page 05718page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES

1. Dispositions pénales relatives aux mouvements sectaires. - Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat (p. 5720).

Mme Catherine Picard, rapporteuse de la commission des lois.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 5725)

MM. Philippe Vuilque, Dominique Bussereau, Jean-Pierre Brard, Eric Doligé, Mme Martine David.

Mme la garde des sceaux.

MM. Rudy Salles, Jacques Guyard, Serge Blisko.

MM. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement ; Jean-Pierre Brard.

Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 5739)

Avant l'article 1er (p. 5739)

Amendement no 9 de la commission des lois : Mme la rapporteuse, M. le ministre. - Adoption.

Article 1er (p. 5739)

M. Jacques Myard.

Amendement no 10 de la commission : Mme la rapporteuse, MM. le ministre, Eric Doligé. - Adoption.

L'article 1er est ainsi rédigé.

Après l'article 1er (p. 5742)

Amendement no 11 de la commission : Mme la rapporteuse,

M. le ministre. - Adoption.

Article 2 (p. 5742)

Amendement no 1 de M. Brard : M. Jean-Pierre Brard,

Mme la rapporteuse, M. le ministre. - Adoption.

L'article 2 est ainsi rédigé.

Après l'article 2 (p. 5743)

Amendement no 2 du Gouvernement : M. le ministre,

Mme la rapporteuse. - Adoption.

Amendement no 12 de la commission : M. le ministre. Adoption.

Amendement no 13 de la commission. - Adoption.

Amendement no 14 de la commission. - Adoption.

Amendement no 3 rectifié du Gouvernement. - Adoption.

Amendement no 15 de la commission. - Adoption.

Amendement no 16 de la commission. - Adoption.

Amendement no 17 de la commission. - Adoption.

Amendement no 4 du Gouvernement : M. le ministre,

Mme la rapporteuse. - Adoption.

Amendement no 18 de la commission. - Adoption.

Amendement no 19 de la commission. - Adoption.

Amendement no 5 du Gouvernement : M. le ministre,

Mme la rapporteuse. - Adoption.

Amendement no 6 corrigé du Gouvernement : M. le ministre. - Adoption.

Avant l'article 3 (p. 5746)

Amendement no 20 de la commission : Mme la rapporteuse,

M. le ministre. - Adoption.

Article 3. - Adoption (p. 5746)

Après l'article 3 (p. 5746)

Amendement no 21 de la commission : Mme la rapporteuse,

M. le ministre. - Adoption.

Amendement no 22 rectifié de la commission. - Adoption.

Amendement no 23 de la commission : Mme la rapporteuse,

M. le ministre. - Adoption.

Amendement no 24 de la commission, avec le sous-amendement no 36 de M. Brard : Mme la rapporteuse, MM. le ministre, Jean-Pierre Brard, Philippe Vuilque, Bernard Roman, président de la commission des lois ; Rudy Salles. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.

Amendement no 33 de M. Salles : M. Rudy Salles.

Amendement no 34 de M. Salles, avec le sous-amendement no 37 de la commission : Mme la rapporteuse, MM. le ministre, le président de la commission, Eric Doligé, Jean-Pierre Brard, Rudy Salles. - Retrait de l'amendement no 33 ; adoption du sous-amendement no 37 et de l'amendement no 34 modifié.

Amendement no 25 de la commission : Mme la rapporteuse,

M. le ministre. - Adoption.

Amendement no 26 de la commission : Mme la rapporteuse,

M. le ministre. - Adoption.

Amendement no 27 de la commission : Mme la rapporteuse,

M. le ministre. - Adoption.

Amendement no 28 de la commission : Mme la rapporteuse,

M. le ministre. - Adoption.

Amendement no 29 de la commission : Mme la rapporteuse,

M. le ministre. - Adoption.

Amendement no 7 du Gouvernement : M. le ministre,

Mme la rapporteuse. - Adoption.

Amendement no 30 de la commission, avec le sous-amendem ent no 32 de M. Salles : Mme la rapporteuse, MM. Rudy Salles, le ministre, Jean-Pierre Brard, Philippe Vuilque, Eric Doligé. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.

Amendement no 35 de M. Doligé : M. Eric Doligé, Mme la rapporteuse, MM. le ministre, Philippe Vuilque, JeanPierre Brard. - Retrait.

Amendement no 8 du Gouvernement : M. le ministre,

Mme la rapporteuse. - Adoption.


page précédente page 05719page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

Titre (p. 5755)

Amendement no 31 de la commission : Mme la rapporteuse, MM. le ministre, Rudy Salles. - Adoption.

Le titre de la proposition de loi est ainsi rédigé.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 5755)

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 5755).


page précédente page 05720page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1

DISPOSITIONS PÉNALES

RELATIVES AUX MOUVEMENTS SECTAIRES Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à renforcer le dispositif pénal à l'encontre des associations ou groupements constituant, par leurs agissements délictueux, un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine (nos 2034, 2472).

Le rapport de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République porte également sur les propositions de loi : de Mme Catherine Picard et plusieurs de ses collègues tendant à renforcer la prévention et la répression à l'encontre des groupements à caractère sectaire (no 2435) ; de M. Eric Doligé et plusieurs de ses collègues tendant à créer un délit de manipulation mentale (no 2291) ; de M. Jean Tiberi et plusieurs de ses collègues sur la protection des personnes vulnérables aux activités répréhensibles des sectes (no 2213) ; de M. Eric Doligé et plusieurs de ses collègues, tendant à renforcer notre dispositif légal de lutte contre les sectes (no 2156) ; de M. Jean-Pierre Brard et plusieurs de ses collègues tendant à renforcer le dispositif juridique à l'encontre des associations ou groupements constituant, par leurs agissements délictueux, un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine (no 2151) ; de M. Eric Doligé tendant à permettre aux associations de lutte contre les sectes de se porter partie civile (no 1511) ; de Mme Catherine Picard et plusieurs de ses collègues relative à la lutte contre les sectes et ouvrant à certaines associations le droit de se porter partie civile (no 1295) ; de M. Jean-Pierre Brard relative aux conditions d'obtention d'un financement public pour les partis et groupements politiques (no 842) ; de M. Jean-Pierre Brard et plusieurs de ses collègues visant à restreindre l'attibution de permis de construire à des associations à caractère sectaire (no 402) ; de M. Pierre Albertini et plusieurs de ses collègues tendant à créer un Haut Conseil des cultes (no 376).

La parole est à Mme la rapporteuse de la commission des lois constitutionnelles de la législation et de l'administration générale de la République.

Mme Catherine Picard, rapporteuse de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, mes chers collègues, c'est un honneur pour moi que de m'exprimer en ouverture de ce débat parlementaire qui aborde un sujet de société des plus brûlants. En effet, la gravité des agissements des groupements à caractère sectaire n'est plus à démontrer et les pouvoirs publics doivent procurer à la société comme aux individus les moyens de se défendre contre ce péril.

Je voudrais saluer l'ensemble des efforts réalisés par ceux qui sont mobilisés depuis plusieurs années : le Gouvernement, les associations d'aide aux victimes, les magistrats, la mission interministérielle de lutte contre les sectes, ainsi que les députés, tous groupes confondus, qui ont contribué à la réalisation des travaux qui nous conduisent aujourd'hui à débattre. Tous ont su montrer une réelle volonté d'agir et leurs travaux permettent à présent d'informer l'opinion et de faire figurer dans la loi des moyens de défense efficaces.

La proposition de loi du sénateur About a été une contribution importante à ce débat. Le vote unanime des sénateurs en faveur de ce texte est également significatif de la volonté d'agir des parlementaires. De même, le choix du groupe socialiste de consacrer sa niche parlementaire à l'étude de cette proposition de loi témoigne de notre souci partagé de compléter la législation existante. Les autres propositions de loi émanant de nos collègues ont permis d'élaborer un rapport constructif, qu'il s'agisse de celles présentées par M. Brard, M. Tiberi, M. Doligé, M. Albertini et par ceux qui ont soutenu leur démarche.

Ainsi, nous constatons la similitude des objectifs poursuivis par les différentes propositions : rendre possible la dissolution des organismes dangereux lorsque ceux-ci ont fait l'objet de plusieurs condamnations judiciaires ; réprimer les activités attentatoires à l'intégrité et à la séc urité des personnes ; réprimer les actes d'escroquerie.

Il est apparu cependant opportun à la commission des lois de compléter ce dispositif par d'autres articles issus des propositions précitées afin de renforcer la responsabilité des personnes morales lorsqu'existe un risque d'atteinte aux libertés, de rendre plus difficiles les tentatives de reconstitution des organismes dissous par la justice, de poser des règles plus strictes pour régir l'installation et la publicité des organismes en question, enfin, de définir un délit de manipulation mentale pour que ne restent plus impunis des agissements odieux consistant en l'abus de la crédulité.

Cette proposition vise à réprimer les agissements des organismes dont l'action porte atteinte aux libertés publiques et à la sécurité des personnes. Elle ne vise aucunement à porter atteinte à la liberté d'association à


page précédente page 05721page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

laquelle nous réaffirmons tous notre attachement, ni à l'activité des associations cultuelles lorsque celle-ci est exercée dans le respect du droit et du principe républicain de la laïcité.

Je souhaite toutefois insister tout particulièrement sur le fait que le renforcement du dispositif juridique répressif et préventif à l'encontre des agissements des groupements à caractère sectaire ne fait pas l'objet d'une législation d'exception : il s'inscrit dans une démarche de renforcement de l'arsenal législatif de droit commun.

Si les convergences de vue sont claires concernant le objectifs, les moyens à mettre en oeuvre pour renforcer notre dispositif juridique peuvent cependant différer. Ces nuances dans l'approche de la question apparaissent notamment entre la proposition de loi du sénateur About et celle du groupe socialiste concernant le pouvoir de dissolution des organismes développant des activités dangereuses pour l'ordre public et pour les libertés. En effet, la procédure de dissolution judiciaire proposée par le groupe socialiste se distingue à plusieurs égards de la dissolution administrative proposée par M. About et qui relève de la compétence du seul Président de la République.

La décision de dissolution d'une organisation et un acte grave dans un Etat démocratique tel que le nôtre, qui a consacré le principe de la liberté d'association. Elle ne doit donc intervenir que dans les cas où elle s'avère absolument nécessaire pour la sauvegarde de l'ordre public et des libertés publiques. Le manque d'impartialité ou la peur de heurter une partie de l'opinion pourrait conduire à une utilisation de cette faculté soit trop peu objective, soit trop parcimonieuse, soit trop fréquente.

L'extension du champ de la loi de 1936 relative à la dissolution des ligues factieuses conduirait à concentrer ce pouvoir de dissolution entre les mains du Président de la République. Or l'adoption de cette loi d'exception trouvait ses raisons dans le contexte politique de l'époque qui était différent du contexte actuel. Sur le plan constitutionnel aussi, les exigences de protection des libertés publiques ne font pas de ce texte l'outil le mieux adapté à l'esprit de nos institutions pour l'objectif qu'il se donne.

La procédure de dissolution civile apparaît donc mieux appropriée à nos objectifs. Confier cette faculté à la justice est plus opportun, d'autant que l'arsenal juridique existant permet déjà aux tribunaux civils de prononcer la dissolution d'une association, dans l'hypothèse où celle-ci aurait un objet ou un fonctionnement incompatibles avec les dispositions de la loi de 1901.

A-t-on jamais constaté l'utilisation abusive de cette f aculté par les tribunaux ? A l'évidence, non. En revanche, l'utilisation abusive du paravent associatif pour couvrir certaines activités illicites demeure une réalité.

L'ambition de cette proposition de loi est de fournir aux magistrats des moyens supplémentaires pour protéger des victimes d'organismes qui, par leurs agissements, entraînent un péril majeur pour lesdites victimes.

Il reviendra donc aux procureurs de la République d'apprécier l'opportunité de requérir cette mesure à titre de peine principale ou complémentaire pour sanctionner des infractions graves d'une personne morale.

Il sera également possible pour les magistrats de prendre des mesures d'urgence, par voie de mandat de dépôt, visant à interdire temporairement la poursuite d'activités pouvant porter atteinte à l'ordre public.

Mais les magistrats ne sont pas les seuls appelés à accomplir cette mission. En effet, les élus, notamment les maires des communes ont également un rôle important à jouer. Cette proposition de loi renforcera leur pouvoir en la matière en leur permettant dorénavant de refuser l'installation d'organismes ayant fait l'objet de plusieurs condamnations.

Le droit actuel des collectivités locales révèle en effet une lacune sur ce point : les élus ne disposent pas de la faculté de refuser l'installation sur le territoire de leur commune d'organismes dont la dangerosité serait attestée par la justice. Ce nouveau pouvoir aura vocation à s'exercer dans le strict cadre du droit et n'ouvrira en rien la voie à un pouvoir arbitraire et sans limites pour les maires, dont les décisions négatives doivent reposer sur des motivations objectives.

L'ensemble des propositions que nous examinons aujourd'hui poursuit l'objectif de renforcement des libertés et de protection des personnes. Ainsi, la création d'un délit de manipulation mentale permettra de mieux assurer la protection des personnes les plus vulnérables.

Les éléments constitutifs de ce délit visent les actes accomplis dans l'intention de créer une emprise psychologique ou physique sur une personne en vue de l'inciter soit à renoncer à l'exercice des libertés, soit à céder tout ou partie de son patrimoine à une personne morale ou à un particulier. Bien souvent, ces actes conduisent à mettre la personne concernée dans la situation de ne plus pouvoir subvenir à ses besoins élémentaires propres, ni à ceux de sa famille.

La proposition soumise aujourd'hui à votre examen vise à permettre de condamner les personnes morales qui auraient incité ou obligé des personnes en état de faiblesse à commettre des infractions prévues par la loi.

A l'objection qui consisterait à dire qu'un tel dispositif porterait atteinte à la liberté de choix de sa spiritualité ou de son engagement idéologique, philosophique ou politique, la réponse à apporter est des plus claires : jamais une association - ou un groupement - respectueuse des principes fondamentaux de la démocratie et des droits des personnes n'a obligé un ou plusieurs de ses membres à renoncer à l'exercice de leurs libertés, à se mettre en situation d'indigence, à cesser de subvenir aux besoins de leur famille au point de mettre en péril la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de leurs enfants mineurs.

Cette remarque est tout autant valable pour disculper aussi bien les associations exerçant leur activité dans le cadre des dispositions de la loi de 1901 que les partis politiques défendant leurs convictions dans le cadre de la démocratie ou les syndicats et groupements professionnels défendant légitimement des intérêts catégoriels.

En revanche, la loi permettra de veiller à ce que ne soient pas utilisés de manière abusive le paravent associatif ou les motivations spirituelles par des organisations dont l'objectif n'est rien d'autre qu'une vaste entreprise d'escroquerie matérielle ou intellectuelle visant à abuser de la crédulité de certains.

Au-delà de l'adoption de ce dispositif, la réflexion doit encore se poursuivre dans des domaines aussi fondamentaux que ceux des entorses au droit du travail ou au droit fiscal, qui constituent des infractions graves et souvent répétées.

C'est pour l'ensemble de ces raisons que le débat d'aujourd'hui doit nous conduire à mettre en place un dispositif efficace de lutte contre les organismes dangereux, parmi lesquels figurent les organisations à caractère sectaire. Notre préoccupation commune est, bien sûr, de renforcer la sécurité des personnes et de préserver leur liberté de choix et leur intégrité. Au reste, l'opinion publique attend beaucoup de ce débat : elle demande à


page précédente page 05722page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

disposer des outils nécessaires pour se protéger contre les dangers que représentent les agissements de certains de ces groupements.

P our toutes ces raisons la commission des lois recommande l'adoption du dispositif issu de la synthèse de l'ensemble des propositions de loi et des amendements qui ont été soumis à son examen. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Rudy Salles.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, qu'est-ce qu'une secte et de quoi parlons-nous aujourd'hui ? Chacun a son idée, pourtant aucune définition n'existe. Mais nous avons tous en mémoire les suicides collectifs des membres du Temple du peuple au Guyana, de ceux de l'organisation du Temple solaire en Suisse, au Québec et en France, les événements qui se sont déroulés à Wako en 1993 et, plus récemment, la mort de plusieurs centaines de membres, dont de très nombreux enfants, de la secte dite « du rétablissement des dix commandements de Dieu », en Ouganda, sans parler d'événements moins connus, mais qui sont tout aussi douloureux.

Le débat est ancien, tant sur la nécessité de lutter contre ces phénomènes sectaires dangereux que sur l'opportunité, pour mieux les réprimer, de les définir.

Si des questions se posent sur ce dernier point, la volonté déterminée d'agir contre les groupements criminels qui assoient leur domination sur toutes celles et tous ceux qui, parce qu'ils présentent ou ont présenté une vulnérabilité parfois passagère, sont devenus des proies faciles a en revanche toujours été affirmée.

Mais cette détermination n'a jamais fait perdre de vue l'absolue nécessité de respecter toujours la liberté de conscience et la liberté d'expression. Ce double objectif a toujours été présent par le passé et il se retrouve encore dans le texte présenté aujourd'hui.

Le Parlement a joué un rôle fondamental dans la prise de conscience de l'ampleur du phénomène sectaire, de cette délinquance particulière et de ses méthodes. Je rappellerai le rapport de MM. Brard, Guyard et Gest, qui, après le rapport de 1983 de M. Vivien, a de nouveau sensibilisé nos concitoyens sur les risques pour l'intégrité physique et patrimoniale d'individus fragiles que faisaient courir de tels mouvements.

La proposition de loi de M. le sénateur Nicolas About, tendant à renforcer le dispositif pénal contre ces associations ou ces groupements sectaires, ainsi que les amendements proposés par Mme Catherine Picard et par le Gouvernement démontrent la détermination et la volonté des parlementaires et du Gouvernement de poursuivre résolument la lutte contre les manifestations délictueuses ou criminelles des groupements à caractère sectaire et de leurs dirigeants.

La convergence des démarches, renforcée par l'unanimité de votre commission, est un signal fort de la détermination des pouvoirs publics. Elle est aussi un gage de réussite.

Les initiatives législatives dont nous discutons aujourd'hui viendront très utilement et efficacement renforcer le dispositif actuellement mis en place par le Gouvernement.

En effet, très tôt, le Gouvernement a décidé des mesures destinées à lutter efficacement contre la menace sectaire. Il me paraît important de rappeler les mesures essentielles qu'il a prises dans ce domaine avant d'en venir plus précisément à la proposition de loi.

De quel dispositif de lutte contre le phénomène sectaire disposons-nous ? Je rappellerai qu'il s'agit d'une politique interministérielle, qui est aussi une politique pénale spécifique.

Une politique interministérielle d'abord. Dès le 7 octobre 1998, le Gouvernement a mis en place la mission interministérielle de lutte contre les sectes, présidée par M. Alain Vivien. La mission qui regroupe tous les représentants des départements ministériels concernés par le phénomène sectaire, a pour but de diffuser des informations sur les mouvements sectaires et de favoriser l'action coordonnée des associations.

Son premier rapport annuel a confirmé l'ampleur du phénomène sectaire et rappelé la nécessité non seulement de mener des actions de prévention, mais aussi d'adapter l'arsenal législatif. Chaque ministère concerné a pris des mesures spécifiques dans son domaine.

Je voudrais évoquer brièvement les efforts déployés, qu'il s'agisse du ministère de l'intérieur, de celui de l'éducation nationale, de ceux de la jeunesse et des sports ou de la solidarité et de l'emploi, avant de décrire la politique judiciaire que nous menons contre les sectes.

Ainsi, le ministère de l'intérieur, par deux circulaires adressées aux préfets dès les 7 novembre 1997 et 20 décembre 1999, a rendu les administrations de l'Etat au niveau départemental attentives aux actes répréhensibles de certaines associations, par la création de « cellules de vigilance » réunissant tous les services de l'Etat concernés.

Un dispositif de formation nationale comprenant un module consacré aux activités illégales des sectes a été mis en place à destination des fonctionnaires de police. Il en a été de même pour le ministère de la défense, à destination de la gendarmerie.

Pour ce qui concerne le ministère de la jeunesse et des sports, un réseau de « correspondants sectes » a été mis en place dès octobre 1996 au niveau des directions régionales, et réaffirmé par une circulaire du 21 avril 1999.

Quant au ministère de l'emploi et de la solidarité, un chargé de mission suit depuis de nombreuses années le dossier « sectes ». A l'initiative de ce ministère, des actions ont été développées dans le champ de la protection de l'enfance. Je précise par ailleurs qu'un dispositif de prise en charge psychothérapeutique des sortants de secte fonctionne sous crédits de ce département ministériel.

Enfin, s'agissant de l'éducation nationale, est-il besoin de rappeler le soutien que le ministère a apporté à la proposition de loi de M. le sénateur About tendant au renforcement du contrôle de l'obligation scolaire voté à l'unanimité par les deux assemblées, le 11 décembre 1998 ? Des contrôles ont commencé dès la rentrée de septembre 1999, conduisant notamment des établissements scolaires à modifier leurs pratiques, et certains ont même été fermés.

L'action contre les sectes comporte également une politique pénale spécifique. Le ministère de la justice s'est engagé très résolument dans une politique déterminée de lutte contre le phénomène sectaire. Le rapport de votre commission a fort opportunément souligné cette action, et j'en remercie la rapporteure, Catherine Picard.


page précédente page 05723page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

L'importance de cet engagement est en grande partie motivée par le constat de l'ampleur du phénomène et par l'analyse des 280 plaintes portées à la connaissance de la justice et concernant des faits criminels et délictueux commis dans le cadre d'une activité sectaire.

Cette analyse fait apparaître que 40 % des faits sont des atteintes portées à l'intégralité physique des personnes. Parmi ces atteintes, il est important de relever que 32 % sont des atteintes contre les mineurs, 25 % sont des violences et 18 % des agressions sexuelles.

Cette analyse fait aussi apparaître que les infractions économiques et financières sont le terrain de prédilection de l'activité délictuelle de certains mouvements, qu'il s'agisse d'escroqueries, d'abus de confiance, d'abus de faiblesse ou d'extorsions de fonds.

Compte tenu de l'ampleur et des formes prises par cette délinquance, j'ai souhaité donner une nouvelle impulsion à l'action de la justice en ce domaine en adressant aux parquets généraux, le 1er décembre 1998, une circulaire afin de mieux sensibiliser les magistrats sur les dérives sectaires et de les inciter à la conduite d'actions coordonnées avec l'ensemble des acteurs concernés, administrations ou associations, dans le but de faciliter les signalements, de lancer des enquêtes et d'exercer des poursuites.

Une mission de lutte contre les sectes a été créée au sein du ministère de la justice à la direction des affaires criminelles et des grâces afin de suivre toutes les procédures mettant en cause les mouvements sectaires.

Nous avons aussi mis en place au sein de chaque parquet général des « correspondants sectes » qui doivent veiller à la coordination au plan régional de l'action de la justice avec celle de l'ensemble des services de l'Etat. Ces magistrats « correspondants » organisent des réunions avec les associations et ils échangent des informations avec elles sur les organisations sectaires signalées. Ils sont régulièrement réunis à la direction des affaires criminelles et des grâces pour rendre compte de l'évolution des actions mises en place dans les cours d'appel et pour échanger leurs expériences. Une première réunion a eu lieu au mois de septembre 1999 ; la deuxième se tiendra à la chancellerie le 29 juin prochain.

J'ai en outre demandé que soit entreprise une action de formation des magistrats et des personnels de justice.

Trois sessions de formation ont ainsi été organisées par l'Ecole nationale de la magistrature en mars 1998, en janvier 1999 et en janvier 2000.

De la même façon, à la demande des partenaires administratifs et privés, la chancellerie intervient dans le cadre de séminaires de formation sur les sectes.

Enfin, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse assure un suivi des dossiers concernant les mineurs vivants dans les sectes.

Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs, j'ai entrepris une politique d'envergure pour lutter contre les agissements pernicieux des mouvements sectaires. Un bilan établi au 31 mars 2000 en atteste : 2 80 procédures pénales ont été enregistrées, soit 146 enquêtes préliminaires et 134 informations judiciaires ; 48 affaires ont fait l'objet de décisions de condamnation et 119 sont en cours.

La justice a donc pris, depuis les trois dernières années, une part déterminante dans ce domaine et a ainsi permis de faire prendre une dimension judiciaire au phénomène sectaire, désormais identifié et stigmatisé comme tel.

Pour autant, il est vrai qu'une amélioration de notre dispositif juridique s'impose afin de remédier à certaines difficultés rencontrées sur le terrain. Ces difficultés tiennent toujours au caractère clandestin des mouvements sectaires, à la difficulté de détection, et ce malgré l'implication des services concernés, notamment de la gendarmerie et de la police, ainsi qu'à la rareté des plaintes et à la complexité de la procédure. C'est pourquoi je me réjouis de ce débat qui apporte des réponses concrètes à des problèmes douloureusement vécus par de nombreuses familles.

S'agissant du renforcement législatif du dispositif répressif, la proposition de loi sur les groupements sectaires déposée par M. About et adoptée par le Sénat, ainsi que les nombreuses autres propositions de loi déposées par des députés sur le sujet et sur lesquelles je reviendrai, v iennent opportunément compléter notre droit afin d'améliorer l'action des pouvoirs publics, déjà largement engagée comme je viens de vous le rappeler, à l'encontre du phénomène sectaire.

La proposition de loi de M. About a deux grands mérites : elle a été la première à proposer de nouvelles réponses juridiques au problème très complexe des mouvements sectaires, et elle apporte des solutions qui, même si elles doivent être améliorées, modifiées et complétées , répondent dans les grandes lignes aux problèmes posés par le phénomène sectaire.

Le texte adopté par le Sénat comporte notamment des dispositions sur la dissolution des sectes - j'y reviendrai après Mme Picard, qui a analysé les différentes procédures auxquelles on pourrait avoir recours en la matière et sur la responsabilité pénale des personnes morales instituée par le nouveau code pénal.

Mme Picard, présidente du groupe de travail de l'Assemblée nationale sur les sectes et votre rapporteuse, a fort logiquement et fort opportunément proposé à votre commission de modifier ou de compléter par de nombreux amendements la proposition de loi de M. About au vu des dispositions qui figuraient dans sa propre proposition de loi.

Certaines de ces dispositions portaient toutefois sur d'autres points que ceux traités par la proposition de loi adoptée par le Sénat et dont la plupart avaient également fait l'objet de propositions de loi émanant des députéso riginaires de l'ensemble des groupes politiques de l'Assemblée nationale. Cela montre, s'il en était besoin, le caractère consensuel d'une telle démarche. Je citerai en particulier la proposition de loi déposée par M. Brard et les membres du groupe communiste, la proposition de loi déposée par M. Doligé et la proposition de loi déposée par M. Tiberi. Ces points concernent essentiellement la limitation de l'installation et de la publicité des groupements sectaires et la création d'un délit de manipulation mentale.

J'examinerai maintenant les quatre questions juridiques soulevées par la proposition de loi en discussion.

Trois de ces questions me paraissent consensuelles et susceptibles d'aboutir rapidement : la dissolution des mouvements sectaires, la responsabilité pénale des personnes morales, la limitation de l'installation et de la publicité des groupements sectaires. La quatrième - la création d'un délit de manipulation mentale - pose des problèmes plus délicats.

Je tiens à souligner la cohérence juridique du travail effectué par Mme Picard et votre commission des lois, dont les amendements aboutissent à un texte homogène et efficace.


page précédente page 05724page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

La dissolution des mouvements sectaires par les tribunaux, proposée par votre rapporteuse, est à l'évidence une question essentielle, qui se décompose en deux éléments : comment définir les groupements sectaires dont la dissolution paraît nécessaire ? Quelle procédure de dissolution adopter ? La proposition de loi de M. About prévoyait de permettre la dissolution des groupements qui auraient été à plusieurs reprises condamnés en tant que personnes morales ou dont les dirigeants de droit ou de fait auraient été condamnés à plusieurs reprises à titre personnel, pour des infractions limitativement énumérées, dès lors que ces groupements constituaient un trouble pour l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine.

Votre commission des lois, reprenant pour l'essentiel la disposition qui figurait dans la proposition de loi de Mme Picard, intègre ces critères, mais en les améliorant, essentiellement sur trois points.

D'abord, la liste des infractions visées soumises à dissolution est étendue : sont ainsi visées toutes les infractions d'atteintes volontaires ou involontaires à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne, de mise en danger de la personne, d'atteinte aux libertés de la personne, d'atteinte à la dignité de la personne, d'atteinte à la personnalité ou de mise en péril des mineurs prévues par le code pénal, de même que les infractions de publicité mensongère, de fraude ou de falsification prévues par le code de la consommation.

Ensuite, les condamnations prononcées contre les personnes morales ou les personnes physiques peuvent indifféremment être prises en compte. Ainsi, il suffit d'une condamnation contre une personne morale et d'une autre contre l'un de ses dirigeants pour que la dissolution soit possible, sans qu'il soit nécessaire que la personne morale elle-même ou son dirigeant aient chacun fait l'objet d'au moins deux condamnations.

Enfin, la caractérisation de la nature sectaire du groupe est mieux définie, par référence aux dispositions de l'article 2-17 du code de procédure pénale, relatif aux associations antisectes, qui résulte de la loi du 15 juin dernier renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes. Sont ainsi visées les personnes morales qui poursuivent des activités ayant pour but ou pour effet de créer ou d'exploiter la dépendance psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités.

Quant à la délicate question de la procédure de dissolution qui doit être retenue, la proposition de loi que vous examinez ce matin me semble également apporter une réponse appropriée.

Le Sénat avait proposé la dissolution administrative des sectes sur la base de la loi du 10 janvier 1936 relatives aux groupes de combat et aux milices privées. Sur ce point, Mme Picard a livré l'analyse de la commission des lois. Le Gouvernement n'était pas et n'est toujours pas favorable à cette proposition de dissolution administrative car cette procédure ne lui paraît pas en l'espèce adaptée.

Votre commission propose une autre procédure spécifique de dissolution judiciaire, portée devant le tribunal de grande instance, qui paraît préférable au Gouvernement car elle lui paraît à la fois plus efficace et plus respectueuse des droits de la défense en raison de son caractère par nature contradictoire, même s'il s'agit d'une procédure d'urgence puisque a été retenue la procédure à jour fixe.

Que peut-on penser de la dissolution prononcée par une juridiction pénale ? Il convient de faciliter le prononcé de la peine de dissolution par les juridictions répressives, notamment en cas de récidive. C'est pourquoi j'ai déposé deux amendements en ce sens.

Il convient également d'assurer l'effectivité des dissolutions lorsqu'elles sont prononcées. L'article 3 du texte de M. About aggrave ainsi avec raison les peines encourues en cas de reconstitution d'une association dissoute sur le fondement de la loi de 1901. Cette aggravation est justifiée, puisque cette dissolution peut évidemment concerner des sectes.

Mais il faut aussi prévoir, comme le propose votre rapporteur, des sanctions pénales en cas de reconstitution d'une secte dissoute dans le cadre d'une procédure pénale.

J'en viens maintenant aux dispositions que votre commission propose d'ajouter à la proposition de loi adoptée par le Sénat, et qui portent sur des points que cette proposition n'abordait pas.

D'abord, la responsabilité pénale des personnes morales. La proposition de loi de M. About prévoyait, dans son article 2, d'étendre la responsabilité pénale des personnes morales aux délits d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie. Cette extension est tout à fait justifiée, car cette nouvelle forme de responsabilité instituée par le code pénal de 1994 est totalement adaptée à la répression des phénomènes sectaires.

Le Gouvernement ne peut donc qu'être favorable aux amendements de votre commission qui, prolongeant cette analyse, visent à étendre cette responsabilité à de nombreuses infractions du code pénal comme les atteintes volontaires à la vie ou les agressions sexuelles.

J'ai moi-même prolongé également cette réflexion en déposant trois amendements visant à étendre la responsabilité des personnes morales aux délits de publicités mensongères et de fraudes, aux délits de menaces et aux délits d'atteinte au respect dû aux morts.

Par ailleurs, je suis évidemment favorable à l'amendement de M. Brard qui tend à améliorer l'article 2 de la proposition de loi en élevant les peines encourues pour les délits d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie.

S'agissant, ensuite, de la limitation de l'installation et de la publicité des groupements sectaires, votre commission propose deux dispositions : l'une donnant au maire la possibilité d'interdire à des groupements sectaires, dans des conditions similaires à celles prévues par l'article 1er sur la dissolution judiciaire, leur installation à moins de cent mètres de certains lieux sensibles, comme les écoles ; l'autre interdisant la publicité de ces groupements dans les messages destinés à la jeunesse.

Ces dispositions, présentes dans la proposition de loi de Mme Picard et, sous une forme légèrement différente, dans certaines des autres propositions que j'ai citées précédemment, me paraissent bienvenues.

J'en arrive maintenant à la plus difficile question de la création d'un nouveau délit de manipulation mentale.

Votre commission vous propose de créer une nouvelle infraction de manipulation mentale. C'est là une des dispositions importantes de ce projet, qui doit être examinée avec attention. En effet, les deux commissions d'enquête parlementaires de 1995 et 1999 avaient posé cette question. L'une avait préféré le statu quo en renonçant à proposer la création d'un tel délit, la seconde avait souhaité qu'une concertation s'engage sur l'opportunité de créer un tel délit.


page précédente page 05725page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

Ce nouveau délit me paraît utile pour mieux permettre aux victimes d'être entendues en justice en favorisant la réalisation des enquêtes et des mesures d'instruction.

Cependant, je m'interroge sur deux points : d'une part, la conformité du nouveau délit à la Convention européenne des droits de l'homme et, d'autre part, l'étendue du champ d'application de ce texte. En effet, il ne faudrait pas que cette disposition, dont on perçoit l'utilité, puisse porter atteinte à des libertés fondamentales telles que la liberté d'association ou la liberté de conscience.

M. Jacques Myard.

Nous sommes dans un Etat de droit !

Mme la garde des sceaux.

C'est pourquoi je pense qu'une réflexion complémentaire serait utile. Elle pourrait être organisée au cours de la navette. Cette réflexion, à laquelle pourraient participer plusieurs associations ou groupes de réflexion - je pense non seulement à la Ligue des droits de l'homme, mais aussi à la Commission nationale consultative des droits de l'homme -, permettrait de mieux mesurer la portée de ce texte, d'en tester les conséquences et peut-être d'en améliorer la rédaction.

Je suis favorable aux amendements de votre commission qui visent à réécrire par coordination l'article 2-17 du code de procédure pénale sur lequel le Gouvernement a également déposé un amendement - j'y reviendrai au cours des débats.

Ainsi complétée et améliorée par les amendements de votre commission, celui de M. Brard et ceux du Gouvernement, ce texte me paraît constituer une avancée significative de notre droit, permettant à un Etat démocratique de se doter, dans des conditions respectueuses des droits de l'homme, d'un dispositif législatif nécessaire pour lutter utilement contre des groupements qui portent précisément atteinte à ces valeurs essentielles. Je vous demande donc de l'adopter. Je vous remercie. (Applaudissements sur le bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Discussion générale

Mme la présidente.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque.

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre des realtions avec le Parlement, mes chers collègues, à l'aube du troisième millénaire les sectes continuent à proliférer, profitant d'une société qui s'interroge sur son avenir et dans laquelle aucun chemin ne semble tracé.

Ces groupes, souvent puissants, prennent des masques variés - religion, santé, développement du potentiel personnel, etc - et s'appuient sur des motivations importantes pour chaque individu - besoin de servir une grande cause, recherche de spiritualité ou autre -, le tout en se servant souvent de techniques dévoyées de psychothérapie leur permettant d'embrigader leurs adeptes, de transformer leur vision du monde en les privant de tout esprit critique.

Voltaire disait déjà que « toute secte, en quelque genre que ce puisse être, est le ralliement du doute et de l'erreur », j'ajouterai : « et la peur », peur de ne pouvoir imaginer un cours objectif des choses. Aujourd'hui, le paysage sectaire est divers et mouvant. Notre collègue Jean-Pierre Brard, rapporteur de la dernière commission d'enquête parlementaire sur le sujet, disait très justement que le phénomène sectaire « a gagné en mercantilisme ce qu'il a perdu en spiritualisme ». Soyons clairs : les mouvements sectaires, dans leur immense majorité, sont de g igantesques entreprises d'escroquerie, de véritables

« pompes à fric » qui profitent de la détresse humaine pour s'enrichir.

Lorsqu'on aborde ce thème difficile qu'est la lutte contre le phénomène sectaire, il convient de rappeler certains principes. Le premier est le principe de liberté encadré par la loi, édicté par la déclaration de 1789 : « La liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. »

M. Jacques Myard.

Très bien !

M. Philippe Vuilque.

La loi vaut pour tous et les convictions ne peuvent excéder les principes de la loi qui garantissent l'égalité et la liberté des citoyens.

Ensuite, le principe de la liberté de croyance est affirmé dans la Déclaration des droits de l'homme, dans la loi de 1905 de séparation de l'église et de l'Etat, dans la Constitution de 1958. L'Etat s'interdit ainsi toute immixtion dans les affaires religieuses et les croyances, qui sont du domaine privé. En France, on juge non pas les convictions, mais les comportements répréhensibles sanctionnés par la loi.

M. Jacques Myard.

Très bien !

M. Philippe Vuilque.

Vous pouvez croire à ce que vous voulez, aux choses les plus farfelues, aux soucoupes volantes, si cela vous chante, ou faire partie des adorateurs de l'oignon,...

M. Jacques Myard.

Pas d'attaques contre les oignons ! (Sourires.)

M. Philippe Vuilque.

... à partir du moment où vous respectez la loi c'est une affaire de conviction personnelle, ce n'est pas l'affaire de l'Etat.

Enfin, le principe de la liberté d'association reconnue par la loi du 1er juillet 1901.

L'un des problèmes de la lutte contre les sectes, c'est que ces dernières utilisent ces principes pour se développer. Le récent rapport parlementaire sur les sectes et l'argent rappelle que « nombre de mouvements sectaires sont passés maîtres dans l'art d'utiliser à leur profit des cadres juridiques instaurés à toutes autres fins, telles que l'exercice de libertés publiques ou le développement d'activités utiles à la société. Des dispositifs prévus pour fac iliter la vie associative, la pratique d'un culte, l'organisation de la vie politique et la coopération internationale se trouvent ainsi investis par des sectes qui en tirent des avantages indus. »

Le phénomène sectaire, son développement, sa diversif ication, son adaptabilité restent aujourd'hui préoccupants. Les sectes continuent à se développer dans tous les pays du monde, notamment en Asie, profitant de législations laxistes et de bienveillances inadmissibles.

C'est le cas aux Etats-Unis où il suffit de se proclamer

« religieux » pour échapper à tout contrôle. Ainsi, au nom de la liberté américaine, on tolère aussi bien le Ku Klux Klan que la Scientologie. Les libertés non encadrées par la loi entraînent des dérives dangereuses pour la liberté elle-même.

Les difficultés rencontrées chez nous dans la lutte contre ces organisations sont les mêmes que dans la plupart des autres pays, car, aujourd'hui, nous avons affaire à des groupes de plus en plus organisés, militarisés, totalitaires, et de plus en plus dangereux pour la démocratie.

Ce qui est primordial, c'est de pouvoir s'appuyer sur un arsenal juridique suffisant, adapté, pertinent, permettant de combattre ces groupes sectaires sans pour autant tomber dans le travers d'une législation d'exception.


page précédente page 05726page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

Des progrès dans cette lutte ont été faits ces dernières années, vous l'avez rappelé, madame la ministre. Les trois rapports parlementaires sur le sujet y ont largement contribué, ainsi que l'action des associations telles que l'UNADFI, le CCMM - Centre de documentation contre les manipulations mentales - ou encore la MILS Mission interministérielle de lutte contre les sectes - présidée par Alain Vivien.

L'action des gouvernements successifs a également fait grandement avancer les choses. Des drames tels que celui du « Temple solaire » ont fait prendre conscience à l'opinion publique de la dangerosité et de l'ampleur du phénomène, opinion publique qui demande d'ailleurs aujourd'hui que l'on intensifie la prévention et la répression à l'encontre des sectes. Un récent sondage CSA - La Vie est révélateur de cette attente : 86 % des Français seraient favorables à l'interdiction de certaines sectes comme la Scientologie ; 73 % estiment que les sectes sont une menace pour la démocratie ; 66 % qu'elles le sont pour leur entourage, 64 % qu'elles le sont pour eux-mêmes.

Il reste cependant beaucoup à faire dans cette lutte contre les sectes, non seulement dans notre pays, mais aussi au niveau européen. Il nous faudra profiter de la présidence française de l'Union européenne pour faire avancer la coordination de la lutte contre ces organismes sectaires.

Cette proposition de loi a pour but de muscler notre législation et, si j'en juge par les attaques qu'elle suscite de la part des organisations sectaires et de leurs amis, sous couvert de défense des droits de l'homme - proposition qualifiée de loi fasciste, de cancer pour la démocratie ! -, je me dis que nous avons touché juste et que c'est une bonne proposition de loi.

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. Philippe Vuilque.

C'est une bonne proposition parce que c'est aussi un texte de synthèse qui rassemble, complète et précise certaines propositions déposées par nos collègues Nicolas About, Eric Doligé, Jean-Pierre Brard, Pierre Albertini notamment. Cela montre que nous avons en ce domaine tous la même préoccupation : rendre notre législation plus performante et mieux adaptée à la lutte contre les sectes.

Cette proposition de loi vise donc à compléter et à adapter utilement notre législation, d'abord en renforçant le volet répressif, ensuite en instituant un nouveau délit : le « délit de manipulation mentale ».

Le renforcement du volet répressif se traduit d'abord par l'instauration d'une procédure de dissolution civile, procédure qui relève du tribunal de grande instance, à la demande du ministère public, agissant d'office ou à la requête de tout intéressé. L'opportunité d'instituer une procédure supplémentaire de dissolution fait l'objet d'un certain consensus résultant de l'insuffisance des procédures existantes. S'il est, en effet, d'ores et déjà, possible de dissoudre une association en application de l'article 7 de la loi du 1er juillet 1901, ou une personne morale au titre de l'article 131-39 du code pénal, ces dispositions législatives ne sont que très rarement mises en oeuvre en raison de leurs conditions d'application.

Le renforcement du volet répressif se traduit, ensuite, par le renforcement de la responsabilité pénale des personnes morales. Introduite par le nouveau code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994, la possibilité d'engager cette responsabilité présente, en matière sectaire, une utilité toute particulière. La condamnation d'un individu seul permet au mouvement sectaire de poursuivre, sous d'autres formes et avec d'autres responsables, des activités illégales. D'où la nécessité de l'étendre à d'autres infr actions telles que l'entrave aux mesures d'assistance et d'omission de porter secours, la provocation au suicide, l'abandon de famille et l'ensemble des délits de mise en péril des mineurs. D'autres infractions fréquemment commises par les sectes telles que les atteintes volontaires à la vie et à l'intégralité des personnes, les menaces ou les agressions sexuelles sont également visées.

La limitation de l'installation des groupes sectaires est prévue. C'est un outil de prévention à la disposition des maires qui leur permettra de prendre les mesures nécessaires afin de protéger les personnes fragiles ou influençables des sectes les plus dangereuses. Ce dispositif devra néanmoins être précisé pour que les maires puissent avoir connaissance des projets ou de l'installation effective de ces groupements sectaires.

La limitation de la publicité des groupes sectaires est aussi évoquée.

J'en viens à l'une des dispositions les plus importantes de cette proposition de loi : l'instauration d'un délit de manipulation mentale. La création de cette nouvelle infraction avait déjà été préconisée par la commission d'enquête sur les sectes et l'argent présidée par Jacques Guyard. Dans son rapport, celui-ci estimait en effet que la création de ce nouveau délit présenterait le double avantage de franchir une étape intermédiaire dans la définition légale de la secte et de faciliter dans bien des cas le travail des magistrats.

Ce délit est désormais explicité. Il consiste à « exercer sur une personne des pressions graves et réitérées afin de créer ou d'exploiter un tel état de dépendance et de la conduire, contre son gré ou non, à un acte ou à une abstention qui lui est gravement préjudiciable ».

Applicable aux personnes physiques et morales, le délit de manipulation mentale facilitera la défense des victimes.

En effet, si la législation actuelle permet d'ores et déjà de sanctionner de nombreuses infractions dont se rendent coupables les mouvements sectaires - abus de faiblesse, incitation des mineurs à la débauche, proxénétisme, etc. la défense des victimes se heurte toutefois aux conditions d'application trop restrictives de ces mesures. Il en est ainsi pour le délit d'abus de faiblesse qui ne s'applique qu'aux personnes objectivement vulnérables à l'origine, en raison de leur âge ou pour des raisons physiques, et qui ne sanctionne que des préjudices matériels ou patrimoniaux. Il en est de même pour la justice civile, confrontée au consentement de victimes majeures et, apparemment, saines de corps et d'esprit.

Ces propositions devraient recueillir un large accord.

Cela montrera aux sectes la détermination du Gouvernement et des parlementaires à amplifier, intensifier la lutte tout en veillant à ce qu'aucune restriction ne soit portée aux libertés de culte et d'association constitutionnellement protégées.

Après l'adoption de ce texte, il restera encore beaucoup de travail à faire. La réflexion devra se poursuivre, comme l'a indiqué Mme la rapporteuse, sur les moyens de faire respecter les condamnations pour violation du code du travail et du code de la sécurité sociale, ainsi qu'en matière de fraude fiscale. De même, il faudra réfléchir à la meilleure façon de prendre en compte, dans notre législation, la complexité des structures juridiques, indépendantes et pyramidales, mises en place par les sectes qui, trop souvent, font échec aux mesures répressives instaurées par ailleurs.


page précédente page 05727page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

Il n'en reste pas moins, j'en suis persuadé, qu'en votant cette proposition nous allons faire un pas important non seulement pour notre pays, mais aussi pour les pays étrangers qui sont particulièrement attentifs à ce qui se passe en France dans ce domaine. Cette lutte que nous menons est un combat pour l'homme, un combat pour la liberté, un combat pour la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Dominique Bussereau.

M. Dominique Bussereau.

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, comme l'a dit Mme Picard, c'est un vaste programme que celui de la lutte contre les sectes. C'est également un sujet délicat, qui fait souvent la une des médias et qui a donné lieu, dans cette assemblée, à de nombreux rapports et commissions. Chacun se souvient du travail de JeanPierre Brard, de Jacques Guyard et de notre ancien collègue Alain Gest.

M. Jacques Myard.

Et Jacques Myard et Eric Doligé !

M. Dominique Bussereau.

Pardon ! J'ai failli oublier Jacques Myard et Eric Doligé. Tout l'hémicycle sera donc cité au compte rendu de la séance ! Ces collègues se sont montrés à juste titre alarmistes quant au danger que représentent les mouvements sectaires et tout le monde s'accorde sur les difficultés que nous rencontrons pour lutter contre eux, voire sur notre incapacité en la matière.

Ils se répandent partout si bien qu'aucun secteur, aucune entreprise, aucune institution, pis, aucune famille, n'est à l'abri.

Que faut-il faire ? Au vu de ces difficultés, notre collègue sénateur Nicolas About a déposé une proposition de loi, qui a été adoptée par le Sénat le 16 décembre dernier, tendant à renforcer le dispositif pénal en vigueur.

Elle vise trois objectifs qui ont été rappelés tout à l'heure par Mme la rapporteuse.

Le premier consiste à étendre les pouvoirs du Président de la République, en l'occurrence de l'autorité administrative, aux sectes dangereuses en se servant de la célèbre loi du 10 janvier 1936. Serait ainsi permise la dissolution de groupes condamnés à plusieurs reprises pour des atteintes à l'intégrité psychique ou physique de la personne, pratiques illégales de la médecine, fraude fiscale, etc.

Le deuxième objectif du texte de Nicolas About est d'empêcher le maintien ou la reconstitution des sectes constituées en associations. Enfin, le troisième est de permettre aux associations de défense de la famille et de l'individu de se porter partie civile dans les procès intentés contre les sectes.

La proposition de loi prévoit donc d'autoriser la dissolution de mouvements susceptibles de créer des troubles à l'ordre public ou représentant un péril majeur pour la personne humaine et elle renforce le dispositif pénal auquel nous pourrons avoir recours pour neutraliser ces mouvements.

E n commission des lois, l'Assemblée nationale a apporté son concours en étendant la responsabilité pénale des personnes morales à l'exercice illégal de la médecine ou aux infractions de mise en péril des mineurs.

Enfin, en adoptant un amendement visant à substituer à la procédure administrative de dissolution une procédure judiciaire devant le tribunal de grande instance, l'Assemblée doterait la France d'un arsenal juridique contre les sectes unique en Europe et dans le monde, qui ferait certainement de notre pays le champion de la lutte contre le développement du phénomène sectaire. Je note d'ailleurs que, pour la première fois dans un texte de loi, cette proposition emploie expressément le mot « sectaire ».

M. Jacques Myard.

L'adjectif.

M. Dominique Bussereau.

Il est temps, monsieur Myard, c'est vrai, d'appeler un chat un chat et de ne plus pratiquer la politique de l'autruche car cela aboutit à une sorte de tolérance ou de bienveillance.

La proposition de loi s'inscrit donc dans un contexte plus général de prise en compte de la montée en puissance et du danger du phénomène sectaire. Le Sénat a d'ailleurs souligné que les actions judiciaires contre les sectes se renforçaient. Au 31 juilet dernier, on comptait en effet environ 250 procédures pénales en cours. C'est la preuve, madame la garde des sceaux, qu'il existe une volonté d'en finir avec les sectes mais aussi, contrairement à ce qu'on pourrait penser, que notre droit pénal, dans son état actuel, ne nous laisse pas si démunis que cela.

De fait, l'arsenal pénal nous donne des armes efficaces pour lutter contre les sectes. Un certain nombre d'infractions sont punies par le code pénal, c'est le cas de l'escroquerie, de la mise en péril des mineurs que j'évoquais tout à l'heure. Son article 313-4, qui prend en compte l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une personne vulnérable, me semble également approprié à la lutte contre les sectes.

Il faut donc, quelle qu'en soit la manière, renforcer ce dispositif pénal. Mais notre capacité à « épingler » les sectes viendra d'ailleurs.

L'observatoire interministériel des sectes soulignait dans son rapport de 1997 que le consentement des victimes rend particulièrement difficile la preuve d'une atteinte à la personne et que les désistements de plaignants sont particulièrement fréquents. Il faut donc apporter un nouveau souffle à ce combat et innover. C'est l'objet de la proposition de loi que nous examinons ce matin.

Notre difficulté principale ne réside pas tant dans les armes dont nous disposons déjà que dans l'incapacité persistante à identifier convenablement les mouvements sectaires. D'où le débat qui a été lancé ce matin sur le dél it de manipulation mentale qui, a priori , devrait permettre de mieux « cibler » notre dispositif pénal vis-à-vis des mouvements sectaires.

Nous souscrivons, bien sûr, à cette démarche volontariste de lutte contre les sectes, mais il ne faudrait pas que notre légitime enthousiasme nous fasse oublier deux principes essentiels qui gouvernent notre société et font partie de l'essence même de notre République, à savoir la liberté de conscience et la liberté d'association.

La neutralité de l'Etat à l'égard de toutes les croyances religieuses est un principe fondamental affirmé dans la Déclaration des droits de l'homme et repris en tant que tel à l'article 1er de notre Constitution.

Voilà pourquoi aucune définition juridique des religions n'existe malgré certaines tentatives dont celle de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale qui, en 1995, s'était basée sur des faisceaux d'indices. De la même manière, notre Constitution ne comporte pas de définition des partis politiques, se bornant à préciser qu'ils « concourent à l'expression du suffrage ».

En instaurant un délit de manipulation mentale, nous tentons de contourner cet obstacle. Mais nous courons des risques, que Mme la garde des sceaux a soulignés à l'instant, notamment au regard de la Convention euro-


page précédente page 05728page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

péenne des droits de l'homme. Pour sa part, la Ligue des droits de l'homme, également citée par Mme la garde des sceaux, et qu'on ne peut soupçonner de faire le jeu des sectes, met en garde contre le risque de tomber dans une législation d'exception. Sur quels critères en effet décider qu'un groupe est suspect, qu'il poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer une dépendance psychologique ou physique ? Quelles informations permettront de qualifier les faits ? Il n'y a, en effet, rien de plus subjectif. Tout est susceptible de tomber sous le coup de la manipulation mentale : le fait d'être croyant, le fait pour un enfant d'obéir à ses parents, le fait pour un militant syndical d'obéir à son délégué syndical ou pour un militant politique à son chef de parti.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est dur ! (Sourires.)

M. Dominique Bussereau.

Tout peut entrer dans le champ d'application si aucune définition claire n'est donnée, ce qui n'est pas une mince affaire...

Il est, par ailleurs, tout à fait paradoxal de voir que des gens sont manipulés... avec leur propre consentement. Se pose donc un problème délicat d'appréciation de la liberté individuelle.

Le délit de manipulation mentale que nous allons examiner tout à l'heure va donc être difficile à « mettre au point » et va se heurter à une caractéristique des sectes, à savoir leur diversité. C'est d'ailleurs cette diversité qui nous a conduits à adopter, dans la proposition de loi, des définitions très larges ; il s'agissait de faire en sorte que ces groupements ne puissent lui échapper.

Une telle souplesse a un défaut : elle peut nous entraîner à une interprétation peu rigoureuse. Nous tomberions alors dans un piège dangereux pour la liberté d'opinion, la liberté religieuse ou la liberté d'association.

Le groupe Démocratie libérale et Indépendants apportera bien évidemment, son soutien à cette proposition de loi dont je souhaite qu'elle soit votée à l'unanimité par notre assemblée. Mais je me devais de souligner, comme vous l'avez d'ailleurs fait, madame la garde des sceaux, l'extrême vigilance dont nous devons faire preuve afin de ne pas devenir à certains moments, au nom de la liberté que nous chérissons tant et tous ici, liberticides. C'est tout le débat de ce matin qui est en cause.

Je lance donc un appel à la prudence : le combat est juste, mais nous devons le mener avec mesure et indulgence. (Applaudissements sur divers bancs.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jacques Myard et M. Eric Doligé.

Bravo !

M. Jean-Pierre Brard.

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes collègues de droite ont bien raison d'applaudir : il n'est pas si fréquent que nous puissions avoir ici un débat qui nous réunisse sur le fond. Il est vrai qu'il s'agit de la préservation des libertés individuelles et collectives. Et il y a engagement unanime de la représentation nationale comme il y a engagement du Gouvernement.

C'est la troisième fois que nous légiférons s'agissant des sectes. La première fois, c'était en décembre 1998 à propos de l'obligation d'insruction pour les enfants. La deuxième fois, dans le cadre de la révision du code pénal, nous avons reconnu aux associations le droit de se porter partie civile. Aujourd'hui, nous avons à débattre d'un nouveau texte.

Tout cela témoigne que les femmes et les hommes politiques que nous sommes ont su écouter l'opinion, ses inquiétudes, ses angoisses suscitées par ce que certains faits divers terribles ont révélé. Que nous prenions position aussi clairement est aussi une façon d'exprimer notre soutien à la lutte courageuse que mènent les associations qui sont confrontées chaque jour à la détresse et à la souffrance des adeptes qui sortent des sectes psychologiquement, cassés, physiquement diminués et « monétairement » ruinés, pour ceux qui avaient quelque sou. En outre, nous donnons, grâce à ce nouveau texte, des armes supplémentaires aux magistrats, ce qui est très important.

Notre assemblée débat donc d'un sujet grave qui a fait l'objet depuis de nombreuses années d'un très important travail parlementaire. On tente parfois, ici et là, notamment dans certains pays anglo-saxons, de présenter notre action sur ce thème comme improvisée, brouillonne, voire liberticide, inspirée par des réactions à chaud à des événements d'actualité. Madame la ministre, monsieur le ministre, certains n'ont vraiment pas de leçon à nous donner ! Quand j'entends un candidat à la présidence des

Etats-Unis, qui a donné le feu vert pour 134 exécutions, affirmer sa certitude qu'il n'y a pas eu d'erreur judiciaire, je me dis que, celui qui veut être président des Etats-Unis est un extralucide... Peut-être serait-il, d'ailleurs, dans cette déviance que nous combattons ? Mais, évidemment, je plaisante... (Rires.).

Une nouvelle Internationale des sectes, ayant cette fois son siège outre-Atlantique, s'exprimant par pleine page de publicité dans le Herald Tribune, est à l'oeuvre pour faire croire à une brusque attaque contre la liberté religieuse en France.

Les faits démontrent le contraire. Les propositions aujourd'hui en discussion ont mûri, dans la sérénité, au fil des années. Elles sont inspirées de nos rapports de janvier 1996 et de juin 1999, du travail de l'Observatoire interministériel des sectes et de celui de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes, ainsi que du groupe d'études sur les sectes de l'Assemblée nationale - pour ne prendre que les principales sources - dont le premier rapport remonte déjà à près de vingt années. Il était dû à notre ancien collègue Alain Vivien, qui préside aujourd'hui la MILS.

Ces propositions émanent de tous les bancs de notre hémicycle, comme vous l'avez rappelé tout à l'heure, madame la ministre, ainsi que du Sénat qui s'était prononcé à l'unanimité, en décembre 1999, sur un texte aujourd'hui soumis à notre réflexion Ce consensus répond à une grande inquiétude et à une forte attente de l'opinion publique qui n'accepte pas qu'il puisse être gravement porté atteinte à la liberté individuelle, à l'intégrité psychique et parfois physique de personnes souvent en situation de faiblesse et d'enfants dépourvus de moyens de se défendre.

La volonté de protéger nos concitoyens contre les manipulations mentales est partagée par l'ensemble des sensibilités politiques de notre assemblée. La société a le devoir de porter assistance à chacun de ses membres lorsqu'il est en danger et de le protéger, même s'il a perdu lui-même temporairement la claire conscience de ce danger.

Les moyens de cette protection nous sont aussi demandés, dans l'intérêt général, par les élus locaux. Nous av ons tous eu à connaître, un jour ou l'autre, le désarroi d'un maire qui voit surgir ou se développer dans sa commune une organisation à caractère sectaire abondamment pourvue de moyens financiers, habilement conseillée par des juristes spécialisés confortablement rémunérés. Les habitants lui demandent d'agir pour protéger la collectivité, alors que, globalement, il ne dispose pas des moyens juri-


page précédente page 05729page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

diques de le faire. La multiplication de ce genre de situations impose au législateur d'agir. Nous devons et nous voulons le faire dans le respect des principes républicains et conformément aux règles d'un Etat de droit.

Les organisations à caractère sectaire dissimulent généralement leur action sous un habillage religieux plus ou moins teinté de références à l'une des grandes religions traditionnelles, quand ce n'est pas un salmigondis des religions les plus importantes. La puissance publique n'a é videmment pas à intervenir sur les contenus des croyances professées par telle ou telle association, ni même sur ses activités étiquetées « culturelles », dès lors qu'il n'y a pas de trouble à l'ordre public, pas de menace pour la liberté individuelle des habitants de notre pays, pas d'infraction commise.

Quand nous parlons des sectes, évidemment, nous ne voulons en aucun cas entrer dans un débat théologique ; ce n'est pas notre propos, même si, à titre personnel, nous pouvons trouver un intérêt à cela. Notre loi de 1905 est fort bien faite, qui dit que la République ne reconnaît aucun culte, mais garantit à chacun la liberté de pratiquer le sien. De ce point de vue, d'ailleurs, il reste encore à faire, par exemple s'agissant de l'islam. Nos concitoyens musulmans ont besoin de lieux où pratiquer librement. Je pense - mais c'est un autre débat - que nous devons y pourvoir les uns et les autres. Quant aux autres religions, qui bénéficient de la loi de 1905, elles devraient aussi s'y engager. (

« Très bien ! » Sur les bancs du groupe socialiste.)

Reste que parmi les tenants des grandes religions de notre pays, certains sont très engagés dans la lutte contre les sectes. Je pense au père Jacques Trousselard qui mène un combat remarquable, clairvoyant, pertinent, pour protéger les victimes des agissements sectaires.

Aujourd'hui, grâce à une meilleure formation et à une vigilance accrue de la police, de la gendarmerie et de la magistrature, les poursuites sont plus nombreuses, ainsi que vous l'avez dit, madame la ministre, et des condamnations interviennent nettement plus fréquemment.

S'appuyant cyniquement sur l'impunité de fait dont elles bénéficiaient naguère, les organisations sectaires se prétendent victimes d'une vague d'intolérance et de persécution de la part des pouvoirs publics. Comme le disait notre collègue Vuilque, c'est tout à notre honneur d'être critiqués par ces organisations criminelles. Et comme le disait August Bebel, quand l'adversaire nous félicite, il faut se demander quelle erreur nous avons faite ! Que nous soyons voués aux gémonies par les sectes doit nous encourager à poursuivre notre légitime combat.

M. Jacques Myard.

Très bonne dialectique !

M. Bernard Roman, président de la commission.

C'est un spécialiste...

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

... en matière de dialectique !

M. Jacques Myard.

L'éminence Brard est excellente en dialectique !

M. Jean-Pierre Brard.

Mon cher collègue Myard, je peux vous donner quelques conseils en la matière, parce que j'ai bu de ce lait depuis plus longtemps que vous ! (Sourires.)

Ce phénomène n'est pas particulier aux sectes. Dès qu'une catégorie de délinquants qui étaient plus ou moins épargnés par les poursuites judiciaires se retrouve sur le banc des accusés, elle met en cause l'impartialité de la justice et des juges. Nous l'avons constaté ces dernières années pour la grande délinquance financière, la délinquance en col blanc, qui n'est d'ailleurs pas sans c onnexion avec la délinquance à caractère sectaire, comme l'a montré notre récent rapport parlementaire sur les sectes et l'argent.

Lorsque des condamnations devenues définitives ont frappé à plusieurs reprises une organisation à caractère sectaire - ou ses dirigeants, ou ses filiales, ou ses clones les pouvoirs publics ont le devoir d'agir. L'opinion ne comprendrait pas qu'un danger ayant été identifié, juridiquement qualifié et pénalement sanctionné, les autorités compétentes négligent ou refusent de s'attaquer à la cause de ce danger.

C'est donc bien la question de la dissolution des sectes qui nous est alors posée. Elle avait été débattue l'an dernier par le Sénat, à l'initiative de notre collègue Nicolas About, particulièrement engagé dans cette bataille contre les sectes.

A la dissolution administrative par décret, initialement envisagée, on nous propose de substituer la dissolution par la voie judiciaire, qui présente de meilleures garanties en termes de respect des droits de la défense et du principe du contradictoire. Il y a lieu d'accepter cette proposition, car c'est grâce à des procédures d'une parfaite régularité, strictement conformes aux principes juridiques de l'Etat de droit que nous mettrons le plus efficacement hors d'état de nuire des structures dangereuses, tout en évitant de donner à ces dernières l'argument de l'arbitraire et de la persécution.

S'agissant des infractions commises par les sectes, j'avais introduit, dans la proposition de loi de février 2000 dont j'étais le premier signataire, une disposition visant à faire prendre en compte, par la justice française, des infractions semblables commises par les mêmes auteurs dans d'autres pays de l'Union européenne. Le travail à réaliser en la matière est encore important. La question de l'espace judiciaire européen se pose.

L'autre innovation essentielle de ce texte concerne la création du délit de manipulation mentale. Elle reprend un point de la proposition de loi déposée par notre collègue Eric Doligé.

C'est un des terrains de prédilection des organisations à caractère sectaire, qui ont besoin de ces manipulations pour asseoir leur emprise sur leurs victimes, les asservir et souvent les spolier. J'ai bien entendu vos propos, madame la garde des sceaux. Je pense que nous serons unanimes pour amender ce texte au cours des prochaines navettes parlementaires, comme l'a d'ailleurs excellement expliqué notre collègue Dominique Bussereau. Dans ce domaine on ne peut certes pas légiférer à la légère.

La proposition prévoit également d'étendre la responsabilité pénale des personnes morales à l'exercice illégal de la médecine et de la pharmacie, autre terrain sur lequel les sectes sont redoutables. Les enfants et des personnes atteints de pathologies graves, notamment, se trouvent privés de soins efficaces, avec les conséquences dramatiques que l'actualité nous livre régulièrement, de la poudre de perlimpinpin remplaçant des médicaments efficaces. Bien entendu, il ne s'agit pas, ici, de mettre horsla-loi les médecines dites « non conventionnelles » pratiquées dans le respect de la réglementation et de la déontologie professionnelle.

D'autres dispositions limitent la publicité et l'installation des organisations sectaires à proximité des établissements scolaires et hospitaliers. Cela sera fort utile.

V oilà donc toute une panoplie de mesures qui marquent une étape importante pour la protection des habitants de notre pays et qui sont appréciées positive-


page précédente page 05730page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

ment par le groupe des députés communistes et apparentés. Il est encourageant de voir qu'elles sont soutenues par l'ensemble de la représentation nationale, qui est attentive aux demandes de nos concitoyens, et que le Gouvernement entend apporter sa contribution à ces avancées.

(Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé.

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui invités à débattre de l'un des thèmes de société qui sera, à mon sens, avec la lutte contre la drogue, l'un des défis majeurs que les générations futures auront à relever en matière de protection des personnes. Au fil des rapports parlementaires et i nterministériels, chacun prend progressivement conscience que le développement du phénomène sectaire pose à notre société de nombreux problèmes philosophiques, juridiques et politiques.

A la veille d'un remaniement de la législation sur les associations, qui passera notamment par la refonte de la loi de 1901, celles qui aiment qu'on les qualifie de nouvelles religions ne manquent pas de susciter, en effet, quelques interrogations sur les conditions d'exercice de la liberté d'association. Car si la liberté s'arrête où celle d'autrui commence, force est de constater que les sectes attachent plus d'importance à défendre leur liberté que celle de leurs adeptes, qui, trop souvent, vivent un enfermement moral ou physique.

Depuis le rapport d'Alain Vivien en 1983, qui a eu le grand mérite de constiuer une première étude approfondie et objective sur les dangers des sectes visant notamment à alerter les pouvois publics et l'opinion sur une réalité fort mal connue, l'Assemblée nationale a, à deuxr eprises, décidé à l'unanimité la constitution d'une commission d'enquête.

Sous les présidences successives d'Alain Gest et de Jacques Guyard, les commissaires enquêteurs ont tenté, à travers leurs travaux, d'apprécier l'évolution de ce phénomène et de faire le point des mesures nécessaires pour le combattre. Compte tenu de l'actualité de l'époque, marquée par le suicide collectif de l'Ordre du temple solaire, le rapport de 1995 sur les sectes en France a eu dans l'opinion, et ce grâce aux médias, une résonnance importante. Tous, parlementaires, gouvernants, médias ont saisi que l'information sur les sectes allait devenir la meilleure des préventions.

En 1999, l'Assemblée s'est intéressée plus particulièrement à leurs activités financières, constatant que leur nocivité s'était accrue avec leur puissance économique.

Dans ses conclusions, la commission a appelé de ses voeux « un nouvel effort de sensibilisation de la société et une prise de conscience au niveau international ».

C omme nous l'avons fréquemment rappelé, les commissaires enquêteurs se sont jusqu'alors refusés à proposer une législation spécifique destinée à lutter contre les sectes. Notre arsenal juridique nous semblait suffisant.

C'était sans compter sur la réactivité des sectes et leur capacité à s'adapter et à organiser de nouveaux montages juridiques des plus élaborés. Nous nous devions à notre tour de réagir. L'expérience récente nous a montré que nous ne luttions pas à armes égales. Les sectes ont depuis longtemps utilisé les imperfections des textes afin de contourner le droit des affaires, le droit du travail ou celui de la santé.

Ce constat a conduit nombre d'entre nous, sur tous les bancs, à déposer des propositions de loi - onze depuis le début de la présente législature - visant à renforcer notre dispositif légal de lutte contre les sectes.

Sur un sujet aussi sensible et aussi grave, il faut se féliciter que chacun aille dans le même sens. Aussi, dans le contexte consensuel qui existe depuis l'origine de notre réflexion, je regrette que nous n'ayons pas préparé ensemble ce texte et qu'il ne tienne pas compte des différentes contributions que nous avons apportées.

Je souhaite vivement que ce type de comportement soit à l'avenir proscrit, la crédibilité de nos travaux sera d'autant plus forte qu'ils auront été produits hors de tous clivages politiques. Pour conclure sur ce point, je citerai en exemple l'action de la mission interministérielle de lutte contre les sectes - la MILS - qui atteste, si nécessaire, que l'on peut collaborer avec tous en bonne intelligence.

Pour en revenir au fond, je voudrais aborder trois des principaux points.

En premier lieu, la dissolution des associations à caractère sectaire. Si celle-ci est déjà prévue par notre droit, il n'en demeure pas moins, et l'expérience le démontre, qu'elle est rarement mise en oeuvre. Si les outils juridiques à notre diposition permettent de qualifier difficilement les agissements des dirigeants ou des responsables de fait des associations sectaires, la justice est encore plus démunie lorsqu'il s'agit de mettre un terme à l'action d'une personne morale dont des membres ont été condamnés définitivement.

Chacun s'accordant à reconnaître la nécessité de prévoir un cadre juridique permettant la dissolution des sectes pénalement condamnées, deux possibilités s'ouvrent au législateur.

D'une part, la dissolution administrative prise par la p lus haute autorité politique, le Président de la République. C'est l'option retenue par le Sénat sur la proposition de Nicolas About à l'origine de la réflexion que nous menons ce jour. Cette proposition consiste à compléter la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées afin que le chef de l'Etat puisse décréter la dissolution des groupements ayant fait l'objet de plusieurs condamnations.

D'autre part, la dissolution judiciaire prononcée par le juge après que le groupement ou ses responsables ont été condamnés à plusieurs reprises. C'est la voie que j'avais personnellement retenue dans ma proposition de loi no 2156. C'est également celle qui a été adoptée par la commission des lois, mais selon des modalités différentes.

Les deux processus de dissolution comportent des avantages et des inconvénients. La mise en oeuvre de la loi de 1936 peut paraître lourde pour certains, sujette à caution pour d'autres. La voie judiciaire a le mérite propre aux décisions de justice elles sont issues d'un débat contradictoire et revêtues de la marque de l'impartialité. Selon moi, le système idéal serait une combinaison des deux processus de dissolution.

M. Jacques Myard.

Très bien !

M. Eric Doligé.

En cas d'urgence, dans l'hypothèse où une secte s'apprêterai à organiser un suicide collectif, quelle pourrait être la réponse de l'Etat pour empêcher cet acte et surtout éviter qu'il ne se reproduise ? La dissolution administrative constitue la seule réponse à unes ituation d'urgence. Encore faudrait-il supprimer le conditionnement par des condamnations préalables. Vous me répondrez probablement que jamais le Conseil constitutionnel ne laissera passer une telle disposition. Peutêtre. Encore faudrait-il qu'il soit saisi !


page précédente page 05731page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

Dois-je vous rappeler que la dernière modification de la loi de 1936 date, selon le rapport de la commission des lois, de 1986, époque où les neuf sages qui contrôlaient déjà la conformité des lois à la Consitution n'ont pas remis en cause cette décision ? Dois-je également vous rappeler que nous sommes en démocratie, et que c'est faire peu de cas de l'honorabilité de la fonction présidentielle que de penser que la décision de dissoudre une secte répondrait à des fins partisanes ? Autre argument qui n'est certainement pas accessoire : cette voie aurait le mérite de mettre le politique face à ses responsabilités. Si nous voulons revaloriser notre rôle, cessons, dès qu'un problème sérieux se présente, de nous décharger sur autrui, en l'espèce sur la justice.

M. Jacques Myard.

Très bien !

M. Eric Doligé.

Croyez-moi, cette réflexion est partagée par nombre de magistrats.

Pour les autres cas, ceux pour lesquels l'urgence ne serait pas requise, il est évident que seule la voie judiciaire sera légitime et protectrice des libertés publiques. Cependant, il nous faut garder à l'esprit que pas moins de dix ans peuvent être nécessaires pour que deux condamnations pénales soient prononcées définitivement. Avec plusieurs de mes collègues de l'opposition, j'avais proposé de permettre au juge répressif de prononcer à titre de peine complémentaire une dissolution des personnes morales condamnées définitivement au pénal. La dissolution de la personne morale étant à l'association ce qu'est la peine capitale à la personne physique, il me semblait normal que cela soit de la compétence du juge répressif. La commission des lois a préféré innover en instituant une dissolution par le juge civil, garant des libertés. Soit.

L'option arrêtée en commission des lois est assurément une avancée importante dont je me félicite, même si elle peut heurter certains juristes.

Pour conclure ce premier point, et afin que le dispositif que nous nous apprêtons à voter soit performant, je souhaiterais, madame la garde des sceaux, que vous demandiez aux parquets de veiller à ce que les sectes dissoutes ne se reconstituent pas.

Deuxième point, la définition d'un délit de manipulation mentale. Nous savons tous que ce type de manipulation est l'un des moyens souvent utilisé par les sectes pour obtenir des avantages matériels et financiers de leurs membres. Là aussi, notre jugement sur l'opportunité d'une telle démarche a évolué au contact de la réalité. Si la commission d'enquête de 1995 avait écarté l'institution de ce délit, celle de 1999 avait, à mots couverts, souhaité son introduction dans le code pénal. Quant à la MILS, elle a clairement appelé de ses voeux une intervention législative du Parlement en la matière dans son dernier rapport.

En mars dernier, j'ai été, avec plusieurs de mes collègues, à l'origine du dépôt d'une proposition de loi tendant à définir la manipulation mentale. Je ne saurais revendiquer aucun droit d'auteur en la matière car la mise en place de cet outil, relevant d'une appréciation plus subjective qu'objective, est sans nul conteste très difficile.

Il est néanmoins essentiel que le Parlement propose d'en définir au mieux les contours. Chacun connaît l'intérêt de cette nouvelle infraction pour la justice. Tout magistrat fonde, en effet, son raisonnement sur un syllogisme juridique, dont la première proposition est un texte fournissant, en droit pénal, la définition d'une infraction, la deuxième la détermination d'un comportement factuel et la troisième la qualification des faits par rapport à l'inf raction. En l'absence d'incrimination spécifique, la démarche juridique devient complexe : le juge ne peut l'appréhender qu'indirectement, par les infractions connexes.

Aussi, le texte retenu par la commission des lois, même s'il est perfectible, notamment en ce qui concerne les sanctions pénales, représente assurément une avancée essentielle. Les navettes seront en l'espèce fort utiles pour donner de cette notion une bonne définition.

Le troisième point qui appellera mon commentaire concerne la reprise de la proposition de loi de notre collègue Jean Tiberi tendant à instaurer un périmètre de protection autour des établissements sensibles. Là encore, nous sommes sur la bonne voie. A l'image de ce qui se fait pour la protection des mineurs et des personnes vulnérables, il est en effet opportun que le législateur restreigne le prosélytisme des sectes autour des lieux fréquentés par ces populations. Je souhaite seulement que ces dispositions soient réellement appliquées et qu'elles ne subissent pas le même sort que celles qui ont été prises en matière de lutte contre la pornographie. Quel maire ne s'est pas trouvé dans l'impossibilité d'empêcher l'affichage publicitaire des minitels roses à proximité des établissements scolaires ? Pour conclure mon propos sur la proposition de loi adoptée par la commission des lois de notre assemblée, je ferai une remarque d'ordre technique qui semble préoccuper certains juristes. Un même texte peut-il proposer, dans trois articles différents, une définition de la même notion, qui ne veut pas dire son nom, sans risquer de voir chaque article suivre sa propre route jurisprudentielle ? N'eût-il pas été préférable de procéder par renvois, comme le veut l'usage ? Puisque le Gouvernement est éminemment représenté, je vais formuler certains voeux qui, je l'espère, seront comblés par vous, madame la garde des sceaux, même si tous ne concernent pas directement votre département ministériel.

En septembre dernier, je vous ai écrit au sujet des dossiers d'instruction qui avaient été égarés au Palais de justice de Paris et qui concernaient une plainte contre l'église de Scientologie. Des enquêtes administratives ont été diligentées. Pouvez-vous nous indiquer aujourd'hui les conclusions qui vous ont été transmises ? Quelles dispositions avez-vous mises en place pour qu'un incident de cette nature ne se reproduise pas ? Par ailleurs, madame la ministre, avec votre collègue Jean-Pierre Chevènement, vous avez publié plusieurs circulaires destinées à vos administrations respectives - préfets et procureurs généraux - pour les sensibiliser au phén omène sectaire. Chaque circonscription judiciaire, chaque département doit mettre en place des comités de surveillance des sectes. La circulaire du ministre de l'intérieur dispose qu'un comité de vigilance au phénomène sectaire interne aux services de l'Etat doit être créé et placé sous l'autorité du préfet. Votre circulaire de 1998 invite les procureurs à désigner un « correspondant sectes » qui assure la coordination de l'action du parquet au niveau régional en concertation avec l'ensemble des autres services de l'Etat et les conseils généraux.

A titre d'exemple, dans mon département, le Loiret, ce comité de coordination s'est réuni une seule fois sous l'autorité du procureur de la République à l'occasion de sa constitution. Selon mes informations, la moitié seulement des départements auraient mis en place leur cellule de vigilance sous l'autorité des préfets. Qu'en est-il des comités de coordination sous l'autorité des procureurs ?


page précédente page 05732page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

Ne serait-il pas opportun de ne maintenir qu'une seule structure ouverte à tous, notamment aux élus représentant certaines collectivités, tel le conseil général en charge de la petite enfance et des personnes âgées ? Je regrette que l'on n'ait pas décidé de mettre en place un seul type de commission, comme celle présidée par le procureur.

Une circulaire interministérielle modificative serait sans doute appréciée par tous ceux qui souhaitent une mobilisation active de l'administration. Elle pourrait par ailleurs assurer un suivi des mouvements dissous, comme je l'ai déjà dit, et agir en cas de reconstitution.

Il importe aussi que le Gouvernement sache que, dans n os circonscriptions, nos concitoyens sollicitent très souvent notre aide à l'occasion des problèmes que les sectes peuvent poser à leurs proches. Qui n'a reçu dans sa permanence des parents démunis devant l'emprise d'une secte sur leur enfant ? Récemment encore j'ai rencontré un père qui sollicitait mon aide pour revoir ses enfants, captés par une secte avec le concours de leur mère, ellemême adepte.

Que pouvons-nous faire pour les aider ? Ecrire au procureur de la République pour appeler son attention ? Trop souvent l'affaire est classée sans suite faute d'éléments probants suffisants. Demander aux renseignements généraux des informations pouvant étayer une action en justice ? Les résultats sont aléatoires et souvent peu mesurables. Solliciter la MILS ? Comme pourraient vous le confirmer ses représentants, les faibles moyens humains mis à la disposition de la mission imposent d'autres priorités.

C'est ce que j'ai estimé le plus efficace dans l'exemple que je citais en référence. La MILS a pu intervenir auprès de vos services pour activer les procédures. Cependant, ce n'est pas suffisant comme réponse. La MILS fait assurément le maximum afin de répondre notamment aux sollicitations des parlementaires, mais force est de constater qu'il nous faut un outil complémentaire plus décentralisé.

Il serait vivement souhaitable que les différents départements ministériels appelés à détacher auprès de la MILS un ou plusieurs de leurs collaborateurs, ne traînent pas les pieds. Actuellement, deux ans après sa création, elle n'a toujours pas à sa disposition les fonctionnaires promis.

L'Etat pourrait mettre en place au niveau de chaque département sous l'autorité du préfet un guichet « sectes » destiné à informer l'opinion publique, à aider les victimes et leurs parents dans leurs démarches auprès des avocats spécialisés, des associations de défenses des victimes. Ce point « sectes » pourrait être le lien entre tous les services déconcentrés de l'Etat. Si l'Etat ne souhaite pas suivre cette démarche, les conseils généraux pourraient en assurer la prise en charge.

Le président du conseil général du Loiret préférerait sans doute cette dernière solution, dans la mesure où elle s'inscrit dans le cadre de l'action sociale menée par les départements au bénéfice des personnes âgées ou de la jeunesse, populations connues comme étant des proies faciles pour les sectes.

Comme transition introduisant le point suivant de mon propos, je dirai que si le département, entité territoriale, est un échelon administratif important dans la lutte contre les sectes par l'information que les services de l'Etat peuvent diffuser auprès des populations, je crois qu'il n'est assurément pas opportun d'en demander trop aux préfets.

Ainsi, quand votre collègue Jean-Pierre Chevènement, dans une circulaire du 20 décembre dernier, laisse le soin aux seuls préfets d'attribuer aux mouvements demandeurs le statut d'association cultuelle avec toutes les conséquences que cela entraîne en matière de fiscalité, le Gouvernement va à l'encontre, selon moi, de la lutte contre les sectes.

Certes, aux termes des lois de décentralisation, le préfet représente dans son entier le Gouvernement. Cependant les conséquences en la matière étant importantes, il serait vivement souhaitable que le caractère cultuel d'une association ne soit reconnu qu'au niveau du ministre. Des dérapages pourraient ainsi être évités. Comment un préfet pourra-t-il accorder en toute connaissance le bénéfice de la loi de 1905 à une association dont il ne connaîtrait que les agissements dans son département ? Lorsque l'on sait que les sectes comme l'église de Scientologie ou les Témoins de Jéhovah tentent d'obtenir par la voie de la justice administrative ce qui leur était refusé jusqu'à présent par les ministères de l'intérieur et de l'économie, vous comprendrez que l'appel du ministre de l'intérieur à davantage de souplesse étonne pour le moins.

Or l'Assemblée nationale ne doit pas s'attacher seule à évaluer les conséquences des dispositions législatives au regard du phénomène sectaire. Je reviendrai d'ailleurs sur ce problème lors de l'examen de l'amendement que j'ai déposé et qui tente de répondre à ce souci constant. La circulaire de votre collègue ouvre la boîte de Pandore. Il f aut impérativement que le Gouvernement revienne dessus. Si nécessaire, proposez, madame la ministre, des aménagements législatifs, sinon notre travail sera vain.

Puisque je traite des améliorations techniques et législatives souhaitables, je me tournerai à présent vers Mme la rapporteuse, présidente du groupe d'étude sur les sectes.

Ne serait-il pas opportun de renforcer l'activité permanente de l'Assemblée nationale en matière de lutte contre les sectes ? Les groupes d'étude de l'Assemblée n'ont des moyens que très limités, ce qui ne facilite pas leur travail. Le moment n'est-il pas venu de réfléchir à la création d'une structure permanente de veille législative disposant de ses propres moyens humains et financiers ?

M. Serge Blisko.

Bonne idée !

M. Eric Doligé.

Je défendrai un amendement tendant à répondre à ce souci. Il aura au moins l'avantage d'ouvrir le débat sur la nécessité de doter le législateur d'un outil de veille, s'agissant en tout cas des sectes.

Je ne saurais conclure, madame la garde des sceaux, sans aborder la dimension internationale du thème qui nous préoccupe ce matin.

M. Jean-Louis Debré.

Très bien.

M. Eric Doligé.

Vous connaissez l'importance des ramifications internationales des mouvements sectaires : ce sont de véritables multinationales au sens propre, comme au sens figuré. Par conséquent, notre action ne peut se concevoir sans une coordination européenne.

Dans moins de quinze jours, vous présiderez le conseil des ministres de la justice de l'Union européenne et, à ce titre, tenterez de coordonner la politique judiciaire de l'Union. A cette occasion, il serait indispensable que vous vous préoccupiez du phénomène sectaire.

Tout d'abord, en ce qui concerne la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, je souhaite que vous oeuvriez afin d'éviter toute formulation ambiguë dans la rédaction de ces droits. Leur interprétation, habilement sollicitée, ouvrirait involontairement de nouveaux espaces au phénomène sectaire et donnerait l'impression de valider des comportements inacceptables. Ainsi, les


page précédente page 05733page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

articles touchant, par exemple, à la liberté de pensée et d'expression, au droit à l'éducation, au droit au respect de l'intégrité des personnes doivent-ils susciter la plus grande vigilance. Il vous revient d'y veiller.

Par ailleurs, vous savez que les grandes sectes ont établi leurs sièges sociaux dans des Etats de l'Union plus ou moins bienveillants ou dont la législation est quelque peu obsolète. Ne serait-il pas opportun, à l'occasion de la présidence française de l'Union, à un moment où nos partenaires observent nos travaux avec la plus grande attention, de proposer la création de l'équivalent d'une mission interministérielle et lutte contre les sectes à l'échelle européenne chargée de coordonner la lutte contre les sectes ? Pour conclure mon intervention, je préciserai que le Parlement s'honore de légiférer dans ce domaine sensible et grave, Je me félicite aussi du climat consensuel quir ègne. Aussi, le groupe RPR soutiendra-t-il dans l'ensemble ce texte. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Martine David.

Mme Martine David.

Madame la garde des sceaux, les interventions exhaustives de mes collègues vont me permettre, en évitant les redites inutiles, de saisir l'opportunité de notre débat pour vous solliciter, et donc tout le Gouvernement, sur le court et moyen terme. Et qu'on ne me dise pas « à chaque jour suffit sa peine » car le silence et l'inaction coupables qui ont prévalu pendant des décennies à l'égard des sectes doient aujourd'hui être compensés par une attitude offensive et volontariste.

Je pense d'ailleurs avoir de réelles chances d'être entendue car je constate que, contrairement aux dirigeants politiques des trente dernières années qui n'ont pas su voir la montée du phénomène sectaire dans notre pays et n'en ont pas appréhendé les conséquences, les gouvernements de M. Juppé et de M. Jospin ont, eux, pris conscience d'une menace réelle et, ont amorcé une mobilisation fondée sur des mesures diversifiées de prévention, de formation et de répression. Je n'insiste pas car tout cela vient d'être décrit précisément ainsi que les dispositions que nous examinons aujourd'hui.

En quatre ans, Gouvernement et Parlement auront accompli un effort considérable. Je m'en réjouis et si je félicite chaleureusement tous ceux, ministres, élus, associations, personnalités qualifiées, qui ont imaginé, initié et mis en oeuvre ces divers dispositifs, je leur dis aussi qu'il faut maintenir cette mobilisation.

Dans deux domaines au moins, il nous faut progresser de façon beaucoup plus audacieuse qu'actuellement.

En premier lieu, si j'en juge par les réactions et les demandes que j'ai entendues au cours de conférences et de réunions auxquelles j'ai participé, il ressort qu'un volet de l'action politique à l'encontre du phénomène sectaire est inexistant, celui de l'information en direction du grand public.

Nous avons fait progresser, même si cela est encore insuffisant, l'information en milieu scolaire et universitaire ainsi que dans les établissements relevant du ministère de la jeunesse et des sports. Les médias ont couvert, sans doute de façon trop épisodique, les événéments tragiques qui ont coûté la vie à de nombreux adeptes et à des innocents en France et à l'étranger ; d'autres ont procédé à des enquêtes plus approfondies permettant de présenter une information moins événementielle et plus formatrice. Mais tout cela n'est pas à la hauteur des enjeux et des risques et si nos concitoyens ressentent confusément qu'il y a danger, ils ne disposent pas des renseignements élémentaires et n'ont pas non plus les réflexes de vigilance indispensables. On n'objectera qu'une campagne de sensibilisation de ce type est très délicate à élaborer.

Certes, nous le savons mais nous savons aussi que plusieurs dizaines de milliers d'enfants, d'adolescents ou d'adultes sont tombés dans le piège et que d'autres, peuvent à leur tour, être victimes. Aussi, la complexité de la tâche ne doit pas masquer son absolue nécessité. De la même façon que les pouvoirs publics ont considéré qu'il y avait obligation de concevoir des campagnes d'information nationale, jugées parfois dérangeantes, en matière de lutte contre le Sida ou contre l'insécurité routière, par exemple, il faut alerter l'opinion sur les risques que certaines sectes font courir à l'individu.

Nous soutiendrons ainsi le travail remarquable, mais trop longtemps méconnu et solitaire accompli, par les associations et nous donnerons à chaque citoyen l'information afin qu'il ait les moyens de préserver sa liberté.

En deuxième lieu, l'autre axe qui me paraît désormais essentiel se situe au plan de la coopération internationale.

Nous le disions déjà dans le rapport de la commission d'enquête parlementaire publié en 1996, car nous avions compris que les mouvements sectaires pouvant être classés parmi les plus pernicieux, les plus nuisibles, étaient ceux-là mêmes qui disposaient au plan international d'une organisation et de moyens financiers considérables.

Tout porte à croire que cette exigence est devenue incontournable, ne serait-ce qu'en raison du positionnement très contestable de certaines nations parmi lesquelles les Etats-Unis.

En France, nous avons nettement amélioré notre connaissance du problème des sectes. Cela nous place, me semble-t-il, en situation privilégiée, non pour adopter une attitude de donneur de leçons, mais pour poursuivre efficacement la coordination entamée dans ce domaine avec les pays qui, eux aussi, ont progressé, tels que l'Allemagne, la Belgique ou la Grèce. Cela doit surtout nous permettre d'établir avec les trop nombreux pays d'Europe occidentale, qui n'ont pas, ou trop peu, pris conscience des abus et des dérives sectaires, un dialogue constructif, d'échanger des informations et de faire des propositions d'action.

C'est enfin l'occasion de communiquer de façon structurelle avec les pays de l'Europe de l'Est où la situation semble être encore plus alarmante car ces sociétés longtemps privées d'accès à l'importation libre et souvent sous l'influence de communautés religieuses, sont très vulnérables.

Je n'évoque ici que brièvement le contexte du seul continent européen mais cela suffit pour saisir toute la complexité d'une action coordonnée.

Néanmoins, là encore, la difficulté de la tâche doit nous motiver. Prenons exemple sur les associations qui se sont regroupées en Europe au sein de la FECRIS et tentent de travailler collectivement. Utilisons les institut ions européennes comme leviers : le Parlement, la C ommission européenne et, au-delà, le Conseil de l'Europe qui, en 1999, a publié un rapport appelant notamment à la constitution d'un Observatoire européen sur les sectes.

Assurons-nous que, dans le cadre de l'espace judiciaire européen en construction, la lutte contre les mouvements sectaires prend toute sa place.

M. Philippe Vuilque.

Très bien !


page précédente page 05734page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

Mme Martine David.

C'est à ces conditions que nous pourrons rendre véritablement efficaces les dispositions législatives que nous adoptons aujourd'hui ; leur donner valeur d'exemplarité ; faire reculer la confusion et l'ambiguïté sur lesquelles prolifèrent trop facilement les sectes ; affirmer notre crédibilité et celle de nos partenaires dans le dialogue que nous devons mener à égalité avec les USA en refusant que, en matière de sectes, cette nation s'érige en maître à penser de la planète.

On le voit : la tâche est immense et nos responsabilités considérables. Je ne doute pas que le travail qui nous réunit aujourd'hui sera demain le ciment de nouvelles avancées contre l'obscurantisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Je prie M. Rudy Salles, qui devait s'exprimer à présent, de bien vouloir m'excuser. Je vais devoir quitter l'hémicycle pour participer à une réunion de ministres, et Daniel Vaillant, que je remercie, assurera ici la présence du Gouvernement jusqu'à la fin de la matinée. Mais je voulais juste évoquer un point particulier évoqué tout à l'heure par M. Doligé : la disparition des dossiers de scientologie au tribunal de Paris.

M. Doligé m'a demandé quelles mesures avaient été prises. Les plus urgentes, qui visaient à empêcher le renouvellement de tels faits, ont été prises immédiatement par les chefs de juridiction. Il s'agissait, principalement, de reproduire les dossiers, de sorte qu'une copie soit toujours disponible, et de définir des procédures beaucoup plus rigoureuses pour le transport physique des dossiers en cas de communication à la cour d'appel.

Il fallait ensuite déterminer ce qui s'était passé, et quelles responsabilités, de toutes natures d'ailleurs, pouvaient être engagées. J'ai donc diligenté une enquête de l'inspection générale des services judiciaires. D'après ses conclusions, l'hypothèse la plus probable est que la disparition des dossiers est frauduleuse. J'ai donc dénoncé les faits au parquet de Paris, qui a ouvert une enquête.

L'inspection générale des services judiciaires m'a également fait part des diverses observations suscitées par cette disparition. Nous conduisons un travail administratif complémentaire sur lequel je prendrai très rapidement une décision sur d'éventuelles mesures disciplinaires.

Enfin, il ne fallait pas que cette disparition porte préjudice aux victimes et mette fin à l'information. Sur ce point, je rappelle que la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris a validé la procédure, malgré la disparition d'une partie du dossier, et demandé aux juges d'instruction de poursuivre l'instruction. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Rudy Salles.

Très bien !

M. Eric Doligé.

Merci, madame la ministre, d'avoir répondu.

M. Jean-Pierre Brard.

Nous allons y revenir !

Mme la présidente.

Ce point sera sans doute évoqué à nouveau, après la fin de la discussion générale.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de me féliciter de l'attitude du Parlement et plus particulièrement de l'Assemblée nationale, au sujet des sectes.

En effet, dès 1995, notre assemblée s'est saisie de cette question en décidant la création d'une commission d'enquête qui rendit un premier rapport. Ce rapport était à la fois un état des lieux des sectes en France et faisait un certain nombre de propositions pour pouvoir lutter plus efficacement contre ce fléau. Ironie du sort, la conclusion de nos travaux coïncidait, hélas, avec la tragédie de l'Ordre du temple solaire dans le Vercors. Ce drame a mis en lumière le problème des sectes dans son aspect le plus épouvantable et, dans le même temps, a appuyé l'idée selon laquelle les pouvoirs publics se devaient d'agir énergiquement.

C'est l'honneur du Parlement et de l'Assemblée nationale en particulier d'avoir décidé de créer, trois ans plus tard, une nouvelle commission d'enquête sur l'argent des sectes. Enquête difficile sur un sujet où le secret est bien gardé. Enquête pourtant indispensable si l'on veut se donner les moyens de comprendre le fonctionnement des mécanismes sectaires et si, d'autre part, on veut faire en sorte d'être en mesure de tarir les sources de financement qui permettent à ces mouvements de se développer.

C'est l'honneur de l'Assemblée nationale que d'avoir autorisé dans cette législature comme dans la précédente la création d'un groupe d'étude parlementaire sur les sectes, qui constitue en quelque sorte un observatoire de vigilance permanent, en même temps qu'une force de proposition.

C'est l'honneur du Sénat d'avoir voté à l'unanimité une proposition de loi de notre collègue le sénateur UDF Nicolas About permettant de dissoudre des sectes ayant déjà été condamnées par la justice pour des crimes ou délits graves.

C'est l'honneur du Parlement tout entier d'avoir sur ces sujets difficiles qui touchent au coeur des hommes et des femmes, parfois des enfants, dans leur dignité, voire dans leur intégrité physique ou morale, écarté la politique politicienne. En effet, nous n'avons pas eu de peine, les uns et les autres, à nous mettre d'accord pour voter unanimement des textes qui nous paraissaient pouvoir faire avancer l'arsenal juridique antisecte.

C'est enfin l'honneur du Parlement d'avoir été depuis quelques années, et ce quelles que soient les majorités, en pointe dans ce combat. Le Parlement est en effet l'aiguillon des pouvoirs publics pour faire avancer les choses, afin que ce combat ne reste pas lettre morte, qu'il ne s'enlise dans les marais administratifs. Et même si nous considérons que les choses ne vont ni assez vite ni assez loin, notre présence ici aujourd'hui, et la vôtre, est la preuve que notre combat n'est pas vain.

Dès le début de nos travaux dans le cadre de la commission d'enquête de 1995, nous nous sommes posé une question, la question que tout le monde nous pose légitiment : peut-on, doit-on faire une loi antisecte ?

J'avoue qu'il eut été plus facile pour nous de répondre oui. Mais, en réalité, c'est plus compliqué et chacun de nous s'est rapidement rendu compte que la définition juridique d'une secte relevait quasiment de la mission impossible. En effet aucune organisation sectaire ne se reconnaît dans le qualificatif de secte. Chacune revendique soit le statut d'association loi de 1901, soit celui de société commerciale, soit enfin, et c'est là une forte revendication des sectes, le statut de religion.

Nous pouvions également nous poser la question de savoir si la loi de 1901 sur les associations devait être réformée, adaptée pour permetre de distinguer les sectes des autres associations. Rappelons qu'en la matière la


page précédente page 05735page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

France reconnaît de manière très large la liberté d'association. Mais sur quels critères pouvions-nous proposer des modifications de cette loi ?

En général, rien, en effet, dans les statuts des sectesassociations n'est contraire aux bonnes moeurs ou à l'ordre public. Et puis, dans un pays où la liberté de conscience et de croyance est garantie par les textes fondamentaux, il paraît difficile, impossible et finalement pas souhaitable de s'engager dans cette voie. Toute initiative d ans cette direction se heurterait tout d'abord à l'article 10 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui dispose que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public ».

Un autre obstacle résiderait dans l'article 11 qui énonce que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ».

La Constitution du 4 octobre 1958 également, dans son article 2, s'opposerait à une législation antisecte puisqu'il est dit que la France « assure l'égalité devant la loi des citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion » et qu'elle « respecte toutes les croyances ».

Rappelons en outre que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit la « liberté de pensée, de conscience et de réflexion », dans les limites imposées par la loi et pour les nécessités de la sécurité publique, de la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publique, ou de la protection des droits et libertés d'autrui.

Enfin, la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des églises et de l'Etat précise que « la République assure la liberté de conscience » et qu'elle « garantit le libre exercice des cultes ». La neutralité de l'Etat en matière de religion qui ne « reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » explique qu'aucune définition juridique des religions n'existe en droit français.

Alors que faire pour pouvoir lutter plus efficacement contre les sectes, car chacun a bien compris que ce phénomène n'est pas virtuel ? Nous avons pu noter dans les textes que je viens de citer que si la notion de liberté de conscience, de croyance, de culte est affirmée, en revanche les déviances qui pourraient en découler peuvent tomber sous le coup de la loi. C'est en tout cas ce que nous avons essayé de faire dans la commission d'enquête de 1995. S'il est impossible de définir juridiquement une secte, il est en revanche possible d'identifier un groupement sectaire par ses comportements. Nous avons dégagé dix critères qui peuvent permettre de dire si tel groupe est une secte ou non : la déstabilisation mentale ; le caractère exorbitant des exigences financières ; la rupture induite avec l'environnement d'origine ; les atteintes à l'intégrité physique ; l'embrigadement des enfants ; le discours plus ou moins anti-social ; les troubles à l'ordre public ; l'importance des démêlés judiciaires ; l'éventuel détournement des circuits économiques et enfin les tentatives d'infiltration des pouvoirs publics.

La plupart de ces critères recouvrent en fait des violations manifestes de dispositions législatives et réglementaires. Nul besoin donc de légiférer à nouveau, mais plutôt de faire en sorte que la loi soit mieux appliquée.

En effet, souvent la loi n'était pas appliquée. Par manque de volonté politique ? Par complaisance à l'égard des mouvements sectaires ? Je ne le crois pas. En tout cas, ce n'est pas ce qui est apparu aux commissaires enquêteurs de 1995. En revanche, on s'est rendu compte que les différents services chargés de lutter contre ces phénomènes les connaissaient assez mal par manque de formation et d'informations. Les sectes ne figuraient pas au programme de l'Ecole nationale de la magistrature, par exemple. Mais on peut en dire autant pour la police, la gendarmerie ou les travailleurs sociaux qui n'avaient aucune formation sur le sujet.

Depuis lors les choses ont évolué, même si beaucoup reste à faire en la matière. En 1996, le garde des sceaux a, par circulaire, sensibilisé les procureurs de la République de façon à les rendre vigilants sur ces questions et leur a demandé de s'autosaisir de façon plus systématique sur le sujet.

Par ailleurs, la loi sur la présomption d'innocence a intégré l'une de nos propositions qui consistait à permettre aux associations de lutte contre les sectes de se porter partie civile en lieu et place des victimes afin de faire progresser les affaires sectaires devant la justice.

Cependant ce dispositif, tel qu'il a été retenu, ne me donne pas et ne donne pas totalement satisfaction ; j'y reviendrai dans quelques instants.

D'autres avancées ont eu lieu ces dernières années comme, par exemple, l'amélioration de la coordination entre les différents services de l'Etat au niveau des parquets et des parquets généraux, ou encore, dans un autre domaine, le renforcement du contrôle de l'obligation scolaire.

Ces avancées étaient-elles suffisantes ? La réponse est non, bien sûr. Nos concitoyens s'interrogent sur le fait que nombre de sectes se trouvent condamnées par la justice mais continuent d'exister, de se développer, d'engager des actions de prosélytisme sur la voie publique, d'asservir de nombreux invidus sans être inquiétées.

C'est pour répondre à cette préoccupation que notre collègue, le sénateur UDF Nicolas About, a déposé une proposition de loi tendant à autoriser la dissolution d'une secte si le groupement en question ou ses dirigeants ont été condamnés au moins deux fois pour des faits énumérés dans la loi. Cela constituerait un instrument radical permettant de mettre fin aux activités d'un groupe dangereux. Imaginons l'utilité d'un tel dispositif s'il avait pu être utilisé avant le massacre de l'Ordre du temple solaire dans le Vercors en 1995.

La commission des lois de notre assemblée a souhaité que la dissolution soit prononcée par voie judiciaire et non par voie administrative. Nous pouvons accepter cette modification qui tend à présenter de meilleures garanties en termes de respect des droits de la défense et de débat contradictoire. Encore faut-il, comme l'a rappelé notre collègue Eric Doligé, que les dossiers ne disparaissent pas dans les palais de justice comme on a pu le voir il y a quelque temps au tribunal correctionnel de Marseille ou encore à la cour d'appel de Paris.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est la justice intérieure ! (Sourires.)

M. Rudy Salles.

La commission des lois a également souhaité renforcer la responsabilité pénale des personnes morales notamment dans le cadre de l'exercice illégal de la médecine, position que nous pouvons approuver. Sur ce point, nous devons néanmoins être attentifs aux risques d'amalgames qui tendraient à assimiler les usagers et professionnels de santé utilisateurs de médecines complémentaires à des groupements sectaires.

En ce qui concerne la limitation de l'installation ou de la publicité des groupements sectaires confiée aux maires dans un périmètre déterminé autour de certains établissements, notamment scolaires ou hospitaliers, on ne peut


page précédente page 05736page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

évidemment que souscrire à l'objectif de préserver les mineurs et les personnes fragiles. Néanmoins, il est légitime de s'interroger sur les moyens.

D'abord, il convient de ne pas prévoir un périmètre trop réduit. Ensuite on peut se demander s'il ne vaudrait pas mieux viser les activités des groupements sectaires plutôt que leur installation. Par ailleurs nous regrettons que le dispositif prévu ne permette pas aux maires de refuser un permis de construire.

En outre, innovation essentielle, est créé le délit de manipulation mentale. L'enjeu est de faciliter la défense des victimes et de protéger les personnes les plus faibles, alors que les dispositions actuelles du code pénal relatives à l'abus de faiblesse se limitent à sanctionner les préjudices matériels subis. Désormais, le fait d'exercer des pressions graves et réitérées ou d'utiliser des techniques propres à altérer le jugement d'une personne afin de la conduire, contre son gré ou non, à un acte ou à une abstention qui lui est gravement préjudiciable, constituera un délit.

Enfin, la loi sur la présomption d'innocence votée définitivement le 30 mai dernier reconnaît aux associations, régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans et ayant pour objet de défendre et d'assister l'individu ou de défendre les droits individuels et collectifs, la possibilité d'exercer les droits reconnus à la partie civile. Toutefois, la rédaction retenue ne satisfait pas les associations concernées, qui se voient seulement reconnaître la faculté de joindre leur action à celle du ministère public ou de la partie lésée, et non de mettre en mouvement l'action publique.

Il s'agit pourtant d'une revendication tout à fait légitime et indispensable dans le dispositif de lutte contre les sectes.

M. Jean-Pierre Brard.

Très juste !

M. Rudy Salles.

En effet, si l'on peut regretter que le nombre d'affaires portées devant la justice soit si faible eu égard au grand nombre de sectes dans notre pays et à celui des adeptes qui avoisine les trois cent mille personnes, c'est justement parce que les victimes, anciens adeptes qui s'en sont sortis, n'engagent pas de poursuites : soit parce qu'elles sont trop affaiblies psychologiquement pour entamer des procédures, soit parce qu'elles souhaitent en finir avec un passé douloureux en tournant la page et en essayant d'oublier. Dans les deux cas, il s'agit d'un cadeau aux sectes qui échappent ainsi à la justice. A moins que, mais cela n'est pas systématique, le parquet s'auto-saisisse.

Il nous semble donc indispensable de réexaminer cette disposition afin que les associations précitées puissent enclencher des procédures pénales à l'encontre de sectes ayant nui aux intérêts d'autrui. Je vois dans le refus de la chancellerie la traduction d'une attitude ancienne qui craint une inflation de plaintes avec constitution de partie civile de la part des associations. Je ne crois pas que ces inquiétudes soient fondées. En tout cas j'ai la conviction qu'il vaut mieux donner les moyens aux justiciables de faire jaillir la vérité et de permettre la condamnation des comportements manifestement coupables plutôt que de craindre une inflation judiciaire.

Enfin, même si nous pensons qu'aucune mesure ne peut être décisive à elle seule pour régler un problème aussi grave, du moins avons-nous le sentiment d'avancer, même si le rythme est celui des petits pas. Il ne peut malheureusement pas y avoir de grand soir des sectes qui nous permettrait de tout régler en une seule fois.

M. Jean-Pierre Brard.

Il vaudrait mieux que ce soit un petit matin !

M. Rudy Salles.

Le phénomène sectaire est mouvant, mutant, protéiforme mais aussi international et trouve des appuis importants à l'extérieur de certaines de nos frontières. C'est pourquoi je pense que nous devons orienter également nos efforts dans deux autres directions.

En premier lieu, il est patent que les services de l'Etat ont du mal à suivre sérieusement l'évolution des sectes sur le terrain. C'est pourquoi je propose, depuis 1995, qu'un « Monsieur sectes » soit nommé dans chacun des départements auprès des préfets, pour servir d'interface entre les différents services, afin de faire remonter à Paris des éléments statistiques fiables sur l'état des mouvements sectaires, leurs activités, leur importance numérique.

Cette mesure me paraît urgente si l'on veut cerner le phénomène tel qu'il se présente réellement.

En second lieu, il convient de porter à l'ordre du jour des négociations internationales le problème sectaire. Il n'est pas acceptable que certains pays, comme la France ou l'Allemagne, luttent contre les sectes et que certains autres, y compris en Europe, aient une attitude complaisante à leur égard. Si l'on ne peut envisager une législation internationale sur le sujet, du moins devrait-on s'efforcer d'en mettre une en place au niveau européen.

C'est sur ces regrets, mais aussi avec la satisfaction de voir la France avancer dans le domaine de la lutte contre les sectes au-delà des alternances et des clivages politiques, que je vais conclure : les dispositions qui nous sont proposées viennent appuyer et renforcer une proposition de loi d'origine sénatoriale et UDF. Je me félicite donc de l'esprit qui guide nos travaux parlementaires dans ce domaine. C'est pourquoi j'ai l'honneur de vous indiquer que le groupe UDF votera pour le texte qui nous est présenté. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacques Guyard.

M. Jacques Guyard.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat de ce matin se situe dans un contexte d'intérêt international assez marqué. La presse, aux Etats-Unis et dans plusieurs pays européens, s'intéresse beaucoup aux travaux menés en France en matière de lutte contre les dérives sectaires.

Une campagne est lancée, en particulier à l'initiative de grands mouvements qui se présentent comme de nouvelles religions aux Etats-Unis, contre les politiques française et allemande dans ce domaine. Nous devons y être très attentifs et commencer par affirmer haut et fort que le débat de ce matin, l'action du Gouvernement français, du Parlement français n'est pas liberticide, mais qu'elle vise, au contraire, à défendre les libertés, à défendre les droits de l'homme, à défendre les fondements mêmes de la République.

Il est en effet question aujourd'hui de la dignité de la personne humaine et si nous avons pu faire la synthèse, dans ce débat, de propositions de loi émanant de l'ensemble des groupes du Parlement, c'est bien parce que la défense de la personne humaine, de sa dignité constitue le substrat même de la République.

En effet, la vie dans un mouvement qui présente une dérive sectaire est le contraire même de la liberté individuelle. Les règles du groupe, les règles imposées par le gourou, par le groupe dirigeant, sont supérieures à toutes les lois de la société. Elles ne sont susceptibles d'aucun appel. En cela les mouvements sectaires sont une négat ion des droits de l'homme, une négation de la République que, après nos ancêtres, nous essayons de


page précédente page 05737page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

construire. Toute discussion y est impossible. Toute liberté d'utilisation de son temps libre y est fortement réduite.

De ce fait, les risques pour la santé, pour la vie familiale, pour les moyens financiers possédés, les déviations pour le travail, les déviations sexuelles et, finalement, la suppression même des vies sont possibles parce qu'aucune règle sociale n'est acceptée : seules valent les règles du groupe.

Compte tenu de la campagne internationale que mènent les sectes les plus puissantes il convient certes que nous prenions des précautions, mais nous devons surtout être d'une fermeté extrême. Or lutter, c'est d'abord informer.

Ainsi que Mme la garde des sceaux l'a indiqué, le problème principal, dans cette lutte, tient au fait que les victimes sont consentantes, ce qui rend le combat partic ulièrement difficile, d'autant que ces mouvements disposent de moyens puissants et de complicités diverses.

Par ailleurs, dans la société française, le masque de la religion est toujours efficace et l'on hésite à attaquer un groupe qui se présente comme une religion.

Il a été maintes fois répété que le Parlement a joué un rôle d'éclaireur important dans cette affaire, depuis le travail d'Alain Vivien et de nos commissions d'enquête dont les rapports nous ont permis de progresser. En 1995 certains des membres de la commission sont encore parmi nous -, nous avions été très prudents sur la novation judiciaire parce que nous n'avions pas les bases d'enquête nécessaires. A l'époque nous n'avions recensé que cinquante affaires au cours des dix années précédentes, dont 90 % avaient fait l'objet d'un classement sans suite ou d'un non-lieu. Ces chiffres témoignent du désarroi dans lequel étaient les administrations face à ces dérives.

Aujourd'hui, plus d'une centaine de procédures sont engagées, et nous avons connu plus d'une cinquantaine de condamnations. Nous disposons d'un substrat objectif, juridique, démontré, qui permet d'aller plus loin. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons pu nous engager, l'an dernier, dans la loi sur l'obligation scolaire. Nous avons révélé au passage que près de quatre mille enfants étaient dans des écoles privées hors contrat que personne ne contrôlait. Sans ce travail préalable, nous n'aurions pu le faire ; nous n'aurions pas connu non plus certaines dérives ; nous n'aurions donc pu lutter contre elles.

Désormais, nous pouvons envisager la dissolution des associations les plus coupables et l'inscription du délit de manipulation mentale dans notre code pénal parce que nous avons les bases de procédure nécessaires, grâce à l'important travail d'information et de formation mené par les cadres de l'Etat, et grâce aux actions engagées pour éclairer l'opinion publique.

L'introduction du délit de manipulation mentale me paraît un affinement du droit extrêmement important.

Nous le connaissons depuis longtemps en ce qui concerne les enfants et le délit de manipulation, d'abus de position de faiblesse à l'égard des enfants est bien établi, bien c ombattu. Malheureusement, les adultes sont aussi concernés, mais on ne pouvait s'engager sur cette voie sans avoir bien précisé le sujet et les méthodes, afin de permettre aux magistrats, aux policiers, aux gendarmes, aux travailleurs sociaux, de savoir exactement ce qu'ils combattaient.

Voilà pourquoi le moment me paraît venu de voter ce texte dont je me félicite qu'il soit la synthèse de propositions de loi émanant de l'ensemble des groupes, y compris au Sénat, parce qu'il est la conclusion d'un travail mené depuis cinq ans dans cette enceinte et depuis plusieurs années par le Parlement et différentes administrations, depuis bien plus longtemps par les deux associations qui combattent le phénomène sectaire. Aujourd'hui, le meilleur hommage que nous puissions rendre à ces associations et aux victimes, est d'adopter ce texte.

(Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko.

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteuse, mes chers collègues, nous allons franchir une nouvelle étape dans la lutte contre la dérive sectaire. Fin 1995, l'organisation de la lutte contre le phénomène sectaire, qui avait suivi le dépôt du rapport de la première commission d'enquête parlementaire, avait permis de ralentir le développement de certains de ces mouvements. Néanmoins, certaines mouvances ont connu une influence croissante ces dernières années.

Ce développement trouve sans doute son origine dans deux grands changements, dont le premier est le changement sociologique des victimes de mouvements sectaires.

En effet, ces trente dernières années ont été marquées par une modification significative de la sociologie des victimes des sectes. Si, dans les années soixante, les victimes é taient essentiellement des adolescents et de jeunes adultes, au nom d'une certaine contre-culture ou d'une culture alternative, le recrutement sectaire s'opère aujourd'hui dans toutes les classes d'âge.

Bien évidemment, ce sont toujours les plus défavorisés, les plus démunis qui sont les premiers exposés à ce type de recrutement. Particulièrement visés, les chômeurs, les personnes en situation de précarité, les immigrés avec leur problème d'identité, et les populations carcérales sont devenus des proies idéales. Cette diversification est l'une des clefs du développement récent des mouvements sectaires.

Outre ce changement de public, les sectes ont aussi considérablement diversifié leurs champs d'intervention.

Afin de mener à bien leur prospection dans différents secteurs de la société, elles ont développé de nouveaux outils d'intervention. Ainsi ces mouvements ont investi trois secteurs sensibles.

Le premier d'entre eux, l'éducation, est depuis longtemps prisé par les mouvements sectaires, M. Guyard vient d'ailleurs de rappeler le nombre des enfants reçus dans des écoles privées hors contrat, donc sans contrôle.

Cependant ce développement a surtout été net au cours de la dernière décennie.

Leur action dans ce domaine passe évidemment par le recrutement et par la formation d'enseignants, mais aussi par la commercialisation de méthodes éducatives ou, encore, par la prise de contrôle d'établissements. Le résultat de cette politique est édifiant puisque, dans votre rapport, Mme Picard, vous parlez de quelque 50 000 enfants subissant des influences sectaires.

De même, la présence de mouvements sectaires dans le domaine de la santé est un phénomène ancien, les personnes fragilisées par des problèmes médicaux ou médicop sychologiques représentant une clientèle potentielle extrêmement « intéressante », puisque c'est en ces termes qu'il nous faut parler. De nombreux malades atteints de maladies graves, invalidantes, quittent le circuit dit officiel dont ils n'attendent plus rien, au profit de méthodes que rien ne vient valider du point de vue scientifique.


page précédente page 05738page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

Ainsi l'Ordre national des médecins estime à trois mille le nombre de praticiens médicaux ou paramédicaux qui auraient des relations avec les mouvements sectaires.

Le troisième secteur extrêmement exploré est constitué par la formation professionnelle et le milieu des travailleurs sociaux. Dans ces deux domaines en pleine expansion, outre l'aspect lucratif qu'ils offrent, les sectes peuvent toucher un public jusqu'alors ignoré, voire infiltrer le milieu économique. Jouant de la faiblesse des réglementations qui gèrent ce secteur, en particulier celui de la formation, les sectes en ont fait leur nouveau lieu d'intervention.

Nous devons donc nous préoccuper à la fois de cette emprise croissante et du problème des personnes souvent affaiblies par la maladie, par la précarité, par les problèmes personnels et qui, à un moment donné, vont remettre leur liberté aux mains de ceux ou de celles qui leur sembleront les mieux à même d'assurer leur sécurité.

Il faut notamment se demander pourquoi certains adhérents à un mouvement sectaire, s'y trouvent bien, ne portent pas plainte, s'en défont difficilement et, finalement, à notre désappointement et à celui des juges, défendent cette adhésion.

Le mouvement sectaire prétend apporter une sécurité en échange de laquelle les adeptes abandonnent leur libre arbitre. Cet échange qui se fait plus ou moins en conscience - c'est là que la manipulation mentale trouve son objet - est l'un des fondements de l'engagement dans une secte.

« La fonction de souverain est contenue dans la fin pour laquelle on lui a confié le pouvoir souverain, et qui est le soin de la sûreté du peuple. », a écrit Tho-

mas Hobbes en 1651 dans le Léviathan.

Cette phrase s'applique parfaitement aux phénomènes sectaires. Les personnes attirées par les sectes y voient un cocon, un nid, un lieu de sécurité et, contre cette sécurité, abandonnent leur libre-arbitre et, finalement, leur fonction de citoyens conscients de leurs droits et de leurs devoirs.

Face à l'amplitude du phénomène, il nous a fallu nous interroger sur la nature de ces mouvements. Grâce aux commissions d'enquête, aux différents rapports parlementaires de ces dernières années, aux propositions de lois conjointes que nous examinons aujourd'hui, nous avons une vision plus précise de leur type d'organisation.

Les sectes commencent par installer de puissants réseaux économiques dont le considérable poids financier est mis au service d'une hiérarchie bien structurée. Puis, fortes de cette assise, elles mettent en place leur propre loi, leur propre jugement de valeur qui non seulement échappe au contrôle de l'Etat, mais encore, bien souvent, s'y oppose. Cela n'a rien à voir avec Antigone qui brave la loi de la cité pour ne suivre que celles de son propre clan. Cela en définitive ressortit de la défense positive.

Les victimes des sectes, du fait de leurs dirigeants, de leurs gourous, de leurs présidents - qui exercent d'ailleurs un pouvoir très peu démocratique -, se mettent en marge des lois nationales et ne suivent que les règles dictées par ce qui devient un Etat dans l'Etat.

Nous avons tous des difficultés à expliquer la différence entre une secte et un petit mouvement religieux, un mouvement religieux un peu original, voire intégriste.

L'un des critères essentiels qui les différencient cependant, c'est le respect des lois de l'Etat.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. Serge Blisko.

Si un groupe d'individus ne respectent pas les lois de l'Etat, pensent qu'il existe une loi qui y est supérieure, considèrent qu'être en contradiction avec celles-ci n'a aucune importance parce qu'ils ont le sentiment de constituer un Etat - transnational - plus fort que tous les Etats de la planète, c'est qu'il est en pleine dérive sectaire.

Les sectes ne menacent pas seulement les individus.

Elles sont une menace pour l'ensemble de la société, parce qu'elles remettent en cause ses règles et qu'elles en édictent d'autres sur lesquelles nous n'avons plus prise.

La proposition de loi qui nous est soumise est essentielle : elle doit nous permettre de contrer ce danger grandissant. Si toute la difficulté réside à s'opposer démocratiquement à ceux qui ignorent les règles démocratiques et républicaines, nous pouvons nous féliciter d'avoir trouvé, dans cette loi de consensus, forte et équilibrée, les outils qui, demain, nous permettront non pas - ne rêvons pas d'éradiquer la dérive sectaire, mais au moins de l'endiguer, et c'est ce qui est important. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard.

Madame la présidente,...

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre des relations avec le Parlement.

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.

Mesdames, messieurs les députés, j'interviendrai très brièvement avec le souci de permettre à l'Assemblée de voter cette proposition de loi ce matin. Comme, par ailleurs, le Gouvernement sera amené à préciser sa position lors de l'examen des amendements, je ne répondrai pas à chacun des orateurs.

Je tiens d'abord à remercier l'ensemble des intervenants dans la discussion générale. Tous les orateurs, sur tous les bancs, ont montré leur claire détermination à lutter c ontre les agissements des groupements sectaires dangereux.

Cette unanimité du Parlement rejoint, je veux le confirmer, la détermination du Gouvernement en ce domaine et laisse donc bien augurer de la suite de la discussion et de la mise en oeuvre de ce texte une fois voté.

Son examen par le Sénat est prévu, je vous le confirme, pour l'automne.

Comme beaucoup d'entre vous l'ont souligné, devant l es méthodes des groupements sectaires dangereux, l'ampleur du phénomène, les souffrances des victimes et de leurs familles et la dissémination du phénomène dans toutes les couches de la société, une véritable unanimité de la représentation nationale, des parlementaires de la République que vous êtes, est indispensable. Je rejoins de ce point de vue les propos tenus par votre collègue Jacques Guyard.

Cette détermination commune ne porte pas atteinte aux libertés fondamentales reconnues et garanties par la République. Non, en légiférant en ce domaine, la France ne foule pas les libertés. Non, les liberticides, ce n'est pas nous. Ce sont ceux qui tendent à limiter la liberté individuelle de celles et ceux qui tombent sous leur joug et dans leur embrigadement, que ce soit les sectes ellesmêmes, leurs dirigeants ou ceux qui se livrent au prosélytisme en leur nom.

Mme la garde des sceaux l'a affirmé, et je le rappelle : la liberté de conscience, la liberté d'expression, la liberté d'association sont protégées mais les détournements de ces libertés pour commettre des infractions graves ou pour s'attaquer aux personnes faibles doivent être poursuivis.

M. Blisko a dit que les mouvements s'attaquaient en général aux plus faibles. Si cela a été vrai au début, nous assistons à une évolution des recrutements et l'on a quel-


page précédente page 05739page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

quefois des surprises. Pour des raisons évidentes d'intérêt financier, les mouvements s'attaquent également à des gens d'un niveau social et intellectuel élevé. Le rendement n'en est que plus intéressant pour les dirigeants.

En tout cas, l'un des rôles de l'Etat étant de venir en aide et de protéger, il se doit de le faire contre cette exploitation de la misère humaine, de la faiblesse mentale et de la fragilité psychologique.

Comme cela a été dit, le moment est venu de légiférer.

La sensibilisation obtenue grâce aux débats au Parlement, aux travaux des commissions d'enquête et aussi, il faut le reconnaître, aux médias - ils n'ont pas que des inconvénients : les émissions grand public à la télévision ont leur utilité - devraient permettre, c'est du moins ce que j'espère, de lutter plus efficacement contre les grands mouvements sectaires aux ramifications souvent internationales qui viennent s'implanter dans nos pays.

Toutefois, cela ne nous exonérera pas de poursuivre la réflexion en vue de mettre en place des mesures de prévention plus proches du terrain afin d'éviter d'avoir à légiférer pour la répression.

Mme Martine David.

Très bien !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Car on sait qu'il y a une tendance à la dissémination des sectes dans la société, en ville comme à la campagne, à travers des détournements divers et variés qui n'apparaissent pas de prime abord comme dangereux. Des sanctions, là comme ailleurs, doivent exister mais le travail de sensibilisation devra se poursuivre.

Cette étape législative est une étape importante. Elle est importante d'abord parce que le fait que la représentation nationale ainsi que le Gouvernement s'engagent, comme ils s'apprêtent à le faire, dans cette voie constitue un progrès par rapport aux périodes que nous avons connues. Elle est importante ensuite parce que cela permettra à la France de convaincre davantage ses partenaires de l'Union européenne en leur faisant prendre conscience de la réalité des choses.

Mme Martine David.

Tout à fait !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Au niveau international également, il y a beaucoup à faire pour alerter et convaincre. Sur ce sujet comme sur d'autres - sécurité alimentaire, principe de précaution - il ne faut pas baisser les bras. La mondialisation n'a pas que des inconvénients, elle a aussi des avantages. La prise de conscience des peuples est importante dans la lutte contre les mouvements sectaires dangereux. Et, en adoptant la proposition de loi qui vous est soumise ce matin, vous contribuerez à cette prise de conscience. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard.

Je souhaite que vous me donniez la parole, madame la présidente !

Mme la présidente.

Monsieur Brard, vous allez pouvoir intervenir sur les amendements...

M. Jean-Pierre Brard.

Si vous le permettez, madame la présidente, je souhaiterais intervenir très brièvement en m'appuyant sur l'article 58 de notre règlement, non pas pour critiquer le déroulement de la discussion mais pour réagir aux propos de Mme Guigou, qui permettent d'éclairer le débat.

En effet, je suis d'autant plus satisfait de la réponse apportée par Mme la garde des sceaux à notre collègue M. Doligé au sujet de l'évaporation des dossiers de la Scientologie à Paris que, comme l'a fait remarquer notre collègue Rudy Salles, c'est un phénomène contagieux puisqu'une évaporation identique de dossiers a eu lieu dans la juridiction marseillaise et que des rapports existent entre les magistrats concernés.

Il est grand temps de se pencher sur les mesures disciplinaires à prendre car la crédibilité de l'institution est en cause. En effet, une enquête qui suscite beaucoup d'interrogations a été confiée au même magistrat parisien. Je veux parler de l'affaire Borrel, ce magistrat mort à Djibouti dont certains disent qu'il s'est suicidé et d'autres qu'il « a été suicidé » ! Il y a des éléments extrêmement troublants dans ce dossier et je m'inquiète qu'il soit instruit par le magistrat qui a eu en charge les dossiers volants concernant la Scientologie.

M. Serge Blisko.

Il a été dessaisi depuis !

Mme la présidente.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Mme la présidente.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles de la proposition de loi, dans le texte du Sénat.

Avant l'article 1er

Mme la présidente.

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement, no 9, ainsi rédigé :

« Avant l'article 1er , insérer la division et l'intitulé suivants :

« C HAPITRE Ier

« Dissolution civile de certaines personnes morales » La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

L'amendement no 9 vise à réunir dans un chapitre Ier les dispositions de la proposition de loi relatives à la dissolution de certaines personnes morales.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement est adopté.)

Article 1er

Mme la présidente.

« Art. 1er Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article 1er de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées, un 8o et un 9o ainsi rédigés :

« 8o Ou qui, condamnés définitivement à plusieurs reprises en application des articles 221-7, 222-21, 223-2, 223-9, 225-12, 225-16, 226-7, 226-12, 227-14, 22717-2, 227-28-1, 311-16, 312-15, 313-9 et 314-12 du code pénal, L.

376 et L.

517 du code de la santé publique constitueraient un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine ;


page précédente page 05740page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

« 9o Ou dont les dirigeants ou responsables de fait ont été condamnés définitivement à plusieurs reprises en application des articles 221-1 à 221-6, 222-1 à 222-20, 222-22 à 222-32, 223-1, 223-3 à 223-8, 223-13 à 223-15, 224-1 à 224-5, 225-5 à 225-11, 225-13 à 225-15, 226-1 à 226-6, 226-10, 226-11, 227-1 à 227-13, 227-15 à 227-28, 311-1, 311-3, 311-4, 312-1 à 312-12, 313-1 à 313-4, 314-1 et 314-2 du code pénal ou des articles L.

376 et L.

517 du code de la santé publique, ou pour fraude fiscale, et qui constitueraient un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine. »

La parole est à M. Jacques Myard, inscrit sur l'article.

M. Jacques Myard.

Madame la présidente, mes chers collègues, sans vouloir prolonger la discussion générale, je souhaiterais présenter quelques remarques.

Il est évident que l'accord d'aujourd'hui n'est pas d'apparence et qu'il résulte d'un constat que nous avons dressé, les uns et les autres, quels que soient nos croyances et nos engagements politiques, face à une situation qui, malheureusement, ces dernières années, semble s'être aggravée - peut-être parce que nous avons pris la peine de l'examiner : le nombre et l'influence des sectes se sont accrus.

Il est donc nécessaire et utile d'agir. Mais nous ne pouvons que regretter à certains égards l'apathie de l'administration qui, si elle commence actuellement à prendre conscience du phénomène, n'a pas un engagement satisfaisant, notamment au niveau des préfectures, comme chacun l'a souligné.

Nous notons également une certaine apathie de la justice qui n'a pas cru, pendant de très nombreuses années, au phénomène sectaire et qui, aujourd'hui encore, doute de la véracité des faits. Je serais tenté de dire : un peu d'audace, messieurs les juges ! Regardez le monde dans lequel vous vivez et prenez-le en compte ! C ependant, j'ai quelques interrogations qui, bien entendu, ne m'empêcheront pas de voter le texte qui nous est soumis car, à mes yeux, il constitue une avancée.

En premier lieu, par principe, je ne suis guère favorable à la condamnation pénale des personnes morales, notamment au titre des amendes. Le délit pénal étant, selon moi, directement lié à l'intention, j'estime qu'il ne peut être que le fait de personnes physiques - en revanche, il va de soi que lorsqu'une personne morale, au travers de ses dirigeants, dépasse les limites de l'ordre public, elle doit être dissoute. Mais ce doit être une conséquence de l'action des dirigeants de la personne morale. Par leur comportement, par l'extension de l'objet social que ces dirigeants lui donnent au regard de ce qui peut constituer des délits aux termes des textes de loi, ils mettent ces personnes morales, ipso facto, hors la loi et la sanction s'impose. Mais, je le répète, une personne morale n'a pas - il faut bien s'en rendre compte - de volonté propre en dehors de l'action de ses dirigeants.

La proposition de loi présentée par notre rapporteuse propose une dissolution judiciaire au motif que le Conseil constitutionnel pourrait venir sanctionner un développement du décret-loi de 1936, comme l'avait voulu le Sénat. Je ne partage pas ces craintes. Je crois même que cette décision peut être préjudiciable, parce qu'une dissolution judiciaire va prendre beaucoup de temps. Il va falloir constater un certain nombre de délits qui devront être condamnés par la justice. Il faudra attendre que ces jugements deviennent définitifs. La proposition de loi prévoit d'ailleurs la constatation de délits répétitifs et au moins deux condamnation définitives. Or le système judiciaire est ainsi fait que cela risque, nous le savons, de durer des dizaines d'années, alors que le mal s'étend.

Je ne vous cache pas non plus - et c'est un point qui a été souligné par mon collègue M. Eric Doligé - que notre société a trop tendance à déléguer aux autres ce que le politique doit faire lui-même. On a trop tendance à se cacher derrière le juge au lieu d'agir soi-même et de prendre ses responsabilités. C'est pourquoi j'aurais aimé que, tout en ouvrant une possibilité de dissolution judiciaire - elle existe d'ailleurs déjà dans un certain nombre de nos textes de loi, notamment au regard des associations -, le pouvoir politique, qui a en charge le bien commun, qui est le souverain, l'expression du suffrage universel, prenne ses responsabilités et dissolve directement, bien entendu sous le contrôle du juge - que l'on ne nous accuse pas de faire régner l'arbitraire ! - un cert ain nombre de groupements que l'on sait agir constamment contre l'ordre public et qui sont, vous le savez, les champions d'un certain nombre de manipulations.

J'en viens tout naturellement à la notion de manipulation mentale au sujet de laquelle on nous appelle à la prudence. Oui, soyons prudents ! Mais nous savons non m oins certainement que les manipulations mentales existent. Lors des commissions d'enquête, nous avons vu des cas patents et, là encore, nous allons agir sous le contrôle du juge. Alors ne nous faisons tout de même pas peur par avance et sanctionnons ce qui doit l'être. Même si parfois je peux être enclin à penser que mes adversaires politiques, pour être élus, ont manipulé leurs électeurs - mentalement s'entend - je sais bien que cela ne se peut que sur la partie gauche de l'hémicycle et pas sur celle où je siège ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard.

Ce n'est rien à côté de ce qui se passe à Maisons-Laffitte !

Mme la présidente.

Monsieur Myard, puis-je vous demander de conclure ?

M. Jacques Myard.

Je vais conclure, madame la présidente ! Vous aviez compris, mes chers collègues, que c'était un propos ironique ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.

Mais, à Maisons-Laffitte, c'est sérieux ? (Sourires.)

M. Jacques Myard.

Mes chers collègues, nous avons tous constaté que la manipulation mentale existait. Les témoignages qui nous en ont été donnés faisaient état de cas sordides et ces sas doivent être sanctionnés !

M. Eric Doligé.

Très bien !

Mme la présidente.

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement, no 10, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 1er :

« Peut être prononcée, selon les modalités prévues par le présent article, la dissolution de toute personne morale, quelle qu'en soit la forme juridique ou l'objet, qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer ou d'exploiter la dépendance psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, lorsqu'ont été prononcées à plusieurs reprises, contre la personne morale ellemême ou ses dirigeants de droit ou de fait, des condamnations pénales définitives pour l'une ou l'autre des infractions mentionnées ci-après :

« 1o Infractions d'atteintes volontaires ou involontaires à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne, de mise en danger de la personne,


page précédente page 05741page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

d'atteinte aux libertés de la personne, d'atteinte à la dignité de la personne, d'atteinte à la personnalité, de mise en péril des mineurs ou d'atteinte aux biens prévues par les articles 221-1 à 221-6, 222-1 à 222-40, 223-1 à 223-15, 224-1 à 224-4, 225-5 à 225-15, 225-16-4 à 225-16-6, 225-17 et 225-18, 226-1 à 226-23, 227-1 à 227-27, 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-12, 313-1 à 313-4, 314-1 à 314-3 et 324-1 à 324-6 du code pénal.

« 2o Infractions d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie prévues par les articles L.

376 et L.

517 du code de la santé publique.

« 3o Infractions de publicité mensongère, de f raudes ou de falsifications prévues par les articles L.

121-6 et L.

213-1 à L.

213-4 du code de la consommation.

« La procédure de dissolution est portée devant le tribunal de grande instance à la demande du ministère public agissant d'office ou à la requête de tout intéressé.

« La demande est formée, instruite et jugée conformément à la procédure à jour fixe.

« Le délai d'appel est de quinze jours, le président de chambre à laquelle l'affaire est distribuée fixe à bref délai l'audience à laquelle l'affaire sera appelée.

Au jour indiqué, il est procédé selon les modalités prévues aux articles 760 à 762 du nouveau code de procédure civile.

« Le maintien ou la reconstitution, ouverte ou déguisée, d'une personne morale dissoute en application des dispositions du présent article constitue le délit prévu par le deuxième alinéa de l'article 434-43 du code pénal. »

La parole est à Mme la rapporteuse.

M me Catherine Picard, rapporteuse.

L'amendement no 10 est l'un des plus importants, et je voudrais répondre sur quatre points à M. Myard. Une grande partie de cet amendement a d'ailleurs été déjà évoquée dans la discussion générale.

Premièrement, la commission n'est pas favorable aux lois d'exception, dans la mesure où il n'y a pas de définition des mouvements sectaires.

Deuxièmement, le caractère d'urgence contenu dans la loi de 1936 est contradictoire avec une procédure qui exige au préalable deux condamnations pénales définitives. On ne peut pas attendre les condamnations pénales définitives et se réclamer de l'urgence de la dissolution.

La proposition elle-même comportait donc...

M. Jacques Myard.

Vous pouvez l'améliorer, madame la rapporteuse !

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

Oui, tout à fait, monsieur Myard ! Nous sommes en train de le faire ! Troisièmement, M. Doligé a évoqué un risque de partialité. En nous fondant sur la loi de 1936, nous aurions pu envisager, il y a quelque temps, la dissolution du département protection et sécurité du Front national. Il y avait un caractère d'urgence et cela correspondait bien à la situation. Le président n'a pas souhaité le faire.

Notre choix de laisser à la justice le temps de trancher m'amènera à mon quatrième point, qui est le respect du principe des droits de la défense et du débat contradictoire. Quels que soient les délits, il faut que cette procédure se déroule. Même si, pendant ce temps, il y a des victimes, des souffrances, nous devons rester dans le droit commun.

M. Jacques Myard.

Il serait bien que les politiques prennent leur responsabilité !

M. Bernard Roman, président de la commission.

Mais nous les prenons !

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

Les magistrats prendront leur responsabilité dans la mesure où ils auront des outils pour travailler.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Le Gouvernement est favorable à cet amendement, ainsi que

Mme la garde des sceaux l'a rappelé dans son discours.

La procédure de dissolution judiciaire proposée par votre commission est préférable à celle de la dissolution administrative qui avait été retenue par le Sénat car elle nous semble à la fois plus efficace et plus respectueuse des libertés individuelles.

Plus efficace, car les condamnations pénales permettant la mise en jeu de cette procédure concernent un nombre d'infractions plus important : les condamnations pourront avoir été prononcées indifféremment contre des personnes morales ou des personnes physiques.

Plus respectueuse des libertés individuelles, car il s'agit d'une procédure respectant les garanties d'un débat judiciaire contradictoire préalable à la décision de dissolution alors que le texte du Sénat ne permettait qu'un recours a posteriori et non suspensif devant les juridictions administratives.

Le texte de la commission permet l'exercice des droits de la défense et des voies de recours, ce qui permet d'assurer que les décisions de dissolution ne pourront intervenir qu'à bon escient et auront par là même une portée plus forte dans l'opinion publique.

En définitive, c'est en appliquant pleinement les principes juridiques qui sont les fondements d'une société respectueuse des droits de l'Homme que ce texte permettra de combattre les groupements qui portent atteinte à ces mêmes droits.

Le Gouvernement est donc en plein accord avec cet amendement.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé.

Globalement, je suis d'accord et je voterai l'amendement mais reste tout de même un problème auquel il faut réfléchir, car il faudra bien lui trouver des solutions : ce sont les cas d'urgence. Il y en aura.

Dans certains domaines, ce n'est pas une chose exceptionnelle. S'il se produit des faits exceptionnellement graves, et qu'il faut attendre dix ans une seconde condamnation, on ne pourra prendre aucune disposition.

Nous allons voter l'amendement mais réfléchissons bien à ce problème de l'urgence, qui est difficile, c'est évident.

M. Bernard Roman, président de la commission.

Oui, en effet.

M. Eric Doligé.

Sinon, nous l'aurions déjà réglé.

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

C'est vrai !

M. Jacques Myard.

Il pourrait d'ailleurs être résolu avec les dispositions de 1936. Un peu de courage !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement est adopté.)


page précédente page 05742page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

Mme la présidente.

En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé.

Après l'article 1er

Mme la présidente.

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement, no 11, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer la division et l'intitulé suivants : C HAPITRE II

« Extension de la responsabilité pénale des personnes morales à certaines infractions. »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

Cet amendement propose de réunir, dans un chapitre II, les dispositions de la proposition de loi relatives à l'extension de la responsabilité pénale des personnes morales.

Une telle présentation est d'autant plus nécessaire que nous allons proposer avec le Gouvernement et M. Brard, par toute une série d'amendements, de ne pas nous contenter de la proposition du Sénat relative à l'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie et d'aller beaucoup plus loin dans le sens d'une extension de la responsabilité pénale des personnes morales.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

11. (L'amendement est adopté.)

Article 2

Mme la présidente.

« Art. 2. - I. - L'article L. 376 du code de la santé publique est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les personnes morales peuvent être déclarées respon-s ables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, de l'infraction définie à l'alinéa précédent.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;

« 2o Les peines prévues par l'article 131-39 du code pénal. »

« II. - L'article L. 517 du code de la santé publique est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les personnes morales peuvent être déclarées respon-s ables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, de l'infraction définie à l'alinéa précédent.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;

« 2o Les peines prévues par l'article 131-39 du code pénal. »

M. Brard a présenté un amendement, no 1, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 2 :

« I. - Après les mots : "est puni", la fin de la première phrase de l'article L. 376 du code de la santé publique est ainsi rédigée : "d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende". »

« II. - L'article L. 377 du même code est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. L. 377. - Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal des infractions définies aux articles L. 372, L. 374.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;

« 2o Les peines mentionnées aux 2o à 9o de l'article 131-39 du code pénal.

« L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 du code pénal porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

« III. - L'article L. 517 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Quiconque se sera livré sciemment à des opérations réservées aux pharmaciens sans réunir les conditions exigées pour l'exercice de la pharmacies era puni d'un an d'emprisonnement et 100 000 francs d'amende.

« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal de l'infraction définie au présent article.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;

« 2o Les peines mentionnées aux 2o à 9o de l'article 131-39 du code pénal.

« L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 du code pénal porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

La commission d'enquête parlementaire consacrée à la situation financière, patrimoniale et fiscale des sectes précisait dans son rapport publié en 1999 que, selon l'ordre national des médecins, comme l'a rappelé M. Blisko, environ 3 000 praticiens auraient en France des relations avec un mouvement sectaire.

Notre commission formulait également une série de propositions pour combattre efficacement l'exercice illégal de la médecine et celui de la pharmacie qui constituent des délits caractéristiques dont se rendent coupables les sectes.

La proposition de loi adoptée par nos collègues sénateurs prévoit la dissolution des groupements de type sectaire sur la base de condamnations pour exercice illégal de la médecine et de la pharmacie. Cependant, il convient de remarquer que les délits d'exercice illégal de la médecine et de la pharmacie relèvent en premier lieu de la responsabilité individuelle des praticiens. Aussi cet amendem ent propose-t-il d'aggraver les peines actuellement prévues pour ces infractions à l'encontre des personnes physiques, en modifiant les articles L. 376 et L. 517 du code de la santé publique et en fixant une peine d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende.


page précédente page 05743page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

Dans un souci de meilleure efficacité, l'amendement vise les articles L. 372 et L. 374 du code de la santé publique en ce qui concerne la référence à l'infraction d'exercice illégal de la médecine, et non plus l'article L. 376 relatif aux peines encourues par les personnes physiques.

Enfin, cet amendement écarte la possibilité de dissoudre une personne morale reconnue coupable de cette infraction, en maintenant les autres condamnations prévues par les articles 131-38 et 131-39 du code pénal. En effet, la mesure de dissolution paraît escessive eu égard aux peines d'emprisonnement prévues pour les personnes physiques, bien qu'elles soient aggravées.

Cet amendement n'est pas du tout contradictoire avec ce que nous avons dit jusqu'à présent. Il montre à quel point la représentation nationale est soucieuse de la préservation des libertés, ce qui est normal dans un pays qui est l'auteur de la déclaration des droits de l'homme.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

La commission a adopté cet amendement qui, sur le fond, ne revient pas sur la proposition du Sénat mais procède à des ajustements techniques, portant de trois mois d'emprisonnement et 60 000 francs d'amende à un an d'emprisonnement et 100 000 francs d'amende la peine encourue par une personne physique qui se rendrait coupable de cette infraction.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement de M. Brard, qui améliore l'article 2 en élevant les peines encourues pour les délits d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie. Cette élévation des peines est en effet totalement justifiée, car les peines actuelles sont trop faibles pour avoir un effet dissuasif, comme les praticiens l'ont souligné à plusieurs reprises.

En outre, il s'agit de faits graves, car ils peuvent porter atteinte à la vie d'autrui et mettre en danger des individus.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé.

Après l'article 2

Mme la présidente.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 2, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. - Il est inséré, après l'article L. 213-5 du code de la consommation, un article L. 213-6 ainsi rédigé :

« Art. L. 213-6. - Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal des infractions définies aux articles L. 213-1 à L. 213-4.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;

« 2o Les peines mentionnées aux 2o à 9o de l'article 131-39 du code pénal.

« L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 du code pénal porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

« II. L'article L. 121-6 du code de la consommation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions de l'article L. 213-6 prévoyant la responsabilité pénale des personnes morales sont applicables à ces infractions. »

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Cet amendement vise un objectif similaire à celui de l'article 2 amendé par M. Brard, de nombreux amendements de votre commission des lois et d'autres amendements du Gouvernement, où il s'agit d'étendre le champ de la responsabilité pénale des personnes morales pour des infractions susceptibles d'être commises au sein des mouvements sectaires.

En l'espèce, il paraît opportun de prévoir la responsabilité pénale des personnes morales pour les délits de publicité mensongère et de fraude qui peuvent être commis par les sectes.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

La commission a donné un avis favorable à l'amendement du Gouvernement. Nous déclinerons ensuite une série d'amendements qui étendent la responsabilité pénale des personnes morales à toute une série d'infractions fréquemment reprochées aux mouvements sectaires, dont certaines sont très graves, tels l'homicide, les agressions sexuelles, le viol et les actes de barbarie.

Mme la présidente.

Vous n'interviendrez donc pas sur les amendements suivants.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement, no 12, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Il est inséré, après l'article 221-5 du code pénal, un article 221-5-1 ainsi rédigé :

« Art. 221-5-1. - Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 des infractions définies à la présente section.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;

« 2o Les peines mentionnées à l'article 131-39.

« L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

C'est la déclinaison de l'amendement précédent.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

12. (L'amendement est adopté.)


page précédente page 05744page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

Mme la présidente.

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement no 13, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Il est inséré, après l'article 222-6 du code pénal, un article 222-6-1 ainsi rédigé :

« Art. 222-6-1 Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 des infractions définies au présent paragraphe.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;

« 2o Les peines mentionnées à l'article 131-39.

« L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

Je mets aux voix l'amendement no

13. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement no 14, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Il est inséré, après l'article 222-16 du code pénal, un article 222-16-1 ainsi rédigé :

« Art. 222-16-1. Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 des infractions définies au présent paragraphe.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;

« 2o Les peines mentionnées à l'article 131-39.

« L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 3 rectifié, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Il est inséré, après l'article 222-18 du code pénal, un article 222-18-1 ainsi rédigé :

« Art. 222-18-1 Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 des infractions définies au présent paragraphe.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;

« 2o Les peines mentionnées du 2o au 9o de l'article 131-39.

« 3o La peine mentionnée au 1o de l'article 131-39 pour les infractions définies par les articles 222-17 (deuxième alinéa) et 222-18.

« L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

Même situation que précédemment.

Je mets aux voix l'amendement no 3 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement, no 15, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Il est inséré, après l'article 222-33 du code pénal, un article 222-33-1 ainsi rédigé :

« Art. 222-33-1 Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 des infractions définies aux articles 222-22 à 222-31.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;

« 2o Les peines mentionnées à l'article 131-39.

« L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

Je mets aux voix l'amendement no

15. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement, no 16, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Il est inséré, après l'article 223-7 du code pénal, un article 233-7-1 ainsi rédigé :

« Art. 223-7-1. Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal des infractions définies à la présente section.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;

« 2o Les peines mentionnées du 2o à 9o de l'article 131-39 ;

« 3o La peine mentionnée au 1o de l'article 131-39 pour les infractions prévues aux articles 223-5 et 223-6.

« L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

Je mets aux voix l'amendement no

16. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement. no 17, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Il est inséré, après l'article 223-15 du code pénal, un article 223-15-1 ainsi rédigé :

« Art. 223-15-1. Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal des infractions définies à la présente section.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;

« 2o Les peines mentionnées du 2o à 9o de l'article 131-39 ;

« 3o La peine mentionnée au 1o de l'article 131-39 pour l'infraction prévue au deuxième alinéa de l'article 223-13.


page précédente page 05745page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

« L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

Je mets aux voix l'amendement no

17. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 4, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« La section IV du chapitre V du titre II du livre deuxième du code pénal est complétée par un article 225-18-1 ainsi rédigé :

« Art. 225-18-1. - Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 des infractions définies aux articles 225-17 et 225-18.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;

« 2o Les peines mentionnées du 2o au 9o de l'article 131-39 ;

« 3o La peine mentionnée au 1o de l'article 1 31-39 pour les infractions définies par l'article 225-18.

« L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Cet amendement introduit une précision utile en prévoyant la responsabilité pénale des personnes morales pour les infractions d'atteintes au respect dû aux morts qui sont parfois commises au sein des sectes, notamment des sectes sataniques.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement, no 18, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Il est inséré, après l'article 227-4 du code pénal, un article 227-4-1 ainsi rédigé :

« Art. 227-4-1. - Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 des infractions définies à la présente section.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;

« 2o Les peines mentionnées aux 2o à 9o de l'article 131-39.

« L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

Même situation que précédemment.

Je mets aux voix l'amendement no

18. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement, no 19, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« L'article 227-17-2 du code pénal est ainsi modifié :

« I. - Dans la première phrase, les mots : "de l'infraction définie au second alinéa de l'article 22717-1" sont remplacés par les mots : "des infractions définies aux articles 227-15 à 227-17-1". »

« II. - Dans le 2o , les mots : "aux 1o , 2o , 4o , 8o et 9o de" sont remplacés par le mot : "à". »

Je mets aux voix l'amendement no

19. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 5, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Dans le deuxième alinéa (1o ) de l'article 131-39 du code pénal, les mots : "à cinq ans" sont remplacés par les mots : "ou égale à trois ans". »

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Dans le cadre des poursuites pénales engagées contre une personne morale présentant un caractère sectaire il convient d'assurer le prononcé effectif de la peine de dissolution lorsque celle-ci est encourue.

Or l'article 131-39 du code pénal exige actuellement, en ce qui concerne les infractions punies d'un emprisonnement de cinq ans au moins, ce qui est le cas de nombreux délits comme l'escroquerie, que la personne morale ait été créée afin de commettre l'infraction pour que la dissolution puisse être prononcée. Si la personne morale a simplement été détournée de son objet pour commettre les faits, elle ne peut être dissoute.

Une telle preuve - démontrer que la personne morale a, dès son origine, parfois ancienne, été créée pour commettre le délit - est souvent difficile, voire impossible à apporter.

Aussi le présent amendement propose-t-il de descendre de cinq ans à trois ans le seuil figurant actuellement à l'article 131-39 pour faciliter le prononcé de la peine de dissolution.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

L'amendement no 5 ainsi que l'amendement no 6 corrigé vont tout à fait dans le sens des attentes et des orientations de la commission des lois, qui a, bien entendu, donné son accord.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 6 corrigé, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. L'article 132-13 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les cas prévus par les deux alinéas précédents, la personne morale encourt en outre, les peines mentionnées à l'article 131-39, sous réserve des dispositions du dernier alinéa de cet article. »

« II. Dans le dernier alinéa du même article, les mots : "supérieure à 100 000 francs", sont remplacés par les mots : "d'au moins 100 000 francs". »

La parole est à M. le ministre.


page précédente page 05746page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Cet amendement est similaire dans son esprit au précédent. Il facilite le prononcé de la peine de dissolution par le juge répressif dans les hypothèses de récidive.

Mme la présidente.

La commission y est favorable.

Je mets aux voix l'amendement no 6 corrigé.

(L'amendement est adopté.)

Avant l'article 3

Mme la présidente.

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement, no 20, ainsi rédigé :

« Avant l'article 3, insérer la division et l'intitulé suivants :

« Chapitre III Dispositions concernant la peine de dissolution encourue par les personnes morales pénalement responsables. »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

Il s'agit d'introduire l'intitulé relatif à la peine de dissolution encourue par les personnes morales pénalement responsables.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

20. (L'amendement est adopté.)

Article 3

Mme la présidente.

« Art. 3. Dans le deuxième alinéa de l'article 8 de la loi du 1er juillet 1901 relative au c ontrat d'association, les mots : "d'une amende de 30 000 francs et d'un emprisonnement d'un an" sont remplacés par les mots : "de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amende". »

Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Après l'article 3

Mme la présidente.

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement, no 21, ainsi libellé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« L'article 434-43 du code pénal est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le fait, pour toute personne physique, de participer au maintien ou à la reconstitution, ouverte ou déguisée, d'une personne morale dont la dissolution a été prononcée en application des dispositions du 1o de l'article 131-39 est puni de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amende.

« Lorsque la dissolution a été prononcée pour une infraction commise en récidive, ou pour l'infraction prévue à l'alinéa précédent, la peine est portée à cin q a ns d'emprisonnement et 500 000 francs d'amende. »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

Les amendements nos 21 et 22 rectifié tendent à prévoir des sanctions aggravées en cas de reconstitution d'une personne morale dissoute, y compris sur le fondement de la nouvelle procédure instituée par l'article 1er de la présente proposition de loi.

La peine serait de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amende, voire cinq ans d'emprisonnement et 500 000 francs d'amende en cas de dissolution pour une infraction commise en récidive ou réitération de reconstitution d'associations.

Par ailleurs, une association ayant fait l'objet d'une procédure de dissolution mais qui se serait maintenue ou reconstituée pourra faire l'objet d'une nouvelle procédure de dissolution,

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Cet amendement comble de façon très opportune, s'agissant des sectes, mais également de façon générale, une lacune du nouveau code pénal, qui ne sanctionnait pas expressément la reconstitution d'une personne morale condamnée à la peine de dissolution. Le Gouvernement ne peut donc qu'y être favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

21. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement, no 22 rectifié, ainsi libellé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« Avant le dernier alinéa de l'article 434-47 du code pénal, il est inséré un 5o ainsi rédigé :

« 5o Pour les infractions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l'article 434-43, la peine de dissolution mentionnée au 1o de l'article 131-39. »

Même situation que précédemment.

Je mets aux voix l'amendement no 22 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement, no 23, ainsi rédigé :

« Après l'article 3, insérer la division et l'intitulé suivants :

« Chapitre IV Dispositions limitant l'installation ou la publicité des groupements sectaires ».

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

Il s'agit d'introduire un chapitre regroupant les dispositions tendant à limiter l'installation ou la publicité des groupements sectaires.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

23. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement, no 24, ainsi rédigé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« Dans un périmètre situé à 100 mètres d'un hôpital, d'un hospice, d'une maison de retraite, d'un établissement public ou privé de prévention, de cure ou de soins comportant hospitalisation, d'un dispensaire de prévention relevant des services départe-


page précédente page 05747page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

mentaux d'hygiène sociale, d'un centre social et médico-social ou d'un établissement d'enseignement maternel, primaire ou secondaire, le maire et, à Paris, le préfet de police peut interdire l'installation d'une personne morale, quelle qu'en soit la forme juridique ou l'objet, qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer ou d'exploiter la dépendance psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, lorsqu'ont été prononcées à plusieurs reprises, contre la personne morale elle-même ou ses dirigeants de droit ou de fait, des condamnations pénales définitives pour l'une ou l'autre des infractions mentionnées ciaprès :

« 1o Infractions d'atteintes volontaires ou involontaires à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne, de mise en danger de la personne, d'atteinte aux libertés de la personne, d'atteinte à la dignité de la personne, d'atteinte à la personnalité, de mise en péril des mineurs ou d'atteintes aux biens prévus par les articles 221-1 à 221-6, 222-1 à 222-40, 223-1 à 223-15, 224-1 à 224-4, 225-5 à 225-15, 225-16-4 à 225-16-6, 225-17 et 225-18, 226-1 à 226-23, 227-1 à 227-27, 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-12, 313-1 à 313-4, 314-1 à 314-3 et 324-1 à 324-6 du code pénal.

« 2o Infractions d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie prévues par les articles L. 376 et L. 517 du code de la santé publique.

« 3o Infractions de publicité mensongère, de fraudes ou de falsifications prévues par les articles L. 121-6 et L. 213-1 à 213-4 du code de la consommation.

« Le non-respect d'une interdiction prononcée en application des dispositions du présent article est p uni de deux ans d'emprisonnement et de 200 000 francs d'amende.

« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, de cette infraction.

La peine encourue par les personnes morales est l'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal. »

Sur cet amendement, M. Brard a présenté un sousamendement, no 36, ainsi rédigé :

« Au début du premier alinéa de l'amendement, no 24, substituer aux mots : "100 mètres", les mots : "200 mètres". »

La parole est à Mme la rapporteuse pour soutenir l'amendement no

24.

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

Cet amendement tend à permettre aux maires d'interdire l'installation de groupements sectaires ou d'ordonner la cessation des activités d'un groupement sectaire ayant fait l'objet de plusieurs condamnations pénales dans un périmètre de 100 mètres autour de certains établissements, ceux auxquels les personnes les plus vulnérables ou fragiles ont accès.

IL s'agit donc de protéger ces personnes fragiles ou influençables des sectes les plus dangereuses, comme le suggérait également la proposition de M. Tiberi - particulièrement en matière de prosélytisme.

Ce dispositif figure déjà dans notre législation puisqu'il a été fait référence à l'article 99 de la loi de 1987 portan t diverses mesures d'ordre social, qui prévoit également une interdiction dans un périmètre de 100 mètres autour des écoles des établissements dont l'activité principale est la vente ou la mise à disposition publique de publications interdites aux mineurs.

Le non-respect de cette interdiction sera puni de deux ans d'emprisonnement et de 200 000 francs d'amende et les personnes pénalement responsables passibles d'une amende égale au quintuple de ce montant.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui donne aux maires ou, à Paris, au préfet de police la possibilité d'interdire à des groupements sectaires, dans des conditions similaires à celles prévues par l'article 1er sur la d issolution judiciaire, leur installation à moins de 100 mètres de certains lieux sensibles comme les écoles.

Cette disposition, qui s'inspire de celle existant depuis plus d'une dizaine d'années pour les sex-shops, par exemple, paraît en effet bien venue.

Sur le sous-amendement, je dirai un mot tout à l'heure. Le Gouvernement est favorable à l'amendement qui tend à fixer le périmètre à 100 mètres.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir le sous-amendement no

36.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous le savez, monsieur le ministre, sur la voie de la perfection, vous pouvez encore progresser.

Dans ma commune, j'ai, si j'ose dire, le privilège d'avoir le Mouvement du Graal - on connaît la déviance criminelle qui a conduit des malades à renoncer à des traitements avec la fin qu'on imagine -, l'Eglise internationale du Christ...

M. Jacques Myard.

Vous les attirez, ce n'est pas possible ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Brard.

C'est une façon de voir les choses !...

De cette Eglise, on connait surtout l'intérêt qu'elle porte au porte-monnaie de ses adeptes. Dans les deux cas, il n'y a pas d'équipements hébergeant ou accueillant des personnes vulnérables - on pense à des écoles en particulier ou à des hôpitaux. Est-ce à dire que ces sectes vont pouvoir continuer à prospérer malgré la loi ? Je suis maire d'une ville à la densité forte, avec plus de 10 000 habitants au kilomètre carré. Qu'en sera-t-il dans une ville de province plus aérée que la mienne ? Je pense qu'avec les 100 mètres, nous nous donnons une arme qui sera un sabre de bois contre les sectes et qu'en élargissant le périmètre à un rayon de 200 mètres, nous améliorerions l'efficacité du dispositif.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement ?

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

Nous avons proposé un périmètre de 100 mètres, sans avoir pris en considération, sans doute, les différences entre périphérie urbaine et périphérie rurale. La proposition de M. Brard ne semble pas poser de problème.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Les indications que j'ai données sur l'amendement de la commission me conduisaient à être réservé sur le sousamendement proposé par M. Brard, portant à 200 mètres le périmètre de sécurité. Une telle extension revient en pratique à permettre d'interdire l'installation d'un groupem ent sectaire dans l'ensemble d'une agglomération urbaine. C'est-à-dire qu'un maire pourra empêcher l'installation n'importe où dans sa ville.


page précédente page 05748page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

La protection des populations vulnérables n'est donc plus la justification première de cette disposition. L'insertion dans le texte d'une liste limitative de lieux protégés relève alors d'une forme quelque peu artificielle.

Cet amendement pourrait avoir un caractère excessif et il vaudrait mieux garder le périmètre de cent mètres qui est déjà appliqué aux sex-shops.

Mme la présidente.

La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé.

J'ai cru comprendre, en écoutant M. le ministre, qu'au-delà de 100 mètres, la vulnérabilité cessait. C'est tout de même une vision un peu restrictive ! Je me permets également de rappeler que les monuments historiques sont protégés jusqu'à 500 mètres. Or, dans mes priorités, les enfants passent avant les monuments historiques, même si ces derniers méritent aussi d'être protégés. Porter la limite à 200 mètres ne me paraît pas une hérésie.

Enfin, je voudrais demander à Mme le rapporteur - je ne me fais pas au terme de rapporteuse, mais ça viendra si les cimetières sont bien inclus dans les secteurs à protéger ? C'est un point important parce que, au vu des saccages qui se sont produits dans certains de nos cimetières, on peut craindre que certaines sectes sataniques, peut-être par provocation, n'aient l'intention d'aller s'installer tout près de ces lieux particuliers. Dans le cas contraire, je souhaiterais qu'on puisse, si ce n'est aujourd'hui tout au moins en deuxième lecture, inclure les cimetières parmi les secteurs à protéger.

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque.

En dépit de tout le respect que j'éprouve à l'égard du ministre, je dois dire que je trouve ses arguments un peu tirés par les cheveux. Si le périmètre de 100 mètres me semble trop restrictif, en revanche, celui de 300 mètres proposé par M. Tiberi me paraît un peu trop large. Cela dit, il y a une différence entre les secteurs très urbanisés et ceux qui, comme l'a dit Jean-Pierre Brard, le sont moins. Je pense que 200 mètres est la distance pertinente pour éviter le genre d'installation en cause. Le groupe socialiste votera donc pour le sous-amendement de Jean-Pierre Brard.

Mme la présidente.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Bernard Roman, président de la commission.

La discussion que nous avons eue en commission des lois sur cette question a été très ouverte. Nous nous sommes interrogés sur ce point en nous appuyant sur les différentes propositions de loi existantes, notamment celle qui fixait à 300 mètres la distance requise pour l'installation de ce qu'on a appelé les « sectes-shops », par référence aux sex-shops.

La proposition de M. Brard me paraît correspondre tout à fait à l'esprit qui animait la commission et conforme à l'opinion que viennent d'exprimer différents députés. Au point où nous en sommes de la discussion parlementaire, et sous réserve d'explications complément aires qui pourraient nous être apportées allant à l'encontre de cette proposition, je considère que le sousamendement de M. Brard est tout à fait adapté.

Mme la présidente.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Nous examinons, il est vrai, une bonne disposition. Toutefois, il y a des personnes fragiles partout, dans tous les quartiers et pas seulement à 100, 200 ou 300 mètres autour des hôpitaux et des écoles.

Une distance de 100 mètres me paraît trop limitée et quasiment inutile ; mieux vaut ne rien faire que de retenir un tel périmètre. Fixer à 200 mètres la limite d'installation est vraiment le moins qu'on puisse faire.

M. Jacques Myard.

Un petit effort, monsieur le ministre !

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Je n'oserai demander au Gouvernement si nous sommes ici dans un lieu où il y a des personnes fragiles et s'il faut inscrire l'Assemblée nationale dans la liste des établissements qui doivent être protégés.

(Sourires.)

Je ferai remarquer à M. le ministre, pour faire écho à ce que dit M. Roman, que nous sommes ici en communion par l'esprit, si j'ose dire, puisque tous les parlementaires sont d'accord pour considérer que le périmètre de 100 mètres est insuffisant.

J'entends bien que, dans le 18e arrondissement, par exemple, le périmètre de 100 mètres représente beaucoup du point de vue de la densité, mais il faut tenir compte de la réalité telle qu'elle est. En vérité, si nous fixons la limite à 100 mètres, nous aurons certes pris une disposition sympathique mais elle sera sans effet. Pourquoi légiférer si cela ne sert à rien ?

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no

36. (Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 24, modifié par le sous-amendement no

36. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente.

M. Salles et M. Foucher ont présenté un amendement, no 33, ainsi rédigé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« L'article L.

421-1 du code de l'urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le permis peut être refusé à toute personne morale, quelle qu'en soit la forme juridique ou l'objet, qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer ou d'exploiter la dépendance psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités et constituant une menace à l'ordre public, dès lors qu'elle figure sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat. »

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Il s'agit, de répondre à la nécessité d'améliorer le dispositif. Nous avons constaté que, quel que soit le périmètre retenu - 100, 200 ou 300 mètres -, tout cela est compliqué. Ce qu'il faudrait parvenir à faire, c'est donner aux maires la possibilité de refuser l'octroi d'un permis de construire.

En effet, on a vu un bon nombre de sectes s'installer dans des communes sans que les maires puissent leur refuser les permis de construire qu'elles sollicitaient, tout simplement parce que les dossiers déposés respectaient les règlements d'urbanisme. A la suite de quoi, les habitants des communes concernées reprochaient à leurs maires respectifs de ne rien faire pour empêcher les sectes de s'installer sur le territoire communal, oubliant que si les maires avaient refusé de délivrer un permis de construire, ils auraient été condamnés par les tribunaux, ce qui aurait renforcé la position des sectes.

Cet amendement tend donc à donner le moyen aux maires de refuser légalement un permis de construire sollicité par un groupement sectaire dès lors que l'activité de


page précédente page 05749page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

ce dernier représente une menace à l'ordre public. Bien entendu, cette possibilité est entourée des garanties nécessaires au respect des libertés publiques, puisqu'elle ne vise que les seules personnes morales figurant sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat.

Cette mesure est réclamée avec force par tous les maires, qui se trouvent aujourd'hui confrontés à ce genre de difficulté.

M me la présidente.

Monsieur Salles, vous avez défendu en même temps l'amendement de repli no 34 ?

M. Rudy Salles.

Oui, madame la présidente. Cet amendement de repli vise à compléter les dispositions limitant l'installation des groupements sectaires en conférant au maire la possibilité de refuser l'octroi d'un permis de construire à un groupement sectaire ayant fait l'objet d'au moins deux condamnations pénales pour les infractions définies par la loi.

Mme la présidente.

L'amendement no 34, présenté par M. Salles et M. Foucher, est ainsi libellé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« L'article L.

421-1 du code de l'urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le permis peut être refusé à toute personne morale, quels qu'en soient la forme juridique ou l'objet, qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer ou d'exploiter la dépendance psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, lorsque ont été prononcées à plusieurs reprises, contre la personne morale ellemême ou ses dirigeants de droit ou de fait, des condamnations pénales pour l'une ou l'autre des infractions mentionnées aux 1o , 2o et 3o du présent article. »

Sur cet amendement, Mme Picard, rapporteuse, a présenté un sous-amendement, no 37, ainsi rédigé :

« A la fin de l'amendement no 34, substituer aux mots : "aux 1o , 2o et 3o du présent article", les mots : "ci-après" :

« 1o Infractions d'atteintes volontaires ou involontaires à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne, de mise en danger de la personne, d'atteinte aux libertés de la personne, d'atteinte à la dignité de la personne, d'atteinte à la personnalité, de mise en péril des mineurs ou d'atteintes aux biens prévues par les articles 221-1 à 221-6, 222-1 à 222-40, 223-1 à 223-15, 224-1 à 224-4, 225-5 à 225-15, 225-16-4 à 225-16-6, 225-17 et 225-18, 226-1 à 226-23, 227-1 à 227-27, 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-12, 313-1 à 313-4, 314-1 à 314-3 et 324-1 à 324-6 du code pénal ;

« 2o Infractions d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie prévues par les articles L.

376 et L.

517 du code de la santé publique ;

« 3o Infractions de publicité mensongère, de f raudes ou de falsifications prévues par les articles L.

121-6 et L.

213-1 à L.

213-4 du code de la consommation. »

La parole est à Mme la rapporteuse, pour donner l'avis de la commission sur les amendements no 33 et no 34 et pour soutenir le sous-amendement no

37.

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

La commission a repoussé l'amendement no 33 qui prévoit une liste fixée par décret en Conseil d'Etat, car cela paraît prématuré.

Elle demande donc le retrait de cet amendement.

En revanche, elle a retenu l'amendement no 34, qui complète utilement la disposition fixant un périmètre de protection, sous réserve de l'adoption de son sousamendement no 37 qui vise à corriger une erreur de référence.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Le Gouvernement ne peut être favorable aux amendements nos 33 et 34, même s'il comprend les objectifs poursuivis par leurs auteurs.

D'une manière générale, la question des permis de construire constitue, surtout en ce qui concerne les sectes, une question complexe qui ne peut être réglée de manière précipitée par l'adoption d'un amendement. Déposé la veille du débat il y faut une analyse juridique approfondie de la part des différents ministères concernés, et pas seulement de celui de la justice.

Sur les plans juridique et constitutionnel, ces amendements soulèvent d'importantes questions, voire risquent de créer de graves difficultés. Je ne vois pas comment il serait possible de fixer dans un décret la liste des associations sectaires, comme l'envisage l'amendement no

33. Quant à l'amendement no 34, qui essaie de contourner c ette difficulté en reprenant les critères visés dans l'article 1er de la loi, à savoir l'existence de plusieurs condamnations portant sur une liste limitative d'infractions, sa rédaction incomplète ne permettra pas d'aboutir au résultat recherché, même si le sous-amendement no 37 de la commission tend à la corriger.

En tout état de cause, le fait même qu'un groupement puisse avoir un caractère sectaire qui aurait été reconnu par des décisions judiciaires ne paraît pas de nature à lui seul à permettre de lui refuser un permis de construire, car ce refus doit dépendre de la nature de la construction envisagée.

En outre, les dispositions actuelles de notre droit sont déjà applicables. Ainsi, dans l'affaire de la secte du Mandarom, une condamnation assortie de l'obligation sous astreinte de démolir un temple construit par la secte a été prononcée en appel et a fait l'objet d'un pourvoi en cassation pour violation des règles de l'urbanisme.

M. Rudy Salles.

Des règles de l'urbanisme justement ! Ce n'est pas le problème !

M. Jacques Myard.

En effet, cela n'a rien à voir !

Mme la présidente.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Bernard Roman, président de la commission.

Je soutiens sans réserve le principe qui sous-tend l'amendement no 34. L'alternative est la suivante : étant donné les immenses difficultés qui existent pour « recaler » le code de l'urbanisme, on peut retenir ou non l'amendement. Et si l'on opte pour la dernière solution, on peut voir comment, d'ici à la lecture définitive, il est possible de faire en sorte de surmonter les problèmes qui se posent et avancer. En tout cas, telle est la position que j'adopte, et je crois qu'elle est partagée par l'ensemble des parlementaires.

Les dispositions actuelles du code de l'urbanisme ne permettent pas aux maires de refuser un permis de construire pour le type de construction en cause. C'est pourquoi, afin que les maires puissent s'appuyer sur des dispositions concrètes, l'amendement no 34 vise à ajouter d'autres critères à ceux qui existent déjà dans le code de l'urbanisme pour refuser un permis de construire.


page précédente page 05750page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

Cela dit, il conviendrait d'envisager le cas où le demandeur du permis de construire n'est pas la secte ellemême, mais une personne qui entretient des relations avec elle. Car, tel qu'il est rédigé, l'amendement risque de conduire à ce qu'aucune personne morale d'origine sectaire ne demande de permis de construire ; en revanche, il se constituera des sociétés civiles immobilières totalement neutres qui mettront à la disposition des sectes des locaux dont la construction n'aura pas pu être interdite.

Globalement, nous poursuivons tous le même objectif.

Nous devons au moins marquer la volonté qui est la nôtre, tout en sachant, qu'il faut compte tenu des lacunes qui subsistent, continuer à travailler pour améliorer la rédaction du texte d'ici à la lecture définitive.

Mme la présidente.

La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé.

Je suis d'accord avec le président de la commission des lois sur la nécessité de continuer la réflexion.

Cela dit, quels que soient les obstacles juridiques existants, l'amendement principal et l'amendement de repli de M. Salles doivent être soutenus étant donné les problèmes qui se posent sur le terrain - et nous avons tous des exemples en tête.

Je connais le cas d'un maire qui a refusé aux Témoins de Jéhovah la construction d'un lieu de rendez-vous (Murmures), d'un lieu de rassemblement voulais-je dire, et auquel le tribunal administratif a donné tort.

Au demeurant, il est dommage que l'administration, qui ne prend pas de gants pour refuser tel ou tel permis de construire sans justification perceptible, doute de l'esprit de responsabilité des élus.

Bien sûr, je suis d'accord pour peaufiner le texte et pour trouver une solution qui soit plus consensuelle, mais je tenais à insister sur les difficultés que nous rencontrons sur le terrain. A cet égard, comment ne pas penser au problème posé par les fameuses croix de Dozulé dont l'un de nos collègues parlait tout à l'heure ? Il faut songer à la situation insupportable dans laquelle se trouvent les élus de toutes petites communes qui sont confrontés à des mouvements sectaires nationaux dotés de très gros moyens, notamment médiatiques. Voilà un motif profond de réflexion.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Je suis d'accord avec Rudy Salles. Le problème des permis de construire est un vrai problème auquel ceux d'entre nous qui sont maires sont régulièrement confrontés.

Cela dit, nous considérons qu'il y a quelque chose de plus fort que la réglementation : la conscience ! Mais en agissant selon sa conscience, un maire qui refuse l'octroi d'un permis de construire à une organisation sectaire se retrouve devant un tribunal, qui, évidemment, tranche en droit et le condamne. C'est légitime au regard du droit, mais certainement pas au regard de la morale.

Avec la nouvelle législation proposée, le maire de Louviers aurait pu s'opposer à l'installation des Témoins de Jéhovah, cette organisation criminelle qui conduit certains de ses membres à la mort par refus de la transfusion sanguine et a pourtant réussi à constituer dans cette ville une espèce d'enclave bénéficiant quasiment d'un statut d'exterritorialité, les autorités ayant pour le moins des comportements bizarres en matière de contrôle.

Je souhaite vivement que le problème soulevé par notre collègue soit réglé, aujourd'hui ou d'ici à la deuxième lecture. Profitons de l'occasion qui nous est offerte par ce texte. Nous ne réglerons pas ainsi tous les problèmes posés par les sectes, notamment les problèmes relatifs à la formation professionnelle, mais au moins - aurons-nous réglé - le problème posé par le refus d'accorder un permis de construire.

Mme la présidente.

La parole est à M. Rudy Salles.

Puis, nous passerons au vote.

M. Rudy Salles.

Je retire l'amendement no 33, mais je maintiens l'amendement no 34. Je remercie les collègues qui m'ont apporté leur soutien.

Pour ma part, j'ai été profondément touché par le fait que des maires qui n'avaient pu légalement s'opposer à la délivrance d'un permis de construire se sont trouvés accusés par leurs administrés de connivence avec les sectes.

M. Jacques Myard.

Eh oui !

M. Rudy Salles.

Le texte de cet amendement est peutêtre imparfait, mais il sera toujours possible de l'améliorer au cours de navettes. En tout cas, il faut donner aux maires les moyens de refuser un permis de construire sollicité par un groupement sectaire.

Mme la présidente.

L'amendement no 33 est retiré.

Je mets aux voix le sous-amendement no

37. (Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 34, modifié par le sous-amendement no

37. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente.

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement, no 25, ainsi rédigé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« Est puni de 50 000 francs d'amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit, des messages destinés à la jeunesse et faisant la promotion d'une personne morale, quels qu'en soient la forme juridique ou l'objet, qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer ou d'exploiter la dépendance psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, lorsqu'ont été prononcées à plusieurs reprises, contre la personne morale elle-même ou ses dirigeants de droit ou de fait, des condamnations pénales définitives pour l'une ou l'autre des infractions mentionnées ciaprès :

« 1o Infractions d'atteintes volontaires ou involontaires à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne, de mise en danger de la personne, d'atteinte aux libertés de la personne, d'atteinte à la dignité de la personne, d'atteinte à la personnalité, de mise en péril des mineurs ou d'atteintes aux biens prévues par les articles 221-1 à 221-6, 222-1 à 222-40, 223-1 à 223-15, 224-1 à 224-4, 225-5 à 225-15, 225-16-4 à 225-16-6, 225-17 et 225-18, 226-1 à 226-23, 227-1 à 227-27, 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-12, 313-1 à 313-4, 314-1 à 314-3 et 324-1 à 324-6 du code pénal.

« 2o Infractions d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie prévues par les articles L.

376 et

L. 517 du code de la santé publique.

« 3o Infractions de publicité mensongère, de f raudes ou de falsifications prévues par les articles L.

121-6 et L.

213-1 à L.

213-4 du code de la consommation.

« Les mêmes peines sont applicables lorsque les messages visés au premier alinéa du présent article invitent à rejoindre une telle personne morale.


page précédente page 05751page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal des infractions définies au présent article. La peine encourue par les personnes morales est l'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal. »

La parole est à Mme la rapporteuse.

M me Catherine Picard, rapporteuse.

L'amendement no 25 tend à sanctionner le fait de diffuser des messages destinés à la jeunesse et faisant la promotion d'une personne morale qui se livre à des activités dont le but ou l'effet est de « créer ou d'exploiter la dépendance psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités » phrase qui est le fil conducteur de notre réflexion de ce matin et qui a fait l'objet, directement ou à travers ses dirigeants, de plusieurs condamnations pénales définitives.

M. Jacques Myard.

Très bien !

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Cette disposition équilibrée est tout à fait justifiée. Les messages à la jeunesse mérite une vigilance toute particulière. Avis favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

25. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement, no 26, ainsi rédigé :

« Après l'article 3, insérer la division et l'intitulé suivants :

« C HAPITRE V

« Dispositions instituant le délit de manipulation mentale » La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

Cet amendement propose de distinguer, dans un chapitre V, les dispositions de la présente proposition de loi tendant à instituer un délit de manipulation mentale.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

26. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement, no 27, ainsi libellé.

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« Il est créé, après l'article 225-16-3 du code pénal, une section III ter ainsi rédigée :

« Section III ter

« De la manipulation mentale

« Art. 225-16-4 Le fait, au sein d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer ou d'exploiter la dépendance psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, d'exercer sur l'une d'entre elles des pressions graves et réitérées ou d'utiliser des techniques propres à altérer son jugement afin de la conduire, contre son gré ou non, à un acte ou à une abstention qui lui est gravement préjudiciable, est p uni de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amende.

« Art. 225-16-5 L'infraction prévue à l'article 225-16-4 est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 francs d'amende lorsqu'elle est commise sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur.

« Art. 225-16-6 Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, des infractions définies à la présente section.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;

« 2o Les peines mentionnées à l'article 131-39.

« L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle infraction a été commise. »

M me Catherine Picard, rapporteuse.

L'amendement no 27 tend à instituer dans notre droit un nouveau délit de manipulation mentale. J'ai bien entendu les mises en garde de Mme la garde des sceaux. En aucun cas, ne sauraient être visés les syndicats, les groupements professionnels ou les mouvements politiques. Au reste, le nombre des infractions commises par ces groupements est sans commune mesure avec celui des infractions commises par les mouvements sectaires, qu'il s'agisse de menaces, d'escroqueries, de discours antisociaux, d'utilisations frauduleuses ou d'actes de déstabilisation mentale.

Si la réflexion doit se poursuivre sur ce point, cela se fera au cours des navettes. En attendant, la commission s'est prononcée pour l'institution de ce nouveau délit.

M. Jacques Myard.

Très bien !

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Ainsi que Mme la garde des sceaux l'a indiqué tout à l'heure, le Gouvernement comprend l'objectif visé par l'amendement. En effet, il semble qu'il y ait une lacune dans l'arsenal répressif actuel pour combattre certains agissements qui justifient pourtant, en raison de leur gravité, une sanction pénale.

Mais il faut toujours faire preuve d'une grande prudence lorsqu'on entre dans le champ des incriminations pénales. Les contours de la nouvelle infraction devront être examinés avec attention et on devra s'assurer qu'elle ne porte pas atteinte à des libertés constitutionnelles. Le Gouvernement procédera à des consultations en ce sens, notamment auprès de la Commission consultative des droits de l'homme.

En l'état actuel des choses, le Gouvernement est favorable à l'amendement.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

27. (L'amendement est adopté.)


page précédente page 05752page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

Mme la présidente.

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement, no 28, ainsi rédigé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« Au premier alinéa de l'article 225-19 du code pénal, les mots : "par les sections 1 et 3" sont remplacés par les mots : "par les sections 1, 3 et 3 ter ". »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

Cet amendement étend le champ des peines complémentaires prévues par l'article 225-19 du code pénal au nouveau délit de manipulation mentale.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

28. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement, no 29, ainsi rédigé :

« Après l'article 3, insérer la division et l'intitulé suivants :

« Chapitre VI. - Dispositions diverses » La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

Cet amendement tend à distinguer, dans un chapitre VI, les dispositions diverses de la proposition de loi.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

29. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 7, ainsi rédigé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« A l'article 2-17 du code de procédure pénale, après le mot : "association", sont insérés les mots : "reconnue d'utilité publique". »

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre des relations avec le Parlement.

La loi renforçant la protection de la présomption d'innocence a inséré dans le code de procédure pénale un nouvel article 2-17 permettant aux associations de lutte contre les sectes de se constituer partie civile en cas de commission de certaines infractions portant atteinte aux droits de l'homme.

Il convient toutefois de limiter cette possibilité aux associations reconnues d'utilité publique, comme cela avait été admis lors de la discussion parlementaire de cette loi, cette limitation n'ayant toutefois pas pu être insérée dans l'article car celui-ci avait été voté en termes conformes par les deux assemblées dès les premières lectures.

M me la présidente.

Il s'agit donc, monsieur le ministre, de la première modification de la loi du 15 juin 2000.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement du Gouvernement ?

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

La commission est favorable.

J'indique dès à présent qu'elle a présenté un amendement no 30, qui vise lui aussi à modifier l'article 2-17 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de l'article 105 de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, lequel permet aux associations de lutte contre les sectes d'exercer les droits reconnus à la partie civile.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement, no 30, ainsi libellé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« Après les mots : "d'exploiter une dépendance psychologique ou physique," la fin de l'article 2-17 du code de procédure pénale est ainsi rédigée : "exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions d'atteintes volontaires ou involontaires à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne, de mise en danger de la personne, d'atteinte aux libertés de la personne, d'atteinte à la dignité de la personne, d'atteinte à la personnalité, de mise en péril des mineurs ou d'atteintes aux biens prévues par les articles 221-1 à 221-6, 222-1 à 222-40, 223-1 à 223-15, 224-1 à 224-4, 225-5 à 225-15, 225-16-4 à 225-16-6, 225-17 et 225-18, 226-1 à 226-23, 227-1 à 227-27, 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-12, 313-1 à 313-4, 314-1 à 314-3 et 324-1 à 324-6 du code pénal, les infractions d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie prévues par les articles L. 376 et L. 517 du code de la santé publique, et les infractions de publicité mensongère, de fraudes ou de falsifications prévues par les articles L. 121-6 et L. 213-1 à 213-4 du code de la consommation, lorsque l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée." » Sur cet amendement, M. Salles et M. Foucher ont présenté un sous-amendement, no 32, ainsi rédigé :

« A la fin du dernier alinéa de l'amendement no 30, supprimer les mots : ", lorsque l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée". »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

Si elle a adopté l'amendement no 30, la commission a repoussé le sousamendement no

32.

Mme la présidente.

La parole est à M. Rudy Salles, pour soutenir le sous-amendement no

32.

M. Rudy Salles.

Je ne comprends pas la position de la commission contre le sous-amendement. En effet, la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence a marqué un progrès en permettant aux associations de se porter partie civile, mais celles-ci ne peuvent se porter partie civile à titre principal.

On se plaint très souvent que les affaires n'arrivent pas devant la justice. La raison en est qu'il n'y a pas de plainte, ce qu'a rappelé Mme la garde des sceaux ellemême. Si l'on veut que des plaintes soient déposées, il faut que les associations puissent agir.

Dans la mesure où un amendement du Gouvernement limite la faculté de porter plainte aux associations reconnues d'utilité publique, le risque d'inflation judiciaire est écarté. A l'heure actuelle, les sectes peuvent tirer avantage de la situation : s'il n'y a pas de plainte, il n'y a pas d'affaire, et les sectes sont donc protégées.


page précédente page 05753page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

C'est pourquoi je demande instamment à l'Assemblée de voter un sous-amendement, qui est le seul moyen d'amener devant la justice un certain nombre de plaintes valables.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et sur le sous-amendement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement, mais défavorable au sous-amendement. En effet, ce dernier revient sur l'équilibre du texte de l'article 2-17 du code de procédure pénale, contrairement aux amendements du Gouvernement et de la commission, qui apportaient à ce texte des précisions conformes à l'esprit du texte originel issu de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence.

C'est de façon délibérée et réfléchie que l'article 2-17 - comme d'ailleurs les articles 2-18, 2-19 et 2-6, également créés ou modifiés par la loi du 15 juin dernier donne à diverses associations, y compris aux associations de lutte contre les sectes, la possibilité de se constituer partie civile incidente, mais pas celle d'engager ellesmêmes des poursuites en se constituant partie civile à titre principal. Il ne semble pas opportun de donner à une association de droit privé, fût-elle reconnue d'utilité publique, le droit d'engager des poursuites dans des hypothèses où le procureur de la République lui-même aurait estimé ne pas devoir le faire.

Comme l'a rappelé M. Albertini dans son rapport sur les associations, c'est aux parquets, qui représentent la société, d'engager les poursuites. Les parquets ont été sensibilisés au problème des sectes par deux circulaires successives et ils font aujourd'hui preuve d'une particulière vigilance et d'une particulière fermeté en ce domaine.

Une troisième circulaire accompagnera la présente proposition de loi quand elle sera devenue loi et renforcera encore cette vigilance et cette fermeté.

Il en découle que seules des considérations majeures de droit ou de fait peuvent justifier que le parquet ne mette pas en mouvement l'action publique. Il serait donc très inopportun de privatiser l'action publique en permettant à une association de passer outre la décision du ministère public.

Cette règle est, depuis maintenant de nombreuses années, toujours retenue par le législateur lorsqu'il confère de nouveaux droits à des associations. Elle paraît encore plus justifiée en la matière compte tenu des enjeux et, notamment, du caractère novateur de certaines des infractions créées par le texte en discussion, tel que le délit de manipulation mentale.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

J'approuve le sous-amendement défendu par M. Salles. Je ne partage donc pas, monsieur le ministre, votre opinion sur la façon traditionnelle dont le législateur procéderait depuis de nombreuses années puisque, sauf erreur de ma part, la loi de 1972 sur le racisme permet au MRAP et à SOS-Racisme de se constituer partie civile sans attendre que le procureur déclenche lui-même la procédure.

Compte tenu des précautions qui ont été prises pour bien identifier les associations ayant qualité pour instrumenter, je pense qu'il faut élargir cette possibilité aux associations dont on connaît l'engagement et ne pas s'en remettre exclusivement aux procureurs, pour lesquels nous avons la plus grande considération, comme chacun sait, même si, à Marseille, l'affaire de l'Eglise de scientologie montre qu'il vaut mieux prendre des précautions.

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque.

Les arguments du Gouvernement me semblent pertinents. Mais les arguments de JeanPierre Brard le sont tout autant !

M. Jean-Pierre Brard.

Voilà qui est cornélien !

M. Philippe Vuilque.

Le sous-amendement présente au moins l'intérêt de poser les termes du débat. Nous pourrions rediscuter du sujet d'une manière plus approfondie entre nous - le jeu en vaudrait peut-être la chandelle -, notamment au sein de notre groupe d'étude sur les sectes.

Il serait également souhaitable que nous en rediscutions avec les associations. Aujourd'hui, nous ne disposons pas de tous les éléments pour décider en toute connaissance de cause. Il me semblerait donc préférable de ne pas adopter le sous-amendement en l'état.

Mme la présidente.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Je voudrais rappeler à M. Vuilque que le sujet n'est pas nouveau. Avec M. Brard, j'ai siégé à la commission d'enquête de 1995 et, dans les conclusions de notre rapport figurait cette proposition à laquelle la chancellerie, craignant un risque d'inflation judiciaire, s'opposait déjà. Nous proposions alors que ne soient c oncernées que les associations reconnues d'utilité publique, ce qui n'a pas été prévu dans la loi du 15 janvier 2000. Mais c'est ce que vient à son tour de proposer le Gouvernement.

L'amendement no 7 du Gouvernement vient en fait libérer nos possibilités d'agir. Permettre l'action des associations est fondamental pour que ces affaires arrivent devant la justice. Si ce ne sont pas les associations reconnues d'utilité publique qui portent les affaires devant la justice, qui le fera ? Les anciens adeptes, une fois sortis des sectes, sont tellement affaiblis, ils se sentent tellement menacés qu'ils ne peuvent pas aller devant un tribunal.

Nous avons reçu, dans le cadre de la première commission d'enquête, d'anciens adeptes. Nous avons eu en face de nous des gens terriblement affaiblis. Lorsqu'ils étaient parvenus au terme d'une procédure, ç'avait été après un p arcours du combattant extraordinaire, manifestation d'un courage hors du commun.

De grâce, si nous voulons lutter contre les sectes, adoptons le sous-amendement ! Sinon, un très petit nombre de plaintes arriveront devant les tribunaux et les sectes continueront de prospérer.

Mme la présidente.

La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé.

Je souhaite soutenir le sous-amendement de M. Salles et les positions que vient de prendre Jean-Pierre Brard.

En effet, en toute choses il faut savoir mesurer le risque. Or le risque est en l'occurrence encadré, si je puis dire, puisque le Gouvernement a proposé de ne retenir que les associations d'utilité publique.

Lorsqu'on vote des lois, il faut savoir ne pas être trop frileux. Or, j'ai le sentiment qu'on l'est un peu. Ne restons pas au milieu du gué ! Faisons un petit effort en votant un sous-amendement, qui me paraît tout à fait raisonnable. Si vous constatez que cela va un peu plus loin que ce que vous souhaitez, il sera toujours temps de réfléchir de nouveau au problème. La preuve en est que cela est possible puisque, ainsi que vous l'avez fait remarquer, madame la présidente, nous venons de modifier un texte de loi qui date de quelques jours.


page précédente page 05754page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no

32. (Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 30, modifié par le sous-amendement no

32. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente.

M. Doligé et M. Albertini ont présenté un amendement, no 35, ainsi libellé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« Il est inséré après l'article 6 septies de l'ordonnance no 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, un article 6 octies ainsi rédigé :

« Art. 6 octies. - I. - Il est constitué, dans chacune des deux assemblées du Parlement, une délégation parlementaire pour la prévention des activités à caractère sectaire.

« Chaque délégation comprend quinze membres.

« Les membres de ces délégations sont désignés par chacune des deux assemblées de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes politiques.

« La délégation de l'Assemblée nationale est désignée au début de chaque législature pour la durée de celle-ci.

« La délégation du Sénat est désignée après chaque renouvellement partiel. »

« II. - Sans préjudice des compétences des commissions permanentes, ces délégations sont chargées d'évaluer les conséquences sur les activités à caractère sectaire de la politique mise en oeuvre par le Gouvernement et d'en informer les assemblées.

En ce domaine, elles assurent le suivi de l'application des lois.

« En outre, les délégations peuvent se saisir de toute question relative à la lutte contre les sectes ou être saisies par :

« 1o Le bureau de l'une ou l'autre assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d'un président de groupe ou de soixante députés ou quarante sénateurs ;

« 2o Une commission spéciale ou permanente.

« Les délégations recueillent des informations et des données nationales et internationales sur les activités des sectes.

« Elles demandent à entendre les ministres. Le Gouvernement leur communique les informations utiles et les documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission. »

« III. - Les délégations établissent, sur les questions dont elles se saisissent ou sont saisies, des rapports comportant des recommandations qui sont déposés sur le bureau de l'assemblée dont elles relèvent et transmis aux commissions parlementaires compétentes. Ces rapports sont rendus publics. »

« IV. - Chaque délégation organise la publicité de ses travaux dans les conditions définies par le règlement de chaque assemblée.

« La délégation de l'Assemblée nationale et celle du Sénat peuvent décider de tenir des réunions conjointes. »

« V. - Les délégations établissent leur règlement intérieur. »

La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé.

Il n'est pas dans ma nature de vouloir créer des groupes, des commissions, des colloques ou autres lieux de réunion. Mais je pense que, de temps à autre, il est nécessaire de créer de structures pour suivre l'application des dispositions que nous votons et vérifier leur efficacité.

En matière de surveillance des sectes, il existe la MILS, au niveau interministériel, donc au niveau supérieur.

Dans les départements, les préfets et les procureurs ont été sollicités pour mettre en place des structures spécifiques. Or nous avons constaté que sur le terrain, le but que nous nous étions fixé était bien d'être atteint. Connaissant l'art de la manipulation non seulement mentale, mais aussi la manipulation par des textes que diffusent certaines structures sectaires, je souhaite que nous mettions en place au niveau parlementaire, à l'Assemblée et au Sénat, des délégations qui puissent suivre l'évolution des textes et leur application.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

J'ai bien entendu les arguments de M. Doligé. Il existe déjà un groupe d'étude parlementaire et une mission interministérielle de lutte contre les sectes, qui nous ont permis de travailler comme nous le faisons aujourd'hui.

La proposition de notre collègue n'a donc pas sa place dans la proposition de loi. Je propose à M. Doligé que nous mettions au point, dans la suite de nos travaux, des modalités de suivi conformes à son souhait.

L'amendement a été rejeté par la commission.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

L'avis du Gouvernement est réservé.

En premier lieu, je ne suis pas certain que la création de nouvelles délégations parlementaires doive se faire d'une façon aussi précipitée, sans une réflexion préalable et approfondie.

En second lieu, je me demande si de telles délégations sont véritablement indispensables compte tenu des institutions existantes, telle que la mission interministérielle de lutte contre les sectes, et des autres possibilités dont dispose le Parlement, telles que les missions d'enquête, afin de jouer son rôle dans le combat contre ces groupements.

Dans ces conditions, je suggère à M. Doligé de retirer son amendement. Si ce dernier était maintenu, le Gouvernement ne pourrait y être favorable.

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque.

Je pense que l'amendement traduit une bonne idée, mais je partage l'avis de la rapporteuse et du Gouvernement, qui considèrent que la proposition de M. Doligé n'a pas sa place dans le texte.

Il s'agit cependant d'une bonne idée car le travail parlementaire sur ce sujet doit avoir une pérennité. Certes, il existe le groupe de travail sur les sectes, mais nous n'avons ni les moyens matériels ni les moyens humains pour assurer un suivi. De plus, il me semble que l'éventuelle création de délégations parlementaires doit faire l'objet d'un débat entre nos groupes politiques pour que nous sachions si nous devons la décider ou non. J'y serais quant à moi favorable car il en résulterait un effet d'annonce qui permettrait au Parlement de suivre précisément, en complément de ce que fait la MILS, les affaires sectaires, et nous pourrions ainsi étudier très précisément l'évolution des choses.


page précédente page 05755page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

J'approuve les propos de M. Vuilque. Je souhaiterais que l'amendement ne soit pas rejeté car cela scléroserait un peu la situation, mais qu'il soit retiré. Je préférerais que nous nous donnions un peu de temps pour en discuter entre nous, notamment au sein de notre groupe d'étude.

Monsieur le ministre, je ne peux pas adhérer à ce que vous avez dit sur les commissions d'enquête. Nous en avons déjà eu deux en trois ans et, même si divers thèmes de recherche peuvent être suggérés, il m'étonnerait que notre assemblée décide de créer une troisième commission d'enquête dans des délais brefs.

Nous pourrions discuter du sujet entre nous pour décider de la suite que nous pourrions donner à la proposition de M. Doligé. Le rejet de l'amendement serait, me semble-t-il, un peu gênant. Mais il n'appartient qu'à notre collègue de décider de son retrait.

Mme la présidente.

La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé.

Comme le dit un proverbe guerrier bantou : « Si tu avances, tu meurs ! Si tu recules, tu meurs ! Alors, mieux vaut avancer. »

Je retire l'amendement car le plus important est de faire avancer les choses et en le retirant, je n'ai pas l'impression de mourir. (Applaudissements sur divers bancs.)

Mme la présidente.

L'amendement no 35 est retiré.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 8, ainsi rédigé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« La présente loi est applicable en NouvelleCalédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna et dans la collectivité territoriale de Mayotte. »

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Cet amendement étend l'application de la loi à la NouvelleCalédonie, à la Polynésie française, aux îles Wallis-etFutuna et à la collectivité territoriale de Mayotte.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement est adopté.)

Titre

Mme la présidente.

Je donne lecture du titre de la proposition de loi :

« Proposition de loi tendant à renforcer le dispositif pénal à l'encontre des associations ou groupements constituant, par leurs agissements délictueux, un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine. »

Mme Picard, rapporteuse, a présenté un amendement, no 31, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le titre de la proposition de loi :

« Proposition de loi tendant à renforcer la prévention et la répression à l'encontre des groupements à caractère sectaire. »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Catherine Picard, rapporteuse.

Cet amendement tend à modifier le titre de la proposition de loi afin de tenir compte des dispositions nouvelles introduites par l'Assemblée nationale.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Favorable.

Mme la présidente.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Pour la première fois, une référence aux sectes va apparaître dans le titre d'une loi : cela nous satisfait pleinement. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

31. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, le titre de la proposition de loi est ainsi rédigé.

Vote sur l'ensemble

Mme la présidente.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté. - Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme la présidente.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Discussion, en lecture définitive, du projet de loi, no 2453, modifiant la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives : M. Pierre Leroy, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 2475) ; Discussion de la proposition de résolution, no 2333, de M. Bernard Accoyer tendant à créer une commission d'enquête sur les conditions de sécurité sanitaire liées aux différentes « pratiques non réglementées de modifications corporelles » (piercing, tatouage, scarification, implants divers de corps étrangers) : M. Jean Rouger, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 2451) ; Discussion, en lecture définitive, du projet de loi no 2487, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage : Mme Raymonde Le Texier, rapporteur au nom de la commission de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2488) ; Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du proj et de loi relatif au référé devant les juridictions administratives :


page précédente page 05756

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 22 JUIN 2000

M. François Colcombet, rapporteur (rapport no 2460) ; (Procédure d'examen simplifiée - Art. 106 du règlement.)

; Discussion, après déclaration d'urgence, des propositions de loi organique : no 1448 de M. Emile Vernaudon destinée à améliorer l'équité des élections à l'Assemblée de la Polynésie française ; no 2329 de M. Emile Vernaudon relative à l'élection de l'Assemblée de la Polynésie française ; no 2410 de M. Michel Buillard tendant à modifier la loi no 52-1175 du 21 octobre 1952 pour rééquilibrer la répartition des sièges à l'Assemblée de la Polynésie française : M. Jean-Yves Caullet, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2473).

(Discussion générale commune.)

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique) : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT