jusqu'à son terme et donc rejeter l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe Démocratie libérale.

M. Marc Laffineur.

Notre débat est très important.

Comme beaucoup ici, j'aurais aimé qu'il commence dans la sérénité. De nombreux Français sont très préoccupés par les mesures que nous allons voter aujourd'hui.

Comme l'a dit notre rapporteur, les chasseurs veulent pouvoir chasser tranquillement. Il dépend de nous de rétablir une certaine paix dans nos campagnes.

Je pensais que Mme la ministre allait montrer sa bonne volonté dans son intervention liminaire. Or, elle veut revenir exactement au texte précédent : il n'y a aucune avancée, aucune volonté d'apaiser les chasseurs, et l'ensemble du monde rural. Le problème ne concerne en effet pas que les chasseurs, mais tous ceux qui ont des racines rurales.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Ensuite, le rapporteur, sans doute gêné parce qu'il se rend bien compte qu'il soutient un texte qui va à l'encontre de ce que tout le monde demande, adopte une attitude provocatrice, extrêmement blessante vis-à-vis de notre collègue Charles-Amédée de Courson, et tient des propos inadmissibles dans cette assemblée.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.) Voilà comment la majorité commence le débat, montrant par là sa partialité ! Enfin, Charles-Amédée de Courson a très bien montré que le texte auquel vous voulez revenir est irrecevable.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe Démocratie libérale votera la motion d'irrecevabilité tout en espérant, encore une fois, que l'on puisse retrouver une certaine sérénité dans cette assemblée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lemoine, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Jean-Claude Lemoine.

Je remercie notre ami de Courson de nous avoir expliqué très clairement toutes les raisons pour lesquelles le texte que la majorité veut maintenant nous faire voter est irrecevable. Je le remercie vraiment de nous avoir mis en garde. Après les critiques du Conseil d'Etat destinées au Gouvernement et, en particulier, à Mme la ministre, nous ne voudrions surtout pas que le texte qu'elle nous présente soit également anticonstitutionnel. Nous voulons lui éviter cette humiliation et ce nouveau camouflet.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

C'est pour cette raison que le groupe du Rassemblement pour la République votera la motion d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Sur l'exception d'irrecevabilité, j'indique dès à présent que je suis saisi par le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. François Liberti, pour le groupe communiste.

M. François Liberti.

Monsieur le président, le groupe communiste et apparentés ne votera pas cette motion d'irrecevabilité (« Oh ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) pour une raison bien simple : un débat procédurier ne saurait constituer l'essentiel de ce que nous attendons de cette deuxième lecture. Ce dont nous avons besoin, c'est de conduire et de poursuivre le débat au fond, d'aborder les questions fondamentales sur les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse, sur l'organisation de la chasse dont bien des aspects restent en suspens, sur l'exercice de la chasse de nuit. C'est cela que les chasseurs attendent des parlementaires. Il est donc nécessaire de poursuivre le débat jusqu'au bout.

Je regrette simplement que les propos du rapporteur créent les conditions non d'un apaisement, mais bien d'un affrontement (Applaudissements sur les mêmes bancs) qui ne permet pas de recadrer le débat sur les questions fondamentales posées par le dossier de la chasse.

Il ne suffit pas d'affirmer que l'on veut une chasse apaisée. Encore faut-il le démontrer dans sa manière, dans sa pratique, et plus encore lorsqu'on est le rapporteur


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

d'un projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Maurice Leroy.

M. Maurice Leroy.

Monsieur le rapporteur, il faut savoir raison garder ou retrouver. Je joins mes propos à ceux de mon collègue François Liberti. Mon ami et collègue Charles-Amédée de Courson a un parent dont une plaque dans cet hémicycle rappelle le nom. C'était un de ces parlementaires qui, ici même, ont su dire non en des temps héroïques.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Parfaitement ! Et il suffit que les donneurs de leçons soient toujours les mêmes ! (Applaudissments sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Si l'un d'entre nous avait dit seulement le dixième de ce que vient de proférer le rapporteur, vous auriez quitté l'hémicycle en rangs serrés. Nous en avons l'habitude ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Monsieur Leroy, venez-en au fait.

M. Maurice Leroy.

Monsieur le rapporteur, le groupe UDF vous demande solennellement de retirer les propos que vous avez tenus sur le thème du hobereau, inqualifiables et lamentables.

Quant à vous, monsieur Bataille,...

M. le président.

Monsieur Leroy, je vous en prie ! Si vous avez la parole, c'est pour une explication de vote.

M. Maurice Leroy.

Ne feignons pas les uns et les autres, quel que soit le banc où nous siégeons, de découvrir que les motions de procédures - question préalable, exception d'irrecevabilité, motion de renvoi en commission -, traditionnellement pratiquées dans notre enceinte, font partie des droits à l'opposition à s'exprimer. Souffrez qu'elle le fasse sur ce texte comme sur les autres, mes chers collègues ! On invoque l'harmonisation européenne. Il faudrait un peu savoir ce que l'on veut. Quand il s'agit des 35 heures, pour lesquelles nous sommes les seuls en Europe, on nous explique que nous ne saurions être montrés du doigt au motif que ce serait le droit de la France. Un peu de cohérence ! Sur la chasse, comme sur les 35 heures, nous avons pareillement le droit de prétendre à des dispositifs spécifiques. C'est notre histoire, ce sont nos racines.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Notre collègue Charles-Amédée de Courson a parfaitement exposé à la tribune les points de droit - en citant à plusieurs reprises, rappelons-le, des décisions du Conseil constitutionnel - qui justifient totalement le vote de cette exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Chers collègues, je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

252 Nombre de suffrages exprimés .................

252 Majorité absolue .......................................

127 Pour l'adoption .........................

81 Contre .......................................

171 L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz.

Enfin, nous allons passer aux choses sérieuses !

M. le président.

Mes chers collègues, je pensais que vous étiez tous là parce que vous étiez intéressés par le débat ! Quoi qu'il en soit, que ceux qui souhaitent quitter l'hémicycle le fassent rapidement et dans le calme ! Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est M. François Liberti, premier orateur inscrit.

M. Maxime Gremetz.

Monsieur le président, notre collègue va avoir du mal à rejoindre la tribune.

M. le président.

Ce n'est pas la faute du président si des députés quittent les bancs de votre groupe, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz.

Ah, regardez donc nos bancs, monsieur le président !

M. le président.

Vous l'avez cherché, monsieur Gremetz ! (Sourires.)

Monsieur Liberti, vous avez la parole.

M. François Liberti.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la deuxième lecture du projet de loi sur la chasse est, à bien des égards, un moment important pour toutes celles et ceux qui veulent vraiment déboucher sur une bonne loi garantissant la chasse populaire, respectueuse des droits de chacun, préservant les espèces animales et l'ouverture des espaces à tous, chasseurs et non-chasseurs.

Les parlementaires communistes et apparentés, porteurs de plusieurs propositions de loi visant à légiférer sur la chasse, abordent ce débat avec sérénité et détermination, comme ils l'ont montré à toutes les étapes du travail parlementaire.

Notre abstention en première lecture a permis, je le rappelle, au débat de se poursuivre afin de contribuer à l'enrichissement du texte. Si la commission mixte paritaire, malgré nos efforts pour déboucher sur un accord, a échoué, notamment sur un point fondamental, elle n'en a pas moins permis de préciser les positions de chacun.

Ceux qui aujourd'hui militent, ouvertement ou sans le dire, pour un blocage pouvant aller jusqu'au rejet de la loi feraient bien de mesurer la responsabilité qui serait la leur face au monde de la chasse démuni de tout cadre légal, mais aussi face à une opinion publique découvrant l'incapacité du Gouvernement et de la représentation parlementaire à sortir ce dossier du bourbier politicien dans lequel il est plongé depuis des années.

Non, monsieur le rapporteur, on ne peut pas admettre le principe selon lequel l'équilibre du texte se résumerait à son écriture de la première lecture.

M. François Patriat, rapporteur.

Si.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

M. François Liberti.

Ce serait nier le travail parlementaire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Il n'est pas plus cohérent que l'adoption de nouveaux amendements dépende d'un calcul simpliste : d'un côté les amendements favorables à la chasse, de l'autre ceux qui le ne sont pas, et on compte les points à la fin ! S'il s'agit bien de voter une loi ni pour les seuls chasseurs ni pour les antichasse, mais une loi pour le pays, une loi qui respecte l'ensemble du monde rural, une loi qui inscrive la chasse et ses pratiques populaires dans la société française, une chasse reconnue gestionnaire et soucieuse d'un équilibre assurant la protection des espèces, cogestionnaire avec d'autres des espaces naturels, s'il s'agit bien de cela, alors traitons avec bon sens et avec calme, si possible, les amendements présentés à l'occasion de cette dernière lecture.

L'adoption des amendements déposés par le groupe communiste et apparentés prévoyant une période de chasse aux oiseaux migrateurs compatible avec la directive européenne, privilégiant la notion de prélèvement, les plans de gestion, la préservation des espèces avec un échelonnement des dates de fermetures par espèces jusqu'au 28 février, reste pour nous une condition majeure. Nous avons, pour faire avancer les choses, accepté le principe que ces dates soient fixées par décret.

M. Charles de Courson.

Hélas !

M. François Liberti.

Je me dois en revanche de dire que le contenu du décret, porté à notre connaissance ce matin, est, à nos yeux inacceptable en l'état. Vous vous étiez pourtant, madame la ministre, engagée en première lecture à y prendre en compte les dates de l'amendement Sicre. (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) Et le groupe socialiste nous avait promis, à l'issue de la commission paritaire, que cette question serait correctement traitée en deuxième lecture. (Même mouvement.)

M. Maxime Gremetz.

N'est-ce pas, Bataille !

M. Daniel Paul.

Il faut tenir les promesses !

M. François Liberti.

Le jour de non-chasse appliquer du lever du soleil au coucher du soleil, comme nous le préconisons, répond à l'impératif de sécurité et d'access ibilité des espaces sur tout le territoire national tout en préservant, comme nous l'avons voté en première lecture pour la chasse à la palombière, le temps de chasse de nuit qui sera, on le sait bien, déjà réduit au niveau des dates pour certaines espèces.

Prendre en considération, ainsi que nous le demandons, la pratique traditionnelle de la chasse de nuit pour les départements exclus du texte voté en première lecture ne vise qu'un seul objectif : respecter l'existant et tracer un cadre légal non extensif répondant à la demande des chasseurs comme des non-chasseurs.

Assurer un meilleur équilibre au sein du conseil d'administration de l'office national de la chasse et de la faune sauvage composé aux trois cinquièmes par des représentants de l'Etat et du monde cynégétique correspondrait mieux aux rôles et missions de l'office.

M. Charles de Courson.

Absolument !

M. François Liberti.

Rien dans ces amendements ne traduit une vision jusqu'au-boutiste rompant avec l'équilibre du texte voté en première lecture.

Ils représentent pour notre groupe la seule base de compromis pour assurer une majorité et permettre ainsi le vote de la meilleure loi possible dans le contexte présent traçant un cadre général de la pratique de la chasse avec une remise en ordre des pratiques cynégétiques clarifiant les missions de chacun, assurant une base claire de la chasse aux oiseaux migrateurs et de la chasse de nuit, tout en créant au profit des non-chasseurs de nouveaux droits qui n'existent pas à ce jour.

Enfin, comment ne pas rappeler avec force combien il est impératif et fortement bénéfique pour le Gouvernement et la majorité plurielle de montrer sa capacité à sortir de ce débat par le haut ? Le groupe communiste et apparentés a largement démontré sa volonté d'y parvenir ; à chacun de faire de même.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je vous remercie d'avoir respecté votre temps de parole, monsieur Liberti.

La parole est à M. Antoine Carré.

M. Antoine Carré.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que les dispositions de compromis, voire de compromission...

M. François Goulard.

Bien dit !

M. Antoine Carré.

... de M. le rapporteur du projet de loi ont été largement adoptées par la majorité plurielle, au demeurant en partie responsable de l'échec de la commission mixte paritaire,...

M. François Patriat, rapporteur.

Tout à fait ! Je le revendique !

M. Antoine Carré.

... permettez-moi, au nom du groupe Démocratie libérale, de vous redire notre insatisfaction à l'égard d'un texte qui s'obstine à rester attentiste et consensuel alors que la chasse attendait une grande loi.

Quelle déception au final, tant pour les chasseurs que pour les plus acharnés de leurs adversaires, d'ailleurs ! Et quel contraste entre un rapport préparatoire si prometteur et un texte si décevant ! Non, madame la ministre, Bruxelles n'impose, n'autorise et n'excuse pas tout ! La subsidiarité n'est pas un vain mot en matière de chasse : l'exemple des autres pays de la Communauté en est l'illustration.

Sur plusieurs points majeurs, votre texte n'apporte aucune réponse satisfaisante, loin de là.

M. Edouard Landrain.

Très bien !

M. Antoine Carré.

Les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs, faut-il le rappeler, ne sont nullement fixées par la loi, mais laissées à la discrétion des préfets selon un cadre qui n'est pas échelonné dans l'espace, et insuffisamment dans le temps.

Sur ce point comme sur bien d'autres, ne nous leurrons pas : inégalités et contentieux, voilà tout ce que vos dispositions promettent à la difficile harmonie qui devrait s'instaurer entre les chasseurs et les autres usagers de la nature. C'est tout le contraire d'une chasse apaisée et responsable.

Comment en outre ne pas sourire en constatant que la chasse de nuit n'est légalisée que dans vingt et un départements, alors qu'elle est pratiquée dans trente et un départements et qu'elle représente l'une de nos traditions cynégétiques les plus anciennes ? Sur ce sujet, madame la ministre, mesdames, messieurs, rangez-vous à l'esprit de l'amendement mort-né déposé par votre collègue, M. Sicre ! S'agissant du jour de non-chasse enfin, comment ne pas être affligé devant tant d'arbitraire et, pis encore, tant d'imprévoyance ? En vertu des lois de notre pays, les


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mesures de police doivent être proportionnelles à leur objectif. Le droit de propriété est suprême. Enfin, qui dit loi dit aussi responsabilité du législateur, c'est-à-dire, en l'espèce, au moins un dispositif d'indemnisation des preneurs ayant contracté des baux de chasse couvrant un jour de non-chasse. Hélas ! Force est de constater que votre texte, en imposant un jour de non-chasse uniformes ans l'assortir du moindre système d'indemnisation, méconnaît tous ces principes, pourtant fondateurs et garants de l'Etat de droit en France. Dois-je enfin vous rappeler que ce jour de non-chasse existe déjà dans plus de soixante départements ?

M. Maurice Leroy.

Il a raison !

M. François Patriat, rapporteur.

Et pour les quarante autre alors ?

M. Antoine Carré.

L'entente entre le préfet et les fédérations sur ce sujet est suffisamment efficace pour que la loi n'ait pas à s'y substituer.

Aussi, mes chers collègues, cessons de nous diviser sur un texte qui marie étrangement la volonté éperdue de compromis de la part de ses auteurs et défenseurs, et leur intransigeance à l'égard de tout ce qui pourrait l'améliorer. Remettons-nous en plutôt à la sagesse des sénateurs qui, à une large majorité, toutes tendances confondues, ont su adopter un texte équilibré, constructif et sensé.

M. Jean-Louis Bernard.

Très bien !

M. Antoine Carré.

S'agissant des structures, ne laissons pas les démons familiers d'une gestion étatique en mal de réformes dénaturer la cohérence de l'ensemble. Ne nous y trompons pas : l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, version majorité plurielle, n'est pas qu'un club gentillet et écologiquement correct ; il se veut le bras armé d'une recentralisation qui ne se cache même plus.

Rompons donc avec ces deux logiques, la logique du

« sympa » et la logique du « tout contrôle » qui se cache en fait sous la première. L'ONC doit être paritaire, il ne doit bénéficier que de fonds publics, il doit se soumettre au contrôle ministériel.

Les fédérations, à l'inverse, doivent voir leurs compétences et leurs responsabilités accrues, pouvoir se prévaloir d'un statut associatif complet, avoir l'Etat pour partenaire et non comme tuteur, bénéficier de pouvoirs budgétaires renforcés. Donnons leur les moyens d'accomplir leurs nombreuses et importantes missions locales et faisons de l'ONC un organisme prêt à les aider dans leur tâche.

S'agissant de la chasse de nuit, cesson de faire de la France un Etat de non-droit. Sa légalisation dans tous les départements qui la pratiquent est une nécessité absolue.

Gouverner par décret n'est pas de bonne politique, madame la ministre, faut-il vous le rappeler ? Enfin, on m'accusera peut-être de radoter, mais, apparemment, certains s'obstinent à faire la sourde oreille et à ignorer l'intérêt général autant que la richesse de nos tradition - sans doute d'ailleurs sont-ce les mêmes qui s'empressent, derrière la Cour des comptes, de sonner l'hallali autour des fédérations de chasseurs, trop contents d'oublier les dérives budgétaires d'une fonction publique pléthorique et incontrôlable...

M. Jean-Louis Bernard, M. François Goulard et

M. Roger Lestas.

Très bien !

M. Antoine Carré.

Inscrivons dans la loi les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse des oiseaux de passage. Contentons-nous de modifier intelligemment la loi du 3 juillet 1998 au lieu de prétexter quelque diktat européen pour faire passer une conception rétrograde et faussement « cool » de la chasse.

Conception rétrograde, madame la ministre, par le fait que jamais le Gouvernement n'a daigné expliquer ni justifier la position de la France par rapport à la directive européenne. Or il s'avère que les dispositions de la loi de 1998 sont compatibles avec celle-ci.

M. François Patriat, rapporteur.

Ce n'est pas ce qu'a dit le Conseil d'Etat !

M. Antoine Carré.

A aucun moment vous n'avez tenté de le démontrer.

M. François Goulard.

La ministre cherchait l'affrontement !

M. Antoine Carré.

Conception rétrograde, parce que les chasseurs sont avant tout des gestionnaires responsables de l'environnnement, n'en déplaise aux écologistes de salon. C'est grâce à leur action que les populations de cervidés, grands et petits, ont considérablement augmenté. Certains territoires sont parfaitement entretenus alors qu'ils étaient voués à la friche du fait de l'abandon des cultures. Il en est de même pour l'entretien des zones humides. Souvent aidés par les collectivités locales, les chasseurs sont à l'origine de l'implantation de haies qui luttent contre l'érosion des sols et entretiennent la nidification, en particulier pour la perdrix grise.

M. Jean-Louis Bernard.

Notre collègue a raison !

M. Antoine Carré.

Ils sont, au sens vrai du terme, des écologistes.

M. Jean-Louis Bernard.

Des vrais écologistes !

M. François Goulard.

Des vrais, eux !

M. Antoine Carré.

Ainsi, mesdames, messieurs les députés, plutôt que de garder les yeux rivés sur Bruxelles, conservons notre bon sens, vertu cartésienne s'il en est, et pensons à une transposition raisonnable dans notre droit d'une directive déjà vieillie, alors même que la France s'apprête à prendre la présidence d'un ensemble qui compte plus encore d'opposants à cette directive qu'il n'y a de chasseurs dans ce pays.

Pourquoi ne serait-il pas possible de modifier une directive votée en 1979, quand l'Europe n'avait aucune compétence en matière d'environnement ?

M. Didier Quentin.

Très juste !

M. Antoine Carré.

Ainsi, mes chers collègues, il nous est impossible de voter en l'état ce texte qui mécontente et les chasseurs et les écologistes, qui s'annonce comme une source de contentieux sans fin, et sur lequel la majorité plurielle a bien montré sa volonté de blocage et son refus du dialogue, tant en commission mixte paritaire, à la fin du mois dernier, qu'en commission aujourd'hui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous devons, enfin, apporter une solution à la crise que connaît la chasse, du fait des jurisprudences de la Cour de justice européenne et du Conseil d'Etat. Nous devons, ce soir, adopter une loi équilibrée, qui conforte notre tradition de chasse populaire et préserve activement les espèces. Nous ne devons pas céder aux extrémistes des deux bords, à ceux pour qui la chasse et l'anti-chasse constituent des fonds de commerce.


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Mais les questions sensibles ne seront résolues que lorsque les décrets d'application de la loi seront publiés.

Nous souhaitons tous que ce soit fait rapidement, afin que la très prochaine ouverture ait lieu dans des conditions apaisées.

Il est temps que nous débattions sur la base du projet issu de la première lecture et que nos amendements puissent encore améliorer ce texte, afin de parvenir à un équilibre durable, préservant la chasse en tant que pratique culturelle et, avec elle, grâce à elle, notre patrimoine cynégétique.

Devons-nous, pour autant, nous borner à rétablir le texte issu de la première lecture ? Non, car nous n'accomplirions pas, ce faisant, la mission que nous confie la Constitution, refusant d'envisager des améliorations. Il serait, par ailleurs, prétentieux de penser avoir élaboré un texte si juste, si parfait qu'il ne puisse encore être amélioré.

M. Charles de Courson.

Absolument !

M. Jacques Desallangre.

Néanmoins, nous devons conserver le sens de la mesure et l'équilibre qui ont prévalu lors de nos débats en première lecture.

Soyons lucides : la loi que nous discuterons impose de réelles contraintes aux chasseurs par rapport aux pratiques actuelles. Ces contraintes sont probablement légitimes.

Encore faudrait-il que nous les aménagions, que nous précisions à nouveau leur champ d'application. Mais ne nous voilons pas la face, cette loi restera contraignante puisqu'elle réduit la période de chasse, institue un jour sans chasse, gèle le nombre de huttes et réforme - très légitimement, au demeurant - la loi Verdeille.

Toutes ces contraintes ne sont pas dictées par la recherche de « l'eurocompatibilité ». Ainsi le jour de nonchasse, interdiction de chasser durant une journée, est bien une contrainte, une restriction de liberté...

M. François Patriat.

Pas pour les oiseaux !

M. Jacques Desallangre.

... dont l'objet n'est pas la préservation des espèces, mais le partage d'espace entre chasseurs et non-chasseurs. Pour cette raison matérielle et symbolique, nous devons instituer cette journée. Mais ne soyons pas trop rigoureux quant à son étendue. Car en multipliant des interdictions et des infractions non conformes à nos moeurs et à notre culture, nous prendrions le risque de nuire à l'efficacité et à l'effectivité de la norme. Ainsi, la chasse de nuit, interdite par une loi de 1844, fut pourtant régulièrement pratiquée dans certains de nos départements. Toute règle et a fortiori toute i nterdiction, pour être effective, doit être réaliste, conforme aux moeurs et à la culture de notre société.

La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est empreinte de sages conseils pour le législateur, mais aussi de règles qui nous sont des obligations.

La loi ne doit proscrire que les actions nuisibles à la société et la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. La conjonction de ces deux principes constitutionnels dans le cadre du jour de non-chasse devrait nous inciter à la prudence. Avec cette journée, nous allons créer une interdiction, une restriction de liberté sans que l'action défendue soit réellement et directement nuisible à la société ou à autrui.

Faisons donc preuve de mesure dans l'établissement de cette interdiction qui a pour seul objet le partage d'espace et qui fournit au texte un point d'équilibre. L'interdiction doit répondre aux motifs qui la fondent. Il paraît très peu probable que des promeneurs, des non-chasseurs se trouvent en pleine nuit à proximité des marais ou des prairies inondées. Par conséquent, j'ai proposé par voie des ous-amendement, que cette journée de non-chasse s'entende de sept heures à dix-neuf heures afin de rétablir une meilleure proportion entre l'interdiction et l'objectif poursuivi.

Dans ce même esprit d'équilibre et de proportion, le gel du nombre de huttes peut être envisagé. Mais il serait raisonnable de prévoir la possibilité de les déplacer après information du représentant de l'Etat.

M. Jean-Claude Lemoine.

C'est vrai !

M. Jacques Desallangre.

En effet, les conditions naturelles, aquatiques et cynégétiques évoluent. Les luttes doivent donc pouvoir être déplacées pour s'adapter.

Sinon, le gel de leur nombre et leur fixité engendreraient leur disparition à moyen terme.

Pour conclure, il nous semble opportun de reprendre à notre compte les préoccupations de la directive mais en définissant plus précisément les termes employés. Il faut que cette clarification évite des interprétations juridictionnelles discordantes ou abusives. N'oublions pas que c'est la Cour de justice des Communautés européennes qui, par son interprétation maximaliste imposant une

« protection complète », a dénaturé la lettre raisonnable et le principe de toute directive, alors que, scientifiquement, rien ne permet d'affirmer que la France ne respectait pas ses objectifs, sauf peut être pour deux ou trois espèces.

Le Conseil d'Etat a, la semaine dernière encore, appliqué avec zèle cette jurisprudence abusive, vous contraignant, madame la ministre, à prendre des mesures contraires à l'intérêt général tel que nos assemblées l'avaient défini.

Il nous faut sortir de cet imbroglio juridique et répondre à la question classique de la philosophie antique : qui nous gardera des gardiens ? Seul le peuple et ses représentants sont, en dernier ressort, légitimes pour faire le droit. Le Gouvernement doit donc s'engager à renégocier la directive si elle s'avérait contraire à notre loi afin de réformer l'interprétation abusive de la Cour de justice des Communautés européennes relayée par le Conseil d'Etat ? Nous redonnerions ainsi au peuple français et à ses représentants l'initiative du droit.

Comme vous pouvez le remarquer, nos amendements sont raisonnables et inspirés, comme Solon le fut, par le souci d'équilibre.

M. le président.

Je vous invite à conclure, mon cher collègue.

M. Jacques Desallangre.

Le législateur que nous sommes doit adopter des lois répondant aux moeurs, à la culture de nos concitoyens. Nous devons rester entre les bornes en ne cédant à aucun extrémisme pour que demain vive la chasse citoyenne dans un environnement préservé et partagé.

C'est le défi que nous devons relever. Faisons-le avec calme, avec le sens de la responsabilité et en nous respectant mutuellement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.

M. Jean-Claude Lemoine.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre calendrier est surchargé. Certains textes fort importants et très attendus sont repoussés à la prochaine session. Nous aurions pu, ce soir, commencer l'examen de l'une de ces lois au


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lieu et place de cette deuxième lecture de la loi sur la chasse, si la raison et la sagesse l'avaient emporté face à l'obstination du rapporteur, aux consignes reçues et aux menaces qui ont fait capituler nombre de nos collègues de la majorité plurielle, reniant ainsi leurs convictions intimes.

M. Pierre Ducout, vice-président de la commission.

Mais pas du tout !

M. Jean-Claude Lemoine.

Si, en première lecture, l'excellent amendement, raisonnable, de notre collègue socialiste Henri Sicre, amendement accepté par les représentants de tous les groupes politiques siégeant à notre groupe d'étude dont il est le président, n'avait été retiré après d'interminables palabres, il aurait été accepté par une large majorité, celle-là même qui a voté la loi de 1998, vous le savez bien.

M. François Patriat, rapporteur.

Loi qui a été condamnée !

M. Jean-Claude Lemoine.

Si, en première lecture, nos collègues communistes avaient adopté « la position légitime et raisonnable pour la défense de la chasse populaire » présentée par M. Maxime Gremetz, qui disait : « Il faut supprimer le jour obligatoire de non-chasse, la chasse de nuit doit être légalisée dans les 41 départements concernés. Enfin, des dates d'ouverture et de fermeture doivent être inscrites dans la loi et permettre la chasse de juillet au 28 février, selon les espèces, avec des dates échelonnées », et si, enfin, monsieur le rapporteur, au moins quelques amendements de bon sens avaient été acceptés lors de cette première lecture, nous aurions alors voté un texte acceptable par tous...

M. François Patriat, rapporteur.

Avez-vous entendu ce qu'a dit le Conseil d'Etat ?

M. Jean-Claude Lemoine.

... permettant une chasse apaisée, conformément aux souhaits de notre rapporteur, souhaits qui ne peuvent se réaliser à cause de son obstination, de son intolérance ou, peut-être, de son obéissance.

C ar, contrairement à vos affirmations, monsieur Patriat, le texte accepté ici même en première lecture ne donne pas satisfaction à 70 % des Français. Il est rejeté par une très large majorité de nos concitoyens. Faites les comptes : les chasseurs ont tous dit, haut et fort, qu'ils ne voulaient pas de cette loi ;...

M. François Patriat, rapporteur.

Pas du tout !

M. Jean-Claude Lemoine.

... la totalité des sénateurs, toutes tendances confondues, l'a refusée. Ici même, dans cette enceinte, les représentants élus du peuple, RPR, UDF, Démocratie libérale et Indépendants, non inscrits, ont voté contre. Les élus communistes et radicaux, et nombre de socialistes ont exprimé haut et fort leur hostilité à ce texte même si, par pure discipline, ils ne l'ont pas traduit dans leur vote. Même nos collègues Verts pour d'autres raisons, je vous l'accorde - rejettent également ce texte. Alors, où sont vos 70 % de satisfaits ? Lors de la commission mixte paritaire, tous les sénateurs et une très forte majorité de députés étaient fermement décidés à parvenir à un texte raisonnable, acceptable, compatible avec la directive européenne, mais d'entrée de jeu, vous avez annoncé la couleur en déclarant « qu'il n'y avait aucune possibilité d'accord », refusant ainsi le débat.

C'est cette obstination, votre obstination, votre intolérance...

M. François Patriat, rapporteur.

Ma fermeté !

M. Jean-Claude Lemoine.

... qui nous conduisent à ce nouvel examen que nous abordons, nous, membres du RPR et, j'en suis sûr, tous les membres de l'opposition et beaucoup de collègues de la majorité plurielle, avec la volonté d'aboutir à une rédaction permettant d'éteindre l'incendie que vous avez allumé et qui nous menace.

M. François Patriat, rapporteur.

Vous verrez !

M. Jean-Claude Lemoine.

Pour y arriver, nous sommes prêts à étudier tous les points litigieux mais, vous, laissez au vestiaire votre intolérance et ne vous obstinez pas à revenir au premier texte rejeté par tous.

Nous savons qu'il existe non pas quinze points de désaccord comme vous l'avez annoncé, mais quelques-uns qui peuvent se résoudre sous les conditions que je viens d'évoquer et si chacun décide en son âme et conscience et non sous la contrainte.

Acceptez de considérer les chasseurs comme des gens raisonnables, aptes à gérer leurs fonds et à organiser la pratique de leur sport. Cela veut dire en clair que les chasseurs qui financent sur leurs fonds propres la quasitotalité de l'Office national de la chasse doivent être majoritaires au sein du conseil d'administration, l'instance de décision.

Qui paye, commande, dit-on ! Où avez-vous vu des bailleurs de fonds accepter d'en abandonner la maîtrise et de les voir utilisés à des fins éloignées ou opposées même à leur destination initiale ? Acceptez de considérer les chasseurs comme des gens raisonnables qui ont prouvé leur aptitude à sauvegarder le patrimoine cynégétique !

M. Jean-François Chossy.

Tout à fait !

M. Patrice Martin-Lalande.

Exactement !

M. Jean-Claude Lemoine.

Les plans de chasse aux grands animaux, instaurés par les chasseurs spontanément, sans aucune contrainte et uniquement par les chasseurs, en sont une preuve irréfutable. Personne ne le conteste. A tel point que les indemnisations pour dégâts de gibiers augmentent considérablement d'année en année. On pourrait presque dire que les chasseurs n'ont pas tué suff isamment d'animaux, contrairement à l'image de destructeurs que leurs opposants veulent leur donner.

M. François Patriat, rapporteur.

Ne confondez pas tout !

M. Jean-Claude Lemoine.

Ils n'ont pas maintenu un équilibre idéal, mais ils ont permis une prolifération de certaines espèces, au point que certains professionnels même la dénoncent. Les oiseaux migrateurs qui nous intéressent particulièrement aujourd'hui, et vous le savez bien, ne trouvent sur notre territoire des zones humides pour leur repos et des réserves pour leur tranquillité que grâce aux chasseurs. Ce sont eux qui sont à l'origine du maintien ou de la création de ces lieux sauvegardés, entretenus, réservés à ces oiseaux.

Un tel comportement ne peut inspirer que de la confiance et ne mérite surtout pas cette défiance à leur égard, qui transparaît tout au long du texte que vous avez fait voter ici.

Acceptez la discussion et les arguments de tous en sortant de votre prison idéologique.

Reconnaissez que l'échelonnement des dates d'ouverture et de fermeture dans le temps et dans l'espace est logique et raisonnable et que les dates que nous proposons sont souvent plus restrictives que celles appliquées chez nos voisins, les pays de l'Union européenne soumis aux mêmes règles que nous, les Anglais, les Irlandais, les Allemands, les Espagnols, etc.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

M. le président.

Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Claude Lemoine.

Acceptez que la chasse de nuit, légalisée dans certains départements, le soit dans tous les autres où la tradition existe depuis des lustres ! Acceptez de discuter de tout cela, et nous, nous ferons le reste.

Ne brisez pas les derniers espoirs de beaucoup de Français par votre intolérance ! Aboutissons à un consensus entre gens de bonne foi !

M. François Patriat, rapporteur.

De bonne foi, vraiment ?

M. Jean-Claude Lemoine.

Que la bonne foi de tous et le bon sens l'emportent sur l'idéologie.

C'est notre souhait ! Mais les propos tenus par Mme la ministre, à l'instant, et par vous, monsieur le rapporteur, ne nous ont guère rassurés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je crois qu'il est utile de préciser à nouveau que nous nous prononçons, aujourd'hui, à l'Assemblée, sur le texte qui revient du Sénat. La majorité de cette Assemblée, bien entendu, du moins je l'espère, rejettera ce texte et le refondera sur la base de l'accord auquel nous étions arrivés en première lecture.

Ne vous en déplaise, monsieur Lemoine, cette loi est urgente et prioritaire, et il serait lourd de conséquences que nous nous retrouvions, au début de l'été sans texte de loi.

Celui que l'Assemblée nationale a adopté en première lecture correspond à une position d'équilibre : il respecte les droits de chacun, tant des chasseurs que des nonchasseurs. Il est nécessaire pour que nous puissions aboutir à une situation constructive.

Si je dis que le texte de l'Assemblée nationale est une position d'équilibre, c'est parce qu'il faut faire évoluer la législation en matière de chasse. Les temps ont changé depuis le XIXe siècle quand furent adoptés les textes sur lesquels nous nous fondons. Il faut que les choses évoluent car nous sommes, à l'orée de ce XXIe siècle, devant une civilisation différente. Au groupe socialiste, nous avons encouragé la recherche d'espace de compromis.

Nous devons encore en trouver, si mince soit la marge qui nous reste.

J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'intervention de notre collègue Liberti, qui nous fait des propositions. Le groupe communiste a toute sa place dans ce débat et nous devons apprécier ses propositions. Il ne m'appartient pas, orateur du groupe socialiste, de répondre à son intervention. Mais je veux dire à M. le rapporteur et à Mme la ministre que nous attendons avec intérêt les réponses qui lui seront faites. Pour ma part, je trouve certaines de ses propositions d'amendements assez raisonnables et je pense qu'on doit y réfléchir.

(Applaudissement sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Le texte, contrairement à ce que l'on prétend, recueille un large assentiment dans la population.

M. Jean Auclair.

C'est vous qui le dites !

M. Christian Bataille.

Je veux en témoigner ; moi qui suis, dans ma circonscription, au contact des chasseurs, jes ais qu'ils apprécient le souci d'équilibre dont il témoigne.

M. Jean Auclair.

Demandez donc à M. Peillon ! Il a compris, lui !

M. Christian Bataille.

Il y a parmi les chasseurs des gens de raison et de tolérance qu'il faut respecter. Ils n'ont nul besoin de faire tout le tapage de certains en faveur du conservatisme, je dirais même de la « réaction » en ce sens qu'il s'agit d'un retour en arrière, de l'attachement à un monde rural de convention, qui ne pourrait évoluer et serait condamné à demeurer figé dans des principes immuables. Le groupe socialiste, qui est progressiste, ne peut être que partisan d'une évolution.

Alors, je veux dire à nos collègues de l'opposition qu'ils ont tort de n'écouter que les protestataires bruyants. C'est leur affaire, mais ils se trompent s'ils ne savent pas entendre toute une partie de l'opinion qui apprécie la manière dont le Gouvernement, M. le Premier ministre et Mme la ministre de l'environnement, veulent faire évoluer les choses. Il en est aussi dans leur camp pour penser ainsi, et ils leurs reprocheront de ne pas les avoir entendus.

Bien que vous ne m'y invitiez pas, monsieur le président, je voudrais conclure. ( Sourires.)

M. le président.

Je pensais pourtant que vous aviez vu le signal lumineux clignoter, mon cher collègue.

M. Christian Bataille.

Car chacun comprend l'enjeu : une nouvelle saison de chasse va s'ouvrir dans quelques semaines, un an exactement après que le Premier ministre a confié à François Patriat la tâche de moderniser notre droit à la chasse. Devons-nous compromettre tous ces efforts, tout ce dialogue, après tant de tensions ? Devonsnous parier, dans les semaines et les mois qui viennent, sur une saison d'affrontement ? Ce sera à chacun d'en décider. Je veux pour ma part saluer la manière constructive avec laquelle notre rapporteur, François Patriat, dont nous sommes fiers, a su faire évoluer les choses, a su faire preuve d'ouverture, de dialogue.

M. le président.

Monsieur Bataille, maintenant, je vous invite à conclure.

M. Christian Bataille.

Une chose est sûre, c'est que notre attitude est scrutée de près en Europe. Notre capacité à voter un texte équilibré sera jugée, comme celle de l'ensemble de nos concitoyens à résoudre un problème qui n'a que trop duré. Nous devons montrer que nous sommes capables de mettre fin à un épisode où, très loin de nous grandir, nous avons cédé à nos pires démons.

C'est la raison pour laquelle je vous invite, comme le groupe socialiste, à faire bloc derrière les propositions du rapporteur. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Le Nay.

M. Jacques Le Nay.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la chasse revient en discussion en nouvelle lecture devant notre assemblée.

Au nom des députés du groupe UDF, je tiens à exprimer notre profond regret et notre grande déception de constater que la réunion de la commission mixte paritaire qui s'est tenue le 29 mai dernier se soit traduite par un échec.

Je pense très sincèrement qu'il était possible de rapprocher la position de chacune des deux assemblées et de trouver un accord acceptable, pour la satisfaction du plus grand nombre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

Mais faute de cet accord, il nous faut aujourd'hui recourir à une nouvelle lecture d'un texte qui, s'il reste conforme aux amendements adoptés par la commission de la production et des échanges, sera loin de son objectif premier, celui de permettre une chasse apaisée.

M. Pierre Hériaud.

Absolument !

M. Jacques Le Nay.

Je vous rappelle que lors de la première lecture, à l'issue des débats et des discussions qui s'étaient achevés à l'aube, le texte du Gouvernement amendé par l'Assemblée nationale avait été adopté à une très courte majorité.

Alors qu'une opposition forte s'était manifestée à l'encontre de plusieurs articles du projet de loi, y compris sur certains bancs de la majorité, un très grand nombre d'entre nous avaient clairement manifesté leur désaccord sur plusieurs points du texte.

Je tiens à en rappeler les principaux : l'inscription ou non dans la loi des périodes de chasse aux oiseaux migrateurs ; la définition de ces périodes et les modalités de fixation d'un jour de non-chasse ; la liste des départem ents dans lesquels la chasse de nuit devait être autorisée ; le gel du nombre des installations pour cette pratique ; la composition du conseil d'administration de l'Office national de la chasse ; mais aussi le problème de l'assermentation des agents de développement cynégétique.

C'est sur ces points essentiels, sur lesquels nous avions exprimé notre désaccord avec le texte du Gouvernement, que le Sénat, dans sa grande sagesse, a amendé le projet de loi.

Un large consensus s'est d'ailleurs dégagé au Sénat pour approuver un projet revu et corrigé, susceptible d'apaiser les passions et d'éviter les éternels contentieux au sujet des dates d'ouverture et de clôture de la chasse.

Le rôle du législateur est de rapprocher des points de vue et de tout faire pour rétablir des débats sereins et constructifs entre défenseurs et opposants à la chasse.

La commission mixte paritaire aurait pu remplir ce rôle, je ne suis pas le seul à le penser ! Si l'on s'en réfère au rapport de cette commission, nous constatons que c'était la volonté clairement affirmée par Mme Anne Heinis, rapporteur pour le Sénat. Elle a bien souligné à cette occasion la convergence des points de vue qui s'était manifestée lors de l'examen du projet de loi au Sénat. Elle a aussi rappelé que la quasi-totalité des amendements examinés par le Sénat avaient été adoptés sans manifestation d'opposition.

A contrario, M. François Patriat, le rapporteur de notre assemblée, a estimé que le vote du Sénat était maximaliste. En conséquence, il n'a pas souhaité, purement et simplement, plaider en faveur d'une solution de compromis au sein de la commission mixte paritaire.

Nous regrettons une position aussi tranchée et un refus de dialogue manifeste. Nous regrettons l'absence de volonté dans la recherche de compromis et d'accords consensuels. Nous regrettons cette intolérance.

C'est la raison pour laquelle j'ai surtout la très nette impression que ce débat en nouvelle lecture risque de se dérouler dans une atmosphère de blocage, où seuls les amendements du rapporteur, et sans doute quelques amendements des Verts, seront pris en compte.

Pourtant, le texte du Sénat comporte des amendements auxquels nous sommes particulièrement attachés. Il y a d'ailleurs, sur bien des sujets, des rapprochements de points de vue avec des amendements que nous avions défendus en première lecture et que vous aviez rejetés. Je pense notamment à la représentation et à l'organisation des assemblées générales des fédérations de chasse. Je p ense également à l'élargissement de la tutelle au ministère de l'agriculture et de la forêt, afin de mieux coller à la réalité du terrain et à ce qui se pratique dans les départements.

Mais le point essentiel, auquel nous tenons beaucoup, concerne l'inscription dans la loi des dates de chasse aux oiseaux migrateurs, pour ne pas s'exposer à la pérennisation des litiges. Il eût été utile pour cela que le contentieux en cours au niveau européen soit négocié avec la Commission européenne, en utilisant objectivement les rapports et les propositions avancés sur le plan scientifique. Malheureusement, nous n'avons pas senti cette volonté.

Force est de constater que les démarches entreprises jusqu'à présent par le Gouvernement français ont été très insuffisantes. Les condamnations dont nous faisons l'objet sont les conséquences de ce laxisme. Personne sur nos bancs ne souhaite adopter un texte contraire à la directive européenne. Celle-ci fixe, certes, les principes, mais elle ne fixe pas les dates de chasse. Et si notre pays est condamné, c'est avant tout parce qu'il ne s'est pas défendu.

M. Antoine Carré.

C'est vrai !

M. Jacques Le Nay.

Il n'a pas utilisé les rapports scientifiques mis à sa disposition. Car personne ne peut nier que les dates de migrations ou de nidification varient d'un département à l'autre. En conséquence, une modulation des dates de chasse est absolument souhaitable.

En matière de contentieux communautaires, il n'y a pas d'inconvénients fâcheux à ce que les dates figurent dans la loi ou dans un décret. En revanche, si la loi française définissait des dates en tenant compte de la jurisprudence européenne, nous éviterions tout contentieux national. Cela a été clairement dit dans les débats par certains d'entre nous, notament par notre collègue Charles-Amédée de Courson.

En dehors de ce point essentiel, très peu de chose empêchait en réalité d'aboutir à un accord entre les représentants de nos deux assemblées, ce qui démontre bien, madame la ministre, monsieur le rapporteur, que les positions quasiment unanimes des sénateurs ne sont pas maximalistes, contrairement à ce que vous avez affirmé.

D'une manière générale, la gestion du milieu naturel doit être la préoccupation de tous, chasseurs et nonchasseurs. Elle doit être une préoccupation permanente qui ne peut être résumée par la formule que vous avez répétée en commission, monsieur le rapporteur : « Six mois de gestion, six mois de chasse. » Permettez-moi

d'être surpris ! Une gestion cynégétique bien comprise s'effectue durant les douze mois de l'année. C'est ce que nous constatons dans nos départements et sur le terrain.

Les fédérations se structurent et mettent à la disposition des associations de chasse des moyens en hommes et en matériel, de façon à optimiser les actions en faveur du milieu naturel et de la faune sauvage. Elles forment les futurs chasseurs. Elles leur apprennent à mieux connaître la nature et à la respecter. Les carnets de prélèvement, les comptages de gibiers et les plans de gestion des espèces sont des réalités du terrain.

Les responsables de la gestion de la chasse souhaitent que la loi leur donne les moyens de faire respecter les règles que s'imposent les chasseurs.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

Ces règles vont bien souvent au-delà de ce que prescrit la loi. Certaines fédérations départementales n'interdisentelles pas déjà un, deux, voire trois jours de chasse par semaine ? Des réserves naturelles permettent de suivre l'évolution des espèces. Elles trouvent bien souvent leur origine dans les initiatives prises par les instances cynégétiques départementales. Celles-ci ont effectué, avec le concours des techniciens et des personnels de garderie, un travail remarquable depuis de nombreuses années. Je citerai, à titre d'exemple, le travail réalisé sur le suivi des migrations de la bécasse en forêt de Pontcallec. Cette forêt domaniale est louée à l'Office national des forêts par la fédération des chasseurs du département du Morbihan avec le concours des associations communales de chasse qui se sont constituées en groupement d'intérêt cynégétique. Les exemples ne manquent pas. Ils témoignent que la gestion cynégétique n'est pas un vain mot, mais bien une réalité de tous les jours, si l'on en juge par ce que nous en font découvrir les responsables de la chasse. Ils sont les premiers à regretter les exactions d'une minorité non respectueuse des règles.

C'est la raison pour laquelle nous insistons sur le fait que la loi doit pouvoir donner aux fédérations et aux associations de chasse les moyens de se doter d'agents assermentés pour veiller à la bonne application des règlements.

J'achèverai mon intervention dans cette discussion générale en formulant un souhait. Je souhaite, madame la ministre, monsieur le rapporteur, que le texte définitif qui sera adopté par notre assemblée n'apporte pas davantage de désillusions et de déceptions que d'espoirs. J'espère, au contraire, que nous pourrons voter un texte équilibré pour une chasse apaisée. L'avenir nous le dira. Pour le moment, nous émettons les plus grandes réserves. Mais il ne nous est pas interdit de croire que, grâce à la clairvoyance et à la lucidité du plus grand nombre, l'examen des amendements qui vont suivre pourra améliorer de façon sensible le texte du Gouvernement.

C'est ce que nous vous proposerons au travers de nos amendements et sous-amendements, cosignés par les trois groupes de l'opposition. Et c'est en fonction des avancées attendues que le groupe UDF se prononcera au moment du vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, nous voici arrivés à la nouvelle lecture du projet de loi sur la chasse, après l'échec de la commission mixte paritaire. Cette lecture, nous l'avons dit, nous paraît essentielle. Et nous souhaitons mettre enfin un terme positif au débat que nous avons engagé, ce qui n'est pas, dois-je le rappeler, du domaine de l'impossible. Il faut qu'enfin nous puissions sortir de ce débat par le haut, comme l'a dit François Liberti, ce débat qui a été trop longuement et complaisamment entretenu par les différents extrêmes. La solution nous paraît pourtant simple, et notre groupe s'y est toujours tenu : une chasse responsable et apaisée appelle des compromis de part et d'autre, et nul ne doit camper sur ses positions, au risque de sacrifier un droit ancestral et reconnu : le droit de chasse, dont j'ajoute qu'il est aussi un droit républicain.

Lors de la première lecture, nous nous sommes abstenus. Mon ami François Liberti, dans les explications de vote, vous en avait donné, madame la ministre, les raisons. Nous indiquions que, pour que nous puissions voter ce texte, il devait être amélioré au moins sur trois points.

Premièrement, le jour de non-chasse. Il ne peut s'appliquer, disions-nous, ni à la chasse au gibier d'eau ni à la chasse aux oiseaux migrateurs, qui s'effectuent essentiellement la nuit. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à ce que ce jour de non-chasse s'entende du lever au coucher du soleil.

Deuxièmement, les départements où se pratique traditionnellement une chasse de nuit. L'Assemblée a décidé en première lecture que seuls vingt départements seraient concernés par la législation sur cette chasse traditionnelle et populaire. Nous avons donc déposé un amendement afin que cette question puisse également être réglée. Huit autres départements doivent être effectivement concernés par cette législation.

Troisièmement, la prise en compte dans le texte de loi, disions-nous à l'époque, d'un calendrier national des dates d'ouverture et de fermeture, tenant compte de la biologie des espèces, de leur statut de conservation, des plans de gestion, un calendrier qui permette une gestion d urable de cette ressource naturelle. A ce propos, madame la ministre, je dois avouer que, là, ma surprise est complète !

M. Robert Lamy.

Et désagréable !

M. Maxime Gremetz.

Je viens, en effet, de prendre connaissance du projet de décret sur les dates de chasse.

Je rappelle que nous avions fait un effort, en consentant à ce que cette question soit réglée non plus par la loi, mais par décret, tout comme d'ailleurs les associations de chasseurs. Or, je dois le dire clairement, un seul adjectif est susceptible de qualifier ce projet de décret : il est inacceptable, absolument inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union p our la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Cochet.

Mais non !

M. Maxime Gremetz.

Il frise même, je dois le dire, la provocation.

Vous le savez, madame la ministre, plusieurs avantprojets de compromis sur le calendrier ont été rédigés par le ministère, par votre ministère. Le projet de décret que nous avons aujourd'hui est le pire de tous ceux dont nous avons pu avoir connaissance, y compris dans le Courrier Picard.

M. Jean-Claude Lemoine.

C'est vrai !

M. Maxime Gremetz.

Personne ne peut s'en satisfaire.

Si votre souci, madame la ministre, est identique à celui qui nous anime, s'il est de mettre définitivement un terme aux controverses, il faut que cette question puisse être réglée lors de cette lecture définitive.

Nous en appelons solennellement au Gouvernement et à la majorité plurielle pour trouver un compromis raisonnable. Et c'est possible. Je rappelle à ce propos qu'il suffit de reprendre l'amendement du groupe chasse, qu'on appelle maintenant « l'amendement Sicre »,...

M. Antoine Carré.

C'est vrai !

M. Jean-Claude Lemoine.

Eh oui !

M. Maxime Gremetz.

... pour résoudre l'essentiel de la question.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

M. Yves Cochet.

Non !

M. Maxime Gremetz.

Ah, vous êtes arrivé, vous ? Excusez-moi, je ne vous avais pas vu ! Les bases d'un compromis existent, il faut donc que ce compromis nous le réalisions aujourd'hui.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Vous voulez nous faire condamner à Bruxelles ?

M. Maxime Gremetz.

Et puis, madame la ministre, écoutez l'appel qui vous est lancé pour une chasse apaisée et légitimée : en refusant toute fermeture arbitraire le mercredi, alors que de nombreuses fédérations ont d'ores et déjà limité les jours de chasse ; en reconnaissant définitivement les chasses traditionnelles là où elles s'exercent et notamment la chasse de nuit, dans tous les départements où elle est une chasse traditionnelle ; en fixant par la loi les périodes traditionnelles de chasse aux oiseaux migrateurs ; en maintenant la fermeture au 28 février...

M. Jean Auclair.

Très bien !

M. Maxime Gremetz.

... mais en maintenant également le principe de dérogation. Voilà un appel qui est lancé.

Et lancé par qui, madame la ministre ? Dans une motion présentée par le groupe socialiste et l'élu CPNT du conseil régional de Languedoc-Roussillon. Cet appel, si vous ne nous écoutez pas, vous l'entendrez sans doute davantage, je pense. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Didier Quentin.

M. Didier Quentin.

Monsieur le président, madame le ministre, chers collègues, le compromis équilibré que tout le monde semblait appeler de ses voeux est en train de s'éloigner, semble-t-il, par entêtement idéologique. Il était p ourtant possible, à partir d'un certain nombre d'objectifs.

Premièrement, inscrire les dates d'ouverture et de fermeture dans la loi. Cela permettrait de calmer les esprits, et d'assurer pour l'avenir une chasse apaisée. Vous souhaitez au contraire, madame la ministre, que les dates soient d'ordre réglementaire.

M. François Patriat, rapporteur.

C'est le Conseil d'Etat qui le demande, ce n'est pas nous !

M. Didier Quentin.

Vous prétendez ainsi vous conformer aux directives européennes. Mais, nous le savons bien, dès le vote de ce texte, certaines organisations militantes écologistes vont attaquer les futurs décrets et les éventuels arrêtés préfectoraux. Vous ouvrez donc la voie à de nombreux recours, qui ne manqueront pas de raviver les passions. Nous pouvons parier qu'il y aura autant de recours que de départements !

M. François Patriat, rapporteur.

Il n'y en a pas eu avec la loi de 1998 ?

M. Didier Quentin.

Deuxième objectif, recentrer les missions de l'Office national de la chasse.

Au contraire, en rebaptisant l'ONC Office national de la chasse et de la faune sauvage, vous élargissez ses missions, en le transformant en un véritable observatoire de la faune. De plus, vous modifiez la composition du conseil d'administration du nouvel office en réduisant le rôle des chasseurs à celui de simples observateurs, tout en envisageant d'augmenter le prix du permis de chasser, afin de financer les nouvelles missions de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. Il est pour le moins choquant de faire financer par l'argent des chasseurs des actions anti-chasse !

M. Jean-Claude Lemoine.

Tout à fait !

M. Didier Quentin.

Troisième obectif, libérer les fédérations de chasseurs de la tutelle de l'Etat. Au contraire, vous programmez une quasi-nationalisation des fonds fédéraux en décidant qu'il revient au ministère chargé de la chasse de déterminer le prix maximum des cotisations des chasseurs. Je souligne au passage, reprenant la vieille idée de mon ami Jean-Claude Lemoine, que nous sommes nombreux à souhaiter que ce ministère soit à l'avenir celui de l'agriculture.

M. Jean Auclair et M. Patrice Martin-Lalande.

Très bien !

M. Didier Quentin.

Par ailleurs, vous mettez en danger l'équilibre financier des fédérations en ne prévoyant pas un fonds de réversion d'une partie de la redevance du timbre « grand gibier » et en obligeant ainsi les fédérations à assumer seules l'indemnisation des dégâts, notamment dans les cultures. Par exemple, dans mon département de la Charente-Maritime, cela aurait pour effet de faire passer le prix du bracelet du sanglier de 150 francs à plus de 450 francs. On voudrait réduire l'influence des fédérations et supprimer la chasse populaire qu'on ne s'y prendrait pas autrement !

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est scandaleux !

M. François Patriat, rapporteur.

Vous dites n'importe quoi !

M. Didier Quentin.

Quatrième objectif, préserver la chasse de nuit.

Ce type de chasse est assurément l'une des plus populaires et c'est pourtant celle que vous menacez le plus ! Vous agitez le risque de sanctions que fait courir à la France l'extension à un certain nombre de départements de ce type de chasse. Or je rappelle que la directive européenne 79/409, à laquelle vous faites si souvent référence, n'interdit nullement la chasse de nuit. Elle en réglementes eulement les conditions et les moyens. D'ailleurs, madame la ministre, pourquoi ne pourrions-nous pas renégocier cette directive ? Mais ce qui frappe dans toute votre approche, c'est que les chasseurs sont toujours considérés comme non respectueux de la nature. Cette vision est pour le moins caricat urale comme le sont les nombreuses manoeuvres conduites ces derniers temps pour discréditer le monde de la chasse.

Je tiens au contraire à souligner l'esprit responsable de la plupart des chasseurs et d'abord de leurs fédérations départementales qui jouent un rôle essentiel dans le maintien et la conservation des habitats. Dans mon département, par exemple, les chasseurs de gibier d'eau ont démontré leur capacité à gérer durablement et de façon pérenne les zones humides. Sans eux, certains m arais seraient aujourd'hui complètement asphyxiés ! C'est bien la preuve que les chasseurs prennent en compte la nature dans son ensemble.

En ne donnant pas un vrai statut aux agents fédéraux, vous allez à l'encontre de la création ou du maintien de ces emplois et vous fragilisez le contrôle des plans de gestion de chasse. Par cette absence de reconnaissance, vous condamnez également le rôle essentiel de ces agents dans la lutte contre le braconnage.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

M. François Patriat, rapporteur.

On croirait entendre

CPNT !

M. Didier Quentin.

Il convient pourtant de souligner que les missions des agents fédéraux ne concurrencent pas celles de l'ONC. Elles correspondent à un souci de cohérence dans la volonté des fédérations de mettre en place et de contrôler le suivi des plans de gestion, dont certains impliquent des mesures très précises.

C'est ainsi que la fédération départementale des chasseurs de la Charente-Maritime a mis en oeuvre un plan de gestion du lièvre, par le biais d'une carte individuelle de prélèvement remise à près de 20 000 chasseurs. Cette méthode, appliquée depuis 1995, a pour effet à la fois de sensibiliser les chasseurs et de les responsabiliser à la gestion du lièvre, ainsi que de donner à l'administration des éléments fiables sur l'état des populations.

En retirant aux associations communales de chasse agréées la prévention et la répression du braconnage, vous n'allez pas non plus dans le sens de ce que vous dites rechercher a priori, à savoir un meilleur respect de la nature. De plus, vous fragilisiez ce « lieu de dialogue » q ue constituent las ACCA dans de toutes petites communes, en rétablissent des droits abusifs au profit des acquéreurs de micro-parcelles et en réduisant le délai d'opposition.

Dans un délai très court, ces mesures seront immanquablement sources de nombreux conflits, notamment en termes d'entretien des parcelles. De surcroît, avec le

« mercredi sans chasse », le risque est grand de voir se multiplier les chasses en enclos qui sont tout à fait nocives pour une organisation rationnelle de la chasse.

M. François Patriat, rapporteur.

Vous vous êtes trompé de discours, le vôtre est fait pour les comices agricoles !

M. Didier Quentin.

Voilà autant de mesures qui ne vont pas dans le sens recherché à l'origine par votre projet de loi de mettre un terme aux nombreux contentieux et conflits dont la chasse est l'objet.

En revenant au texte initial, votre majorité prend le risque d'enflammer les campagnes, car, au-delà de la seule question de la chasse, c'est l'avenir du monde rural qui apparaît menacé ! Vous ne pouvez pas ignorer cette réalité, comme vous ne pouvez ignorer la détermination des chasseurs.

Madame la ministre, votre projet est bien loin d'être le

« Grenelle de la chasse ». Il est désormais acquis que ce texte est lourd de menaces et d'incertitudes pour l'activité cynégétique. Il n'y a pourtant pas de contradiction entre l'amour de la nature et la défense de la chasse.

Par entêtement idéologique, vous vous éloignez d'une chasse apaisée, responsable et moderne. Nous sommes très nombreux et j'en suis sûr, des deux côtés de l'hémicycle à déplorer ce formidable gâchis. Vous pouvez encore l'éviter en acceptant les amendements constructifs et équilibrés que mes collègues de l'opposition et moimême allons présenter. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis que nous discutons de cette « loi chasse », je n'entends sur tous les bancs de cette assemblée, comme cela a été le cas sur ceux du Sénat, que les mots « pacification », « esprit ouvert »,

« apaisement », « compromis » et que l'expression « mettre fin au contentieux ». Or que s'est-il passé ? La chasse était en crise à la suite de nombreuses décisions de justice et du fait que notre ministre de l'environnement avait simplement envisagé d'appliquer la loi.

En fait, la crise concernait une minorité de chasseurs certains chasseurs de gibier d'eau et quelques dirigeants de la chasse.

Pour essayer de mettre fin à cette crise, le Gouvernement a confié une mission à l'un des nôtres. Je tiens à saluer ici le courage et l'intelligence de François Patriat et le remarquable travail qu'il a effectué. Il a compris les problèmes et proposé des solutions raisonnables. Je tiens aussi à dire à Mme le ministre combien nous avons su apprécier sa capacité de résistance et de dignité face aux attaques souvent indignes du Sénat. Elle a su tenir ferme sur ses positions, tout en tentant d'explorer avec nous toutes les voies du compromis auquel nous étions parvenus en première lecture.

Sur la base du rapport Patriat, le Gouvernement avait présenté un projet de loi. Bien sûr, il ne satisfaisait personne, ce qui est souvent le propre des vrais compromis, mais la majorité des protecteurs de la nature et des chasseurs modérés était prête à l'accepter. On pouvait vraiment parler de compromis et de tentative sérieuse de pacification. Madame la ministre, vous aviez réalisé ce que beaucoup considéraient comme impossible.

Lors de la discussion en première lecture dans notre assemblée, l'extrémisme de certains a failli tout faire échouer (Exclamations sur divers bancs), mais notre rapporteur a tenu bon et le pire a été évité. Force cependant est de reconnaître que le texte adopté a déplacé l'équilibre vers l'extrême chasse. (Exclamations sur de nombreux bancs.)

Nous avons accepté de le voter - pas de gaieté de coeur - parce que nous souhaitions donner une chance à l'initiative du Gouvernement et de notre ministre de l'environnement. Cette chance, c'est cette deuxième lecture. Mes chers collègues, nous devons donc travailler dans le sens de la réconciliation des Français avec la chasse et contre les extrémistes des deux bords.

Le Sénat, il faut le dire, a massacré notre texte en satisfaisant les pires extrémismes de la chasse et en réhabilitant les pires anachronismes comme, par exemple, celui qui consiste à déclarer la buse comme un animal nuisible.

Dans ma région, la chasse est une tradition bien ancrée. Elle est même le loisir de beaucoup et fait partie de nos particularités. Les chasseurs que je rencontre ont honte de ce qui se passe ici.

M. Robert Lamy.

Nous ne devons pas connaître les mêmes !

M. Noël Mamère.

Ils souhaitent pratiquer leur loisir en paix. Certes, ils voudraient chasser le plus longtemps possible, mais ils ont conscience que la destruction des milieux et que les pesticides de l'agrochimie ne permettent plus de chasser comme avant.

M. Jean-Claude Lemoine.

Quel rapport avec la chasse ?

M. Noël Mamère.

Pour continuer à chasser, ils sont prêts, comme beaucoup en France, à chasser moins pour chasser mieux. Ils ont surtout envie de s'exprimer au sein de leur fédération et de pouvoir choisir eux-mêmes, démocratiquement, leurs porte-parole.

Alors, mes chers collègues, cessons de caricaturer les chasseurs...

M. François Lamy.

Oh oui !

M. Noël Mamère.

... en mettant en avant une poignée d'extrémistes.

M. Antoine Carré.

Assez d'hypocrisie !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

M. Noël Mamère.

La chasse ne mérite pas d'être insultée dans cette assemblée du peuple. Elle doit être défendue. Et la meilleure défense de la chasse, c'est de rester raisonnable, d'établir un système démocratique et transparent sur le plan financier, de respecter les engagements internationaux de notre pays et surtout de permettre aux chasseurs de devenir ce qu'ils devraient tous être : des protecteurs de la nature.

Pour rester raisonnable, la chasse doit donc prendre en compte les autres usagers de la nature. Comme l'a justement dit notre rapporteur lors de la réunion de la commission de la production et des échanges, « une loi sur la chasse ne doit pas être une loi pour les chasseurs mais une loi pour tous ».

La chasse doit donc pouvoir rester populaire et démocratique et ne pas être soumise à des coûts prohibitifs comme l'a justement démontré la Cour des comptes. Les vrais chasseurs en ont assez des fraudes au permis de chasser, des détournements d'argent ou des fraudes diverses. Et que l'on ne vienne pas me dire qu'il s'agit de cas isolés : la liste des départements concernés est trop longue pour que, dans le temps qui m'est imparti, je puisse vous en donner lecture. Le récent rapport de la Cour des comptes a mis en lumière un système étrange proche de ce qu'un ancien responsable de CPNT a qualifié ce matin dans une interview donnée au Parisien de système « mafieux ».

L'argent des redevances cynégétiques est de l'argent public. C'est une redevance payée par le chasseur à la collectivité pour avoir le droit de prélever un bien qui appartient à tout le monde. La cotisation aux fédérations est certes l'argent des chasseurs et c'est à eux de décider comment l'utiliser. Mais du fait qu'il s'agit d'une cotisation rendue obligatoire par la loi, cet argent prend une forme publique, et il est donc indispensable que l'Etat en contrôle l'utilisation avec des moyens appropriés. La Cour des comptes a d'ailleurs très bien posé le problème : ou les cotisations sont obligatoires, et l'Etat doit avoir un contrôle strict ; ou les cotisations sont facultatives, et le contrôle normal de toute association doit s'appliquer.

Les députés Verts, quant à eux, abordent ce débat avec le souci de rechercher un bon compromis et celui du réalisme. Nous l'avons dit et redit, le bon compromis, c'était le projet de loi déposé par le Gouvernement. Mais nous sommes prêts à faire un geste de bonne volonté et à accepter le projet tel qu'il a été voté en première lecture, sous réserve que soient adoptées deux modifications non négociables (Exclamations sur divers bancs) concernant l'amendement sur l'ours et le renforcement des contrôles de l'utilisation des centaines de millions que procurent les cotisations obligatoires aux fédérations de chasse.

M. Jean-Claude Lemoine.

Nous ne sommes pas prêts d'arriver à un compromis !

M. Noël Mamère.

Nous voulons une loi qui prenne en compte les non-chasseurs.

M. le président.

Pouvez-vous conclure, monsieur Mamère ?

M. Noël Mamère.

Je termine, monsieur le président.

Je demande à mes collègues, y compris à ceux de la majorité, de ne pas détruire le compromis si difficilement acquis en première lecture. La position des Verts est très claire : si nous revenons au texte adopté en première lecture, avec les modifications relatives à l'amendement et aux contrôles financiers, nous voterons ce texte ; si des extrémismes introduits par le Sénat et relayés par certains d'entre nous...

M. Maxime Gremetz.

Oh, arrêtez !

M. Noël Mamère.

... venaient à être adoptés par notre assemblée, nous ne pourrions pas voter ce texte car nous le considérerions comme dénaturé par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz et M. François Rochebloine.

Intégriste !

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Madame la ministre, je souhaiterais, durant les cinq dernières minutes qui me sont imparties, vous persuader que les chasseurs sont les plus grands protecteurs de l'environnement et les plus grands écologistes.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Oh là, ça commence bien !

M. Hervé Morin.

En effet, les chasseurs et les protecteurs de l'environnement partagent la même passion, celle de la nature, celle des animaux. Les chasseurs ne sont ni des usagers ni des utilisateurs de l'environnement, ce sont des amoureux de la nature. Contrairement à l'image que vous tentez de véhiculer des chasseurs, ce sont ni des ivrognes ni des assoiffés de sang.

Que font les chasseurs ? Ils pratiquent les biotopes, ils défendent des habitats, ils protègent le patrimoine cynégétique pour pouvoir mener à bien sa passion. Cela passe par la protection des talus et des haies, la restauration des mares, la défense des zones humides s'il en reste encore dans notre pays, c'est en partie grâce aux chasseurs , la protection et l'aménagement des forêts, le financement d'études au profit du biotope et d'un certain nombre d'espèces animales dont on souhaite mieux connaître les conditions de vie ou les conditions de reproduction. Cela passe aussi par des pratiques comme celle de l'agrainage des animaux pendant l'hiver, c'est-à-dire lorsqu'ils sont au plus mal, et par la protection de certaines espèces : aujourd'hui , il ne volerait quasiment plus un seul perdreau au-dessus du territoire national si les chasseurs n'étaient pas là pour les protéger, s'en occuper et pour leur permettre de se développer.

Contrairement à ce que vous pensez, madame la ministre, un chasseur préfère voir voler et courir, préfère entendre caqueter, bramer, vagir - c'est le cri du lièvre -, chanter un coq dans la nature plutôt que dans son carnier. Pour un chasseur, le plus grand plaisir, comme dans l'amour, est plutôt avant qu'après ! (Sourires.) Je sais qu'il y a des experts parmi nous. Bref, madame la ministre, les chasseurs sont de grands écologistes.

Malheureusement, vous avez développé un climat de suspicion permanente, fait naître une sorte de sentiment de défiance, ce qui fait que, aujourd'hui, plus personne ne vous croit lorsque vous dites que vous souhaitez aboutir à une harmonisation des positions, faire en sorte que les chasseurs puissent être compris dans notre pays. Vous avez instillé le doute, si bien que les chasseurs ne vous croient plus et ne vous croiront plus.

Si l'on estime que les vrais chasseurs sont de vrais protecteurs de l'environnement, il est nul besoin d'instaurer dans la loi un jour de non-chasse, de mettre les chasseurs sous le boisseau dans le conseil d'administration de l'ONC, de limiter les jours de chasse un vrai chasseur chasse peu, car il sait que s'il chasse trop une année, il ne chassera plus l'année suivante.

Le deuxième sujet que je voudrais aborder concerne l'Europe et la chasse.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

Il faut que l'Europe comprenne - et le Gouvernement doit être particulièrement vigilant sur ce sujet - qu'elle doit s'occuper des grands problèmes, des grands sujets comme la défense, la politique européenne de sécurité commune ou la monnaie, mais certainement pas des traditions et du « local ». Les terroirs, les territoires, la chasse, notre culture et nos traditions ne relèvent pas de l'Europe. Nous ne voyons pas pourquoi l'Europe fixerait les dates d'ouverture de la chasse pour des gibiers sédentaires propres à tel ou tel pays. Qu'elle puisse à la rigueur avoir une position sur les gibiers migrateurs, pourquoi pas, mais certainement pas sur tous les gibiers sédentaires ! J'en viens au troisième et dernier sujet que je traiterai dans cette intervention.

Ce n'est pas en mettant en cause en permanence un certain nombre de traditions comme la chasse ou certaines pratiques propres à nos territoires que l'on fera accepter la mondialisation dans notre pays. On ne peut pas à la fois demander aux Français de souffrir de certains méfaits de la mondialisation et les priver des repères, des racines et des solidarités qui existent à travers la chasse, les priver des cultures communes que nous développons et transmettons à nos enfants. Pour un certain nombre d'entre nous et pour tous ceux qui aiment la vraie chasse, la chasse fait partie de ces repères.

Vous nous accusez, madame la ministre, d'être uniquement les défenseurs d'un lobby. Eh bien, non ! Nous croyons seulement que la démocratie, c'est l'expression des contraires, des valeurs différentes. Et si nous défendons la chasse, c'est parce qu'elle fait partie de nos valeurs et nous sommes nombreux sur ces bancs à le penser.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

(M. Yves Cochet remplace M. Patrick Ollier au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, nous examinons en deuxième lecture le projet de loi sur la chasse, après avoir constaté l'impossibilité d'aboutir à un accord en CMP, en raison de la position extrême de la droite (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Patrice Martin-Lalande.

Il ne faut pas dire ça !

M. Pierre Ducout.

... qui exigeait que les dates d'ouverture et de fermeture soient fixées par la loi et qui ne fait pas confiance au Gouvernement pour en décider par décret.

Pour ma part, j'ai voté le texte adopté en première lecture après avoir voté les amendements de la commission de la production et des échanges.

Ce texte permet d'atteindre un équilibre global, en reconnaissant l'exercice de la chasse responsable et gestionnaire des espèces. Il légalise la chasse de nuit, au gibier d'eau en particulier. Mme la ministre de l'environnement s'était par ailleurs engagée à présenter, pour la deuxième lecture, un projet de décret déterminant les dérogations ouvertes par notre rédaction de l'article 10.

Au cours de ces deux derniers mois, le but poursuivi par notre rapporteur d'aller vers une pratique apaisée de la chasse n'a pas été atteint. A cela, je vois trois raisons : l'attitude des médias qui cherchent plutôt à attiser les braises pour vendre du papier plutôt que d'ouvrir leurs colonnes aux positions modérées ; l'intérêt de certains groupements, qu'ils soient pro- ou antichasse, à laisser ouverts des contentieux sur la chasse ; la non-maturité regrettable de certains chasseurs, qui leur a fait commettre des actes inadmissibles en démocratie.

Malgré cela, il ressort d'une étude de l'institut Sociovision paru dans un journal de l'après-midi que la chasse n'est pas un réel thème de conflit de société ; qu'elle n'est pas associée aux menaces sur l'environnement ; que personne n'imagine qu'elle puisse être interdite, mais que, au contraire, son interdiction serait ressentie comme une menace pour d'autres libertés publiques ; que la chasse peut s'avérer porteuse de modernité.

Comme vous le savez, madame la ministre, dans notre région du Sud-Ouest et dans le département de la Gironde, qui est celui qui compte le plus de chasseurs, la chasse est une pratique populaire, porteuse de traditions, un fait culturel majeur pratiqué dans le respect et en symbiose avec la nature.

Comme beaucoup de mes collègues, j'ai eu l'occasion, durant ces deux derniers mois, de parler de la chasse à l'extérieur de ces murs. J'ai participé à l'assemblée géné rale de la fédération départementale de chasse de la Gironde, dont j'ai pu apprécier le sérieux et l'autolimitation des prélèvements, et j'ai rencontré des chasseurs -, certains manifestant nombreux mais calmement devant ma mairie. Bref, j'ai discuté avec beaucoup de chasseurs, mais aussi de non-chasseurs. Je voudrais donc, en fonction de mon expérience, souligner quelques points.

Je considère, madame la ministre, que votre proposition de décret va dans le bon sens, même si ce décret est en retrait par rapport à ce que certains espéraient. La date du 20 février pour la chasse à la bécasse est un élément à prendre en compte. Quant à celle du 28 février, elle aurait pu être avancée, en particulier pour la grive dans le Sud-Est. S'agissant du jour de non-chasse, qui est de fait ressenti par les non-chasseurs, comme un signe de volonté de partager l'espace, une application du principe de subsidiarité au niveau de la compétence environnementale des régions, comme c'est le cas en Allemagne ou en Belgique, aurait pu permettre une application intelligente.

M. Antoine Carré.

Très bien !

M. Pierre Ducout.

Ainsi, un non-chasseur rencontré lors d'une opération de jumelage entre l'Aquitaine et la Hesse m'indiquait que, pour lui, le principal était la sécurité. Il voulait pouvoir se promener calmement sur les pistes cyclables, le long du littoral, en traversant d'ailleurs des forêts domaniales. Mais il considérait aussi que l'aménagement des tonnes pour la chasse de nuit au gibier d'eau était un point très positif pour lui.

En commission, nous avons tous travaillé sérieusement sur ce texte qui nous est soumis en deuxième lecture.

Pour l'essentiel, nous avons repris les dispositions que nous avions adoptées en première lecture, reprenant en particulier l'amendement sur la sécurité que je juge essentiel.

Avec le groupe communiste, la commission a examiné une composition équilibrée de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et réfléchi à l'ouverture partielle de la chasse au gibier d'eau à d'autres parties des départements. Elle a réfléchi également à une lecture


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

intelligente du jour de non-chasse en l'appliquant aussi aux espaces clos - dans les régions où la propriété privée est dominante, un tel dispositif peut être lourd de conséquences.

M. Patrice Martin-Lalande.

Il a raison !

M. Pierre Ducout.

Je vous écouterai donc avec attention, madame la ministre, en souhaitant que, au final, nous puissions parvenir à un texte positif pour tous, chasseurs et non-chasseurs, à un texte eurocompatible et voté par l'ensemble de la majorité plurielle, sinon de l'opposition. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Patrice MartinLalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est clair, l'objectif qui peut et qui doit nous réunir, c'est bien celui d'une chasse apaisée.

Un certain nombre de dispositions soutenues sur l'ensemble de nos bancs ont déjà permis des progrès, me semble-t-il : la reconnaissance de la mission et donc de la légitimité de la chasse, le permis assisté, la réforme des ACCA, la chasse aux heures crépusculaires.

Sur d'autres points, que viennent d'aborder nos collègues de l'opposition Charles de Courson, Jean-Claude L emoine, Antoine Carré, Jacques Le Nay, Didier Quentin et Hervé Morin, le texte issu des travaux de la commission n'est malheureusement pas acceptable. Je n'évoquerai que quelques options contraires à notre objectif commun - une chasse apaisée.

D'abord, le jour de non-chasse. Il y a quelque chose de dangereux et de trompeur à affirmer ou à laisser entendre que la nature appartient à tout le monde et qu'il suffirait de régler des problèmes de calendrier de chasse pour que les uns et les autres en bénéficient alternativement, en se la partageant.

La nature appartient pour une large part à des propriétaires privés ou à des collectivités, auxquels le code civil confère des droits, et donc des devoirs. Quiconque pénètre sur une propriété sans autorisation est, de ce fait, en infraction avec la loi, il faut le rappeler.

On ne peut à la fois mettre en avant le droit de propriété - comme la loi le fait, à juste titre, pour laisser la liberté à chacun de ne pas être inclus dans une ACCA et laisser entendre, à l'occasion des commentaires portant sur un autre article de la loi, que l'accès aux propriétés serait possible les jours de non-chasse.

Ce n'est pas la chasse qui constitue un obstacle à l'entrée dans les propriétés privées, mais tout simplement le code civil et le devoir de respecter la propriété, qu'elle soit privée ou publique.

Bien évidemment, les chasseurs ont des devoirs et, parmi ceux-ci, le devoir de sécurité, pour eux comme pour tous ceux qui les entourent. C'est d'ailleurs l'impression d'insécurité qui est à la source d'un certain nombre de crispations, même si, il faut le rappeler, on déplore moins d'accidents à la chasse que dans beaucoup d'autres sports - l'alpinisme, le ski, la voile ou la moto, que personne ne songe à interdire. Il faut sans cesse exiger le respect des règles de sécurité, qui doivent tenir une place éminente dans l'examen du permis de chasser. Il y a peut-être des progrès à accomplir en la matière.

Mais il faut aussi organiser autrement la cohabitation avec les autres usagers de la nature, par exemple les randonneurs. Il faut reconnaître la place que tiennent les fédérations de randonneurs. C'est pourquoi j'ai proposé un amendement - j'espère qu'il viendra en discussion tendant à réserver une représentation aux randonneurs au sein de l'Office national de la chasse et du Conseil supérieur de la chasse et de la faune sauvage. Il faut aussi engager le dialogue, au plan national et au plan local, pour trouver ensemble le bon usage du patrimoine naturel public, comme cela a été fait dans les pays qui nous entourent.

M. François Patriat, rapporteur.

C'est vrai !

M. Patrice Martin-Lalande.

Natura 2000 est un autre volet sensible. Il faut réaffirmer la compatibilité de cette directive avec la chasse et l'inscrire dans la législation, comme le prévoyait le texte du Sénat.

M. Jean-Luc Warsmann.

Tout à fait !

M. Patrice Martin-Lalande.

Il est en effet bien nécessaire d'être plus clair si l'on veut faire avancer, sur le fond, les mesures utiles de protection.

Il faut également réaffirmer la possibilité d'inscrire, dans les conventions de gestion Natura 2000, des aides pour certaines pratiques de chasse ou de gestion de l'habitat mises en oeuvre par les chasseurs. A cet égard, il serait utile que Natura 2000 soit clarifiée s'agissant du maintien des habitats d'intérêt communautaire.

Pour ce qui concerne les dates, sujet qui a été largement évoqué par les orateurs précédents, le texte de la commission me semble inacceptable. Il est vrai qu'en la matière, une loi ou un décret est fragile, dans la mesure où le Gouvernement persévère à ne pas défendre les positions de la France à Bruxelles - à l'exception du ministère des affaires étrangères, dont le mémoire de l'automne dernier était en tous points un beau modèle de défense de la loi de 1998. Les textes réglementaires départementaux seront autant de sources de conflits, et je pense que, plus largement, la gestion par les prélèvements devrait, à terme, l'emporter sur la gestion par le calendrier.

Si vous le permettez, madame la ministre, je reviendrai sur une idée que j'avais évoquée en première lecture, à savoir la création d'un observatoire européen des oiseaux migrateurs du paléarctique occidental. J'avais présenté cette proposition lors de votre audition en commission, puis en séance publique, et vous l'aviez jugée intéressante.

Le Gouvernement compte-t-il prendre une initiative, à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne, pour la faire aboutir ? Par ailleurs, le Gouvernement compte-t-il revenir à une utilisation par l'ONC du timbre gibier d'eau pour son objet, c'est-à-dire pour l'étude des oiseaux et des migrations, actuellement insuffisante ? La nouvelle composition tripartite du conseil d'adm inistration de l'ONC nous semble déséquilibrée.

N'est-il pas anormal et source de conflits potentiels que les chasseurs, quoique finançant l'essentiel du budget de l'ONC, ne soient pas majoritaires au conseil d'administration ? Comme je l'ai constaté en Sologne, les dégâts de gibier empêchent les cultures d'atteindre le niveau qualitatif et quantitatif imposé par les règles de la PAC pour bénéficier des primes, alors que l'agriculteur a engagé des frais importants - travail du sol, ensemencement, engrais, etc.

Il ne faut pas qu'il soit doublement pénalisé, comme c'est la cas actuellement, d'une part, au titre de la PAC, d'autre part, en ne recevant qu'une indemnisation limitée.

M. Jean-Luc Warsmann.

Tout à fait !


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M. Patrice Martin-Lalande.

Il faudrait pouvoir mieux cumuler les deux pour assurer une couverture complète du préjudice subi par l'agriculteur.

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

M. Patrice Martin-Lalande.

J'en viens à ma conclusion, monsieur le président, pour devancer votre rappel à l'ordre éventuel. A travers ces quelques exemples, chacun peut constater que l'objectif d'un texte équilibré pour une chasse apaisée n'est malheureusement pas atteint.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Patrice Martin-Lalande.

Je le regrette. Je ne pourrai donc voter ce texte, qui ne me semble pas préparer la chasse de la France de demain.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Patriat, rapporteur.

Ce n'était pas si mal ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Sauf la chute !

M. le président.

La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Monsieur le président, madame la ministre, les Français, dans leur grande majorité, jeunes et moins jeunes, urbains et ruraux confondus, ont été consternés par le sort que le Sénat a réservé au texte que nous avions voté en première lecture.

Dans une attitude irresponsable et démagogique,...

M. Patrice Martin-Lalande.

Oh !

M. Bernard Accoyer.

Comment peut-on dire cela de la Haute Assemblée...

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

... il a produit un texte partisan, donc inacceptable.

M. Robert Lamy.

C'est exagéré !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

La loi qui nous revient est une mauvaise loi.

M. Bernard Accoyer.

Les sénateurs apprécieront !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Cela démontre, une nouvelle fois, l'immobilisme de la Haute Assemblée, maintes fois dénoncé par la population. Le Sénat ignore la volonté d'une majorité de Français.

M. François Patriat, rapporteur.

Très bien !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Il ignore nos engagements internationaux.

M. François Patriat, rapporteur.

Très bien !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Il ignore l'évolution défavorable de certaines espèces. Il ignore, enfin, la volonté de transparence à laquelle les populations aspirent lorsqu'il s'agit de leur argent ou de l'argent public.

De plus, revenant sur les principales dispositions que nous avions adoptées, le Sénat a ravivé une guerre ridicule et indigne, qui fait honte à la France (Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), honte aux Français, honte aux jeunes générations de notre pays ; celles-ci attendent autre chose que de telles discussions excessives.

M. François Patriat, rapporteur.

Très bien !

M. Bernard Accoyer.

Un peu de modération, de grâce !

M me Geneviève Perrin-Gaillard.

J'entends parler, depuis quelque temps, de modernisation et de modernité : modernisation de nos institutions, modernisation sociale. Eh bien, il est grand temps de voter un texte sur la chasse qui irait dans le sens de la modernisation. Car la loi du 30 avril 1790 liait le droit de chasse au droit de propriété. Depuis, la France a évolué, la chasse aussi.

C'est ainsi que nous sommes parvenus, au fil du temps, à une démocratisation de la chasse. Mais l'évolution de la chasse n'a jamais pris en compte l'évolution des espèces.

C'est aujourd'hui notre devoir d'y prendre garde.

A ceux qui prétendent qu'il n'y a personne, la nuit, dans les marais, je réponds « si ».

M. Jacques Desallangre.

Que peut-on y faire, à part chasser ?

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

A ceux qui affirment qu'il n'y a plus que les chasseurs pour nourrir le gibier, je réponds « non », car les amoureux de la nature ne se trouvent pas exclusivement du côté des chasseurs. Les espèces naturelles ne sont le monopole de personne.

Le Parlement a usé de son droit de discussion inaliénable, en première lecture, pour débattre du texte qui nous était proposé par le Gouvernement. Il m'apparaîtrait assez surprenant que nous revenions aujourd'hui sur le texte que nous avons voté majoritairement. Cela m'apparaîtrait comme un manque d'honneur étonnant de la part de parlementaires responsables. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert, et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. François Patriat, rapporteur.

Très bien !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Serions-nous à ce point versatiles que nous puissions voter un texte aussi différent, confortant par là même le sentiment de profond mépris que certains électeurs éprouvent quelquefois à l'égard des politiques ?

M. Maxime Gremetz.

Monsieur le président, il y a des limites à ne pas franchir !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Aussi souhaiterais-je que nous revenions au texte d'origine.

Avant de conclure, je tiens à saluer l'attitude de notre collègue François Patriat et de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, qui, au cours de ces débats, ont montré à la fois leur esprit d'ouverture et leur capacité de débat.

Et je terminerai en répondant à M. de Courson : Timeo danaos et dona ferentes. Je vous laisse le soin de traduire...

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc réunis pour examiner en nouvelle lecture le projet de loi relatif à la chasse. Après l'échec de la commission mixte paritaire, notre rapporteur, suivi par la commission, a proposé d'en revenir, à quelques points près, au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. C'est logique.

Il faut vraiment essayer de dépassionner ce débat.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Essayer !...

M. Jean-Pierre Dufau.

Seul un équilibre permettant à chaque camp de ne pas être floué et fixant des règles claires doit nous guider. Dépassons la querelle de l'urbain et du rural, même si l'occupation et l'aménagement du territoire sont des réalités tangibles. La France a changé et personne ne peut ignorer que 80 % de nos concitoyens


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vivent sur 20 % du territoire. Cela induit nécessairement de nouvelles pratiques sociales vis-à-vis de la nature, de la faune et de la flore. Le droit à la différence, cela existe.

Pour autant, personne n'a le monopole de la nature, de son usage, voire de son appropriation. Mais le principe de la majorité sociologique ne doit pas aboutir à la contrainte de la minorité, en tout cas dans une démocratie. Urbains et ruraux sont donc condamnés à s'entendre et, par là même, à mieux se comprendre et se respecter.

Les exactions de certains extrémistes, commises à des fins politiciennes, sont inadmissibles.

M. François Patriat, rapporteur.

Absolument !

M. Jean-Pierre Dufau.

Seule une attitude ouverte et raisonnable, ignorant les jusqu'au-boutistes des deux camps, permettra d'apporter une réponse positive à ce que François Patriat appelait « mission impossible ».

Dois-je ajouter qu'« impossible n'est pas français » ? (Sourires.) Apportons-en donc la preuve ! La transcription de la directive oiseaux de 1979 est impérative, chacun le sait. Le texte que nous avons à adopter doit être « euro-compatible » pour éviter les contentieux risqués et pour qu'enfin, la France ne soit plus en retard d'une loi.

Dans la foulée du rapport Patriat, le gouvernement de Lionel Jospin a eu le courage de proposer un texte au débat parlementaire. Ce texte a été largement amendé et amélioré par l'Assemblée nationale, sans démagogie. Vous avez fait preuve, en première lecture, madame la ministre, d'esprit d'écoute et d'ouverture, en acceptant des modifications au texte initial. Chacun l'a remarqué. Ainsi, des avancées sensibles ont été obtenues.

La chasse est légitimée et le texte fixe les droits et devoirs des chasseurs, mais aussi de ceux qui ne chassent pas. La journée de non-chasse est confirmée, même s'il y a débat sur sa durée. La chasse de nuit et à la passée est légalisée dans vingt départements ; le rapporteur, en accord avec la commission, propose que soient encore précisés les territoires où la chasse de nuit pourra être autorisée.

D'autres avancées concernent la modernisation des structures cynégétiques et les missions d'intérêt général conférées aux fédérations, qui seront désormais régies selon le principe démocratique : « un homme, une voix ».

On pourrait encore allonger la liste.

Reste la délicate question des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse au gibier migrateur.

Depuis toujours, c'est la pierre d'achoppement ; deux lois particulières et des années de contentieux n'ont pas suffit pour régler le problème.

Vous vous êtes engagée, madame la ministre, au nom du Gouvernement, à faire publier par le Conseil d'Etat les décrets fixant les dates du 1er septembre au 31 janvier, avec possibilité d'extension, pour certaines espèces, à compter du 10 août et jusqu'au 10 février. C'est là un premier geste auquel l'Assemblée a été sensible. Mais encore faut-il que les choses soient claires. Si cette extension de date, comme j'ai cru le comprendre mais je souhaite me tromper concerne le seul domaine public maritime, c'est grave. Cela signifierait que les chasseurs de gibier d'eau des estuaires pourraient en bénéficier tant mieux mais aussi que leurs homologues des plans d'eau et étangs, hors DPM, comme les étangs landais, en seraient exclus. Ce serait inadmissible.

M. Marc Dolez.

Inacceptable !

M. Jean-Pierre Dufau.

Cette extension de date doit s'appliquer à des espèces et non au statut administratif des territoires, car cela constituerait un recul par rapport à ce que nous avions compris en première lecture.

M. François Liberti.

Tout à fait !

M. Jean-Pierre Dufau.

Les études scientifiques seraient alors le prétexte à un mauvais coup discriminatoire, en contradiction avec la recherche d'une loi d'équilibre, la même pour tous. Ce serait inacceptable,...

M. Marc Dolez.

Excellent !

M. Jean-Pierre Dufau.

... mais j'ai sans doute mal compris. Je suis persuadé que l'on peut obtenir des garanties sur ce point majeur.

Par ailleurs, plusieurs pays ont obtenu des dérogations.

Sans reprendre l'échelonnement proposé par le Sénat, il est possible d'obtenir de Bruxelles des dérogations pour certaines espèces - le pigeon, la bécasse, la grive ou l'oie, par exemple.

M. Marc Dolez et M. Patrick Malavieille.

Très bien !

M. François Liberti.

Excellent !

M. Jean-Pierre Dufau.

Si le Gouvernement en a la volonté, il peut, j'en suis convaincu, rassembler la majorité plurielle, et peut-être au-delà, en acceptant d'étendre les périodes de manière fondée, sélective et responsable.

L'essentiel réside dans la préservation des espèces. Dans cet esprit, les plans de gestion restent l'outil principal. Ne nous trompons pas de débat.

Il n'est pas simple de conduire une mission impossible, mais j'en appelle à la responsabilité de chacun, celle du Gouvernement comme celle de mes collègues. Pierre Mendès France avait coutume de dire : « Gouverner, c'est choisir. »

M. François Patriat, rapporteur.

C'est si vrai !

M. Jean-Pierre Dufau.

Je ne doute pas du choix du Gouvernement en faveur d'une chasse apaisée, responsable et durable. Son choix guidera le nôtre.

M. Marc Dolez.

Eh oui !

M. Jean-Pierre Dufau.

Nous sommes sur le point d'aboutir. La directive européenne de 1979 relative à la chasse trouvera sa transcription définitive dans les lois de la République si, nous tous, nous le voulons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Henri Sicre.

M. Henri Sicre.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au mois de janvier de cette année, nous avons pris connaissance des premiers extraits du projet de loi que le Gouvernement entendait proposer à la discussion au Parlement. Le 31 janvier, le groupe d'étude organisait un colloque sur la chasse, et, ce jour-là, le contenu du projet était donc connu. Il ne donnait pas satisfaction, loin s'en faut, mais il n'empêche qu'à l'issue du colloque, nous avions tous accepté l'idée que le Gouvernement puisse conserver, à côté du domaine législatif, une marge d'intervention dans le domaine réglementaire, pour organiser la chasse. Encore disions-nous qu'il fallait se garder du non-dit : pas question de discuter des mesures d'ordre législatif sans connaître les intentions du Gouvernement en matière de décrets, en particulier pour les périodes de chasse.

Le projet de loi a été amendé. Le projet de décret, qui était connu au moment de la discussion de la loi, ne donnait pas satisfaction. Nous en arrivons maintenant à la nouvelle lecture.


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Il faut bien constater qu'aujourd'hui encore, s'agissant des périodes de chasse, des méthodes de chasse ou de l'organisation de la chasse, tout reste à faire et à discuter.

On sait bien, par exemple, que l'entêtement conduisant à réduire la chasse de nuit à une vingtaine de départements n'était plus tenable. Pour ce qui est de l'organisation de la chasse, beaucoup reste aussi à faire. Pour ma part, je regrette les invectives qui ont marqué le début du débat d'aujourd'hui. Si certaines fédérations départementales de chasseurs ont eu des actes maladroits, voire coupables, je ne voudrais pas penser que toutes les fédérations départementales de chasseurs sont malhonnêtes. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

MM. Bernard Accoyer, Robert Lamy et Jean-Claude Lemoine.

Très bien !

M. Henri Sicre.

Nous souffrons déjà assez des maladresses coupables commises dans des collectivités ou organisations pour savoir qu'il ne faut pas faire l'amalgame.

Aujourd'hui, dans cette discussion, c'est donc la sagesse qu'il faut rechercher avant tout. J'interviendrai sur un point fort qui a été évoqué par beaucoup des orateurs qui m'ont précédé : je veux parler des périodes de chasse.

Les périodes de chasse ont toujours été un point difficile. Elles sont, pour l'organisation de la chasse, une tumeur qui n'a cessé de se développer. Par deux fois, en 1994 et en 1998, le Parlement a obligé le Gouvernement à accepter une loi, puisque celui-ci n'avait rien fait pour régler le problème. Le projet de décret ne donnant pas satisfaction, j'avais déposé un amendement que, maladroitement, je m'étais contenté de défendre lors de la discussion des articles et que j'évoquerai donc aujourd'hui dans la discussion générale. Cet amendement visait à introduire dans la loi des périodes échelonnées d'ouverture et de fermeture selon des critères géographiques pour l'ouverture - les espaces ou la topographie - et selon les espèces pour la fermeture. J'avais même précisé, en toute humilité, que je pouvais me tromper, mais que nous disposions d'un mois et demi avant la première lecture au Sénat et de deux mois avant la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale pour vérifier si ma proposition n'était pas excessive et pour la corriger si besoin en était. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe communiste.)

M. François Liberti.

C'était le bon sens !

M. Henri Sicre.

Mais je ne pense pas que la réflexion ait eu lieu.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mais si !

M. Henri Sicre.

J'avais pourtant retiré mon amendement, vous vous souvenez, madame la ministre, après l'engagement du Gouvernement d'en tenir compte. Or, aujourd'hui on retourne à la case départ ! On affirme des interdits. On évoque des pénalités potentielles. On parle de compromis. Je me suis dès lors candidement reporté au dictionnaire pour savoir quelle définition il donnait de ce mot. Un compromis doit être accepté par plusieurs parties. Or, à cet instant, je n'en vois pas une qui l'accepte. Il n'y a donc pas de compromis.

Pour déterminer notre position raisonnablement, nous devons savoir ce que la directive européenne nous donne comme injonctions et ce qu'elle nous permet. Or, qu'il s'agisse de la loi de 1998 ou de celle de 1994, la Commission européenne a évoqué dans ses nombreux avis motivés, des périodes de chasse qui lui semblaient trop longues pour certaines espèces, mais n'a rien dit s'agissant d'autres espèces. Par exemple, elle n'a jamais reproché à la France d'autoriser la chasse à la bécasse jusqu'au 28 février. C'est donc qu'elle l'accepte ! Ces avis motivés nous permettent de connaître la position de la Commission européenne. J'ai déposé un amendement en nouvelle lecture, car les projets de décret ne nous donnent pas satisfaction.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Eh oui !

M. Henri Sicre.

Et que l'on ne vienne pas me dire que cet amendement reprend de façon excessive et permissive ce qui avait été accepté en mai 1998, car à l'époque, nous avions envisagé d'autoriser la chasse jusqu'au 28 février pour trente-trois espèces, alors que mon amendement ne concerne que douze espèces, c'est-à-dire trois fois moins !

M. François Liberti.

C'est vrai !

M. Henri Sicre.

En outre, toutes les espèces ont été regroupées pour qu'il n'y ait pas de confusion, ce qui offre les meilleures garanties. Mais nous le savons déjà, madame la ministre, si ces dates étaient retenues, nous ne manquerions pas de connaître des contentieux. Le Gouvernement doit donc s'engager dès aujourd'hui à ouvrir des discussions avec Bruxelles pour éviter que les tribunaux administratifs n'engagent des contentieux.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Mais il ne veut pas !

M. Henri Sicre.

Je rappellerai simplement ce que déclarait M. le Premier ministre, le 14 février 1998, dans le journal Sud-Ouest : ... Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il s'est exprimé depuis !

M. Henri Sicre.

... « Une directive existe. Elle s'impose à nous, mais encore faut-il discuter avec Bruxelles pour que les traditions, la spécificité de la France soient prises en compte. » Pourquoi pourrait-on chasser une espèce

jusqu'au 28 février en Espagne et en Belgique et jusqu'au 31 janvier seulement en France ? Ce n'est pas tolérable ! Il faut donc que cette discussion ait lieu à Bruxelles, comme je l'avais proposé ici même en 1998. C'est important, car la présidence française de l'Union européenne doit être exemplaire. Elle le peut, car, sur la gestion du gibier sédentaire, les chasseurs et les fédérations départementales de chasseurs ont pris des responsabilités et des engagements qui sont remarquables. En effet, dans combien de départements ne chasse-t-on les lièvres que quelques dimanches par an pour qu'ils puissent se reproduire ? Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe communiste.

Eh oui !

M. Henri Sicre.

Dans combien de départements fermet-on la chasse à la perdrix un mois et demi avant la fermeture générale pour une bonne gestion du gibier sédentaire ?

M. Michel Lefait.

C'est vrai ! C'est la sagesse !

M. Henri Sicre.

Le gibier de montagne est en parfaite santé, les grands gibiers également. La France doit donc proposer la gestion des des gibiers migrateurs.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Sicre, s'il vous plaît !

M. Henri Sicre.

Nous demandons que les plans de gestion soient inscrits dans la loi, car cela permettra de montrer qu'il y a, dans notre pays, une volonté de se limiter.

Il faudra, en outre, transcrire ces plans de gestion sur l'ensemble du parcours migratoire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

M. Patrick Malavieille.

Oui !

M. Henri Sicre.

On me dit, mais ce n'est peut-être pas tout à fait exact, que, dans des pays nordiques, on prélève des oeufs, en période de nidification,...

M. Jacques Desallangre.

C'est vrai !

M. Henri Sicre.

... pour les stocker dans des fûts et les conserver pour des périodes où les oiseaux sont absents. Il est plus facile de prendre un oeuf - on n'en laisse pas échapper - qu'un oiseau migrateur qui a quelque chance de passer entre les plombs ! Une revue cynégétique nous apprend aujourd'hui que, pour quatre ou cinq fois le SMIC que gagne un chasseur de la Somme, on peut aller chasser en quantité, sans retenue, dans les zones humides d'Afrique où les oiseaux vont hiverner ! (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Plusieurs députés du groupe communiste.

C'est vrai !

M. Henri Sicre.

Cela, nous ne pouvons pas l'accepter ! La paix durable pour la chasse sera à ce prix, madame la ministre. Que la France développe, pendant sa présidence, une vision globale de la gestion des oiseaux migrateurs. En attendant, qu'elle ne soit pas le pays le plus malthusien sur les périodes de chasse. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. Maxime Gremetz.

Voilà un connaisseur !

M. le président.

La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3 FAIT PERSONNEL

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson, pour un fait personnel.

M. Charles de Courson.

Pas pour un, monsieur le président, pour deux, puisque M. le rapporteur s'est livré à des attaques personnelles à deux reprises.

L'article 58, alinéa 6, de notre règlement proscrit

« toute attaque personnelle, toute interpellation de député à député, toute manifestation ou interruption troublant l'ordre ». Or, monsieur le rapporteur, vous m'avez tout d'abord traité de hobereau.

M. François Patriat, rapporteur.

Ce n'est pas une insulte !

M. Charles de Courson.

Je vous souhaite de connaître beaucoup de hobereaux comme moi ! Savez-vous ce qu'est un hobereau ? En première lecture, j'ai dit avec beaucoup d'humour à Mme Voynet qu'un hobereau de l'Ancien régime n'aurait pas osé proposer le texte qu'elle nous soumettait, car elle voulait supprimer le droit de chasse aux fermiers. De nombreux députés ont ri. Je ne vois pas en quoi je suis un hobereau. Si vous pouviez me le dire, ça m'intéresserait.

Vous avez fait une seconde attaque personnelle, qui est plus grave, car totalement fausse. Vous ne savez pas du tout qui je suis, monsieur le rapporteur, mais vous avez évoqué, implicitement, des biens dont j'aurais hérité de mon père. Je vous avais expliqué qu'il fallait limiter l'exercice du droit de non-chasse aux départements et aux cantons limitrophes pour ne pas tomber sous le coup d'une critique constitutionnelle. Vous avez laissé entendre que j'adoptais cette position en fonction de mon intérêt personnel. Je ne suis pas censé vous le dire, mais j'ai hérité quelques bois de mon père. Or, j'en loue une partie, pour une somme d'ailleurs symbolique, à la société de chasse de mon village et à celle du village voisin. Quand on se livre à des attaques personnelles, encore faut-il qu'elles soient fondées ! Je veux remercier mes collègues communistes,...

M. Noël Mamère.

Ah, la lutte des classes ! Ouvriers et paysans !

M. Charles de Courson.

... qui ont été tout à fait réguliers dans cette affaire puisqu'ils ont regretté vos propos et je vous demande, monsieur le rapporteur, de bien vouloir retirer les deux attaques personnelles dont j'ai fait l'objet.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

Monsieur de Courson, pendant un quart d'heure vous m'avez personnellement mis en cause, m'accusant même d'avoir lancé un appel à la délation. Je n'ai pas réagi, je n'ai rien dit.

M. Charles de Courson.

Vous l'avez dit en commission !

M. François Patriat, rapporteur.

Je n'ai pas fait d'appel à la délation ! J'ai dit que l'on pouvait procéder par recoupement, par découverte ou sur la base de dénonciations, mais je n'ai pas appelé à la délation ! Ensuite, j'ai dit que votre attitude vis-à-vis du droit de propriété était digne des hobereaux de l'Ancien régime.

Le mot « hobereau » n'a absolument rien d'infamant. J'ai consulté le dictionnaire. Je ne retire donc absolument rien de ce que j'ai dit.

M. Charles de Courson.

Vous savez ce que c'est un hobereau ?

M. François Patriat, rapporteur.

Enfin, je ne sais pas où vous êtes allé chercher cette histoire s'agissant de vos bois personnels !

M. Charles de Courson.

Vous l'avez dit ! ,

M. François Patriat, rapporteur.

Absolument pas ! (« Si ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Je ne suis pas censé connaître l'état de vos propriétés et je dois dire d'ailleurs que je m'en moque totalement ! Donc, soit vous m'avez mal entendu,...

M. Charles de Courson.

Non !

M. François Patriat, rapporteur.

... soit vous m'avez mal compris. En tout cas, je n'ai jamais mis en cause vos biens personnels. En revanche, je maintiens que votre défense du droit de propriété relève de l'attitude des hobereaux de l'Ancien régime.

M. Charles de Courson.

Nous verrons !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

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ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, no 2427, relatif à la chasse : M. François Patriat, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 2459).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 JUIN 2000

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 2e séance du mardi 13 juin 2000 SCRUTIN (no 243) sur l'exception d'irrecevabilité opposée par M. Douste-Blazy au projet de loi relatif à la chasse (nouvelle lecture).

Nombre de votants .....................................

252 Nombre de suffrages exprimés ....................

252 Majorité absolue ..........................................

127 Pour l'adoption ...................

81 Contre ..................................

171 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (254) : Contre : 152 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votant : M. Raymond Forni (président de l'Assemblée nationale).

Groupe R.P.R. (137) : Pour : 33 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votant : M. Patrick Ollier (président de séance).

Groupe U.D.F. (69) : Pour : 40 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Démocratie libérale et indépendants (44) : Pour : 8 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe communiste (35) : Contre : 15 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Radical, citoyen et vert (30) : Contre : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non inscrits (7).

Contre : 1. - M. Marcel Cabiddu