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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 OCTOBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

YVES

COCHET

1. Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7379).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 7379)

Exception d'irrecevabilité de M. Jean-François Mattei : MM. Dominique Dord, Claude Evin, rapporteur de la c ommission des affaires culturelles, pour l'assurance maladie ; Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité ; MM. Bernard Accoyer, Jean-Luc Préel, Maxime Gremetz. - Rejet.

QUESTION PRÉALABLE (p. 7394)

Question préalable de M. Philippe Douste-Blazy : MM. Yves Bur, Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles ; Mme la ministre, M. Jean-Pierre Foucher, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, MM. Philippe Nauche, Maxime Gremetz. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 7406)

Mme Jacqueline Fraysse,

MM. Jean-Luc Préel, Bernard Charles.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 7413).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 OCTOBRE 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2001 Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (nos 2606, 2633).

Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-François Mattei et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Dominique Dord. Pour une durée raisonnable.

M. Dominique Dord.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, mes chers et rares collègues,...

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Rares, mais il y a la qualité !

M. Dominique Dord.

En effet, la qualité est présente.

Avant d'aborder l'exposé de cette motion, je voudrais saluer le caractère exceptionnel de l'actualité dans laquelle elle s'inscrit. J'avais prévu de m'adresser à Mme Guigou - et vous ne manquerez pas, madame la secrétaire d'Etat, de lui transmettre mes propos quand elle arrivera - pour lui dire que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale était le premier grand texte qu'elle allait défendre à l'Assemblée nationale sous les couleurs de sa nouvelle affectation ministérielle. Je voulais aussi, au nom de l'opposition, lui adresser un mot de bienvenue...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Elle y sera sensible, monsieur le député.

M. Dominique Dord.

... et lui indiquer combien nous attendons d'elle - ainsi que de vous, madame Gillot dans ce secteur essentiel de la vie nationale.

C'est probablement dans ce domaine qu'il y a, en effet, le plus grand écart politique entre vous et nous, écart surtout entre le gouvernement auquel Mme Guigou et vousmême avez l'honneur d'appartenir et les autres gouvernements socialistes en Europe qui ont, pour ce qui les concerne, choisi une ligne plus pragmatique, que l'on a appelée la « troisième voie ». Mme Guigou sera-t-elle la ministre de cette troisième voie à la française ou continuera-t-elle la politique de son prédécesseur que, pour une part, nous jugeons un peu « archéo » ? Les prochaines semaines nous le diront.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est aussi le premier depuis le début de la législature sans Mme Aubry. Il est donc d'occasion de dresser un bilan un peu rapide de son passage au ministère. Inutile de vous dire que le bilan sera sans complaisance, mais, je l'espère, sans inélégance.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Le contraire m'aurait surpris de votre part !

M. Dominique Dord.

Pour cela, j'ai transmis mon texte à Mme Aubry cet après-midi.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Elle vous a donné l'imprimatur ?

M. Dominique Dord.

Elle ne me l'a pas donné, hélas ! (Sourires.)

M. Christian Cabal.

Pourquoi « hélas » ?

M. Dominique Dord.

En effet, le mot est peut-être de trop ! Cette situation de transition rend notre tâche plus difficile, puisque nos critiques s'adressent finalement moins à Mme Guigou qu'à son prédécesseur. Je les ferai toutefois sans trop de complexes, ayant assisté, vendredi, à Chambéry, au congrès de l'Union syndicale des magistrats, l'USM, le syndicat majoritaire dans la magistrature, et où j'ai vu le nouveau garde des sceaux, Mme Lebranchu, essuyer les critiques qui étaient destinées à Mme Guigou. J'aurai moins de scrupules à adresser ici à Mme Guigou les critiques qui auraient pu plutôt s'adresser à Mme Aubry. (Rires.)

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Vous êtes injuste ! (Sourires.)

M. Dominique Dord.

J'ai d'ailleurs été frappé de voir, à cette occasion, que le fondement des critiques des magistrats était, d'une certaine manière, assez proche de l'argumentation que je pensais employer sur la sécurité sociale.

En gros, les magistrats reprochent à l'ancien garde des sceaux d'avoir exposé la justice à une sorte de bogue à retardement, qui, pour eux, interviendra au début de l'année 2001, c'est-à-dire après son départ, au moment où devrait entrer en application la loi de juin 2000 sur la présomption d'innocence.

De là à penser que cette stratégie de remplacement des responsables avant que les dégâts ne se voient trop fait aussi partie de la méthode Jospin, il n'y a qu'un pas...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Facile !

M. Dominique Dord.

... que, bien entendu, je ne franchirai pas, même si on ne peut pas s'empêcher d'avoir quelques doutes. Que voulez-vous, on ne se refait pas.


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Pourquoi, d'ailleurs - c'est une question qui nous angoisse beaucoup -, Mme Aubry est-elle partie si tôt, et pourquoi Mme Guigou a-t-elle choisi, elle, de rester au Gouvernement ? Voilà qui restera un grand mystère pour nous tous. La campagne électorale à Lille s'annonceraitelle plus dure qu'en Avignon ? On peut en douter. L'issue en serait-elle plus incertaine ? Ce n'est pas l'avis des spécialistes. Serait-elle en désaccord sur l'efficacité du cumul des mandats ? Y a-t-il habileté ici, maladresse là ? Autant de questions que nous ne poserons évidemment pas, mais qui constituent la toile de fond de ce débat.

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

On s'éloigne de la sécurité sociale !

M. Jean-Yves Caullet.

C'est même hors sujet !

M. Dominique Dord.

J'en viens au sujet, mes chers collègues.

C'est la cinquième fois que nous nous retrouvons pour tenter de discuter de la situation de notre protection sociale : discuter du passé, du présent et surtout de l'avenir. Et de l'avenir, ce projet fait peu de cas. Pourtant les Français ne nous demandent pas, ni à vous ni à nous, de lire dans une boule de cristal. Ils nous demandent simplement de prendre en compte les réalités démographiques, économiques et sociales et de bien vouloir considérer, par exemple, que d'ici à une quarantaine d'années un Français sur trois aura plus de soixante ans.

La croissance est au rendez-vous aujourd'hui. Le sera-telle demain ? Rien n'est plus sûr. Que fait le Gouvernement en prévision ? A notre sens, très peu pour l'assurance maladie toujours en déficit et surtout rien pour le régime de retraite dont il paraît être le seul à considérer qu'il n'est pas menacé.

Certes, ce projet n'est pas tout à fait celui de Mme Guigou : il fait partie de l'héritage laissé par Mme Aubry. Et je ne résiste pas à l'envie de revenir quelques instants sur cet héritage dont un certain nombre d'éléments font partie intégrante de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Ce qui a rendu célèbre Mme Aubry, c'est probablement avant tout la loi sur les 35 heures,...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Non, c'est sa lutte en faveur de l'emploi !

M. Jean-Yves Caullet.

Tout à fait !

M. Dominique Dord.

... cette réduction autoritaire du temps de travail, que nous avons, pour notre part, combattue.

M. Jean-Yves Caullet.

Ce qui a rendu Mme Aubry célèbre, c'est la lutte contre le chômage !

M. Dominique Dord.

Je vais y venir.

Les grandes entreprises se sont adaptées aux 35 heures bon an mal an et les salariés, comme je l'avais prévu à cette même tribune, en payent le prix. Mais ne nous y trompons pas, l'application dès 2002 des 35 heures dans les PME s'annonce plus difficile et très coûteuse à l'heure du passage à l'euro.

Le financement des 35 heures, quant à lui, relève de la quadrature du cercle. Le budget initial prévoyait 64 milliards de francs pour le FOREC, le fonds de financement des 35 heures. Finalement, tout en refusant d'indiquer comment il pourra financer les dérapages, le Gouvernement annonce que la facture sera plus lourde, beaucoup plus lourde. Il prévoit que le FOREC atteindra 80 milliards en 2001 et plus de 100 milliards en 2002. Malgré cette dotation et les surtaxes prévues, il manquera probablement entre 15 et 20 milliards en 2001 et en 2002.

Déjà, nombreuses sont les voix qui s'élèvent à travers le pays, y compris dans vos propres rangs, pour demander des aménagements de la loi sur les 35 heures, en particulier dans les PME, voire pour reporter la date d'application de celle-ci. Nous sommes un certain nombre à attendre avec impatience la manière dont vous allez dénouer cet échevau.

Parmi les autres bombes à retardement que le prédécesseur de Mme Guigou lui a laissées, figure aussi la couverture maladie universelle. Le financement de la CMU, déjà mis à mal par le coût caché des embauches - d'ailleurs en nombre insuffisant - à la CNAM est mal assuré.

C'est le mécanisme de montée en puissance qui est très onéreux, car l'universalité des cotisations sociales s'accompagne d'un système sans régulation. En 2000, la CMU aura coûté 3,5 milliards de francs et, en 2001, le coût prévu s'élève déjà à 6,6 milliards de francs. Nous avions pourtant prévenu le Gouvernement, et nous n'étions pas les seuls dans cet hémicycle. La recentralisation de l'aide médicale gratuite, mécanisme géré autrefois par les départements de manière plutôt équilibrée...

M. Jean-Yves Caullet.

Non, disparate !

M. Dominique Dord.

... et en tenant compte de la réalité des situations des personnes au plus près du terrain, est une erreur qui apportera un service moins efficace, moins généreux, moins proche des besoins et plus onéreux.

M. Jean-Yves Caullet.

C'est faux !

M. Dominique Dord.

Mais Mme Aubry, bardée qu'elle était de ses certitudes, en a ainsi décidé, contre le souhait de tous, y compris d'ailleurs contre celui de la Caisse nationale d'assurance maladie elle-même.

Quant aux emplois-jeunes qui s'achèveront en 2002, nul ne sait ce qu'il en adviendra. J'avais dit à l'époque que, au lieu de traiter le problème du chômage des jeunes, le Gouvernement avait choisi de le « congeler ».

On va sortir de la période de congélation en 2002, mais on ne sait pas dans quel état. On ne sait pas non plus ce qu'il adviendra de ce dispositif...

M. Alain Calmat.

Ça marche bien !

M. Dominique Dord.

... qui coûtera tout de même la bagatelle de 22 milliards de francs en 2001, monsieur Calmat, et encore plus en 2002 ! Sans compter que le volet formation n'a pratiquement jamais vu le jour.

Plus de 275 000 jeunes vont donc se retrouver à la sortie d'un dispositif qui ne devrait durer que cinq ans.

Quant à l'obligation de proposer des emplois au financement pérenne, elle a été allègrement bafouée partout, ce qui fait que la pérennisation du financement de ces emplois n'est évidemment absolument pas assurée.

M. Jean-Yves Caullet.

Mais vos collègues sur le terrain ont recours à ces emplois !

M. Dominique Dord.

L'Etat a donc été obligé de s'impliquer lui-même en première ligne pour arriver à un quota d'emplois suffisamment élevé.

M. Alain Calmat.

Il ne s'agit pas de quotas, mais de jeunes !

M. Dominique Dord.

En toute hypothèse, on reste loin des 350 000 emplois prévus. Sans compter que pas un des emplois prévus dans le privé n'a vu le jour, ce dispositif n'ayant même pas été mis en place.

M. Alain Calmat.

La faute à qui !

M. Dominique Dord.

Pas à nous, en tout cas. Les entreprises n'ont évidemment pas vu l'utilité d'un tel dispositif. Quant au Gouvernement, il n'a pas fait preuve du


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volontarisme qui s'imposait ; pourtant, ça ne tenait qu'à lui, il en avait fait la promesse. Ce gouvernement est, paraît-il, le champion des promesses tenues ; eh bien, il n'avait qu'à tenir celle qu'il avait faite, personne ne l'en a empêché. Du reste, nous avons vu, pour ce qui concerne l'affaire de l'UNEDIC, que ce gouvernement était capable de ne pas prendre des gants avec les entreprises.

Par conséquent, ce n'est pas à nous qu'il faut reprocher la non-mise en place des emplois-jeunes dans le privé, nous n'y sommes pour rien !

M. Alain Calmat.

Quelle hypocrisie !

M. Dominique Dord.

Autre élément du bilan de Mme Aubry, le feuilleton tragi-comique de l'UNEDIC.

M. Maxime Gremetz.

Un feuilleton ? Comment osezvous insulter les chômeurs ?

M. Dominique Dord.

En effet, Ernest-Antoine, Nicole, Martine et finalement Lionel nous ont joué un vaudeville que l'Etat a failli mettre dans l'impasse.

M. Jean-Yves Caullet.

C'est scandaleux !

M. Maxime Gremetz.

Une honte !

M. Dominique Dord.

L'Etat a refusé le jeu...

M. Maxime Gremetz.

Vous jouez avec les chômeurs ?

M. Dominique Dord.

Monsieur Gremetz, je suis content de votre arrivée en séance et je suis content que vous vous fassiez entendre de manière à pouvoir être cité au Journal officiel.

Je le répète, l'Etat a, dans ce dossier, pris le risque de refuser le libre jeu du paritarisme.

M. Maxime Gremetz.

Paritarisme ? Quand c'est le MEDEF qui dirige !

M. Dominique Dord.

L'Etat a refusé de lâcher prise, gardant en réalité les rênes du dialogue.

M. Christian Cabal.

Tout à fait !

M. Dominique Dord.

En multipliant les veto, en s'arcboutant sur une conception dépassée de la prise en charge des demandeurs d'emplois, vous avez étouffé le dialogue social.

M. Jean-Yves Caullet.

Quelle caricature !

M. Dominique Dord.

Vous avez négligé les intérêts du retour à l'emploi au profit du maintien dans des situations d'assistanat. Ce choix vous regarde. Ce n'est notre conception ni du dialogue social, ni de la nécessité du retour à l'emloi.

Enfin, sur la sécurité sociale, pouvez-vous me dire, les yeux dans les yeux, mes chers collègues, ce qui a vraiment été fait ou, pire, ce qui a vraiment été tenté ?

M. Christian Cabal.

Plutôt ce qui a été défait !

M. Dominique Dord.

D'ailleurs, il suffit que la croissance s'effondre pour que le trou réapparaisse. Pourquoi ? Parce que, en réalité, vous n'avez pas profité de cette période de croissance pour engager une quelconque réforme structurelle pourtant nécessaire.

La Cour des comptes ne s'y est pas trompé, qui a pointé du doigt dans son rapport annuel sur la loi de financement de la sécurité sociale que l'équilibre du régime pour 1999 résultait « pour une large part de l'excellente conjoncture économique ».

A défaut de politique structurelle, le Gouvernement table donc sur la conjoncture. Nous ne sommes pas dupes, vous non plus d'ailleurs, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité dont je salue l'arrivée dans l'hémicycle. La croissance dope la sécurité sociale - tant mieux ! - mais fait peser sur l'avenir des incertitudes qui ne nous paraissent pas acceptables. Honnêtement, nous avons le sentiment qu'en cette période de croissance forte - la France n'avait pas connu une telle croissance depuis quinze ans - « vous gâchez du jeu », comme on dit dans mon département.

Si l'hôpital n'a pas réagi, c'est parce que Mme Aubry a réussi, en mars dernier, à acheter la paix sociale, d'une certaine manière, en offrant une enveloppe spéciale de 10 milliards de francs d'ici à 2002, année des élections présidentielles, l'horizon unique que vous vous êtes fixé.

M. Maxime Gremetz.

Vous êtes obsédé !

M. Dominique Dord.

Toujours cette méthode des bombes à retardement réglées sur des échéances politiques précises.

M. Maxime Gremetz.

Les bombes sautent souvent dans l'opposition !

M. Dominique Dord.

J'avoue que le système, d'un point de vue politique, paraît assez efficace. Mais, pour le pays, que de dangers accumulés et de dossiers non traités ! Madame la ministre, sur tous ces sujets que votre prédécesseur a su inscrire à son crédit politique - ce qui prouve, je le reconnais, l'étendue de son talent - vous héritez pour ce qui vous concerne du débit. Elle a eu les pétales, il vous reste les épines.

M. Maxime Gremetz.

De la poésie, maintenant ?

M. Dominique Dord.

Arriverez-vous, non pas à vous en sortir vous-même, madame la ministre, - je n'ai pas de souci de ce côté-là - mais à en sortir notre pays ? C'est moins sûr, même si, je vous l'avoue très sincèrement, nous le souhaitons. Vous bénéficiez en tout cas à nos yeux d'un avantage énorme, vous ne pouvez guère faire pire que votre prédécesseur. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est charmant !

M. Maxime Gremetz.

S'en prendre à une femme absente, j'appelle cela de la lâcheté !

M. Dominique Dord.

Voilà pour le bilan, selon vous faramineux, selon nous calamiteux, de votre prédécesseur.

M. Maxime Gremetz.

Quelle élégance !

M. Dominique Dord.

Monsieur Gremetz, vous n'étiez pas là quand j'ai traité le sujet de l'élégance en politique.

Vous pourrez lire dans le Journal officiel ce que j'ai pu en dire.

Le projet de loi de financement que vous nous présentez, madame la ministre, porte les recettes à un niveau jamais atteint de presque 2 000 milliards de francs, 1 968 milliards pour être précis. Si l'on compare ce chiffre à celui de 1997, les recettes escomptées augmentent de plus de 310 milliards de francs, soit près de 19 %. Ces 19 % sont obtenus, je l'ai dit, pour une large part par la croissance, mais aussi, hélas !, par l'augmentation des prélèvements sociaux. Les prélèvements obligatoires affectés à la sécurité sociale ont ainsi augmenté de 4,8 % depuis un an, passant de 20,5 % du PIB à 21,2 % en l'an 2000. Cela veut dire que la croissance, qui n'a pourtant jamais atteint un tel niveau depuis quinze ans, n'a pas suffi pour faire face à la boulimie dépensière de votre prédécesseur et cela malgré les sacrifices imposés à la branche famille. Je reviendrai sur ce point.


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Ce sont donc des prélèvements obligatoires nouveaux, une ponction sur la croissance et sur la famille qui expliquent la baisse du déficit du régime général alors même que les dépenses maladie continuent d'augmenter.

Les dépenses ne sont pas maîtrisées, madame la ministre, et c'est pour cela que nous posons la question de la réduction structurelle des déficits. Mme Aubry part au moment où les dépenses de santé sont dans une course folle, les honoraires des médecins et les prescriptions étant respectivement en progression de 8 % et 10 %. L'objectif de progression des dépenses, le fameux ONDAM, qui passera de 2,5 % l'an dernier à 3,5 % cette année, n'est en réalité plus qu'une utopie. La hausse nominale atteint 3,5 % mais, en fait, elle est bien supérieure, le Gouvernement ayant décidé, pour la seconde année, de l'asseoir non pas sur l'enveloppe votée l'an passé mais sur les dépenses réelles à la fin 2000.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Très bonne décision !

M. Dominique Dord.

Avec ce « rebasage » de l'ONDAM que vous jugez salutaire - je le comprends -, le Gouvernement passe ainsi tranquillement l'éponge sur 13,2 milliards de dépassement cette année. Les apparences - encore les apparences - sont sauves, mais, en réalité, il y a bien eu dérapage des dépenses prévues pour l'assurance maladie. Alors, de grâce, ne nous faites pas le coup des dépenses maîtrisées.

M. Alain Calmat.

Les médecins apprécieront !

M. Dominique Dord.

Dans les dépenses d'assurance maladie, l'évolution des dépenses des médicaments constitue indéniablement le point noir. Mois après mois, le montant des remboursements des médicaments vendus en pharmacie ne cesse de progresser. Il devrait progresser, pour l'an 2000, de 8,7 %. Le dérapage devrait ainsi s'élever à plus de 6 milliards de francs pour ce seul poste.

Certains professionnels en viennent même à parler de dérive structurelle, et non plus de simple dérapage.

En ce qui concerne les médicaments génériques, que tout le monde a vantés considérant que, s'agissant de copies moins onéreuses que les molécules originales, leur usage entraînerait des économies d'échelle, on constate aujourd'hui des effets pervers, vous le savez bien.

Le mécanisme est en effet très simple : les laboratoires dont les molécules tombent dans le champ des génériques n'en font évidemment plus la promotion, ce sont alors des molécules équivalentes plus récentes mais commercialisées par d'autres laboratoires qui sont prescrites. Plus récentes, ces molécules sont plus chères. Le coût, vous le connaissez parfaitement. Le bilan qui a pu être dressé de l'introduction des génériques montre que le traitement de l'angine, par exemple, a coûté plus cher à notre pays, et à la sécurité sociale en particulier, l'amoxycilline ayant été remplacée par les macrolides, et ceci au détriment de l'évolution de nos dépenses de santé.

Une rénovation du dispositif de régulation dans le domaine de l'assurance maladie est donc nécessaire, et la Cour des comptes l'a souligné avec force dans son rapport.

A défaut de préparer l'avenir - il faut d'ailleurs un certain courage pour le faire -, vous vous abritez non seulement derrière les fruits de la croissance, ce qui est de bonne guerre, mais aussi, et ce procédé me paraît beaucoup plus contestable, derrière la complexité des circuits financiers et l'opacité grandissante du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Et je voudrais m'arrêter un peu plus longuement sur ce point.

La méthode, à mon avis, n'est pas admissible, même si, je le reconnais, elle n'est pas nouvelle. La discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale donne toujours lieu à des débats abscons mais cette année, nous avons franchi un nouveau seuil. Aujourd'hui, le contrôle réel et effectif du Parlement sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale est quasiment impossible.

D'anciens ministres des affaires sociales ou de la santé considèrent eux-mêmes qu'il devient à peu près impossible, sauf à disposer d'une équipe pléthorique de spécialistes, de contrôler ce budget.

On ne peut donc que regretter, j'espère collégialement, et s'insurger contre cette complexité croissante. Le Gouvernement multiplie les opérations qui rendent ce budget de plus en plus opaque. Ainsi, on créedes fonds spéciaux, vous en avez annoncés tout à l'heure, au gré des réformes différées ou de réformes engagées à crédit. On puise dans les excédents de plusieurs branches - famille, vieillesse et accidents du travail - pour combler le déficit de la branche maladie.

M. Claude Evin, rapporteur.

On a toujours fait ça !

M. Dominique Dord.

Cette pratique, qui est imposée plus qu'elle n'est admise, vaudrait à n'importe quel chef d'entreprise, je pense, des poursuites pour abus de biens sociaux.

Le système de tuyauterie qui nous est proposé dans ce projet est incomparable avec ceux des années précédentes, ce qui rend à peu près impossibles les évaluations relatives. Les réseaux de financement ne cessent d'être modifiés. Les transferts de l'Etat souvent non compensés sont de plus en plus complexes. Les principes généraux de la comptabilité ne sont ni respectés, ni harmonisés.

Nous pouvons comprendre une certaine complexité dans ces mécanismes budgétaires, mais nous devons condamner tout ce qui entrave la capacité de contrôle du Parlement. Le fait de ne pas pouvoir comparer un budget au budget précédent ne permet aucune transparence et ce déficit de contrôle est bel et bien avéré.

Au fond, madame la ministre, - c'est l'un des deux principaux griefs que je fais à votre projet de budget -, il ne respecte pas la Constitution parce qu'il ne permet pas un contrôle réel et sérieux du Parlement. Au nom de considérations de médiatisation politique, autrement dit pour rendre vendable votre politique, vous n'hésitez pas à multiplier les manipulations budgétaires. Vous jouez plutôt l'habileté que la sincérité. Je ne crois pas que la démocratie en sorte grandie, en tout cas pas dans cette enceinte.

Les financements croisés, transferts de charge et débudgétisations, sont tellement nombreux qu'on ne sait plus à quel saint se vouer.

Boit-on, par exemple, pour financer les retraites ou pour payer les 35 heures ? La taxe sur les alcools, qui était préalablement affectée au fonds de solidarité vieillesse, revient désormais au FOREC.

De même, la taxe sur les tabacs finance les 35 heures, alors qu'avant elle tombait dans les caisses de l'Etat et de la CNAM.

Autre exemple de nouvelle répartition, la taxe sur les contrats d'assurance bénéficiera à la branche famille, à la branche maladie et au FSV, afin de compenser la baisse des ressources liées à la CSG.

Quant aux 35 heures, pas moins de sept types de ressources dont six impôts financeront cette politique en 2001.


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Fumez, roulez, buvez, faites des enfants, et vous participerez au financement des 35 heures ! Quel merveilleux programme ! Ce foisonnement fiscal montre en tout cas combien le Gouvernement a eu du mal, et en aura encore plus dans l'avenir, à trouver des ressources pour les 35 heures.

Entre Etat et sécurité sociale, honnêtement, on ne sait plus qui prend en charge quoi. D'autant que le FOREC n'a toujours pas d'existence juridique et qu'il reste l'objet d'une gestion tout de même très politique.

Question transfert de charges et débudgétisation, c'est une fois de plus la branche famille qui trinque, j'y reviendrai plus tard.

Au total, en 1999, les transferts de charges de l'Etat à la sécurité sociale se sont élevés à près de 200 milliard s de francs. L'ampleur de ces transferts vide le projet de loi de financement de la sécurité sociale de sa substance.

Je ne vais pas continuer trop longuement la présentation des transferts de branche, des débudgétisations et des rebudgétisations. Ce serait inintéressant et nous en perdrions notre latin, pour peu que nous en ayons encore un peu.

Toujours est-il que confier une partie des dépenses des centres d'alcoologie à l'assurance maladie, comme cela est prévu à l'article 37, est, nous semble-t-il, contraire au principe de sincérité budgétaire. Le Conseil constitutionnel a souligné, en 1994, que « les dépenses présentant par nature un caractère permanent doivent obligatoirement être prises en charge par le budget général ou du moins par des ressources qu'il détermine ». Il a reconnu que les principes d'unité et d'universalité budgétaires posés dans l'ordonnance organique de 1959 fixent des limites à la pratique des débudgétisations. La lutte contre l'alcoolisme ne peut être rattachée à un objectif de soins et relève non pas de l'assurance maladie, mais plutôt de la police sanitaire et de ses missions de prévention et d'éducation.

Madame la ministre, le principe constitutionnel de sincérité budgétaire ne nous semble donc pas respecté dans ce projet de loi. Une clarification dans les mécanismes de financement de la sécurité sociale s'impose. Chaque année, les députés s'attendent au pire et ne savent pas, par exemple, si la taxe sur les activités polluantes sera traitée dans le cadre du PLFSS, comme c'était le cas l'an dernier, ou du collectif budgétaire, comme c'est le cas cette année. D'ailleurs, cette écotaxe est complètement détournée de son but intrinsèque, puisqu'elle est destinée au FOREC et au financement des 35 heures. Comment voulez-vous faire comprendre cela à nos concitoyens ou à nos pays voisins ? Eux affectent les taxes concernant la protection de l'environnement à la protection de l'environnement, par exemple à la lutte contre l'effet de serre, et non à autre chose. Quand on parle aux gens de la taxe sur les activités polluantes - faites l'essai dans vos circonscriptions - ils imaginent que c'est pour lutter contre la pollution.

M. Jean-Yves Caullet.

Quand on parle intelligemment, ils comprennent !

M. Dominique Dord.

Mais c'est bien méconnaître la réalité franco-française. Tous les moyens sont bons pour collecter 4 milliards de francs en 2001. En 1998, cette taxe était affectée à l'ADEME, en 1999 au budget général, en 2000, c'est aux 35 heures. C'est une espèce de taxe baladeuse, sans domicile fixe. Autrement dit, c'est une source de financement pour l'Etat, sans affectation bien précise.

M. Bernard Accoyer.

Avec toutes ces tuyauteries, on ne s'y retrouve jamais.

M. Dominique Dord.

Enfin, on ne peut manquer de relever la rétroactivité de ces mesures. Ainsi, à l'article 11 du projet de loi, l'ensemble des ressources issues du droit sur les alcools, qui étaient préalablement destinées au FSV, sont affectées au FOREC. En vertu du huitième paragraphe, cette affectation serait même rétroactive sur l'année 2000, ce qui va à l'encontre du principe de nonrétroactivité chère à notre droit français.

Tout cela concourt au non-respect de la clarté de la loi et de la sincérité budgétaire. Tout cela concourt à la difficulté, pour ne pas dire à l'impossibilité, du contrôle du Parlement et me semble un motif d'inconstitutionnalité.

La logique des lois de financement, qui était d'identifier pour chaque branche et pour chaque régime les recettes et les dépenses, est largement foulée aux pieds.

Autre élément dans ce tableau un peu noir, la politique de sanction. Dans la présentation des incohérences du Gouvernement, et pour une part d'ailleurs du Conseil constitutionnel sur ce sujet, une raison de plus nous est donnée de censurer le projet de financement de la sécurité sociale.

Face au dérapage des dépenses d'assurances maladie, vous tentez de freiner, c'est bien légitime, la progression en taxant, par exemple, toujours plus l'industrie pharmaceutique. Des clameurs se sont élevées tout à l'heure quand ce sujet a été évoqué.

La fameuse clause de sauvegarde devrait permettre, pour 2001, de récupérer 70 % de leur dépassement, ce qui est complètement confiscatoire, comme l'a très bien dit notre collègue. Les contributions de ce secteur, vous le savez, madame la ministre, sont déjà lourdes : elles représentent près de 2 % du chiffre d'affaires. On peut toujours s'amuser à taxer davantage, à pénaliser davantage, à confisquer davantage le produit des recettes de l'industrie pharmaceutique. Pourquoi pas ? On peut tout faire ! Mais je vous rappelle, mes chers collègues, que nous sommes dans une économie libre. Les frontières n'existent plus et si notre pays continue simplement à taxer toujours plus l'industrie pharmaceutique, tôt ou tard, les conséquences seront payées par notre pays luimême puisque l'industrie pharmaceutique n'investira plus en France, et même transfèrera ses activités dans les pays voisins. En toute hypothèse, nous avons besoin d'une i ndustrie pharmaceutique forte. Ce secteur, créateur d'emplois très qualifiés, fait plutôt honneur au patrimoine national.

Madame la ministre, rendons-nous à l'évidence, ni la taxation ni les sanctions contre les médecins et les professionnels de la santé ne règlent le problème de la hausse des dépenses. Ainsi, le système de sanction que vous avez instauré l'an dernier à l'encontre des professionnels de santé nous paraît totalement injuste, et sans doute l'est-il également à vos yeux.

Vous pensez parvenir à une maîtrise globale administrative des finances avec un instrument absurde, les sanctions collectives. Le mécanisme de variation des lettres - clefs flottantes des professionnels de santé équivaut, vous le savez, à une sanction collective. Au cours de l'été dernier, les mesures d'économie, représentant près de deux milliards de francs, votées par la CNAM et approuvées par le Gouvernement, ont touché huit professions de santé, cela a été rappelé tout à l'heure, accusées du dé rapage des dépenses. Et ce n'est pas fini, puisque d'autres mesures pourraient être prises en novembre. Ces sanctions sont aussi inéquitables qu'anti-économiques puisqu'elles pénalisent de la même façon les médecins rigoureux en matière de dépenses et ceux qui, le cas échéant, le seraient moins.


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Et pourtant, ce mécanisme de sanction ne fait pas encore sentir tous ses effets. Le pire est probablement à venir, car, pour le moment, la France connaît une période de croissance économique. Le jour où la croissance ne sera plus au rendez-vous, ces sanctions, qui seront plus conséquentes, tomberont comme un couperet.

Je ne peux pas parler des sanctions sans évoquer les revirements du Conseil constitutionnel sur ce sujet. En 1998, dans sa décision sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le Conseil constitutionnel imposait un camouflet au Gouvernement. Il considérait qu'en « mettant à la charge de tous les médecins une contribution assise sur leurs revenus professionnels, et ce quel qu'ait été leur comportement individuel en matière d'honoraires et de prescription pendant l'année ; le Gouvernement n'avait pas fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec le but de maîtrise des dépenses. Il en résultait une rupture d'égalité ».

Je ne vois pas ce qui a changé et en quoi le fait de charger la CNAM de la besogne modifie en quoi que ce soit le mécanisme.

Madame la ministre, si l'objectif de contrôle des dépenses est louable, il n'autorise pas que l'on mette à son service n'importe quels moyens. Un reversement ou une baisse tarifaire reviennent au même et ces mécanismes, quels que soient leurs habillages, ne sont pas acceptables, et ils ne seront d'ailleurs jamais acceptés.

En laissant perdurer ce système de sanction collective, vous allez à l'encontre du principe de responsabilité individuelle régissant le droit français et du principe d'égalité, comme l'a très bien dit le Conseil constitutionnel en 1998. En faisant peser sur des médecins une responsabilité pour des agissements dont ils ne sont pas les auteurs, vous établissez entre ces médecins et les autres une discrimination injustifiée et contraire au principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques.

La seule solution est de sortir du mécanisme de la sanction collective. Certes, la Cour des comptes de la sécurité sociale, critiquant le faible résultat des mécanismes conventionnels entre professionnels de santé et assurance maladie, a proposé une solution alternative : la rupture de contrat. En fait, cette idée ne diffère guère des mécanismes existants. La convention passée entre les professionnels de santé et la CNAM serait, en cas de nonrespect de leurs engagements, rompue. De cette façon, les professionnels concernés ne seraient plus conventionnés, ce qui équivaudrait, dans ce cas encore, à une sanction.

Les solutions ne sont pas là et on se rend bien compte que le système d'assurance maladie, tel qu'il est conçu dans notre pays aujourd'hui, est devenu difficilement gérable puisque, d'un côté, l'offre de soins est socialisée et, de l'autre, la demande de soins est libérale. Il faudrait en sortir et je ne manquerai pas de vous faire part de nos intentions à ce sujet à la fin de mon exposé.

J'en viens aux recettes du régime général.

La CSG représente 370 milliards de francs en 2000. La progressivité de cette cotisation est l'une des innovations du projet qui nous est soumis. Maniant l'arme de la démagogie fiscale, le Gouvernement transpose les méfaits de la progressivité aux prélèvements sociaux, jusqu'ici universels, donc justes et rentables. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) La CSG devient dégressive jusqu'à 1,4 SMIC, à la suite des débats en commission.

Son caractère dégressif rapproche cette cotisation d'une logique fiscale : elle devient en quelque sorte le premier étage de l'impôt sur le revenu. Cependant, en ne tenant nullement compte des capacités contributives globales des contribuables et notamment de leurs charges de famille, cette mesure va à l'encontre du principe d'égalité devant les charges publiques. Ainsi, une personne touchant 1,3 SMIC et ayant trois enfants sera dans la même situation qu'un célibataire sans enfant touchant le même revenu.

Je ne pense pas, dans ces conditions, que l'on puisse parler de justice et d'égalité devant les charges.

Comme l'a remarquablement expliqué M. Jacques Barrot dans les colonnes du Figaro ce matin même, il y avait d'autres façons de relever le niveau des revenus d'activité les plus bas, qui ne nécessitaient pas de toucher à la CSG, le type même d'une ressource universelle à préserver à tout prix.

M. Alain Calmat.

Tiens, tiens ! Vous avez changé d'avis !

M. Dominique Dord.

On assiste à un rapprochement avec l'impôt sur le revenu, mais dans des conditions tout à fait contestables.

M. Alain Calmat.

Je me souviens qu'au cours d'une législation antérieure vous étiez d'un avis différent !

M. Dominique Dord.

Si vous trouvez qu'il s'agit d'un système juste, monsieur Calmat, vous viendrez expliquer à la tribune en quoi. Mais cessez de vociférer de votre banc ! Calmez-vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Calmat.

Je vous réponds, c'est tout !

M. Dominique Dord.

Il vous reste encore une petite demi-heure à souffrir. Vous pouvez sortir de l'hémicycle si mes propos vous gênent trop ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Calmat.

J'ai le droit de vous répondre !

M. Dominique Dord.

On assiste, disais-je, à un rapprochement avec l'impôt sur le revenu, mais dans des conditions qui nous semblent, monsieur Calmat, tout à fait contestables. D'autant que le Gouvernement a inséré cet article dans le projet sans aucune consultation préalable. Mais cela, j'imagine, doit aussi vous satisfaire. Pour nous, cette manière de travailler n'est pas satisfaisante.

M. Marcel Rogemont.

Qu'on n'ait pas consulté l'opposition n'est pas choquant !

M. Dominique Dord.

Le principe d'égalité devant les charges publiques, reconnu notamment par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen à laquelle vous ne manquez pas de faire allusion, nous semble bafoué.

J'en viens à mon deuxième grand point, et donc, chers collègues, vous n'avez plus que la moitié de mon temps d'intervention à souffrir. Nous avons, quant à nous, relativement respecté les orateurs de la majorité qui se sont exprimés. Si vous pouviez en faire autant pour nous, ce serait formidable.

Le projet de loi va à l'encontre de la philosophie et des objectifs mêmes des fondateurs de la sécurité sociale dont pourtant vous vous réclamez souvent, tels que posés dans le préambule de la Constitution de 1946 - ils ont donc valeur constitutionnelle.

En méprisant ou en minimisant la gravité des problèmes dans le domaine de la famille et de la vieillesse, vous négligez l'intérêt des Français.

La branche famille apparaît, si vous me permettez ce mauvais jeu de mots, comme le « parent pauvre » du projet. Vous me direz que ce n'est pas nouveau et que, depuis quelques années, la politique familiale dans notre pays ne brille ni par ses innovations ni par son efficacité.


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M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Il n'a pas de mémoire !

M. Dominique Dord.

Mais je crois que nous avons ici atteint, si je puis dire, un sommet, ou un plus bas.

C'est, à mon sens, le signe même que votre gouvernement n'anticipe pas les grands enjeux de la société de demain. Car, oui, la famille reste le lieu où se construit, ou s'abîmera la France des prochaines années. J'en veux pour preuve les quelques errements de la majorité plurielle en commission des affaires sociales puisque le groupe communiste, absent ce soir, réclamait une hausse des allocations familiales et qu'il a voté contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Comment faut-il interpréter ce vote ? S'agit-il d'un simple mouvement d'humeur ou bien d'un avertissement adressé au Gouvernement ? Nous en saurons plus dans quelque temps, même si nous craignons que, comme toujours, nos chers collègues communistes n'aillent pas, une nouvelle fois, au bout de leurs convictions.

M. Bernard Accoyer.

Ils font monter les enchères dans la perspective d'élections !

M. Dominique Dord.

Certes, je reconnais que le projet de loi affiche quelques mesures de politique familiale.

Mais il organise aussi, et avec efficacité, la diminution des moyens de cette branche.

Depuis deux ans, vous vous targuez, c'est bien légit ime, de mener une politique familiale de grande ampleur. Or quand on compare les déclarations des différents ministres et les comptes issus du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, on s'aperçoit qu'il y a plus de la moitié de déclarations virtuelles et d'engagements non tenus. Au mois de juin dernier, par exemple, le Premier ministre annonçait 10 milliards de francs en faveur des familles. Formidable ! Mais trois mois plus tard, Martine Aubry précisait le contenu de la loi de financement de la sécurité sociale, qui ne dégagera, entre les allocations logement, le fonds d'investissement crèches, le fonctionnement des crèches, l'AFEAMA, l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée, et l'allocation congé pour enfant malade, que 5 milliards de francs, soit la moitié de ce qui avait été annoncé.

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Vous dites des choses fausses.

M. Dominique Dord.

Alors, vous allez me répondre.

Dans le projet de loi figurent quelques bonnes intentions pour la famille, comme l'allocation de présence parentale, même si l'on regrette de ne pas connaître son coût. En revanche, rien n'est fait pour les véritables préoccupations des familles, au premier rang desquelles on retrouve le problème de l'allongement de la durée des études, par exemple, et donc du versement des prestations familiales.

M. Marcel Rogemont.

Ce n'est pas une motion d'irrecevabilité que vous défendez !

M. Dominique Dord.

Vous allez me répondre, j'imagine. Mais je pense que vous ne m'avez pas écouté. Sans doute parliez-vous à votre voisin.

C'est exactement contraire au préambule de la Constitution de 1946, qui pose les principes de la loi de financement de la sécurité sociale.

Mme Marie-Françoise Clergeau.

rapporteure.

Et en plus, vous êtes de mauvaise foi !

M. Dominique Dord.

Dans ce projet, je le répète, il y a de bonnes intentions, comme l'allocation de présence parentale, même si l'on regrette de ne pas connaître son coût. Mais un certain nombre de préoccupations des familles ne me semblent pas prises en compte.

Dans le grand jeu de la redistribution, les familles, et singulièrement les familles les plus nombreuses, sont comme toujours les grandes perdantes.

Le vrai problème est que la branche famille devient, du fait de son excédent, une espèce de vache à lait du système. En 2000, son véritable excédent est de 47 milliards de francs. Elle supporte en effet 47 milliards de dépenses qui ne relèvent pas de la politique familiale. Par-dessus le marché, elle verse indûment 21 milliards de francs par an à la branche vieillesse pour combler son déficit.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Ce n'est pas « indûment » !

M. Dominique Dord.

Cette hémorragie a été organisée par la création de l'« assurance vieillesse des parents au foyer ». Le principe de cette allocation est de faire cotiser la CNAF pour la retraite des mères au foyer. Dans l'esprit de la retraite par répartition, les cotisations devraient servir à payer immédiatement des retraites aux mères au foyer actuellement à la retraite. Or il n'en est rien : seules les mères ayant cotisé à l'assurance vieillesse des parents au foyer reçoivent une retraite. Or cette assurance étant de création récente - elle date de 1974 rares sont les mères qui, ayant cotisé, en bénéficient actuellement alors qu'elles sont en retraite.

Ce « détournement de fonds », si vous me permettez l'expression, a même été dénoncé par la Cour des comptes. Mais à quoi servent les dénonciations de la Cour si le Gouvernement s'assoit dessus et n'en tient pas compte ? Par ailleurs, la branche famille est victime de débudgétisations et de transferts de charges. Alors que la loi de financement pour 2000 a déjà abaissé de 1 milliard les recettes de la CNAF en diminuant sa part du produit de la taxation de 2 % sur les revenus du patrimoine, le projet de loi pour 2001, en son article 24, que vous avez tous appris par coeur, prévoit d'en priver totalement la branche famille, soit une nouvelle perte de 1,4 milliard de francs au profit de la branche vieillesse.

Côté transferts de charges, le Gouvernement a annoncé que la majoration de l'allocation de rentrée scolaire allait être progressivement transférée sur le budget de la CNAF.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Cela a toujours été prévu !

M. Dominique Dord.

Ainqsi, 4,5 milliards seront mis à la charge de la famille en 2000 et l'intégralité, soit, 6,5 milliards, en 2001.

A utre mesure tombant dans le champ de cette branche : la majoration de 10 % des pensions vieillesse accordée aux parents de trois enfants - c'est l'article 16 du projet -, qui sera progressivement prise en charge par la CNAF,...

M. Alfred Recours, rapporteur.

C'est en faveur de la famille !

M. Dominique Dord.

... ce qui représentera un coût de 2,9 milliards de francs dès 2001. A nouveau, cela est fait au bénéfice du fonds de solidarité vieillesse.

M. Marcel Rogemont. Les parents de trois enfants ; c'est bien la famille !


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M. Dominique Dord.

A l'allure où vous allez, la branche famille, qui connaît un solde excédentaire, tombera vite dans le rouge.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Qu'avezvous fait il y a trois ans ?

M. Dominique Dord.

C'est l'argument qu'on emploie lorsqu'on a épuisé tous les autres. Je déduis de vos propos que vous êtes arrivée au bout de votre argumentation.

J'en suis ravi, car cela vous évitera de m'interrompre sans arrêt.

M. Bernard Accoyer.

Ne vous laissez pas déstabiliser, monsieur Dord !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Avec vous, c'était 14 milliards de francs de déficit !

M. Dominique Dord.

La politique familiale aurait dû, aurait pu constituer, avec la vieillesse, un volet important du projet de loi. Or on est loin, très loin du compte.

Pourtant, comment ne pas voir tous les jours les conséquences dramatiques d'un délitement de la famille et le prix insupportable qui en découle pour la société ? Comment pouvez-vous continuer, mes chers collègues, à donner des leçons de modernité et de générosité, alors que si peu de cas est fait du premier lieu d'affection et d'équilibre dans notre société...

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Et d'amour !

M. Dominique Dord.

... et d'amour, que cela vous plaise ou non ?

M. Marcel Rogemont.

Et vous, qu'avez-vous fait avec les allocations familiales pendant quatre ans ?

M. Dominique Dord.

S'il est vrai que de nombreux transferts de charges se font au profit de la branche vieillesse, tous ces petits tours de passe-passe ne font finalement qu'illusion.

Le Gouvernement s'enorgueillit d'avoir affecté 60 milliards de francs au fonds de réserve mais, comme tout le monde le sait ici même si certains font semblant de ne pas le savoir, c'est largement insuffisant. Même la Cour des comptes de la sécurité sociale enfonce un peu plus le clou en jugeant nécessaire « l'aménagement du système de retraite, pour en garantir le financement à long terme et l'équité ». Pourtant, une réforme des retraites est aujourd'hui la priorité absolue, qui devrait s'imposer à tous les gouvernements.

Finalement, Mme Aubry aura donc autour de ce sujet beaucoup gesticulé, sans jamais y toucher. C'est une performance qu'il faut saluer. Mme Aubry aura donc aussi, après avoir péché par action, pêché par omission.

M. Jean-Yves Caullet.

Oh ! mon Dieu !

M. Dominique Dord.

Le régime général de retraite des travailleurs salariés affichera dès 2006 un déficit de plusieurs dizaines milliards de francs, lequel se comptera rapidement en centaines de milliards de francs si aucune mesure n'est prise.

De tels gouffres financiers ne seront pas longtemps supportables car l'augmentation des cotisations sera très vite insuffisante et inacceptable. L'urgence commande depuis des années une réaction vigoureuse et immédiate, que nous attendons toujours.

Au lieu de quoi, le Gouvernement pavoise derrière ses multiples rapports et ses ersatz de fonds de pension qui ont fait couler beaucoup d'encre - je veux parler des PPESV créés dans le projet de loi d'épargne salariale.

Avec ces nouveaux outils, alors que vous vous opposez catégoriquement au système de capitalisation, vous ne faites ni plus ni moins que pratiquer la capitalisation collective, sans le dire, surtout, sans laisser aux Français la liberté de choisir un système individuel via les fonds de pension.

Madame la ministre, aucun véritable système de capitalisation semblable à ceux mis en place par nos voisins européens n'est proposé par votre Gouvernement.

Comment, pour des raisons purement idéologiques, pouvez-vous écarter la création de fonds de capitalisation qui, au-delà des régimes par répartition enfin consolidés, ce à quoi vous ne vous employez pas, viendrait ajouter un étage à la retraite des Français ? Alors, bien sûr, chacun se réjouira de la revalorisation des pensions de retraite et de l'exonération de CRDS pour les retraites non imposables, prévue à l'article 19, mais personne ne pourra s'empêcher d'y voir la marque d'un certain cynisme, qui vous conduit à faire un cadeau de pure conjoncture électorale alors que le projet de loi reste muet sur l'essentiel, c'est-à-dire sur les difficultés qui attendent l'ensemble du système à un horizon de moins de cinq ans. C'est en quelque sorte l'arbre qui cache la forêt.

Pour l'heure, reste le fonds de réserve, « réponse virtuelle », dixit mon collègue Préel en 1998. Ce fonds est une rustine. D'ailleurs, on ne sait même pas comment il sera géré. Mme Aubry prévoyait qu'il disposerait de 1 000 milliards de francs en l'an 2000. Or, en fonds de lissage, il nécessitera déjà 800 milliards de francs dès 2005.

M. Alfred Recours, rapporteur.

N'importe quoi ! Où êtes-vous allé chercher de tels chiffres !

M. Dominique Dord.

En réalité, mes chers collègues, nous ne sommes pas du tout au niveau, et vous le savez bien. Il est vrai que, depuis bientôt quatre ans que vous êtes au Gouvernement, votre horizon s'arrête, quant à vous, à 2002.

Tout cela est loin d'être à la hauteur des besoins des Français et, une fois de plus, par votre imprévoyance délibérée, vous manquez à un devoir constitutionnel en ne respectant pas les engagements mêmes du préambule de la Constitution de 1946, qui ont fait la détermination des fondateurs de la sécurité sociale.

Enfin, madame la ministre, dans ce PLFSS brillent par leur absence toutes les promesses qui n'ont pas été tenues.

Ce projet de financement de la sécurité sociale est très vaste et il est digne d'un DDOS. Mais il n'a rien d'ambitieux. Ce qu'il contient est largement illisible et, pour ce qui est perceptible, très décevant. Ce qu'il ne contient pas l'est encore plus. Beaucoup de sujets sont éludés, oubliés ou reportés à plus tard.

Qu'en est-il, par exemple, de la réforme des études médicales, dont il avait été question à un moment, de l'aléa en matière thérapeutique, ou même des retards en matière d'équipement médical, car il ne faut pas oublier que la France reste bonne dernière au niveau européen en ce domaine ? Quant à l'inégalité en termes de démographie médicale et de répartition des spécialistes, elle n'est même pas évoquée, c'est tout dire. Pourtant, cela fait dix ans qu'on en parle.


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Toutes ces interrogations restent sans réponse. Jusqu'à quand ? Personne n'est capable de le dire. Les Français ne peuvent être laissés dans l'incertitude : ils ont besoin de réformes, de grandes réformes, mais vous les empêchez de vouloir voir plus loin.

Décidément, ce projet est décevant ! Je ne peux finir mon exposé sans évoquer ce qu'il aurait fallu faire, madame la ministre. Sinon, vous me reprocherez de ne pas l'avoir fait. Ainsi, la critique sera peut-être plus constructive encore que nos propositions, qui sont maintenant largement connues.

Il s'agit de tracer les grandes lignes de la nécessaire et profonde réforme de notre système de protection sociale, pour rompre avec les politiques de contraintes, au profit d'une vraie politique de responsabilisation.

Au lieu de pérenniser une logique dénoncée à bon droit comme strictement comptable, une approche budgétaire classique, il faudrait que l'assurance maladie devienne un acheteur de soins intelligents.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Ah ! Enfin !

M. Dominique Dord.

C'est en effet la grande réforme à laquelle il convient de s'atteler, monsieur Le Garrec.

Remettons l'assuré social, c'est-à-dire le patient doublé d'un contribuable, au centre du système ! Faisons en sorte que l'assurance maladie ait réellement pour objectif de fournir les meilleurs soins au meilleur prix ! Pour cela, il faut que l'on cherche à décentraliser et donc, d'une certaine manière, à mieux contrôler et non à centraliser, à responsabiliser et non à encadrer, à jouer la pluralité des acteurs au lieu d'uniformiser à outrance.

Il est clair que la gestion des dépenses d'assurance maladie doit se faire selon un système encadré, et je vais y revenir, mais selon un système de type concurrentiel.

Comme pour les fonds de pension, sans doute vous faudra-t-il encore quinze ou vingt ans pour y venir.

Cela passe d'abord par une redistribution des responsabilités car aujourd'hui nous subissons la confusion des genres. L'Etat ne peut plus être à la fois le décideur, le gestionnaire et son propre contrôleur. Cette situation nous paraît archaïque : elle est un vestige d'un étatisme dépassé.

Les responsabilités de l'Etat n'en sont pas moins essentielles.

Premièrement, l'Etat doit définir les besoins sanitaires de la population et avoir une vision large et globale de la santé, selon un rythme annuel et grâce au processus de consultation entrepris par les conférences de santé, qui marchent bien pour autant que l'on tienne compte de ce qu'elles disent.

Deuxième devoir de l'Etat : mettre en place une véritable politique de santé publique, en allant beaucoup plus loin que ce qui est fait actuellement. Les problèmes de santé ne s'arrêtent pas aux hôpitaux et à la médecine de ville, qu'il faut d'ailleurs cesser de compartimenter. L'alimentation, la pollution et l'éducation doivent être aussi des composantes de la politique de santé.

Le troisième devoir de l'Etat est de s'assurer de la formation adaptée des professionnels de santé.

Quatrième devoir - j'accélère un peu car je sens que je suis long...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Mais non !

M. Dominique Dord.

Je peux revenir en arrière, si vous voulez...

Un député du groupe socialiste.

Vous ne faites que ça ! C'est une maladie ?

M. Dominique Dord.

Quatrième responsabilité de l'Etat, disais-je : définir et collecter les budgets nécessaires afin d'assurer la solidarité nationale pour chaque Français face à la maladie. C'est une responsabilité essentielle qui doit s'appuyer tant sur les dépenses de l'année écoulée que sur les besoins sanitaires de l'année à venir.

Cinquièmement, l'Etat doit définir un cahier des charges précis pour fixer les règles de l'assurance maladie et lever toute ambiguïté. Les principes de base sont bien entendu l'assurance obligatoire, le remboursement au premier franc des dépenses engagées, la non-sélection des patients, la non-discrimination des risques et l'égalité devant les soins.

Une partie des dépenses de la sécurité sociale relève de la solidarité. Il serait bon que les salariés connaissent la part qui, dans leurs cotisations, relève de l'assurance et celle qui est affectée à la solidarité nationale. Il faut, dans toute la mesure du possible, restaurer l'aspect « assurance » de notre système de sécurité sociale. Les prestations familiales, par exemple, ne relèvent pas de cette mécanique : elles relèvent plutôt de la solidarité nationale.

La politique familiale devrait donc être financée non par des cotisations assises sur les salaires, mais par l'impôt.

Enfin, l'Etat doit évaluer la qualité des services rendus, et cette responsabilité essentielle permettra une évolution cohérente du système. Il doit devenir une autorité de contrôle vigilant qui soit le garant de notre système de santé.

Mais pour cela, il faut aussi que l'Etat s'appuie sur différents partenaires, publics, mutualistes ou privés, qui doivent pour leur part s'organiser dans un système concurrentiel en respectant les contraintes communes fixées par l'Etat, en particulier le cadre budgétaire et le cahier des charges. Cette organisation passe, selon nous, par l'autonomie des caisses régionales d'assurance maladie, afin qu'elles puissent gérer au mieux les dépenses de santé en négociant au plus près du terrain les prestations de santé avec les professionnels de la santé, les hôpitaux et les cliniques. L'organisme assureur et payeur devient ainsi celui qui va négocier au meilleur coût les prestations. Les caisses seraient alors mises en concurrence, chacun pouvant choisir de s'affilier à la caisse de son choix. De cette façon, la régionalisation peut devenir un outil efficace et prend un sens, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. La décentralisation correspondrait à un véritable transfert de responsabilités.

Par ailleurs, les outils d'une réelle maîtrise médicalisée doivent être développés. Le PMSI, qui consiste à déterminer le budget de l'hôpital en fonction de l'évaluation permanente de son activité réelle, l'informatisation des paiements sont autant d'instruments qui ne peuvent être efficaces que dans le cadre d'une gestion autonome, décentralisée et responsabilisante.

Nous ne ferons rien sans les professionnels de santé.

Dans un monde en pleine mutation, ce sont eux les plus destabilisés. C'est pourquoi il faut instaurer le dialogue avec eux et abandonner la politique de contrainte. Il faut leur donner le choix. Il n'est pas sain qu'ils soient prisonniers d'un monopole imposant des règles d'exercice. Les professionnels doivent devenir les véritables acteurs des réformes. Le Gouvernement n'a-t-il pas tué tout dialogue avec eux ? L'adhésion des médecins n'est-elle pourtant pas indispensable pour mener à bien ces réformes ? Il faut mettre en oeuvre une politique de réseau, de filière entre la médecine de ville et l'hôpital, et ainsi cesser d'opposer


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médecine de ville, hôpital public, médicaments, hospitalisation. Le système est un ensemble. A trop vouloir le compartimenter, on le rigidifie à outrance et on a les résultats que l'on connaît.

Quant aux mutuelles et aux assurances privées, elles pourraient se voir confier une délégation pour la gestion de l'assurance maladie.

Enfin, les usagers non seulement verraient leurs droits garantis par l'Etat, mais auraient des responsabilités. Il leur appartiendrait de les assumer en choisissant librement leur organisme de couverture, c'est-à-dire celui qui les prend en charge le mieux selon eux.

C'est cela la nouvelle économie de la santé : une économie d'acteurs responsables avec des règles du jeu à tous les niveaux, à commencer par les caisses, qui favorisent l'exercice de leur responsabilité.

On pourrait s'inspirer de ce qui se fait chez nos voisins européens qui ont engagé des réformes structurelles profondes. L'exemple de la Suède est particulièrement instructif. Ainsi, l'arrivée du secteur privé dans le système de santé suédois a plutôt été bénéfique. Cela a permis de diminuer significativement les coûts et d'augmenter les salaires des employés tout en garantissant l'accessibilité et la qualité des soins. En 1991, le nouveau gouvernement suédois a changé la juridiction du système de santé. Il a donné plus de pouvoirs aux administrations régionales quant à la prestation de services et au recours au secteur privé. Depuis l'accélération de ces changements en 1997, les coûts de fonctionnement des hôpitaux ont baissé de 10 à 30 % et les patients peuvent choisir leur hôpital en fonction de la qualité des services. Le réseau de santé se p orte mieux. Loin d'être laissés pour compte, les employés de la santé en ont bénéficié. Depuis cinq ans, les infirmières, les sages-femmes et les technologues ont obtenu une augmentation salariale de 26 % - cela nous fait rêver ! Ces hausses de salaire ont été possibles en raison du changement du rapport de force au sein même de leur entreprise de santé.

Certes, quelques améliorations doivent encore être apportées afin de rapprocher davantage le système de l'utilisateur et de rendre l'hôpital plus près des gens.

Reste que ce système suédois est très enviable. Si les mentalités sont différentes en France et s'il reste encore difficile de transposer un tel système en l'état, on peut au moins essayer de s'en inspirer un peu. De toute façon, la gestion de Mme la ministre de la santé a été telle que de plus en plus de partenaires se rallient aujourd'hui à cette vision concurrentielle. Ils sont même prêts à aller vers une diminution des prérogatives de l'Etat. Ce qui réunit, à votre grand dam, le MEDEF et la CFDT, c'est bien cette méfiance à l'égard des capacités de gestion de l'Etat.

Comme en matière de transport aérien ou de télécommunications, l'ouverture à la concurrence est inéluctable en Europe en matière de santé et il nous semble plus judicieux de s'y préparer plutôt que de se voir imposer un jour par Bruxelles un système auquel nous ne serions pas préparés.

Pour ceux qui nous reprochent de critiquer sans proposer, voilà les grandes lignes de ce que pourrait être une politique alternative, une véritable réforme qui aurait le mérite de tenir compte des changements de notre environnement.

Chers collègues, j'en arrive à ma conclusion...

M. Jean-Luc Préel.

Déjà !

M. Dominique Dord.

... à votre grande satisfaction.

Pour toutes les raisons que je viens d'exposer - violation du principe de sincérité budgétaire, rupture du principe d'égalité devant les charges, non-respect des objectifs des fondateurs du système de sécurité sociale figurant dans le préambule de la Constitution de 1946 - nous considérons que ce projet est entaché d'irrecevabilité.

Il a les apparences, ou plutôt la croissance, pour lui, mais qu'en sera-t-il demain ? Mesdames les ministres, vous faites l'impasse sur l'avenir, sur les réformes de fond et votre attitude ressemble fort à une fuite en avant. Ce projet évite systématiquement les grandes questions : l'avenir des retraites, la pérennité de l'assurance maladie, l'instauration d'une vraie politique familiale.

Mme Odette Grzegrzulka.

Ce n'est pas possible ! Vous n'avez pas lu le projet ?

M. Dominique Dord.

Tout est vu par le petit bout de la lorgnette. Vous proposez des solutions, certes, mais déjà usées jusqu'à la corde, dont on sait qu'elles ne règleront rien, mais dont on espère qu'elles permettront d'attendre en paix les prochaines échéances. Oh, bien sûr, nous faisons tous de la politique... mais quand même ! Encore une fois, je ne parle pas pour vous, madame la ministre,...

M. Marcel Rogemont.

Pourquoi ? Elle ne fait pas de politique, elle ?

M. Dominique Dord.

... mais quelle ambition à ce point cynique peut faire que des hommes ou des femmes, responsables politiques, fassent passer des objectifs de calendrier électoral avant, bien avant, l'obligation de résoudre des problèmes qui menacent d'asphyxier le système de protection sociale de soixante millions d'hommes et de femmes ? Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Eh oui !

M. Yves Bur.

Les Français s'en souviendront !

M. Dominique Dord.

Je crois que l'on peut considérer, t rès calmement et très sereinement, au regard des menaces qui pèsent sur le système de sécurité sociale, que l'intérêt national est en jeu. Si nous pouvons être admiratif de l'habileté dans l'art de l'esquive,...

M. Maxime Gremetz.

Ah ! Enfin une qualité !

Mme Odette Grzegrzulka.

Et vous, monsieur Dord, c'est l'art de la caricature !

M. Dominique Dord.

... je vous avoue que tant d'inconséquence me donne la nausée. Si c'est cela qui conduit à être considéré comme un homme ou une femme politique de qualité, je vous avoue naïvement que je m'interroge alors sur mon propre engagement.

M. Marcel Rogemont.

Naïvement !

M. Dominique Dord.

Bien sûr, vous allez argumenter, expliquer, justifier - vous avez d'ailleurs commencé à le faire. Le corps social dénonce ce qui ne va pas - c'est légitime - et le Gouvernement explique ce qu'il fait, ce qui est bien normal. Mais les deux discours ne se rencontrent pas, ne se rencontrent jamais, ne se répondent en rien. Nous avons là deux discours parallèles, simplement parallèles, un peu comme au congrès de l'USM à Chambéry vendredi. Les magistrats ont alors expliqué à votre successeur, madame la ministre, en quoi la justice se portait mal et devenait virtuelle et Mme Lebranchu a exposé ce que vous aviez fait, mais c'était deux discours parallèle, l'un ne répondant pas à l'autre. Avalanche de faits et de chiffres inquiétants contre avalanche de faits et


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 OCTOBRE 2000

de chiffres satisfaisants. Les discours passent, quelquefois ils sont brillants, mais les problèmes, eux, demeurent et ils sont têtus.

La politique sous votre gouvernement - c'était peutêtre déjà le cas avant, mais nous atteignons des sommets ! - est devenue une espèce de théâtre d'ombres.

L'apparence y compte plus que tout. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale n'est pas vide. Je l'ai dit, les mesures nouvelles n'y manquent pas. Il représente même une somme de travail énorme, considérable, que je mesure bien. Mais il ne règle aucun des grands problèmes qui sont posés à notre protection sociale. Ainsi va donc notre débat parlementaire, tournant sur lui-même, mais il est vrai que son efficacité n'est hélas pas garantie régie par la Constitution ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Claude Evin.

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. J'ai écouté avec beaucoup d'attention, comme chacune et chacun d'entre vous d'ailleurs, les propos de M. Dord tendant à démontrer que le projet de loi déposé par le Gouvernement n'était pas conforme à la Constitution. Je voudrais revenir sur certains arguments qu'il a développés.

Je passerai rapidement sur l'introduction de son propos essentiellement consacrée à la question des emplois-jeunes et des 35 heures qui ne relèvent pas de ce projet de loi. Il a fait référence au bilan de Mme Aubry. Je pense que les Français reconnaissent que ce bilan, d'une manière générale celui du Gouvernement depuis 1997, a permis de répondre à leur préoccupation première, à savoir l'emploi.

En outre, comme l'a montré M. Cahuzac, on ne peut fait de comparaisons sur le plan international, car lorsque nous avons pris nos responsabilités, en 1997, nous ne connaissions pas encore la croissance dont profitaient déjà certains pays, les Etats-Unis surtout. Il est donc inutile de s'appesantir trop longtemps là-dessus, d'autant que nous sommes essentiellement là pour traiter des questions relatives à la sécurité sociale.

Vous avez tenté d'expliquer, monsieur Dord, que la première cause d'inconstitutionnalité serait la complexité des financements. Sur ce point, je vous renvoie au rapport de notre collègue Alfred Recours,...

M. Pascal Terrasse.

Excellent rapport !

M. Claude Evin, rapporteur.

... dans lequel figure un tableau, qu'il a d'ailleurs malicieusement offert à Mme la ministre, montrant que, contrairement à ce que vous indiquez, il n'y a absolument aucune opacité. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groue de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Allons ! On déshabille le FSV !

M. Claude Evin, rapporteur.

Enfin, on vous retrouve, monsieur Accoyer ! J'avais cru comprendre que vous aviez d'autres occupations, d'ordre électoral, dans l'organisation politique où vous assumez des responsabilités !

M. Bernard Accoyer.

C'est un fait personnel, monsieur le président !

M. Claude Evin, rapporteur.

Que le système soit complexe, monsieur Dord, j'en conviens. Mais on ne peut dire qu'il n'est pas transparent ! Les recettes de chacune des branches sont bien identifiées et il n'y a eu aucun transfert de branches. Le principe de la séparation des branches, adopté en 1994 d'ailleurs par la majorité de l'époque, que vous souteniez, n'est absolument pas remis en cause dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Jean-Luc Préel.

Si !

M. Bernard Accoyer.

Pourquoi prenez-vous à la branche famille pour équilibrer les comptes alors !

M. Claude Evin, rapporteur.

Votre argument n'est donc absolument pas recevable et la comparaison, à laquelle vous aspirez légitimement, des lois des financement d'une année sur l'autre est tout à fait possible à la seule lecture du projet de loi de financement, si la lecture des rapports vous paraît trop compliquée.

Vous nous dites : « De toute manière, ce n'est pas clair parce que vous votez un ONDAM et il n'est pas respecté ! » Vous nous reprochez à la fois, à trois phrases d'intervalle, de ne pas respecter les objectifs que nous votons et de faire de la maîtrise comptable contre les professions de santé et l'industrie pharmaceutique. Ou vous souhaitez qu'il y ait une maîtrise, ou vous souhaitez qu'il n'y en ait pas. Mais vous ne pouvez en même temps reprocher au Gouvernement une absence de maîtrise, comme l'a d'ailleurs fait le Président de la République lors de la présentation de ce projet de loi en conseil des ministres, si j'en crois ce que l'Elysée a laissé transparaître, et dire aux professions de santé que leurs aspirations doivent être satisfaites.

M. Bernard Accoyer.

C'est la vérité !

M. Claude Evin, rapporteur.

Je connais le débat entre maîtrise comptable et maîtrise médicalisée. Pour moi, il n'y a qu'une maîtrise. Ou on respecte les objectifs qui ont été votés, ou on ne les respecte pas. L'objectif national de dépenses d'assurance maladie, que vous avez introduit dans la réforme de 1996, n'est pas un système d'enveloppe fermée. Vous avez choisi de faire voter un objectif dont il est nécessaire que nous nous rapprochions. Son respect au franc près n'a pas été prévu, mais, si c'est cela que vous préconisez, dites-le aux professions de santé qui manifesteront jeudi !

M me Jacqueline Mathieu-Obadia.

Nous n'avons jamais dit cela !

M. Claude Evin, rapporteur.

Alors soyez cohérents !

M. Jean-Luc Préel.

Faites sauter les sanctions collectives !

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Ça vous va bien ! C'est vous qui les avez instaurées !

M. Claude Evin, rapporteur.

Ça c'est extraordinaire ! Je ne vais pas reprendre quand même l'ensemble des arguments de M. Dord.

M. le président.

Monsieur Evin, nous en sommes aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité. Le d ébat va durer plusieurs heures. Si vous pouviez conclure !

M. Claude Evin, rapporteur.

Pour ce qui est des sanctions collectives, je rappelle à ceux d'entre vous qui l'auraient oublié, mes chers collègues, que ce mécanisme a été introduit par l'ordonnance du 26 avril 1996...

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

C'est eux !

M. Claude Evin, rapporteur.

... qui résulte de la réforme Juppé de 1995 !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 OCTOBRE 2000

M. Maxime Gremetz.

J'ai voté contre !

M. Claude Evin, rapporteur.

Je peux comprendre que vous ayez des remords sur les mécanismes que vous avez inventés,...

M. Maxime Gremetz.

Ils étaient debout à acclamer Juppé !

M. Claude Evin, rapporteur.

... mais ne mélangez pas tous les arguments ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Luc Préel.

On a déjà payé ! C'est votre tour !

M. Claude Evin, rapporteur.

S'agissant des retraites, contrairement à ce qu'a dit M. Dord, le Gouvernement s'est engagé dans une réforme sur le long terme...

M. François Goulard.

Sur le très long terme !

M. Claude Evin, rapporteur...

qui n'est pas achevée, loin de là.

M. François Goulard.

C'est vrai !

M. Claude Evin, rapporteur.

Le Gouvernement l'a exprimé de manière très précise. En mettant en place le fonds permettant d'assurer le financement des retraites à l'échéance de 2010-2015, le Gouvernement a posé le principe de la nécessité d'assurer le financement des régimes de solidarité.

S'agissant de la politique familiale, monsieur Dord, faut-il vous rappeler le projet de loi présenté par le gouvernement de M. Balladur, qui est devenu, en 1994, une

« grande loi » famille ?

M. Jean-Luc Préel.

Les explications de vote sont limitées, monsieur le président !

M. le président.

Vous avez raison.

Monsieur Evin, dans les explications de vote sur les m otions, le temps de parole est en principe de cinq minutes. Vous en êtes à sept minutes trente ! Il faudrait conclure !

M me Odette Grzegrzulka.

Mais M. Evin soigne l'amnésie de nos collègues de droite !

M. Claude Evin, rapporteur.

Je vous remercie, monsieur le président, mais j'interviens en même temps au titre des explications de vote et au nom de la commission.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Et aussi à la place du ministre !

M. Jean-Luc Préel.

Il cumule ! Il ne donne pas la parole à ses collègues !

M. Bernard Accoyer.

Il pourrait aussi parler à notre place. Tant qu'il y est !

M. le président.

S'il vous plait ! Laissez M. Evin conclure !

M. Claude Evin, rapporteur.

Quelques mots sur la politique familiale et je terminerai sur les questions d'assurance maladie, débat très intéressant ouvert par M. Dord.

Sur la politique familiale, je vous rappelle que la grande loi famille de 1994 n'a jamais été financée !

M. Bernard Accoyer.

Merci de dire qu'elle était grande !

M. Claude Evin, rapporteur.

Les engagements que prend ce gouvernement sont régulièrement présentés à la conférence de la famille.

M. Patrick Delnatte.

Pas les transferts !

M. Claude Evin, rapporteur.

Monsieur Dord, les chiffres que vous avez rappelés sont faux - Mme Clergeau, rapporteur du budget de la famille y a fait allusion. Le Gouvernement s'est engagé au mois de mai devant la conférence de la famille et c'est devant elle qu'il sera amené à rendre des comptes.

Je terminerai par les propos que vous avez tenus concernant la réforme de l'assurance maladie. Vous nous dites qu'il faut envisager d'autres formes de financement et d'organisation de notre système de sécurité sociale.

Selon vous, l'assurance maladie devrait notamment se transformer en acheteur de soins. Bien sûr, je ne vais pas pouvoir aborder ce débat dans son ensemble, compte tenu des contraintes que m'impose le président.

M. le président.

Le règlement. C'est le règlement qui fixe ces contraintes, pas moi. Et le règlement s'applique à tous.

M. Yves Bur.

On peut débattre toute la nuit, monsieur Evin !

M. Claude Evin, rapporteur.

J'y suis prêt. Je rappellerai d'ailleurs au président de votre groupe, M. Mattei, que nous avons déjà eu ce débat au moment où il avait lui aussi défendu une exception d'irrecevabilité. Il avait développé exactement les mêmes arguments.

M. Jean-François Mattei.

Cela montre notre constance !

M. Claude Evin, rapporteur.

J'avais déjà indiqué qu'il s'agissait d'arguments qui méritaient débat tant il est vrai que nos désaccords sont profonds sur cette question.

Je veux revenir, monsieur Dord, sur votre conception de la dérive des dépenses d'assurance maladie, car je vois là le fondement de notre désaccord. Selon vous, le système de l'assurance maladie serait ingérable du fait d'une contradiction entre la socialisation du financement et l'exercice libéral. Et vous en tirez la conclusion qu'il faudrait aller vers une privatisation de notre système d'assurance maladie.

M. Jean-François Mattei.

Non !

M. Dominique Dord.

Caricature !

M. Bernard Accoyer.

Vous n'avez rien compris !

M. Claude Evin, rapporteur.

C'est justement là qu'est notre désaccord. Au regard de l'intervention de M. Mattei il y a deux ans, vous avez toutefois nuancé votre propos.

Vous vous êtes rendu compte, en effet, que les Français n'étaient pas prêts à adhérer à certaines des solutions que vous préconisiez. Ainsi, vous précisez aujourd'hui qu'il importe qu'il n'y ait pas sélection des assurés sociaux. Or pour cela, il est absolument nécessaire - nous y sommes quant à nous très attachés - de rester dans un système public de sécurité sociale. Le système concurrentiel que vous avez exposé à la tribune est antinomique avec cette condition.

M. François Goulard.

N'y a-t-il pas sélection avec la

CMU ?

M. Claude Evin, rapporteur.

Oui, je souhaiterais vraiment que nous ayons ce débat de fond sur nos désaccords respectifs.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 OCTOBRE 2000

Comme je l'ai dit tout à l'heure, il faut redéfinir les responsabilités respectives de l'Etat et des caisses dans la gestion du système. Mais nous estimons que cette opération doit précisément s'inscrire dans les conditions fixées par le préambule de la Constitution de 1946.

M. Jean-François Mattei.

Nous en sommes d'accord !

M. Claude Evin, rapporteur.

Il s'agit de répondre à des préoccupations de solidarité, dans un mécanisme de service public.

M. Dominique Dord.

Je n'ai rien dit d'autre !

M. François Goulard.

Les mots « service public » ne sont pas dans le préambule !

M. Claude Evin, rapporteur.

Nous souhaitons, et nous déposerons un amendement en ce sens, que la redéfinition de ces responsabilités entre l'Etat et les caisses de sécurité sociale figure à l'ordre du jour de nos travaux en 2001. A l'occasion de cette confrontation, nous pourrons ainsi identifier les propositions des uns et des autres devant les Français. Nous pourrons aussi en finir avec ce faux-semblant dont l'origine remonte à la loi de 1971. Je le répète, nous sommes, quant à nous, attachés à des principes de solidarité et de service public.

M. Jean-François Mattei.

Nous aussi !

M. Claude Evin, rapporteur.

Et ces principes ont été reconnus par le Conseil constitutionnel lorsqu'il a été saisi sur un certain nombre de textes. Le présent projet est donc bien conforme à la Constitution de 1958 et au préambule de 1946. Par conséquent, il n'y a pas lieu de voter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, Claude Evin vient, à la fois au nom de la commission des affaires culturelles et en son nom propre, au titre des explications de vote, de répondre longuement à M. Dord. Il l'a très bien fait, et je l'en félicite. Je ne reviendrai donc pas sur les arguments qu'il a développés.

Je voudrais d'abord remercier les rapporteurs Alfred Recours, Claude Evin, Marie-France Clergeau, Jérôme Cahuzac d'avoir soutenu ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. François Goulard.

Et Denis Jacquat ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'y viens ! Je n'oublie pas Denis Jacquat, même si je ne le vois pas.

M. Jean-Luc Préel.

Il était là, il y a cinq minutes !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Oui, mais il n'est plus là ! Sans m'étendre, je noterai qu'il n'a pas cru bon de relever l'augmentation des pensions à hauteur de 2,2 % - plus 0,5 % pour les ménages les plus modestes.

Comme le président de la commission des affaires sociales, je n'aurai pas la cruauté de rappeler les chiffres concernant le pouvoir d'achat des retraites sous les gouvernements précédents.

M. Yves Bur.

Faut-il rappeler le déficit que vous avez laissé ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je remercie donc les rapporteurs d'avoir souligné qu'il s'agit d'un bon projet de loi financement de la sécurité sociale.

C'est Martine Aubry qui l'a préparé et je tiens ici à lui rendre hommage pour tout le travail qu'elle a accompli (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) non seulement sur ce texte mais pendant les trois ans et demi où elle a été au Gouvernement et avec les résultats que l'on sait,...

M. Bernard Accoyer.

Les 35 heures dans le PME, les 700 000 personnes concernée par la CMU !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... notamment en matière de lutte contre le chômage. Les projets qu'elle a défendus sont parmi les plus importants pour le Gouvernement.

Ayant entendu quelques petites remarques mesquines à son encontre, je voulais dire ici à quel point nous devons être pleins de gratitude vis-à-vis de Martine Aubry pour le travail qui a été fait. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et pour la préparation de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale qui, encore une fois, est un bon texte.

M. François Goulard.

On dirait un journaliste de ParisMatch ! (Rires sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Alain Calmat.

Ils ne sont pas toujours à l'île Maurice, les journalistes de Paris-Match !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je rappellerai rapidement les mesures significatives en faveur des familles et des retraites - nous y reviendrons dans la discussion - ou encore en matière d'accidents du travail c'est sans précédent. Avec un objectif de progression des dépenses en cohérence avec l'évolution de la richesse nationale, ce projet va nous permettre d'améliorer la qualité des soins de notre système de santé, s'agissant notamment de greffes et de lutte contre le cancer. Je ne reviendrai pas sur tous les points que j'ai développés dans mon discours introductif. De l'intervention de M. Dord, je retiendrai deux ou trois points. Bien sûr, les circuits de financement sont complexes. A cet égard, le très beau graphique que m'ont offert les rapporteurs et que je vais encadrer et accrocher dans mon bureau me rappelera en permance que notre objectif doit être en effet de simplifier. D'ailleurs, nous avons d'ores et déjà pris des mesures pour atténuer cette complexité.

M. François Goulard.

Cela ne se voit pas !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est ainsi que nous avons décidé de financer les exonérations de charges par des transferts de recettes pérennes. Dès lors, il s'agira de recettes de la sécurité sociale et non plus de crédits budgétaires pouvant être révisés chaque année en loi de finances.

M. Dominique Dord.

On en reparlera l'année prochaine !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Donner de la visibilité et de la pérennité à ces allégements : voilà le moyen d'assurer leur efficacité. Du reste, ça marche déjà. La diminution du chômage et le nombre de créations d'emplois en témoignent.

Monsieur Dord, vous avez également regretté que nous taxions l'industrie pharmaceutique. Vous vous êtes fait l'écho de grandes inquiétudes, allant même jusqu'à utiliser l'argument du risque de délocalisation, qui a déjà


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beaucoup servi. Certes, l'industrie pharmaceutique est très importante pour notre pays, nul n'en doute ici. Mais au vu des profits que ces entreprises dégagent en bourse, on se dit qu'il y a de la marge...

M. Dominique Dord.

C'est vous qui le dites !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et qu'il n'est pas tout à fait anormal de leur demander de contribuer au financement de notre système de santé.

M. Jean-Pierre Foucher.

Elles ne cessent de le faire !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

S'agissant de la CSG, le Gouvernement poursuit un seul but : alléger la fiscalité des ménages modestes qui ne paient ni l'impôt sur le revenu ni la taxe d'habitation, mais qui supportent, en revanche, la CSG, dont on se souvient qu'elle a été fortement relevée en 1993, et la CRDS qui a été créée par le Gouvernement Juppé.

M. Bernard Accoyer.

Et en 1998 que s'est-il passé ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Grâce aux mesures que nous prenons, les smicards et les personnes à revenus modestes bénéficieront, d'ici à trois ans, d'un treizième mois.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Par ailleurs, je tiens à souligner que ces mesures améliorent le salaire net par rapport au salaire brut, ce qui renforce l'intérêt financier du retour à l'emploi.

Quant aux familles, il s'agit bien de 10 milliards de francs, monsieur Dord, comme je l'ai d'ailleurs précisé dans mon discours introductif. Il y a notamment 7 milliards de francs en deux ans au titre des aides au logement.

Enfin, vous semblez douter de la capacité de l'Etat à réguler le système de santé. Mais vous oubliez que nous avons, l'an dernier, sur vote du Parlement, délégué la gestion d'une grande partie des dépenses à la CNAM.

Comme vient de le dire Claude Evin : soyez donc cohérent, monsieur Dord ! On ne peut pas à la fois déplorer qu'on ne maîtrise pas suffisamment les dépenses de santé et reprocher au Gouvernement de se donner les moyens de le faire en déléguant précisément aux caisses pour la partie qui les concerne.

J'aurai l'occasion, dans la discussion, de répondre à Claude Evin sur la très importante question qu'il a soulevée à propos des responsabilités respectives de l'Etat, des caisses et des acteurs du système de santé. Je ne m'y arrête donc pas pour l'instant.

Dans votre conclusion, monsieur Dord, vous avez émis l'ambition de présenter avec cette exception d'irrecevabilité - j'allais dire l'esquisse, mais vous n'avez même pas employé ce mot - une « politique alternative ». Permettez-moi de vous dire que votre intervention m'a surtout semblé marquée par beaucoup d'incohérences, beaucoup d'outrances, par exemple dans les propos que vous avez tenus sur le fonds vieillesse, et beaucoup d'inélégance à l'égard de Martine Aubry qui n'est pas là aujourd'hui pour vous répondre.

M. Maxime Gremetz.

C'est lâche !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Heureusement, elle a des amis qui sont là pour répondre à sa place ! (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Des amis objectifs !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur Dord, les mesures nouvelles que nous proposons répondent bien aux préoccupations des familles, des retraités et des ménages modestes. Il est donc dommage que vous les considériez comme sans intérêt. C'est dommage et c'est la raison pour laquelle je demande à l'Assemblée de voter contre cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Pour le groupe RPR, la parole est à

M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 présente effectivement un certain nombre d'inconstitutionnalités. La plus importante est qu'il ne respecte pas les objectifs que la loi constitutionnelle lui a conférés. En effet, le projet de loi de financement de la sécurité sociale devrait être l'outil garantissant la pérennisation de la sécurité sociale. Cet exercice 2001 souligne, au contraire, l'absence de prévoyance du Gouvernement.

Mme Odette Grzegrzulka.

Je rêve !

M. Bernard Accoyer.

Au lieu d'essayer d'apporter une continuité dans le financement de la sécurité sociale, il remet en cause l'universalité de ce financement et se livre à une série de détournements des recettes sociales jusque-là affectées à la branche famille ou au FSV. Dorénavant, elles serviront à payer les charges créées par les 35 heures obligatoires.

L'irrecevabilité repose également sur les fausses bases de calcul que vous avez utilisées. Vous le dites vous-même, les bases de l'ONDAM ont été modifiées, mais sur quelles dispositions légales ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

Mais non, c'est de la transparence !

M. Bernard Accoyer.

Que je sache, il n'y a pas de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Cela montre, à l'évidence, une défaillance dans la constitutionnalité de votre démarche, et donc de ce texte. L'importance des détournements - 100 milliards de francs constitue en lui-même une inconstitutionnalité.

D e plus, l'absence de sincérité menace les trois branches. D'abord la branche maladie. S'il y a, en effet, un objectif annoncé, il correspond simplement à l'extrapolation des hausses de recettes prévisibles si la croissance veut bien être au rendez-vous et si les conditions permettent effectivement aux recettes de rester bien audessus de ce qu'elles étaient ces dernières années.

Cette absence de sincérité se manifeste aussi face aux problèmes de l'hospitalisation. Vous ne prévoyez pas, par exemple, le financement des 35 heures, ce qui représente tout de même 15 milliards de francs, ce n'est pas rien ! Elle se manifeste encore à l'égard des professionnels de santé dont on sait très bien que la crise qu'ils connaissent nécessite de débloquer des moyens. Elle se manifeste également à l'encontre de l'hospitalisation privée. Aucun moyen n'y est affecté, ce qui se traduira par des disparitions de lits et donc des listes d'attente dans le secteur public. Voilà un certain nombre d'éléments qui montrent bien cette absence de sincérité. Vous annoncez des objectifs, mais vous n'attribuez aucun moyen.

En outre, s'agissant de l'accès aux nouvelles technologies, qui doit être l'une des priorités pour la branche maladie, rien n'est prévu financièrement pour rattraper n otre retard malheureusement dramatique dans ce domaine, qu'il s'agisse de l'imagerie ou même de certaines molécules.

L'hypocrisie est à son comble lorsqu'on examine ce que vous faites pour la branche retraite et pour la branche famille.


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Commençons par la branche famille. Après avoir pris l'année dernière 8 milliards de francs pour combler le déficit de la branche maladie, ce que n'autorisent pas les textes de 1994 et de 1996, comme vient d'ailleurs de le rappeler M. Evin, vous récidivez cette année en subtilisant à la branche famille des moyens importants que vous affectez à des financements qui relèvent de la branche vieillesse.

Quant à la branche retraite, l'absence de sincérité est tout simplement la règle de conduite de ce gouvernement, et notamment du Premier ministre en attente d'échéances électorales. On a décidé une bonne fois pour toutes que la situation particulièrement inquiétante et dramatique dans laquelle se trouvaient nos régimes de retraite était un sujet tabou, parce qu'il touchait une question politiquement sensible et susceptible de déplacer un certain nombre de voix. C'est tout à fait indigne ! Prétendre que le fonds de réserve de la retraite par répartition permettra de résoudre le problème est un mensonge, je l'ai déjà dit et je le répète. Même s'il était doté de 1 000 milliards de francs en 2020, ce que vous annoncez, cela ne correspondrait jamais qu'à un petit fonds de lissage valable pour trois ans, à la hauteur des déficits prévus pour cette époque.

En raison de cette absence de sincérité et de tous les éléments d'inconstitutionnalité qui ont été énuméré s par Dominique Dord, le groupe RPR votera cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Monsieur le président, j'essaierai d'être aussi bref que Claude Evin.

(Sourires.)

M. Alfred Recours, rapporteur.

Vous n'êtes pas rapporteur !

M. Jean-Luc Préel.

Il s'exprimait au nom du groupe socialiste.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Non, au nom de la commission.

M. Jean-Luc Préel.

D'emblée, pour lever tout suspense, j'indique que l'UDF votera avec enthousiasme l'exception d'irrecevabilité défendue avec brio, compétence et un humour quelque peu littéraire par notre collègue et ami Dominique Dord.

(Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Comme il l'a fait remarquer, le débat s'engage dans un contexte particulier dû au changement de ministre. Il a fait un bilan sans concession de l'héritage, constatant une évolution vers l'étatisation, archaïque, déresponsabilisante, faisant fi du paritarisme et de la contractualisation.

Claude Evin l'a dit il y a quelques instants, il est indispensable de définir de manière claire les rôles respectifs de l'Etat, des caisses et des professionnels. Nous souhaitons aller vers une contractualisation vraie et un respect des différents partenaires.

Dominique Dord a également relevé le financement étonnant des 35 heures par le biais d'un FOREC encore à l'état virtuel, sans conseil d'administration mais pourvu d'une tuyauterie digne d'une usine à gaz, dans lequel sont affectées les taxes sur le tabac, l'alcool, les activités polluantes. Or celles-ci devraient, à notre sens, financer la lutte contre ces fléaux, non pas financer les 35 heures.

Nous avons déjà eu ce débat l'année dernière : pour nous, la taxe sur les activités polluantes doit d'abord servir à éviter de nouvelles pollutions. Elle devrait financer les agriculteurs plutôt que les 35 heures.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Voyez-vous ça !

M. Jean-Luc Préel.

Notre collègue a encore noté la création de multiples fonds, avec des transferts de charges importants variables d'une année sur l'autre.

L'héritage est lourd également du fait de l'échec de Martine Aubry à atteindre les deux objectifs majeurs qu'elle s'était assignés il y a trois ans et demi : maîtriser les dépenses de santé et nouer des relations de confiance avec les professionnels. Force est de constater que les dépenses de santé ont augmenté de plus de 10 % en deux ans, l'ONDAM passant de 629,9 milliards en 1999 à 693,3 en 2001, et que tous les professionnels sont dans la rue en raison de l'absence de concertation et de l'application de sanctions collectives brutales et inacceptables.

J'ai cru comprendre que notre nouvelle ministre allait faire preuve de concertation et d'écoute. Il y a en effet beaucoup à faire pour changer.

Il n'y a pas de contradiction à dire que les dépenses de santé augmentent parce que les besoins augmentent et qu'il faut de ce fait supprimer les sanctions collectives. Je ne comprends pas pourquoi Claude Evin a insisté sur ce point. Si l'on rebase l'ONDAM, c'est pour prendre en compte les besoins. Il n'a donc plus de réalité, n'est plus que virtuel. Comment, par conséquent, appliquer des sanctions collectives à partir d'un objectif modifié ? Le projet de loi ne prépare pas l'avenir. Il n'y a rien pour la prévention et l'éducation à la santé où, pourtant, nous sommes médiocres ; rien pour résoudre les problèmes de démographie médicale et les spécialités sinistrées ; rien pour la prise en charge des urgences et des hôpitaux dont l'activité augmente ; rien pour les 35 heures dans les hôpitaux ; rien pour les cliniques étranglées par une rentabilité économique nulle, le manque de personnel et la nécessité de restructuration. Mais le maintien des sanctions collectives pour les professions de santé, l'institution d'une sanction confiscatoire pour l'industrie pharmaceutique.

Par ailleurs, il faut noter l'absence de politique familiale et, en matière de retraites, de prise en compte du

« papy-boom »...

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Ni du « mamy-boom » ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Préel.

... ni du « mamy-boom », car il est vrai que les femmes sont plus nombreuses que les hommes. Nous demandons la création d'une caisse de retraite des fonctionnaires et l'harmonisation des régimes.

Ce n'est probablement pas la création de l'observatoire proposée dans le projet de loi qui va permettre de résoudre le problème considérable des retraites.

Pour toutes ces raisons, monsieur le président, il est nécessaire de voter la proposition de Dominique Dord, ce que l'UDF fera avec, bien sûr, un grand enthousiasme.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz pour le groupe communiste.

M. Maxime Gremetz.

Bien évidemment, nous ne voterons pas cette exception d'irrecevabilité...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 OCTOBRE 2000

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Quelle surprise !

M. Bernard Accoyer.

Allons, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz.

... pour une raison simple : nous voulons qu'existe toujours, plus et mieux que jamais, une protection sociale de qualité. Un peu d'histoire vous aiderait peut être à comprendre. La sécurité sociale, c'est identitaire pour nous, c'est Ambroise Croizat,...

M. François Goulard.

Ah bon !

M. Bernard Accoyer.

Et pas de Gaulle ?

M. Maxime Gremetz.

... un ministre communiste déjà.

Vieux souvenir ! Je le rappelle parce que les plus jeunes ne le savent pas. On n'apprend pas bien l'histoire à l'école (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste) et il est parfois utile de lutter contre l'oubli.

M. Christian Bataille.

Ambroise Croizat était le trésorier de L'Humanité !

M. Bernard Accoyer.

Il faudrait faire une loi pour ceux qui réécrivent l'histoire !

M. Maxime Gremetz.

Tout à fait. Nos collègues de droite croyaient l'avoir créée. Mais non, ce n'était pas eux, c'était nous !

M. Bernard Accoyer.

En 1917 ?

M. Maxime Gremetz.

Nous voulons donc conserver un système par répartition, sachant qu'assurer une protection sociale de qualité tout en tenant compte de l'évolution des besoins réels de la société n'est pas sans poser de problèmes, notamment de financement.

En la matière, messieurs de la droite, à l'évidence, nous ne faisons pas les mêmes choix. Vous, vous ne voyez dans la santé qu'un marché formidable, le plus gros de France.

Il est vrai que nous discutons d'un budget supérieur à celui de la nation ; des intérêts considérables sont en jeu.

M. Bernard Accoyer.

Pas pour la santé, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz.

On comprend l'intérêt des assureurs, le vôtre aussi. Souvenez-vous, les fonds de pension, la loi Thomas.

M. Alfred Recours, rapporteur.

On va l'abroger !

M. Maxime Gremetz.

D'autres exemples ? Le plan Juppé. Les sanctions dont vous parliez, je suis intervenu contre dans le plan Juppé.

M. Yves Bur.

Vous le soutenez là !

M. Maxime Gremetz.

Je vous disais : « Prenez garde, des sanctions, c'est la gestion comptable de la santé. » Et

vous disiez : « Non ! » Et vous étiez tous debout, comme un seul homme, à acclamer M. Juppé. Le lendemain, les foules déchaînées descendaient dans la rue et M. Juppé n'est pas resté.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est un raccourci, mais il n'est pas inexact ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz.

Réfléchissez bien à cela. Il faut rappeler un peu d'histoire de temps en temps.

Votre exception d'irrecevabilité ne mérite pas mieux que de retourner là d'où elle vient. En revanche, engageons un débat sérieux sur la caisse d'assurance maladie, l'équilibre des caisses, les accidents du travail. Réfléchissons à une grande politique de prévention orientée notamment vers la médecine scolaire et la médecine du travail. Nous avons de grands chantiers devant nous.

Quand on a de grands chantiers, on ne commence pas par regarder si le mur à monter est haut, on s'attelle sans tarder à la tâche. C'est pourquoi il faut repousser votre exception d'irrecevabilité et engager un débat sérieux pour construire une vraie protection sociale de qualité, digne de notre pays et de notre époque. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ? Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

M. le président.

J'ai reçu, de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ces dernières semaines, et dans une mise en scène très étudiée de son départ du Gouvernement, Martine Aubry a vanté le retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale. Il est indéniable en effet que, pour la première fois depuis bien longtemps, les comptes sociaux devraient connaître en 2000 un excédent : 3,3 milliards de francs. Cette situation trouve son explication dans la croissance dont les effets bénéfiques se déploient sur l'ensemble de l'Union européenne, au travers du développement de l'emploi et, partant, celui des cotisations sociales, pour le plus grand bénéfice des comptes sociaux.

Si nous devons nous en réjouir, les excédents du régime général demeurent cependant modestes. D'ailleurs, M. Pierre Joxe, en présentant à la commission des affaires sociales le rapport annuel de la Cour des comptes, a souligné que cet équilibre demeurait très fragile car directement lié à la croissance. A cet égard, il a considéré qu'il ne fallait pas, bien au contraire, relâcher les efforts entrepris. Il ne faudrait pas se trouver dans l'embarras si elle ralentissait. Au regard des incertitudes qui se font jour sur le niveau de croissance attendu en 2001, incertitudes dont même M. Fabius s'est fait l'écho ici même lors du débat budgétaire, on peut comprendre, et la partager, la prudence du président de la Cour des comptes.

C'est dans ce contexte, où commencent à pointer quelques inquiétudes malgré les mots d'ordre optimistes du Gouvernement, que nous abordons la discussion sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il nous faut, tout d'abord, remarquer que cette loi constitue, à bien des égards, un simple prolongement de la loi de finances qui ne dirait pas son nom. A ce titre, il ressort que trois grands principes guident votre action.

Premier principe, comme l'an dernier, cette loi de financement de la sécurité sociale est une véritable valse des vases communiquants : compensations, transferts, réaffectations diverses et variées, les sommes s'additionnent et se soustraient allègrement, pendant que les fonds se multiplient. On en dénombre plus de dix, dont trois nouveaux, rien que cette année, sans connaître exactement les règles qui les régissent. Tout cela ne fait que renforcer l'opacité de l'ensemble du financement de notre protection sociale, que même les spécialistes les plus chevronnés ont du mal à suivre.

En fait, la mise en oeuvre de ces transferts pose la question plus générale de la meilleure utilisation possible des excédents de la sécurité sociale. Doivent-ils servir à


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alléger les charges du budget de l'Etat pour en permettre une présentation « cosmétique », comme l'a souligné notre collègue de Courson dans le débat budgétaire ? Doivent-ils servir au remboursement des dettes accumulées dans les années passées ? Dès lors, comment accepter le principe de l'exonération de la CRDS alors que chaque Français a bénéficié, d'une certaine façon, des déficits accumulés dont nous avons reporté la charge sur les générations futures ? Doivent-ils permettre simplement de faire croire aux Français que tout va bien, que les comptes sociaux sont à l'abri des difficultés du passé et que le Gouvernement peut faire un usage immodéré de la cagnotte sociale en oubliant un peu vite les nuages qui assombrissent le ciel.

Le deuxième principe consiste à distribuer des avantages sur les finances des autres institutions. Ainsi, après la taxe d'habitation et la vignette, c'est au tour de la sécurité sociale de passer à la caisse en supportant des exonérations sur la CSG. Or l'utilisation de la CSG comme instrument d'une politique de revenu nous semble particulièrement grave. L'exonération déroge au principe fondateur de cette contribution, qui impliquait de faire participer tous les revenus, de quelque nature qu'ils soient, au financement de la protection sociale.

Comme le rappelle la CFDT, « chacun contribue en proportion de ses revenus, chacun reçoit en fonction de ses besoins ». En vous engageant dans cette voie, vous refaites, comme pour la CMU, le choix de l'assistance, qui ôte toute signification aux concepts de solidarité et de mutualisation. En remettant en cause ce principe, vous prenez le chemin non pas de la modernisation, mais bien celui de l'archaïsme de notre système fiscal avec ses multiples exonérations. Même s'il paraît nécessaire d'augmenter le salaire direct pour les bas revenus - le groupe UDF a fait des propositions très claires en ce sens -, il existe d'autres moyens d'atteindre cet objectif, notamment l'impôt négatif.

L'introduction de telles exonérations sur les salaires inférieurs à 1,3 SMIC, voire 1,4 SMIC sur proposition de la commission, en appellera inévitablement d'autres sous couvert de justice sociale. Même la CGT de l'un des régimes de la sécurité sociale a exprimé des réserves envers ce dispositif. L'accumulation d'abattements sur les bas salaires aura, certes, un impact sur leur pouvoir d'achat, - et c'est bien, - mais elle risque aussi de cantonner les salariés concernés dans la zone d'exonération car, au-delà d'un certain niveau, le coût des augmentations de salaire devient rédhibitoire pour les entreprises.

Le troisième principe consiste à laisser filer la dépense publique en imaginant que les bienfaits de la croissance viendront résoudre le problème et que, dans le pire des cas, il sera toujours temps de trouver des prélèvements nouveaux. Il est inquiétant de constater que l'assurance maladie restera dans le rouge. Elle dépasse largement l'objectif que vous aviez fait voter ici même par votre majorité, d'au moins 13 milliards de francs. La colère gronde parmi les professionnels de santé, excédés par l'absence de dialogue et la mise en oeuvre de mesures uniquement comptables pour tenter de limiter la dérive des comptes. Ils manifestent leur désarroi face à une politique brouillonne, dont ils ne sont pas les seuls à ne pas comprendre les orientations et les objectifs en matière de santé publique.

En l'absence de projet et de perspective, le Gouvernement se contente d'une gestion de la sécurité sociale au fil de l'eau, profitant des rentrées de la croissance. Au lieu de mettre à profit cette période faste pour engager des réformes de fonds, il est clair que M. Jospin a choisi de privilégier l'attentisme pour ne pas compromettre son avenir ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Il en est ainsi de l'assurance maladie en panne de perspectives susceptibles de mieux conjuguer les besoins de santé des Français et les moyens à mettre en oeuvre. Il en est ainsi de l'avenir des retraites qui reste suspendu à des choix courageux, toujours remis au lendemain contrairement à ce qu'ont fait nos voisins qui y ont eu comme l'Allemagne, le courage d'engager les vraies réformes.

De façon générale, ce texte marque l'échec d'une méthode. Au moment où les comptes donnent des signes d'amélioration, on aurait pu penser que la loi de financement aurait suscité l'adhésion des différents régimes. Or force est de constater que c'est avec une belle unanimité et à une très large majorité que l'ensemble des partenaires sociaux au sein des conseils d'administration ont émis des votes défavorables sur le projet de loi du Gouvernement.

Ils ont porté des jugements particulièrement sévères sur des dispositions importantes du projet. Ils se sont surtout montrés consternés par la méthode Aubry, qui se caractérisait par le mépris à leur égard et par l'absence de toute possibilité de concertation. Cette méthode, dans le dossier de l'UNEDIC, a finalement conduit le Premier ministre à choisir l'armistice pour éviter la fin de toute refondation sociale.

De fait, ce texte se réduit à une dimension quasi financière qui est désormais classique de votre part. Il se limite à une présentation arithmétique qui traduit bien la logique purement comptable dans laquelle s'inscrit le Gouvernement, ainsi qu'à une ingénierie particulièrement illisible qui renforce l'opacité des comptes contraire à l'esprit des textes fondateurs de l'objet du débat que nous entamons ce soir.

En ce qui concerne la branche vieillesse, nous ne pouvons que déplorer, une fois de plus, l'absence de toute réforme ambitieuse pour assurer le financement des régimes de retraite à l'horizon 2020. Même si le Premier ministre a affirmé que l'abondement à hauteur de 1 000 milliards de francs du fonds de réserve et le maintien d'une croissance forte et durable permettront de faire face sans trop de difficultés à la pérennisation des régimes de retraite par répartition, ce n'est pas l'abondement du FSV à hauteur de 32 milliards pour porter ce fonds de réserve à 55 milliards l'an prochain, qui pourra rassurer les Français.

En effet, hors les apports temporaires des licences UMTS et des caisses d'épargne, ce fonds reste soumis aux aléas de la conjoncture et ce n'est pas au rythme de financements non pérennes, comme vous nous le proposez chaque année, que le fonds pourra remplir sa mission au service des retraites. Il est vrai que, pour reprendre les propos tenus par M. Jospin en mars 2000, le déficit annoncé du régime général et des régimes dit « alignés » ne représente que trois points et demi de cotisation.

Autrement dit, en son temps, il suffira d'augmenter cotisations et impôts ! Face à l'inertie du Premier ministre sur le dossier des retraites, qui préfère jouer la montre plutôt que de montrer du courage pour dire la vérité aux Français, les partenaires sociaux unanimes restent sceptiques quant aux résultats d'une telle politique, qui n'est pas à la mesure des enjeux que pose à notre pays le vieillissement de la population. En clair, nous assistons à une politique de courte vue sur un sujet qui réclame à la fois une vision à plus long terme et, surtout, du courage, marque de l'homme d'Etat.


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Si nous prenons acte, avec satisfaction, de la revalorisation des pensions à hauteur de 2,2 %, il nous paraît par contre tout à fait regrettable de traiter de manière discriminatoire les familles qui ne bénéficieront que d'une hausse de 1,8 % des allocations familiales. Il s'agit d'un signal par lequel le Gouvernement montre, une fois de plus, qu'il n'a pas pris la mesure d'une politique familiale ambitieuse que les excédents de la branche famille permettraient d'engager.

Les associations familiales ne s'y sont pas trompées et soulignent que les familles ont le droit, elles aussi, de bénéficier des fruits de la croissance.

En effet, les excédents de la branche famille, au lieu d'être cantonnés au service d'une politique familiale plus ambitieuse et plus dynamique, sont utilisés pour alléger la charge budgétaire de l'Etat. Il en est ainsi du transfert de l'allocation de rentrée scolaire qui se fera sans que le Gouvernement ne tienne l'engagement, qu'il avait pourtant pris, de prendre en charge le coût de gestion d'un certain nombre de prestations comme le RMI ou l'allocation aux adultes handicapés.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Ce n'est pas vrai !

M. Yves Bur.

Cette volonté de dépouiller la branche famille de moyens supplémentaires se retrouve dans la proposition de transférer à la charge de la CNAF le coût de la majoration des pensions de retraite accordée aux parents ayant élevé au moins trois enfants : ce transfert de charge qui, pour l'an prochain, se limite - si l'on peut dire - à 2,9 milliards de francs, pourrait priver, à terme, la branche famille d'un montant total de 20 milliards de francs.

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Cette mesure concerne pourtant bien les familles !

M. Yves Bur.

Les associations familiales ne comprennent pas cette décision lourde de conséquences, prise sans la moindre discussion, alors que la vocation du FSV était justement de financer les avantages vieillesse non contributifs. Cette décision va plomber durablement les comptes de la branche famille et nous ne pouvons que le regretter. Cette dernière a en effet besoin d'une lisibilité que la complexité et la confusion de l'ingénierie financière mise en oeuvre par les dernières lois de financement n'ont fait que détériorer.

Ainsi, même une bonne mesure, comme le renforcement des aides à l'investissement pour multiplier les structures d'accueil de la petite enfance, est s'accompagagner de la création d'un fonds spécial pour renforcer l'effet d'annonce...

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Pour utiliser les fonds, c'est tout !

M. Yves Bur.

... alors que la CNAF dispose déjà du fonds national d'action sanitaire et sociale, pour conduire sa politique au service de la petite enfance.

Si l'on peut parler d'excédent pour les comptes sociaux dans leur globalité, cela n'est cependant pas encore d'actualité pour la branche maladie, dont l'évolution des dépenses s'éloigne, mois après mois, de l'objectif fixé l'an dernier à 658,3 milliards de francs. En effet, les derniers chiffres connus à la fin du mois d'août révèlent que cette dérive est loin de se ralentir, malgré l'annonce des mesures d'abaissement des honoraires infligés à certaines professions médicales. Les remboursements de soins de ville auraient progressé, d'après les données de la CNAM, de plus de 8,6 % fin août contre 8,2 % fin juillet. Heureusement, les rentrées consécutives à la croissance économique permettent d'atténuer le déficit de la branche maladie.

La situation reste donc particulièrement préoccupante et nous ne pouvons faire l'économie d'une refondation de la politique de santé.

En effet, même si Mme Aubry, prédécesseure de Mme Guigou, a encore affirmé avant son départ, que son action de réforme a permis de placer le secteur de la santé sur la voie de l'équilibre, nous avons beau chercher, rien ni dans les comptes ni dans la pratique ne nous assure que cet objectif pourra être atteint. J'en veux pour preuves non seulement l'accroissement conséquent des dépenses pour les soins de ville, mais aussi la dizaine de milliards de francs injectés dans l'hôpital public pour calmer le mécontentement social avant même la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail, qui sera, elle aussi, particulièrement coûteuse.

Tout cela doit nous conduire à nous interroger sur la pertinence des moyens supplémentaires consacrés à la prise en charge des soins par rapport aux objectifs de santé publique et aux besoins réels. Face à l'évolution des dépenses qui semble irrépressible, malgré l'accumulation, ces dernières années, de dispositifs de maîtrise de plus en plus contraignants, le Gouvernement se contente de remettre les compteurs à zéro à travers un « rebasage » désormais annuel de l'ONDAM, sans s'atteler à ce grand chantier certes périlleux - nous en savons quelque chose mais incontournable de la refondation de la politique de santé. L'ONDAM est ainsi devenu virtuel. Il signe chaque année le constat de votre impuissance.

Quel sens peuvent avoir nos débats dans le domaine de l'assurance maladie si la seule approche qui nous est proposée par le Gouvernement consiste à fixer à l'article 44 un objectif national des dépenses d'assurance maladie dont nous savons pertinemment qu'il n'est qu'indicatif, qu'il sera adapté aux dépenses réellement constatées et sans aucun lien compréhensible par les acteurs de notre système de santé avec des objectifs de santé publique partagés ? Quel sens peuvent avoir nos débats quand les seules mesures qui accompagnent cet ONDAM virtuel constituent autant de contraintes visant l'ensemble des producteurs de soins, et sont modifiées, année après année, en fonction du degré d'échec constaté dans la réalisation de la maîtrise comptable dans laquelle vous persévérez malgré tout ? Quel sens peuvent avoir nos débats face au mur d'incompréhension qui semble exister entre les services de la tutelle de votre ministère et la caisse d'assurance maladie ? Le conseil d'administration de la CNAM s'interroge sur la cohérence et l'intérêt des mesures d'ajustement d'honoraires qu'il doit encore arrêter prochainement alors que vous proposez au Parlement de neutraliser les dépassements de l'ONDAM pour l'année 2000 ? Quel sens peuvent avoir nos débats face à l'absence de dialogue avec l'ensemble des professions de santé, qui manifestent dans une belle unanimité leur incompréhension devant la politique menée et leur désarroi face à l'absence de perspective d'une gestion purement comptable ? Combien de temps pourrez-vous encore conduire une politique de santé sans dialogue avec les principaux acteurs du secteur sanitaire, voire contre eux ? Le Gouvernement doit se rendre à l'évidence : la maîtrise technocratique des dépenses de santé est une impasse comme le montre l'incohérence des mesures de régulation par les lettres clés flottantes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 OCTOBRE 2000

En effet, comment comprendre la diminution autoritaire des honoraires des masseurs kinésithérapeutes qui sont des professions prescrites ?

M. Jean-Marie Demange.

Absolument !

M. Yves Bur.

L'augmentation des besoins de soins de kinésithérapie n'est-elle pas imputable au vieillissement de notre population ? Où est la faute du kinésithérapeute qui ne fait qu'exécuter une prescription établie en fonction d'un besoin réel ? Où est sa faute quand, de plus, ce soin soumis à entente préalable, à reçu l'aval du médecinconseil de la caisse primaire ? Ce simple exemple est révélateur de l'incohérence du dispositif que vous avez voté l'an dernier et que nous n'avons cessé de dénoncer.

Il aurait pu en être de même des soins infirmiers pour lesquels le ministère a rejeté des mesures de baisse des majorations de nuit, de dimanche et de jours fériés, proposées par la CNAM, qui auraient eu des conséquences désastreuses pour la prise en charge déjà difficile des personnes âgées dépendantes à leur domicile, dans le seul but d'une économie vraiment marginale.

S'agissant de la baisse des honoraires pour certains spécialistes, je veux évoquer, pour l'exemple, le cas de la pneumologie à travers la prise en charge d'une maladie, l'asthme, dont nous savons qu'elle est encore insuffisante dans notre pays pour assurer une qualité de vie durable aux personnes qui en souffrent.

Mme Catherine Génisson.

Affirmation gratuite !

M. Yves Bur.

Les prescriptions médicamenteuses en pneumologie ont augmenté de 22 % par an depuis trois ans, ce qui a conduit l'assurance maladie à sanctionner cette spécialité. Or cette évolution est liée à la prescription de nouveaux médicaments pour lutter contre les crises. Jusqu'à aujourd'hui, le spray utilisé, et servant de référence, permet de prévenir les crises par une prise toutes les six heures pour un coût de 26 francs par mois.

L'apparition de nouveaux médicaments, presque vingtcinq ans après la mise sur le marché du précédent, a permis d'espacer les prises à 12 heures, ce qui représente une amélioration indéniable du confort de vie de la personne asthmatique. Cependant le coût de ce nouveau traitement est, à présent, pour une prescription minimale, de 236 francs par mois et peut même monter juqu'à 440 francs.

Mme Hélène Mignon.

Comment ?

Mme Catherine Génisson.

Il y a aussi la possibilité de faire l'éducation des asthmatiques. Cela ne coûte pas un sou.

M. Yves Bur.

Le montant total de cette prescription est donc en très forte augmentation ce qui a contribué à la décision de sanctionner ces spécialistes sur leurs honoraires. Faut-il en conclure que, malgré une conférence de consensus au niveau mondial, reprise au niveau national, les malades asthmatiques ne doivent pas tous bénéficier de cet apport thérapeutique en raison de préoccupations comptables sans prendre en compte les répercussions positives plus globales, et en particulier économiques ? Cela pose d'ailleurs également le problème des reversements par l'application de la clause de sauvegarde à ce type de médicaments en forte croissance. Avec un objectif de récupération de 70 % des dépassements, sans prendre en compte les économies induites par de nouvelles thérapeutiques médicamenteuses, cela devient - mon collègue M. Préel l'a souligné - confiscatoire d'autant qu'une partie très significative des prescriptions incombe au transfert des prescriptions hospitalières sur la médecine de ville.

Je veux également rappeler, dans le domaine du médicament, qu'à l'hôpital les cancérologues nous ont tous fait part de leur profonde inquiétude face aux limitations de crédits qu'ils connaissent pour la prescription de médicaments utilisés en chimiothérapie. J'espère que, dans le plan annoncé par le Gouvernement sur la cancérologie, nous aurons des avancées afin que tous les patients puissent bénéficier des progrès du médicament dans ce domaine.

Pour ce qui est de l'hôpital, je voudrais vous interroger, madame la ministre, sur la résorption des capacités excédentaires. Celles-ci, si j'en crois les rapports qui nous ont été transmis, sont passées de 47 000 lits et places excédentaires, soit 19,5 % en 1994, à 37 000 lits, soit 16 % au 30 juin 2000. Entendez-vous aller plus loin ? A quel rythme ? Et comment comptez-vous concilier cette résorption des capacités excédentaires avec la réduction du temps de travail dans la fonction publique hospitalière ? Dans le domaine du générique, la mise en oeuvre par les pharmaciens du droit de substitution pour promouvoir les médicaments génériques progresse, même si elle se heurte encore à l'opposition d'une partie des prescripteurs et si la substitution est plus délicate à se concrétiser auprès des malades chroniques habitués à leur médicament. A ce sujet, ne craignez-vous pas que les interventions de la direction de la concurrence au sujet du plafonnement des remises, dont nous avons discuté l'année dernière et dont pouvaient bénéficier notamment les groupements de pharmaciens grâce à la vente directe, risque de décourager les pharmaciens ? Combien de temps pourrez-vous encore persévérer dans cette voie strictement budgétaire qui vous conduit, année après année, à n'inscrire dans ces projets de loi de financement que des dispositifs de coercition qui ne peuvent régler les problèmes de fond de la santé ? Cette année encore, vous revisitez le dispositif des sanctions applicables aux professionnels de la santé. Si la suppression des comités médicaux régionaux est bien accueillie par l'ensemble des professions de santé, je ne suis pas certain qu'elle se concrétise à travers nos débats. Il s'agit, malgré tout d'une bonne décision, mais les nouvelles modalités envisagées ne recueillent guère plus d'adhésion, d'autant qu'aucune concertation n'a eu lieu, en amont notamment, avec les ordres professionnels concernés. Ils n'ont été informés que très récemment.

Ce bouleversement des procédures disciplinaires, malgré la possibilité d'une conciliation, risque d'être aussi inopérante que les dispositifs précédents, car mal préparé dans la précipitation. La disparition des commissions médicales paritaires locales, qui constituaient la première étape pour engager une procédure de rappel à l'ordre ou disciplinaire, vide encore davantage de sens une démarche conventionnelle à l'agonie, voire en coma dépassé. Cette manière de procéder traduit une fois de plus l'incapacité du Gouvernement à dialoguer avec les acteurs de la santé.

Pourtant, sans ce dialogue, aucune maîtrise durable ne pourra réussir.

De fait, Mme Aubry pourra se glorifier d'avoir vidé de toute substance le système conventionnel comme elle semblait prête à le faire d'ailleurs avec la même intransigeance avec les partenaires sociaux à l'UNEDIC. Il sera i ntéressant de connaître vos intentions, madame la ministre, pour relancer le dialogue conventionnel qui, s'il ne pourra certes pas repartir sur les bases du passé, reste à nos yeux la seule voie possible pour assurer aux Français des soins de qualité tout en assurant l'équilibre des comptes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 OCTOBRE 2000

Si l'Etat s'entête dans l'exercice solitaire du pouvoir dans le domaine de la santé, il ne récoltera que l'échec et peut être l'implosion du système de santé et de sécurité sociale français. Celui-ci doit impérativement évoluer pour mieux prendre en compte les besoins sanitaires et sortir d'une logique purement comptable qui ne permet pas de justifier les efforts de modernisation et d'adaptation demandés aux divers acteurs de la santé dans notre pays. Ainsi que je l'ai déjà souligné, l'Etat ne peut tout faire et il nous semble indispensable de donner enfin sens à une véritable démocratie sanitaire dans laquelle pourront s'exprimer tous les acteurs, y compris les représentants des usagers de notre système de soins.

Cette démocratie devrait d'abord s'exprimer ici, au Parlement, en rénovant le débat sur le financement de la protection sociale pour le sortir du cadre essentiellement financier dans lequel les lois successives nous ont enfermés, le projet de loi de financement dont nous débattons étant la caricature de ce qu'il ne faut pas faire, car il convient d'éviter de transgresser les lois constitutionnelles.

En effet c'est bien d'abord des priorités de santé publique que nous devrions débattre afin de définir un objectif de dépenses calé sur ces besoins. Aujourd'hui nous avons bien conscience que certains besoins sont négligés sans que nous puissions pour autant les indiquer clairement et exiger du Gouvernement qu'il les prenne en compte en mobilisant les moyens nécessaires.

L'exemple de la santé bucco-dentaire est éloquent : cela fait des années que de nombreux ministres, de nombreux collègues évoquent cette situation qui place la France parmi les mauvais élèves en Europe.

M. Jean-Pierre Baeumler.

C'est le dentiste qui parle !

M. Yves Bur.

Oui, et je n'en ai pas honte ! Les difficultés d'accès à des soins dentaires de qualité ont d'ailleurs été parmi les facteurs qui ont poussé à la création de la CMU. Malgré ce constat accablant, rien ne bouge vraiment. Le rapport annexé au projet de loi mentionne bien que « la réforme des soins dentaires et de leur prise en charge par l'assurance maladie est un objectif de santé prioritaire », mais aucun engagement n'est pris en ce sens alors que des propositions innovantes, faites par des organisations professionnelles et qui permettraient d'atteindre cet objectif, ont été agréés par le conseil d'administration de la CNAM. Tout cela semble repoussé aux calendes grecques car personne ne sait comment financer c ette dépense dont la priorité a été maintes fois réaffirmée.

Si une démocratie sanitaire rénovée doit commencer au Parlement, il faut qu'elle associe aussi davantage les partenaires sociaux dont on ne peut réduire le rôle à la gestion des enveloppes déléguées. Un véritable débat doit s'engager sur l'organisation même de l'assurance maladie dont la subdivision en caisses régionales, en caisses primaires, en URCAM ne semble plus pertinente. Le rapport de la Cour des comptes fournit d'ailleurs des éléments d'analyse intéressants sur ces questions.

De même, il conviendrait de s'interroger sur la place et sur le rôle des organismes complémentaires dans notre système de santé. Ils réclament d'ailleurs une vraie reconnaissance de leurs missions et sont prêts à s'engager davantage. Faut-il aller jusqu'à introduire une forme d'émulation dans le système de santé à l'instar de ce qui se passe en Allemagne ou aux Pays-Bas, en associant aux organismes de sécurité sociale des organismes complémentaires qui se verraient confier une certaine autonomie ? Il est temps, en effet, de redonner du pouvoir aux caisses et de leur confier la mission de véritablement gérer le risque. L'émulation dont je parlais pourrait alors s'exercer sur le service rendu aux usagers, dans le cadre d'un panier de soins défini par l'Etat et à partir de ressources financières allouées sur la base d'un ONDAM rénové. Tout cela mérite assurément débat avec les partenaires sociaux.

Ce débat démocratique ne peut avoir de sens si l'on n'y associe pas les producteurs de soins qui se sentent actuellement négligés, voire méprisés. Cette situation n'est ni acceptable ni judicieuse pour assurer un bon fonctionnement du système. Il est donc nécessaire d'engager avec les professionnels de la santé une véritable refondation médicale qui redonne sens et contenu à un contrat conventionnel dont l'objet doit être de garantir la qualité des soins pour l'ensemble de la population, quelles que soient les situations sociales. En effet, ce n'est que par le dialogue que l'on peut espérer réussir les évolutions souhaitables pour atteindre des performances que la tentation de l'étatisation et les dispositifs de contrainte successifs n'ont pu obtenir. Il est temps d'en tirer les leçons et de redonner aux professions de santé leur place de partenaire à part entière. Comme l'affirmait en mai le président Jacques Chirac en recevant les représentants du centre national des professionnels de santé, « les mécanismes de responsabilité collective ont correspondu à une période de crise financière et de transition. Il faut passer aujourd'hui à un système de responsabilité librement consenti individuel et contractuel, fondé sur la recherche du meilleur soin et sur l'évaluation des pratiques. » Vous avez l'oppor-

tunité, madame la ministre, d'explorer cette voie de la sagesse et de l'efficacité.

Dans ce dispositif, il convient de ne pas oublier l'acteur central qu'est le malade et qui devrait avoir son mot à dire dans un domaine qui lui est particulièrement cher - dans tous les sens du terme : sa santé. Le droit aux soins de qualité et l'accès aux soins devront être davantage pris en compte dans tout projet de santé publique.

La CMU, si elle représente un progrès incontestable n'apporte encore qu'une réponse partielle et donc insuffisante.

Non seulement celle-ci n'est pas accessible aux personnes qui ne bénéficient pas de l'aide sociale départementale et dont les revenus, tout en restant modestes, se situent au-dessus des niveaux ouvrant droit à la CMU sans pour autant leur permettre de souscrire une couverture individuelle ou familiale trop coûteuse, mais elle ne sera plus accessible aux personnes qui bénéficient de minima sociaux comme l'AAH ou le FNS, ou encore d'une aide médicale départementale plus favorable que la CMU. Il apparaît nécessaire de trouver une solution qui prenne en compte ces situations et permette effectivement à tous les Français d'avoir accès à des soins de qualité.

Par ailleurs, nous ne pouvons que regretter de voir la loi de modernisation sanitaire soit sans cesse repoussée.

Elle permettrait d'actualiser les droits du malade au coeur du système de soins et de lui donner le sens de sa propre responsabilité dans la préservation de sa santé.

Pour atteindre les objectifs d'un système de santé rénové et maîtrisé, nous sommes nombreux à partager sur les bancs de cette assemblée ceux qui partagent la conviction que notre système de santé gagnerait à être piloté à l'échelon régional.

En effet, le groupe de travail sur la régionalisation du système de santé auquel j'ai participé a mis en évidence une forte attente de l'ensemble des acteurs pour une véritable régionalisation des politiques de santé. Celle-ci est d'ailleurs déjà partiellement engagée sans pour autant s'inscrire dans un projet global et cohérent à travers des


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outils comme les ARH, les DRASS, les CRAM, les URCAM, les URLM, les observatoires et les conférences régionales de santé.

Même si débat il y a, ce qui est d'ailleurs souhaitable compte tenu de l'importance des enjeux, sur la forme notamment que doit prendre cette régionalisation simple déconcentration avec mise en place d'un préfet sanitaire ou véritable décentralisation avec une responsab ilisation des acteurs locaux -, tous s'accordent à reconnaître le niveau régional comme le plus pertinent pour mieux adapter les réponses sanitaires aux besoins de la population.

La régionalisation de la gestion de la santé bénéficierait de la nouvelle légitimité inscrite dans la proximité : il est plus facile, même pour un professionnel de santé, de s'identifier à des réalités locales afin d'évoluer dans sa pratique. Pour les directeurs des ARH eux-mêmes, le niveau régional permet de concilier proximité et capacité de mise en réseau de l'ensemble des acteurs ; encore faudrait-il lever l'obstacle de la non-fongibilité pour mettre fin au cloisonnement entre l'hospitalisation et la médecine de ville et optimiser les complémentarités qui pourront se concrétiser dans les réseaux locaux.

Comme vous pouvez le constater, madame la ministre, la protection suscite, du fait de son architecture essentiellement financière à la lisibilité incertaine, et malgré un retour à l'équilibre lié aux fruits de la croissance, de nombreuses interrogations, en particulier pour la branche maladie dont l'avenir demeure des plus incertains.

Or le projet du Gouvernement fait pratiquement l'impasse sur ces questions de fond et traduit en fait l'absence d'un véritable projet et d'une stratégie propre à le faire aboutir. Face à la révolte des professions de santé, certains de vos amis commencent d'ailleurs à s'inquiéter, comme nous avons pu le constater en commission. Peut-être ontils compris eux aussi que l'étatisation de notre système de santé n'augurait rien de bon, car tous les systèmes d'Etat sont toujours in fine des systèmes de pénurie, qui aboutissent invitablement à des mécanismes de soins à deux vitesses au détriment des moins favorisés ; la CMU ellemême n'y changera rien. Le débat est ouvert, les vrais choix sont devant nous.

Eclairés par l'expérience, celle du plan Juppé qui avait une vraie ambition, celle aussi du Gouvernement de Lionel Jospin qui se borne à une gestion au fil de l'eau, nous sommes prêts à ce débat de fond afin de permettre à la France de conserver ses indéniables atouts, tout en permettant à son système de santé de s'adapter aux nouvelles exigences.

Face à l'opacité de l'approche financière, face à l'absence, dans ce texte, des enjeux sanitaires pourtant attendus aussi bien par les partenaires sociaux que par les professionnels de santé, je ne peux que vous proposer de voter cette question préalable et vous demander d'engager enfin le vrai débat.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des a ffaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le député, il y avait bien entendu dans votre intervention, a u demeurant longue et dense, quelque chose de convenu. C'est la loi du genre et je peux vous le reprocher ; nous y avons tous sacrifié un jour ou l'autre. Reste que vous mélangez un peu les problèmes, mêlant aussi le vrai au faux. Et si vous notez au passage, tout en les égratignant, quelques mesures qui vous semblent heureuses, comme l'accueil de la jeunesse, vous introduisez en même temps un débat sur la refondation dont le manque de clarté m'apparaît, bien que je vous aie écouté avec attention, pour le moins flagrant.

Il est toutefois au moins une de vos interrogations que je peux partager : celle qui concerne les masseurs kinésithérapeutes et les infirmiers. Nous en avons du reste débattu avec Mme la ministre. Des mesures positives ont cependant été prises, telle la nomenclature applicable aux kinésithérapeutes - quand bien même son application soulève quelques difficultés -, ou encore les projets de soins infirmiers, même si des problèmes se posent encore, en zone rurale notamment, pour ce qui touche aux soins aux personnes âgées, qu'il nous faut maîtriser. Mme la ministre en parlera sans doute le moment venu ; nous essaierons en tout cas de répondre à vos questions.

Je ne sais où vous voyez cette étatisation dont vous faites état en permanence. Ce sont des lunettes qui vous brouillent la vue... En donnant une délégation de gestion à la CNAM, nous allons au contraire vers ce que l'on peut appeler une gestion de responsabilité...

M. Bernard Accoyer.

Tu parles !

M. François Goulard.

Vous n'y croyez pas vous-même !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... et vous vous opposez d'ailleurs aux premières décisions prises dans ce cadre ! Comment peut-on appeler au renforcement du paritarisme et à la responsabilité et en même temps en critiquer les conséquences ? La difficulté de l'exercice est à la mesure de vos contradictions...

S'agissant de l'hôpital, vous ne pouvez nier le rôle extrêmement positif des ARH. C'était probablement, je l'ai dit en plusieurs occasions, le point fondamental des ordonnances de M. Juppé. Ainsi - et vous avez tort d'évoquer ce problème -, nous ne raisonnons plus en nombre de lits, mais en termes d'efficacité, de réseaux, de liens entre l'hôpital public, les cliniques privées, les cliniques à but non lucratif participant du service public.

Une évolution est en marche, qui va dans le sens d'une efficacité accrue et d'une meilleure réponse à la demande exprimée par les citoyens. Elle soulève évidemment, et c'est normal, certaines questions que j'ai moi-même évoquées, notamment dans le domaine de l'urgence.

Vous invoquez les « besoins réels ». A moins d'imaginer - j'en ai souvent discuté avec Mme la ministre - une sorte de Gosplan de la santé,...

M. Bernard Accoyer.

« Grosse planque » de la santé, oui ! (Sourires.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... il est très difficile de définir une telle notion in abstracto , compte tenu de l'évolution des besoins, des découvertes de nouvelles molécules et du développement des techniques. C'est pourquoi nous nous efforçons, avec le maximum de précautions et d'écoute, de prendre des mesures d'ajustement progressif. C'est dans cet esprit que nous avons posé le problème du « rebasage glissant » qui permettra d'ajuster les moyens aux besoins exprimés sur le terrain par les acteurs de santé. C'est la seule méthode valable, qui repose sur un dialogue permanent à tous les niveaux. Elle aura d'ailleurs permis de mettre en place des programmes dont vous ne pouvez nier l'importance, comme le plan sur le cancer, le développement de la prévention ou encore la mise en place des agences de sécurité, tant pour les aliments que pour les médicaments


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ou la santé-environnement, autant de domaines dans lesquels la France avait incontestablement pris un grand retard. Nous contribuons à le rattraper et je m'en félicite.

S'agissant de la CSG, la généralisation d'un système de financement n'est pas contradictoire avec un ajustement en fonction d'une réalité sociale. C'est précisément parce que nous l'adaptons à une réalité sociale que nous affirmons le principe de sa généralisation, comme nous l'avons du reste déjà fait, pour les chômeurs par exemple.

Prenez le tableau du rapport page 37 : vous y verrez le descriptif exact d'application de la CSG.

Je connais la théorie de l'impôt négatif. Nous y avons travaillé. C'est une approche intéressante, mais malheureusement totalement impraticable, qui nous éloigne en fait de l'objectif recherché.

Je terminerai par un point à mes yeux fondamental.

Par dix fois, peut-être même plus, vous avez qualifié notre démarche de « comptable ». Je trouve cela très inquiétant. Quand on ne compte pas, monsieur Bur, il y a toujours quelqu'un qui paie quelque part.

M. François Goulard.

Rappelez-vous Nicole Questiaux !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Justement, j'ai cela en mémoire.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Et justement, nous avons payé !

M. François Goulard.

Vous étiez pourtant dans le même gouvernement !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ajoutons qu'en général, ceux qui paient, ce ne sont pas ceux qui en ont le plus les moyens.

N'oubliez pas non plus, monsieur Bur, et c'est fondamental, que les professionnels de santé - monde éclaté, contradictoire, à la recherche de son expression... (Exlamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. François Goulard.

Ça va leur faire plaisir !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... sont également ordonnateur de dépenses publiques. Ils se préoccupent de ce qui est notre bien premier, c'est-à-dire de la condition humaine en luttant contre la maladie, la souffrance et le sort qui, nous attend hélas ! tous ; c'est ce qui fait la noblesse et la grandeur de ce métier. Mais, en même temps, ils ordonnent une dépense collectivement assumée.

Remettre en cause le principe de la dépense collectivement assumée, c'est remettre en cause le principe de l'ordonnateur de la dépense publique et par voie de conséquence l'ensemble du système. Si c'est cela que vous voulez, monsieur Bur, ayez le courage de le dire. Si au contraire vous voulez préserver ce système dans toute sa singularité et sa difficulté, il faut en assumer, comme nous le faisons, ses contradictions. Au lieu de les opposer, il faut prendre en compte les deux dimensions, celui qui ordonne une dépense et celui qui décide du soin à apporter, car elles sont liées dans la même personne. C'est cela, monsieur Bur, que nous devons faire comprendre aux professionnels de santé. Ce n'est certes pas facile. Mais s'ils n'assument pas cet double responsabilité, nous ne pourrons pas progresser. Cessez donc de nous jeter le mot

« compter » comme une injure.

M. Yves Bur.

Il vous gêne ?

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Non, il ne me gêne pas, je l'assume. Grâce aux moyens mis à la disposition de l'ensemble du système de santé, grâce à l'ONDAM, nous pouvons améliorer la qualité des soins tout en nous montrant plus attentifs à la dépense collectivie. Voilà la réalité, monsieur Bur ! Est-ce parce qu'elle est douloureuse que vous n'avez pas le courage de l'assumer ? (Exclamations sur les banc du groupe de l'Union pour la démocratie française, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) L'étonnante conception que vous venez de développer à la tribune m'amène au bout du compte à m'interroger : comment se fait-il que, parmi les pays développés, la France soit la seule à enregistrer une progression raisonnée de ses dépenses de santé parfaitement comparable à celle de son PIB en valeur...

M. François Goulard.

Le PIB aurait augmenté de 4,9 % ? Première nouvelle !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... c'està-dire de sa création de richesses ? Par ailleurs, l'observatoire mondial de la santé a procédé à une classification des politiques de santé : c'est notre pays qui obtient les meilleurs résultats au regard des moyens engagés.

M. Bernard Accoyer.

C'est faux !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

On peut toujours remettre en cause cette analyse.

M. Bernard Accoyer.

Le PIB n'est pas de 4,9 % !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

On se félicite de bien des choses : eh bien, pour une fois, félicitons-nous collectivement des résultats de notre politique de santé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Bur.

Tout va très bien, madame la marquise !

M. le président.

La parole est à Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ne reviendrai pas sur les arguments excellemment développés par M. Le Garrec, mais je reprendrai quelques points en réponse à l'intervention de M. Bur.

D'abord, je tiens à souligner que l'équilibre des comptes n'est pas si modeste que vous l'avez prétendu, monsieur Bur, puisqu'il y aura 19 milliards de francs d'excédent l'an prochain, il ne faut pas oublier par ailleurs qu'une bonne partie de cette somme sera affectée au fonds de réserve des retraites.

M. Jean-Michel Dubernard.

On est bien partis !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous critiquez la mise en place de tels fonds. C'est votre droit, de critiquer. Seulement, je vous rappelle, premièrement, que nous cherchons à clarifier les comptes, à les rendre moins compliqués, plus transparents, et deuxièmement - et cela ne devrait pas vous laisser indifférent - que c'est le gouvernement Balladur qui a créé le fonds de solidarité vieillesse pour y affecter la CSG.

M. Bernard Accoyer.

Parlons-en, du FSV ! Vous le siphonnez, vous en détournez les recettes ! Vous le dépecez !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Les membres de l'opposition ont perdu la mémoire !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

En effet, il ne faut pas avoir, à ce point, la mémoire courte.

Par ailleurs, nous ferions, selon vous, un usage immodéré des excédents sociaux. Mais, monsieur Bur, justement, nous préparons l'avenir ! (Rires et exclamations sur


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les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Pour combler le déficit de la branche maladie ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et le fonds de réserve est doté de plus de 50 milliards de francs pour atteindre 1 000 milliards en 2020. Je dis bien en 2020 et non pas en 2005, comme le prétendait M. Dord tout à l'heure.

M. Bernard Accoyer.

Nous avons dit 2020 !

M. Yves Bur.

Alors qu'il s'agissait au départ d'un petit fonds de lissage de deux ou trois ans maximum, vingt ans n'y suffiront pas !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je précise que nous ne laissons pas filer la dépense publique puisque les dépenses de santé resteront contenues à l'intérieur de l'évolution du produit intérieur brut.

Je vous poserai à ce sujet une question, monsieur Bur, pour souligner une légère contradiction, comme je l'ai fait tout à l'heure en réponse à M. Dord. Voudriez-vous durcir encore le système ?

M. Bernard Accoyer.

« Durcir » le système ! (Sourires.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Seriezvous - à se le demander parfois en vous écoutant - un adepte rentré du rationnement des soins ?

M. Bernard Accoyer.

Oh là là !

M. Yves Bur.

Voilà une allégation que je ne peux pas accepter. D'ailleurs, M. le président de la commission disait le contraire.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Il y a peu de cela !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il y a peu de cela, en effet !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

M. Bur sent le fagot !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Dans votre intervention, monsieur Bur, on cherchait, en effet, où était la cohérence.

Mme Odette Grzegrzulka.

Il est entre deux chaises !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Quant aux retraites, je crois vraiment qu'il y a deux méthodes : d'une part, la méthode Juppé - et l'on voit où elle nous a conduits - et, d'autre part, une autre méthode, que nous essayons de mettre en place avec persévérance et patience...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Oh que oui !

M. Yves Bur.

Homéopathiquement !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... qui consiste à mettre de l'argent de côté et à développer la croissance. La politique économique que nous menons donne des résultats. Elle tourne évidemment le dos à la politique économique et aux choix faits par M. Balladur, comme l'a excellemment expliqué Jérôme Cahuzac.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Excellemment !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous avons une croissance forte et durable parce que, non seulement nous avons fait le bon choix par rapport à la conjoncture, mais aussi parce que nous menons des concertations avec les professions.

M. Yves Bur.

La reprise est européenne, madame.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Croyez bien que j'ai l'intention de poursuivre et d'intensifier ces concertations pour préparer les évolutions nécessaires.

M. Yves Bur.

Voilà une bonne nouvelle pour les professions !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

En ce qui concerne la famille, permettez-moi de vous dire, monsieur Bur, que j'ai trouvé votre sollicitude très touchante. Quand nous sommes arrivés aux responsabilités, il faut reconnaître que de grandes lois sur la famille étaient annoncées.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Non financées !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le problème, c'est qu'il n'y avait aucun financement.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Comme d'habitude !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Comme d'habitude, en effet.

M. Bernard Accoyer.

Comment expliquez-vous qu'il y ait huit milliards d'excédent cette année sur la branche famille ? alors que vous avez diminué la prestation. C'est la preuve qu'elle était parfaitement financée !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je puis témoigner qu'à la chancellerie également des annonces mirobolantes avaient été faites pour lesquelles il n'y avait pas le premier emploi ni le premier franc de prévu.

Nous, nous avons créé cette année le plus grand nombre de postes de magistrat de toute la Ve République.

M. Yves Bur.

Ils ne sont pas contents pour autant !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous pouvons donc vous répondre sur ce sujet comme nous pouvons vous répondre en ce qui concerne la branche famille.

M. Bernard Accoyer.

C'est comme pour les gendarmeries, les magistrats ne sont pas contents de vos mesures !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La branche famille accusait un déficit de près de 15 milliards de francs lorsque nous sommes arrivés au gouvernement en 1997. Nous avons rétabli l'équilibre et elle est maintenant en excédent durable.

M. Marcel Rogemont.

Tout à fait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Grâce aux décisions que nous avons prises lors de la conférence de la famille, nous répondons aux préoccupations les plus urgentes. Il reste beaucoup à faire, j'en conviens bien entendu, mais nous prenons des mesures conséquentes.

Quant à l'assurance maladie, vous avez raison de dire que nous avons bien fait d'écarter la baisse des majorations de nuit et de dimanche qui avait été décidée pour les infirmières cet été. Là encore, croyez-le bien, le satisfecit que vous avez donné au Gouvernement me va droit au coeur. Soyez assuré que j'en ferai part à Martine Aubry à qui revient le mérite de cette décision. Je suis sûre, d'ailleurs, qu'elle appréciera à sa juste valeur ce compliment venant de votre part.

M. Yves Bur.

Les personnes âgées de Lille lui en seront reconnaissantes.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cela dit, il faut que nous développions la concertation avec les professions. Je pense en particulier aux infirmières et aux


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kinésithérapeutes qui nous font part, aujourd'hui, de leurs préoccupations. Il faut en effet continuer à travailler à la définition de codes de bonne pratique, afin d'identifier les bons praticiens qui pratiquent des actes de qualité,...

M. Yves Bur.

La grande majorité, madame !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et les autres, heureusement peu nombreux, qui font, comme on dit, de « l'abattage ».

M. Bernard Accoyer.

Oh ! là ! là ! C'est scandaleux de dire cela !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il faut que nous poursuivions dans la voie où nous sommes engagés, mais évidemment dans l'écoute et la concertation.

Vous avez longuement évoqué les soins dentaires. Tout le monde sait ici que vous êtes un spécialiste et que vous avez une expérience personnelle en la matière.

M. Yves Bur.

C'est important !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et c'est important, tout à fait ! Je vous rappelle que les dentistes ont à peu près respecté les objectifs de dépense et que, par conséquent, nous allons très prochainement inscrire à la nomenclature,...

M. Yves Bur.

Deux ans !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... c'est-à-dire admettre au remboursement le scellement des sillons pour éviter les caries des enfants et l'inlay core qui est une forme de prothèse. Vous me pardonnerez d'employer cet anglicisme. Les spécialistes qui se trouvent ici comprendront.

M. Yves Bur.

Merci pour les patients !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ces décisions sont très attendues des patients et des praticiens.

Elles montrent bien que, lorsque les objectifs fixés en commun par discussion et par contrat sont respectés, le Gouvernement sait en tirer les conséquences pour améliorer le système de couverture et renforcer la qualité des soins.

Tels sont les objectifs que nous nous sommes fixés.

Nous entendons les poursuivre, je le répète encore une fois, monsieur Bur, dans la concertation et en liaison avec les professionnels concernés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Bur.

Nous nous en réjouissons, madame !

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Foucher, pour le groupe UDF.

M. Jean-Pierre Foucher.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, Yves Bur a été très clair !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Ce n'est donc pas la peine d'en dire plus !

M. Jean-Pierre Foucher.

Il a expliqué que l'équilibre actuel était fragile et très dépendant de la croissance et qu'il n'y avait pas, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, de mesures sérieuses pour préparer l'avenir.

M. François Goulard.

Ça, c'est vrai !

M. Jean-Pierre Foucher.

Il a précisé aussi que ce projet de loi était un prolongement du projet de loi de finances et qu'on installait entre les deux un certain nombre de vases communiquants, de tuyauteries - c'est actuellement très à la mode - de telle sorte qu'on ne savait plus tellement qui paie quoi et pour qui.

On constate aussi que ce que les ordonnances Juppé avaient voulu donner au Parlement, à savoir la possibilité de définir le montant des dépenses de santé, va progressivement nous échapper puisque Mme la ministre vient de nous expliquer que la CNAM allait pouvoir gérer ellemême un certain nombre de fonds.

Cette loi se caractérise par une grande opacité.

M. Bernard Accoyer.

On peut le dire !

M. Jean-Pierre Foucher.

La CSG va perdre son G comme le RMI a perdu son I. Le généralisé n'est plus général ! Même si on peut le comprendre, il y avait d'autres mesures que l'on pouvait prendre pour garder une certaine équité.

M. Yves Bur.

Tout à fait, il y avait un choix à faire !

M. Jean-Pierre Foucher.

Le choix qui a été fait n'est pas raisonnable et je dirai même qu'il est irresponsable.

Les mesures sont simplement comptables. Elles ont été décidées sans dialogue, sans concertation. Elles sont sans perspective. Pour les retraites, il n'y a pas de vraie réforme. Les partenaires sociaux sont consternés par l'absence de dialogue. Pour les familles, c'est une politique à courte vue. Il n'y a pas de mesures courageuses.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Eh bien dites donc !

M. Jean-Pierre Foucher.

Pour la branche maladie, Yves Bur l'a dit, il faut une nouvelle politique de santé.

La maîtrise des dépenses reste d'ordre comptable et repose sur l'existence de sanctions collectives. On nous a expliqué cet après-midi qu'il fallait y voir une conséquence des ordonnances dites Juppé.

M. Maxime Gremetz.

C'est confirmé.

M. Jean-Pierre Foucher.

Vous ne cessez de rappeler tout ce que vous avez fait depuis 1997, mais, alors que vous nous aviez dit vouloir modifier les ordonnances Juppé, vous ne l'avez toujours pas fait...

M. Maxime Gremetz.

C'est dommage.

M. Jean-Pierre Foucher ... et vous vous entêtez à appliquer des sanctions collectives,...

M. Yves Bur.

Qui dénaturent les ordonnances Juppé en plus !

M. Jean-Pierre Foucher.

... alors que d'autres solutions auraient pu être trouvées. Je suis persuadé qu'à votre place, nous aurions, avec le recul, proposé des modifications.

M. Bernard Accoyer.

C'est sûr !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Vous auriez dû le faire avant de dissoudre. Les choses auraient été mieux pour vous !

M. Jean-Pierre Foucher.

Pourquoi vous acharnez-vous à sanctionner des professions dont les actes sont prescrits : elles ne sont pas responsables des actes qu'elles exécutent puisqu'elles ont reçu - Yves Bur l'a rappelé - une autorisation du fait d'une entente préalable avec les caisses d'assurance maladie ?

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Jean-Pierre Foucher.

J'avoue qu'il est très surprenant que l'on puisse ainsi les sanctionner.


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M. Bernard Accoyer.

Ce sont les services de contrôle qu'il faudrait sanctionner !

M. Jean-Pierre Foucher.

Absolument, il faudrait sanctionner les médecins de contrôle des caisses.

Mme la ministre a parlé d'abattage, mais lorsqu'on diminue, en plein mois d'août, l'AMK des kinésithérapeutes de 40 centimes, ne les encourage-t-on pas à faire un nombre d'actes plus important pour essayer de garder un niveau de vie correct ?

M. François Goulard.

Très juste.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Ça, ce n'est peut-être pas faux.

M. Jean-Pierre Foucher.

Je rappelle à M. le président de la commission des affaires sociales, qui a voulu nous donner des leçons, qu'il y a lieu de revaloriser les actes.

M. Bernard Accoyer.

Voilà !

M. Jean-Pierre Foucher.

Penchons-nous sur les raisons pour lesquelles les médecins font un nombre important de prescriptions. Cela s'explique par le fait qu'ils doivent faire un minimum d'actes pour avoir des conditions de vie décentes.

M. Patrick Lemasle.

Je croyais que c'était pour soigner les gens !

M. Jean-Pierre Foucher.

Ils sont donc amenés à faire des ates relativement rapides, qui nécessitent, pour avoir un diagnostic plus sûr, des examens complémentaires, de biologie, de radiologie ou autres et qui s'accompagnent d'un traitement assez large puisque 98 % des médecins prescrivent des médicaments à la suite de leur consultation.

M. Jean-Michel Dubernard.

C'est vrai.

M. Jean-Pierre Foucher.

Si la consultation était revalorisée, il s'ensuivrait à coup sûr un temps plus long consacré au malade, un diagnostic plus sûr, et un traitement plus fin et plus approprié.

M. Patrick Lemasle.

Ce n'est pas vrai !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

La consultation a été revalorisée pour les personnes âgées, et je ne suis pas sûre que le médecin passe plus de temps avec elles...

M. Yves Bur.

Le président de la commission a l'air sceptique par rapport à l'analyse de notre collègue Foucher ! M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est assez joli, mais...

M. Jean-Pierre Foucher.

C'est un point qu'il faudrait mettre à l'étude, monsieur le président de la commission.

Par ailleurs, d'un côté, on annonce que l'on va lutter contre le cancer, et, de l'autre, on sanctionne l'industrie pharmaceutique qui apporte sur le marché de nouvelles molécules. Celles-ci ont augmenté de 30 % dans le cadre de la lutte contre le cancer en 2000.

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai.

M. Jean-Pierre Foucher.

Avec une telle clause de sauvegarde qui va se déclencher, au premier franc, à une hauteur de 70 % de la différence du chiffre d'affaires entre l'année passée et l'année présente, est-ce qu'on encourage l'industrie pharmaceutique ? Certainement pas ! Quant au plan contre le cancer dont on nous parle, il ne me semble pas très sérieux, car ces molécules chères vont déséquilibrer l'ONDAM.

M. François Goulard.

Très juste !

M. Jean-Pierre Foucher.

Il faut développer la responsabilité de chacun et régionaliser la gestion de la maladie. Il faut un vrai projet, un vrai débat.

Ce n'est pas une question préalable que M. Yves Bur a posée, mais une série de questions que de nombreux Français se posent. Or les réponses ne se trouvent pas dans le projet de loi qui nous est soumis. C'est la raison pour laquelle le groupe UDF votera la question préalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Jacqueline MathieuObadia, pour le groupe RPR.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Monsieur le rapporteur, vous nous avez dit que nous mélangions les problèmes. Je me demande donc, d'une part, si nous les mélangeons et, d'autre part, si tel est le cas, pourquoi nous les mélangeons et pourquoi, en partant des mêmes mots, nous aboutissons à des résultats tout à fait différents.

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est bien là la question !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

C'est bien la question. Vous avez tout à fait raison.

Vous nous avez reproché de dire que la CNAM n'avait pas de pouvoir alors que le contraire nous était reproché quelques instants plus tôt par la voix d'un des membres de votre majorité. Il faudrait savoir. La CNAM, par décision de Mme Aubry, a bien reçu une délégation, n'est-ce pas ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

Un vote du Parlement l'a décidé !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

A partir du moment où Mme Aubry a donné délégation à la CNAM...

M. Alfred Recours, rapporteur.

Ce n'est pas Mme Aubry, c'est le Parlement !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

... nous sommes en droit, comme Yves Bur l'a dit, de demander à la CNAM d'agir et, comme elle n'a pas pu le faire puisque c'est Mme Aubry qui, finalement, a agi en ses lieu et place, on peut estimer que la délégation n'a pas été correctement exécutée.

Mme Odette Grzegrzulka.

N'importe quoi !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est faux !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

J'ai l'impression que mon raisonnement se tient !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

A cela près qu'il est faux !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Non. C'est exactement ce qui s'est passé en juillet dernier...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais non !

M. Bernard Accoyer.

Pourtant, elle a raison.

M. le président.

S'il vous plaît, laissez parler

Mme Mathieu-Obadia.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Au moins mon intervention réveille-t-elle un peu nos collègues !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 OCTOBRE 2000

Je vais prendre maintenant l'exemple de l'ONDAM.

Vous nous reprochez de nous élever contre le fait qu'il y ait un dépassement de prévu. Mais si vous êtes vraiment, comme vous le prétendez, de bons gestionnaires, respectez l'enveloppe qui a été fixée pour l'ONDAM !

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est la CNAM qui gère !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Je parle de l'ONDAM maintenant, madame.

Puisque vous dites être de bons gestionnaires, vous devriez, un an après la fixation du montant de l'enveloppe, rester dans le cadre de cette enveloppe.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Ce n'est pas un budget !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Cela étant, elle a été dépassée mais, nous, nous en sommes contents. Ne nous faites pas dire le contraire !

Mme Odette Grzegrzulka.

Cela s'appelle un sophisme !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Que vous l'appeliez

« rebasage glissant » ou « rebasage » tout court, nous sommes tout à fait contents que vous ayez calculé le pourcentage d'augmentation sur cet ONDAM rebasé, mais ne nous faites pas dire le contraire de ce que nous disons.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je ne sais pas ce que vous dites ! Je ne peux donc pas vous faire dire le contraire !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Ne dites pas non plus que le Président de la République s'est élevé contre le dépassement de l'enveloppe de l'ONDAM. Il a simplement remarqué que les bons gestionnaires que vous vous vantez d'être n'ont même pas respecté le terme de la gestion dont vous vous prévalez.

Pour la CSG, c'est la même chose. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut aider les revenus les plus modestes. Nous les aidons, et vous les aidez d'une certaine façon. Cela étant, en retirant le G de CSG, en même temps que le mot « généralisée », vous retirez aux personnes à revenus très modestes la possibilité de participer à un effort.

M. Marcel Rogemont.

Ce sont elles qui payent le plus d'impôts par rapport à leurs revenus !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Cela revient à les exclure doublement. Il y avait peut-être d'autres moyens de les aider que de les empêcher de participer à l'effort social de la nation.

Enfin, je terminerai... (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) sur les ordonnateurs de dépenses que sont les médecins. Vous reprochez à ceux-ci d'être des ordonnateurs de dépenses irresponsables.

M. Alfred Recours, rapporteur.

On ne le leur reproche pas ! Elle n'a rien compris !

M. Marcel Rogemont.

On ne reproche pas, on constate !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Mais comment voulez-vous que quelqu'un soit responsable d'une construction à laquelle il n'a pas participé ? Si vous faites participer les médecins et tous les professionnels de santé à l'élaboration du dispositif que vous envisagez, ils auront peut-être à coeur de mener à bien ce montage.

M. Alfred Recours, rapporteur.

C'est une bonne conclusion !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Vous vous prévalez du mot concertation, mais ne le traduisez pas en actes.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur.

On va aller chez les louveteaux !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Actuellement, il n'y a pas de concertation avec les professionnels de santé.

S'il il y en avait une vraiment, si vraiment vous vous entendiez avec eux, ils ne seraient pas tous dans la rue le 26 octobre, pour un jour déclaré « santé morte » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur.

Elle ferait une bonne cheftaine ! (Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe Nauche, pour le groupe socialiste.

M. Philippe Nauche.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne reprendrai pas les arguments convaincants développés brillamment par M. le président Le Garrec et par Mme la ministre. Mais notre collègue Bur, il faut bien le dire, s'est livré à une description caricaturale et bien souvent contradictoire du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Il a dénoncé à la fois de pseudo-dérives de dépenses de santé - alors que ces dépenses semblent compatibles avec l'augmentation de la richesse nationale, et c'est bien normal que la santé de nos concitoyens en bénéficie -, et une insuffisance des moyens alloués aux professionnels.

C'est bien de cela qu'il est question en définitive. Notre collègue Foucher nous a expliqué tout à l'heure que, si les professionnels travaillaient mal, c'était parce que leurs actes n'étaient pas suffisamment rémunérés. Je ne crois pas, quant à moi, comme semble le penser M. Foucher, que la très grande majorité des médecins aient la volonté de travailler mal.

M. Yves Bur.

Je n'ai jamais dit ça et M. Foucher non plus !

M. Philippe Nauche.

En fait, vous êtes gêné par un ONDAM qui répond aux besoins constatés et par les réformes structurelles engagées depuis trois ans par le Gouvernement.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très juste !

M. Philippe Nauche.

Vous ne voulez pas de discussions financières ici, mais dois-je vous rappeler que nous sommes en train d'examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale ? En fait, les bons résultats obtenus par le Gouvernement et l'ONDAM qui est proposé aujourd'hui grâce aux marges de manoeuvre qui sont apparues, vous gênent. De même, le retour à l'équilibre vous gêne, car il contredit toutes vos prévisions, toutes vos prédictions, battues en brèche depuis un certain nombre d'années.

De surcroît, toute votre intervention montre à l'évidence que votre question préalable n'est pas fondée. Alors que l'adoption de la question préalable signifierait qu'il n'y a pas lieu de débattre, vos affirmations, que je ne partage pas, et certaines de vos interrogations, que je peux partager, prouvent tout simplement le contraire. C'est le cas lorsque vous parlez des retraites, vous félicitant qu'elles augmentent de 2,2 % et de 2,7 %, mais vouant au gémonies tout le reste alors que le Gouvernement propose une vraie perspective pour notre système de retraite


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 OCTOBRE 2000

par répartition. C'est aussi le cas lorsque vous remettez en cause, de façon certes discrète mais tout de même réelle, le système d'assurance maladie en en suggérant une privatisation partielle. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie Française-Alliance.)

C'est encore le cas lorsque vous parlez de régionalisation, des relations entre l'Etat, la CNAM et les professionnels, ou quand vous évoquez des priorités en matière de santé publique et les applications pratiques qui peuvent en être faites, autant de préoccupations que nous pouvons partager.

C'est bien de cela que nous devons débattre lors de l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il y donc lieu de rejeter la question préalable, et c'est ce que ne manquera pas de faire le groupe socialiste.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe communiste.

M. Maxime Gremetz.

Mes remarques sur la question préalable défendue par M. Bur seront relativement brèves.

Vous nous dites : « Il ne s'agit toujours que de gestion comptable, que de l'enveloppe. » C'est vrai, je suis obligé

de le constater ! Mais pourquoi avez-vous inventé une telle machine infernale ? Car c'est vous qui l'avez inventée !

M. Yves Bur.

Mais c'est vous qui jouez avec !

M. Maxime Gremetz.

Voilà la réalité historique, on n'y peut rien. Cela étant, on peut démonter cette machine infernale un peu plus vite, je suis d'accord avec vous.

M. Yves Bur.

Et vous vous y entendez pour ajouter de l'huile !

M. Bernard Accoyer.

Gremetz a même mis le turbo !

M. Maxime Gremetz.

Sur ce projet, nous ferons des propositions. Nous considérons en effet qu'il faut progresser en partant davantage des besoins réels de santé car ceux-ci se modifient chaque jour en fonction des progrès de la médecine, de l'allongement de la durée de vie mais aussi des conditions de travail.

A cet égard, je m'étonne que l'on ne parle jamais des conditions de travail. Heureusement que se publient de temps en temps des rapports sur ce thème. Selon un journal du soir, des experts tirent le signal d'alarme sur la dégradation des conditions de travail en Europe ete xpliquent que, contrairement à ce que beaucoup pensent, celles-ci sont plus difficiles qu'hier : c'est le cas sur le plan physique pour un certain nombre de professions, notamment pour les OS ; c'est le cas aussi sur le plan psychologique avec les maladies liées au stress et qui touchent plus particulièrement les cadres. Nous avons tendance à penser qu'avec la modernisation, les conditions de travail sont parfaites, que la peine est allégée.

Mais non, chers collègues, c'est bien plus compliqué que cela ! Tout cela pour dire que les besoins en santé s'accroissent et se diversifient et que nous ne pouvons pas rester en retard.

Tout le monde se souvient, je le dis avec gravité, de la façon dont on nous a menti pendant des années - disons plutôt qu'on ne nous a pas dit la vérité, c'est plus élégant - à propos de l'amiante. Or, aujourd'hui, des dizaines de milliers de salariés meurent de cancers provoqués par l'amiante.

M. Charles de Courson.

On le savait !

M. Maxime Gremetz.

Et ce soir, je le dis gravement, si on ne fait pas attention, on risque de recommencer la même chose avec les éthers de glycol. De cela, il faut parler davantage. Ça suffit que le fric prenne le pas sur tout, y compris sur la santé ! A l'avenir, nous serons contraints, qu'on le veuille ou non, de modifier les fondements de notre système de financement de la protection sociale.

En effet, actuellement, si l'on veut disposer de plus de moyens pour la santé, pour les hôpitaux, qui sont au bord de l'explosion - nous avions appelé l'attention sur ce point l'année dernière, mais on ne nous avait pas écoutés - et pour tous les personnels de santé, notamment dans les hôpitaux,...

M. François Goulard.

C'est vrai !

M. Maxime Gremetz.

... il faut - et ce sera inscrit au Journal officiel - fumer beaucoup,...

M. Yves Bur.

Boire beaucoup !

M. Maxime Gremetz.

... boire beaucoup,...

M. Yves Bur.

Polluer beaucoup !

M. Maxime Gremetz.

... et polluer beaucoup. Telle est la façon d'avoir beaucoup d'argent pour pourvoir aux remboursements et pour pouvoir dispenser les soins.

Voilà sur quoi est basé notre mode de financement de la sécurité sociale ! Croyez-vous sérieusement que l'on puisse continuer longtemps comme cela ? Peut-on imaginer le développement d'un système de santé publique fondé sur des recettes de ce genre ? Eh bien, non !

M. Yves Bur.

Non, c'est scandaleux !

M. Maxime Gremetz.

Ce qu'il faut,...

M. Charles de Courson.

C'est taxer les profits ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz.

... et c'est ce que l'opposition ne veut pas et n'a jamais voulu, je l'ai écrit sur des petites fiches que je vais sortir de ma poche. (Rires.)

M. Bernard Accoyer.

Des antisèches !

M. Maxime Gremetz.

J'ai noté sur ces fiches des observations de la Cour des comptes qui, en la circonstance, sont fort utiles.

M. le président.

Monsieur Gremetz, avant que vous ne lisiez vos fiches, je vous signale que vous avez épuisé votre temps de parole pour une explication de vote. Je vous invite à conclure.

M. Maxime Gremetz.

Alors que les profits sont historiques,...

M. Bernard Accoyer.

Grâce aux revenus provenant de la vente du muguet ! (Rires.)

M. Maxime Gremetz.

... que les revenus financiers sont historiques, que les spéculations financières sont historiques et que la Bourse atteint des sommets eux aussi historiques, on a toujours la même assiette des cotisations ! Il n'est absolument pas tenu compte du fait que l'économie se financiarise de plus en plus.

Ou on fait payer les Françaises et les Français pour leur santé, ou on décide résolument de s'attaquer enfin à la spéculation financière et de taxer les revenus financiers,...

M. Yves Bur.

Que fait le Gouvernement ?

M. Maxime Gremetz.

... et là on aura des moyens pour soigner et pour développer le pays.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 OCTOBRE 2000

M. Jean-Louis Debré.

C'est vous qui soutenez le Gouvernement !

M. Maxime Gremetz.

Car la santé, contrairement à ce que vous pensez, ce n'est pas une dépense, c'est un investissement. En effet, pour bien travailler, pour bien produire, pour se développer, il faut des gens bien soignés, qualifiés et bien formés.

Voilà pourquoi nous disons qu'il s'agit d'un grand débat de société et qu'il ne faut pas l'esquiver. Evidemment, dans ces conditions, nous ne pouvons que repousser la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

M me Jacqueline Fraysse.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans quel contexte abordons-nous ce projet et quel regard portons-nous sur ce dernier ? D'abord, le contexte est marqué par les progrès qui ont été accomplis depuis trois ans dans le domaine social. Je ne les citerai pas tous, mais je pense à la loi de lutte contre les exclusions, à l'instauration de la couverture maladie universelle, à la réduction du temps de travail, aux mesures en faveur de l'emploi des jeunes, autant de textes qui marquent des avancées indéniables, même si souvent, il est vrai, nous aurions souhaité aller plus loin.

De plus, le contexte est marqué, personne ne peut le nier, par une certaine reprise économique et par une baisse du chômage.

Mais le contexte, c'est aussi le récent rapport de l'INSERM sur les inégalités sociales en matière de santé. Elles sont plus fortes en France que dans les autres pays européens et elles ne se résorbent pas, voire elles s'accentuent.

Ces données, rigoureusement étudiées, ne peuvent que nous interpeller, car elles soulignent les limites de ce qui a été fait jusqu'à présent dans ce domaine, le décalage entre les réformes proposées et celles qu'il faudrait conduire pour bouger la réalité concrète vécue par les gens.

Alors qu'il n'y a toujours pas de politique ambitieuse en matière de prévention, trop de soins sont mal remboursés, ce qui conduit les plus modestes à y renoncer. Et la couverture maladie universelle n'a évidemment pas tout réglé, loin s'en faut, puisque les titulaires de l'allocation adulte handicapé et du minimum vieillesse, par exemple, ne peuvent en bénéficier.

Le texte qui nous est proposé reste dans cette logique peu ambitieuse, où certes des mesures positives nous sont proposées, mais tout en étant très limitées.

En ce qui concerne la branche famille, nous approuvons l'allocation parentale d'assistance ou les mesures favorisant le retour à l'emploi. Mais les allocations familiales ignorent toujours le premier enfant et, malgré l'amélioration de la conjoncture économique, elles ne seront pas revalorisées. Mme Jacquaint y reviendra.

Quant aux pensions de retraite, elles bénéficieront d'un

« coup de pouce », mais qui sera loin de compenser la perte de pouvoir d'achat accumulé, depuis des années. Le texte ne prévoit toujours pas, malgré l'engagement de M. Jospin, de les indexer sur les salaires, M. Gremetz y reviendra sans doute.

En ce qui concerne la branche accidents du travail maladies professionnelles, nous apprécions les progrès accomplis dans la reconnaissance et la réparation des pathologies liées à l'exposition à l'amiante. Toutefois, nous sommes inquiets d'un risque de déresponsabilisation des employeurs face à la santé au travail. L'expérience douloureuse de l'amiante doit conduire à prendre des mesures de prévention face à d'autres risques, à d'autres produits qu'il faut gérer beaucoup plus en amont. De surcroît, la non-reconnaissance de ces maladies professionnelles conduit à des transferts de dépenses sur l'assurance maladie, qui méritent d'être évalués.

Enfin, il y a urgence à former des médecins du travail, dont les responsabilités justifient une vraie spécialité. On commence à en manquer.

En ce qui concerne l'ONDAM, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, il est indiscutablement revalorisé, puisqu'il progresse de 3,5 % par rapport aux dépenses réalisées, contre 2,5 % l'an passé. Pourtant, tout le monde considère qu'il reste très insuffisant au regard des besoins. Force est de constater qu'il n'est pas un secteur dont les professionnels soient satisfaits, et ce, bien sûr, en raison du grave retard accumulé.

Les suppressions de lits, les fermetures d'établissement, le manque de personnel sont la réalité hospitalière de chaque jour.

Le manque de médecins se fait sentir de manière critique dans certaines spécialités ; or il faut dix ans pour les former. Il y a donc urgence à prendre des mesures.

On manque également d'infirmières. Comment feronsnous pour répondre aux besoins, pour mettre en place les 35 heures si nous ne les formons pas dès maintenant ?

M. Jean-Michel Dubernard.

Tout à fait !

Mme Jacqueline Fraysse.

C'est aujourd'hui qu'il faut commencer à prendre des dispositions. Sinon, ce sera un prétexte pour fermer telle maternité ou tel service, parce que l'on ne parvient pas à recruter un chirurgien ou un anesthésiste, ou bien encore parce que la sécurité n'est pas assurée. Ce qui est vraiment prendre le problème à l'envers ! La réponse sérieuse et responsable serait de former et de moderniser, plutôt que d'annoncer, comme l'a fait Mme Aubry, la suppression de 220 services d'urgence et de 52 maternités.

M. Maxime Gremetz.

C'est vrai !

Mme Jacqueline Fraysse.

L'enveloppe proposée, malgré sa progression, ne permettra pas d'avancer. D'ailleurs, vous le savez, les enveloppes sont toujours dépassées, car insuffisantes pour faire face aux dépenses incontournables.

Et, de ce point de vue, il ne nous paraît pas raisonnable de fixer des objectifs que l'on sait ne pas pouvoir tenir.

Il serait plus judicieux d'écouter et d'entendre les professionnels, qui savent tout de même de quoi ils parlent et ne se situent pas a priori dans le cadre d'une critique systématique d'un gouvernement qu'ils sont nombreux à soutenir.

La lettre des cancérologues et des gestionnaires d'établissements de santé, que nous avons tous reçue, nous alerte sur l'insuffisance des budgets pour faire face aux p rix très élevés des traitements anticancéreux. Ces membres des professions de santé demandent un budget spécifique pour ces médicaments.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 OCTOBRE 2000

M. Bernard Accoyer et Mme Jacqueline MathieuObadia.

Tout à fait !

Mme Jacqueline Fraysse.

La fédération hospitalière de France estime que l'évolution proposée permettra uniquement de maintenir l'existant sans prendre en compte les missions nouvelles.

M. Bernard Accoyer.

Elle a raison !

Mme Jacqueline Fraysse.

Elle demande en outre une enveloppe spécifique pour rattraper les disparités entre régions.

Les médecins, les infirmières multiplient les heures et ne peuvent plus faire face à leurs tâches au service des patients.

Quant aux médecins et professionnels de santé du secteur libéral - infirmières, kinésithérapeutes, laboratoires -, ils n'acceptent pas d'être soumis aux quotas, d'être passibles de sanctions et d'être accusés de trop dépenser pour soigner, alors même que l'accès aux soins reste insuffisant pour nombre de Français.

Il faut écouter tous les membres des professions de santé. Ils ne l'ont pas été l'an dernier, malgré leurs avertissements et les nôtres, quand ils évoquaient la nécessité de dégager davantage de moyens. Quelques semaines seulement après le vote du budget de la sécurité sociale, les médecins et personnels hospitaliers ont conduit un mouvement massif et déterminé dont il vous a bien fallu tenir compte en signant le protocole du 14 mars. Mais que de temps perdu ! Et surtout que de gâchis ! La rencontre que nous avons organisée le 19 octobre dernier, avec l'ensemble des professionnels des secteurs public et privé, confirme une forte insatisfaction à l'égard du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Ces professionnels ont montré, à partir d'exemples concrets et chiffrés, que ce budget ne permettait pas de travailler au service de tous, avec la qualité et la sécurité qui sont exigées aujourd'hui.

Il faut écouter, entendre et prendre dès maintenant les mesures qui s'imposent, plutôt que risquer de provoquer un nouveau mouvement.

En effet, ce texte n'est pas le fruit d'un grand débat public, et c'est sans doute son défaut originel. Le débat promis au Parlement avant l'été n'a pas eu lieu.

De plus, le temps nous a été chichement compté pour un texte d'une telle importance, qui n'a, hélas, pas donné lieu à un débat en amont avec notre groupe, ce qui est contraire à la solidarité que nous nous devons, mais qui n'est pas à sens unique. Mme Aubry nous a présenté le projet de loi en commission le 4 octobre et nous n'avons disposé du texte lui-même que le 9. Quant aux rapports, ils viennent de nous parvenir. De tels délais rendent difficiles l'organisation d'un travail sérieux de consultation et d'échange destiné à apprécier au plus près la réalité sur laquelle nous agissons.

Ces remarques étant faites, je voudrais m'arrêter sur une question essentielle : celle du financement de la protection sociale.

En effet, pourquoi, malgré quelques dispositions positives indiscutables, ce projet de loi manque-t-il de souffle, d'ambition ? Non parce que la ministre, le Gouvernement ou les députés ne connaîtraient pas les besoins les plus urgents, mais parce qu'il est impossible de faire plus sans moyens supplémentaires, impossible de faire plus dans le cadre des enveloppes financières dont nous disposions.

M. Bernard Accoyer.

Si ce n'est pas comptable, ça !

Mme Jacqueline Fraysse.

Chaque année, nous reparlons du mauvais remboursement des lunettes, des prothèses dentaires et auditives, ou des appareils pour handicapés. Chaque année, nous reparlons des personnes âgées, particulièrement concernées par ces prestations et qui seront de plus en plus nombreuses. J'ai d'ailleurs été sensible à l'intervention très sentie de notre collègue Paulette Guinchard-Kunsler en commission, à propos des infirmières libérales et du maintien à domicile des personnes âgées. La réalité est bien comme elle la décrite.

Mais alors, pourquoi, nous qui faisons ensemble ce constat, ne décidons-nous pas ensemble les mesures nécessaires ? Parce que l'enveloppe proposée ne le permet pas.

Tout confirme que nous ne changerons rien de significatif tant que nous ne modifierons pas le mode de financement actuel de la sécurité sociale, dépassé et injuste, précaire et souvent incohérent.

En effet, que trouvons-nous dans ce texte sur ce point ? L'allégement progressif jusqu'à suppression de la CSG pour les salaires compris entre le SMIC et 1,3 fois le SMIC, nous n'allons pas nous en plaindre. C'est un gain de pouvoir d'achat pour les salariés concernés. Nous proposons d'ailleurs de l'étendre jusqu'à 1,8 fois le SMIC, comme cela a été fait pour l'allégement de la cotisation employeurs.

Mais si l'objectif est d'améliorer le pouvoir d'achat, pourquoi ne pas augmenter les salaires et particulièrement le SMIC, comme nous le demandons ? Lors de son instauration, nous nous sommes opposés à la CSG parce que nous considérions qu'elle conduirait à la fiscalisation de la protection sociale. Il nous a alors été répondu que non. Pourtant, cette crainte est aujourd'hui confirmée.

La sécurité sociale est financée par un nombre incalculable de taxes aussi diverses que multiples.

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

Mme Jacqueline Fraysse.

Taxe sur les tabacs, les alcools, les conventions d'assurance, la pollution, etc., toutes ces taxes sont sans lien entre elles, et souvent sans lien avec la protection sociale. Elles s'ajoutent au fur et à mesure des exonérations accordées, qui, chaque fois, nous écartent un peu plus d'un financement assis sur la richesse produite, seul moyen d'assurer des ressources durables et plus importantes.

M. Maxime Gremetz.

Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse.

Outre le fait que le taux de la cotisation sociale sur les bénéfices, votée l'an dernier et qui devait être un premier pas, ne progresse pas, il y a urgence à réformer l'assiette des cotisations employeurs, faute de quoi on ne peut qu'en rester à une maîtrise comptable des dépenses, à de petites mesures et des enveloppes étriquées qui ne permettent pas de s'adapter aux besoins.

Madame la ministre, si nous insistons avec persévérance sur ces questions de financement, c'est parce que nous considérons que les moyens existent, dans la France d'aujourd'hui, pour répondre aux besoins actuels en matière de santé, sans laisser personne de côté, dans le cadre d'une protection sociale moderne, solidaire et ambitieuse, pour notre pays comme pour l'Europe.

Mais cela implique davantage de justice dans la mise à contribution, davantage de courage pour exiger que l'argent cesse d'être un privilège pour quelques-uns et


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 OCTOBRE 2000

bénéficie à l'ensemble de la collectivité. Cela nous conduit à demander que les revenus des placements financiers des entreprises contribuent à la protection sociale au même taux que les salaires.

M. Maxime Gremetz.

Bravo !

Mme Jacqueline Fraysse.

Cette mesure de justice élémentaire permettrait à la fois de dégager des moyens nouveaux et de dissuader ces spéculations indécentes, véritables gaspillages financiers qui jouent contre l'emploi et la solidarité.

Il est également indispensable de prendre enfin en compte la valeur ajoutée et non pas seulement la masse salariale dans le calcul des cotisations employeurs.

Ces mesures, directement liées à l'entreprise et donc aux richesses créées, permettraient un financement plus important adapté à l'économie, moderne, durable et plus stable, face aux aléas de la croissance.

Depuis trois ans, cette réforme de l'assiette nous est promise. Pourquoi refusez-vous d'en débattre et d'y travailler avec nous ? En toute franchise, nous ne sommes pas satisfaits de la manière dont s'est engagée la préparation de ce débat.

D'autant que pratiquement tous nos amendements ont été refusés par la commission.

M. Bernard Accoyer.

Oh !

Mme Jacqueline Fraysse.

Ainsi sont passés à la trappe l'organisation des élections des représentants des assurés sociaux, l'accès à la CMU pour les bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé et du minimum vieillesse, la revalorisation des allocations familiales, l'indexation sur les salaires de ces allocations et des pensions de retraite et ainsi de suite.

Nous voulons croire que cette semaine sera mise à profit pour changer de braquet. C'est dans cet esprit que nous voulons travailler.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, nous entamons aujourd'hui la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2001.

Ce débat au Parlement constitue un progrès démocratique indéniable réclamé par tous pendant longtemps, réalisé par Alain Juppé et Jacques Barrot. Qu'ils en soient donc remerciés.

(« Amen ! » sur les bancs du groupe communiste.)

Nous pouvons enfin nous prononcer sur la politique sociale du pays, dont les dépenses sont supérieures au budget de l'Etat. Outre leur rôle propre dans les secteurs majeurs de notre société - santé, famille, retraite -, ces dépenses jouent un rôle dans le secteur économique, car elles sont productrices de biens et d'emplois, et elles sont financées par des prélèvements fiscaux et des cotisations.

Cette année, le débat se déroule dans un contexte un peu particulier. Entre le dépôt du projet de loi et la discussion, nous avons changé de ministre. « Elisabeth a remplacé Martine », comme dit le Premier ministre.

L'héritage est lourd. Il y a trois ans et demi, la ministre s'était assigné deux objectifs majeurs : maîtriser les dépenses de santé, nouer des relations de confiance avec les professionnels.

M. Gérard Terrier.

Et assurer l'équilibre !

M. Jean-Luc Préel.

Force est de constater un double échec : les dépenses de santé ont augmenté de 10 % en deux ans, l'ONDAM passant de 629,9 milliards en 1999 à 693,3 en 2001, ce qui fait une augmentation de 63,4 milliards, plus de 10 % en deux ans.

M. Pascal Terrasse.

C'est bien de le reconnaître !

M. Jean-Luc Préel.

Tous les professionnels sont dans la rue en raison d'un manque de concertation et de décisions brutales imposant des sanctions collectives. Aucune réforme ne se fera contre eux.

Pis, le système de santé à la française est en péril, menacé d'une étatisation quasi achevée, et ce projet de loi ne prépare pas l'avenir.

Pourtant, les Français sont très attachés à leur système de santé performant, comme l'ont montré les études de l'OMS et de l'OCDE. S'il est relativement coûteux, il est quasiment le seul qui permet encore une liberté de choix de son praticien, qui garde une certaine liberté de prescription, sans ces files d'attente que l'on rencontre dans de nombreux pays.

Certes, il est perfectible dans de nombreux domaines, mais, à notre sens, il mérite d'être conforté.

Or notre système repose sur le paritarisme et le c ontrat. Aujourd'hui, l'étatisation déresponsabilisante, archaïque, frustrant les acteurs, est quasiment achevée. Le financement repose de plus en plus sur des impôts à base large.

Le ministère responsable des hôpitaux et des médicaments a récupéré, en 2000, les cliniques. Il a certes confié la gestion de l'ambulatoire à la CNAM, mais en mettant de nombreux garde-fous, si bien qu'en réalité c'est le ministère qui négocie avec les professionnels et tranche souverainement.

Il serait nécessaire de redéfinir les rôles respectifs de l'Etat, de l'assurance maladie et du Parlement et de permettre une fongibilité des enveloppes, qui est demandée aujourd'hui par tout le monde.

Votre projet ne prépare pas l'avenir, ni pour la retraite avec le problème majeur du « papy-boom », qui n'est pas pris en compte, ni pour la dépendance, et pas davantage dans le domaine de la santé. Il n'y a rien pour remédier aux problèmes de la démographie médicale, aux inégalités régionales, à l'absence d'une politique de prévention prenant en compte la mortalité prématurée évitable.

M. Bernard Accoyer.

Il n'y a rien du tout, alors !

M. Jean-Luc Préel.

Certes, il s'agit d'une loi de financement. Mais il y a un an, madame la ministre, à la grande satisfaction du président Le Garrec, j'aurais aimé le lui rappeler, s'il avait été là,...

M. Claude Evin, rapporteur.

Cela lui sera transmis !

M. Jean-Luc Préel.

... on nous avait promis un grand DMOS, une loi de modernisation sociale, une loi de modernisation de la santé. Un an plus tard, nous n'avons rien vu. Les problèmes s'accroissent et nous approchons à grands pas du terme de la législature.

Les recettes prévisionnelles - Jacques Barrot en parlera plus longuement tout à l'heure -, sont en augmentation grâce à la croissance. Cela permet de compenser l'augmentation des dépenses.

Ce chapitre est inacceptable puisqu'il prévoit de nombreux transferts du budget de l'Etat, que toutes les exonérations décidées par l'Etat ne sont pas compensées, qu'il modifie la CSG et qu'il poursuit, à travers le FOREC, le bricolage pour tenter de financer les 35 heures.


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La CSG était simple, compréhensible, reposant sur la totalité des revenus. Elle a remplacé les cotisations maladie des salariés. Sous prétexte de justice, vous allez la rendre complexe en créant de nouvelles injustices. Vous en faites le premier étage d'un impôt sur le revenu sans prendre en compte le foyer fiscal, les enfants. Un couple dont les deux parents sont rémunérés à 1,4 SMIC sera exonéré de CSG. Un couple dont un seul parent travaille et est rémunéré à 2,8 SMIC paiera « plein pot ».

L'UDF désapprouve le bricolage de la CSG et préfère la baisse des cotisations salariales ou l'instauration d'un c rédit d'impôt. Comme l'écrit Jean-Francis Pécresse aujourd'hui, avec l'exonération sur les bas salaires, la g auche risque « d'appauvrir ceux qu'elle prétend "enrichir" ».

Le financement incertain des 35 heures ou le FOREC virtuel, institué par la loi de financement 2000, n'existe pas encore. Mais le déficit 2000 est estimé à 20 milliards, et il est nécessaire de trouver 85 milliards en 2001.

Sans revenir sur les difficultés de mise en oeuvre des 35 heures, notamment dans les PME, force est de reconnaître leur coût exponentiel et le bricolage de leur financement.

Ainsi se trouvent affectées aux 35 heures les taxes sur le tabac, les alcools, les activités polluantes. Pour l'UDF, il s'agit d'un détournement : ces taxes devraient servir au financement de la prévention et du traitement des maladies liées à l'alcool et au tabac, responsables, chacun, d'au moins 50 000 morts par an.

M. Bernard Charles.

C'est vrai !

M. Jean-Luc Préel.

Il s'agit d'une réelle priorité de santé publique.

J'en viens maintenant à l'ONDAM. Quel est, aujourd'hui, son statut ? Est-ce un objectif à respecter, est-ce un chiffre virtuel ? Comment est-il fixé ? Que se passe-t-il s'il est dépassé ? Le Gouvernement fait tout, là encore, pour brouiller une définition déjà incertaine.

Vous allez, et c'est un des articles majeurs de ce projet de loi, nous proposer un ONDAM de 693,3 milliards.

De combien augmente-t-il par rapport à l'année dernière ? Opération simple, réponse simple : 3,5 %, ditesvous. Celui de 2000 aurait augmenté de 2,5 %. Pourtant, l'ONDAM 1999 était de 629,9 milliards, celui proposé en 2001, de 693,3 milliards, soit plus 63,4 milliards, ce qui fait plus de 10 %. Comment 2,5 % plus 3,5 % fontils 10 % ? Pourquoi rendre confus ce qui est simple ? Sans doute parce que ces 10 % comparés aux 2,7 % d'inflation faisaient apparaître crûment l'absence de maîtrise.

Vous souhaitez prendre comme base les dépenses réalisées. Sans doute est-ce raisonnable. Mais alors, poussez la logique à son terme et renoncez aux sanctions collectives instituées l'année dernière. Prenez en compte également les dépenses réalisées par le médicament, au lieu de mettre en place une clause de sauvegarde de 70 % et prenez en compte les dépenses nécessaires pour les cliniques et les hôpitaux soumis aux dotations sans tenir compte de leur activité réelle.

Dans la pratique actuelle, l'ONDAM est essentiellement comptable. Il correspond à un taux d'augmentation appliqué aux dépenses estimées de l'année précédente. Il ne tient pas compte ni des besoins, ni du vieillissement de la population, ni des améliorations technologiques.

A l'UDF, nous pensons qu'il faut inverser le processus et partir des besoins estimés par les observatoires régionaux de santé, exprimés dans des conférences régionales de santé rénovées auxquelles participeraient tous les acteurs concernés. Seule une réelle régionalisation, une v raie décentralisation permettront de résoudre les problèmes de prévention et de démographie, en responsabilisant tous les acteurs.

L'ONDAM est bien comptable et vous nous le prouvez chaque année. Dans sa fixation, il n'est pas tenu compte des travaux des conférences régionales, de la c onférence nationale et du haut comité de santé publique. Le premier amendement déposé par le Gouvernement demande le report de la discussion du rapport en fin de débat. Cette demande est très symbolique. Vous fixez d'abord l'ONDAM, ensuite nous discutons des priorités de santé et des améliorations à apporter. L'inverse serait préférable et indiquerait clairement la volonté de fixer des priorités et de leur adapter ensuite le financement.

Le Parlement vote l'ONDAM sans pouvoir l'amender.

Puis, le ministère décide, dans sa grande sagesse de le diviser en enveloppes : hôpitaux, cliniques, ambulatoire, établissements médico-sociaux. Quelquefois, on apprend d'ailleurs cette répartition dans la presse, lors des débats.

Puis les enveloppes sont réparties en sous-enveloppes entre les diverses professions, en tenant compte, en outre, d'une répartition régionale, qui s'effectue à partir de critères non connus, en dehors du contrôle parlementaire. Il nous semblerait juste que les critères soient clairement définis, objectifs, et que le Parlement se prononce.

L'étanchéité des enveloppes pose en outre le problème de la non-fongibilité entre les établissements et l'ambulatoire. Notamment, le sanitaire et le médico-social, les ordonnances établies en consultation hospitalière ou à la sortie de l'hôpital relèvent-elles de l'enveloppe hospitalière ou de l'enveloppe ambulatoire ? Comme l'ONDAM n'est pas défini à partir des besoins, il n'est pas étonnant qu'il soit dépassé. Alors, que faire en cas de dépassement ? La logique voudrait que soit proposée, en cours d'année, une loi rectificative.

En tous les cas, comme vous proposez de prendre en compte la réalité, il est impératif de supprimer les lettresclés flottantes, les sanctions collectives, instituées l'année dernière malgré notre opposition. Soucieux de la qualité des soins et de l'optimisation des dépenses, nous demandons une évaluation des pratiques individuelles : références médicales, formation continue. Oui à la responsabilité individuelle, non à la sanction collective.

Votre projet de loi ne prépare pas l'avenir. Pourtant, il y a beaucoup à faire, dans de nombreux domaines.

Si nous sommes bons pour le curatif, nous sommes médiocres dans le domaine de la prévention et de l'éducation à la santé. Les multiples intervenants - ministères, d élégations interministérielles, associations, caisses ou mutuelles - consacrent chacun des sommes modestes et nous n'avons pas de politique coordonnée pluriannuelle, prenant en compte les mortalités prématurées évitables.

Une agence nationale régionalisée avec le vote d'une enveloppe dédiée à la prévention, parallèlement à l'ONDAM, paraît nécessaire. Il n'y a aucun progrès cette année. Pis, la totalité des taxes provenant de l'alcool et du tabac est affectée aux 35 heures et non à la prévention.

La démographie médicale est l'un de nos problèmes majeurs. De nombreux postes mis au concours sont aujourd'hui vacants. L'âge des praticiens en fonction est connu, tout comme le nombre dont nous aurons besoin dans dix ans. Sachant qu'il faut dix ans pour former un spécialiste, que fait aujourd'hui le ministère pour faire face à ce besoin ? J'ai posé une question écrite il y a plus


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de six mois. Je l'ai rappelée, je n'ai toujours pas de réponse. Si le ministère ne s'en préoccupe pas, de quoi peut-il se préoccuper ?

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

M. Jean-Luc Préel.

Demain, nous assisterons à des fermetures d'hôpitaux, non pas pour des problèmes de santé publique mais par manque de spécialistes.

M. Bernard Accoyer.

C'est embêtant !

M. Jean-Luc Préel.

Sans anesthésiste, il n'y a plus de service d'urgence, de chirurgie, de maternité. Comment seront appliqués les décrets sécurité pour l'anesthésie et les maternités ?

M. Bernard Accoyer.

Il y aura des listes d'attente.

M. Jean-Luc Préel.

Avez-vous une réponse ? Je ne la trouve pas dans votre texte. Pourtant, il s'agit bien de la responsabilité du ministère d'anticiper, de prévoir.

S'agissant des hôpitaux, à quelle vitesse allez-vous corriger les inégalités régionales et intra-régionales ? Les dotations ont-elles une chance d'être adaptées à l'activité réelle ? Où en est la tarification à la pathologie ? Celle-ci, demandée par beaucoup, semble avoir pris un grand retard.

De nombreux hôpitaux, ceux dont l'activité augmente, sont étranglés par le budget global. Beaucoup sont en quasi-cessation de paiement et sont contraints à des reports de dépenses d'une année sur l'autre. Comment financer certaines dépenses pharmaceutiques, notamment la chimiothérapie qui pèse lourd dans les budgets hospitaliers ? Cela a été rappelé tout à l'heure, des spécialistes nous posent des questions auxquelles nous n'avons pas de réponse. Comment comptez-vous appliquer et financer les 35 heures ? S'agissant des établissements privés, les Français sont très attachés à la liberté de choix du praticien et de l'éta blissement de santé. Les cliniques représentent 60 % de l'activité chirurgicale, 40 % des accouchements.

Employant 120 000 salariés, elles connaissent aujourd'ui une situation très difficile. Elles sont confrontées à une rentabilité économique en baisse constante, alors qu'elles devraient s'adapter aux nouvelles normes et se restructurer.

Elles ont à faire face à une pénurie de personnel. Elles souhaitent pouvoir augmenter les rémunérations pour les mettre au niveau de celles des hôpitaux, qui sont supérieures de 20 %, et bénéficier d'un fonds de modernisation à hauteur des énormes besoins de restructurations.

Quant au médicament, il n'est pas un produit industriel comme un autre. Il a pour finalité de soigner et, si possible, de guérir.

L'industrie pharmaceutique est créatrice d'emplois. Elle a besoin de dégager des profits pour ses actionnaires et, surtout, des sommes considérables pour une recherche indispensable mais de plus en plus coûteuse.

De nombreux malades et leurs familles sont impatients, et nous le sommes avec eux car nous souhaitons que tous ces malades aient accès aux molécules innovantes.

Nous avons en France une politique du médicament administrée, très encadrée notamment par l'Agence des produits sanitaires, le Comité de la transparence et le Comité économique. Nous avons des prix bas, très contrôlés et une consommation importante. La maîtrise actuelle ne fonctionne pas puisque les dépenses, d'après les chiffres de la CNAM, auraient augmenté au mois d'août de 12 %.

Vous proposez de tenir compte de ce qui est réalisé pour l'ambulatoire mais, pour le médicament, vous proposez une sanction confiscatoire de 70 % du chiffre d'affaires. Cette proposition, dans le cadre d'une compétition mondiale, est inacceptable. Il faut en revenir à une politique contractuelle qui tienne compte du service médical rendu, d'indications précises respectées et d'une réévaluation régulière.

Dans le domaine de la santé, la tâche est considérable.

Si nous voulons sauver notre système de santé, améliorer la qualité des soins, permettre son accès, il est urgent de remotiver et de remobiliser les professionnels en les écoutant, en prenant en compte les besoins exprimés, en supprimant les sanctions collectives. Il nous faut dans le même temps veiller au développement de la prévention, à la démographie médicale et au fonctionnement harmonieux sur tout le territoire de nos établissements de santé publics et privés.

Après trois ans et demi, tout reste à faire.

A l'UDF, nous pensons que seule une réelle régionalisation permettant une politique de santé de proximité sera capable d'améliorer notre système de santé en responsabilisant chacun des acteurs, en prenant en compte les besoins, en développant la prévention et en veillant à la formation des professionnels.

Oui à une réelle décentralisation ! J'en viens à la retraite.

Les données démographiques sont connues par tous et le rapport Charpin les a confirmées.

Nous sommes très attachés à la retraite par répartition.

Si le régime général, grâce aux mesures courageuses prises par Edouard Balladur et Simone Veil, est à peu près équilibré, le problème majeur lié au « papy boom » à partir de 2005, c'est-à-dire demain, concerne les régimes spéciaux. Il nous manquera en 2015 près de 350 milliards de francs par an à législation constante.

Or vous ne décidez rien, sinon la mise en place d'un observatoire des retraites, comme si les données n'étaient pas déjà connues. Il y a urgence à entreprendre des réformes de fond, des réformes structurelles.

Nous souhaitons conforter la retraite par répartition en accroissant l'autonomie de la branche vieillesse du régime général.

Nous demandons, dans un esprit de transparence, la création d'une caisse de retraite des fonctionnaires de l'Etat...

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Jean-Luc Préel.

... gérée paritairement par l'Etat et les représentants du personnel.

Nous réclamons l'harmonisation progressive des règles appliquées dans les divers régimes, dans un esprit de justice.

M. Bernard Accoyer.

C'est cela, l'équité !

M. Jean-Luc Préel.

Nous insistons pour que soit mis effectivement en place un troisième étage, l'épargne retraite, rôle en partie dévolu aujourd'hui à l'assurance vie.

Votre immobilisme constitue aujourd'hui une faute dramatique.

Je n'ai rien vu concernant les conjoints survivants, dont les demandes sont pourtant bien connues et justes : revoir les règles concernant l'assurance veuvage, le cumul des droits propres et d'une pension de reversion, le problème des polypensionnés.


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En ce qui concerne la famille, vous proposez, certes, deux mesures intéressantes mais, en réalité, vous n'avez pas de réelle politique familiale, pourtant indispendable à l'avenir du pays. Certains pays, telle la Suède, nous ont donné l'exemple et montré la marche à suivre.

En dehors de l'allocation logement, vous n'entreprenez aucune simplification des vingt-trois prestations ni des quinze mille références existantes, totalement ingérables et inexplicables aux bénéficiaires.

Vous demandez à la branche famille de prendre en compte la majoration de 10 % de la retraite pour les femmes ayant élevé trois enfants.

M. Bernard Accoyer.

C'est scandaleux !

M. Jean-Luc Préel.

Il s'agit d'une charge indue sans lien avec la politique familiale et contraire au principe de l'indépendance des branches, auquel nous sommes très attachés.

Finalement, madame la ministre, votre projet de loi n'emporte pas l'adhésion de l'UDF. Certes, les débats permettront peut-être - nous l'espérons en tout cas - de l'améliorer et nous avons déposé de nombreux amendements.

Mais en l'état actuel des choses, et suivant l'avis général des conseils d'administration des différentes caisses, nous pensons voter contre ce projet car il pêche par l'absence de politique familiale, par l'absence d'une indispensable réforme des retraites et marque une évolution de la branche santé vers une étatisation, ce que nous regrettons.

Merci, madame la ministre, pour votre écoute attentive.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Charles.

M. Bernard Charles.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, pour la troisième année consécutive, nous examinons un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le régime général de la sécurité sociale est passé à l'équilibre en 1999 et sera en excédent en 2000. Le Gouvernement a donc redresssé les comptes tout en améliorant l'accès aux soins et en renforçant la sécurité sanitaire.

Il faut cependant remarquer que nous traitons, depuis trois ans, les problèmes conjoncturels alors que l'absence d'une réelle évaluation des besoins de santé publique, toutes les structures mises en place ne donnant pas des résultats utilisables, se fait cruellement sentir.

Il convient aussi de relever que le processus de fiscalisation des recettes de la sécurité sociale se confirme.

La CSG est une ressource universelle, proportionnelle à tous les revenus. Elle confirme notre système de solidarité. Nous étions un certain nombre à cette tribune pour la défendre sous le gouvernement Rocard. Je remarque avec grand plaisir que ceux qui l'avaient combattue à l'époque font de beaux articles pour dire que c'est quelque chose de fondamental dans notre système de solidarité. Il faut quelquefois attendre pour trouver les convergences !

M. Pascal Terrasse.

Ils ont toujours raison, mais dix ans après ! C'est cela le conservatisme !

M. Bernard Charles.

En ce qui me concerne, je pense qu'on aurait pu trouver un autre système pour aider les foyers touchant les revenus les plus bas sans écorner la CSG.

Comme le dossier est vaste, je ferai une rapide analyse des différentes branches.

S'agissant de la branche famille, les mesures en faveur de l'accueil de la petite enfance, en particulier celles qui consacrent un effort en faveur des crèches collectives, sont très positives, même si le montage financier, avec un redéploiement de crédits de l'excédent 1999 de la branche vers le fonds d'investissement, est à la limite satisfaisant.

Par contre, et ainsi que l'a déploré le rapporteur, la situation des veuves, n'est pas assez prise en compte.

L'évolution du statut des veuves qui, pour certaines, travaillent soit à mi-temps, soit à temps complet, implique notamment la révision des conditions de ressources pour l'assurance veuvage.

Quant à la branche vieillesse, la revalorisation des pensions de 2,7 %, en rupture avec la logique des revalorisations planchers qui prévalait depuis le plan Juppé, est significative. Il serait cependant souhaitable de mettre en oeuvre une règle pérenne qui permette d'aligner cette évolution sur celle des salaires dans la logique naturelle d'un système par répartition.

La consolidation de nos régimes par répartition, pour garantir les retraites de tous les Français, est une priorité du Gouvernement, et nous l'approuvons.

Pour la branche maladie, l'ONDAM à 3,5 % est un objectif réaliste. Il faut signaler qu'il n'a jamais été à ce niveau depuis trois ans.

M. Claude Evin, rapporteur.

Absolument !

M. Bernard Charles.

Et pour la deuxième année consécutive, l'ONDAM est calculé en fonction des dépenses réalisées, ce que nous avions demandé dès la discussion de la première loi de financement de la sécurité sociale.

Contrairement à ce qu'affirment les tenants de la maîtrise comptable, la fixation d'un tel objectif n'empêche pas l'optimisation des dépenses. Il faut cependant regretter que les caisses et les professionnels de santé n'aient pas cherché à se mettre d'accord pour porposer en commun un taux d'évolution.

Toujours dans le cadre de la branche maladie, je dirai quelques mots sur les médicaments.

En ce domaine, la progression de la dépense est importante. Les politiques structurelles engagées essaient d'infléchir les tendances et elles donnent certains résultats. Mais il faut bien reconnaître que, depuis vingt ans, nous n'avons jamais eu de véritable politique industrielle du médicament s'intégrant dans une politique de santé et de protection sociale.

M. Jean-Pierre Foucher.

C'est vrai !

M. Bernard Charles.

Cela nous mettra à terme, à la différence de pays voisins comme l'Angleterre, sous la dépendance des multinationales pour toutes les grandes thérapeutiques de demain. Je le répète depuis des années à cette tribune.

Les mesures prises pour les médicaments orphelins qui avaient été demandées l'an dernier sont très positives et règlent un dossier difficile. En revanche, la clause de sauvegarde assortie d'un prélèvement de 70 % devrait être réétudiée et un peu plus lissée car elle affaiblit la production pharmaceutique dans notre pays.

Pour ce qui concerne les mesures de santé publique et la prévention, dont parlera plus longuement demain mon collègue André Aschieri, les actions lancées doivent être intensifiées, mais elles sont d'ores et déjà très positives, q u'il s'agisse de la lutte contre les infections


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nosocomiales, de la sécurité anesthésique ou de la mise en oeuvre des procédures de stérilisation dans les établissements de soins et d'utilisation des dispositifs à usage unique.

Les infirmières libérales sont l'objet d'une préoccupation de beaucoup de parlementaires car ceux-ci vivent leurs problèmes tant en zones urbaines qu'en zones rurales. La situation est préoccupante et le décret sur le protocole des soins infirmiers est très mal ressenti.

La réforme de la nomenclature doit être accélérée et ce lourd problème pris en compte. Nous comptons sur le Gouvernement pour permettre une avancée significative au cours de la présente discussion, avec l'appui des groupes de la gauche plurielle, pas seulement pour les infirmières libérales mais aussi pour les kinésithérapeutes.

J'en arrive à l'hospitalisation publique.

En dépit des soubresauts que l'hôpital public a connus au début de l'année 2000, il a poursuivi sa modernisation.

La politique de recomposition de l'offre hospitalière, impulsée par le Gouvernement, produit des effets tangibles. Nombreuses en effet sont les coopérations, les réseaux, voire les fusions entre établissements publics, d'une part, et entre établissements publics et privés, d'autre part.

Les suppressions de lits inutiles et les reconversions d'activité ne sont plus des sujets tabous, même si les problèmes restent difficiles à régler en raison des craintes qu'ils suscitent dans les personnels et les populations.

L'activité du secteur continue de croître, qu'il s'agisse du nombre des entrées, des séances d'hôpital de jour et de chimiothérapie ou des consultations. Pourtant, l'hôpital public parvient globalement à maîtriser l'évolution de ses dépenses et à respecter les crédits qui lui sont alloués.

Ces bons résultats sont, me semble-t-il, à mettre à l'actif du statut juridique de l'hôpital public qui, grâce à son autonomie de gestion, lui confère le dynamisme et la souplesse d'adaptation qu'il n'aurait pas s'il était un simple service extérieur de l'Etat. Ce statut a permis l'émergence d'un corps de gestionnaires de grande qualité, celui des directeurs d'hôpitaux, qui travaillent en étroite harmonie avec les présidents des conseils d'administration et des commissions médicales.

L'utilisation d'indicateurs médico-économiques, à travers le PMSI pour l'allocation des ressources aux établissements, est désormais une réalité dont personne ne conteste plus la légitimité. L'outil PMSI est certes imparfait et il faudra l'améliorer, mais il a le grand mérite de sortir la gestion du caractère flou que lui conféraient les indicateurs anciens d'activité qu'étaient les journées, les actes et les entrées.

Cette meilleure connaissance de l'activité des hôpitaux permet d'envisager une réforme du financement sur la base des coûts à la pathologie. Les hôpitaux publics et les cliniques, à travers leurs fédérations, s'y sont engagés avec détermination.

Les études demanderont du temps, mais l'essentiel est que l'hospitalisation s'engage résolument dans la voie de la transparence de ses activités et des coûts.

N'en déplaise à certains, l'hôpital public s'est fermement engagé dans la voie de la plus grande qualité, qui n'a toutefois jamais été étrangère à l'action des hospitaliers.

Il est vrai qu'un esprit non averti pourrait s'inquiéter du nombre actuellement limité des établissements qui se sont engagés dans la procédure d'accréditation. Mais ce constat ne m'inquiète pas car il traduit le souci des dirigeants hospitaliers de se préparer à cet exercice difficile en commençant par la phase d'auto-évaluation, la plus silencieuse vis-à-vis de l'extérieur, mais sans doute la plus importante car ce sont l'introspection et l'autocritique qui feront accomplir à la démarche de qualité un bond significatif.

Tout cela ne doit pas masquer les difficultés que traverse un secteur en pleine mutation.

Formidable amortisseur de crise sociale, l'hôpital public voit ses missions croître chaque jour un peu plus.

Il ne me paraît pas inutile d'essayer d'analyser les c auses de la crise qu'a connue l'hôpital public à l'automne dernier ou au début de l'année.

Le taux de progression des budgets hospitaliers publics permettait, au niveau national, de reconduire globalement les moyens existants, notamment pour les effectifs de personnels. Mais dans la mesure où le Gouvernement souhaitait réduire les inégalités de dotations budgétaires entre les régions, il en est résulté, pour les régions considéré es comme mieux dotées, un taux de progression budgétaire sensiblement inférieur au taux nécessaire pour la simple reconduction des moyens. Faute de crédits suffisants, dans les régions touchées par la politique de péréquation les directeurs d'hôpitaux ont ralenti le remplacement des agents en maladie ou partant à la retraite. Cela a créé des tensions au niveau de la charge de travail.

Faut-il pour autant déduire qu'il convient d'arrêter la politique de redéploiement des moyens entre les régions ? Sûrement pas. Mais il faut peut-être reconnaître que le rythme de cette péréquation, nécessaire, je le répète, doit être un peu ralenti pour permettre les évolutions indispensables.

En outre, cette péréquation ne doit pas s'effectuer autant au détriment des établissements dont l'offre s'inscrit en conformité avec le SROTSS et dont l'efficience médico-économique mesurée par le PMSI est bonne.

Qu'en sera-t-il pour l'année 2001 ? L a fédération hospitalière de France, dont nous sommes nombreux sur les bancs du Parlement à saluer, avec Claude Evin, le renouveau, avait réclamé un taux de progression du budget de 3,4 %, hors mesures nouvelles et hors politique de péréquation. Le Gouvernement a retenu ce taux, mais qu'en est-il exactement ? On nous dit que, en raison du rebasage de certaines mesures catégorielles issues du protocole Aubry du printemps 2000 et dont l'effet report sur 2001 sera nul, le taux nécessaire pour la reconduction des moyens n'est pas de 3,4 %, mais plutôt de 3 %. Si tel est le cas, vous disposez, madame la ministre, à la fois d'une marge de manoeuvre pour les mesures nouvelles, dont nous souhaiterions connaître le contenu, et pour financer la politique de péréquation entre les régions.

Il me paraît important que vous nous exposiez clairement la position du Gouvernement sur les aspects budgétaires de sa politique car le climat social de nos hôpitaux, pour les mois qui viennent, en dépend.

Reste le dossier des 35 heures, qui, vous le savez, préoccupe le monde hospitalier.

Certains estiment qu'il s'agit là d'un pari impossible, eu égard aux missions et aux contraintes organisationnelles des hôpitaux.

Une fédération rassemblant les hôpitaux publics a, par la voix de son président et de son délégué général, privi légié une vision plus positive de ce vaste chantier, et encourage ses adhérents à y voir une chance pour le ser-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 OCTOBRE 2000

vice hospitalier, par le biais de la remise à plat des actuelles organisations internes. Je souhaite que le Gouvernement saisisse cette chance en veillant à ne pas se m ettre à dos ses alliés sur ce dossier. Comment comprendre en effet l'attitude qui a écarté cette fédération des discussions sur le protocole signé au printemps dernier avec les organisations syndicales ? Par sa présence, cette fédération aurait fait valoir une approche institutionnelle à côté des approches corporatistes au demeurant fort respectables ? Ne décourageons pas les bonnes volontés, surtout quand leur soutien et leur contribution conditionnent pour une large part le succès ! Permettez-moi de terminer mon propos en abordant les problèmes du secteur social et médico-social.

Mon groupe se réjouit de l'effort budgétaire renouvelé qui sera consenti en 2001 au profit de ce secteur. Le taux de progression de l'enveloppe qui lui est consacrée - 5,8 % - est significatif et permettra de renforcer les moyens humains dans le domaine de la prise en charge des personnes âgées et des handicapés. Mais cet effort, pourtant très important, est occulté par les inquiétudes qu'inspirent les réformes en cours.

M. Pascal Terrasse. Absolument ! M. Bernard Charles. La réforme de la tarification des é tablissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes est jugée trop compliquée par les fédérations représentatives du secteur et les incertitudes qui planent sur la réforme de la prestation spécifique dépendance avivent leurs inquiétudes.

N'est-il pas encore temps de remettre à plat, comme de nombreux parlementaires l'ont demandé, ces dossiers avec l'ensemble des partenaires concernés pour éviter des désillusions et des déconvenues qui pourraient, à terme, avoir des conséquences graves dans les zones rurales comme dans les zones urbaines.

Pour conclure, je relèverai, mis à part les circonstances particulières, que la concertation avec notre groupe sur le projet de loi a été quasi inexistante. Nous n'avons eu aucune possibilité de travailler en amont et le texte de certains articles méprise totalement ce que nous disons depuis trois ou quatre ans sur certains sujets à cette tribune.

L'article 39, par exemple, crée un fonds de promotion de l'information médicale et médico-économique. Il s'agit d'une fantastique usine à gaz qui complique considérablement le travail de l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé, laquelle dispose déjà de nombreuses commissions et de deux groupes d'experts dont les avis autorisés ont les plus grandes difficultés à être portés à la connaissance des professionnels de santé qui devaient pourtant en être les premiers utilisateurs.

Nous aurions plutôt intérêt à fortifier les experts spécifiques de l'Agence plutôt que d'avoir une noria d'experts qui, changeant de casquette, deviennent des experts pour d'autres structures, quelques fois privées, qui s'autocontrôlent et qui travaillent ensemble.

Cela ne permet pas à l'Agence de jouer pleinement le rôle qui devrait être le sien à l'aube du

XXIe siècle.

Avec Alain Calmat, nous avions proposé au projet de loi un amendement qui prévoyait la création de l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé. Nous avions alors répété ce que nous avions dit lors de la création de l'Agence des médicaments, à savoir qu'était indispensable une banque de données, unique référence des produits de santé, qui soit une agence qui valide, qui soit indépendante, crédible, ouverte dans certaines conditions au public et dans d'autres aux professionnels de santé.

Nous n'avons pas trouvé, dans les propositions qui nous sont faites, la réponse aux engagements pris à ma demande par Mme Aubry et Mme Gillot. On m'avait alors répondu, comme d'habitude, que cet amendement était un cavalier et qu'il serait réexaminé dans le cadre du projet de loi de modernisation de la santé. Mais aujourd'hui, on crée un fonds. Vous connaissiez l'amendement déposé l'année dernière par Alain Calmat, André Aschieri et moi-même. Il aurait pu être repris. Nous le présenterons en application de l'article 88 du règlement. Nous espérons qu'il sera adopté et qu'il permettra à l'agence d'assurer l'information citoyenne sur les produits de santé exigée par nos populations et nécessaire pour nos professionnels de santé.

Madame la ministre, nous vous savons capable d'engager une réelle concertation. Vous l'avez montré sur des dossiers difficiles dans votre précédent ministère. Vous savez que l'ensemble des groupes de la gauche plurielle souhaite des avancées sur les dossiers précis des infirm ières libérales, des masseurs-kinésithérapeutes. Pour n otre part, nous sommes attachés à l'information citoyenne sur les produits de santé. Nous avons l'intention de travailler rapidement avec vous pour pouvoir voter cette loi de financement de la sécurité sociale, sachant que nous retrouverons certains sujets, car notre calendrier est chargé : loi sur la prestation spécifique dépendance, loi sur l'indemnisation des accidents médicaux, loi de modernisation de la santé, loi de modernisation sociale, création d'une agence de sécurité sanitaire environnementale, très attendue par mon groupe, sans oublier les lois sur la bioéthique, un gros chantier ! Nous espérons que nous pourrons travailler ensemble pour conclure sur des sujets qui nous paraissent importants et voter ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Mercredi 25 octobre 2000, à neuf heures quinze, première séance publique : Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (no 2606) : MM. Alfred Recours, Claude Evin, Denis Jacquat et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteurs, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tomes I à V du rapport no 2633), M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis no 2631).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 OCTOBRE 2000

A 15 heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 25 octobre 2000, à une heure cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmissions

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, les textes suivants : Communication du 23 octobre 2000 No E 1573. - Proposition de règlement du Conseil portant deuxième modification du règlement (CE) no 1294/1999 du Conseil relatif à un gel des capitaux et à une interd iction des investissements en relation avec la République fédérale de Yougoslavie (RFY) et abrogeant les règlements (CE) no 1295/1998 et (CE) no 1607/1998 ainsi qu'abrogation de l'article 2 du règlement (CE) no 926/1998 du Conseil concernant la réduction de certaines relations économiques avec la République fédérale de Yougoslavie ; No E 1574. - Proposition de règlement du Conseil portant mode de gestion de contingents tarifaires pour certains poissons vivants et produits de la pêche originaires de Bulgarie (COM [2000] 598 final).

PROCLAMATION DE DÉPUTÉS Par une communication du 23 octobre 2000, faite en application de l'article L.O.

179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a informé M. le Président de l'Assemblée nationale que, le 22 octobre 2000, ont été élus députés :

« de la neuvième circonscription de la Seine-Maritime, M. Patrick Jeanne ;

« de la deuxième circonscription du territoire de Belfort,

M. Jean-Pierre Chevènement.

MODIFICATION À LA COMPOSITION DES GROUPES (Journal officiel Lois et Décrets, du 24 octobre 2000)

LISTE DES DÉPUTÉS N'APPARTENANT À AUCUN GROUPE (7 au lieu de 5) Ajouter les noms de MM. Jean-Pierre Chevènement et Patrick Jeanne.

Prix du numéro : 0,64 - 4,20 F Imprimerie, 26, rue Desaix, Paris (15e ). - Le préfet, Directeur des Journaux officiels : Jean-Paul BOLUFER 103000730-001000