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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 5 OCTOBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

1. Contraception d'urgence. Discussion, après déclaration d'urgence, d'une proposition de loi (p. 6501).

Mme Hélène Mignon, rapporteuse de la commission des affaires culturelles.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteuse de la Délégation aux droits des femmes.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

QUESTION PRÉALABLE (p. 6506)

Question préalable de Mme Boutin : Mmes Christine Boutin, Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance ; Raymonde Le Texier, M. Jean-François Mattei,

Mme Muguette Jacquaint. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 6513)

Mme Danielle Bousquet,

M.

Bernard Perrut, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Françoise de Panafieu, Muguette Jacquaint, Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Mme Conchita Lacuey,

MM. Patrick Delnatte, Hervé Morin, Mme Françoise Imbert,

M.

Philippe de Villiers, Mmes Nicole Bricq, Martine Lignières-Cassou.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Mme la secrétaire d'Etat.

Clôture de la discussion générale.

Article unique (p. 6531)

M me Roselyne Bachelot-Narquin, M. Jacques Myard,

Mme Catherine Picard, M. Pierre-Christophe Baguet.

Amendements nos 4 de Mme de Panafieu et 7 de Mme Boisseau : Mmes Françoise de Panafieu, Marie-Thérèse Boisseau, la rapporteuse, la secrétaire d'Etat. - Rejets.

Amendement no 6 de Mme Boisseau, avec le sous-amendement no 9 de Mme Boutin : Mmes Marie-Thérèse Boisseau, la rapporteuse, la ministre déléguée, Christine Boutin, la secrétaire d'Etat, Pierre-Christophe Baguet, le président de la commission, Jean-Pierre Soisson. - Rejet du sous-amendement no 9 et de l'amendement no

6. Amendement no 1 de Mme de Panafieu, avec le sousamendement no 8 de Mme Boutin : Mmes Françoise de Panafieu, la rapporteuse, la secrétaire d'Etat, Christine Boutin. - Rejet du sous-amendement no 8 et de l'amendement no

1. Amendement no 2 de Mme de Panafieu : Mmes Françoise de Panafieu, la rapporteuse, la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendements nos 3 de Mme de Panafieu et 5 de Mme Boisseau : Mmes Françoise de Panafieu, Marie-Thérèse Boisseau, la rapporteuse, la ministre déléguée. - Rejets.

Adoption de l'article unique de la proposition de loi.

2. Dépôt de rapports (p. 6537).

3. Dépôt de rapports d'information (p. 6538).

4. Dépôt d'un projet de loi modifié par le Sénat (p. 6538).

5. Dépôt d'un projet de loi adopté avec modifications par le Sénat (p. 6538).

6. Ordre du jour des prochaines séances (p. 6538).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1

CONTRACEPTION D'URGENCE Discussion, après déclaration d'urgence, d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, de la proposition de loi de Mme Danielle Bousquet et plusieurs de ses collègues sur la contraception d'urgence (nos 2567, 2588).

La parole est à Mme Hélène Mignon, rapporteuse de l a commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Mme Hélène Mignon, rapporteuse de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

C'est devant l'importance du nombre de grossesses chez les mineures près de 10 000 par an, dont 6 700 donnent lieu à une IVG - et parce que la pilule du lendemain, le lévonorgestrel, est très efficace, sans contre-indication médicale et sans effet secondaire, que vous avez décidé, madame la ministre déléguée à la famille et à l'enfance, alors que vous étiez ministre en charge de l'enseignement scolaire, par la circulaire du 6 janvier 2000, d'autoriser les infirmières scolaires à la délivrer aux adolescentes en cas d'urgence et de détresse et à titre exceptionnel. Vous vous êtes alors appuyée sur l'autorisation de vente de la contraception d'urgence en pharmacie, sans prescription médicale, instaurée le 1er juin 1999.

Jugées contraire à la loi du 28 décembre 1967, dite

« loi Neuwirth », les dispositions de la circulaire relatives à la distribution de la pilule du lendemain par les infirmières scolaires ont été annulées par un arrêt du Conseil d'Etat, le 30 juin 2000.

C'est afin de permettre à nouveau la délivrance dans les meilleurs délais de la contraception d'urgence - le Norlevo - dans les lycées et les collèges que nous débattons aujourd'hui de la proposition de loi présentée par Danielle Bousquet et les membres du groupe socialiste.

Son adoption donnera une base légale à la vente libre de la pilule du lendemain et à sa délivrance par les infirmières scolaires. Des médecins scolaires m'ont d'ailleurs indiqué qu'ils l'avaient prescrite avant la publication de la circulaire et qu'ils continuaient à la délivrer.

Le texte comporte un article unique visant à compléter l'article L.

5134-1 du nouveau code de la santé. Il s'articule autour de trois dispositions claires : l'accès de toutes les femmes à la contraception d'urgence en pharmacie sans ordonnance ; la possibilité accordée aux mineures de se voir prescrire la pilule du lendemain par tout médecin sans autorisation parentale ; enfin, l'autorisation donnée aux infirmières scolaires de délivrer la pilule du lendemain aux mineures.

Le rétablissement de la contraception d'urgence a été souhaité par le Gouvernement. Dans un communiqué signé conjointement par Mme Martine Aubry, M. Jack Lang, Mme Ségolène Royal et Mme Dominique Gillot, en juillet dernier, les raisons de ce choix ont été clairement indiquées : « Le devoir du Gouvernement est de protéger la santé et l'intégrité des jeunes. Ce devoir devient absolu quand une jeune fille doit affronter, dans la solitude et sans autre recours possible, la détresse d'une éventuelle grossesse non désirée. »

Les deux principaux syndicats d'infirmières scolaires, qui regroupent plus de 80 % d'entre elles, les médecins scolaires, la fédération des parents d'élèves de l'enseignement public, les mouvements du planning familial ont également demandé que soit rapidement instauré ce droit à la contraception du lendemain, tout en reconnaissant le rôle important joué par les infirmières scolaires de janvier à juillet 2000.

Une récente enquête effectuée par la fédération des parents d'élèves de l'enseignement public montre que 66 % d'entre eux y sont aussi favorables. Les représentants des syndicats des lycéens sont aussi intervenus. Tous s'accordent à reconnaître qu'il est nécessaire de revoir l'éducation à la sexualité et à la contraception et d'envisager une formation spécifique pour tous ceux qui vont à la rencontre des jeunes.

En France - c'est un problème culturel -, les adolescents parlent très rarement de ces questions avec leurs parents et les adultes en général. Les adolescentes peuvent être dramatiquement sous-informées. Les infirmières scolaires, les chefs d'établissement, les personnels du planning familial nous le disent. Une mauvaise utilisation d'une contraception normalement efficace, des croyances erronées sur la fécondité dans le cycle, un coeur qui bat la chamade, une façon de se dire qu'on entre dans la vraie vie, une quasi-certitude pour beaucoup de ces jeunes adolescentes que seuls les rapports répétés peuvent entraîner une grossesse : tout est en place pour un rapport non protégé avec ses conséquences qui les affolent, qu'elles ne sont pas en mesure d'assumer et où aucun adulte n'a à imposer sa propre décision.

Depuis 1992, les campagnes d'information, fortement orientées vers la prévention du sida, ont quelque peu fait délaisser les campagnes relatives à la contraception. Si l'on peut saluer la campagne lancée en début d'année par le secrétariat d'Etat aux droits des femmes, tout le monde s'accorde à dire que c'est une pédagogie de long terme qui doit être mise en oeuvre.

La prévention doit être renforcée comme dans toute politique de santé publique. C'est le but du plan d'éducation à la sexualité annoncé par le ministre de l'éducation nationale et la ministre déléguée à la famille. La mallette


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« Bonheur d'aimer » est un outil pédagogique intéressant, qui ne doit pas être ridiculisé comme nous avons malheureusement pu le voir lors d'une émission de télévision.

Mais revenons à la pilule du lendemain et à sa distribution. Il ne suffit pas de constater qu'aux Pays-Bas et en Finlande le nombre d'IVG a baissé chez les adultes et chez les mineures, à partir du moment où la pilule du lendemain a été connue et rendue facilement accessible. Il nous faut nous emparer de cette possibilité et tout faire pour qu'elle soit utilisée dans les meilleures conditions possibles en France aussi.

C'est dans cet esprit que le premier alinéa de la proposition de loi instaure la vente libre du levonorgestrel.

Cette disposition est en contradiction avec la loi Neuwirth qui impose que les contraceptifs hormonaux soient délivrés en pharmacie, sur prescription médicale.

Les pharmaciens acceptent, en règle générale de délivrer la pilule du lendemain sans prescription médicale. Ils se satisfont même du rôle de conseiller en santé qu'ils sont amenés à jouer en rappelant qu'il s'agit d'une contraception d'urgence active au cours des soixantedouze heures qui suivent le rapport sexuel non protégé, mais efficace à 99 % dans la prévention de la grossesse si elle est prise dans les vingt-quatre premières heures.

Quinze mille plaquettes de Norlevo ont été vendues d'avril 1999 à juin 2000, il a été mis en vente libre et aucun accident médical n'a été signalé. Mais il faut éviter qu'une comparaison s'établisse avec le produit commercialisé sous le nom de Tetragynon, qui, lui, comporte des contre-indications médicales. Il importe aussi de rappeler que le RU 486 ne fait pas partie de la liste des contraceptifs.

En dérogeant à la loi de 1967 qui dispose que les contraceptifs hormonaux ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale, le premier alinéa permettra à toutes les femmes d'accéder à la contraception d'urgence en pharmacie, sans ordonnance.

Le second alinéa traite du cas des mineures. Il leur ouvre deux possibilités de bénéficier de la pilule du lendemain, sans consentement parental : la prescription médicale et l'administration par des infirmières scolaires.

A l'heure actuelle, seuls les médecins des centres de planification peuvent prescrire à des mineures des contraceptifs sans l'accord des parents. Grâce à la proposition de loi, les mineures qui souhaitent garder le secret pourront se voir prescrire la pilule du lendemain par tout médecin et sans autorisation parentale. Il ne faut pas se voiler la face : bien des médecins généralistes et des gynécologues le font déjà, même s'ils encourent des poursuites.

D'autre part, la proposition de loi rétablit le rôle des infirmières scolaires en matière de contraception d'urgence.

Les témoignages des infirmières scolaires et les premiers chiffres donnés par l'éducation nationale montrent que le caractère exceptionnel de la délivrance est bien respecté : 1 700 distributions sur 7 000 demandes. Je tiens à insister sur le rôle crucial des infirmières scolaires. Elles ont un rôle éducatif essentiel - éducation à la sexualité, in formation sur la contraception - qu'elles assument du mieux possible grâce aux entretiens individuels et aux réunions de groupe. Elles sont un chaînon indispensable, quand cela est nécessaire et possible, entre le jeune et sa famille.

Malgré la création de 300 postes, l'an dernier, tout le monde s'accorde à reconnaître la cruelle pénurie d'infirmières. Il y a, en effet, en moyenne une infirmière scolaire pour 2 500 élèves.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Eh oui !

Mme Hélène Mignon, rapporteuse.

Assurant une permanence dans plusieurs établissements, elles risquent toujours de ne pas se trouver dans les délais voulus pour répondre aux demandes des jeunes filles. Il en va de même pour les médecins scolaires qui ont toute leur place dans cette démarche.

L'augmentation des effectifs doit donc être une priorité du ministère de l'éducation nationale afin que la loi puisse être pleinement appliquée, surtout en milieu rural à cause de l'éloignement de toutes les autres structures.

En 2001, nous a-t-on dit, seront créés 50 emplois de médecins scolaires, 150 emplois d'infirmières scolaires, 100 emplois d'assistantes sociales. Mais c'est encore insuffisant.

En outre, le dispositif spécifique à la contraception d'urgence, annoncé la semaine dernière par M. Lang et Mme Royal, prévoit que d'ici à juin 2001, 850 infirmières, soit 15 % de l'effectif total, bénéficieront d'une formation ad hoc d'une journée. Toute la profession aura été formée en 2003, grâce à un partenariat avec le Mouvement français pour le planning familial.

Pilule du lendemain quand cela est nécessaire, droit à la contraception des jeunes mineures, mais aussi droit à une information facilement accessible sur l'ensemble des établissements scolaires. Il nous appartient de tout mettre en oeuvre pour que les jeunes osent parler de leur sexualité et aborder leur vie amoureuse en toute sécurité pour ainsi devenir des adultes, sans tabou, conscients d'une responsabilité partagée entre filles et garçons, et surtout en mesure de choisir ! Nous avons le droit de nous interroger sur le rôle des parents. Pourquoi une mineure aurait-elle besoin de leur autorisation ? Si elle mène à bien sa grossesse, elle aura, quelques mois après, le droit d'abandonner l'enfant sans aucune autorisation parentale et si elle le garde, c'est elle qui aura l'autorité parentale.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

C'est vrai !

Mme Hélène Mignon, rapporteuse.

Je souhaite que nous trouvions aujourd'hui un accord le plus large possible sur ce texte de loi qui a été adopté par la commission car, à mes yeux, rien n'est plus triste pour une jeune fille que de débuter sa vie sexuelle par une IVG ou une maternité non désirée, c'est-à-dire par un échec. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteuse de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Monsieur le président, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, madame la ministre déléguée à la famille et à l'enfance, madame la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, mes chers collègues, comme vient de l'indiquer Mme Mignon, l'avancée des méthodes contraceptives a permis l'introduction en France de la contraception d'urgence qui présente de grands avantages en matière de prévention des grossesses non désirées et des risques d'avortement, par sa rapidité, son efficacité et son absence de contre-indications médicales.


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Des études récentes ont révélé un nombre encore trop élevé de grossesses chez les adolescentes : sur 20 000 grossesses par an, 10 000 ne sont pas désirées, 6 700 se terminant par une IVG.

Or, comme l'a rappelé M. Neuwirth devant la délégation : « La pire chose qui puisse arriver à une jeune fille est de débuter dans la vie avec une interruption volontaire de grossesse. »

Dès l'année dernière, Mme Ségolène Royal décidait, par une circulaire du 29 décembre 1999, d'autoriser les infirmières scolaires à distribuer la pilule du lendemain dans les établissements scolaires sous certaines conditions.

Après l'annulation du Conseil d'Etat du 27 juin dernier, qui n'a d'ailleurs mis en cause ni le fond de la décision de délivrance ni les compétences des infirmières scolaires, il convient aujourd'hui de proposer une nouvelle loi visant à donner une base légale à la vente libre en pharmacie de la pilule du lendemain et à sa délivrance en milieu scolaire.

La Délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances, saisie de ce texte, a organisé en juillet et septembre des réunions de travail avec tous les partenaires de l'éducation nationale médecins et infirm ières scolaires, directeurs d'établissement, parents d'élèves et avec les principaux intéressés que sont les lycéens et lycéennes.

C'est leurs observations extrêmement pertinentes qui ont amené la Délégation à formuler certaines recommandations. Ces propositions, qui ne sont pas d'ordre législatif, répondent au souci que soit assurée de façon efficace et dans un environnement favorable, la distribution de la contraception d'urgence en milieu scolaire.

Plusieurs observations concernent l'application effective des dispositions de la loi. Elle devra être mise en oeuvre dans les meilleurs délais avec une contraception d'urgence disponible dans tous les établissements et pour tous les élèves afin d'éviter les discriminations dues à la localisation géographique, à l'éloignement des centres de planification ou des pharmacies.

La présence des infirmières dans les établissements scolaires est la première condition de la distribution de la pilule du lendemain aux élèves. Les interlocuteurs de la Délégation aux droits des femmes ont tous souligné leurs faibles effectifs.

Avec 6 100 emplois, le taux d'encadrement est d'une infirmière pour 2 020 élèves. Elles sont encore loin d'être présentes dans tous les établissements où elles n'assurent souvent qu'un temps partiel. Les efforts accomplis ces dernières années en matière de création d'emplois devront donc être poursuivis et amplifiés.

Les médecins scolaires sont eux aussi trop peu nombreux. Il conviendrait cependant de les associer davantage, aux côtés des infirmières, à la mise en place de la contraception d'urgence, d'autant que, conformément au code de déontologie médicale, ils sont habilités à intervenir en urgence. De fait, il semble qu'ils ont été souvent partie prenante du dispositif spécial prévu par le protocole et que des équipes chefs d'établissement, médecins, infirmières, assistantes sociales se sont mises en place pour l'appliquer au mieux.

D'un point de vue pratique, comme l'ont suggéré les lycéens, il conviendrait que les adresses des centres de planification ou d'éducation familiale les plus proches, ainsi que les coordonnées de l'infirmière rattachée à l'établissement, soient facilement accessibles par un affichage bien visible dans les bâtiments scolaires.

Il s'agira ensuite d'assurer, en amont, un environnement favorable par une véritable éducation à la sexualité et à la responsabilité. Cet enseignement devra être introduit dans la formation initiale ou continue des enseignants dans les IUFM et dans celle des infirmières scolaires et assistantes sociales. Il devra être mis en oeuvre dans les classes de quatrième et troisième et dans les lycées, où, jugé souvent trop théorique ou scientifique, il devra mieux correspondre aux attentes des adolescents.

Les comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté des établissements scolaires, qui ont remplacé en 1998 les comités d'environnement social, pourraient intégrer, dans leurs missions comme dans leur bilan annuel, l'information à la sexualité et à la contraception ainsi que l'application de la contraception d'urgence. Ils devraient rechercher à cet effet une meilleure synergie avec les centres de planification ou d'éducation familiale.

Enfin, comme le recommande l'Académie de médecine, dans deux ou trois ans devra être établi un bilan relatif aux effets de l'utilisation du Norlevo, ou pilule du lendemain, sur la diminution du nombre d'avortements chez les adolescentes.

Voici, mesdames les ministres, mes chers collègues, les recommandations formulées par notre délégation, qui souhaite fortement que celles-ci soient largement reprises.

Nous nous félicitons que la délivrance de la contraception d'urgence en milieu scolaire puisse être rapidement rétablie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, mesdames les rapporteuses, mesdames et messieurs les députés, au nom de l'ensemble du Gouvernement, en particulier des ministres qui sont ici présents, Dominique Gillot, Ségolène Royal, mais aussi de Nicole Péry, aujourd'hui à Strasbourg pour la présidence française, je suis heureuse de soutenir devant vous la proposition de loi relative à la contraception d'urgence.

Je voudrais particulièrement remercier la Délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances et sa présidente, Mme Lignières-Cassou, pour son initiative si rapide et si nécessaire, le président de la commission des affaires sociales, M. Jean Le Garrec, et bien sûr, les deux rapporteuses, Mme Hélène Mignon et

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Cette proposition de loi répond à l'annulation par le Conseil d'Etat, le 30 juin dernier, du protocole mis au point par Ségolène Royal alors ministre déléguée à l'ense ignement scolaire. Il organisait l'administration du Norlevo aux adolescentes par les infirmières en milieu scolaire. Votre initiative va permettre non seulement de surmonter cet obstacle, mais aussi de donner une base légale à la délivrance du Norvelo en pharmacie sans prescription médicale.

Si cette proposition répond à une urgence et à un contexte particulier, permettez-moi de dire quelques mots sur la façon dont elle s'inscrit dans la politique que nous menons, au sein du Gouvernement, pour améliorer les droits des femmes. Je pense bien évidemment à la loi favorisant l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions électives - la loi sur la parité -, aux actions innovantes menées en faveur de l'amélioration de la situation des femmes dans l'emploi - la proposition


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de loi portée par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et par Mme Génisson en votre nom.

C'est cette même politique, qui va de la mise en place de dispositifs permettant de lutter contre la violence faite aux femmes et contre la prostitution à la grande enquête nationale sur les violences envers les femmes que conduit actuellement Nicole Péry. Et c'est aussi dans ce cadre que s'inscrit la politique que nous menons pour faire en sorte que la contraception et l'IVG soient, dans notre pays, accessibles à toutes celles qui le souhaitent.

Si cette politique spécifique et audacieuse en direction des femmes a été menée par le Gouvernement depuis trois ans, il m'a toujours semblé que les questions relatives aux droits des femmes dépassaient, en quelque sorte, les clivages politiques. Dans l'après-mai 68, quand le MLF a émergé, les femmes aimaient dire que le féminisme était en soi politique pour indiquer que c'était la politique elle-même qui devait se reconnaître dans le combat des femmes. C'est d'ailleurs peut-être pour cela que les femmes avaient quitté à l'époque les partis traditionnels, les considérant comme trop machistes.

Je me souviens aussi, mais ce ne sont que quelques images, de ces débats qui nous ont toutes marquées. Je pense à Gisèle Halimi à côté de la jeune Marie-Claire j'avais à l'époque vingt ans. Je me souviens des propos que Mme Veil a eu à entendre dans cette assemblée et qui ont dû heurter chacune et chacun d'entre nous. Cette loi demeure, en raison de son objet, un texte majeur de l'histoire de notre république, mais elle a également ceci d'exceptionnel qu'elle a été votée par une inhabituelle alliance entre moins d'un tiers des députés de la majorité de l'époque, la moitié des centristes et la quasi-totalité des socialistes, radicaux de gauche et communistes. On voit bien que, sur ces sujets, la défense des doits des femmes, d'une certaine manière, encore une fois, dépasse les clivages politiques - je dis bien : d'une certaine manière.

En effet, depuis les réunions du MLF aux Beaux-Arts, des meetings de Choisir aux procès de Bobigny ou d'Aix, au MLAC, à la CADAC ou encore, récemment, dans l'association Chiennes de garde, beaucoup de femmes n'appartiennent pas à un groupe ou un parti, ou appartiennent à des groupes ou à des partis différents. Les femmes qui s'engagent sont à cet égard avant tout des femmes. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons vivement que, sur ce texte comme sur celui dont vous débattrez fin novembre sur la réforme de la contraception et de l'IVG, nous soyons capables de parler des droits des femmes, dont nous savons, nous, qu'ils ne sont jamais garantis et qu'ils sont toujours remis en cause.

Nous ne devons pas perdre de vue que les problèmes que nous évoquons aujourd'hui concernent souvent des femmes très jeunes, des jeunes filles en difficulté. Et Marie-Françoise Clergeau a bien fait de dire aujourd'hui que commencer sa vie sexuelle par une IVG, c'est un traumatisme dont beaucoup de jeunes filles ont du mal à se remettre. Il ne faut jamais oublier non plus que, pour une femme, mettre un enfant au monde est un événement trop important pour que chacun et chacune d'entre nous ne soit pas intimement convaincu de la nécessité d'éviter à nos filles la survenue d'une grossesse non désirée qui, dans certains cas, peut conduire à de véritables drames humains. Nous le savons d'autant plus aujourd'hui que le travail que nous menons depuis trois ans nous a permis de montrer que les jeunes générations de jeunes filles ont souvent confondu contraception et préservatif et se trouvent finalement, lorsque la relation devient plus permanente et qu'elles n'utilisent plus le préservatif, en absence de contraception, devant des grossesses non désirées.

Sur les 10 000 grossesses non désirées chaque année chez les mineures, 7 000 aboutissent à une IVG. Le taux de recours à l'IVG a plutôt tendance à augmenter chez les quinze à dix-huit ans, puisqu'il est passé de 6 à 7 entre 1990 et 1997 d'après les dernières statistiques dont nous disposons. Nous ne pouvons pas nous en satisfaire en termes de santé publique et cela justifie que soient prises des mesures pour faciliter l'accès des femmes aux progrès récents faits en matière de contraception.

Je ne reviendrai pas sur la campagne que nous avons lancée et sur son coût. Des milliers d'actions ont été menées en parallèle, notamment auprès des publics qui sont les plus éloignés de la contraception. Je pense évidemment non seulement aux jeunes filles, mais aussi aux femmes des quartiers en difficulté, des zones rurales, aux détenues, aux femmes des gens du voyage. Ces milliers d'actions dont la Délégation aux droits des femmes vient de faire un bilan et dont l'INSERM fait actuellement une analyse doivent permettre de faire progresser encore la contraception dans notre pays avec un seul slogan, « La contraception, à vous de choisir la vôtre », car, là aussi, la liberté de la femme doit être entière. Nous continuerons à mener une campagne régulière en faveur de la contraception, notamment pour toucher les nouvelles générations de jeunes filles.

Au-delà de cette information nécessaire, nous avons souhaité faciliter l'accès de toutes les femmes à l'ensemble des contraceptifs. Je ne m'étends pas sur les efforts que nous avons déployés, il y a maintenant plus d'un an, pour inciter à la mise sur le marché des premières pilules du lendemain dont nous parlons ce matin : le Tétragynon et le Norlevo. J'ai récemment été amenée à discuter fermement avec le laboratoire commercialisant le Norlevo, qui a bénéficié d'une formidable opération publicitaire au moment de l'annulation du protocole par le Conseil d'Etat et n'a rien trouvé de mieux que d'en profiter pour augmenter de 20 % le prix de ce produit. Mes arguments ont dû le convaincre puisqu'en quarante-huit heures, il est revenu à son prix antérieur.

Mais je voudrais rappeler ici, parce que cela peut toujours servir dans l'avenir, que la législation en vigueur aurait de toute façon permis d'atteindre le but recherché.

Je le dis au cas où une nouvelle tentation se manifesterait après le vote de cette proposition de loi. En effet, l'ordonnance du 1er décembre 1986 sur la liberté des prix et la concurrence permet de fixer par voie réglementaire le prix des produits en situation de monopole, ce qui est le cas du Norlevo aujourd'hui, et le Gouvernement n'hésiterait pas à appliquer cette réglementation s'il devait y avoir de nouvelles hausses des prix.

Le recours au stérilet est une seconde forme de contraception qu'il fallait rendre plus accessible. Il y a quelques jours encore, il était pénalisé pour des raisons financières.

Le prix de vente au public était libre et se situait aux alentours de 300 francs. Le remboursement par la sécurité sociale était limité à 44 francs. Avec Dominique Gillot nous avons à la fois souhaité fixer un prix maximal de vente au public et un remboursement au maximum, c'est-à-dire à 65 %, par la sécurité sociale. Grâce à cette opération, le reste à charge pour les femmes est de 50 francs au lieu de 250 francs auparavant.

Je ne reviens pas sur le prix de la pilule de troisième génération, car j'en ai parlé ici hier. Un générique doit arriver en début d'année prochaine et nous attendons les


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résultats d'une étude menée par l'Agence européenne du médicament, qui fait état d'effets secondaires, avant d'aller plus loin.

J'en arrive à la facilitation de l'accès des adolescentes à la contraception d'urgence, qui a été mise en place par la circulaire de Ségolène Royal. C'est aussi le sens de l'intruction que Jack Lang vient d'adresser à tous les recteurs, inspecteurs d'académie, directeurs départementaux de l'éducation nationale, chefs d'établissement public dans l'attente de la base légale incontestable que doit devenir votre proposition de loi.

Dans le champ de la contraception, le fait de disposer d'une contraception d'urgence est une réelle innovation, susceptible de faire reculer significativement le nombre de grossesses non désirées et d'IVG. La contraception d'urgence est une pilule du lendemain susceptible de réduire considérablement le risque de grossesse lié à un rapport sexuel non ou mal protégé. Aucune contraception de ce genre n'était disponible en France il y a quelques mois ; c'est l'insistance des pouvoirs publics qui a permis la mise sur le marché des deux pilules que vous connaissez.

En termes de santé publique, ces deux produits peuvent être pris sans examen gynécologique préalable et il faut surtout insister sur le fait que ces pilules sont d'autant plus efficaces qu'elles sont prises précocement après le rapport non protégé. En effet, leur efficacité diminue avec le temps. Il en est ainsi du Norlevo, par exemple, qui est efficace à 95 % dans les 24 premières heures, mais seulement à 58 % entre la 48e et la 72e heure. J'insiste sur les caractéristiques tout à fait particulières de ce produit : son innocuité en termes de santé, d'une part ; son efficacité fortement dépendante du temps, d'autre part.

C'est la raison pour laquelle nous avions décidé la mise en vente libre en pharmacie et la mise à disposition par les infirmières en cas de situation de détresse et d'urgence. En cela, nous avons d'ailleurs suivi l'avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé qui nous a clairement dit que l'accès au Norlevo pouvait se faire sans prescription médicale.

Le Tétragynon est officiellement sur le marché depuis décembre 1998, le Norlevo depuis juin 1999. Plus de 500 000 boîtes de Norlevo ont été vendues à ce jour, ce qui confirme la réelle attente des femmes vis-à-vis de cette pilule d'urgence. Nous n'avons pas suffisamment de recul pour savoir quelles en seront les conséquences sur le recours à l'IVG, mais nous espérons le même résultat que chez nos voisins, à savoir un recul important. En Finlande, par exemple, le taux de recours à l'IVG, qui était particulièrement élevé dans les années 80 - supérieur à 20 femmes pour 1 000 -, a diminué de plus de 50 % au cours des dix années qui ont suivi la mise sur le marché de la pilule du lendemain. Aujourd'hui, ce taux est inférieur à 9 pour 1 000.

Quant au taux de recours aux contraceptifs classiques, alors qu'il n'est que de 80 % chez nous, il est aujourd'hui de 95 %, tous âges confondus, en Finlande. Selon les experts, ce bon score est en partie lié au fait que l'accès à la pilule du lendemain favorise l'efficacité de la politique globale en faveur de la contraception. En effet, la prise de conscience que la contraception est un instrument de liberté et de maîtrise de son destin se produit souvent lors de la première difficulté, c'est-à-dire au moment de l'utilisation de cette pilule d'urgence. Acheter cette pilule dans une pharmacie, aller voir pour cela un médecin lorsqu'on le souhaite favorise le dialogue et c'est souvent à l'occasion du recours à la contraception d'urgence que les femmes parlent de leur angoisse d'une grossesse non désirée, de leurs interrogations sur la contraception, donc accèdent à celle-ci. Nous le savons tous, la pilule du lendemain ne doit pas devenir une contraception ordinaire, mais elle peut justement être l'occasion de passer à cette dernière.

Pour toutes ces raisons, le texte adopté par la commission, que le Gouvernement approuve totalement, introduit, en un article unique, trois exceptions à la législation actuelle sur les contraceptifs en faveur du seul Norlevo. Je n'insisterai pas sur ces dispositions, car elles ont déjà été abondamment expliquées.

En réaffirmant qu'une prescription médicale n'est pas nécessaire à l'obtention des médicaments ayant pour but la contraception d'urgence, la proposition de loi met en conformité les conditions d'accès au Norlevo avec notre droit commun du médicament. C'était, en effet, la loi sur la régulation des naissances de 1967 qui faisait une exception pour les contraceptifs, alors que nous avons maintenant une loi générale sur les médicaments permettant de prévoir l'absence de prescription et la vente directe. Le Norlevo sera donc accessible sans prescription médicale.

Nous en suivrons les conséquences avec intérêt car, pour la première fois, ce sont les femmes qui décideront d'elles-mêmes de s'autoprescrire une contraception. Or, comme je vous l'ai dit, plus l'accès à la contraception est libre, plus les femmes s'approprient la responsabilité de son contrôle et moins il y a d'IVG. C'est ce que nous apprend l'histoire de pays qui nous entourent. L'intérêt de cet accès sans ordonnance n'est pas seulement d'éviter les délais liés à l'obligation de prendre rendez-vous chez un médecin ; il est aussi de rendre les femmes plus autonomes, donc plus responsables vis-à-vis de la maîtrise de leur sexualité et de leur fécondité.

Les deux autres aménagements introduits par la proposition de loi autorisent l'accès libre des mineures au Norlevo et son administration par les infirmières scolaires. Le Gouvernement est très favorable à ces dispositions, ce n'est un mystère pour personne. Notre objectif partagé est surtout d'arriver à faire reculer la fréquence de survenue de grossesses non désirées chez les jeunes adolescentes. Ces jeunes forment une population particulièrement vulnérable du fait de leur grande fertilité et de la plus faible connaissance des risques encourus lors des relations sexuelles.

Le premier argument qui incite à ouvrir aux infirmières la possibilité d'administrer le Norlevo est lié aux conditions de son efficacité, notamment à la nécessité de le prendre précocement. Son administration en urgence permet de gagner plusieurs heures sur le délai qui serait sinon nécessaire à la jeune fille pour se procurer le médicament.

Le second argument, que Ségolène Royal a avancé plusieurs fois - elle y reviendra tout à l'heure -, milite dans le sens de votre initiative. La pilule du lendemain donnée par les infirmières scolaires, c'est l'occasion du dialogue, c'est l'occasion d'une information sur l'éducation à la santé et à la sexualité, c'est le premier pas vers une contraception. Les témoignages et les enquêtes menées auprès des infirmières scolaires depuis ce protocole le montrent d'ailleurs clairement. Ségolène Royal y reviendra tout à l'heure et vous expliquera que le Gouvernement a souhaité augmenter le nombre des infirmières scolaires pour qu'elles puissent non seulement réaliser leurs tâches générales, mais aussi mettre en application cette proposition de loi. La pilule du lendemain est un vecteur de l'éducation sexuelle et de l'information sur la contraception.


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Je voudrais enfin dire que ce dispositif ne remet pas en cause le rôle des parents. Nous savons que, dans certaines familles, le dialogue sur ces questions est moins facile et il faut aider les jeunes filles qui, dans des moments qui peuvent être difficiles à vivre à l'adolescence, n'ont pas la possibilité de parler avec leur famille.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement souhaite vivement que ce texte recueille un vote largement positif sur tous les bancs de cette assemblée. Nous saurons accompagner cette réforme par les mesures complémentaires qui sont nécessaires s'agissant du nombre des infirmières scolaires et des actions de formation à la contraception d'urgence en direction des professionnels de santé les plus concernés. Un projet de formation est d'ailleurs en cours d'élaboration avec la collaboration du planning familial.

Vingt-cinq ans ont passé depuis l'adoption de la loi Veil. Bien des choses ont changé dans notre pays pour les femmes. Avec le recul, on peut même affirmer que le féminisme et le droit des femmes furent parmi les évolutions les plus importantes qu'a connues notre pays dans la seconde moitié du XXe siècle. Mais, comme je le disais tout à l'heure, les droits des femmes ne sont jamais acquis une fois pour toutes. C'est la raison pour laquelle les femmes présentes au banc du Gouvernement et moimême, vous remerciant une fois de plus pour cette initiative, sommes fières de contribuer avec vous à perpétuer ce mouvement à travers la modernisation de la loi et d'inscrire ainsi l'action du Gouvernement dans la continuité des luttes en faveur des droits des femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de Mme Christine Boutin u ne question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

Je rappelle que, selon une décision de la conférence des présidents du mardi 9 mai 2000, les motions de procédure dans les fenêtres parlementaires ne peuvent excéder quinze minutes.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la rapporteuse, mes chers collègues, c'est encore à la sauvette que nous discutons d'un texte qui pose d'importants problèmes de société à l'occasion d'une niche parlementaire, un jour de moindre affluence dans l'hémicycle. Car la proposition de loi sur la contraception d'urgence n'est pas un texte anodin, à caractère technique, destiné à remédier à un simple dysfonctionnement juridique.

En proposant que la pilule du lendemain puisse être distribuée par des infirmières dans les collèges et lycées sans autorisation parentale et sans prescription médicale, ce texte pose très sérieusement plusieurs problèmes politiques et sociaux très importants. Quelle conception du rôle des parents et de leurs activités véhicule-t-il ? Comment s'insère-t-il dans les objectifs de santé publique et quelle image donne-t-il des responsabilités médicales, éducatives et politiques ? Premièrement : qu'entend-on exactement par contraception d'urgence ? Il semble qu'aujourd'hui il n'existe que deux produits susceptibles de répondre à cette appellation : le Tétragynon, à base d'oestrogènes, et le Norlevo, à base de progestérone. Seul le second serait concerné par le texte dont nous discutons, parce qu'il ne présenterait pas de dangers pour la santé. Ces pilules sont-elles réellement une méthode de contraception ? La notice du Norlevo indique : « La contraception d'urgence est une méthode de rattrapage qui vise à éviter l'ovulation ou l'implantation d'un oeuf fécondé en cas de rapport sexuel non protégé. »

En d'autres termes, soit le Norlevo a un effet nul, si le rapport a été non fécondant ou si l'ovule fécondé est en train de s'implanter, soit il a un effet contraceptif en empêchant la fécondation, soit il empêche l'implantation.

Mais l'implantation de quoi ? De l'ovule fécondé, c'est-àdire de l'embryon. La vie de l'embryon, de l'être humain, commence dès la fécondation. Il possède dès ce moment tout son patrimoine génétique, donc, quel que soit le nom qu'on lui donne, la prise de levonorgestrel peut avoir pour effet d'arrêter le développement de la vie humaine. Il n'y a en effet aucun doute scientifique sur le fait que la vie humaine commence dès la conception.

Tout le reste n'est que bavardage.

Depuis que le débat sur ce sujet a commencé, on nous affirme que la grossesse commence à la nidation de l'embryon et que c'est la raison pour laquelle la prise de Norlevo ne peut être assimilée à une interruption volontaire de grossesse. Mais il n'existe aucune définition juridique ou scientifique permettant de vérifier cette théorie.

Selon la définition de l' Encyclopaedia Universalis , l'état de grossesse commence à l'instant de la fécondation et se termine neuf mois plus tard environ. Quoi qu'il en soit, qu'on l'appelle grossesse ou pas grossesse, quand il y a eu fécondation, la vie humaine a commencé et le Norlevo interrompt bien la vie dans ce cas-là. La réalité est que le Norlevo peut être une contraception d'urgence dans certains cas, mais qu'il peut également être un abortif d'urgence. Ce n'est pas une hypothèse minime, quand on sait que, dans les vingt-quatre heures, après un rapport sexuel non protégé au moment fertile du cycle de la femme, 30 % des rapports ont déjà été fécondants. L'expression consacrée de « contraception d'urgence » est donc limitative et trompeuse. Que l'on soit pour ou contre la distribution du Norlevo dans les collèges et lycées, cette réalité mérite d'être reconnue. Les enjeux psychologiques et moraux, puis les enjeux de santé publique sont tels que nous avons le devoir de dire la vérité sur cette question à nos concitoyens. Pour cette même raison, il est indispensable de respecter l'objection de conscience du corps médical - médecins, infirmières et pharmaciens - qui ne peut être contraint à distribuer le Norlevo en raison de ses effets.

Deuxièmement, le débat sur la pilule du lendemain fait naître plusieurs questions qui relèvent du domaine de la santé publique. L'absorption d'une pilule de Norlevo équivaut à celle de vingt-cinq comprimés d'anticonceptionnel traditionnel. Ce n'est pas rien.

L'objectif affiché est de limiter les grossesses chez les jeunes filles. Or on peut se demander si le Norlevo aura un véritable impact en ce domaine. C'est au moins un sujet de débat, que Mme la ministre a du reste évoqué dans son intervention. La possibilité de prendre ce médicament ne va-t-elle pas encourager une certaine irresponsabilité chez les filles et surtout chez les garçons ?

Mme Hélène Mignon, rapporteuse.

N'importe quoi !

Mme Christine Boutin.

Au moment où les pouvoirs publics s'alarment de la violence sexuelle dans les écoles, cette question apparaît plus que légitime. La perspective de la possibilité de ce qui a été appelé « l'oral de rattrapage » ne va-t-elle pas susciter des imprudences et, en fait, augmenter le nombre de conceptions ? Ségolène


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Royal soulignait l'importance d'apprendre aux jeunes filles à dire non. Selon une enquête de l'INSERM, 50 % d'entre elles affirment en effet s'être senties forcées à avoir des relations sexuelles et n'en auraient pas eu envie.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'INSERM ! P ar ailleurs, toujours d'après une enquête de l'INSERM, 5 % seulement des grossesses chez les mineures sont complètement imprévues. Les taux de grossesse et d'avortement chez les mineures sont d'ailleurs très liés à la situation scolaire de la jeune fille. Les deux taux sont plus élevés en filière professionnelle qu'en filière générale. Les jeunes filles en situation d'échec scolaire qui ont peu de perspectives de développement de carrière considèrent parfois la grossesse et la maternité comme une solution d'acceptation sociale.

Si l'objectif affiché est de diminuer les grossesses, il faudra donc s'y prendre autrement, agir bien plus en amont et développer une véritable politique de prévention. D'abord et avant tout, favoriser une bonne orientation scolaire des jeunes filles afin qu'elles s'approprient leur avenir professionnel et affectif et qu'elles aient envie de le construire sérieusement. Ensuite, développer une éducation sexuelle qui soit une éducation à la responsabilité personnelle, au respect de son propre corps et du corps d'autrui. Toutes les campagnes de contraception ont été déséquilibrées, parce que trop axées sur certaines méthodes de contraception. Celle de 1992 était axée sur le tout-préservatif et tout le monde reconnaît aujourd'hui qu'elle a été un échec. Mme la ministre ne l'a pas dit de façon aussi claire, mais c'était sous-jacent dans ses propos.

La dernière campagne, lancée en janvier 2000, n'a même pas mentionné les méthodes naturelles de régulation des naissances, qui sont les plus responsabilisantes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Muguette Jacquaint.

Ogino ?

Mme Christine Boutin.

Je vous rappelle qu'un prix Nobel a été donné à une femme qui a promu le développement de ces méthodes. Beaucoup de jeunes, d'ailleurs, en ont assez du tout chimique.

Mme Raymonde Le Texier.

On peut faire des pilules vertes ! (Sourires.)

Mme Christine Boutin.

Cela ne répond ni à leur attente ni à leur conception de l'amour, et on peut les comprendre.

Troisièmement, le fait que le Norlevo puisse être distribué sans prescription médicale dans les pharmacies et par les infirmières scolaires contrevient au principe de précaution, principe fondamental dans le domaine médical.

Dans un article du 28 septembre 1999 de la revue Savoirs, sciences et médecine , auquel a participé le docteur Aubény, il était précisé : « On ne connaît pas encore très bien aujourd'hui le mode d'action de la contraception d'urgence. On ne sait pas si elle agit plutôt sur l'endomètre ou sur la fonctionnalité et l'expulsion de l'ovule. »

Cela fait un an que cet article est paru ; il n'y en a pas eu d'autre apportant des précisions sur nos connaissances dans ce domaine. Je trouve très dangereux de distribuer le Norlevo alors que nous avons si peu de recul sur les effets physiologiques de la pilule et que nous ne savons même pas comment il agit. Nous avons déjà connu des scandales sanitaires dans notre pays dus à un manque de prudence et de précaution. En souhaitons-nous d'autres ? Plusieurs facteurs devraient pourtant nous mettre en garde. Une étude, financée par l'OMS, conclut à l'impossibilité d'administrer de manière récurrente une pilule du lendemain après chaque rapport sexuel pendant six mois.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Il n'est pas question de cela !

M me Christine Boutin.

Or nous n'aurons aucun moyen - je dis bien aucun - de vérifier qu'une mineure ne la prendra pas de façon régulière.

Une autre étude, réalisée en Angleterre, portant sur 213 jeunes femmes de seize à vingt et un ans à qui les chercheurs avaient remis une provision anticipée de pilules du lendemain, démontre que la disponibilité de cette pilule réduit la vigilance contraceptive.

Au nom du principe de précaution, il est tout à fait irresponsable d'autoriser la distribution du Norlevo sans prescription médicale. Les dispositions qui vont être prises préparent les conditions d'un scandale, dont il sera difficile de démêler les responsabilités.

Quatrièmement, la prétendue contraception d'urgence va pouvoir être donnée aux mineures sans autorisation parentale. Je suis bien consciente, comme vous tous, des difficultés qui peuvent exister entre les adolescents et leurs parents. Faut-il pour autant que les autorités publiques renforcent l'affrontement parents-adolescents en favorisant la prise de décision des adolescents sans leurs parents ? Les infirmières scolaires que nous avons rencontrées dans le cadre d'auditions du groupe UDF nous ont affirmé qu'elles faisaient tout pour inciter les adolescentes à parler à leurs parents.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Eh oui !

Mme Christine Boutin.

Je les crois bien volontiers.

Mais qu'en sera-t-il des mineures qui iront directement en pharmacie, qui ne bénéficieront des conseils et de l'écoute de personne ?

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Et les pharmaciens ?

Mme Christine Boutin.

Il est tout à fait incohérent de dénoncer la démission trop fréquente des parents et d'encourager cette démission en permettant aux enfants de passer outre à leur avis et à leur autorisation.

Mes chers collègues, je vais vous le dire tout net : je suis profondément choquée par cette possibilité qui nous est proposée de supprimer, même de façon dérogatoire, l'autorisation parentale avant l'absorption de ce médicament. Cet acte gravissime quant à la relation normale entre parents et enfants, acte qui va naturellement affaib lir l'autorité éducative et d'accompagnement des parents,...

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Vous n'avez pas dû lire le protocole !

Mme Christine Boutin.

... vous l'avez très souvent justifié dans nos discussions par l'exception douloureuse des jeunes filles maghrébines. Eh bien, mesdames et messieurs, je trouve cela profondément scandaleux. Vous qui êtes confortablement installés dans la hiérarchie sociale, sans doute avez-vous les moyens de pouvoir faire suivre vos filles par les meilleurs gynécologues, les meilleurs psychologues et dans le meilleur entourage familial. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Mais que se passerait-il si vos filles prenaient ce produit sans vous en parler ?


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Mme Muguette Jacquaint.

Et alors ?

Mme Raymonde Le Texier.

C'est leur vie !

Mme Christine Boutin.

De quel droit voler cette relation privilégiée de parents à enfant ? Parce qu'il s'agit de Maghrébins qui n'ont pas notre culture ?

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Nous n'avons jamais parlé de Maghrébins !

Mme Christine Boutin.

Posez-vous le principe qu'ils sont incapables d'évoluer ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Croyez-vous vraiment qu'une fois le secret levé, car il sera un jour levé, nous ne susciterons pas une réaction profonde des familles maghrébines à l'égard de la société française ? (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Pensez-vous que c'est ainsi que l'on facilite la politique d'intégration dans notre pays ?

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Incroyable !

Mme Christine Boutin.

Je trouve scandaleux aussi que l'on prenne en otage les familles les plus modestes pour porter un coup fatal à la famille.

N'oublions pas, en outre, que cet affaiblissement de l'autorité parentale par les lois touchera l'ensemble des relations parents-enfants dans notre pays. Comment imaginer que des jeunes puissent respecter l'autorité de leurs parents, alors que la loi, donc la norme, envisage de l'exclure pour un acte aussi grave et intime que la pilule du lendemain ? Enfin, pourquoi l'urgence a-t-elle été déclarée par le Gouvernement sur ce texte d'initiative parlementaire ? Plusieurs députés du groupe socialiste.

Parce qu'il y a urgence !

Mme Christine Boutin.

Tout est mené de façon hâtive, sans débat, sans réflexion, sans concertation. Pourquoi la discussion sur la contraception d'urgence a-t-elle été séparée de la discussion du projet de loi sur la contraception et l'IVG ? Il serait plus cohérent de discuter de l'ensemble de ces sujets dans le même cadre. Cela ne serait pas choquant.

Pour cette dernière raison et pour toutes celles que j'ai évoquées, je vous propose, mes chers collègues, de voter la question préalable.

Plusieurs députés du groupe socialistes.

Vous êtes bien seule !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Mesdames et messieurs les députés, je remercie tout d'abord très vivement la Délégation aux droits des femmes et la commission des affaires sociales et son président pour leurs travaux, le groupe socialiste, qui nous permet de débattre aujourd'hui de cette proposition de loi, et, bien évidemment, vos rapporteuses, Hélène Mignon et Marie-Françoise Clergeau.

Il y a des sujets, comme celui dont nous débattons aujourd'hui, à propos desquels des opinions divergentes ont pleinement le droit de s'exprimer. On vient d'ailleurs de l'entendre à l'instant. C'est ainsi, en démocratie, que chacun forge son avis en connaissance de cause. Clemenceau le disait ici même : « Gloire aux pays où l'on parle, honte aux pays où l'on se tait ! Ces discussions qui vous étonnent prouvent notre ardeur à défendre les idées que nous croyons justes et fécondes. »

D'abord, cette décision n'a pas été prise à la sauvette, contrairement à ce que nous venons d'entendre. Ce fut une décision longuement mûrie et, indépendamment des excellents travaux de votre assemblée, le débat sur la contraception d'urgence ne date pas d'aujourd'hui. Ayant pris, il y un peu plus de dix mois, la décision d'autoriser les infirmières scolaires à délivrer le Norlevo dans le cadre d'un protocole national de soins, je peux témoigner ici que cette décision avait été mûrement réfléchie sur le fond et précédée d'un an de consultations, contrairement aux reproches de précipitation et d'improvisation qui m'avaient été faits dans cet hémicycle même, au motif, ai-je entendu lors des questions d'actualité, que j'aurais sapé les bases de la famille.

Mme Muguette Jacquaint.

Ridicule, en effet !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

D'abord, il y avait eu l'excellent rapport remis en décembre 1998 à Martine Aubry et à Dominique Gillot par le docteur Uzan, chef du service de gynécologieobstétrique de l'hôpital Jean-Verdier à Bondy, en SeineSaint-Denis, relatif à la prévention et à la prise en charge des grossesses des adolescentes.

Le débat s'est poursuivi après que, le 26 novembre 1999, j'eus fait part aux infirmières scolaires de la mission qu'elles seraient amenées à exercer dans le cadre de la mise en oeuvre du protocole national. L'Académie de médecine y a pris part en adoptant, lors de sa séance du 7 mars 2000, une position favorable à la délivrance de la contraception d'urgence en milieu scolaire, considérant que le Gouvernement répondait, ce faisant, à un important problème de santé publique. Le Conseil d'Etat également, dont l'arrêt, sans en contester le bien-fondé, a estimé l'été dernier qu'il fallait à cette décision humainement nécessaire une base légale explicite, objet du projet de texte aujourd'hui soumis à votre approbation et modifiant, dans un sens conforme aux évolutions scientifiques intervenues depuis 1967, la loi Neuwirth sur la contraception. Hommage soit finalement rendu à la sagesse de la Haute Assemblée : elle nous conduit à donner force de loi à des dispositions dont nous estimons qu'elles relèvent du devoir de protection de l'adolescence et de prévention des dysfonctionnements du lien familial. J'y reviendrai tout à l'heure. Rapports d'experts, avis des plus hautes instances de la République, débat d'idées fortement relayé, consultations des professionnels concernés, d'associations et de syndicats, de fédérations de parents d'élèves, sans oublier toutes les auditions auxquelles vous avez procédé : la question a, je crois, été largement débattue et chacun amplement informé.

Quant à l'opinion publique, elle s'est montrée majoritairement favorable à ce dispositif. Elle ne s'y est pas trompée : il s'agit bien d'une mesure de bon sens et de justice qui offre une possibilité de prévention efficace des interruptions volontaires de grossesse ainsi que de ces maternités trop subies et trop précoces pour être bien vécues et bien assumées. Ce point de vue des Françaises et des Français n'a cessé de progresser depuis un an, comme l'attestent différents sondages. Et ce n'est pas l'enquête du Baromètre santé 2000, rendue publique il y a trois jours par le Comité français d'éducation à la santé, qui risque de les faire changer d'avis. Cette enquête confirme en effet que les toutes jeunes filles sont, parmi les victimes de rapports sexuels forcés, les plus exposées : 40 % des rapports imposés ont lieu avant l'âge de seize a ns. Comment imaginer que les grossesses qui en résultent puissent être vécues sereinement et que des enfants conçus dans la violence soient accueillis avec tout


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l'amour qui leur est dû ? Comment supposer une seconde que devenir mère dans ces conditions favorise l'exercice au long cours de la responsabilité parentale ? Car ce dont il est question aujourd'hui, c'est bien de la protection des adolescentes. La puberté intervient de nos jours quatre années plus tôt qu'il y a un siècle. Est-ce une raison pour être enceinte à treize ou à quinze ans ? Est-ce une raison pour n'avoir à cet âge que l'IVG comme alternative ? Est-ce une raison pour que les mineures, alors qu'elles sont les plus vulnérables, n'aient pas accès à une réponse plus simple, plus rapide et sans danger ? Je viens d'entendre évoquer les méthodes naturelles.

Certes, l'abstinence met à l'abri. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Yvette Roudy.

C'est sûr !

Mme Raymonde Le Texier.

Mais est-ce bien naturel ?

Mme Christine Boutin.

Je n'ai pas parlé de l'abstinence !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Et, je le dis sans détour, il n'y a pas d'ambiguïté de ma part, les rapport sexuels précoces ne sont pas forcément une conquête. Car même lorsqu'ils ne sont pas imposés par la violence, ils sont toujours vécus comme une obligation de se conformer à la norme supposée.

L'âge moyen du premier rapport sexuel - car les adolescents, madame Boutin, ne sont pas les irresponsables que vous avez voulu décrire - s'est stabilisé depuis plusieurs années autour de dix-sept ans, ce qui veut dire qu'il est pour certaines plus précoce et pour d'autres plus tardif. Certes, la contraception ordinaire devrait permettre aux jeunes filles de ne courir aucun risque de grossesse accidentelle, mais nombre d'enquêtes montrent que, dans 60 % des cas, les mineures ont leur premier rapport sexuel sans contraception. La réalité est celle-là ! Il faut donc, c'est sûr, mieux informer et éduquer davantage garçons et filles à la responsabilité pour soi et pour autrui.

Mais, dans l'immédiat, les grossesses précoces touchent quand même chaque année dix mille jeunes filles, dont près de sept mille recourent à l'IVG. Les autres n'optent pas sereinement pour une maternité radieuse. Ces jeunes mères malgré elles sont, plus prosaïquement, en danger et en détresse.

Les raisons qui les conduisent à cette situation ne sont pas, et je le répète, une forme d'irresponsabilité.

Mme Christine Boutin.

Je l'ai dit !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Ces raisons sont multiples et parfois contradictoires : désir de valorisation, de reconnaissance, de statut - dans les milieux les plus défavorisés -, cri d'alarme, volonté d'échapper à des situations familiales ou scolaires difficiles, conduites à risque, désir de grossesse sans désir d'enfant, désir d'enfant sans idée précise sur ce qu'implique être parent, déni de grossesse. Nous n'avons pas à les stigmatiser mais à les comprendre...

Mme Christine Boutin.

Absolument !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

... pour être mieux à même d'accompagner aussi bien celles qui mènent leur grossesse à terme que celles qui ne s'y sentent pas prêtes. Pour être mieux à même, surtout, de prévenir des situations qui signifient souvent un surcroît de précarité sociale et d'abandon affectif.

Mme Christine Boutin.

Nous sommes d'accord.

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Protéger les toutes jeunes filles que l'imprudence ou des motivations plus complexes explosent au risque d'une grossesse précoce, ce n'est pas leur fermer toutes les issues alternatives à une maternité non voulue, c'est leur offrir les moyens, matériels et éducatifs, d'un vrai choix, assumé et accompagné. Ce choix n'est pas, le plus souvent, celui d'une grossesse menée à terme. Ce que le Norlevo permet, c'est de rattraper en temps réel l'absence de précaution contraceptive tout en évitant une IVG juvénile.

Notre responsabilité - politique, éducative et générationnelle - est claire. C'est de dire aux adolescentes et aussi aux adolescents d'aujourd'hui qu'il y a un temps pour tout et qu'être parent, ce n'est pas seulement procréer, c'est faire face à l'éducation d'un enfant, c'est assumer durablement une décision importante qui ne se prend pas à la légère. C'est comme cela, madame Boutin, que je conçois la protection de la vie dont vous avez parlé tout à l'heure.

Car prévenir les grossesses précoces, c'est aussi protéger les nouveau-nés. Les enfants nés de mères encore immatures, et donc peu à même d'assumer à leur égard leur devoir de protection, sont plus en danger que les autres : en danger de rejet et d'abandon, en danger de maltraitances et de négligences, volontaires ou involontaires.

Sans même aller jusqu'aux cas limites d'infanticides - on a en vu encore récemment dans des établissement scolaires - faisant suite à une grossesse déniée et à un accouchement solitaire, bien des grossesses adolescentes vécues dans la résignation ou l'espoir illusoire d'une entrée dans le monde adulte signifient en réalité une entrée fracassée dans la parentalité, lourde de dangers pour la jeune mère et pour son enfant. Le savoir, c'est s'efforcer de le prévenir et l'accès des jeunes filles, mineures et majeures, au Norlevo est une dimension essentielle de cette prévention.

Au titre des confusions que quelques-uns ou quelquesunes se plaisent à entretenir autour de la contraception d'urgence, nous venons d'entendre dire, une fois de plus, que sa délivrance bafouerait les droits de l'enfant et l'obligation de « protéger la vie ».

Drôle de conception des droits de l'enfant que celle qui fait fi du désir et de l'aptitude de ses parents, comme si le premier droit d'un enfant n'était pas de trouver dans sa famille la sécurité affective et éducative qui l'aidera à grandir !

Mme Christine Boutin.

Le premier droit d'un enfant c'est la vie !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Drôle de conception de la famille que celle qui oppose les droits de l'enfant et ceux des femmes, comme si le malheur des uns pouvait faire le bonheur des autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Christine Boutin.

Vous êtes grotesque !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Drôle de conception de la vie que celle qui célèbre les vies susceptibles d'être engendrées au mépris des vies existantes et s'accommode, ce faisant, de vies en danger, précarisées et malmenées !

Mme Yvette Roudy.

Très bien !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Bref, drôle de préférence pour l'enfant virtuel contre l'adolescence bien réelle et dont nous avons la responsabilité éducative.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Christine Boutin.

L'enfant n'est pas du tout virtuel !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 5 OCTOBRE 2000

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Notre conviction est à l'inverse : c'est ensemble qu'il faut garantir les droits de l'enfant et ceux de sa famille, lesquels commencent par le droit d'être mère et d'être père à l'heure de son choix. J'ajoute que prévenir la maltraitance dont trop d'enfants sont encore les victimes impuissantes, c'est prendre en compte toutes les dimensions de la bientraitance à laquelle parents et enfants ont droit. La proposition de loi sur la contraception d'urgence qui vous est soumise aujourd'hui, si elle vise àr épondre à des situations très concrètes auxquelles nombre d'adolescentes sont confrontées, participe également d'une vision plus large de la bientraitance des enfants et de leurs familles, que le Gouvernement s'attache, avec tous les partenaires de la politique familiale, à mettre en oeuvre.

Le groupe socialiste présente aujourd'hui un texte synthétique. Je partage son point de vue ; il me semble en effet qu'il n'y a pas lieu d'entrer dans les détails de l'application d'une loi. En tout état de cause, la délivrance du Norlevo, comme de tout médicament en m ilieu scolaire, s'inscrit dans un protocole qui l'accompagne très précisément. Les infirmières scolaires doivent être à l'écoute des élèves auprès desquelles elles ont un rôle essentiel à jouer, mais elles n'ont pas vocation et ne le demandent pas à se substituer aux médecins qui prescrivent la contraception ou aux parents qui s'efforcent de venir en aide à leurs enfants. Ce n'est donc que de façon subsidiaire et lorsque les relations familiales ne le permettent pas, ou lorsque l'accès aux médecins, notamment du planning familial, n'est pas possible que le Norlevo a été délivré directement.

Le bilan rendu public le 29 septembre dernier, lors de la conférence de presse commune que nous avons tenue avec Jack Lang sur les mesures en faveur de l'éducation à la sexualité et à la responsabilité montrent bien que le protocole national sur l'organisation des soins n'a donné lieu à nulle dérive au cours des six mois de janvier à juin 2000 où il a été appliqué dans les établissements scolaires. Les infirmières scolaires sont responsables. Elles ont délivré la contraception d'urgence à 1 618 élèves, majeures et mineurs, sur un total de 7 074 demandes, soit deux sur dix. Toutes les élèves ont été systématiquement orientées vers des centres de planification familiale, ou alors le dialogue avec les parents a été renoué. La satisfaction a été grande sur le terrain de pouvoir répondre à des situations de détresse et d'urgence dans un cadre propice au dialogue.

Madame, j'ai entendu tout à l'heure que vous étiez profondément choquée par la suppression de l'autorisation parentale. Vous nous avez pris à partie à propos de nos filles. Eh bien, oui, madame, nous préférons que nos filles rencontrent une infirmière à l'écoute plutôt qu'elles ne soient livrées à elles-mêmes dans une situation de détresse !

Mme Hélène Mignon, rapporteuse.

Absolument !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Quel parent peut se targuer de savoir toujours trouver les mots qu'il faut pour renouer, à tout moment, un dialogue avec les adolescents ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Christine Boutin.

Ce n'est pas ce que j'ai dit !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

L'adolescence est l'âge des refus et des contestations...

Mme Christine Boutin.

Evidemment !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

... et bien souvent les parents sont les plus mal placés lorsqu'il s'agit d'éducation à la sexualité et à la vie. Ma conviction profonde - et c'est celle aussi des grandes fédérations de parents d'élèves, quelle que soit leur sensibilité philosophique - est que les parents souhaitent une école attentive au bien-être et à la protection des adolescentes, attentive à ce qui peut perturber leur scolarité, à leurs difficultés personnelles.

Mme Christine Boutin.

Les associations familiales n'ont pas ce point de vue !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Ils souhaitent une école soucieuse de faciliter l'accès de toutes et de tous aux soins dont ils peuvent avoir besoin.

Je crois aussi que la plupart des parents se sentent non pas menacés mais épaulés par une école qui assume dans la clarté sa responsabilité coéducative et refuse de laisser sur le bord du chemin une adolescente désemparée.

L'autorité parentale n'est nullement amoindrie. Elle est au contraire renforcée...

Mme Christine Boutin.

Quel toupet !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

... même s'ils nous faut aussi comprendre et admettre que des adolescents ne confient pas tout à leurs parents...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Eh oui !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

... et surtout pas cela et puissent aussi chercher auprès d'autres adultes, même provisoirement, des informations et des points d'appui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Christine Boutin.

Quel échec !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

S'il me fallait résumer en quelques mots la raison essentielle des dispositions légales qu'il vous est proposé d'adopter, je dirais que l'enfance est une chose trop précieuse pour être abandonnée aux aléas d'une contraception encore mal maîtrisée, à un âge madame, où le droit à l'erreur participe de l'apprentissage progressif de l'autonomie. Ce serait bien mal aimer nos enfants que de vouloir, au premier faux pas, leur en faire payer le prix fort.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Tout à fait !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Bien sûr, l'éducation à la santé et à la sexualité est une responsabilité partagée de l'école et des familles. Cette chance d'échapper à une grossesse ou à une IVG précoce qu'offre, à titre ponctuel seulement, j'en conviens, le Norlevo n'a de sens qu'inscrite dans un projet éducatif plus large. Martine Aubry vient d'y insister amplement et Dominique Gillot y travaille. C'est pourquoi nous restons aujourd'hui comme hier particulièrement attachées à l'éducation des enfants et des adolescents à la santé, à la sexualité et à la contraception.

Cette éducation à la vie affective n'est pas facile à assumer. Nous n'avons pas la science infuse, nous, les éducateurs, les parents, les responsables politiques, car nous ne sommes pas nous-mêmes des adultes parfaits à l'abri des doutes, des échecs, des erreurs et l'adolescence n'est pas un âge facile. Il nous faut affronter ce mélange de demandes et de rejets, de besoin de se confier et de désir de protéger son intimité entre lesquels oscillent plus ou moins toutes celles et ceux qui ne sont plus tout à fait des enfants sans être encore des adultes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 5 OCTOBRE 2000

Les parents qui ressentent le besoin d'être moins seuls dans leur tâche éducative doivent pouvoir trouver des lieux d'échange et des points d'appui : c'est, entre autres, la fonction des réseaux de parents dont le Gouvernement favorise le développement sur tout le territoire et dont les moyens ont été nettement renforcés cette année. Ils doivent aussi - c'est tout le sens de la politique que je conduis - être plus efficacement aidés dans leur vie quotidienne pour assumer pleinement et partager équitablement les responsabilités qui sont les leurs.

En un mot et pour finir, l'adolescence est un temps de formation et d'expérimentation qui dure, de nos jours, plus longtemps que par le passé...

Mme Christine Boutin.

Vous êtes triste et sans enthousiasme !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

... et qui doit être ménagé pour que chacun y évolue à son rythme. Or une grossesse précoce, c'est une adolescence abrégée. Laissez-les vivre, laissez vivre ces adolescentes, ai-je envie de vous dire, madame (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert),...

Mme Christine Boutin.

C'est stupide !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

... ainsi qu'à tous ceux qui trouvent plus grave de stopper une grossesse non désirée que de laisser une maternité prématurée saccager une adolescence.

Victor Hugo, qui pourtant ne connaissait pas le Norlevo, avait les mots pour dire qu'il fallait laisser le temps au temps et ne pas gâcher « la plus délicate des transitions, l'adolescence, ce commencement d'une femme dans la fin d'un enfant ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour le groupe socialiste.

Mme Raymonde Le Texier.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, chaque année sur 20 000 grossesses de mineures, 10 000 sont non désirées et 6 700 donnent lieu à une IVG. En décembre 1999, face à ce constat préoccupant, le Gouvernement, et plus précisément Mme Ségolène Royal, a tenté d'apporter une solution aux situations les plus urgentes et les plus dramatiques.

Nous connaissons la suite. Le Conseil d'Etat, dans son arrêt du 30 juin 2000, a considéré que la circulaire de décembre 1999 était en opposition avec la loi Neuwirth de 1967 qui précisait les obligations de prescriptions médicales en matière de contraceptifs. A l'époque, le législateur ne pouvait statuer sur la contraception d'urgence puisque celle-ci n'existait pas.

Nous sommes donc, ici, ce matin, pour prendre acte d'un cadre juridique aujourd'hui inadapté, simple conséquence des progrès contraceptifs et de la situation particulière des mineures. Cela ne mériterait ni effets de manche ni discours passionnels. Seulement voilà, dès qu'on aborde les questions de sexualité, et plus particulièrement la sexualité des femmes et des jeunes filles, plutôt que d'apprécier objectivement les problèmes rencontrés, les angoisses, la détresse qu'ils peuvent générer, les discours bien pensants et moralisateurs de certains - hélas ! de certaines - se font jour et tentent de bloquer toute évolution.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Eh oui !

Mme Raymonde Le Texier.

De mon point de vue, il y a derrière cette attitude un non-respect de la personne humaine, de la femme et, plus précisément, s'agissant de cette proposition de loi, des plus jeunes d'entre elles. Les propos sont aussi caricaturaux que par le passé.

Mme Nicole Feidt.

Tout à fait !

Mme Raymonde Le Texier.

On reste dans l'exagération, l'outrance, la contre-vérité, la désinformation.

Mme Christine Boutin.

Trouvez d'autres arguments !

Mme Raymonde Le Texier.

La dialectique utilisée par Mme Boutin est un semblant de bons sentiments et pourrait même tirer des larmes aux plus sensibles.

Mme Yvette Roudy et Mme Danielle Bousquet.

C'est vrai !

Mme Raymonde Le Texier.

Mais le fond de la pensée est restée intacte. Les ressorts utilisés sont toujours aussi culpabilisants et moralisateurs.

Mme Christine Boutin.

Trouvez d'autres arguments !

Mme Raymonde Le Texier.

Faux arguments, motions diverses sont mis en oeuvre pour tenter de bloquer la procédure. Pendant que nous tergiversons, des femmes sont concernées et des jeunes filles mineures sont en train de vivre des situations insupportables alors qu'elles entrent à peine dans leur vie d'adulte.

Certes, ces 10 000 grossesses non désirées soulèvent la question de la prévention et de l'éducation et pointent les lacunes de l'information en matière de contraception. Le Gouvernement en est bien conscient et a, d'ores et déjà, pris diverses mesures pour remédier rapidement et sur le long terme à ce déficit d'information. Il faut être très volontariste à cet égard.

Aujourd'hui, la seule chose que nous, parlementaires, aurions à redouter, c'est que cette proposition de loi ne soit pas adoptée ou soit différée alors pourtant qu'elle permettrait de faire rapidement reculer à la fois les grossesses non désirées et le nombre d'IVG.

S'agissant des mineures, les six mois durant lesquels le Norvelo a pu être prescrit nous ont montré combien tous les acteurs ont adopté une attitude responsable. Nous avons désormais tous les chiffres en tête : en six mois, dans l'académie de Paris, il y a eu 213 demandes de pilule du lendemain pour seulement 16 prescriptions, les autres jeunes filles ayant pu être orientées vers les dispositifs existants et, le cas échéant, accompagnées par leurs parents parce que le dialogue a pu être rétabli entre elles et eux. Le Planning familial a évidemment été sollicité et a rempli sa mission.

Mme Nicole Bricq.

Très bien !

Mme Yvette Roudy.

Bravo le Planning, heureusement qu'il est là !

Mme Raymonde Le Texier.

N'est-ce pas là la démonstration que les infirmières ont pu apporter une réponse adaptée pour chacune des demandes et que seuls les cas les plus difficiles, les cas sans issue ont fait l'objet d'une prescription d'urgence ? Soulignons aussi qu'aucune adolescente n'a demandé plus d'une fois une contraception d'urgence durant ces six mois.

Mme Christine Boutin.

Comment le savez-vous ?

Mme Yvette Roudy.

Ce sont les chiffres !

Mme Raymonde Le Texier.

Cela donne à penser que l'administration de la pilule du lendemain a bien été accompagnée d'une sensibilisation à une nécessaire contraception en amont.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 5 OCTOBRE 2000

Mme Christine Boutin.

Qu'en savez-vous ?

Mme Raymonde Le Texier.

Comment savez-vous le contraire, madame, si moi je ne connais pas cette réalité ?

Mme Christine Boutin.

La réponse est un peu courte !

Mme Raymonde Le Texier.

Nous le voyons bien : la responsabilité est partagée tant par les équipes médicosociales que par les jeunes concernés. Le parents d'élèves l'ont d'ailleurs bien compris. Ceux qui, au moment de la mise en oeuvre de la circulaire de décembre 1999, étaient encore réservés sont aujourd'hui, après six mois, convaincus du bienfait du dispositif comme sont convaincus les autres partenaires entendus par la Délégation aux droits des femmes, médecins, chefs d'établissement scolaire, infirmières, organisations lycéennes.

Je veux le redire une fois encore : ce n'est pas en maintenant les femmes dans l'angoisse et la non-réponse face à une grossesse non désirée qu'on les aide à devenir de futures mères épanouies et heureuses. Sur 20 000 grossesses de mineures, 10 000 sont non désirées, 6 700 se terminent par une IVG. Voilà trois chiffres qui en cachent un quatrième, celui du nombre de rapports contraints dont nous savons qu'il est important.

Mes chers collègues, il n'est sans doute pas utile d'être plus longue pour vous convaincre que le préalable ne se pose pas. En légiférant aujourd'hui, nous accompagnons les femmes et notamment les plus jeunes d'entre elles dans une situation douloureuse qu'elles doivent parfois affronter.

Mme Françoise de Panafieu.

Monsieur le président, Madame Le Texier s'exprime maintenant depuis plus de dix minutes !

M. le président.

Madame Le Texier, pouvez-vous conclure, s'il vous plaît ?

Mme Raymonde Le Texier.

Je conclus, monsieur le président.

Nous combattons le tabou de la sexualité des jeunes filles, tabou dont on sait qu'il induit le refoulement des solutions contraceptives. Enfin, nous accompagnons les parents dans leur mission souvent difficile. Aucun d'entre eux ne souhaite en effet que son enfant vive une grossesse non désirée ou une IVG. Tous préféreraient assurément à cette solution ultime une contraception d'urgence.

Les législateurs que nous sommes doivent apporter une réponse claire et adaptée afin de protéger la santé et l'intégrité des femmes. S'agissant des jeunes filles confrontées à une grossesse non désirée, c'est un devoir absolu.

M. le président.

Il faut en terminer, madame Le Texier !

Mme Raymonde Le Texier.

Je termine, monsieur le président.

Mes chers collègues, je vous le dis tout net, le groupe socialiste repoussera cette question préalable sereinement et fermement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-François Mattei, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Jean-François Mattei.

Mesdames les ministres, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je rappellerai que le propre du débat démocratique est de laisser s'exprimer toutes les convictions et de les entendre, car telles ou telles sont susceptibles de nous faire évoluer dans nos sentiments.

A vrai dire, nous sommes étonnés d'avoir à légiférer aujourd'hui car après tout le Norlevo est en vente libre en pharmacie. Et, à tout prendre, je préfère qu'une adolescente puisse discuter avec l'infirmière de son collège ou de son lycée, plutôt que de la voir se présenter dans une pharmacie anonyme où une employée lui remettra une boîte de médicaments sans accompagnement. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Madame la ministre, vous avez cité l'Académie nationale de médecine. Je le dis modestement, j'ai participé aux travaux de cette commission. Nous y avons exprimé une position de médecins.

Mme Yvette Roudy.

Ici, nous sommes des législateurs !

M. Jean-François Mattei.

Médicalement, il est clair que les médecins sont favorables à la distribution du Norvelo dans les conditions qui sont proposées, car leur métier est d'accueillir. Ainsi, moi qui ai été confronté à des jeunes adolescentes venues me dire dans mon bureau : « Docteur, j'ai fait une connerie », je ne me suis jamais senti le droit de leur refuser mon concours et mon assistance.

C'est la raison pour laquelle nous ne voulons pas nous opposer à la présente proposition de loi. Néanmoins, permettez-moi de vous dire - et Bernard Perrut s'exprimera plus largement au nom de notre groupe dans la discussion générale - qu'elle est tellement sèche dans la transposition simple de cet article à caractère réglementaire qu'elle est dépourvue de toute humanité.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Qu'y faire ?

M. Jean-François Mattei.

Dans le problème de la pilule du lendemain, le plus important c'est hier et aprèsdemain. Or il n'en est pas question dans ce texte.

Mme Nicole Bricq.

Il s'agit de droit, pas de charité !

M. Jean-François Mattei.

Naturellement, vous souhaitez que cette proposition soit adoptée et que son application ne soit pas différée. Nous désirons fortement, quant à nous, quelle soit complétée. N'est-ce pas un fauxsemblant, en effet, que de nous proposer une solution quand nous savons que rien, ou presque rien n'est fait en amont, que rien ou presque rien n'est fait en aval, et que nous n'avons même pas aujourd'hui les moyens de répondre à la demande qui va se faire jour ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Marc Ayrault.

Vous cherchez un prétexte !

M. Jean-François Mattei.

En dépit de ces réserves, nous ne nous opposerons pas à ce texte. Et en tout état de cause, nous repousserons la motion présentée par

Mme Boutin, car nous ne la rejoignons pas sur ce point.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, au nom du groupe communiste.

Mme Muguette Jacquaint.

Je ne reviendrai pas sur les chiffres rappelés par Mme la rapporteuse - 10 000 grossesses par an chez les mineures dont 6 700 interruptions volontaires de grossesse. Ces jeunes filles se trouvent dans un état de détresse qui mérite que nous passions outre ceux qui veulent freiner le progrès, et que nous leur rendions la vie possible et belle.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 5 OCTOBRE 2000

Je ne pense pas que l'on commence sa vie dans de bonnes conditions lorsqu'on se retrouve mère de famille à quatorze ou quinze ans. Où sont les droits de la jeune fille ? Où sont les droits de l'enfant ? Il reste beaucoup à faire pour aider toutes ces jeunes filles qui subissent une grossesse qu'elles ne désirent pas. Je constate qu'il se trouve encore des idées retardataires, les mêmes d'ailleurs qu'il y a trente ans...

Mme Christine Boutin.

Vous n'avez pas non plus changé d'argument !

Mme Muguette Jacquaint.

... alors que les jeunes filles et les femmes agissaient déjà, aidées par des associations importantes, pour le droit à la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse.

Je constate néanmoins que les idées bougent dans le bon sens,...

Mme Christine Boutin.

Exactement !

Mme Muguette Jacquaint.

... comme M. Mattei vient d'en faire la démonstration, et c'est bien. Les progrès m édicaux permettent aujourd'hui de répondre à la volonté que nous avons toutes de développer la contraception et de faire évoluer sans risque les droits des femmes.

Oui, il y a urgence, et c'est la raison pour laquelle, madame Boutin, le groupe communiste repoussera votre question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Danielle Bousquet.

Mme Danielle Bousquet.

La décision que nous allons prendre ce matin, mes chers collègues, pèsera lourd dans la vie de dizaines de milliers de femmes, et particulièrement des plus jeunes.

C'est en effet notre décision d'autoriser ou non la vente libre, sans prescription médicale d'une contracept ion d'urgence inoffensive qui conduira un certain nombre de jeunes filles à risquer ou non une IVG lorsqu'elles n'ont pas de contraception et qu'elles sont au début de leur vie sexuelle.

La circulaire de Mme Royal, alors ministre de l'enseignement scolaire, avait été accueillie favorablement, voire avec soulagement, par la communauté éducative eu égard au rôle unanimement reconnu à l'infirmière dans l'établissement scolaire et en particulier par les jeunes, qui tous en témoignent. Et comme le disait une représentante des syndicats lycéens que nous avons auditionnée récemment, l'infirmière scolaire devient d'autant plus une référence qu'on ne sait pas trop ce que l'on doit faire quand il y a urgence. Et il y a parfois urgence parce que les premiers moments de la vie sexuelle pour les jeunes, c'est l'inconnu.

Parce que depuis des années le travail de prévention contre le sida a complètement prévalu contre toute autre considération, même celle de la contraception, parce que notre société n'a pas su ou n'a pas voulu intégrer l'information continue sur la contraception et l'éducation sexuelle dans l'éducation des jeunes, parce que tous les jeunes ne sont pas égaux devant l'accès à la contraception en fonction de leur milieu social, parce que nous ne savons pas, nous adultes, parler avec eux librement de sexualité, pour toutes ces raisons, et bien d'autres encore sans doute, oui, il y a parfois urgence pour une jeune fille. Urgence pour ne pas entrer dans le cycle d'une grossesse non désirée, urgence pour ne pas faire partie de ces 6 000 mineurs qui, chaque année, ont recours à une IVG.

C'est pour cette raison qu'on ne peut exonérer de leur responsabilité ceux qui prétendent à la fois lutter contre le droit à l'IVG et contester le droit à la pilule du lendemain pour les jeunes filles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) , et ceux qui, au nom de principes qui sont les leurs, voudraient nous conduire à nous couper de la réalité sociale. Il nous appartient, au contraire, de favoriser ce que j'appelerai « l'éducation sexuelle » plutôt que

« l'information sexuelle ».

C'est tout simplement notre devoir de travailler dans le sens de l'acceptation du droit à la sexualité pour les jeunes. Des analyses internationales montrent, en effet, que, plus l'acceptation sociale de la sexualité est forte, moins les taux de grossesse qui donnent lieu à une IVG sont élevés.

Mme Yvette Roudy.

Nous le savons !

Mme Danielle Bousquet.

Autrement dit, plus le discours sur la sexualité des jeunes est positif et moins le recours à l'IVG est fréquent.

Comme l'indique en effet Mme Bajos, chercheur à l'INSERM, et auteur d'une étude dont la presse s'est fait hier l'écho, les jeunes filles accèdent alors plus facilement à la contraception parce qu'elles se sentent reconnues et acceptées dans leur sexualité. A l'inverse, force est de constater que la non-acceptation de la sexualité des jeunes filles représente un frein massif à leur accès à l'information et à la contraception. Il faut méditer cette réalité.

C'est pourquoi le souhait que manifestent très majoritairement les parents d'élèves de voir les infirmières scolaires pouvoir administrer le Norlevo aux jeunes filles en cas d'urgence doit être considéré comme un encouragement à instaurer réellement une éducation à la sexualité et à la responsabilité, seule véritable prévention des IVG, en particulier plus précoces.

L'arrêt pris par le Conseil d'Etat au mois de juin dernier nous incitait à légiférer. C'est ce que nous faisons dans un délai très court - seulement trois mois plus tard à travers cette proposition de loi déposée par le groupe socialiste, parce qu'il y a urgence à rassurer les jeunes, les infirmières scolaires et les parents.

Nous le faisons en nous montrant responsables, ouverts aux réalités et soucieux de préserver l'avenir pour les jeunes filles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce matin, même si elle ne compte qu'un article unique, qui tient en quelques lignes, n'en concerne pas moins un sujet de société et de santé publique important.

Nous regrettons toutefois qu'il soit évoqué dans l'urgence, sans un véritable débat de fond, comme JeanFrançois Mattei l'a excellemment dit il y a quelques instants.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 5 OCTOBRE 2000

Nous avons, les uns et les autres, sur ce sujet, nos propres certitudes et nos propres interrogations mais nous partageons tous, car nous sommes aussi des parents, les mêmes inquiétudes face aux réalités de la vie, en l'occurrence le nombre de grossesses non désirées chez les adolescentes dont l'issue, quelle qu'elle soit, est souvent vécue dans la douleur physique ou morale.

Mais nos inquiétudes, au groupe Démocratie libérale, existent aussi face à la solution que vous nous proposez, la contraception d'urgence, communément appelée pilule du lendemain. Car votre texte laisse des questions essentielles sans réponse.

Il est en tout cas fondé sur un constat, celui d'un triple échec dont nous sommes d'ailleurs tous responsables : échec familial, échec éducatif, échec social. Jean-François Mattei s'est souvent exprimé sur ce sujet.

Echec familial d'abord, car comment qualifier autrement la situation d'une adolescente qui ne peut trouver de soutien auprès de ses parents dans un moment difficile ? Ou encore l'impossibilité, pour une fille, de trouver auprès de sa mère cette éducation, pourtant essentielle, à l a vie sentimentale, par manque d'intimité et de confiance entre elles ? Echec éducatif ensuite, car le système scolaire, au lieu de prendre en compte la psychologie des adolescents, leur livre des messages inadaptés qu'ils n'écoutent plus car la sexualité ne peut se limiter pour eux à une affaire de technique et de messages conçus par les seuls adultes.

Echec social, enfin car comment qualifier en effet cette solitude de l'adolescente après un acte qui, pourtant, symbolise le partage et l'attention à l'autre, la perte de repères, ou encore le nombre important d'IVG et de violences sexuelles dues à une sexualité non maîtrisée ? Si le législateur doit toujours essayer de porter un regard réaliste sur les problèmes de la société, surtout lorsqu'ils touchent les personnes les plus fragiles, on peut toutefois s'interroger sur la nécessité de légiférer aujourd'hui pour régler des situations de détresse si nous n'apportons pas concrètement et dans le même temps de nouveaux moyens.

En effet, n'est-ce pas aussi et d'abord dans l'augmentation et l'adaptation des moyens permettant l'écoute, l'accueil des jeunes, la sensibilisation et l'éducation que réside la solution ? Des lieux rendent la contraception possible pour les mineures : outre les hôpitaux, les centres de planning familial qui assurent la confidentialité et la gratuité. Mais les 1 100 lieux existants sont mal répartis sur le territoire national, laissant certaines zones rurales peu couvertes.

Mme Mignon, dans son rapport, indique que les centres sont largement sous-utilisés, que les structures ne sont pas connues et que les services proposés sont trop médicalisés, alors que les jeunes filles recherchent conseils et écoute.

Quels moyens le Gouvernement compte-t-il prendre pour remédier à cet état de fait ? Ne faut-il pas rénover nos structures, en changer le nom, en aménager les horaires d'ouverture,...

Mme Yvette Roudy.

Il faut de l'information !

M. Bernard Perrut.

... en faire des lieux de proximité où les adolescentes aient envie de se rendre ? Quant à nos pharmaciens, qui peuvent délivrer sans p rescription médicale des contraceptifs d'urgence, il convient de les conforter dans leur mission de conseil, qui restera toutefois toujours limitée pour les adolescentes tant qu'elles seront accueillies autour d'un comptoir et en présence d'autres clients.

M. Claude Goasguen.

C'est vrai !

M. Bernard Perrut.

Vous voulez privilégier l'école. Mais on peut légitimement s'interroger sur la responsabilité que vous voulez donner aux infirmières scolaires, dont on connaît le sens de l'écoute et le dévouement, mais dont il faut renforcer la formation en ce domaine. N'est-ce pas de votre part une réponse hypocrite, quand on sait qu'elles ne sont que 5 865 en France, soit une infirmière pour 2 500 jeunes ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est exact !

M. François Goulard.

En effet !

M. Bernard Perrut.

Beaucoup assurent à temps partiel leur mission dans plusieurs établissements et risquent de n'être pas toujours présentes quand des jeunes filles auront besoin de les rencontrer parce qu'elles seront en situation d'urgence. C'est ignorer aussi, mes chers collègues, qu'il existe des vacances et des week-ends. Comment feront alors les adolescentes ?

M. François Goulard.

Très juste !

M. Bernard Perrut.

Une infirmière indiquait récemment dans un quotidien national que, en son absence, c'était la lingère, qui a son brevet de secourisme, qui la remplace. L'efficacité de votre projet, vous en conviendrez, trouve, hélas, vite des limites ! Comment ne pas évoquer la nécessité d'un suivi médical à l'école - ma is les médecins scolaires sont en nombre insuffisant - ou à l'extérieur dans les cabinets ? Car la contraception d'urgence n'est pas un acte anodin tant sur le plan de la santé que sur le plan éthique d'ailleurs. La prise de Norlevo, cela a été dit, représente cinquante fois la dose journalière de la même hormone ; le Lévonorgestrel, dans son utilisation contraceptive classique, reste délivré dans des conditions strictes sur prescription médicale.

Si les médecins sont favorables à la contraception d'urgence, Jean-François Mattei l'a rappelé il y a quelques instants, l'Académie de médecine, pourtant, nous rappelle que cette contraception « peut entraîner des perturbations du cycle menstruel telles que des processus non désirés qui risquent de survenir, et donc un nombre accru d'avortements, ce qui irait à l'encontre de l'objectif recherché ». La même académie insiste sur les conditions strictes de délivrance et sur l'évaluation régulière, en termes d'efficacité, de cette mesure. Madame la ministre, un rapport annuel sera-t-il fait par le ministère de la santé, et les parlementaires en seront-ils informés ? Il faut aussi prévoir, à l'école et hors de l'école, un suivi psychologique des jeunes, qui vivront sans doute avec angoisse leur vie affective après une situation de détresse. On peut même craindre, osons le dire, que, plus tard, dans certaines mentalités, l'enfant à naître soit perçu comme un danger social.

Il faut en tout cas aborder autrement la prévention et l'éducation à la sexualité et à la contraception régulière car il n'est pas acceptable que le nombre d'IVG soit aussi élevé chez les jeunes, alors que des moyens financiers importants sont consacrés à la prévention.

On constate l'absence d'une information adaptée, orientée vers la sexualité juvénile, où le déni du risque es t fréquent. L'éducation à la vie, le sens du respect de l'autre et de l'amour, la responsabilité doivent figurer dans une démarche éducative aujourd'hui insuffisante. Et si des heures d'éducation obligatoire pour les classes de


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quatrième et de troisième sont prévues dans les textes, un tiers seulement des collèges, madame la ministre, a mis en place cet enseignement, révèle cette semaine un grand quotidien. En resterez-vous au stade des bonnes intentions ? Mais encore faut-il que le message que nous voulons faire passer ne soit pas troublé par un environnement médiatique : journaux, télévision, cinéma, ou encore l'accès à Internet et au Minitel rose, qui prônent l'instinct sexuel et le plaisir, souvent lié à la violence. « Les adultes qui font la télévision devraient eux aussi penser à cette éthique éducative », disiez-vous, madame Ségolène Royal, il y a quelques jours. Quelle image de la vie voulez-vous donner aux jeunes ? Quels moyens et quelles sanctions le Gouvernement prendra-t-il pour lutter contre les images avilissantes et contraires à la dignité humaine ? Et les parents dans tout cela, les aurions-nous oubliés ? L'adolescence constitue, il est vrai, un moment difficile pour le dialogue avec les adultes en général et les parents en particulier. Si le dialogue se noue au sein de l'institution scolaire, il apparaît alors indispensable d'associer les familles à la démarche, afin de ne pas donner à certaines la sensation d'être exclues, ni de favoriser pour d'autres une démission éducative.

Alors que le Gouvernement met en place un groupe de travail sur l'autorité parentale et un dispositif d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents dans les écoles parentales, voulant ainsi les aider à mieux assumer leurs fonctions, ce texte, il faut le dire, élude complètement le rôle des parents et leur responsabilité dans l'éducation de leurs enfants.

Mme Guigou, dans une interview récente, indiquait pourtant : « Les familles ont un rôle unique de transmission, d'enseignement des valeurs fondamentales, d'apprentissage des rapports entre autorité et liberté. Notre droit doit permettre à la famille de jouer ses rôles. » Il ne

faut pas l'oublier.

En conclusion, il apparaît que la solution préconisée par le texte qui nous est proposé aujourd'hui pour répondre de manière exceptionnelle à une situation de détresse - et uniquement dans ce cas-là - doit être assort ie d'un certain nombre d'aménagements et par conséquent d'engagements de votre part, madame la ministre, si nous voulons que l'action menée soit efficace en termes de santé publique. L'impact de cette mesure sera faible si elle n'est pas accompagnée d'une démarche réelle d'éducation et de santé, active et récurrente, qu'il faut promouvoir et qu'il faut financer.

M. Jean-Marc Nudant.

Excellent !

M. Bernard Perrut.

Quels sont vos engagements, madame la ministre ? Il conviendra toujours de ne pas banaliser la contraception d'urgence au risque de favoriser et de justifier des relations sexuelles de plus en plus précoces et nombreuses, d'une part, et de faire reculer le terme d'une prise de responsabilité des jeunes, d'autre part.

Les jeunes sont, en effet, au coeur du débat, et ils veulent prendre leurs propres responsabilités.

Si, pour la majorité des députés du groupe Démocratie libérale, l'abstention est justifiée par les raisons et les réserves qui ont été exprimées dans l'intérêt des jeunes et des familles, un certain nombre de députés sur ces bancs pourront être amenés à exprimer des votes différents dans le respect de la liberté de conscience à laquelle nous sommes particulièrement attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République, ainsi que sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme Chantal RobinRodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, vingtcinq ans après l'adoption de la loi Veil, étape décisive dans le combat pour la maîtrise de la fécondité et de l'émancipation des femmes, le lobby anti-avortement ne désarme pas. Il s'est même reconverti, notamment dans la lutte contre la contraception. C'est, en effet, à la suite d'une saisine du Conseil d'Etat par plusieurs associations obscurantistes que la circulaire de Ségolène Royal autorisant les infirmières scolaires à délivrer la pilule du lendemain aux collégiennes et aux lycéennes a été abrogée. Il revient donc à la représentation nationale de combler le vide juridique pointé par le Conseil d'Etat.

La loi, expression de la volonté générale, doit l'emporter sur des recours procéduriers et tatillons dont certains se servent pour limiter la liberté individuelle des femmes et la prise en compte collective des réalités sociales. La présente proposition de loi, qui est portée par toute la gauche plurielle mais qui, je n'en doute pas, sera votée par tous les bancs de cette assemblée, va permettre de répondre à l'urgence en mettant à disposition sans prescription médicale la pilule du lendemain. Le texte prévoit, par ailleurs, l'accès à cette contraception d'urgence pour les mineures, ce qui devrait limiter nombre de grossesses non désirées et d'avortements.

De ce point de vue, il faut dénoncer la campagne orchestrée par les adversaires de la pilule du lendemain mettant en cause les compétences des infirmières scolaires. Souvent premières confidentes des adolescentes, ces professionnelles n'avaient aucunement l'intention de dist ribuer la pilule du lendemain à la légère, mais comptaient faire, comme toujours, un travail d'écoute, d'évaluation, de prévention et de conseil avec leurs jeunes interlocutrices. La présente proposition de loi va leur en donner les moyens juridiques et les députés radicaux de gauche voteront donc sans réserve ce texte.

Il doit, cependant, être très clair pour tout le monde que la contraception d'urgence doit demeurer un recours ultime dont l'utilisation doit se raréfier, si nous nous donnons les moyens d'une meilleure éducation sexuelle.

Dans ce domaine, une évolution des mentalités est nécessaire et des moyens supplémentaires doivent être mobilisées. L'éducation sexuelle, y compris dans sa dimension de maîtrise de la fécondité, doit s'adresser aussi bien aux garçons qu'aux filles. En effet, la contraception ne doit pas demeurer seulement une affaire de femmes.

Par ailleurs, il est juste d'offrir aux mineures l'accès à une contraception sans accord parental compte tenu des réalités sociologiques. Mais il n'en demeure pas moins essentiel de promouvoir, notamment par l'information, un meilleur dialogue parents-enfants sur ces questions.

Il est, en effet, préoccupant de constater que, pour b eaucoup d'adolescentes interrogées dans diverses enquêtes, la contraception d'urgence apparaît comme le premier moyen de contraception. La lutte contre les maladies sexuellement transmissibles doit demeurer une priorité de l'éducation sexuelle au moment où des progrès dans le traitement du sida accréditent l'idée fausse que le danger serait passé.

Ces objectifs ne pourront être atteints que s'il est mis réellement un frein à la dégradation du niveau d'encadrement en personnel médical et infirmier du service de


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santé scolaire. J'ai conscience des efforts de rattrapage engagés par le Gouvernement de Lionel Jospin depuis trois ans en matière de santé scolaire. Cependant, les créations de postes d'infirmières et de médecins au sein de l'éducation nationale demeurent insuffisants.

M. Jean-Marc Nudant.

C'est vrai !

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Avec 6 100 emplois et un taux d'encadrement de 2 020 élèves par infirmière à la rentrée 2000, le personnel médical est encore loin d'être présent dans tous les établissements scolaires et n'assure souvent qu'une ou deux journées au collège ou au lycée.

Il est donc nécessaire de renforcer les moyens de la santé scolaire dans le prochain budget de l'éducation nationale.

De même, le rôle du planning familial doit être conforté au travers de nouveaux moyens de développement. J'attends du Gouvernement des réponses précises, notamment dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2001.

Je l'ai dit en préambule, la loi est l'expression de la volonté générale. Une large majorité de parents est aujourd'hui favorable à la délivrance de la pilule du lendemain. En votant cette loi, nous permettrons à des milliers de femmes mais surtout de jeunes filles de mieux maîtriser leur vie, de mieux maîtriser leur destin. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Françoise de Panafieu.

Mme Françoise de Panafieu.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l'accès à la contraception reste encore aujourd'hui pour les femmes le progrès le plus important du XXe siècle et la pilule demeure toujours citée en tête des événements qui ont le plus changé la vie des femmes.

Il s'agit d'une véritable révolution à laquelle, d'ailleurs, le Collège de France a consacré un colloque en octobre 1998. Celui-ci a fait ressortir l'importance de la loi Neuwirth du 28 décembre 1967 qui a permis à l'époque une baisse très significative du nombre des grossesses non désirées et la généralisation de la contraception sous une forme essentiellement médicalisée, avec une prépondérance pour la pilule hormonale, qui concerne 40 % des femmes entre vingt et quarante-quatre ans et 85 % des plus jeunes d'entre elles entre vingt et vingt-quatre ans.

Et pourtant, cette révolution reste imparfaite car plus de trente ans après, que constatons-nous ? Je citerai quelques chiffres pour nous ramener à la réalité.

On compte 220 000 avortements chaque année en France et ce chiffre ne baisse pas. Nous sommes là détenteurs d'un triste record en Europe. Il y a 220 000 avortements déclarés sur 750 000 grossesses.

On recense 10 000 grossesses non désirées chez des adolescentes, dont 6 700 aboutissent à un avortement.

C'est beaucoup trop. Et le nombre des IVG chez les mineures continue de progresser. Ce n'est pas acceptable, quand on connaît les lourdes conséquences, tant sur le plan psychologique que physique, d'une IVG chez une femme, et a fortiori chez une très jeune femme.

Actuellement, 60 % des premiers rapports sexuels se font sans contraception. C'est compréhensible, sous un certain angle, mais cela reste très inquiétant.

Nous sommes amenés à nous interroger sur ce qu'il faut considérer comme un échec de l'information et de la diffusion de la contraception, un échec de l'éducation sexuelle et un échec de la communication avec les jeunes.

Ce débat de société, nous sommes prêts à l'aborder au RPR comme nous l'avons fait en précurseurs en 1967 puis en 1975.

Je peux simplement regretter - ce sera une parenthèse que ce débat soit le résultat de la précipitation avec laquelle, madame Royal, alors que vous étiez ministre déléguée à l'enseignement scolaire, privilégiant le coup médiatique à la concertation, vous vous êtes engagée, en janvier dernier, dans la délivrance de la contraception d'urgence en milieu scolaire. Même le laboratoire qui produit le Norlevo n'avait pas été préalablement informé.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est exact !

Mme Françoise de Panafieu.

Il est évident que ce mode de délivrance, même encadré par un protocole très strict, était clairement incompatible avec la loi Neuwirth, qui soumet les contraceptifs, hormonaux ou utérins, à prescription médicale. Le Conseil d'Etat ne pouvait donc qu'annuler une telle disposition, ce qu'il a fait dans sa décision du 30 juin dernier.

J'ai vraiment regretté, comme beaucoup de mes amis, que ce débat se soit engagé sur un fond de polémique, alors qu'il s'agit d'un sujet de société propice au consensus.

M. Didier Quentin.

Très juste !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Absolument !

Mme Françoise de Panafieu.

Permettez-moi aussi de regretter qu'il y ait interférence entre la discussion de ce matin sur la contraception d'urgence et le débat sur l'IVG.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Tout à fait !

Mme Françoise de Panafieu.

L'IVG, une bonne fois pour toutes, n'est pas une contraception.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Nous sommes tous d'accord là-dessus !

Mme Françoise de Panafieu.

Or, en présentant hier en conseil des ministres le projet de loi modifiant la loi Veil, on ouvre la voie à l'amalgame entre une adaptation de la législation sur la contraception pour tenir compte des progrès médicaux et de l'arrivée d'un contraceptif d'urgence qui ne présente pas de contre-indication médicale et, d'autre part, l'allongement du délai légal pour l'avortement, qui, lui, pose un véritable problème d'éthique.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Bien sûr !

Mme Françoise de Panafieu.

La contraception d'urgence doit permettre de pallier la détresse et l'accidentel.

Elle n'a pas vocation à remplacer une contraception classique, elle doit même être une incitation à consulter un médecin.

M. Didier Quentin.

Très bien !

Mme Françoise de Panafieu.

Et comme toute contraception, elle doit permettre de faire baisser le nombre des grossesses non désirées.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Absolument ! Bravo !

Mme Françoise de Panafieu.

En aucun cas, elle ne nous dispense d'une réflexion en amont sur l'éducation à la sexualité et l'accès à la contraception.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Nous sommes tous d'accord là-dessus.

Mme Françoise de Panafieu.

Oui, l'information sur la contraception et la sexualité est insuffisante. Oui, l'accès à la contraception est encore trop restreint.


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Soyons objectifs, les campagnes d'information sur la contraception n'ont pas atteint leur but. Et il en est de même pour l'éducation sexuelle en milieu scolaire.

M. Jean-Marc Nudant.

Tout à fait !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Bien sûr !

Mme Françoise de Panafieu.

On note un manque de moyens, une absence de formation des enseignants, peu ou pas d'intervenants extérieurs...

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Oui !

Mme Françoise de Panafieu.

... mais aussi un discours mal ciblé, qui n'atteint pas les jeunes...

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Tout à fait !

Mme Françoise de Panafieu.

... et jusqu'à, ce qui peut paraître un détail, certaines appellations qui sont en décalage, il me semble, avec l'attente des jeunes aujourd'hui.

Une jeune fille franchira-t-elle facilement et d'elle-même les portes d'un centre de planification familiale ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Non !

Mme Françoise de Panafieu.

Ce titre en rebute plus d'une, alors qu'elle pourrait y trouver l'appui qu'elle recherche.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Bien sûr !

Mme Françoise de Panafieu.

Les messages passent aussi par les mots. Peut-être y aurait-il une réflexion à mener aussi dans ce domaine, compte tenu de l'évolution que nous avons connue ces vingt dernières années.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Très bien !

Mme Françoise de Panafieu.

Les infirmières scolaires que nous avons entendues sont bien conscientes, au travers des interrogations de ces adolescentes, qu'il n'y a pas toujours intégration des informations données lors des cours.

Les jeunes sont en attente, non seulement de cours de biologie ou d'anatomie, mais aussi d'un dialogue par petits groupes où seraient abordées les questions de la relation à l'autre, du respect, de la responsabilité, de l'affectif.

Vous venez de lancer, madame la ministre, une

« malette pédagogique ». J'espère, comme certains autres intervenants avant moi, qu'il ne s'agit pas là d'un gadget supplémentaire.

Il faut une mobilisation, une implication de l'éducation nationale, mais aussi des professionnels de santé et des parents. Un tiers des établissements scolaires seulement mettent à profit les quarante heures dégagées sur le temps scolaire au collège pour organiser les rencontres d'éducation à la santé lancées en 1998 et, en règle géné rale, l'éducation nationale éprouve des difficultés à gérer de tels débats.

Or il y va aujourd'hui d'une obligation de résultat.

Je constate que, lorsqu'on s'en donne les moyens, les messages peuvent passer parmi les jeunes. J'en veux pour preuve le message sur le sida.

Mme Muguette Jacquaint.

Tout à fait !

Mme Françoise de Panafieu.

Il est bien passé, même si l'on peut regretter tout en reconnaissant qu'il y avait une vraie urgence, que le « tout sida » se soit fait au détriment de la contraception. Le message sur la contraception, lui, est à revoir. Le bilan de la campagne d'information sur ce sujet, lancé au début de l'année avec 20 millions de francs est très mitigé.

En milieu scolaire, la présence d'intervenants extérieurs est indispensable, comme l'a signalé, entre autres, le Pr. Uzan dans son rapport sur la prévention et la prise en charge des grossesses chez les adolescentes.

Pour cela, il faut une formation des enseignants, des infirmières scolaires, des professions de santé, dont les pharmaciens, qui ne sauraient être oubliés. Dans le cursus médical, qui, je le rappelle, exige sept années d'étude pour un jeune homme ou une jeune fille qui se destine à être médecin, moins de deux heures de cours sont consacrées à la contraception !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Oui.

Mme Françoise de Panafieu.

Si l'on veut que la contraception d'urgence - et c'est là son principal intérêt - contribue à faire baisser de façon significative le nombre de grossesses non désirées, en particulier chez les adolescentes, il faut s'en donner les moyens.

La distribution par les infirmières scolaires nécessite, non seulement, leur présence réelle dans les lycées et collèges mais aussi une vraie formation pour qu'elles puissent assurer le suivi des adolescentes et maintenir ou renouer en cas de besoin, quand cela est possible, le lien avec les parents.

Je voudrais là parler du lien familial, du rôle de la famille car il est source de nombreuses interrogations. Si le dialogue avec la famille est essentiel, il n'en reste pas moins vrai que les questions qui touchent à la vie la plus intime, la vie sexuelle, peuvent être difficiles à aborder entre parents et enfants, a fortiori dans l'urgence. Sans parler systématiquement d'affrontement, de hiérarchie sociale ou de différence culturelle, je peux concevoir que la jeune fille ait du mal à partager cette partie la plus intime de sa vie avec ses parents même si, encore une fois, le lien est très fort entre ceux-ci et celle-là.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

Mme Françoise de Panafieu.

Je peux aussi accepter l'idée qu'un professionnel de santé peut être, dans certaines situations, un meilleur interlocuteur, même si le dialogue familial est essentiel. Acceptons l'idée qu'il y a de multiples manières de vivre la relation parents-enfants et, plus que de voir cette relation traitée sous l'angle de l'autorité, de l'autorisation parentale, je préfère, pour ma part, la considérer sous l'angle de mission éducative des parents.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Très bien !

Mme Françoise de Panafieu.

Cette notion laisse une porte plus ouverte et pourtant elle affirme le rôle essentiel des parents.

Je voudrais en venir...

M. le président.

A votre conclusion, s'il vous plaît, madame !

Mme Françoise de Panafieu.

... au vrai problème : au nombre insuffisant des infirmiers scolaires.

On compte une infirmière pour 2 500 élèves ! Tout le monde en convient, c'est insuffisant pour qu'elles effectuent correctement leur mission. Une loi c'est bien, mais encore faut-il se donner les moyens de la mettre en oeuvre.

Mme Hélène Mignon, rapporteuse.

Tout à fait !

M me Françoise de Panafieu.

Quelques chiffres méritent à ce propos d'être mis en parallèle.


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A l'académie de Paris, entre le 20 janvier 2000 et le 20 mai 2000, 220 demandes ont été enregistrées par les infirmières scolaires et quinze boîtes seulement de Norlevo ont été délivrées.

Pourquoi une telle différence entre les demandes et la c ontraception effectivement délivrée ? Renseignements pris, elle s'explique par le fait que les infirmières scolaires, n'estimant pas avoir la formation nécessaire, ont préféré diriger dans un premier temps les adolescentes vers des centres de PMI ou de planning. Les infirmières scolaires sont prêtes - elles nous l'ont dit - à accomplir cette mission et à assurer un véritable suivi des jeunes filles, mais, là encore, au-delà du protocole qui encadre leur intervention, il leur faut les moyens de la formation. Il faut aussi une véritable augmentation de leurs effectifs.

Deuxième chiffre : dans le Val-de-Marne, premier département où la « pilule du lendemain » a été délivrée, à l'initiative du médecin responsable de service de PMI, par les infirmières des centres de protection maternelle et i nfantile, en 1998, dans le cadre d'un protocole, 1 132 demandes ont été enregistrées en un an pour 1 081 délivrances.

Trois conclusions peuvent être tirées de cette expérience : le manque extrêmement fréquent de contraception chez les jeunes femmes, une population très jeune - 45 % de mineures, 90 % de moins de vingt-cinq ans concernée par la contraception d'urgence et une contraception d'urgence qui débouche sur une contraception régulière. C'est un point essentiel.

On voit l'importance de l'encadrement et du suivi dans la délivrance de ce type de contraception.

Les pharmaciens qui, depuis avril 1999, peuvent délivrer le Norlevo sans ordonnance ont également un rôle de conseil important à remplir. Donnons-leur les moyens de remplir ce rôle.

Auront-ils les moyens de le faire dans de bonnes conditions ? Comment assurer un véritable dialogue avec une adolescente en officine, détecter les cas de violence, diriger vers un médecin ou un centre, s'assurer du suivi dans la prise de la contraception ? Ces questions, je me les pose et les pharmaciens aussi.

La délivrance de la contraception d'urgence nécessite des moyens et un encadrement. Avec plusieurs de mes collègues, nous défendrons quelques amendements pour rappeler les principes auxquels nous sommes attachés...

M. le président.

Vous en parlerez plus tard, madame de Panafieu. Votre temps de parole est largement dépassé...

Mme Françoise de Panafieu.

J'en arrive à ma conclusion, monsieur le président.

M. le président.

Je vous en prie.

Mme Françoise de Panafieu.

Les principes auxquels nous sommes attachés et que nous défendons ont un caractère d'urgence, une situation de détresse, un accompagnement, un suivi, le maintien tant que possible du lien familial.

Sous certaines conditions qui doivent être satisfaites, je voterai, pour ma part, le texte qui nous est proposé. Ma collègue Marie-Thérèse Boisseau, porte-parole du groupe UDF et de formation biologiste, reviendra sur tous ces points essentiels. Nous les avons travaillés ensemble. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Plusieurs députées du groupe socialiste.

C'est trop long !

Mme Françoise de Panafieu.

Le groupe RPR, monsieur le président, mes chers collègues, dispose d'une totale liberté de vote : en leur âme et conscience, mes collègues se prononceront en dehors de tout esprit polémique et politicien.

Pour ma part, je suis favorable à la modification de la loi Neuwirth, car il faut avant tout protéger les jeunes filles en détresse et éviter l'épreuve d'une grossesse non désirée.

Mais, encore une fois, cette réforme ne sera efficace que si, au-delà des annonces politiques, les moyens nécessaires sont déployés. Nous sommes à la veille d'un débat budgétaire. Au Gouvernement maintenant de prendre ses responsabilités et de l'annoncer clairement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Monsieur le président, mesdames les ministres, en abordant cette proposition de loi relative à la contraception d'urgence chez les adolescentes, je serai tentée de dire que nous allons contribuer à briser un tabou : celui de la sexualité des jeunes. Depuis combien de générations, en effet, cette question est restée objet de secret, de désarroi, parfois de solitude et même de honte ? La multiplicité et la complexité de ses divers aspects, les présentations isolées et contradictoires qui en ont été le plus souvent faites ont conduit à obscurcir le nécessaire débat, voire à rendre mystérieux pour un grand nombre les mécanismes mêmes de la fécondité.

Pourtant, un jeune, avant même d'avoir décidé s'il veut vivre une histoire d'amour jusqu'à l'intimité sexuelle, n'est-il pas en droit d'être clairement informé, d'être aidé à devenir majeur de son corps ? Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés et Mme Yvette Roudy.

Très bien !

Mme Muguette Jacquaint.

L'absence ou l'insuffisance d'une éducation sexuelle généralisée et de qualité rendue possible par l'état des connaissances contribue à maintenir un terrain propice aux erreurs, aux malentendus, aux c raintes excessives qui freinent l'épanouissement des jeunes, et surtout des jeunes filles, dans tous ces aspects.

C'est pourquoi nous ne pouvons que nous satisfaire aujourd'hui de voir cette question publiquement débattue et appréhendée non comme une question qui se poserait en elle-même, mais dans ses relations avec l'ensemble de la vie sociale.

En ce qui concerne la contraception d'urgence pour les adolescentes, les responsabilités ne se situent pas au niveau individuel mais bien dans un cadre d'ordre général qui place chacun sur le terrain des véritables responsabilités.

Si les différentes campagnes nationales d'information sur la contraception sont nécessaires - elles sont d'ailleurs en progrès -, tout comme celles orientées vers la prévention du sida, qui ont « percuté » chez les adolescents, nous savons bien qu'elles ne règlent pas tout et que le moindre relâchement de la pression déclenche immédiatement un relâchement de la vigilance.

Les diverses études réalisées montrent une réelle détérioration de la prévention des grossesses chez les adolescentes qui constituent la principale population à risque de


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grossesses non désirées. Le nombre de grossesses chez les mineures qui donnent lieu à une interruption volontaire de grossesse - effectuée dans de plus ou moins bonnes conditions, faut-il le rappeler - s'élève à 6 700 par an. De surcroît, toutes les données chiffrées attestent d'une inégalité sociale très forte dans l'accès à la contraception chez les jeunes. Face à de telles réalités, il serait irresponsable de ne pas agir, et de toute urgence.

Dans mon département de Seine-Saint-Denis, le professeur Michèle Uzan, chef de service de gynécologieobstétrique de l'hôpital Jean-Verdier de Bondy, informait en avril dernier la Délégation aux droits des femmes que 5 % des IVG en Seine-Saint-Denis sont pratiquées sur des mineures, que pour 12 % de ces adolescentes il s'agit de récidive, que dans 4 % des cas l'IVG est consécutive à des violences sexuelles et que 50 % de ces jeunes filles ne sont déjà plus scolarisées. Sur cette dure réalité, cette pe rsistance des retards et des inégalités, il n'y aurait rien de plus grave que de greffer des idées de fatalité ou de résignation, voire les notions retardataires dont j'ai déjà parlé.

Cela serait d'autant plus grave que, grâce à l'accumulation quantitative de découvertes fondamentales et de progrès technique, il existe aujourd'hui une possibilité concrète en matière de contraception d'urgence : un médicament efficace à 99 % dans la prévention de la grossesse et dont l'innocuité a été prouvée sans nuances par l'Organisation mondiale de la santé en août 1998.

Face à l'urgence, le Gouvernement a pris plusieurs décisions proposées et soutenues par les députés communistes, en autorisant la vente sans ordonnance médicale de la pilule du lendemain dans les pharmacies en juin 1999 et en janvier 2000 et en donnant la possibilité aux infirmières scolaires de délivrer le Norlevo à titre exceptionnel à des élèves mineures et majeures en situation d'urgence et de détresse.

Comme notre collègue Hélène Mignon l'indique dans son rapport, le bilan d'application de cette circulaire est satisfaisant et le caractère exceptionnel de la délivrance du Norlevo a été respecté. A ceci près que l'arrêt du Conseil d'Etat du 30 juin 2000 a annulé les dispositions du protocole national du 6 janvier 2000, sans toutefois en remettre en cause le bien-fondé.

Il nous appartient dès lors de donner une base légale à ces mesures innovantes sachant que l'adaptation de la législation actuelle aux nécessités de la réalité a suscité , et je m'en réjouis, des réactions majoritairement positives, que nous devons saluer comme un grand progrès.

Certes, il existe encore des associations bien connues qui disposent d'un maximum de moyens, et nous le regrettons, pour populariser leur opinion et pour dénoncer, avec la plus grande véhémence et les plus grandes outrances, la libération de la femme. Nous savons qui elles sont.

J'ai été sensible aux arguments de parents que j'ai rencontrés, qui m'ont confié en toute sincérité avoir su faire grandir leurs enfants dans un milieu familial où le respect, la confiance, l'écoute, l'attention, la protection et le droit à l'expression ont été partagés à tous les instants de la vie quotidienne. Mais il reste encore à faire. Il importe, cela a été rappelé, d'aider cette relation parents-enfants, surtout lorsqu'il s'agit de la sexualité.

En discutant avec certains parents, en toute franchise, sur la contraception d'urgence, je me suis rendue compte qu'en ce domaine comme dans d'autres, la frontière ne passe pas entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre, mais que toute la question est justement de faire prendre conscience de la situation telle qu'elle est et de l'urgence qu'il y a à agir dans l'intérêt général.

L'enquête effectuée pour la fédération des parents d'élèves de l'enseignement public, en août dernier, qui révèle que 66 % des parents d'élèves sont favorables à la délivrance de la pilule du lendemain en milieu scolaire, montre que bien du chemin a été fait, même si nous sommes conscients que beaucoup reste à faire.

La priorité m'apparaît de lever tout obstacle à l'application de la loi que nous allons voter ; je pense en particulier à la pénurie d'infirmières en milieu scolaire et à l'inexistence de leur formation.

C omment faire avec une infirmière scolaire en moyenne pour 2 500 élèves ? Il est indispensable que le prochain budget de l'éducation nationale nous propose une augmentation des effectifs en conséquence.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, le groupe communiste votera sans réserve cette proposition de loi qui s'inscrit dans une mission éducative de dialogue et d'information des jeunes. Aidons ces adolescentes, notamment les plus démunies, les plus isolées, à vivre leur adolescence, à découvrir l'équilibre et l'harmonie affective.

Je suis persuadée que parents, enseignants, infirmières, médecins scolaires, sans oublier le planning familial qui a joué un grand rôle, partagent la même volonté que nous et je m'en félicite. C'est un pas important que nous allons effectuer aujourd'hui pour éviter une grossesse non désirée chez de nombreuses adolescentes. C'est une évolution importante dans la prévention, dans la contraception. C'est un pas nouveau dans le droit des femmes et des jeunes filles que nous avons tous à coeur de franchir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la question préalable a été défendue, vous l'avez compris, à titre personnel.

Mme Nicole Bricq.

Heureusement !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je vais essayer, pour ma part, de me faire l'écho de la majorité des députés UDF.

Je remercie vivement les nombreuses personnes rencontrées sur le terrain, dont les témoignages ont nourri ma réflexion. Et je remercie aussi Françoise de Panafieu pour les propos qu'elle vient de tenir et que je partage pleinement.

L'avortement n'est pas un droit, c'est un drame. C'est un drame pour la femme, quels que soient son âge, son histoire, le contexte humain et affectif dans lequel elle évolue. C'est un drame pour la société française, qui n'a pas su réduire le nombre d'avortements. Malgré la loi Neuwirth, malgré des méthodes contraceptives de plus en plus diversifiées et performantes, le nombre d'avortements, nous l'avons toutes dit, reste tristement élevé dans notre pays. Un avortement pour trois ou quatre naissances, c'est trop, beaucoup trop.

Le contrôle des naissances, en revanche, est devenu un droit et peut-être même un devoir. Les femmes ont le droit de choisir librement leur sexualité, leur mode de procréation et plus largement leur mode de vie. Elles ont le devoir, dans une certaine mesure, de maîtriser le nombre des naissances, et surtout d'éviter de se retrouver dans une situation dramatique dont la seule issue serait


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l'avortement. Tout ce qui va dans le sens d'une meilleure contraception, accessible, réfléchie et raisonnée est souhaitable et doit être encouragé.

La France est un des pays où la contraception habituelle, régulière, est la plus développée. Mais il peut y avoir dans toute méthode, et encore plus dans tout comportement, notamment chez les jeunes, des ruptures, des manques, et donc, en l'occurrence, des rapports non protégés. Dans toute vie, il y a des moments de vulnérabilité. Dès lors, la contraception d'urgence se justifie pleinement. Bien utilisée, elle permettra sans aucun doute de réduire de façon conséquente les avortements, notamment chez les jeunes. On considère qu'elle permettrait d'éviter sept à neuf grossesses sur dix après un rapport non protégé.

Je regrette toutefois, une fois de plus, le manque de concertation du Gouvernement avec les responsables impliqués. C'étaient les infirmières en janvier dernier, et les laboratoires. C'est aujourd'hui les associations familiales, les médecins scolaires, les pharmaciens. Dommage.

Sur un problème majeur de société, on ne prend jamais trop d'avis.

Mme Françoise de Panafieu.

Exactement !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

La loi a trait « aux médicaments non susceptibles de présenter un danger pour la santé dans les conditions normales d'emploi », donc, en l'état, uniquement au Norlevo. Elle veut en faciliter l'utilisation : ces dispositions sont bonnes en elles-mêmes. Plus tôt le Norlevo sera pris, mieux cela vaudra. C'est une question d'heures ; il est donc logique de ne pas imposer le détour par le médecin ou par le centre de planification. La vente libre en pharmacie se j ustifie particulièrement le week-end et dans les communes éloignées d'un centre de planification.

Ne pas exiger l'autorisation parentale, c'est faire preuve de réalisme : il y a longtemps, et dans tous les milieux, que les mineures utilisent des moyens contraceptifs sans en parler à leurs parents ! C'est surtout respecter les jeunes dans ce qu'ils ont de plus intime, leur sexualité. Le dialogue avec les parents n'en sera que plus riche et leur autorité plus grande s'ils respectent eux-mêmes le jardin secret de leurs enfants et savent parler avec eux de l'essentiel.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin et Mme Nicole Bricq.

Très bien !

M me Marie-Thérèse Boisseau.

Il ne faut pas confondre autorisation et autorité parentale.

Mais la contraception d'urgence n'en reste pas moins une contraception d'exception qui appelle de sérieuses garanties. La délivrance du Norlevo par les pharmaciens doit s'accompagner de conseils, on ne le dira jamais trop.

Les pharmaciens sont un maillon indispensable dans la chaîne d'une meilleure accessibilité à une contraception d'urgence. Ils constituent en effet un réseau autrement plus dense que celui des centres de planification et des infirmières réunis et leurs heures d'ouverture sont beaucoup mieux adaptées. Leur rôle de conseil est précieux et la plupart du temps bien assumé. Mais cela va mieux en l'écrivant dans la loi, car il s'agit d'une médication d'exception qui doit impérativement renvoyer à une contraception habituelle.

La distribution par les infirmières doit s'effectuer en dernier recours. Elles aussi ne sont qu'un maillon de la chaîne et doivent travailler en équipe. Mais il ne faut pas se leurrer : ce n'est que très rarement qu'elles pourront en parler aux parents et il n'est pas facile de faire appel aux centres de planification sur le temps scolaire. Quant aux médecins scolaires, ils devront être informés pour assurer le suivi de l'élève.

Cette loi suscite aussi plusieurs remarques.

Les élèves majeures doivent, elles aussi, pouvoir bénéficier de la contraception d'urgence. Elles sont aussi démunies que les autres. Elles n'ont pas davantage le temps d'aller chez un médecin ou un centre de planification.

Elles ne savent souvent ni où ni à qui s'adresser. Elles sont aussi souvent dépourvues d'argent. L'infirmière peut leur être, comme aux mineures, d'un précieux secours.

L'insuffisance de moyens, tout le monde l'a dit, rend la loi très inégalitaire et inapplicable dans nombre d'établissements.

Le dispositif que vous nous proposez aujourd'hui repose en grande partie sur la médecine scolaire, dont on peut dire, pour la énième année consécutive, qu'elle est misérable.

M. Edouard Landrain.

Nulle !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Oh !

Mme Françoise de Panafieu.

C'est pourtant vrai !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Pour appliquer cette loi, il faudrait tout simplement une infirmière par établissement, comme l'avait d'ailleurs demandé le Parlement des enfants en 1997.

M. Patrick Delnatte.

Exactement !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Et ce ne sont pas les quelques postes inscrits au budget de 2001 qui régleront le problème.

Il faut aussi prévoir une formation spécifique de ces infirmières afin qu'elles puissent répondre aux questions des jeunes filles et les orienter selon les cas vers un médecin traitant.

En matière de formation il est très regrettable, par ailleurs, que vous supprimiez la spécialité de gynécologue médical (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Marcel Rogemont.

C'est scandaleux ! C'est dommage car c'était bien parti !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

... et qu'il n'y ait rien sur la contraception dans le nouveau diplôme fondé sur l'obstétrique.

D e surcroît, les chiffres cités à maintes reprises masquent mal de fortes inégalités entre zones urbaines et rurales.

Mme Nicole Bricq.

Démagogie !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Dans certains établissements ruraux, l'infirmière n'est présente que quelques heures une à deux fois par semaine, ce qui est totalement insuffisant pour faire face aux urgences. Ces sont ces mêmes communes rurales qui sont le plus souvent éloignées des centres de planification et dans lesquelles l'anonymat est plus difficile à préserver.

Mme Françoise de Panafieu.

C'est très vrai.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Le prix du Norlevo est trop élevé. Au mois de juin 1999, au moment de sa mise sur le marché, l'association départementale de Paris du Planning familial le dénonçait déjà. Un an plus tard, le prix minimum est toujours de l'ordre de 60 francs. Mais, comme il est en vente libre, il est parfois proposé jusqu'à 150 francs la boîte. C'est beaucoup trop.


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Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Nous avons pris des décisions pour le faire baisser.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

La législation sur la contraception habituelle devra être revue. Si cette loi est votée en l'état, un médecin aura le droit de prescrire la contraception d'urgence à une mineure voulant garder le secret, mais pas la contraception habituelle, ce qui est pour le moins paradoxal.

Concernant cette dernière, vous annoncez des dispositions législatives ultérieures. Il aurait été plus judicieux, à mes yeux, de les intégrer dans ce texte afin que le médecin traitant puisse également et surtout prescrire la contraception habituelle aux mineures qui ne veulent pas en parler à leurs parents.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

La loi doit être replacée dans un contexte plus global.

Médical d'abord. La contraception d'urgence, comme son nom l'indique, est là pour répondre à une situation d'urgence, mais c'est aussi, on ne le répétera jamais assez, une contraception d'exception. Elle doit laisser la place à une contraception habituelle qui doit être adaptée à la sexualité de l'intéressée si l'on veut éviter de nouveaux échecs.

Contexte social, ensuite. L'enquête de l'INSERM menée par Mme Bajos montre combien ce point est important. Plus le discours social sur la sexualité est positif, dans le respect des partenaires, meilleur sera l'accès à la contraception et plus elle sera efficace. A titre d'exemple, aux Etats-Unis où il y a une forte réprobation sociale de la sexualité, le taux d'IVG est trois fois plus élevé qu'en France.

M. Gérard Bapt.

Eh oui !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

De plus, dans un contexte d'interdit, les femmes se sentent socialement stériles et c'est alors que les accidents surviennent.

Contexte éducatif à la sexualité, enfin. Le rapport de la loi Neuwirth concluait déjà en 1967 : « Il reste que le problème fondamental est celui de l'information. Il faut arracher à une clandestinité absurde autant que dangereuse une vérité que trop d'entre eux découvrent à travers les verres déformants d'une auto-information détestable glanée dans les cours de récréation, à la lecture de brochures vicieuses complaisamment prêtées par un grand, ou en se livrant à des habitudes solitaires contre nature. »

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq.

Ça rend sourd et aveugle !

M me Marie-Thérèse Boisseau.

Rapport Neuwirth, mesdames ! Tout autant qu'hier, il y a une grande méconnaissance de la sexualité chez les jeunes, quel que soit le milieu dans lequel ils évoluent et quels que soient leur âge et leur niveau intellectuel. On ne le dira jamais assez. Cette méconnaissance se traduit en quelques chiffres impressionnants : 60 % des premiers rapports ne sont pas protégés, 70 % des adolescentes venant consulter pour une IVG n'ont jamais utilisé de contraceptifs, 22 % en utilisent de façon périodique et aléatoire. Seulement 6 % des IVG correspondent à des échecs de contraception.

Alors, l'éducation à la sexualité, trois fois oui ! Mais par qui ? D'après les témoignages recueillis, il semblerait que les parents ne soient pas les mieux placés : « Le parent est comme un piquet de slalom pour la construction libidinale de l'enfant », dit Israël Nisand. Ce que reprend une conseillère familiale de Rennes avec ses mots : « Quand on fait des bisous, on n'est pas du côté de l'éducation sexuelle. »

L'expérience scolaire n'est guère concluante non plus !

M. le président.

Mais vous, pouvez-vous conclure, madame Boisseau ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Le temps ménagé pour cet enseignement est totalement insuffisant et souvent utilisé à autre chose. Et les adolescentes ne doivent pas être en position de dévoiler leur intimité devant les adultes qui sont leurs éducateurs directs ou qui peuvent être amenés à les juger.

Reste l'intervention d'équipes spécialisées de médecins, d'infirmières, de conseillères familiales extérieures à l'ét ablissement à condition qu'elle soit systématique et répétitive dans les collèges mais aussi dans les lycées.

Mais apparemment, le meilleur moyen, du moins celui souhaité par les jeunes, c'est encore la discussion entre eux ou avec leurs aînés. Pourquoi l'infirmière ou une équipe extérieure ne formerait-elle pas un groupe de jeunes qui iraient ensuite devant leurs camarades de classe ? Cela s'est déjà fait avec succès dans certains établissements. C'est peut-être d'ailleurs parce que les jeunes n'ont pas été assez impliqués dans la campagne sur la contraception de janvier dernier que cette dernière a échoué.

Il faut nous rendre à l'évidence : le nécessaire recours à la contraception d'urgence traduit l'échec des politiques de prévention. Tout reste à faire en matière d'éducation à la sexualité. Pour être efficace, celle-ci devra être précoce, continue et proche des jeunes. Elle devra, de plus, s'appuyer sur une authentique éducation à la vie en société.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Je suis très satisfaite par ce débat consensuel qui montre que nous avons des préoccupations communes en matière d'éducation à la santé et à la responsabilité sexuelle. Mais je ne peux pas laisser dire des choses fausses à la tribune de cet hémicycle.

Mme Boisseau prétend que nous voulons supprimer la gynécologie médicale alors que cela fait plus d'un an que nous travaillons très sérieusement sur ce problème avec l'ensemble de la profession et des associations et que j'ai multiplié les communications pour dire que le Gouvernement n'allait pas du tout dans ce sens.

Mme Nicole Bricq.

Très bien !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Je vais donc redire clairement ce qu'il en est. Je vous demande de m'écouter avec attention et de diffuser ce que je vais vous dire aujourd'hui dans toutes vos permanences, pour que ce « marronnier » cesse immédiatement.

M. Hervé Morin.

Marronnier ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

C'est quelque chose qui revient régulièrement quand on n'a rien d'autre à dire !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est un terme journalistique !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

La gynécologie médicale n'était plus enseignée depuis 1984. Ne subsistait que l'enseignement de la gynécologie obstétricale et chirurgicale pour obtenir un diplôme d'étude spécialisé dans ce domaine.


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Grâce à une prise de conscience des dangers démog raphiques, grâce à la mobilisation de nombreuses femmes qui craignaient que la gynécologie médicale soit mal enseignée, nous avons accompli un travail en profondeur, avec l'ensemble de la profession, je le répète, pour restaurer une véritable formation à la gynécologie médicale ou obstétricale et chirurgicale.

Par ailleurs, nous avons décidé de porter le nombre d'internes, qui étaient de 80 en 1998, à 200 en 2002.

Face à de telles décisions, suivies par le comité de pilotage en place depuis un an, comment pouvez-vous prétendre que le Gouvernement a décidé de faire disparaître la gynécologie médicale ? J'aimerais que vous les fassiez connaître et je vous en remercie, madame Boisseau.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Conchita Lacuey.

M me Conchita Lacuey.

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le droit des femmes à disposer de leur corps et à maîtriser leur fécondité est une des conquêtes majeures de ces dernières années, qui a contribué fortement à leur émancipation.

Cependant, nous constatons qu'il nous reste encore du chemin à parcourir. Comment ne pas éprouver un sentiment d'échec quand on constate le nombre d'adolescentes confrontées à des grossesses non désirées ? Pour moi, c'est une question de responsabilité partagée.

En effet, de quel droit condamnerions-nous ces jeunes filles à assumer une décision qui engage toute leur vie ? La possibilité d'un recours à la contraception d'urgence en milieu scolaire ne nous dispense pas cependant d'amorcer une réflexion publique.

Aujourd'hui, l'essentiel n'est pas de savoir si on est pour ou contre, mais bien de se poser la question suivante : comment pourrait-on éviter que nos jeunes adolescentes se retrouvent dans une telle situation ? Il ne s'agit nullement de culpabiliser les jeunes filles mais de les aider à prendre conscience d'une nécessaire prévention. Nous devons souhaiter qu'à terme le nombre de jeunes filles qui utilisent ce dispositif diminue.

Plusieurs recherches confirment que les jeunes ayant eu des cours d'éducation sexuelle sont davantage portés à retarder le moment de leur première relation sexuelle et sont plus réceptifs à la contraception.

C'est la raison pour laquelle nous devons nous interroger sur la difficulté que nous avons, parents, enseignants et professionnels de santé, à trouver la façon de promouvoir une véritable éducation sexuelle.

Il faut être en mesure de donner à nos adolescents des points de repère successifs, de les aider à bien évaluer leur situation, à prendre et à assumer les décisions qui les concernent. Pour cela, nous ne devons pas évacuer la dimension psycho-affective de la sexualité.

Il faut replacer la parole des adultes sur la sexualité auprès de nos jeunes. Il est vrai que, si les images relatives à la sexualité n'ont jamais été aussi visibles, parfois même de manière violente, nous n'avons pas été capables de poser une parole d'adulte structurante. La sexualité fait partie intégrante de la condition humaine ; pourtant, il n'est pas facile d'aborder aisément ce sujet.

Dans ce domaine-là, comme dans d'autres, les déterminismes sociaux sont présents. Les inégalités sociales sont très importantes dans l'accès des jeunes à la contraception. La scolarisation des jeunes filles et leur insertion sur le marché du travail les amènent à mieux gérer leur désir d'enfants et à avoir moins recours à l'IVG.

La communication au sein des familles est quelquefois difficile. Certains parents abordent facilement la question de la sexualité, tandis que d'autres n'osent pas s'y aventurer.

Les enfants et les adolescents sont soumis à toute une gamme d'influences. Comment les amener à développer leur jugement et leur sens des responsabilités ? Sur tous ces points, des politiques préventives doivent être mises en place, de nombreux intervenants souhaitent venir en aide aux jeunes. Les parents, les enseignants et les professionnels de santé représentent une source d'information rassurante et indispensable, mais ils peuvent être maladroits et imprécis. Nous savons que le silence ou l'évitement est plus préjudiciable qu'une réponse honnête, aussi difficile soit-elle.

L'éducation sexuelle scolaire doit être là pour rassurer, démystifier et aider les jeunes à mieux appréhender toutes ces questions. Enseignants et professionnels de santé devront dépasser certains préjugés et les craintes démesurées à l'égard de l'apprentissage de la sexualité. Il faut le faire avec simplicité, transparence et surtout générosité, en reconnaissant aux jeunes, et particulièrement aux jeunes filles, les capacités de réfléchir et de prendre leur décision.

La contraception d'urgence est là comme un outil au service des adolescentes pour éviter un plus grand traumatisme. Les infirmières scolaires proches des jeunes élèves ont leur rôle à jouer dans l'accès à cette forme de contraception.

Le sida a remis sur la place publique les enjeux de la sexualité en privilégiant une perspective sanitaire. Aujourd'hui, il faut replacer la question de l'éducation sexuelle dans l'enseignement scolaire, avec un programme qui doit commencer le plus tôt possible...

Mme Yvette Roudy.

Tout à fait !

Mme Conchita Lacuey.

... pour se terminer à la fin de la scolarité.

Cet enseignement se fera dans le respect du développement psychosexuel des enfants et des adolescents. C'est l'occasion d'« humaniser » les cours d'éducation à la sexualité.

La contraception d'urgence s'inscrit dans cette logique d'une prise en compte réelle des difficultés auxquelles peut être confrontée toute adolescente.

C'est le mérite de ce Gouvernement que d'avoir entendu et compris les demandes des jeunes filles.

En leur donnant la possibilité d'un accès plus facile à la contraception d'urgence, il évite à nos filles l'épreuve de la solitude et de la souffrance que nos mères et nos grands-mères ont traversée inutilement.

M. le président.

Je vous prie de conclure, madame Lacuey.

Mme Conchita Lacuey.

L'histoire, mes chers collègues, nous a appris que nous avions raison de faire confiance aux femmes, à leur maturité, à leur intelligence et à leur sens des responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Yvette Roudy.

Excellente conclusion !

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la formulation du texte qui nous est proposé est réduite au strict minimum. Si


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elle peut donner satisfaction à l'urgence évoquée, elle est loin d'apporter une réponse aux questions et aux doutes que l'on peut légitimement exprimer.

Plus que le vote du texte, c'est la richesse du débat qui permet de mesurer les enjeux humains évoqués par la contraception d'urgence. Mais la loi peut-elle s'exonérer de la formulation de valeurs ? Bien évidemment, il est primordial d'éviter les grossesses non désirées et le traumatisme d'une IVG. Il faut apporter une réponse aux situations de détresse, en particulier chez les mineures. Il s'agit là d'une priorité à laquelle le texte proposé souhaite répondre.

Cependant, sa formulation réductrice pose trois problèmes.

D'abord, il faut constater un double échec. Un échec humain que traduit le nombre élevé des violences sexuelles et un échec de la responsabilité car la contraception préventive est insuffisante. Cet échec met en avant aussi bien la responsabilité des parents que celle du monde éducatif. Tout le monde s'accorde à reconnaître que les moyens mis en oeuvre pour une éducation et une information à la sexualité et à la contraception sont très insuffisants et souvent inadaptés. La Délégation parlementaire aux droits des femmes a fait des recommandations que le Gouvernement serait bien inspiré de suivre avec le plus grand soin.

Mme Yvette Roudy.

Très bien !

M. Patrick Delnatte.

Les décisions annoncées récemment par M. le ministre de l'éducation nationale et Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance sont bonnes dans le principe. En effet, l'éducation à la sexualité ne doit pas se limiter aux connaissances biologiques et à l'impératif de la prévention ; elle doit aussi donner toute sa place à la dimension affective, culturelle et sociale de la sexualité. Dans ce but, il est souhaitable que l'école s'ouvre davantage à des intervenants extérieurs : professionnels de santé, parents d'élèves, en partenariat avec leurs associations.

Mais très sincèrement, mesdames les ministres, pensezvous que deux heures obligatoires sur deux ans d'éducation à la sexualité pour les élèves de quatrième et troisième soient suffisantes pour répondre à cet objectif de globalité ? Dans les campagnes en faveur de la contraception, ne faudrait-il pas aussi s'adresser aux parents pour les aider à mieux exercer leurs responsabilités parentales ? Deuxième problème, le risque de la banalisation. Nul ne conteste que la contraception d'urgence ne doive pas être considérée comme un mode régulier de contraception. Or rien n'indique dans le texte qui nous est soumis qu'il s'agit bien de répondre à l'urgence de situations exceptionnelles et de détresse et que sa délivrance et son administration aux mineures doit faire l'objet d'un accompagnement et doit servir, justement, à éviter la banalisation.

Troisième problème et non des moindres, la responsabilité des parents. Souhaiter donner à l'autorité parentale toute sa place dans la réforme du droit de la famille et supprimer l'autorisation parentale, aujourd'hui pour la contraception d'urgence et demain pour l'IVG, c'est pour le moins incohérent. En cas de détresse, de situation de rupture et de carence familiale grave, le secret doit être garanti à la mineure. Mais le texte proposé fait de ce secret un simple souhait pour cette dernière. Tous les débats parlementaires ont pourtant conclu à la nécessité de mettre en oeuvre la médiation familiale pour faciliter le lien et le dialogue entre parents et enfants.

Les problèmes que je viens d'évoquer ont conduit les députés RPR à proposer des amendements de nature à enrichir les dispositions rédigées de façon sommaire.

Certes, certains d'entre eux peuvent être considérés comme ne relevant pas de la loi. Pourtant, s'agissant de questions touchant au coeur de l'être humain, la loi doit aussi exprimer des valeurs et des repères qui aident les citoyens à mieux vivre leur épanouissement, qui ne les laissent pas livrés à eux-mêmes sans aide, surtout celles et ceux qui traversent une situation d'échec et de détresse.

Encore une fois, le débat de ce jour ne doit pas seulement nous conduire à proposer le remède du moindre mal ni à faire un simple constat d'échec, il doit aussi être un appel à une plus forte mobilisation des moyens et à plus de responsabilité, tant pour les familles que pour les institutions éducatives, sociales et de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je voudrais aborder ce sujet en jeune père, en jeune adulte ou en jeune parlementaire qui, même si l'on vieillit très vite sous ces lambris (Protestations sur divers bancs),...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Pas du tout, on reste jeune très longtemps !

M. Hervé Morin.

... a été jeune il n'y a pas si longtemps.

Mes chers collègues, je voudrais simplement vous dire quelle est ma conception à l'égard de cette proposition de loi que je voterai des deux mains...

Mme Nicole Bricq.

Très bien !

M. Hervé Morin.

... puisqu'elle donne un fondement juridique à l'arrêté du 27 mai 1999 qui met en vente libre le Norlevo et qu'elle légalise la circulaire concernant les jeunes filles scolarisées.

Alors, on peut toujours rêver d'un autre monde, de relations de couple équilibrées, de parents assurant l'autorité parentale et respectant à la lettre l'article 371-2 du code civil, selon lequel ils doivent protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité et assurer un droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation. Malheureusement, les élus locaux que nous sommes savent très bien que la démission d'un certain nombre de parents face à cette obligation est réelle.

On peut aussi toujours rêver d'un dialogue familial fait d'ouverture, de tolérance, de confiance, de dialogue, de pardon, bref, d'une famille où l'on ne juge pas mais où l'on écoute. La réalité, vous le savez, n'est pas uniquement celle-ci. Cette proposition de loi ne s'adresse pas uniquement aux Aïa, aux Rachida ou aux Drifa, elle s'adresse à chacune et chacun d'entre nous,...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Ça, c'est sûr ! Très bien !

M. Hervé Morin.

... à chacune et chacun de nos enfants et pas uniquement à celles qui vivent dans les banlieues.

Mme Hélène Mignon, rapporteuse.

Très bien !

M. Hervé Morin.

Qu'y a-t-il, en effet, de plus intime que la vie sexuelle ? Je relisais hier soir un auteur que j'adore, en Normand que je suis, qui est Maupassant.

Lisez le texte magnifique d'un roman qui s'appelle Une vie , où la belle Jeanne, amoureuse de son Julien, découvre tout à coup ce qu'est la vie sexuelle ! Même si c'est le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 5 OCTOBRE 2000

XIXe siècle, sur l'approche que l'on peut avoir de ce sujet, je crois que les choses n'ont pas fondamentalement changé.

On peut aussi toujours rêver, pour répondre à ceux qui veulent que l'on redonne un sens à l'acte sexuel, d'un monde dans lequel le sexe resterait aux portes des maisons closes ou étouffé, calfeutré sous les édredons.

(Rires) Malheureusement, ou heureusement, le sexe est partout.

Il est même un vecteur extraordinaire de communication, de commercialisation de produits. Toutes les publicités, ou presque, y font référence, les sites Internet les plus visités dans le monde sont ceux relatifs au sexe. On peut donc toujours le nier, mais il existe et il est partout.

Enfin, on peut toujours rêver et penser que l'on ferait remonter le taux de natalité par des grossesses non voulues. Moi, je pense qu'il y a probablement d'autres moyens pour permettre à notre pays d'avoir une jeunesse la plus nombreuse possible.

Certes, j'en suis conscient, la contraception d'urgence ne doit pas remplacer la contraception classique ni, bien entendu, l'éducation sexuelle, qui est malheureusement, il faut le dire, très mal faite dans nos écoles et dans nos collèges, tout le monde le sait, et je voudrais simplement que l'on fasse preuve de réalisme face à la proposition de loi qui nous est offerte. Il y a la logique des faits, 65 % des premiers rapports se font sans contraceptif ; l'âge du premier rapport est de dix-sept ans en moyenne - certes, on sait ce que veulent dire les moyennes, c'est-à-dire pas grand-chose, mais c'est tout de même une indication -, et chaque année, malheureusement, 6 000 IVG sont pratiquées sur des jeunes femmes qui ne sont pas adultes.

Ce matin, en regardant ma fille, je me disais que je préférerais savoir qu'elle avait pris un Norlevo si elle ne voulait pas en parler à sa mère, même si je souhaiterais plutôt qu'elle en parle à sa mère...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Pourquoi pas à son père ?

M. Hervé Morin.

... ou à son père. Je préférerais donc savoir qu'elle a au moins cette possibilité, plutôt qu'elle vienne un jour me voir ou voir sa mère pour expliquer qu'il faut l'emmener dans un endroit où personne ne souhaite emmener ses enfants.

Face à la détresse, à la panique ou à l'anxiété que peut provoquer une première relation sexuelle, il est bon qu'il y ait un endroit où l'on puisse avoir de l'écoute, du dialogue, et où l'on puisse commencer un vrai travail sur sa propre sexualité.

La loi Neuwirth n'était pas appliquée. Combien de médecins, de plannings familiaux donnaient des contraceptifs à des jeunes femmes qui n'étaient pas adultes...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Absolument !

M. Hervé Morin.

... alors que, normalement, la loi Neuwirth impose que cela se fasse avec l'autorisation parentale. Ne soyons donc pas hypocrites en la matière ! Si les mots ont encore un sens, la contraception d'urgence, ce n'est pas l'avortement, et la seule critique que j'adresserai, c'est que je trouve un peu dommage cette concomitance des deux sujets. La contraception d'urgence et l'allongement du délai légal pour l'IVG sont pour moi des sujets différents,...

Mme Raymonde Le Texier.

Il faut expliquer cela à

Mme Boutin. Elle n'a pas tout compris.

M. Hervé Morin.

... et il est un peu dommage qu'on puisse faire l'amalgame.

Mme Monique Collange.

C'est Mme Boutin qui a fait l'amalgame !

M. Hervé Morin.

La contraception, c'est le fait d'organiser son infécondité, alors que l'avortement, c'est le fait d'interrompre une grossesse. Ne mélangeons donc pas les deux débats.

Moi, je crois en la responsabilité, et c'est pour cela que je fais partie d'une famille libérale. Croire en la responsabilité, c'est donner de nouvelles libertés aux hommes et aux femmes de ce pays, et notamment aux femmes. Ce n'est pas une nouvelle course à la modernité, c'est simplement une nouvelle liberté accordée aux jeunes femmes et aux femmes de ce pays. Voilà pourquoi je voterai ce texte, car je crois que la politique est faite avant tout pour permettre à nos concitoyens de profiter des progrès que peuvent nous apporter la science et la médecine.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme Françoise Imbert.

Mme Françoise Imbert.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l'annulation par le Conseil d'Etat, le 30 juin 2000, des dispositions de la circulaire de Ségolène Royal autorisant la délivrance de la

« pilule du lendemain » dans les établissements scolaires par les infirmières nous oblige aujourd'hui à légiférer.

Nous ne pouvons que nous soumettre à l'avis du Conseil d'Etat, mais nous ne pouvons pas laisser des jeunes filles mineures risquer de se retrouver enceintes ou de recourir à une interruption volontaire de grossesse, avec tous les traumatismes physiques et psychologiques qui peuvent en découler, alors qu'un remède simple, dépourvu d'effets secondaires, existe.

Nous ne pouvons pas laisser des jeunes filles subir des situations de grande détresse après un rapport sexuel non protégé ou mal protégé, voire forcé, d'autant plus que les grossesses non désirées concernent d'abord, vous le savez tous, des mineures en situation de précarité.

C'est pourquoi nous devons voter la proposition de loi qui nous est présentée.

Pour ma part, parmi les dispositions évoquées dans le texte qui nous est soumis, je retiens plus particulièrement, comme la plupart d'entre nous d'ailleurs, le rôle que vont retrouver les infirmières scolaires.

Les adolescentes. les adolescents éprouvent de grandes difficultés à aborder avec leurs parents le sujet de la sexualité. Ils disposent de peu d'informations sur ce sujet.

Ils sont peu réceptifs à un enseignement qu'ils estiment trop théorique.

Ils sont aussi, il faut bien le dire, à un âge où ils peuvent être amenés à des conduites à risque, dans le d omaine de la sexualité, mais aussi dans d'autres domaines, comme le montre leur comportement face au tabac, à l'alcool ou à la drogue.

L es infirmières ont, auprès des jeunes, un rôle d'écoute, de conseil et ce depuis longtemps. Elles aident particulièrement les adolescents à un âge délicat où ils ont besoin d'un interlocuteur avec lequel ils se sentent en confiance : un adulte qu'ils ne côtoient pas forcément au quotidien comme les parents ou les enseignants.

La grande majorité d'entre elles - en milieu scolaire, la quasi-totalité de ces professionnels sont des femmes avaient accueilli très favorablement la possibilité de déli-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 5 OCTOBRE 2000

vrer la « pilule du lendemain », permise par la circulaire du 27 décembre 1999, car elles avaient déjà dû faire face à cette situation, bien avant la mise en application de cette circulaire.

Elles ont su fort bien, durant les six mois de son application, suivre le protocole général très précis qui leur avait été imposé, car elles sont conscientes de leur responsabilité, responsabilité qu'elles assument pourtant dans des conditions parfois difficiles.

En effet, il y a en moyenne, cela a déjà été dit par certains d'entre nous, une infirmière pour 2 500 élèves.

Dans un lycée de ma circonscription, une infirmière assure sa mission auprès de 2 200 élèves, pour cinquantequatre classes, et auprès de 300 adultes, membres du personnel. Dans d'autres lycées du département, les infirmières ne sont présentes qu'à mi-temps.

Dans les collèges, la situation est encore plus problématique, car les infirmières ne sont souvent dans l'établissement qu'une ou deux demi-journées par semaine.

Elles savent pourtant aider les adolescentes à assumer une situation difficile, comme la crainte de se retrouver enceinte, qui est ressentie comme culpabilisante par certaines jeunes filles.

Les infirmières que j'ai pu rencontrer affirment qu'elles n'ont prescrit le Norlevo que dans des cas peu fréquents, quand, vraiment, elles ne pouvaient pas faire autrement, notamment quand la médiation avec les parents avait échoué ou avait été refusée par l'élève, quand le cent re de planification familiale était fermé, quand un médecin ne pouvait être rencontré rapidement.

A chaque fois, la situation vécue a été l'occasion d'établir un dialogue avec l'adolescente, de la conduire à se prendre en charge, à envisager une contraception régulière.

Les infirmières jouent, dans le domaine de la santé des jeunes, un rôle d'accueil, d'écoute, mais aussi de prévention. Elles participent à une démarche éducative et savent travailler en réseau, en partenariat avec l'équipe socioéducative de leur établissement, avec les professionnels de la santé du secteur géographique dont elles dépendent.

Ce travail de prévention de grande qualité, d'éducation, elles l'accomplissent en dépit, comme elles le soulignent, d'un certain manque de formation. Nous devons leur permettre d'assumer, dans la totalité, cette lourde responsabilité d'accompagner les jeunes dans leurs difficultés.

Tout en adoptant rapidement, comme le souhaitent d'ailleurs une grande majorité de parents, la proposition de loi sur la contraception d'urgence, nous devons donner aux infirmières scolaires des moyens et une formation qui leur fait encore défaut.

La contraception d'urgence est un combat que nous menons à vos côtés, mesdames les ministres, tout comme celui que nous mènerons avec vous pour permettre aux femmes de disposer réellement de leur corps mais aussi de leur liberté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe de Villiers.

M. Philippe de Villiers.

Mesdames les ministres, mesdames, messieurs les députés, Mme Mignon disait récemment : « Pour nous, la détresse d'une adolescente, c'est de commencer sa vie d'adulte soit par une grossesse non désirée, soit par un avortement. »

Votre proposition de loi, madame Bousquet, propose aux adolescentes d'échapper à une détresse en les précipitant dans une autre détresse. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Votre texte n'offre aucun choix aux adolescentes, aucune alternative aux moments d'inquiétude qu'elles peuvent soudain connaître.

Mme Monique Collange.

Mais si !

M. Philippe de Villiers.

Le texte que le groupe socialiste nous soumet aujourd'hui est un texte dangereux et irresponsable.

Mme Danielle Bousquet.

C'est vous qui êtes dangereux !

M. Philippe de Villiers.

C'est un texte dangereux parce qu'il détourne le sens des mots. Il n'y a pas de contraception d'urgence, cela n'existe pas. La pilule Norlevo, dite pilule du lendemain, n'est pas une pilule contraceptive mais bel et bien une pilule abortive. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est faux !

M. Philippe de Villiers.

Il est hypocrite de prétendre le contraire : qu'il y ait eu ou non nidification au moment de la prise de cette pilule, cela ne retire rien au fait qu'il y ait eu fécondation, qu'il y ait eu conception.

Mme Catherine Picard.

N'importe quoi !

M. Philippe de Villiers.

On ne peut pas ignorer que le seul fait tangible repérable, permettant de déterminer le commencement de la vie humaine correspond à sa conception.

Notre législation ne reconnaît pas l'avortement comme un droit des femmes, et, aussi paradoxal que cela puisse paraître, même la loi Veil commençait dans son article 1er par rappeler explicitement le principe intangible de la vie, quoi qu'on pense par ailleurs de cette loi.

Dans la législation actuelle, l'avortement demeure une exception, il ne peut être systématisé par la pilule du lendemain. Or vous faites désormais de l'exception la règle.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Mais non !

M. Philippe de Villiers.

Cette systématisation est dans la ligne du projet de loi de Mme Aubry qui vise à étendre de dix à douze semaines le délai légal d'avortement. Votre rapport le souligne d'ailleurs, madame Mignon, « le faible nombre d'avortements enregistrés aux Pays-Bas est lié à la grande disponibilité, dans ce pays, de la pilule du lendemain ».

Votre détournement sémantique est donc en réalité un raccourci sémantique : vous voulez faire d'une pilule abortive un moyen contraceptif et vous substituez à un principe de précaution un principe de destruction en lançant une véritable guerre chimique contre l'enfant à naître. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est faux !

M. Philippe de Villiers.

Dans l'urgence, vous tuez aussi la conscience.

Mme Raymonde Le Texier.

N'importe quoi !

M. Philippe de Villiers.

Sans même savoir si l'on est pour ou contre l'avortement, la prise dans l'urgence de cette pilule écarte à jamais des questions que toute jeune femme aurait avantage à se poser...

Mme Raymonde Le Texier.

Ne parlez pas à leur place !


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M. Philippe de Villiers.

... quant à ce que représente un avortement, qui est une blessure pour la femme, et, il faut le dire à cette tribune, la mort d'un enfant.

Comment peut-on encore parler d'éducation - le mot a été très souvent prononcé ici - quand on coupe l'enfant de toute responsabilité ? L'éducation sexuelle dispensée aujourd'hui à l'école consiste à expliquer aux enfants comment ne pas avoir d'enfants.

Mme Yvette Roudy.

Non ! Comment maîtriser la fécondité !

Mme Catherine Picard.

Dans la sexualité, il n'y a pas que les enfants !

M. Philippe de Villiers.

Il faut beaucoup de cynisme à des adultes pour ne pas voir que ce dont a besoin la jeunesse aujourd'hui, c'est d'une éducation affective, une éducation fondée sur le respect de la vie, la construction d'une famille, et non d'une pilule avalée à la hâte, dans l'angoisse et la solitude. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Ce dont a besoin la jeunesse, ce n'est pas non plus la mallette pédagogique que M. Lang a appelé « le bonheur d'aimer », qui est distribuée dans les collèges et les lycées et qui promeut une idéologie de la peur de la vie ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) On devrait chercher plutôt à rendre la jeunesse responsable, avant qu'il ne soit trop tard, et à dégager des moyens financiers et matériels en faveur de la sauvegarde de la vie plutôt que d'accroître le budget des solutions de détresse.

Mme Yvette Roudy.

1920 !

M. Philippe de Villiers.

Enfin, on ne peut ignorer le problème de santé publique que contient votre proposition en permettant à des infirmières, qui ne sont pas des médecins gynécologues, de délivrer cette pilule abortive, en écartant de fait l'avis et le suivi médical des mineures, en leur permettant d'accéder directement au Norlevo sans ordonnance en pharmacie,...

Mme Raymonde Le Texier.

C'est moins dangereux que l'aspirine !

M. Philippe de Villiers.

... en écartant leurs parents de décisions médicales fondamentales.

Le dispositif législatif que vous nous proposez constitue, je le dis avec gravité, un véritable abus de pouvoir intellectuel, moral et politique contre la jeunesse.

Je voterai fermement contre ce texte révoltant.

Mme Yvette Roudy.

On se passera de votre vote !

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq.

Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, aujourd'hui, il s'agit de débattre d'une proposition du groupe socialiste. Lorsque nous avons appris la décision du Conseil d'Etat du 27 juin, nous avons décidé collectivement, lors de la réunion du groupe qui a suivi, hommes et femmes socialistes, d'utiliser notre droit de tirage parlementaire dès la rentrée de la session parlementaire pour inscrire la proposition de loi de notre collègue Danielle Bousquet.

Mme Yvette Roudy.

Très bien ! Il faut le rappeler !

Mme Nicole Bricq.

Il s'agit aujourd'hui de mettre fin à une hypocrisie sociale qui consiste à se réfugier derrière le statut des mineurs pour ne pas écouter leur détresse.

J'ai regardé avec attention les résultats de l'enquêteo rganisée par le ministère de l'éducation nationale - madame la ministre, vous étiez à l'époque ministre déléguée à l'enseignement scolaire - pendant la période où la pilule du lendemain a été prescrite dans les établissements scolaires, collèges et lycées, et j'ai vu avec intérêt que cette prescription était aussi un remède à des inégalités spatiales et sociales.

Elue de grande banlieue, ce qu'on appelle les banlieues périurbaines, j'ai pu constater que, dans mon département de la Seine-et-Marne, où il y a peu de structures d'écoute et d'accueil pour les jeunes filles comme pour les femmes, le rôle des infirmières scolaires avait été décisif et que l'on arrivait à un chiffre aussi important que dans les départements aussi urbanisés que la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne.

Aujourd'hui les opposants, peu nombreux, il est vrai, à l'évolution du droit que nous proposons invoquent la responsabilité parentale. Mme Boisseau, à cet égard, a dit l'essentiel sur l'intimité des jeunes filles. Mais même si des efforts sont faits pour aider les parents à assumer leurs responsabilités, ils ne le font pas toujours. Or il faut bien que ces jeunes filles aient un recours.

Ajoutons que l'enquête réalisée à la rentrée scolaire par l'une des fédérations de parents d'élèves a montré qu'une très large majorité de parents étaient favorables à la pilule du lendemain.

Lorsque j'ai fait part à la communauté éducative de la décision du groupe socialiste, celle-ci a reçu un accueil favorable. Toutefois, on m'a fait remarquer qu'il n'y avait pas assez d'infirmières scolaires. Nous le savons bien : nous évoquons chaque année ce sujet au moment de la loi de finances. A cet égard, j'ai noté tout à l'heure que Mme Aubry a, au nom du Gouvernement, annoncé qu'un effort serait fait dans la loi de finances pour 2001 et je m'en réjouis.

Parmi les propositions que vous avez faites conjointement avec le ministre de l'éducation nationale, madame la ministre déléguée à la famille, j'ai pris acte de l'annonce d'un plan ambitieux en faveur de l'éducation sexuelle. Vous prévoyez que, dans les deux ans à venir, les infirmières recevront une formation à la prescription et à la délivrance de la pilule du lendemain. C'est un effort sérieux qui sera mené, selon vos souhaits, en liaison avec la direction générale de la santé et le Mouvement pour le planning familial. Et je voudrais ici saluer le combat historique que ses dirigeantes et ses bénévoles ont mené pour la liberté des femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Aujourd'hui, nous allons mettre en phase l'évolution de la société et celle du droit. C'est notre rôle, à nous, législateurs, mais c'est aussi notre honneur.

Mme Yvette Roudy.

Très juste.

Mme Nicole Bricq.

Les socialistes ont toujours été au rendez-vous, en 1967 comme en 1974, alors même qu'ils n'étaient pas les initiateurs des projets.

Je me réjouis que, aujourd'hui, par un juste retour des choses, il est sur les bancs de droite des esprits éclairés qui soutiendront ce texte. Il reconnaîtra, une fois encore, la liberté, la responsabilité et la dignité des femmes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.

Mme Martine Lignières-Cassou.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je doute qu'il ait été dans les intentions des associations qui ont


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 5 OCTOBRE 2000

saisi le Conseil d'Etat - associations d'ailleurs proches de certains bancs de cet hémicycle - de provoquer le débat de ce matin, dont l'initiative revient au groupe socialiste.

Mme Yvette Roudy.

Il faut le répéter.

Mme Martine Lignières-Cassou.

Mais tout compte fait, malgré les difficultés que connaissent les établissements scolaires, ce débat est une opportunité. Il nous permet de prendre la mesure de l'évolution de la société et des mentalités, qu'un récent sondage auprès des parents d'élèves a pu révéler. Longtemps, la vie sexuelle des jeunes a été un tabou et notre proposition de loi participe à sa reconnaissance.

Mme Yvette Roudy.

Voilà !

Mme Martine Lignières-Cassou.

Elle entérine aussi six mois de pratique dans les établissements scolaires durant lesquels chacun a fait preuve d'un sens des responsabilités.

Hier soir, la Délégation aux droits des femmes a organisé la projection du documentaire, si juste et si humain, Une semaine au planning.

Mme Yvette Roudy.

Un excellent documentaire !

Mme Martine Lignières-Cassou.

J'en retiendrai deux choses. Tout d'abord, alors que l'on fête les quarante ans du remarquable travail du planning familial, j'ai pu constater combien le chemin à parcourir était encore long. Ensuite, j'ai redécouvert - je l'avais oublié combien les adolescentes expriment de pudeur par rapport à la sexualité et combien il leur est difficile d'en parler avec leurs parents. Nous nous devons de leur proposer une information et une éducation à la sexualité intelligentes. C'est bien la volonté que Jack Lang et Ségolène Royal ont réaffirmée en présentant, la semaine dernière, la mallette pédagogique centrée autour du film Le Bonheur d'aimer . Une place importante doit être donnée à la parole des jeunes, autant sur le sens des choses que sur les techniques de contraception, car telle est bien leur attente.

Notre proposition de loi est simple. Elle légalise six mois de pratique. Elle s'appuie sur un protocole qui a été discuté de longs mois par l'ensemble des acteurs de l'éducation nationale. Et personne dans cet hémicycle n'a intérêt à mettre à bas ce travail de négociation en compliquant le texte.

Notre proposition de loi adresse un message de confiance à l'ensemble des acteurs, et plus particulièrement aux jeunes. Nous savons que plus le discours social est favorable à la sexualité, plus les jeunes se sentent reconnus et acceptés dans leur sexualité, et moins les taux de grossesse et de recours à l'IVG sont importants.

Mme Yvette Roudy et Mme Muguette Jacquaint.

Tout à fait !

Mme Martine Lignières-Cassou.

J'appartiens à une génération pour qui la loi Neuwirth sur la contraception, la loi Veil de légalisation de l'IVG, la loi Roudy portant sur le remboursement de l'IVG, devaient permettre aux filles et aux femmes de maîtriser leur fécondité, de maîtriser leur vie. Trente ans après, nous nous apercevons que des problèmes demeurent et que les droits à la contraception et à l'avortement sont encore fragiles.

Partant de ce constat, la Délégation aux droits des femmes a choisi, dès sa création, la contraception et l'IVG comme thème de son rapport d'activités. Nous avons à ce jour auditionné plus d'une quarantaine de personnes. Il nous reste à en rencontrer une dizaine. J'ajoute que nous avons organisé un colloque sur ce thème à la fin du mois de mai.

Nous ne pouvons donc que nous réjouir de la décision du Gouvernement de réviser prochainement les lois Neuwirth et Veil. Et nous remercions les ministres ici présentes, ainsi que le Premier ministre, de cette décision.

M. Jacques Myard.

Nous allons vous laisser entre vous !

Mme Martine Lignières-Cassou.

Celle-ci est le résultat d'un travail convergent du Gouvernement, du Parlement - et, au premier chef, la Délégation aux droits des femmes - des associations, mais aussi des médias. Cette synergie a été fructueuse. Nous aurons à nouveau besoin, dans les semaines qui viennent, d'un tel mouvement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Je remercierai d'abord, pour la grande qualité de ce débat, les intervenantes et les intervenants, la commission des affaires sociales, et bien évidemment la Délégation aux droits des femmes, qui affirme de plus en plus son autorité...

Mme Yvette Roudy.

Il est temps !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... sous la présidence de Mme Lignières-Cassou. Elle se situe dans le droit fil du combat mené depuis si longtemps par ma très chère amie et camarade Yvette Roudy. Saluons la poursuite de son action.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Mme Roselyne Bachelot-Narquin applaudit également.) Et, bien entendu, je n'oublie pas les deux rapporteurs,

Mme Hélène Mignon et Mme Marie-Françoise Clergeau.

Un journaliste disait ce matin sur une grande chaîne de radio nationale, à propos de cette discussion : « Enfin le retour au politique ! » C'est au président Jean-Marc Ayrault, à ses choix et ceux du groupe socialiste que nous le devons. Avec l'examen du texte sur la pilule du lendemain et, la semaine prochaine, du projet de loi de lutte contre les discriminations, nous entrons dans le vrai débat politique, celui pour lequel nous avons été élus. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Le président Mattei reproche à la loi d'être sèche et ne pas traduire tout. C'est vrai. La loi est là avant tout pour codifier un droit.

Mme Christine Boutin.

Pour normaliser !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Elle apporte une reconnaissance à une demande sociale. Et elle a été exprimée ce matin avec une grande qualité.

Certains ont manifesté leur refus de l'hypocrisie.

M. Morin a dénoncé avec beaucoup de force et beaucoup de jeunesse les choses cachées derrière une certaine morale apparente.

M. Jacques Myard.

Ça vaut pour tout le monde !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

On en trouve la traduction dans la littérature du

XIXe siècle.

Mais ce n'est pas terminé, monsieur Morin, vous avez raison de le dire. Et, simple petite remarque, si vous continuez à le dire avec autant de passion, vous ne vieillirez pas trop vite.

(Sourires.)

M. Dominique Baert.

Parole de connaisseur !

M. Edouard Landrain.

La preuve !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Merci de votre approbation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 5 OCTOBRE 2000

J'ai été très frappé par ces mots qui revenaient sans cesse : urgence, détresse, solitude, écoute...

Mme Yvette Roudy.

Dignité !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... dignité, madame Roudy. Ces mots, le législateur les a traduits dans la loi en codifiant ce qui est la reconnaissance d'une nécessité et d'une obligation.

Je dois saluer ici le travail extraordinaire des infirmières scolaires. Bien entendu, leur nombre est insuffisant. Mais Mme la secrétaire d'Etat proposera sans doute des solutions.

Pour répondre à certaines remarques, je soulignerai que nous ne pouvons pas séparer le texte de son application.

Je voudrais bien qu'à chaque fois que nous examinons une loi, nous ayons à notre disposition un texte réglementaire d'application aussi clair que celui dont nous disposons aujourd'hui !

Mme Yvette Roudy.

Absolument !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Le protocole d'application est le résultat de six mois de débats et de négociations. Il définit avec une très grande précision les conditions du dialogue, du suivi et de l'accompagnement.

Cela montre que nous ne pouvons pas, que nous ne devons pas séparer ce débat de la question de l'information sur la contraception, de l'éducation sexuelle et, enfin, de la responsabilité.

La responsabilité commence par celle des garçons.

Nous aurons d'autres occasions d'évoquer l'aggravation des violences sexuelles et l'irresponsabilité des garçons.

Mme Christine Boutin.

Eh oui !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Il faut dire très clairement combien la pression sociale qui pèse sur des jeunes filles est forte.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Tout à fait.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

De plus, elles est souvent accentuée par cette hypocrisie qui n'ose pas dire les choses clairement.

Il a beaucoup été question des parents. C'est normal, légitime, et même indispensable. A cet égard, j'ai été très frappé par l'intervention de Mme Ségolène Royal. Il n'y a rien à ajouter à ses propos. Ils montrent bien la difficulté de leur rôle. « L'éducation à la vie affective n'est pas facile à assumer car nous ne sommes pas nous-mêmes des adultes parfaits, à l'abri des doutes, des échecs, des erreurs, car l'adolescence n'est pas un âge facile.

Mme Christine Boutin.

C'est une évidence ! Il n'y a là rien de nouveau !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Il nous faut affronter ce mélange de demande et de rejet, ce besoin de se confier et ce désir de protéger son intimité. »

Mme Christine Boutin.

Ce n'est pas une révélation !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Vous vous êtes exprimée d'une manière très juste, madame, avec beaucoup de pudeur et beaucoup de force, en tant que femme et mère de famille qui connaît bien ces problèmes. C'est l'hommage que je voulais vous rendre.

Mme Christine Boutin.

Franchement !...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

En vous écoutant, me revenaient en mémoire les images du récent film de Sofia Coppola, Virgin Suicides. Avec une tendresse extraordinaire, mêlée à une très grande beauté des images, la réalisatrice a bien montré la fragilité des situations, la difficulté du dialogue et la profondeur des incompréhensions. Cela aussi s'est traduit dans le texte et le débat.

Je salue ce retour au politique accompli grâce à vous.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Monsieur le président, mesdames les rapporteuses, mesdames, messieurs les députés, je ne reviendrai pas sur les arguments exprimés par Mmes Martine Aubry et Ségolène Royal. Je partage pleinement les orientations qui ont été affirmées avec force en faveur du droit des femmes et du droit de la famille.

Je suis très heureuse que sur un sujet de société comme celui-ci, nous puissions aboutir à un consensus et progresser dans la reconnaissance des besoins de nos concitoyens.

Car, faire de la politique, c'est prendre en compte ces besoins et mettre en oeuvre les moyens politiques, scientifiques, médicaux en l'occurrence, qui sont à notre disposition.

Nous ne pouvons pas le nier, cela a été dit et répété sur différents tons, certaines adolescentes se trouvent dans une situation de détresse. Dans ces circonstances, les parents, comme l'a dit Ségolène Royal, ne sont pas toujours les meilleurs interlocuteurs.

Nous ne pouvons accepter de rester sans rien faire quand des adolescentes, murées dans un isolement douloureux, vivent une grossesse non désirée ou un avortement qui peuvent être très traumatisants. Les jeunes filles qui se présentent dans les hôpitaux pour accoucher sans même avoir été suivies médicalement ou psychologiquement, les adolescentes qui se retrouvent à la une parce qu'elles sont impliquées dans des faits divers aussi dramatiques que la découverte d'un nouveau-né dans une poubelle de lycée, ne sont pas toujours, loin s'en faut, des Maghrébines. Elles ne se sont pas senties autorisées à parler ou à chercher le conseil dont elles avaient besoin. Elles n'ont pas rencontré l'adulte disponible qui aurait été attentif à leur quête. Nous avons tous une responsabilité vis-à-vis de ces adolescentes, quelle que soit leur situation familiale, quel que soit leur milieu, quelle que soit leur origine, quelle que soit leur éducation.

La contraception d'urgence est un atout complémentaire aux méthodes contraceptives, à condition d'être disponible précocement et dans la perspective de réduire le recours à l'interruption volontaire de grossesse non désirée.

C'est un immense progrès que permet l'évolution de la science et de la pharmacopée aujourd'hui. Nous devons le rendre accessible à tous nos concitoyens. C'est cela, faire de la politique.

Je répondrai essentiellement aux questions relatives à la dangerosité du Norlevo sur le plan de la santé et à celles concernant l'éducation à la sexualité, l'éducation à la santé en général.

Il a été dit que la pilule du lendemain était dangereuse pour la santé. Permettez-moi de vous faire remarquer qu'il s'agit d'un progestatif pur et non d'un oestroprogestatif, que ce progestatif, le lévonorgestrel, est connu et utilisé depuis plus de vingt ans. L'absence d'oestrogène et le recul important que nous avons sur son utilisation sont


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des facteurs majeurs de sécurité d'emploi de cette pilule du lendemain. Comme l'ont établi les experts, celle-ci n'est pas dangereuse pour la santé.

S'agissant de la dose, il s'agit d'une administration non pas continue, mais ponctuelle, ce qui autorise la délivrance sans prescription, conformément aux textes européens sur le médicament.

Des incertitudes ont été évoquées sur le mécanisme d'action et le principe de précaution qui devrait en découler. La mise sur le marché de cette pilule du lendemain a suivi les procédures normales d'évaluation du médicament. Pour ce médicament comme pour beaucoup d'autres, le mécanisme d'action n'est, bien évidemment, pas entièrement démontré. Les questions soulevées par l'Académie de pharmacie, la position de l'Académie de médecine ont été entendues. Cependant, les experts de l'AFSSAPS, l'agence en charge du médicament, ont jugé que les données sur l'efficacité et la sécurité de cette molécule étaient suffisantes pour autoriser la délivrance du produit sans prescription médicale. Selon eux, ses effets secondaires, notamment de possibles troubles du cycle, sont tout à fait mineurs et ne justifient pas les inquiétudes qui ont été exprimées ici.

L'autorisation de mise sur le marché accordée par la France a d'ailleurs été reconnue par l'ensemble des pays de l'Union européenne. Invoquer ici le principe de précaution, voire le principe de substitution, comme l'a fait M. de Villiers en dramatisant, n'a donc pas de sens puisque cette décision repose sur l'évaluation de données largement disponibles et reconnues au plan international.

Enfin, comme tout médicament, le Norlevo fait et fera l'objet d'un suivi attentif et continu de ses effets secondaires par le dispositif systématique de pharmacovigilance.

Au-delà de ces éléments techniques sur la pilule du lendemain en tant que médicament, je voudrais insister sur la politique globale que le Gouvernement conduit, renforcera et poursuivra sur l'éducation sexuelle, contenue plus largement dans l'éducation pour la santé. Je répondrai concrètement aux préoccupations exprimées par Mme Bousquet, M. Mattei et M. Perrut sur cette question, mais qui étaient sous-jacentes dans de nombreuses interventions.

La question de l'éducation à la sexualité se pose à l'éducation nationale depuis de nombreuses années, suscit ant expérimentations, débats divers, évaluations, recommencements. Dès 1973, la circulaire Fontanet définissait les grandes lignes d'une approche visant tant à l'information scientifique qu'à l'éducation à la responsabilité en matière de sexualité. Peu de moyens en formation, horaires et supports pédagogiques ont accompagné ce texte, et les actions menées reposaient sur la libre initiative des intervenants.

Par la suite, l'épidémie de sida et le devoir de prévention qu'elle impose ont accéléré la mise en place de dispositifs consacrés à l'éducation à la sexualité, mais plus d u côté de la prévention que de celui de la responsabilité ou de la contraception. Dans le cadre du comité interministériel de lutte contre le sida, le ministère de l'éducation nationale a mis en oeuvre un programme d'éducation mettant l'accent sur la définition d'orientations éducatives qui ont abouti à la circulaire du 15 avril 1996 rendant obligatoires au minimum deux heures par an d'éducation à la sexualité pour les élèves de quatrième et de troisiè me des collèges et lycées professionnels. Ces deux heures obligatoires ont donné lieu à des initiatives d'équipes pédagogiques, à une mobilisation de personnels particulièrement intéressés, aptes et disponibles au dialogue avec les élèves.

Une multitude d'innovations tout à fait intéressantes sont aujourd'hui étudiées et en voie de modélisation, avec la mise en place d'un plan de formation national destiné aux personnels enseignants, sociaux et de santé volontaires. Il faut bien évidemment que ces trois niveaux de responsabilité soient associés - les personnels enseignants, sociaux et de santé - sans oublier, bien évidemment, les associations de parents d'élèves qui sont de plus en plus présentes sur le sujet et souhaitent être associées à ces dispositifs d'information et d'éducation pour la santé.

Surtout, depuis 1998, ont été mis en place, dans les collèges, quatre types d'interventions. La circulaire de Ségolène Royal de 1998, qui prévoit l'incription obligatoire de deux heures par an dans l'emploi du temps de tous les élèves de collège, est déjà appliquée dans tous les établissements. L'heure de vie scolaire hebdomadaire permet également d'inscrire ce type d'éducation dans le programme de travail des élèves. Les rencontres éducatives sur la santé, soit trente à quarante heures au total prévues sur le temps scolaire pour les quatre années de collège, qui n'existent que depuis 1999, vont fait l'objet d'une évaluation. Le recul est certes encore insuffisant pour savoir dans combien de collèges elles sont en place, mais je suis convaincue que le débat que nous avons aujourd'hui, que la mobilisation tant sociale que médiatique qui suit les différents projets dont nous allons débattre à partir d'aujourd'hui jusqu'au mois de novembre vont permettre d'utiliser ces quarante heures le plus efficacement possible en réunissant tous les savoir-faire et toutes les bonnes volontés. Je n'oublierai pas, dans cette mobilisation, les associations de planification, d'éducation pour la santé que sont les centres de planning familial.

Par ailleurs, les comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté, qui existent déjà dans la moitié des collèges, ont vocation à organiser cette formation et cette mutualisation des compétences.

Depuis plusieurs années, le ministère chargé de la santé apporte son soutien à ces dispositifs au niveau tant de leur élaboration que de leur financement. Environ 2 millions de francs par an ont ainsi été transférés de la santé à l'éducation pour la sexualité. Un partenariat est également mené avec le ministère de l'agriculture sur des bases à peu près identiques pour développer les actions dans les établissements scolaires agricoles. Toutes ces mesures visent à favoriser chez les élèves une prise de conscience, une compréhension des données essentielles de leur développement sexuel et affectif, l'acquisition d'un esprit critique, afin qu'ils puissent faire des choix libres et respon-s ables et qu'ils atteignent, comme disait Muguette Jacquaint, la maturité, la majorité de leurs corps au moment où ils sont en train de découvrir les émois de l'amour et les pulsions sexuelles qui les accompagnent.

J'ai bien noté le souci de nombreux parlementaires de voir reconnaître le rôle primordial des infirmières scolaires auprès des élèves. Puisque nous soutenons le rétablissement du rôle des infirmières scolaires dans la distribution de la pilule du lendemain dans les établissements scolaires, nous sommes convaincus que ces infirmières ont un rôle éminent à jouer auprès des adolescents. Je peux vous assurer que le Gouvernement poursuivra l'effort de création de postes d'infirmières scolaires engagé depuis 1998. Un effort considérable a déjà été opéré puisque, de 1998 à 2000, ce sont 595 emplois d'infirmière qui ont été créés, chiffre sans comparaison avec ce qui avait été fait les années précédentes. Dans le cadre du collectif budgétaire du printemps 2000, 290 équivalents temps plein sous forme de vacations ont également été créés.

Pour 2001, le budget confirme cette priorité puisque


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150 emplois supplémentaires sont prévus. Cet apport régulier de postes sera poursuivi dans les années qui viennent. Les postes créés ont été affectés en priorité a ux académies qui manifestaient un retard en matière d'encadrement infirmier et ont permis de renforcer fortement celles où les difficultés sanitaires et sociales des élèves et de leurs familles sont reconnues comme les plus importantes. Ces créations ont bénéficié notamment aux établissements concernés par un plan de prévention de la violence en milieu scolaire.

Mon souci de ne pas réduire l'administration de la pilule du lendemain à un geste purement technique nous a conduits à accompagner la mise en oeuvre de la loi d'une formation des infirmières scolaires à la contraception d'urgence et à l'éducation sexuelle. C'est une préoccupation que vous avez affirmée à de nombreuses reprises. Avant la fin de l'année, 850 infirmières scolaires b énéficieront d'une formation pour actualiser leurs connaissances sur la contraception, en particulier la contraception d'urgence, et améliorer leurs capacités d'écoute et de conseil aux adolescentes dans le cadre défini par la loi et dans le constat de l'évolution des comportements.

Mme Christine Boutin.

Combien y a-t-il d'établissements sans infirmière ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Bien entendu, ces formations concerneront les lycées professionnels comme les autres établissements scolaires.

Ainsi, l'ensemble des élèves, quelle que soit leur condition sociale, bénéficiera de la même écoute, de conseils adaptés et de soutien en matière d'éducation sexuelle.

Mme Christine Boutin.

Vous savez bien que ce n'est pas vrai !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Madame Boutin, notre objectif est qu'à terme, chaque établissement scolaire bénéficie d'un personnel formé.

Mme Christine Boutin.

C'est par cela qu'il faudrait commencer !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Bien sûr, en laissant en plan les jeunes filles en difficulté pendant le temps nécessaire ! Pour répondre à Mme de Panafieu et à M. Perrut, je précise que ce dispositif de formation des infirmières scolaires sera complété par une sensibilisation des pharmaciens à l'importance de leur rôle en matière de délivrance de la contraception d'urgence. Les professionnels de santé et les pharmaciens doivent aussi être impliqués dans cette nouvelle démarche de mobilisation autour de l'information à la contraception et de l'éducation à la responsabilité sexuelle.

Je voudrais maintenant insister sur le fait que cette éducation sexuelle fait partie de l'éducation générale pour la santé qui est l'une de mes principales préoccupations.

Il faut inciter chacun à devenir responsable de sa santé, de son devenir. C'est l'un des objectifs qui sera poursuivi par la loi de modernisation du système de santé qui propose de faire toute sa place à la prévention et à la promotion de la santé dans ce système. En effet, pour la première fois, la prévention fera l'objet d'un chapitre entier de dispositions spécifiques dans le code de la santé, afin d'énoncer des objectifs généraux et de déterminer les moyens de renforcer et de développer sa place dans notre politique de santé.

Les actions de prévention et de promotion de la santé sont en effet aujourd'hui, vous le savez, encore trop éparses et fragmentées entre de multiples partenaires institutionnels sans réelle coordination d'ensemble, donc sans efficacité suffisante. Les collectivités locales, notamment les conseils généraux à travers les PMI, les caisses d'assurance maladie, les ministères concernés par la mise en oeuvre de ces actions, les agences sanitaires doivent, pour plus d'efficacité, unir leurs efforts autour d'orientations communes et bénéficier de moyens renforcés et bien ciblés. C'est dans ce but que le projet de loi prévoit d'instituer un comité technique national de la prévention autour du ministre de la santé, qui réunira l'ensemble des ministères concernés afin de favoriser la mise en oeuvre de programmes coordonnés d'actions autour des priorités de santé publique du Gouvernement. En outre, sera créé un Institut national d'information, de promotion et d'éducation pour la santé, qui aura vocation à être le centre de référence dans le domaine de la promotion et de l'éducation pour la santé.

En conclusion et en réponse à de nombreux députés, j'insisterai sur notre soutien à cette initiative législative en faveur de la contraception d'urgence. Bien sûr, il y aura le projet de loi révisant le dispositif législatif relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

Mais, comme cela a été dit à plusieurs reprises, il ne faut pas mélanger les deux débats. Nous sommes très favorables à ce que l'accès, notamment pour les mineures, à la contraception d'urgence soit légalisé le plus vite possible, à la fois sans prescription médicale dans toutes les pharmacies et auprès des infirmières travaillant en milieu scolaire.

Chaque mois compte pour faire avancer les droits des personnes. C'est notre ligne politique de les faire progesser pas à pas, mais c'est aussi notre volonté de mettre en oeuvre les moyens qui permettent à chacun d'exercer ces droits que nous ouvrons, car les droits nouveaux ne suffisent pas si l'on ne donne pas les moyens de les appliquer. C'est l'engagement permanent de ce Gouvernement, je viens de le rappeler en matière d'éducation pour la santé.

Reconnaître aux adolescents leur droit à la sexualité, faire tomber le tabou de la sexualité des jeunes, des adolescents : tel est notre objectif, telle est notre obligation.

Il faut ensuite leur donner à tous les moyens de leur autonomie et de leur responsabilité dans ce domaine. Plus nous considérerons nos concitoyens, même les plus jeunes d'entre eux, comme responsables, plus la démocratie progressera dans notre pays et plus nous éviterons la survenue de drames aux conséquences irréparables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La discussion générale est close.

Chers collègues, nous pourrions terminer le débat ce matin.

(« Oui ! » sur de nombreux bancs.)

Je vous signale néanmoins que quatre orateurs sont inscrits sur l'article unique et que nous avons une dizaine d'amendements à examiner. Si nous voulons terminer nos travaux avant quatorze heures, il faudra se montrer raisonnable dans l'usage du temps de parole. J'invite donc les différents intervenants à faire preuve de brièveté. Beaucoup de choses ont déjà été dites et je suis sûr que Mme Roselyne B achelot-Narquin, qui va maintenant intervenir sur l'article, fera preuve de sobriété, ce qui n'est pas contradictoire avec l'intensité de la pensée. (Sourires.)

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, l'article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission.


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Article unique

M. le président.

« Article unique L'article L.

5134-1 du code de la santé publique est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les médicaments ayant pour but la contraception d'urgence, et non susceptibles de présenter un danger pour la santé dans les conditions normales d'emploi, ne sont pas soumis à prescription obligatoire.

« Ils peuvent être prescrits et délivrés aux mineures désirant garder le secret. Ils peuvent être administrés tant aux mineures qu'aux majeures par les infirmières en milieu scolaire. »

La parole est à Mme Roseyne Bachelot-Narquin, inscrite sur l'article.

M me Roselyne Bachelot-Narquin.

L'autorisation parentale, qui interpelle sur le rôle des parents dans l'éducation sexuelle de leurs enfants, a été au coeur de notre débat. L'absence d'obligation d'une autorisation parentale participerait, nous disent certains, d'une destruction de la famille, d'une détérioration du rapport entre parents et enfants.

En fait, jamais les parents n'ont été aussi impliqués dans l'éducation de leurs enfants que dans la société actuelle ; certains pensent même qu'ils le sont trop d'ailleurs. Jamais ils ne s'y sont autant investis et surtout aussi longtemps. A l'évidence, le dialogue et la confiance entre les parents et les enfants ne relèvent pas d'une obligation, d'une loi. En cas de catastrophe, les jeunes filles seront les premières, si ce dialogue de confiance est instauré, à se tourner vers leurs parents, vers leur mère surtout :

« Maman, au secours ! » J'ai d'ailleurs été frappée de constater que nous étions ce matin, dans l'hémicycle, 60 % de femmes pour commencer cette discussion, alors que notre assemblée ne compte que 10 % de femmes députées. Cela montre bien que nos collègues masculins ne se sentent guère concernés. (Protestations sur divers bancs.)

M. Jacques Myard.

Comment ? Même le président du groupe socialiste est présent !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Je salue bien sûr ceux qui sont là : M. Myard, M. Le Garrec notamment ! (« Très bien ! » sur divers bancs.)

Mais leur proportion est significative du fait que nos collègues hommes se sentent, hélas ! trop peu concernés.

Réclamer l'autorisation parentale, ce n'est évidemment pas simplement demander la participation ou l'association des parents, qui sont certes nécessaires. C'est soumettre strictement le destin d'une jeune fille à la décision de ses parents sans même qu'elle y soit associée. Qu'elle mène à bien sa grossesse ou qu'elle décide de recourir à l'interruption volontaire de celle-ci, elle vivra seule cette expérience indicible. La grossesse non désirée chez une mineure est toujours un échec et, s'il fallait établir une hiérarchie des responsabilités, on parlerait d'abord de l'échec des parents, s'agissant du dialogue ou de l'information qu'ils ont pu lui donner.

Pourquoi faut-il supprimer cette autorisation parentale ? On a d'abord parlé très justement de la grande difficulté qu'ont certains parents à dispenser cette éducation sexuelle, à la gérer en période de crise. Il ne faut pas avoir une vision simpliste de la question. L'ignorance en ce domaine n'est pas le fait exclusif de certaines classes sociales défavorisées. Il y a quelques années, dans le cadre d'une étude, le planning familial avait demandé à des femmes de dessiner leurs organes génitaux et il était alors tout à fait surprenant de constater l'incroyable ignorance de nombre d'entre elles, même d'un haut niveau culturel - professeurs agrégés d'université, ingénieurs -, s'agiss ant des mécanismes physiologiques de la sexualité et de la conception. Donc, penser que seules des familles en état de pauvreté culturelle ou financière seraient incapables d'assurer cette éducation est une vision bien trop simpliste.

Deuxième sujet abordé : les familles qui peuvent être parfois des lieux de violence. Là aussi, il faut casser les images qui voudraient que ces violences ne soient liées qu'à certains milieux défavorisés. Pas de vision simpliste, s'il vous plaît ! Les viols et les incestes ont lieu dans tous les milieux.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est vrai.

M me Roselyne Bachelot-Narquin.

Certains livres, magnifiques d'ailleurs, je pense à celui de Mme Niki de Saint-Phalle, ont rappelé que ces crimes ont lieu partout.

On parle aussi de la répression épouvantable de la sexualité qui sévirait dans certaines familles d'origine méditerranéenne. Je peux vous dire que ces comportements extrêmement répressifs se rencontrent dans tous les milieux, y compris dans certaines familles « bien de chez nous ».

Au-delà, le débat sur la parole et le dialogue entre les parents et les enfants, non pas sur les techniques et les mécanismes physiologiques, mais bien sur la sexualité, ce débat nous interpelle. La sexualité, en effet, est le domaine le plus intime, qu'on partage avec son partenaire. Ou avec une personne du corps médical, parce qu'elle est capable de prendre la distance nécessaire pour respecter en ce domaine notre propre liberté. Les parents peuvent souvent parler de la sexualité ; ils ont beaucoup de mal, et c'est fort heureux, à parler de la sexualité de leur enfant. Parce que ce dialogue, au moment d'une crise ou même autrement, implique l'intrusion dans la vie personnelle, celle de leur enfant mais aussi leur propre vie personnelle, et les interpelle sur leur propre sexualité. Les sociétés primitives l'avaient bien compris, qui confiaient à d'autres adultes que les parents le soin de procéder aux rites initiatiques des enfants.

Le dialogue, la confiance qu'entretient une jeune fille avec ses parents ne résultera jamais d'une autorisation réclamée dans une situation d'urgence, mais au contraire, mes chers collègues, du respect mutuel qu'ils et elle entretiendront sur cette part la plus intime de nos êtres.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

Comme vous le demandiez, monsieur le président, et comme le disait une femme du

XVIIe siècle, Mme de Sévigné, « j'ai pris le temps de faire court ».

Mes chers collègues, la question que nous débattons ce matin, la contraception des mineures, nous impose un devoir d'humilité et de sérénité. Le sujet est en effet grave et difficile. Chacun sait qu'au-delà des principes que nous défendons, du moins que je défends, la réalité de la question peut nous rattraper chaque jour. Aussi, de grâce, ne raisonnons pas par slogans, ni d'un côté ni de l'autre.

Plusieurs principes sont ici en cause : l'autorité et la responsabilité parentales ; l'acte médical, qui relève de la compétence du médecin ; la liberté et la responsabilité individuelles.


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A propos de l'autorité et de la responsabilité parentales, je regrette, même si, à juste titre, Roselyne Bachelot a souligné la difficulté du dialogue, que les parents aient été non pas absents du débat, mais un peu trop facilement évacués. Je connais les difficultés de l'adolescence.

Nous avons tous été des adolescents ou des adolescentes.

N ous savons pertinemment qu'ils connaissent un moment de révolte et qu'il leur est parfois plus facile de parler à un tiers qu'à leurs propres parents. Mais franchement, est-il justifié qu'à aucun moment on ne cherche à rétablir le dialogue, qu'on ne demande même pas à des tiers de pousser à le renouer ? Non, vous ne pouvez pas ignorer les parents !

Mme Raymonde Le Texier.

Il fallait arriver à l'heure, monsieur Myard !

M. Jacques Myard.

Il est plus tard que nous ne croyez dans un certain nombre de domaines, ma chère collègue.

Et vous n'avez pas la vérité révélée.

Mme Muguette Jacquaint.

Et réciproquement !

M. Jacques Myard.

La responsabilité du médecin, vous l'avez écartée en autorisant l'administration de la pilule du lendemain par les infirmières dans les établissements scolaires. Madame la rapporteuse, vous affirmez que les syndicats y seraient favorables. Permettez-moi de verser mon témoignage au dossier. J'ai rencontré nombre d'infirmières scolaires et je puis dire qu'elles n'y sont pas favorables.

Mme Nicole Bricq.

Ce n'est pas vrai !

M. Jacques Myard.

Elles pensent que c'est une lourde tâche qu'elles ne pourront pas toujours accomplir avec le suivi nécessaire et préféreraient de loin que ce soit fait dans les centres de PMI. Il est manifeste aussi que l'absence d'infirmière dans de trop nombreux établissements scolaires rendra cette tâche très difficile.

Quant à la liberté et à la responsabilité individuelles, vous privilégiez bien sûr cette donnée : la liberté totale.

On ne peut pas ne pas être d'accord par certains côtés, mais il me semble qu'il manque dans ce texte toute une série de dispositions sur la responsabilité, concernant en particulier - peut-être nous en parlerez-vous très prochainement, madame la ministre - cette véritable éducation sexuelle qui fait malheureusement trop défaut dans notre pays. Mais vos décisions vont dans le sens d'une d éresponsabilisation et je souhaiterais que nous y remédiions.

Madame la ministre et madame la rapporteuse, je ne condamne pas votre texte mais je ne l'approuve pas pour autant. J'ai un goût amer dans la bouche, car j'ai le sentiment d'avoir en face de moi un travail un peu trop rapide, précipité, pour ne pas dire bâclé. Je crois qu'il faudra y revenir. Je m'abstiendrai.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Catherine Picard.

M me Catherine Picard.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il y a des discours étonnants... au sens qu'ils étonnent. Et être à la fois prévisible et étonnant représente un bel exercice de l'esprit.

Prévisible, car on connaît l'action militante de certains, voire certaines, dans des associations qui brodent sur leur étendard le mot « fécondité », seule source de salut pour la famille : la famille quoi qu'il arrive ! Etonnant, car un discours archaïque peut en quelques mots nous rajeunir de trente ans au moins, et réveiller des souvenirs qui, pour certaines, ne sont pas forcément agréables. Mais peut-être n'avons-nous pas toutes les mêmes souvenirs ; peut-être n'avons-nous pas connu les mêmes difficultés à résoudre des situations dramatiques.

Seulement voilà, trente ans ont passé et parce que la société évolue, les lois qui la régissent doivent s'adapter à cette évolution.

Nous allons voter un article unique pour résoudre une situation unique, une situation d'urgence, une situation intime et personnelle qui engage la décision d'une femme de choisir et non de subir, qu'elle soit mineure ou pas.

C ombien subissent encore les contraintes familiales, culturelles et religieuses, avec leurs conséquences - la peur, la clandestinité -, comme il y a trente ans ! La loi permettra à chacune de prendre ses responsabilités.

Je reconnais comme mes collègues toute l'importance de l'acte éducatif et du rôle de l'encadrement qui doit se fixer pour objectifs l'information, l'éducation, l'accès à l'autonomie et la prise de responsabilité. Mais n'est-ce pas là le quotidien du travail de la communauté éducative ? Et n'est-ce pas aussi la responsabilité des parents ? Il s'agit, certes, de mineures, mais notre législation n'autorise-t-elle pas déjà, dans certains cas, les pouvoirs publics à prendre des décisions allant à l'encontre des choix parentaux lorsque ceux-ci font courir aux mineurs des risques graves pour leur santé, leur sécurité, leur équilibre ou leur épanouissement personnel ? Une grossesse à quatorze ans ne répond-elle pas à ces critères ? Enfin, l'adoption de la convention internationale des droits de l'enfant a su mettre en avant l'affirmation de droits spécifiques pour les mineurs. Nous nous situons dans ce cadre.

Voilà pourquoi notre proposition s'inscrit dans une démarche qui adapte la législation aux exigences des femmes contemporaines, qui sont libres et responsables de leurs choix. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, compte tenu de la gravité du sujet qui nous réunit ce matin, c'est avec beaucoup d'humilité, de respect et de modestie que je voudrais aborder ce débat. D'autant, reconnaissons-le tous, que la seule tenue de ce débat vient d'un constat d'échec de notre société. Mon inquiétude est d'ailleurs grandissante quand je vois que les grossesses non désirées de jeunes filles et les avortements qui en découlent sont en augmentation alors même que, selon une récente étude de l'INSERM, la couverture contraceptive est élevée dans notre pays.

Il est clair que ces adolescentes souffrent d'un manque de communication et d'écoute. Elles manquent d'une information adaptée à leur propre vie. Elles sont victimes d'une médecine peu accessible et, surtout, elles subissent une grande faiblesse de la médecine scolaire. Tous les établissements ne bénéficient pas d'une infirmière et encore moins d'un médecin.

Ces insuffisances de liens sociaux et de relations h umaines, pourtant absolument fondamentaux, sont regrettables, et s'il n'est pas question d'exonérer de toute responsabilité les jeunes partenaires concernés, notre rôle essentiel d'éducateurs - chaque adulte est un éducateur à son niveau - est de préparer nos enfants à être demain


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des adultes responsables, épanouis et respectueux des autres. Mais nous donnons-nous vraiment les moyens de cette réussite ? L'absence d'éducation au choix dans les collèges et les lycées, la faible sensibilisation des garçons à la contraception, l'absence d'éducation à la responsabilité, le nivellement des références culturelles et cultuelles, la difficulté de vraies relations avec les parents sont autant de facteurs aggravants qui nous conduisent aux drames - que personne ne peut nier - que sont les grossesses non désirées chez les adolescentes. Leur détresse est d'autant plus accentuée lorsqu'elles sont très jeunes, isolées socialement, en rupture avec leurs proches, leurs amis et leur famille.

Or, leur permettre de se passer de l'autorisation parentale ne va-t-il pas distendre un peu plus les liens entre l'adolescente et sa famille, donc l'isoler davantage ? Aujourd'hui, on nous propose de choisir entre la solution extrême, la plus douloureuse pour les femmes : l'avortement, et la pilule du lendemain. Reconnaissons que l'alternative est bien triste. En cherchant à régler des cas particuliers, bien qu'extrêmement douloureux, on risque de banaliser un acte qui devrait reposer exclusivement sur l'amour et le respect de l'autre. N'allons-nous pas contribuer un peu plus à la déresponsabilisation alors que l'on en mesure chaque jour davantage les conséquences néfastes pour notre société ? Personnellement, je ne peux me résoudre à cette alternative trop douloureuse de l'avortement ou de la pilule du lendemain.

Les responsables politiques que nous sommes ne peuvent pas rester les bras croisés. Nous devons faire bouger davantage notre société vers plus d'écoute, plus d'attention aux démunis, certainement pas avec des discours angéliques, mais avec une farouche volonté d'espoir et une véritable détermination à mettre fin à autant de misère.

Je ne reprendrai pas la liste des actions proposées par mes collègues, à laquelle je souscris totalement. J'y ajouterai juste une ambition qui me tient particulièrement à coeur, celle d'une véritable politique familiale adaptée et responsabilisante, dont on ne soulignera jamais assez l'importance.

En attendant, ne rêvons pas. Même si, je l'espère, nos débats peuvent et doivent servir d'électrochoc, ces situations dramatiques ne vont pas disparaître du jour au lendemain.

Au nom de mon espérance d'une société plus juste et plus humaine, à laquelle, je le sais, chacun d'entre nous, sur tous les bancs et sans exclusive, contribue et travaille, je serais plutôt porté à voter contre ce projet de loi. Mais je suis réaliste et, dans l'attente de lendemains meilleurs, je ne peux rester insensible à ces cas individuels douloureux qui vont malheureusement se succéder.

Je me résous donc, par défaut, à m'abstenir, en espérant toutefois de tout coeur que notre pays se donne réellement les moyens d'aider toutes ces jeunes filles en détresse, celles d'aujourd'hui bien sûr, mais aussi et surtout celles de demain. Je ne voudrais pas que l'adoption de cette loi nous exonère de tout effort. A chacun de prendre ses responsabilités, à commencer par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous abordons l'examen des amendements à l'article unique.

Je suis saisi de deux amendements, nos 4 et 7, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 4, présenté par Mmes de Panafieu, Zimmermann, Mathieu-Obadia, Aurillac, MM. Delnatte, Accoyer et Morange, est ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article unique, après le mot : "délivrés", insérer les mots : ", accompagnés des conseils appropriés,". »

L'amendement no 7, présenté par Mme Boisseau, M. Morin, Mme Idrac, MM. Préel et Foucher, est ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article unique, après les mots : "et délivrés", insérer les mots : ", avec les conseils appropriés,". »

La parole est à Mme Françoise de Panafieu, pour soutenir l'amendement no

4.

Mme Françoise de Panafieu.

J'ai souligné dans mon intervention l'importance que nous attachons au rôle de conseil des pharmaciens. Cet amendement a pour objet d'y faire référence dans le texte de la proposition.

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau, pour défendre l'amendement no

7.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mes propos iront dans le même sens que ceux de Mme de Panafieu. Nos amendements sont d'ailleurs similaires.

Dans le code de déontologie des pharmaciens, repris à l'article R. 5015-48 du code de la santé publique, il est bien précisé que la délivrance du médicament doit être accompagnée des informations et conseils nécessaires à son bon usage. Le pharmacien « a un devoir particulier de conseil lorsqu'il est amené à délivrer un médicament qui ne requiert pas une prescription médicale. Il doit, par des conseils appropriés et dans le domaine de ses compétences, participer au soutien apporté au patient ».

Depuis sa mise en vente libre, plus de 500 000 boîtes de Norlevo ont été distribuées. Il y a des pharmaciens qui remplissent parfaitement leur rôle de conseil, il y en a qui l'oublient parfois. Je serais heureuse que ce devoir qui leur incombe soit rappelé dans la loi.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Hélène Mignon, rapporteuse.

La commission les a repoussés pour deux raisons.

En ce qui concerne d'abord l'accompagnement par des

« conseils appropriés », c'est une recommandation qui figure déjà à plusieurs reprises dans le protocole national sur l'organisation des soins et des urgences.

Quant au devoir de conseil des pharmaciens, il est déjà précisément défini dans le code de la santé publique et dans le code de déontologie des pharmaciens. Je ne vois pas l'intérêt d'une redite dans la loi. Ce rappel pourrait faire l'objet d'une simple mesure réglementaire.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Mme Boisseau vient elle-même d'indiquer pourquoi il est inutile de préciser dans la loi que la délivrance du Norlevo doit être « accompagnée des conseils appropriés ». Le code de déontologie des pharmaciens et des professionnels de santé le prévoit déjà. Ce serait leur faire injure de le préciser à nouveau, car cela supposerait qu'ils n'appliquent pas correctement les obligations de leur profession.


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Par ailleurs, j'ai indiqué dans mon intervention que nous avons entrepris une action particulière auprès des professionnels de santé et des pharmaciens pour sensibiliser ceux qui y resteraient insensibles à cette avancée de la pharmacopée.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Boisseau, M. Morin et M. Préel, Mme Idrac, M. Foucher et M. Bur ont présenté un amendement, no 6, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la dernière phrase du dernier alinéa de l'article unique :

« En dernier recours, les infirmières scolaires sont autorisées à les administrer aux élèves, qu'elles soient mineures ou majeures. »

Sur cet amendement, Mme Boutin a présenté un sousamendement, no 9, ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 6 par la phrase suivante :

« Toutefois les infirmières scolaires qui, pour des motifs personnels, refusent d'administrer la contraception d'urgence ne peuvent y être contraintes. »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau, pour soutenir l'amendement no

6.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Il y a deux points importants dans cet amendement. Je souhaite qu'il soit bien précisé, d'une part, que les infirmières scolaires ne seront autorisées à administrer le Norlevo aux élèves qu'« en dernier recours » ; d'autre part, qu'elles pourront le délivrer aussi bien aux majeures qu'aux mineures.

« En dernier recours », cela signifie que les infirmières, chaque fois que faire se peut - elles sont d'ailleurs intimement convaincues de cette nécessité - devront essayer de se mettre en contact avec les parents des mineures et également de travailler avec le planning familial et avec le médecin scolaire. Je reconnais que ce n'est pas facile.

Nous avons longuement évoqué le problème du dialogue avec les parents. Il est également très difficile pour les infirmières d'accompagner des mineures au planning familial, dans la mesure où les horaires scolaires et ceux du planning familial sont souvent les mêmes. Quant au médecin scolaire, il est encore moins présent que les infirmières. Reste que ce principe mérite d'être rappelé.

En ce qui concerne les majeures, le protocole national sur l'organisation des soins et des urgences prévoit que l'infirmière pourra, à titre exceptionnel, leur délivrer le Norlevo. Là aussi, il est bon que ce soit inscrit dans la loi, sans préciser d'ailleurs à « titre exceptionnel », car le problème se pose régulièrement. Les élèves majeures sont aussi démunies que les mineures ; elles n'ont pas toujours l'argent pour se procurer le Norlevo ; elles n'ont ni le temps ni la possibilité de se rendre dans un centre de planning familial. Les infirmières doivent donc pouvoir rendre le même service aux majeures qu'aux mineures.

M. Hervé Morin.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Hélène Mignon, rapporteuse.

S'agissant des élèves majeures, madame Boisseau, votre demande est sans objet car elle est satisfaite par le dernier alinéa de la proposition de loi, qui résulte d'un amendement adopté en commission. Cet alinéa dispose en effet que les médicaments ayant pour but la contraception « peuvent être administrés tant aux mineures qu'aux majeures par les infirmières en milieu scolaire ».

Quant à la précision « en dernier recours », je n'en comprends pas très bien l'utilité et la commission l'avait d'ailleurs refusée. C'est évidemment en dernier recours que les jeunes filles se tournent vers l'infirmière. Je ne vois donc pas l'intérêt de le mentionner dans le texte de loi. De plus, cela figure déjà dans le protocole. Je suis tout à fait défavorable à cet ajout.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, comme il le sera à tous ceux qui relèvent de la même logique. Pourquoi ? Vous n'ignorez pas, madame Boisseau, ou bien vous feignez de ne pas vous en souvenir...

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Pas de polémique !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

... que ce dispositif législatif est accompagné d'un protocole national de soins qui vaut pour le Norlevo comme pour tous les médicaments présents dans les infirmeries scolaires. Dès que ce texte de loi sera voté, il redonnera une base légale au protocole national de soins, lequel englobe l'ensemble des amendements que vous allez présenter dans quelques secondes.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Exactement !

M. Alfred Recours.

Bien sûr !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

C'est pourquoi le Gouvernement et la commission y sont défavorables. A supposer même qu'ils soient adoptés, ils affaibliraient le dispositif du protocole puisqu'ils seraient nécessairement incomplets.

Ce protocole prévoit une procédure extrêmement précise : dialogue avec l'adolescente, avec les parents, mise en contact avec des médecins, avec le planning familial. Ce n'est qu'en dernier recours, qu'intervient l'infirmière scolaire, comme d'ailleurs pour tous les soins diffusés au sein du système scolaire, qui n'a pas vocation à remplacer la médecine générale. Par conséquent, le protocole national de soins répond à l'ensemble de vos préoccupations. Il est donc tout à fait cohérent que le texte de cette proposition de loi soit synthétique : il s'agit précisément de laisser au protocole national de soins de prévoir les dispositions pratiques de sa mise en oeuvre.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin pour soutenir le sous-amendement no

9.

Mme Christine Boutin.

Mme Gillot nous a confirmé dans son intervention que l'on ne connaissait pas exactement le mode d'action du Norlevo.

Mme Martine Lignières-Cassou.

Première nouvelle !

Mme Christine Boutin.

Il me semble donc indispensable de garantir le respect de l'objection de conscience des infirmières scolaires. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Respecter la conscience des personnes quand il s'agit d'un acte aussi grave est une règle fondamentale de notre démocratie. Je sais bien que vous envisagez de supprimer cette possibilité pour les médecins. Et nous aurons l'occasion d'en reparler prochaine-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 5 OCTOBRE 2000

ment lorsque nous examinerons la loi de révision sur l'avortement. Je considère, quant à moi, que les infirm ières doivent pourvoir faire valoir l'objection de conscience.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement ?

Mme Hélène Mignon, rapporteuse.

La commission n'a pas examiné ce sous-amendement. A titre personnel, j'y suis tout à fait défavorable. La pilule du lendemain n'est pas abortive, selon la définition du Conseil d'Etat. Elle empêche simplement le phénomène de nidation, comme le stérilet.

Mme Christine Boutin.

Le stérilet est abortif ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alfred Recours.

Hors Ogino, point de salut ! (Rires.)

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Il n'y a aucune assimilation à faire entre la pilule du lendemain et l'interruption volontaire de grossesse. Cela a été rappelé par Mme la rapporteuse et répété à plusieu rs reprises. Comme la commission, le Gouvernement est défavorable à ce sous-amendement.

M. le président.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Madame Royal, nous ne savons rien de ce protocole de soins. Est-il déjà rédigé ? Nous souhaitons en avoir communication très rapidement.

Mme Martine Lignières-Cassou.

Il est annexé au rapport de Mme Clergeau !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Par ailleurs, on peut aussi tenir le discours inverse, madame la ministre, et considérer que ce qui figure dans la loi renforce le protocole. Ce n'est pas forcément redondant.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Comme l'a dit Mme Gillot, le Gouvernement est défavorable au sous-amendement no 9. J'irai même plus loin, madame Boutin. Je crois en effet que les infirmières scolaires, notamment dans l'école de la République, ont pour mission précisement de répondre à la détresse des élèves et des adolescentes. Cela fait partie de leurs obligations professionnelles.

Mme Yvette Roudy.

Tout à fait !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Pour autant, lorsque j'ai pris cette circulaire et mis en place ce protocole, j'ai dû braver un certain nombre de résistances - au demeurant fort marginales, heureusement ! Les termes de certaines pétitions diffusées sur Internet étaient d'ailleurs indignes de ceux qui les avaient utilisés. Les infirmières scolaires sont majoritairement favorables à ce dispositif...

Mme Nicole Bricq.

Bien sûr !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance...

et je sais que l'on peut s'appuyer sur elles. Je dirai à celles qui doutent qu'elles doivent s'interroger sur la réalité de leur engagement dans le système scolaire. L'administration du Norlevo fait partie de leurs obligations professionnelles. Nous considérons donc que les infirmières scolaires devront appliquer la loi telle qu'elle sera votée aujourd'hui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je veux préciser à M. Baguet que le protocole est en effet annexé au rapport de la Délégation. Je l'ai dit à la tribune, je souhaiterais que, chaque fois que nous débattons d'un texte, nous ayons connaissance de son application réglementaire. C'est justement le cas aujourd'hui. Evitons donc d'ouvrir de faux débats ! Entretien avec l'adolescente, décision pour la mise en place d'une éventuelle contraception d'urgence, compte rendu écrit de l'infirmière, suivi et accompagnement de l'adolescente : tous ces points figurent dans le protocole. Monsieur Baguet, je vois dans votre intervention une absence d'information de votre part.

Mme Yvette Roudy.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson.

Je suis contre ce sous-amendement et je voterai cette proposition de loi. Observant notre hémicycle, je constate que, pour la première fois, en tout cas dans mes souvenirs, une très large majorité de femmes siège sur ces bancs.

Mme Nicole Bricq.

Grâce à qui ?

M. Jean-Pierre Soisson.

Il est vrai que cette question doit être d'abord traitée par les femmes.

M. Hervé Morin.

Non !

M. Jean-Pierre Soisson.

Je les suivrai, quant à moi, dans leur opinion majoritaire.

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Madame Royal, votre démonstration pour refuser l'objection de conscience me surprend. Vous vous appuyez sur le fait que, puisqu'il y a une majorité, la minorité n'a pas le droit de s'exprimer.

Est-ce cela la démocratie ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

C'est scandaleux !

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

9. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mmes de Panafieu, Zimmermann, Mathieu-Obadia, Aurillac, MM. Delnatte, Accoyer et Morange ont présenté un amendement, no 1, ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du dernier alinéa de l'article unique, après le mot : "administrés", insérer les mots : "dans des cas exceptionnels d'urgence ou de détresse". »

Sur cet amendement, Mme Boutin a présenté un sousamendement, no 8, ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 1 par les mots : "après avoir prévenu les parents de l'élève". »

La parole est à Mme Françoise de Panafieu, pour soutenir l'amendement no

1.

Mme Françoise de Panafieu.

Cet amendement a pour objet de rappeler que la contraception d'urgence n'a pas vocation à se substituer à une contraception habituelle. Il


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est nécessaire de mentionner dans la loi que la délivrance de ce type de contraceptif ne peut être qu'exceptionnelle et doit répondre à des situations d'urgence et de détresse.

Nous souhaiterions que cette précision indispensable figure dans le texte.

Mme Yvette Roudy.

C'est dans le protocole !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Hélène Mignon, rapporteuse.

Comme vient de le dire Mme la ministre, presque tous ces amendements sont satisfaits par le protocole. Ainsi, voici ce que prévoit son dernier alinéa : « Il doit être précisé aux élèves que la contraception d'urgence ne peut en aucun cas remplacer la contraception habituelle. »

Mme Yvette Roudy.

Eh oui !

Mme Hélène Mignon, rapporteuse.

Dans l'ensemble, nous sommes toutes et tous d'accord sur un certain nombre de points réglementaires qui sont repris dans le protocole.

Rejet de l'amendement.

Mme Yvette Roudy.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Avis conforme à celui de la commission.

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour soutenir le sous-amendement no

8.

Mme Christine Boutin.

J'ai eu l'occasion d'évoquer longuement le problème de l'autorité parentale en défendant ma question préalable, avec le succès que l'on sait, du reste...

L'Union nationale des associations familiales, qui regroupe des associations d'orientations très diverses, s'est plainte du manque de dialogue et de concertation sur ce sujet et a dénoncé l'atteinte portée à l'autorité parentale et à la responsabilisation des parents.

En faisant distribuer la pilule du lendemain par les infirmières, et sans l'autorisation des parents, le Gouvernement prend la responsabilité de retirer définitivement ce sujet des échanges familiaux. Mais il ne va pas régler le problème au fond.

A partir du moment où ce texte sera adopté, on préjugera en effet de l'incapacité des parents à traiter des sujets sérieux avec leurs enfants. Par expérience, nous savons que les exceptions se banalisent. Il s'agit d'une fausse solution. C'est justement parce qu'il y a un moment très difficile et une décision difficile à la clé que les parents doivent pouvoir être sollicités et qu'il faut les y encourager, même s'ils manifestent des réticences. Les psychothérapeutes que j'ai rencontrés m'ont expliqué que les relations familiales sortent souvent grandies et plus fortes après ce type d'épreuves.

Sous des prétextes toujours très respectables, on voit naître depuis quelque temps en France et dans les instances internationales une tendance visant à rendre les enfants complètement autonomes de leurs parents, à encourager la méfiance des enfants à l'égard de leurs parents, en creusant l'écart entre parents et enfants, plutôt que de trouver des moyens pour les combler. C'est très grave et nous devons en prendre conscience.

Une autre attitude était possible. On aurait pu notamment informer, inciter, soutenir la responsabilité parentale et le dialogue entre les générations par des moyens d'information que l'on sait utiliser dans d'autres domaines. A un problème d'ordre personnel et familial qu'on doit régler entre personnes et dans la famille d'abord, on répond une fois encore par une solution institutionnelle.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Hélène Mignon, rapporteuse.

Avis défavorable. Le débat a été assez sérieux ce matin pour qu'on n'ait pas à épiloguer longuement. Il est bien clair, aux termes du protocole, que l'infirmière doit répondre aux situations d'urgence. Au cours de son entretien avec l'adolescente, elle doit demander si les parents sont informés et ceux-ci sont prévenus sauf refus formel de la jeune. C'est net et précis. Inutile d'aller chercher plus loin !

Mme Yvette Roudy.

C'est très clair, en effet !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

8. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mmes de Panafieu, Zimmermann, Mathieu-Obadia, Aurillac, MM. Delnatte, Accoyer et Morange ont présenté un amendement, no 2, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa de l'article unique par les mots : "dans des conditions précisées par décret". »

La parole est à Mme Françoise de Panafieu.

Mme Françoise de Panafieu.

Nous voulons souligner les conditions très strictes dans lesquelles les infirmières scolaires pourront délivrer la contraception d'urgence ainsi que les modalités de suivi et d'accompagnement des adolescentes.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Hélène Mignon, rapporteuse.

Comme pour les amendements précédents, je répondrai que cela est déjà prévu dans le protocole.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 3 et 5, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 3, présenté par Mmes de Panafieu, Zimmermann, Mathieu-Obadia, Aurillac, MM. Delnatte, Accoyer et Morange, est ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa de l'article unique par les deux phrases suivantes :

« Les infirmières scolaires ont un rôle de médiation entre l'adolescente et la famille. Elles doivent s'assurer de l'accompagnement psychologique de l'élève et veiller à la mise en oeuvre d'un suivi médical par un centre de planification, un médecin traitant ou un médecin spécialiste. »

L'amendement no 5, présenté par Mmes Boisseau et Idrac, MM. Morin, Préel et Foucher est ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa de l'article unique par la phrase suivante : "Celles-ci devront assurer un soutien psychologique et veiller à la mise en oeuvre d'un soutien médical". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 5 OCTOBRE 2000

La parole est à Mme Françoise de Panafieu, pour soutenir l'amendement no

3.

Mme Françoise de Panafieu.

Cet amendement a pour objet de rappeler la nécessité d'encadrer l'action des infirmières - elles sont d'ailleurs demandeuses - afin que l'accompagnement des adolescentes se fasse dans les meilleures conditions possible. Il s'agit aussi de mentionner explicitement la famille. En effet, le rôle des infirmières doit également consister à privilégier le lien avec la famille, et à assurer un suivi médical pour que la contraception d'urgence demeure un ultime recours.

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau, pour soutenir l'amendement no

5.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

J'en ai bien conscience, prévoir que les infirmières devront assurer un soutien psychologique relève du voeu pieux tant leur nombre est insuffisant dans les établissements scolaires. Même si elles font preuve de beaucoup de dévouement, elles sont complètement débordées, en effet, et auront forcément beaucoup de mal à assurer un soutien psychologique. En tout état de cause, et même si je sais que l'on va me refaire le coup du protocole, il me paraît très important de préciser dans la loi que les jeunes qui viennent consulter pour une contraception d'urgence doivent pouvoir bénéficier d'un soutien psychologique et médical. N'oublions pas qu'il va s'agir souvent de situation de crise. La démarche de la jeune fille peut être le signe d'un profond désarroi et d'une grande solitude. Lui donner une boîte de Norlevo ne réglera rien ; il faudrait qu'elle puisse être suivie et qu'on l'aide à résoudre ses problèmes.

Par ailleurs, il n'est pas question de prendre du Norlevo plusieurs fois dans le cycle et même à chaque cycle.

A situation d'exception, contraception d'exception. Il est donc essentiel que ces jeunes puissent faire l'objet d'un suivi médical.

Ces éléments me paraissent suffisamment importants pour figurer dans la loi. Ils ne vont pas du tout à l'encontre du protocole. Au contraire, ils ne font que le renforcer.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Hélène Mignon, rapporteuse.

Cela ne va pas du tout à l'encontre du protocole, puisque cela reprend exactement les termes de l'article 4 de ce protocole. Je répéterai une fois de plus que nous sommes tout à fait d'accord sur la nécessité de suivre les adolescentes et d'augmenter le nombre des infirmières. Mais je suis défavorable à cet amendement qui prévoit que cela soit inscrit dans la loi, puisque c'est déjà dans le protocole.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Finalement, ce débat est un formidable hommage aux infirmières scolaires. Bien évidemment, leur rôle consiste d'abord à assurer un accompagnement psychologique.

C'est le coeur même de leur mission. C'est la raison de leur présence dans les établissements scolaires. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement fait tout pour augmenter leur nombre. En trois ans, nous avons créé autant de postes d'infirmières et de médecins scolaires et d'assistantes sociales que pendant les dix années précédentes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq.

Il fallait le dire !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Quelques minutes avant que l'Assemblée ne se prononce sur ce texte important, je voudrais très chaleureusement remercier le groupe socialiste, et son président, Jean-Marc Ayrault, d'avoir pris cette initiative parlementaire. Bien évidemment, je remercie aussi l'ensemble des parlementaires présents, et d'abord ceux qui vont voter cette proposition de loi.

Le débat a été de grande qualité. Je le dis avec une certaine émotion, si ce texte est voté dans quelques minutes, cela donnera une base légale à la contraception d'urgence.

Cela réhabilitera solennellement une circulaire qui a été vivement contestée. Cela conférera du poids au protocole national de soins dans le système scolaire. Cela permettra d'abord et avant tout de tendre la main au bon moment aux adolescentes en difficulté.

J'ai toujours su que cette démarche était fondée. Je l'avais engagée dans des conditions qui n'ont pas été faciles. J'ai parfois bravé des résistances fortes au sein même du système scolaire. Aujourd'hui, je veux retenir de cette expérience une leçon politique : je crois que, quand nous avons une conviction et que nous pouvons agir, nous devons le faire, y compris en prenant un certain nombre de risques. Au moment où je parle, je pense à celles et ceux qui ont pris beaucoup plus de risques que nous, je pense aux générations de femmes, et parfois d'hommes qui les ont rejointes, qui, avant nous, sont allés parfois jusqu'à mettre en cause leur propre vie pour que, aujourd'hui, les femmes, les jeunes filles et leurs compagnons aient accès à la libre maîtrise de leur corps.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.

(L'article unique de la proposition de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

2 DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 5 octobre 2000, de M. Jean Vila, un rapport, no 2613, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises.

J'ai reçu, le 5 octobre 2000, de M. Bernard Derosier, un rapport, no 2614, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur le projet de loi organique modifiant la loi no 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel (no 2564).

J'ai reçu, le 5 octobre 2000, de M. Jérôme Lambert, un rapport, no 2617, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer (no 2482), en nouvelle lecture.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 5 OCTOBRE 2000

3 DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

M. le président.

J'ai reçu, le 5 octobre 2000, de M. Alain Barrau, un rapport d'information, no 2615, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur la conférence des présidents de parlement des pays participant au Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est (Zagreb, 11-13 septembre 2000).

J'ai reçu, le 5 octobre 2000, de M. François Loncle, un rapport d'information, no 2616, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur le projet de Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

4 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI,

MODIFIÉ PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 5 octobre 2000, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par le Sénat, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de santé des animaux et de qualité sanitaire des denrées d'origine animale et modifiant le code rural.

Ce projet de loi, no 2618, est renvoyé à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

5 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI, ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 5 octobre 2000, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec modifications par le Sénat en deuxième lecture, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports.

Ce projet de loi, no 2619, est renvoyé à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

6

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Mardi 10 octobre 2000, à neuf heures, première séance publique : Questions orales sans débat ; Fixation de l'ordre du jour.

A quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Discussion du projet de loi organique, no 2564, modifiant la loi no 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel : M. Bernard Derosier, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2614) ; Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, no 2482, d'orientation pour l'outre-mer : M. Jérôme Lambert, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2617) ; M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 2611).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures vingt.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

CONVOCATION DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS La conférence, constituée conformément à l'article 48 du règlement, est convoquée pour le mardi 10 octobre 2000, à 10 heures, dans les salons de la présidence.

NOTIFICATION D'ADOPTIONS DÉFINITIVES Il résulte d'une lettre de M. le Premier ministre qu'ont été adoptés définitivement par les instances communautaires les textes suivants : Communication du 5 octobre 2000 No E 818 (COM [1996] 603 final). - Proposition de règlement (CE) du Conseil concernant un système communautaire révisé d'attribution de label écologique (décision du Conseil du 17 juillet 2000).

No E 1151 (COM [1998] 398 final). - Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone (décision du Conseil du 29 juin 2000).

No E 1297 (COM [1999] 364 final). - Proposition de règlement (CE) du Conseil concernant la discipline budgétaire (décision du Conseil du 26 septembre 2000).

No E 1313 (COM [1999] 443 final). - Proposition de règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil prorogeant la validité du règlement (CE) no 443/97 relatif aux actions dans le domaine de l'aide aux populations déracinées dans les pays en développement d'Amérique latine et d'Asie (décision du Conseil du 17 juillet 2000).

No E 1404 (COM [1999] 686 final). - Proposition de décision du Conseil portant création d'un Fonds européen pour les réfugiés (décision du Conseil du 28 septembre 2000).

No E 1496 (COM [2000] 307 final). - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le Gouvernement de la République de Guinée concernant la pêche


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 5 OCTOBRE 2000

au large de la côte guinéenne, pour la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2001 (décision du Conseil du 26 septembre 2000).

No E 1504 (COM [2000] 351 final). - Proposition de règlement du Conseil concernant des mesures commerciales exceptionnelles en faveur des pays participants et liés au processus de stabilisation et d'association mis en oeuvre par l'UE (décision du Conseil du 18 septembre 2000).

No E 1516 (COM [2000] 426 final). - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no .../2000 relatif aux substances qui appauvrissent la couche d'ozone en ce qui concerne l'année de base pour l'attribution des quotas d'hydrochlorofluorocarbures (décision du Conseil du 28 septembre 2000).

No E 1517 (COM [2000] 427 final). - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no .../2000 relatif aux substances qui appauvrissent la couche d'ozone en ce qui concerne les inhalateurs doseurs et les pompes médicales d'administration de médicaments (décision du Conseil du 28 septembre 2000).