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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 JUIN 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES

1. Proclamation d'un député (p. 5825).

2. Solidarité et renouvellement urbains. - Discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi (p. 5825).

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Patrick Rimbert, rapporteur de la commission de la production.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 5828)

Exception d'irrecevabilité de M. José Rossi : MM. Francis Delattre, le rapporteur, Gilles Carrez, Marc-Philippe Daubresse. - Rejet.

QUESTION PRÉALABLE (p. 5835)

Question préalable de M. Jean-Louis Debré : MM. Gilles Carrez, Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; le rapporteur, Yves Dauge, Serge Poignant, Henri Plagnol. Rejet.

3. Ordre du jour de l'Assemblée (p. 5845).

4. Organisation de la discussion du projet de loi de finances pour 2001 (p. 5845).

5. Solidarité et renouvellement urbains. - Reprise de la discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi (p. 5845).

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 5845)

Mme Janine Jambu,

MM. Marc-Philippe Daubresse, Gérard Charasse.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

6. Ordre du jour des prochaines séances (p. 5849).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 JUIN 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1 PROCLAMATION D'UN DÉPUTÉ

Mme la présidente.

J'ai reçu, en application de l'article L.O. 179 du code électoral, une communication de M. le ministre de l'intérieur, en date du 26 juin 2000, m'informant que M. Francis Hillmeyer a été élu, le 25 juin 2000, député de la sixième circonscription du Haut-Rhin.

2

SOLIDARITÉ ET RENOUVELLEMENT URBAINS Discussion en nouvelle lecture, d'un projet de loi

Mme la présidente.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 6 juin 2000

« Monsieur le président,

« J'ai été informé que la commission mixte paritaire n'a pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.

« J'ai l'honneur de vous faire connaître que le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture du texte.

« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de ce projet de loi (nos 2408, 2481).

La parole reste à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, en entamant la nouvelle lecture du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, je voudrais dire combien le Gouvernement a apprécié l'importance et la qualité du travail déjà réalisé sur ce texte, tant en commission qu'en séance publique, à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Je ne reviendrai pas sur l'économie générale du texte, déjà longuement commentée dans cette enceinte.

Le Gouvernement a abordé la discussion de ce projet avec un esprit d'ouverture aux propositions des parlementaires et de nombreux amendements, de nombreux enrichissements ont été apportés.

Louis Besson, Claude Bartolone et moi-même avons noté les avancées réalisées lors de la commission mixte paritaire, même si celle-ci n'a pu aboutir à un accord sur l'ensemble des dispositions.

Comme votre rapporteur, M. Patrick Rimbert, l'a mentionné dans son rapport écrit, il convient de souligner l'intérêt du travail du Sénat sur les volets concernant l'urbanisme, les copropriétés ainsi que sur la partie consacrée aux transports.

Toutefois, sur certaines dispositions, parfois essentielles, d'importantes différences d'appréciation subsistent.

Sur les questions touchant à l'urbanisme - notamment sur la réforme des documents d'urbanisme -, le débat qui s'est déroulé au Sénat a permis d'identifier des points majeurs de convergence avec les objectifs proposés par le Gouvernement, même si, sur les modalités ou la rédaction, des divergences peuvent encore subsister. C'est le cas des schémas de cohérence territoriale ou des plans locaux d'urbanisme. Les rédactions proposées par le rapporteur devant votre assemblée permettent de rapprocher les points de vue tout en maintenant le texte adopté par votre assemblée en première lecture sur quelques points particulièrement importants, dont l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme.

Le Gouvernement considère qu'il s'agit là d'une synthèse intéressante, fruit du travail des deux assemblées. Il donnera, en conséquence, un avis favorable à l'ensemble des amendements proposés par le rapporteur sur les articles 2 et 3.

Je viens d'évoquer l'article L. 122-2, article essentiel à l'économie générale de la réforme des schémas de cohérence territoriale, article que le Sénat a souhaité supprimer. Cet article vise à rendre pleinement pertinents les schémas de cohérence territoriale ; une commune qui ne souhaiterait pas être intégrée à un périmètre de schém a de cohérence territoriale ne pourrait poursuivre seule des objectifs de développement qui auraient des conséquences importantes pour l'ensemble du bassin de vie dont elle est membre.

Le texte adopté par votre assemblée prévoyait, dans ce cas, l'impossibilité pour cette commune d'ouvrir de nouvelles zones à l'urbanisation sans l'accord du préfet, dès lors qu'elle se trouvait à l'intérieur d'un périmètre de quinze kilomètres autour d'une agglomération comprenant au moins une commune de 15 000 habitants.

Votre rapporteur propose de rétablir de cette mesure, tout en l'assortissant d'un élément de souplesse : il sera possible au représentant de l'Etat de tenir compte, pour l'application de cette règle, des particularités géogra-


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phiques et physiques qui pourraient conduire à l'en exempter. Le Gouvernement considère qu'il s'agit là d'une proposition positive et donnera un avis favorable à cet amendement.

S'agissant des plans locaux d'urbanisme, sans remettre nullement en cause leur caractère prescriptif, il s'agit de leur conférer la dimension de « projet ». Les propositions de votre rapporteur nous paraissent pertinentes et contribuent très positivement à améliorer le texte.

C ertaines dispositions votées par le Sénat nous semblent plus contestables, notamment celles remettant en cause l'équilibre de nos grandes lois de protection ou celles portant systématiquement atteinte aux droits de recours vis-à-vis des décisions d'urbanisme. Je ne doute pas que votre assemblée améliorera sur ces différents points le texte voté par le Sénat.

Sur le volet logement, Louis Besson aura l'occasion de revenir plus en détail. Mais j'insisterai sur quelques points qui me semblent importants.

D'abord, le Gouvernement souhaite que ce texte permette de conforter et d'adapter les compétences des organismes d'HLM aux missions qui sont les leurs et aux enjeux auxquels ils auront à faire face. C'est le sens des dispositions des articles 62 et 63. Outre leur mission fondamentale de production de logement locatif social, ces organismes pourront intervenir dans le champ de l'accession à la propriété et de l'aménagement urbain et contribuer à la fois au renouvellement urbain et à une vraie politique de mixité sociale dans les quartiers, les villes, les agglomérations.

Ensuite, et c'est la confirmation d'une avancée proposée par votre assemblée, le texte qui vous est soumis aujourd'hui permettra d'inscrire dans la loi la notion de

« logement décent » et ouvrira à chaque locataire la possibilité de saisir le juge pour que les travaux nécessaires puissent être entrepris. Il s'agit là d'une avancée sociale importante ; le droit au logement s'en trouvera conforté.

Enfin, à la suite des propositions du Gouvernement, un accord a eu lieu sur tous les bancs concernant la modernisation des procédures afin de lutter plus efficacement contre l'insalubrité des logements. Je pense à la suppression du paiement du loyer jusqu'à ce que le propriétaire ait effectué les travaux prescrits. C'est une réponse concrète aux préoccupations des plus démunis et des associations qui les soutiennent.

En revanche, et je le regrette sincèrement, le Gouvernement a dû constater que des désaccords fondamentaux, de nature politique, subsistaient à l'issue de cette lecture sur les dispositions relatives à la mixité sociale dans l'habitat, c'est-à-dire l'article 25 du projet de loi.

Par-delà les déclarations d'intention en faveur de la mixité sociale dans l'habitat, la majorité sénatoriale a refusé d'adopter un dispositif permettant effectivement d'avancer dans cette direction, et a vidé ainsi le texte de son contenu.

Rappelons que notre objectif est de mieux répartir l'offre de logement locatif social. La proposition du Sénat visant à exclure toute mesure incitative dès lors que le seuil de 20 % est atteint globalement à l'échelle de l'agglomération revient, de fait, à nier cet objectif de mixité et à se résigner à voir perdurer les inégalités en tre les communes.

Par ailleurs, l'extension considérable des logements éligibles à l'objectif des 20 % est significatif de l'absence de volonté de la majorité sénatoriale de conférer au logement locatif social sa juste place dans chaque commune et chaque agglomération.

Il faut le dire et le redire : trois familles sur quatre sont aujourd'hui éligibles au logement locatif social. Est-ce trop demander que, dans chaque commune, un logement sur cinq réponde à leur demande ? A contrario, cela signifie que l'accession sociale à la propriété et l'investissement locatif privé - tous deux aidés par l'Etat - ont toute leur place dans l'offre pour les quatre logements sur cinq restant ! Enfin, le Sénat a oté toute substance au dispositif proposé par le projet en refusant de donner au préfet les moyens de faire appliquer la loi lorsque les communes refusent de mettre en oeuvre les objectifs de mixité sociale.

La logique politique du dispositif adopté par votre assemblée en première lecture doit être rétablie. Les textes doivent être en cohérence avec les actes.

J'aborderai maintenant les dispositions du titre III qui concernent le volet « déplacements » du projet de loi.

La première lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat a permis d'apporter de nombreuses améliorations au texte que le Gouvernement vous avait soumis au mois de février ; il convient de s'en féliciter. Certaines dispositions, en revanche, ne nous paraissent pas devoir être conservées en l'état.

Il convient de préserver le rôle prescriptif des plans de déplacements urbains, qui a été affaibli par le Sénat. Chacun le sait, avec les nouveaux PDU, les agglomérations pourront disposer d'un outil très efficace pour mieux réguler les trafics et atteindre l'objectif, fixé par la loi de 1996, de réduire la circulation automobile en ville.

Concernant le syndicat mixte à propos duquel nous avions su parvenir ensemble à un certain équilibre entre les différentes approches possibles, je vous confirme que le Gouvernement est favorable au maintien de la rédaction adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale.

Le Sénat a, par ailleurs, repris votre proposition de créer en Ile-de-France, en dehors de Paris et des communes desservies par le métro et le tramway, soit en dehors de la zone de compétence ferroviaire de la RATP, des autorités organisatrices de second rang. Il précise plus clairement les compétences de ces établissements, ce qui confère plus de transparence et de démocratie au système institutionnel. Les élus de la grande couronne pourront ainsi être associés aux décisions sur les niveaux de fréquence, d'offre et les tracés des lignes exploitées sur leur territoire et choisir leur opérateur.

Le Sénat a étendu, dans les articles 41 et 43, à toutes les autorités organisatrices la possibilité de créer un comité des partenaires du transport public, à l'imitation du comité qui sera créé en Ile-de-France. Cette faculté va dans le sens de la démocratie et donc de l'efficacité des décisions publiques.

Enfin, il convient de souligner l'intérêt que représente pour le Gouvernement la disposition autorisant la RATP à sortir des limites géographiques de l'Ile-de-France - ce qu'on appelle la despécialisation.

Cette disposition ne concerne que l'activité des filiales de la RATP en province ou à l'étranger et n'aura donc aucune influence directe sur son activité en Ile-de-France ou sur son statut et celui de ses salariés franciliens.

Cette évolution répond à une attente des personnels de la Régie exprimée par leurs représentants lors d'un récent conseil d'administration.

J'ajoute que la décision du Gouvernement de proposer cette disposition a été prise après une large concertation avec les acteurs du transport, en particulier le Groupe-


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ments des autorités organisatrices de transport, l'Union des transports publics, les groupes privés et les organisations syndicales. Le dialogue que nous avons eu a confirmé l'intérêt de l'évolution qui vous est proposée.

J'ai constaté avec regret que le Sénat avait supprimé l'article, voté par l'Assemblée nationale en première lecture, qui permettait de mieux concrétiser le droit au transport en assurant des réductions tarifaires pour les personnes aux revenus très modestes. Parce qu'il convient d'établir une compatibilité entre l'accessibilité au transport et la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions de 1998, je suis, bien évidemment, d'accord pour que cette disposition soit reprise, adoptée et améliorée ; des amendements ont d'ailleurs été déposés en ce sens.

J'aborderai maintenant la régionalisation des services régionaux de voyageurs.

Avec ce projet de loi, nous tirons l'expérience de l'expérimentation en cours dans sept régions. Je ne reviens pas sur l'intérêt de la réforme qui généralise cette démarche, vécue partout comme très positive. Les débats parlementaires ont toutefois soulevé quelques interrogations. Et les élus régionaux ont exprimé leurs craintes de devoir supporter un transfert de charges insuffisamment équilibré par le transfert de ressources envisagé.

Pour aborder sereinement cette question, il faut rappeler que le transfert des compétences ferroviaires aux régions se fera dans le cadre du droit commun instauré par la décentralisation. Ainsi, l'intégralité des charges i nhérentes aux compétences transférées, au moment même du transfert, seront prises en compte et intégrées dans la dotation générale de décentralisation.

La compensation, fixée en 2002, suivra donc l'indexation de la DGD. Toute modification d'ordre législatif ou réglementaire ayant une incidence financière sur les charges transférées donnera lieu à révision de cette compensation. La commission d'évaluation des charges, à laquelle participent les régions, sera bien évidemment consultée.

Néanmoins, pour répondre aux soucis exprimés par les régions, le Gouvernement a présenté deux amendements.

Le premier vise à prendre en compte les modifications des services d'intérêt régional pouvant intervenir suite à la mise en service d'une ligne nouvelle à grande vitesse ou à la réalisation d'un important projet de modernisation souhaité par l'Etat. Ces décisions, souvent indépendantes des choix des régions, nécessitent la plupart du temps des recompositions de l'offre de service régional de voyageurs pour recréer un réseau cohérent ; il est donc légitime que les charges supplémentaires soient prises en compte. Nous en avons longuement débattu au Sénat et je pense que l'amendement du Gouvernement sur ce sujet permettra de préciser ce dispositif et de répondre aux attentes des régions.

Le second amendement porte sur l'engagement de l'Etat de participer à l'effort de modernisation des gares, en complément du transfert de ressources prévu dans la DGD. En effet, les régions ont fait état du retard important qui avait été pris dans ce domaine. Afin de contribuer à la remise à niveau de ces équipements qui participent pleinement au service public, un programme d'investissements d'une durée de cinq ans, décidé à l'initiative conjointe de la région et de la SNCF, doit permettre de rattraper le retard constaté localement. La participation de l'Etat s'inscrira dans ce cadre conventionnel.

Mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi que vous allez examiner à nouveau assure un certain équilibre entre la nécessaire réaffirmation de l'unicité du système ferroviaire français et le transfert aux régions des outils et des moyens pour réussir cette nouvelle décentralisation de compétences.

Tels sont les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance au début de cette lecture, qui, je suis convaincu, sera fructueuse.

Le Gouvernement souhaite que ce texte soit discuté en nouvelle lecture par le Sénat dans le courant du mois d'octobre et que son adoption définitive par l'Assemblée nationale puisse intervenir cet automne. Ainsi, les équipes municipales qui seront élues ou réélues l'an prochain pourront disposer d'un corpus législatif clair afin de définir les projets voulus par les populations. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. Patrick Rimbert, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Madame la présidente, monsieur le ministre de l'équipement, monsieur le ministre délégué à la ville, monsieur le secrétaire d'Etat au logement, chers collègues, le projet de loi qui nous revient compte aujourd'hui 233 articles. Il en avait 87 lorsque nous l'avons abordé en première lecture ! C'est dire que les deux assemblées ont mené un travail approfondi sur ce texte majeur, malgré la brièveté des délais qui auraient pu effectivement nuire à la qualité du travail parlementaire ; mais nous avons fait la démonstration du contraire et ferons de même pour cette nouvelle lecture.

Il serait cependant hâtif de conclure de ces statistiques que le Sénat aurait pris systématiquement le contre-pied des positions de l'Assemblée nationale. En réalité, comme le soulignait M. le ministre, les sénateurs ont apporté des précisions et des compléments utiles à bon nombre de dispositions que nous avions votées en première lecture.

C'est notamment le cas pour les volets du projet de loi relatifs à l'urbanisme et aux copropriétés.

Le Sénat a amélioré la procédure d'élaboration des documents locaux d'urbanisme en instaurant un diagnostic et un projet d'aménagement préalables. Il a également renforcé la concertation avec les collectivités voisines et a clarifié le régime des zones d'aménagement concerté. Ces précisions sont conformes au souci constant que les députés avaient manifesté en première lecture, celui d'assurer la concertation : avec les habitants, pour que le projet urbain soit un projet partagé ; avec les autres collectivités, car les documents d'urbanisme n'ont pas vocation à s'imposer autoritairement mais doivent être l'aboutissement d'un dialogue entre les territoires urbains, périurbains et ruraux. Ces améliorations sont donc les bienvenues.

C ertaines modifications introduites par la Haute assemblée correspondent cependant à des divergences de fond et justifient par conséquent un retour à la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture.

Pour ce qui concerne l'urbanisme, je pense en particulier aux atteintes portées par les sénateurs aux principes de la loi littoral ou de la loi montagne. Même si je comprends p arfaitement qu'il est nécessaire pour les territoires concernés d'obtenir les moyens de conserver leur vitalité et de stimuler leur économie, je considère que leur développement doit se faire dans le respect des principes des lois littoral et montagne, car l'environnement et les sites naturels sont le bien de tous et doivent être préservés.


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Une autre divergence de fond porte, M. Gayssot l'a souligné, sur la politique de la ville. Le titre II du projet de loi vise à permettre le plein exercice d'un des droits les plus importants garantis par la République : le droit au logement pour tous. Pour de nombreux Français, ce droit est en péril ou n'est pas réellement assuré. Certains en sont exclus faute de trouver, là où ils travaillent, un logement correspondant à leurs moyens. D'autres n'ont pas de logement décent ou vivent dans des lieux qui les marginalisent. L'objectif de 20 % des résidences principales en logements locatifs sociaux conventionnés dans les communes urbaines doit permettre de mieux assurer le droit au logement et la mixité sociale, garants de l'unité nationale. Nous devons également permettre aux copropriétés, qui constituent souvent un parc social de fait, de maintenir la qualité de leur patrimoine et leur donner les moyens de le mettre aux normes sociales actuelles pour qu'elles puissent offrir des logements décents.

Il ne faut cependant pas se cacher, et ce débat a été abordé tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, que si nous parvenons à atteindre ces objectifs de mixité, de construction et de nouvelle offre de logements sociaux, nous courons le risque de voir partir de certains quartiers la population la plus mobile, qui trouverait ailleurs les moyens d'assurer son parcours résidentiel. Pour éviter le risque des ghettos, il est donc nécessaire de renouveler les quartiers d'habitat social. Les mesures de reconstructiondémolition, les grands projets de ville initiés par M. Bartolone ont précisément pour objet d'éviter cet écueil. Ils nécessiteront un effort important et de longue durée de la collectivité nationale, qui justifie que l'on fasse exception à la règle de l'annualité budgétaire.

C'est en réunissant l'ensemble de ces conditions que nous pourrons préserver le modèle de nos villes européennes, qui parviennent à la fois à respecter leur histoire en maintenant la mixité sociale et à assurer leur développement.

M. Gayssot a souligné toute l'importance de la politique des déplacements, qui vise un double objectif. En réalisant des transports en commun fiables et concurrentiels couvrant l'ensemble des lieux urbains et reliant efficacement le centre-ville et la périphérie, les syndicats mixtes et les syndicats de transport doivent à la fois garantir à tous le droit à la ville et assurer le maintien d'une socialisation nécessaire à la coexistence de toutes les catégories de population.

La régionalisation est également une dimension importante de l'aménagement du territoire. La demande des deux assemblées visant à obtenir un transfert de compétences qui ne corresponde pas à un transfert de charges a été largement entendue par le Gouvernement puisqu'il a accepté que l'Etat prenne en charge non seulement l'aménagement des gares, mais également les conséquences des changements opérés par la SNCF sur les grandes lignes afin d'éviter que le service régional ne doive se substituer au service national. Nous sommes ainsi parvenus à un bon équilibre que tout le monde, je l'espère, acceptera.

Grâce à la régionalisation, grâce à l'extension des pouvoirs des autorités organisatrices des transports, grâce à l'importance donnée aux plans de déplacements urbains dans les plans locaux d'urbanisme et les schémas de cohérence territoriale, grâce aussi au développement des plans d'entreprise, nous serons capables d'assurer la cohésion de nos villes en ne confiant plus à la seule voiture la desserte des communes éloignées mais en y étendant le réseau des transports en commun. C'est une avancée dont je me félicite.

Mes chers collègues, nous ne proposons pas de recette miracle.

M. Francis Delattre.

C'est sûr !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Nous n'allons pas, grâce à cette loi, régler tous les problèmes de la ville.

Nous donnons simplement aux élus - ceux qui ont des projets, bien entendu - et aux habitants, qui seront appelés à partager ces projets à travers la concertation, des moyens d'aménager leur territoire et de préserver le modèle de nos villes européennes, intégratrices et mixtes - un modèle qui ne repose pas sur l'exclusion comme c'est le cas pour l'urbanisme de certaines villes de pays anglo-saxons, notamment les Etats-Unis.

Cette loi fixe le cadre de la solidarité entre les territoires et entre les citoyens qui y résident. Elle est à la fois modeste et ambitieuse. Elle ne vivra que si, ensuite, viennent des projets.

J'espère, mes chers collègues, que cette deuxième lecture ne donnera pas lieu à des débats - comment les qualifier ? -...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Dogmatiques ?

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

... idéologiques sur la mixité sociale et la capacité des villes à mener à bien des projets en ce sens. Bonne deuxième lecture, et bon courage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Exception d'irrecevabilité

Mme la présidente.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre.

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbains revient donc devant l'Assemblée en nouvelle lecture. Nous considérons, nous, qu'il a été sensiblement amélioré par les amendements sénatoriaux. Mais, compte tenu des divergences profondes qui persistent entre les deux assemblées, l'échec de la commission mixte paritaire était prévisible. Il n'en est pas moins regrettable...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Certes !

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Bien sûr !

M. Francis Delattre.

... car nous nous privons ainsi de l'expertise des nombreux praticiens de l'urbanisme qui siègent au Sénat.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ils sont nombreux à l'Assemblée aussi !

M. Francis Delattre.

Certains d'entre vous ont regretté que les débats se soient prolongés au Sénat. Nous estimons pour notre part que cet examen approfondi a simplement compensé une préparation hâtive et une consultation des élus locaux pour le moins modeste. Les élus communistes et républicains ont sans doute été consultés, monsieur le ministre, mais il y a beaucoup d'autres associations d'élus locaux et elles ne l'ont pas été.

Or nous recevons tous des délibérations de conseils municipaux qui s'insurgent contre beaucoup de vos dispositions, et pas seulement contre l'article 25. Tous


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relèvent des atteintes aux libertés des collectivités territoriales et regrettent qu'on ait rassemblé dans un seul texte des dispositions concernant des pans entiers de compétences totalement différentes, relatives à l'urbanisme, à la construction de logements sociaux, aux compétences des collectivités et même à la fiscalité.

Qui plus est, vous avez déclaré l'urgence sur un texte aussi complexe, aussi technique. Vous privez ainsi le Parlement d'un véritable dialogue. C'est inadmissible. Cela témoigne d'un certain mépris du Gouvernement à l'égard des élus locaux et nationaux,...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Mais non !

M. Francis Delattre.

... je dirai même d'un certain manque de courage politique. Car les élus locaux, il faut a ller leur parler sur le terrain de leurs difficultés concrètes ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Nous y allons !

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

Souvent ! M. Francis Delattre. Allez parler au maire de Chamalières de la difficulté pour lui de construire en quelques années 1 400 logements sociaux, sans même savoir s'il aura les occupants ! Voilà des discussions sur le terrain qui vous auraient probablement éclairé, monsieur le ministre, car, s'il est facile de l'emporter au Parlement en s'appuyant sur une majorité politique, quand vous serez confronté à l'application concrète de vos mesures, je vous garantis des jours difficiles.

Mme Janine Jambu. C'est ce que vous souhaitez ? M. Francis Delattre. Vos déclarations d'intention, les ambitions affichées dans votre projet de loi sont tout à fait louables, notamment l'objectif de mixité sociale qui n'est pas l'apanage des uns ou des autres. Les situations sont d'une très grande diversité et des élus de tous bords gèrent des villes où la mixité sociale est une préoccupation et un objectif.

M. Alain Cacheux. Alors, il n'y a pas de problème ! M. Francis Delattre. Le problème, mon cher collègue, c'est la méthode. Nous, nous sommes pour une méthode fondée sur l'initiative, sur la responsabilité, et surtout sur le respect des libertés communales et je dirai même des lois Defferre, lois de décentralisation de mai 1982.

M. Alain Cacheux. Elles n'ont jamais été autant défendues !

M. Francis Delattre.

Mais il est assez curieux que ce soit plutôt de notre côté de l'hémicycle qu'on trouve aujourd'hui leurs meilleurs défenseurs ! M. Daniel Marcovitch. C'est ce qu'on appelle le conservatisme !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Dans dix-huit ans, vous serez les meilleurs défenseurs de la loi SRU ! M. Francis Delattre. En tout cas, mes chers collègues, vous devriez normalement vous interroger sur des dispositions qui recentralisent des compétences et des responsabilités en les redonnant aux préfets, c'est-à-dire aux ministères et aux bureaux parisiens. Si vous croyez que vous allez pouvoir gérer, à partir du boulevard SaintGermain,...

M. Alain Cacheux. Le ministère est à La Défense maintenant ! M. Francis Delattre. ... la construction de logements sociaux dans les villes de France, c'est que vous en êtes restés à des conceptions d'un autre âge.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Propos excessifs !

M. Francis Delattre.

Votre texte suscite d'ailleurs la révolte de nombreux maires, y compris dans vos rangs.

Les lettres de protestation que je reçois n'émanent pas seulement d'élus de droite ; il y a aussi beaucoup d'élus du centre gauche et même quelques élus que je soupçonne d'être socialistes.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Oh ! M. Francis Delattre. N'était la discipline de groupe, un certain nombre d'entre vous poseraient des questions proches des nôtres.

M. Gilles Carrez. Quelle lucidité ! M. Francis Delattre. Si nous n'avons rien à redire à vos déclarations d'intention et aux ambitions que vous affichez puisque nous partageons votre objectif, tout le reste pose problème. Selon nous, en effet, les mesures proposées portent une atteinte directe à l'autonomie des collectivités locales et contreviennent à l'article 72 de la Constitution - c'est le principal moyen qui fonde cette exception d'irrecevabilité - aux termes duquel les collectivités territoriales de la République « [...] s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi ».

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

« Dans les conditions prévues par la loi », précisément !

M. Francis Delattre.

Mais oui ! Et j'ai lu dans mon adolescence certains textes sur la force injuste de la loi. A vous aussi, cela rappelle sûrement quelque chose. Nous voici au coeur du sujet.

Ainsi, la sanction financière qui institue un prélèvement à la source sur les recettes fiscales des communes est à l'évidence une disposition anticonstitutionnelle. En première lecture, l'Assemblée nationale avait prévu que ce prélèvement serait modulé en fonction du potentiel fiscal des communes dès lors que celui-ci serait supérieur à 5 000 francs par habitant. Le Sénat a astucieusement substitué à ce mécanisme du prélèvement doublé en cas de carence le principe d'une contribution versée par la commune à l'EPCI compétent ou par l'EPCI au fonds d'aménagement urbain. Et notre rapporteur, que j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt, avouait lui-même : 20 % de logements sociaux répartis entre les villes d'une même agglomération, pourquoi pas ? L'ennui, c'est que vous n'avez pas retenu, en l'occurrence, le concept d'agglomération : vous en êtes restés au concept étriqué de commune.

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Vous ne voulez quand même pas supprimer les communes !

M. Francis Delattre.

La loi Chevènement confère à l'agglomération d'importantes compétences, notamment pour l'aménagement de l'espace, dont les logements sont un élément essentiel. Mais cette compétence-là, vous l'enlevez à l'agglomération pour en réduire l'exercice au niveau des communes. Pourquoi ? Pour pouvoir nommément désigner les deux cents et quelques communes qui n'atteignent pas les 20 % ! Or, messieurs les ministres, si vous voulez donner aux communes qui n'ont pas beaucoup de logements sociaux un intérêt réel à faire de la coopération intercommunale,


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à se constituer en communauté d'agglomération, c'est bien celui-là. Voilà un point d'appui incontestable pour faciliter le développement des communautés d'agglomération tel que l'a prévu la loi Chevènement. Il est aberrant d e leur retirer cette compétence et de priver les communes de cet intérêt concret alors qu'elles sont déjà réticentes à s'engager dans des contrats d'agglomération.

Où est la cohérence avec la loi Chevènement ?

M. Gilles Carrez.

C'est de la politique politicienne !

M. Francis Delattre.

Les pouvoirs du préfet sont considérablement renforcés. La volonté de recentralisation qui remet en cause le pouvoir communal est omniprésente dans votre projet de loi. Ainsi, le texte renforce considérablement le pouvoir de substitution dont est investi le préfet, lorsqu'il constate la carence d'une commune, pour faire construire des logements sociaux en lieu et place des collectivités locales. Les élus récusent avec force ce mécanisme coercitif qui porte atteinte au principe de la libre administration des communes, qui va à l'encontre de la logique de décentralisation et de l'esprit des lois de 1982.

Autre exemple : l'interdiction, à compter du 1er janvier 2002, pour une commune dépourvue d'un schéma de cohérence territoriale, d'ouvrir une zone d'urbanisation future, à moins que le préfet ne donne son accord. Le Sénat a eu raison de supprimer cette disposition d'une autre époque.

Il est clair qu'une volonté politique précise sous-tend de nombreuses dispositions de ce projet. Or, que ce soit en première ou en deuxième lecture, le Parlement est le lieu de la discussion. Nous devons pouvoir dire à tout moment de la procédure ce que nous pensons des dispositions les plus délicates, notamment le renforcement des pouvoirs de l'Etat et l'usage de la contrainte pour promouvoir une politique idéologique de la ville.

En fait, dans l'exploitation médiatique qui a été faite de ce texte, un seul article a été retenu - l'article 25 - sur les quelque quatre-vingts qui ont des incidences importantes sur la vie courante des communes. Et de quoi est-il question dans cet article 25 ? De désigner les bonnes et les mauvaises communes, c'est-à-dire celles qui ont construit suffisamment de logements sociaux et celles qui n'en ont pas construit sans tenir compte de leur histoire, de leurs problèmes, de leurs difficultés. Nous récusons ce système des bons et des mauvais.

Par ailleurs, la recentralisation de l'urbanisme proposée dans le texte s'inspire d'une volonté délibérée de densification. Il en est beaucoup question dans les médias, c'est vrai, mais les nombreuses atteintes au code de l'urbanisme auxquelles nous assistons actuellement ne nous paraissent pas être un gage de progrès.

Le choix de la densification urbaine va totalement à contresens de l'histoire et est en contradiction totale avec une urbanisation harmonieuse et protectrice de l'environnement, à laquelle les Français se déclarent très attachés.

Je fais partie de ceux qui ont dû réparer les erreurs commises en banlieue parisienne. Cher collègue des Yvelines, je vous prends à témoin car cela fait vingt ans que nous travaillons au redressement d'un certain nombre d'erreurs.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ne parlez pas à sa place !

M. Francis Delattre.

Si, je me permets de parler à sa place car M. Cardo et moi avons la même conception des choses et nous gérons depuis à peu près dix-huit ans des tissus urbains marqués par des décisions centralisées et technocratiques identiques à celles que vous voulez réintroduire aujourd'hui.

M. Daniel Marcovitch.

Décisions que vous aviez prises en votre temps !

M. Francis Delattre.

Avons-nous mal travaillé ? Tout observateur objectif reconnaîtra que les élus locaux des villes situées au nord, nord-ouest de Paris, qu'ils soient de gauche ou de droite, ont, en vingt ans, bien travaillé car le paysage urbain n'a plus rien à voir avec ce qu'il était.

Ce n'est pas parce que vous avez décidé de quitter la Seine-Saint-Denis, monsieur le ministre,...

M. le ministre délégué à la ville.

Ce que nous regrettons !

M. Francis Delattre.

... que nous renions ce que nous avons fait. Nous, nous allons y rester et nous estimons que nous avons su, dans des conditions extrêmement difficiles, grâce à notre gestion, largement « raccommoder » les erreurs du passé.

Or le texte qui nous est proposé réintroduit un certaine nombre de dispositions du passé...

M. Gilles Carrez.

Exactement.

M. Francis Delattre.

... contre lesquelles nous ne pouvons que nous insurger.

En imposant un quota de 20 % de logements sociaux à toutes les communes de plus de 1 500 habitants en région Ile-de-France et de plus de 3 500 habitants, ce qui est un peu plus raisonnable, en province - nous voyons où vous partez ! -, vous sanctionnez les communes qui ont su éviter les erreurs d'un urbanisme d'Etat et qui ont gardé un habitat à visage humain. Vouloir imposer autoritairement et uniformément un quota de 20 % de logements sociaux traduit à l'évidence une vision totalement doctrinale, rigide et centralisatrice de la mixité sociale.

C'est vraiment, vous me permettrez de le dire, méconnaître la réalité du terrain. Non seulement vous ne respectez pas le principe de libre administration des communes, mais encore vous ne tenez aucun compte de leur situation particulière - et notamment de leurs marges financières et de la disponibilité foncière sur leur territoire -, sans compter qu'il est aberrant, je l'ai déjà dit, de prétendre gérer l'aménagement des communes à partir des ministères parisiens.

Vous prétendez établir un meilleur équilibre des agglomérations en imposant des quotas et en menaçant de sanctions financières. En réalité, jamais un texte n'aura été aussi contraire à une politique d'aménagement équilibré du territoire. Parmi les insuffisances notoires de votre texte figure la non-prise en compte du problème central de la construction des logements sociaux, à savoir le coût du foncier, en particulier en région parisienne.

Le principal blocage qui rend difficile, voire impossible, l'implantation de logements sociaux dans certaines communes, et en particulier dans les centres-villes, où leur réimplantation serait pourtant nécessaire, c'est, nous le savons tous, le prix des terrains à bâtir. Là est le noeud gordien de l'affaire, tous les élus en sont d'accord. Or, sur cette question simple, quelles dispositions proposezvous ? A ce problème réel, quelle réponse apportez-vous ? Inutile de vous dire que je la cherche toujours ! Plutôt que de prétendre vous occuper des communes où les habitants vivent en harmonie dans un tissu urbain de qualité, mêlant immeubles collectifs de petite taille et logements individuels, permettez-nous de souhaiter que


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vous concentriez vos efforts d'abord et essentiellement sur les quartiers difficiles ou dégradés. Car si la diversification est souhaitable, elle l'est tout autant pour les communes caractérisées par une concentration excessive de logements sociaux. Que fait-on pour les quartiers ou les villes dont plus de 50 % des logements sont des logements sociaux, et qui, nous le savons tous, connaissent les problèmes de ségrégation sociale les plus importants ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est bien pour cela qu'il faut en construire ailleurs !

M. Francis Delattre.

Aucune disposition n'est prévue à leur sujet ! Pour ces villes, ces quartiers difficiles qu'il est inutile d'énumérer - nous les connaissons tous -, est-ce que vous proposez une disposition, des moyens susceptibles d'accroître la mixité sociale ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Bien sûr ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Mais oui, vous ne l'avez pas vu ?

M. Francis Delattre.

Envisagez-vous des mesures pour favoriser l'accession, fût-elle sociale, à la propriété ? Non, rien n'est prévu ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Et pourquoi Louis Besson se décarcasse ? (Sourires.)

M. Francis Delattre.

Ce n'est pas parce que nous voyons, de temps en temps, à la télévision une barre s'écrouler...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ce n'est qu'un aspect des choses !

M. Francis Delattre.

... qu'une véritable politique, sérieuse, est menée en la matière dans les villes où la ségrégation sociale est aujourd'hui la plus forte. Et nous connaissons tous les villes dont c'est le cas ! Ce ne sont pas celles où il y a moins de 20 % de logements sociaux !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Oh, ça...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ce n'est pas sûr !

M. Francis Delattre.

Ce sont celles où l'on empile les logements sociaux au même endroit et où l'on trouve la même typologie sociale. Nous le savons tous.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est un peu tiré par les cheveux !

M. Francis Delattre.

Pour ce problème crucial, rien de sérieux n'est prévu dans le texte.

En désignant du doigt certaines villes, que vous accusez d'égoïsme, vous les présentez en fait comme responsables du marasme actuel dans la construction de logements sociaux. Vous avez l'habitude de nous donner des leçons et de revenir sur nos échecs - qui, pour certains, sont réels -, mais permettez-moi de vous rappeler que, dans les années 1997, 1996 et même 1995, on construisait un peu plus de logements sociaux qu'aujourd'hui !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

C'est à ce moment-là que la construction a commencé à baisser !

M. Francis Delattre.

Oui, je sais comme tout le monde qu'il y a des phénomènes cycliques. Mais, à l'époque, on en construisait quand même 70 000, voire 75 000, contre 45 000 aujourd'hui. Vous croyez vraiment que la diminution de 50 % des mises en chantier de logements sociaux est liée au refus de certaines communes d'avoir 20 % de leur parc d'habitation en logements sociaux ? Non, le problème n'est pas là !

M. Daniel Marcovitch.

Si, le chiffre correspond pile poil ! 20 000 logements par an pendant vingt ans, ça fait 400 000 logements !

M. Francis Delattre.

Le problème résulte de la difficulté de monter des projets économiquement équilibrés du fait - on y revient toujours - du coût des terrains et, également, des problèmes de financement du logements ocial et, notamment, du manque d'attractivité du livret A.

Proposez-vous des dispositions permettant de relancer é conomiquement le logement social ? Je n'en vois aucune ! Permettez-moi de vous dire que ce n'est pas en imposant la construction de logements sociaux à Neuilly que vous parviendrez à combler le manque qui se fait sentir dans le pays ! Ce ne sont pas les dispositions que vous comptez mettre en place qui pourront augmenter le nombre de logements sociaux de 45 000 à 100 000, si tel est votre objectif.

En fait, vous favorisez l'habitat collectif dense alors que les Français aspirent dans leur grande majorité - toutes les enquêtes et tous les sondages le démontrent - à un habitat individualisé et à la propriété de leur logement.

Je pense que c'est une erreur de considérer que le logement social est simplement un logement locatif. La conception affichée dans le texte est incroyablement réductrice.

Pour ce qui nous concerne, nous refusons un logement social tiré vers le bas. Nous voulons un logement social de qualité et à la propriété duquel tout le monde puisse avoir accès un jour.

Vous nous accusez souvent d'être incapables de faire des propositions.

M. Alain Cacheux.

C'est vrai !

M. Francis Delattre.

Nous allons vous en faire une.

M. Daniel Marcovitch.

Cela ne fait pas beaucoup, sur les 91 articles du projet !

M. Alain Cacheux.

Vous ne faites pas beaucoup de propositions, vous critiquez !

M. Francis Delattre.

C'est absolument faux ! Parmi les propositions auxquelles nous sommes attachés figure l'affirmation du droit pour tout occupant d'un logement locatif social d'accéder à la propriété de celui-ci avec l'aide de l'Etat dès lors qu'il justifie de cinq années de paiement régulier de ses loyers, dont une partie pourrait être considérée comme un apport personnel.

Dans les communes où il y a le plus de ségrégation sociale, c'est ce genre de dispositif qu'il faudrait à mon avis essayer de dynamiser.

Voilà une proposition simple, claire et attendue par tout le monde !

M. Alain Cacheux.

Pourquoi ne l'avez-vous pas faite avant ?

M. Francis Delattre.

Parce que cela ne vous aura pas échappé, je n'ai jamais été ministre !

M. le ministre délégué à la ville.

Et pourquoi n'avezvous jamais été ministre ?

M. Francis Delattre.

A droite comme à gauche, les promotions profitent d'abord aux gens qui ont fait les grandes écoles ! Comme je n'en ai pas eu la chance, je


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n'ai jamais eu l'occasion de mettre en place les propositions simples et attendues par beaucoup de mes concitoyens que j'ai en tête.

M. le ministre délégué à la ville.

Il a émis un regret !

M. Pierre Cardo.

Monsieur le ministre, plutôt que de v ous demander pourquoi telle personne n'est pas ministre, demandez-vous pourquoi telle autre l'est !

M. Charles Cova.

On peut être simple soldat et avoir des idées !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

L'orateur est au moins général !

M. Francis Delattre.

Mon ami Pierre Cardo est dans le même cas que moi. Je suis sûr qu'il fera un excellent ministre du logement, le moment venu.

M. Pierre Cardo.

Oh là ! (Sourires.)

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Il serait un bon ministre.

M. Charles Cova.

On distribue les portefeuilles ! Pour le ministère de l'intérieur, je suis candidat !

M. Pierre Cardo.

Arrêtons-nous là, s'il vous plaît ! (Sourires.)

M. Francis Delattre.

Encore une fois, nous ne contestons pas les objectifs visés dans le projet de loi ni les principes dont ils sont l'expression. Nous partageons votre volonté de « refonder » le code de l'urbanisme afin de rendre la ville plus agréable à vivre, d'améliorer la qualité des déplacements, de contribuer à la mixité sociale et de permettre la réalisation de logements à vocation sociale. Mais nous sommes d'accord avec tout ça à condition que les logements sociaux s'intègrent harmonieusement dans des quartiers où voisinent le locatif et l'accession à la propriété, fût-elle sociale.

Avec la méthode que vous préconisez et les coercitions que vous imposez,...

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Oh !

M. Francis Delattre.

... toutes les modifications des dispositions actuelles du code de l'urbanisme aboutiront finalement à la densification des zones urbaines.

Ainsi, cinq ans à peine après leur entrée en vigueur, vous modifiez les dispositions de la loi Delebarre de 1991, la LOV, que nous avons votées, pour leur substituer des objectifs plus contraignants et un dispositif plus restrictif quant aux moyens employés pour y parvenir.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Non plus responsable !

M. Francis Delattre.

Je suis de ceux qui considèrent que déclarer que la loi d'orientation pour la ville est un échec et l'enterrer n'a d'autre but que de justifier un autre texte.

La loi Delebarre était une loi intelligente...

M. Alain Cacheux.

Pourquoi l'aviez-vous vidée de son contenu ?

M. Francis Delattre.

... parce qu'elle faisait beaucoup plus appel aux ressorts importants de toute décision que sont l'incitation et le partenariat. Ces deux éléments sont pratiquement absents de votre texte.

M. Pierre Cardo.

Ils n'ont pas lu la loi Delebarre !

M. Francis Delattre.

Vous devriez lire aussi les débats de l'époque : ils sont très intéressants. Vous vous apercevez que nous avons voté nombre de dispositions de la loi LOV.

Vous élargissez le champ d'application du dispositif à l'ensemble des aires urbaines de plus de 50 000 habitants, sans tenir compte des structures intercommunales existantes, et notamment de celles qui ont été mises en place depuis l'adoption de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement de l'intercommunalité. Le Sénat est, à juste titre, revenu sur ces dispositions en fixant l'objectif de réalisation des logements sociaux dans le périmètre dess tructures intercommunales comptant plus de 50 000 habitants, lorsqu'elles existent, et comprenant au moins une commune centre de plus de 15 000 habitants, ce qui correspond, en fait, aux dispositions de la loi Chevènement.

Votre texte donne également une définition beaucoup plus restrictive des logements sociaux éligibles.

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Aujourd'hui, nous débattons du texte du Sénat !

M. Francis Delattre.

Le fait de ne plus tenir compte du critère lié au pourcentage de personnes bénéficiant d'aides au logement a notamment pour conséquence de faire disparaître de cette catégorie tout le parc social de fait ainsi que l'accession sociale à la propriété.

Cet état de choses est à peine atténué, il faut le dire, par les amendements des sénateurs. Toutefois, le texte modifié prend maintenant en compte les logements sociaux de fait, les logements en accession sociale à la propriété et les logements financés par des prêts locatifs i ntermédiaires lorsqu'ils sont soit situés dans les communes où la surcharge foncière est importante, soit réalisés dans le cadre d'un programme collectif de construction de logements sociaux.

Le projet de loi supprime également le dispositif alternatif qui laissait le choix aux communes de construire ou de verser une participation financière, en rendant obligatoire le versement d'une contribution qui devra accompagner la réalisation de logements sociaux selon des objectifs calculés sur une période triennale.

Le dispositif du Sénat prévoit, quant à lui, la signature d'un contrat d'objectifs - on retrouve là l'idée de partenariat - et le versement par les communes concernées d'une contribution dont le montant serait pondéré en fonction du potentiel fiscal - ça devrait vous intéresser -e t diminué des engagements financiers pris par la commune en matière de construction de logements sociaux.

Ce nouveau dispositif préserve les compétences des acteurs locaux et les incite à développer une véritable politique de mixité sociale à l'échelon intercommunal qui, à l'évidence, est reconnu par tout le monde comme l'échelon pertinent.

Sans revenir sur les principes, je note cependant que notre méthode est totalement différente de la vôtre. Elle fait prévaloir la simplicité sur la complexité, la responsabilité et la flexibilité sur la contrainte, l'initiative de terrain et la décentralisation sur la recentralisation insidieuse.

Vous vous targuez de simplifier le code de l'urbanisme.

Mais en réalité, les modifications entraînées par la révision de ce code seront inéluctablement source de confusion, d'incompréhension, pour les administrés comme pour les maires, de complication, et donc de contentieux.

Il a fallu plus de trente ans pour faire entrer le plan d'occupation des sols, institué par la loi foncière de 1967, dans le langage courant de nos concitoyens. Le changement de vocabulaire imposé par le projet, avec le PLU, va compliquer les relations entre l'administration et les


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administrés. Je ne vois pas très bien ce que ce changement a de vraiment novateur. Les POS, documents précis et opposables au tiers, sont la meilleure garantie de transparence pour les citoyens. Il est quand même extraordinaire que, parallèlement à tous les discours que nous entendons sur la transparence, il soit proposé d'atténuer les dispositions de l'outil de transparence par excellence qu'est le POS en supprimant notamment la notion essentielle de coefficient d'occupation des sols au profit d'un concept plus flou et non normatif. Ce faisant, le Gouvernement ouvre la porte à l'insécurité juridique tant pour les administrés que pour les maires qui délivreront les permis de construire.

Je vous ferai remarquer, monsieur le ministre, que les modifications du plan d'occupation des sols auxquelles vous procédez, la suppression du COS, la suppression de la cotisation pour dépassement de plafond légal de densité, sont demandées depuis des années par les promoteurs. Il est quand même un peu curieux que ces revendications trouvent un aboutissement avec vous, monsieur le ministre du logement et de l'équipement. (Sourires.)

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Attention à ce que vous allez dire !

M. Francis Delattre.

Il suffit de lire les comptes rendus des congrès des agents immobiliers français pour voir qu'ils demandent depuis des années la suppression de la taxe pour dépassement du PLD, et une atténuation des dispositions normatives du COS. Tout cela est parfaitement connu. Je m'étonne que ces revendications aboutissent aujourd'hui. (Sourires.)

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Oh !...

M. Francis Delattre.

Mes propos semblent vous irriter.

Ils ne sont peut-être pas agréables à entendre, mais ils font état d'une réalité ! Si vous voulez notre avis, il est indispensable de maintenir des règles normatives claires en conservant les deux prescriptions obligatoires qui figurent actuellement dans les plans d'occupation des sols : celle relative à la détermination de l'affectation des sols et celle relative à la définition des règles concernant le droit à l'implantation des constructions, leur destination et leur nature.

Si on veut la transparence, il faut absolument maintenir au moins ces deux dispositions.

Les principales modifications adoptées par le Sénat ont permis de rééquilibrer le texte et de protéger les droits et les responsabilités des collectivités locales. La dénomination « plan d'occupation des sols » est conservée. Les prérogatives des communes et des départements dans l'élaboration des documents d'urbanisme sont renforcées et les règles limitant l'urbanisation dans certaines zones sont assouplies.

Je ferai maintenant quelques observations sur le volet

« transport » de votre projet de loi.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Il est bon celui-là !

M. Francis Delattre.

La divergence essentielle entre les deux assemblées concerne le contenu de l'article 52 relatif aux modalités de transfert aux régions des compétences de l'Etat en matière de transport ferroviaire régional de voyageurs.

La régionalisation des transports de voyageurs constitue une avancée importante dans le processus de décentralisation. L'expérimentation que nous avions engagée en 1997 avec six, puis sept volontaires, permet déjà de dresser un bilan positif. La nouvelle organisation régionalisée est tout à fait pertinente puisqu'elle permet d'apporter une réponse plus efficace aux attentes des usagers. Ainsi, on a constaté, dans les régions concernées, une augmentation du trafic de plus de 5 % par an. Je crois donc qu'il y a consensus sur le principe.

Néanmoins, votre texte manque un peu d'ambition à la fois sur le renforcement des autorités régionales dans l'organisation des transports à l'intérieur des périmètres de compétence et sur les moyens de financement, qui ne sont pas à la hauteur des objectifs affichés.

Les dotations budgétaires que vous prévoyez d'accorder aux régions pour le chemin de fer sont en effet en complet décalage par rapport à l'ampleur de la tâche à accomplir. Le dispositif de compensation financière tel qu'il est envisagé ne témoigne pas d'une vision suffisamment dynamique du développement du service public de transport ferroviaire régional.

N os collègues sénateurs ont tenté d'obtenir une compensation financière intégrale par l'Etat des charges supportées par la région à la suite du transfert de ces lignes. Mais le Gouvernement leur a opposé l'article 40.

Je ne pense pas, là non plus, qu'il y ait un clivage droitegauche. Le problème est de savoir si nous voulons que cette décentralisation réussisse. Si tel est le cas, mieux vaudrait qu'elle se fasse dans le respect des charges supportées par les uns et les autres. Ne pas donner aux régions les moyens véritables de leurs ambitions pourrait entraîner l'échec pur et simple de cette régionalisation.

Globalement, derrière votre discours de solidarité, nous assistons à un retour de la densification, de l'arbitraire et des sanctions et à la recentralisation des contraintes pour les élus.

Si vous voulez réussir, messieurs les ministres, le pari d'un véritable renouvellement urbain, introduisez dans votre texte un peu moins d'idéologie et de technocratie et faites un peu plus confiance aux acteurs de terrain.

Seul le vote de cette exception d'irrecevabilité permettra au Gouvernement d'évaluer si son projet de loi respecte le socle constitutionnel des libertés communales.

Pour nous, il ne le semble pas. C'est pour cette raison essentielle que je vous demande, mes chers collègues, de voter cette motion.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Pour commencer, monsieur Delattre, je suis heureux que vous acceptiez enfin la décentralisation, dix-huit ans après... J'espère que vous mettrez moins de temps pour la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains ! Vous dites qu'il y a une volonté politique. C'est vrai.

Cette volonté politique, c'est tout simplement de se donner les moyens afin que tous les Français, quelles que soient leurs ressources, puissent habiter, vivre, se déplacer entre les quartiers, dans toutes les villes, quelles qu'elles soient.

Vous vous dites pour la décentralisation, mais vous vous refusez à utiliser les pouvoirs de la décentralisation.

Vous prétendez que ce projet de loi répond aux revendications des promoteurs, mais vous oubliez que c'est vous qui ferez le plan local d'urbanisme ; c'est vous qui disposerez du pouvoir et des outils pour réaliser le projet que vous souhaitez pour votre commune ou votre intercommunalité. Et si les promoteurs pourront faire ce qu'ils


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voudront, c'est que vous leur en aurez donné la permission, c'est que vous n'aurez pas pris en compte les aspirations à une ville agréable et équilibrée.

M. Marc-Philippe Daubresse.

C'est le rôle du législateur de le faire !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Le pouvoir, les outils, c'est vous qui les aurez dans cette loi. Prétendre le contraire signifie ou bien que vous n'avez pas lu la loi, ou bien que ne voulez pas exercer un pouvoir qui vous revient.

M. Francis Delattre.

Nous sommes des incultes, c'est bien connu !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Votre discours bien policé soulève certes des vrais problèmes : financement, coût du foncier. Encore faut-il voir tout ce qu'il y a derrière ! A vous entendre, obliger à atteindre 20 % de logements sociaux, ce ne serait pas respecter l'habitat à visage humain. Cela m'a profondément choqué. Pour moi, l'habitat social peut être à visage humain. Ce n'est pas forcément des barres et du collectif. Cela peut être du pavillonnaire. En fait, c'est cette assimilation idéologique qui vous gêne, qui vous bloque. Lisez cette loi, faites des projets urbains, faites des projets de ville ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le discours de notre collègue Francis Delattre était remarquable.

Mme Martine David.

Quel scoop !

M. Gilles Carrez.

C'était l'intervention du maire, de l'élu local, enraciné sur le terrain,...

M. Didier Boulaud.

Et nous, on est en lévitation ?

M. Charles Cova.

Il y en a qui sont de passage !

M. Gilles Carrez.

... conscient des réalités et qui, par des démonstrations irréfutables, s'oppose à une approche dogmatique, celle-là même que notre rapporteur vient de reprendre.

Que dit en effet Francis Delattre, confronté depuis une bonne vingtaine d'années aux réalités de la région parisienne et qui, lui, monsieur Gayssot, y sera encore confronté demain ? Tout d'abord, qu'il n'y a pas eu de véritable concertation avec les élus. J'en veux pour preuve l'abondant courrier que nous recevons de tous nos collègues maires, notamment en région parisienne,...

M. Alain Cacheux.

Surtout ceux de droite !

M. Gilles Carrez.

... quelle que soit leur sensibilité politique. Tous s'interrogent et ne comprennent pas plusieurs dispositions de ce texte.

M. Alain Cacheux.

Nous allons leur expliquer !

M. Gilles Carrez.

Il nous dit aussi qu'il faut respecter l'excellent travail de correction, de complément réalisé par le Sénat, que le rapporteur semblait tout à l'heure décidé à balayer d'un revers de main, à quelques exceptions près.

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

C'est faux ! Vous interprétez ! Et vous êtes arrivé en retard !

M. Gilles Carrez.

Francis Delattre a également insisté sur le caractère profondément recentralisateur de ce texte, que ce soit dans le domaine de l'urbanisme ou dans celui de la fiscalité.

Il appelle également votre attention sur le constat, indiscutable, sur lequel se rejoignent tous les maires que nous sommes : la « densification » introduite par ce texte, dont certaines dispositions semblent venir tout droit de la plume des promoteurs. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Faire sauter le versement au titre du plafond légal de densité, c'est faire preuve de la plus totale ignorance des réalités locales. Il est à noter que cette revendication figure en première place dans tous les colloques tenus par la promotion immobilière depuis dix ans... Et c'est vous qui lui donnez satisfaction !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Et vous, en tant que maire, autoriserez-vous la densification ?

M. Gilles Carrez.

Enfin, et c'était bien normal s'agissant d'une exception d'irrecevabilité, Francis Delattre a abordé la question du prélèvement effectué à la source.

Car il ne s'agit pas d'une contribution, telle que le Sénat avait souhaité la rétablir, mais bien d'un prélèvement à la source. L'Etat, profitant de son rôle de collecteur pour le compte des collectivités locales, prélève une partie des impôts locaux sans que la commune ait aucune possibilité de défendre ses droits et de faire état de ses caractéristiques financières, fiscales, sociales, physiques ou des servitudes auxquelles elle est astreinte sur son territoire. Une disposition aussi manifestement contraire au principe de libre administration des communes, tel que prévu par l'article 72 de la Constitution, ne pourra, j'en suis persuadé, qu'être annulée. Il n'est qu'à se reporter à la juris prudence du Conseil constitutionnel, à propos notamment des lois de 1991, pour comprendre qu'un dispositif aussi uniforme et mécanique ne saurait être accepté.

Toutes ces évidences, si bien décrites par Francis Delattre, vous refusez de les prendre en compte, poussant une fois de plus ce texte, pourtant consacré à l'urbanisme et à la mixité sociale, dans un sens radicalement opposé à la belle ambition qui nous est pourtant commune : ...

M. Charles Cova.

Mais jamais appliquée !

M. Gilles Carrez.

... garantir la diversité de l'habitat tout en poursuivant l'indispensable évolution vers une décentralisation accrue et respectueuse des collectivités locales. Aussi le groupe RPR votera-t-il sans hésitation cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Odette Grzegrzulka.

Amen !

Mme la présidente.

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Nous n'avons pas entendu les ministres répondre sur cette exception d'irrecevabilité ; peut-être cela leur semble-t-il futile... Le rapporteur, en revanche, a trouvé deux motifs de rejet : la cohérence et la décentralisation. Mais qui a introduit dans ce texte la recentralisation ? C'est pourtant vous ! Qui donc consacre le retour du préfet là où chacun jusqu'ici reconnaissait aux collectivités locales le droit de s'administrer librement et, chaque fois que c'est possible, de construire un pouvoir d'agglomération ? L'incohérence est à l'évidence totale, notamment entre votre article 25 et votre article 3 qui traite de la réforme de l'urbanisme. Francis Delattre y a insisté à juste raison.

Vous entendez clairement mettre en place pour le logement social une méthode contraignante, coercitive, qui aboutira inévitablement à une densification totalement


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opposée à l'objectif que vous affichez de mixité sociale et de qualité urbaine pour l'ensemble de la population, notamment pour les plus démunis.

Vous prétendez contre toute évidence que votre futur plan local de l'urbanisme ne donnera lieu à aucune contrainte, aucune obligation : à vous entendre, libre à ceux qui le souhaitent d'établir des coefficients d'occupation des sols... Mais, tous les maires qui siègent sur les bancs de cette assemblée connaissent bien l'importance du coefficient d'occupation des sols...

M. Daniel Marcovitch.

Parce que c'est précisément eux qui l'établissent !

M. Marc-Philippe Daubresse.

... pour éviter la spéculation, et la densification ! Il est certain, je l'espère en tout cas, que dans certains secteurs, notamment là où il y aura des pouvoirs d'agglomération, on rétablira les coefficients d'occupation des sols. Mais que voulez-vous ? Voulezvous une France à plusieurs vitesses avec, d'un côté, des communes sans coefficient d'occupation des sols, dans lesquelles se précipiteront les promoteurs privés, et, de l'autre, les communes qui auront bien voulu s'en fixer ? En d'autres termes, vous visez dans le domaine du logement privé un objectif très exactement contraire à celui que vous poursuivez dans le domaine du logement public social. Quelle incohérence ! Venons-en à la méthode. Il vous était possible d'aboutir à un consensus sur ce texte, pour peu que vous l'ayez vraiment voulu. Rappelons que nous avons voté icimême, après un examen attentif et une commission mixte paritaire certes difficile, mais qui est allée au bout des problèmes, la loi Chevènement.

M. Gilles Carrez. En effet, nous l'avons votée ! M. Marc-Philippe Daubresse. Et pourquoi l'avons-nous votée ? Parce que, au-delà des difficultés qui se posaient au départ, nous avons estimé qu'elle marquait une réelle avancée vers un pouvoir d'agglomération, dans le respect du pouvoir de proximité que nous devons à nos concitoyens.

Cette fois encore, sur les trois sujets fondamentaux : urbanisme, transports et logement social, il était possible de parvenir au même consensus. Mais vous avez à l'évidence décidé de pratiquer une méthode qui relevait avant tout de l'idéologie, condamnant par avance toute chance de consensus. C'est dommage. Quoi qu'il en soit, les défenseurs de la décentralisation sont bien plus sur nos bancs...

Mme Martine David. C'est cela ! M. Daniel Marcovitch. Ils ne sont pas nombreux, alors ! M. Marc-Philippe Daubresse. ... que sur les vôtres, et nous le démontrerons au fur et à mesure que se poseront concrètement les problèmes liés à la mise en application de cette loi. C'est la raison pour laquelle, sans aucun état d'âme, le groupe UDF votera l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David.

C'est incroyable ! Vous n'aviez même pas voté les lois de décentralisation de 1982 !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

M. Francis Delattre.

C'est bien dommage ! Question préalable

Mme la présidente.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'examen par le Sénat du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains a mis en évidence les lacunes et les approximations d'un texte qui, force est de le reconnaître, s'apparente à certains égards à un véritable fourre-tout. Il comptait 87 articles au départ ; nous ne sommes plus loin du double...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Pas loin du triple !

M. Gilles Carrez.

... ou du triple, à vous croire, monsieur le ministre ! Les critiques du Sénat ont porté sur ses quatre volets : l'urbanisme, la mixité sociale, les transports et le logement.

Les sénateurs ont d'abord mis en évidence son caractère délibérement recentralisateur, qu'il s'agisse du retour en force des préfets - qu'ils ont rebaptisés pour l'occasion représentants de l'Etat - ou de la fiscalité locale, mise en cause par un processus de recentralisation sournois.

Ils ont également appelé l'attention sur un point excellemment évoqué par Francis Delattre, je veux parler de votre volonté de densification de nos agglomérations à travers une approche duale du territoire national : d'un côté, des agglomérations qu'il s'agit par tous les moyens de continuer de densifier, de l'autre des zones rurales, sortes de « réserves » pour les citadins, où, au contraire, il faut interdire toute construction, au mépris d'un équilibre harmonieux du territoire. Et tout cela, je le soulignais il y a un instant, au mépris des réalités locales, si diverses dans notre pays aux 36 000 communes.

M. Henri Plagnol.

Très juste !

M. Gilles Carrez.

Nos collègues sénateurs ont aussi souligné votre vision réductrice de l'habitat, qui semble vouloir confiner les Français dans le seul logement locatif social, au motif que les deux tiers d'entre eux y seraient éligibles en termes de ressources, ainsi que le déclarait

M. Gayssot tout à l'heure.

C'est oublier l'aspiration de nos compatriotes à ne pas vivre tout leur vie dans un logement locatif social. Ce qu'ils souhaitent, dans leur parcours résidentiel, c'est de pouvoir accéder à la propriété, et dans du logement individuel. Or c'est ce que vous semblez leur refuser au nom d'un principe abstrait de mixité sociale.

Les sénateurs ont également dénoncé cette fausse décentralisation en matière de transports collectifs, si bien illustrée par le cas de la région d'Ile-de-France. Certes, on lui propose d'entrer enfin au Syndicat des transports parisiens, mais sans aucun autre pouvoir que celui d'ouvrir le tiroir-caisse de son budget ! Enfin et surtout, la discussion au Sénat s'est caractérisée, comme à l'Assemblée nationale, par la très grande richesse, la très grande diversité, la très grande complexité des interventions, qui démontrent à quel point la question de l'urbanisme, du cadre de vie, du logement des


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Français et de leurs transports est importante. Mais elle aura une fois de plus mis en évidence le caractère inapproprié, pour ne pas dire inacceptable, de la procédure d'urgence que vous avez retenue. Le Gouvernement donne le sentiment d'avoir voulu passer en force en limitant au strict minimum les temps de discussion afin que seul un minimum de responsables se rende compte de la portée de ce texte : consultations tronquées des maires, consultation au dernier moment d'instances telles que le comité des finances locales ou la mission Mauroy... Nous le regrettons profondément.

Au moment d'aborder l'examen en nouvelle lecture de ce texte, nous pensions pouvoir bénéficier de temps de parole suffisants dans la discussion générale pour analyser le propositions de nos collègues sénateurs et chercher des points d'équilibre. Du reste, et M. Rimbert le rappelait tout à l'heure, même si elle n'a pas abouti, la commission mixte paritaire qui a duré un certain temps a permis des échanges intéressants. Or que constate-t-on ? La discussion générale ne durera qu'une heure. Chaque groupe disposera d'à peine dix minutes.

M. Pierre Morange.

Eh oui !

M. Gilles Carrez.

C'est une des raisons pour lesquelles nous avons tenu à défendre des motions de procédure afin de prendre le temps de rappeler un certain nombre d'idées, sans approche dogmatique, dans un esprit toujours constructif, un esprit d'élus responsables.

La question préalable que je défends tend à montrer qu'il n'y a pas lieu de délibérer, et, si vous étiez non pas ministre mais député, monsieur le secrétaire d'Etat au logement, je crois que vous seriez le premier à dire qu'il n'y a pas lieu de délibérer. Vous avez vous-même beaucoup travaillé à la fin des années 1980 et au début des années 1990 sur la loi d'orientation sur la ville. Comme Francis Delattre vous le disait tout à l'heure, avec son expérience d'élu local - il était aussi parlementaire à l'époque et moi fonctionnaire, dans votre ministère d'ailleurs -, nous étions très nombreux à soutenir cette démarche, et Francis Delattre, à l'époque, a voté la loi, si je ne me trompe.

M. Francis Delattre.

Oui !

M. Gilles Carrez.

La loi d'orientation sur la ville, avec ses principes de mixité sociale, de diversité de l'habitat,s on approche contractuelle, respectueuse des réalités locales, était une bonne loi, et nous ne vous demandons qu'une seule chose, c'est d'appliquer les lois dont vous êtes l'auteur ! Ce souci de voir appliquer les textes existants est la principale justification d'une question préalable.

En tant que membre de la commission mixte paritaire, j'ai noté les déclarations à la fois courtoises et constructives du rapporteur, M. Rimbert, mais c'était au Sénat, et chacun sait que c'est un cadre qui porte naturellement au consensus, et j'avoue que j'ai été doublement déçu, déçu de voir que, dans ses amendements, la commission de la production et des échanges a écarté la plus grande partie des propositions de nos collègues sénateurs, et déçu, il y a quelques minutes, par l'intervention de M. Rimbert qui, en fait, ne retient du travail du Sénat que quelques petites dispositions ponctuelles qui sont tout sauf essentielles.

Nous devons donc, dans le cadre de cette nouvelle lecture, grâce aux motions de procédure et à la discussion générale, renouveler nos mises en garde, parce que nous sommes dans une situation paradoxale, mes chers collègues. Les principes qui guident ce texte, notamment la mixité sociale, nous y souscrivons tous, sur ces bancs.

C'est la méthode que nous récusons, la traduction législative et surtout le fait que ce texte soit opérationnel à partir de 2002, qui posent problème.

J'en veux d'ailleurs pour preuve un certain nombre de réactions qui se sont produites depuis l'examen en prem ière lecture à l'Assemblée. Une information a commencé à circuler auprès des maires et des habitants, et, invité avec M. Rimbert, le 5 avril dernier, à parler de ce texte devant plusieurs centaines de maires de toute la France à l'invitation de l'Association des maires de France, j'ai été frappé par les réactions de stupéfaction et d'incompréhension sur quelques points très précis.

Le premier point, c'est la suppression des plans d'occupation des sols, dans leur terminologie, et leur remplacement par les plans locaux d'urbanisme, avec surtout, Francis Delattre l'évoquait tout à l'heure, la perte du caractère normatif en ce qui concerne la destination des sols et les règles de constructibilité. Les maires, quelle que soit leur sensibilité politique, voient dans cette double modification, du vocabulaire d'une part, du caractère normatif d'autre part, quelque chose qui les déstabilise alors que Dieu sait si l'urbanisme est une compétence difficile et s'ils essaient de trouver des équilibres.

Quand Francis Delattre expliquait qu'il y avait un risque de voir revenir en force des promoteurs, il n'avait pas tort, Je vous rappelle, et M. Rimbert était là, que de nombreux maires ont eu cette réaction spontanée.

Deuxième point d'incompréhension, c'est l'interdiction de toute urbanisation nouvelle, notamment pour accueillir des entreprises, dès lors qu'il n'y a pas de schéma de cohérence territoriale qui couvre le territoire de la commune. Cela, ils ne peuvent pas le comprendre.

Et puis il y a la mixité sociale et une incompréhension totale sur le fait que le critère des 20 % soit apprécié à l'échelon communal et non intercommunal, dès lors qu'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat a été mis en place.

Ce point est fondamental. Nos collègues sénateurs y ont beaucoup travaillé, et ils ont raison. Il y a une articulation à établir entre la loi Chevènement, qui favorise l'intercommunalité - et vous avez bien vu que nous, dans l'opposition, nous avons été jusqu'au bout de nos responsabilités puisque nous avons voté un texte aussi important - et la loi que vous nous proposez.

Or celle-ci, quand elle raisonne en termes de mixité, de pénalité, reprend l'échelon communal, alors qu'au même moment, on cherche à favoriser les pouvoirs d'agglomération, et j'ai été frappé par un grand nombre d'interventions de M. Rimbert, qui faisait un va-et-vient incessant entre la commune et le pouvoir d'agglomération. Non ! Nos idées sont claires : la politique de l'habitat, comme celle des transports, relève d'une approche intercommunale, et on doit aller jusqu'au bout de la démarche.

Que nous disaient nos collègues lors de cette réunion, où ils étaient quelques centaines ? Chacun y allait de son témoignage sur sa commune. Un tel nous expliquait que le tiers de sa commune était concerné par des servitudes, parce que c'étaient des terrains inondables, ou exposés au bruit d'un aéroport, ou qu'il y avait des carrières, d'autres que la commune était couverte de sites classés, et qu'on ne pouvait pas trouver de nouveaux terrains.

Je cite encore un témoignage auquel nous n'avions pas pensé ici, et qui mérite réflexion. Le maire d'une petite commune à la sortie de Bordeaux, dont la quasi-totalité du territoire est classée en grand cru - patrimoine national ! - nous demandait s'il faudrait arracher les ceps de


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vigne d'un grand cru classé pour construire des logements sociaux ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Marc-Philippe Daubresse.

C'est scandaleux !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Très amusant !

M. Gilles Carrez.

C'est assez amusant, mais cela montre bien le mépris que vous avez affiché vis-à-vis des réalités locales, qui sont pourtant si riches et si diverses dans notre pays.

M. Francis Delattre.

Et pour le muscadet, c'est pareil !

M. Gilles Carrez.

A la fin de cette réunion, Patrick Rimbert s'en souvient, j'ai dû venir à la rescousse du rapporteur pour expliquer que, s'il y avait un grand nombre de modalités très contestables, en revanche, sur la philosophie même du texte, et notamment le principe de mixité sociale et la décentralisation en matière de transport, nous étions d'accord. C'est un peu paradoxal mais voilà comment s'est déroulée cette réunion.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous mets en garde très respectueusement, et presque amicalement. Croyezmoi, lorsque les 36 000 maires auront bien conscience des différentes contraintes introduites par ce texte, du processus de recentralisation qu'il met en oeuvre, il y aura des réactions extrêmement vives.

Quant aux habitants, nous avons été un certain nombre de maires à donner une information aussi objective que possible, et je parle sous le contrôle de M. Plagnol qui l'a fait dans sa propre commune, et nous avons été stupéfaits par l'écho extraordinaire qu'elle a rencontrée, par l'intérêt immense porté à ce problème, avec une contestation non pas de la mixité sociale mais de la densification et du bétonnage.

M. Henri Plagnol.

Absolument !

M. Gilles Carrez.

Nos concitoyens, notamment dans nos grandes agglomérations, veulent préserver le cadre de vie, là où ont été évitées, par miracle, les erreurs mons trueuses de l'urbanisme des années 60, les tours et les barres.

M. Daniel Marcovitch.

C'étaient des choix politiques à l'époque !

M. Gilles Carrez.

Ils veulent que leur territoire communal soit protégé. Ils sont parfaitement d'accord pour que l'on construise des petites résidences sociales à échelle humaine...

M. Daniel Marcovitch.

Faites-le !

M. Gilles Carrez.

... mais ils ne veulent pas qu'on réitère les erreurs du passé.

M. le secrétaire d'Etat au logement.

C'est exact !

M. Gilles Carrez.

Quand il faudra construire 2 000 logements sociaux dans telle commune, 3 500 dans telle autre,...

M. le secrétaire d'Etat au logement.

En vingt ans !

M. Gilles Carrez.

... il est évident que ce sont les erreurs du passé qui reviendront en force.

Je suis d'ailleurs persuadé que cette abondance de réactions qui se sont produites pendant le mois d'avril et le mois de mai à la suite de l'examen en première lecture ici même est l'une des raisons majeures pour lesquelles le Gouvernement a souhaité escamoter le débat, sentant bien que le texte pose d'énormes problèmes. Si le vin est tiré, il faut le boire, s'est-il dit, et buvons-le le plus rapidement possible.

Je reviens donc sur les quelques critiques majeures qu'appelle ce texte.

La première, c'est la recentralisation qui nie les réalités locales. D'une manière générale, on voit bien que c'est le pouvoir communal qui est remis en cause par une approche intercommunale d'agglomération que nous ne constestons pas mais qui est appuyée par les préfets.

Cet affaiblissement de la responsabilité communale au bénéfice d'un pouvoir d'agglomération dessiné par les préfets se reflète très bien dans les procédures en matière de fixation de périmètre, parce que ce ne sont pas les communes qui ont le dernier mot quand il s'agit de fixer les périmètres, qu'il s'agisse des périmètres d'intercommunalité ou des périmètres des schémas de cohérence territoriale, mais les préfets. Si une commune ne veut pas être dans un périmètre d'intercommunalité ou de schéma, elle ne devra son salut qu'à l'accord du préfet. Faute d'accord du préfet, elle sera maintenue de force.

Dans le Val-de-Marne, d'ailleurs,...

M. Henri Plagnol.

Absolument !

M. Gilles Carrez.

... où un préfet a fixé un périmètre contre l'avis d'une commune, cela a généré aussitôt un contentieux. La commune en question a gagné devant le tribunal administratif, et on se trouve dans une situation inextricable. Ce type de problème va se multiplier avec le texte que nous examinons actuellement.

M. Francis Delattre.

En effet !

M. Gilles Carrez.

Le Sénat, d'ailleurs, a bien vu la difficulté et, en cohérence avec la loi Chevènement qu'il a acceptée, il a souhaité mettre en place un certain nombre de garde-fous. Je souhaiterais qu'ils ne soient pas annulés en deuxième lecture à l'Assemblée. Or M. Rimbert n'a pas évoqué ce point.

Ces garde-fous, c'est un recours beaucoup plus grand en cas de problème à la commission départementale de coopération intercommunale, un recours beaucoup plus systématique à la commission de conciliation créée par le texte, bref, des possibilités d'appel pour les communes, et nous souhaitons vivement que ces dispositions judicieuses introduites par le Sénat soient maintenues.

A côté de ces aspects généraux de recentralisation, il y a tout un ensemble de dispositions qui paraissent plus techniques mais qui sont fondamentales.

La première, c'est l'extension des schémas de cohérence territoriale à tout le territoire national.

Le Gouvernement, qui avait prévu ce dispositif généralisé dans le projet de loi initial, s'est rangé lors de la discussion à l'Assemblée à un certain nombre de réserves que nous avons émises, mais la solution qui a été trouvée relève de l'improvisation puisqu'elle consiste à dire que les schémas de cohérence territoriale et la possibilité d'ouvrir de nouveaux territoires au développement qui en découle ne s'appliqueront pas dès lors qu'on sera dans des secteurs éloignés de plus de quinze kilomètres par rapport aux limites d'une agglomération de 15 000 habitants ou par rapport au rivage de la mer.

La façon même dont est rédigé l'amendement montre bien que cela ne marchera pas. Comment définit-on les limites de la périphérie ? Pourquoi la mer et pas tel ou tel grand lac ? Entre deux vallées, en montagne,...

M. Michel Bouvard.

Très bien !


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M. Gilles Carrez.

... il peut ne pas y avoir quinze kilomètres. La vallée de la Maurienne et celle de la Tarentaise, par exemple, sont deux mondes complètement différents.

M. Michel Bouvard.

Très bon exemple !

M. Gilles Carrez.

Elles vivent pourtant à moins de quinze kilomètres l'une de l'autre, et je m'adresse, bien entendu, monsieur le secrétaire d'Etat, à l'élu de la Savoie.

Nous devons donc absolument travailler au cours de cette nouvelle lecture sur cet amendement.

Je pense que le Sénat a raison de supprimer l'article parce que nous ne trouverons pas de bonne solution, et je regrette que M. Rimbert nous ait dit qu'il s'opposerait à cette suppression. Obliger les communes à obtenir l'accord du préfet pour tout développement nouveau, par exemple lorsqu'elles doivent accueillir une entreprise sur une zone classée en NA, dès lors qu'il n'y a pas de schémas de cohérence territoriale, réduit, en effet, extraordinairement le pouvoir communal.

J'ajoute que la complexité de l'élaboration des schémas de cohérence territoriale est telle que vouloir en créer sur pratiquement tout le territoire national ne fera que retarder les opérations d'urbanisme et risquera donc de nuire à la bonne consommation des crédits en matière de logements sociaux.

Autre difficulté qui peut paraître technique mais qui sera source de contentieux, de paralysie, de blocage et de retard, c'est le fait de substituer le principe de compatibilité au principe de prise en considération, s'agissant des programmes locaux de l'habitat ou des plans de déplacements urbains, dans les plans locaux d'urbanisme ou les schémas de cohérence territoriale.

Enfin, une autre source de contentieux probable, qui ralentira aussi les opérations, est l'introduction de principes flous dans l'article 1er de la loi, donc ayant valeur législative, qui, malgré tout, devront s'imposer en termes de compatibilité, la jurisprudence du Conseil d'Etat étant extrêmement rigoureuse en ce domaine. Ne risquonsnous pas des annulations en cascade lorsqu'on appréciera la compatibilité des documents d'urbanismes avec des principes aussi flous et généraux que la mixité sociale, l'économie de l'espace ou la réduction des transports individuels ?

M. Marc-Philippe Daubresse.

Bien sûr !

M. Gilles Carrez.

Il y a recentralisation également en matière de fiscalité.

Il est tout à fait regrettable, nos collègues sénateurs, qui sont particulièrement vigilants sur les questions de finances locales, l'ont également observé, que soient supprimées des recettes qui, par exemple dans l'agglomération parisienne, sont importantes, comme le versement pour dépassement du plafond légal de densité, les taxes pour dépassement de COS, les sur-COS, ou encore la réduction de l'assiette de la taxe locale d'équipement pour les logements collectifs. Il y a là plusieurs centaines de millions de francs de recettes fiscales locales qui disparaissent d'un trait de plume sans aucune compensation, au mépris des fondements mêmes de la décentralisation.

La suppression de ce type de taxe, qui, croyez-moi, servait de digue dans nos communes face à un bétonnage, à une densification excessive au bénéfice des promoteurs, aura des effets extrêmement perturbateurs dans notre urbanisme.

M. Francis Delattre.

Tout à fait.

M. Gilles Carrez.

Vous portez le prélèvement à la source de 1 000 à 2 000 francs par logement social manquant. L'Etat profite là de son rôle de collecteur de l'impôt local, mais je voudrais faire, à ce sujet, quelques observations.

La première est que ce prélèvement ne tient pas compte de la pauvreté des communes. Nos collègues du groupe communiste ont fait voter un amendement, visant les communes très riches, qui permettrait de prendre en compte le potentiel fiscal. Mais ce prélèvement va obliger les communes pauvres, qui ont un potentiel fiscal très faible et qui n'ont pas de taxe professionnelle, à augmenter fortement leurs impôts sur les ménages. Ceux qui, dans ces communes, souffriront le plus de ces augmentations d'impôt - taxe d'habitation ou foncier bâti sont les habitants les plus modestes.

Mme Janine Jambu.

Mais non !

M. Gilles Carrez.

On risque donc, en pratique, d'aller à rebours de l'objectif de mixité sociale qui, pour nous, devrait conduire à tout faire pour que les ménages modestes puissent rester dans les communes dépourvues de logements sociaux - ceux-ci n'étant pas décomptés conformément à la réalité, mais selon la comptabilité formelle et réductrice que l'on veut nous imposer.

D'autre part, ce prélèvement constitue une sanction a priori . L'Etat commence par prélever, quelles que soient les caractéristiques des communes, et ce n'est que dans un deuxième temps qu'il rend une partie de ce prélèvement, en fonction des efforts qu'a consentis la commune en matière d'accueil de logements sociaux, en finançant par exemple la surcharge foncière ou en viabilisant des terrains.

J'ai relu la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de 1991 instituant un fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France, issu de la loi d'orientation pour la ville. Le Conseil constitutionnel accepte le dispositif, mais dans la mesure où un équilibre est respecté, où ce prélèvement, institué en 1991, concerne des communes extrêmement riches, ayant un potentiel fiscal plus de trois fois supérieur à la moyenne.

Le Conseil constitutionnel considère que l'amende doit être à l'échelle de l'équilibre financier général.

Or, le nouveau texte dont nous débattons propose un dispositif qui vaut pour tout le monde. Les communes extrêmement pauvres devront payer des sommes sans commune mesure avec leur potentiel fiscal très faible, si elles n'arrivent pas à réaliser les objectifs fixés. Je suis persuadé, monsieur le secrétaire d'Etat, que cela pose un véritable problème de constitutionnalité. En tout cas, nous soumettrons ce point au Conseil constitutionnel.

Troisième aspect : le prélèvement est effectué au niveau communal. Il peut paraître absurde de raisonner à l'échelon communal, dès lors que la commune appartient à un établissement public de coopération intercommunale responsable en matière d'habitat et que, sur l'aire donnée, on compte plus de 20 % de logements sociaux.

Si nous voulons favoriser l'intercommunalité et permettre aux communes accueillant un trop grand nombre de logements sociaux de s'associer à des communes plus favorisées pour améliorer des équilibres territoriaux - je pense à certains secteurs de la banlieue parisienne -, il faut que nous allions jusqu'au bout de la démarche intercommunale en matière d'appréciation de la mixité sociale.

A propos de l'article 25, il faut constater, monsieur le secrétaire d'Etat, que tous les maires, ou presque, sont attachés à la mixité sociale. A ce sujet, je vous ai instam-


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ment demandé, en première lecture, de nous communiquer un premier bilan de la loi d'orientation sur la ville, dont je rappelle qu'elle ne s'applique que depuis cinq ans à peine. Vous ne nous avez pas fourni ce bilan. Mais il figure dans les documents du Sénat, qui, lui, l'a obtenu de l'administration. Il est éloquent. Sur 209 communes concernées par le dispositif, huit seulement ont décidé de payer. Et à peine plus de 10 % ne se sont pas engagées, en pratique, dans la construction de logements sociaux.

Tout ce que nous demandons, c'est que les communes, qui, à ce jour, n'ont pas tenu leurs engagements, les respectent et que le dispositif prévu par la loi d'orientation sur la ville soit appliqué.

Mme la présidente.

Monsieur Carrez, je suis obligée de vous demander de vous orienter vers votre conclusion.

M. Gilles Carrez.

Madame la présidente, comme je défends une question préalable, ne puis-je vraiment pas bénéficier de quelques minutes supplémentaires ?

Mme la présidente.

Vous avez déjà dépassé les trente minutes qui vous étaient dévolues, mais je vous en accorde bien volontiers deux ou trois de plus.

M. Francis Delattre.

Veinard !

M. Gilles Carrez.

Merci, madame la présidente. Donc je résumerai...

M. Michel Vergnier.

Oui, cela vaudra mieux !

M. Henri Plagnol.

Quel dommage ! C'est si remarquable !

M. Gilles Carrez.

... les quelques idées que je souhaite d éfendre concernant la mixité sociale. La première consiste à rappeler que la mixité sociale est au coeur de notre tradition urbaine latine. Toutes nos villes se sont construites à partir de ce principe. La seconde est qu'il s'agit d'un gage de cohésion sociale.

La troisième est qu'elle représente un gage de vitalité pour nos villes. Rien n'est pire - tous les maires ici présents le savent - que de voir une ville se transformer en

« cité-dortoir-ghetto ».

Mme Janine Jambu.

Eh oui !

M. Gilles Carrez.

La diversité de population est une richesse pour chaque commune. Mais la mixité sociale doit être à double sens. Je tiens à votre disposition, monsieur le secrétaire d'Etat, les statistiques de construction de logements de l'une des trois communes de ma circonscription. Vous pourrez y voir que, depuis vingt-cinq ans, pas un seul immeuble locatif non HLM n'a été autorisé.

M. Daniel Marcovitch.

Très bien ! Continuez comme cela !

M. Gilles Carrez.

N'est-ce pas là la mixité sociale à rebours ? Il faut aussi s'occuper de ces communes où n'ont droit de cité que les logements collectifs sociaux et où problèmes et exclusions s'enchaînent les uns aux autres. La mixité sociale, la diversité de l'habitat doivent relever d'une approche contractuelle et non pas coercitive.

C'était le cas dans la loi d'orientation sur la ville, car la compétence en matière d'habitat est particulièrement complexe dans notre pays : l'urbanisme et la politique foncière sont définis par la commune, le financement de l'habitat social incombe à l'Etat, la réalisation des équipements est également à la charge de la commune. Comment s'en sortir sans passer par le contrat ? Et que feront les préfets lorsqu'ils devront se substituer aux maires pour préempter, accorder le permis de construire et financer les écoles ? Tous les maires le savent : cela ne s'est jamais fait dans notre pays, cela ne se fera pas, et cette disposition est une pure gesticulation.

M. Henri Plagnol.

Bien sûr !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Pourquoi vous inquiète-t-elle, dans ce cas ?

M. Francis Delattre.

C'est la bêtise qui sous-tend cela qui nous inquiète !

M. Gilles Carrez.

Parce que l'opposition n'a qu'un seul objectif : faire de bonnes lois, qui puissent s'appliquer et rendre service aux Français ! La définition du logement social que retient ce textee st beaucoup trop limitative. Il faudrait, là aussi, reprendre les propositions que nous avons faites en première lecture et celles qui ont été votées par le Sénat.

M. Pierre Cardo.

Tout à fait !

M. Gilles Carrez.

On ne le dira jamais assez, le logement social, c'est aussi l'accession sociale. Or elle n'a pas droit de cité dans votre texte. Le logement social, c'est aussi tout le logement locatif aidé ou réglementé. Dans nos communes de la banlieue parisienne, les lois de 1948, par exemple, offrent des loyers inférieurs aux loyers HLM.

C'est également le cas du logement intermédiaire, ou de la reconnaissance de l'accession à la propriété dans les HLM. Le logement social recouvre l'ensemble de ces dispositions qui font que, dans certaines communes, selon votre comptabilité formelle et dogmatique, il n'y aurait que 6 ou 7 % de logements sociaux, alors que, d'après les exonérations ou plafonnements de taxes d'habitation qui figurent dans les fichiers fiscaux, il y en a, en réalité, environ 40 %. Il faut bien que les ménages modestes habitent quelque part. Ils sont logés grâce à la petite accession sociale, habitent dans des petits pavillons « loi Loucheur », dans des immeubles, dans des départements régis par la loi de 1948, ou ont acheté leur HLM. Et c'est très bien.

Qu'est-ce qui compte vraiment, en matière de mixité sociale ? Le statut des murs ou l'accueil et le maintien, dans une commune, de ménages modestes, qu'ils soient propriétaires ou locataires, qu'ils soient logés dans le parc HLM ou dans le parc conventionné privé ? Il faut avoir une approche plus équilibrée et moins dogmatique du logement social.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Gilles Carrez.

Celle qu'a adoptée le projet de loi, excessivement uniforme et dogmatique, va induire plusieurs effets pervers. Elle risque tout d'abord de recréer un « front du refus » en matière d'implantation de logements sociaux. Pour le moment, les logements sociaux sont parfaitement bien intégrés, les organismes HLM savent construire de petites résidences à échelle humaine qui ne sont pas marquées socialement ; nous en accueillons tous dans nos communes.

M. Daniel Marcovitch.

Très bien ! Bravo ! Continuez jusqu'à 20 % !

M. Gilles Carrez.

Nous ne voudrions pas que tout ce travail de conviction, d'acclimatation, d'intégration du logement social soit remis en cause par une approche idéologique comme celle de M. Marcovitch.

D'autre part, on risque d'accentuer la ségrégation en obligeant certains ménages modestes à quitter leur ville en raison d'une augmentation de la fiscalité locale.

En outre, les blocages se multiplieront à cause des conflits avec les préfets.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 JUIN 2000

Pour terminer (« Enfin ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), je dirai que nous nous sommes interrogés, dans l'opposition, sur les raisons profondes de ce texte. Et nous sommes tous arrivés à la même conclusion, qu'a évoquée Francis Delattre : ce texte a probablement pour objectif essentiel de dissimuler - cela vous intéresse plus particulièrement, monsieur Claude Bartolone - l'échec du Gouvernement dans le domaine de la politique de la ville.

Les élus de banlieue ressentent profondément cet échec, qui s'est traduit par l'effondrement de la construction sociale, par la remise en cause du pacte de relance pour la ville. On s'était rendu compte que, dans les quartiers difficiles, il fallait en priorité miser sur l'emploi, sur l'accueil des entreprises. Aujourd'hui, les zones franches et les zones de redynamisation urbaine sont remises en question.

Cet échec se traduit aussi par les carences de l'éducation nationale. Je suis l'élu d'une zone franche où, à la rentrée de septembre, des classes vont fermer. Est-il normal de procéder, dans les quartiers difficiles, à des fermetures de classe en zone d'éducation prioritaire ? Cet échec est encore marqué par la démission des autorités responsables de la sécurité, et, surtout, par le manque d'ambition et de projet dans les quartiers difficiles. Il est trop facile de montrer du doigt quelques boucs émissaires, pour cacher que le Gouvernement n'a aucune politique pour les quartiers dégradés, où il ne faudrait pas hésiter à détruire d'abord, à aménager et à reconstruire ensuite, pour promouvoir un urbanisme et une architecture à taille humaine, à visage humain, pour que les gens se sentent bien et que soient limités les effets d'exclusion.

T out cela est absent d'un texte dont l'intitulé comporte le mot « renouvellement », mais où l'on chercherait en vain les dispositions qui le faciliteraient. C'est la raison profonde pour laquelle nous nous opposerons à ce texte. Face à l'abandon, à la mise en jachère, depuis 1997, de la politique de la ville, je vous demande, mes chers collègues, au nom du groupe RPR, d'adopter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au logement.

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

Madame la présidente, messieurs les députés, les orateurs que nous venons d'entendre nous ont interpellés avec insistance. Je souhaite leur dire que tout texte est perfectible, qu'il vaut mieux essayer d'amender un projet de loi plutôt que de le stigmatiser, de le rejeter en bloc, ou d'essayer, par divers arguments, de masquer les désaccords de fond.

Les motions de procédure qui ont été défendues s'appliquent au texte tel qu'il est issu des travaux du Sénat.

Nous nous attendions à ce que l'opposition de l'Assemblée nationale approuve le texte revenant du Sénat. Mais celui-ci ne trouve pas grâce à ses yeux.

M. Francis Delattre.

C'est l'échec de la CMP que nous déplorons !

M. Daniel Marcovitch.

Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu'ils disent ! (Sourires.)

M. Francis Delattre.

Heureusement que M. Marcovitch est là pour nous l'expliquer !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Vous avez, monsieur Delattre, parlé de mépris pour les élus locaux.

M. Francis Delattre.

Tout à fait !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Vous savez qu'il sont nombreux parmi les membres du Gouvernement, nombreux même à ne pas désespérer de le redevenir un jour à temps plein. (Sourires.)

M. Marc-Philippe Daubresse.

Ça vaudrait mieux !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Dès lors qu'ils se sentent de ce monde-là, dès lors qu'ils ont eu ce cursus-là, le mépris ne peut guère leur être imputé, et de tels propos me paraissent bien excessifs.

Au demeurant, M. Delattre a de la mixité une vision que nous ne partageons pas. Il considère par exemple qu'on pourrait l'obtenir en posant le principe que tout locataire va devenir propriétaire.

M. Francis Delattre.

Tout à fait !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Mais ce n'est pas ainsi, monsieur le député, que vous retrouverez la diversification sociologique indispensable à un habitat équilibré.

La solution ne tient pas qu'à un changement de statut.

Elle est beaucoup plus profonde. Elle nécessite des populations mélangées, diversifiées. Que vous payiez en fin de mois une quittance de loyer ou une mensualité d'accession ne change rien à la réalité de la situation sociologique.

M. Francis Delattre.

C'est faux ! Cette solution, nous l'avons expérimentée !

M. Henri Plagnol.

Voilà un vrai débat !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Votre affirmation, monsieur Delattre, mérite pour le moins d'être confrontée à la réalité.

M. Francis Delattre.

Nous pouvons vous inviter à vous rendre sur place, si vous le voulez !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Monsieur Carrez, vous avez fait état de craintes que beaucoup d'élus pourraient avoir face à telle ou telle innovation. Dans la mesure où vous défendiez une question préalable - c'està-dire que, selon vous, il n'y aurait pas lieu de délibérer -, il est clair que, pour vous, le statu quo est préférable.

M. Gilles Carrez.

C'est l'application des lois existantes qui est préférable !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Dans votre logique, tout le monde serait rebelle à l'application de dispositions nouvelles.

Dès l'origine, vous le savez, de nombreux professionnels de l'urbanisme ont vu, dans la simple notion d'occupation des sols, une approche trop réductrice pour l'enrichissement de la démarche de planification. Nous préférons, quant à nous, en partant de principes réaffirmés, qui soient de nature à réorienter la politique urbaine vers plus de qualité, faire confiance à l'intelligence des élus qui auront à appliquer ces dispositions.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Non, vous ne leur faites pas confiance !

M.

le secrétaire d'Etat au logement.

Sur ce point, il me semble que nous nous livrons, les uns et les autres, à des analyses très contrastées.

M

Marc-Philippe Daubresse.

Ce n'est pas la confiance, c'est la cravache !

M.

le secrétaire d'Etat au logement.

La liberté que nous donnons, qui ne supprime pas les caractères normatifs mais offre une possibilité d'appréciation à l'expression


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 JUIN 2000

d'un véritable projet urbain - projet de quartier, projet de développement traduit dans un document dont la lecture sera extrêmement intéressante d'un point de vue pédagogique et civique -, exigera que les élus fassent preuve d'intelligence et d'imagination. Nous sommes convaincus qu'ils réunissent ces qualités, et c'est en cela que nous sommes confiants, alors que je note que l'opposition est craintive.

En ce qui concerne le critère de l'agglomération, vous tentez d'opposer la loi Chevènement et la loi SRU. Vous savez très bien, monsieur le député, que le problème de la mixité se pose à une échelle infracommunale, et non pas supracommunale, car, manifestement, les difficultés se présentent dans des quartiers, quelquefois à l'échelle de toute une ville, mais, au niveau de l'agglomération, il n'y a rien à changer à la situation actuelle, car la plupart des agglomérations satisfont aux 20 % exigés par la loi.

M.

Francis Delattre.

Mais il n'y a rien de prévu pour les quartiers ! C'est quand même incroyable !

M.

le secrétaire d'Etat au logement.

Se cantonner au niveau de l'agglomération, c'est réduire à néant la démarche de mixité, puisque ce c'est pas là que le problème est posé. Je suis convaincu que vous en êtes vousmême tout à fait d'accord.

M.

Francis Delattre.

Non, pas du tout !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Si M. Delattre a parlé du mépris manifesté à l'égard des élus, vous, vous avez tenu à souligner que le texte méconnaissait les réalités locales. Sur ce point, nous avons été très clairs. Il est vrai que certaines communes, compte tenu de la particularité de leur territoire, auront parfois plus de difficultés que d'autres à atteindre en vingt ans l'objectif de diversité recherché, soit que cette diversité y soit insuffisante, soit qu'elle y soit inexistante. Toutefois, nous avons, d'une part, prévu une durée de vingt ans et, d'autre part, mis en place des outils comme l'acquisition éventuellement avec amélioration - permettant de diversifier ultérieurement. De la sorte, nous ouvrons un champ très fort de réalisation d'une offre locative, y compris dans des communes totalement urbanisées.

Pourquoi cette possibilité est-elle ouverte ? Tout simp lement parce que, chaque année, à côté des 300 000 logements qui sont mis en chantier c'est l'objectif très positif que nous atteignons en ce moment -, 600 000 logements changent de propriétaire, selon tous les professionnels, ce sera le cas en l'an 2000.

Cela signifie que, chaque année, 2,4 % des logements sont mis en vente.

Prenez le cas d'une commune qui partirait de zéro et ne voudrait pas du tout construire convenez que c'est un cas limite. Eh bien, il lui suffira, pour atteindre l'objectif de 20 % de logements sociaux en vingt ans, d'acquérir 40 % des logements qui se vendront au cours de la période considérée et de leur attribuer un statut locatif. N'est-ce pas faire preuve de réalisme et de respect de la multiplicité des situations ? Selon vous, la suppression de certains produits serait de nature à mettre en péril des situations locales. En vérité, les effets de cette suppression seront beaucoup plus limités que vous ne le prétendez. A l'heure actuelle, la fiscalité applicable aux constructions neuves fait l'objet d'une inégalité de traitement, dans la mesure où, rapporté au nombre de mètres carrés construits, l'habitat individuel nécessite beaucoup plus d'infrastructures que l'habitat collectif, alors qu'il y a homogénéité de base. Une telle situation pénalise l'habitat collectif, dont le coût de construction du mètre carré est déjà, en moyenne, 1 000 francs supérieur à celui du mètre carré de l'habitat individuel. Non seulement l'habitat collectif est plus cher, mais, de plus, il est davantage taxé, alors qu'il coûte moins cher à la collectivité. Nous essayons de remettre un peu d'ordre dans cette situation. Il n'y a rien là qui soit malsain ou injuste.

S'agissant du pouvoir des préfets sur la définition des périmètres, ce texte n'innove pas. La règle selon laquelle une majorité qualifiée doit approuver un périmètre est reprise pour les nouveaux documents d'urbanisme. En ce domaine, c'est le statu quo . Ce n'est pas parce que, dans telle assemblée, on préfère que le représentant de l'Etat s'appelle le préfet ou que, dans telle autre, on aime mieux qu'il porte effectivement le titre de « représentant de l'Etat », qu'il y a changement : les prérogatives sont les mêmes et la règle majoritaire fait que la majorité peut contraindre certaines minorités.

Mais tout cela n'est-il pas la contrepartie de l'existence dans notre pays de 36 000 communes ? Nous sommes nombreux à être élus dans des villes qui sont jumelées avec d'autres villes européennes et nous savons que certains pays européens ont procédé à des réformes communales brutales, organisant des fusions d'office : certaines villes européennes ont un périmètre de quarante ou cinquante kilomètres. Bien évidemment, quand les problèmes sont traités à grande échelle, les démarches sont plus cohérentes qu'en cas de multiplicité de pouvoirs locaux. Par conséquent, pour préserver à l'avenir le pouvoir communal, le foyer de démocratie qu'il représente, il faut accepter un minimum de concessions afin qu'il y ait une démarche cohérente. Si l'on n'y parvient pas, tôt ou tard, il se passera chez nous ce qui s'est passé dans d'autres pays européens : les communes seront perçues comme un obstacle à la mise en oeuvre d'un urbanisme équilibré, et ce serait dramatique. Bref, le dispositif que nous vous proposons est une chance pour les communes et ne peut que contribuer à leur pérennité ; il faut l'adopter.

Vous avez souligné, monsieur Carrez, que le principe de compatibilité serait plus exigeant que la simple prise en considération. Oui, mais c'est le prix de la cohérence.

On ne peut pas rester dans l'à-peu-près. Du reste, vous avez vous-même soutenu des gouvernements qui, eux aussi, ont trouvé que la démarche urbaine, limitée à des schémas directeurs et à des plans d'occupation des sols, était insuffisante. De même, vous avez soutenu, il n'y a pas si longtemps, un gouvernement qui a généralisé l'obligation d'avoir des plans de déplacements urbains dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants et qui souhaitait que des schémas de développement et d'équipement commercial couvrent tout le territoire.

M. Michel Bouvard.

Il en a fait des choses, ce gouvernement-là !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Il est essentiel, pour valoriser les documents en question, qu'il y ait une cohérence d'ensemble : c'est ce que permettra le principe de compatibilité. Il faut un élément central de réflexion p ermettant une mise en cohérence de toutes les démarches urbaines. Sur ce point, vous ne pouvez pas nous faire le procès que vous nous faites.

A vos yeux, le nombre des logements sociaux est trop peu important. Nous partageons cette analyse. Vous y voyez un échec de la politique de la ville, mais les choses sont beaucoup moins simples que vous ne le prétendez.

En vérité, le déclin de la construction locative sociale remonte à 1995 et non à 1997 ou à 1998,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 JUIN 2000

M. Francis Delattre.

C'est inexact !

M. Gilles Carrez.

Le mouvement s'est accéléré !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

... et il a suivi une pente régulière pour presque se stabiliser aujourd'hui, mais à un niveau inacceptable.

M. Francis Delattre.

45 000 logements seulement !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Dans certaines agglomérations, les demandes à satisfaire sont nombreuses, et nous ne pouvons nous contenter d'une production insuffisante en matière de logements locatifs sociaux.

Toutefois, comme vous le savez, Claude Bartolone multiplie les efforts pour dynamiser la politique du renouvellement urbain et faire progresser le concept de construction-démolition.

Ces pistes, ajoutées à l'obligation créée par la loi, devraient permettre d'éviter, me semble-t-il, que le volume des constructions sociales ne reste trop inférieur au niveau souhaitable.

Vous connaissez aussi notre attachement à la diversité de l'offre d'habitat. A cet égard, l'accession sociale à la propriété, que vous nous reprochez souvent de ne pass uffisamment soutenir, ne l'a jamais été autant qu'aujourd'hui : près de 120 000 prêts ont été débloqués l'an dernier, et, depuis la réforme du 1 %, un dispositif de sécurité permet d'augmenter le nombre des constructeurs potentiels de logements en accession à la propriété.

En outre, avec le statut du bailleur privé, nous soutenons l'accroissement de la production de logements locatifs privés. Cette diversification de l'offre nous donne les matériaux de base d'une ville diversifiée.

M. Gilles Carrez.

Nous sommes d'accord !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Alors, ne réclamons pas une production accrue de telle ou telle catégorie de logements pour le principe ; ce qui compte, c'est de parvenir à l'équilibre dans la diversité recherchée.

M. Gilles Carrez.

Améliorez les financements !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Enfin, permettezmoi de revenir sur la prétendue inconstitutionnalité du prélèvement qui pourra être opéré sur les recettes fiscales des communes. Ce mécanisme, monsieur le député, n'est pas une innovation.

M. Gilles Carrez.

Je l'ai dit ! Il date de 1991 !

M. Francis Delattre.

Il n'en demeure pas moins qu'il est scandaleux !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Comme vous l'avez dit, il existe depuis longtemps et sert à alimenter les différents fonds de péréquation des impôts locaux. C'est d'ailleurs le cas, mais il est plus récent, du fonds de solidarité entre les communes de la région d'Ile-de-France.

M. Francis Delattre.

Perseverare diabolicum !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Le Conseil constitutionnel, saisi de ce dernier dispositif, a estimé que le prélèvement ne présentait pas de problème de constitutionnalité dans son principe. Il a considéré également que le plafonnement sur recettes - ce qui l'apparente effectivement à un prélèvement à caractère fiscal - à 5 % des dépenses de fonctionnement de la commune n'était pas critiquable. Or l'étude d'impact du présent projet de loi montre que, dans l'hypothèse extrême d'une commune ne construisant aucun logement social, la somme acquittée par cette dernière serait très nettement inférieure à celle qui est susceptible de l'être au titre du FSRIF. J'ajoute que la règle du plafonnement à 5 % des dépenses de fonctionnement est inscrite dans le texte.

Dans ces conditions, si le Conseil constitutionnel persiste dans ses appréciations, la constitutionnalité du dispositif ne semble pas pouvoir être remise en cause.

M. Gilles Carrez.

Nous verrons !

M. Francis Delattre.

En tout cas, le Conseil constitutionnel sera consulté !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Mesdames, messieurs les députés, l'objectif que poursuit le Gouvernem ent, dans toutes ses composantes - Jean-Claude Gayssot, Claude Bartolone ou moi-même, pour les compétences qui sont les nôtres -,...

M. Francis Delattre.

Il manque un Vert !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

... est de construire des villes plus solidaires, bénéficiant d'un habitat plus équilibré et d'un urbanisme de meilleure qualité.

Ce que vous appelez de vos voeux, c'est-à-dire de petites opérations bien équilibrées, c'est ce que nous préconisons dans toutes nos circulaires de programmation.

Mme Janine Jambu.

Exactement !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Non, c'est tout le contraire !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Ne faites pas de ce point-là un point de divergence. En la matière, les choses sont claires, me semble-t-il.

Vous devez, mesdames, messieurs les députés, vous prononcer sur une question préalable. L'adopter reviendrait à considérer qu'il n'y a pas lieu à délibérer...

M. Gilles Carrez.

Nous pourrions partir en vacances !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

... et à faire prévaloir l'immobilisme. Telle n'est pas la conception du Gouvernement, qui veut aller de l'avant,...

M. Francis Delattre.

Ce texte constitue un retour en arrière !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

... c'est-à-dire vers la qualité, vers le progrès, vers des villes plus solidaires et plus équilibrées. Il souhaite donc le rejet de la question préalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Monsieur Carrez, vous m'avez pris à partie.

M. Gilles Carrez.

Gentiment !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Gentiment, certes.

Aussi vais-je vous répondre sur le même ton.

S'agissant du travail du Sénat, je ne vous permets pas d'interpréter mes propos et de me faire dire ce que je n'ai pas dit. D'ailleurs, j'ai écrit dans mon rapport que le travail du Sénat n'avait été ni marginal ni uniquement technique et qu'il avait été un bon travail.

Du reste, certains des amendements que j'ai déposés sont une synthèse du travail effectué par l'Assemblée et de celui réalisé par le Sénat. C'est ce qui explique que l'on ne retrouve pas tels quels les articles votés par le Sénat.

En revanche, il est évident que lorsque des articles votés par la Haute assemblée sont contraires à ceux qui avaient été adoptés par l'Assemblée nationale et en


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contradiction avec la volonté qu'elle avait exprimée en première lecture, je propose de revenir au texte voté par cette dernière.

Monsieur Carrez, vous qui êtes un homme de qualité, vous semblez considérer, comme M. Francis Delattre, que la discussion générale est trop courte. Aussi, chacun a bien compris que ces motions de procédure ont été déposées pour allonger le temps de parole imparti à l'opposition. Au demeurant, pourquoi pas ? Toutefois, je regrette que, au lieu de l'approfondir, vous repreniez le débat qui a eu lieu en première lecture...

M. Gilles Carrez.

Pas sur l'intercommunalité !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

... en vous appuyant sur des idées totalement fausses.

Vous parlez de densification, mais c'est un terme qui fait peur. Vous avez évoqué une réunion de l'AMF au cours de laquelle vous avez invité l'ensemble des maires à lutter contre cette loi scélérate qui allait permettre d'opérer une densification, de construire des barres partout ; dès lors, je comprends dans quel état d'esprit ont pu se retrouver les maires lorsqu'ils sont arrivés à cette réunion et l'incapacité dans laquelle ils ont été d'apprécier le contenu réel de ce texte.

M. Francis Delattre.

L'AMF est oecuménique !

M. Gilles Carrez.

L'AMF est une maison sérieuse.

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Le projet de loi a été présenté très correctement par les services de l'AMF, mais vous avez présenté aux élus les choses telles qu'elles ne le sont pas, et je le regrette.

M. Gilles Carrez.

C'est Michel Delebarre qui préside la commission « ville » à l'AMF !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Vous parlez de densification, mais faut-il répéter que les lieux de peuplement les moins denses sont précisément les cités où se trouvent des barres d'immeubles ? C'est une réalité, puisque le coefficient d'occupation des sols y est en général inférieur à un. Quand vous parlez de densité là où le coefficient d'occupation des sols est plus faible, vous faites une confusion des genres.

M. Gilles Carrez.

C'est un raisonnement d'architecte ! Allez le dire aux habitants de ces barres !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

L'urbanisme, ce n'est pas l'application d'une règle arithmétique, c'est un projet !

M. Gilles Carrez.

Allez expliquer aux habitants des barres que le peuplement est plus dense dans les pavillons de banlieue !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

C'est une réalité !

M. Daniel Marcovitch.

Tout Paris fait de pavillons de banlieue ! La ville à la campagne ! C'est du Alphonse Allais !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Louer des pavillons de banlieue comme logements sociaux, pourquoi pas ? Mais si des conditions de ressources sont instituées et les loyers plafonnés. Cela me paraît très bien.

Vous avez cité l'exemple, un peu caricatural, de communes où sont cultivés des grands crus. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Trouvez-vous normal, monsieur Carrez, que dans ces communes, il n'y ait que des châteaux ? Que les ouvriers agricoles qui travaillent dans les vignes - et dont les revenus, que je sache, ne sont pas extraordinaires -, leurs enfants et les employés communaux ne puissent se loger dans la commune où ils travaillent ? Moi non !

M. Alain Cacheux.

Vous avez raison, monsieur le rapporteur !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Même dans ces communes, il faudrait un certain pourcentage de logements sociaux permettant aux gens de vivre là où ils travaillent, et c'est possible.

Monsieur Carrez, un certain nombre de vos remarques ont été prises en compte dans mes amendements. Mais sur le fond, lorsque vous dites que cette loi manque de projets, je me demande si ce n'est pas le fonctionnaire de l'équipement que vous avez été qui parle, plus que le maire que vous êtes.

rapporteur ! En tout cas, vous n'avez pas le monopole des réalités locales. Je suis moi-même élu local depuis plus de onze ans et, si vous me permettez l'expression, je me coltine ces problèmes quotidiennement.

En fait, c'est aux élus locaux qu'il appartient de construire le projet de renouvellement, les projets de quartier et les projets de ville, pas à la loi. Chaque territoire a ses particularismes, son histoire et sa culture.

Comment voulez-vous inscrire dans une loi un projet valable pour toutes les communes de France ?

M. Gilles Carrez.

C'est pourtant ce que vous êtes en train de faire !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Vous préférez appliquer une loi plutôt que de faire votre travail de maire.

Excusez-moi, mais choisissez entre le maire et le fonctionnaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Gilles Carrez.

Ce n'est pas gentil pour vos collègues fonctionnaires qui sont plus nombreux de votre côté que du mien !

Mme la présidente.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge.

Monsieur Carrez, nous devons essayer d'être précis et objectifs.

Vous dites que nous portons un préjudice grave aux communes en leur enlevant des ressources fiscales sans compensation.

M. Gilles Carrez.

En région parisienne !

M. Yves Dauge.

Vous faites allusion au sur-COS, disposition qui crée du contentieux et une très forte instabilité là où on la pratique. La mesure de simplification et de clarification que nous proposons n'aura aucun impact sur la fiscalité.

Vous faites allusion également à la taxe locale d'équipement. M. Besson l'a bien expliqué, le projet de loi introduit de la souplesse pour favoriser le logement collectif.

Quant au plafond égal de densité, contrairement à ce que vous dites, les communes pourront continuer à en bénéficier.

En revanche, monsieur Carrez, vous ne dites rien - il est vrai que vous n'êtes pas obligé d'en parler - des dispositions nouvelles qui apporteront des ressources supplémentaires aux communes, du fait des mécanismes de participation des propriétaires et des ressources nouvelles dans le domaine du foncier.


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L'annonce de ces nouvelles ressources a été très appréciée par les maires que j'ai rencontrés. Evidemment, si vous dites aux maires qu'on leur enlève des ressources fiscales - alors que ce n'est pas tout à fait exact - sans leur expliquer dans le même temps les nouvelles perspectives que ce projet leur ouvre leur réaction est négative. Nous devons refuser ce genre d'argument un peu facile. Nous sommes suffisamment éclairés ici pour savoir ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas ! Enfin, je vous répondrai sur le schéma de cohérence territoriale. Les SDAU ont été un échec. Ils sont d'ailleurs pratiquement tous en révision. Trop limités géographiquement et d'une durée trop longue, ils cumulaient les handicaps. Leur remplacement par le SCT sera un progrès.

D'abord, le territoire couvert sera beaucoup plus large.

Le SCT sera applicable dans la fameuse bande des quinze kilomètres tandis que la règle de la constructibilité limitée devrait inciter à conclure des SCT. Ainsi, cette règle ne devrait pratiquement jamais s'appliquer. D'ailleurs, la règle de la constructibilité limitée existe depuis longtemps. Nous avions dû l'expliquer aux maires, à l'époque où nous mettions en place la décentralisation. Bien sûr, elle ne plaisait pas toujours, mais faut-il toujours faire ce qui plaît à tout le monde ? Certes, le projet de loi donne un pouvoir au préfet d'empêcher les constructions dans les zones NA des POS, mais seulement si le périmètre en question n'est pas couvert par le SCT. Or, vous le savez très bien, ces zones seront comprises dans le périmètre du SCT.

Comme vous, j'ai rencontré des maires. Ils n'ont pas eu la réaction négative dont vous parlez. Encore faut-il leur expliquer les choses ! Nous savons tous pertinemment qu'il y a un vrai problème. D'où la nécessité de délibérer, monsieur Carrez ! Soyons lucides, le traitement des périphéries urbaines est un échec : prolifération des surfaces commerciales, qui ont détruit nos quartiers et nos centres-villes, multiplication des zones d'activité qui se branchent sur les échangeurs, en consommant l'espace à tort et à travers, entrées de ville désastreuses, manque de moyens de transport dans les périphéries. De ce point de vue, ce projet de loi, c'est un progrès pour les années qui viennent. Dans dix ans, vous verrez, tout le monde reconnaîtra que cette loi était bonne et nécessaire.

M. Marc-Philippe Daubresse.

On prend le pari !

M. Francis Delattre.

Elle sera morte !

M. Yves Dauge.

Elle est fondée sur un constat, sur une discipline collective : le schéma de cohérence territoriale.

Cet outil sera à la disposition des communes. Le préfet n'en déterminera pas plus le périmère qu'il ne déterminait le périmètre du SDAU, monsieur Carrez. Nous sommes dans la continuité du système des périmètres.

Mme Nicole Bricq.

Très bien !

M. Yves Dauge.

Là encore, ne dites pas le contraire de ce qui est. Regardez plutôt ce qui ne va pas et faites des propositions. Les maires que vous défendez, et nous aussi, sont victimes de l'incohérence en la matière.

La politique de la ville souffre, elle aussi, de cette incohérence. Le Gouvernement a déjà fait beaucoup, même si les résultats sont difficiles. De nombreuses actions sont encore en cours, et les moyens consentis sont considérables. Mais, pour briser le mur de l'incohérence des périphéries urbaines et de l'anarchie, la politique de la ville a besoin du schéma de cohérence territoriale. Sans un tel cadre, nous travaillons pour rien et le phénomène d'échec ne pourra que se reproduire. Pour réussir, la politique de la ville doit pouvoir s'appuyer sur cette perspective de cohérence, tout le monde peut le comprendre.

Si, demain, j'allais avec vous devant les maires, monsieur Carrez, je me ferais applaudir, j'en suis sûr, (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gilles Carrez.

Pari tenu !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Chiche !

M. Alain Cacheux.

Cela s'est déjà vérifié ici !

Mme la présidente.

La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez commencé votre propos en reprochant à notre collègue Carrez de ne pas s'appuyer sur le texte du Sénat.

Mais c'est justement parce que la majorité de la commission de la production et des échanges a adopté des dizaines d'amendements qui reviennent au texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale que M. Carrez a agi ainsi, et son intervention est donc tout à fait légitime. M. le rapporteur a beau dire qu'il a fait la synthèse entre l'Assemblée nationale et le Sénat, cette synthèse penche tout de même complètement d'un côté, même si quelques aménagements ont été consentis.

Notre collègue Carrez a insisté, à juste titre, sur les contraintes aussi bien administratives que financières.

Vous donnez une définition du logement social très restrictive et vous ne traitez pas l'accession sociale à la propriété. Comment voulez-vous que nous soyons d'accord avec vous ? Vous nous imposez soit une contrainte, soit une suppression des parties normatives, en particulier dans les POS. Avec toujours la même idée, la densification. Cela conduira nécessairement à une certaine uniformisation des communes.

Nous ne sommes pas contre la mixité sociale, nous ne sommes pas opposés à certains aspects de la loi, comme le dit M. Dauge. Ce qui nous fait réagir, c'est ce que vous voulez faire fondamentalement de la mixité sociale.

Autre point de désaccord, l'intervention accrue des préfets. Qu'est-ce d'autre que de la recentralisation ? De nombreux maires vont être déstabilisés, je vous assure.

En ne menant pas une réflexion de fond, une réflexion d'ensemble sur la politique de logement, en demandant l'urgence sur ce projet, nous sommes passés à côté d'un vrai débat : sur le logement, privé et public, sur l'aide à la pierre, sur l'aide à la personne. Nous le regrettons. La question préalable de Gilles Carrez est donc tout à fait justifiée, à tel point que vous avez cru devoir y répondre longuement, monsieur le secrétaire d'Etat. Le groupe du Rassemblement pour la République ne peut que la voter.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

J'ai été un peu surpris, monsieur le rapporteur, de vous entendre opposer la qualité de haut fonctionnaire, dont la compétence en matière d'urbanisme est reconnue, et sa fonction maire qui a les pieds sur le terrain. Si la question préalable était à ce point forte et pertinente, c'est précisément parce que Gilles Carrez était mieux placé que personne, en raison de cette double expérience, pour dénoncer un retour à une conception technocratique et passéiste de l'urbanisme, et pour nous inviter à parier sur l'intelligence des élus locaux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 JUIN 2000

M. Carrez a démontré d'abord que votre projet était incohérent par rapport aux objectifs de la loi Chevènement et à la définition de l'agglomération. Vous continuez en effet de vous appuyer pour le logement sur une définition communale, quitte à contredire les logiques d'agglomération.

Il a ensuite démontré avec beaucoup de pertinence que vous alliez encore aggraver la confusion qui règne dans le domaine réglementaire et administratif en empilant des normes. Le schéma de cohérence territoriale, loin de combler les carences des SDAU, va les aggraver - il fallait un minimum de trois ans pour faire un SDAU, il faudra au moins six ans pour faire un SCT - sans parler du risque considérable de contentieux.

Enfin, et c'est le plus grave, le projet de loi repose sur une conception très réductrice du logement social qui exclut l'accession sociale à la propriété. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous avez donné vous-même des chiffres implacables : 120 000 prêts conventionnés actuellement, contre à peine plus de 40 000 logements HLM.

Une loi intelligente aurait aurait ouvert la définition du logement social comme l'a proposé le Sénat en y intégrant le parc conventionné privé et l'accession sociale à la propriété.

M. Gilles Carrez.

Il a raison !

M. Henri Plagnol.

Hélas ! une fois encore, vous vous apprêtez à voter une loi d'inspiration jacobine et centralisatrice qui organise un peu plus le dessaisissement des élus locaux, seuls à même de faire du logement social intégré dans les quartiers, au profit des ingénieurs de l'équipement et au risque de renouer avec les excès des a nnées soixante et soixante-dix que vous prétendez dénoncer.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera sans hésiter la question préalable remarquablement défendue par M. Carrez.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

3

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

Mme la présidente.

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 30 juin 2000, terme de la session ordinaire, a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

Par ailleurs, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution, la conférence des présidents a décidé que la première séance mensuelle d'initiative parlementaire de la session ordinaire de 2000-2001, dont il revient au groupe socialiste de proposer l'ordre du jour, aurait lieu le jeudi 5 octobre, matin, et se poursuivrait le jeudi 12 octobre, matin.

Enfin, elle a décidé que des séances de questions orales sans débat auraient lieu les mardis 3 et 10 octobre, matin.

4

ORGANISATION DE LA DISCUSSION DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2001

Mme la présidente.

La conférence des présidents a arrêté les modalités de la discussion du projet de loi de finances pour 2001.

Cette discussion aura lieu du mardi 17 octobre au mardi 21 novembre 2000, conformément au calendrier qui sera annexé au compte rendu de la présente séance, le projet de loi de financement de la sécurité sociale étant examiné dans la semaine du 23 au 27 octobre.

J'indique à l'Assemblée que la conférence des présidents a décidé que sept budgets seront examinés selon la procédure expérimentée l'an dernier.

5

SOLIDARITÉ ET RENOUVELLEMENT URBAINS Reprise de la discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi

Mme la présidente.

Nous reprenons la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.

Discussion générale

Mme la présidente.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu.

Madame la présidente, messieurs les ministres, chers collègues, c'est avec la volonté, non seulement de rétablir ce qui a été acquis au cours de la première lecture par notre assemblée, mais encore de porter plus loin certaines dispositions afin de mieux répondre aux objectifs de mixité sociale, d'équilibre, de solidarité et de démocratie, que nous abordons cette nouvelle lecture.

Il nous semble nécessaire de réaffirmer fortement les ambitions de ce projet de loi, les enjeux de société qui le sous-tendent et les besoins qu'il souhaite satisfaire. Je pense tout particulièrement à ce qui constitue le symbole de ce texte : la solidarité financière entre les communes, l'obligation de construire des logements sociaux pour toutes les communes qui n'en disposent pas du tout ou pas suffisamment.

C'est ce dispositif qui a provoqué l'ire de la majorité sénatoriale, prenant la suite de l'opposition siégeant dans cet hémicycle. Des propos inadmissibles ont été proférés sur les bancs de la droite au sein des deux assemblées, justifiant en fait un habitat ségrégatif et une véritable atteinte à la liberté de se loger dans le quartier ou la ville de son choix.

M. Marc-Philippe Daubresse.

C'est tout le contraire.

Mme Janine Jambu.

N'a-t-on pas entendu dans cette enceinte : « Les beaux quartiers ont une fonction, ceux qui n'y habitent pas sont heureux de s'y promener. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 JUIN 2000

Quel mépris pour l'immense majorité de la population ! Et je ne veux pas énumérer toutes les caricatures qui ont été faites sur l'architecture des logements sociaux, dont la conception a pourtant depuis longtemps dépassé les barres et les tours et n'a rien à envier aux programmes immobiliers de standing dont certaines communes s'enorgueillissent.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Et que vous allez encourager en supprimant le COS !

Mme Janine Jambu.

Pas du tout ! L'exemple du département des Hauts-de-Seine, dont je suis l'élue, illustre bien les déséquilibres qu'il faut combattre. Les communes qui accueillent une grande part du parc social, telles Gennevilliers, Villeneuve-la-Garenne, Bagneux ou Nanterre, sont soumises à la pression de la forte demande départementale, alors que d'autres, comme Ville-d'Avray, Neuilly, Levallois, sont exonérées de la solidarité départementale.

Agir pour la mixité sociale et spatiale, c'est permettre, demain, que les familles inscrites au fichier départemental des mal-logés puissent accéder à un logement social à Vaucresson comme à Malakoff.

Nous ne voulons, pour aujourd'hui ou pour l'avenir, ni ghettos de riches ni ghettos de pauvres. L'habitat social moderne, ouvert à des catégories sociales diversifiées, a, au contraire, une fonction d'insertion, de convivialité, de lien social à jouer.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Tout à fait !

Mme Janine Jambu.

C'est pourquoi nous sommes extrêmement attachés au dispositif de l'article 25 et aux mesures qui avaient été adoptées en première lecture, notamment à notre initiative, tel l'alourdissement de la pénalité par logement pour les communes les plus riches ou la référence dans la loi à un seuil obligatoire par commune dans le cadre de l'intercommunalité.

Nous sommes aussi très attentifs au pendant de ce dispositif incitatif et contraignant, c'est-à-dire à l'effort porté en direction des quartiers en restructuration, sous peine d'avoir un effet d'aspiration sociale contraire au but recherché.

Nous souhaitons que l'affectation du fonds issu des pénalités serve à la revitalisation de ces quartiers tout comme nous demandons l'allègement du foncier bâti pour les organismes HLM comptant du patrimoine dans ces mêmes quartiers afin de développer les services de proximité et d'entretien et d'améliorer la qualité de vie pour les locataires et habitants.

J'ai abordé d'emblée l'article 25 parce qu'il a focalisé le débat politique et qu'il illustre la différence d'approche des questions urbaines et sociales.

Mais je voudrais, avant de poursuivre sur le logement social, dire deux mots du volet urbanisme sur lequel reviendra Michel Vaxes à l'occasion de l'examen des articles.

En la matière, le fil conducteur reste pour nous la démocratie locale, la participation directe des populationse t l'association, la prise en compte de l'avis des communes et des conseils municipaux concernés. Or cette dimension est occultée par la logique de la loi sur l'intercommunalité qui constitue la trame du volet urbanisme. C'est ce qui avait motivé nos réserves lors du débat sur la loi Chevènement.

Nous ne sommes pas dans une intercommunalité de projet, mais dans une intercommunalité de transfert obligatoire de compétences, porteuse de rupture du lien direct avec la population. Et c'est pourquoi nous attac hons une grande importance au rétablissement, à l'article 14, de ce qui avait été obtenu en première lecture : la prise en compte de l'avis des communes concernées.

J'en viens maintenant aux dispositions portant sur le parc social existant.

Je tiens à exprimer quelques incompréhensions sur cette partie du texte, qui nous apparaît en retrait sur ce qui avait été acquis en première lecture et dans laquelle notre apport est minoré.

D'abord, la notion de « missions de service public », qui est pour nous étroitement liée à la responsabilité publique et à une politique publique d'aide au logement pour ce qui concerne tant le financement que les critères - tendant à assurer à chaque citoyen de notre pays le droit à un logement confortable et à un coût accessible, n'a pas été retenue.

Ensuite, les principes du relèvement des plafonds d'accès aux logements sociaux et du relèvement du seuil d'application obligatoire du surloyer, qui représente un pas important vers l'abrogation, ne figurent plus dans le texte.

Nous sommes pourtant, avec ces dispositions relatives aux ressources, au coeur de la mixité sociale et de la question suivante : le logement social, pour qui ? Nous considérons en effet que le logement social a vocation à accueillir de très larges catégories de salariés et qu'un couple d'enseignants, de techniciens ou d'employés n'est pas un privilégié de la fortune, occupant indûment des logements de la collectivité réservés aux plus démunis ou aux plus modestes. Le peuplement équilibré du parc social est un enjeu essentiel pour l'avenir des quartiers, des communes et des agglomérations, ainsi que pour le lien social.

Tout cela motive notre insistance à demander l'abrogation du surloyer et le relèvement des plafonds, exprimant à cette occasion l'exigence de ceux qui vivent dans le parc social ou qui souhaitent y accéder. Nous y reviendrons avec force au cours du débat.

De même, nous nous interrogeons sur le fait que le texte entérine une certaine dérive des missions des organismes d'HLM, dont certains semblent davantage lorgner vers une fonction de promotion immobilière ou une fonction de prestation de services, plus lucratives que le logement social.

Les missions des organismes d'HLM, outils d'une politique publique de réponse aux besoins, regroupant le locatif social et, de façon complémentaire, l'accession sociale encadrée, doivent être clairement précisées dans le texte.

En revanche, nous sommes satisfaits de constater que la liberté de choix entre OPHLM et OPAC et les garanties concernant le statut des personnes des offices publics HLM sont maintenues.

En première lecture, nous nous sommes félicités des mesures portant sur la pérennisation du parc social qui, comme celles de l'article 25, traduisent une volonté politique forte. C'est pourquoi j'ai alors souhaité que ces obligations puissent être étendues au patrimoine des bailleurs répondant aux mêmes caractéristiques sociales de peuplement et de gestion que les HLM, mais dont l'orientation stratégique est libérale : je veux parler plus précisément de la SCIC, filiale de la Caisse des dépôts.

Il est de notre responsabilité de placer des garde-fous pour empêcher le glissement de tout ce parc vers le marché libre, avec les conséquences sociales que cela entraîne.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 JUIN 2000

Cette demande émane de nombreux maires de gauche en Ile-de-France, ainsi que des locataires, qui font l'amère expérience du déconventionnement. Ainsi, dans mon département, la SCIC déconventionne en une année plus de logements sociaux qu'il ne s'en construit.

J'interviendrai personnellement et avec détermination pour que nous inscrivions dans cette loi des mesures contraignantes pour la SCIC, susceptibles de constituer un point d'appui pour celles et pour ceux qui habitent dans ce parc et y agissent pour défendre sa vocation sociale.

Enfin, je souhaite que nous progressions, à l'occasion de cette nouvelle lecture, sur les droits des locataires et les moyens qui leur sont donnés pour les exercer, en particulier à travers leurs associations représentatives.

Concernant le secteur privé, il faut rétablir les dispositions, et notamment les sanctions, qui permettent de lutter plus efficacement contre les pratiques des marchands de sommeil, ainsi que la définition du logement décent et autres éléments de protection des droits des locataires, que le Sénat a considérablement amoindris.

J'évoquerai pour finir le volet transports, sur lequel mon ami Gilbert Biessy reviendra au cours de la discussion.

Nous restons convaincus qu'un développement des transports collectifs urbains et régionaux, adapté aux besoins actuels de déplacement des Françaises et des Français, impose que soient dégagées des ressources nouvelles au bénéfice des autorités organisatrices de transport.

Une partie des 160 milliards de TIPP prélevés chaque année par l'Etat pourrait être utilement et durablement affectée à l'essor de modes de déplacement économes en énergie et respectueux de l'environnement.

Tel est l'état d'esprit constructif qui anime les députés communistes pour porter plus loin le contenu du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, pour lui donner plus d'efficacité concrète et pour offrir, demain, plus d'atouts à toutes celles et à tous ceux, élus ou habitants, qui veulent mieux vivre la ville.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Madame la présidente, mesdames, messieurs, pourquoi le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains suscite-t-il autant de passions ?

Alors que le secrétaire d'Etat au logement est un grand praticien de cette discipline, que le rapporteur connaît bien les problèmes d'urbanisme qui se posent dans la région nantaise et que beaucoup de députés, siégeant à droite ou à gauche de l'hémicycle, sont des élus de terrain qui ont beaucoup réfléchi sur la question, pourquoi n'arrivons-nous pas à un concensus sur un tel texte ? Je crois que c'est parce que l'enjeu dépasse celui d'une réforme supplémentaire ou de la politique du logement et qu'une loi importante, qui nous a placés au milieu du gué - je veux parler de la loi Chevènement -, exigera une étape supplémentaire.

En effet, la loi Chevènement pose le problème du pouvoir d'agglomération et celui, évoqué par nos collègues communistes, de la manière dont on peut, avec un pouvoir d'agglomération plus fort, faire respecter par les élus locaux, en particulier par les élus communaux, la nécessaire relation de proximité qui doit exister entre les élus et les citoyens.

La loi «

SRU » touche, dans la pratique, à la vie quotidienne des citoyens, au logement, à l'habitat, au transport et elle apporte une première réponse non pas à la question de savoir où nous allons avec ce pouvoir d'agglomération, mais à celle de savoir comment nous y allons.

Pour sa part, le groupe UDF pense que vous auriez pu apporter des réponses différentes tout en évitant les passions. Ainsi, nous aurions pu tenir une commission mixte paritaire avec nos collègues sénateurs en nous centrant, au-delà des centaines d'amendements déposés en première lecture, sur trois articles du projet concernant respectivement le logement social, la réforme du code de l'urbanisme, et notamment la création des schémas de cohérence et des PLU, et la décentralisation des transports dans nos régions. En effet, ces articles fournissent matière à des avancées significatives, de part et d'autre, permettant d'aboutir le cas échéant à un texte de consensus.

C'est parce que vous ne l'avez pas voulu, continuant à privilégier une méthode fondée sur l'idéologie et non sur la recherche du consensus, que nous nous montrons dans le débat aussi passionnés.

Nous pensons sincèrement que la « loi Gayssot », puisqu'elle est ainsi dénommée même si deux autres ministres y apportent une contribution significative, portera un mauvais coup à la loi Chevènement.

L'enjeu est donc bien un enjeu de décentralisation et de méthode de décentralisation. A cet égard, je rappellerai en quelques mots quelle est la vision du groupe UDF sur la réforme de l'urbanisme, sur le logement social et sur la décentralisation des transports.

Sur la réforme du code de l'urbanisme, d'abord.

J'ai écouté avec attention Yves Dauge, dont chacun connaît la compétence en ce domaine. Je lui répondrai qu'il y a quand même un paradoxe à mettre en place une usine à gaz avec les schémas de cohérence territoriale et à introduire à l'intérieur de cette usine à gaz des PLU dits souples. On fait l'inverse de ce qu'il fallait faire.

Le pouvoir reconnu par les citoyens sur le terrain, c'est le pouvoir du maire d'instruire et d'accorder des permis de construire, et c'est le pouvoir du maire en matière de circulation et de stationnement. Or, le projet de loi retire leur pouvoir aux maires. Je sais bien que l'on aura la faculté de fixer ou non des COS. Mais comment peut-on admettre que certaines communes en soient pourvues contrairement à d'autres ou, pire, qu'à l'intérieur de certaines agglomérations - nous sommes dans le cadre de la loi Chevènement - des communes qui auraient voulu en disposer n'en disposeront pas du fait qu'une agglomération, peut-être de tendance contraire, aura décidé de ne pas en prévoir dans ses futurs PLU ? Nous allons avoir une France à plusieurs vitesses. Une telle souplesse marque à notre avis un recul de la décentralisation et de l'autonomie qu'on aurait pu laisser en ce domaine aux élus de terrain.

J'ai passé plusieurs années de ma vie à travailler sur les schémas directeurs et les POS. Fort de mon expérience, je suis persuadé qu' a contrario les schémas de cohérence territoriale provoqueront, eu égard aux principes que vous avez voulu édicter dans la loi en amont et en aval de la procédure, un alourdissement considérable : en amont car on a alourdi volontairement les procédures de concertation, et en aval car on a multiplié les risques de recours et de contentieux. Je ne sais, monsieur le secrétaire d'Etat au logement, si vous avez examiné tous les contentieux qui ont surgi depuis des années sur les problèmes de schémas directeurs et de POS. Je pense que les fonctionnaires de l'urbanisme et du logement ont dû, quant à


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 JUIN 2000

eux, se livrer à cet examen. Comment ne seraient-ils pas convaincus que le risque de contentieux sera accru ? En ce qui me concerne, je suis même persuadé que la future loi fera naître dans la population des réflexes de contentieux à l'américaine et qu'elle induira de sérieux retards dans l'ensemble des politiques que l'on voudra mettre en oeuvre.

J'en arrive au logement social.

Sans revenir sur tous les points que nous avons développés dans les motions de procédure, je me contenterai de relever que l'un des amendements du rapporteur à l'article 25 pose plusieurs problèmes.

S'agit-il d'une incitation ou d'une coercition ? Pourquoi n'avez-vous pas choisi de donner des avantages significatifs, notamment via la dotation de solidarité urbaine, aux communes qui ont déjà sur leur territoire du logement social ? Pourquoi n'avez-vous pas choisi d'inciter les autres comunes à faire du logement social ? Pourquoi avez-vous voulu pénaliser les communes a priori , alors que vous auriez pu, si vous aviez voulu manier la contrainte, pénaliser a posteriori celles qui n'auraient pas suffisamment construit de logement social ? Pourquoi refusez-vous obstinément que soient pris en compte les logements du parc privé, alors que vous n'ignorez pas l'une des conséquences de la révolution industrielle ? En effet, il n'y a pas que des logements HLM publics : il existe aussi des tas de petits logements privés qui ont été construits autour des usines textiles, par exemple...

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Ils sont conventionnés !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Ils ne sont pas tous conventionnés, monsieur le rapporteur ! Dans ma région du Nord, par exemple, les petites courées autour des usines textiles ne sont pas conventionnées, alors que tous les corons des bassins miniers le sont. Il s'agit pourtant du même type de logement, dans lequel vivent des populations bien plus démunies que la moyenne des personnes qui vivent dans des logements du parc HLM.

Nous aurions pu, et sur ce point j'étais d'accord avec vous, ne pas considérer le loyer, mais les ressources et prévoir que des logements sociaux seraient accessibles à condition que les personnes concernées touchent l'APL.

Ce critère de ressources aurait pu servir à cibler les populations les plus démunies.

Pourquoi, monsieur le rapporteur, refusez-vous que l'on construise du logement social dans les villes de moins de 3 500 habitants,...

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Ce n'est pas un refus !

M. Marc-Philippe Daubresse.

... alors que la mixité sociale - je le vis quotidiennement dans la ville dont je suis le maire - est assurée lorsqu'on réalise de petites opérations de quarante à cinquante logements sociaux bien intégrés, ce qui permet une vraie mixité sociale entre des populations de moyens et de culture différents. Cela marche quand on réalise des opérations de cette taille-là et quand on a une volonté de qualité urbaine !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Qui peut le plus peut le moins !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Par contre, si l'on veut ériger des tours ou des barres, l'échec est total, comme chacun l'a reconnu ici même.

Pourquoi donc ne pourrions-nous pas faire du logement social dans les petites communes des zones rurales, lequel nous permettrait d'atteindre un objectif global sur l'ensemble d'une agglomération ?

M. Patrick Rimbert, rapporteur, et

M. Alain Cacheux.

Faisons-le !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Qu'il s'agisse des revenus, de l'assiette, de la nature des communes concernées ou de la méthode incitative ou coercitive, je pense que vous avez fait fausse route.

S'agissant, enfin, des transports ; le groupe UDF est évidemment favorable à la régionalisation du ferroviaire puisque c'est Mme Idrac qui en a été l'initiatrice il y a quelque temps et que cette régionalisation a été un vrai succès dans les sept régions pilotes qui l'ont expérimentée.

Mais, ainsi que l'a déploré l'assemblée des élus des conseil régionaux, toutes tendances confondues, deux carences graves ont été constatées.

On déplore en premier lieu la difficulté du dialogue avec la SNCF, très centralisatrice. Celle-ci continue à vouloir répartir les sillons ferroviaires en fonction d'une politique nationale privilégiant, d'abord, les trains à grande vitesse et, ensuite, les trains de banlieue, le fret ferroviaire étant mis de côté. Cette politique nationale se poursuit alors que, sur le terrain, les problèmes se posent d'une manière différente - je pense en particulier au transport régional de voyageurs, souvent laissé pour compte au profit des grandes lignes du type TGV.

Nous avions donc besoin que les régions disposent d'un pouvoir plus important dans la discussion sur les sillons ferroviaires et que les régions aient les moyens de cette politique. M. le ministre Gayssot a consenti une avancée en ce domaine mais, comme l'ont relevé les présidents de région, elle est loin d'être satisfaisante.

Je n'insisterai pas sur les autres dispositions du texte, pensant avoir démontré, en m'en tenant à trois de ses articles, que l'on ne pouvait pas atteindre le consensus avec une telle méthode.

Le groupe UDF était prêt à voter ce texte, ainsi que je l'avais annoncé au début de la discussion. Je n'avais pas, quant à moi, brandi des raisons idéologiques, contrairement à certains maires. Nous étions donc prêts à voter ce texte, sous certaines conditions. Peut-être la grâce touchera-t-elle la majorité lors de l'examen des amendements, et nous pourrons alors revenir sur les trois articles que j'ai évoqués, faire des avancées, et nous reverrons alors notre position. Mais si tel n'est pas le cas, nous devrons malheureusement voter contre.

M. Bartolone a dit au début de la discussion du projet de loi qu'il voulait faire le pari de l'intelligence.

Faire le pari de l'intelligence, monsieur le ministre, c'est faire confiance aux acteurs locaux, qui sont les maires et les élus des communautés d'agglomération ! Faire le pari de l'intelligence, c'est faire le pari de la responsabilité en préférant des dispositifs incitatifs à des dispositifs coercitifs ! Faire le pari de l'intelligence, c'est faire le pari de la qualité en assurant une mixité sociale qui écarte tout risque de densification à travers l'initiative publique ou privée ! Faire le pari de l'intelligence, c'est faire le pari de l'ascenseur social et reconnaître la nécessité, chaque fois que c'est possible, de favoriser l'accession à la petite propriété ! Faire le pari de l'intelligence, enfin, c'est faire le pari de l'incitation en augmentant les dotations de fonctionnement des villes qui réalisent la mixité sociale au lieu de pénaliser celles qui n'en ont pas toujours la possibilité ni les moyens - je pense notamment aux communes à faible potentiel fiscal !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 JUIN 2000

L'amendement du groupe communiste fera que les villes riches pourront s'exonérer de construire du logement social alors que les villes très pauvres fiscalement ne pourront réagir et seront obligées de reporter sur leurs contribuables le poids des charges, ce qui est particulièrement injuste.

En mettant dans le texte un peu moins d'idéologie mais un peu plus de courage politique et, surtout, en essayant de l'élaborer entre élus responsables dépassant leurs clivages politiques, nous aurions pu, je crois, gagner ensemble ce pari de l'intelligence.

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

C'est exactement ce que je pense !

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Charasse.

M. Gérard Charasse.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voilà donc réunis pour examiner, en nouvelle lecture, le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.

Le Sénat a profondément remanié le texte en apportant dans certains cas des modifications utiles, que l'Assemblée pourra confirmer. Il en est ainsi, dans le domaine de l'urbanisme, de l'instauration d'un diagnostic et d'un projet d'aménagement préalables.

Il a également renforcé la concertation avec les collectivités voisines et a clarifié le régime des zones d'aménagement concerté.

On ne peut que se réjouir des avancées ainsi réalisées.

Pour le reste, nous sommes confrontés à des divergences de fond et, malgré la mansuétude du rapporteur et de la commission, dont il convient de saluer le travail, un retour au texte tel que voté - ou presque - en première lecture par notre assemblée, me paraît inévitable.

C'est le cas, bien sûr, de l'article 25 sur lequel je reviendrai quelques instants.

La majorité plurielle a indiqué en première lecture, sa volonté d'inscrire la mixité sociale dans la cité - en tout cas quand c'était possible - à l'occasion de la construction de logements sociaux. Je comprends bien le caractère dérangeant d'une telle volonté politique. Cette mesure signifie simplement que c'est aux politiques d'assurer une forme de cohésion sociale et de faire vivre de manière concrète une communauté nationale qu'on ne peut scinder physiquement en catégories.

Cette mesure d'inspiration humaniste parle évidemment au radical de gauche que je suis.

Et qui devant le désastre des grands ensembles en banlieue peut soutenir une position contraire ? Au-delà de ce premier aspect, je rappellerai également que cette volonté de faire vivre la République a non seulement un sens, mais aussi un coût et que celui-ci est trop souvent supporté par les mêmes communes.

Dans la zone urbaine de ma circonscription, par exemple, les deux tiers des logements sociaux sont installés autour de la ville centre qui regroupe quant à elle les deux tiers de la population. La volonté du Gouvernement d'installer, avec les pénalités prévues, une forme de redistribution me semble donc juste et digne du mandat qui nous a été confié par les Français.

Voilà précisément pourquoi ce projet est cohérent. Il complète utilement le projet de loi que nous mettons en oeuvre localement dans les communautés d'agglomération et les communautés de communes.

Le cadre juridique qui se met petit à petit en place sur le territoire va donc trouver une première application grâce, notamment, aux plans de secteur qui vont être élaborés. C'est d'ailleurs une incitation à bénéficier des dispositions de la loi sur l'intercommunalité. Ce texte témoigne en effet d'une réelle volonté de concilier les développements urbains, périurbains et ruraux.

Mes chers collègues, ce texte doit être vu comme une étape fondamentale dans la modernisation de notre code de l'urbanisme.

Le risque existait de bouleverser trop vite un outil de travail - à la disposition des maires, en particulier - qui s'était construit, loi après loi, depuis fort longtemps. Mais le Gouvernement et notre commission ont fait le bon choix, introduisant des dispositions précises et mesurées.

Celle qui concerne la loi montagne, par exemple, permettra, sans favoriser une urbanisation dispersée et dans la limite du raisonnable, de réaliser de nouveaux logements indispensables à la survie de certains bourgs.

Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, les radicaux de gauche apporteront naturellement leur soutien à ce texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

6

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, no 2408, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.

M. Patrick Rimbert, rapporteur, au nom de la commission de la production et des échanges, (rapport no 2481).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

ORDRE DU JOUR ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS (Réunion du mardi 27 juin 2000) L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 27 au vendredi 30 juin 2000, terme de la session ordinaire, a été ainsi fixé : Mardi 27 juin 2000 : Le matin, à 10 heures : Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (nos 2408, 2481).

L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Suite de l'ordre du jour du matin.

Mercredi 28 juin 2000 : Le matin, à 10 h 30 : Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (nos 2408, 2481).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 JUIN 2000

L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Discussion, en lecture définitive, du projet de loi relatif à la chasse (no 2508) (*).

Discussion, en lecture définitive, du projet de loi de finances rectificative pour 2000.

Discussion, en lecture définitive, du projet de loi modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Jeudi 29 juin 2000 : Le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures : Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.

Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (nos 2408, 2481).

Vendredi 30 juin 2000 : Le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures : Navettes diverses.

Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (nos 2408, 2481).

(*) Le vote sur l'ensemble de ce projet de loi en lecture définitive aura li eu par scrutin public dans les conditions prévues à l'article 65-1 du rè glement.

ORGANISATION DE LA DISCUSSION DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2001 La conférence des présidents du mardi 27 juin 2000 a arrêté les modalités de la discussion du projet de loi de finances pour 2 001 qui aura lieu du mardi 17 octobre au mardi 21 novembre 2000, conformément au calendrier ci-après.

1. Sept budgets seront examinés selon la procédure expérimentale mise en oeuvre l'an dernier : un examen en « commissions élargies », auxquelles participeront les ministres concernés, le rapporteur spécial de la commission des finances, les rapporteurs des commissions saisies pour avis, les intervenants officiellement désignés par les groupes et les autres députés intéressés, et qui donneront lieu à des mesures de publicité analogues à celles de la séance publique ; la mise en oeuvre d'une procédure de questions écrites budgétaires, dont les réponses aux auteurs seront transmises préalablement aux réunions des commissions élargies. Un quota de 22 questions par budget est attribué aux groupes selon la répartition suivante : Soc.

: 8 ; RPR : 5 ; UDF : 3 ; DL : 2 ; C : 2 ; RCV : 2 ; une discussion solennisée en séance publique dans laquelle interviendront les rapporteurs des commissions, chacun pour cinq minutes, un membre du Gouvernement, pour dix minutes, et un orateur par groupe en explications de vote, chacun pour dix minutes (l'appel des crédits et des amendements se faisant ensuite dans les conditions habituelles).

2. La conférence des présidents a décidé que la discussion des autres fascicules budgétaires sera organisée sur soixante-dix heures (soit dix-sept heures pour les commissions, trente-neuf heures pour les groupes et quatorze heures pour les interventions d'ordre général du Gouvernement).

Ces discussions se dérouleront en deux phases selon les modalités traditionnelles, l'une consacrée aux interventions d'ordre général, l'autre aux questions des députés et aux réponses d u G ouvernement. Le Gouvernement, les commissions et les groupes devront faire connaître pour le vendredi 1er septembre 2000 au plus tard la répartition de leur temps de parole entre ces discussions.

Temps de séance disponible pour la discussion du projet de loi de financ es pour 2001 MATIN APRÈS-MIDI

SOIR

TOTAL Mardi 17 octobre 2000

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........ 2 h 15 (1) 3 heures 5 h 15 Mercredi 18 octobre 2000

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.. 4 heures 3 h 15 3 heures 10 h 15 Jeudi 19 octobre 2000

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(*) 4 h 30 3 heures 7 h 30 Vendredi 20 octobre 2000

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.. 4 heures 4 h 30 3 heures 11 h 30 Samedi 21 octobre 2000

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4 heures 4 heures Total (première partie)

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38 h 30 Lundi 23 octobre 2000

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......... Mardi 24 octobre 2000

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........ - (3) Mercredi 25 octobre 2000

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.. Jeudi 26 octobre 2000

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(*) Vendredi 27 octobre 2000

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.. Lundi 30 octobre 2000

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3 heures 4 h 30 3 heures 10 h 30 Mardi 31 octobre 2000

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4 heures 2 h 15 (4) 6 h 15 Jeudi 2 novembre 2000

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(*) 4 h 30 3 heures 7 h 30 Vendredi 3 novembre 2000

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4 heures 4 h 30 3 heures 11 h 30 Lundi 6 novembre 2000

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3 heures 4 h 30 3 heures 10 h 30 Mardi 7 novembre 2000

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4 heures (*) 3 heures 7 heures Mercredi 8 novembre 2000

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4 heures (*) 3 heures 7 heures Jeudi 9 novembre 2000

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(*) 4 h 30 3 heures 7 h 30 Vendredi 10 novembre 2000

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4 heures 4 h 30 8 h 30 Lundi 13 novembre 2000

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3 heures 4 h 30 3 heures 10 h 30 Mardi 14 novembre 2000

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... 4 heures (*) 3 heures 7 heures Mercredi 15 novembre 2000

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4 heures 3 h 15 3 heures 10 h 15 Jeudi 16 novembre 2000

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4 heures 4 h 30 3 heures 11 h 30 Vendredi 17 novembre 2000

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4 heures 4 h 30 3 heures 11 h 30


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 JUIN 2000

MATIN APRÈS-MIDI

SOIR

TOTAL Lundi 20 novembre 2000

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3 heures 4 h 30 (5) 3 heures 10 h 30 Mardi 21 novembre 2000

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... 4 heures 4 heures Total (deuxième partie)

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141 h 30 (*) Matinées et après-midi réservés à l'examen de sept budgets p ar les commissions élargies.

(1) Une heure sur la durée de cette séance pourrait être retenue, si u ne demande était formulée en conférence des présidents, pour l' organisation d'un scrutin solennel sur un texte examiné la semaine précé dente.

(2) La semaine du lundi 23 au vendredi 27 octobre est réservée à l'exa men du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

(3) Une heure sur la durée de cette séance pourrait être retenue, si u ne demande était formulée en conférence des présidents, pour l' organisation d'un scrutin solennel sur l'ensemble de la première partie.

(4) Une heure sur la durée de cette séance pourrait être retenue, si u ne demande était formulée en conférence des présidents, pour l' organisation d'un scrutin solennel sur l'ensemble du projet de loi de financeme nt de la sécurité sociale.

(5) Une heure sur la durée de cette séance pourrait être retenue, si u ne demande était formulée en conférence des présidents, pour l' organisation d'un scrutin solennel sur l'ensemble du projet de loi de finances.