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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE LEQUILLER

1. Lutte contre les discriminations. Discussion d'une proposition de loi (p. 6762).

M. Philippe Vuilque, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 6767)

Mme Cécile Helle,

MM. Thierry Mariani, Maxime Gremetz, Rudy Salles, Jean-Michel Marchand, Pierre Cardo, Patrick Bloche, Anicet Turinay, Robert Gaïa, Mme Catherine Génisson.

M.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 6782)

Article 1er (p. 6782)

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel.

M. François Goulard.

Amendement no 22 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la ministre, M. Maxime Gremetz. Rejet.

Amendement no 24 de M. Mariani : M. Thierry Mariani.

Amendement no 25 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. - Rejet des amendements nos 24 et 25.

Amendement no 23 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la ministre, M. Maxime Gremetz. Rejet.

Amendement no 15 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.

Amendement no 16 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur. - Retrait.

Amendement no 26 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur. - Rejet.

Amendement no 14 de M. Vuilque : M. le rapporteur,

Mme la ministre, M. Maxime Gremetz. - Adoption.

Amendement no 27 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la ministre, M. Pierre Cardo. - Rejet.

Amendement no 17 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, Mme la ministre, M. Georges Sarre. - Retrait.

Amendement no 4 de M. Gengenwin : MM. Rudy Salles, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 11 de la commission des affaires culturelles : M. le rapporteur, Mme la ministre, MM. Maxime Gremetz, Thierry Mariani. - Retrait.

Amendement no 28 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 10 de M. Vuilque : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 (p. 6790)

M. Jean-Luc Warsmann.

Amendements identiques nos 30 de M. Mariani et 1 de M. Salles et amendement no 29 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, Rudy Salles, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejets.

Amendement no 40 de M. Vuilque : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 41 de M. Vuilque : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 31 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 12 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre, M. Maxime Gremetz. - Adoption.

Adoption de l'article 2 modifié.

Après l'article 2 (p. 6793)

Amendements nos 35 de M. Mariani et 2 de M. Salles : MM. Rudy Salles, le rapporteur, Mme la ministre,

M. Thierry Mariani. - Rejets.

Article 3 (p. 6793)

MM. Thierry Mariani, Pierre Cardo, le président de la commission.

Adoption de l'article 3.

Article 4 (p. 6794)

Amendement no 33 de M. Mariani : M. Thierry Mariani.

Amendement no 32 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet des amendements nos 33 et 32.

Amendement no 5 de M. Gengenwin : MM. Rudy Salles, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 34 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 4.

Après l'article 4 (p. 6795)

Amendement no 21 de M. Birsinger : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

L'amendement no 9 du Gouvernement a été retiré.

Amendement no 38 du Gouvernement : Mme la ministre,

M. le rapporteur. - Adoption.

Amendement no 37 du Gouvernement : Mme la ministre, MM. le rapporteur, Maxime Gremetz, Thierry Mariani, Pierre Cardo. - Adoption.

Amendement no 19 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, Mme la ministre, M. Jean-Luc Warsmann. - Rejet.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

Amendement no 18 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendements nos 8 de M. Derosier et 20 de M. Birsinger : MM. le rapporteur, le président de la commission, Maxime Gremetz. - Retrait de l'amendement no

20. M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement no

8. Amendement no 39 du Gouvernement : Mme la ministre,

M. le rapporteur. - Adoption.

Amendement no 3 de M. Salles : MM. Rudy Salles, le rapporteur, Mme la ministre, M. le président de la commission. - Rejet.

Amendement no 36 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 6801)

M.

Thierry Mariani, Mme Cécile Helle,

MM. Rudy Salles, Maxime Gremetz, Pierre Cardo.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 6802)

Adoption, par scrutin, de l'ensemble de la proposition de loi.

Mme la ministre.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 6803).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE LEQUILLER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1

LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS Discussion d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean Le Garrec et plusieurs de ses collègues relative à la lutte contre les discriminations (nos 2566, 2609).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Philippe Vuilque, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, madame la ministre déléguée à la famille et à l'enfance, madame la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, M. le ministre délégué à la ville, mes chers collègues, le groupe socialiste a souhaité inscrire dans sa fenêtre parlementaire cette proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les discriminations en matière d'emploi, qui doit beaucoup à Jean Le Garrec et dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur.

Elle ne comporte que quatre articles qui reprennent et complètent ceux du projet de loi de modernisation sociale, mais elle est d'une grande importance pratique pour les candidats à l'emploi, les salariés ou encore les stagiaires de la formation professionnelle, qui, pour certains, malheureusement, sont exposés à des pratiques discriminatoires.

Nous avons eu à coeur de centrer notre proposition de loi sur l'un des terrains les plus concrets qui, soient, celui d u travail. C'est en effet le domaine dans lequel s'exercent principalement les disciminations. En outre, cette préoccupation étant partagée par différents groupes politiques peut-être pourrons-nous aboutir rapidement à l'adoption de ce texte. Il s'inscrit dans la même logique que celle qui a inspiré la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle de ma collègue Catherine Génisson.

Qu'en est-il aujourd'hui des discriminations à l'emploi et au travail ? Pernicieuses, anodines en apparence, elles sont, malheureusement, une réalité souvent difficile à identifier. Mais il y a aussi celles qui s'expriment dans leurs formes les plus extrêmes. Celles-là sont faciles à repérer. C'est une vendeuse qui est licenciée parce que sa couleur de peau ne correspond pas à l'image du rayon du magasin. C'est une petite annonce qui comporte la mention « race blanche » et qui exige une « bonne tête ».

La discrimination est plus insidieuse lorsqu'elle consiste à affecter des employés sur des postes différents selon la couleur de leur peau et à les écarter de tout contact avec la clientèle. C'est encore plus simplement, si je puis dire, la discrimination salariale entre hommes et femmes, plus que courante dans les entreprises.

En tout cas, les exemples sont nombreux. Et quelques cas récents ont fait prendre conscience de l'étendue du problème.

C'est l'affaire concernant le Crédit mutuel. En juin 1999, M. Raoul Lachhab envoie deux CV identiques en réponse à une offre d'emploi, l'un sous son propre nom, l'autre sous celui de Thierry Meyer. Selon le Crédit mutuel, le premier « ne répond pas à une vacance de poste et au profil souhaité ». Le second, en revanche, débouche sur un entretien.

C'est aussi le récent contentieux qui a opposé une compagnie aérienne à ses hôtesses, compagnie qui souhaitait imposer des critères d'apparence physique.

C'est encore et souvent des affaires de discrimination syndicale. Rappelez-vous la transaction acceptée par Peugeot avec la CGT en avril 2000 indemnisant 169 militants ayant été victimes de discrimination dans leur vie p rofessionnelle. Rappelez-vous la condamnation de Renault Véhicules industriels par la cour d'appel de Lyon à 3,5 millions de dommages et intérêts en faveur de dix militants de la CGT.

Notre arsenal juridique est-il aujourd'hui suffisamment performant pour lutter contre ces formes de discriminations ? Avec l'article L.

122-45 du code du travail et les articles 225-1 et 225-2 du code pénal, notre législation est importante. Elle est toutefois incomplète dans la mesure où elle ne répond que partiellement à l'ampleur du phénomène discriminatoire. Font ainsi défaut dans la législation française certains motifs de discrimination, comme l'orientation sexuelle, l'apparence physique ou le patronyme et, plus encore, certaines formes de discriminations.

Notre législation s'attache particulièrement à protéger les salariés à l'entrée dans le travail - embauches, offres d'emploi -, et à la sortie, c'est le cas du licenciement.

Mais l'exécution du contrat de travail fait l'objet d'une moindre protection. C'est ainsi que les salariés sont peu protégés contre les discriminations en matière d'affectation, de mutation, de rémunération, de formation professionnelle, mais aussi de reclassement et de renouvellement de contrat.

L'article 1er de la présente proposition vise précisément à prendre en compte l'ensemble de la vie professionnelle.

La proposition prévoit également l'interdiction des discriminations dans l'accès aux stages. Comment, en effet, ne pas s'indigner du traitement fait à certains élèves de lycée d'enseignement professionnel qui, de par leur handicap, la couleur de leur peau ou leur patronyme, n'arrivent pas à trouver de stage en entreprise ? Que vous vous prénommiez Suzanne ou Djamila, le traitement n'est pas le même. C'est odieux, désespérant et inadmissible. Désormais, l'inspecteur du travail pourra saisir le parquet pour discrimination.


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Mieux définir, mieux identifier les discriminations est certes essentiel, mais il faut aussi arriver à les combattre plus efficacement.

A cet égard, un des points fondamentaux est celui de la charge de la preuve. Chacun sait que la difficulté majeure en matière de discrimination est celle de l'établissement des faits. Les plaintes sont rares, et plus encore les condamnations - deux par an, en moyenne - sur le fondement de l'article 225-1 du code pénal.

La proposition de loi propose donc d'aménager la charge de la preuve, de la partager. Le salarié devra apporter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination. Il reviendra à l'employeur de prouver que sa décision se fonde non pas sur un motif discriminatoire, mais sur des éléments objectifs. Il appartiendra ensuite au juge de se forger une conviction.

La proposition prévoit également, dans son article 2, d'élargir le droit d'ester en justice aux organisations syndicales. La vigilance des organisations syndicales sera renforcée par un droit d'alerte donné aux associations remplissant certaines conditions. Est également mis en place dans cet article 2 un droit d'alerte au profit des délégués du personnel.

Axer la lutte contre les discriminations sur l'efficacité ne signifie pas se cantonner au volet répressif. Cette proposition se veut aussi préventive, outre le message donné aux entreprises qui continueraient à pratiquer des discriminations. L'article 3 fait ainsi des éléments relatifs à la discrimination une clause obligatoire dans les conventions de branche pour bénéficier d'une éventuelle extension.

De même, le rôle de la Commission nationale de la négociation collective est étendu à de nouvelles formes de discriminations. L'idée est naturellement de favoriser le dialogue social sur cette question.

L'article 4 de la proposition de loi se propose de transcrire dans notre droit la directive communautaire relative à la charge de la preuve dans les cas de discriminations fondées sur le sexe.

Enfin, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a souhaité adopter à l'unanimité un amendement proposé par Bernard Derosier et moi-même, et soutenu par le Gouvernement. Il met en place un dispositif de protection des salariés d'institutions sociales et médicosociales qui dénoncent les maltraitances commises sur des enfants ou des personnes âgées. Les personnels témoins de tels actes doivent pouvoir les dénoncer. En effet, ces personnels sont quelquefois victimes de menaces, de mesures de rétorsion pouvant aller jusqu'au licenciement, alors même que la loi leur fait obligation de signaler les mauvais traitements dont ils ont connaissance.

Notre proposition, mesdames, messieurs les ministres, vise donc à compléter les outils de lutte contre les discriminations et à participer efficacement au côté des pouvoirs publics à cette lutte quotidienne.

Le succès rencontré par le « 114 », numéro d'appel gratuit contre les discriminations, montre l'ampleur du phénomène. Ce service d'écoute téléphonique ouvert depuis le 16 mai dernier est accessible six jours par semaine de dix heures à vingt et une heures. En quatre mois, il a reçu 476 000 appels. Et plus de 10 000 personnes ont vu leur demande prise en charge. L'emploi, la vie professionnelle et la formation figurent de très loin au premier rang des appels, près de 40 %. Je me suis rendu personnellement dans les locaux du

« 114 » et j'ai pu me rendre compte de l'utilité et de la pertinence du dispositif. Je vous invite d'ailleurs, mes chers collègues, si vous avez un peu de temps, à vous y rendre également. C'est très instructif.

Discriminer, c'est porter atteinte à l'égalité, principe fondamental de la République. Le chemin de la lutte contre la discrimination est encore long pour parvenir à l'objectif défini par le Premier ministre dans son intervention récente devant les assises nationales de la citoyenn eté : « Assurer à chacun sa juste place dans la République. » Nous espérons, mesdames, monsieur les

ministres, que cette proposition de loi pourra utilement y contribuer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Pierre Cardo.

Quel manque d'ambition !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord au nom du Gouvernement - et le nombre de ministres présents ce matin montre tout l'intérêt qu'il porte à cette proposition de loi - de remercier très vivement Jean Le Garrec, président de votre commission des affaires culturelles, familiales et sociales, grâce auquel cette propositon de loi a pu exister et vous est aujourd'hui soumise. Je tiens également à remercier votre rapporteur, Philippe Vuilque, qui vient de nous présenter, de manière à la fois forte et très concrète, les motifs de cette proposition de loi.

Il est évident que celle-ci s'inscrit pleinement dans les priorités gouvernementales, et je me réjouis qu'elle reprenne, tout en les complétant, certaines dispositions du projet de loi de modernisation sociale déposé sur le bureau de votre assemblée le 24 mai dernier.

Je crois en effet que nous devons avoir le courage de regarder la France en face. Dans notre pays, l'autre est trop souvent suspect. Sa différence suscite méfiance, ostracisme, peur et parfois même haine. Notre société, dans ses représentations comme dans ses rapports sociaux, stigmatise dans trop de cas celui qui vient d'ailleurs, l'étranger, l'immigré - même s'il vit en France depuis des années - celui qui vit différemment, celui qui n'est pas comme nous. Je pense par exemple aux personnes handicapées, auxquelles notre pays n'arrive toujours pas à faire la place qui doit être la leur, y compris dans la vie quotidienne.

« L'autre » apparaît trop souvent comme extérieur à notre société, voire comme un intrus. Philippe Vuilque vient d'en donner des illustrations très parlantes.

Arrêtons-nous quelques instants sur cette discrimination raciale dont ont souffert et souffrent encore beaucoup de personnes venues vivre sur notre territoire et leurs enfants. Elle est d'autant plus insupportable dans notre République que ceux qui en font les frais sont ceux ou les enfants de ceux qui ont largement contribué à reconstruire notre pays, à faire en sorte que sa richesse économique soit ce qu'elle est aujourd'hui. En effet notre pays s'est construit par l'intégration de générations successives d'immigrés, que nous allions alors chercher car nous en avions besoin.

M. Thierry Mariani.

Les Italiens !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je pense d'abord aux Polonais qui sont venus travailler dans les mines du Nord, car nos régions ont des histoires dif-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

férentes, monsieur le député. Mais je pense aussi aux Italiens auxquels nous devons beaucoup dans la construction. Ainsi, dans le Nord, les associations patronales comme le Comité des houillères - d'ailleurs devenu, en 1924, la Société générale d'immigration, ce qui témoigne du lien étroit qui existait alors - organisaient des flux migratoires de Polonais vers les mines. Après 1945, c'est vers le sud de la Méditerranée que l'on s'est tourné pour chercher les bras qui nous manquaient.

Ce détour par l'histoire est essentiel car il démontre le rôle majeur joué par les immigrés dans la construction de notre pays et dans sa richesse d'aujourd'hui.

L es institutions républicaines, au premier rang desquelles l'école et l'armée mais aussi l'entreprise, le monde du travail - je pense particulièrement aux syndicats -, ont, depuis la fin du

XIXe siècle, grandement contribué au succès de ce que l'on a appelé le « creuset français ». Qui serait en effet capable aujourd'hui de distinguer un Français d'origine italienne ou un Français d'origine polonaise, russe ou espagnole ? Pourtant certains prétendent que ce modèle ne fonctionnerait plus. On a même beaucoup parlé, au cours de la dernière décennie, de la panne du modèle d'intégration française. Les instances républicaines seraient grippées et certains, par leur culture ou leur religion, seraient inintégrables. Je ne crois pas à la vérité de cette analyse.

Le modèle français a toujours connu des phases difficiles, notamment dans les périodes de crise économique où ceux qui considéraient que leur place était en France depuis longtemps y estimaient que ceux qui venaient d'ailleurs la leur prenaient. Tel a été le cas quand l'emploi a été plus rare, quand les logements ont été plus rares, quand le pays a subi certaines difficultés.

Rappelons-nous qu'à la fin du

XIXe siècle, déjà, le racisme et la xénophobie frappaient les travailleurs italiens avec une violence dont il faut se souvenir. Ainsi une dizaine d'entre eux furent tués à Aigues-Mortes lors d'une émeute anti « ritals ». A l'époque, on disait déjà qu'ils étaient différents, qu'ils étaient trop catholiques, qu'on ne pourrait jamais les intégrer. Est-il en outre besoin de rappeler la force de l'antisémitisme et du racisme dans les années 30 ?

M. Rudy Salles.

Ça recommence !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Effectivement, ce qui montre bien que ces problèmes sont majeurs et qu'il faut les traiter structurellement afin que notre pays puisse être à la hauteur du modèle républicain qu'il réclame et qu'il veut porter haut.

L'histoire nous montre qu'il faut sortir d'une vision caricaturale de notre modèle d'intégration. Il n'y a pas plus de crise définitive de l'intégration aujourd'hui qu'il n'y a eu d'âge d'or de l'intégration. Il y a plutôt eu, tout au long de notre histoire, des difficultés que nous avons toujours su surmonter en apportant les réponses nécessaires à un moment donné. Nous surmonterons donc celles que nous connaissons actuellement, notamment si nous évitons un certain nombre d'impasses.

La première serait la réduction de la politique d'intégration à la mise en place de droits spécifiques pour les immigrés. En effet une telle discrimination positive ne me semble pas pouvoir être une réponse, car elle est contraire au principe républicain d'égalité des chances.

Elle aurait en outre l'effet pervers, en légalisant en quelque sorte la différence, de la stigmatiser encore plus.

La deuxième impasse serait de considérer comme inéluctable la dérive vers la communautarisation. En effet s'il existe des communautés dans notre pays, il ne doit pas y avoir de communautarisation. Il s'agirait d'une logique de société qui serait à l'opposé du « vivre ensemble », base de notre modèle républicain. Elle n'a rien de fatal pour peu qu'une volonté politique trace un autre chemin.

La troisième impasse serait que la crise de notre modèle d'intégration nous pousse dans la recherche nostalgique d'une assimilation où, pour se fondre dans la collectivité, l'individu serait obligé de renoncer à des pans entiers de son identité. Elle n'aurait fondamentalement pour conséquence que de demander à des hommes et à des femmes d'oublier une partie d'eux-mêmes, d'oublier leurs racines, de les couper ou de les enfouir au fond d'eux-mêmes pour ne pas les montrer. Cela n'aurait finalement pour conséquence que de crisper chacun sur ses différences et de renforcer les tentations communautaristes. Non, on ne doit obliger personne à tout oublier pour nous rejoindre.

Dans notre pays, il y a place pour les étrangers qui souhaitent rester ce qu'ils sont, dès lors qu'ils ne contreviennent pas aux valeurs de la république. J'y reviendrai.

L'intégration n'implique ni le reniement ni l'abnégation. Appartenir à une collectivité, respecter les valeurs et les règles de vie qu'elle s'est forgées au long des siècles n'interdit ni les spécificités, ni les différences, ni les itiné raires personnels. La force de la république réside non dans l'unicité ou l'uniformité, mais dans l'unité autour de valeurs communes faites de droits et de devoirs, enrichie des différences de chacun dès lors qu'elles ne remettent pas en cause le socle commun. Telle est la conception de l'intégration que nous devons faire valoir.

On peut être citoyen de notre république et conserver ses racines, ses convictions, ses habitudes, sa religion dès lors qu'elles ne remettent pas en cause les valeurs communes. C'est la raison pour laquelle, par exemple, nous n'accepterons jamais dans notre pays, et nous les condamnons, la polygamie ou l'excision, qui sont des habitudes venant d'ailleurs et qui portent atteinte à nos convictions communes.

Cela étant, être citoyen suppose aussi que la société à laquelle on appartient vous reconnaisse. En effet, comment les intéressés acceptaient-ils les devoirs de la République si celle-ci ne respectait pas ses devoirs envers eux ? On n'est pas citoyen seul ; on l'est avec d'autres quand on a le sentiment d'appartenir à une communauté de destin, de vivre ensemble tout simplement. Or ces entiment d'appartenance se fonde sur l'égalité des chances et des droits de chacun.

Malheureusement, dans notre pays, ce principe républicain est trop souvent bafoué. Je ne reviens pas sur ce que nous connaissons tous : la couleur de la peau, un nom ou une adresse qui barrent l'accès à l'emploi, au logement, au loisir, qui compliquent les relations avec les services publics ou l'entrée dans certains commerces.

Combien de fois avons-nous entendu des jeunes se plaindre de n'avoir pu avoir accès à des boîtes de nuit où on ne laissait entrer que les Blancs ? Combien de fois avons-nous appris que des employeurs répondaient favorablement à une demande d'embauche parce qu'elle correspondait à ce qu'ils souhaitaient en termes d'adresse ou de nom, mais rejetaient celles qui ne satisfaisaient pas à ces conditions ? Je me souviens encore du cas d'un jeune Nordine qui a dû transformer son prénom en Norbert après avoir été accepté - il a deux doctorats - parce que Nordine ne faisait pas sérieux pour un cadre dans une entreprise ! Pourtant il s'agissait d'un grand groupe.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

Les discriminations sont une violence inadmissible car elles blessent, humilient quotidiennement ceux qui les subissent. Elles brisent leur citoyenneté et dénaturent le pacte républicain. Plus personne ne peut nier leur réalité : les témoignages sont trop nombreux, trop concordants.

Nous devons avoir le courage de le reconnaître.

Pour les enfants d'immigrés, ceux de la seconde ou de la troisième génération, le problème n'est plus un problème d'intégration. Arrêtons de leur demander de s'intégrer, ils le sont déjà culturellement. Ils sont même souvent à l'origine des modes culturelles de notre jeunesse. Ils partagent les valeurs de notre société. Ils en acceptent les règles de vie, mais ils n'arrivent pas, ou plus difficilement que d'autres, à s'intégrer socialement, économiquement, notamment par l'emploi, et à faire valoir les droits que leur confère notre république. Il est vrai que certains n'en respectent pas les devoirs. Si rien ne justifie ces attitudes, il faut tout de même essayer de les expliquer.

Pour tous ceux-là, parler d'une politique d'intégration est dépassé et, pour tout dire, à côté du problème. La véritable réponse réside dans la mise en place de politiques de droit commun garantissant à tous l'accès aux droits fondamentaux et assurant la mise en oeuvre d'actions spécifiques contre les discriminations, comme celle qui fait l'objet de la proposition de loi que vous examinez ce matin. De même, la couverture sociale universelle, les emplois-jeunes - dont 15 % ont bénéficié à des jeunes des quartiers dits sensibles, même si cela est encore insuffisant mais c'est un début - le programme TRACE, le parrainage, la politique de la ville conduite par Claude Bartolone sont autant d'actions qui tendent à assurer l'égalité des droits pour tous.

Aux côtés de cette politique, il faut aussi lutter avec une détermination sans faille contre le racisme : non seulement contre le racisme idéologique et politique, mais aussi, et surtout, contre le racisme ordinaire, celui qui blesse, celui qui humilie, celui qui tue parfois. C'est pourquoi le Gouvernement a ouvert toutes les pistes pour lutter contre les discriminations.

Il était d'abord impératif d'avoir une parole politique forte et de dénoncer les discriminations pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire pour des atteintes intolérables aux principes de la République. Permettez-moi de penser que cela était indispensable au moment où beaucoup préféraient détourner le regard ou, pire, attiser les peurs des Français.

A cet égard, je tiens à saluer le rôle joué par les chercheurs, par les associations, par les militants syndicaux qui, en dévoilant une réalité souvent crue, nous ont aidé à briser le tabou du racisme banalisé et quotidien.

Je pense, par exemple, aux deux grandes organisations syndicales qui ont travaillé sur le racisme à l'intérieur du monde salarié et qui ont eu le courage d'aborder ce problème en face. Il fallait en effet mobiliser les organisations syndicales et patronales. Nous avons donc beaucoup travaillé en ce sens jusqu'à réunir, le 11 mai 1999, une table ronde au ministère de l'emploi et de la solidarité. Elle a débouché sur l'adoption de ce que le patronat et les syndicats ont souhaité appeler la « déclaration de Grenelle », qui marque l'engagement des acteurs du monde du travail.

Cette journée a également souligné la nécessité d'apporter un certain nombre de modifications au code du travail pour prévenir et sanctionner plus efficacement les discriminations dans le monde du travail. Les propositions en discussion aujourd'hui seront un premier pas en ce sens.

Parallèlement la création des commissions départementales d'accès à la citoyenneté - les CODAC - a permis d'enclencher, autour des préfets, la mobilisation des acteurs locaux tant publics qu'associatifs.

Enfin nous avons créé, en septembre 1999, le groupe d'études sur les discriminations parce que, pour les combattre, il faut d'abord bien les connaître de manière objective.

Par ailleurs, vous le savez, j'ai engagé, dès mon arrivée au ministère, des actions de sensibilisation et de formation pour tous les agents du service public de l'emploi, notamment pour ceux de l'ANPE afin de leur expliquer qu'un fonctionnaire, dans notre pays, ne peut accepter, même subrepticement, une offre d'emploi qui, même si elle ne comporte bien évidemment pas la mention BBR comme cela avait été le cas dans une grande entreprise de travail temporaire, suggérait de manière insidieuse qu'il faut donner la préférence à tel ou tel profil. Ils doivent non seulement refuser de telles offres d'emploi, mais aussi déférer leurs auteurs devant les tribunaux pour demander leur condamnation si, après discussion, ils persistent dans leur manière de faire.

Enfin, à la suite des assises de la citoyenneté du 18 mars dernier, une étape supplémentaire a été franchie avec la création du « 114 », numéro téléphonique gratuit qui offre un recours simple et accessible à toutes les personnes victimes de discriminations raciales. Il permet à ceux dont la parole a été étouffée et qui n'ont pas eu d'oreille pour les écouter d'être entendus et de dénoncer le sort qui leur est réservé sur le terrain, afin que l'on puisse leur apporter des réponses adaptées. Je n'insiste pas, car Philippe Vuilque est intervenu très largement sur ce point.

Je veux également souligner que bien d'autres ministères ont développé des actions significatives. Je pense notamment, en matière de police, à la priorité affichée par Jean-Pierre Chevènement, lorsqu'il était ministre de l'intérieur, d'opérer un recrutement respectant la mixité sociale, à l'inscription dans les contrats de ville de la thématique « lutte contre les discriminations » voulue par Claude Bartolone, ou encore à la demande adressée par Mme la garde des sceaux, Elisabeth Guigou, aux parquets pour que les plaintes en discrimination soient suivies de davantage d'effets.

Vous l'avez compris, nous avons essayé, depuis trois ans, de porter le combat contre les discriminations sur tous les terrains. Cependant il manquait une réforme juridique forte. Tel est justement l'objet de la proposition de loi en discussion ce matin.

Certains se demanderont peut-être s'il est utile de légiférer alors que nous disposons déjà d'un arsenal juridique conséquent pour lutter contre le racisme. A cet égard n'oublions pas que la loi de 1972, qui est sans doute l'une des grandes lois européennes contre le racisme, trouve aujourd'hui quelques limites dans le fait que, trop souvent, les Français refusent de témoigner aux côtés des victimes de la discrimination. Nous préférons souvent détourner les yeux, nous boucher les oreilles plutôt que d'accompagner la victime. Or, sans capacité de prouver, sans témoignage, il n'est pas possible de faire condamner.

Votre proposition de loi permettra de renforcer les droits des victimes dans le droit du travail et de lutter avec une efficacité accrue contre l'ensemble des pratiques discriminatoires, qu'elles soient fondées sur l'origine, réelle ou supposée, des individus, sur le sexe ou sur l'orientation sexuelle. En effet, si j'ai longuement évoqué les discriminations raciales, nous savons tous que le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

sexisme imprègne encore trop fortement les relations dans le domaine du travail et que l'égalité des chances entre hommes et femmes n'est respectée ni dans les rémunérations, ni dans l'accès à la formation, ni dans la promotion sociale. C'est la raison pour laquelle Nicole Péty et moimême avons salué l'initiative de votre collègue Catherine Génisson qui a présenté une proposition de loi sur l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Et que dire de ces hommes et de ces femmes qui ont fait le choix d'une sexualité différente est qui doivent parfois affronter, sur leur lieu de travail, une homophobie rentrée, silencieuse qui n'ose pas dire son nom ? Quelquefois, celui qui ressent le besoin de dire sa différence, parce qu'elle est au coeur de sa vie et de son identité, doit subir les regards qui changent, les blagues qui dérapent, quand il ne s'agit pas d'une mise à l'écart, d'une mutation ou d'un licenciement. Telle est aussi la réalité de notre pays.

Comme je m'y étais engagée auprès des organisations et des associations représentatives de ces milieux, je suis très heureuse de retrouver dans la proposition de loi l'expression « orientation sexuelle » à côté du mot « moeurs », car cela devrait permettre de sanctionner des comportements contraires aux valeurs de notre république.

Pour tous ceux-là, le texte dont nous débattons aujourd'hui engage des évolutions importantes de notre droit du travail. Il élargit la portée du principe général de nondiscrimination posé par le code du travail - qui ne s'applique aujourd'hui qu'aux refus d'embauche, aux sanctions disciplinaires et aux licenciements - à toutes les étapes de la carrière des salariés : la rémunération, la formation, la promotion professionnelle ou encore la mutation. Il s'agit donc d'une avancée significative, qui sera utile à l'ensemble des catégories dont nous avons parlé.

Cette proposition de loi permettra aussi de combler un vide juridique. En effet, les difficultés rencontrées par certains jeunes pour trouver des stages, alors même qu'ils sont obligatoires dans leur scolarité, appelaient une réponse. Grâce à l'engagement du ministre délégué à l'enseignement professionnel, Jean-Luc Mélenchon, nous la leur apportons aujourd'hui. Lors de la visite que j'ai effectuée il y a quinze jours dans une classe de transition du lycée professionnel de Villeurbanne, la seule demande des jeunes concernés était de bénéficier de stages afin de pouvoir poursuivre leur scolarité. Cela leur était difficile car certains étaient d'origine étrangère et ils avaient tous des adresses à Vaulx-en-Velin ou à Villeurbanne, qui ne convenaient pas. C'est aussi pour eux que nous travaillons aujourd'hui, car chacun a droit à une formation.

Faciliter l'établissement de la preuve pour améliorer le droit des victimes est aussi l'une des grandes avancées de ce texte. Nous savons qu'il est particulièrement difficile, pour ne pas dire impossible, actuellement d'apporter la p reuve d'une discrimination. Le faible nombre de condamnations au regard du volume des affaires qui sont portées devant les tribunaux en témoigne abondamment.

En effet, comment prouver qu'un recruteur n'a même pas regardé votre curriculum vitae parce que vous vous appelez Ali ou Fatima ? Comment prouver que c'est à cause de votre nom ou de votre adresse que vous n'avez pas obtenu l'emploi ou le stage auquel vous postulez ? Concrètement, cet aménagement de la charge de la preuve établira un nouvel équilibre entre l'employeur et le salarié. Chacun devra s'exprimer : le salarié qui s'estime discriminé devra présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination ; l'employeur devra expliquer pourquoi sa décision a été prise et sur quels critères. Il appartiendra alors au juge de forger son opinion avec l'ensemble des éléments portés au dossier. Il s'agit d'une réforme identique à celle que nous avons introduite il y a vingt ans en matière de droit du licenciement pour faute.

L'évolution de notre droit est donc significative et mérite d'être soulignée. En effet elle accroîtra les possibilités de recours et assurera mieux la protection des droits des victimes.

Ce nouveau régime s'appliquera évidemment à toutes les discriminations : raciales, sexistes, ou liées à l'orientation sexuelle. Ce faisant, d'ailleurs, nous transposons en droit français - et pour une fois rapidement - la directive européenne du 29 juin 2000.

Ce nouveau régime sera élargi à tous les cas de discrimination fondée sur le sexe dans le déroulement de la carrière professionnelle, alors qu'il ne prévalait jusqu'à présent que pour les cas de licenciement, de rémunération et de mesures disciplinaires. C'est un pas de plus dans le combat permanent que nous menons avec Nicole Péry pour l'égalité socioprofessionnelle des hommes et des femmes.

Ce nouveau droit, cette nouvelle charge de la preuve s'appliquera également aux cas de discriminations indirectes. C'est aussi une innovation importante qui a été retenue au niveau européen.

En matière de discrimination raciale, cette notion peut ainsi permettre de révéler des pratiques discriminatoires dans le déroulement des carrières par rapport à des pratiques de gestion du personnel apparemment neutres. Si un salarié d'origine étrangère, réelle ou supposée, établ it u ne différence dans les promotions professionnelles, l'affectation, ou la formation entre les salariés d'origine étrangère d'une entreprise et les « autres » salariés, la discrimination pourra là aussi être reconnue.

Je suis particulièrement heureuse que, conformément à l'engagement que j'avais pris en juin dernier devant les associations, cette proposition de loi nous donne les outils juridiques pour mieux lutter contre l'homophobie. Il s'agit ici, je l'ai dit, de s'affronter aux silences complices, aux sous-entendus vexants, aux remarques implicites, parfois même aux insultes. Changer la loi ici et ajouter les termes « orientation sexuelle » à celui de « moeurs », c'est opter pour la clarté de l'explicite contre les ambiguïtés de l'implicite. C'est surtout affirmer que nul ne peut subir une discrimination en raison de ses choix personnels. Les mots ont leur force et je me réjouis que l'amendement proposé en ce sens figure dans votre proposition de loi aujourd'hui et ce d'autant plus qu'il s'inscrit pleinement dans la lettre de l'article 13 du traité d'Amsterdam.

Pour être pleinement efficace, la lutte contre les discriminations dans le monde du travail doit s'appuyer sur la mobilisation de l'ensemble des salariés. C'est pourquoi nous avons souhaité que leurs représentants disposent de prérogatives renforcées en matière de lutte contre les discriminations. Deux mesures nouvelles traduisent cette volonté : la possibilité pour les syndicats d'ester en justice et pour les délégués du personnel de s'impliquer dans cette lutte. Nous y reviendrons dans quelques instants.

Enfin, ce projet est l'occasion d'évoquer les élections prud'homales.

Lors des dernières élections prud'homales de décembre 1997, nous avions assisté à une tentative du Front national de dénaturer les prud'hommes en s'en servant comme d'une tribune à des seules fins politiques. J'avais indiqué avant même le jour du scrutin qu'il n'était pas possible d'accepter un tel détournement de ces élections et que je


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proposerai, le moment venu et en tout état de cause avant les prochaines élections, de prendre les mesures nécessaires pour empêcher que cela ne se reproduise.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui nous donne une excellente occasion de le faire. Je souhaite que vous votiez une disposition qui interdit à un parti politique ou à une organisation qui prône des discriminations fondées sur le sexe, les moeurs, l'orientation sexuelle, l'origine, la nationalité, la race, l'appartenance à une ethnie ou les convictions religieuses de présenter des listes lors du scrutin prud'homal. Ainsi nous conserverons à ces élections leur objet et nous conforterons la juridiction prud'homale dans sa composition paritaire afin qu'elle continue à jouer sereinement le rôle essentiel de régulation des relations du travail qui est le sien.

Mesdames, messieurs les députés, cette proposition de loi est importante pour tous ceux qui subissent jour après jour les humiliations dont nous avons parlé. Elle est importante pour ceux qui récemment encore appelaient le 114 et qui, avec beaucoup d'émotion, ont exprimé leur solitude et leur désespoir. Grâce à vous, ils se sentent aujourd'hui un peu moins seuls et ont l'impression que la honte qu'ils éprouvent souvent lorsqu'ils sont les victimes de telles discriminations est aujourd'hui dénoncée et partagée par une part importante des élus de la république.

Les discriminations sont insupportables pour quiconque est attaché au modèle républicain et je sais que nous le sommes tous.

Il nous faut donc rompre avec ces logiques d'exclusion et continuer à démocratiser notre république. Il faut qu'elle sache mieux accepter les différences, qu'elle crée elle-même les espaces propices à l'expression de toutes les cultures, à leur rencontre et ainsi à l'épanouissement d'une diversité féconde.

Mieux vivre ensemble, c'est apprendre à se connaître, à ne pas voir comme une menace la différence des autres.

Nous devons dire à toutes les victimes de discriminations - femmes, personnes handicapées, étrangers ou immigrés, homosexuels - que notre république est forte de ses valeurs et qu'elle est là pour garantir leurs droits.

Mais je souhaite dire aussi à tous les Français qu'ils détiennent une part de la réponse et que si, au lieu de détourner les yeux, de se boucher les oreilles, ils sont prêts à tendre la main à celui qui est victime et à l'accompagner devant les tribunaux, alors notre république fera un pas de plus et cette proposition de loi permettra de condamner les discriminations. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Cécile Helle.

Mme Cécile Helle.

Mesdames les ministres, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous voici réunis pour débattre d'une proposition de loi qui vise à améliorer le dispositif législatif en matière de lutte contre les discriminations.

Travaillant depuis près de trois ans maintenant sur cette question, je me réjouis de voir notre assemblée, quelques mois après l'adoption d'une proposition de loi sur le vote des étrangers, s'apprêter à légiférer de nouveau dans le champ de l'égalité des droits.

En préambule à mon propos, j'aimerais avant tout rendre un hommage particulier aux organisations syndicales, qui se sont très tôt mobilisées au sein des entreprises pour dénoncer et combattre toutes les formes de discrimination. Je rends aussi un hommage particulier aux associations qui ont oeuvré par des opérations de

« testing » à la dénonciation et à la condamnation publique des phénomènes discriminatoires qui minent notre pacte social.

Il était temps, grand temps même, pour nous, élus, responsables politiques, de réagir et de travailler pour une mise en oeuvre réelle et effective du principe d'égalité dans le monde du travail en tentant d'adapter les outils légaux disponibles aux réalités d'un phénomène complexe et difficilement quantifiable. Sur ce terrain, comme sur bien d'autres en effet, le silence et la résignation ne sont aujourd'hui plus de mise. L'exclusion, la distinction, la préférence fondée sur le sexe, l'origine, la couleur de la peau ou l'ascendance compromettent gravement les fondements de notre héritage républicain, celui qui fait de l'égalité entre les hommes la valeur fondamentale qu'il nous appartient de défendre et de promouvoir.

En ce sens, nos débats d'aujourd'hui s'inscrivent bien dans la continuité des actions menées par le Gouvernement depuis 1997. La table ronde des partenaires sociaux et la déclaration de Grenelle, la mise en place du GED et du « 114 », grâce à la détermination sans faille de Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, la mise en place des commissions départementales d'accès à la citoyenneté, l'extension de la notion de discrimination aux stages en entreprise pendant les périodes de formation, sont autant de mesures qui permettent déjà de mieux appréhender, de mieux dénoncer et de mieux combattre ce phénomène.

Notre objectif, à travers ce textes, mes chers collègues, est clair.

M. Pierre Cardo.

Ce texte ne règle rien !

Mme Cécile Helle.

Pour que la république retrouve un sens concret aux yeux de tous, il n'est plus acceptable de laisser se développer sans réagir des pratiques qui, sur le fond, renvoient aux théories politiques les plus abjectes.

M. Pierre Cardo.

Exact !

Mme Cécile Helle.

Cela est d'autant plus inacceptable que nous connaissons depuis quelques mois maintenant une période de reprise économique sans précédent. Or une croissance, pour être utile, se doit d'être partagée par tous. A ce titre, nous ne nous accommodons pas du fait que la reprise de l'écononomie s'arrête aux portes de nos banlieues. Comme moi, vous savez en effet que nombreux sont aujourd'hui celles et ceux qui, dans nos quartiers, doutent de l'effectivité du principe d'égalité...

M. François Goulard.

Et ils ont raison !

Mme Cécile Helle.

... puisqu'en dépit d'une réussite scolaire consacrée par l'obtention de diplômes, ils restent encore trop souvent exclus du marché du travail ou marginalisés en son sein au nom de leur appartenance supposée à une ethnie, à un groupe ou à un quartier.

Comme moi, vous connaissez la difficulté qui consiste à vanter les mérites de notre intégration républicaine auprès de personnes jeunes, ou moins jeunes, qui sont en butte à une stigmatisation discriminante qui ne fait qu'accroître leur défiance, ou pire, leur révolte au nom de l'injustice qu'ils subissent.

Comme moi, enfin, vous avez les pires difficultés pour convaincre des vertus fondamentales de l'école comme levier essentiel d'ascension sociale quand le racisme frappe trop souvent dans l'entreprise, sans considération pour le diplôme ou le niveau de formation.


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Personne n'a évidemment jamais prétendu qu'il serait facile de trouver un point d'équilibre entre la liberté de contracter de l'employeur - qu'on ne saurait évidemment remettre en cause - et le droit au travail de tous les individus, que nous nous devons de rendre effectif.

En ce sens, la proposition de loi, que nous allons, je l'espère, adopter, marque une étape importante dans la prise en compte de problèmes plus spécifiquement posés à des groupes de populations vulnérables.

D'abord, elle va permettre, grâce à son article 1er , d'aménager la charge de la preuve en matière de discrimination dans l'accès à l'emploi comme dans le déroulement de carrière.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Tout à fait !

Mme Cécile Helle.

Si plusieurs textes régissent déjà l'interdiction des discriminations, notamment raciales, force est de constater que le nombre de plaintes est peu élevé.

Quant à celui des condamnations, il est encore plus faible. Cet aménagement permettra donc aux juges de mieux faire respecter la loi en facilitant la constatation tangible de ce type d'infraction.

Nous pensons, à ce titre, qu'il était également tout à fait justifié d'étendre ce champ aux stagiaires en formation professionnelle car, en la matière, les abus sont également légion. L'aménagement de la charge de la preuve dans l'accès à l'emploi ou au stage dans l'entreprise fait qu'il appartiendra désormais à l'employeur, lorsque des faits tangibles présument d'une discrimination, de prouver au juge qu'il n'y a pas eu violation du principe d'égalité de traitement.

Cette évolution était devenue d'autant plus nécessaire qu'une directive européenne aménagea la charge de la preuve en matière de discrimination entre hommes et femmes devait être transposée en droit français. Le bon sens nous a conduits à accroître la portée de la directive en l'élargissant à toutes les formes de discrimination.

Nous pensons, en effet, que toutes les inégalités de traitement doivent être combattues avec la même vigueur.

La proposition de loi marque également une étape importante parce qu'elle offre à une organisation syndicale la possibilité d'ester en justice au nom d'une victime de discrimination dans l'accès à l'emploi ou dans les déroulements de carrières. Nous savons bien, en effet, que de nombreuses victimes vivent tellement mal l'humiliation qu'elles subissent - et c'est bien compréhensible qu'elles préfèrent l'intérioriser en renonçant à une poursuite judiciaire perçue comme longue, coûteuse et vaine.

Mme Hélène Mignon.

Tout à fait !

Mme Cécile Helle.

Cette disposition permettra, en plus, à n'en pas douter, de faire bénéficier ces victimes, souvent peu au fait de leurs droits, du savoir-faire et de l'expertise juridique des syndicats.

Enfin, cette proposition constitue une étape importante sur le chemin de la lutte contre les discriminations parce que son article 3 permet aux conventions collectives de branche conclues au niveau national de disposer de clauses spécifiquement dédiées à la promotion de l'égalité de traitement.

Mes chers collègues, le groupe socialiste entend réaffirmer aujourd'hui son attachement indéfectible au principe d'égalité en votant pour l'adoption de ce texte. Parce qu'on ne soigne pas une tumeur au cerveau comme on soigne un simple mal de tête, il nous a semblé important de légiférer et d'oeuvrer dans le sens d'un raffermissement de notre modèle républicain qui ne distingue pas à leur naissance et dans leur évolution ses enfants et qui se fixe comme objectif d'en faire des citoyens à part entière.

Ne rien faire, c'est se résigner, c'est même accepter que près de 40 % des actifs non européens de moins de vingt-cinq ans soient en situation de chômage dans la France du

XXIe siècle. Ne rien faire, c'est cautionner la différenciation, c'est aussi finalement fragiliser nos politiques d'intégration et favoriser le repli communautaire.

Cette proposition de loi est une occasion offerte à la représentation nationale de dire franchement non au racisme, non au sexisme ordinaire, non à l'homophobie.

Il ne s'agit pas, contrairement à ce que certains voudraient ici faire croire, de jeter l'opprobre sur tous les patrons qui font majoritairement preuve de bon sens et restent sensibles au traitement de cette question. Il s'agit simplement de privilégier la compétence au détriment de l'apparence, l'intelligence au détriment du rejet de l'autre.

M. Jean Le Garrec, président de la commission, et M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Très bien !

M. Pierre Cardo.

Ça sonne bien et ça fait du bien quand on le dit, mais il faudra avoir le courage d'étendre ces dispositions et de ne pas les cantonner au monde du travail.

Mme Cécile Helle.

Refuser la banalisation de toutes les discriminations en nous mobilisant tous de façon déterminée, c'est contribuer à renforcer la république et c'est faire le pari du mieux vivre ensemble en France.

Forte de cette nouvelle victoire émancipatrice, notre république trouvera alors sans difficulté et sans soubresaut son chemin dans le nouveau siècle en agrégeant autour d'elle et de ses fondements toutes celles et tous ceux qui accepteront de l'enrichir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Maxime Gremetz.

Le débat va s'animer !

M. Thierry Mariani.

Monsieur le président, mesdames les ministres, messieurs les ministres, quand on se dit attaché aux valeurs de la république, on ne peut a priori qu'encourager toute initiative visant à lutter contre les discriminations. Et tout le monde reconnaîtra que, quelle que soit notre position sur ces bancs, nous sommes tous autant les uns que les autres attachés aux valeurs de la république et à la lutte contre les discriminations.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Jusqu'à maintenant, tout va bien ! (Sourires.)

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Tout à fait !

M. Thierry Mariani.

Par conséquent, le groupe du Rassemblement pour la République ne peut que s'associer à toute initiative prise pour la défense du principe de nondiscrimination. (« Mais... » sur plusieurs bancs du groupe

socialiste.)

Mais, s'il approuve l'objectif, il s'interroge sur les moyens choisis.

On était en droit d'attendre de la gauche, qui s'attribue depuis des années la paternité de toutes les avancées sociales qu'a connues notre pays

« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, ...

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

C'est un peu vrai !


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M. Maxime Gremetz.

C'est la réalité !

M. Thierry Mariani.

... un texte ambitieux, susceptible d'engager une réforme en profondeur des rapports sociaux et humains en France.

Le texte que vous nous soumettez, mes chers collègues du Parti socialiste, ne mérite ni excès d'honneur ni excès d'indignité.

M. Maxime Gremetz.

Ah...

! C'est le « ni ni » !

M. Thierry Mariani.

Et permettez-moi de voir, madame la ministre, dans le fait que, depuis une heure,s e succèdent sur les bancs du Gouvernement cinq ministres, un hommage - ce qui est tout à votre honneur - pour l'action que vous avez menée au sein de ce gouvernement, puisque c'est aujourd'hui, je crois, le dernier texte que vous défendez, ...

Mme Hélène Mignon.

N'importe quoi !

Mme Brigitte Douay.

Non ! C'est parce que c'est un très bon texte !

M. Thierry Mariani.

... plutôt qu'un hommage dû au texte qui nous est présenté, car, je le répète, il ne mérite ni excès d'honneur ni excès d'indignité.

Le projet de loi de modernisation sociale déposé le 24 mai dernier avec tambours et trompettes semble aujourd'hui tombé dans les oubliettes.

Mme Hélène Mignon.

Pas du tout !

M. Thierry Mariani.

Peut-être par remords,...

M. Pierre Cardo.

Les socialistes ne savent pas ce que ce mot signifie !

M. Thierry Mariani.

... sans doute par démagogie ou p ar opportunisme, le groupe socialiste nous ressert aujourd'hui cette réforme en pièces détachées en nous présentant trois ou quatre des articles de ce fameux projet dont on n'entend plus parler.

Le texte que vous nous présentez est réducteur et ne s'applique malheureusement qu'en matière d'emploi.

M. Pierre Cardo.

C'est vrai !

M. Maxime Gremetz.

Il concerne vingt-deux millions de travailleurs ! Mais M. Mariani ne le sait pas. Lui, il défend les patrons.

M. François Goulard.

Il ne s'applique pas aux vingtdeux millions !

M. Pierre Cardo.

Vous laissez de côté la fonction publique !

M. Thierry Mariani.

Pourtant, les victimes des discriminations se rencontrent aussi en dehors du monde de l'entreprise : en matière de santé, de solidarité, de logement, pour ne prendre que ces exemples. D'ailleurs, si ma mémoire est bonne, un article du fameux projet de modernisation sociale était prévu sur le logement.

Le principe de non-discrimination est aujourd'hui bafoué en toute impunité, et pas uniquement dans le monde du travail.

« Difficiles à mesurer, délicates à identifier », tels sont les mots du rapporteur dans la première page de son rapport pour qualifier les discriminations. Cette définition est brève c'est vrai, mais elle a au moins l'avantage de cerner réellement le problème. Tel est, effectivement, le lot des discriminations.

La notion de discrimination revêt en effet un caractère diffus et touche différents domaines. Elle suppose donc une lutte au quotidien, par tous les moyens.

Si le secours de la loi est indispensable, celle-ci ne résoudra pas tout. C'est d'ailleurs ce qui, par moments, nous sépare de vous, mesdames, messieurs de la majorité.

L'éducation, le dialogue au sein des entreprises, et notamment dans les PME, les encouragements à l'intégration des Français issus de l'immigration sont autant de solutions qu'il ne faut pas ignorer ni négliger.

Il faut par exemple apprendre aux enfants dès leur plus jeune âge que le principe d'égalité entre les hommes doit primer sur les choix qu'ils devront faire au cours de leur vie, leur apprendre l'égalité des droits et l'égalité des devoirs. C'est un point de départ indispensable.

Il faut également faire davantage confiance aux entreprises et encourager les discussions dans le cadre des relations du travail. Certains syndicats sont d'avis que mieux vaut en la matière aménager qu'imposer.

La CFDT, dans le rapport de l'IRES, l'Institut de recherches économiques et sociales, de septembre 2000 intitulé « Positions et actions syndicales face aux discriminations raciales », affirme que la lutte contre les discriminations relève moins de la création d'une nouvelle institution que d'une action continue et quotidienne menée à tous les niveaux.

Or la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui introduit dans notre droit du travail une réglementation poussée à l'extrême. Celle-ci, je le répète, sera loin de tout résoudre.

Des points positifs sont toutefois à souligner dans ce texte.

Le dispositif prévoit tout d'abord un élargissement du champ couvert par le principe de non-discrimination en protégeant le salarié tout au long de sa carrière. Les mesures discriminatoires concernaient jusqu'à présent seulement l'accès à l'emploi, les sanctions et les licenciements. Cette redéfinition était donc nécessaire. Elle nous paraît positive.

On peut approuver également l'autorisation donnée par le texte aux organisations syndicales représentatives dans l'entreprise d'ester en justice contre l'employeur pour le compte d'un salarié victime de discrimination.

Toutefois on aurait dû éviter d'étendre ce droit aux organisations syndicales représentatives sur le plan national car elles n'ont pas à mes yeux de légitimité pour interférer dans les litiges internes à une entreprise dans laquelle elles ne sont pas représentées.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est nouveau !

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

C'est un scoop !

M. Thierry Mariani.

De plus, il est regrettable que le texte écarte l'exigence d'un accord écrit de la présumée victime autorisant les organisations syndicales à agir en son nom.

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

C'est ce que l'on veut éviter.

M. Maxime Gremetz.

Absolument !

M. Thierry Mariani.

Le mandat de l'intéressé me paraissait, c'est le moins que l'on puisse dire, indispensable pour respecter sa liberté individuelle.

M. Maxime Gremetz.

La liberté des patrons !

M. Thierry Mariani.

Enfin, l'idée d'introduire dans notre droit du travail un droit d'alerte dont pourront se prévaloir les associations constituées depuis au moins cinq ans me paraît absolument inutile et totalement démagogique.


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M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Cela existe déjà dans le droit du travail !

M. Maxime Gremetz.

Il ne faut donc rien faire ! Tout va bien selon vous !

M. Thierry Mariani.

Attendez ! Qu'est-ce qui empêche aujourd'hui un représentant de SOS Racisme - je prends bien sûr cette association au hasard - de passer un coup de fil au responsable de la CGT, de la CFDT, de FO ou de je ne sais quel syndicat pour lui signaler un problème ? Le fait d'avoir ajouté ce paragraphe dans le texte lors de son examen en commission, illustre bien, mes chers collègues, une volonté d'affichage. Je le répète, cet article est tout à fait démagogique.

Mais le plus grave, à mon avis, c'est que ce texte sera dans les faits inapplicable par moment et même totalement contre-productif.

M. Pierre Cardo.

C'est vrai !

M. Thierry Mariani.

Prenons l'exemple des stages. Ce texte sera difficilement applicable, disais-je, parce que luimême introduit une nouvelle discrimination, à l'encontre cette fois des employeurs, faisant fi d'un principe qui vaut en droit pénal, celui de la présomption d'innocence.

L'objectif est clair : la gauche, une fois de plus, a choisi de faire de l'employeur le bouc émissaire, le seul responsable des discriminations en matière d'emploi. Le renversement déguisé de la charge de la preuve organisé par ce dispositif est inacceptable. C'est un nouveau coup porté à la liberté d'entreprendre et à la liberté pour l'employeur de choisir librement ses collaborateurs. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Mariani dans le texte !

M. Thierry Mariani.

Quel paradoxe ! Après avoir voté avec tambours et trompettes un texte renforçant la présomption d'innocence, voilà que vous en adoptez un autre qui institue une sorte de présomption de culpabilité dans le droit du travail. De quel droit pouvons-nous laisser punir un chef d'entreprise qui souhaite féminiser son équipe de collaborateurs en embauchant spécifiquement des femmes, sur le motif d'une discrimination sexuelle envers les hommes ?

Mme Hélène Mignon.

N'importe quoi !

M. Thierry Mariani.

Pire, de quel droit pouvons-nous admettre qu'un employeur refusant un stagiaire parce qu'il ne dispose pas du temps nécessaire pour assurer sa formation soit sanctionné pour motif de discrimination bidon, allégué par le stagiaire en question dans le seul esprit de vengeance ?

Mme Monique Collange.

Il faudra le prouver !

M. Thierry Mariani.

Restons sérieux, mes chers collègues. Parmi vous, certains ont exercé une activité dans le secteur privé...

M. Maxime Gremetz.

Oui, moi !

M. Thierry Mariani.

... et savent que la première chose qui guide un employeur dans le choix de celui qu'il recrutera, c'est avant tout l'intuition : l'intuition que ce candidat, au-delà de ses diplômes, au-delà de son curriculum vitae , compte tenu de son expérience, saura contribuer à la bonne marche de l'entreprise, l'intuition que son curriculum vitae n'est pas mensonger, l'intuition que c'est un bon pari pour l'avenir de son entreprise comme pour celui de son futur salarié.

Deuxième paradoxe : une fois de plus, je l'ai dit, ce texte ne s'applique qu'au secteur privé. Une fois de plus, l'Etat et les entreprises publiques, premiers employeurs de France, ne sont pas touchés par une bonne partie de ce dispositif. Madame la ministre, vous vous avez expliqué tout à l'heure - et je vous laisse la paternité de vos propos - que les immigrés avaient fait la richesse de la France. Est-il utile de vous rappeler que l'Etat, premier employeur, se voit dans ce domaine également dispensé de certaines obligations du secteur privé, puisque la préférence nationale prévaut toujours en matière de fonction publique ?

M. Maxime Gremetz.

Oh !

M. Thierry Mariani.

Nous ne cessons de le dire depuis le début de cette législature et nous l'avons redit au moment de la loi sur le vote des immigrés : si vous vous préoccupiez autant que vous le dites d'une véritable intégration de cette population, que n'ouvrez-vous la fonction publique à l'ensemble des travailleurs, quelle que soit leur nationalité ?

M. François Goulard.

Très juste !

M. Thierry Mariani.

Certes, vous rencontreriez peutêtre quelques résistances au sein de votre propre électorat !

M. Maxime Gremetz.

Vous ramenez tout aux élections... Et la dignité humaine, qu'en faites-vous ?

M. Rudy Salles.

Le bel avocat !

M. Thierry Mariani.

Vous avez beau multiplier les belles déclarations, vous ne serez crédibles que le jour où vous appliquerez au secteur public les mêmes obligations qu'au secteur privé.

M. Maxime Gremetz.

Heureusement que Mme Bachelot-Narquin ne va pas parler comme vous !

M. Thierry Mariani.

Enfin, ce texte risque d'être dangereux, car il entraînera des contentieux à répétition, des procédures abusives contre lesquelles l'employeur, et spécialement les PME-PMI, les commerçants et les artisans n'auront pas toujours les moyens de se défendre. Les employeurs seront à la merci des recours en tout genre puisque le dispositif, contrairement à ce que proposait notre collègue Rudy Salles dans un amendement, ne prévoit aucune sanction pour punir les actions sans fondement.

M. Maxime Gremetz.

Mariani et Salles, les deux parrains !

M. Thierry Mariani.

Avec ce texte, nous allons vers un risque croissant de judiciarisation, voire de harcèlement syndical (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

Mme Monique Collange.

Ça m'aurait étonnée qu'il ne parle pas de harcèlement !

M. Thierry Mariani.

... et c'est pourquoi il me semblait utile de créer des sanctions dissuasives à l'encontre des recours abusifs.

Je disais que votre texte risque d'être contre-productif et je reviens à mon exemple des stages. J'ai, depuis quelques jours, parlé de cette proposition de loi avec des commerçants ou des artisans. Tous le disent : lorsqu'ils accueillent un stagiaire, c'est parce qu'ils acceptent de prendre de leur temps pour le former.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et

M. François Goulard.

Bien sûr !

M. Pierre Cardo.

Tous ceux qui gèrent les communes le savent bien !

M. Thierry Mariani.

Compte tenu du niveau insuffisant des aides de l'Etat, prendre un jeune stagiaire pour le former, c'est pour un artisan ou un commerçant un choix délibéré, un choix de solidarité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

Mme Monique Collange.

Ce n'est pas tout à fait vrai ! J'ai été commerçante ! Le stagiaire rend tout de même des services !

M. Thierry Mariani.

Mais s'il court demain le risque de se voir traîné devant les tribunaux, que fera-t-il ? Tous les commerçants et surtout les artisans à qui j'en ai parlé ont été très clairs : « Nous ne prendrons plus de stagiaires. »

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Votre loi aurait pu être crédible si elle ne s'était pas limitée à une série de déclarations de bonnes intentions, si vous nous aviez proposé deux dispositions : premièrement, une véritable obligation pour les entreprises de prendre des stagiaires, deuxièmement, une aide réelle.

Mme Monique Collange.

Pourquoi faut-il toujours des aides ? Pour vous, il n'y aurait donc que l'argent qui fasse marcher les commerçants ?

M. Thierry Mariani.

Si tel avait été le cas, on aurait pu parler d'une véritable volonté. Mais ces stages restent à la discrétion des chefs d'entreprise, et à ceux qui font preuve de bonne volonté, vous ajoutez une contrainte supplémentaire ! Donnons-nous rendez-vous dans quelq ues années : vous serez certainement amenés à reconnaître que vos dispositions auront été totalement improductives dans l'artisanat.

Mme Monique Collange.

Les commerçants ont aussi des jeunes qui font des stages !

M. Thierry Mariani.

En conclusion, mes chers collègues, votre texte est généreux et sympathique. Au mieux, il sera sans effet véritable,...

M. Maxime Gremetz.

Dans ce cas, cela ne coûte rien de le voter !

M. Pierre Cardo.

Cela va surtout encombrer les tribunaux !

M. Thierry Mariani.

... au pire, il risque d'être source de contentieux supplémentaires, voire de se révéler totalement contre-productif. C'est pourquoi, à titre personnel, je m'abstiendrai ; mais comme diraient certains, ce sera une abstention négative ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Maxime Gremetz.

L'abstention négative ? C'est nouveau !

Mme Monique Collange.

Il n'a même pas le courage de voter contre !

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Après l'abstention constructive et combative, voilà l'abstention négative... On invente, on avance ! Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, chers collègues, je me réjouis, avec l'ensemble des membres de mon groupe, de voir examinée la proposition de loi, déposée par le président Le Garrec, visant à lutter contre les diverses discriminations dont sont victimes les salariés à l'embauche comme dans le travail.

Evidemment, j'ai bien entendu M. Mariani : cette proposition est limitée, estime-t-il. Effectivement ! Après tout, elle ne touche que vingt-deux millions d'actifs...

Limitée, c'est vrai, mais reconnaissez que la limite est assez conséquente !

M. Thierry Mariani.

Et le secteur public ?

M. Pierre Cardo.

Il n'est pas concerné !

M. Maxime Gremetz.

Elle n'aborde pas tous les problèmes, c'est vrai également, le président Le Garrec en conviendra avec moi. Dans son exposé introductif, Mme la ministre a abordé tous les problèmes de discrimination dans la vie et dans la société. Il est clair que ce texte ne s'attaque pas à tous ces aspects et qu'il reste davantage orienté vers l'embauche et le travail.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz.

Etendre la protection des salariés et leurs moyens d'action à l'ensemble des éléments de l'exécution de la relation contractuelle, inverser la charge de la preuve, voilà la grande question et la grande innovation de cette proposition de loi. Du fait des difficultés d'accès à l'information, mais aussi des mesures de rétorsion qui le menaçaient, le salarié qui voulait porter plainte, y compris pour discrimination, s'attaquait à un obstacle insurmontable. Ce ne sera plus le cas. A cet égard, les deux axes choisis par les auteurs de ce texte rejoignent les revendications exprimées par les députés communistes : la transformation de la charge de la preuve figurait depuis longtemps dans nos propositions, notamment en matière de licenciement économique abusif. Cela explique notre volonté de parfaire les dispositions proposées, par le biais d'amendements que j'ai du reste cosignés avec le rapporteur après notre discussion en commission.

Il apparaît donc primordial de lutter contre les discriminations en matière d'embauche et d'emploi, d'une part en cernant l'étendue et la diversité des motifs de discrimination et, d'autre part, en renforçant le plus possible les moyens d'action et de protection offerts aux salariés et à leurs représentants.

Ainsi l'apparence physique - qui se traduisait trop souvent par un « emploi au faciès » -, l'âge, le patronyme et les orientations sexuelles sont autant de motifs de discrimination qu'il convient de prévenir et de sanctionner.

Aussi les députés communistes ne peuvent-ils que se réjouir de voir reprises les préoccupations qui avaient conduit mon ami Bernard Birsinger à déposer, le 8 février dernier, une proposition de loi contre l'homophobie.

De même, si nous avons souhaité introduire la notion d'âge - nous aurons l'occasion d'en discuter puisque nous avons déposé un amendement sur ce point -, ce n'est pas pour fragiliser les dispositifs existants en faveur des jeunes, notamment les emplois-jeunes, et des personnes âgées, mais plutôt pour les distinguer de l'attrait qu'éprouvent certains pour ce dogme du « jeunisme » qui, lui, constitue véritablement une discrimination injustifiable.

En accord avec l'aspiration exprimée par de nombreux syndicats qui luttent activement contre toutes les formes de discrimination, y compris syndicale ; nous aurions préféré une rédaction plus communément admise et plus générale sur les « orientations sexuelles » - au pluriel.

Mais c'est là un débat de spécialistes et je ne me sens pas compétent en la matière. Les organisations syndicales sont plus à même d'en juger. Cela dit, monsieur le rapporteur, je vous remercie d'avoir cité quelques exemples très significatifs : n'oublions pas que les licenciements ont également frappé 16 000 délégués du personnel. Cela prouve que la répression syndicale perdure, quoi qu'en pense

M. Mariani.

C es remarques sont loin d'être futiles lorsqu'on mesure, avec ceux qui la connaissent de très près, la réalité d'un monde du travail peu avare en situations résultant de longues années de pratiques discrètes et sour-


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noises. Vous l'aurez compris, mes chers collègues, je veux évidemment parler du harcèlement moral, phénomène resté jusque récemment encore obscur et méconnu. Si cette souffrance a cessé d'être tue, c'est en grande partie grâce à la proposition de loi déposée et enregistrée au bureau de notre assemblée par mon ami Georges Hage et les membres du groupe communiste.

L'élaboration de ce texte a nécessité un travail méthodologique d'une grande ampleur, réunissant au sein d'un collectif pluridisciplinaire des juristes, des inspecteurs et médecins du travail, des représentants des associations de défense des victimes et des experts éminents, sociologues, psychologues, etc. Cette proposition de loi apparaît ainsi comme le fruit d'une profonde réflexion qui a permis de cerner toute la diversité du phénomène afin d'élaborer un dispositif juridique efficace en vue de le combattre. Par exemple, la notion de dégradation délibérée des conditions de travail que nous proposons de retenir permet d'appréhender toutes les formes de harcèlement moral, quelle que soit leur finalité, leur auteur ou le procédé employé - et cela vaut évidemment pour le privé comme pour le public.

De même, les mesures de prévention, dont nul ne conteste le rôle clé qu'elles jouent dans la lutte contre les pressions psychologiques dont sont victimes les salariés, occupent une place centrale dans notre proposition de loi. Enfin, le principe d'une double sanction, à la fois civile et pénale, que nous proposons de retenir a déjà fait ses preuves dans le domaine du harcèlement sexuel.

Aussi suis-je du même avis que l'ensemble de mes collègues, avec lesquels nous en avons discuté en commission : le harcèlement moral ne peut sérieusement être débattu à cette occasion, au détour d'un simple amendement. Et ce d'autant plus que le cadre de la discrimination nous apparaît trop étroit, puisque le harcèlement moral peut aussi bien être le fait d'agissements purement sadiques que de techniques managériales largement répandues. C'est pourquoi, comme vous, madame BachelotNarquin et monsieur Le Garrec, je pense qu'il est nécessaire d'adopter un texte spécifique à ce phénomène. Je vous invite donc, madame la ministre, à inscrire sans plus tarder à l'ordre du jour la proposition de loi de Georges Hage et des députés communistes, qu'il conviendra sans doute d'améliorer et d'enrichir. La multiplication des témoignages de salariés et de salariées harcelés, en détresse, que nous recevons quotidiennement - ils se comptent par centaines - montre à quel point une intervention législative est nécessaire et urgente.

En revanche, s'il est une préoccupation qui se devait à mes yeux d'être prise en compte dans le cadre de la lutte contre les discriminations en matière d'emploi, c'est bel et bien la non-application du droit du travail qui touche plusieurs centaines de milliers de salariés intérimaires, employés à plein temps depuis de nombreuses années par de grands groupes industriels, sans aucune perspective d'embauche. Quelle discrimination flagrante et intolérable - dont vous ne dites rien, messieurs de l'opposition lorsque l'on mesure la précarité subie au regard du travail égal qui est fourni ! Je vous ai déjà entretenue, madame la ministre, de cette forme de discrimination qui frappe essentiellement de jeunes intérimaires, par définition préc aires, reconduits de manière hebdomadaire - des contrats d'une semaine ! - sur des postes permanents, dans l'illégalité la plus totale.

C'est aussi le cas, dont je vous ai parlé, des deux cent cinquante travailleurs des boîtes d'intérim qui travaillent à coup de contrats d'une semaine chez Dunlop. La fermeture de l'usine Dunlop de Montluçon devrait amener, nous dit-on, trois cent cinquante postes supplémentaires à Dunlop-Amiens. Mais les intérimaires ne seront jamais repris ! Voilà des techniciens, des ingénieurs, qui sont là depuis un an, deux ans, trois ans, sur des emplois permanents, et qui ne seront jamais embauchés. C'est, là encore, une terrible discrimination à l'embauche.

M. Rudy Salles.

Qu'est-ce que cela a à voir avec le texte ? Vous êtes hors sujet !

M. Maxime Gremetz.

Et que dire des centres d'appels téléphoniques, où se retrouvent ceux que j'appelle les OS des nouvelles technologies ? Je suis pour les nouvelles technologies, bien sûr, mais il faut savoir que, jusqu'à une date toute récente, ils n'avaient même pas de convention collective. Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir travaillé à en mettre une en place. Mais elle n'est pas appliquée ! Voilà des salariés recrutés au niveau bac + 2, au minimum et qui touchent à peine le SMIC, avec des conditions de travail épouvantables. Il faut voir comment on les considère, ces jeunes-là ! Et l'on ne respecte même pas la convention collective qu'on vient d'élaborer ! Voilà des cas qu'il conviendrait d'examiner de près.

Mais, à côté de tous ces motifs de discrimination qu'il convient de circonscrire, nous devons également fournir aux salariés et à leurs représentants les moyens idoines pour lutter contre ces discriminations. D'où l'approche que je partage, résolument guidée par le but recherché que nous avions tenté de privilégier.

M. le président.

Monsieur Gremetz,...

M. Maxime Gremetz.

Je termine, monsieur le président !

M. le président.

... allez vers votre conclusion !

M. Maxime Gremetz.

Comme je vous le disais auparavant en dénonçant le fardeau que représente pour le salarié la charge insurmontable de la preuve, le chemin de la vérité et de la justice est loin d'être dépourvu d'obstacles en la matière. En effet, les salariés n'ont jamais accès aux informations qui leur permettraient de démontrer qu'ils ont été victimes de discrimination. C'est précisément ce qui explique la faiblesse du contentieux dans ce domaine.

Comme l'a lui-même déclaré M. le Premier ministre lors des assises de la citoyenneté, le 18 mars 2000 : « La justice n'est pas d'un accès toujours évident : lorsqu'une plainte est déposée contre une discrimination, il est parfois délicat d'en démontrer l'existence. Il est alors impossible de la sanctionner. »

Aussi voulions-nous aller jusqu'au bout de la logique décisive du renversement de la charge de la preuve, en substituant, par exemple, à la notion incertaine d'indice ou de présomption celle de l'élément de fait, ou encore en permettant que le doute du juge profite au salarié.

De surcroît, la protection des témoins de discriminations participerait, selon nous, à l'éclatement de la vérité, tout comme celle applicable à la dénonciation de faits de maltraitance, qui rejoint la proposition de loi déposée le 28 mars dernier par mon ami Bernard Birsinger.

Mais nous ne pouvons nous empêcher de croire que la lutte prioritaire contre les discriminations au travail passe nécessairement par un accroissement des pouvoirs et des moyens dévolus à l'inspection du travail. Nous avons beau légiférer, encore faut-il mettre ces lois et le code du travail en application de ces lois. Or, force est de le constater, nous n'avons pas suffisamment d'inspecteurs du travail bien formés pour appliquer correctement les dispositions que nous votons.


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Nous pensons avoir utilement oeuvré pour donner à cette proposition de loi un aspect tout à la fois dissuasif et répressif fort. En permettant la poursuite de l'ensemble d es mesures discriminatoires devant les juridictions répressives et en ouvrant au salarié victime d'un licenciement discriminatoire le bénéfice d'une indemnité conséquente, comme alternative à une réintégration pas toujours facile, les députés communistes ont participé à renforcer l'esprit de ce texte qu'en tout état de cause ils voteront, car il va dans le bon sens. En élargissant aux organisations syndicales le droit d'ester en justice, en instituant un droit d'alerte des associations, il fera progresser la lutte contre les discriminations.

Pour conclure, madame le ministre, je me félicite d'un amendement que vous avez présenté et que moi-même, je l'avoue, je n'aurais pas osé déposer en commission, de crainte qu'on m'accuse d'être excessif,...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Eh bien, vous voyez, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz.

... je veux parler de l'amendement relatif aux listes pour les élections prudhomales. Je l'approuve totalement même si, je le répète, je n'ai pas osé... On m'aurait à coup sûr traité d'excessif en commission. (Sourires.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission, et

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Mais non !

M. Maxime Gremetz.

Martine Aubry, elle, n'est pas excessive... Encore merci, madame la ministre ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes réunis ce matin pour examiner la proposition de loi de notre collègue Jean Le Garrec relative à la lutte contre les discriminations. Est-il besoin de rappeler d'emblée qu'à ce principe absolu, le groupe UDF, famille de pensée humaniste, est particulièrement attaché ? Nous sommes donc particulièrement sensibles à cette proposition.

En outre, cette notion est en tête de tous les textes fondateurs de la république et se trouve exprimée dès le premier article de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui affirme en des termes simples et clairs que

« les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». En quelques mots, tout est dit et c'est là la première phrase de nos textes fondamentaux. C'est dire l'importance que revêt cette notion.

Mais la république considère que cette notion d'égalité, qui orne le fronton de tous nos édifices publics, doit être rappelée et rappelée encore, pour ne jamais être oubliée et constituer ainsi un socle de valeurs prioritaires.

Ainsi le Préambule de la Constitution de 1946, ayant v aleur constitutionnelle, rappelle, dès sa première phrase : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. » Le Préambule de 1946 ajoute

:

« La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme. » Ou encore

: « Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. »

Enfin, la Constitution de 1958 affirme dans son article 1er : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »

Nous ne pouvons qu'exprimer une grande fierté d'appartenir à un pays qui place la notion d'égalité à ce niveau d'exigence, ce qui fait de la France la patrie des droits de l'homme.

Il s'ensuit que toute la législation française a mis en pratique ce principe d'égalité, ce dont nous ne pouvons évidemment que nous féliciter.

La lutte contre les discriminations, et donc pour le respect absolu du principe d'égalité, doit être un combat de tous les instants. Car au-delà des grands principes et même de la loi, il convient de faire évoluer les mentalités.

Dans les périodes d'instabilité sociale, comme celle que nous connaissons depuis plusieurs décennies, les phénomènes d'exclusion ont tendance à se multiplier, y compris dans la vie quotidienne de nos concitoyens.

Les uns et les autres, nous y avons réfléchi et nous avons essayé d'apporter des solutions, avec des succès - reconnaissons-le - relatifs.

Aujourd'hui, nous avons à examiner la proposition de loi présentée par Jean Le Garrec. C'est un texte qui reprend plusieurs articles figurant dans le projet de loi de modernisation sociale, qui aurait dû être discuté en juin dernier et qui ne l'a pas été en raison de l'ordre du jour chargé de notre assemblée.

Cette proposition de loi porte sur les discriminations sexuelles, raciales, religieuses, etc., dans le cadre professionnel, estimant que la législation actuelle n'est pas adaptée. Ce texte s'appuie notamment sur une directive européenne du 17 décembre 1997 faisant peser la charge de la preuve sur l'employeur, dans les cas de discrimination en raison du sexe.

Rappelons que, dans ce domaine, certaines expériences ont été tentées avec des résultats mitigés. Ce fut le cas par exemple de la mise en place par le ministère de l'intérieur, en janvier 1999, des CODAC - commissions départementales d'accès à la citoyenneté. Ces commissions étaient chargées d'identifier les cas de discrimination dans le domaine de l'emploi, du logement, de l'accès au service public et aux loisirs. Le bilan de cette action n'est pas très concluant et ne semble pas avoir accéléré le rythme des plaintes pour discrimination.

Enfin, depuis le mois d'avril le numéro vert, dont on a parlé, est disponible pour recueillir le témoignage de victimes et les aider ; le « 114 » a reçu plus de 2 000 appels par semaine dont 500 ont été traités par les écoutants et 1 700 fiches de signalement ont été transmises aux CODAC.

Selon les termes mêmes du Haut Conseil à l'intégration, les discriminations sont multiples et complexes, mal mesurées car souvent cumulatives. Néanmoins ce phénomène est très présent.

J'ai, dans ma circonscription, une zone franche urbaine qui comprend une population d'origine étrangère très importante. Combien de fois des jeunes gens, bien dans leurs bottes et parfaitement intégrés m'ont dit : « Je ne trouve pas de travail car, quand je réponds à une annonce et que je dis que je m'appelle Mohamed et que j'habite le quartier de l'Ariane, la plupart du temps, soit on me raccroche au nez, soit on me dit qu'on me rappellera » - ce qui évidemment n'est jamais le cas !


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Les exemples ne manquent pas, hélas ! C'est le cas de l'offre d'emploi qui, dans la description du profil, indique : « pas typé ». Ce racisme-là existe au quotidien et chacun s'accorde à reconnaître que, loin de diminuer, il a tendance à se développer.

A ce stade de mon propos, je tiens à dire - et je regrette que le ministre de la ville soit parti - que les zones franches urbaines, institués par le précédent gouvernement, ont été un outil positif dans la lutte contre les discriminations. Cette loi rend, tout d'abord, les quartiers concernés plus attractifs pour les entreprises, des quartierso ù personne ne voulait s'installer. Ces installations d'entreprises ont contribué à changer l'image de ces quartiers. En outre, qui dit implantation d'entreprises dit, évidemment, création d'emplois. Et le législateur de l'époque a souhaité réserver une partie des emplois créés aux habitants des quartiers inscrits au dispositif de la zone franche.

Ainsi, pour illustrer mon propos, dans la zone franche de l'Ariane, à Nice, le nombre d'emplois a plus que doublé le nombre d'emplois existants. Et, sur les emplois créés, plus de 40 % ont été attribués à des habitants de ce quartier.

Pourquoi ai-je tenu à rappeler cela ? Parce que cette loi contribue - me semble-t-il - efficacement à la lutte contre les discriminations et, malheureusement, votre gouvernement veut supprimer les zones franches urbaines, ce qui est parfaitement illogique et incompréhensible.

Dans un autre domaine, chacun ou chacune d'entre nous a entendu parler des inégalités dans le travail par rapport au sexe. C'est le cas, par exemple, d'une entreprise qui dit préférer la candidature d'un homme plutôt que celle d'une femme, alors que l'emploi pourrait s'adresser de façon égale à l'un ou à l'autre, si l'on se fondait seulement sur des critères de compétence professionnelle. On pourrait encore citer de nombreux autres exemples dans le même ordre d'idées.

Les dispositifs actuels en matière de lutte contre la discrimination dans le travail sont difficilement applicables.

L'arsenal juridique semble, à première vue, assez complet, le code du travail sanctionne toutes mesures discriminatoires à l'égard d'une salarié de la part de son employeur ; l'article L. 122-45 prévoit qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ; aucun salarié ne peut être sanctionné, ou licencié en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de sa situation de famille, de son appartenance à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de son état de santé ou de son handicap.

Le code pénal prévoit, dans son article 225-2, deux ans d'emprisonnement et 200 000 francs d'amende à l'encontre des contrevenants.

En outre, il est interdit à tout employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en ce qui concerne l'embauche, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, l'avancement, la rémunération et l'octroi d'avantages sociaux, les mesures de discipline et de congédiement.

Malgré l'état de la législation, on ne peut dire que la lutte contre les discriminations soit néanmoins des plus efficaces. Il est tout à fait vrai de dire que la faiblesse des condamnations réside dans la difficulté pour le salarié ou pour le candidat à un emploi, de prouver qu'il y a eu discrimination. Actuellement, la charge de la preuve pèse uniquement sur la victime, et les exemples ne manquent pas qui tendent à démontrer que, souvent, face à ces difficultés, la victime renonce à porter plainte.

Il n'existe pas de statistiques d'ensemble sur le sujet.

Néanmoins, le chiffres communiqués par les parquets concernant le nombre de plaintes restent peu importants.

En 1997, seize plaintes ont été enregistrées par les parquets de la cour d'appel de Caen et seize pour Rouen, dix procédures ont été établies à Pau. Le nombre des condamnations est encore plus faible. Toutes procédures confondues, il s'élève à 74 en 1995, à 81 en 1996.

M. Maxime Gremetz.

Ils ne vont pas signer leur arrêt de mort en allant porter plainte !

M. Rudy Salles.

Dix condamnations ont été prononcées en 1996, pour discrimination dans l'offre ou la fourn iture d'un bien ou d'un service, en vertu de l'article 225-2 du code pénal.

La question de la charge de la preuve est un sujet important et qui renvoie aux difficultés rencontrées pour recueillir ces preuves. Un aménagement de la charge de la preuve pourrait donc constituer un progrès pour lutter contre les discriminations dans le travail.

La proposition de loi indique que le salarié n'est plus obligé d'apporter tous les éléments de preuve, mais seulement des débuts de preuve, des indices. Le chef d'entreprise doit, de son côté, apporter la preuve que seules des raisons objectives ont motivé sa décision. C'est ensuite le juge qui appréciera la situation.

Néanmoins, pour qu'un tel système fonctionne bien, et c'est évidemment ce que souhaite chacun d'entre nous, ici, si les comportements discriminatoires sont évidemment à bannir, il importe cependant d'éviter des recours manifestement abusifs à des fins strictement personnelles.

Il ne faudrait pas que, pour se « payer un patron », on lance, pour un oui ou pour un non, une procédure pour discrimination.

M. Maxime Gremetz.

Mais qui veut se payer un patron ?

M. Rudy Salles.

Et là, je reconnais que le risque est grand. Et croyez-moi, ce sentiment que j'exprime devant vous est celui d'un parlementaire qui souhaite faire avancer la législation dans le sens d'une lutte plus efficace contre les discriminations, mais qui n'accepte pas les injustices, d'où qu'elles viennent.

C'est pourquoi il me semble impératif, comme je l'ai exprimé en commission des affaires sociales, d'amender ce texte en prévoyant un mécanisme de sanction pour les salariés et les représentants syndicaux ayant manifestement ouvert une procédure abusive, et uniquement dans ces cas, bien entendu.

M. Maxime Gremetz.

Il faut en rire ?

M. Rudy Salles.

Cela fait rire M. Gremetz ! C'est cette catégorie de comportements que je vise et non ceux qui, en toute bonne foi, engagent une procédure.

Cette proposition n'a pas été retenue par la commission, ce que je regrette. Je vous pose encore une fois la question : comment peut-on être favorable au développement des recours manifestement abusifs, qui peuvent mettre en péril une entreprise et donc l'emploi ? Pour ce qui concerne la lutte contre les discriminations sur des critères ethniques ou raciaux, le rapport de JeanMichel Belorgey soulignait que celle-ci devait aller de pair avec le renforcement des stratégies d'intégration, car ce


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sont finalement les deux faces d'un même problème. Ce sont là aussi des mots sur lesquels il ne peut y avoir que consensus. Néanmoins, il convient de ne pas faire de démagogie, ni d'un côté ni de l'autre de l'échiquier politique.

Les années 80 ont amené la politique dans une impasse, avec des propos simplificateurs, dont la droite et la gauche ont été responsables. Nous avons vu où cela nous amenait : à une augmentation de la xénophobie se traduisant par des votes extrêmes. Cela n'est pas raisonnable. Il n'est pas plus raisonnable aujourd'hui de relancer de manière réductrice certains débats qui risquent à nouveau d'enflammer l'opinion publique. Je voudrais vous donner quelques exemples.

La régularisation, en 1997, d'une partie des étrangers en situation irrégulière, laissant l'autre partie sur le territoire, sans papier, et donc sans possibilité d'intégration, est une erreur. Les recalés de la circulaire Chevènement devaient être reconduits à la frontière, car la clandestinité n'est bonne pour personne, ni pour le clandestin, ni pour le pays d'accueil, ni pour l'étranger en situation régulière, ni enfin pour le Français d'origine étrangère. L'intégration a ses exigences, dont il faut tenir compte. Et la lutte contre les discriminations passe aussi par là. Ces mesures ont donc été contre-productives en la matière.

Autre exemple : la proposition d'accorder aux étrangers le droit de vote, ce qu'ils ne réclament d'ailleurs pas, est ressentie par une partie importante de l'opinion française comme une provocation. Le résultat conduit à faire monter encore un peu plus la xénophobie, et donc à favoriser les discriminations.

Je ne cite pas ces exemples pour polémiquer, et c'est avec un immense regret que je fais ces constatations.

Mais c'est mon devoir de les exprimer, et de les exprimer à cette tribune.

Je voudrais enfin dire qu'au-delà des textes permettant de lutter contre les discriminations et figurant dans nos codes, il faut, me semble-t-il, aider à faire évoluer les consciences, les mentalités. Et cela ne passe pas simplement par la loi. Nul n'est censé ignorer la loi, mais combien de Français lisent quotidiennement le Journal officiel ? La lutte contre les discriminations doit également passer par les moyens modernes de communication. La coupe du monde de football de 1998 a fait beaucoup plus de bien à la lutte contre les discriminations et à l'intégration que ne le fera jamais la loi.

L'Etat devrait s'engager à faire, chaque année, une grande campagne de pédagogie ou de publicité, permettant d'exalter les valeurs républicaines, de façon à ce que celles-ci ne sonnent pas comme de simples mots ornant les bâtiments publics. Au lieu de laisser bafouer ces notions, qui sont pourtant garantes de l'épanouissement de chacun, diffusons-les, donneur-leur la force qu'elles méritent, pour s'imposer dans toutes les têtes. Nous avons la chance que la République repose sur ces principes de portée universelle. N'ayons aucune frilosité à en être des propagandistes zélés.

Pour conclure, je veux affirmer combien le groupe UDF est pleinement désireux de participer à ce débat et d'apporter sa contribution à la lutte contre les discriminations. Nous avons déposé un certain nombre d'amendements qui visent à rendre ce texte plus équilibré, et donc plus juste. J'espère que nos propositions seront examinées avec soin et retenues par notre assemblée, dans un climat plus serein que celui de la commission des affaires sociales. Car, à entendre certains de nos collègues, on avait l'impression que seules les propositions de la gauche étaient dignes d'intérêt.

Dans un débat sur la discrimination, donc sur la tolérance, vous avouerez que ces comportements sont pour le moins décalés.

La générosité, le respect de la personne humaine, l'attachement aux grands principes républicains, que j'ai rappelés dans mon introduction, ne sont le monopole d'aucun groupe dans cette assemblée.

M. Maxime Gremetz.

Oh !

M. Rudy Salles.

Surtout pas le vôtre, monsieur Gremetz ! C'est pourquoi le groupe UDF a déposé une série d'amendements qui nous paraissent importants pour que ce texte ne reste pas simplement un effet d'annonce ou n'ouvre la porte à des abus. Nous déterminerons notre position en fonction de votre capacité à accepter les propositions que nous vous ferons. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-MichelMarchand.

M. Jean-Michel Marchand.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes appelés à adapter notre législation aux évolutions touchant le monde du travail, notamment à la suite de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail, et à rapprocher nos textes législatifs de ceux de nos voisins européens.

Il est important pour la France, patrie de la Déclaration des droits de l'homme, de par son histoire et de par l'image qu'elle véhicule, qu'une telle proposition soit faite. Il est important d'engager un pas supplémentaire vers un plus grand respect de la personne.

La proposition de loi déposée par Jean Le Garrec et par le groupe socialiste a pour objectif d'adapter la lutte contre les discriminations, essentiellement en matière d'emploi.

Elle complète ainsi une politique plus générale menée depuis trois ans par le Gouvernement qui, en luttant contre les formes de discriminations, réaffirme le principe fondamental d'égalité entre les citoyens, renforce la cohésion sociale et réactualise le pacte républicain. Je citerai pour mémoire la mise en place des commissions départementales d'accès à la citoyenneté, CODAC, les groupements d'études sur les discriminations, la tenue des assises nationales de la citoyenneté et, bien entendu, l'ouverture du numéro vert.

Les Verts se réjouissent de tels compléments et tiennent à souligner les avancées de ce texte, eux qui oeuvrent depuis le début sur ces questions. Le débat que nous avons eu dans cet hémicycle sur le droit de vote des étrangers est là pour nous le rappeler.

Ces compléments sont triples : aménager la charge de la preuve pour une personne victime d'une discrimination tant à l'embauche que sur l'ensemble de la carrière des salariés, et c'est un point essentiel ; donner aux organisations syndicales la possibilité d'ester en justice en faveur des candidats à l'emploi ou des salariés des entreprises ; enfin, insérer dans les négociations collectives ce type de questions. Il sera nécessaire, bien entendu, de modifier un certain nombre d'articles du code du travail, du code pénal et du code de la sécurité sociale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

Tout en prenant acte de ces avancées, il nous faut néanmoins regretter la vision par trop minimaliste du texte proposé, qui reste en deçà des possibilités offertes.

Ainsi, la preuve à charge qu'évoque la proposition de loi existe déjà dans le droit européen depuis 1981. De même, les organisations syndicales ont la possibilité depuis 1983 - c'est un texte de notre collègue Yvette Roudy s'appuyant sur une directive européenne de 1976 de soutenir les femmes victimes de discriminations dans le monde du travail.

Vous proposez d'élargir ces différentes dispositions.

Pourquoi s'arrêter en chemin ? Les députés Verts ont donc fait plusieurs propositions pour améliorer le texte.

Ils ont ainsi proposé de donner aux témoins intervenant lors des procès concernant les actes discriminatoires la protection indispensable, d'élargir les attributions des inspecteurs du travail en leur permettant d'avoir accès aux dossiers personnels des salariés et d'oeuvrer en association avec les syndicats de salariés, d'offrir une meilleure indemnisation des personnes reconnues victimes de discriminations par la justice, une véritable indemnisation.

La France est bien en retard par rapport à la jurisprudence européenne. D'où nous vient cette réticence, voire cette résistance à la mise en oeuvre de tels textes ? Que la société soit en retard ou frileuse, on peut certes le comprendre, mais on doit le regretter et, surtout, y remédier. C'est donc au monde politique d'être plus volontariste. Puisque, selon l'adage, gouverner, c'est prévoir, mesdames les ministres, mes chers collègues, c'est à une politique plus audacieuse en matière de lutte contre les discriminations que j'en appelle, mais, d'ores et déjà, prenant acte du travail accompli en commission et des améliorations obtenues, les députés Verts voteront ce texte.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, nous engageons donc le débat sur cette proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations. Ce texte, dont l'examen a lieu dans le cadre de la « fenêtre parlementaire », pourrait a priori ne recueillir que l'adhésion de ceux qui veulent combattre les discriminations. Pourtant, il suscite chez nombre de parlementaires et d'acteurs de terrain des interrogations, des inquiétudes, des critiques.

La majorité de cette assemblée ayant pour ce texte issu de ses rangs les yeux de Chimène, et une partie de l'opposition la crainte de se voir taxée de conservatisme, voire de suppôt du patronat,...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

On n'a jamais dit ça !

M. Pierre Cardo.

Pas encore, mais ça va venir !

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

C'est tentant, effectivement !

M. Pierre Cardo.

... je me permettrai d'essayer d'expliquer, en tant que parlementaire mais aussi employeur dans les collectivités, dans le système associatif et dans l'entreprise, salarié pendant vingt ans dans la gestion du personnel, les raisons de l'opposition de mon groupe à ce texte.

Pour commencer, j'analyserai les raisons de cette proposition telles que vous les évoquez dans le rapport.

« Il est possible de relever quelques lacunes du droit français dans l'appréhension du phénomène de discrimination. » C'est fort comme argument

! Il y en a d'autres, heureusement ! « Certains motifs font défaut, comme l'orientation sexuelle. » J'en souhaite

aux juges pour déterminer les arguments objectifs d'un employeur ayant promu un individu hétérosexuel par rapport à un autre, homosexuel, quand ces éléments n'ont pas à être connus de l'employeur et qu'il faudra savoir s'il savait ou non ce qu'il n'avait pas à savoir...

Autre argument avancé : « L'exécution du contrat de travail fait l'objet d'une moindre protection », de même que « l'accès aux stages ».

Pour clore la liste, le nouvel article 13 du traité CE introduit par le traité d'Amsterdam, mais j'y reviendrai tout à l'heure.

Pour soutenir votre argumentaire, vous utilisez ensuite les statistiques - plus de chômeurs parmi les étrangers que parmi les Français -, en oubliant que le niveau de qualification n'est pas toujours le même.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est faux !

M. Pierre Cardo.

Dans l'automobile, l'essentiel des licenciés des années 80-90 - et nous sommes un certain nombre à être bien placés pour le savoir - ont été les pe rsonnels des chaînes sans qualification, pour la plupart des étrangers primo-arrivants, majoritairement illettrés en français et dans leur langue d'origine. Ils sont pour beaucoup encore au chômage, le mythe du retour au pays ayant disparu, et la discrimination n'a pas grand-chose à voir avec cela.

La preuve, l'Etat, à l'époque, par le biais de l'ANPE et de l'AFPA, les orienta sur des stages, notamment d'informatique, comme les Français, stages dont on peut imaginer l'efficacité. Comme quoi l'égalité de traitement a parfois des effets pervers ! Quant aux jeunes des quartiers ayant un nom à consonance étrangère et ne trouvant pas de travail, comme le dit le rapport, beaucoup d'entre eux ne sont pas qualifiés, l'égalité de traitement dont ils ont bénéficié à l'éco le les ayant souvent conduits à l'échec scolaire.

On peut comprendre leurs difficultés à l'embauche, surtout ces dernières années, par rapport à des offres d'emplois essentiellement qualifiés. On peut aussi comprendre qu'ils ne souhaitent pas, pour les offres non qualifiées, retrouver le métier dévalorisé de leurs pères : travail à la chaîne ou dans le bâtiment.

Pour le reste, le problème n'est pas, pour le jeune issu d'un quartier ou de l'immigration, d'obtenir un emploi mais d'obtenir un diplôme. Où se situe la discrimination et en quoi ce texte règle-t-il un tant soit peu le problème dans ces cas-là ? Je n'ai tenu ce raisonnement que pour rappeler qu'il y a trois formes de mensonge : le mensonge simple, le mensonge aggravé et les statistiques. Vous deviez le savoir puisque vous êtes amenés, pour étayer vos raisonnements, à utiliser ensuite un certain nombre d'exemples peu nombreux mais éloquents.

En voici un : M. Raoul Lachhab, ayant déposé deux C V identiques sous deux noms différents, se voit répondre positivement à celui où il a inscrit un nom français et pas à l'autre. La plainte déposée pour discrimination à l'embauche a été classée sans suite par le procureur de la République.

Si la plainte est fondée, où se situe le problème ? Est-ce l'absence de texte ou l'attitude du procureur ? Dans ce cas, est-ce la loi qui est en cause ou son application ? Revenons-en à la loi.


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Manquerait-il des textes sur la discrimination ? Vous en citez au moins cinq qui sanctionnent déjà la discrimination pour les offres d'emploi, l'embauche, l'exécution du contrat de travail, l'encadrement des pouvoirs de sanction de l'employeur, le contenu du règlement intérieur et les conventions collectives, les sanctions allant jusqu'à deux ans de prison et 200 000 francs d'amende.

Le dispositif existe donc déjà et suffirait, s'il était appliqué, à calmer tous ceux - minoritaires, il faut tout de même le rappeler - qui auraient envie d'avoir ce comportement inacceptable que nous voulons condamner, mais il est parfois mal appliqué.

Que nous demande en fait le traité CE issu du traité d'Amsterdam sur lequel vous vous fondez pour justifier votre nouveau texte ? Le conseil des ministres « peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle ». Or le conseil des ministres, en France, ne l'a fait ni par le biais de la loi, ni par un autre, d'ailleurs.

Je comprends son malaise. Vouloir réserver au secteur privé seul, par le biais du code du travail, le problème des discriminations, quand on n'est pas clair dans le secteur public ou assimilé, relève d'un procès d'intention supplémentaire à l'égard du monde de l'entreprise et d'un aveuglement inquiétant. Alors mieux vaut que ce soit une proposition de loi qu'un projet de loi, cela évite les examens de conscience.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Tout à fait !

M. Pierre Cardo.

Qui, en effet, a fait voter en 1990 une loi légalisant la discrimination dans la fonction publique ? Qui a interdit aux collectivités locales et aux entreprises publiques de recruter des étrangers, sauf en contrat précaire type CES ou CEC ? Qui a cette seule prérogative de maintenir dans la précarité par des contrats à durée déterminée, renouvelables ou non, régulièrement, notamment les étrangers ou les moins favorisés, sinon l'Etat et la fonction publique ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Bravo !

M. Pierre Cardo.

Ceux-là même, qui condamnent l'usage abusif des contrats à durée déterminée dans le privé, pourtant largement encadrés par le droit du travail ! Et ceux-là même, qui voudraient octroyer un droit de vote à ces mêmes immigrés sans pour autant les autoriser à devenir acteurs à part entière du service public.

C'est ça la citoyenneté à deux vitesses ! Autre exemple : les professions libérales, médecins, notaires, etc. Seuls les titulaires d'un diplôme français, voire de la Communauté européenne, peuvent les exercer.

N'est-ce pas une forme de discrimination à peine déguisée dans un certain nombre de cas ? Cela réduit au passage le poids de votre argument statistique sur le pourcentage trop élevé de chômeurs diplômés étrangers par rapport aux Français.

M. François Goulard.

C'est vrai !

M. Pierre Cardo.

Si je devais traduire votre perception du problème : dans le privé, la précarité est immorale ; dans le public, c'est une chance.

M. François Goulard.

Tout à fait !

M. Pierre Cardo.

Imaginez maintenant un petit chef d'entreprise - ce sont les plus nombreux -, n'ayant pas de service du personnel, ce qui est souvent le cas, déjà dépassé par les contraintes que lui impose notre pays, coincé entre sa banque, l'URSSAF, les mauvais payeurs, ses marchés, et amené à appliquer votre énième loi sur la discrimination.

Dans un service de quatre salariés, s'il accorde une augmentation ou une promotion, on peut se demander comment cela se terminera pour lui si, par malheur, il augmente celui qui est français, de sexe masculin et hétérosexuel, et que, par hasard, parmi les trois autres, il se trouve une femme, un étranger et un homosexuel. A sa place, j'augmente tout le monde et je raisonne à l'ancienneté !

M. François Goulard.

Très bien !

M. Pierre Cardo.

Pour rester sérieux, et en arriver à une conclusion, je dirai seulement que je trouve dangereux de multiplier les textes pour un problème qui est certes à traiter, mais qui est déjà bien encadré par la loi.

Il est dommage de toujours viser l'entreprise par ce type de disposition quand l'Etat lui-même ne donne pas l'exemple.

Ce que je ne sais pas, c'est ce qu'apporte par exemple le fait d'écrire que « la commission nationale a qualité pour faire toute proposition pour promouvoir dans les faits... ». Rien ne l'empêche de faire des propositions avec

ou sans loi, et je crains que cette phrase ne soit tout aussi utile pour régler le problème de la discrimination que le texte de loi en lui-même.

Mais cette loi est surtout dangereuse dans sa philosophie, car, sous couvert de lutte contre les discriminations, elle cible une fois de plus l'entreprise comme lieu de tous les excès...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais non !

M. Pierre Cardo.

... alors que c'est cette dernière qui crée la richesse du pays et finance directement ou non le service public dont nous avons la charge, qui, lui, se dispensera allègrement de la plupart des contraintes préconisées dans ce texe ou déjà existantes. C'est tout de même un peu fort !

M. François Goulard.

Très juste !

M. Pierre Cardo.

Il fallait un texte qui favorise la médiation, la responsabilité et l'incitation afin d'améliorer par le dialogue social le comportement des acteurs. On parle d'éducation dans bien des domaines, on aurait pu en parler dans le monde du travail.

Vous proposez, à l'inverse, un texte qui rigidifie, alourdit, assiste, sanctionne, risque de multiplier les contentieux - et on ne se donnera pas les moyens de les gérer, comme d'habitude -, sans apporter de vraies réponses à un problème de société, qui a, de toute façon, ses sources ailleurs, et vous le savez, que dans l'entreprise, mais c'est tellement meilleur pour la conscience du politique que de débiter des textes comme on débite des prières et de limiter la lutte contre la discrimination au monde du travail quand elle concerne l'école, le social, la justice, la sécurité, le logement et j'en passe ! Alors vous avez choisi un bouc émissaire, l'employeur du secteur privé, et fait l'impasse sur un texte plus large, plus juste, plus ambitieux, donc plus dérangeant pour nous tous, qui aurait réellement lutté contre les discriminations dont souffre notre société.

C'est une forme de discrimination hypocrite et nous ne nous y associerons pas. Ce sera donc un vote contre et, pour faire moi aussi original, un vote contre positif mais un vote contre.

M. François Goulard.

Très bien !


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M. le président.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, on pouvait lire dans un quotidien du soir en juin dernier, le témoignage suivant titré : « Licencié pour faute » :

« Nicolas, trente ans, n'est pas partisan d'une homosexualité affichée et revendiquée. Dans son entreprise, il n'a pas souhaité s'épancher sur sa vie personnelle. Seulement, un jour, l'un de ses collègues a insisté. Il voulait savoir. "J'ai fini par lui dire, n'aimant pas mentir. Cela ne lui posait apparemment aucun problème."

« Au bout de quelques mois, des rumeurs se mettent à courir. Nicolas est notamment accusé de harcèlement à l'encontre de ses collègues. "J'ai découvert d'où venaient les rumeurs. Les auteurs occupaient le même bureau que moi. L'ambiance de travail s'est dégradée très fortement.

J'ai essayé d'encaisser en gardant tout pour moi. Alors que jusqu'à présent l'homosexualité n'était pas un sujet de discussion, tout à coup, les quolibets sur les homosexuels en général ont fusé."

« Après deux mois de silence, Nicolas craque. Il adresse un e-mail à sa hiérarchie, sans citer de noms. Il est alors convoqué, relate les faits mais refuse toujours de dénoncer ses collègues. "Les témoins, tous ceux qui se disaient proches de moi et qui pouvaient attester de la véracité des propos tenus contre moi ont tous refusé de me soutenir et de témoigner."

« La sanction tombe. Le jeune homme est licencié pour faute. "Mon message a été considéré comme diffamatoire.

Mes compétences professionnelles n'ont jamais été mises en cause." » C'est pour ne plus avoir à lire cela que le groupe socialiste, sous l'impulsion décisive de Jean Le Garrec, a souhaité prendre à nouveau l'initiative de soumettre au débat de notre assemblée une proposition de loi visant à tendre vers une plus grande égalité des droits, reprenant pour cela quatre des articles du projet de loi de modernisation sociale déposé au printemps par le Gouvernement.

Comment ne pas s'en féliciter alors que nous fêterons demain le premier anniversaire du vote définitif du PACS qui, selon des statistiques publiées à la fin du mois de juin dernier, a permis à 38 000 personnes d'organiser leur vie commune sur une base contractuelle qui rassemble couples de sexes différents et couples de même sexe ! Aujourd'hui, il s'agit de lutter contre les discriminations au travail, c'est-à-dire dans un cadre où nous passons tant de notre vie et qui, du fait des rapports hiérarchiques existants, amplifie la souffrance et trop souvent l'impuissance des personnes discriminées.

Cette proposition de loi étend sensiblement les droits des salariés, et tout d'abord grâce à l'extension des périodes de la vie en entreprise susceptibles d'être l'objet de mesures discriminatoires. L'accès à un stage ou à une période de formation sera désormais pris en compte.

Parallèlement, la liste des circonstances dans lesquelles les salariés sont particulièrement exposés aux mesures discriminatoires est largement étendue.

Une autre disposition majeure consiste à aménager la charge de la preuve au bénéfice du salarié en cas de discrimination. Cet aménagement est en parfaite conformité avec les recommandations communautaires ainsi qu'avec les conclusions de l'enquête sur la lutte contre le racisme et la xénophobie réalisée par la Commission nationale consultative des droits de l'homme et récemment publiée.

Les difficultés rencontrées à l'heure actuelle par les victimes pour démontrer qu'elles ont bien été discriminées rendent en effet très théorique l'accès au droit.

Actuellement, certains motifs de discrimination et, plus encore, certaines formes de discrimination font défaut.

J'ai donc proposé des modifications à notre rapporteur. Il les a accueillies si favorablement que nous les portons ensemble, et je l'en remercie vivement.

Elles visent notamment à élargir le champ des discriminations à l'orientation sexuelle mais également à l'apparence physique et au patronyme. Nous avons souhaité adjoindre ces nouveaux motifs de discrimination non seulement à l'arrticle L.

122-45 du code du travail et à l 'article L.

122-35 relatif au règlement intérieur de l'entreprise, mais aussi à l'article 225-1 du code pénal, permettant ainsi d'élargir la définition même de discrimination.

En ce qui concerne l'orientation sexuelle, quinze ans après l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Michel, qui avait conduit à compléter le code pénal en introduisant des dispositions protégeant les personnes contre les discriminations liées à leurs moeurs, nous avons souhaité être plus précis dans l'écriture de notre droit.

Nous le faisons à la lumière d'une jurisprudence qui interpellait les législateurs que nous sommes sur la nécessité de compléter la notion pionnière de moeurs, étendue depuis, d'ailleurs, à différents codes, mais nous le faisons également en prenant en compte, cela a été dit, le cadre communautaire, et tout particulièrement l'article 13 du traité d'Amsterdam, qui fait référence aux mesures nécessaires à prendre en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle.

A cet égard, Martine Aubry a voulu donner un signe politique fort, en juin dernier, à la veille de la gay pride 2000, en exprimant publiquement son souhait que l'orientation sexuelle fasse son entrée dans le code du travail comme motif de discrimination. Je tenais ce matin à saluer tout particulièrement son engagement personnel, qui n'est pas récent d'ailleurs, pour faire reculer l'homophobie dans notre pays.

Je constate d'ailleurs que les échanges que nous avons eus en commission ont traduit un réel apaisement sur ces questions, qui m'apparaît être une conséquence directe du débat central qui fut celui du PACS.

La lutte contre les discriminations ne sera pas pour autant terminée.

Tout en rappelant que la loi sur la liberté de communication, promulguée le 1er août dernier, a confié au CSA une mission précise pour sanctionner les dérives parfois constatées dans certaines émissions télévisuelles, je souhaiterais évoquer la nécessité de revoir, si possible rapidement, la législation visant à réprimer les propos à caractère discriminatoire.

Pour l'heure, je me réjouis que ce texte apporte véritablement une réponse directe et concrète à des abus maintes fois constatés. La vie quotidienne de nombre de femmes et d'hommes, dans un cadre aussi sensible que celui de l'entreprise qui les emploie, en sera sensiblement modifiée, n'en doutons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Anicet Turinay.

M. Anicet Turinay.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, madame la ministre, le code du travail, dans son article L. 122-45, et le nouveau code pénal, à l'article 225-2, définissent et condamnent les discriminations à l'embauche. Pourtant, nous voilà réunis dans cette assemblée pour tenter de trouver une solution à ce problème, car il n'est pas résolu.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

Il est vrai que, malgré la législation actuelle régissant l'embauche des personnes, la discrimination à l'emploi est encore trop fréquente dans notre société. Elle est, avec la discrimation à l'accès au logement, la première source de discrimination dans notre pays.

La proposition de loi que nous examinons vise à adapter les dispositions actuelles du code du travail et du nouveau code de procédure pénale afin de mieux protéger l'ensemble des salariés contre les discriminations à l'embauche. Cependant, un tel texte peut-il aider à régler un problème qui ne se limite pas à l'emploi, mais pose de façon plus large la question du racisme en France ? A titre d'exemple, un Blanc, étranger, qui maîtrise la langue française rencontrera peu de difficultés à s'intégrer dans l'entreprise. En revanche, un Noir, quel que puisse être son niveau de connaissance, son degré d'européanisation, se verra, de par sa couleur, fermer beaucoup de portes.

En effet, comment définir de façon objective la discrimination à l'embauche et comment ne pas tomber dans le côté pervers de la présomption de discrimination ? Nous sommes là devant un sujet à double tranchant.

La vraie façon de s'attaquer au problème de la discrimination commence, à mon sens, par une éducation des mentalités afin de les faire évoluer. Et là, notre gouvernement a des responsabilités qu'il n'arrive pas à assumer.

Comment est perçue dans l'opinion publique la présence des personnes qui n'ont pas l'apparence physique européenne ou dont le patronyme n'est pas de consonance française, alors qu'il s'agit de personnes possédant la nationalité française ? Une des origines du racisme est l'ignorance. Il est important que les Français connaissent leur histoire. Aussi l'éducation nationale doit-elle, dans ses programmes scolaires, consacrer plus de place à l'histoire de la colonisation française en Afrique, en Asie et en Amérique pour que chaque Français comprenne que nous formons une nation multi-ethnique et multiculturelle.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Très bien !

M. Anicet Turinay.

Combien de métropolitains savent ce qu'est un département d'outre-mer ? Que savent-ils de son histoire ou de sa géographie ? La représentation des minorités dans l'audiovisuel public est inexistante. Nous n'avons aujourd'hui, en France, aucun présentateur de couleur à la télévision, contrairement à nos voisins européens.

L'intégration des étrangers dans la société française peut-elle se réaliser dans le contexte de la concentration ethnique telle qu'elle prévaut dans certains départements de la banlieue parisienne ? La politique gouvernementale en matière d'immigration et d'intégration devrait se renforcer et être plus exigeante.

Il faut reconnaître l'intérêt de cette proposition de loi mais elle n'entraînera pas de changement d'attitude dese mployeurs qui pratiquent la discrimination à l'embauche. Je crains, au contraire, qu'ils ne l'utilisent que pour mieux prévoir, mieux masquer, mieux organiser la discrimination.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Ça, c'est possible.

M. Anicet Turinay.

Je ne vais pas, pour ma part, m'opposer à ce texte. Cependant, en dépit de la bonne intention affichée, on peut s'interroger sur l'efficacité réelle d'un tel dispositif qui ne peut que conduire à la multiplication des contentieux sans pour autant améliorer la situation des salariés de l'entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Robert Gaïa.

M. Robert Gaïa.

Madame la secrétaire d'Etat, madame la ministre, mes chers collègues, en examinant aujourd'hui cette proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations présentée par le groupe socialiste, nous entendons donner tout son sens à la notion d'égalité, fondement de notre république. En effet, discriminer, c'est avant tout porter atteinte à ce principe d'égalité auquel nous attachons tant d'importance.

La volonté de concentrer notre texte, sa portée et ses effets sur la préoccupation première des Français qu'est l'emploi souligne notre capacité d'écoute et l'importance des dysfonctionnements qui existent sur ce terrain.

Le signe donné par ma collègue Catherine Génisson et sa proposition de loi relative à l'égalité professionnelle confirment d'ailleurs ces propos et souligne une fois de plus l'urgence qu'il y a à adapter notre code du travail à la réalité de la situation de l'emploi.

Les deux axes majeurs de la présente proposition de loi que sont l'aménagement de la charge de la preuve et l'extension tant des types de discriminations que des situations dans lesquelles ils peuvent intervenir sont donc des apports indiscutables et représentent véritablement de nouveaux droits pour les salariés.

Car enfin, mes chers collègues, peut-on tolérer plus longtemps qu'un salarié se voie refuser une embauche, une promotion ou une mutation au motif qu'il serait trop bronzé ou qu'il ne s'appellerait pas M. Durand ? Peut-on supporter qu'un nom à consonance étrangère vous condamne à essuyer des discriminations répétées sur le marché du travail ? Peut-on accepter qu'à compétences équivalentes une femme soit systématiquement exclue au profit d'un homme ? Peut-on accepter sur le marché du travail des discriminations fondées sur des orientations sexuelles ? Peut-on continuer à cautionner une législation qui, en donnant la charge de la preuve au salarié, débouche sur un nombre ridiculement faible de condamnations : en moyenne deux par an ? En effet, si l'on compare le nombre de condamnations au succès rencontré par le « 114 », le numéro d'appel gratuit contre les discriminations mis en place par Martine Aubry, on ne peut que constater la difficulté qu'il y a aujourd'hui à faire aboutir une procédure en cas de discrimination.

Ainsi, en aménageant la charge de la preuve de telle sorte qu'il incombe désormais à l'employeur de prouver sa décision par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination, la présente proposition de loi offre au salarié ou au candidat à l'embauche une possibilité nettement plus efficace d'agir en cas de discrimination.

Je me félicite aussi que les acteurs sociaux soient renforcés dans ce combat. La possibilité désormais inscrite dans la loi pour les organisations syndicales représentatives et certaines associations d'ester en justice à la place d'un salarié ne peut que contribuer à renforcer les droits des salariés en la matière.

Que penser d'une société qui exclut aussi facilement ceux qui désirent ardemment s'y insérer, notamment par le travail ? Trop nombreux sont les exemples de ce type d'exclusion.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

L'extension aux stages, aux mutations, aux formations professionnelles et aux rémunérations de la lutte contre les discriminations est un signe fort donné à tous celles et ceux qui seraient tentés de renoncer.

Bien sûr, il faudra élargir notre dispositif de lutte c ontre les discriminations à d'autres domaines que l'emploi. Je pense en particulier à l'accès au logement ou aux boîtes de nuit, qui est trop souvent synonyme de parcours du combattant pour nombre de nos concitoyens.

Dans mon département, le Var, trop de constats d'huissier restent sans suite. Ce sera une prochaine étape de notre travail.

Soyons vigilants, mes chers collègues. Que les discriminations ne viennent pas nourrir le communautarisme ou la revendication identitaire. La république doit intégrer tous ses citoyens quels que soient leur origine, leurs moeurs, leur sexe ou leur patronyme.

Oui, mes chers collègues, au droit à la différence, souvent synonyme de différence des droits, conception que partagent en commun Maurras, l'extrême droite ou la droite extrême, je préfère quant à moi le droit à la ressemblance, le droit à l'égalité, dans le respect des différences.

Et c'est là peut-être ce qui me sépare de M. Mariani. Il avait bien débuté son intervention, ce qui n'avait pas manqué de me surprendre. Puis, il y a eu ce « mais », lourd d'ambiguïtés, de fermeture, de rejet ! La suite de son intervention a été édifiante : il ne veut ni institutions ni législations efficaces, il veut en fait que les choses restent en l'état. Quel décalage avec la réalité que vivent les gens au quotidien ! En conclusion, je voulais tout simplement vous dire, madame la ministre, qu'avec cette proposition de loi, le groupe socialiste veut poursuivre avec vous l'oeuvre législative que vous avez conduite depuis plus de trois ans, avec et à l'écoute de l'Assemblée nationale, en faveur des jeunes, de l'emploi et des plus démunis.

Que ce soient les emplois-jeunes, les 35 heures, la loi contre les exclusions ou la CMU, ces lois, vos lois, madame la ministre, sont notre fierté car elles témoignent de ce que vous avez toujours placé au centre de vos préoccupations le respect de l'autre et la lutte contre les injustices par la solidarité, par l'emploi et par l'accès à de nouveaux droits. Vous avez toujours eu ce souci et cette exigence de l'humain. Soyez-en remerciée, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Merci, monsieur Gaïa.

M. le président.

La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson.

C'est un grand plaisir de nous retrouver pour entamer un débat au coeur de la politique, de l'action politique, comme vous vous en étiez déjà félicité la semaine dernière, monsieur le président de la commission. Merci à vous d'avoir été l'initiateur de cette proposition de loi, accompagné en cela par le rapporteur Philippe Vuilque.

Nous sommes au coeur de la politique parce que cette proposition de loi du groupe socialiste permettra à chaque citoyenne et à chaque citoyen de mieux faire valoir ses droits et de mieux faire respecter ses devroirs en matière d'égalité des chances.

Toute discrimination est inacceptable. Ce point a été largement développé par les intervenants précédents ainsi que par vous, madame la ministre, qui avez fait preuve en la matière d'humanisme et de détermination.

Les discriminations raciales ont souvent été au coeur de nos débats, comme vient de le souligner avec force Robert Gaïa.

Je souhaiterais pour ma part évoquer plus particulièrement la situation des femmes, souligner combien les discriminations qu'elles subissent ont des causes imbriquées et complexes, sans qu'elles leur soient pour autant spécifiques.

La discrimination à l'embauche existe encore, bien qu'il y ait peu d'études et de contentieux portant sur ce thème. Elle s'affiche beaucoup moins depuis la loi Roudy, mais elle persiste dans la formulation de l'offre et surtout dans la sélection de la candidature. Certains n'y ont pas renoncé et l'affichent sans vergogne, comme en témoigne cette annonce parue le mois dernier dans un grand quotidien français : « Société Paris 16e recherche homme 30/40 ans dynamique, rigoureux, justifiant expérience pour gestion des stocks, gestion livraisons, gestion service après-vente. » L'Observatoire de la parité a interpellé ce

quotidien pour connaître l'annonceur, mais il est curieusement aux abonnés absents.

Beaucoup plus difficile est le décryptage du parcours de la vie professionnelle, mais les faits sont là : que ce soit en matière salariale, de formation ou de promotion, les inégalités salariales sont encore en moyenne de 27 %, et elles sont d'autant plus importantes que l'emploi est qualifié. A qualification égale, une femme a deux fois moins de chances qu'un ouvrier qualifié d'accéder à une formation. La malchance pour une femme est dans les mêmes proportions quand elle est âgée de plus de trente-cinq ans.

Les femmes ne représentent que 34 % des cadres dont 11 % seulement de cadres de haut niveau.

Je pourrais continuer l'énumération, mais le constat, nous le connaissons tous : ces injustices au quotidien s'installent de façon insidieuse dans une vie professionnelle et pourrissent la vie tout court.

Dès lors, un cadre juridique rénové était nécessaire.

D'où l'importance de cette proposition de loi dont je soulignerai les dispositifs qui me semblent majeurs.

L'extension de la notion de discrimination à toutes les périodes de la vie professionnelle, au-delà de la candidature, des demandes de stage ou de formation professionnelle, à tous les aspects importants de la carrière : rémunération, formation, affectation, classification ou mutation.

L'aménagement de la charge de la preuve pour toutes les discriminations : l'employeur doit prouver que sa décision est justifiée par des arguments objectifs. Bien que cela ne relève pas du domaine législatif, il me semble important, dans le même esprit, d'inciter les entreprises à qualifier de façon la plus précise possible leurs offres d'emplois afin de rendre les plus objectives possible les raisons de leur choix.

La possibilité pour les organisations syndicales d'ester en justice en faveur du candidat et du salarié concerné, sauf si celui-ci s'y oppose.

Le droit d'alerte autorisé pour les délégués du personnel et certaines associations.

Des droits étendus pour l'égalité des chances, pour l'égalité tout court, pour mieux vivre ensemble, enrichi par nos différences et dans le respect de celles-ci.

C'est un grand plaisir que de débattre de ce texte. Ce sera un plaisir encore plus grand de le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Mesdames les ministres, monsieur le ministre, je présenterai quelques remarques sur le texte et répondrai plus particulièrement aux interventions de M. Mariani et de M. Cardo.

Je tiens à remercier notre rapporteur Philippe Vuilque de la grande qualité de son rapport et de la rigueur qu'il a manifestée dans son travail, notamment en se rendant sur place pour écouter les appels reçus au Numéro vert, le 114, appels qui témoignent de la réalité du problème que nous soulevons aujourd'hui.

Je voudrais enfin remercier le président de notre groupe d'avoir, dans le cadre de ce qu'on appelle les fenêtres parlementaires, choisi, pour le groupe socialiste, deux textes importants : celui sur la pilule du lendemain, la semaine dernière ; ce texte contre les discriminations, aujourd'hui. Cela montre la volonté du groupe socialiste de se mettre en situation d'écoute de la société.

Je me contenterai de développer trois thèmes.

J'aborderai le premier en reprenant votre phrase, madame Aubry : « regarder la France en face ». Il s'agit d'une très jolie phrase que je fais volontiers mienne car elle implique un devoir de mémoire et un devoir de respect.

Un devoir de mémoire envers les populations d'origine étrangère installées dans notre pays auxquelles nous devons beaucoup. Vous l'avez dit avec une grande clarté.

Je n'ai rien à ajouter à vos propos si ce n'est que, moimême, il y a quelques années, à la demande du Président François Mitterrand, j'ai travaillé sur ce thème et préparé des texte à ce sujet, qui, par la suite, ont été votés.

Un devoir de respect des principes de notre Constitution et de son Préambule. Mais on sait très bien qu'entre l'affirmation des principes et la réalité vécue, il y a tout un espace, celui des médiocrités, des rejets et des peurs de la différence, espace que nous devons prendre en compte.

On ne peut se contenter du discours sympathique

« blacks, blancs, beurs » quand Zidane ou Dessailly marque un but, quand Diagana ou le remarquable petit boxeur Brahim Asloum remporte une médaille d'or. C'est sympathique mais ce n'est pas suffisant. Car derrière ce discours, d'ailleurs parfois un peu cocorico, se cache une autre réalité, celle dont témoignent les dix mille appels reçus sur le numéro 114. Atteste également de cette réalité le fait que, à Roubaix, sur 5 000 RMIstes, il y a 450 bacheliers d'origine maghrébine et, dans le même temps, les entreprises se plaignent de ne pas trouver des personnels compétents !

M. Pierre Cardo.

Voilà à quoi conduit le fait de vouloir amener 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Et c'est là-dessus, monsieur Cardo, que je voudrais vous répondre car je récuse totalement votre analyse sur la formation et la compétence.

M. Pierre Cardo.

Allez-y ! Je vous écoute !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Il suffit d'examiner, au niveau de l'école primaire, les résultats scolaires pour s'apercevoir que ce sont bien souvent des enfants d'origine étrangère qui, et parce qu'ils sont animés d'une volonté d'insertion, réussissent le mieux leur scolarité. C'est particulièrement le cas des jeunes filles, mesdames.

M. Pierre Cardo.

On déplore dans les quartiers 30 % d'illettrés entrant en classe de sixième !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

L'insuffisance de qualification contient déjà, monsieur Cardo, sans que vous vous en rendiez compte...

M. Pierre Cardo.

La discrimination se fait à l'école !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... le principe du rejet. Je vous connais suffisamment pour pouvoir dire que cela vous échappe...

M. Pierre Cardo.

Non, cela ne m'échappe pas !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

En ce q ui nous concerne, c'est cela que nous voulons combattre.

J'en viens à ma deuxième remarque.

Monsieur Cardo, vous parlez...

M. Pierre Cardo.

Je ne fais pas que parler en ce domaine : j'exerce !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... des critiques que l'on peut adresser aux pouvoirs publics, je les écoute, je les entends.

M. Pierre Cardo.

Alors, tenez-en compte !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est ce que nous nous efforçons de faire.

Je n'ignore pas qu'il y a eu dans des collectivités des détournements d'utilisation de CES. C'est pourquoi nous avons, dans la loi contre les exclusions, tout en contestant la manière dont les CES avaient été utilisés dans certaines collectivités, opéré un recentrage de ces contrats sur les publics le plus en difficulté.

Nous avons lutté, avec l'aide de Mme Aubry, contre ce qui se passait dans l'hôpital public en permettant aux praticiens adjoints contractuels qui, bien souvent, étaient d'origine étrangère, de se présenter à des concours spécifiques leur permettant de régulariser leur situation et de poursuivre leurs activités pendant six ans. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ce n'est pas parce que nous parlons d'un problème du droit du travail qu'il n'existe pas des problèmes ailleurs.

Nous les prenons en compte, monsieur Cardo, et nous continuerons de le faire.

N'usez pas de faux arguments pour critiquer une politique qui a toute sa justesse ! Regardez la France en face, avec sa force, ses faiblesses, et essayez, quand cela est nécessaire, de légiférer ! En l'occurrence, il s'agit de traduire dans la loi ce qui relève d'une demande sociale.

M. Pierre Cardo.

Vous croyez à l'effet magique de la loi !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Nous ne légiférons pas pour le plaisir de légiférer, mais parce que cela nous est tout simplement demandé : nous voulons répondre à la demande des associations, du groupe d'études sur les discriminations et des syndicats.

Il ne s'agit pas du tout de jeter l'opprobre. A cet égard, Mme Cécile Helle a tenu des propos dont je salue la grande rigueur. Notre collègue a rappelé avec raison qu'il y avait beaucoup de chefs d'entreprise - leur grande majorité - qui avaient le souci de l'entreprise, de la qualité du recrutement, et qui oeuvraient avec bon sens.

Ayant moi-même participé longtemps à la vie de l'entreprise, je sais de quoi je parle. Cela dit, il y a aussi des situations où l'on ne tient pas compte de ce que


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

disait Mme Helle, c'est-à-dire « privilégier la compétence au détriment de l'apparence », formule d'une très grande justesse.

Le texte dont nous discutons procède, comme l'a dit le rapporteur, d'une vision préventive. Nous voulons montrer à l'opinion publique, à ceux qui nous le demandent, à ceux qui relèvent du mouvement social, que nous prenons en compte une demande et que nous nous efforçons de légiférer dans le droit du travail - à ne pas confondre, monsieur Mariani, avec le droit pénal - en y introduisant des précautions, des protections indispensables et en prévoyant une action de prévention.

Monsieur Salles, monsieur Mariani, vous dites qu'il y aura des contentieux. Il y en aura d'autant moins que l'action de prévention sera prise en compte.

Au surplus, le texte est remarquablement équilibré : il parle de « faits tangibles », présumant une discrimination.

Il traduit le souci d'une vision équilibrée des responsabilités. Bien entendu, il appartiendra au juge d'analyser ces

« faits tangibles ».

M. Pierre Cardo.

Cela lui appartient déjà !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Il n'est pas question de jeter l'opprobre, mais de répondre à une demande précise qui nous est adressée par une société qui porte des inquiétudes, des angoisses et des critiques.

Le texte relève aussi, mesdames, messieurs les ministres, d'une vision très précise de la politique. Je ne peux accepter l'idée qu'il y ait séparation de la sphère du politique et de la sphère du social. On constate cependant que cette idée de séparation se répand de plus en plus. Pour ma part, je la combats fortement.

M. François Goulard.

Voilà qui est anti-CFDT !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est parce que nous sommes des politiques, c'est parce que nous sommes à l'écoute de la société, c'est parce que nous sommes en contact permanent avec les syndicats, les mouvements associatifs, dont nous avons recueilli l'expression d'une inquiétude légitime, que nous légiférons.

Nous ne légiférons pas du haut de je ne sais quelle position privilégiée.

M. Pierre Cardo.

Et pourtant...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Nous légiférons parce que nous regardons la société en face.

M. François Goulard.

C'est un truisme !

M. Pierre Cardo.

Moi, je suis dans la société !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Comment peut-on dire au politique de ne pas prendre en compte cette vision d'une société en mutation, en évolution, en inquiétude mais aussi en espoir ? C'est cette vision du politique qui, de plus en plus, doit l'emporter et, à ce sujet, vous devriez m'approuver, messieurs ! Ma troisième remarque sera dans le droit-fil de ce que je viens de dire.

Que voulons-nous faire ? Redonner au politique sa signification historique, grecque, et son rôle dans l'organisation de la cité. C'est ce que nous exprimons aujourd'hui.

Madame la ministre, je suis très heureux d'avoir travaillé avec vous sur des textes qui correspondaient à cette vision, qu'il s'agisse de celui, énorme, sur l'égalité professionnelle, de celui sur la lutte contre les exclusions, le premier à balayer tout le champ d'une société, depuis le logement jusqu'à la culture,...

M. Pierre Cardo.

Ce texte est mal appliqué !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... ou encore du texte sur la pilule du lendemain, adopté la semaine dernière.

M. Pierre Cardo.

Vous avez évalué sa mise en oeuvre ?

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Aujourd'hui, nous discutons de la lutte contre les discriminations dans le monde du travail et je vous informe, monsieur Cardo, qu'un texte sur la modernisation sociale, où nous aborderons un autre aspect des discriminations, notamment dans le domaine du logement, est inscrit à l'ordre du jour prioritaire par le Gouvernement.

M. Pierre Cardo.

Quand sera-t-il discuté ?

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ce texte sera débattu avant l'interruption de notre session parlementaire pour cause d'élections municipales, ainsi que vous pouvez le vérifier et comme cela a été prévu en conférence des présidents.

Il n'est pas question pour nous de laisser de côté cet autre aspect, mais nous avons considéré que, face à une demande sociale très forte, il nous fallait prendre en compte les discriminations au travail, préoccupation d'autant plus urgente qu'il y a une demande de l'entreprise.

Nous sommes suffisamment conscients des problèmes que rencontre l'entreprise pour accepter de répondre à ses demandes. Mais commençons par lutter contre les discriminations. Parmi les personnes en recherche d'emploi se trouvent des jeunes d'origine étrangère, français - il faut le souligner -, totalement insérés dans notre société, qui ont reçu une formation, possèdent des diplômes et dont l'entreprise a besoin. On ne peut accepter qu'ils soient rejetés simplement à cause de leur nom.

Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur quiconque, mais chaque jour de regarder en face la réalité des situations que, tous, nous vivons tous les jours.

M. Pierre Cardo.

Je ne suis pas sûr que nous vivions tous la même chose !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est aussi simple que cela.

Il convient de redonner à la politique sa véritable dimension, de rendre à notre société, qui a ses troubles et ses inquiétudes, confiance et équilibre. C'est là une conviction que nous portons au nom de principes républicains et, oserai-je le dire, au nom d'un message jauressien qui garde toute son actualité.

(« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er I. L'article L.

122-45 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 122-45. Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de sa situation de famille, de son appartenance à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du titre IV du livre II du présent code, en raison de son état de santé ou de son handicap.

« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire visée à l'alinéa précédent en raison de l'exercice normal du droit de grève.

« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis aux alinéas précédents ou pour les avoir relatés.

« En cas de litige relatif à l'application des alinéas précédents, le salarié concerné ou le candidat à un recrutement présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

« Toute disposition ou tout acte contraire à l'égard d'un salarié est nul de plein droit. »

« II. L'article L.

122-35 du code du travail est ainsi modifié :

« 1o Au deuxième alinéa, après le mot : "moeurs", sont insérés les mots : ", de leur orientation sexuelle" ;

« 2o Au deuxième alinéa, après le mot : "confessions", sont insérés les mots : ", de leur apparence physique, de leur patronyme,".

« III. L'article 225-1 du code pénal est ainsi modifié :

« 1o Au premier alinéa :

« a) Après le mot : "famille", sont insérés les mots : ", de leur apparence physique, de leur patronyme" ;

« b) Après le mot "moeurs", sont insérés les mots ", de leur orientation sexuelle".

« 2o Au second alinéa :

« a) Après le mot : "famille", sont insérés les mots : ", de leur apparence physique, du patronyme" ;

« b) Après le mot "moeurs", sont insérés les mots ", de l'orientation sexuelle".

« IV. L'article 225-2 du code pénal est ainsi modifié :

« a) Au 5o , après les mots : "offre d'emploi", sont insérés les mots : ", une demande de stage ou une période de formation en entreprise" ;

« b) L'article est complété par un 6o ainsi rédigé :

« 6o A refuser d'accepter une personne à l'un des stages visés par le 2o de l'article L.

412-8 du code de la sécurité sociale. »

« V. L'article L.

611-1 du code du travail est ainsi modifié :

« 1o Au deuxième alinéa, les mots : "à la règle de l'égalité professionnelle" sont supprimés.

« 2o Au deuxième alinéa, après les mots : "au 3o ", sont insérés les mots : "et au 6o ".

« VI. Après le mot : "définies", la fin de l'avantdernier alinéa de l'article L.

611-6 du code du travail est ansi rédigée : "au 3o et au 6o de l'article 225-2 du code pénal". »

La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel.

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, mon intervention a pour but de saluer l'importance d'une disposition précise de l'article 1er , qui étend le bénéfice des protections de la loi aux jeunes dont le cursus scolaire prévoit des périodes de formation en entreprise.

Il n'est naturellement pas dans mon intention de prétendre que les chefs d'entreprise qui offrent ces périodes de formation manifesteraient quelque sentiment raciste dans une proportion différente de celle que l'on constate dans le reste de la société. Bien au contraire : la majorité d'entre eux n'a aucun préjugé de cette sorte.

Cependant, lorsque de tels sentiments se manifestent, leur effet est très destructeur. Pourquoi ? D'abord, parce que nos jeunes ont besoin de ces périodes de formation en entreprise pour valider leur diplôme. C'est donc un double coup qui leur est assené. Ensuite, parce que les enseignants et ceux qui en ont la responsabilité, comme c'est mon cas, ne peuvent manquer de souligner que, dans l'effort d'intégration qu'entreprend notre patrie, génération après génération, la blessure est insupportable et elle peut parfois marquer à vie nos jeunes concitoyens lorsqu'ils découvrent qu'en dépit de ce que leurs maîtres leur ont enseigné les valeurs portées par la république ne sont pas respectées sur le terrain.

L'article 1er , qui fait référence aux périodes de formation en entreprise, nous permet de franchir un grand pas, de faire de l'éducation collective et de montrer à nos jeunes que le Parlement, que notre république les protègent et ont soin d'eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. Thierry Mariani.

Ce sera totalement inefficace !

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, inscrit sur l'article.

M. François Goulard.

Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, l'article 1er est le coeur de la proposition de loi et il mérite de retenir notre attention.

D'abord, le sujet est évidemment des plus sensibles et il touche à l'essentiel.

La discrimination est un comportement toujours et partout haïssable. Il s'agit, chacun le comprend, du respect de la dignité humaine, de la conception même que nous avons de l'homme, de ses droits, du principe fondamental de l'égalité des hommes en droit.

Un débat sur un tel sujet est tout sauf subalterne.

Ensuite, la question soulevée est réelle. Il y a des discriminations dans le monde du travail, on ne peut le nier, et les exemples qui ont été cités ce matin sont vrais.

Q uestion essentielle, question réelle, donc. Pour autant, la réponse est-elle adaptée ? J'espère, mes chers collègues, que vous ne nourrissez pas les uns et les autres d'illusions excessives sur l'efficacité du texte que vous vous apprêtez à voter.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

M. Thierry Mariani.

Il n'en aura aucune !

M. François Goulard.

Il ne fera évidemment pas disparaître comme par enchantement les discriminations que vous dénoncez et que nous dénonçons.

J'espère aussi, mais sur ce point je suis moins certain d'avoir raison, que vous mesurez les inconvénients pour la vie des entreprises. Il est incontestable que vous faites entrer le juge dans les actes les plus quotidiens de l'entreprise : l'attribution d'un stage, d'une formation, d'une promotion. Sur le fondement de ce texte, tout devient matière à contentieux pour le meilleur et pour le pire.

Est-ce avoir une vision trop noire des choses que de dire que le pire peut l'emporter sur le meilleur ? La loi ne mettra pas fin aux pratiques de ceux qui veulent vraiment écarter des candidats pour des motifs détestables et qui prendront des précautions dans la présentation des choses. Elle risque de pénaliser ceux qui auront fait des choix honnêtes mais pouvant être présentés comme discriminatoires.

Je remarque aussi, mais c'est une habitude, que l'Etat demande plus aux autres qu'il n'exige de lui-même.

Le statut de la fonction publique a été évoqué ce m atin. Il écarte les non-nationaux. Est-ce légitime aujourd'hui ? Faut-il, pour enseigner les mathématiques aux enfants, être obligatoirement français ? Je n'en suis personnellement pas convaincu.

S'agissant de l'insertion des handicapés dans le monde du travail, les collectivités publiques - je vous pose la question - sont-elles exemplaires ? La loi impose aux entreprises privées une proportion de travailleurs handicapés, malheureusement sans grand succès, mais elle ne l'impose pas aux employeurs publics. Est-ce juste ? Dans le fonctionnement quotidien des services publics, la discrimination est-elle absente ? Pouvez-vous, mes chers collègues, répondre en conscience qu'elle l'est effectivement ? Comme c'est souvent le cas, la proposition de loi qui nous est soumise témoigne au mieux d'un désir naïf, au pire d'un projet démagogique : instaurer par la loi le règne de la vertu. Pour ma part, je ne crois pas qu'on instaure par la loi le règne de la vertu.

Ce que je crois, en revanche, c'est que l'Etat a le devoir de donner à chacun le maximum de chances dans la vie.

Ce que je crois, en revanche, c'est qu'aujourd'hui l'Etat ne fait pas ce qu'il faut pour donner à chacun le maximum de chances dans la vie.

Ce que je crois, c'est que tant que l'Etat n'assurera pas, par exemple aux jeunes issus de l'immigration une éducation, une formation dignes de ce nom, on aura beau jeu de reprocher aux entreprises d'écarter ces derniers du monde du travail...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Allons, allons !

M. François Goulard.

... et ce ne sera pas très honnête ! Cette proposition de loi est en définitive une loi de défausse ! L'Etat, aujourd'hui incapable d'assurer correctement ces fonctions les plus essentielles en matière de sécurité - je pense aux quartiers les plus difficiles - et en matière d'éducation, met l'entreprise en situation d'accusée sous le chef de discrimination.

M. Maxime Gremetz.

Si c'était vrai !

M. François Goulard.

C'est généralement injuste et généralement infondé. La proposition de loi sera quant à elle généralement inefficace.

Mais, mes chers collègues, tout cela est aussi tellement facile ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Maxime Gremetz.

Voilà qui est brillant !

M. le président.

Avant de passer à l'examen des amendements, je voudrais appeler l'attention de l'Assemblée sur le fait que, si nous voulons terminer l'examen du texte avant la fin de la matinée, les intervenants devront s'exprimer certes avec conviction, mais aussi avec brièveté.

M. Maxime Gremetz.

Ne pourrions-nous poursuivre cet après-midi, monsieur le président ?

M. le président.

Ce n'est pas prévu.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Nous devons en terminer ce matin. Terminons !

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 22, ainsi rédigé :

« Au début du deuxième alinéa du I de l'article 1er , insérer les mots :

« A l'exception de la fonction publique nationale, de la fonction publique hospitalière et des fonctions publiques territoriales, sans oublier certaines entreprises publiques, » La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Ainsi que l'opposition l'a relevé, vous êtes prompts, mes chers collègues, à nous donner des leçons et à nous expliquer qu'il faut assurer l'intégration des immigrés. Mais je vous rappelle qu'il existe tout un secteur protégé, et l'on comprend que les syndicats soient réticents à l'ouvrir.

Evitons l'hypocrisie ! Je vous propose d'ajouter une phrase qui présenterait l'avantage de donner au texte sa juste valeur, car vous voulez imposer des obligations aux entreprises mais pas au secteur public !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

La commission n'a pase xaminé cet amendement. Je ferai remarquer à M. Mariani, d'abord, qu'il est curieux de prévoir une exception en faveur de la fonction publique dans un article du code du travail, ensuite, qu'une telle disposition est contradictoire avec l'amendement no 36 dont il est également l'auteur et qui préconise un rapport sur les discriminations dans la fonction publique. Donc, à titre personnel, avis défavorable.

M. Thierry Mariani.

C'est pour mettre fin à une hypocrisie !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cet amendement est en effet en complète contradiction avec le discours que M. Mariani nous a tenu tout à l'heure et avec lequel j'étais d'ailleurs en partie d'accord quand il nous disait que l'Etat devait donner l'exemple.

A cet égard, je vous rappelle que la première étude publiée par le GED - Groupe d'études sur les discriminations - et que j'avais commandée dresse un inventaire précis de tous les emplois pour lesquels subsiste une condition de nationalité, aussi bien dans le secteur privé - ce sont essentiellement des professions libérales -, que dans les entreprises publiques ou les fonctions publiques.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

Pour 70 % des emplois des fonctions publiques, la condition de nationalité a été levée par la loi du 26 juillet 1991 pour les ressortissants communautaires, mais elle subsiste pour l'ensemble des autres étrangers.

A partir de ce travail, nous devons réfléchir sur le point de savoir quels sont les emplois, dans nos fonctions publiques, qui participent à l'exercice de la souveraineté, de prérogatives de puissance publique et qui doivent, à l'évidence, être réservés à des Français, et quels sont c eux qui pourraient être ouverts aux étrangers. Mais vous savez qu'une réforme dans ce domaine nécessiterait une révision de la Constitution. Le débat n'est donc pas purement théorique. Nous l'avons déjà engagé, nous avons déjà un diagnostic et nous sommes en train d'y travailler.

De toute façon, cette disposition n'a rien à faire dans le code du travail. En outre, je le répète, monsieur Mariani, elle est contradictoire avec vos propos précédents, que je partageais en grande partie. Le Gouvernement y est donc défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Il n'y a aucune contradiction. Cet amendement vise simplement à mettre en évidence l'hypocrisie de ce texte. Aujourd'hui, chacun sait très bien qu'il faut être français pour être femme de ménage titulaire dans une école, mais pas pour nettoyer des locaux, dans une entreprise. Je dis simplement que tout cela n'a plus aucun fondement. Vous affichez de bonnes intentions, mais vous ne les appliquez pas au secteur public.

Mon amendement visait simplement à mettre cette hypocrisie en lumière.

M. François Goulard.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

En fait d'hypocrisie, c'est de la vôtre qu'il s'agit, monsieur Mariani !

M. François Goulard.

C'est un expert qui parle !

M. Maxime Gremetz.

Ne vous ai-je pas entendu, dans cet hémicycle, vous opposer au droit de vote pour les étrangers et, encore plus, à leur présence dans la fonction publique ? Pour vous, les étrangers ne doivent rien avoir !

M. Pierre Cardo.

C'est une traduction un peu rapide !

M. Maxime Gremetz.

C'est votre hyprocrisie que vous masquez et je qualifierai cet amendement de dilatoire.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

22. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 24, ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa du I de l'article 1er , après les mots : "procédure de recrutement", supprimer les mots : "ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise". »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement no

25.

M. le président.

Je vous en prie, monsieur Mariani.

L'amendement no 25 de M. Mariani est ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa du I de l'article 1er , après les mots : "notamment en matière de rémunération" supprimer les mots : ", de formation". »

Vous avez la parole, monsieur Mariani.

M. Thierry Mariani.

Je regrette que M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel soit parti car je pense sincèrement, sans aucun esprit polémique, que cette loi sera contre-productive en matière de formation.

Depuis des années, on se gargarise sur tous les bancs en disant qu'il faut revaloriser l'apprentissage. J'observe au passage d'ailleurs que, depuis trois ou quatre ans, vous n'avez rien fait en ce sens et que la dernière loi en la matière date du gouvernement Balladur, si ma mémoire est bonne.

Donner un stage, pour un artisan, c'est un choix. Les petits artisans - nous les connaissons tous parce que nous avons tous la même expérience de terrain - ont très souvent deux ou trois employés. Lorsqu'ils prennent un stagiaire, ils choisissent véritablement de s'investir, de donner de leur temps pour le former et cela ne leur rapporte rien, hormis la satisfaction intellectuelle de transmettre le savoir qu'ils ont reçu. Le monde de l'artisanat n'est peut-être pas celui que vous préférez, monsieur Gremetz, mais quand un artisan prend un stagiaire, je ne vois pas ce qu'il y gagne ! Et si en plus, à partir de maintenant, il risque de se retrouver avec un recours, faites-lui confiance, il arrêtera immédiatement de prendre des stagiaires.

Vous auriez été crédibles si vous aviez quitté le terrain de l'incantation. Au lieu de dire : « Il faut que les formations soient accessibles à tous sinon, attention, la loi interviendra ! », vous auriez dû rendre ces formations obligatoires et faire en sorte que l'Etat leur consacre des moyens. Mais aujourd'hui, vous restez dans le chemin de l'incantation et cela aura un effet contre-productif dans l'artisanat. J'invite d'ailleurs ma collègue Cécile Helle à en discuter avec le président de la chambre de métiers du Vaucluse. Elle verra quelles sont ses craintes et celles de la majorité des artisans avec lesquels j'en ai parlé. Dans un an ou deux, quand il y aura eu un ou deux recours, vous constaterez que ce texte aura comme effet pervers une réduction du nombre de stages offerts, ce qui, je le reconnais, n'est pas votre intention.

M. François Goulard.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

La commission n'a pas examiné ces amendements. M. Jean-Luc Mélenchon a souligné la pertinence de la disposition en cause. Or l'amendement no 24 de M. Mariani dénature totalement le texte. Donc, à titre personnel, j'y suis défavorable, ainsi qu'à l'amendement no

25.

M. Thierry Mariani.

C'est un peu court !

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, pour donner l'avis du Gouvernement sur ces amendements.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Avis défavorable. Monsieur Mariani, je ne peux laisser passer sans réagir ce que vous avez dit sur la politique du Gouvernement en matière d'apprentissage ! Vous savez très bien que des dispositions concernant l'apprentissage et son financement...

M. Thierry Mariani.

Pour l'instant, rien n'a été fait ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

... figurent dans le projet de loi de modernisation sociale, dont nous aurons la chance de débattre en janvier prochain.


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M. Thierry Mariani.

Les crédits ont diminué ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Dans le cadre de ce projet de loi, nous avons travaillé en collaboration étroite avec les chambres de métiers et notre souci est de conforter l'apprentissage, particulièrement celui des métiers. D'ailleurs, le nombre de contrats d'apprentissage suit une courbe ascendante, vous ne pouvez le nier, et ces contrats représentent un tiers du budget actuel de la formation professionnelle. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz.

C'est ce que M. Mariani avait oublié de dire !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

24. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

25. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 23, ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa du I de l'article 1er , après les mots : "ou une race,", insérer les mots : "de sa non-origine régionale,". »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Quand j'entends parler de « corsisation » des emplois,...

M. Jean-Marc Ayrault.

C'est vous qui en parlez !

M. Thierry Mariani.

Mais c'est grave ! Je voudrais simplement être sûr que l'on ne fera pas, un jour, des discriminations à l'envers. On ne peut continuer à laisser dire, dans certains cénacles, que l'on pourrait réserver des emplois aux régionaux. La République est une et indivisible ! C'est bien beau de nous rabâcher qu'il ne faut pas faire de discriminations entre Français et étrangers, encore faudrait-il ne pas laisser croire que l'on pourrait traiter différemment les Français selon qu'ils appartiennent à une région ou à une autre.

C'est un clin d'oeil à ce qui se passe avec la Corse. J'espère que mon amendement est inutile. Hélas ! chaque fois que j'ai eu des craintes, elles se sont révélées justes ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, j'en demande le rejet. Cela dit, il faudra m'expliquer ce qu'est la « non-origine régionale » !

M. Thierry Mariani.

La « corsitude » aussi !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Je profite simplement de l'occasion pour attirer l'attention de Mme la ministre sur le problème que pose la présence, dans le code du travail et la Constitution, du mot « race ».

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai, on en a déjà discuté !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

23. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Gremetz, Outin, Mmes Jacquaint, Fraysse et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 15, ainsi rédigé :

« A la fin du deuxième alinéa du I de l'article 1er , substituer aux mots : "ou de son handicap", les mots : ", de son handicap ou de son âge". »

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Les discriminations en fonction de l'âge existent, nous le savons bien. Trop jeune ! Trop vieux ! Finalement, on n'a jamais l'âge adéquat ! Certes, on m'a fait observer avec pertinence qu'il existait des dispositifs fondés sur l'âge : je pense, par exemple, à ceux concernant les plus de cinquante ans ou aux emploisjeunes. Mais il suffirait de préciser que cette disposition s'applique dans le respect de tels dispositifs.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Après débat, la commission a rejeté cet amendement. On ne peut qu'être d'accord avec le principe exprimé par M. Gremetz. La discrimination par l'âge est odieuse, au même titre que toutes les autres, mais l'adoption en l'état de cet amendement n'aboutirait pas, me semble-t-il, au résultat souhaité.

M. François Goulard.

Ah, là ça marche pas ! C'est curieux !

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Certes, l'objectif est de lutter contre toutes les discriminations, y compris bien sûr celles fondées sur l'âge qui figure d'ailleurs parmi les motifs de la discrimination visée à l'article 13 du traité de la Communauté européenne, modifié par le traité d'Amsterdam. Mais les débats, y compris au niveau européen, attestent du caractère particulier de ce genre de discriminations. En effet, certaines d'entre elles paraissent légitimes - c'est le cas des politiques de l'emploi en faveur des jeunes ou des salariés âgés - et il ne faudrait pas qu'elles soient mises en cause par une rédaction à mon sens un peu hâtive.

Une rédaction précise est difficile à trouver. Des directives européennes s'y essaient d'ailleurs. L'une propose quinze lignes de dérogations au principe de non-discrimination et d'une manière d'ailleurs non exhaustive. Mme la ministre nous le rappellera peut-être, mais cette questions era évoquée la semaine prochaine au conseil des ministres européens qui tentera de trouver une définition acceptable. En attendant, je crois qu'il faut nous en tenir là, au risque de créer plus de problèmes que d'en résoudre. Je vous propose donc, monsieur Gremetz, de retirer votre amendement en attendant une définition plus précise.

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Compte tenu de ces explications, je retire l'amendement. Mais je propose que l'on revoie la question si, malheureusement, l'on n'arrivait pas à se mettre d'accord au niveau européen.

M. le président.

L'amendement no 15 est retiré.

MM. Gremetz, Outin, Mmes Jacquaint, Fraysse et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 16, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le quatrième alinéa du I de l'article 1er :

« Aucun salarié ne peut être sanctionné ni licencié ni faire l'objet d'une mesure discriminatoire, notamment en matière de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de classification, de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

promotion professionnelle ou de mutation pour avoir témoigné d'agissements discriminatoires ou pour les avoir relatés. »

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Cet amendement tend à protéger ceux qui ont le courage de dénoncer des faits discriminatoires. Dans les entreprises, il faut en effet un certain courage pour le faire.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement au motif qu'il était déjà satisfait par le troisième alinéa du texte proposé pour l'article L.

122-45 du code du travail. Je ferai également remarquer à M. Gremetz que son amendement ne mentionne ni le reclassement ni le renouvellement de contrat, que nous avons intégrés dans le texte précité. Je lui demande donc de retirer son amendement.

M. Maxime Gremetz.

Je suis d'accord.

M. le président.

L'amendement no 16 est donc retiré.

M. Mariani a présenté un amendement, no 26, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du I de l'article 1er , substituer aux mots : "Le salarié concerné ou le candidat à un recrutement présente des éléments de fait laissant supposer" les mots : "il incombe au salarié concerné ou au candidat à un recrutement d'établir des faits qui permettent de présumer". »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Sur la question fondamentale de la répartition de la charge de la preuve, la proposition de loir etient une formulation trop restrictive en ce qui concerne le rôle du salarié ou du candidat demandeur qui devrait seulement présenter « des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ».

En droit du travail, la règle selon laquelle la charge de la preuve incombe au demandeur a déjà subi d'importants aménagements en matière de licenciements, de sanctions disciplinaires ou d'heures supplémentaires. Le partage réalisé dans ces domaines, justifié en raison des difficultés probatoires que rencontrent les salariés, ne doit pas se transformer dans d'autres en une attribution de la charge de la preuve au défendeur, ce qui rendrait tout simplement sa défense impossible en lui imposant de trouver un fait négatif. Comme l'écrivait Jean-Emmanuel Ray dans une chronique récente, « Les principes juridiques ne sont pas divisibles : on ne peut pas pleurnicher sur la faiblesse actuelle de la présomption d'innocence en droit pénal et multiplier dans le même temps les présomptions de faute dans le droit du travail. »

En outre, la formulation retenue par la proposition de loi s'écarte notablement de celle qui figure dans les directives européennes déjà adoptées sur les mêmes questions.

Pour éviter toute difficulté d'interprétation et assurer un minimum de sécurité juridique à nos concitoyens, il convient donc d'adopter la modification proposée.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Cet amendement totalement inutile n'a pas été examiné par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis que la commission.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

26. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Vuilque a présenté un amendement, no 14, ainsi rédigé :

« Dans l'avant-dernier alinéa du I de l'article 1er , après le mot : "recrutement", insérer les mots : ", à un stage ou à une période de formation en entreprise". »

La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Cet amendement de précision n'a pas été examiné par la commission. Il s'agit de rendre plus explicite le fait que l'aménagement de la charge de la preuve bénéficie également au candidat à un stage ou à une période de formation en entreprise, qui déciderait d'engager une action en justice.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le Gouvernement est favorable à cette précision utile.

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Monsieur le rapporteur, la disposition dont vous parlez concerne tout le monde, sauf ceux qui sont employés par une entreprise d'intérim. Il y a là un problème. Alors que l'on donne un droit, et c'est juste, à des personnes qui suivent un stage ou une formation en entreprise, on en prive des centaines de milliers de salariés qui vont être encore davantage exclus. Il y a là un manque évident.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

M. Gremetz pose une vraie question. Le contrat de travail de ces personnes est passé avec l'entreprise d'intérim. Mais les intérimaires sont soumis au règlement intérieur de l'entreprise et s'il y a des discriminations l'inspecteur du travail pourra faire remarquer au chef d'entreprise qu'il ne peut agir de la sorte avec ses employés, qu'ils soient intérimaires ou non.

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

C'est une question sur laquelle j'insiste particulièrement ! Vous me dites, monsieur le rapporteur, que les intérimaires sont soumis au règlement intérieur de l'entreprise. Mais ce n'est pas vrai ! Ils ne bénéficient pas des oeuvres sociales de l'entreprise. Ils ne sont pas comptabilisés dans les effectifs pour les élections.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Nous reverrons le problème en deuxième lecture !

M. Maxime Gremetz.

D'accord, monsieur le président, car c'est un vrai problème !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 27, ainsi rédigé :

« Dans la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa du I de l'article 1er , substituer aux mots : "défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs érangers à toute" les mots : " demanderesse de prouver que la décision de l'employeur est motivée par une volonté de". »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

C'est un point que nous avons déjà développé dans la discussion générale. Cet amendement a surtout pour objet d'éviter qu'une nouvelle pré-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

somption de faute ne soit créée en matière de droit du travail. Il vise également à dissuader les éventuels recours abusifs qui susciteront une charge de travail supplémentaire pour l'employeur, notamment dans les PME qui ne disposent pas forcément de service juridique.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Il préconise un bouleversement de la charge de la preuve par rapport à ce que nous proposons. En outre, une telle disposition serait contraire aux directives communautaires en la matière. A titre personnel, j'y suis donc défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo.

Il est précisé dans le texte de la proposition de loi qu'« il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des élémentso bjectifs étrangers à toute discrimination ». Mais l'employeur peut aussi se déterminer en fonction d'éléments purement subjectifs, néanmoins eux aussi étrangers à toute discrimination. Que se passera-t-il alors ? Sera-t-il hors la loi et condamné ou non ? Supposons que je veuille recruter un agent commercial.

Plusieurs candidats ayant la même qualité se présentent.

J'en choisis un. Mais l'un de ceux qui n'ont pas été retenus conteste ma décision. Je ne peux justifier d'un élément objectif et, pourtant, il n'y a pas eu de ségrégation particulière, pas de discrimination. Serai-je condamné pour avoir osé utiliser un élément qui n'est pas objectif ?

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Monsieur le rapporteur, je me suis reporté au texte initial de la directive 97-80 CE du 15 décembre 1997, parce qu'il arrive que l'on fasse fasse dire aux directives des choses qu'elles ne signifient pas forcément.

Si le 1er alinéa de l'article 4 de cette directive impose un aménagement de la charge de la preuve dans le sens du texte, il n'en va pas de même du troisième aliéna du même article selon lequel : « Les Etats membres peuvent ne pas appliquer le paragraphe 1 aux procédures dans lesquelles l'instruction des faits incombe à la juridiction ou à l'instance compétente. » J'avoue que ce paragraphe

n'est pas très clair, comme nombre de textes européens d'ailleurs, ce qui permet finalement à chacun d'entrenous de lui faire dire que l'on souhaite. Mais ce troisième alinéa semble signifier que les Etats ont une latitute dès lors que les faits sont déjà sanctionnés par une juridiction et par le système législatif existant, ce qui est le cas en France.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

27. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Gremetz, Outin, Mme Jacquaint, Fraysse et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 17, ainsi rédigé :

« Compléter l'avant-dernier alinéa du I de l'article 1er par la phrase suivante :

« Si un doute susbiste, il profite au salarié. »

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

La précision apportée par cet amendement ne coûte pas cher et est fort importante. Le doute étant humain, il nous a semblé utile de prévoir qu'il doit profiter au salarié.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement. En effet, il ne lui a pas paru utile d'intégrer cette précision. Aux termes du dispositif prévu, c'est le salarié qui apportera les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination. L'employeur devra ensuite tenter d'apporter des preuves objectives de non-discrimination. Enfin, le juge aura à se forger sa conviction à partir des différents éléments. Dans ces conditions, seul le juge pourrait douter. Exprimera-t-il ce doute ? Cela semble très aléatoire. C'est la raison principale pour laquelle la commission a rejeté cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le Gouvernement partage l'avis du rapporteur et il ajoutera une raison juridique.

Cette proposition de loi, comme d'ailleurs les directives communautaires sur la charge de la preuve en cas de discrimination fondée sur le sexe, la race et l'origine ethnique, vise à aménager la charge de la preuve de manière à faciliter l'action en justice des victimes. Nous sommes là dans un cas où le juge se fera une opinion en fonction de tous les éléments présentés. Si nous précisions que le doute profite aux salariés alors même que le juge a cette faculté d'écouter chacun et de se faire son opinion, il y aurait rupture de l'égalité devant le juge. Cette objection avait été soulevée par le Conseil d'Etat lorsqu'il a examiné le projet de loi relatif à la modernisation sociale.

Il nous avait mis en garde contre le risque d'inconstitutionnalité né du cumul entre cette clause relative au doute et le système d'aménagement de la charge de la preuve.

Cette analyse se fonde sur une décision constitutionnelle du 25 juillet 1989 relative à cette même mention, d'où il ressort que le Conseil constitutionnel veille strictement à l'application par le législateur du principe d'égalité des citoyens devant la loi et donc également devant le juge. Or le dispositif mis en place par la proposition de loi est très favorable au salarié puisqu'il appartient à l'employeur de faire la preuve qu'il n'a pas commis de discrimination. Donc, l'article relatif à l'aménagement des règles de la charge de la preuve infléchit déjà en amont cette charge. Introduire une mesure sur le bénéfice du doute conduirait à déséquilibrer excessivement le procès au détriment de l'employeur. Ce serait contraire à l'objectif poursuivi qui n'est pas de renverser la charge de la preuve mais de faire en sorte que le juge se fasse son opinion après avoir entendu l'ensemble des éléments au dossier.

Voilà pourquoi nous ne pouvons pas accepter cet amendement.

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

J'irai dans le sens de Mme la ministre.

La proposition de M. Gremetz ne consiste ni plus ni moins qu'à inscrire dans la loi des propos discriminatoires à l'égard des employeurs, ce qui me paraît tout à fait scandaleux.

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Compte tenu des éléments apportés par Mme la ministre au plan juridique, je retire cet amendement.

M. le président.

L'amendement no 17 est retiré.


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M. Gengenwin a présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« Compléter le I de l'article 1er par l'alinéa suivant :

« Lorsqu'il est rapporté l'existence d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination, l'absence de preuve contraire de la part du demandeur ne peut donner lieu à aucune condamnation pour discrimination. »

Cet amendement est-il soutenu ?

M. Rudy Salles.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis que la commission.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Vuilque, rapporteur, M. Aschieri et M. Gremetz ont présenté un amendement, no 11, ainsi rédigé :

« Après le premier alinéa du IV de l'article 1er , insérer l'alinéa suivant :

« aa) Au 3o , les mots : "ou à licencier une personne", sont remplacés par les mots : ", à licencier une personne ou à lui appliquer une mesure discrim inatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement du contrat de travail". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Avec cet ajout, l'ensemble des mesures discriminatoires en matière d'emploi prises par un employeur pourront être poursuivies devant les tribunaux répressifs, ce qui n'est pas possible aujourd'hui. Cet amendement vient donc compléter le dispositif de sanction des discriminations en cohérence avec les modifications du code du travail proposées par le I du présent article.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La proposition vise à prendre en considération l'ensemble de la carrière des salariés dans le 3o de l'article 225-2 du code pénal. Mais il faut l'examiner au regard de la peine prévue par cet article, qui est extrêmement lourde puisq u'elle peut aller jusqu'à deux ans de prison et 200 000 francs d'amende. Punir de la même manière une discrimination en matière de recrutement, sanction, licenciement et une discrimination en matière de rémunération, formation, affectation, qualification, classification, promotion professionnelle ou mutation reviendrait à méconnaître le principe de proportionnalité des peines par rapport aux fautes.

Aussi, il me semble que la référence à cet article du code pénal - qui est liée à la rédaction actuelle, mais celle-ci peut être très nettement améliorée -, aboutirait à des sanctions excessives pour certaines des discriminations dont nous parlons. Donc, je propose de retenir l'objectif poursuivi par votre rapporteur dans cet amendement, c'est-à-dire que des sanctions pénales puissent affecter des discriminations nouvelles que nous reconnaissons aujourd'hui dans la loi, mais de revoir la question de la proportionnalité entre les sanctions et les fautes. Nous pourrons améliorer la rédaction de l'article d'ici à la deuxième lecture.

M. le président.

Ets-vous favorable ou défavorable à l'amendement, madame la ministre ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable sous sa forme actuelle, mais favorable aux objectifs qu'il poursuit. Je souhaite que nous parvenions à une rédaction juste et compatible avec notre droit.

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Cet amendement a été beaucoup travaillé en commission. Comme vous le voyez, il est d'ailleurs cosigné car nous avions préparé des amendements similaires. Mais je prends en compte l'argumentation de Mme la ministre. Je suis moi-même très a ttaché à la proportionnalité de la peine. Chacun comprendra pourquoi... (Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Cet amendement, même s'il est réécrit d'ici à la deuxième lecture, aura de graves conséquences. Une fois de plus, en effet, vous allez ôter toute marge de manoeuvre aux chefs d'entreprise. Dans cette logique, puisque la grille de la fonction publique semble être votre modèle, pourquoi ne pas créer une grille de la fonction privée ? Ainsi, la moindre opération d'affectation, de qualification ou de classification devra obéir à certains critères très précis et plus personne ne pourra sortir du moule. A trop vouloir encadrer, vous allez brimer certaines initiatives.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Je me rallie bien volontiers aux arguments de Mme la ministre et à ceux des cosignataires de cet amendement. Je pense, en effet, qu'il faut revoir cette rédaction et, en attendant, je retire l'amendement.

M. le président.

L'amendement no 11 est retiré.

M. Mariani a présenté un amendement, no 28, ainsi rédigé :

« Supprimer le deuxième alinéa (a) du IV de l'article 1er »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Cet amendement, que j'ai déjà indirectement défendu, vise à atténuer la perversion du système et à supprimer ses effets nocifs en matière de stage et de formation.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Non examiné en commission. Rejet.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis que la commission.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

28. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Vuilque a présenté un amendement, no 10, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le VI de l'article 1er :

« VI. - L'article L. 611-6 du code du travail est ainsi modifié :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

« Dans le quatrième alinéa, les mots : "à la règle de l'égalité professionnelle" sont supprimés et, après les mots : "au 3o ", sont insérés les mots : "et au 6o ". »

La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Cet amendement de cohérence avec le V de l'article 1er vise à étendre la capacité de verbaliser en matière de discrimination ouverte aux inspecteurs du travail par le III du présent article aux inspecteurs du travail placés sous l'autorité du ministère de l'agriculture, qu'il ne faut évidemment pas exclure.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis favorable.

M. Thierry Mariani.

Pourquoi se priver du plaisir d'en rajouter ?

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art. 2.I. Il est inséré, après l'article L. 122-45 du code du travail, un article L. 12245-1 ainsi rédigé :

« Art.

L. 122-45-1. - Les organisations syndicales représentatives au plan national, régional ou dans l'entreprise peuvent exercer en justice toutes actions qui naissent de l'article L. 122-45 dans les conditions prévues par celui-ci en faveur d'un candidat à un emploi ou d'un salarié de l'entreprise sans avoir à justifier d'un mandat de l'intéressé, pourvu que celui-ci ait été averti par écrit et ne s'y soit pas opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l'organisation syndicale lui a notifié son intention. L'intéressé peut toujours intervenir à l'instance engagée par le syndicat.

« Les associations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins peuvent saisir les organisations syndicales pour leur demander d'exercer en justice les actions visées au premier alinéa. »

« II. - Le premier alinéa de l'article L. 422-1-1 du code du trvail est complété par la phrase suivante :

« Cette atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles peut notamment résulter de toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement. »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, inscrit sur l'article.

M. Jean-Luc Warsmann.

Assurer l'égalité des chances dans une société est incontestablement un des devoirs les plus importants et les plus nobles des élus. En proposant de lutter contre les discriminations, la présente proposition de loi va précisément dans ce sens. Il est vrai que les problèmes en la matière sont bien réels sur le terrain. Qui peut nier ici avoir reçu dans sa permanence des personnes, et notamment des jeunes, à la recherche de stages, et confrontées à de grandes difficultés pour les trouver ? J'avoue toutefois être quelque peu sceptique sur une partie du dispositif juridique et il faudra sûrement revoir certaines mesures, surtout celles permettant à des procédures injustifiées d'être lancées. Il me semble néanmoins important que l'Assemblée marque symboliquement et fortement son refus de toutes les discriminations. C'est la raison pour laquelle, à titre personnel, je voterai cette proposition de loi.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements, nos 30, 1 et 29, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 30 et 1 sont identiques.

L'amendement no 30 est présenté par M. Mariani ; l'amendement no 1 est présenté par M. Salles.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Rédiger ainsi les deuxième et dernier alinéas du I de l'article 2 :

« Art. L.

122-45-1. - Les organisations syndicales représentatives au plan national ou dans l'entreprise peuvent exercer en justice toutes les actions qui naissent de l'article L.

122-45 en faveur d'un candidat à un emploi ou d'un salarié de l'entreprise en justifiant d'un accord écrit de l'intéressé ».

L'amendement no 29, présenté par M. Mariani, est ainsi rédigé :

« Substituer aux deuxième et dernier alinéas du I de l'article 2 l'alinéa suivant :

« Les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise peuvent exercer en justice toutes les actions qui naissent de l'article L.

122-45 en faveur d'un candidat à un emploi ou d'un salarié de l'entreprise en justifiant d'un accord écrit de l'intéressé ».

La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l'amendement no

30.

M. Thierry Mariani.

Mes amendements nos 30 et 29 ont le même objet. Le premier concerne les organisationss yndicales représentatives au plan national ou dans l'entreprise et le second ne porte que sur la représentativité dans l'entreprise. Il s'agit dans les deux cas de prévoir un accord écrit de l'intéressé avant d'exercer une action en justice. En effet, je trouve profondément choquant qu'un recours puisse être engagé sans cette autorisation.

M. Maxime Gremetz.

Je vous vois venir !

M. Thierry Mariani.

Nous n'avons pas la même conception de la liberté individuelle, monsieur Gremetz ! C'est historique !

M. Maxime Gremetz.

Vous demandez au salarié de signer son arrêt de mort !

M. Thierry Mariani.

Absolument pas ! C'est une question de droits individuels. Et en matière de droits de l'homme, monsieur Gremetz, votre parti ne peut donner aucune leçon !

M. Maxime Gremetz.

Vous n'avez jamais travaillé dans une entreprise, cela se voit !

M. Thierry Mariani.

Se borner à prévoir que la personne aura la possibilité de renoncer révèle une grande méconnaissance de la force de certaines pressions syndicales.

Sous couvert de belles intentions, l'article 2 dans sa rédaction actuelle permettra en fait insidieusement à certains syndicats d'intervenir un peu plus dans la vie des entreprises.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles, pour soutenir l'amendement no

1.

M. Rudy Salles.

J'ai plaidé tout à l'heure en faveur de la lutte contre les discriminations et le groupe UDF est prêt à voter ce texte à condition que l'on veuille bien se donner les moyens de lutter contre les recours abusifs.

Tel est précisément l'objet de cet amendement. Nous attendons de connaître la position du rapporteur et du Gouvernement. A la lumière de nos discussions en commission, j'ai cru comprendre que la porte était plutôt fermée. Pour notre part, en tout cas, nous ne serons pas favorables à un texte qui posera plus de problèmes qu'il n'en résoudra.

M. le président.

Monsieur Mariani, puis-je considérer que vous avez défendu en même temps les amendements nos 29 et 30 ?

M. Thierry Mariani.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Rejet. Ils dénaturent la proposition de loi.

M. Rudy Salles.

Ce n'est pas une explication !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis défavorable sur l'amendement no

30. Sur l'amendement no 1, monsieur Salles,...

M. le président.

Il s'agit du même amendement puisque les amendements no 30 et no 1 sont identiques.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Oui, mais, contrairement à M. Salles, M. Mariani ne m'a pas demandé d'explication. J'essaie d'être courtoise avec ceux qui le sont.

M. Thierry Mariani.

Chaque fois que je vous en demande, vous ne m'en donnez pas ! J'ai fini par me lasser !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est le ton employé qui me gêne, monsieur Mariani. M. Salles a posé des questions fort aimablement et je n'ai aucune raison de ne pas lui répondre.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est une discrimination ! (Sourires.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ne voulant surtout pas faire de la discrimination, je m'adresserai aussi à M. Mariani. (Sourires.)

Je rappelerai tout d'abord que des sanctions pour recours manifestement abusifs sont d'ores et déjà prévues.

Je veux ensuite insister sur le fait que, pour moi, il n'y a pas de petites et de grandes discriminations. La discrimination est toujours une humiliation, une violence.

Voyez comme les jeunes acceptent mal cette situation, comme les homosexuels ne peuvent plus supporter des discriminations liées à leur situation personnelle, comme les femmes vivent douloureusement ces inégalités dans une période où la parité devient la règle ! Il faut aller au bout de notre logique : dans la mesure où nous n'acceptons pas les discriminations, la possibilité d'ester en justice doit exister dans tous les cas.

M. Maxime Gremetz.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Madame la ministre, vous m'avez en quelque sorte tendu la perche : nous nous sommes précisément inspiré du dispositif relatif au harcèlement sexuel.

Une personne qui a été victime de harcèlement sexuel doit en effet donner une autorisation écrite pour pouvoir être défendue par une association.

M. Maxime Gremetz.

Cela n'a rien à voir !

M. Rudy Salles.

Il nous a paru logique d'harmoniser les deux dispositifs législatifs, les cas pouvant être assez voisins.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Justement non. S'agissant de harcèlement sexuel, une personne peut ne pas souhaiter que des faits touchant à sa vie privée soient divulgués sur la place publique.

M. Maxime Gremetz.

Absolument !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est la raison pour laquelle le syndicat doit lui demander une a utorisation. En matière de discrimination sexuelle, raciale ou homophobe, l'action engagée vise à défendre l'ensemble des femmes ou des homosexuels.

M. Thierry Mariani.

S'agissant d'homophobie, vous paraît-il heureux qu'un syndicat fasse appel sans l'avis de l'intéressé ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Si les choses ont été dites par l'intéressé lui-même c'est qu'il a souhaité les porter à la connaissance de l'organisation syndicale.

Il me semble bon que les organisations syndicales qui défendent les valeurs et les intérêts collectifs des salariés puissent, à partir d'un cas concret, poser un problème plus général de discrimination dans une entreprise, à l'égard des femmes, des homosexuels ou de l'origine des personnes concernées.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 30 et 1.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

29. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Vuilque, rapporteur, a présenté un amendement, no 40, ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa du I de l'article 2, substituer au mot : "régional", les mots : "départemental pour ce qui concerne les départements d'outre-mer". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Cet amendementr édactionnel concerne les départements d'outre-mer.

Cette disposition figure dejà dans la loi sur la réduction du temps de travail.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

40. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Vuilque a présenté un amendement, no 41, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du deuxième alinéa du I de l'article 2, après le mot : "emploi", insérer les mots : ", à un stage ou une période de formation en entreprise". »

La parole est à M. Philippe Vuilque.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Amendement de cohérence avec l'article 1er . Il s'agit de rendre explicite le fait que les organisations syndicales peuvent agir en justice pour les cas de discrimination en matière de stage et de formation.

M. Thierry Mariani.

Cela aura l'effet inverse !

M. le président.

Qule est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

41. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 31, ainsi rédigé :

« Supprimer le dernier alinéa du I de l'article 2. »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Cet amendement vise à supprimer un alinéa totalement inutile que seule sous-tend une volonté purement démagogique et politique. Je le lis car il mérite d'être mieux connu : « Les associations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins peuvent saisir les organisations syndicales pour leur demander d'exercer en justice les actions visées au premier alinéa. » Je ne

savais pas que, pour saisir une organisation syndicale, il fallait y être autorisé par la loi. En outre, cela signifie qu'une association qui existe depuis quatre ans ne peut pas saisir une organisation syndicale.

Non, vraiment, ce type d'amendement n'apporte rien, il vise simplement à faire plaisir à certains. Madame la ministre, avec courtoisie, sourire et modestie, vous me permettrez de vous demander à quoi il sert.

Monsieur Gremetz, j'avais peut-être une conception trop laxiste, mais je pensais qu'on pouvait saisir n'importe quand une organisation syndicale, même la CGT ou la CFDT, que l'on existe depuis cinq ans, trois ans, deux jours ou trente ans.

M. Jean-Luc Warsmann.

M. Mariani a raison !

M. Thierry Mariani.

Deuxièmement, le fait que les organisations peuvent agir me semble évident. Est-il donc utile d'alourdir le texte par un paragraphe dont le seul objet est d'afficher certaines sympathies ?

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Cet amendement, qui n'a pas été examiné par la commission, tend à supprimer le droit d'alerte donné aux associations, alors que nous considérons que cela est utile.

Monsieur Mariani, sans doute est-ce parce que cette disposition est tellement inutile et démagogique qu'elle figure déjà dans le code du travail à l'article L.

341-6-3 relatif à l'emploi de main-d'oeuvre étrangère ?

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Et voilà !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est exactement ce que j'allais répondre sur le plan juridique.

Quant au fond, les sympathies en cause vont à des assocations qui se battent contre les discriminations. Je crois donc qu'il est bon de les reconnaître dans la loi en raison du rôle qu'elles jouent aujourd'hui.

M. Maxime Gremetz.

Il faut les encourager !

M. Thierry Mariani.

Il ne sert à rien de le mettre dans la loi !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Si, parce que cela affirme clairement qu'elles ont un rôle.

Je vous rappelle d'ailleurs, monsieur Mariani, que, dans la loi contre les exclusions, vous avez demandé, à juste titre, avec votre groupe, que soient mentionnées les CCAS. On aurait pourtant pu considérer qu'elles étaient couvertes par la référence aux collectivités locales, mais il est préférable d'avoir ainsi reconnu leur rôle spécifique.

M. Maxime Gremetz.

Très juste !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il s'agissait donc aussi d'un affichage symbolique et nous l'avons accepté. Cette proposition a d'ailleurs été adoptée à l'unanimité.

En l'occurrence est proposé un même affichage, tout aussi symbolique.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Madame la ministre, nous sommes entièrement d'accord : ainsi que je l'ai souligné cette disposition procède d'une simple volonté d'affichage et n'a aucune utilité juridique.

M. Maxime Gremetz.

Les CCAS sont utiles !

M. Thierry Mariani.

Le problème est que si la loi doit avoir vocation à afficher des sympathies pour les uns ou les autres, les textes seront de plus en plus alourdis.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

31. (L'amendement n'est pas adopté.).

M. le président.

M. Vuilque, rapporteur, M. Aschieri et M. Gremetz ont présenté un amendement no 12, ainsi libellé :

« Après le I de l'article 2, insérer le paragraphe suivant :

« I bis - Il est inséré, après l'article L. 122-45-1 du code du travail, un article L. 122-45-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 122-45-2. - Est nul et de nul effet le licenciement d'un salarié faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur sur la base des dispositions du présent code relatives aux discriminations, lorsqu'il est établi que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l'employeur à raison de l'action en justice. En ce cas, la réintégration est de droit et le salarié est regardé comme n'ayant jamais cessé d'occuper son emploi.

« Si le salarié refuse de poursuivre l'exécution du contrat de travail, le conseil de prud'hommes lui alloue une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. De plus, le salarié bénéficie également d'une indemnité correspondant à l'indemnité de licenciement prévue par l'article L. 122-9 ou par la convention ou l'accord collectif applicable ou le contrat de travail. Le deuxième alinéa de l'article L. 122-14-4 du présent code est également applicable. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Cet amendement vise à mettre en place un dispositif de réintégration spécifique au profit du salarié licencié en raison d'une action en justice engagée par lui ou par une organisation syndicale ens a faveur contre une mesure discriminatoire. Nous connaissons tous, en effet, les difficultés que peut rencontrer un salarié confronté à cette situation.

Au cas où le salarié refuserait de poursuivre l'exécution du travail, il bénéficierait des indemnités de licenciement normales, des indemnités pour cause de licenciement sans


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

cause réelle et sérieuse, soit six mois de salaire minimum, et de l'indemnité spécifique créée par le présent article, soit six mois de salaire supplémentaires minimum, ce qui fait au moins douze mois.

Le présent amendement aligne donc la protection contre les discriminations sur ce qui existe en matière d'égalité professionnelle.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Monsieur Mariani, si l'on veut qu'une loi soit efficace, il faut prévoir des dispositions d'accompagnement. Sinon elle risque de rester à l'état de voeu pieux.

C'est pourquoi nous proposons des sanctions à appliquer en cas de mesures discriminatoires. Nous voulons ainsi assurer l'efficacité de la loi.

M. Thierry Mariani.

Mais cela va coûter cher !

M. Pierre Cardo.

Et pas à l'Etat !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

12.

M. Maxime Gremetz.

M. Cardo est pour !

M. Pierre Cardo.

M. Cardo pense que cela est excessif, mais c'est tout ! (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 2

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 35 et 2, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 35, présenté par M. Mariani, est ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Dans l'article 32-1 du nouveau code de procédure civile, les mots : "de 100 F à 10 000 F" sont remplacés par les mots : "de 5 000 F à 20 000 F". »

L'amendement no 2, présenté par M. Salles, est ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Dans l'article 32-1 du code de procédure civile, les mots : "de 100 F à 10 000 F" sont remplacés par les mots : "de 500 F à 20 000 F". »

La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l'amendement no

35.

M. Thierry Mariani.

Il est défendu.

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles pour défendre l'amendement no

2.

M. Rudy Salles.

Encore une fois, j'insiste sur le fait que le groupe UDF a fait preuve, par conviction, de beaucoup de compréhension et de bonne volonté dans la discussion de ce texte. Néanmoins nous tenons beaucoup à éviter les recours abusifs. C'est pourquoi nous proposons d'augmenter le montant des amendes les punissant.

En fait, le but est moins de pénaliser lourdement les auteurs de recours abusifs que d'accroître le rôle préventif des sanctions.

Personne, dans cet hémicycle, ne saurait approuver les recours abusifs, car ils sont contraires à l'objectif que nous poursuivons. Puisqu'il vient d'être question d'affichage, je souligne que l'augmentation du montant de ces amendes serait une façon d'afficher la volonté de l'Assemblée nationale de lutter contre les recours abusifs.

Jusqu'à présent, tous les amendements que nous avons présentés sur ce sujet ont été refusés. Même s'il n'a qu'une valeur symbolique, il serait souhaitable de voter celui-là.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Ces deux amendements ont été rejetés par la commission.

D'abord, la disposition proposée paraît relever du domaine réglementaire. Ensuite, il ne serait pas judicieux de modifier l'ensemble de la procédure civile à l'occasion de l'examen d'un texte spécifique.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Je regrette sincèrement que cet amendement ne soit pas repris, parce qu'il aurait complètement changé la philosophie du texte...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Justement !

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

C'est ce que nous ne voulons pas !

M. Thierry Mariani.

La loi aurait été plus équilibrée si, tout en montrant que nous sommes décidés à lutter contre les discriminations, elle traduisait le fait que nous voulons éviter les abus d'un recours systématique au droit. L'amendement que Rudy Salles a présenté en commission et, celui, presque identique, que je vous ai soumis en séance publique constituent un moyen simple d'exprimer la volonté d'aboutir à un texte équilibré. Il est donc regrettable que vous les refusiez.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

35. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 3

M. le président.

« Art. 3. I. Le quinzième alinéa (10o ) de l'article L.

133-5 du code du travail est ainsi rédigé :

« 10o L'égalité de traitement entre salariés, quelle que soit leur appartenance à une ethnie, une nation ou une race, notamment en matière d'accès à l'emploi, de formation, de promotion professionnelle et de conditions de travail ; »

« II. Le neuvième alinéa (8o ) de l'article L.

136-2 du code du travail est ainsi rédigé :

« 8o De suivre annuellement l'application dans les conventions collectives du principe à travail égal salaire égal, du principe de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et du principe d'égalité de traitement entre les salariés sans considération d'appartenance à une ethnie, une nation ou une race, de constater les inégalités éventuellement


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

persistantes et d'en analyser les causes ; la commission nationale a qualité pour faire au ministre chargé du travail toute proposition pour promouvoir dans les faits et dans les textes ces principes d'égalité". »

Deux orateurs sont inscrits sur l'article.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

J'ai été profondément choqué par une phrase du chapitre du rapport consacré à l'article 3.

En effet, à propos des clauses que doit comporter une convention collective de branche conclue au niveau national, le rapporteur écrit et je vous invite, mes chers collègues, à méditer cette phrase : « La convention collective de branche devra donc aborder les problèmes spécifiques aux Français d'origine étrangère. »

S'il est une affirmation que je partage avec M. Gremetz, c'est bien celle selon laquelle la notion de race n'a pas à figurer dans nos textes juridiques. Or comment allonsnous définir, dans les conventions collectives, la notion de Français d'origine étrangère ? Il s'agit d'une idée complètement saugrenue.

Madame la ministre, où sera placée la limite : à la première, à la deuxième, à la troisième génération ? Cela n'est pas sérieux. On est Français ou l'on est étranger.

Nous n'allons tout de même pas établir une nouvelle distinction entre les Français de souche et ceux d'origine étrangère, sinon pourquoi ne pas les distinguer selon les zones d'où ils viennent ! Cette phrase, même si elle ne débouche heureusement sur aucune application concrète dans le texte qui nous est proposé pour l'article 3, fait partie des affirmations qui, si elles semblent sympathiques au premier abord, peuvent aboutir, dans notre société, à favoriser une communautarisation que l'on prétend condamner sur tous les bancs, même si nous ne donnons pas toujours le même sens à ce terme.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo.

Je profite de cet article pour revenir sur le fond du texte.

Plus que l'arsenal un peu coercitif prévu pour essayer de lutter contre la discrimination dans le monde du travail, il aurait été préférable que ce texte comporte des élé ments incitatifs. Ainsi, il n'est nulle part fait allusion au bilan social introduit il y a vingt-cinq ans par la loi dans l'entreprise. Pourtant il aurait été intéressant que l'on prenne en compte l'évolution du contenu de ce bilan social au regard des critères dont nous débattons pour favoriser ou défavoriser l'entreprise en cause, soit par le biais de l'impôt sur les sociétés qu'elle doit régler, soit par les taux de cotisations dans certains domaines.

Si l'on constate que, globalement, il n'y a pas eu discrimination et que l'égalité entre les personnes dans l'entreprise a été assurée, on la favorisera. En revanche, si on relève des litiges ou si, manifestement, le dialogue social n'est pas clairement établi dans l'entreprise, pourront être prises des sanctions, mais économiques.

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je veux simplement relever que la remarque de M. Mariani vise le commentaire de l'article et non pas l'article lui-même.

M. Thierry Mariani.

Je l'ai dit.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

J'avais mal compris, monsieur Mariani.

Néanmoins, il faut avoir le courage de regarder la réalité en face : le patronyme de certains Français d'origine étrangère est souvent cause de problèmes. Il était donc logique que, dans le commentaire, on insiste sur ce point pour éclairer nos intentions.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Les intentions sont louables, mais je crains la dérive.

A partir du moment où on commencera à établir une telle distinction dans le droit du travail, on sera tenté de l'utiliser dans d'autres domaines.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ce n'est pas dans le texte.

M. Thierry Mariani.

Certes, mais un rapport a tout de même une valeur. Il affiche au moins les objectifs du rapporteur.

M. le président.

Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4

M. le président.

« Art. 4. - I. - Après le quatrième alinéa de l'article L.

123-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de litige relatif à l'application du présent article, le salarié concerné ou le candidat à un recrutement présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur le sexe ou la situation de famille. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »

« III. - L'article L.

123-6 du code du travail est ainsi modifié :

« 1o Après les mots : "organisations syndicales représentatives" sont insérés les mots : "au plan national ou" ;

« 2o Après les mots : "en faveur" sont ajoutés les mots : "d'un candidat à un emploi ou" ».

MM. Dray, Galut, Rossignol et Mme Picard ont présenté un amendement, no 6, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa du I de l'article 4 :

« En cas de litige relatif à l'application du présent article, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »

M. Maxime Gremetz.

Il n'est pas défendu.

M. le président.

Aucun des signataires n'est présent.

Est-il défendu ?

M. Maxime Gremetz.

Mais non, monsieur le président.

(Sourires.)

M. le président.

L'amendement no 6 n'est pas défendu.

M. Mariani a présenté un amendement, no 33, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du dernier alinéa du I de l'article 4, substituer aux mots : "le salarié concerné ou le candidat à un recrutement présente


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

des éléments de fait laissant supposer", les mots : "il incombe au salarié concerné ou au candidat à un recrutement d'établir des faits qui permettent de présumer". »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Je défendrai également l'amendement no 32, si vous le permettez.

M. le président.

Bien sûr.

M. Mariani a en effet présenté un amendement, no 32, ainsi rédigé :

« Dans la deuxième phrase du dernier alinéa du I de l'article 4, substituer aux mots : "défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute", les mots : "demanderesse de prouver que la décision de l'employeur est motivée par une volonté de". »

Vous avez la parole, monsieur Mariani.

M. Thierry Mariani.

Je persiste à penser que l'aménagement de la charge de la preuve, comme dit la gauche, ou plutôt le début d'inversion de la charge de preuve, comme j'ose l'affirmer, est dangereux surtout en l'absence de véritable sanction pour éviter les recours abusifs. Ces amendements reprennent des propositions que j'ai déjà présentées à l'article 1er

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

La commission n'a pas examiné ces amendements mais comme ils tendent à inverser la charge de la preuve, mon avis est défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

33. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

32. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président, MM. Dray, Galut, Rossignol et Mme Picard ont présenté un amendement, no 7, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa du I de l'article 4 par la phrase suivante : "En ce cas, les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 4 du code pénal ne sont pas applicables". »

M. Maxime Gremetz.

Il n'est pas défendu. (Sourires.)

M. le président.

L'amendement no 7 n'est pas défendu.

M. Gengenwin a présenté un amendement, no 5, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa du I de l'article 4 par la phrase suivante : "Lorsqu'il est rapporté l'existence d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination, l'absence de preuve contraire de la part du demandeur ne peut donner lieu à aucune condamnation pour discrimination.". »

M. Rudy Salles.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

L'amendement a été repoussé par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable, également !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 34, ainsi rédigé :

« Supprimer le deuxième alinéa (1o ) du III de l'article 4. »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

L'idée de cet amendement a déjà été défendue : j'estime que ce texte donne beaucoup trop de moyens d'intervention aux syndicats surtout quand ils ne sont pas représentés dans l'entreprise.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Il n'a pas été examiné par la commission et je ne veux pas reprendre le débat sur ce sujet : avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

34. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Après l'article 4

M. le président.

M. Birsinger et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 21, ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Le dernier alinéa de l'article 226-14 du code pénal est ainsi rédigé :

« 2o Au médecin qui, avec l'accord de la victime, p orte à la connaissance du procureur de la République ou des autorités judiciaires les sévices ou privations qu'il a constatés sur le plan physique et psychique dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques et/ou sexuelles de toute nature ont été commises. »

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Cet amendement ne semble pas avoir obtenu un accueil très favorable. Pour gagner du temps, je vais laisser notre rapporteur présenter son avis et ses arguments.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Bien que je sois d'acc ord sur le principe proposé, il me semble que l'article 226-14 du code pénal édicte des règles suffisantes. En outre, le code de déontologie médicale prévoit déjà des protections en la matière. Je ne suis donc pas favorable à cet amendement, dans sa rédaction actuelle en tout cas.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

21. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

L'amendement no 9 a été retiré par le Gouvernement, qui a présenté un amendement no 38 ainsi rédigé :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« L'article L. 140-8 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 140-8 En cas de litige relatif à l'application du présent chapitre, les dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 123-1 s'appliquent. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cet amendement vise à harmoniser le régime de la charge de la preuve en matière d'égalité de rémunération, avec le nouveau régime général mis en place pour l'égalité professionnelle. Cela va de soi.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

38. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 37, ainsi rédigé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« I. La section I du chapitre III du titre Ier du livre V "Conflits du travail" du code du travail est ainsi intitulée :

« Section I. Electorat, éligibilité et établissement des listes électorales et des listes de candidatures.

« II. Après le paragraphe 3 "Etablissement des listes électorales" de la section I du chapitre III du titre Ier du livre V "Conflits du travail" du code du travail, il est inséré un paragraphe 4 ainsi intitulé et rédigé :

« Paragraphe 4. Etablissement des listes de candidatures.

« Art. L. 513-3-1. La déclaration de candidature résulte du dépôt à la préfecture d'une liste dans les conditions fixées par décret.

« Ne sont pas recevables les listes présentées par un parti politique ou par une organisation prônant des discriminations fondées notamment sur le sexe, les moeurs, l'orientation sexuelle, l'origine, la nationalité, la race, l'appartenance à une ethnie ou les c onvictions religieuses, et poursuivant ainsi un objectif étranger à l'institution prud'homale. »

« III. L'article L. 513-10 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 513-10. Les contestations relatives à l'électorat sont de la compétence du tribunal d'instance qui statue en dernier ressort. »

« IV. Il est créé un article L. 513-11 ainsi rédigé :

« Art. L. 513-11. Les contestations relatives à l'éligibilité, à la régularité et à la recevabilité des listes de candidats à l'élection des conseillers prud'hommes, ainsi qu'à la régularité des opérations électorales, sont de la compétence du tribunal d'instance qui statue en dernier ressort. Elles peuvent être portées devant ledit tribunal, avant ou après le scrutin, par tout électeur ou mandataire d'une liste relevant du conseil de prud'hommes pour lequel la contestation est formée, le préfet ou le procureur de la République, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La législation actuelle en matière de candidature aux élections prud'homales ne fait porter le contrôle que sur l'éligibilié individuelle des candidats et sur des conditions de forme peu contraignantes. L'absence de critère de fond a contribué, lors des dernières élections de 1997, à mettre en danger la juridiction prud'homale en permettant à des groupes qui visent des objectifs étrangers à l'institution et qui prônent des idéologies contraires aux principes républicains, de détourner l'élection de son objet et de l'utiliser comme tribune de promotion de leurs opinions ouvertement xénophobes.

En conséquence, cinquante-six recours postélectoraux ont été intentés qui ont conduit à l'invalidation pour irrégularité de vingt-quatre listes présentées par la Confédération française nationale des travailleurs, la CFNT.

Afin de prévenir toute tentative de dénaturation de l'institution prud'homale, de préserver l'impartialité et l'indépendance des conseillers, le Gouvernement propose d'introduire de nouvelles conditions de recevabilité des listes de candidatures reprises des principes dégagés par la Cour de cassation en matière de dénaturation du syndicalisme.

En effet, dans son arrêt du 10 avril 1998 « Syndicat Front national de la police contre Syndicat national des policiers en tenue », la Cour de cassation a jugé qu'un syndicat ne pouvait poursuivre des objectifs essentiellement politiques et agir contrairement aux dispositions de l'article 122-45 du code du travail qui pose un principe de non-discrimination en matière de recrutement, de sanction, de licenciement et au principe de non-discrimination contenu dans la Constitution et dans les textes à valeur constitutionnelle.

Dans cet esprit, le Gouvernement vous propose de consacrer dans la loi cette jurisprudence, ce qu'attendent avec impatience l'ensemble des organisations syndicales, afin de faire obstacle à la présentation d'une liste par un parti politique ou par une organisation qui poursuit un objectif étranger à l'institution prud'homale et qui prône les discriminations.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

J'ai déjà indiqué combien j'appréciais cet amendement. Il a une grande portée et il est effectivement attendu par toutes les organisations syndicales représentatives et par toutes les associations démocratiques.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Madame la ministre, nous regrettons de n'avoir pris connaissance de cet amendement qu'à la dernière minute, mais le groupe RPR le votera, car, sur ce problème délicat, nous ne pouvons qu'être d'accord avec les objectifs qu'il poursuit : les élections prud'homales ne doivent pas être détournées de leur objectif.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo.

Je ne voterai pas la proposition de loi mais je comprends l'amendement du Gouvernement et j'en approuve le principe. J'ai juste une question d'ordre rédactionnel. Nous écrivons la loi mais c'est le juge qui la dit. Comment sera interprétée la phrase : « Ne sont pas recevables les listes présentées par un parti politique ou par une organisation prônant des discriminations fondées notamment sur le sexe, etc. »

? Est-ce que ce sont tous les partis politiques qui sont exclus ou seulement les partis


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

politiques qui prônent des discriminations ? S'il y a là une précision à apporter, faites-le maintenant, sinon le juge s'en chargera pour vous.

M. Thierry Mariani.

Précisez la rédaction !

M. Jean-Luc Warsmann.

Si c'est « par tout parti politique », marquez-le dans l'amendement !

M. Maxime Gremetz.

Même le Parti communiste ! (Rires.)

M. Thierry Mariani.

Et la CGT !

M. Maxime Gremetz.

La CGT n'a rien à voir avec ça !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je préfère qu'on y réfléchisse pour la deuxième lecture, si cela ne vous ennuie pas, car il m'est difficile de vous répondre tout de suite.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

37. (L'amendement est adopté.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

L'amendement a été adopté à l'unanimité ! Cela vaut la peine d'être souligné !

M. le président.

Je constate en effet que le vote est acquis à l'unanimité.

M. Thierry Mariani.

Nous sommes favorables à l'esprit de l'amendement.

M. le président.

MM. Gremetz, Outin, Mmes Jacquaint, Fraysse et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 19, ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« L'article L. 611-8 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les constatations des inspecteurs du travail sont tenues à la disposition des délégués du personnel et des organisations syndicales représentatives. »

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Les constats des inspecteurs du travail ne sont jamais mis à la disposition des délégués du personnel ou des organisation syndicales représentatives.

C'est un fait que nous déplorons depuis longtemps.

A l'heure où l'on prône la transparence et la circulation de l'information, les directions font encore de la rétention de documents. Je ne vois pas pourquoi les inspecteurs du travail en feraient autant. D'ailleurs, ce ne sont pas eux qui sont en cause, mais les dispositions qui sont prises.

Quand une intervention de la direction départementale du travail est sollicitée, il est normal que les délégués du personnel et les organisations syndicales soient au courant des constats faits à cette occasion.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement. Il soulève un vrai problème mais concerne l'ensemble du code du travail et pas seulement la lutte contre les discriminations. Et nous n'avons pas jugé souhaitable d'aborder au détour d'un texte le problème général de la transmission des documents dans les entreprises, qui se pose également aux inspecteurs du travail.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Le Gouvernement, à propos de l'amendement no 37, a indiqué qu'il était prêt à revoir la rédaction de son texte pour la deuxième lecture. Je souhaite appeler son attention sur un dysfonctionnement qui existe dans un certain nombre de conseils de prud'hommes.

Certains syndicats, au moment de la constitution des listes, demandent à chaque candidat en plus d'une déclaration de candidature, une lettre de démission en blanc.

J'ai des documents écrits d'un syndicat qui l'attestent.

Dans mon département, une partie des membres du syndicat en question ont quitté celui-ci, et le syndicat a envoyé les lettres de démission en blanc au procureur de la République. Les personnes en cause sont allées voir ce dernier pour plaider leur cause. Ils l'ont informé qu'ils avaient été obligés de signer une lettre en blanc pour être candidat, qu'ils n'étaient plus en bons termes avec leur organisation syndicale, mais qu'ils ne voulaient pas démissionner. Le procureur a reçu par lettres recommandées les démissions et les a enregistrées.

Je suis intervenu auprès de votre collègue, ministre de la justice, mais elle m'a indiqué qu'elle ne voyait pas de solution.

Il serait bon de prévoir dans votre amendement, une disposition tendant à la formalisation de la démission pour éviter cette pratique extrêmement choquante.

Imaginez que les députés doivent fournir une démission en blanc à leur groupe parlementaire et que, quand celui-ci n'est pas satisfait de leurs votes, il envoie les démissions et fasse siéger leurs suppléants ! (Sourires.)

C'est exactement ce qui se passe.

M. Maxime Gremetz.

Il ne faut jamais signer de chèque en blanc !

M. Jean-Luc Warsmann.

Quand j'ai entendu parler pour la première fois de cette pratique, je n'y croyais pas, mais j'ai eu ensuite en main des documents qui le prouvent. Je ne citerai pas l'organisation syndicale en cause.

M. Thierry Mariani.

C'est dommage !

M. Jean-Luc Warsmann.

Mais je dois dire que le procédé est assez stupéfiant.

Madame le ministre, je vous demande de réfléchir d'ici à la deuxième lecture aux moyens de résoudre ce problème, car il est pour le moins choquant.

M. le président.

Si j'ai bien compris, vous êtes revenu à l'amendement no

37.

M. Jean-Luc Warsmann.

Oui, je vous prie de m'en excuser, monsieur le président.

M. le président.

Je reviens donc à l'amendement no 19 et je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Gremetz, Outin, Mmes Jacquaint, Fraysse et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement no 18, ainsi rédigé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Dans l'avant-dernier alinéa de l'article L. 620-3 du code du travail, les mots : " est tenu " sont remplacés par les mots " et un registre d'embauche sont tenus ". »

La parole est à M. Maxime Gremetz.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

M. Maxime Gremetz.

On ne pourra pas dire de cet amendement qu'il déborde du cadre de la lutte contre les discriminations.

Pour lutter contre les discriminations à l'embauche et dans le travail, je propose, dans un souci de transparence, qu'un registre d'embauche soit tenu afin que les organisations syndicales puissent savoir qui a été embauché et sur quels critères, ce qu'elles ne peuvent pas faire actuellement.

M. Thierry Mariani.

Même le syndicat du livre CGT ?

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Cet amendement n'a pas été examiné par la commission.

L'idée est bonne mais il reste à préciser le contenu de ce registre d'embauche : la liste des salariés recrutés ou l'ensemble des CV reçus par l'entreprise, lesquels, dans une grande entreprise, se comptent par milliers ? En l'état actuel de la rédaction de l'amendement, j'y suis personnellement défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis que la commission.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

18. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 8 et 20, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 8, présenté par M. Derosier, est ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« I. Il est inséré, au début du chapitre VIII de la loi no 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, un article 29-3 ainsi rédigé :

« Art. 29-3. Dans les établissements et services mentionnés à l'article 3 de la présente loi, le fait qu'un salarié ou un agent a témoigné de mauvais traitements ou privations infligés à une personne accueillie ou relaté de tels agissements ne peut être pris en considération pour décider de mesures défavorables le concernant en matière d'embauche, de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement du contrat de travail, ou pour décider la résiliation du contrat de travail ou une sanction disciplinaire.

« En cas de licenciement, le juge peut prononcer la réintégration du salarié concerné si celui-ci le demande.

« II. Il est inséré, à la fin du titre III de la loi no 89-475 du 10 juillet 1989 relative à l'accueil par des particuliers à leur domicile à titre onéreux des p ersonnes âgées ou handicapées adultes, un article 17-1 ainsi rédigé :

« Art. 17-1. Les dispositions de l'article 29-3 de la loi no 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales sont applicables aux salariés d'une personne ou d'un couple accueillant. »

L'amendement no 20, présenté par M. Birsinger et les membres du groupe communiste, est ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'intitulé et l'article suivants :

« Protection des professionnels dénonçant des faits de maltraitance.

« Art. 5. I. Il est inséré, au début du chapitre VIII de la loi no 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, un article 29-3 ainsi rédigé :

« Art. 29-3. Dans les établissements et services mentionnés à l'article 3 de la présente loi, le fait qu'un salarié ou agent a témoigné de mauvais traitements ou privations infligés à une personne accueillie ou relaté de tels agissements ne peut être pris en considération pour décider de mesures défavorables le concernant en matière d'embauche, de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de c lassification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement du contrat de travail, ou pour décider la résiliation du contrat de travail ou une sanction disciplinaire.

« En cas de licenciement, le juge peut prononcer la réintégration du salarié concerné si celui-ci le demande.

« II. Il est inséré, au titre III de la loi no 89-475 du 10 juillet 1989 relative à l'accueil par des particuliers à domicile à titre onéreux des personnes âgées ou handicapées adultes, un article 18-1 ainsi rédigé :

« Art. 18-1. Les dispositions de l'article 29-3 de la loi no 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales sont applicables aux salariés d'une personne ou d'un couple accueillant. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

L'amendement no 8 est important et sa rédaction me paraît préférable à celle de l'amendement no 20 de M. Birsinger, qui a le même objet.

Dans les institutions sociales et médico-sociales, des personnels se voient parfois sanctionner dans le déroulement de leur carrière et même quelquefois licenciés pour avoir dénoncé des maltraitances à enfant ou à adulte, comme la loi leur en fait obligation. L'amendement a pour but d'empêcher ces sanctions.

M. le président.

La parole est M. le président de la commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

J'insiste à mon tour sur l'importance de cet amendement.

Mme Ségolène Royal a d'ailleurs évoqué le problème en réponse à une question qui lui a été posée lors de la séance des questions au Gouvernement et a demandé au groupe qui dépose cette proposition de loi de réfléchir à une solution. Cette réponse est très attendue, s'agissant de situations vécues douloureusement.

M. le président.

Monsieur le rapporteur, vous avez soutenu l'amendement mais vous n'avez pas donné l'avis de la commission.

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

L'amendement a été adopté à l'unanimité par la commission.

M. le président.

La parole est M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement no

20.

M. Maxime Gremetz.

Je ne comprends pas, monsieur le rapporteur, pourquoi vous préférez l'amendement no 20 à l'amendement no 8. Je trouve qu'ils se ressemblent fort... Ce sont des frères, voire des jumeaux. (Sourires.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Vous avez raison, monsieur Gremetz, mais il y a une petite erreur matérielle dans l'amendement de M. Birsinger, concernant la référence aux titres et aux articles.

M. Maxime Gremetz.

Dans ce cas, j'ai une proposition à vous faire.

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Je propose de retirer l'amendement no 20 et d'inscrire M. Birsinger comme signataire de l'amendement no

8.

M. le rapporteur.

D'accord !

M. le président.

L'amendement no 20 est retiré.

L'amendement no 8 est donc présenté conjointement par M. Derosier et M. Birsinger.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 8 ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le Gouvernement est très favorable à l'amendement cosigné par MM. Derosier et Birsinger, puisqu'il s'agit de protéger les salariés qui signalent des mauvais traitements en institution. Ségolène Royal en a encore parlé récemment, notamment dans le cas de maltraitance vis-à-vis de mineurs.

M. Jean-Luc Warsmann.

Mme Royal est la référence !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je vous rappelle que, dès mon arrivée dans ce ministère, j'ai demandé aux directions départementales et régionales de l'action sanitaire et sociale, d'être très attentives à tout signalement de ce genre fait par les personnels travaillant auprès de personnes âgées, de personnes handicapées ou d'enfants.

Plus de cent cas ont donné lieu à saisine de la justice et il y a eu plusieurs condamnations à des peines de prison ferme.

Avec Ségolène Royal, nous estimons très important de protéger les salariés concernés.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 39, ainsi rédigé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Un service d'accueil téléphonique gratuit est créé par l'Etat. Il concourt à la mission de prévention et de lutte contre les discriminations raciales. Ce service a pour objet de recueillir les appels des personnes estimant avoir été victimes ou témoins de discriminations raciales. Il répond aux demandes d'informations et de conseil, recueille les cas de discriminations signalés ainsi que les coordonnées des p ersonnes morales désignées comme ayant pu commettre un acte discriminatoire.

« Dans chaque département est mis en place, en liaison avec l'autorité judiciaire et les organismes et services ayant pour mission ou pour objet de concourir à la lutte contre les discriminations, un dispositif permettant d'assurer le traitement et le suivi des cas signalés et d'apporter un soutien aux victimes, selon des modalités garantissant la confidentialité des informations.

« Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités de transmission des informations entre les échelons national et départemental ainsi que les condit ions d'organisation et de fonctionnement du dispositif départemental. »

La parole est à Mme la ministre.

M. Jean-Luc Warsmann.

Cet amendement n'a vraiment rien de législatif !

M. Pierre Cardo.

Si celui-là n'est pas réglementaire...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Attendez avant de dire que cet amendement n'a rien de législatif. C'est aussi ce que je pensais et c'est la raison pour laquelle nous avons mis en place le 114 sans support législatif. Mais la CNIL nous a fait savoir qu'il pourrait y avoir un problème car la collecte par un service téléphonique et la diffusion d'informations nominatives dans ce domaine sensible peuvent mettre en cause les droits et libertés des personnes, pour lesquelles l'article 34 de la Constitution confie au législateur le soin de fixer les garanties fondamentales. Il est d'autant plus nécessaire de donner à ce dispositif un support législatif que les signalements opérés peuvent donner lieu à des procédures judiciaires, qui sont elles-mêmes étroitement encadrées par la loi. Il serait dès lors paradoxal que les activités du 114 ne soient pas juridiquement précisées.

C'est donc après réflexion et avis de la CNIL qu'il nous paraît important aujourd'hui de donner un support législatif au Numéro vert 114.

M. Maxime Gremetz.

Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann.

Dans ce cas, nous sommes absolument d'accord. Nous pouvons même voter l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

39. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

M. le président.

M. Salles a présenté un amendement, no 3, ainsi rédigé : Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Le Gouvernement met en oeuvre chaque année une campagne institutionnelle en faveur de la lutte contre les discriminations et la promotion de l'égalité. »

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Nous faisons la loi, mais tout le monde ne la lit pas. Il faut faire évoluer les mentalités et, en particulier, préparer les générations futures car nous travaillons pour l'avenir. C'est pourquoi il serait souhaitable que l'Etat s'engage dans la loi à lancer chaque année une grande campagne utilisant les moyens de communication modernes pour faire progresser le principe d'égalité. C'est un principe républicain fondamental qui figure au fronton de tous les édifices publics, mais il reste souvent un mot parmi d'autres. Il est souhaitable de lui donner un contenu par le biais de campagnes de publicité fortes qui rappellent régulièrement ce principe à la population, et notamment aux plus jeunes.

Les moyens de communication modernes doivent servir de supports à cette campagne. La population reçoit par la télévision des clips vidéo et des publicités extrêmement attrayantes sur une foule de sujets, mais on n'y met pas suffisamment en valeur nos principes républicains. Il y a un effort de pédagogie à faire qui ne passe pas seulement par les cours d'instruction civique. Il doit prendre une autre dimension.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

La commission n'a pas examiné l'amendement mais il me semble qu'il relève du domaine réglementaire.

Monsieur Salles, le Gouvernement n'a pas attendu vosr ecommandations pour mettre en place un certain nombre de dispositifs de lutte contre les discriminations, comme le prouve le 114. La lutte contre les discriminations doit se faire tous les jours et non une fois par an. Je suis donc défavorable à l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il y a déjà eu plusieurs campagnes, en matière de lutte contre les discriminations. Lors de la mise en place du 114, des centaines de milliers d'affiches ont été diffusées dans les services publics, les collectivités locales, les administrations, les associations, les syndicats.

Personnellement, je n'ai rien contre des campagnes institutionnelles sur ce thème. Puisque je m'exprime devant l'Assemblée nationale, je dirai qu'il serait tellement plus efficace que tous les politiques tiennent le même discours et affirment haut et fort que, s'ils sont attachés à la République, c'est parce qu'ils ne supportent pas qu'il y ait chaque jour dans notre pays des discriminations assorties parfois de violences à l'encontre d'un certain nombre de gens qui ont décidé d'y vivre.

Si le texte dont nous débattons a un sens, c'est bien de nous inciter à nous engager à tout faire pour que les Français s'engagent à lutter contre les discriminations.

Peut-être un jour faudra-t-il une campagne. Personnellement, je ne m'y oppose pas.

M. Maxime Gremetz.

L'inconvénient avec les campagnes c'est qu'elles coûtent cher !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais il importe, je le répète, que les politiques tiennent le même discours.

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Madame la ministre, je suis tout à fait d'accord avec vous. Il est du rôle des élus d'être les propagandistes zélés des principes républicains. Mais, croyezmoi, ce n'est pas tous les jours facile, et vous le savez.

Nos concitoyens, en effet, ne comprennent pas toujours nos propos en la matière. Nos discours passent plus ou moins bien lorsque nous parlons de ce genre de problèmes.

M. Maxime Gremetz.

C'est vrai, vos électeurs ont du mal...

M. Rudy Salles.

Monsieur Gremetz, je vous en prie !

M. le président.

Monsieur Gremetz, pas d'interpellation !

M. Rudy Salles.

On essaie de donner un petit peu de hauteur au débat !

M. Maxime Gremetz.

Vous allez en avoir !

M. le président.

Monsieur Gremetz, laissez parler M. Salles !

M. Rudy Salles.

Toutes les initiatives qui ont été prises vont dans le bon sens, le no 114, entre autres, mais il faut que nous parvenions à toucher la base de la population, qui n'est pas sensible aux discours politiques...

M. Robert Gaïa...

et le maire de Nice !

M. Rudy Salles.

Nous en parlerons à un autre moment ! Si nous voulons toucher les gens qui n'écoutent plus les discours politiques ou qui ne sont pas au fait des problèmes, il faut employer d'autres moyens : les moyens grand public. Il faut essayer de créer un environnement favorable pour que le message passe.

M. Pierre Cardo.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

J'ai écouté avec attention les propos de M. Salles. Il pose un vrai problème mais il conviendra qu'il ne relève pas de la loi. Il faut que nos discours soient relayés et c'est ce qui se passe pour ce texte : très court quant au nombre d'articles mais très important quant au fond, il est largement cité et repris par les médias depuis quarante-huit heures.

Il est l'illustration de ce que vous dites. Notre action découle de notre volonté de donner un autre discours politique, je l'ai dit tout à l'heure en réponse à un certain nombre d'intervenants. Mais cela n'exclut évidemment pas l'utilisation d'autres méthodes d'information.

Votre amendement, monsieur Salles, ne relève pas de la loi, mais je ne vous reproche pas d'avoir posé le problème car vous l'avez fait très justement.

M. le président.

Je crois que l'Assemblée est suffisamment éclairée. Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 36, ainsi rédigé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Chaque année, il devra être remis au Parlement un rapport faisant état des actions concrètes menées par l'Etat, les administrations publiques, les entreprises publiques en matière de lutte contre les discriminations en leur sein. »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Madame la ministre, j'ai le sentiment que vous allez accepter cet amendement puisque vous avez dit tout à l'heure que vous aviez demandé une étude sur les problèmes de discrimination au sein de l'administration. Mon amendement reprend modestement une de vos idées, en proposant un rapport annuel au Parlement sur les actions concrètes menées par l'Etat, les administrations publiques, les entreprises publiques en matière de lutte contre les discriminations en leur sein.

Imposer au privé, c'est bien. Le faire aussi dans le public, c'est mieux !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Vuilque, rapporteur.

Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, j'y suis défavorable.

M. Rudy Salles.

Pourquoi ?

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis défavorable, parce que le groupe d'étude sur les discriminations que j'ai mis en place s'intéresse aussi bien au secteur privé qu'au secteur public. Il va publier plusieurs rapports dans l'année qui seront bien évidemment, transmis au Parlement. Le premier concernera précisément les discriminations à l'entrée dans le secteur public. Je crois que nous avons là un bon instrument qui doit éclairer tout le monde, le Gouvernement comme le Parlement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

36. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Sur l'ensemble de la proposition de loi, j'indique qu'il y aura un scrutin public à la demande du groupe communiste.

Je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin, de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Thierry Mariani, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Thierry Mariani.

Madame la ministre, mes chers collègues, j'ai déjà dit que ce texte ne méritait ni excès d'honneur ni excès d'indignité. Ni excès d'honneur, car nous manquons visiblement d'enthousiasme devant votre démarche : la loi ne résout pas tout et il ne suffit pas d'écrire pour que les faits se transforment. Ni excès d'indignité, car au RPR, comme sur la totalité de ces bancs, nous partageons le même souci de lutter contre les discriminations. C'est un combat multiforme, mon collègue Anicet Turinay l'a souligné. Il se livre sur le terrain de l'éducation, de la formation, comme sur celui du logement ou de la protection sociale. Bref, ce texte soulève de vraies préocccupations que nous partageons, mais il ne mérite pas le déchaînement d'enthousiasme auquel nous assistons depuis quelques jours.

M. le président.

La parole est à Mme Cécile Helle, pour le groupe socialiste.

Mme Cécile Helle.

La discussion de ce matin a révélé combien le Gouvernement et la majorité des parlementaires présents ont mesuré l'ampleur prise par les phénomènes discriminatoires dans le monde du travail, le malaise qu'ils génèrent chez les jeunes qui en sont victimes, l'urgence enfin avec laquelle il convenait d'apporter des solutions concrètes et efficaces à des situations remettant en cause les valeurs qui, de tout temps, ont servi de fondement à notre démocratie, à commencer par la première : l'égalité.

Dès lors, la lutte contre les discriminations, aux yeux des parlementaires socialistes, apparaissait comme un impératif nouveau appelant des réponses novatrices et multiples, pour éviter de mettre encore plus à mal notre cohésion sociale et oeuvrer à la pleine adhésion des étrangers et Français d'origine étrangère à notre idéal républ icain.

C'est bien ce qui nous est proposé aujourd'hui à travers ce texte de loi, qui introduit un aménagement de la charge de la peuve, donne aux syndicats la possibilité d'ester en justice, intègre clairement enfin dans les conventions collectives la références à la lutte contre toutes les formes de discrimination dans le monde du travail.

Parce qu'elle nous offre l'opportunité de rappeler notre attachement indéfectible au principe d'égalité des droits, les parlementaires socialistes voteront avec fierté cette proposition de loi. Seule cette restauration pleine et effective du principe d'égalité pour tous les citoyens permettra d'écarter durablement le risque de mise à mal de notre cohésion sociale par la tentation, fréquente chez nombre de victimes de discriminations, du repli identitaire. Elle seule permettra aussi de modifier réellement le cours des choses pour les populations qui vivent dans les quartiers dits en difficulté. Elle seule permettra enfin d'assurer l'adhésion du plus grand nombre aux valeurs qui régissent depuis plus de deux siècles maintenant notre système démocratique.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.

M. Rudy Salles.

Monsieur le président, madame la ministre, nous nous sommes tous longuement expliqués sur cette proposition de loi. Le groupe UDF aurait souhaité la voter. Nous sommes évidemment favorables à la lutte contre les discriminations. Nous sommes attachés au principe d'égalité contenu dans tous nos textes. Nous n'étions pas non plus hostiles au renversement de la charge de la preuve, pour peu qu'il ait été assorti de dispositions propres à empêcher les recours abusifs, qui ne sont pas le droit mais le contraire du droit.

Malheureusement, comme nous l'avons pressenti en commission des affaires sociales, nous n'avons pas été suivis par la majorité sur ce point. C'est regrettable. Nous ne l'avons pas davantage été par le Gouvernement. C'est la raison pour laquelle le groupe UDF s'abstiendra.

M. le président.

Pour le groupe communiste, la parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Voilà longtemps que je n'ai pas eu le plaisir de voter une loi avec autant d'enthousiasme.

(Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Longtemps, n'exagérons pas, mais enfin... (Sourires.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

En effet ! N'exagérez pas, monsieur Gremetz !

M. Pierre Cardo.

Depuis la dissolution, avouez-le !

M. Maxime Gremetz.

Disons que nous n'avons pas eu pareille occasion dans la dernière période... Avec l'épargne salariale, ce n'était pas l'enthousiasme, avouons-le !

M. Jean-Luc Warsmann.

Et que dire de la chasse !

M. Maxime Gremetz.

Pour commencer, je l'ai dit, la philosophie du texte était bonne. Nous l'avons enrichi au cours de la discussion grâce à des amendements présentés non seulement par les parlementaires, mais aussi par le Gouvernement - et je veux souligner l'importance de l'amendement du Gouvernement...

M. Thierry Mariani.

Ah ça !

M. Maxime Gremetz.

... Dire que nous n'avions pas osé ! Les parlementaires devraient en tirer enseignement : osez, osez, osez ! (Sourires.) On me dit toujours que j'ose trop... J'en viens à pratiquer parfois l'autocensure ! (Rires.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

A ce point ? (Sourires.)

M. Maxime Gremetz.

Eh oui ! (Rires.)

C'est donc une bonne proposition de loi qui marque une étape, en particulier dans le monde du travail, dans toute sa diversité. Mais n'oublions pas qu'il existe d'autres discriminations dans la société, qui appellent d'autres dispositions et qu'il nous faudra les prendre.

C'est pourquoi le groupe communiste votera unanimement ce texte.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

M. Jean-Luc Warsmann.

Il est tout seul !

M. le président.

La parole est à M. Pierre Cardo, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Pierre Cardo.

Monsieur le président, mes chers collègues, j'ai déjà exprimé la position de mon groupe. Rappelons que l'enfer est parfois pavé de bonnes intentions et que, à trop protéger dans certains domaines, on fragilise.

On peut reprocher à ce texte d'être trop coercitif, de ne pas avoir réellement d'aspect incitatif et sûrement pas d'aspect éducatif. Il ne vise qu'un seul secteur de la vie sociale en négligeant tous les autres, où pourtant la discrimination dépend de notre volonté politique, particulièrement pour ce qui relève du service public ou assimilé.

L'efficacité comme l'ambition en sont absentes ; seule la bonne conscience risque d'y trouver son compte. Voilà la raison pour laquelle le groupe Démocratie libérale et Indépendants y reste opposé.

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

40 Nombre de suffrages exprimés .................

38 Majorité absolue .......................................

20 Pour l'adoption .........................

36 Contre .......................................

2 L'Assemblée nationale a adopté.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je ne vous retiendrai que quelques instants.

Je veux d'abord dire combien Nicole Péry et moimême sommes fières de l'adoption de ce texte.

Certes, la loi ne répond pas à tout. Vous avez raison, monsieur Mariani : elle ne saurait tout changer. Mais je crois que la loi est importante pour redire très clairement que toute discrimination est inacceptable, qu'elle soit liée au sexe, à l'orientation sexuelle ou à l'origine.

M. Pierre Cardo.

Nous sommes bien d'accord.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La loi ne changera pas tout ; mais parce qu'il est important de rappeler que les discriminations ne sont pas acceptables en France, parce que des sanctions portées par les juges sont également utiles en ce qu'elles font réfléchir, parce qu'elles participent, ainsi que le notait M. Salles, à l'information et donc à la réflexion de nos concitoyens, ce texte introduit des apports essentiels.

Le principe d'égalité est respecté, monsieur Salles, puisque les principales dispositions qui y figurent étaient déjà contenues dans la loi de modernisation sociale, qui n'a pas suscité d'objection de la part du Conseil d'Etat.

L'enfer est peut-être pavé de bonnes intentions, monsieur Cardo ; mais remarquez que ce que nous faisons aujourd'hui, toute l'Europe le fait. Ainsi, j'aurai à défendre, mardi prochain, une directive sur les discriminations au niveau européen qui, dans l'esprit et dans les mots, va tout à fait dans le sens de ce que nous avons fait ce matin. Et parce que nous croyons à la République et à l'égalité des droits, nous ne pouvons que nous réjouir de voir la France en avance dans ce domaine, y compris sur l'Europe.

Vous nous dites que cette loi ne sera pas efficace, monsieur Cardo. M. Mariani la trouve quant à lui trop efficace - d'où les abus qu'il redoute.

M. Thierry Mariani.

Je n'ai pas dit ça !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La majorité qui a voté cette loi...

M. Jean-Luc Warsmann.

Il n'y a pas eu que la majorité !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

En effet, monsieur Warsmann. J'allais justement saluer votre vote, mais, du coup, je ne peux plus.

(Rires.)

Je remercie en tout cas ceux que leur conscience et leurs valeurs ont poussés à la voter.

Combien de fois depuis trois ans ai-je entendu répéter dans l'opposition et notamment à l'UDF : « On aimerait, mais on n'ose pas ! » C'est ce que vous disiez pour les emplois-jeunes que vous avez pourtant créés dans vos propres villes... Vous le disiez également de la loi contre les exclusions, en prétendant que nous ne respecterions pas nos engagements, alors que l'Etat les a très largement dépassés, qu'il s'agisse de ses engagements financiers ou de ses engagements tout court ! « On voudrait bien, mais on ne peut pas » ! A chaque fois que les valeurs en jeu sont importantes, que les convictions sont fortes, il faut faire. Et c'est ce qu'a fait la majorité plurielle, avec un député de l'opposition que je salue.

M. Anicet Turinay.

Deux députés !

M. Thierry Mariani.

Oui, deux !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Deux députés, pardonnez-moi, monsieur Turinay.

Enfin, puisque c'est le dernier texte pour lequel je suis devant vous, je saisis cette occasion pour vous dire combien je suis heureuse qu'il s'agisse d'une loi contre les discriminations. En effet, si le

XXIe siècle semble mieux commencer que n'a fini le XXe , avec un peu moins de chômage, un peu moins d'exclusion, ...

M. Pierre Cardo.

Ce n'est pas ce que disent les experts.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... nous savons qu'il faut continuer pour développer davantage encore les valeurs de solidarité et de fraternité dans notre pays.

La fraternité, c'est justement regarder celui qui est différent avec un autre oeil, ne pas regarder l'autre comme un ennemi, comme quelqu'un qui peut apporter autre chose. C'est faire en sorte que le lien social se recrée, que ce pays soit moins dur pour les plus fragiles, pour ceux qui sont différents. Voilà le véritable enjeu, celui en tout cas que la gauche plurielle portera dans les mois et dans les années futures. C'est donc pour moi un grand bonheur que de terminer sur un tel texte.

Je veux enfin remercier tous ceux qui m'ont épaulée pendant ces trois ans avec un mot tout particulier et affectueux, vous l'imaginez bien, à l'adresse du président de la commission des affaires sociales, Jean Le Garrec. Il est clair que, sans lui, beaucoup de ces combats n'auraient pas eu lieu. Merci également à tous ceux - ils sont


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

nombreux aujourd'hui, et ce n'est pas un hasard - qui ont accompagné le Gouvernement jour et nuit dans les textes essentiels que nous avons votés. Merci à vous, comme à ceux qui n'ont pu être là aujourd'hui...

M. Thierry Mariani.

Nous aussi, nous vous avons accompagnée... C'est de la discrimination ! (Sourires.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et à vous aussi, monsieur Mariani : votre voix me manquera.

(Sourires. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi no 2482, d'orientation pour l'outre-mer :

M. Jérôme Lambert, rapporteur, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2617) ; M. Michel Tamaya, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 2608) ; M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 2611).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures quinze.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 OCTOBRE 2000

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 1re séance du jeudi 12 octobre 2000 SCRUTIN (no 257) sur l'ensemble de la proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations Nombre de votants .....................................

40 Nombre de suffrages exprimés ....................

38 Majorité absolue ..........................................

20 Pour l'adoption ...................

36 Contre ..................................

2 L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (254) : Pour : 31 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non votant : M. Raymond Forni (président de l'Assemblée nationale).

Groupe R.P.R. (138) : Pour : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Abstention : 1. - M. Thierry Mariani

Groupe U.D.F. (70) : Abstention : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votant : M. Pierre Lequiller (président de séance).

Groupe communiste (35) : Pour : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (29) : Pour : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.

Non inscrits (5).