page 07582page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

RAYMOND

FORNI

1. Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7584).

DISCUSSION

DES ARTICLES (suite) (p. 7584)

Article 16 (suite) (p. 7584)

Amendements de suppression nos 12 de M. Sarre, 183 de Mme Boutin, 190 de M. Gengenwin, 196 de M. Accoyer, 230 de M. Delnatte, 255 de M. Debré et 351 de M. Bourg-Broc : MM. Georges Sarre, Jean-Luc Préel,

M mes Jacqueline Mathieu-Obadia, Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires culturelles, pour la famille ; Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance. - Rejet.

Adoption de l'article 16.

Article 17 (p. 7586)

Amendements nos 189 de M. Gengenwin et 161 de Mme Fraysse : M. Jean-Luc Préel, Mmes Muguette J acquaint, Marie-Françoise Clergeau, rapporteure ; la ministre déléguée. - Rejets.

Adoption de l'article 17.

Article 18 (p. 7588)

MM. Jean-Luc Préel, Jean-Pierre Baeumler, Yves Bur,

Mme Muguette Jacquaint.

Amendement no 277 de M. Préel : M. Jean-Pierre Foucher, Mmes Marie-Françoise Clergeau, rapporteure ; la ministre déléguée. - Rejet.

Amendements nos 236 de Mme Isaac-Sibille, 74 rectifié de la commission des affaires culturelles et 321 de M. Bur : M. Yves Bur, Mmes Marie-Françoise Clergeau, rapporteure ; Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. - Rejet de l'amendement no 236.

Mmes Marie-Françoise Clergeau, rapporteure ; la ministre. Adoption de l'amendement no 74 rectifié ; l'amendement no 321 n'a plus d'objet.

Adoption de l'article 18 modifié.

Avant l'article 19 Amendement no 383 du Gouvernement : Mme la ministre ; M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour l'assurance vieillesse. - Adoption.

Amendement no 150 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, Denis Jacquat, rapporteur ; Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles ; Mme la ministre, MM. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour les recettes et l'équilibre général ; Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Adoption.

Article 19 (p. 7592)

MM. Jean-Luc Préel, Maxime Gremetz.

Adoption de l'article 19.

Après l'article 19 (p. 7594)

Amendement no 375 du Gouvernement : Mme la ministre, M. Denis Jacquat, rapporteur ; Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure ; M. Maxime Gremetz. - Adoption.

Article 20 (p. 7595)

Amendement de suppression no 257 de M. Mattei : M. JeanLuc Préel, Mme la ministre, MM. Denis Jacquat, rapporteur ; Maxime Gremetz, Bernard Accoyer. - Rejet.

Amendement no 258 de M. Douste-Blazy : MM. Jean-Luc Préel, Denis Jacquat, rapporteur ; Mme la ministre,

M. Bernard Accoyer. - Rejet.

A mendement no 8 de la commission des finances : M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis ; Mme la m inistre, MM. Denis Jacquat, rapporteur ; Bernard Accoyer, le président. - Adoption.

Adoption de l'article 20 modifié.

Article 21. - Adoption (p. 7598)

Article 22 (p. 7598)

MM. Yves Bur, Maxime Gremetz, le président, Bernard Accoyer.

Adoption de l'article 22.

Mme la ministre.

Article 23. - Adoption (p. 7601)

Article 24 (p. 7601)

M. Bernard Accoyer.

A mendement de suppression no 259 de M. Debré :

M M. Bernard Accoyer, Denis Jacquat, rapporteur ;

Mme la ministre. - Rejet.

Amendements nos 193 de M. Gengenwin et 231 de M. Delnatte : M. Jean-Luc Préel.

Amendement no 194 de M. Gengenwin : MM. Jean-Luc Préel, Denis Jacquat, rapporteur ; Mme la ministre. Rejet de l'amendement no 193 ; l'amendement no 194 n'a plus d'objet.

Amendement no 232 corrigé de M. Delnatte : MM. Bernard Accoyer, Denis Jacquat, rapporteur ; Mme la ministre. Rejet de l'amendement no 231 ; l'amendement no 232 corrigé n'a plus d'objet.

Adoption de l'article 24.

Article 25 (p. 7603)

M. Bernard Accoyer.

A mendement de suppression no 260 de M. Debré :

M M. Bernard Accoyer, Denis Jacquat, rapporteur ;

Mme la ministre. - Rejet.

A mendement no 9 de la commission des finances : MM. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis ; Denis Jacquat, rapporteur ; Mme la ministre, M. Bernard Accoyer. - Adoption.

Amendements nos 294 de la commission des affaires culturelles et 10 de la commission des finances : MM. Denis Jacquat, rapporteur ; Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis ; Mme la ministre, MM. Bernard Accoyer, le président de la commission des affaires culturelles. - Retrait des amendements.

MM. Jean-Luc Préel, le président.

Adoption de l'article 25 modifié.


page précédente page 07583page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

Article 26. - Adoption (p. 7608)

Article 27 (p. 7608)

Amendement no 332 de M. de Courson : MM. Jean-Luc P réel, Denis Jacquat, rapporteur ; Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Rejet.

Adoption de l'article 27.

MM. Jean-Luc Préel, le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 7608)

Article 28 (p. 7608)

Mme Yvette Benayoun-Nakache, MM. Jean-Marie Le Guen, Yves Bur, Alain Veyret, Gérard Terrier, Bernard Accoyer.

Amendement no 379 du Gouvernement : Mme la ministre, MM. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour l'assurance maladie. - Adoption.

Amendement no 370 de la commission des affaires culturelles : M. Claude Evin, rapporteur ; Mme la ministre,

M. Bernard Accoyer. - Adoption.

Amendement no 347 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, Claude Evin, rapporteur ; Mme la ministre. Rejet.

Adoption de l'article 28 modifié.

Article 29 (p. 7614)

MM. Jean-Luc Préel, Bernard Accoyer, Jean-Pierre Foucher.

M. le président.

Amendement no 385 du Gouvernement : Mme la ministre, MM. Claude Evin, rapporteur ; le président de la commission des affaires culturelles ; Mme la secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 371 de la commission des affaires culturelles : Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 29 modifié.

Article 30 (p. 7617)

MM. Jean-Luc Préel, Bernard Accoyer, Yves Bur.

Amendement no 77 de la commission des affaires culturelles : M. Claude Evin, rapporteur ; Mme la ministre. Adoption.

L'amendement no 175 de M. Cahuzac n'a plus d'objet.

Amendements nos 296 deuxième rectification de la commission des affaires culturelles et 174 corrigé de M. Cahuzac : MM. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis ; Claude Evin, rapporteur ; Mme la ministre. - Retrait de l'amendement no 174 corrigé.

M. Jean-Luc Préel. - Adoption de l'amendement no 296 deuxième rectification.

Amendement no 176 de M. Cahuzac : MM. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis ; Claude Evin, rapporteur ;

Mme la ministre. - Retrait.

M. le président.

Adoption de l'article 30 modifié.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Dépôt d'une proposition de loi constitutionnelle (p. 7620).

3. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 7620).

4. Dépôt d'un rapport (p. 7620).

5. Ordre du jour des prochaines séances (p. 7620).


page précédente page 07584page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2001 Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (nos 2606, 2633).

Discussion des articles (suite)

M. le président.

Cet après-midi, l'Assemblée a continué la discussion des articles et s'est arrêtée après avoir entendu les orateurs inscrits sur l'article 16.

Sur cet article, je suis saisi de sept amendements identiques, nos 12, 183, 190, 196, 230, 255 et 351.

L'amendement no 12 est présenté par M. Sarre et M. Desallangre ; l'amendement no 183 est présenté par Mme Boutin ; l'amendement no 190 est présenté par MM. Gengenwin, Jégou et Mme Isaac-Sibille ; l'amendement no 196 est présenté par M. Accoyer ; l'amendement no 230 est présenté par M. Delnatte ; l'amendement no 255 est présenté par MM. Debré, Mattei, DousteBlazy et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe de l'Union pour la démocratie française - Alliance ; l'amendement no 351 est présenté par

M. Bourg-Broc.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 16. »

La parole est à M. Georges Sarre, pour soutenir l'amendement no

12.

M. Georges Sarre.

Monsieur le président, madame la ministre déléguée à la famille et à l'enfance, mes chers collègues, les excédents de la branche famille, plutôt que d'être réinvestis en faveur des familles, sont régulièrement siphonnés pour améliorer les résultats des autres branches.

L'article 16 prévoit ainsi le transfert de la majoration de pension de 10 % servie aux parents de trois enfants ou plus de la branche vieillesse à la branche famille.

Si je suis un défenseur de ces majorations, je souhaite insister, avec cet amendement, sur la signification qu'il peut y avoir à décider aujourd'hui de lester la branche famille d'une dépense assumée depuis cinquante ans par la branche vieillesse.

De prime abord, on pourrait considérer que ce transfert est normal. N'y a-t-il pas une certaine logique, en effet, à ce que tout ce qui est d'ordre familial soit « rapatrié » dans le champ de la branche famille ? Sans doute.

Encore faudrait-il que le raisonnement ne soit pas toujours unilatéral et que l'on se préoccupe dans le même temps de retirer de cette branche toutes les charges indues qui pèsent encore sur elle. Je pense, par exemple, aux frais de gestion du RMI ou encore de l'allocation adulte handicapé, qui devraient incomber à l'Etat.

Je crains que l'argument honorable d'une nécessaire remise à plat de la politique familiale ne dissimule la manifestation d'un mal bien français qui consiste à annoncer chaque année la relance de la politique familiale, tout en continuant à faire de la branche famille une variable d'ajustement des comptes sociaux.

Je rappelle que la prise en charge de la majoration de pension, qui s'élèvera cette année à 15 %, sera augmentée pour les années ultérieures par les lois de financement de la sécurité sociale jusqu'à une prise en charge totale.

Donc, par ce simple article 16, de manière subreptice, ce sont quelque 2,9 milliards de francs pour cette année et, potentiellement, 19 milliards de francs de charges nouvelles qui vont peser sur la branche.

Qui plus est, en poursuivant dans cette voie, il serait logique de basculer, demain, sur la branche les 25 milliards que représentent les deux annuités validées à chaque naissance pour les retraites dans le régime général.

Dix-neuf plus vingt-cinq égale quarante-quatre, quarante-quatre milliards de francs de charges susceptibles d'être reportées demain sur la branche famille. Ce chiffre est à comparer au milliard et demi mobilisé pour les crèches et qu'on nous annonce comme une avancée « historique ». Voilà ce qu'on appelle la rationalisation.

Nous savons pertinemment que transférer ces charges, c'est se priver des moyens nécessaires pour relancer la politique familiale.

Si nous sommes bien loin des 10 milliards promis lors de la conférence de la famille, le Gouvernement nous présente dans ce texte quelque 6 milliards de dépenses nouvelles. Je tiens à saluer la création de l'allocation de présence parentale. Je me félicite du lancement d'un f onds d'investissement pour la création de crèches.

Depuis toujours, je souhaite que la question des modes de garde devienne une préoccupation majeure dans notre pays. Enfin, j'approuve la remise à plat des aides au logement.

Quid , cependant, de cette politique familiale de moins en moins universelle ? Quid d'une branche famille dont la part dans le PIB ne cesse de décroître ? Quid du versement des prestations familiales jusqu'à vingt-deux ans ? Quid de l'amélioration des minima sociaux pour les adolescents à charge ? Quid d'un accès plus large à l'allocation de logement social étudiant ? Si nos concitoyens sont tout à fait d'accord pour qu'un effort soit accompli en faveur des familles, il est bon qu'ils sachent ce qu'il représente aujourd'hui et plus encore demain. C'est l'objet de mon amendement.

M. Yves Bur.

Très bien !


page précédente page 07585page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir les amendements nos 183 et 190.

M. Jean-Luc Préel.

Je défends les amendements de Mme Boutin et M. Gengenwin car je pense que Bernard Accoyer ou un membre de son groupe soutiendra les suivants. Il est important en effet que chacun s'exprime sur l'article 16.

Les interventions des députés du groupe communiste ou de Georges Sarre à l'instant le montrent, la majorité plurielle a quelques problèmes sur ce point très particulier.

On l'a dit, le fonds de solidarité vieillesse a été créé pour prendre en charge le financement des avantages de vieillesse à caractère non contributif. La majoration pour enfant, destinée à augmenter la retraite des personnes ayant eu trois enfants ou plus, était jusqu'à présent assumée par le fonds de solidarité vieillesse. L'article 16 propose de basculer cette charge sur la branche famille. Le rapporteur pour la branche retraites lui-même ne semble pas favorable à cette mesure.

Le principe de la séparation des branches étant admis, je m'interroge. Comment expliquer que la majoration de retraite que représentent ces 10 % pourra-t-elle être versée par la branche famille ? Le maintien de cette majoration de retraite dans la branche retraite paraît plus cohérent.

M. Yves Bur.

C'est évident !

M. Jean-Luc Préel.

Pourquoi compliquer une chose simple ? D'autant que, à terme, ce sont vingt milliards de francs qui seront prélevés sur la branche retraite pour être reversés, mis au compte de la famille. Il vaudrait mieux que ces sommes soient consacrées à améliorer la politique familiale du pays, qui en a bien besoin.

M. le président.

Madame Mathieu-Obadia, souhaitezvous défendre les autres amendements de suppression ? Car les arguments ont déjà été avancés dans la discussion sur l'article.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Mes arguments ne seront peut-être pas originaux en effet mais il me semble nécessaire d'affirmer que nous sommes pour la suppression de l'article 16.

Après mon collègue Jean-Luc Préel, je dirai : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Si Bernard Accoyer était présent, il parlerait sans doute d'une tuyauterie supplémentaire, à ajouter à toutes celles que j'ai déjà dénoncées.

M. Yves Bur.

Un hold-up !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Vous avez raison, un hold-up de la branche famille.

On a un petit peu l'impression qu'on joue au bonneteau : on prend dans une branche pour reverser dans une autre et ainsi de suite. Une telle démarche n'est ni claire ni sérieuse et surtout ne respecte pas l'idée de départ très certainement généreuse.

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille, pour donner l'avis de la commission sur ces sept amendements de suppression.

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille.

La commission considère que les majorations de pensions pour enfants à charge sont bien des avantages familiaux différés. Créées spécifiquement en direction des familles nombreuses, elles devaient compenser les conséquences sur la retraite de la moindre activité des mères ayant eu plusieurs enfants. A notre avis, le débat sur la légitimité du financement par la branche famille n'a pas de raison d'être.

Le débat qui a eu lieu avec les différentes associations familiales portait plus sur la manière que sur le principe.

Ne leur faites pas dire ce qu'elles n'ont pas dit.

M. Jean-Luc Préel.

Mais il pourrait y avoir dialogue ou concertation !

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

L'article 16 opère une clarification. La branche famille finance déjà les avantages des retraites. Demain, elle remboursera au régime le coût réel des pensions versées pour l'année.

Selon certains intervenants, nous n'aurions pas de réelle politique familiale. Je ne peux pas laisser dire une chose pareille.

Nous, nous n'avons pas voté une grande loi en 1994, à crédit. Nous ne nous sommes pas contentés d'effets d'annonce. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Pour nous, une vraie politique de la famille, c'est une politique qui allie solidarité et justice sociale, et qui répond aux besoins des parents.

M. Marcel Rogemont.

Voilà !

M. Jean-Luc Préel.

Tout ça c'est du pipeau !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Ainsi, alors que vous aviez rediminué l'allocation de rentrée scolaire, nous, nous l'avons pérennisée et nous l'avons multipliée par quatre ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Voilà !

M. Jean-Luc Préel.

Vous voulez parler de l'AGED, que vous avez mise sous condition de ressources ?

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Vous aviez rediminué la réduction d'impôt pour les frais de scolarité. Nous, nous l'avons rétablie.

Vous aviez également gelé les aides au logement. Nous, nous avons beaucoup avancé sur ce point.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

C'est du concret, ça !

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Nous avons prolongé les allocations familiales à dix-neuf ans en 1998, à vingt ans en 1999. Vous l'aviez voté, vous ne l'avez pas fait.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Voilà !

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Nous avons prolongé les allocations logement et les compléments familiaux jusqu'à vingt et un ans au premier janvier 2000. Vous ne l'avez pas fait.

M. Marcel Rogemont.

Assez ! Ils sont abattus ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Luc Préel.

Il nous en faudrait plus !

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Les familles allocataires du RMI peuvent désormais cumuler le RMI avec l'allocation pour jeune enfant et les majorations pour âge des allocations familiales. Il faut le répéter, parce que vous avez l'air d'oublier ce que nous avons fait.


page précédente page 07586page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

M. Yves Bur.

Dans quel état avez-vous laissé le pays en 1989 ? Si vous voulez refaire l'histoire, nous allons la refaire.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

La politique familiale ne s'arrête pas à la branche famille. La politique familiale concerne tous les secteurs de la vie gouvernementale. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous avons mis en place un fonds social pour faciliter l'accès des enfants aux cantines.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Eh oui !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Vous ne l'avez jamais fait. Certains enfants ne mangeaient plus le midi.

Nous avons limité le montant des saisies possibles sur les prestations familiales.

Nous mettons en place une grande politique d'aide au logement.

Nous avons augmenté les aides pour financer les crèches.

M. Jean-Luc Préel.

Pourquoi les associations familiales sont-elles contre le texte alors ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Avec la loi sur les 35 heures...

M. Jean-Luc Préel.

Vous voulez reparler des 35 heures ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

... nous permettons de mieux concilier la vie familiale et la vie professionnelle, en dégageant du temps pour être plus longtemps avec ses enfants si on le souhaite.

M. Marcel Rogemont.

Et toc !

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Nous avons mis en place des réseaux d'équipes d'appui et d'accompagnement des parents.

Nous avons mis en place la couverture maladie universelle, qui permet à toutes les familles de se soigner.

M. Marcel Rogemont Et toc !

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Nous avons mis en place les contrats éducatifs locaux, les tickets sport...

Je m'arrête là, car je ne veux pas être trop longue mais je pourrais continuer cette énumération. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le président, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président.

J'avais cru le comprendre depuis le début. (Sourires.)

La parole est à Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance, pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements de suppression.

M. Marcel Rogemont.

Il n'y a rien à ajouter.

M. le président.

Je n'osais pas le dire, monsieur Rogemont. (Sourires.)

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le débat porte sur l'utilisation des excédents de la branche famille. Il est vrai que vous n'avez pas pu avoir un tel débat avec votre majorité parlementaire puisque vous avez laissé un trou de 14,5 milliards de francs. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Jean-Luc Préel.

Vous aviez tout vidé !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Je m'étonne que M. Georges Sarre puisse converger avec l'opposition parlementaire parce qu'il est informé de ces sujets.

M. Jean-Luc Préel.

C'est un problème de fond !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Il devrait savoir que le plan pour les familles arrêté par la dernière conférence de la famille a décidé d'un effort supplémentaire de 10,5 milliards de francs pour les familles.

M. Georges Sarre.

Dans les faits, 6 milliards !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Nous proposons le transfert vers la branche famille d'un avantage vieillesse lié à la vie familiale, puisqu'il touche les parents qui ont élevé au moins trois enfants.

Le transfert se fera sur sept ans et de façon progressive.

C'est vrai qu'il a une incidence de 3 milliards de francs, mais s'il peut avoir lieu, c'est bien parce que la branche famille est en excédent. Avec ce transfert, nous protégeons en fait cet avantage famille lié à la vieillesse.

Désormais, les partenaires de la politique familiale pourront en débattre au conseil d'administration de la CNAF. Ils pourront préserver, voire aménager, le dispositif qui est, je le répète, un avantage familial différé dont le transfert sera progressif.

Mais, contrairement à ce que vous avez dit, monsieur Sarre, les transferts ne se font pas à sens unique. L'Etat reprend cette année à sa charge le FASTIF, pour 1,1 milliard de francs, l'Etat augmente le quotient familial, pour 1 milliard de francs, l'Etat reprend à sa charge la réforme de l'aide au logement, pour 3 milliards de francs en année pleine. Les transferts s'opèrent donc dans les deux sens. Nous clarifions les comptes et renforçons la protection des droits des familles.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 12, 183, 190, 196, 230, 255 et 351.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 16.

(L'article 16 est adopté.)

Article 17

M. le président.

« Art. 17. - Au chapitre II du titre III du livre V du code de la sécurité sociale, il est créé un article L. 532-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 532-4-1. - Par dérogation à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 532-1, l'allocation parentale d'éducation à taux plein peut être cumulée pendant une durée fixée par décret avec un revenu professionnel en cas de reprise d'activité du parent bénéficiaire alors qu'il a un enfant à charge remplissant des conditions d'âge fixées par décret.

« Lorsque le parent bénéficiaire a cumulé l'allocation parentale d'éducation à taux plein avec un revenu professionnel, le droit à l'allocation parentale d'éducation à taux plein ne peut être réouvert qu'en cas de changement de sa situation familiale. »

Je suis saisi de deux amendements, nos 189 et 161, pouvant être soumis à une discussion commune.


page précédente page 07587page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

L'amendement no 189, présenté par M. Gengenwin, Mme Isaac-Sibille et M. Jégou, est ainsi rédigé :

« I. Après les mots : "parent bénéficiaire", supprimer la fin du premier alinéa du texte proposé pour l'article L.

532-4-1 du code de la sécurité sociale.

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 161, présenté par Mmes Fraysse, Jacquaint, M. Gremetz et les membres du groupe communiste appartenant à la commission des affaires culturelles, est ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa de l'article 17 par les mots : "ou professionnelle". »

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l'amendement no 189.

M. Jean-Luc Préel.

Mon collègue Gengenwin propose de rétablir le droit à l'allocation parentale d'éducation pour les femmes qui travaillent à temps partiel dans des entreprises de plus de vingt salariés qui ne sont pas passées aux 35 heures. Ce droit leur a, semble-t-il, été supprimé par une circulaire ministérielle. Mais Mme la ministre va sans doute nous rassurer sur ce point...

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour soutenir l'amendement no 161.

Mme Muguette Jacquaint.

Si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais défendre dans le même temps l'amendement que nous avions déposé après l'article 17, et qui concerne l'utilisation des excédents engendrés par le dispositif du présent article, puisqu'ils participent d'un ensemble cohérent.

L'allocation parentale d'éducation a répondu à une attente forte : offrir la possibilité à un parent de rester auprès de son enfant pour en assurer la garde dans les premiers temps de sa vie. En effet, la famille joue un rôle essentiel dans le devenir des enfants dont elle a la responsabilité, dans leur éducation, dans leur accompagnement.

Elle est également un espace de solidarité, de construction d e repères et de valeurs futures de l'enfant pour comprendre et apprécier la vie. L'APE a permis à de nombreux parents de pouvoir s'engager dans ces devoirs.

Toutefois, le dispositif, bien qu'utile, s'est révélé incomplet. En effet, il conduit le parent qui en bénéficie dans la plupart des cas des femmes - à se retirer du marché du travail. A l'expérience, cette mesure se retourne donc contre lui en rendant plus difficile sa réinsertion professionnelle. Nous avons souvent souligné cette faiblesse.

L'article 17 tend à réparer cette lacune en favorisant le retour à l'emploi des bénéficiaires de l'APE par le cumule ntre l'allocation et un revenu d'activité pendant deux mois. Cette démarche tendant à créer des passerelles entre le marché du travail et l'APE est tout à fait appropriée, et nous nous en félicitons.

Néanmoins, le dispositif mériterait d'être complété par deux dispositions. C'est l'objet de l'amendement no 161 qui, conformément à l'esprit de l'article auquel il a trait, vise à conforter les parents dans leur situation. Il ne faut pas qu'ils hésitent à revenir vers une activité professionnelle lorsqu'ils en ont la possibilité de peur de perdre le bénéfice de leur allocation.

C'est pourquoi il convient, outre le cumul, d'ouvrir le droit au bénéfice de l'APE à taux plein lors d'un changement de situation familiale - après une naissance, par exemple - ou de vie professionnelle, notamment en cas de perte d'emploi.

La deuxième amélioration que nous vous soumettons tient à l'utilisation des excédents que le dispositif de l'article 17 va dégager. Comme le précise l'exposé des motifs, la mesure devrait permettre de réaliser une économie de 64 millions pour la branche famille dès la remière année, puis de 110 millions en année pleine. Avec ces excédents, il nous semble, madame la ministre, qu'il est possible de répondre mieux encore à la faiblesse de l'APE, à savoir l'aide au retour à l'emploi par des actions de formation.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 189 et 161 ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

L'amendement no 189 n'encouragerait pas la reprise de l'activité, mais il aurait plutôt tendance à prolonger la durée du congé.

S'agissant de l'amendement no 161, il nous semble qu'il n'y a pas lieu d'ouvrir la possibilité d'alternance de périodes de travail et de périodes de retour à l'APE, car cela reviendrait à détourner le dispositif.

Par contre, le retour à l'APE est préservé dans le cas de la naissance d'un nouvel enfant.

Du reste, je rappellerai rapidement que, lors de la conférence de la famille, une disposition a été prise pour permettre aux femmes de se réinsérer plus facilement dans la vie professionnelle, dans le cadre du programme

« nouveaux départs ». Cette mesure est effective depuis le début de 2000. On n'en parle peut-être pas assez, on pourra peut-être aller plus loin, mais c'est déjà un premier outil pour aider les femmes. Chacun sait, en effet, qu'il est souvent très dur de se réinsérer dans la vie professionnelle, à son ancien poste ou ailleurs, après trois ans d'arrêt.

L'avis de la commission est donc défavorable sur les amendements nos 189 et 161.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Le Gouvernement est défavorable à ces amendements, car il propose un dispositif simple qui prend en compte une réalité : en sortie d'APE, les femmes se retrouvent fréquemment au chômage. Nous leur offrons donc la possibilité de cumuler, pendant deux mois, l'allocation parentale et le salaire.

C'est une avancée considérable, qui encouragera les femmes à se réinsérer dans le monde du travail entre le dix-huitième et le trentième mois de l'enfant. En même temps, le dispositif doit rester simple et s'appuyer sur l'espoir que les femmes retrouvent durablement une activité. Je rappelle en effet que le taux de chômage des femmes en sortie d'APE est supérieur de 10 points à celui des autres salariés.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 189.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 161.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 17.

(L'article 17 est adopté.)


page précédente page 07588page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

Article 18

M. le président.

« Art. 18. - Il est créé, à compter du 1er janvier 2001, au sein du Fonds national d'action sanitaire et sociale de la Caisse nationale des allocations familiales, un fonds d'investissement pour les crèches.

« Ce fonds a pour objet d'apporter aux collectivités locales et aux associations gestionnaires des aides à la création d'équipements ou services d'accueil de la petite enfance.

« La recette de ce fonds est constituée par l'excédent de l'exercice 1999 de la branche famille, affecté à un compte de réserve spécifique à hauteur de 1,5 milliard de francs.

« Pour chaque exercice, les dépenses correspondantes sont inscrites et individualisées en dépenses exceptionnelles au sein du Fonds national d'action sanitaire et sociale de la Caisse nationale des allocations familiales.

« Ces dépenses sont équilibrées en fin d'exercice par une affectation des réserves à due concurrence.

« Ce fonds prend fin à la consommation complète des crédits inscrits au compte de réserve spécifique. »

Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Bien entendu, nous sommes favorables à ce qu'une aide soit apportée aux collectivités locales pour améliorer l'accueil de la petite enfance, mais à condition que celui-ci soit diversifié, pour offrir plusieurs possibilités aux familles.

Il est prévu, dans cet article, que l'excédent de la branche famille sera affecté à un fonds d'investissement.

Deux problèmes se posent.

D'abord, et il en a été question à plusieurs reprises, il convient d'apporter une aide au fonctionnement des crèches, très onéreux pour les colletivités locales.

Mais surtout, nous reprochons à cet article de créer un fonds spécifique. Dans la mesure où les crèches font l'objet d'une ligne budgétaire, dès lors qu'il y a un excédent, pourquoi ne pas charger le fonds national d'action sanitaire et social de la caisse de l'attribuer en fonction des demandes des collectivités, selon des critères bien définis ? En outre, je l'ai dit, ce fonds sera mort-né, puisque sa durée de vie sera limitée à un an. Pourquoi créer un fonds d'une durée de vie d'un an pour accueillir seulement 1,5 milliard ? Il suffirait de décider que la CAF consacrera 1,5 milliard à l'aide à l'investissement pour l'accueil de la petite enfance. Ce serait beaucoup plus simple.

M. Jean-Pierre Foucher.

Beaucoup trop simple !

M. Jean-Luc Préel.

Mais, vous avez la manie de créer régulièrement des fonds dont le fonctionnement n'est pas toujours très précis. Pour mémoire, j'évoquerai le fonds de l'assurance veuvage, cher à Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance vieillesse.

Absolument !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Ce n'est pas la même chose !

M. Jean-Luc Préel.

Il est abondé par une cotisation spécifique de 0,10 % sur tous les salaires, et, théoriquement, il est excédentaire. Or, en réalité, ce fonds n'existe même pas, car son montant est perdu dans la masse globale. A l'instar du fonds veuvage, allez-vous créer un fonds virtuel mort-né pour les crèches, totalement inutile et d'une complexité absolue ?

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Baeumler.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, l'une des conditions essentielles d'une bonne articulation entre vie familiale et vie professionnelle réside incontestablement dans la qualité et la diversité des modes d'accueil et de garde des enfants.

Aujourd'hui, trop souvent, en pratique, seules les familles aisées bénéficient du libre choix du mode de garde. Nous savons tous que l'offre d'équipements d'accueil destinés aux enfants est insuffisante, situation d'autant plus préoccupante que le recours à une assistante maternelle agréée s'avère souvent trop coûteux pour les ménages modestes.

C'est à ce double constat que le Gouvernement entend remédier en améliorant l'aide versée aux familles pour l'emploi d'une assistante maternelle - c'est l'objet de l'article 14 - mais également en créant un fonds d'investissement pour les crèches, crédité de 1,5 milliard de francs.

Il s'agit d'un effort particulièrement important qui devra permettre la création de plusieurs dizaines de milliers de places supplémentaires dans les crèches et haltesgarderies, mais également d'améliorer la qualité du service rendu aux familles, en tenant notamment compte de la diversification des besoins.

Le décret du 1er août 2000 participe également de cette préoccupation. En effet, les établissements et services d'accueil de la petite enfance étaient régis par des textes trop anciens, inadaptés à l'évolution de la société et des besoins des familles. Les nouvelles dispositions réglementaires fixent un cadre juridique rénové dans le sens d'une plus grande souplesse, notamment à travers l'élargissement des horaires d'ouverture, l'amélioration des capacités d'accueil, ainsi que la valorisation de la place des parents au sein de ces établissements.

Le fonds d'investissement relève de cette ambition et d evrait permettre, à terme, l'accueil de 30 000 à 40 000 enfants supplémentaires en crèche ou haltegarderie. Toutefois, pour que cet objectif puisse être atteint, la mobilisation de l'ensemble des partenaires, et tout particulièrement des élus locaux, est indispensable.

D ans cette perspective, permettez-moi de formuler quleques remarques.

Dans son allocation prononcée devant la conférence de la famille, en juin dernier, M. le Premier ministre a souhaité que « les communes utilisent pleinement ces nouveaux moyens pour développer les équipements et services d'accueil de la petite enfance, notamment par l'ouverture de structures innovantes "multi-accueil" et la création de passerelles entre les crèches et l'école pour les enfants de deux à trois ans ».

Certes, les communes peuvent s'appuyer sur un cadre juridique rénové permettant tout à la fois de donner plus de souplesse aux structures et de réduire les frais de fonctionnement. Je l'ai évoqué précédemment. Le nouveau régime des prestations de service de la caisse nationale d'allocations familiales leur apporte une participation plus adaptée aux capacités financières des parents.

Reste qu'en dépit de ces avancées réelles, un certain nombre de communes n'auront pas la capacité de mobiliser, sur leur budget, les fonds nécessaires au développement de telles structures, alors même que les besoins existent.

Il me semble donc nécessaire de favoriser l'émergence de projets intercommunaux, notamment à l'échelle des communautés de communes ou d'agglomération - dans


page précédente page 07589page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

certains cas, le pays sera le périmètre pertinent pour la conduite d'études nécessaires à la définition de politiques globales. J'en suis d'autant plus persuadé que la politique en faveur de la petite enfance est un élément essentiel de toute politique de développement local.

Bien entendu, elle ne saurait se limiter aux seules crèches ou haltes-garderies. Elle doit trouver sa place dans une politique d'ensemble intégrant également les offres de garde individuelle, la création de passerelles entre les crèches et l'école, l'offre d'activités périscolaires ou encore les objectifs poursuivis dans le cadre des contrats locaux d'éducation.

L'ensemble des mesures prises pour que 70 000 enfants supplémentaires - et notamment ceux issus des foyers les plus modestes - puissent être accueillis dans de bonnes conditions, de façon collective ou individuelle, répond incontestablement à cet impératif. Il s'inscrit dans le cadre de la rénovation de la politique familiale engagée depuis 1997 et poursuivie avec conviction par le Gouvernement, notamment par le ministère délégué à la famille et à l'enfance, politique qui correspond à des exigences de solidarité, de justice sociale, mais également d'égalité entre les hommes et les femmes, valeurs auxquelles nous sommes attachés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, j'en conviens, cette mesure phare répond a un réel besoin des familles confrontées quotidiennement aux difficultés concernant la garde d'enfants.

La volonté de créer des places supplémentaires est donc la bienvenue, notamment pour les communes défavorisées, sur tout le territoire national, qui n'ont pas les ressources suffisantes pour assumer la construction de nouveaux équipements.

Néanmoins, si les conditions de prise en compte des nouvelles réalisations par ce fonds sont trop contraignantes, notamment du point de vue de l'innovation, son utilisation sera peut-être délicate.

En outre, le problème de la prise en compte du fonctionnement est préoccupant. Celui-ci représente une charge permanente très lourde pour les communes.

Certes, l'intervention des caisses d'allocations familiales, dans le cadre des contrats petite enfance, est appréciée, mais le Gouvernement entend-il aller plus loin, notamment dans le cadre de la politique de la ville, pour mieux aider les communes les plus défavorisées ? Les communes sont aussi confrontées aux difficultés de recrutement des assistantes maternelles, dans les crèches familiales par exemple, alors que la demande est croissante. Comment y remédier, alors que les modes de garde privée offrent plus de liberté et sont souvent soumis à des charges moins élevées ? De plus, comme l'a souligné notre collège Baeumler,...

M. Denis Jacquat, rapporteur.

C'est le pôle alsacien !

M. Yves Bur.

... il serait intéressant de mieux cerner les critères d'innovation caractérisant les nouvelles réalisations. De ce point de vue, on pourrait valoriser des démarches intercommunales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Vous êtes d'accord avec M. Baeumler, alors ?

M. Yves Bur.

Au nom d'une approche territoriale, monsieur le président de la commission. (Sourires.)

M. Denis Jacquat, rapporteur.

L'Alsace du Nord et l'Alsace du Sud !

M. Jean-Pierre Baeumler.

Vive la solidarité alsacienne !

M. Yves Bur.

Enfin, madame la ministre déléguée, j'attire votre attention sur les difficultés que nous continuons de rencontrer à cause de la réglementation. Même si elle a évolué, même si elle vise à offrir une prise en charge de qualité, elle est parfois incompatible, par sa rigidité, avec la complexité des situations individuelles, qui peuvent nécessiter la prise en charge ou l'accueil d'enfants dans l'urgence. Quand une mère retrouve du travail ou est admise en formation, quand ses horaires sont décalés - travail de nuit, très tôt le matin ou très tard le soir, voire le week-end -, ce qui est malheureusement de plus en plus souvent le cas, nous avons le devoir de mieux accueillir ses enfants. Les frais liés à cet accueil sont très lourds à supporter pour les communes, nous en sommes unanimement conscients, et l'intervention des caisses d'allocations familiales en la matière devrait être mieux adaptée.

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Mon intervention sera très courte, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, car je suis déjà intervenue sur la garde du jeune enfant à l'article 14.

La création de ce fonds, abondé à hauteur de 1,5 milliard de francs pour l'ouverture d'équipements ou de services d'accueil du jeune enfant, répond aux demandes nombreuses que les parents formulent, en particulier s'agissant des crèches.

S ans vouloir être provocatrice à l'égard de nos collègues de l'opposition, je dois bien dire que, lorsqu'ils étaient au pouvoir, les annonces de création de places en crèches, de construction d'établissements - on a parlé de 300, voire de 400 ouvertures - n'ont jamais été suivies d'effets. C'était devenu l'Arlésienne.

Aujourd'hui, l'effort financier réalisé va aider les collectivités territoriales et les associations à ouvrir des places en crèche et à répondre aux besoins des parents. Ce sera un point d'appui primordial.

Toutefois, je le répète, une fois le financement de départ assuré, le fonctionnement de ces structures reste toujours problématique. Le prix de revient d'une journée de crèche est très élevé et - pardonnez-moi de revenir sur ce point - je n'ai pas obtenu de réponse claire à la question que j'ai posée tout à l'heure : dans quelle mesure la CAF veut-elle accomplir un effort supplémentaire pour couvrir les frais de fonctionnement des crèches collectives et autres centres d'accueil ?

M. le président.

MM. Préel, Foucher, Bur, Blessig et Barrot ont présenté un amendement, no 277, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 18 :

« L'excédent de l'exercice 1999 de la branche famille à hauteur de 1,5 milliard de francs est affecté au fonds national d'action sanitaire et sociale de la caisse nationale d'allocations familiales pour financer les mesures en faveur des crèches. »

La parole est à M. Jean-Pierre Foucher.

M. Jean-Pierre Foucher.

Dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, on prévoit de créer beaucoup de fonds et beaucoup de « tuyauteries », comme dirait notre collègue Accoyer.

Le but de cet amendement est justement de choisir entre le fonds et la tuyauterie. En l'occurrence, nous sommes favorables à la tuyauterie, mais pas au fonds, car


page précédente page 07590page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

il faut simplifier un peu le dispositif. Vouloir débloquer 1,5 milliard de francs en faveur des crèches, c'est très bien, mais il serait préférable d'affecter cette somme au fonds national d'action sanitaire et sociale de la caisse nationale d'allocations familiales, en la destinant au financement des mesures en faveur des crèches. Ce serait beaucoup plus simple et beaucoup plus efficace.

Mme Muguette Jacquaint.

Cela ne ressemble à rien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Ce fonds est nécessaire, ne serait-ce que pour affecter l'excédent de 1999 au financement d'investissements. En outre, il ne crée pas de complexité excessive, puisqu'il sera géré directement par le FNASS.

Surtout, il permet d'adresser un signal et de mobiliser les collectivités locales pour développer l'accueil de la petite enfance, sans lequel rien n'est possible, mais qui n'est pas assuré de manière régulière, dans toutes les zones, urbaines ou rurales.

L'avis de la commission est donc défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Le Gouvernement, bien évidemment, est tout à fait défavorable à l'amendement no 277. Et puisque nous en arrivons au terme de la discussion des articles relatifs à la branche famille, je dirai à l'Assemblée qu'il s'agit d'une mesure phare.

Je tiens à ce fonds, parce qu'en préparant la conférence de la famille, en juin, j'ai observé que le nombre de créations de places en crèche était passé en dessous de 2 000 par an.

Mme Muguette Jacquaint.

Tout à fait !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Je me suis donc interrogée sur cette grande difficulté que rencontrent les parents, en général, et les femmes, en particulier, et sur le grand écart, d'une part, entre les discours sur la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, et, d'autre part, la réalité sur le terrain.

Les excédents de la branche famille seront donc réinvestis dans ce fonds : 1,5 milliard, cela permettra d'ouvrir les portes des structures d'accueil à 40 000 enfants supplémentaires.

Pour aller vite et pour répondre à l'interrogation de Mme Jacquaint concernant le fonctionnement des établissements, j'ajoute que la création du fonds d'investissement pour les crèches n'est pas une mesure isolée. Le f onds national d'action sociale, compétent pour le fonctionnement, se voit créditer, à cet effet, de 1,7 milliard de francs supplémentaires. En outre, au 1er janvier, les prestations de service versées par les caisses d'allocation familiale aux crèches ont été revalorisées. Au total, la participation de la caisse d'allocations familiales, en investissement, sera au minimum de 40 000 francs par place créée ou aménagée - car j'encourage plutôt l'aménagement de locaux existants -, et, dès lors qu'il s'agira d'une structure en multi-accueil, donc innovante, avec des horaires aménagés, en regroupement intercommunal, l'aide pourra atteindre 70 000 francs par place. En outre, quand un « contrat enfance » aura été signé, le fonctionnement pourra être financé à hauteur de 55 %. C'est donc un effort considérable qui est engagé aujourd'hui. Il est important qu'il y ait un fonds, car cela motivera les communes et les associations. Il faut en effet que vous disiez dans vos circonscriptions qu'il y aura engagement de ce fonds jusqu'à épuisement des crédits.

On ne peut plus durablement, dans ce pays, tenir un discours théorique sur le soutien aux femmes pour la garde des enfants alors que la réalité est aussi problématique.

Les moyens de mettre en place ces structures existent aujourd'hui. J'ai parallèlement assoupli le mode de fonctionnement des crèches grâce à un décret qui permet de desserrer les contraintes sur les collectivités territoriales. Je l'ai fait parce que je suis aussi une élue locale qui connaît les contraintes pesant sur ces dernières. Il faut donc saisir à bras-le-corps cette nouvelle opportunité. Les femmes l'attendent. Avec la croissance économique, elles retrouvent du travail et sont confrontées aux difficultés de garde. J'ajoute que, pour les enfants de deux à trois ans, l'aide pourra aller jusqu'à 70 000 francs. Il faut en effet que ces enfants qui n'ont pas de place en maternelle puissent trouver une structure collective d'accueil de qualité.

Enfin, j'ai le plaisir de vous offrir aujourd'hui, mesdames, messieurs les députés, le guide pratique que je vous avais promis et qui vient d'être imprimé.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

J'espère qu'il est dédicacé !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Vous pourrez vous en servir pour inciter les collectivités locales à s'engager dans cette action.

Puisque je n'aurai sans doute plus l'occasion d'intervenir dans ce débat, j'en profite pour vous remercier d'avoir voté des mesures dont profiteront toutes les familles.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 277.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements, no 236, 74 rectifié et 321, pouvant être soumis.

L'amendement no 236, présenté par Mme Isaac-Sibille à une discussion commune ainsi rédigé :

« A la fin du premier alinéa de l'article 18 supprimer les mots : "pour les crèches". »

L'amendement no 74 rectifié, présenté par Mme Clergeau, rapporteure, M. Bur et M. Foucher, est ainsi rédigé :

« I. A la fin du premier alinéa de l'article 18, substituer aux mots : "les crèches", les mots : "le développement des structures d'accueil de la petite enfance". »

« II. En conséquence, compléter le deuxième alinéa du même article par les mots : ", notamment pour la création de crèches innovantes et de structures multi-accueil". »

L'amendement no 321, présenté par M. Bur et M. Blessig, est ainsi rédigé :

« A la fin du premier alinéa de l'article 18, substituer aux mots : "les crèches", les mots : "le dével oppement des structures d'accueil des jeunes enfants". »

La parole est à M. Yves Bur, pour soutenir l'amendement no 236.

M. Yves Bur.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Défavorable.


page précédente page 07591page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 236.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 236.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no 74 rectifié.

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Cet a mendement a été rectifié pour tenir compte des remarques qui ont été émises en commission. Je propose d'ailleurs d'y associer M. Bur et Mme Isaac-Sibille, s'ils sont d'accord.

Il s'agit de simplifier l'appellation du fonds et de préciser ses missions, en insistant sur le soutien aux structures innovantes qui bénéficieront d'une aide financière majorée.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 74 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 321 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 18, modifié par l'amendement no 74 rectifié.

(L'article 18, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 18

M. le président.

L'amendement no 26, visant à introduire un article additionnel après l'article 18 n'est pas soutenu.

Avant l'article 19

M. le président.

Je donne lecture de l'intitulé de la section 2 du titre III : Section 2 Branche vieillesse Revalorisation des pensions Le Gouvernement a présenté un amendement, no 383, ainsi rédigé :

« Dans l'intitulé de la section 2, supprimer les mots : "Revalorisation des pensions". »

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Amendement rédactionnel.

M. le président.

La parole est à M. Denis Jacquat, le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance vieillesse, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 383.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance vieillesse.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 383.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Gremetz, Mmes Jacquaint, Fraysse et les membres du groupe communiste appartenant à la commission des affaires culturelles ont présenté un amendement, no 150, ainsi rédigé :

« Avant l'article 19, insérer l'article suivant :

« La loi no 97-277 du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite est abrogée. »

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

La célèbre loi du 25 mars 1997 n'a jamais été appliquée, mais elle existe toujours. C'est donc une loi virtuelle.En commission, nous avons encore eu un débat sur le bien-fondé d'abroger la loi Thomas.

De quoi s'agit-il ? D'une loi que nous avons vigoureusement combattue - nous dans l'opposition à l'époque dans l'opposition - et que nous nous sommes engagés à l'abroger. Lors d'une longue séance de nuit consacrée au projet de loi de financement de la sécurité sociale, alors que nous exprimions nos craintes s'agissant du fonds de réserve auquel les syndicats étaient opposés, le Gouvernement nous avait expliqué qu'il ne s'agissait en aucun cas d'aller vers des fonds de pension. Pour en avoir la certitude et pour mettre un terme à toute ambiguïté, je lui avais alors proposé de faire un geste politique en abrogeant la loi Thomas qui, de toute façon, n'était pas appliquée puisque les décrets n'avaient pas été publiés. Il y a de cela maintenant deux ans.

J'ai à nouveau évoqué la question en commission avec mon ami Cahuzac, car je vous rappelle ce que m'avait répondu Mme Aubry le 27 octobre 1999 - je me reporte encore une fois à mon bréviaire : « L'année dernière, à la demande de Maxime Gremetz et du groupe communiste, le Gouvernement avait accepté le principe de l'abrogation de la loi Thomas, assurant que ce texte serait abrogé dès qu'un support législatif le permettrait. Je ne peux que vous confirmer la volonté du Gouvernement, puisque la loi portant diverses dispositions d'ordre social inscrite au programme du Parlement au printemps prochain devrait comporter l'abrogation de la loi Thomas.

Tout en partageant vos objectifs, je vous demande, monsieur Gremetz, de bien vouloir, comme vous l'avez proposé, retirer votre amendement. »

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais oui !

M. Maxime Gremetz.

Demain sera un autre jour, monsieur Le Garrec !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ça c'est sûr ! Il y a aussi des lendemains qui chantent !

M. Maxime Gremetz.

Il n'y a pas lieu d'engager un débat sur le fond ; puisque nous sommes d'accord.

J'avais alors retiré mon amendement compte tenu de l'engagement du Gouvernement et je voudrais maintenant savoir quel sera le support législatif pour l'abrogation de cette loi Thomas. On va sans doute me répondre que la loi de financement de la sécurité sociale n'est pas le cadre adapté et qu'une telle disposition serait plus à sa place dans le projet de loi de modernisation sociale que nous examinerons au mois de janvier prochain. Et l'on me demandera, encore une fois, de retirer mon amendement. Mais à force de ne pas voir venir le support législatif, on finit par se demander si ce n'est pas l'Arlésienne ! Moi, je ne suis ni du Nord ni du Pas-de-Calais, je suis de Picardie et en Picardie on ne croit que ce que l'on voit !


page précédente page 07592page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Puisque Maxime Gremetz nous a parlé de bréviaire et qu'il m'a semblé imprégné d'une certaine chrétienté, je vous propose de relire la page 6 de mon rapport.

M. Marcel Rogemont.

Excellent rapport !

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Je vous remercie, monsieur Rogemont ! J'indique en effet que la loi Thomas a été « rejetée dans les limbes avant même d'avoir reçu le baptême sous l'espèce de la publication des décrets d'application. » A ce

jour, c'est une loi virtuelle. Son abrogation doit figurer dans le projet de loi de modernisation sociale, dont l'examen a été repoussé au mois de janvier prochain. En tant que rapporteur j'ai proposé à la commission, qui l'a accepté, de repousser l'amendement de Maxime Gremetz dans la mesure où, de toute façon, la loi qu'il vise à abroger est virtuelle et où nous en discuterons en temps voulu.

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Il est clair que la commission, pour des raisons de forme uniquement, de procédure législative, et non de fond, n'a pas retenu cet amendement. M. Gremetz sait très bien que la loi Thomas est une loi virtuelle, dont l'abrogation est inscrite dans le texte de modernisation sociale que nous examinerons en janvier. Cela dit, je déteste voir M. Gremetz inquiet (Sourires) ...

M. Maxime Gremetz.

J'en ai vu d'autres, vous savez !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... et, pour le rassurer, je suis prêt à dire, en tant que président de la commission, que nous voterons l'abrogation de la loi Thomas quand la question nous sera posée.

M. Maxime Gremetz.

Merci, monsieur le président, vous me rassurez ! Je vais passer une nuit merveilleuse !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Une loi virtuelle, je ne sais pas ce que c'est ! Une loi, c'est une l oi. Les décrets d'application ont malheureusement souvent du retard. Il faut s'employer avec acharnement à faire en sorte qu'ils sortent à l'heure. La loi Thomas a été votée par le Parlement et le Gouvernement a pris l'engagement de l'abroger. La question qui se pose est celle du support juridique. Le Gouvernement vous avait dit que ce serait la loi de modernisation sociale. Il se trouve qu'elle a pris un peu de retard. Le Gouvernement a pris un engagement politique réel - on ne peut pas le nier -, qui a d'ailleurs été approuvé par le président de la commission, mais dont l'effet juridique est différé. Eh bien ! moi, je vous dis ce soir que vous aurez un effet juridique immédiat puisque nous allons inscrire l'abrogation de la loi Thomas dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Maxime Gremetz.

Bravo ! La commission a eu tort !

M. le président.

La parole est à M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général.

J'ai soutenu M. Gremetz en commission sur ce point précis, car je pense que l'abrogation de la loi Thomas a sa place dans la loi de financement de la sécurité sociale dans la mesure où elle entraînera potentiellement des non-dépenses pour la protection sociale.

C'était pour aller plus vite que nous avions prévu de l'inscrire dans la loi de modernisation sociale, car celle-ci devait être adoptée avant la fin juin 2000. Comme cela n'a pu être le cas, nous avons aujourd'hui l'opportunité de procéder à cette abrogation, comme nous le propose Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Je serai bref, car je ne voudrais surtout pas rendre de mauvaise humeur le président de la commission des affaires sociales. Nous tenons tous trop à son expérience et à sa présence.

Il y a deux ans, la commission des finances avait adopté un amendement comparable à mon initiative et la question juridique n'est pas définitivement tranchée. Pour ma part, je pense, comme Alfred Recours, que cet amendement a sa place dans le cadre d'une loi de financement de la sécurité sociale dans la mesure où la loi Thomas prévoit explicitement que les cotisations versées par les salariés dans le cadre de cette épargne sont déductibles de l'assiette des cotisations sociales.

M. le président.

Vous me promettez, messieurs les rapporteurs, que vous n'interviendrez pas tous sur chaque amendement... (Sourires.)

M. Alfred Recours, rapporteur.

Il n'y a pas une loi Thomas à chaque article, monsieur le président !

M. le président.

C'est vrai ! C'est pourquoi je vous ai donné la parole bien volontiers !

M. Maxime Gremetz.

C'était un sujet important !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 150.

(L'amendement est adopté.)

M. Marcel Rogemont.

La révolution est en marche ! Article 19

M. le président.

« Art. 19. - L'article L. 351-11 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Art. L. 351-11. - Au titre de l'année 2001, le coefficient de revalorisation applicable au 1er janvier aux pensions de vieillesse déjà liquidées ainsi qu'aux cotisations et salaires servant de base à leur calcul est de 1,022. »

L a parole est à M. Jean-Luc Préel, inscrit sur l'article 119.

M. Jean-Luc Préel.

Nous voilà à l'article dit de revalorisation des retraites. Vous nous parlez de coup de pouce mais, comme le rappellent les retraités et l'excellent rapporteur Denis Jacquat, avec cette revalorisation de 2,2 % où est loin du compte ! D'autant qu'il semble bien, hélas ! que nous assistions à un redémarrage de l'inflation. Pour cette loi de financement de la sécurité sociale ; vous avez misé sur une infla-


page précédente page 07593page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

tion de 1,2 %, madame la ministre, mais les chiffres publiés au mois d'août montrent qu'elle a déjà été de 2,2 % sur un an. Vous ne donnez donc aucun coup de pouce aux pensions, bien au contraire. Mais puisque vous nous avez dit hier que les dépenses d'assurance maladie évoluaient en fonction du PIB, peut-être allez-vous nous proposer d'indexer les retraites sur le PIB. Une augmentation de 3,9 % serait autrement intéressante.

Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais aborder la question des retraites, cela m'évitera d'intervenir sur l'article 20. Les données démographiques sont connues de tous. Le rapport Charpin les a confirmées.

Nous sommes très attachés à la retraite par répartition.

Si, grâce aux mesures courageuses qui ont été prises par Edouard Balladur et Simone Veil, le régime général est à peu près équilibré, les régimes spéciaux vont se heurter au problème majeur du papy boom à partir de 2005, autant dire demain. A législation constante, il nous manquera, en 2015, 350 milliards de francs par an.

Or, nous ne décidez rien, sinon la mise en place d'un observatoire des retraites, comme si les données n'étaient pas connues. A quoi servira cet observatoire s'il ne concerne pas tous les régimes ? Il est urgent d'entreprendre des réformes de fond structurelles. Sera-t-il au moins compétent pour les pensions des fonctionnaires d'Etat ? En effet, ces fonctionnaires d'Etat n'ont pas de caisse et il me paraîtrait souhaitable de se préoccuper de l'avenir de leurs pensions. Nous souhaitons conforter la retraite par répartition en accroissant l'autonomie de la branche vieillesse du régime général. Pour accroître cette autonomie, le plus simple, dans le cadre du paritarisme, serait de confier au conseil d'administration du régime général la possibilité de définir les prestations en fonction des cotisations. Les partenaires sociaux, aujourd'hui, savent être responsables. Ils le montrent, notamment, dans la gestion des régimes complémentaires et Nicole Notat, que j'ai entendue il y a quelques jours, serait favorable à un accroissement de l'autonomie du régime de retraite général.

Nous demandons, dans un esprit de transparence, la création d'une caisse de retraite des fonctionnaires de l'Etat qui pourrait être gérée paritairement par l'Etat et les représentants du personnel. Nous réclamons, dans un esprit de justice, l'harmonisation progressive des règles appliquées dans les divers régimes. Nous insistons pour la mise en place effective d'un troisième étage, celui de l'épargne retraite.

M. Gremetz, vous venez d'obtenir l'abrogation d'une loi qui, malheureusement, ne fonctionnait pas.

M. Maxime Gremetz.

Nous vous avons enlevé une illusion !

M. Jean-Luc Préel.

Mais avez-vous demandé l'abrogation de la PREFON ? Soyez logique ! Je ne vous ai jamais entendu à ce propos. Or qu'est-ce que la PREFON, sinon une épargne retraite pour les fonctionnaires ? (Exclamations sur les bancs du groupe communiste.)

M. Marcel Rogemont.

Ce n'est pas virtuel !

M. Jean-Luc Préel.

Alors, ou vous êtes pour l'épargne retraite et, à ce moment, vous l'étendez ; ou vous êtes contre et, à ce moment-là, vous demandez l'abrogation de la PREFON. C'est une question de principe.

Enfin, vous savez très bien qu'aujourd'hui l'assurancevie joue un rôle majeur et qu'elle est l'équivalent d'une épargne-retraite. Elle sert de complément de troisième étage pour de très nombreux Français et représente environ 4 000 milliards. Il ne faut donc pas diaboliser le complément retraite.

Je n'ai rien vu concernant les conjoints survivants, dont les demandes sont pourtant bien connues et justes.

Il conviendrait notamment de revoir les règles concernant l'assurance-veuvage, le cumul droits propres et pensions de reversion, et le problème des polypensionnés.

Monsieur le président, je me suis exprimé en même temps sur l'article 20. Et sans doute avons-nous gagné beaucoup de temps. (Sourires.)

M. le président.

Je ne sais pas, monsieur Préel, puisque vous n'étiez pas inscrit sur l'article 20.

(Rires.) Mais vous avez toujours la possibilité de le faire...

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Je souhaiterais, avec mes amis du groupe communiste, dire quelques mots sur les conditions de ce débat.

Depuis l'examen des articles de la branche famille, toutes les propositions que nous avons pu faire se sont heurtées au fameux article 40, dévastateur pour les droits des parlementaires. Je suis conscient que nous n'allons pas régler le problème maintenant. Toutefois, comment voulez-vous avoir un débat serein et constructif sur une loi de financement si toutes les propositions d'ordre budgétaire ne peuvent être débattues ? On ferait mieux d'aller se coucher...

Cela pose un véritable problème de cohérence, de respect du Parlement et de démocratie. Chers collègues, il faut remédier au plus vite à cette situation pour que, dans l'avenir, toutes les suggestions puissent être examinées. Mais je compte bien sur le président de l'Assemblée, qui parle beaucoup - et il a raison - de la revalorisation du rôle du Parlement.

C e problème rejoint notre préoccupation actuelle puisque l'article 19 précise les modalités de revalorisation des pensions de retraite au 1er janvier 2001.

Cet article répond, en partie, à la question suivante : comment faire participer les retraités aux fruits de la croissance ? En donnant « un coup de pouce » aux pensions de retraite ou, plutôt, en donnant une petite partie de ce que les retraités sont en droit d'attendre, compte tenu du retard qu'a pris leur pouvoir d'achat, et en exonérant les retraités non imposables de la contribution au remboursement de la dette sociale, le Gouvernement a montré qu'il a - un petit peu - entendu les revendications fortes qui se sont exprimées et que les parlementaires communistes ont relayées.

Mais le compte n'y est pas, malgré 2,2 % sur les pensions et 0,5 % pour les retraités non imposables, du fait de leur exonération de la CRDS, car la CSG et la CRDS ont amputé très sérieusement le pouvoir d'achat des 12 millions de retraités qui ont pourtant participé, à la construction et à la richesse de notre pays.

Reste un engagement à tenir : l'indexation des pensions sur les salaires et non pas sur l'inflation. En fait, les retraités sont des salariés qui ont cessé leur activité. Ils ont payé des cotisations sur leurs salaires. Dès lors, pourquoi indexer leurs pensions sur les prix ? Il ne s'agit pas de faire de la surenchère ou d'être maximaliste ; il s'agit simplement d'entendre les retraités qui sont unanimement attachés à une telle mesure, qui participe de notre volonté d'associer justice sociale et efficacité économique.

Dans l'attente de la voir enfin réalisée, nous avions proposé de revaloriser les pensions de 3 %, au lieu de 2,2 %. Cela correspondrait exactement à l'évolution du salaire moyen par tête, selon l'hypothèse retenue par la commission des comptes de la sécurité sociale.


page précédente page 07594page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

Certes, cet amendement a été refusé au titre de l'article 40, mais notre proposition d'augmenter le taux de la CSB après l'article 10 permettrait de le financer.

Sans compter que le Gouvernement, s'il en a la volonté, peut parfaitement lever le gage.

Un tel choix politique apporterait une bouffée d'oxygène aux retraités qui, après des années de travail, ont le droit de vivre décemment. Beaucoup n'ont que de petites retraites, aussi bien en ville qu'en milieu rural. Bien souvent, si leurs enfants ou petits-enfants rencontrent des difficultés, c'est encore eux qui leur viennent en aide. On parle beaucoup de mutation et de révolution. En l'occurrence, si auparavant les enfants aidaient leurs parents, aujourd'hui c'est le contraire.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Eh oui !

M. Maxime Gremetz.

Je ne saurais oublier les veufs et les veuves, qui sont mal considérés dans notre pays. Il convient de répondre à leurs espoirs et d'améliorer leur condition, par exemple en étendant l'assurance veuvage au conjoint survivant, en revalorisant les pensions de réversion et en prenant en compte la situation des veuves sans enfant.

Enfin, nous appelons de nos voeux une rapide réforme de la PSD, dont on parle beaucoup - un peu comme l'abrogation de la loi Thomas...

Le Gouvernement a toute latitude pour répondre à ces aspirations.

M. le président.

L'amendement no 336 n'est pas défendu.

Je mets aux voix l'article 19.

(L'article 19 est adopté.)

Après l'article 19

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 375, ainsi rédigé :

« Après l'article 19, insérer l'article suivant :

« I. Au premier alinéa de l'article L. 356-1 du code de la sécurité sociale, les mots "et de nombre d'enfants à charge ou élevés" sont supprimés.

« II. Au cinquième alinéa du même article, les mots "de nombre d'enfants" sont supprimés. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cet amendement est à nos yeux important, puisqu'il vise à améliorer l'effort qui est fait en faveur des veufs et des veuves.

L'allocation veuvage est destinée à aider les veufs et les veuves de moins de cinquante-cinq ans à se réinsérer dans la vie professionnelle. Cette allocation n'est pour l'instant ouverte qu'aux veufs et veuves ayant élevé au moins un enfant. Pour répondre à la plus grande diversité de situation en cas de veuvage, il est proposé d'en étendre le bénéfice aux veufs et aux veuves sans enfant.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Cet amendement du Gouvernement avait été discuté en commission à l'initiative de Mme Clergeau. Mais M. Préel et moi-même, dans mon rapport sur l'assurance vieillesse il n'y a pas très longtemps à cette tribune, avions demandé que l'assurance veuvage puisse bénéficier aux veufs et aux veuves sans enfant. Il n'était pas logique que ces personnes, qui se retrouvent du jour au lendemain sans leur conjoint, ne puissent pas, parce qu'elles n'ont pas eu d'enfant, bénéficier de l'allocation veuvage, d'autant que l'on sait que, dans le cadre de l'assurance veuvage, il y a beaucoup d'argent - « une cagnotte ».

Je considère cet amendement comme une avancée très positive. Il n'a pas été examiné par la commission, mais, en tant que rapporteur, j'émets un avis favorable.

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

J'avais déposé en commission des affaires sociales un amendement qui visait à prendre en compte la situation des conjoints survivants sans enfant qui ne bénéficiaient pas jusqu'à ce jour de l'assurance veuvage. Cet amendement n'a pu être retenu pour cause d'irrecevabilité. Je vous remercie donc, madame la ministre, de le présenter aujourd'hui.

La reconnaissance sociale des personnes qui ont eu à subir le perte d'un époux ou d'une épouse constitue pour moi un terrain de réflexion et d'action depuis plusieurs années. Je voudrais saluer ici le travail réalisé par la FAVEC - la fédération des associations des veuves civiles - qui remplit un rôle social important auprès de ses adhérents et avec qui nous menons une concertation permanente et positive.

L'autre dossier qui me tient à coeur concerne les conjoints survivants bénéficiant d'avantages de réversion de plusieurs régimes. Ceux-ci se trouvent actuellement pénalisés par l'application de l'article D.

171-1 du code de la sécurité sociale. Ainsi, la perception d'une pension de réversion du régime agricole de 10 francs par mois peut avoir pour conséquence une diminution de la pen-s ion de réversion du régime général de près de 1 600 francs par mois ! Cette situation est réellement inacceptable. Le conjoint survivant bénéficiant d'avantages de réversion de plusieurs régimes ne doit être ni lésé ni avantagé par rapport à celui qui ne dépend que d'un seul régime. Je souhaite donc, madame la ministre, que cette proposition soit également reprise par le Gouvernement. Il s'agit bien d'impératifs de solidarité et d'équité auxquels nous nous devons de répondre dans les meilleurs délais.

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

J'apprécie un tel amendement.

Les associations qui se battent avec beaucoup de courage et d'abnégation depuis des années vont y trouver quelque réconfort et quelque satisfaction. Cela dit, j'aimerais savoir combien de personnes sont concernées.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Environ 500 !

M. Maxime Gremetz.

Merci.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je voudrais répondre à la question posée par Mme Clergeau à qui je veux rendre hommage parce qu'elle a beaucoup travaillé sur ces questions. Si j'ai pu, au nom du Gouvernement, donner aujourd'hui satisfaction à cette demande récurrente de l'Assemblée, c'est en grande partie grâce au travail qu'elle a mené et à l'insistance de M. Gremetz.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

... et du rapporteur !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Bien entendu. C'est un travail collectif, monsieur Jacquat, et vous avez raison de le rappeler.


page précédente page 07595page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

Madame Clergeau, vous avez soulevé le problème des pluriréversions, bien identifié maintenant. Il est exact que, pour une même pension totale du conjoint décédé, la pension de réversion totale peut être différente selon que le conjoint est affilié à un ou plusieurs régimes de retraite. Il est exact aussi que les petites pensions sont lésées. Vous avez beaucoup travaillé là-dessus. Le Gouvernement a lui-même travaillé avec la FAVEC et une nouvelle méthode de calcul a été élaborée en commun, qui permet d'assurer l'égalité de traitement entre les monopensionnés et les pluripensionnés. La CNAV a testé cette nouvelle méthode sur des cas réels.

Je pense qu'avec l'accord de la FAVEC le Gouvernement pourra, dans les meilleurs délais, faire paraître un décret instaurant la nouvelle méthode de calcul qui a été élaborée et testée.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure.

Je vous remercie, madame la ministre.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 375.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Article 20

M. le président.

« Art. 20. - I. - A la sous-section 4 de la section 1 du chapitre 1er du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 16117-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 161-17-1. - En vue d'améliorer la connaissance statistique sur les effectifs de retraités et les montants des retraites et de faciliter la coordination entre les régimes de retraite en matière de service des prestations, il est créé un répertoire national des retraites et des pensions. »

« A cette fin, les organismes gérant les régimes de retraite mentionnés au présent titre et au titre II du livre IX, les débiteurs d'avantages de vieillesse non contributifs ou d'avantages gérés au titre des articles L. 381-1 et L. 742-1 du présent code et les organismes gérant les régimes d'assurance invalidité communiquent à l'organisme chargé par décret de la gestion technique du répertoire, lors de la liquidation des avantages de retraite, les informations sur la nature et le montant des avantages servis, ainsi que les informations strictement nécessaires à l'identification des assurés et de leurs ayants droit, et à la détermination de leurs droits. »

« Le numéro d'identification au répertoire national d'identification des personnes physiques est utilisé dans les traitements et les échanges d'informations nécessaires à l'application de ces dispositions par les organismes débiteurs des avantages mentionnés au deuxième alinéa du présent article. »

« Le contenu et les modalités de gestion et d'utilisation de ce répertoire sont fixés par décret en Conseil d'Etat. »

« II. Les organismes cités à l'article L. 161-17-1 du code de la sécurité sociale transmettent à l'autorité compétente de l'Etat les données nécessaires à la constitution d'un échantillon statistique inter-régimes de cotisants, anonyme et représentatif, visant à élaborer un système d'informations sur les droits acquis à la retraite par les personnes d'âge actif. »

« Un décret fixe les conditions de la communication des données mentionnées au premier alinéa. »

MM. Mattei, Douste-Blazy, Debré et les membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République ont présenté un amendement, no 257, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 20. »

La parole est à M. Jean-Luc Préel, qui, me semble-t-il, s'est, par avance, exprimé sur l'article 20... (Sourires.)

M. Jean-Luc Préel.

Certes, monsieur le président, mais Mme la ministre n'a pas répondu aux questions que j'avais posées.

S'agissant de l'avenir des retraites, un des problèmes qui se pose est celui du choc démographique lié au

« papy boom ». Tous les retraités de 2040 sont déjà nés.

Les projections démographiques ont été faites et le rapport Charpin était extrêmement clair à ce propos.

Créer un répertoire peut être intéressant. Il existe déjà un observatoire. Encore une fois, madame la ministre, est-ce que les fonctionnaires d'Etat seront inclus dans cette étude des différents modes de pensions et retraites ?

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez tout à fait raison, monsieur Préel, je n'ai pas répondu à toutes les questions qui m'ont été posées. Je vais le faire maintenant.

D'abord, le répertoire concernera l'ensemble des retraites - c'est d'ailleurs son intérêt - afin que nous puissions avoir une vue globale.

Ensuite, comme vous l'avez souligné, la revalorisation des pensions a été basée sur une inflation de 1,2 %. Vous avez remarqué que cette inflation a été un peu supérieure au mois de septembre ; elle était due, pour l'essentiel, à la hausse des prix du carburant. Mais cela n'a pas modifié notre prévision d'inflation pour l'année. Par conséquent, il y a bien toujours un coup de pouce, et il est important.

Depuis 1998, nous poursuivons notre effort sur le pouvoir d'achat : outre la revalorisation des pensions de 2,2 % que vous avez mentionnée, nous avons procédé à une revalorisation de 0,5 % pour les retraités non imposables du fait de la suppression de la CRDS, ce qui représente 2,7 % pour environ la moitié des retraités. Au total, sur la période 1998-2001, le gain de pouvoir d'achat sera de 1,3 % pour une moitié des retraités et de 1,8 % pour l'autre moitié, ceux qui ne sont pas imposables. C'est une bonne chose : une telle situation tranche avec celle de la période de 1993 à 1997 où le pouvoir d'achat des retraités n'avait pas été maintenu. Nous sommes désormais dans une période et un cycle inverses.

M. Jean-Pierre Foucher.

C'est la croissance !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Oui, on peut parler de la croissance, car cette croissance ne naît pas de rien. Certes, je vous l'accorde, il y a la conjoncture internationale. Mais il y a aussi l'effet des mesures de politique économique prises par le Gouvernement.

Quoi qu'il en soit, le Gouvernement a fait un effort supplémentaire pour les retraités les plus modestes, en revalorisant le minimum vieillesse de plus de 4 % entre 1998 et 2000. Et, pour 2001, monsieur Gremetz, qui avez plaidé pour une revalorisation des pensions, sachez que le Gouvernement a décidé de poursuivre son


page précédente page 07596page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

effort en faveur des plus modestes, en revalorisant le minimum vieillesse et le minimum de réversion de 2,2 %. Cela porte à 2,6 % depuis 1998 le gain de pouvoir d'achat des bénéficiaires de ces deux minima. Une telle m esure correspond à vos demandes et à celle de l'ensemble de la majorité. Elle représente un effort important.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Sur l'amendement no 257, la commission a donné un avis défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Je me réjouis - et le groupe communiste avec moi - de la revalorisation des minimums vieillesse.

Je souhaite toutefois attirer l'attention sur une question qui pourrait nous valoir de singulières surprises si nous ne la réglons pas parallèlement. J'ai fait le calcul - sans doute vos services ont-ils fait le même : si nous appliquons ces 2,2 % de revalorisation de minimum vieillesse sans modifier le plafond de la CMU, ce sont des dizaines de milliers de personnes âgées aujourd'hui couvertes par la CMU qui ne le seront plus.

Mme Jacqueline Fraysse.

Tout à fait !

M. Maxime Gremetz.

Depuis cet après-midi, je réfléchis à ce problème, je fais des calculs - et sans calculette ! Si nous gardons le texte en l'état, sachons-le, nous décidons d'exclure de la couverture maladie universelle un nombre impressionnant, des dizaines de milliers de personnes âgées qui sont couvertes aujourd'hui ! Ou alors, qu'on me démontre le contraire. C'est un vrai problème et je souhaite qu'on l'examine avant d'aller plus loin. Je ne peux pas prendre une décision qui aurait des conséquences aussi contradictoires.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'entends tout à fait votre remarque, monsieur Gremetz. Bien évidemment, cette question ne nous a pas échappé. Je vous apporterai des réponses un peu plus tard dans le débat.

M. Maxime Gremetz.

Si cela ne vous a pas échappé, je suis rassuré. (Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Le Gouvernement ne se contente pas d'accepter l'abrogation de la loi Thomas...

M. Maxime Gremetz.

Ah ! Ah !

M. Bernard Accoyer.

... qui aurait épargné à la France d'être le seul pays moderne à ne pas avoir préparé pour sa population un étage supplémentaire de retraite, à ne pas avoir prévu pour ses entreprises un autre moyen de financement. A cet égard, je vous ai rappelé cet après-midi que près de 80 % des investisseurs étrangers ayant investi dans des entreprises françaises désormais le regrettaient à cause du Gouvernement, à cause de mesures telles que celle-ci.

M. Gremetz, dont on connaît les excès, pose là une vraie question sociale, question que je vous ai d'ailleurs posée hier, et encore cet après-midi, à laquelle vous n'avez apporté aucune réponse, celle des 700 000 familles qui bénéficiaient de l'aide médicale dans des départements où elle était accordée à un seuil beaucoup plus généreux que celui des 3 500 francs autoritairement fixé.

Dans ces départements, on considérait que les minima sociaux étaient des revenus qui ne devaient pas faire franchir le seuil.

Dans la quasi-totalité des mairies de France, les présidents de CCAS, qui sont en même temps les maires, ne savent pas comment ils vont faire. La CMU, prétendiezvous démagogiquement, devait résoudre tous les problèmes. En réalité, elle en a créé davantage. Voilà la vérité ! Je ne parle pas de la disparition du travail microsocial effectué dans l'instruction des dossiers d'aide médicale. Croyez-vous, madame la ministre, que les personnels des CPAM soient formés pour ce travail de proximité, qu'ils connaissent les problèmes des familles incapables de payer leur loyer, la cantine des enfants ? Non ! Madame la ministre, vous êtes désormais en charge de ces questions. Vous devez, ce soir, apporter une réponse à tous ces maires et présidents de CCAS qui, comme l'a dit M. Gremetz, sont confrontés aux difficultés de près de 700 000 familles. C'est absolument indispensable. Vous ne pouvez pas vous contenter d'apporter des nonréponses en niant les problèmes, en déclarant que vous traiterez au cas par cas. Les cas, ils sont là, dans les mai-r ies, dans les centres communaux d'action sociale.

Madame la ministre, daignerez-vous nous apporter cette réponse ?

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 257.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Douste-Blazy, Debré, Mattei et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants ont présenté un amendement, no 258, ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa du I de l'article 20, après les mots : "service des prestations,", insérer les mots : "y compris les régimes spéciaux et les pensions des fonctionnaires d'Etat,". »

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Luc Préel.

J'ai bien noté que le répertoire national des retraites et des pensions prendra en compte les régimes spéciaux et les pensions des fonctionnaires de l'Etat. Mais cela serait plus clair si cette précision était mentionnée dans la loi. C'est le sens de notre amendement. Je pense, madame la ministre, que vous serez tout à fait disposée à l'accepter pour améliorer l'expression de la loi.

Je voudrais revenir sur l'inflation. Les chiffres récemment publiés - et notre éminent collègue de la commission des finances le confirmera - donnent un niveau d'inflation de 2,2 %. La hausse du prix du pétrole peut malheureusement laisser craindre qu'elle ne diminuera pas. Or tout le monde utilise de l'essence, du gazole ou du fioul, notamment pour se chauffer l'hiver. Le coup de pouce d'aujourd'hui risque alors d'être réduit à la portion congrue.

Madame la ministre, vous avez dit que les retraites avaient été revalorisées plus que ce qui aurait été néces saire depuis 1998, plus en tout cas que les années précédentes. Denis Jacquat l'a très bien montré dans son rapport, les retraités - et nous en recevons tous - ont une impression bien différente, notamment après le basculement des cotisations d'assurance maladie sur la CSG pour laquelle ils ne cotisaient pas auparavant. En outre, la CSG a été étendue aux revenus du capital. Les retraites dites patrimoniales la paient « plein pot » et cela constitue une non-revalorisation, pour ne pas dire une baisse, de leur retraite réelle. Je vous invite donc à un peu plus de modestie, par rapport à cette amélioration.


page précédente page 07597page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

Pour ma part, j'estime que le prélèvement de la CSG sur l'ensemble des revenus était plutôt souhaitable pour conforter l'assurance maladie. Nous avons dit hier notre regret de la voir remise en cause, surtout au profit d'un système très compliqué que Charles-Amédée de Courson a dénoncé. Nous attendons avec intérêt et impatience de voir comment ce problème sera résolu à l'avenir. Personnellement, je crois que l'inflation sera - malheureusement - supérieure aux 2,2 % que vous avez retenus et qui étaient déjà atteints au mois d'août. Je ne pense pas qu'il s'agisse là d'un coup de pouce et cela maintient les revalorisations de retraites au niveau très bas qu'elles ont connu ces dernières années, Denis Jacquat l'indique très clairement dans son rapport.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur.

La commission a donné un avis défavorable, tout en précisant que les régimes spéciaux devaient être inclus dans le dispositif.

Cependant, à titre personnel, je pense qu'il faudrait mentionner les fonctionnaires d'Etat. Il s'agit d'une étude comparative, un outil destiné à établir des statistiques. Il n'y a aucune arrière-pensée là-dessous. On peut être pour ou contre le répertoire. Moi, je suis pour, mais que ce répertoire affiche tous les paramètres.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je suis tout à fait d'accord, monsieur le rapporteur. Je l'ai d'ailleurs indiqué précédemment : le répertoire devra inclure tous les régimes, y compris ceux des trois fonctions publiques, donc, l'ensemble des régimes de retraite. C'est bien là son intérêt.

M. Bernard Accoyer.

Et les régimes spéciaux !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La rédaction de l'article 20 proposée par le Gouvernement inclut d'ores et déjà ces régimes dans le répertoire des retraites, monsieur Préel. Par conséquent, mon sentiment est que votre amendement est sans objet, étant déjà satisfait.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

C'est une question d'interprétation !

M. Jean-Luc Préel.

Une précision supplémentaire ne serait pas inutile !

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer, à qui je demande d'être bref.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, je n'ai pas pour habitude de faire durer les débats. Néanmoins, je crois nécessaire de s'arrêter quelques instants sur cet amendement, que l'on pourrait qualifier de repli.

En créant ce répertoire, le Gouvernement continue à prendre du recul, à temporiser. Il refuse d'affronter les échéances, pourtant particulièrement pressantes, concernant la sauvegarde et l'avenir de nos régimes de retraite.

Cette attitude constitue, je l'ai dit hier, un mensonge d'Etat. Je vais vous dire pourquoi.

En 1993, à la suite de travaux demandés plusieurs années auparavant par M. Rocard, le gouvernement d'Edouard Balladur a réformé le régime des retraites des travailleurs du secteur privé, en portant la durée de cotisation à quarante ans et le calcul du taux sur le salaire moyen des vingt-cinq dernières années de leur vie professionnelle. Cela n'a rien à voir avec les régimes de retraites de la fonction publique et les régimes spéciaux. Il s'agit d'une inégalité caractérisée, madame la ministre. Vous qui n'avez à la bouche que les mots d'égalité, d'équité, d'ég alité d'accès aux droits, pour ne pas dire que le mot de droit, c'est sans sourciller que vous persistez, en créant ce dispositif, à repousser l'échéance.

Une telle hypocrisie ne peut être justifiée. L'histoire jugera durement cette attitude. M. Jospin n'avait-il pas dit, en commandant un rapport à M. Charpin, qu'il suivrait ses conclusions ? Que préconisait le rapport Charpin ? De réformer immédiatement tous les régimes de retraite, régimes spéciaux et régimes particuliers compris, d'allonger la période de cotisation, de manière à harmoniser les différents régimes et de mettre fin à ces différences. Il disait aussi d'introduire immédiatement de la souplesse dans les dispositifs. Nul besoin d'être actuaire, statisticien ou mathématicien pour voir que dans cinq ans, en 2005, ceux qui sont nés si nombreux dans les années 45 partiront à la retraite et que les régimes, quels qu'ils soient, n'y résisteront pas. Les projections sont effrayantes ! L'hypocrisie, c'est d'avoir douté du rapport Charpin, d'en avoir commandé un autre à M. Taddei, qui fut un peu plus nuancé, mais surtout d'avoir cherché un peu de tranquillité auprès du suppléant de M. Hollande, M. Teulade. Et M. Teulade a produit un rapport qui dit en substance : « Dormez tranquilles, il n'y a pas de danger. Avec la croissance, le plein emploi, il n'y a aucun problème ! »

M. Philippe Nauche.

C'est de la caricature !

M. Bernard Accoyer.

« Ne changez rien, tout est résolu », voilà ce que dit M. Teulade. Eh bien, c'est un mensonge ! Et Mme Legros, devant le conseil d'orientation des retraites qui a été créé par M. Jospin pour gagner du temps, a apporté un démenti cinglant au rapport Teulade. C'est de la poudre aux yeux, a-t-elle dit.

On ne tient pas compte de l'évolution du niveau des retraites, notamment par rapport au niveau des salaires, de ce que l'on appelle l'effet noria. On ne tient pas compte de l'évolution de l'économie. Et vous, madame la ministre, sans sourciller, froidement, vous prétendez qu'il n'y a rien à faire. Vous rendez-vous compte de la gravité de vos propos ? Mais le pire, madame la ministre, c'est que votre gouv ernement donne son assentiment chaleureux aux communistes pour l'abrogation d'une loi qui apportait un espoir en créant un niveau supplémentaire de retraite par capitalisation. En revanche, vous maintenez, parce que vous en bénéficiez, les systèmes supplémentaires de retraite par capitalisation réservés aux fonctionnaires et aux anciens fonctionnaires que sont la PREFON, l'UMRIFEN et le CREF ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Est-ce là votre conception de l'égalité ? Est-ce ainsi que vous ouvrez aux Français l'accès aux mêmes droits ?

M. le président.

Monsieur Accoyer...

M. Gérard Terrier.

Ce sont des propos surannés !

M. Bernard Accoyer.

Voilà pourquoi cet amendement, qui tend à apporter un peu d'équité, de clarté, de sincérité, c'est-à-dire tout ce que vous voulez bafouer (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) , doit être adopté.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 258.

(L'amendement n'est pas adopté.)


page précédente page 07598page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

M. le président.

M. Cahuzac, rapporteur pour avis, a présenté un amendement, no 8, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 20 par le paragraphe suivant :

« III. Une synthèse des données du répertoire national des retraites et des pensions et de l'échantillon inter-régimes de cotisants est transmise, tous les deux ans, au Parlement et au Conseil d'orientation des retraites. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Cet amendement vise à compléter l'information du Parlement par la communication d'une synthèse des données du répertoire national. Il me paraît indispensable, compte tenu des décisions importantes que nous aurons à prendre, que la représentation nationale soit correctement informée.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Jes ouscris entièrement à l'amendement présenté par M. Cahuzac. L'objectif poursuivi par le Gouvernement est tout à fait conforme à celui qui est le vôtre de renforcer l'information du Parlement et du conseil d'orientation des retraites sur les cotisants et les retraités, donc sur l'évolution prévisible des comptes des régimes de retraite.

Vous proposez qu'une synthèse des résultats tirés de l'exploitation de ces deux bases statistiques leur soit transmise tous les deux ans. Cela me paraît très utile. C'est pourquoi je donne un avis favorable sur cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission saisie au fond ?

M. Denis Jacquat, rapporteur.

La commission des affaires sociales a adopté cet amendement, avec un avis extrêmement favorable.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Nous n'entrerons pas dans le jeu hypocrite consistant à faire croire aux Français que les commissions, les synthèses et les rapports créés ou commandés par le Gouvernement suffisent à garantir leurs retraites. C'est un mensonge auquel nous ne nous prêterons pas. Si je devais donner la liste de tous les rapports que la gauche a commandés pour se défiler devant ses responsabilités, cette gauche qui n'a à la bouche que son courage, que le rôle social dont elle se sent investie, j'y passerais toute la soirée. Comme je ne veux pas dépasser mon temps de parole, je me garderai bien d'en faire le catalogue.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Vous dites toujours la même chose !

M. Bernard Accoyer.

Vous pouvez bien, madame, vous frotter le menton, l'air de dire « les retraites, ça m'est égal », mais vous avez tort. Les Français, les retraites ça les intéresse. Ils sont tous concernés : ceux qui touchent actuellement une pension, dont le pouvoir d'achat a d'ailleurs été gravement affecté par les mesures appliquées par la gauche depuis plusieurs années ; ceux qui sont à quelques années de la retraite ; plus encore, ceux envers lesquels vous porterez la plus grande des responsabilités, madame la ministre, les jeunes.

Vous rendez-vous compte de l'ampleur des charges que vous allez léguer aux jeunes générations ? Le poids de la maladie sera accru en raison tant de l'allongement de la vie que de la mise en oeuvre de technologies sans cesse plus sophistiquées et plus onéreuses.

Le régime des retraites connaîtra un déficit programmé de 300 milliards de francs chaque année, selon le rapport Charpin.

M. Maxime Gremetz.

Mais non !

M. Bernard Accoyer.

Avez-vous mesuré l'impact de la prise en charge de la dépendance ? Or, selon vos propos, tout cela ne serait payé que par les jeunes générations, celles qui vont travailler.

Parce que cela est impossible, parce que ce texte suscitera immanquablement un conflit de générations, nous ne pouvons l'accepter. L'amendement du président de la commission des finances est une proposition indigne qui voudrait faire croire qu'il s'agit d'un dispositif efficace pour couvrir les besoins de financement de la protection sociale, des retraites en particulier. C'est faux. Nous ne le voterons donc pas.

M. le président.

Monsieur Accoyer, la demande de rapports par l'Assemblée est une maladie assez chronique.

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

M. le président.

Je ne me livrerai pas à des comparaisons entre les époques, car je crois qu'il y a une constante.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement est adopté.)

M. Bernard Accoyer.

Vous voyez, monsieur le président, ils sont contaminés : ils viennent encore de demander un rapport !

M. le président.

Je mets aux voix l'article 20, modifié par l'amendement no

8. (L'article 20, ainsi modifié, est adopté.)

Article 21

M. le président.

« Art. 21. - Le dernier alinéa de l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale, la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 732-39 du code rural, les mots : ", jusqu'au 31 décembre 2000," du premier alinéa de l'article L. 634-6 du code de la sécurité sociale et le dernier alinéa de l'article 14 de la loi no 87-563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d'assurance vieillesse applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon sont abrogés. »

Je mets aux voix l'article 21.

(L'article 21 est adopté.)

Article 22

M. le président.

« Art. 22. - I. - Le fonds visé à l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale a pour mission de financer la validation, par les organismes visés à l'article L. 921-4 du même code, des périodes de chômage et de préretraite indemnisées par l'Etat. »

« II. Ce fonds prend en charge, dans des conditions fixées par une convention conclue entre l'Etat et les organismes visés à l'article L. 921-4 du code de la sécurité sociale :

« a) Les cotisations dues à compter du 1er janvier 1999 au titre des périodes de perception des allocations spéciales du fonds national pour l'emploi visées au 2o de l'article L. 322-4 du code du travail, des allocations de préretraite progressive visées au 3o du même article, des a llocations de solidarité spécifique visées à l'article L. 351-10 du même code ;

« b) Le remboursement des sommes dues antérieurement au 1er janvier 1999, pour la validation des périodes de perception des allocations visées au a ci-dessus. »


page précédente page 07599page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

« III. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »

« IV. Au premier alinéa de l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale, après les mots : "mentionnées à l'article L. 135" et de l'article 22 de la loi no du de financement de la sécurité sociale pour 2001". »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Je tiens d'abord à souligner le signe de mauvais augure que l'abrogation de la loi Thomas a donné aux retraités et à notre pays en général.

M. Maxime Gremetz.

Oh !

M. Yves Bur.

En effet, alors que, au moins dans leur très grande majorité, les Français avaient intégré l'idée qu'il fallait consentir des efforts, cotiser autrement pour garantir les retraites du futur, cette abrogation est un mauvais signal pour la pérennité des retraites.

M. Bernard Accoyer.

Vous avez perdu toute modernité et toute crédibilité ce soir !

M. Yves Bur.

Et ce ne sont pas les « mesurettes » que vous nous proposez ce soir, avec des rapports et des observatoires, qui permettront d'aller de l'avant.

M. Bernard Accoyer.

C'est de la « paléopolitique » !

M. Yves Bur.

Dans ce dossier, le Gouvernement fait preuve, depuis longtemps, d'un manque de courage é vident, et je souhaiterais que vous preniez bien conscience des responsabilités qui sont les vôtres.

En effet, contrairement aux salariés du privé, les fonctionnaires auront droit aux fonds de capitalisation. Cela constitue une inégalité fondamentale que vous ne voulez même pas reconnaître. Pourtant, il serait grand temps que les salariés du privé puissent bénéficier des mêmes avantages que les fonctionnaires, dans ce domaine comme dans bien d'autres.

Ainsi que chacun a pu le remarquer à propos du dossier de l'UNEDIC, il est évident que le Gouvernement voit d'un mauvais oeil l'établissement des relations sociales sur des bases nouvelles. Il a d'ailleurs tardé à reconnaître le bien-fondé de la démarche entreprise.

Au moment où il va enfin accepter la refondation sociale engagée par les partenaires sociaux au sein de l'UNEDIC, je voudrais vous interroger, madame la ministre, sur la destination des fonds que l'UNEDIC va verser à l'Etat : 15 milliards de francs en tout, soit 7 milliards en 2001 et 8 milliards en 2002, selon la convention qui va être agréée. Alors que les partenaires sociaux estiment qu'ils devraient être affectés au financement d'actions en faveur des chômeurs relevant du régime de solidarité, le Gouvernement envisage de les affecter au FSV qui prend en compte les droits à la retraite non contributifs pour les chômeurs.

J'aimerais donc connaître les intentions réelles du Gouvernement, car elles donneront un signe très clair aux partenaires sociaux. Madame la ministre, irez-vous dans le sens de ce qu'ils souhaitent, alors que vous les avez si souvent ignorés, voire méprisés ?

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Monsieur le président, nous sommes, depuis une heure et demie, à la recherche d'un amendement que nous ne trouvons pas.

Mme Jacqueline Fraysse.

Et qui a été adopté par la commission !

M. Bernard Accoyer.

Il y a un autre amendement que vous auriez mieux fait de ne pas trouver !

M. Maxime Gremetz.

Il a en effet été adopté à l'unanimité par la commission des affaires sociales, mais nous ne l'avons jamais revu. J'ai posé la question à mon collègue et ami Cahuzac.

M. Bernard Accoyer.

C'est un ami, ce soir ? Cela coûte cher depuis qu'on a abrogé la loi Thomas !

M. Maxime Gremetz.

Or ce dernier m'a répondu qu'il ne l'avait jamais vu en commission des finances.

M. Bernard Accoyer.

Il faut créer une commission d'enquête !

M. Maxime Gremetz.

Nous, nous l'avons examiné et adopté à l'unanimité.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Exact !

M. Maxime Gremetz.

Il s'agit donc d'un grand mystère, monsieur le président. Cet amendement semble s'être envolé. Nous l'avons même cherché dans les couloirs : il n'y est pas ! (Sourires.)

Nous étions pourtant trois membres de la commission des affaires sociales, mais nous ne l'avons trouvé ni dans un couloir ni sur une table.

M. Yves Bur.

Il y avait déjà des fonds virtuels ! Maintenant, il y aura des amendements virtuels !

M. le président.

Sur quel article portait-il, monsieur Gremetz ?

M. Maxime Gremetz.

Ça, ne me parlez pas d'articles ! (Sourires.).

M. le président.

S'il s'agit d'un amendement qui n'était pas rattaché à un article, il est plus compliqué de le retrouver !

M. Maxime Gremetz.

S'il faut encore que je vous dise sur quel article il portait ! (Rires.)

L'essentiel n'est pas là, mais dans son contenu !

M. le président.

C'est donc un amendement baladeur puisqu'il n'est rattaché à aucun article ! C'est pour cela que vous avez du mal à le retrouver !

M. Maxime Gremetz.

Il peut se placer où vous voulez, car il a un avantage formidable : il est élastique !

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, un peu de tenue dans nos débats !

M. Maxime Gremetz.

Je tiens donc à informer de son contenu les membres de l'Assemblée qui n'ont pas eu le privilège de l'avoir entre les mains.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Sauf ceux de la commission !

M. Maxime Gremetz.

J'espère cependant que nous allons le retrouver ! Cet amendement très important,...

M. Bernard Accoyer.

Ah !

M. Maxime Gremetz.

... a fait l'objet d'une grande discussion au sein de la commission des affaires sociales. Il part du constat qu'il y a beaucoup de déficiences, pour ne pas dire plus, en matière de prévention, dans la médecine scolaire et dans celle du travail. Il est incontestable qu'il conviendrait de consentir de gros efforts en ce domaine.

Naguère, ces déficiences étaient compensées, au moins partiellement, par le fait que l'appel au service militaire permettait à chaque jeune homme d'avoir un bilan de


page précédente page 07600page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

santé à ce moment-là. Cela n'était sans doute pas suffisant comme moyen de prévention, mais cela avait le mérite d'exister. Avec la suppression du service militaire obligatoire, certains n'ont plus jamais l'occasion de bénéficier d'un bilan de santé.

Dans l'amendement en cause, nous proposions qu'il en soit établi un pour tout jeune qui va passer sa journée d'armée.

M. Jean-Pierre Foucher.

C'est la journée citoyenne !

M. Maxime Gremetz.

Bien sûr, ce ne pouvait être qu'une journée citoyenne, puisqu'elle a été instaurée par le ministre qui venait du Territoire de Belfort ! (Sourires.)

Tel était l'objet de cet amendement adopté par la commission des affaires sociales. Je souhaiterais donc qu'on le retrouve. Sinon, comme je l'ai indiqué au président de la commission des affaires sociales, je ne siège plus et je m'en vais ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Ne dites pas ça, ce n'est pas un argument ! Ils vont au contraire éviter de le retrouver !

M. le président.

Monsieur Gremetz, nous venons de le retrouver, ce qui vous évitera de partir. Il figurait, en effet, après l'article 36, mais nous n'en sommes qu'à l'article 22.

M. Maxime Gremetz.

Il n'est toujours pas dans la liasse !

M. le président.

La liasse, c'est autre chose, cela ne veut pas dire qu'il est perdu. C'est un problème de distribution.

M. Maxime Gremetz.

Monsieur le président, j'en arrive à mon intervention sur l'article 22. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Cet article apportera un soulagement certain aux nombreux préretraités relevant du dispositif FNE puisqu'il a pour objet de permettre le financement, par le fonds de solidarité vieillesse, de la validation par les régimes de retraite complémentaire des périodes de chômage et de préretraite indemnisées par l'Etat.

Le litige, je le rappelle, dure depuis seize ans. Il date de l'époque où, pour favoriser l'emploi au début des années quatre-vingt, l'Etat avait encouragé les entreprises à recourir aux préretraites pour éviter les licenciements.

Tout le monde était d'accord sur cette procédure. En contrepartie, l'Etat s'était engagé à financer une partie des cotisations de retraite complémentaire des salariés partis de leur entreprise à la suite d'un plan dit « social ». Or l'Etat, avant l'accord conclu le 23 mars dernier, n'avait pas honoré cet engagement, au détriment des bénéficiaires.

La dette s'élevant à plusieurs milliards, les organismes de retraite complémentaire ARRCO et AGIRC ont décidé de suspendre les droits des préretraités au 1er juillet 1996 dans l'attente d'une décision de l'Etat. Cette situation avait pour conséquence de priver de leur retraite c omplémentaire des personnes qui avaient déjà été frappées par la perte de leur emploi durant leur carrière professionnelle.

A la suite du rapport d'un magistrat de la Cour des comptes, et après dialogue avec les partenaires sociaux, un accord a été conclu au mois de mars dernier, qui trouve sa traduction législative dans cet article. Chacun d'entre nous a, dans sa circonscription, des personnes qui se trouvent dans cette situation.

Les députés communistes voteront évidemment avec beaucoup de plaisir cet article car ils ont été nombreux, avec d'autres collègues, à interroger le Gouvernement sur ce sujet en demandant qu'une solution soit trouvée. C'est aujourd'hui chose faite et nous nous en félicitons. Le fait que je le reconnaisse prouve que la mesure doit être vraiment bonne, car je le fais rarement ! (Sourires.)

M. le président.

Monsieur Gremetz, l'amendement dont vous parlez, qui concernait l'article L.

114-3 du code du service national, a effectivement été examiné et v oté par la commission des affaires sociales après l'article 36.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

A l'unanimité !

M. le président.

Cependant, il a été déclaré irrecevable par la commission des finances.

M. Alfred Recours, rapporteur.

C'est toujours la même chose !

M. Maxime Gremetz.

Ce n'est pas possible ! Lamentable !

M. le président.

L'explication ayant été donnée, la parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Je veux d'abord souligner un fait que nous observons tous : le Gouvernement est devenu un jouet entre les mains du Parti communiste. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Celui-ci a eu l'intelligence de préciser qu'au cas où le Gouvernement continuerait à ne pas accepter ses propositions, ses membres ne voteraient pas le PLFSS, comme ils ont commencé à le faire pour le projet de loi de finances. Les vieilles méthodes sont toujours efficaces ! Mesdames les ministres, je crois que votre courage p olitique s'arrête là où vos intérêts politiques commencent ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Muguette Jacquaint.

N'importe quoi !

M. Bernard Accoyer.

Ainsi, ce soir du 26 octobre, aura été abrogé un texte de modernité. Nous voilà revenus dans la paléoprotection sociale, celle du Parti communiste ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Marcel Rogemont.

Comment M. Tiberi a-t-il appelé votre parti ?

M. Bernard Accoyer.

Cela étant, l'objet de l'article 22 est de mettre fin à des méthodes chères à vos gouvernements, qui consistent à s'appuyer sur les cotisations, d'une part, des salariés et, d'autre part, des entreprises en direction de l'AGIRC et de l'ARRCO. En effet, les pouvoirs publics ont abusé de leurs capacités contributives, jusqu'à hauteur de 50 milliards de francs, finançant ainsi leur politique sur le dos des cotisants, quels qu'ils soient, employeurs ou salariés.

Il fallait mettre un terme à cette situation inacceptable et je n'ai pas à vous féliciter d'avoir trouvé cet accord.

Cette décision assure le plus élémentaire des droits des innombrables cotisants de ces deux régimes complémentaires de retraite.

Nous voterons cet article.

M. le président.

Je mets aux voix l'article 22.

(L'article 22 est adopté.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je voulais intervenir sur l'article 22, après avoir écouté M. Accoyer qui s'est à nouveau signalé par son esprit de modération, de mesure, de tolérance, de nuance.


page précédente page 07601page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

M. Bernard Accoyer.

Comme vous avec votre modernisme !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais enfin, on a l'habitude !

M. Bernard Accoyer.

Merci de vos compliments !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'ai également bien entendu M. Bur qui, lui, ne nous a pas habitués à ce genre de diatribe offensive. Il a néanmoins passé sous silence l'objet de l'article 22 pour parler de tout à fait autre chose ! Je comprends que l'abrogation de la loi Thomas échauffe ces messieurs et leur crée de gros problèmes !

M. Yves Bur.

Elle en posera surtout aux retraités !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ils se font ainsi les porte-parole enflammés probablement de ceux que le maintien de la loi Thomas arrangerait.

M. Bernard Accoyer.

Les retraités !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

L'Assemblée a donc voté l'abrogation de la loi Thomas et vous venez d'adopter l'article 22 dont je m'apprêtais à souligner l'objet car, à part M. Gremetz, les intervenants sur l'article n'en ont pas parlé. En fait, il tend à mettre fin à un contentieux vieux de seize ans...

M. Bernard Accoyer.

Je l'ai dit !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... entre l'Etat et les régimes de retraite complémentaire, ARRCO et AGIRC. Cela montre que, en matière de retraite, nous ne nous contentons pas de faire de grands discours mais que nous agissons.

M. Bernard Accoyer.

Oh !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous poursuivrons avec méthode la démarche retenue et définie p ar le Premier ministre : diagnostic, dialogue puis décision.

M. Bernard Accoyer.

Autrement dit : courage, fuyons !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur Accoyer, il est trop facile de s'en remettre à des slogans. Le débat à l'Assemblée nationale vaut un peu mieux que cela.

Au-delà de cet article 22 qui, je le répète, règle un problème vieux de seize ans, nous avons engagé des négociations dans chaque régime, abondé le FSV de 50 milliards de francs pour atteindre 1 000 milliards de francs en 2020, mis en place le conseil d'orientation des retraites qui nous fera des propositions sur la base desquelles nous prendrons des décisions, et nous allons réformer la prestation autonomie. Ce texte viendra rapidement devant le Parlement, je m'y engage.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous avançons aussi sur l'épargne salariale.

Nous ne nous contentons donc pas de mots. Comme dans d'autres domaines, nous agissons, alors que, du côté de l'opposition, je n'entends que des critiques et aucune proposition.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Si, l'assurance veuvage ! Article 23

M. le président.

« Art. 23. - I. - Le 4o de l'article L. 135-2 du code de la sécurité sociale est complété par un d ainsi rédigé :

« d) Des périodes pendant lesquelles l'assuré a bénéficié, en cas d'absence complète d'activité, d'un revenu de remplacement de la part de son entreprise en application d'un accord professionnel national mentionné au dernier alinéa de l'article L. 352-3 du code du travail ; »

« II. A l'avant-dernier alinéa de l'article L. 135-2 du code de la sécurité sociale, les mots : "au a et au b " sont remplacés par les mots : "aux a, b et d ".

« III. Les dispositions du présent article sont applicables aux revenus versés en application d'accords mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 352-3 du code du travail à compter du 1er janvier 2001. »

Je mets aux voix l'article 23.

M. Bernard Accoyer.

Je souhaite m'exprimer sur l'article.

M. le président.

Le vote est commencé.

(L'article 23 est adopté.)

Article 24

M. le président.

« Art. 24. - I. - Le II de l'article L. 245-16 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« II. - Le produit des prélèvements mentionnés au I est ainsi réparti :

« - 20 % à la première section du Fonds de solidarité vieillesse, mentionnée à l'article L. 135-2 ;

« - 50 % au fonds mentionné à l'article L. 135-6 ;

« - 30 % à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés. »

« II. Après le 5o de l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un 6o ainsi rédigé :

« 6o Une fraction, fixée à l'article L. 245-16, des prélèvements sociaux prévus aux articles L. 245-14 et L. 24515. »

« III. A l'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale, le 3o est supprimé. »

« IV. Les dispositions du présent article sont applicables aux versements à recevoir par les organismes visés au II de l'article L. 245-16 du code de la sécurité sociale à compter du 1er janvier 2001. »

La parole est à M. Bernard Accoyer, inscrit sur l'article.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, j'avais préparé soigneusement mon intervention sur l'article 23...

M. le président.

Je n'en doute pas !

M. Bernard Accoyer.

... et je m'apprêtais à la prononcer. Je n'ai donc pas encore l'esprit à l'article 24.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Sur lequel vous êtes pourtant aussi inscrit !

M. Bernard Accoyer.

Je vais d'abord revenir sur ce que vient de dire Mme la ministre désormais de la protection sociale. Il faudrait peut-être qu'elle mesure cette responsabilité nouvelle et qu'elle ne laisse pas la protection sociale dans le même état que la protection des Français. En effet, les personnes qui travaillent dans les commissariats de police et dans les gendarmeries ne pourront pas appliquer les nouvelles dispositions légales par manque de moyens supplémentaires. Or ceux-ci leur sont indispensables pour assurer convenablement la protection des Français.

Revenons-en à la protection sociale.


page précédente page 07602page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

Madame la ministre, vous nous avez dit qu'avec M. Jospin, Mme Aubry jusqu'à il y a peu et vous aujourd'hui, il n'y aura pas de problèmes pour les retraites. Ce n'est pas parce que vous avez créé le conseil d'orientation des retraites, ce n'est pas parce que vous allez verser 50 milliards de francs dans le fonds de réserve de la retraite par répartition, ce n'est pas parce que vous allez procéder à une modification des textes régissant les prestations sur la dépendance ou sur l'autonomie que les retraites des Français seront pour autant assurées. C'est encore une erreur, ou plutôt un mensonge - appelons un chat un chat que de faire croire cela aux Français.

Madame la ministre, je parlerai uniquement du fonds de réserve de la retraite par répartition, parce que c'est le joker de M. Jospin. Puisque vous suivez attentivement ce que je dis et que vous aimez bien vous exprimer après chacune de nos interventions, je vous demanderai de m'arrêter à la moindre inexactitude.

Si j'ai bien compris, le fonds de réserve de la retraite par répartition, si tout va bien, si le vent souffle dans la b onne direction, si la croissance se maintient jusqu'en 2020, aura accumulé à cette date 1 000 milliards de francs.

Premièrement, je vous fais d'abord remarquer que ce n'est jamais qu'un peu plus que trois fois la dette sociale pour laquelle tous les Français paient chaque mois la CRDS.

Deuxièmement, si, d'aventure, il y avait une faculté contributive de la nation pour abonder ce fonds jusqu'à obtenir cette somme de 1 000 milliards en 2020, cela voudrait dire qu'il n'y a eu aucun problème pour payer les retraites jusqu'en 2020. Or, vous le savez, madame la ministre, et vous aussi, mes chers collègues, les problèmes commenceront à être très difficiles, très sérieux, très c oûteux dès 2005. Pendant les quinze ans qui suivront, le déficit ira en se creusant : plusieurs dizaines de milliards chaque année d'abord, plusieurs centaines de milliards par la suite, et 300 milliards en moyenne autour des années 2020. Ces calculs ont été établis à partir de la pyramide des âges, que l'on connaît. Avec 1 000 milliards en l'an 2020, alors que le déficit de la branche vieillesse sera de 300 milliards chaque année - le fonds de réserve sera tout au plus un fonds de lissage sur trois ans.

Madame la ministre, ayez au moins le courage, si ce n'est l'honnêteté, de reconnaître que le fonds de réserve, tel qu'il a été bâti, tel qu'il est prévu et tel qu'il sera abondé, ne résout rien pour l'avenir des retraites. En réalité, vous différez les décisions fondamentales et vitales qu'il serait pourtant impératif de prendre pour la réforme des régimes de retraite, pour apporter de la souplesse, pour trouver d'autres facultés contributives pour se constituer des revenus pour la période de la retraite. Par cette attitude indigne, qui est purement démagogique et électoraliste, vous plombez l'avenir des jeunes, des retraités et de la protection sociale.

M. le président.

MM. Debré, Douste-Blazy et Mattei et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants ont présenté un amendement, no 259, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 24. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Nous ne voulons pas rentrer dans ce qui constitue une des mécaniques de détournement il faut appeler les choses par leur nom - du produit de l'épargne.

Le prélèvement de 2 % sur le capital était jusque-là attribué en très grande partie à la CNAF, c'est-à-dire à la branche famille, qui permet d'investir pour aider les familles qui ont des enfants, celles qui vont nourrir, renouveler les générations et permettre que s'exerce la solidarité entre celles-ci. Fidèle à ce qui est désormais devenu sa mécanique préférée, le Gouvernement détourne par des biais inavouables les affectations d'un certain nombre de recettes réservées à la CNAF vers d'autres utilisations.

Il est vrai qu'avec le siphonnage du fonds de solidarité vieillesse et le FOREC, c'est-à-dire le fonds de financement pour les 35 heures, le puits est sans fond. Le Gouvernement socialiste et ses alliés communistes font feu de tout bois pour essayer de combler les trous.

Mais, madame la ministre, si, d'aventure, la croissance faiblissait - ce qui pourrait très bien se produire du fait de l'application forcenée des 35 heures obligatoires, en particulier dans les PME - comment feriez-vous ? Quelle serait lourde alors votre responsabilité ! D ès lors nous comprenons parfaitement que les membres du conseil d'administration de la CNAF, c'està-dire les partenaires sociaux et les associations familiales, se soient unanimement élevés contre cette disposition.

C'est ce que nous faisons nous aussi en proposant cet amendement de suppression.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur.

L'amendement a été repoussé par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Rejet.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 259.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 193 et 231, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 193, présenté par M. Gengenwin, M. Jégou et Mme Isaac-Sibille, est ainsi rédigé :

« I. Au début du troisième alinéa du I de l'article 24, substituer au taux : "20 %", le taux : "7 %".

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recette pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés par les articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 231, présenté par M. Delnatte, est ainsi rédigé :

« Dans le troisième alinéa du I de l'article 24, substituer au taux : "20 %", le taux : "7 %". »

Je demanderai à M. Préel de bien vouloir soutenir, en même temps que l'amendement no 193, l'amendement no 194...

M. Jean-Luc Préel.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 194, présenté par M. Gengenwin, M. Jégou et Mme Isaas-Sibille, est ainsi rédigé :

« I. Compléter le I de l'article 24 par l'alinéa suivant :

« 13 % la Caisse nationale des allocations familiales. »


page précédente page 07603page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

« La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés par les articles 575 et 575 A du code général des impôts ».

Vous avez la parole, monsieur Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Ces amendements sont soutenus, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Les deux amendements ont été repoussés par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Rejet.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 193.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 194 n'a plus d'objet.

Je vais également demander à M. Accoyer de bien vouloir soutenir en même temps que l'amendement no 231, l'amendement no 232 corrigé.

Présenté par M. Delnatte, celui-ci est ainsi rédigé :

« Compléter le I de l'article 24 par les mots : "13 % à la Caisse nationale des allocations familiales". »

Vous avez la parole, monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

L'article 24 prévoit de priver la branche famille de 13 % du produit de la taxation de 2 % des revenus du patrimoine, soit la bagatelle de 1,4 milliard de francs, après avoir déjà diminué le taux dans le PLFSS pour 2000, ce qui avait représenté un manque à gagner d'un milliard pour la CNAF. On peut en aider des familles avec des enfants, avec ces sommes, n'est-ce pas, madame la ministre ? Il s'agit d'un détournement de l'argent des familles vers le paiement des retraites. Cette manipulation, qui est d'ailleurs liée directement au besoin de financement considérable du FOREC, c'est-à-dire des 35 heures, nie le principe même de solidarité entre les générations et la logique du système de retraite par répartition auquel nous sommes, nous, particulièrement attachés.

A la différence du Gouvernement, nous considérons qu'il faut investir en aidant les familles qui souhaitent avoir des enfants et les éduquer car ces enfants deviendront des cotisants qui permettront que s'exerce la solidarité avec les anciennes générations.

Madame la ministre, dire que, hors de la retraite par répartition, il n'y a pas de salut, est un mensonge parce que, compte tenu de la pyramide des âges, d'autres sources de revenus se révèlent nécessaires. Mais tout faire pour que sombre le régime par répartition est une faute absolument impardonnable ! C'est pourtant ce que vous faites et ce à quoi tend l'article 24.

Monsieur le président, je vais également, comme vous me l'avez demandé, présenter l'amendement no 232 corrigé.

L'article 24, comme je l'ai dit, détourne de la branche famille une somme très importante - 1,4 milliard de francs - alors qu'une diminution du taux de répartition l'année dernière l'avait déjà privée d'un milliard de francs

Il convient de refuser ce nouveau détournement. C'est l'objet de l'amendement no 232 corrigé.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Les deux amendements ont été repoussés.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même opinion que la commission.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 231.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 232 corrigé n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 24.

(L'article 24 est adopté.)

Article 25

M. le président.

« Art. 25. - Les 3o , 3o bis et 4o de l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale sont remplacés par les 3o à 7o ainsi rédigés :

« 3o Les montants résultant de l'application de l'article L. 251-6-1 ;

« 4o Une fraction égale à 50 % du produit des prélèvements visés aux articles L. 245-14 à L. 245-16 ;

« 5o Les versements du compte d'affectation institué par le II de l'article 23 de la loi de finances pour 2001 (no du)

;

« 6o Toute autre ressource affectée au fonds de réserve ;

« 7o Le produit des placements effectués au titre du fonds de réserve. »

La parole est à M. Bernard Accoyer, inscrit sur l'article.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, l'article 25 prévoit l'affectation des recettes de la cession des licences de téléphonie mobile au fonds de réserve pour les retraites.

Je suis toujours étonné par l'attitude « élastique » de nos collègues du parti communiste. Pendant des décennies, ils nous ont expliqué que le capitalisme était un système qui, vraiment, les repoussait, que toutes les opérations capitalistiques étaient - allez, disons le mot honteuses, et que le profit était quelque chose d'inavouable, d'inadmissible. A les écouter, il fallait faire disparaître tous les profits qui pouvaient exister, en tout cas les taxer, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus. Or je ne les entends pas s'exprimer sur la vente des licences de téléphonie mobile qui va pourtant - et il faut s'en féliciter rapporter quelques recettes de poche à la nation. Dans le fleuve immense des dépenses que le Gouvernement a décidé de laisser filer depuis maintenant trois ans, il faut bien, me direz-vous, avoir la chance de pouvoir ainsi brader quelques dimensions, quelques espaces, quelques fonctions particulières, puisque c'est ce dont il s'agit dans la cession des licences de téléphonie.

Vous prétendez qu'avec le versement des quelques dizaines de milliards que devrait rapporter la cession des licences de téléphonie mobile, vous allez créer un fonds de réserve de la retraite par répartition qui résoudra tous les problèmes, et que le COR est partie prenante dans cette affaire. Mais ce fonds n'est que de la poudre aux yeux. Il ne résout en rien, je l'ai déjà expliqué, le problème du financement des retraites.


page précédente page 07604page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

C'est pour cette raison que nous ne voterons pas l'article 25. Nous voulons marquer notre désaccord face aux manipulations qui tendent à faire croire qu'avec l'aubaine que représente pour le Gouvernement la cession des licences de téléphonie mobile, le problème des retraites des Français serait réglé pour l'avenir. C'est faux !

M. le président.

MM. Debré, Douste-Blazy et Mattei et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants ont présenter un amendement, no 260, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 25. »

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir cet amendement.

M. Bernard Accoyer.

Je vais considérer, pour vous être agréable, monsieur le président, que je l'ai déjà défendu.

M. le président.

Merci ! Vous êtes compatissant à mon égard, compte tenu de ma grippe.

M. Bernard Accoyer.

C'est la moindre des choses.

M. le président.

Vous êtes médecin, monsieur Accoyer ! Il est normal que vous soyez compatissant.

(Sourires.)

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 260.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

L'avis est évidemment défavorable.

Je m'étonne à nouveau du discours de M. Accoyer. Il cherche manifestement à noyer le poisson, à détourner l'attention sur autre chose pour faire oublier que, par l'article 25, nous dotons le fonds de réserve en 2001 de 55 milliards de francs !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 260.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Cahuzac, rapporteur pour avis, a présenté un amendement, no 9, ainsi rédigé :

« Compléter l'avant-dernier alinéa (6o ) de l'article 25 par les mots : « en vertu de dispositions législatives. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Si l'amendement no 9 est adopté, seule la représentation nationale sera en droit d'affecter au fonds les ressources prévues pour garantir les retraites de nos concitoyens. Il ne me paraît pas possible d'envisager autrement la procédure.

Cela correspond à une tradition constante dans notre pays. J'ajoute qu'elle est cohérente avec l'impératif de transparence qui doit s'appliquer à ce type de réformes et de propositions.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission saisie au fond ? M. Denis Jacquat, rapporteur.

Il est apparu essentiel que le Parlement reste associé aux décisions d'affectation de nouvelles ressources au fonds de réserve. Ce principe a été adopté à l'unanimité par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, je suis évidemment tout à fait d'accord pour que le Parlement soit totalement associé à la gestion du fonds de réserve, en tout cas qu'il ait un droit de regard. Mais il peut y avoir des ressources qui ne sont pas d'origine législative. Faut-il, en prévoyant à chaque fois l'intervention du Parlement, empêcher que le fonds de réserve puisse recevoir rapidement une ressources d'une autre origine que législative ? Je demande à M. Cahuzac de bien réfléchir. D'autres dispositions dans le projet de loi permettent au Parlement d'être totalement associé à la gestion du fonds de réserve.

Dès lors, je ne sais pas si c'est par le moyen d'une autorisation expresse de nature législative des ressources, alors que certaines peuvent ne pas en avoir besoin, qu'il faut procéder.

Je pose donc la question à M. Cahuzac : cet amendement est-il vraiment indispensable ? M. Denis Jacquat, rapporteur.

Il a été déposé pour vaincre une crainte, madame la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ne m'y opposerai pas,...

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Je vous en remercie à l'avance.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... mais je pose la question de son utilité.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Je comprends les craintes de Mme la ministre des affaires sociales ! Lorsqu'on voit le savant jeu de détournement et de tuyauterie - on décroche tel tuyau pour le brancher ailleurs - auquel le Gouvernement se livre chaque année, je comprends qu'elle ne souhaite pas que le Parlement soit associé à ces manipulations de plomberie inavouées.

Bien sûr qu'il faut de la transparence ! Il faut que l'on sache d'où viennent les recettes et, surtout, où sont affectées les dépenses. C'est bien pourquoi cet amendement doit être retenu, même si, vous l'avez bien compris, nous ne rentrons pas dans le jeu qui consiste à faire croire aux Français que le fonds de réserve résoudra le problème des retraites. C'est faux, même avec les 50 milliards de francs provenant de la vente des licences de téléphonie mobile dont vous allez le doter, madame la ministre.

Nous ne rentrerons pas dans ce jeu ce soir et n'amenderons aucune disposition concernant ce fonds. Nous voulons dénoncer avec force l'hypocrisie, la tartuferie de la constitution de ce fonds de réserve, qui ne correspond nullement à ce qui existe dans les pays développés et notamment aux Etats-Unis ou au Canada. Dans ces pays sont mis en place de vrais fonds de réserve - et pas des fonds de lissage - avec un capital 80 à 170 fois supérieur à ce que vous nous proposez pour l'échéance 2000.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 294 et 10, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 294, présenté par M. Jacquat, rapporteur est ainsi rédigé :

« Compléter l'article 25 par le paragraphe suivant :

« II. L'article L.

135-6 du code de la sécurité sociale est complété par neuf alinéas ainsi rédigés :

« Ces recettes sont gérées par un établissement public de l'Etat à caractère administratif doté de l'autonomie financière, dénommé : fonds de réserve


page précédente page 07605page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

pour les retraites, dont la mission est de gérer les sommes qui lui sont affectées afin de constituer des réserves destinées à contribuer à la pérennité des régimes obligatoires de base de retraite.

« Ce fonds est doté d'un comité de surveillance de trente membres comprenant :

« treize représentants des assurés sociaux désignés par les organisations syndicales de salariés interprofessionnelles représentatives au niveau national ;

« treize représentants des employeurs désignés p ar les organisations professionnelles nationales d'employeurs représentatives ;

« quatre personnes qualifiées dans les domaines d'activité des caisses d'assurance vieillesse et désignées par l'autorité compétente de l'Etat, dont au moins un représentant des retaités ;

« avec voix consultative une personne désignée par l'Union nationale des associations familiales ainsi que trois représentants du personnel élus dans des conditions déterminées par décret.

« Ce comité de surveillance est chargé de déterminer les orientations générales de la politique de placement des actifs du fonds en respectant, d'une part, l'objectif et l'horizon d'utilisation des ressources du fonds, d'autre part, les principes de prudence et de répartition des risques, et d'un directoire, responsable de la mise en oeuvre des orientations de cette politique et du contrôle de leur respect.

« Le fonds de réserve pour les retraites est assisté par la Caisse des dépôts et consignations qui en assure la gestion administrative, de manière indépendante de ses autres activités et de celles de ses filiales. »

« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. »

L'amendement no 10, présenté par M. Cahuzac, rapporteur pour avis, est ainsi rédigé :

« Compléter l'article 25 par les quatre alinéas suivants :

« Ces recettes sont gérées par un établissement public de l'Etat à caractère administratif, dénommé fonds de réserve pour les retraites, dont la mission est de gérer les sommes qui lui sont affectées afin de constituer des réserves destinées à contribuer à la p érennité des régimes obligatoires de base de retraite.

« Ce fonds est doté d'un comité de surveillance, chargé de déterminer les orientations générales de la politique de placement des actifs du fonds en respectant, d'une part, l'objectif et l'horizon d'utilisation des ressources du fonds, d'autre part, les principes de prudence et de répartition des risques, et d'un directoire, responsable de la mise en oeuvre des orientations de cette politique et du contrôle de leur respect.

« Le fonds de réserve pour les retraites est assisté par la Caisse des dépôts et consignations qui en assure la gestion administrative, de manière indépendante de ses autres activités et de celles de ses filiales.

« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 294.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Cet amendement, extrêmement important, a été adopté à l'unanimité par la commission.

A l'heure actuelle, le fonds de réserve ne constitue qu'une simple section comptable du fonds de solidarité vieillesse. Les opérations comptables du fonds de réserve sont suivies dans une comptabilité distincte des opérations de solidarité du FSV, dans le cadre d'un budget annexe, qui en retrace les charges, les produits et les comptes de bilan, et d'un compte de résultat spécifique.

Ce dispositif n'offre pas une visibilité suffisante des opération effectuées au sein du fonds de réserve. Le présent amendement a donc pour objet de doter ce fonds d'une personnalité juridique propre en proposant la création d'un établissement public spécifiquement dédié à la gestion des réserves pour les retraites.

Afin de garantir une gestion prudente et sérieuse des sommes qui lui sont affectées, cet amendement prévoit, en outre, que la gestion administrative du fonds de réserve pour les retraites est assurée par un organisme financier offrant toutes garanties en termes de sécurité et de compétence, en l'occurrence, la Caisse des dépôts et consignations.

Il s'agit d'un établissement public à caractère administratif doté d'un comité de surveillance dont la composition est paritaire.

Cet amendement fait suite à une proposition de Jérome Cahuzac, au nom de la commission des finances, et à la discussion qui s'en est ensuivie à la commission des affaires sociales. A l'initiative d'Alfred Recours, de Maxime Gremetz et de moi-même qui siégeons au conseil d'orientation des retraites, il est apparu souhaitable - et la commission des affaires sociales a approuvé à l'unanimité cette analyse - qu'outre une alimentation pérenne, le fonds de réserve devait avoir une gestion indépendante, compte tenu de la somme extrêmement importante qui doit être constituée en 2020, à savoir 1 000 milliards.

M. Bernard Accoyer.

Extrêmement importante ! Ce n'est jamais que trois ou quatre fois la dette de la CADES.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Une somme de 1 000 milliards est donc prévue en 2020,...

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas énorme !

M. Denis Jacquat, rapporteur.

... et tout le monde, à la commission des affaires sociales - je dis bien tout le monde -, craignait que cette cagnotte ne suscite des appétits de l'extérieur, quel que soit le Gouvernement en place en 2020. Aussi cet amendement...

M. Yves Bur.

De défiance !

M. Denis Jacquat, rapporteur.

... de sécurité, que l'on pourrait appeler le « Cahuzac modifié » (Sourires), a-t-il été adopté, à l'unanimité, je le rappelle.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement no

10.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Autant mettre tout de suite cartes sur table : dans mon esprit en tout cas, cet amendement n'a pas vocation à être adopté.

Son seul objet est de permettre un débat qui, je l'espère, ne sera pas trop long, et surtout des précisions de la part de Mme la ministre sur un certain nombre de sujets.

Après quoi, nous le retirerons.

Première question : à quel horizon ces sommes sontelles placées et préservées ? Autrement dit, pendant c ombien de temps seront-elles sanctuarisées, pour répondre à la crainte ouvertement exprimée par mon collègue Denis Jacquat ?


page précédente page 07606page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

Deuxième question : qui pourra en bénéficier ? Pour l'instant, ce fonds de garantie est réservé aux salariés du privé et à ceux qui ressortissent des régimes dits alignés.

Mais qu'en est-il des autres ? J'estime pour ma part que ce fonds a vocation à l'universalité, dans la mesure où il est constitué de sommes provenant de biens communs à tous les Français, tel le produit de la vente de licences téléphoniques, dont on a parlé récemment. Les ondes hertziennes appartiennent à tous les Français et pas uniquement aux salariés du privé ou aux ressortissants des régimes alignés.

T roisième question : selon quelles modalités ces sommes seront-elles gérées et administrées ? A titre strictement personnel, je pense qu'il faudrait s'efforcer de maximiser le rapport rendement-risque, ce qui suppose que les produits financiers choisis, à l'exemple de ce qui se fait au Canada ou en Norvège, ne se limitent pas aux seules obligations, afin de bénéficier d'un effet de levier.

M. Bernard Accoyer.

Demandez aux communistes, ils aiment bien les effets de levier !

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Quatrième question enfin, essentielle : quelle sera la place des partenaires sociaux ? Seront-ils chargés de le gérer au jour le jour ? On peut estimer que des professionnels rompus à ces pratiques seraient plus qualifiés. Mais les écarter de cette gestion me paraît difficilement envisageable. Dès lors, quelle solution médiane et admissible par tous peut-on envisager ? A ces quatre problèmes, à mes yeux très importants, nous n'apporterons pas forcément de solutions définitives aujourd'hui, mais je crois souhaitable que les membres de représentation nationale, en tout cas ceux qui y sont attentifs, aient au moins quelques indications, afin que la réflexion, associant le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, puisse se dérouler au mieux des intérêts des retraités actuels et futurs.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je réponds en même temps sur l'amendement no 294 présenté par M. Jacquat et sur l'amendement no 10 que vient de présenter M. Cahuzac et qui a du reste le même objet.

Vous proposez de rendre autonome le fonds de réserve des retraites en instituant un établissement public administratif spécifiquement dédié à cette mission. Dans le projet qu'il a transmis au Conseil d'Etat, le Gouvernement avait déjà, vous le savez, pris position pour la création d'un organisme spécifique. Mais le Conseil d'Etat a préféré disjoindre cette disposition, ce qui nous laisse d'ailleurs un peu plus de temps pour réfléchir à la structure la plus adéquate.

Quoi qu'il en soit, je vous précise d'emblée que le Gouvernement utilisera le support législatif du projet de loi de modernisation sociale pour déterminer la structure juridique de gestion du fonds de réserve. M. Cahuzac a posé des questions pertinentes ; il est normal que le Parlement soit éclairé sur les principes qui gouverneront la gestion du fonds de réserve. Aussi la création de l'instrument d'une gestion efficace de ce fonds devra-t-elle s'inspirer en premier lieu d'un souci de transparence. Il faudra pouvoir en permanence rendre des comptes aux Français sur l'évolution de leur épargne collective. Dans cette perspective, je crois utile de prévilégier la solution d'un établissement public autonome, distinct du fonds de solidarité vieillesse.

M. Bernard Accoyer.

Encore de l'administration ! Encore des bureaux ! Et des téléphones, des Safrane de fonction et des secrétaires !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Deuxième principe, les partenaires sociaux devront être associés à la définition des orientations du fonds...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et au contrôle des résultats obtenus. Le président de la commission a, dès le départ, appelé mon attention sur cette très importante question. Il me paraît en effet légitime et utile que les partenaires sociaux participent à la construction des réserves des régimes de retraite par répartition.

Troisièmement, nous devons nous donner les moyens d'une gestion efficace en nous appuyant sur des personnalités au professionnalisme reconnu et à l'indépendance affirmée pour éviter les sollicitations diverses que la gestion de telles réserves ne manquera pas de susciter. Et l'organisation du fonds devra susciter la confiance des Français, sachant le rôle qu'il est appelé à jouer sur les retraites futures.

Voilà les grands principes qui nous guideront pour bâtir, au plus tard à l'occasion du projet de loi de modernisation sociale, qui devra en principe être présenté au Parlement début janvier, une architecture définitive.

J'espère avoir suffisamment éclairé l'Assemblée ; je vous suggère par conséquent de retirer vos amendements afin de me permettre de présenter quelque chose de plus complet dans le cadre du projet de loi de modernisation sociale.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour répondre au Gouvernement.

M. Bernard Accoyer.

Je crois utile de nous arrêter quelques instants sur le ballet que le Gouvernement, les rapporteurs, la majorité sont en train de nous jouer ... En fait, je devrais plutôt parler de comédie ! Est-il vraiment besoin de créer encore un conseil d'administration, une administration, des bureaux, des voitures de fonction, des chauffeurs, etc.

? Tous ces frais, qui les paiera ? Toujours les mêmes : les Français, c'est-à-dire les contribuables, c'est-à-dire les cotisants.

Madame la ministre, vous venez de nous faire une belle démonstration pour nous expliquer combien la participation des partenaires sociaux était très, très importante pour surveiller ce qui allait advenir de ces sommes dont vous vous extasiez du montant considérable ... Autant de carottes, de récompenses, de sucres dans votre boîte à sucre pour récompenser certains de vos amis, de vos affidés dociles !

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Décidément, vous vous aggravez d'année en année ! C'est dramatique !

M. Bernard Accoyer.

Mais nous n'entrerons pas dans ce jeu-là, madame la ministre, et nous le dénonçons.

Je ne sais si vous avez eu le temps d'évaluer à combien s'élevaient les recettes pérennes du fonds de réserve de la retraite par répartition. « On va mettre 50 milliards, le produit de la vente des licences de téléphonie mobile », avez-vous déclaré tout à l'heure. Soit. Mais cela ne vaudra malheureusement que pour cette année ... Des recettes de cette nature, il n'y en aura pas tous les ans. Les recettes pérennes des fonds de réserve des retraites par répartition ne représentent que quelques milliards, 3,5 milliards pour être précis. C'est évidemment insignifiant.


page précédente page 07607page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

Comme bon nombre de membres de la majorité et même un certain nombre d'observateurs, vous reprochez à l'opposition de critiquer, d'attaquer vos mesures, mais de ne rien proposer. Eh bien, si vous le voulez, madame la ministre, je vous propose d'essayer de rêver un peu ce soir. Oui, essayons de rêver ensemble ... Si vous avez un tant soit peu d'objectivité, vous reconnaîtrez qu'il va bien falloir prélever 85 milliards de francs cette année pour financer les 35 heures obligatoires. Personne, pas un critique, pas un analyste, pas un administrateur ne peut nier cette réalité ; c'est écrit dans vos textes, c'étaient les affirmations de votre prédécesseur : 85 milliards de francs, voilà ce que coûtera cette année la mise en place des 35 heures obligatoires. Si vous les aviez levés pour consolider nos régimes de retraite, ne croyez-vous pas que cela aurait été un peu plus raisonnable, un petit peu moins cigale et un petit peu plus fourmi ? Et si vous cessiez de refuser à tous les Français l'accès aux fonds de retraite complémentaire par capitalisation, vieux de trente-trois ans, mais exclusivement réservés aux fonctionnaires et anciens fonctionnaires de l'Etat, ne croyez-vous pas que ce serait aussi un moyen de consolider l'avenir des retraites pour chacun des Français ? Il vous suffirait d'un mot pour que cela soit possible ! Pensez-vous sincèrement que nous réglerons le problème en dissertant pendant quelques dizaines de minutes ? Vous préferez quitter l'hémicycle, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, je vous remercie ! Voilà qui en dit long de l'intérêt que vous portez à l'avenir des retraites des Français ! Cela ne m'empêchera pas de dire les vérités qui s'imposent, c'est-à-dire que ce Gouvernement n'oppose que mépris à nos préoccupations en quittant l'hémicycle sitôt qu'on parle de l'avenir des retraites !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

C'est vrai !

Mme Jacqueline Fraysse.

Quel geste historique ! C'est lamentable, monsieur Accoyer !

M. le président.

Monsieur Accoyer, le Gouvernement est un : Mme la secrétaire d'Etat à la santé le représente parfaitement.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Madame la secrétaire d'Etat, l'amendement que j'ai déposé en commission n'était, à mes yeux, qu'un amendement d'appel. Je voulais attirer l'attention du Gouvernement sur deux points essentiels concernant le fonds de réserve : la pérennité de son alimentation, c'est-à-dire des versements, et le caractère paritaire et indépendant de sa gestion. Le conseil d'orientation des retraites a évoqué à deux reprises ces questions, en commission et en conseil. C'est son rôle de conseiller et d'orienter ; il n'a pas encore rendu ses conclusions et il ne m'appartient pas de les rendre à sa place.

J'ai bien écouté la réponse de Mme la ministre à l'instant. Je crois que le message lancé par la commission des affaires sociales unanime, relayant la commission des finances, a été entendu dans le sens où elle nous a promis une réforme d'ici à la mi-janvier prochain, puisque, si j'ai bien lu le programme de l'Assemblée, le texte sur la modernisation sociale a été reporté à cette date. Je souhaite ardemment que ces deux principes - alimentation et versements pérennes et gestion paritaire indépendante soient bien retenus dans ce projet de loi.

M. Accoyer et moi-même sommes tous deux ORL ; autant dire que nous avons bien entendu la réponse de Mme la ministre. (Sourires.)

Elle nous demande de retirer notre amendement, ce que je fais.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

J'ai évidemment la même attitude que mon collègue Denis Jacquat et je retire mon amendement. On me permettra de rendre hommage au rapporteur de la commission des affaires sociales sur la branche vieillesse pour son ouverture d'esprit et la volonté qu'il manifeste de nous voir les plus nombreux possible à nous préoccuper efficacement du sort des retraités.

M. Jean-Pierre Foucher.

Cahuzac a un ami de plus !

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Cela ne sera pas votre cas ce soir !

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

J'évite d'intervenir trop souvent. Les rapporteurs sont largement à même de le faire avec compétence. Je tiens moi aussi à remercier M. Cahuzac et M. Jacquat.

C'est un problème grave et nous le traitons avec gravité et sérieux. Nous demandions au Gouvernement de prendre clairement position sur les modes de gestion, la pérennisation de l'alimentation, la parité du conseil de surveillance appelé à se prononcer sur les orientations de ce fonds ; nous avons eu des réponses précises, nous avons pris date pour réengager le débat. Nous savons par ailleurs que la discussion en commission commencera dès décembre l'examen au moment où nous préparerons l'examen en séance. C'est là un point très important et je remercie le Gouvernement d'avoir écouté nos remarques et nos propositions.

M. le président.

Les amendements nos 294 et 10 sont retirés.

M. Jean-Luc Préel.

Je voulais répondre à M. le président de la commission...

M. le président.

Les amendements ont été retirés, monsieur Préel.

M. Bernard Accoyer.

Il va les reprendre !

M. Jean-Luc Préel.

Un instant, monsieur le président !

M. le président.

Je vous donne très volontiers la parole, monsieur Préel, car je sais que vous n'en abusez jamais...

M. Jean-Luc Préel.

Je voulais répondre au président, mais également à Mme la ministre qui a prétendu tout à l'heure que l'opposition n'avait pas de proposition en matière d'avenir des retraites. M. le président Le Garrec y a insisté à raison : c'est un problème majeur et nous y sommes tous confrontés. Nous connaissons tous l'évolution démographique. Ainsi que l'a noté Denis Jacquat à plusieurs reprises, les retraités de 2040 sont déjà nés ; par conséquent, nous savons dès aujourd'hui à quel problème nous devons nous attendre et de nombreux rapports le montrent.

Nous avons des propositions, extrêmement simples : nous avons demandé d'améliorer la gestion paritaire du régime général, afin que celui-ci puisse définir les prestations en fonction des cotisations et que les partenaires sociaux en décident eux-mêmes les plus responsables en sont d'accord. Nous demandons la création d'un régime de retraite des fonctionnaires, lui aussi géré paritairement afin que l'on sache également ce qui y entre et ce qui en sort.

M. Bernard Accoyer.

Ça, c'est bien !


page précédente page 07608page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

M. Jean-Luc Préel.

Nous demandons aussi une harmonisation des régimes de retraites.

Nous demandons enfin que soit institué un dispositif de complément de retraite : une épargne retraite nous paraît indispensable.

M. Bernard Accoyer.

Ils ne veulent pas de retraite par capitalisation !

M. Jean-Luc Préel.

Voilà ce que je voulais rappeler brièvement, monsieur le président, afin que tout le monde soit informé des propositions de l'opposition sur ce sujet.

M. Jean-Pierre Foucher et M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. le président.

Monsieur Préel, M. Jacquat a rappelé à l'instant que son amendement était le résultat d'un vote unanime de la commission des affaires sociales.

M. Bernard Accoyer.

Oui !

M. le président.

Qui dit vote unanime dit vote de l'ensemble des groupes, puisqu'ils y sont tous représentés.

Je rappelle que les amendements nos 294 et 10 ont été retirés.

Je mets aux voix l'article 25, modifié par l'amendement no

9. (L'article 25, ainsi modifié, est adopté.)

Article 26

M. le président.

« Art. 26. - I. - A l'article L. 12 du code des pensions de retraite des marins, il est ajouté un 12o ainsi rédigé :

« 12o Dans des limites fixées par voie réglementaire, les périodes pendant lesquelles un marin a perçu une pension d'invalidité en raison d'une maladie ou d'un accident non professionnels. »

« II. Le premier alinéa de l'article L. 41 du code des pensions de retraite des marins est ainsi rédigé :

« Tous les services accomplis à bord des navires de commerce, de pêche, de culture marines ou de plaisance par des marins et tous les services non embarqués qui sont de nature à ouvrir droit au bénéfice des pensions ou allocations servies par la caisse de retraite des marins, à l'exception des services à l'Etat et des périodes visées aux 9o et 12o de l'article L. 12, donnent lieu, de la part des propriétaires ou armateurs de navires de mer ou de la part des employeurs, à un versement calculé en fonction des salaires des marins et destiné à l'alimentation de la caisse. »

Je mets aux voix l'article 26.

(L'article 26 est adopté.)

Article 27

M. le président.

« Art. 27. - L'article L. 726-3 du code rural est abrogé. »

M. de Courson a présenté un amendement no 332, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 27 par l'alinéa suivant :

« Le solde disponible du fonds additionnel d'action sociale est versé au fonds spécial d'action sociale prévu à l'article L.

726-2 du code rural. »

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Luc Préel.

M. de Courson est rapporteur du BAPSA ; c'est une importante responsabilité. Par cet amendement, il appelle notre attention sur le fait que le fonds additionnel d'action sociale, créé en 1980 dans le but de gérer les services ménagers, étant abrogé par l'article 27 pour fusionner avec le fonds spécial d'action sociale, il convient d'affecter à ce dernier le solde disponible qui s'élève aujourd'hui à 4 millions de francs. Le but est d'éviter que ces 4 millions ne se perdent dans la nature...

M. le président.

J'espère qu'il est plus facile de retrouver 4 millions qu'un amendement.

(Sourires.)

Quel est l'avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Comme l'a dit excellemment M. Préel, M. de Courson propose d'affecter le solde du fonds additionnel d'action sociale supprimé par l'article 27, au fonds spécial d'action sociale. J'étais, pour ma part, favorable à cet amendement : malheureusement, il a été repoussé par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Rejet.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 332.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 27.

(L'article 27 est adopté.)

M. le président.

L'amendement no 233 visant à introduire un article additionnel après l'article 27 n'est pas soutenu.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Monsieur le président, nous allons aborder un chapitre important, sur la branche maladie, il me paraît souhaitable de suspendre quelque temps.

M. le président.

J'allais le proposer ! Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue, pour dix minutes.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante, est reprise à vingt-trois heures cinquante.)

M. le président.

La séance est reprise.

Article 28

M. le président.

Je donne lecture de l'article 28 : Section 3 Branche maladie

« Art. 28. - I. - A. - Au chapitre V du titre Ier du livre VI du code de la sécurité sociale, l'article L. 615-14 est ainsi rédigé :

« Art. L. 615-14. - Les prestations de base servies aux ressortissants du régime institué par le présent livre en cas de maladie ou d'accident sont celles prévues aux 1o , 2o , 3o , 4o , 6o , 7o et 8o de l'article L. 321-1 et, en cas de maternité, celles prévues à l'article L. 331-2. »


page précédente page 07609page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

« A cet effet, il est fait application des dispositions prévues aux articles L. 322-2, L. 322-3 et L. 332-1 à L. 332-3. »

« B. - Au chapitre V du titre Ier du livre VI du code de la sécurité sociale, la sous-section 2 de la section 3 est abrogée. »

« C. - La sous-section 3 de la section 3 du chapitre V du titre Ier du livre VI du même code, qui devient la sous-section 2, est intitulée : "Dispositions particulières relatives à l'assurance maternité". »

« II. Lorsqu'une personne est titulaire d'un contrat ou d'une adhésion souscrit auprès d'un organisme de protection complémentaire avant le 1er janvier 2001, pour la part non prise en charge par le régime des travailleurs non salariés au titre des prestations en nature des assurances maladie et maternité, elle obtient à sa demande et à tout moment pour le contrat ou l'adhésion en cours la résiliation totale de la garantie initialement souscrite auprès dudit organisme. »

« Les cotisations ou primes afférentes aux adhésions ou contrats résiliés sont remboursés par les organismes qui les ont perçues, au prorata de la durée de l'adhésion ou du contrat restant à courir. »

« III. A l'article L. 615-12 du code de la sécurité sociale après le mot : "L. 322-1" est ajouté le mot : "L. 324-1". »

Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits. Je constate qu'aucun n'est présent, sauf Mme BenayounNakache. Si vous faites vite, vous nous ferez faire des économies, madame.

(Sourires.)

Vous avez la parole.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, à l'occasion de la discussion sur cet article 28, je souhaite souligner un certain nombre de constats relatifs à ce PLFSS pour 2001.

Je note des progrès importants, comme la revalorisation des taux de pension, le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, l'alignement des prestations pour les salariés non agricoles, et la nette progression de l'ONDAM, fixée à 3,5 %.

Je pourrais détailler, madame la ministre, et c'est bien légitime, les revendications du monde médical et paramédical ou celles des associations d'usagers qui nous sollicitent. Je pense notamment aux associations de défense des victimes de l'hépatite C, qui voudraient obtenir un fonds d'indemnisation, aux personnes atteintes de maladies dites orphelines, qui souhaiteraient obtenir des antennes - notamment à Toulouse -, aux associations qui continuent de lutter contre le sida, ce fléau du XXIe siècle, ou encore aux associations de familles de traumatisés crâniens.

M. Bernard Accoyer.

Il y a aussi les cancéreux !

M me Yvette Benayoun-Nakache.

Mais je préfère contenter mon propos sur l'application de l'ONDAM et sa répercussion dans les régions, notamment la mienne,

M idi-Pyrénées qui était considérée l'année dernière comme surdotée médicalement, tout comme d'ailleurs la région Ile-de-France, et qui connaît, avec le système de péréquation, un certain nombre de difficultés, exprimées par le Comité de défense de l'hôpital public, composé de l'ensemble des syndicats hospitaliers et autres organisations politiques. Je m'en suis fait l'écho à diverses reprises, notamment par une question orale au Gouvernement dès le 22 juin 1999, et l'accord d'une rallonge budgétaire pour 2000 a bien montré la réalité de ces difficultés.

Ce comité a manifesté dernièrement devant ma permanence, ce lundi 23 octobre, dénonçant la logique de maîtrise comptable, qui aboutit selon lui à prendre le risque que les besoins de santé de la population ne soient pas satisfaits.

Je souhaite souligner ici, madame la ministre, les tendances lourdes que l'on voit se dessiner en Midi-Pyrénées.

Je commencerai par les problèmes chroniques liés aux c onditions de travail, que j'illustrerai d'abord par l'exemple de l'hôpital de Montauban, qui connaît 35 000 jours d'absence chaque année, et des besoins supplémentaires en personnel estimés à 150 agents, alors que le protocole Aubry n'a permis d'en obtenir que quinze.

La première conséquence de ce manque de personnel est l'impossibilité d'ouvrir des lits supplémentaires, alors que les besoins sont réels.

A Toulouse, le projet d'établissement sur le centre hospitalier universitaire prévoit de concentrer les services des urgences sur un seul établissement, l'hôpital Rangueil, vidant ainsi l'hôpital Purpan de l'essentiel de ses services et le vouant à terme à n'être plus qu'une « antenne » médicale.

M. Bernard Accoyer.

Vous êtes une élue de la nation, ma chère collègue !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

J'y viens, monsieur Accoyer, ne vous faites pas de souci !

M. le président.

Ah ! si on pouvait toujours appliquer le principe que vous évoquez, monsieur Accoyer, les choses iraient plus vite !

M. Bernard Accoyer.

On ne va peut-être pas procéder à une discussion par arrondissement !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Cela soulève un certain nombre de questions sur l'organisation de l'offre de soins dans Toulouse, le département de Haute-Garonne, et la région, et cela occasionne les difficultés pratiques qui découlent d'une telle réorganisation pour l'agglomération toulousaine.

M. Bernard Accoyer.

A quel étage se posent les problèmes à l'hôpital Purpan ?

M. le président.

Monsieur Accoyer !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Je citerai également la souffrance du personnel en milieu psychiatrique, souffrance due, là aussi, au manque de personnel.

M. Bernard Accoyer.

Quelles catégories de personnels ?

M. Jean-Marie Le Guen.

Les ORL ! (Sourires.)

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Je citerai, par ailleurs, l'exemple du service d'hospitalisation à domicile, largement appelé à se développer par une circulaire ministérielle.

Notre priorité, et ma priorité, est de garantir un service public de santé digne de ce nom, qui réponde aux besoins de la population et garantisse l'accès de toutes et de tous à des soins de qualité, sans oublier pour autant la complémentarité avec le privé, celui-ci connaissant une sensible augmentation, de 2,20 %, passant ainsi à 4,9 %.

Aussi, pour y avoir travaillé pendant de longues années, je continuerai à défendre l'hôpital public, seul garant à mes yeux de l'égalité dans l'accès aux soins. Le financement doit répondre à ce souci, ainsi qu'à celui d'une juste répartition entre les régions.


page précédente page 07610page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

Par ailleurs, madame la ministre, je souhaiterais souligner l'importance du rôle des agences régionales d'hospitalisation, et la nécessité urgente d'en faire de réels lieux d'élaboration et de propositions visant à répondre aux besoins réels de la population, par une redéfinition exacte de la carte sanitaire - sans oublier les hôpitaux de proximité, qui participent aux besoins de santé publique des petites et moyennes communes en milieu rural -, et dans une concertation avec les partenaires médicaux, paramédicaux, les malades et les usagers. C'est pour ces raisons, madame la ministre, qu'il me paraît urgent d'envisager leur transformation en véritables agences régionales de santé.

C'est à toutes ces inquiétudes - que je me dois de relayer en tant qu'élue de la nation, monsieur Accoyer, pour traduire l'intérêt général - que je souhaiterais, madame la ministre, vous voir m'apporter quelques apaisements durant l'examen de ce projet de loi.

Car même si nous sommes effectivement, monsieur Accoyer, des élus de la nation, il n'en demeure pas moins que si nous sommes députés, c'est parce que, à un moment donné, une certaine population nous a élus. Et elle compte sur nous pour faire remonter ses doléances, ou nous exprimer en son nom dans cet hémicycle, ce que je fais d'une façon tout à fait légale.

M. Jean-Marie Le Guen.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, est-ce parce que je suis arrivé quelques secondes après la reprise que vous ne me donnez pas la parole ?

M. le président.

Vous prendrez votre tour après, monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Bien, monsieur le président ! Voilà qui m'évitera de répéter ce que les orateurs précédents auront dit.

M. le président.

Je compte sur votre esprit de synthèse.

(Sourires.)

Monsieur Le Guen, vous avez la parole.

M. Jean-Marie Le Guen.

Madame la ministre, pour aborder le débat sur l'assurance maladie, il ne vous sera pas forcément utile de reprendre les fiches que vous a laissées votre prédécesseur. Il vous suffira de reprendre, en tout cas en partie, les critiques et les remarques que vous faisiez lorsque, entre 1995 et 1997, vous aviez la responsabilité du secteur des affaires sociales au parti socialiste et que j'étais à vos côtés, en tant que président de la commission santé du parti socialiste. A cette époque, je critiquais, vous critiquiez les ordonnances de M. Juppé dans un certain nombre de domaines, et singulièrement dans celui de l'assurance maladie. Nous regrettions une absence de clarification des rôles entre l'Etat et la sécurité sociale. La mise en application de ces ordonnances Juppé, comme ce que nous avons connu depuis trois ans, montre à l'évidence - et je m'exprime ici aussi en tant que président du conseil de surveillance de la Caisse nationale d'assurance maladie - une confusion, une interpénétration permanentes des responsabilités. La conséquence en est que nous avons assisté à des blocages qui, je l'espère, seront levés par la nécessaire clarification des responsabilités.

Certes, depuis trois ans, nous avons avancé. La CMU, en particulier, a été une avancée fondamentale, qui a d'ailleurs largement mobilisé l'ensemble des acteurs sociaux, qu'il s'agisse de la CNAM ou des organismes complémentaires.

Certes, sur le terrain, nous voyons se développer des dynamiques extrêmement positives. Je pense notamment à la logique des réseaux, qui a pour résultat que, sans que le niveau politique ou le niveau administratif n'assume véritablement l'ensemble de cette démarche, on voit se connecter des mondes qui se connaissent peu et des stratégies de soins efficaces se mettre en place. Bref, nous voyons apparaître une gestion du risque, ce que nous attendions depuis des années. Tout cela se fait souvent, il faut le dire, grâce à l'action des gens de terrain.

Nous aurons peut-être, au-delà même de ce PLFSS, à légiférer en vue de clarifier le rôle de chacun. Il faudra que nous sachions prendre nos responsabilités, parce que de trop longs blocages, tels que ceux que nous avons connus ces dernières années, risqueraient de paralyser lourdement l'avenir de la Caisse nationale d'assurance maladie.

M. Bernard Accoyer.

Bravo ! C'est très bien dit !

M. Jean-Marie Le Guen.

Monsieur Accoyer, il faudrait d'abord que vous soyez personnellement capable de faire la critique globale des ordonnances de M. Juppé...

M. Bernard Accoyer.

Je vais m'y livrer dans quelques secondes.

M. Jean-Marie Le Guen.

... en ce qui concerne aussi bien le fonctionnement de l'assurance maladie que les rapports avec les professions de santé.

M. Bernard Accoyer.

Vous avez raison.

M. Jean-Marie Le Guen.

Nul n'est besoin aujourd'hui...

M. Bernard Accoyer.

J'observe qu'aujourd'hui elles étaient dans la rue, mais c'est vrai que nous avons fait des erreurs.

M. Jean-Marie Le Guen.

Justement, je crois que vous avez observé, en 1997 déjà, un certain nombre de choses qui se sont passées du côté des professions de santé !

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait.

M. Jean-Marie Le Guen.

J'espère que vous irez au-delà du simple relais de positions corporatistes - qui peuvent être pour partie légitimes, et pour partie exagérées -, p uisque tout à l'heure vous appeliez ma collègue Benayoun-Nakache à être une élue de la nation. Voyezvous, je ne connais pas votre intervention, mais je la redoute, en quelque sorte...

M. Bernard Accoyer.

Rassurez-vous, je serai gentil.

M. Jean-Marie Le Guen.

... ou plus exactement je crains que vous ne veniez simplement, trop simplement, relayer des positions corporatistes.

M. Bernard Accoyer.

Pas du tout !

M. Jean-Marie Le Guen.

Je voudrais dire au Gouvernement que, au-delà de ce malaise, qui s'exprime parfois de façon un peu caricaturale, il est très important que nous sachions écouter le malaise profond qui s'exprime aujourd'hui dans le corps médical, quelle que soit la nature de la pratique, qu'elle soit du secteur public ou du secteur privé, qu'elle soit libérale ou qu'elle soit salariée.

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai.

M. Jean-Marie Le Guen.

Depuis de trop nombreuses années, des interrogations subsistent.

M. Bernard Accoyer.

Vous dites exactement ce que je vais dire.

(Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)


page précédente page 07611page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

Mme Jacqueline Fraysse.

Vous n'avez plus besoin de le dire, alors !

M. Jean-Marie Le Guen.

C'est très bien, monsieur Accoyer. Et puisque vous vous êtes engagé tout à l'heure à ne pas redire ce qu'auront dit les orateurs précédents, vous m'en voyez ravi.

Nous pouvons certainement tomber d'accord, les uns et les autres, pour considérer que, depuis de trop nombreuses années, nous n'avons pas su réfléchir au rôle fondamental que jouent l'ensemble des professionnels de santé, mais singulièrement les médecins dans ce pays. Il faut que, dans les mois qui viennent, ils aient le sentiment d'être écoutés, non seulement pour leurs problèmes corporatistes mais au-delà, contrairement à ce qui s'est passé par exemple dans le débat sur l'allongement à douze semaines de l'autorisation de l'IVG.

M. Bernard Accoyer. Le débat n'a pas encore eu lieu ! M. Jean-Marie Le Guen. Les réactions des pouvoirs publics, du Gouvernement mais aussi des autorités publiques comme la Caisse nationale d'assurance maladie, vis-à-vis du corps médical ont pu être mal interprétées.

Sachons reprendre le dialogue avec cette profession qui est au coeur de l'avenir de notre système de santé, quoi que nous pensions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur. Nous pouvons partager l'approche que vous venez d'esquisser, monsieur Le Guen. Les professionnels de la santé qui ont manifesté aujourd'hui dans la rue ne voulaient pas uniquement défendre leurs intérêts, ils réclamaient une écoute. En effet, au-delà de la défense de revendications corporatistes, justifiées pour certaines d'entre elles, ils ont des choses à dire dans le domaine de la santé publique. Nous ne pourrons pas bâtir un système de santé viable pour le futur sans associer tous les acteurs du système de santé. Ils ont leur mot à dire et doivent nous faire partager leur vision de l'avenir.

Aujourd'hui, ils y sont prêts. Malheureusement, on ne les écoute pas, ils se heurtent à un mur d'incompréhension, tant de la part du Gouvernement que de l'assurance maladie. L'assurance maladie, confrontée à une situation difficile, et parce que le Gouvernement ne lui a laissé que cette issue, a été contrainte de frapper les professionnels de la santé à coups de massue. Il faut dorénavant, comme le réclame Claude Evin, que nous remettions à plat le système conventionnel. Celui-ci est au bout de sa course, il faut rebâtir ensemble un système conventionnel du futur, à travers un dialogue, une écoute non méprisante mais, au contraire, attentive de l'ensemble des professionnels de santé.

L'article 28 propose l'alignement du régime des travailleurs indépendants sur le régime général. En effet, il était anormal que seules les professions indépendantes ne bénéficient pas, à la même hauteur que le reste des Français, d'une prise en charge en matière de santé. Nous nous en étions d'ailleurs préoccupés lors du débat sur la CMU.

Nous nous réjouissons que cette injustice soit réparée.

Cependant, à la lecture des documents annexes au projet de loi, nous constatons que les cotisations payées par les travailleurs indépendants vont augmenter de 13,1 % alors que le total des prestations sociales légales dont ils vont bénéficier n'évolueront que de 8,36 %. Comment expliquer ce différentiel ? Ne va-t-on pas profiter de cette extension de la prise en charge pour ajuster au-delà des sommes nécessaires, pour faire face au surcoût des prestations ? Ne va-t-on pas en profiter pour augmenter leurs cotisations alors que les charges sociales qui aujourd'hui pèsent déjà sur les travailleurs indépendants sont particulièrement lourdes, notamment pour s'assurer une couverture sociale de qualité ? D'autant qu'ils sont confrontés, nous n'avons cessé de le répéter ce soir, aux difficultés de mise en oeuvre des 35 heures qui déstabilisent leurs entreprises et ne facilitent pas leur engagement. Le pays a pourtant besoin de tous ses travailleurs indépendants. Il était temps de leur donner un signal d'encouragement en alignant leur couverture maladie sur le régime général.

M. le président.

La parole est à M. Alain Veyret.

M. Alain Veyret. Je voudrais aborder un problème qui se pose aujourd'hui dans tous les établissements hospitaliers, qu'ils soient publics ou privés, qui est la pénurie de personnel. Certes, un certain nombre de mesures ont été prises, mais elles ne seront efficaces qu'au terme de la formation de ces personnels. En attendant, des établissements sont déstabilisés par la fuite des personnels du privé vers le public due à la différenciation qui existe aussi bien dans la carrière que du point de vue des salaires.

M. Bernard Accoyer. C'est vrai.

M. Alain Veyret. En dix ans, la grille des salaires s'est totalement inversée entre le public et le privé. Aujourd'hui, la rémunération du personnel des établissements hospitaliers privés est inférieure d'environ 20 % à celle du personnel des établissements publics.

M. Bernard Accoyer. Tout à fait. Et le protocole de mars 2000 n'a rien arrangé ! M. Alain Veyret. La pénurie de personnels déjà significative du fait du passage aux 35 heures dans les établissements privés se trouvera aggravée par les besoins que le passage aux 35 heures dans les établissements publics va créer. C'est un véritable problème.

La différence de salaires pourrait être réglée par des augmentations de salaires à condition que les ressources soient déjà suffisantes, dans les établissements privés comme dans les établissements publics, pour envisager le passage aux 35 heures...

M. Bernard Accoyer. Quinze milliards de francs.

M. Alain Veyret. ... et l'embauche de nouveaux personnels.

M. Bernard Accoyer. Ils ne sont pas formés ! M. Alain Veyret. Dans le privé, on assiste, depuis une dizaine d'années, à des restructurations importantes qui nécessitent des investissements très lourds. Par ailleurs, de nouvelles normes sont mises en place qui sont, à mon avis, indispensables pour assurer la sécurité des malades mais qui n'ont pas été provisionnées. Les établissements ont fortement investi, et les restructurations ne sont pas finies - nous en reparlerons aux articles 33 et 35. Les marges de manoeuvre pour augmenter les salaires et les porter à peu près à hauteur des salaires du public - ce qui serait tout à fait légitime puisque le travail et la responsabilité sont identiques - sont très faibles.

La pénurie de main-d'oeuvre s'accompagne d'une augmentation considérable de la charge de travail tant dans le public que dans le privé.

M. Bernard Accoyer. C'est vrai ! M. Alain Veyret. Et je crains que le passage aux 35 heures dans les hôpitaux publics ne soulève de réelles difficultés financières.


page précédente page 07612page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

Certes, des mesures pourraient être prises, et nous avons été nombreux à évoquer, sur tous les bancs de cette assemblée, le problème de la taxe sur les salaires.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Alain Veyret.

Cette taxe, qui touche à la fois les hôpitaux et les cliniques, nous paraît quelque peu anormale.

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

M. Alain Veyret.

En effet, elle pénalise fortement l'emploi. J'aimerais savoir ce qui pourrait être envisagé et dans quel délai.

M. Yves Bur.

Très bonne idée !

M. le président.

La parole est à M. Gérard Terrier.

M. Gérard Terrier.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers coll ègues, je voudrais associer à mon intervention Mme Odette Trupin qui s'est beaucoup investie sur ce texte.

La loi du 9 juin 1999 visant à garantir l'accès aux soins palliatifs ainsi que le premier plan triennal pour le développement des soins palliatifs ont permis une réelle avancée dans le traitement des personnes atteintes de maladies graves évolutives mettant en jeu le pronostic vital en phase avancée ou terminale. Mais l'accès aux soins palliatifs reste trop souvent aléatoire. Il convient de le rendre possible partout, dans les établissements et à domicile. D'ailleurs, le 10 octobre dernier, Mme Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, a rappelé que les soins palliatifs restaient une priorité pour le Gouvernement.

La proposition du Conseil économique et social en 1999 de prévoir cinq lits pour 100 000 habitants rend nécessaires 3 000 lits de soins palliatifs, ce qui correspond à un minimum de 300 unités de soins palliatifs de dix lits.

Au vu du nombre d'unités existantes, nous sommes loin d'atteindre cet objectif.

Madame la ministre, peut-on espérer que le premier plan triennal pour le développement des soins palliatifs soit complété pour l'année 2001, et qu'il soit suivi d'un deuxième plan triennal pour les années 2002, 2003 et 2004 ? En collaboration avec la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs, nous avons estimé qu'environ 1 541 millions de francs seraient nécessaires en allouant 385 millions de francs par an et ce jusqu'en 2004.

Pour exploiter de façon optimale ce budget sur un plan qualitatif, il conviendrait de suivre les recommandations de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs, qui préconise plusieurs pôles d'action : des personnes ressources pour chaque niveau ; la présence, dans un établissement de santé, de deux soignants, un médecin et une infirmière, formés en soins palliatifs ; la mise en place d'unités relais dans un certain nombre de pôles hospitaliers ; le développement d'équipes mobiles dont les missions sont la coordination, le conseil, le soutien ; l'ouverture d'unités de soins palliatifs de dix lits en moyenne. Toutes ces structures devraient être coordonnées en réseau et travailler en lien avec tous les intervenants du domicile.

Ces recommandations, tant qualitatives que quantitat ives, correspondent aux orientations énoncées par Mme Dominique Gillot, concernant les objectifs de la fin du plan triennal, notamment durant sa conférence de presse du 19 juin 2000. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Madame la ministre, les intervenants de la majorité ont tous souligné, cela ne vous aura pas échappé, l'état d'inquiétude et de crise dans lequel se trouvent les différents segments de notre système d'hospitalisation. Jean-Marie Le Guen s'est inquiété des professions de santé, M. Veyret de l'hospitalisation privée, Mme Benayoun-Nakache de la situation ponctuelle dans une région de France. Quant à M. Terrier, fidèle à son patronyme, il est allé au fond du problème des soins palliatifs. (Sourires.)

Nous abordons la partie de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale qui traite, plutôt qui devrait traiter, de la santé. Jamais la situation n'a été aussi critique qu'aujourd'hui. Certes, Jean-Marie Le Guen l'a rappelé, les derniers gouvernements ont tous été confrontés à des difficultés pour suivre l'évolution des dépenses de santé, mais également pour nouer des relations conventionnelles stables, constructives telles qu'elles doivent exister entre le Gouvernement, les caisses et les professionnels de santé.

Quelle est la situation actuelle ? Tout d'abord dans les soins ambulatoires. Jean-Marie Le Guen l'a souligné, une crise de confiance extrêmement profonde touche tous les professionnels de santé. Alors qu'elles pratiquent l'un des plus beaux métiers du monde, les personnes qui ont dépassé la cinquantaine n'aspirent qu'à une chose, - s'arrêter. Cela doit nous faire tous réfléchir, au-delà de nos différences politiques. Que serait la santé en France si, demain, nous étions confrontés à une pénurie de soignants ? Pourtant, c'est sur cette voie que nous sommes engagés, et ceci relève aussi de votre responsabilité, madame la ministre.

Il convient d'ouvrir immédiatement, en direction des professionnels de santé, qu'il s'agisse des médecins, des c hirurgiens-dentistes, des infirmières, des kinésithérapeutes, des orthophonistes, bref de toutes les professions libérales de santé, un dialogue sincère fondé sur la liberté et le respect des uns et des autres. L'objectif doit être de fonder des systèmes conventionnels dans le respect de la liberté du professionnel et du patient. Ces espaces de liberté sont indispensables à tous les segments de la vie en société pour que celle-ci soit une réussite. Je condamne et regrette les systèmes de sanction qui ont été développés, et dont certains ont été introduits par les majorités précédentes. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe communiste.) Il faut, au contraire, trouver des dispositifs de régulation médicalisés, partagés. Ainsi seront assurés le juste soin, celui qui permet que tout le monde se trouve engagé dans ses responsabilités, dans sa participation, mais aussi la juste rétribution apportée à celui qui travaille.

Madame la ministre, ne croyez-vous pas que le système des lettres-clés flottantes, les baisses autoritaires de tarifs successives, les jugements péremptoires et à l'emportepièce qui emballent la machine de l'effet prix-volume, soient quelque chose d'extrêmement dangereux ? C'est un cercle vicieux.

Madame la ministre, d'après le protocole de mars 2000 qui a été lâché par Mme Aubry devant la pression des syndicats, les dépenses du secteur hospitalier devraient bénéficier de quelque 17 milliards de francs en trois ans, soit une multiplication par deux de l'objectif que nous


page précédente page 07613page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

avions voté ici même quelques semaines auparavant.

Mais, monsieur le président, vous êtes garant du travail du Parlement, en tout cas de notre assemblée, comment pouvez-vous concevoir qu'à peine trois mois après le vote d'un texte, la ministre, s'asseyant sur la décision du Parlement et sans demander de vote rectificatif, augmente de 100 % l'enveloppe prévue ? C'est un problème, d'autant que les difficultés de l'hôpital public demeurent. L'hôpital traverse une vraie crise, qui menace la qualité des soins, la conservation du patrimoine, les équipements, en particulier en technologies modernes. La France se situe au niveau de la Turquie pour les IRM, pour les appareils de tomographie par émission de positons, pour les implants cochléaires, pour les pompes programmables et implantables, et je pourrais continuer la liste. Pour un pays qui croit encore être un grand pays scientifique et médical, la situation n'est pas brillante ! Dans le secteur privé, Alain Veyret en a dit deux mots, la crise est terrible. Des établissements vont disparaître. Il manque 27 000 infirmières. Avec le protocole 2000, l'appel d'air des personnels du privé vers le public s'est amplifié, s'est aggravé. Les services ne peuvent plus tourner, les cliniques vont fermer. L'hôpital public ne pourra pas répondre à la demande, et les listes d'attente s'allongeront.

Dans le domaine des médicaments, les Français n'ont accès aux nouvelles molécules qu'au terme d'un délai inacceptable, intolérable. Nos industries de santé sont soit des entreprises étrangères implantées chez nous, soit, pour les deux grands laboratoires français, des entreprises implantées à l'étranger pour l'essentiel de leurs activités.

Voilà les résultats de la politique à laquelle, d'ailleurs, monsieur le rapporteur Evin, vous avez participé en mettant sous le boisseau tout ce qui consiste à rétribuer l'effort, l'imagination, le dévouement, l'innovation, l'invention. Bref, vous aurez été un de ceux qui auront conduit à la régression de notre système de soins. Quelle lourde responsabilité !

M. le président.

Je vous prie de conclure, monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, je voudrais, pour terminer, parler de ce qui est probablement le plus urgent, la CMU. Une nouvelle fois, je demande à Mme la ministre de s'intéresser aux 700 000 familles bénéficiaires de la CMU : dans cinq jours, elles n'auront plus de protection si aucune décision n'est prise.

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 379, ainsi rédigé :

« Après le troisième alinéa du I de l'article 28, insérer l'alinéa suivant :

« Les assurés malades ou blessés de guerre, relevant du présent livre, qui bénéficient, au titre de la législation des pensions militaires, d'une pension d'invalidité, sont dispensés, pour eux personnellement, du pourcentage de participation aux frais médicaux, pharmaceutiques et autres pour les maladies, blessures ou infirmités non mentionnées par la législation sur les pensions militaires. »

La parole est Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je propose de permettre aux invalides de guerre du régime des travailleurs non salariés de bénéficier, comme ceux qui ressortissent du régime général, d'une prise en charge intégrale de leurs dépenses pour les soins autres que ceux qui sont en rapport avec l'affection invalidante. Si l'Assemblée vote ce texte, l'identité totale en matière de prestations en nature des assurances maladie et maternité entre les deux régimes sera enfin réalisée.

M. le président.

La parole est à M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l'assurance maladie, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 379.

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l'assurance maladie.

La commission avait adopté un amendement identique qui n'a pas été accepté en vertu de l'article 40 de la Constitution. La commission se réjouit donc que le Gouvernement reprenne notre proposition.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 379.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

M. Evin, rapporteur, a présenté un amendement, no 370, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du II de l'article 28, après les mots : "avant le 1er janvier 2001", insérer les mots : "qui n'aurait pas consenti à une baisse de cotisation". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Evin, rapporteur.

Les travailleurs non salariés non agricoles, dont l'article propose d'aligner les prestations sur celles du régime général, ont souvent contracté des régimes complémentaires. Nous proposons que leur contrat de couverture complémentaire puisse être éventuellement modifié pour les faire bénéficier d'une baisse de cotisations.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Tout à fait d'accord avec cette proposition.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Je ne suis pas certain que cet amendement soit recevable. Je ne suis pas certain que la loi doive régir, à tout coup, les rapports entre le secteur complémentaire et les affiliés. Par conséquent, je ne m'associerai pas à cet amendement.

Les organismes complémentaires vont être conduits ils le sont déjà, d'ailleurs - à réviser certains contrats, dans des conditions assez défavorables, en principe à la baisse. En effet, les prestations du régime général étant un petit peu meilleures que celles de la caisse des « nonnon », le complément laissé à la charge des organismes complémentaires sera un petit peu moins élevé.

Il est dommage de s'insinuer en permanence dans les contrats par le biais de la loi. Mais c'est un peu l'habitude de la majorité...

M. Claude Evin, rapporteur.

N'importe quoi !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 370.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 347, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 28 par le paragraphe suivant :

« Dans l'hypothèse où cet alignement des prestations d'assurance maladie et maternité en nature servies aux travailleurs non salariés non agricoles sur


page précédente page 07614page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

celles du régime général devait se traduire par une h ausse de leurs cotisations, le Gouvernement s'engage préalablement à les consulter par la voie d'un référendum. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

L'article 28 vise à aligner les prestations du régime des travailleurs non salariés non agricoles sur celles du régime général. C'est indéniablement une avancée puisque les remboursements dont s'acquitte ce dernier sont supérieurs, ainsi que ses prestations, notamment le délai de carence.

Toutefois, il convient de souligner la nette différence entre les montants des dépenses d'assurance maladie par affilié, selon le régime. Dès lors, il ne faudrait pas que les cotisants au régime des « non-non », dans quelques années, se voient contraints de payer des cotisations beaucoup plus élevées pour tenir compte d'un niveau de dépenses par affilié plus conséquent.

C'est pourquoi nous proposons que les cotisations ne puissent être augmentées qu'après consultation préalable des affiliés du régime des « non-non », par la voie de référendum.

M. le président.

Vous me permettrez de vous rappeler, monsieur Accoyer, que le référendum est de la compétence du Président de la République.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 347 ?

M. Claude Evin, rapporteur.

La commission, naturellement, est en désaccord avec cet amendement. Le Gouvernement et la commission l'ont déjà dit, mais puisque le débat sur l'article 28 a dérapé et que bien d'autres sujets ont été abordés, je voudrais rappeler qu'il s'agit là d'aligner...

M. Bernard Accoyer.

Oui ! On l'a dit !

M. Claude Evin, rapporteur.

... les prestations maladies du régime des travailleurs non salariés non agricoles sur celles du régime général, et que cette proposition résulte d'une négociation avec les représentants des caisses euxmêmes. Il n'y a donc aucune raison d'envisager un quelconque référendum pour vérifier que les affiliés sont d'accord, puisque leur consentement a déjà été obtenu avant la présentation de l'article.

Je demande par conséquent le rejet de l'amendement de M. Accoyer.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 347.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 28, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 28, ainsi modifié, est adopté.)

Article 29

M. le président.

« Art. 29. - Dans la première phrase du premier alinéa du I de l'article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale, les mots : "Pendant une durée de cinq ans à compter de la publication de l'ordonnance no 96-345 du 24 avril 1996" sont remplacés par les mots : "Jusqu'au 31 décembre 2001". »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Je ne m'étais pas inscrit sur l'article précédent, parce qu'il avait un objet précis.

Nous venons d'aborder la branche maladie, tardivement, comme toujours, ce que l'on peut regretter, car la santé de nos concitoyens nous préoccupe beaucoup, et la loi de financement mériterait que les débats abordent les réels problèmes de santé publique.

L'article 29 porte sur les réseaux et filières expérimentaux de soins. On l'a constaté aujourd'hui, malheureusement, les professionnels de santé sont extrêmement déçus et inquiets.

Pour être clair, madame la ministre, je vous le dis, mon groupe estime que le système de santé à la française est plutôt performant. L'OMS nous a classés en première position, ce qui est peut-être un peu trop beau, mais l'OCDE ne nous place pas mal non plus. Nous avons également l'avantage d'offrir une grande liberté, liberté d'installation, liberté de prescription, liberté de choix de son praticien, et, contrairement à d'autres pays, de ne connaître encore aucune file d'attente - j'espère d'ailleurs que ce ne sera jamais le cas.

M. Bernard Accoyer.

Avec la crise de l'hospitalisation privée, nous n'y échapperons pas !

M. Jean-Luc Préel.

Le principe général est donc relativement satisfaisant et notre souhait est de sauvegarder le système actuel plutôt que de le jeter aux orties, comme certains le souhaiteraient.

A cet effet, nous avons une proposition d'organisation générale très claire, contrairement à ce que vous nous avez reproché tout à l'heure : nous sommes favorables à une véritable régionalisation du système de santé, à une véritable décentralisation, pour mettre en oeuvre une politique de santé de proximité, de nature à développer la prévention et à responsabiliser l'ensemble des acteurs.

Si Mme le ministre ou M. le rapporteur le souhaite, je serai à leur disposition pour entrer dans le détail de cette proposition.

M. Claude Evin, rapporteur.

Non, pas à cette heure-ci !

M. Jean-Luc Préel.

J'en arrive à l'article 29. Plusieurs problèmes restent non résolus. On ne parle plus du

« médecin référent ». Que va-t-il devenir ? Même chose pour la carte Vitale 1 et la carte Vitale 2, avec le dossier médical.

M. Bernard Accoyer.

La carte Vitale, c'est 20 milliards !

M. Jean-Luc Préel.

Le comité d'orientation mis en place par les ordonnances a prévu un fonctionnement extrêmement simple pour les réseaux et filières expérimentaux de soins. Mais dans les faits, très peu de réseaux ont été acceptés par le conseil d'orientation et agréés par le ministère. Monsieur le rapporteur, madame la ministre, selon quels critères les réseaux et filières sont-ils agréés ou rejetés ?

M. Bernard Accoyer.

C'est une bonne question !

M. Jean-Luc Préel.

J'ai lu avec intérêt votre rapport, monsieur le rapporteur, mais il n'y est pas fait mention de ces critères.

M. Bernard Accoyer.

Mme la ministre ne manquera pas de vous répondre...

M. Jean-Luc Préel.

En outre, pourquoi l'examen de certains dossiers traîne-t-il ? Que proposez-vous pour développer l'hospitalisation à domicile, qui est un bon moyen d'améliorer le fonctionnement en réseau ? Un autre vrai problème est celui de la fongibilité des enveloppes. Si l'on souhaite que l'hôpital et la médecine de ville s'articulent correctement, il faut parvenir à une


page précédente page 07615page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

véritable fongibilité de l'enveloppe ambulatoire et de l'enveloppe hospitalière. Or, dans le système actuel, elles sont parfaitement non fongibles. Par conséquent, dans certains cas, quand des ordonnances ont été délivrées à l'hôpital et d'autres en ville, on ne sait plus par quelle enveloppe les soins doivent être pris en charge, et les gestionnaires demandent des reports de charges, dans un sens ou dans l'autre. Il me semble indispensable d'arriver rapidement à une réelle fongibilité. La régionalisation le permettrait, à condition qu'elle soit menée à son terme.

Enfin, dans l'article 29, vous proposez de repousser la date butoir des expérimentations au 31 décembre 2001.

Une fois la loi de modernisation du système de santé adoptée, il faudra peut-être encore attendre la publication de décrets d'application. Il serait donc raisonnable d'aller bien au-delà du 31 décembre 2001.

M. Claude Evin, rapporteur.

C'est ce que nous allons faire !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Un amendement a été déposé dans ce sens, vous le savez !

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

L'article 29 vise à prolonger la période d'expérimentation des réseaux. Qu'il faille coordonner les soins, c'est une évidence, et, à cet effet, la réforme de 1996 a essayé de mettre en place un système expérimental.

Malheureusement, comme l'a dit Jean-Luc Préel, la commission dite « commission Soubie », chargée d'autoriser l'activation des réseaux, fonctionne d'une façon quelque peu opaque. J'ai ainsi eu connaissance de deux projets assez similaires qui ont connu un sort différent : le premier, dans le département d'une éminente personnalité proche du Parti socialiste et de la caisse nationale d'assurance maladie, a obtenu satisfaction ; le second, dans la très belle région dont j'ai l'immense honneur d'être l'élu, les Alpes du Nord, a été repoussé.

Je suis donc très impatient, moi aussi, d'entendre Mme la ministre nous décrire les critères qui président aux décisions de la commission Soubie.

Vous me permettrez, puisqu'il s'agit de coordination des soins, d'insister sur la nécessité d'entretenir la meilleure concertation possible avec les professionnels de santé. Nul n'en doute, les prises en charge s'en trouveraient parfois améliorées car, si certains malades ont besoin de liberté, d'autres, au contraire, attendent une meilleure cohérence entre spécialités et entre modes d'exploration de la santé. J'estime donc également que l'échéance fixée est trop proche.

Vous me permettrez également, à l'occasion de l'examen de cet article, de soulever une question qui me tient particulièrement à coeur, concernant une population importante, celle des frontaliers, en particulier les frontaliers français qui travaillent dans la Confédération helvétique.

Votre gouvernement, madame la ministre, a signé ce que l'on appelle des accords bilatéraux. Ils sont peu connus parce que le Gouvernement les a négociés en catimini, à l'insu du Parlement. J'émets les plus expresses réserves sur la façon dont les représentants du Gouvernement ont conduit les discussions, et les accords s'avèrent extrêmement défavorables pour la France.

Sur le plan plus particulier de la protection sociale, et plus précisément de la protection maladie, le choix délibéré qui a été fait par le gouvernement français met les nouveaux travailleurs frontaliers résidant en France et travaillant en Suisse dans une situation véritablement impossible. Désormais, obligation leur est faite de s'affilier à un régime de protection maladie helvétique. Or, indépendamment du coût extrêmement élevé de cette affiliation, les assurances suisses pratiquent l'exclusion de certains risques.

Ainsi, dans nombre de familles, l'assuré, ses enfants et autres ayants droit se trouvent exclus de tout système d'assurance. Je m'en suis inquiété auprès de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, mais je n'ai pu obtenir de réponses concrètes et satisfaisantes. Je m'en suis inquiété auprès de M. le Premier ministre, mais je n'ai pu obtenir de réponses concrètes et satisfaisantes.

Certes, un « M. Bons Offices » a été désigné pour réfléchir à la question - un de plus, me direz-vous - mais le problème n'est toujours pas réglé et les nombreuses familles concernées se trouvent dans une situation d'extrême détresse.

J'ai formulé une proposition, madame la ministre : pour que ces familles bénéficient de la solidarité nationale, elles pourraient, à titre dérogatoire, notamment au regard des cotisations, bénéficier du régime de la CMU pour une période transitoire. Vous auriez alors le loisir de vous informer, de prêter attention au problème et de signer l'annexe 3 des accords bilatéraux, afin de lever ces difficultés. Tel ne semble pas être votre souhait ; nous le regrettons et vous demandons tout de même de faire ce geste. J'attends votre réponse, madame la ministre.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Foucher.

M. Jean-Pierre Foucher.

Je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a dit Jean-Luc Préel, mais l'amendement no 385 du Gouvernement et l'amendement no 371 du rapporteur m'amènent à poser une question.

A l'origine, l'article 29 avait pour but de prolonger l'expérimentation - et Dieu sait si nous sommes favorables aux expérimentations - du 31 avril 2001 au 31 décembre 2001. Cela me semblait logique, car la loi de modernisation du système de santé suscitera des débats et sera longue à mettre en route.

Mais l'amendement du Gouvernement propose que le report soit étendu jusqu'à décembre 2006, et l'amendement de Claude Evin affirme qu'il est temps de donner un réel statut aux réseaux et filières de soins. Alors je me pose la question : depuis deux jours, on nous a répété plusieurs fois que la loi de modernisation du système de santé serait examinée en 2001, mais verra-t-elle vraiment le jour ? Du reste, si le délai est prolongé, est-il vraiment utile de se précipiter pour donner un statut à ces disposit ifs expérimentaux par un amendement ? Si l'on commence à extraire des dispositions de cette loi, il n'y aura peut-être plus grand-chose dedans et elle ne verra peut-être jamais le jour.

M. Claude Evin, rapporteur.

Oh !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais si !

M. Jean-Pierre Foucher.

Répondez donc !

M. le président.

Mes chers collègues, à ce stade du débat, je voudrais faire le point.

Jusqu'à présent, nous avons examiné quatorze amendements à l'heure. Il ne s'agit pas de dresser des statistiques ou de battre un record, mais il reste 143 amendements, ce qui représente dix heures de débat, auxquels s'ajoutent quarante-sept inscrits sur les articles, soit quatre heures de débat environ. Dix plus quatre font quatorze heures. Il


page précédente page 07616page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

est donc évident que nous ne terminerons pas cette nuit.

Par conséquent, je lèverai la séance à une heure et elle reprendra demain matin.

Nous passons aux amendements à l'article 29.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 385, ainsi rédigé :

« Dans l'article 29, substituer à l'année : "2001", l'année : "2006".

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le dispositif expérimental pour les réseaux et filières arrive à échéance en avril 2001. Le Gouvernement, initialement, suggérait qu'il soit prolongé jusqu'au 31 décembre 2001.

La commission des affaires culturelles a adopté un amendement, no 371, proposant la réforme de ce dispositif, que le Gouvernement avait l'intention d'introduire dans le projet de loi de modernisation du système de santé.

L'amendement no 385 du Gouvernement vise à prolonger l'expérimentation jusqu'en 2006.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

Le sujet a déjà été évoqué par plusieurs intervenants.

Chacun s'accorde, dans cette assemblée, pour considérer que le fonctionnement de notre système de santé en réseaux s'impose de plus en plus, notamment pour les pathologies lourdes - on pense souvent au cancer. Il nécessitera de plus en plus de mettre en relation les établissements publics, les établissements privés, ainsi que la médecine ambulatoire, afin de parvenir à une prise en charge plus globale, dans laquelle on intégrera même le coût des médicaments.

Cette prise en charge en réseaux a fait l'objet de dispositions dérogatoires aux règles traditionnelles de prise en charge des soins. Ces dispositions ont été introduites dans le code de la sécurité sociale par les ordonnances d'avril 1996. Il avait alors été prévu qu'une commission nationale examinerait les dossiers de candidature. Mais il n'était pas question qu'elle donne l'agrément, contrairement à ce qu'a dit M. Accoyer. Cette commission, présidée par M. Raymond Soubie, a été saisie d'un certain nombre de dossiers dont l'examen est régi par une procédure assez longue, qui résulte d'ailleurs pour beaucoup de règles que la commission s'est fixées elle-même ou qui ont été déterminées par la caisse de sécurité sociale. Il est exact que ces règles n'étaient pas prévues dans les textes qui ont fondé les ordonnances de 1996. Toujours est-il qu'aujourd'hui la commission Soubie a approuvé douze projets, dont sept ont obtenu l'agrément du ministère.

Si nous estimons que l'avenir de notre système de soins est dans une organisation en réseaux nous sommes nombreux à le penser -, il faut aller beaucoup plus vite, d'autant que cela répond à une demande réelle sur le terrain.

Dans le cadre d'une réflexion sur la régionalisation du système de santé engagée, au printemps dernier, à l'initiative du président Le Garrec au sein de la commission des affaires sociales, nous avions proposé que les agréments puissent être délivrés au niveau régional. Le Gouvernement était d'accord et il propose dans ce projet de loi, de repousser d'un an l'échéance puisque l'expérimentation de 1996 était prévue pour cinq ans. Elle se terminera donc en avril 2001. Nous suggérons quant à nous ce sera l'objet de l'amendement suivant, no 371 - de franchir le pas tout de suite en confiant au niveau régional le soin de délivrer l'agrément. Celui-ci serait donné par le directeur de l'agence régionale d'hospitalisation. Ce faisant, nous anticipons sur l'une des dispositions figurant dans le projet de loi de modernisation de la santé. Certes, il ne m'appartient pas de répondre aux interrogations de M. Foucher concernant le devenir de ce projet de loi, mais je tiens à lui dire que je souhaite autant que lui débattre des dispositions concernant notamment les droits des malades ou l'indemnisation. En tout état de cause, il n'y a aucune raison que l'examen de ce texte soit longuement différé. Mais, même si ce projet nous était soumis dans les prochaines semaines, comme nous le souhaitons, il ne pourrait être adopté avant le mois d'avril 2001.

C'est pourquoi nous proposons un dispositif qui restera expérimental pendant cinq ans il faudra l'évaluer -, mais qui permettra de développer fortement les réseaux puisque les agréments seront donnés au niveau régional.

S'agissant de l'amendement no 385, j'avais introduit la date de 2006 dans un premier amendement que la commission des finances avait déclaré irrecevable. Je remercie donc le Gouvernement de bien vouloir prolonger le dispositif jusqu'en 2006.

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je partage totalement l'analyse de M. Evin. Je tiens d'ailleurs à le remercier, ainsi que les membres de la commission, pour le travail accompli par la mission qu'il présidait sur l'approche régionale. Cela correspond à la « recherche d'une voie nouvelle pour la maîtrise d'ensemble du système », que vous avez évoquée dans votre discours, madame la ministre. Nous sommes plusieurs à être convaincus que la mise en réseau des médecins, des hôpitaux et des cliniques est l'une des réponses à nos problèmes, même si ce n'est pas la seule. Je demanderai à ceux qui ne l'ont pas fait de se reporter à la page 77 du rapport de M. Evin qui relate l'expérience de Lens. On a souvent évoqué à cette tribune le retard en termes d'espérance de vie et de santé de la région Nord Pas-deCalais, qui est évalué à trois, quatre ans. Je peux vous dire que, pour le bassin de vie de Lens, ce retard est beaucoup plus important : de l'ordre de six à sept ans.

Une expérience passionnante y est menée, qui garantit l'amélioration des soins et l'efficacité de l'ensemble du système de santé. Je tiens beaucoup à remercier Claude Evin pour son travail, ainsi que tous ceux qui ont participé à cette mission, au-delà de nos divergences. Madame la ministre, avec la politique structurelle du médicament, qui commence à se mettre en place, et le développement des réseaux, nous sommes en train de bâtir ensemble une réponse cohérente à des préoccupations fondamentales.

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Je voudrais simplement que l'on évite de parler du projet de loi de modernisation du système de santé au passé.

M. Bernard Accoyer.

C'et une loi virtuelle !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Cette loi est devant nous. Certes, elle est encore en préparation, mais elle a fait l'objet d'un engagement très ferme du Gouvernement. Je l'ai dit dans mon intervention liminaire sur ce texte, l'une de nos priorités M. le Premier ministre l'a indiqué dans chacune de ses interventions publiques ces dernières semaines.

Les deux premiers titres sont quasiment terminés. Ils sont prêts à être soumis au Conseil d'Etat. Ils ont fait l'objet d'une très longue consultation des partenaires qui


page précédente page 07617page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

y ont travaillé et ont émis des propositions. Nous nous sommes inspirés du rapport de M. Evin pour tout ce qui concerne la régionalisation. Ensuite, les arbitrages nécessaires sont intervenus et la concertation a de nouveau eu lieu. Quant au titre III, relatif à l'assistance aux victimes d'accidents médicaux et à la prise en charge de l'aléa thérapeutique, nous sommes dans la phase de consultation interministérielle, phase très intense puisqu'il y a encore eu une réunion cette semaine et qu'il y en aura une la semaine prochaine. Nous en sommes donc au stade terminal de l'élaboration et je pense que nous allons pouvoir présenter ce projet de loi essentiel pour la modernisation de notre système de santé dans les semaines qui viennent.

M. Jean-Pierre Foucher.

C'est une bonne nouvelle !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 385.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Evin, rapporteur, a présenté un amendement, no 371, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 29 par les neuf alinéas suivants :

« 1o Le sixième alinéa du I est remplacé par les dispositions suivantes :

« Les projets d'expérimentation peuvent être présentés par toute personne physique ou morale. Leur agrément est prononcé compte tenu de leur intérêt médical et économique, dans les conditions suivantes :

« les projets d'intérêt régional sont agréés par la c ommission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation, sur rapport du directeur de l'union régionale des caisses d'assurance maladie ;

« les autres projets sont agréés par les ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé après avis d'un conseil d'orientation comprenant notamment des représentants des organismes d'assurance maladie ainsi que des professionnels et établissements de santé. »

;

« 2o Au premier alinéa du II, les mots : "il peut être dérogé" sont remplacés par les mots : "la décision d'agrément peut déroger" ;

« 3o Au II, le 1o est remplacé par les dispositions suivantes :

« 1o Articles L.

162-5, L.

162-5-9, L.

162-9, L

162-11, L.

162-12-2, L.

162-12-9, L.

162-14,

L. 162-15-2 et L.

162-15-3 en tant qu'ils concernent les tarifs, honoraires, rémunérations et frais accessoires dus aux professionnels de santé par les assurés sociaux » ;

« 4o Le III est remplacé par les trois paragraphes suivants :

« III. La décision d'agrément de tout réseau de santé doté de la personnalité morale peut en outre autoriser l'assurance maladie à financer tout ou partie des dépenses du réseau, y compris les frais exposés pour organiser la coordination et la continuité des soins ainsi que les produits et prestations qu'ils délivrent, sous la forme d'un règlement forfaitaire.

Dans cette hypothèse, la part financée par l'assurance maladie est versée directement à la structure gestionnaire du réseau. Le niveau et les modalités de versement de ce règlement ainsi que, le cas échéant, les prix facturés aux assurés sociaux sont fixés par la décision d'agrément.

« IV. Les dépenses mises à la charge de l'ensemble des régimes obligatoires de base d'assurance maladie qui résultent de l'application des dispositions du présent article sont prises en compte dans l'objectif national des dépenses d'assurance maladie visé au 4 du I de l'article de L.O. 111-3 ».

« V. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je suis tout à fait d'accord.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 371.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

M. Bernard Accoyer.

Non ! Je n'ai pas voté !

M. le président.

Cela n'empêche pas que l'amendement soit adopté à l'unanimité, monsieur Accoyer ! Je mets aux voix l'article 29, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 29, ainsi modifié, est adopté.)

Article 30

M. le président.

« Art. 30. - I. - Le III de l'article 25 de la loi no 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 est ainsi rédigé :

«

III . - Un arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale fixe chaque année, compte tenu du montant de dépenses autorisées chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale et des crédits non consommés au titre des exercices antérieurs, le montant de la participation des régimes obligatoires d'assurance maladie. Cette participation est répartie entre les différents régimes dans les conditions définies à l'article L. 722-4 du code de la sécurité sociale. Les modalités selon lesquelles est calculé, pour l'application des présentes dispositions, le montant de la participation des régimes obligatoires d'assurance maladie, sont déterminées par arrêté interministériel. »

« II. Pour 2001, le montant total des dépenses mentionné au III de l'article 25 de la loi no 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 est fixé à 700 millions de francs. »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 30.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Avant de m'exprimer sur cet article, je tiens à signaler que je n'ai encore pas obtenu de réponses sur la fongibilité des enveloppes, la carte Vitale et les référents, qui sont pourtant des questions importantes pour l'organisation de la santé en France. Cela dit, je ne perds sans doute rien pour attendre ! Par ailleurs, on nous annonce une loi de modernisation de la santé, une loi de modernisation sociale et un DMOS. Or nos travaux vont s'interrompre pendant la campagne des élections municipales et cantonales. Nous serons donc très vite au printemps et je ne vois pas comment ces trois lois pourraient être votées avant l'automne prochain, époque à laquelle nous nous retrouverons à nouveau avec un budget et une loi de financement de la sécurité sociale. Puis viendra l'élection présidentielle et


page précédente page 07618page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

nous arriverons au terme de la législature. J'aimerais donc avoir des précisions sur les dates de discussion de ces textes et sur le déroulement des navettes, parce qu'on peut toujours faire une première lecture, puis ne plus en parler. Tout le monde serait content, mais l'on n'aurait rien réglé.

J'en viens au Fonds d'aide à la qualité des soins de ville. Lorsqu'il a été créé, en janvier 1999, nous étions intervenus à plusieurs reprises pour demander à quoi il servirait. Bernard Accoyer, en particulier, avait posé de nombreuses questions à ce sujet. Le rapporteur Claude Evin nous a dit que ce fonds n'avait pas pu fonctionner correctement au cours de l'année 2000. Pourtant, il a des missions importantes à remplir. Les professionnels de la santé ont en effet de réelles difficultés et doivent être aidés. Il faut donc opérer des mutations dans le mode d'exercice de la médecine ambulatoire et améliorer la qualité et la coordination des soins de ville. Nous allons abonder ce fonds de plusieurs millions de francs. J'aimerais que M. le rapporteur nous donne des précisions sur la façon dont il a fonctionné en 2000. Qu'est-il prévu pour 2001 ? Ces sommes seront-elles bien consacrées à la modernisation et à la mutation du mode d'exercice en ambulatoire ?

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Je reste pantois devant cet article 30, qui modifie les règles de fixation des ressources du fonds d'aide à la qualité des soins de ville. Je m'étonne d'ailleurs qu'il n'y ait pas huit articles identiques concernant les fonds que le Gouvernement a créé depuis quelques années, parce qu'il n'ose pas faire ses choix et préfère se cacher derrière des experts. Vous ne m'empêcherez pas de rapprocher l'absence de décision de M. le Premier ministre sur les retraites, avec la création de ce fameux bouc émissaire et paratonnerre absolu qu'est le fonds de réserve de la retraite par répartition, de cette politique des innombrables fonds de la branche maladie.

Je vais me livrer à une petite énumération. Il y a le fonds de modernisation des hôpitaux, ou plutôt, il y avait, parce qu'il a fait l'objet, au cours de ce débat, d'un changement considérable. Il est en effet devenu le

« Fonds de modernisation sociale des hôpitaux », avancée évidemment historique ! Il y a aussi le fonds de financement de la formation médicale continue, qui est en panne ! Quant au fonds d'aide à la qualité des soins de ville et au fonds de réorientation de la médecine libérale, qu'en est-il advenu ? Nul ne le sait. Je citerai encore le fonds de modernisation des cliniques - il était alimenté de façon homéopathique et n'a pas aidé de façon significative les restructurations -, le fonds d'accompagnement social, et je pourrais continuer.

Madame la ministre, ce n'est pas en multipliant les structures administratives, comptables, que l'on conduit une politique. C'est avec une analyse, une vision, du courage et en opérant des choix que l'on fait une politique.

Nous ne voterons donc pas cet article 30 qui n'est que poudre aux yeux.

M. le président.

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

La création du fonds de modernisation de la médecine de ville remonte à la loi de financement de 1998. Sa mise en oeuvre comme son fonctionnement illustrent le côté artificiel de tels outils, surtout quand ils sont créés en dehors de tout contexte de relations conventionnelles dignes de ce nom.

La loi de financement prévoyait la création de ce fonds à compter du 1er janvier 1999. Or les décrets ne sont parus que le 12 novembre 1999 et ce n'est finalement que le 4 mai dernier que le comité national de gestion de ce fonds a pu être installé. Cette procédure est une caricature. Elle témoigne en fait du peu d'intérêt que ces dispositifs rencontrent de la part du Gouvernement et pose la question de la pertinence de ces démarches. Dans le contexte actuel, qui a fait aujourd'hui descendre dans la rue l'ensemble des professionnels de santé malgré toutes les bonnes mesures que vous affirmez leur prodiguer, comment pouvez-vous imaginer que de telles structures fonctionnent de manière efficace ? Pouvez-vous nous dire si les comités régionaux auprès des URCAM ont tous été installés à ce jour ? Comme l'a indiqué le rapporteur, si nous suivons le Gouvernement, le Parlement fixera non plus les ressources du fonds, mais une sorte d'autorisation de programme sans que les crédits nécessaires, soient débloqués. Aussi nous paraît-il nécessaire au vu de la prolifération des fonds dont le fonctionnement reste des plus incertains, que le Parlement soit informé chaque année par un rapport spécifique retraçant les activités réelles de ces fonds, qui ont surtout été créés pour faire un effet d'annonce et calmer les impatiences, mais qui ne font plus guère illusion aujourd'hui.

M. le président.

M. Evin, rapporteur, a présenté un amendement, no 77, ainsi rédigé :

« Supprimer le I de l'article 30. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Evin, rapporteur.

Cet amendement vise à maintenir la responsabilité du Parlement dans la fixation du montant des ressources du fonds.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le Gouvernement a proposé cet article parce que le système actuel consistant à voter les recettes de ce fonds ne permet pas au Parlement d'avoir une vue précise des dépenses du fonds, compte tenu du montant de crédits non consommés en 1999 et 2000. Vous proposez, monsieur le rapporteur, une solution différente pour résoudre cette difficulté. Le Parlement continuerait à déterminer le montant des ressources du fonds. Par ailleurs - c'est l'objet de l'amendement no 296, deuxième rectification, que nous allons examiner tout à l'heure - la loi fixerait, pour l'année 2001, le montant des dépenses du fonds.

Cette solution me paraît préférable puisqu'elle cumule les avantages du système en vigueur et de celui proposé par le Gouvernement. J'y suis donc favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

77. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

L'amendement no 175 de M. Cahuzac tombe.

Je suis saisi de deux amendements, nos 296 deuxième rectification et 174 corrigé, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 296 deuxième rectification, présenté par M. Evin, rapporteur, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le II de l'article 30 :

« II. Pour 2001, le montant total des dépenses du fonds mentionné à l'article 25 de la loi no 981194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 est fixé à 700 millions de francs. »

L'amendement no 174 corrigé, présenté par M. Cahuzac, est ainsi rédigé :

« Dans le II de l'article 30, substituer au nombre : "700", le nombre : "500". »


page précédente page 07619page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour soutenir l'amendement no 174 corrigé.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Cet amendement vise simplement à mettre en cohérence le plafond de dépenses du fonds proposé dans le texte avec le montant inscrit dans les comptes de la sécurité sociale au tableau d'équilibre. En effet, le Gouvernement propose de fixer ce plafond à 700 millions de francs, alors que dans le tableau d'équilibre il est prévu 400 millions pour le régime général, ce qui signifie 500 au total si l'on prend les clés de répartition habituelles. Cet amendement a donc pour but de clarifier les choses, mais je pourrais le retirer si le Gouvernement voulait bien nous indiquer les raisons d'un tel écart.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 296 deuxième rectification.

M. Claude Evin, rapporteur.

La commission des affaires culturelles est plus généreuse que la commission des finances, puisqu'elle propose de fixer à 700 millions de francs le montant des dépenses de ce fonds pour 2001.

Cet amendement vise à opérer une réécriture du II de l'article qu'avait présenté le Gouvernement et nous avons repris le chiffre de 700 millions.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Dès lors que le Gouvernement s'est rallié aux amendements de la commission des affaires culturelles qui vont dans le sens souhaité d'une gestion plus claire du fonds, il me semble que les amendements de M. Cahuzac sont satisfaits.

Pour répondre à la question qui a été posée, je dirai qu'il y a 1 milliard de francs d'excédents et que l'on peut dépenser 700 millions de francs en 2001, compte tenu d'une prévision de dépenses de 300 millions de francs pour 2000.

M. le président.

Monsieur Cahuzac, êtes-vous d'accord avec cette explication ?

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Oui, et c'est la raison pour laquelle je retire l'amendement no 174 corrigé.

M. le président.

L'amendement no 174 corrigé est retiré.

En est-il de même pour M. Evin ?

M. Claude Evin, rapporteur.

Non, monsieur le président !

M. Bernard Accoyer.

Il n'est pas facile à manipuler, (Sourires.) lui !

M. Claude Evin, rapporteur.

Il faut bel et bien voter mon amendement, puisque je propose une rédaction du II de l'article 30.

M. Bernard Accoyer.

Les rapporteurs sont perdus ! Il faudrait suspendre !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

500 ou 700 millions, qu'importe, au diable l'avarice ! J'ai interrogé tout à l'heure M. le rapporteur. Le fonds n'a pas vraiment fonctionné en 2000.

Avant qu'on lui alloue 700 millions pour 2001, j'aimerais toutefois savoir à quoi ont servi les 500 millions versés au titre de 2000.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Jean-Luc Préel.

Le rapporteur ne m'a pas répondu.

M. Claude Evin, rapporteur.

Mme la ministre vient de vous répondre !

M. Jean-Luc Préel.

Vous ne nous avez pas dit à quoi ce fonds de modernisation a servi ni comment il a fonctionné. Quel médecin en a été satisfait ? Qui en a profité ? Pour quelles actions ?

M. Yves Bur.

Qui en connaît même l'existence ?

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 296 deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Cahuzac a présenté un amendement, no 176, ainsi libellé :

« Compléter l'article 30 par le paragraphe suivant :

« III. L'article 25 de la loi no 98-1194 du 23 décembre 1998 précitée est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« V. Le Gouvernement présente chaque année au Parlement un rapport sur l'exécution du fonds. »

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Il est impossible d'obtenir que les annexes soient complétées des renseignements à l'évidence indispensables sur le fonctionnement du fonds.

M. Yves Bur.

En effet !

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Dès lors qu'il est impossible que soient introduits dans ces rapports annexés prévus par la loi organique de 1976 les renseignements nécessaires au bon contôle par le Parlement de sommes au demeurant conséquentes, je me vois contraint, par voie d'amendement, à demander que le Gouvernement informe, via les rapporteurs, le Parlement de la bonne utilisation de ces fonds.

J'ajoute, sans aucune acrimonie, qu'il est d'autant plus nécessaire de procéder de la sorte que, pour la deuxième année consécutive, je n'ai reçu que deux tiers de réponses au questionnaire que j'ai envoyé, en temps voulu, au ministère des affaires sociales.

M. Yves Bur.

Quel mépris !

M. Jean-Luc Préel.

Quant à nous, nous n'avons pas eu de réponses à nos questions !

M. Bernard Accoyer.

Pas eu une seule réponse de Mme la ministre en deux jours !

M. le président.

Sur l'amendement no 176, quel est l'avis de la commission saisie au fond ?

M. Claude Evin, rapporteur.

Le décret de mise en place de ce fonds date du mois d'août de cette année.

M. Bernard Accoyer.

Je pense qu'on devrait créer un

« Monsieur Fonds ». Je propose Gérard Terrier ! (Sourires.)

M. Claude Evin, rapporteur.

Certes, les informations sur son utilisation n'ont pas été communiquées.

Les rapporteurs seront attentifs et pourront soit consulter le rapport que suggère M. Cahuzac, soit interroger le Gouvernement à ce propos. Mais pour l'année 2000, nous manquons encore de recul. C'est ce qui explique d'ailleurs que ce fonds n'ait pas été beaucoup consommé.

M. Yves Bur.

On pourrait créer un fonds d'observation des fonds !


page précédente page 07620page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je comprends que M. Cahuzac demande que le Parlement reçoive un rapport circonstancié sur le fonctionnement du fonds d'aide à la qualité des soins de ville et sur l'exécution des missions qu'il a reçues.

S'il n'y a pas eu de réponse à des questions posées par les parlementaires, je veillerai dorénavant à ce qu'on leur réponde mieux.

M. Yves Bur.

Merci, madame la ministre !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Bataille sans relâche, évidemment...

S'agissant de l'amendement no 176, je vous rappelle que le décret relatif au fonds prévoit, dans son article 19, qu'un rapport sera transmis chaque année au ministre chargé de la sécurité sociale, c'est-à-dire à moi-même ; et je m'engage à ce que ce rapport, dès qu'il me sera remis, soit transmis sans délai au Parlement. C'est la raison pour laquelle je pense souhaitable que cet amendement soit retiré. Mais, encore une fois, je trouve absolument nécessaire que le Parlement soit correctement et précisément informé.

M. le président.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions et de l'engagement que vous avez pris devant nous. Dans ces conditions, je retire mon amendement.

M. le président.

L'amendement no 176 est retiré.

Je précise, madame la ministre, que la remarque faite par M. Cahuzac ne doit pas être prise comme visant spécialement votre département. Elle vaut pour toutes les administrations qui ne répondent pas aux questions des parlementaires.

M. Bernard Accoyer.

Oui, mais dans le cas présent, Mme la ministre est présente et elle ne répond pas !

M. le président.

Je mets aux voix l'article 30, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 30, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

M. le président.

J'ai reçu, le 26 octobre 2000, transmise par M. le président du Sénat, une proposition de loi constitutionnelle, adoptée par le Sénat, relative à la libre administration des collectivités territoriales et à ses implications fiscales et financières.

Cette proposition de loi constitutionnelle, no 2684, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

3 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président.

J'ai reçu, le 26 octobre 2000, de M. Pierre Lasbordes, une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement des maisons de retraite et autres maisons de soins publiques.

Cette proposition de résolution, no 2683, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

4 DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président.

J'ai reçu, le 26 octobre 2000, de Mme Nicole Feidt un rapport, no 2682, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur la proposition de résolution de M. Guy Teissier tendant à créer une commission d'enquête sur les effectifs de la police nationale (no 2536).

5

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, vendredi 27 octobre 2000, à neuf heures, première séance publique : Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, no 2606 : MM. Alfred Recours, Claude Evin, Denis Jacquat et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tomes I à V du rapport no 2633) ; M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis no 2631).

A quinze heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 27 octobre 2000, à une heure cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmissions

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, les textes suivants :


page précédente page 07621

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 2000

Communication du 25 octobre 2000 No E 1575. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 2820/98 du Conseil portant application d'un schéma pluriannuel de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er juillet 1999 au 31 décembre 2001, afin d'étendre aux produits originaires des pays les moins avancés la franchise des droits de douane sans aucune limitation quantitative (COM [2000] 561 final).

No E 1576. - Proposition de règlement du Conseil relatif aux mesures à prendre en représailles du manquement de la Fédération de Russie aux obligations que lui impose l'accord de partenariat et de coopération en ce qui concerne le commerce de boissons alcooliques (COM [2000] 616 final).

No E 1577. - Proposition de règlement du Conseil établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles et prévoyant l'adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues dans l'accord européen avec la Lituanie (COM [2000] 637 final).

No E 1578. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels, agricoles et de la pêche (COM [2000] 642 final).

No E 1579. - Proposition de décision du Conseil portant sur la signature, au nom de la Communauté européenne, de l'accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et la République populaire de Chine, paraphé à Pékin le 19 mai 2000, modifiant l'accord conclu entre elles sur le commerce des produits textiles et l'accord conclu entre elles, paraphé le 19 janvier 1995, concernant le commerce des produits textiles non couverts par l'accord bilatéral AMF et autorisant son application provisoire (COM [2000] 646 final).

MODIFICATIONS À LA COMPOSITION

DES GROUPES (Journal officiel, Lois et Décrets, du 27 octobre 2000)

GROUPE SOCIALISTE (245 membres au lieu de 244) Ajouter le nom de M. Patrick Jeanne.

GROUPE RADICAL, CITOYEN ET VERT (30 membres au lieu de 29) Ajouter le nom de M. Jean-Pierre Chevènement.

LISTE DES DÉPUTÉS N'APPARTENANT À AUCUN GROUPE (5 au lieu de 7) Supprimer les noms de MM. Patrick Jeanne et Jean-Pierre Chevènement.