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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 NOVEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE LEQUILLER

1. Loi de finances pour 2001 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7993).

DÉFENSE (suite) (p. 7993)

MM. Guy-Michel Chauveau, Guy Teissier, Michel Voisin, Charles Cova, Antoine Carré, J acques Myard, Alain Richard, ministre de la défense ; André Vauchez.

M. le ministre, MM. Jacques Myard, René Galy-Dejean.

Réponses de M. le ministre aux questions de : MM. François Rochebloine, Jacques Masdeu-Arus, Patrice MartinLalande, Etienne Pinte, Jean-Noël Kerdraon, Michel Dasseux, Robert Gaïa, Bernard Grasset, Jean-Claude Viollet, Yann Galut, Bernard Cazeneuve et Mme Françoise Imbert.

Rappel au règlement (p. 8012)

MM. Jacques Myard, le président.

Reprise de la discussion (p. 8012)

Article 33. - Adoption (p. 8023)

Article 34 (p. 8023)

Titre V. - Adoption (p. 8023)

Titre VI. - Adoption (p. 8023)

Adoption de l'article 34.

Renvoi de la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances à la prochaine séance.

2. Désignation d'un candidat à un organisme extraparlementaire (p. 8023).

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 8023).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE LEQUILLER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2001

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2585, 2624).

DÉFENSE (suite)

M. le président.

Nous poursuivons l'examen des crédits du ministère de la défense.

La parole est à M. Guy-Michel Chauveau.

M. Guy-Michel Chauveau.

Monsieur le ministre de la défense, vous avez rappelé devant la commission de la défense que les crédits de votre ministère permettaient de privilégier quatre orientations essentielles pour la modernisation et l'efficacité de notre outil de défense.

Il s'agit d'assurer la poursuite de la professionnalisation de nos armées - 39 657 emplois d'appelés seront supprimés et 12 000 emplois professionnels seront créés en 2001 -, le maintien des activités d'entraînement et le renforcement de la sécurité intérieure - pour la gendarmerie, le solde net est d'environ 580 postes -, mais on doit surtout insister sur la création de 1 000 emplois de sousofficier.

Il s'agit également d'assurer la coopération européenne sur des programmes d'équipement, soit, au total, près de 189 milliards de francs hors pensions - 105,5 milliards pour le titre III et 83,4 milliards pour les titres V et VI.

Les déclarations sur l'A 400 M laissent en outre prévoir que des crédits viendront en cours d'année.

Nous sommes donc pleinement satisfaits de ce budget de continuité, qui respecte les engagements pris.

Je ne reviendrai pas sur les propos du rapporteur spécial de la commission des finances, qui nous a rappelé l'effort de la France en rapport avec celui que consentent le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie et les Etats-Unis.

Les chiffres qui ont été cités sont intéressants. Ils figurent dans le rapport de M. Boucheron, et je vous invite, mes chers collègues, à vous y référer.

La somme retenue sur les investissements par rapport à la revue des programmes et les 3,5 milliards de francs qui

« manqueraient », entre guillemets, sont loin, et vous aurez sûrement l'occasion de le confirmer, monsieur le ministre, du déficit de 20 milliards de 1995-1996. Si certains déplorent des retards, qu'ils s'en prennent aussi un peu à eux-mêmes !

M. Didier Boulaud.

Ça oui !

M. Guy-Michel Chauveau.

Je voudrais dire combien nous partageons les propos du président Paul Quilès et de Jean-Claude Sandrier sur les emplois civils. Vous vous êtes, monsieur le ministre, largement exprimé devant la commission de la défense sur ce sujet, qui est pour nous une source de réelle préoccupation. Je pense que vous réaffirmerez tout à l'heure les mesures que vous avez prises pour essayer de gérer au mieux la difficulté.

M. Guy Teissier.

Parlez-nous du GIAT !

M. Guy-Michel Chauveau.

J'ai cru entendre ce matin Jean-Bernard Raimond reconnaître que les crédits de la dissuasion étaient satisfaisants. Voilà une appréciation bien différente de celle qu'a exprimée René GalyDejean...

M. Guy Teissier.

Une hirondelle ne fait pas le printemps !

M. Guy-Michel Chauveau.

Quant aux rémunérations,

M. Cova a dit ce matin qu'elles n'étaient pas suffisantes.

Nous l'avions pour notre part déjà fait observer en 1996, lorsque le Président de la République avait décidé la professionnalisation, et nous avions ajouté que celle-ci coûterait plus cher que prévu.

Nous avions fait valoir que, si l'on voulait passer des contrats courts avec de vrais professionnels, il faudrait bien rémunérer ces derniers. Cet aspect des choses avait été à l'époque sous-estimé.

J'ajoute que, si nous reconnaissions qu'il convenait de bien rémunérer ces professionnels quand ils seraient dans nos armées, nous reconnaissions aussi qu'il fallait prévoir leur reconversion, et que celle-ci coûterait de l'argent.

M. Didier Boulaud.

M. Séguin disait la même chose !

M. Guy-Michel Chauveau.

Il est aujourd'hui malvenu de nous faire le coup de la surprise ! M. le député-maire de Nevers vient de rappeler ce que disait M. Séguin, lui aussi. Je m'en félicite. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) L'année prochaine sera celle de la fin du service national.

Monsieur le ministre, je voudrais rappeler que les jeunes qui contribuent, pendant les derniers mois du service national, à l'effort de défense y contribuent souvent sur la base du volontariat et avec une grande disponibilité.

Je crois savoir que vous vous apprêtez à en tenir compte, et je vous en remercie par avance.

Les hommes et les femmes qui servent nos armées doivent le faire dans de très bonnes conditions. Le budget de fonctionnement qui est prévu le permettra.


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Les rapporteurs et le président de la commission de la défense ont longuement commenté les différents aspects du budget lui-même. Aussi n'y reviendrai-je pas, souhaitant pour ma part aborder plusieurs sujets liées à la coopération européenne.

A l'aube de nos travaux sur la prochaine loi de programmation, un débat sur la perception des menaces est nécessaire au sein de l'Union européenne.

Bien sûr, l'avant-dernier budget de la loi de prog rammation militaire 1997-2002 prend en compte, comme ceux qui l'ont précédé, les enseignements des opérations militaires récentes, menées en particulier avec d'autres partenaires.

Dans le cadre de la préparation de la loi de programmation 2003-2008, cet exercice d'analyse est plus que jamais nécessaire. Au moment de la constitution des forces et de la préparation de la conférence d'engagement, pouvons-nous mener cette réflexion seuls ? A l'évidence, non.

Cet exercice, effectué au niveau de l'Union européenne, permettrait de hiérarchiser les réponses à partir des appréciations faites sur les menaces et les zones à risques : quelles préventions - politique, diplomatique ?

Quelles actions de la France, de l'Union européenne, ou coordonnées avec d'autres pays ? Quels outils mettre en place pour anticiper la crise, qu'ils soient diplomatiquesmilitaires ou économiques ? Si nous avions conduit une telle réflexion un peu plus entre nous, au niveau européen, cela nous aurait aidés lorsque les sénateurs américains ont proposé la NMD. La position prise par l'Union européenne, par la voix des ministres des affaires étrangères, lorsque les Etats-Unis ont désigné nommément les Rogue States, les « Etats parias », pour justifier la NMD, aurait sans doute été différente, plus argumentée et plus rapide, et nos opinions publiques l'auraient mieux comprise. Bill Clinton ayant décidé, le 1er septembre, de reporter le choix sur la NMD après les élections présidentielles américaines, le débat es t actuellement suspendu.

Je cite cet exemple parce que nous savons tous que si, dans les mois qui viennent, une initiative « hardie » était prise, essentiellement pour des raisons de politique intérieure américaine, elle pourrait remettre en cause nos stratégies. Une telle décision, que je qualifierais de malheureuse, serait de nature à inciter plusieurs pays à accélérer la modernisation de leur système d'armement je pense bien sûr à la Chine et aux effets « dominos » induits dans la région.

M. Galy-Dejean, partant de ces effets « dominos », a d'abord fait allusion à l'Inde. Non, il faut commencer par la Chine : l'Inde se nucléarise d'abord par rapport à la Chine et le Pakistan par rapport à l'Inde, compte tenu du problème du Cachemire.

Nous savons qu'il n'y aura pas de nucléarisation au Proche-Orient tant que le processus de paix n'aura pas marqué d'avancées considérables.

Nous pourrions aussi discuter de tous ces points entre nous.

Une réflexion sur la perception de l'évolution des menaces au sein de l'Union européenne apporterait au surplus une clarification que je qualifierais d'utile car elle aurait le mérite de déterminer ce qui relève du niveau national, du niveau européen et de celui de l'Alliance atlantique. Elle permettait donc de préciser les conditions politiques et militaires dans lesquelles pourrait être engagée cette force de 60 000 hommes ; bref, de donner, comme l'a dit ce matin le président de la commission de la défense, un contenu doctrinal aux missions de Petersberg.

Les pays de l'Union européenne pourraient alors, au sein de l'OTAN, contribuer à l'élaboration du concept civilo-militaire de la gestion de crise, qui n'a jamais existé au niveau de l'OTAN et qui a tant manqué au début de la crise du Kosovo, et à en être, au sein de l'Organisation atlantique, les acteurs.

L'objectif est simple : mieux intégrer la coordination entre le traitement non militaire et le traitement militaire d'une crise, en collaboration avec tous les partenaires impliqués dans cette crise, en amont comme en aval.

Le problème posé à l'Union européenne est celui de la mise en oeuvre d'une capacité globale - économique, politique et militaire - de gestion de crise, et donc celui de la définition de sa propre doctrine.

Enfin, le débat européen doit permettre d'acquérir de meilleures bases pour aborder la sécurité collective en Europe.

L'Europe, chacun le sait, ne s'arrête pas à l'Oural. En conséquence, ce travail à quinze doit se poursuivre avec les pays européens membres de l'OTAN mais non de l'Union européenne. Cela est nécessaire pour que l'Union soit un partenaire crédible dans le débat sur la sécurité collective avec la Russie, les pays du Caucase ou d'autres, et pour que soit envisagé, sur le long terme, un débat sur les moyens afin d'éviter, par exemple, que ne se créent des sureffectifs consommateurs de crédits aux dépens des dépenses d'équipement.

Rappelons quelques chiffres.

Si l'on ajoute aux effectifs militaires des pays de l'Union européenne les effectifs des pays européens membres de l'OTAN mais non de l'Union européenne, on arrive à 2 300 000 hommes et femmes pour un budget d'environ 170 milliards de dollars, alors que les EtatsUnis consomment, pour 1 500 000 hommes, près de 300 milliards de dollars.

Monsieur le ministre, nous pensons qu'on ne peut pas a ttendre la loi de programmation 2008-2013 pour commencer à aborder la problématique créée par ces seuls chiffres : on ne consent pas le même effort de recherchedéveloppement quand on dispose d'un budget de 50 % supérieur.

J'ajoute que les conditions imposées aux pays entrant dans l'OTAN aggravent la situation : on leur demande de fournir une armée conséquente, donc des effectifs, et des matériels aux normes de l'OTAN, donc peu nombreux.

Il faudra aborder le sujet dans les mois ou les années qui viennent.

Vous avez déclaré à Strasbourg, le 24 octobre dernier, que « pour renforcer leurs capacités propres, des Etats p ourraient s'engager à mutualiser leurs efforts ».

Q u'entendez-vous par « mutualiser » ? Jusqu'où cette mutualisation peut-elle aller ? Le débat européen nécessaire aurait aussi le mérite de permettre une coopération plus efficace dans le domaine industriel.

Cette coopération est souhaitable d'abord pour des raisons opérationnelles et économiques.

Ainsi que vous l'avez rappelé devant la commission de la défense, monsieur le ministre, la construction de l'Europe de la défense passe par la « convergence » entre les partenaires européens sur les méthodes de programmation et les programmes des armées. Cet embryon de programmation ne concerne qu'une fraction de l'ordre


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de 10 % de l'ensemble des dépenses d'équipement des différents pays. On ne peut à moyen terme se satisfaire de ce chiffre.

L'Europe de l'armement doit obéir à des motifs opérationnels et, surtout, économiques.

Cela passe par des coopérations étroites en amont. Les moyens sont multiples : rationaliser la demande pour assurer une convergence des besoins des Etats vers les mêmes équipements - le rôle des états-majors est à cet égard primordial et ce qui est engagé doit se poursuivre ; agir sur l'offre pour inciter les industriels à coopérer - cela s'est beaucoup fait depuis 1997 - tout en préservant le tissu des PME-PMI indispensable à la réactivité.

Dans le domaine industriel, nous avons aussi avancé, grâce à votre impulsion et à celle du Gouvernement, à travers la LOI - Letter of intent - et l'OCCAR - l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement.

Je n'y reviendrai donc pas. Pour l'instant, seules la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie font partie l'OCCAR, organisme indépendant. Mais un certain nombre de pays demandent à y adhérer. Faut-il assouplir les règles du « juste retour » ? Je ne parlerai pas des programmes européens dans le budget pour 2001 parce qu'il ne me reste plus que quelques minutes pour traiter la troisième partie de mon intervention.

Un débat collectif sur la non-prolifération et la contreprolifération, et sur une présence plus affirmée dans le débat au sein de l'Union européenne, me paraît nécessaire.

La commission de la défense, par le biais d'un rapport d'information, fera dans quelques jours des propositions car il doit exister des lieux où les sujets tabous peuvent être discutés. On comprend bien qu'il y ait pour les exécutifs et pour les Etats des ordres de priorité. Mais, les parlements étant des lieux naturels du débat démocratique, nous pensons que les sujets que je viens d'évoquer peuvent et doivent y être traités.

Or l'Europe ne pourra pas jouer un rôle stratégique si elle n'a pas réglé en son sein ses problèmes. L'enjeu impose de dépasser non-dits et tabous. Cela ne peut se faire que dans le mouvement et l'élaboration de propositions par l'Union européenne elle-même. Alors, le débat transatlantique pourra avoir lieu.

L'Union européenne doit donc se résoudre à se donner les moyens de ses ambitions, même dans un secteur qui suscite, comme on l'a dit, davantage de débats que de consensus entre les Etats membres.

J'en arrive à ma conclusion.

Monsieur le ministre, depuis Saint-Malo, Cologne, Helsinki, Feira, que de progrès ! La France, notamment par son budget, mais aussi et surtout par ses initiatives, contribue à la construction de l'Europe de la défense. C'est aussi pour cela que nous voterons le budget que vous nous présentez.

Les quelques sujets que j'ai abordés montrent cependant que le chemin qui reste à parcourir sera long. Mais il faut le parcourir pour que l'Union européenne ait sa vraie place dans le débat sur la sécurité collective et le désarmement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Guy Teissier.

M. Guy Teissier.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où fut rédigé le Livre blanc sur la défense régnait encore un certain flou quant aux conséquences de l'éclatement de l'URSS.

Lorsque la loi de programmation militaire en cours d'exécution fut rédigée, l'horizon s'était nettement amélioré. Certes, au chapitre des risques et des menaces concernant la France et l'Union européenne, demeuraient l a prolifération des armes de destruction massive nucléaires, biologiques et chimiques, d'une part, et le terrorisme sous toute ses formes, d'autre part. En revanche, l'éventualité d'une attaque conventionnelle massive - le scénario numéro 6 du Livre blanc - pouvait être exclue au moins pour le court et moyen terme.

La France avait et a toujours, comme la GrandeBretagne et, à des degrés divers, les autres Etats de l'Union, la volonté de participer, en cas de crise, soit dans le cadre de l'Alliance atlantique, soit dans celui de l'Union européenne, soit enfin dans celui d'une coalition de circonstance et, en principe, toujours sous l'égide des Nations unies, à la prévention des conflits, au rétablissement de la paix et à la restauration de l'ordre public.

Les missions des armées étaient donc fixées à partir de ses orientations et privilégiaient par voie de conséquence le maintien de la stratégie de dissuasion, la participation à la prévention et à la répression du terrorisme sur le territoire national et, enfin, la participation, dans certaines limites, aux actions internationales de maintien ou de rétablissement de la paix.

Fort logiquement, l'organisation et l'équipement des forces armées étaient déduits de l'analyse des risques et des menaces comme des missions envisageables, mais aussi, et j'y reviendrai, de la volonté du chef de l'Etat d'engager le processus de professionnalisation de nos armées.

Depuis l'époque du vote de la loi de programmation par le Parlement, le contexte international n'a pas sensiblement évolué et les grands foyers de crise demeurent.

En effet, la nouvelle orientation politique de l'exYougoslavie, notamment de la Serbie, ne résout pas tous les problèmes des Balkans et le Proche-Orient connaît une crise des plus importantes, dont on peut malheureusement penser qu'elle durera relativement longtemps.

Lors du conflit du Kosovo, les lacunes dénoncées en matière de renseignement stratégique ou de capacité de tir tout temps de nos avions Jaguar, dénoncées par les hauts responsables de la défense lors de la guerre du Golfe, ont été de nouveau mises en évidence.

Certes, monsieur le ministre, ces lacunes ne compromettaient pas l'action de nos forces, puisque nous étions encadrés notamment par les Américains. Mais force est de constater que la crise du Kosovo a démontré une nouvelle fois l'incapacité des principales puissances européennes àr égler sans l'aide des Américains un problème de moyenne importance, alors même qu'il se situait en Europe.

Il faut que les pays européens se dotent des outils de renseignement, d'analyse et de simulation indispensables à une évaluation autonome des coûts et de la durée d'une intervention militaire ainsi que des moyens qu'elle nécessite et des risques qui lui sont liés.

On peut légitimement se demander aujourd'hui si le Gouvernement a su réorienter ses choix budgétaires et tirer les enseignements du passé.

En matière d'équipement, je note avec satisfaction la poursuite de la politique de commandes pluriannuelles et la commande cette année de vingt Rafale et de cinquante-deux chars Leclerc ainsi que le lancement de la construction de deux frégates Horizon et d'un nouveau transport de chalands de débarquement. Je me félicite


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également de l'attention particulière portée au programme satellitaire Hélios II, qui bénéficiera d'abondements supplémentaires.

Mais, très sincèrement, monsieur le ministre, avec toute la meilleure volonté du monde, et en dehors de toute polémique partisane, je ne peux que vous dire que ces dépenses d'équipement sont insuffisantes. Elles ne répondent pas, loin s'en faut, à ce que nous pourrions attendre d'une nation comme la France, supposée être le fer de lance d'une Europe de la défense. Cela a été dit, en d'autres termes, par le président Quilès ce matin.

Je me bornerai ici à faire état des difficultés rencontrées dans le maintien de la capacité opérationnelle de certains matériels, qu'a soulignées avec raison le chef d'état-major des armées et qui sont douloureusement ressenties sur le terrain par nos soldats.

Je déplore, comme tous mes collègues de l'opposition et comme certains députés de la majorité, les conséquences de l'insuffisance globale des crédits de paiement sur le niveau de disponibilité des équipements. Ainsi, le taux de disponibilité des hélicoptères Puma de l'armée de terre s'établit à 55 % alors qu'il devrait être de 75 %. Et il en va de même pour nos avions de combat.

Les crédits liés aux produits pétroliers sont notoirement insuffisants. Compte tenu du cours du dollar, une majoration de l'ordre de 20 % aurait été salutaire, monsieur le ministre.

Ce n'est un secret pour personne qu'en raison de l'insuffisance des ressources en crédits de paiement, des mesures d'étalement et de lissage des dépenses ont été prises de manière à éviter des ruptures de trésorerie. Elles ont eu pour conséquence d'entraîner des retards pour le moins préoccupants dans l'équipement des armées. Or, dans ce projet de budget, rien n'est fait pour les rattraper.

Le groupe Démocratie libérale ne peut que regretter ces orientations d'autant qu'en matière de fonctionnem ent, et plus particulièrement d'entraînement, on retrouve les mêmes tendances.

Les conditions d'entraînement des forces sont plus favorables au Royaume-Uni qu'en France, comme le montre la comparaison des taux d'activité. Certes, monsieur le ministre, nous enregistrons une progression des jours d'exercice puisque dans l'armée de terre, ils vont atteindre la centaine.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la dissuasion nucléaire.

Nous en sommes loin ! Ce ne sera qu'en 2002 !

M. Guy Teissier.

C'est un objectif, nous allons les atteindre.

M. Alain Richard, ministre de la défense.

M. Teissier fait confiance au Gouvernement ! (Sourires.)

M. Guy Teissier.

Merci, monsieur le ministre.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis, et

M. Charles Cova.

Il est gentil !

M. Guy Teissier.

Dans les forces britanniques, les unités de l'armée de terre accomplissent entre 110 et 150 jours de sortie par an et les bâtiments sortent en mer 150 jours par an.

M. Charles Cova.

Nous n'en sommes même pas à 100 !

M. Guy Teissier.

Quant aux pilotes, ils effectuent 200 heures de vol par an. Nous sommes loin du compte.

Pourtant, les experts sont unanimes pour dire qu'en dessous de 200 heures de vol, la qualité opérationnelle des pilotes est compromise.

Les efforts faits par le Gouvernement sont donc insuffisants, d'autant, monsieur le ministre, que notre politique repose sur une priorité donnée aux forces projetables.

Ces incohérences, nous les retrouvons également dans le cadre de la réorganisation territoriale de la défense nationale, entrée en vigueur le 1er juillet 2000, et notamment de son incidence sur certains organismes de l'armée de terre implantés à Marseille.

Alors que le Gouvernement a rendu des arbitrages en faveur de la création, fort logique, de sept régions de défense et que toutes les armes se sont rangées à ce nouveau découpage, l'on ne peut que s'étonner que l'armée de terre soit la seule à avoir préféré le découpage en cinq régions. Ainsi, le Grand Sud, qui dépendait de la circonscription militaire de Marseille, se trouve-t-il rattaché à la région militaire de Lyon. Ce choix s'explique mal, tant sur le plan stratégique que sur le plan opérationnel.

Et la réponse écrite de votre directeur de cabinet à ma lettre du 6 juillet dernier cache mal votre embarras sur cette question, monsieur le ministre.

J'en arrive maintenant à un autre sujet de préoccupation, lié très directement au processus de professionnalisation. Je veux parler de l'état de fatigue ressenti par l'armée de terre.

Rappelez-vous, il y quelques mois, le général Crène, chef d'état-major de l'armée de terre, avait dénoncé une situation de « surchauffe » au sein de ses troupes. Quand on connaît la réserve légendaire des responsables militaires, le choix de ce terme est lourd de sens.

Moi qui suis en contact régulier avec les régiments basés dans ma région, j'ai noté qu'une certaine résignation régnait parmi les troupes et l'encadrement.

Comment s'en étonner ? L'armée de terre a été fortement sollicitée depuis une dizaine d'années. Elle a participé à plus de soixante opérations extérieures depuis 1990. Et elle a ressenti une pression d'autant plus lourde que le règlement des crises s'étend désormais sur de longues périodes. En outre, elle a activement pris part à des opérations de secours sur le territoire national dans le cadre des plans Vigipirate, POLMAR ou ORSEC. Sans compter qu'elle doit opérer de multiples efforts de restructuration, toujours difficiles à vivre, quel que soit le contexte. On conçoit dès lors que cette charge de travail ait fini par affecter le moral de nos troupes. Or ce constat présent se double, malheureusement, d'un risque futur.

On peut craindre en effet que le personnel sous contrat soit tenté de ne pas renouveler son engagement. Comment attirer et fidéliser des jeunes volontaires lorsque les budgets alloués à la vie courante et aux activités dans les unités ne permettent pas d'assurer de bonnes conditions de travail et de vie ? Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre en ce domaine ? En fin de compte, cette année encore, je constaterai que les remarques formulées avec constance par le chef de l'Etat sont restées vaines. Alors que le Président s'inquiète avec raison des atteintes portées aux orientations de la loi de programmation, notamment en matière d'équipe-


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ments, alors qu'il vous exhorte à accomplir des efforts budgétaires significatifs, le Gouvernement s'en tient à une approche dogmatique de questions de défense.

Je regrette d'autant plus de ne pas voir affecter une partie des plus-values fiscales aux crédits de la défense que le rapport annuel de la Cour des comptes montre que le ministère de la défense consomme mieux les crédits qui lui sont alloués que la moyenne des ministères civils.

Dans ces conditions, vous comprendrez aisément, monsieur le ministre, mes chers collègues, que le groupe Démocratie libérale votera contre ce projet de budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Voisin.

M. Michel Voisin.

La défense n'est décidément pas une priorité pour le Gouvernement. Année après année, monsieur le ministre, il vous aura fallu réduire la taille de votre budget et, de fait, les ambitions internationales de notre pays. L'ancien rapporteur général du budget ne pouvait pourtant nourrir que de forts espoirs à la lecture des communiqués euphoriques de Bercy sur le niveau exceptionnel des rentrées fiscales : les programmes d'armement n'allaient plus être à la revue, les recrutements indispensables à la réalisation de la professionnalisation pourraient être lancés et les capacités opérationnelles de nos forces reviendraient à un niveau digne des meilleures unités qui forment les alliances auxquelles notre pays appartient.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis.

On peut toujours rêver !

M. Michel Voisin.

Hélas, monsieur le ministre, vous avez dû déchanter : adieu équipements, personnels et capacité supplémentaires ! On vous fait décidément un mauvais sort.

M. Didier Boulaud.

Parole d'expert !

M. Michel Voisin.

Pourtant, vous n'aviez pas ménagé vos efforts pour contraindre à la baisse les crédits de ces armées qu'on disait budgétaires. Je vous revois encore présenter votre copie sur la revue des programmes devant notre commission. Vous aviez raison. Il convenait de faire enfin preuve de réalisme et de demander tout simplement aux états-majors, aux personnels, à la DGA, aux industriels d'y mettre du leur, ce qui permettrait au Gouvernement, une fois les objectifs fixés, d'honorer ses engagements.

Mais comment ne pas s'inquiéter aujourd'hui quand, comme l'a souligné le président de la commission de la défense, M. Quilès, l'une des principales inconnues de la professionnalisation est son impact budgétaire ? Comment ne pas s'inquiéter quand les coûts des rémunérations et des charges sociales risquent de déraper, au détriment du fonctionnement des armées ? Comment ne pas s'inquiéter quand l'augmentation des carburants grève l'activité des forces dont le taux est au plus bas malgré la professionnalisation ? Mais je ne reviendrai pas sur ce problème déjà évoqué plusieurs fois.

Comment, aussi, ne pas s'interroger sur les capacités de la France à s'intégrer efficacement aux forces internationales quand le niveau des crédits d'équipements est inférieur aux annuités de la revue des programmes, ellemême en retrait par rapport à la loi de programmation votée par notre représentation nationale ? Monsieur le ministre, le projet de budget de la défense pour 2001 n'est pas satisfaisant. Il s'inscrit dans la continuité des précédents. A cet égard, je vous rappellerai l'adage latin : « Errare humanum est, sed perseverare diabolicum » ! Les rentrées fiscales exceptionnelles de cette année n'ont pas profité à nos armées alors même que les retards dans l'accomplissement des objectifs de la dernière loi de programmation se creusent. Il ne vous restera plus qu'une année pour combler ce décalage, dont on peut évaluer le coût à 25 milliards de francs.

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

C'est à vous qu'il faut imputer ces retards !

M. Michel Voisin.

Le projet de budget aurait dû répondre à toute une série de tensions. Il aurait dû répondre à ce que le chef d'état-major des armées a appelé la « surchauffe ».

Prenons d'abord le coût de la professionnalisation. Les dépenses liées à la rémunération des militaires de carriè re et des militaires sous contrat ne devraient pas entamer la disponibilité opérationnelle. Mais l'évolution des crédits dévolus au fonctionnement courant et à l'entretien programmé des matériels est en adéquation avec votre politique. La capacité opérationnelle de l'armée reste amputée de 350 millions de francs par rapport à la norme souhaitée. Et elle ne devrait pas s'améliorer compte tenu du prix du baril de pétrole.

La stagnation du fonctionnement courant et l'extrême faiblesse de l'entretien des matériels conduisent à des taux de disponibilité de nos forces bien trop bas. Le taux de disponibilité des hélicoptères Puma n'est que de 55 %, celui de nos avions de combat de 65 %, cela a déjà été dit.

Enfin, la réalisation et la fin des grands programmes décidés lors de la dernière décennie ne sauraient justifier l'abandon de l'effort de modernisation des équipements.

Je nourris de fortes inquiétudes quant à la poursuite de l'un de nos grands programmes, le missile M 51. Celui-ci connaît une baisse spectaculaire de ses autorisations de programme alors qu'il revêt une importance particulière dans notre doctrine. Certes, il y a, en contrepartie, les commandes de deux nouveaux transports de chalands de débarquement et de 7 750 munitions pour les chars Leclerc, le lancement de la construction de deux frégates Horizon et du programme A 400 M. Mais, monsieur le ministre, toutes ces décisions auraient dû être prises l'an dernier.

Faut-il rappeler que nombreux sont les rapports des experts de l'OTAN qui soulignent qu'un écart inquiétant se creuse entre les capacités opérationnelles des forces américaines et celles des différentes armées européennes ? Quels moyens notre pays pourra-t-il mettre en oeuvre pour concourir à la réalisation des objectifs fixés en décembre dernier à Helsinki ? Certes, nous pouvons aujourd'hui penser que nous disposerons des personnels nécessaires. Mais de quels matériels seront-ils équipés ? L'un de vos prédécesseurs, Pierre Joxe, avait fait de la préparation de l'avenir l'un des maîtres mots d'une loi de programmation. Mais, dix ans après, ces mots n'ont toujours pas été suivis d'effet.

Par ailleurs, la professionnalisation ne saurait couper le lien entre la nation et son armée. Le recrutement de civils et de volontaires dans les armées devrait compenser la diminution du nombre des appelés du contingent. Or, les effectifs de volontaires continuent d'être en retard par rapport aux besoins des forces. La difficulté d'attirer des


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hommes et des femmes dans une carrière militaire ne tient peut-être pas tant aux questions de rémunération qu'aux conditions mêmes d'exercice de ce métier. Dans l'armée de terre, les hommes ont de plus en plus de mal à dissimuler leur mécontentement. Vous les entendez et vous les comprenez, monsieur le ministre, je n'en doute pas. Mais qu'est-il fait pour satisfaire leurs demandes et pour pallier les carences de moyens et les coupes budgétaires dont ils souffrent ? Si la volonté des hommes et des femmes de la défense est grande, rappelons-nous les leçons de l'Histoire : une armée démoralisée n'est plus à même de remplir ses missions dans de bonnes conditions.

M. Jacques Myard.

C'est vrai !

M. Michel Voisin.

Cette année, le budget de la défense nationale s'inscrit dans le contexte particulier de la fin de la guerre au Kosovo. Pourquoi ne pas en tirer les conséquences en matière de renseignement, de munitions et de transport de troupes ? En ce domaine, ce budget n'est pas à la hauteur de nos espoirs. Certes, l'an dernier, un effort tout particulier a été entrepris pour restaurer notre stock de munitions. Mais il y allait de l'avenir de GIAT Industries et cela s'est fait sous l'oeil bienveillant de quelques membres de la majorité plurielle. En matière de ren-s eignement, il semblerait, étant donné les sommes allouées à la politique spatiale, que la France ait fait le choix de la dépendance à l'égard des Etats-Unis. Quant au transport de troupes et à la projection de puissance, elles devraient être des priorités dans le contexte international actuel. Mais je modérerai l'enthousiasme de certains concernant les constructions navales : si, désormais, quatre nouveaux navires seront construits chaque année, la marine ne fait que sortir du creux de la vague.

M. Charles Cova.

C'est le cas de le dire ! (Sourires.)

M. Michel Voisin.

Cela permettra tout juste à la DCN de continuer d'exister et de maintenir des compétences technologiques et humaines que notre pays a bien failli perdre. A ce propos, que va-t-il advenir des sites de Toulon et de Brest ? Les élus locaux de ces deux sites sont inquiets, après les différentes informations sur les transferts qu'on a pu lire ici ou là dans la presse.

Monsieur le ministre, vous allez bientôt définir les contours de la prochaine loi de programmation militaire.

Mais il faudra d'abord faire le bilan de la précédente.

Sans vouloir ouvrir le débat dès maintenant, vous me permettrez de penser que nous ne partons pas sur des bases saines et solides. Vous avez pris du retard et vous rendez difficile la réalisation du format 2015 de nos armées. Pensons à notre flotte aéronavale. Après la construction du Charles-de-Gaulle, il est évident qu'un deuxième porte-avions est nécessaire. Mais il ne faut pas tarder à lancer ce programme, pour lequel nous disposons encore des études et des connaissances techniques nécessaires.

Monsieur le ministre, qu'espérions-nous de votre budget ? Une compréhension du présent et une préparation de l'avenir.

Qu'attendions-nous de votre budget ? Un juste respect de la loi de programmation militaire ou au moins, à défaut, de votre revue de programmes.

Qu'escomptions-nous de votre budget ? Un respect de notre outil militaire et une adaptation aux défis de demain grâce à une revalorisation des moyens humains et matériels.

Que nous proposez-vous ? Un budget qui ne fait pas bénéficier nos forces des fruits de la croissance.

Ce budget n'étant pas, à nos yeux, capable de relever les enjeux de l'avenir, le devoir du groupe UDF est de le refuser.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Charles Cova.

M. Charles Cova.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent budget de la défense revêt un caractère particulier dans la mesure où il constitue l'avant-dernier budget de la loi de programmation militaire 1997-2002.

Il nous permet de tracer un premier bilan des efforts demandés aux armées pour réaliser une mutation qui ne connaît pas de précédent.

Toutefois, s'il est important de se soucier de la qualité et du nombre des autorisations de programme et des équipements mis à la disposition des armées pour mener à bien leurs missions, il est tout aussi important de se préoccuper de la manière dont vivent nos militaires et de tenir compte de l'avis de leurs autorités hiérarchiques.

Ainsi, qu'a déclaré le chef d'état-major de l'armée de terre, lors de sa dernière audition par la commission de la d éfense nationale ? « Une politique de ressources humaines adaptée à un monde en pleine évolution devrait être mise en oeuvre » - ce qui sous-entend qu'elle ne l'est pas encore - « en vue d'offrir des rémunérations adaptées, d'assurer un cadre de vie convenable et des conditions de travail décentes, sans quoi il serait illusoire d'espérer recruter et conserver une ressource de qualité. »

De fait, monsieur le ministre, au moment où le chômage baisse, où les armées rencontrent des difficultés de recrutement, où de lourdes charges de travail pèsent sur la gendarmerie, vous ne pourrez pas échapper à une revalorisation des rémunérations dans les armées. Or, en 2001, rien n'est prévu en matière d'augmentation des soldes ou des charges militaires.

Cette année, exceptionnellement, je ne vous parlerai pas de la marine. Permettez-moi simplement de m'attarder sur le « système d'hommes », clef de voûte de notre outil de défense.

Alors que les armées s'engagent dans les derniers mois de leur professionnalisation, nous devons nous préoccuper tout particulièrement de la condition que nous offrons à celles et ceux qui ont intégré l'institution militaire et qui y poursuivent une carrière. Vaste sujet, vous en conviendrez.

Disposant de peu de temps, j'entends évoquer à cette tribune deux problèmes qui me paraissent essentiels et qu'il est urgent de résoudre.

Je veux d'abord appeler votre attention, monsieur le ministre, sur l'indispensable refonte de deux textes fondamentaux pour les personnels militaires, relatifs l'un à leur statut, l'autre à la discipline générale. Je veux insister, en second lieu, pour que soient modifiés rapidement les textes relatifs à la concertation dans les armées.

L'actuel statut général des militaires, qui fixe la nature de leurs droits et de leurs obligations, a été rédigé en 1972. S'il a été modifié à plusieurs reprises, il n'en contient pas moins des dispositions aujourd'hui inadaptées, voire choquantes.

Je pense, en premier lieu, à celles de l'article 7, qui limitent la liberté d'expression des militaires. Une évolution vers plus de souplesse et vers un peu plus de confiance à leur égard ne me paraît pas impensable à notre époque. Si nous souhaitons que la réflexion soit


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enrichie par des idées nouvelles en matière de défense, la liberté d'expression des militaires devrait être alignée sur le régime de droit commun des agents de l'Etat.

Une autre disposition statutaire me paraît obsolète et symbolique, celle qui oblige le militaire qui souhaite épouser une personne ne possédant pas la nationalité f rançaise à obtenir l'autorisation préalable de son ministre. Vous avouerez que cette contrainte formelle est devenue anachronique et n'a plus lieu d'être.

Si, d'un point de vue pratique, les dispositions de ces deux textes se justifiaient à une époque où les armées employaient des appelés parfois récalcitrants, elles ne s'imposent plus dans une armée composée de volontaires.

C'est donc à un nettoyage complet et profond de ces textes que nous devons travailler, afin de les rendre plus adaptés à notre époque et de mieux intégrer les militaires à la société.

Le second point que je souhaite développer devant vous concerne l'amélioration des outils de concertation au sein des armées.

Si nous voulons que la concertation dans les armées soit plus efficace et reflète fidèlement les préoccupations des militaires, il convient d'apporter des aménagements utiles aux modes de désignation des membres des CFM et du CSFM. Dans ces instances, les présidents de catégorie doivent avoir une place et un rôle renforcés. La confiance qu'ils suscitent, l'expérience qu'ils ont acquise sont des outils précieux. Leur légitimité pourrait être accrue en généralisant leur désignation par l'élection.

Cette demande nous a été présentée de façon formelle, à Bernard Grasset et à moi-même, lors de nos visites aux différentes unités des trois armées et de la gendarmerie.

Nous vous avons fait des propositions. J'ose espérer, monsieur le ministre, qu'elles seront suivies d'effet.

De même, l'instauration d'un médiateur du personnel militaire, idée que je défends depuis longtemps, serait susceptible de pallier un manque de représentation des militaires. Il faut faire avancer cette idée et la rendre applicable rapidement.

Vous connaissez mon attachement à l'amélioration des conditions de vie des militaires. Je sais à quel point vous partagez ces préoccupations. Comme moi, vous estimez qu'il est crucial de marquer l'importance que nous donnons à la fonction militaire dans ce pays.

Aujourd'hui, nous devons travailler concrètement à l'établissement de nouveaux textes statutaires et disciplinaires. Nous devons, par des dispositions adaptées, réorganiser le dialogue et la circulation de l'information au sein des armées. Dans ce domaine, l'institution que nous défendons devrait être montrée en exemple plutôt qu'être montrée du doigt.

Je souhaite ardemment qu'un débat sur le statut s'engage. Je sais que, pour cela, il vous faudra bousculer u ne administration réticente. Pour tenter de vous convaincre, s'il en était besoin, permettez-moi de citer votre prédécesseur de 1972, Michel Debré. Pour lui, le statut du militaire dont il proposait l'adoption devait être

« l'affirmation que les pouvoirs publics ont conscience de ce que représentent éternellement l'armée et ceux qui la servent pour le bien de la République et de la nation ».

Et il concluait ces propos en déclarant : « Les militaires en ont besoin ! » Modestement, je reprendrai ses termes : oui, monsieur le ministre, les militaires des années 2000 ont besoin de nouvelles conditions de vie et d'un nouveau statut.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Antoine Carré.

M. Antoine Carré.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de la défense, mes chers collègues, le projet de budget que nous avons à discuter aujourd'hui devrait avoir un contenu ambitieux. Il lui revient en effet de poursuivre la réalisation d'une armée professionnelle, de maintenir la disponibilité opérationnelle des quatre armes et d'assurer la professionnalisation des équipements.

Or force est de constater que le budget pour 2001 se révèle un budget a minima qui ne permet pas de répondre aux difficultés majeures rencontrées par l'armée française.

Au nombre de celles-ci figure le recrutement de personnels civils. Les tensions déjà signalées en matière d'effectifs, loin de s'atténuer, se sont aggravées.

Tel est notamment le cas dans le service de santé des armées. La baisse des effectifs, amorcée dès 1997, se rapproche certes de l'objectif de 13 500 postes prévu à l'horizon 2002, mais cette baisse programmée s'accompagne d'un problème criant en matière de recrutement des médecins.

U ne forte proportion des médecins était jusqu'à présent pourvue par le contingent, puisque celui-ci fournissait, certaines années, 25 % des médecins et 90 % des chirurgiens-dentistes. Au total, 38 % des officiers du service de santé des armées appartenaient au contingent.

En outre, certains appelés du contingent choisissaient ensuite de rester dans l'armée. Ce recrutement, dit collatéral, a bien fonctionné jusqu'en 1995 et permettait d'intégrer annuellement vingt à trente médecins dans l'armée.

La professionnalisation de l'armée et la disparition attendue des appelés ne permettent plus de renouveler les effectifs nécessaires. Selon la loi de programmation, on devrait pourtant passer de 2 303 postes de médecin en 1996 à 2 411 en 2002. Sans même prendre en considération les départs à la retraite, cela signifie une création nette de 108 postes. Or le déficit actuel se chiffre déjà à 120 postes ! Etant donné la durée des études médicales, seul un recrutement immédiat de médecins permettrait d'endiguer ce sous-effectif. Or, jusqu'à présent, les efforts de recrutement ont donné des résultats décevants.

Certes, des mesures ont déjà été prises ou annoncées par votre ministère pour remédier à cette situation. Je pense à l'augmentation du nombre de postes au concours ou au recrutement sur titres de médecins diplômés. Je pense également à l'augmentation de la rémunération des gardes ou encore au « repyramidage » du corps des médecins, qui permettrait de remotiver ces derniers en ne leur faisant pas passer plus de sept ans au grade de médecincapitaine, le délai étant actuellement de dix ans.

Ces éléments, positifs, apparaissent toutefois insuffisants. Les tensions observées au sein du service de santé se sont accentuées. Sachant que toute mesure prise aujourd'hui ne portera ses fruits que dans quelques années, il devient urgent de mettre en place la revalorisation financière de la profession de médecin militaire afin de la rendre attractive.

Autre constat inquiétant : la diminution des autorisations de programme, particulièrement sensible pour le poste consacré aux études et au développement, qui subit une baisse drastique de 28,1 %.


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De même, la simple reconduction des crédits en matière de dissuasion paraît contestable. La France aurait pourtant dû donner l'exemple : exerçant la présidence de l'Union, il lui revenait d'adresser un signal fort à ses partenaires et de rendre crédible l'Europe de la défense.

En ce qui concerne l'armée de terre, des retards dans les passations de commandes sont à craindre pour 2001.

Le budget de la marine, pour sa part, a déjà fait l'objet d'annulations de crédits. Ainsi, au cours de l'exercice 2000, plus de 4 milliards de francs d'autorisations de programme ont été annulés. Cette annulation n'était pas la première et il en a résulté une situation de gestion tendue. Il est à souhaiter que les dotations inscrites dans le budget 2001 au profit de la marine soient effectivement respectées en cours d'exécution.

Le programme de l'avion de transport futur, dont dépend pourtant la capacité de transport de l'armée de l'air, est le grand oublié du budget. Il ne bénéficie en effet d'aucune autorisation de programme. Or, monsieur le ministre, vous vous étiez engagé, en juillet dernier, à commander cinquante A 400 M avant mars 2001. La réponse que vous avez apportée à ce problème crucial, semble dès lors bien insuffisante. Vous avez en effet annoncé que les autorisations de programme manquantes seraient inscrites dans le projet de loi de finances rectificative. Où comptez-vous trouver les milliards de francs nécessaires ?

M. Jacques Myard.

Chez Jack Lang !

M. Antoine Carré.

Cette inscription au collectif risque, en outre, d'être trop tardive. Les livraisons d'A 400

M prévues en 2007 et 2008 ne pourront en effet se concrétiser que si la commande est confirmée aux industriels dès le début de l'année prochaine.

Comment ne pas partager la préoccupation du chef d'état-major des armées, le général Kelche, au sujet de l'insuffisance des crédits inscrits au titre V ? Enfin, comment ne pas s'inquiéter des estimations budgétaires pour les carburants, qui reposent sur un baril à 25 dollars et une monnaie américaine à 6,50 francs, alors que la réalité est celle d'un baril à plus de 30 dollars et d'une monnaie américaine à 7,50 francs ? Cette sous-estimation compromet gravement la promesse que vous aviez faite, monsieur le ministre, d'augmenter les heures de vol et les activités d'entraînement terrestres ou maritimes, augmentation pourtant attendue et réclamée par les régiments. Il paraît déjà plus qu'inc ertain que le projet de budget pour 2001 permette à l'armée de terre de réaliser les quatre-vingts jours de sortie prévus, alors même que ce chiffre était déjà en deçà de l'objectif souhaité - cent jours de sortie.

Les limites et les faiblesses que je viens de dénoncer ne peuvent qu'inciter le groupe Démocratie libérale au nom duquel je parle à cette tribune, à voter contre le projet de budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Myard.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Myard.

Merci de m'applaudir avant ! Après, ce n'est pas aussi sûr...

Monsieur le ministre, l'an passé, je vous avais dit que vous étiez fort courageux de présenter un aussi mauvais budget. Cette année, je constate que vous avez dépassé le stade du courage pour entrer dans la zone de la témérité périlleuse, voire du suicide politique ! (« Oh la la ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Robert Gaïa.

Tout ce qui est excessif est dérisoire !

M. Jacques Myard.

Votre nom restera attaché au désarmement unilatéral de la France (Rires sur les bancs du groupe socialiste),...

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Carrément !

M. Didier Boulaud.

C'est un chassé-croisé avec les communistes !

M. Jacques Myard.

Mes chers collègues, vous feriez mieux de m'écouter car ce n'est pas réjouissant ! ... au désarmement coupable, alors que des menaces sourdes montent à l'horizon, prenant leur source dans les formidables ruptures géostratégiques qui nous entourent : rupture en Méditerranée, rupture en Afrique, rupture et cristallisation du conflit au Proche-Orient, sans parler des incendies qui couvent sous la braise au Moyen-Orient et en Asie. Vous le savez encore mieux que moi, monsieur le ministre, puisque vous lisez avec attention les rapports des services, qui vous ont décrit par le menu l'ensemble de ces dysfonctionnements géoplanétaires.

Malheureusement, et même tragiquement, vous semblez n'en avoir cure pour préparer notre défense à ces risques potentiels qui prennent corps lentement, mais inéluctablement. Bien au contraire, vous baissez les bras, comme si vous étiez anesthésié par le discours puéril, infantile, selon lequel la France n'a pas d'ennemis et n'a, de par le monde, que des amis. Jamais avant vous, monsieur le ministre, la France n'a consenti un effort aussi faible, aussi insignifiant pour sa défense. En apparence, notre effort de défense serait de 2 % du PIB pour 2001 ; en réalité, si l'on applique la nomenclature de l'OTAN, il se situe bien en deçà, autour de 1,75 %. Du jamais vu ! Pour la première fois, vous battez un record ! Je doute que vous puissiez dormir tranquille, alors que votre budget met en péril notre défense. Certains soulignaient déjà, il y a quelques années, que les armées françaises pouvaient tenir dans deux Stades de France, eh bien, rassurez-vous, au train où vont les choses, bientôt un seul suffira ! Le quantitatif a déjà dépassé le seuil de la crédibilité.

On sait, par exemple, que notre armée de l'air est incapable d'aligner plus d'avions que les Pays-Bas. Nous avons participé à la guerre du Kosovo avec une dizaine d'appareils, les Néerlandais en avaient engagé, me dit-on, pratiquement dix fois plus !

M. Alain Richard, ministre de la défense.

Puis-je vous interrompre, monsieur Myard ?

M. Jacques Myard.

Je vous en prie, monsieur le ministre, c'est dans la grande tradition républicaine.

M. le ministre de la défense.

Vous venez d'indiquer, ai-je cru comprendre, qu'il y avait dix avions français engagés au Kosovo...

M. Jacques Myard.

Opérationnels, s'entend !

M. le ministre de la défense.

... et cent avions néerlandais. C'est exactement le contraire ; vous avez dû sauter une ligne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)


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M. Jacques Myard.

J'ai des doutes. Les renseignements dont je dispose montrent, à l'évidence, que les intervenants français opérationnels étaient malheureusement beaucoup moins nombreux que vous ne venez de l'indiquer. Je maintiens donc mes propos.

M. Jean-Noël Kerdraon.

C'est scandaleux !

M. Jacques Myard.

Au-delà du quantitatif, il y a le qualitatif : je veux parler de notre effort en matière de recherche-développement, capital pour préserver l'avenir et pour ne pas l'hypothéquer. Or, ces dernières années, la France - cela va au-delà de votre fonction - a abandonné plus de 70 % de ses efforts de recherche en amont. Il faut nous réveiller, car cette situation ne peut plus durer.

Je prendrai un exemple déjà cité à cette tribune, celui de l'engin balistique M 51, appelé à remplacer le M 45 à l'horizon 2008, pour atteindre son complet développement en 2014. Après les études menées depuis 1992, la phase de développement a commencé en 1998. Or l'indécision dont vous faites preuve pour arrêter définitivement le contrat avec le constructeur EADS, met en péril le développement de cet engin. Si rien n'est décidé très rapidement, c'est le poids même de la composante française dans le consortium EADS qui sera remis en cause ; less ites des Mureaux, 700 personnes, et d'Aquitaine, 600 personnes, seront alors menacés.

Monsieur le ministre, nous attendons la décision sur le développement du M 51. C'est à vous qu'elle incombe.

Ne vous retranchez pas derrière les services, et notamment la DGA qui semble avoir perdu le sens de la spécificité de la force de dissuasion française et se croit encore à acheter des pièces détachées d'automobiles ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Face à cette situation, vous pratiquez la fuite en avant.

Vous vous retranchez derrière l'identité européenne de défense, qui deviendrait le nec plus ultra de la défense française. Je suis très favorable à une défense en commun de l'Europe et j'en approuve la finalité. Mais vos discours ne sont que des mots, des slogans, pour endormir l'opinion publique car, derrière, il y a malheureusement la vacuité de notre effort de défense. Aujourd'hui, l'identité européenne de défense n'est qu'un alibi pour ne pas poursuivre notre propre défense. Elle n'est que l'addition de canards boiteux au niveau européen. C'est à celui qui boitera le plus ! La défense en commun de l'Europe n'existera que lorsque la France se dotera des moyens suffisants pour maintenir son rang et garder son autonomie de décision afin de pouvoir entraîner ses partenaires. Aujourd'hui, j'ai le regret de constater que la France déserte ! Monsieur le ministre, vous nous présentez le budget d'un battu, un battu des arbitrages ministériels. Comment voulez-vous être pris au sérieux au niveau européen ?

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial.

Tout en nuances !

M. Robert Gaïa.

Même la droite est atterrée !

M. Paul Quilès, président de la commission de défense.

Vifs applaudissements sur les bancs de l'opposition !

M. le président.

La parole est à M. André Vauchez.

M. André Vauchez.

Après ce discours que d'aucuns, en politique, auraient pu qualifier de « calamiteux »...

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial.

Le mot est faible !

M. André Vauchez.

... je voudrais revenir aux réalités du budget.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la gendarmerie est l'une de nos plus anciennes institutions. Héritière des maréchaussées de France, elle a su s'adapter au fil des siècles. En ce début de millénaire, car 2001 en est la première année, elle doit poursuivre son évolution à un rythme plus soutenu que jadis, tant est grande la vitesse à laquelle se modifient l'occupation du territoire et la répartition de nos concitoyens entre les zones urbaines, périurbaines et rurales.

La gendarmerie assume seule la sécurité publique sur 95 % du territoire où vit 50 % de la population, en majorité des ruraux, mais aussi de nombreux urbains.

Cependant, c'est près de 100 % de la population qui est sous la surveillance de la gendarmerie dans le cadre de la police de la circulation routière, sur les autoroutes et les routes nationales, départementales ou communales.

Arme polyvalente de nos armées, en dehors de ses deux activités missionnelles essentielles que sont la police judiciaire et la police administrative, elle intervient aussi dans de nombreuses missions pour le compte de l'Etat : la défense - heureusement ! -, le concours aux différents ministères, le transfèrement des détenus, etc.

Comme l'a souligné Georges Lemoine, votre projet de budget pour 2001, monsieur le ministre, est un bon projet pour la gendarmerie. Il va permettre tout d'abord de respecter la loi de programmation militaire, notamment dans son volet « professionnalisation ». Ainsi, l'augmentation des effectifs d'officiers et de sous-officiers et la montée en puissance du nombre des volontaires dénommés gendarmes adjoints, et, à l'opposé, la baisse des appelés du contingent se traduisent au bout du compte par un gain net de 580 personnes en 2001.

Je noterai également le rôle rempli par la gendarmerie nationale dans l'organisation de la journée d'appel de préparation à la défense, qui, outre le support logistique qu'elle apporte, participe pleinement au renforcement du lien armée-jeunesse, armée-nation. Cette dernière mission est aussi confortée par la mise sur pied d'une véritable réserve puisée au sein de la nation, qui reçoit une dotation financière en forte augmentation cette année.

Votre projet de budget permet par ailleurs d'amplifier l'effort entrepris ces deux dernières années pour redéployer les moyens de la gendarmerie vers les zones périurbaines plus sensibles, tout en maintenant le maillage cantonal de l'implantation des brigades. En effet, les gendarmes ayant acquis une expérience en zone rurale sont, avec leur accord, orientés vers le périurbain, là où la croissance démographique et l'apparition de quartiers sensibles demandait un effort particulier du Gouvernement.

Ils sont remplacés par des jeunes gendarmes adjoints volontaires succédant aux appelés. Recrutés en nombre important - plus 3 725 cette année -, ils seront 11 025 avant la fin de 2001, pour atteindre 16 000 très rapidement. Mieux formés, recrutés sur une plus longue durée, pouvant atteindre cinq ans, ils sont investis de compétences plus importantes et plus larges, qui en font des gendarmes à part entière. Orientés vers les brigades territoriales du rural profond, ils apportent à la gendarmerie les moyens d'être présente et opérationnelle dans nos campagnes.

Votre projet de budget, monsieur le ministre, permet encore de moderniser l'équipement des unités par des matériels adaptés, des véhicules plus rapides et plus fonctionnels, et de donner les moyens de fonctionnement accrus aux brigades territoriales ; cela a été dit par d'autres orateurs.


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La proposition d'augmenter le nombre de PSIG - les pelotons spécialisés d'intervention de la gendarmerie - est à saluer. Sur ces deux années, 2000-2001, quatre-vingts PSIG nouveaux ont été ou seront créés pour conforter et renforcer l'action des brigades. Ces structures, par leur présence nocturne sur le terrain, leur rapidité d'intervention, sécurisent les zones où elles sont implantées.

Les moyens nouveaux en fonctionnement permettront aussi de voir la gendarmerie engagée dans de vastes partenariats, qui préludent à la mise en place des contrats locaux de sécurité dans les communes. Là encore, ce type d'engagement développe sur le terrain la prévention sur un public très large. Quelquefois, cela débouche aussi sur des initiatives originales, telle la création de patrouilles à vélo, extrêmement appréciées dans des situations spécifiques comme la lutte contre la petite délinquance,...

M. Jacques Myard.

C'est fou comme c'est efficace !

M. André Vauchez.

... la toxicomanie, voire la protection de l'environnement.

Enfin, monsieur le ministre, j'ai bien noté que cinquante postes nouveaux allaient être créés sur les autoroutes, et l'on peut s'en réjouir. A ce sujet, je voudrais vous soumettre l'exemple jurassien, qui n'est sans doute pas unique. Je demande au président de m'accorder quelq ues minutes supplémentaires pour le développer, puisque mon collègue M. Lamy n'est pas intervenu. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Monsieur Vauchez, les cinq minutes imparties à M. Lamy ont été utilisées par M. Chauveau.

Veuillez respecter votre temps de parole.

M. André Vauchez.

Monsieur le ministre, l'escadron départemental de sécurité routière compte 96 unités. Or, 57 d'entre elles sont affectées aux autoroutes A 36 et A 39, ce qui représente 108 kilomètres, et, à aucun moment, le commandant de cet escadron ne peut prélever des unités pour les affecter aux routes nationales et départementales, alors que l'inverse est fréquent. Il y a là un vrai problème.

Cela étant, le groupe socialiste votera ce projet de budget, qui apporte une réponse politique à l'attente de nos concitoyens du monde rural ou périurbain. C'est ce que nous expliquerons dans nos campagnes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Alain Richard, ministre de la défense.

Monsieur le président, messieurs les députés, je tiens tout d'abord à souligner la haute tenue de ce débat que vous avez alimenté les uns et les autres par vos interventions, ce matin et cet après-midi. Je souhaite que ce moment de vie politique, empreint, certes, de diversité et de divergence mais riche aussi en points de vue et en propositions, soit repris comme il devrait l'être par les médias. En effet, il ne serait pas juste de leur part de se contenter de rapporter telle ou telle anecdote sans relever aussi le travail de qualité entrepris par ceux qui représentent ici l'ensemble de nos concitoyens.

(Applaudissements.)

S'agissant de ce projet de budget, je commencerai par évoquer le cadre stratégique et politique qui guide l 'action du Gouvernement en matière de défense.

L'Europe est en train de se doter d'un outil commun : une force de réaction rapide appuyée sur des capacités stratégiques permettant de décider et agir seule dans les années à venir. Au moment où nous exerçons la présidence de l'Union, les efforts des dernières années pour faire de l'Europe un nouvel acteur stratégique commencent à porter leurs fruits.

Les Européens ont, après quelques années de tâtonnements et de divergences que M. Gérard Charasse a justement évoquées ce matin, rapproché leurs points de vue sur les conséquences à tirer de la fin de la guerre froide et de l'aggravation des crises politico-militaires régionales. Ils ont décidé de se mettre en mesure de prendre collectivement leurs responsabilités. Le temps est révolu où chacun se satisfaisait d'une répartition des rôles qui rendait incontournable la participation directe de notre allié américain à toute opération. Le projet européen aujourd'hui lancé ne remet pas en cause ce lien transatlantique. Il propose de le rééquilibrer dans le sens d'une plus grande contribution de l'Europe à sa propre sécurité.

Cette contribution est conçue dans un cadre réaliste : 6 0 000 hommes disponibles en soixante jours, déployables pendant un an sur un théâtre extérieur à l'Union européenne. Il s'agit d'un dispositif à peine supérieur à celui qui est déployé au Kosovo depuis dix-sept mois.

Sur cette voie, la France est en bonne position. En effet, elle est parmi les pays européens qui ont le plus tôt adapté leur schéma de défense à la nouvelle donne stratégique. Dans les débats des autres nations européennes, la France est souvent citée avec la Grande-Bretagne pour la solidité et la continuité de son effort de défense et pour la valeur de ses moyens militaires, indispensables pour conférer d'emblée à l'Europe de la défense la crédibilité nécessaire.

Le conflit du Kosovo, entre l'automne 1998 et la fin du printemps dernier, nous a rappelé brutalement à quel point la puissance militaire et la cohérence politique dans son emploi au service d'objectifs délibérés commandaient la maîtrise d'une situation de crise majeure. M. JeanBernard Raimond nous a d'ailleurs rappelé ce matin combien ces événements restaient proches et justifiaient la détermination à garder un outil de défense apte au combat de haute intensité.

Ne nous y trompons pas : les évolutions positives constatées depuis dix-huit mois en ex-Yougoslavie ne se seraient pas produites si l'un ou l'autre des protagonistes avait cru possible de reprendre l'action armée en misant sur la faiblesse ou l'indécision des forces multinationales de maintien de la paix.

La participation à un dispositif européen ne signifie pas que nous limitons notre zone d'intérêt et d'action à notre seul continent. L'embrasement du Timor oriental l'année dernière nous a montré que nous devions aussi être en mesure de mobiliser rapidement des moyens militaires à forte composante humanitaire, pour exiger le respect des résolutions des Nations unies, même très loin de chez nous.

La récente actualité africaine nous montre également que l'instabilité sur ce continent, si proche de nous à tant d'égards, ne diminue pas. Chacun voit que s'y développe des situations pouvant nous conduire, dans le cadre de la légalité internationale, à mettre en oeuvre, avec d'autres, nos moyens militaires.

C'est cette nécessaire disponibilité qui nous conduit, d'une part, à maintenir un effort important de coopération de défense et, d'autre part, à entretenir des forces prépositionnées en Afrique avec l'accord amical des pays d'accueil.


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Par ailleurs, la présence maritime française dans le Pacifique et l'océan Indien répond aux grands objectifs de la politique de défense de notre pays, dans des zones importantes aux plans stratégique et économique.

A cet égard, je voudrais dire à M. Boucheron, qui m'a interrogé sur les crédits figurant au budget de la défense et consacrés à la Polynésie, que le Gouvernement, en vertu du principe de continuité de l'Etat, n'a pu que prendre acte de l'engagement signé par M. Alain Juppé, P remier ministre du Gouvernement précédent, avec l'autorité territoriale, accord aux termes duquel 151 millions d'euros sont versés chaque année pendant dix ans aux territoires de Polynésie.

M. Didier Boulaud.

Beau cadeau à M. Flosse !

M. le ministre de la défense.

Monsieur Galy-Dejan, c'est également sur un arbitrage personnel du Premier ministre Juppé que ce crédit a été imputé sur le budget de la défense. Quant à la montée en puissance des montants versés, elle résulte d'une capacité d'engagement de crédits d'investissement en croissance sur des choix qui sont à l'appréciation de l'autorité territoriale.

M. Guy-Michel Chauveau.

Hélas !

M. le ministre de la défense.

Faisons un point rapide sur les étapes franchies par l'Europe de la défense juste avant le Conseil européen de Nice, comme l'a souhaité M. Chauveau. Le président Quilès a clairement replacé les perspectives de l'Europe de la défense pour insister sur le caractère éminemment stratégique des enjeux.

Les organes politico-militaires de gestion de crise, qui sont en place sous leur forme intérimaire depuis le 1er mars seront définitivement institués : comité politique et de sécurité, comité militaire, état-major européen. Les relations entre l'Europe de la défense et son environnement stratégique, l'OTAN et les pays européens non membres de l'Union européenne auront été clarifiées par l'adoption à l'unanimité de principes équilibrés de coopération. Et, surtout, c'est l'aspect qui nous concerne aujourd'hui, les capacités militaires européennes seront entrées dans le domaine du concret.

L'objectif fixé par le conseil européen d'Helsinki il y a un an était d'être en mesure de déployer en soixante jours 60 000 hommes pour assumer les missions de maintien et de rétablissement de la paix, dites de « Petersberg », prévues dans le traité d'Amsterdam. Cette force doit disposer de tous les appuis nécessaires, être autosuffisante et pouvoir soutenir le déploiement pendant une année au moins.

En quelques mois, depuis le 1er juillet, les experts militaires des Quinze ont transformé cet objectif en un document très détaillé de planification militaire qui a fait l'objet d'un dialogue constructif avec l'OTAN, dans le respect de l'autonomie européenne. Sur la base de ce catalogue des capacités nécessaires, les pays membres feront connaître le 20 novembre les moyens qu'ils s'engagent à mettre à la disposition de l'Union européenne si cette dernière décide d'agir militairement, conformément au traité d'Amsterdam.

M. Chauveau m'a demandé de préciser les possibilités de mutualisation dans ce cadre. Nous avons donné quelques exemples avec nos amis allemands en prévoyant la mise en place pour les pays volontaires d'un commandement européen du transport aérien, point sur lequel je reviendrai. Nos amis néerlandais et belges ont choisi, quant à eux, de s'associer volontairement à un programme de capacité de projection navale. C'est un des domaines de la coopération renforcée en matière de défense. Le cadre global des capacités a été fixé à quinz e, les pays peuvent volontairement décider de s'associer pour satisfaire par des programmes multilatéraux ou nationaux les besoins non satisfaits dans l'immédiat, en particulier dans certaines capacités stratégiques, comme les moyens de contrôle et de commandement, le transport stratégique ou le renseignement.

Il nous restera beaucoup de travail après cette première étape couronnée de succès. Il s'agit d'apprendre à nos armées à agir en commun tout en demeurant en permanence sous contrôle national.

M. Jacques Myard.

Ce n'est pas facile !

M. le ministre de la défense.

Il s'agit de trouver ensemble une meilleure allocation de nos ressources nécessairement limitées mais dans le respect des impératifs de sécurité nationale. Il s'agit en un mot de penser désormais notre action dans un nouveau cadre où l'effort serait partagé pour un meilleur exercice collectif de nos responsabilités.

La pertinence du modèle d'armée que nous avons décidé de mettre en place est donc confirmée par ce choix. La loi de programmation militaire 1997-2002, votée par la précédente législature, est mise en oeuvre par le Gouvernement. Cette loi sera conduite à son terme, tant en matière d'effectifs qu'en ce qui concerne les équipements. La revue des programmes de 1997-1998 a permis d'assurer la réalisation des équipements, dans un contexte d'optimisation de la gestion des crédits, d'évolution des structures et des méthodes.

Aux orateurs de l'opposition, je voudrais indiquer que rares sont les programmes prévus sur l'ensemble des six années de la loi de programmation militaire qui n'auront p as fait l'objet de commandes avant la fin de l'année 2001, soit un an avant la fin de la période couverte. Nous y reviendrons. La lecture du rapport sur l'exécution de la loi de programmation est à cet égard tout à fait éloquente.

Ainsi, le montant des crédits dont disposera le ministère de la défense en 2001, 28,8 milliards d'euros hors pensions, sera accru de 0,55 %. L'augmentation des moyens effectivement disponibles sera en pratique de près de 1 %, compte tenu notamment de l'économie - évaluée à 76,2 millions d'euros - résultant de la baisse du taux de la TVA de 20,6 à 19,6 % applicable à la majeure partie des achats courants et des équipements de la défense, et de la réduction du transfert au profit du BCRD.

L'effort de la France en matière de défense demeure donc à un niveau élevé : il excède celui de la plupart de nos partenaires de l'Union européenne et reste proche du Royaume-Uni. Cette donnée figure de façon très argumentée dans le rapport de M. Jean-Michel Boucheron, qui, sur ce point, apporte des données complémentaires aux indications dont M. Raimond nous a fait part.

A ce propos, je voudrais d'ailleurs rappeler quelques chiffres extraits d'une analyse effectuée par l'Office budgétaire du Congrès, concernant le budget de l'équipement des Etats-Unis, qui est souvent cité en exemple. En 1989, l'ensemble des dépenses d'acquisition de matériels et d'infrastructures aux Etats-Unis représentait 108 milliards de dollards. En 1997, ce chiffre était descendu à 54 milliards de dollars, soit exactement la moitié. Entre 1997 et 2000 l'ensemble du budget d'investissement hors recherche est remonté à 62 milliards de dollars, restant ainsi inférieur de 44 % à ce qu'il était en 1989.

J'ajoute, pour être objectif, que l'Office budgétaire du Congrès estime qu'il faudrait presque moitié plus de crédits pour atteindre les objectifs de la programmation aux


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Etats-Unis. Cela montre que, quel que soit le niveau du budget, il se trouve toujours quelqu'un - en l'occurrence il s'agit d'une sorte d'instance indépendante qui parle au nom de l'ensemble du Congrès - pour dire qu'il faudrait plus.

Je ferai d'ailleurs observer aux parlementaires qui ont souligné une insuffisance de crédits que, au titre de l'année 2000, le rapport entre les investissements de défense prévus par les Etats-Unis et ceux prévus en France est de 1 à 6, c'est-à-dire équivalent au rapport entre le PIB des deux pays.

M. Jacques Myard.

La recherche-développement est dix fois plus importante là-bas !

M. le ministre de la défense.

Souhaitez-vous m'interrompre, monsieur Myard ?

M. Jacques Myard.

Si vous m'y autorisez, monsieur le ministre.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Myard, avec l'autorisation de M. le ministre.

M. Jacques Myard.

Dans le document auquel vous faites allusion, il est précisé que les crédits de recherchedéveloppement américains n'ont pas suivi cette décrue ; ils sont, au contraire, extrêmement importants. C'est la faiblesse des crédits de recherche-développement qui hypothèque l'avenir, monsieur le ministre.

M. le ministre de la défense.

Monsieur Myard, j'attendais cette objection. Compte tenu de votre culture internationale, vous n'ignorez pas, cependant, qu'il n'y a pas de ministère de la recherche aux Etats-Unis. Tout le monde sait - et cela a fait l'objet d'analyses comparatives successives que l'essentiel des crédits qui figurent dans les budgets des pays européens, et notamment dans le nôtre sous forme de crédits de recherches civiles -, se retrouvent dans le budget du Pentagone.

M. Jacques Myard.

Il y a aussi la NASA !

M. le ministre de la défense.

Et si vous faites l'addition des deux budgets, la comparaison n'est pas défavorable à la France.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialite.)

M. Jacques Myard.

Vous cachez des crédits dans les budgets civils ?

M. le ministre de la défense.

Restez calme, monsieur Myard ! Le débat peut être très serein.

Les crédits du titre III passent de 16 à 16,08 milliards d'euros. J'ai choisi de vous indiquer les chiffres dont nous parlons aujourd'hui en euros car 2001 sera l'année de la préparation du passage à l'euro. D'ailleurs, je me suis servi d'une calculette qui a été mise gratuitement à ma disposition par l'armée de terre et qui fait obligeamment la conversion à tout moment ! (Sourires.)

Alors que les effectifs diminuent de 5,9 % par rapport à l'année 2000, on observe une croissance sensible des crédits correspondants, tant en rémunérations qu'en fonctionnement. L'adaptation de notre système de défense concerne, en effet, d'abord les hommes, ainsi que nombre d'orateurs l'ont indiqué à juste titre.

Avec vous, mesdames, messieurs les députés, je tiens à rendre hommage à l'engagement exemplaire des personnels militaires et civils de la défense, qui contribuent de manière décisive à la réussite de la transformation de notre outil militaire. Cette lourde tâche a été cumulée avec des missions nombreuses sur des théâtres d'opérations comme sur le territoire national, toutes assumées avec succès. Il est vrai que l'intensité de ces engagements, alors que le processus de professionnalisation n'est pas achevé et qu'il n'est donc pas encore porté à son optimum, explique pour une bonne part ce sentiment de surchauffe, dont le général Crène a entretenu la commission de la défense, ce qu'a rappelé tout à l'heure M. Guy Teissier.

Faisons le point sur l'amélioration des ressources humaines et sur leur financement. Pour 2001, les effectifs budgétaires du ministère de la défense s'établissent à 446 143. La réduction de 27 866 emplois résulte de la suppression de 39 657 postes budgétaires d'appelés et de la création nette de 11 791 emplois professionnels civils ou militaires. Ce mouvement est donc rigoureusement conforme à la programmation.

Nous continuons à assurer dans de bonnes conditions les départs de cadres qui sont nécessaires pour adapter le nombre d'officiers et de sous-officiers, comme l'a souligné M. Cova, au nouveau format des armées, mais aussi, à long terme, pour maintenir une pyramide des âges équilibrée. Pour les officiers, cette réduction est un peu moins importante que prévu, car nous devons tenir compte des besoins grandissants dans certains domaines, en particulier pour assurer la présence de la France dans les structures internationales. Ces départs s'effectuent, vous le savez, sur la base du volontariat. Le travail de formation et de reconversion des personnels réalisé au sein des armées y est pour beaucoup. Il est un gage de la réussite à long terme de la professionnalisation, et en particulier du recrutement.

Cette évolution harmonieuse des effectifs est rendue possible par le système des pécules, mentionné par MM. Boucheron, Sandrier et Warhouver. Un peu plus de trois milliards de francs auront été consacrés, au cours des quatre dernières années, à ces pécules. La dotation pour 2001, équivalente à 95,6 millions d'euros, permettra à nouveau d'assurer les départs aidés de plus de 2 000 cadres.

Ce rajeunissement du personnel militaire s'accompagne d'une féminisation croissante qui constitue un élément favorable supplémentaire. Avec un taux de féminisation de plus de 9 %, la défense française est déjà l'une des plus ouvertes aux femmes dans le monde. Le dernier arrêté que j'ai signé prolonge ce mouvement en permettant l'accès des femmes à l'ensemble des emplois de l'armée de terre. Le taux de féminisation lors du recrutement, qui est de 15 % environ, indique par ailleurs que ce processus continuera à progresser dans les prochaines années. C'est à la fois un élargissement bienvenu de la ressource humaine disponible et un mouvement positif en lui-même dans le rapprochement entre la communauté de défense et la société française dans sa diversité.

A tous les orateurs qui se sont interrogés sur la situation des appelés, j'indiquerai que ceux-ci continuent de répondre de façon exemplaire à l'appel sous les drapeaux.

Je le répète, leur présence est indispensable à la réalisati on des missions des forces armées et au passage efficace de nos unités opérationnelles vers la professionnalisation.

Leur sens civique joue un rôle déterminant dans la réussite de la réforme de notre défense.

Il m'a semblé important de valoriser leur passage sous les drapeaux dans la perspective d'une meilleure insertion sur le marché du travail. C'était d'ailleurs ce souci qui avait inspiré les mesures prises en juin et dont je vous avais informés, en matière d'assouplissement des reports pour emploi. Mais, suivant en cela des demandes exprimées à l'Assemblée, notamment par le groupe socialiste, et dont vient de se faire à nouveau l'écho M. Guy-Michel


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Chauveau, j'ai souhaité apporter également des améliorations aux perspectives professionnelles des appelés n'ayant pas encore d'emploi stable au moment de leur incorporation.

Je mets donc en place, dès ce mois-ci, un bilan de compétences, l'établissement d'un projet professionnel avec l'aide d'un tuteur et l'aide aux démarches de recherche d'un emploi pour tous les appelés n'ayant pas encore signé un contrat de travail permanent. Une libération anticipée après huit mois de service sera proposée à tous ceux qui auront ainsi trouvé un emploi. Pour ceux qui effectueront l'ensemble de la durée légale, et qu'il convient d'aider à entrer dans la vie professionnelle, j'ai proposé au Président de la République et au Gouvernement, qui ont approuvé ce projet, de revaloriser de manière significative l'allocation de fin de service. D'un montant de 610 euros - soit 4 000 francs - elle sera versée à la fin du dixième mois de service, et ce dès la fin du mois de novembre 2000.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. le ministre de la défense.

Au moment où les armées s'éloignent de leur ancienne configuration, elles doivent attirer à elles de nouvelles compétences, de nouvelles énergies. Comme je l'ai rappelé, le solde de création d'emplois professionnels civils et militaires, compte tenu de différents mouvements, s'établit à près de 12 000, en prenant en compte la suppression de 7 000 emplois.

En réponse aux questions évoquées par de nombreux orateurs, je souhaite redire ma satisfaction sur la manière dont se déroulent actuellement les recrutements dans toutes les catégories, sans exception. Plus d'une candidature est présentée par poste, ce qui signifie que nous exerçons toujours un choix. La réduction du nombre de candidatures, d'ailleurs explicable par la nette amélioration de la conjoncture en matière d'emplois, en particulier chez les jeunes, ne nous prive pas de la ressource humaine nécessaire. A ce sujet, je souligne que c'est le sentiment de sécurité et de bon encadrement offert par les armées qui permet à de nombreux jeunes n'ayant pas encore définitivement fixé leur avenir professionnel d'être intéressés par une première expérience dans les armées, que ce soit comme engagés ou comme volontaires. Beaucoup, nous le savons, souhaiteront ensuite poursuivre dans cette voie, compte tenu de l'effort de formation et des perspectives de déroulement de carrière qui s'offriront à eux.

Pour assurer une poursuite harmonieuse de la professionnalisation, suivant les recommandations formulées par M. Warhouver dans son rapport, le projet de budget prévoit la création de 7 700 postes de militaires du rang, permettant ainsi d'atteindre, dès 2001, 90 % des postes prévus par la loi de programmation militaire. La création de 7 000 postes de volontaires permettra d'atteindre 67 % du volume prévu avant la fin 2002, sachant que nous n'avons réellement commencé les recrutements qu'à la fin de 1998.

Cela suppose - et je réponds à une préoccupation exprimée par M. Charles Cova - que l'on soit durablement attentif à la condition sociale et professionnelle des militaires. C'est d'ailleurs ce dont nous débattons au sein du Conseil supérieur de fonction militaire. A cet effet, je remercie les parlementaires qui prêtent attention aux débats qui s'y déroulent, car ils sont tout à fait représentatifs de la réalité de la vie sociale et professionnelle.

Pour renforcer ce dispositif de concertation, j'ai proposé précisément au Conseil supérieur de fonction militaire, qui se réunira le 29 ou le 30 novembre prochain, de se prononcer sur une évolution du mode de désignation des représentants des personnels et d'adopter un système de désignation par scrutin par leurs pairs, ceci pour les présidents de catégories et les membres des commissions participatives d'unités. Il convient de faire confiance à la maturité et au souhait de légitimité dans leur représentation collective des militaires, en préservant naturellement pleinement la cohésion et l'esprit de discipline.

M. Sandrier a fait part de l'inquiétude que lui inspire la situation des personnels civils et a manifesté le souhait de voir s'effectuer les recrutements nécessaires. Au titre du budget 2001, la création de 3 014 postes de fonctionnaire civil traduit une forte hausse par rapport à l'année dernière.

Par ailleurs, je souhaite indiquer à la représentation nationale que j'ai obtenu l'autorisation exceptionnelle d'ouvrir le recrutement de 250 nouveaux emplois d'ouviers d'Etat, emplois dont devrait bénéficier principalement l'armée de terre, qui présente actuellement un déficit.

Cela dit, considérant que certains postes ne requièrent p as les qualifications technologiques et industrielles propres aux ouvriers d'Etat, le ministère de la défense développe largement le recours aux ouvriers et aux fonctionnaires dont le recrutement, beaucoup plus rapide, ne fait l'objet d'aucune restriction.

Des observations justifiées ayant été faites sur le déficit d'emplois civils, je tiens à souligner que le recrutement de 6 300 fonctionnaires nouveaux au titre de 2000 et 2001 permettra de combler très sérieusement ce déficit existant.

C'est d'ailleurs logique car, comme l'ont rappelé plusieurs orateurs, nous avons maintenant très largement résorbé le sureffectif qui subsistait en personnels civils dans certains départements.

Il y a également, compte tenu des crédits restants pour les postes non encore pourvus, une démarche d'externalisation sur laquelle le président Quilès a fait des observations que je partage pleinement. En effet, une démarche modérée et pragmatique d'externalisation doit être menée. C'est pourquoi nous avons adopté un guide de l'externalisation au sein du ministère qui fixe des critères et qui donne des garanties tant aux services qu'aux personnels concernés. Il est entendu qu'aucune fonction touchant à la préparation opérationnelle, soit des forces, soit des matériels, ne peut faire l'objet d'une externalisation.

J'ajoute que le programme pluriannuel « formation et mobilité » est un outil dont l'efficacité est reconnue, et nous continuerons à y recourir jusqu'à la fin des restructurations.

M. Warhouver s'est inquiété des personnels civils de droit allemand qui avaient été employés par les forces françaises stationnées en Allemagne. A ce jour, seulement soixante-quinze de ces personnels sont encore inscrits à l'ANPE alors que plus de 2 000 personnes avaient virtuellement un problème de reconversion. Au cours d'une récente réunion organisée avec le ministère de la défense, le directeur général de l'ANPE s'est engagé à procéder à un examen individuel des soixante-quinze dossiers restants.

M. Aloyse Warhouver, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour le titre III et les personnels de la défense.

Je vous en remercie, monsieur le ministre.

M. le ministre de la défense.

M. Jean-Michel Boucheron déplore, dans son rapport, l'insuffisance des dotations en crédits indemnitaires. Ceux-ci feront l'objet d'un nou-


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veau rattrapage de 30,5 millions d'euros après celui légèrement supérieur réalisé au titre de l'année 2000, ce qui nous rapprochera de très près maintenant du niveau de ressources nécessaire pour l'ensemble de nos dotations indemnitaires.

De nouvelles dispositions indemnitaires favorables sont financées, par ailleurs, dans le projet de budget 2001 pour un total d'un peu plus de 13 millions d'euros, visant à conforter la situation des moyens humains au regard de nos objectifs opérationnels.

Ces améliorations concernent, en particulier, les personnels du service de santé des armées, au sein duquel on constate, c'est vrai, un sous-effectif de médecins, souligné par M. Michel Meylan et M. Antoine Carré, et qui est en grande partie la répercussion de la fin de la conscription que l'on peut étaler et gérer sur cinq, six années pour les autres spécialités - mais pour des spécialités à formation longue se pose forcément un problème d'ajustement et de soudure. Etant donné l'importance de ce service dans le soutien moral et l'efficacité opérationnelle des armées, ainsi d'ailleurs que son intégration dans l'offre de soins civils et militaires au niveau national, nous avons engagé un plan de revalorisation sur deux ans des rémunérations des médecins ainsi qu'une compensation équilibrée avec le secteur civil des gardes hospitalières.

Un effort indemnitaire a également été consenti en faveur des personnels civils et des ingénieurs de l'armement ainsi que des gendarmes - j'y reviendrai dans un instant.

La sécurité intérieure, qui a été mentionnée, à juste titre, par plusieurs orateurs, constitue, vous le savez, une priorité essentielle du Gouvernement.

La participation des armées à cette sécurité intérieure répond à une attente largement exprimée par nos concitoyens. Leurs moyens humains et matériels sont utilisés pour des opérations de lutte contre les catastrophes naturelles, pour des missions d'assistance et de sauvetage en matière aérienne et maritime. Au quotidien, les missions de sécurité publique sont assurées par la gendarmerie, qui veille à la sécurité de nos concitoyens dans des conditions appréciées de tous.

A la suite du naufrage de l' Erika, le 12 décembre 1999, les plans POLMAR Mer et POLMAR Terre ont été déclenchés. Jusqu'à sept bâtiments de la marine nationale sont intervenus simultanément, ainsi que de nombreux m oyens de surveillance aérienne. De 1 200 à 1 600 hommes des armées ont été déployés quotidiennement sur les plages jusqu'au mois de juin, et encore 200 hommes quotidiennement de juillet à septembre. Les armées ont ainsi fourni plus de 250 000 journées de travail sur le littoral atlantique pour contribuer au plan POLMAR Terre.

Depuis le 31 octobre dernier, les moyens de la marine sont à nouveau en première ligne, cette fois-ci au large du Cotentin. Coordonnés par le préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord, avions, hélicoptères et bâtiments de surface assurent la surveillance constante de l'épave de l' Ievoli Sun au large du Cotentin.

Tenant compte de l'expérience du drame de l' Erika, l'Etat a rapidement pris un certain nombre de décisions importantes de surveillance et de sécurité qui se traduisent dans le budget de la défense par l'inscription de moyens supplémentaires. Ils permettront en particulier à la marine nationale de compléter ses moyens aériens par la livraison du quatrième Falcon 50 de surveillance maritime et par l'acquisition d'un sixième hélicoptère Dauphin destiné au service public. De plus, les crédits de fonctionnement relatifs à l'assistance, au sauvetage et à la lutte antipollution en mer, seront abondés de 3,8 millions d'euros. Ces crédits contribueront à compléter le dispositif des trois remorqueurs d'intervention déjà affrétés par la marine par une quatrième permanence dans le Pas-deCalais, en partage avec la marine britannique.

Les armées et la gendarmerie sont aussi intervenues à la suite des tempêtes des 26 et 27 décembre 1999. Pendant plus de trois mois, elles ont été engagées pour porter assistance aux personnes sinistrées, aider à la remise en état des voies de communication et au rétablissement de l'électricité. La contribution des armées et de la gend armerie a été de 400 000 journées de travail, 1 200 heures de vol d'hélicoptère et 250 heures de vol d'avion de transport. Je remercie d'ailleurs les très nombreux parlementaires qui ont fait état auprès du ministère de leur satisfaction et de leur reconnaissance pour l'effort des armées.

Venons-en à la gendarmerie. Conformément aux engagements que le Gouvernement a pris au printemps dernier, les décisions se traduisent par un effort particulier en faveur de la gendarmerie, dont la zone de responsabilité recevra dans les dix ans à venir, il faut en être conscient, au moins 80 % de la croissance de la population du pays, avec l'accroissement des charges de sécurité publique qui en découle. Votre rapporteur, M. Georges Lemoine, a bien voulu, sur la base d'une analyse très fouillée des problèmes de la gendarmerie, souligner les efforts accomplis sous l'autorité du Premier ministre, et je l'en remercie.

En premier lieu, les effectifs de la gendarmerie seront sensiblement renforcés : 1 050 postes budgétaires de sousofficiers seront ouverts en 2001, dont 500 sont d'ailleurs pourvus par anticipation à la fin de l'exercice 2000, et 50 gendarmes d'autoroute, ce qu'a souligné M. André Vauchez.

S'y ajoute le renfort de 3 750 gendarmes adjoints volontaires, qui permet de renforcer les zones périurbaines de vingt-huit départements sensibles par une nouvelle tranche de 700 militaires supplémentaires et de compenser la diminution du nombre d'appelés. L'objectif final reste de créer, d'ici à la fin de 2002, 16 200 postes de volontaires, ceux-ci représentant un renforcement réel des moyens disponibles puisqu'ils remplaceront 12 000 appelés.

Comme l'a recommandé M. Vauchez, il importe que l'intégration de ces volontaires au sein de la gendarmerie soit la meilleure possible. Des mesures en ce sens ont été prises, notamment l'accroissement de la durée de formation.

Cet effort en matière d'effectifs et d'organisation sera accompagné d'un élargissement de certaines mesures indemnitaires destinées aux officiers et sous-officiers de gendarmerie, à hauteur de 4,6 millions d'euros. Par ailleurs, comme je m'y étais engagé, les moyens de fonctionnement de la gendarmerie ont crû de 53 millions d'euros. Ces moyens seront à nouveau fortement augmentés en 2001, puisque les crédits nouveaux qui lui seront attribués représentent un montant de près de 68 millions d'euros, hors rémunérations.

Enfin, la hausse des crédits d'équipement concerne, pour 12,3 millions d'euros, les matériels nécessaires au service quotidien de la gendarmerie. Cela permettra d'améliorer de manière significative les conditions de logement, conformément à l'attente légitime des personnels. Dans ce domaine d'ailleurs, je souligne que nous devons engager une action ambitieuse à long terme. Les


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crédits destinés à favoriser l'engagement de nouveaux programmes d'infrastructures ont fait l'objet d'un abondement en gestion 2000 de 15,2 millions d'euros. Les crédits 2001 permettront la poursuite de cette action par la construction de 680 unités de logement au titre des collectivités locales. S'y ajoutent 787 unités de logement mises en chantier par l'Etat. On compte donc, au total, près de 1 500 unités de logement supplémentaires.

S'agissant des délais de paiement des loyers pouvant léser certaines collectivités, des faits m'ayant été signalés dans quelques départements, j'ai engagé une évaluation précise de la situation, de manière à donner aux problèmes qui seraient constatés une solution, au plus tard dans le collectif de fin d'année, comme l'a recommandé

M. Lemoine.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis.

Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. le ministre de la défense.

Bien sûr, monsieur le député.

M. le président.

La parole est à M. René Galy-Dejean, avec l'autorisation de M. le ministre.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis.

Monsieur le ministre, à plusieurs reprises, vous avez indiqué - à juste titre - qu'un effort était accompli en faveur de la condition militaire, qu'il s'agisse des militaires proprement dits ou des gendarmes dont vous venez de parler. Il s'agit, notamment, du niveau des rémunérations, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.

Or, au sein du titre III, la part du fonctionnement par rapport aux ressources et charges sociales est passée, de 1990 à aujourd'hui, de 30 % à 20 %. Je voudrais donc savoir quelle proportion entre ces deux masses vous estimez bonne. En effet, si, parallèlement à la hausse des rémunérations des militaires, vous n'augmentez pas, à due concurrence, le montant du titre III, la proportion entre RCS et fonctionnement continuera de baisser.

Si cette dérive continuait, on pourrait s'interroger sur la possibilité d'assurer à nos militaires désormais professionnels un haut niveau d'entraînement et de qualités guerrières.

M. le ministre de la défense.

Monsieur Galy-Dejean, je reviendrai sur ce sujet à un autre moment de mon exposé, mais il me semble que vous confondez dérive et réforme. En effet, il ne vous a sans doute pas échappé que le système de défense de 2001-2002 n'aura rien de comparable avec celui de 2000. Par conséquent, il faut non pas tenir un raisonnement en pourcentages, mais établir les besoins en capacités de financement réel des différents éléments de fonctionnement des armées.

A cet égard, j'allais précisément indiquer que les crédits de fonctionnement que nous prévoyons pour 2001 permettront une remontée des activités d'entraînement. Souvenez-vous aussi que j'ai déjà souligné que les effectifs globaux baisseraient de 6 % alors que les crédits de fonctionnement resteraient fixes. Une simple règle de trois montrerait donc que les moyens de fonctionnement par homme sont en train d'augmenter substantiellement dans le budget de la défense.

M. Charles Cova.

Très bien, monsieur le ministre !

M. le ministre de la défense.

Le projet de budget pour 2001 prévoit un redressement de l'ensemble des crédits de fonctionnement qui répond à une exigence d'efficacité de l'outil militaire.

Nous avons en vue le défi, évoqué par plusieurs orateurs, que constitue, pour nos armées nouvellement professionnalisées, leur place dans des dispositifs interalliés.

Cet effort sur les moyens de fonctionnement est également nécessaire au succès de la professionnalisation, car ce sont seulement des armées entraînées, disposant de matériels de haut niveau, qui attireront et conserveront les hommes et les femmes de qualité qui leur sont indispensables.

Un crédit de 30,5 millions d'euros sera ainsi consacré en 2001 à l'accentuation de l'effort engagé en 2000 pour relever les taux d'activité des armées. Cela a été souligné par M. Voisin et M. Tessier. Ainsi, le taux d'activité de l'armée de terre, qui est passé en 2000 de soixante-dix à soixante-treize jours d'entraînement par an, sera porté à quatre-vingts jours en 2001. Il faudra poursuivre le mouvement. Quant au taux d'activité de la marine, il sera porté de quatre-vingt-neuf à quatre-vingt-quatorze jours à la mer en 2001. L'armée de l'air, dont les taux sont déjà aux normes de l'Alliance, monsieur Tessier, sera en mesure de développer les exercices interalliés afin d'accroître l'interopérabilité de ses unités.

Plusieurs orateurs, dont M. Galut, dans son rapport consacré à l'armée de l'air, ainsi que M. Fromion et M. Meylan, ont souhaité recevoir des assurances quant à l'effet sur l'activité des armées de la hausse du prix des carburants. Nous avons veillé à ce qu'elle ne pénalise pas cette activité. Le Gouvernement a pris la mesure du problème et trouvé des réponses : 53,3 millions d'euros ont déjà été inscrits en loi de finances rectificative de printemps. Des moyens supplémentaires, sans doute encore plus élevés, figureront dans le collectif qui vous sera présenté dans quelques semaines. Au titre de la loi de finances pour 2001, 106,7 millions d'euros supplémentaires ont été provisionnés, afin de nous mettre à l'abri de nouvelles surprises conjoncturelles.

Au-delà de ce problème, la disponibilité des hommes et des matériels est une préoccupation essentielle des armées et du Gouvernement. Les chefs d'état-major l'ont évoqué, ainsi que le délégué général pour l'armement, devant la commission de la défense, à très juste titre. MM. Boucheron, Sandrier, Le Drian, Galut et Michel s'en sont préoccupés, ainsi que M. Voisin.

J'ai déjà engagé des réformes d'organisation car, dans ce domaine, il s'agit non seulement de moyens, mais surtout d'efficience. Deux structures ont été créées, regroupant, à chaque fois sous une autorité unique, des compétences jusqu'ici dispersées : le service de soutien de la flotte et la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense.

En ce qui concerne les matériels terrestres, une structure analogue sera créée dans les prochains mois.

Je veillerai particulièrement aux améliorations nécessaires dans ce chapitre, et je serai à la disposition de la commission de la défense au cours des prochains mois pour lui présenter, dans le détail, les actions entreprises dans le domaine décisif de la maintenance des matériels.

En ce qui concerne les équipements, les dotations des deux dernières années et celles que je vous présente pour 2001 ont permis et permettront, tant en autorisations de programme qu'en crédits de paiement, d'exécuter la loi de programmation.

Ainsi que les parlementaires familiers des questions financières s'en sont rendu compte, la manière dont nous procédons anticipe sur les projets de réformes des procédures budgétaires examinés dans le cadre de la révision de l'ordonnance de 1959 : le but est non pas de dépenser le maximum de crédits, mais d'atteindre, pour chaque programme ou ensemble de programmes, notion déjà familière au ministère de la défense, les objectifs fixés au meil-


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leur coût. C'est exactement ce que nous faisons, et ceux qui mettent au-dessus de tout autre projet, dans leurs analyses politiques, la baisse des dépenses publiques devraient soutenir la démarche de bonne gestion des crédits que je poursuis. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jacques Myard.

Facile !

M. le ministre de la défense.

C'est au regard de cette préoccupation d'efficacité qu'il convient d'examiner le montant des crédits proposés pour les titres V et VI, qui s'élèvent à 12,9 milliards d'euros en autorisations de programme et à 12,7 milliards d'euros en crédits de paiement. Bien que restant légèrement en deçà de ceux qui figurent dans la loi de programmation militaire, ces montants sont en progression au regard des crédits correspondants de 2000.

Par rapport à ces derniers, je veux souligner deux éléments significatifs. D'abord, l'impact de la baisse de la TVA sur le titre V représente environ 60 millions d'euros. Monsieur Fromion, il s'agit donc d'une véritable diminution de charges. Ensuite, on enregistre une réduction de 38,1 millions d'euros du crédit devant être transféré au titre du BCRD. Ce montant figurera dorénavant - cela me paraît logique - au budget du ministère de la recherche.

Si nous parvenons à réaliser les objectifs physiques de la loi de programmation militaire avec des moyens moins importants que ceux qui avaient été envisagés, c'est que nous avons engagé une modernisation de la gestion des crédits.

Les engagements d'autorisations de programme avaient connu, je le rappelle, un niveau très bas en 1995, 1 1 950 millions d'euros, et 1996, avec seulement 9 310 millions d'euros. Ils sont passés à 12 200 millions d'euros en 1997 et 1998, puis à 13 110 millions d'euros en 1999, quand, pour la première fois dans l'exécution de cette loi de programmation, les engagements ont enfin correspondu au montant des autorisations de programme inscrites dans la loi de finances initiale. Il en sera de même en 2000. Ainsi, les autorisations de programme restées disponibles depuis la précédente législature au cours de laquelle le retard avait été pris sont aujourd'hui mieux consommées.

M. Guy-Michel Chauveau.

Eh oui !

M. le ministre de la défense.

Cette masse disponible d'autorisations de programme a été largement mobilisée pour le financement des vingt commandes globales qui ont été passées, là aussi pour la première fois depuis 1997, pour un montant total de 9,1 milliards d'euros. Je souligne d'ailleurs que la réduction du coût des programmes d'armement, contrepartie de ces commandes pluriannuelles, a fait l'objet d'une appréciation positive de la part de la Cour des comptes.

Cela justifie pleinement que, pour la deuxième année consécutive, l'enveloppe des autorisations de programme soit supérieure à celle des crédits de paiement. Si l'écart proposé pour 2001 est moins grand qu'il ne l'était dans le budget 2000, c'est que l'on s'oriente vers une période de fabrication des armements, qui succède à celle de la conception et du développement des programmes. Par conséquent, le besoin d'anticiper par les autorisations de programme s'estompe.

Aux orateurs qui ont critiqué la politique du Gouvernement, je fais observer que nous inscrirons dans la prochaine loi de finances rectificative les quelque 3 milliards d'euros nécessaires au lancement de l'A 400 M, pour lequel aucune dotation ne figurait dans la loi de programmation. Nous dégageons donc, et quand il le faut, les moyens nécessaires, dès lors que ceux-ci trouvent effectivement un emploi concret. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Cette démarche se situe à l'opposé de celle suivie par les gouvernements précédents avec la brusque réduction d'engagements décidée en 1995 et 1996, laquelle a créé, sur les paiements, des effets négatifs que nous supportons encore. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial.

Hélas !

M. Guy-Michel Chauveau.

Les actes valent mieux que les paroles !

M. le ministre de la défense.

Cet effort de rattrapage va favoriser, dans les années qui viennent, une remontée des crédits de paiement.

Il n'aurait pas été de bonne gestion financière d'inscrire en loi de finances pour 2000 un montant supérieur à ce que nous savions pouvoir consommer. En 2001, en revanche, la remontée des crédits de paiement qui résultera de ces meilleurs niveaux d'engagement est en vue puisque, comme l'a relevé M. Jean Michel, l'enveloppe utile du budget pour 2001 est en augmentation de 1,3 %, ce qui permettra de faire face aux engagements grâce aux progrès réalisés dans la gestion.

J'ajoute, monsieur Boucheron, que les progrès accomplis dans la nomenclature budgétaire, auxquels vous avez largement contribué par vos propositions, facilitent la mise sous contrôle de gestion de ces programmes. Ces réductions de coût, déjà exploitées lors de la revue des programmes de 1998, facilitent le financement des programmes.

L'accent a également été mis sur l'obtention de gains de productivité au sein de la DGA, qui conduit l'essentiel des opérations d'acquisition du ministère. En 2000, le coût d'intervention de la DGA, dans son ensemble, est estimé à 980 millions d'euros, ce qui représente une baisse de 23 % en francs constants sur la durée écoulée de la loi de programmation militaire, c'est-à-dire sur quatre ans. L'objectif d'une réduction du coût d'intervention de la DGA de 30 % sur six ans paraît donc à notre portée, ce qui répond à l'interrogation formulée par

M. Meylan.

M. Charasse a appelé notre attention sur la situation des entreprises françaises, notamment les PME-PMI, qui sont des fournisseurs fidèles de la défense. Le Gouvernement travaille actuellement à la transposition, dans le droit français, des directives communautaires, et nous nous attacherons, dans ce cadre, à éviter toute distorsion de concurrence qui leur serait préjudiciable.

Puisque nous en sommes aux cinq sixièmes de l'exécution de la loi de programmation si nous tenons compte des crédits inscrits pour 2001, nous pouvons commencer à présenter quelques observations sur son déroulement.

Pour ce qui est des moyens aériens, quarante-huit Rafale auront été commandés pour l'armée de l'air et la marine, et onze livrés ; quarante et un Mirage 2000 D ont été livrés ; trente-sept Mirage 2000 de défense aérienne ont été transformés en Mirage 2000-5 pour l'armée de l'air ; les Super Etendard de la marine ont reçu des capacités complémentaires, qui ont été livrées pour trente-six d'entre eux et qui sont en commande pour vingt et un avions supplémentaires.

Par ailleurs, trois avions de surveillance maritime ont été commandés et livrés ; deux avions de guet embarqués sur porte-avions ont été livrés et un troisième est


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commandé ; un avion d'écoute Sarigue NG - sujet évoqué par un orateur - a été livré ; vingt-sept hélicoptères NH 90 et quatre-vingts hélicoptères Tigre sont commandés et en cours de fabrication ; deux systèmes d'hélicoptère de surveillance Horizon ont été livrés.

A M. Voisin, qui s'est interrogé sur le montant des commandes pour la marine, j'indique que trois frégates Lafayette auront été livrées depuis le début de la programmation ; le porte-avions Charles-de-Gaulle est prêt pour son admission définitive au service actif le mois prochain ; deux frégates Horizon et la modernisation de treize chasseurs de mines sont commandées. Par ailleurs, 300 torpilles MU 90 sont commandées, et cinquante auront été livrées.

S'agissant des moyens terrestres, la rénovation de soixante AMX 10 RC a été commandée : elle sera effective pour vingt d'entre eux en 2001. Par ailleurs, dix radars de contrebatterie ont été commandés : un sera livré en 2001 et quatre en 2002.

De 1998 à 2001, 135 chars Leclerc ont été ou seront livrés. Les 96 derniers chars seront commandés d'ici à la fin de 2001, les crédits nécessaires étant inscrits dans le projet de budget. En fin de période de programmation l'armée de terre en possédera donc 2000. Douze dépanneurs Leclerc seront livrés d'ici à 2002, la première livraison étant intervenue en 1999.

Il en va de même des missiles, puisque 145 missiles air-air MICA seront livrés d'ici à la fin de 2001 à l'armée de l'air et la marine, et que 500 commandes de missiles d'emploi général SCALP-EG ont été notifiées en 1997 et seront livrées - puisqu'il s'agit d'un programme entièrement nouveau - à partir de 2003. Sur les 100 missiles Apache commandés en 1997, vingt-neuf seront livrés en 2001 et quarante-trois en 2002. Une commande globale de 500 munitions pour l'armée de l'air et de 250 munitions pour la marine AASM a été passée cette année.

Nous sommes donc très avancés dans la réalisation de la programmation. Chacun peut le vérifier.

Par ailleurs, le développement de la coopération avec d'autres Etats européens permet des progrès significatifs en matière de réduction des coûts des programmes, tout en contribuant à une plus grande homogénéité future des forces de l'Union. Le lancement de la fabrication du Tigre en 1999, puis de l'hélicoptère de transport NH 90, cette année, la commande, il y a quelques jours, du programme franco-italien de frégates Horizon et de leurs systèmes d'armes PAAMS, qui, lui, est aussi commun avec la Grande-Bretagne, enfin l'engagement récent des sept pays partenaires du projet A 400 M en faveur du programme d'avion de transport européen qui sera signé au cours des prochains mois représentent une avancée massive des capacités de commandes des Européens.

L'entente de cinq pays pour un missile air-air de nouvelle génération commun pour la première fois au Rafale et à l'Eurofighter constitue un autre projet majeur. De même, la combinaison du projet franco-italien de satellites d'observation et de la décision allemande de lancer un satellite d'observation radar compléteront les capacités européennes en matière de renseignement, domaine jugé prioritaire par les Etats européens lors du sommet d'Helsinki. Celles-ci progressent donc de façon déterminante.

M. Jacques Myard.

Il est temps !

M. le ministre de la défense.

Au-delà de ces différents programmes, la montée en puissance de l'OCCAR, désormais dotée de la personnalité juridique, doit permettre de nouveaux développements de cette coopération européenne qui est la voie de l'avenir. De nouveaux partenaires européens se sont d'ailleurs manifestés pour participer à cette convention, dont je confirme qu'elle est fondée sur un assouplissement des règles de retour. Ainsi, il ne sera pas impératif qu'il y ait équivalence entre la commande industrielle à un pays et sa commande militaire passée. Au contraire, il devra y avoir un véritable échange. C'est sur cette base que les candidatures de nouveaux pays adhérents sont examinés.

Nous souhaitons aussi jouer un rôle moteur dans la coordination de la recherche de défense au niveau européen, avec l'intention de réaliser au moins 25 % de notre effort de recherche dans le cadre de la coopération européenne à partir de 2002. C'est dans cette perspective que nous avons pris l'initiative, avec nos partenaires allemands, d'étudier la possibilité de confier à l'OCCAR la conduite de programmes de recherche.

Dans cette perspective de l'Europe de la défense et en tirant les enseignements des opérations récentes, comme nous l'avons fait, de manière totalement transparente par un document public, nous poursuivons la modernisation des équipements en suivant les priorités fixées à Helsinki.

En matière de communication et de renseignement, secteur communément appelé C3R, dont toute l'importance a été, à très juste titre, soulignée par votre rapporteur Bernard Grasset, la France dispose déjà de capacités uniques en Europe, tant dans le domaine de l'observation et des télécommunications satellitaires que dans celui des systèmes d'information et de communication.

La décision de doter Hélios II d'une capacité de très haute résolution a été prise. La notification, avant la fin de l'année, du contrat pour la réalisation d'un premier satellite de télécommunications dit successeur de Syracuse II viendra consolider cette position de leadership. Les moyens figurant dans le projet de budget pour 2001 permettront de poursuivre cet effort, dont il est prévu, à ce stade de sa préparation, de faire une vraie priorité à l'avenir.

Ses capacités en systèmes d'information et de communication permettent à la France de jouer un rôle central, notamment celui de nation-cadre pour certains moyens, dans le renforcement des capacités de l'Union européenne. Certaines d'entre elles, comme l'a rappelé GuyMichel Chauveau, ont été mises en oeuvre avec succès lors des opérations au Kosovo, par exemple la station de théâtre du système Hélios ou le système de conduite des opérations aériennes. Plusieurs exercices interalliés sont également venus confirmer l'importance croissante des communications dans les opérations militaires ou humanitaires et ont clairement mis en évidence la qualité des capacités que nous avons déjà acquises.

Parmi celles-ci, je souligne que les moyens de transmission de l'armée de terre ont été commandés pour quatrevingt-dix-neuf sites et livrés pour quarante-deux. Il en va de même des soixante-neuf groupes supplémentaires de la gendarmerie qui auront été équipés de Rubis dans la période de programmation. Par ailleurs, vingt-quatre systèmes de moyen de transmission des bases aériennes ont été commandés en 1997 et vingt auront été livrés d'ici à 2001.

En matière de mobilité stratégique et de protection, plusieurs commandes revêtent une importance particulière au niveau européen.

La commande de l'A 400 M permettra de préparer la relève progressive de nos avions Transall, ainsi que l'a souligné dans son rapport M. Michel, et de consolider les capacités européennes tant sur le plan industriel que sur


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le plan opérationnel comme l'a relevé le président Quilès.

Ce contrat pourra être officialisé, en conclusion des négociations avec l'industriel, dès le printemps 2001.

Le mouvement d'inscription des dotations dont je parlais tout à l'heure en matière d'autorisations de programme vous sera soumis dans la plus totale transparence, dans le cadre de la loi de finances rectificative, comme cela avait été le cas pour l'hélicoptère NH 90 lors du collectif de printemps.

S'agissant des moyens de projection, le contrat de commande du nouveau transport de chalands de débarquement sera signé dans les prochains jours. La maîtrise d'oeuvre en est confiée à la DCN, mais la charge globale sera répartie entre elle et les Chantiers de l'Atlantique selon un pourcentage voisin de 50 % pour chacun, ce qui est, à mes yeux, un gage de partenariat solide pour l'avenir. Ce navire aura, pour la première fois, la possibilité d'embarquer un poste de commandement de force interarmées multinationale.

A M. Sandrier, qui a mentionné les moyens de projection de l'armée de terre, je tiens à indiquer que la commande du véhicule de combat et d'infanterie vient d'être notifiée à GIAT Industries et à RVI. Cette commande porte sur le développement, l'industrialisation et la production de soixante-cinq véhicules sur une cible de sept cents véhicules, devant équiper l'armée de terre à partir de 2005. Cette commande porte sur 358,2 millions d'euros, dont 25,3 millions sont déjà inscrits au budget pour 2001, monsieur Meylan.

J'ajoute qu'une nouvelle commande de chars Leclerc sera passée dans les tout prochains jours, ce qui facilitera l'accélération de la cadence de livraison pour la porter à quatre-vingt-seize chars sur la période 2000-2001, venant ainsi renforcer le plan de charge de GIAT Industries sur les années 2001 à 2004.

M. François Rochebloine.

C'est indispensable !

M. le ministre de la défense.

J'ajoute, monsieur Sandrier, qu'après le retrait de plusieurs de nos partenaires, le p rogramme TRIGAT est arrêté. En revanche, j'ai demandé au chef d'état-major de l'armée de terre et au délégué général pour l'armement de réfléchir aux suite s à donner à cet échec et à faire des propositions. EADS nous a proposé de développer le TRIGAN en partant du poste de tir du MILAN 3 et des munitions du TRIGAT.

Cette solution est en cours d'examen car le besoin opérationnel est confirmé. Le maintien d'une capacité industrielle française et européenne dans ce secteur est l'une des préoccupations prioritaires du Gouvernement.

Je souhaite aussi mentionner, bien sûr, la dissuasion, pour laquelle la continuité des deux fonctions continue de prévaloir. Alors que les deux premiers SNLE ont été livrés dans la période de programmation, la commande du SNLE-NG no 4 a été passée en juillet, cependant que la construction du troisième SNLE se poursuit normalement. De même, les travaux concernant l'ASMP amélioré se poursuivent selon le calendrier fixé. Quant au missile M51, dont le premier contrat de développement vient de s'achever ainsi que l'indiquait M. Galy-Dejean, je confirme que la négociation est en cours pour lancer le second contrat et qu'elle progresse de façon satisfaisante.

M. Didier Boulaud.

Eh bien voilà !

M. le ministre de la défense.

Voilà qui ramène les déclarations alarmistes de cet été à leur rôle de test tactique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Didier Boulaud.

Ils voulaient affoler les populations !

M. le ministre de la défense.

Je veux dire à la représentation nationale, répondant ainsi aux questions posées de bonne foi par M. Voisin, que ce contrat sera conclu comme prévu avant la fin de l'année 2000, et cela sans avoir à changer le cadrage budgétaire arrêté de longue date par mon ministère. Et je souhaite que M. Myard trouve autant de force vocale pour se réjouir de la conclusion de ce contrat lorsque ce sera fait...

M. Jacques Myard.

On le fera !

M. le ministre de la défense.

... qu'il vient d'en manifester, en adoptant, à l'ébahissement de ses amis, un langage extrêmement voisin de celui de l'extrême droite.

(M. Myard proteste.)

Vous êtes le seul à vous être exprimé sur ce ton, monsieur Myard !

M. Jacques Myard.

Monsieur le ministre, c'est indigne !

M. le ministre de la défense.

Essayez de vous contrôler, monsieur Myard !

M. Jacques Myard.

C'est vous qui ne vous contrôlez pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre de la défense.

Dans la discussion politique, on s'écoute réciproquement si on est maître de ses nerfs.

Isolé du reste de l'opposition, vous avez, je le répète, employé un langage fort inspiré de celui de l'extrême droite. J'espère que lorsque ce contrat sera conclu,...

M. Jacques Myard.

Mais cela fait six mois qu'on l'attend !

M. le ministre de la défense.

... vous le saluerez avec autant de voix que vous en avez eu aujourd'hui pour contester, de manière je crois irréfléchie, certains aspects de la politique de défense de votre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jacques Myard.

Seulement 1,75 % du PIB !

M. le ministre de la défense.

Pour répondre à M. GalyDejean, qui s'est inquiété de l'évolution des crédits consacrés à la dissuasion, j'observerai qu'il admet lui-même dans son rapport que les budgets suivent de façon stricte les objectifs retenus par les autorités nationales. On peut ajouter tel ou tel commentaire - et c'est même bienvenu, dans le débat -, mais la réalité politique est dans cette fidélité aux engagements nationaux et elle fonde la crédibilité de notre dissuasion vis-à-vis de l'extérieur.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis.

Sauf pour les études amont !

M. le ministre de la défense.

Le ministère de la défense est soucieux de la bonne information des citoyens français, dans le domaine du nucléaire comme dans tout autre. Un décret, en cours de préparation, reprendra les recommandations formulées en conclusion de sa mission par Jean-Yves Le Déaut en matière de transparence.

Ainsi, à l'exception des informations qui doivent rester confidentielles pour éviter les risques de prolifération ou pour préserver les personnes, nous nous engagerons à donner toute information utile en matière de santé publique et d'environnement.

Ainsi, cet été, l'ancien centre d'expérimentation du Pacifique a été largement ouvert, notamment à l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et tech-


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nologiques, et à des journalistes nationaux et internationaux. Tous ont pu constater la réalité des mesures de surveillance prises par la défense.

Je termine avec l'industrie européenne de défense.

Au-delà des programmes en cours ou prévus, le Gouvernement continue d'oeuvrer avec détermination pour la construction d'une industrie européenne de défense, forte et compétitive, et il est encouragé en cela par les résultats marquants déjà obtenus ces dernières années.

Les restructurations intervenues depuis trois ans dans l'industrie aéronautique et spatiale donnent en effet à ce secteur les moyens de son développement, conformément au principe d'équilibre énoncé par le président Quilès dans son intervention. Le groupe EADS est constitué. Il a renforcé ses partenariats avec les industries britannique et italienne. Thomson-CSF a renforcé son positionnement européen par son rapprochement avec le groupe britannique RACAL.

La France, avec ses principaux partenaires, a joué son rôle dans la constitution de grands groupes européens capables d'affronter la concurrence mondiale. Nous avons franchi une nouvelle étape dans ce processus avec la signature par six pays européens de l'accord-cadre pour l'harmonisation des règles applicables aux industries de défense, aboutissement de la démarche initiée en 1998.

Il convient également d'être attentif aux restructurations qui s'amorcent dans les autres secteurs de l'industrie de défense. Dans le domaine de l'armement terrestre, l'annonce par GIAT Industries et Renault véhicules industriels de leur souhait de créer une société commune pour les véhicules blindés à roues constitue une étape de la consolidation de l'industrie française. Je souhaite que GIAT Industries et d'autres industriels de ce secteur puissent nouer des partenariats.

Dans le domaine de l'industrie navale de défense, les acteurs français ont aussi les moyens de jouer un rôle de premier plan. C'est l'objectif de la modernisation de la DCN que j'ai engagée il y a trois ans et que M. Le Drian a fort bien analysée dans son rapport.

Des progrès importants ont déjà été acquis. Les relations de la DCN avec la Délégation générale pour l'armement sont désormais identiques à celles des autres industriels. Un avis du Conseil d'Etat sur le projet de décret relatif aux règles de passation des marchés de la DCN est attendu d'ici à la fin de ce mois.

Le plan d'entreprise destiné à restaurer la compétitivité de la DCN est en cours. Il prévoit un ambitieux programme de réduction des coûts, notamment dans le domaine des achats, et un plan de réaménagement des sites de la DCN, incluant plus de 91 millions d'euros d'investissements.

J'attache, monsieur Le Drian, monsieur Cazeneuve, une importance particulière à ce que les salariés de la DCN et leurs représentants soient pleinement associés à ces évolutions. Cette qualité de la concertation s'est traduite par un accord, accepté par la plupart des organisations représentatives, sur la réduction du temps de travail, adapté aux missions industrielles de l'établissement.

Je suis confiant dans l'avenir de cette entreprise et dans sa capacité à atteindre le niveau de compétitivité de ses concurrents dans les deux ou trois ans. Les succès récents à l'exportation, notamment la vente de corvettes à Singapour, sont à cet égard des signes encourageants.

La DCN sera en mesure, avec son partenaire Thomson-CSF, d'être un acteur majeur du paysage européen de la construction navale militaire. C'est le sens de la création de leur filiale commune.

Le schéma directeur des ports de la marine, défini en 1999, se poursuit. C'est dans ce cadre que la commande de deux nouveaux remorqueurs pour le port de Toulon vient d'être passée. D'ici à 2002, ce sont en moyenne 15 millions d'euros par an qui auront été investis pour assurer la modernisation de ces moyens.

L'accompagnement économique des restructurations de défense a été pris en compte dans les contrats de plan

Etat-région. C'est ainsi que près de 74 millions d'euros ont été contractualisés au profit des douze régions touchées par les restructurations de défense. Les crédits du FRED sont maintenus à 30,5 millions d'euros dans le projet de budget pour 2001. Les fonds structurels européens sont eux aussi engagés. La SODIE et la SOFRED, sociétés de conversion mandatées pour revitaliser les bassins d'emploi touchés par les restructurations, poursuivent leur action.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le Premier ministre a assigné au Gouvernement, vous le savez, la mission de préparer, sur la base des travaux en cours de réalisation par les états-majors, un nouveau projet de loi de programmation militaire portant sur la période 2003-2008. Celle-ci doit, dans la continuité, prendre le relais de l'actuelle loi en respectant la cohérence du modèle d'armée 2015. Lorsque ces travaux seront mûrs, je présenterai ce projet au Gouvernement et au Président de la République.

Cette loi doit viser à consolider la professionnalisation, à dégager les moyens de développer l'entraînement des forces et à accroître la disponibilité des matériels. Elle doit comporter une programmation physique et financière de chacun des systèmes de force composant notre outil de défense. Elle doit, et dans sa procédure et dans son fond, se situer en cohérence avec l'Europe de la défense qui monte en puissance, comme l'a rappelé justement le président Quilès tout à l'heure.

Le Parlement, selon moi, doit être invité à contribuer à la réflexion commune sur cette loi. Vous êtes nombreux à vous être exprimés en ce sens. Le Gouvernement y attache également la plus grande importance, conscient qu'il est de l'ampleur de l'effort consenti par nos concitoyens et de l'enjeu pour notre démocratie d'associer la nation tout entière à la détermination des objectifs de sa défense.

C'est pourquoi j'adresserai, d'ici à la fin du mois, à votre commission de la défense un document introductif aux choix de la programmation future, dont la commission pourra se saisir selon sa convenance, document retraçant à la fois les éléments actualisés d'analyse de la situa t ion stratégique, la cohérence des programmes d'équipement, de maintenance, d'infrastructure et d'études déjà engagés, les données liées à l'Europe de la défense et les besoins suggérés par l'évolution technologique et l'expérience opérationnelle.

Mes collaborateurs et moi-même serons à la disposition de la commission pour faciliter ses travaux prospectifs, qui seront précieux, par la diversité des idées proposées, avant toute décision de l'exécutif, et qui contribueront à élargir la réflexion à notre opinion publique tout entière, ce qui est le fondement même de la démocratie.

La qualité et la clairvoyance collective dont témoigne le débat d'aujourd'hui, et dont je remercie tous les participants, anticipe la richesse et la tonicité de cette réflexion orientée vers l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)


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Rappel au règlement

M. Jacques Myard.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Myard, pour un rappel au règlement.

M. Jacques Myard.

Il est facile d'accuser ses adversaires politiques d'extrémisme.

M. Guy-Michel Chauveau.

Sur quel article se fonde votre rappel au règlement ?

M. Jacques Myard.

J'explique cela par une perte des ang-froid, car vous avez, monsieur le ministre, à défendre un très mauvais budget, davantage que par une analyse objective de ce que j'ai dit.

Et je répète que votre budget représente aujourd'hui 1,75 % du PIB en effort de dépenses. (« Quel article ? » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Monsieur Myard...

M. le président.

En ce qui concerne le M 51, vous nous avez annoncé qu'un contrat serait conclu avant la fin de l'année. Fort bien ! Mais cela fait six mois que l'industriel va au contact de votre administration en vain ! Voilà la réalité. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Monsieur Myard, il ne s'agissait pas là d'un rappel au règlement ! Reprise de la discussion

M. le président.

Nous en arrivons aux questions.

Nous commençons par le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine.

Monsieur le ministre, au moment où nous examinons les crédits du ministère de la défense pour 2001, il me semble indispensable d'évoquer la situation délicate dans laquelle se trouve le groupe GIAT Industries. Ce n'est pas la première fois que je vous interroge, sur ce point depuis votre arrivée au ministère de le défense, mais je constate que les années passent, que les interrogations fondamentales demeurent et que des inquiétudes se précisent.

Le contexte général dans lequel est plongée l'industrie d'armement reste difficile. Malgré des restructurations importantes et de gros efforts consentis par le groupe et ses salariés, je crois pouvoir dire que le sentiment d'inquiétude se renforce.

Sur le plan social, ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, j'observe un climat très dégradé et une réelle démobilisation des personnels, qui ne sont plus en mesure d'apprécier le bien-fondé des choix stratégiques qui ont été arrêtés. Il est vrai que l'enchaînement des plans sociaux, dont l'échec a été admis avant même leur réalisation complète, de manière à justifier d'autres mesures de réduction d'effectifs, n'a certainement pas favorisé l'instauration d'un climat de confiance.

A cela s'ajoutent des éléments objectifs découlant du reformatage de l'entreprise et de ses capacités de production : pyramide des âges vieillissante, baisse du budget de la recherche et du développement, etc.

Tout semblerait indiquer que la baisse du plan de charge, résultant pour une grande part de la réduction des débouchés à l'exportation, serait inéluctable au point de remettre en cause le plan stratégique, économique et social, le PSES.

La position de l'Etat à l'égard de GIAT Industries étant ce qu'elle est - l'Etat est tout à la fois dispensateur de crédits, actionnaire majoritaire, donneur d'ordres, régulateur et client - il a donc le devoir d'accompagner les mutations par des mesures sociales et industrielles qui permettent d'amortir les chocs et les difficultés conjoncturelles.

J'ai rencontré, ces derniers mois, des organisations syndicales conscientes de la gravité des enjeux et qui n'ont d'ailleurs pas manqué de formuler des propositions constructives, que vous connaissez.

Je crois utile de rappeler que les organisations syndicales fondent de gros espoirs sur le programme VCI, sur la reconstruction et la rénovation des matériels et sur une anticipation des commandes de chars Leclerc, de manière à passer le creux de charge 2000-2002.

N'ignorant pas les efforts déployés par l'Etat, je ne peux donc que vous inciter, monsieur le ministre, à exercer votre vigilance, car il en va de l'avenir du groupe. Il n e faudrait pas que les restructurations engagées conduisent non pas à un repli, mais à un déclin inexorable.

Or, derrière tout cela, il y a une réalité sociale, il y a des salariés et des bassins d'emplois fragilisés. Aussi, considérant tous ces enjeux et connaissant l'objectif du PSES de ramener l'effectif à 5 000 salariés, je voudrais savoir quelles perspectives sont aujourd'hui offertes aux établissements de la Loire ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la défense.

En effet, monsieur Rochebloine, le dialogue se poursuit depuis plusieurs années, dans l'écoute réciproque. Vous avez noté que ce sont, au total, 17 milliards de francs, soit 2,6 milliards d'euros, qui ont été consacrés, par l'Etat actionnaire cette fois-ci, à des recapitalisations destinées à permettre à l'entreprise de retrouver sa stabilité financière.

Les commandes de l'Etat à GIAT Industries, au titre de 2000, ont dépassé 600 millions d'euros. Elles ont donc été nettement supérieures à ce qui était inscrit au plan stratégique. Elles seront, selon nos prévisions, de l'ordre de 530 millions d'euros - 3,5 milliards de francs pour les mêmes programmes, Leclerc, AMX, AMX 10 P et Canon AUF 1, au titre de 2001.

GIAT associé à RVI, je viens de le dire, a remporté l'appel d'offres VCI et le contrat lui a été notifié. Le contrat portant sur 96 chars Leclerc va également lui être notifié, cette semaine. Il faut - selon moi - respecter les principes du PSES. Il n'y a pas de motifs de changer d'orientation. Les réductions d'effectifs se font de manière négociée et elles sont équilibrées socialement. Quant aux perspectives à l'exportation, elles subsistent.

Je crois donc que l'Etat actionnaire fait son travail, l'Etat client également. Les salariés et l'encadrement de GIAT Industries réalisent un effort, qu'il faut souligner, en matière de réorganisation et de redynamisation industrielle. C'est, bien sûr, une transition difficile et douloureuse, mais il me semble que nous avons pris, les uns et les autres, nos responsabilités.

M. le président.

Nous passons au groupe du Rassemblement pour la République.

La parole est à M. Jacques Masdeu-Arus.

M. Jacques Masdeu-Arus.

Monsieur le ministre, je sais que la question a déjà été abordée il y a quelques instants, mais je voudrais à nouveau appeler votre attention


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 NOVEMBRE 2000

sur les graves difficultés générées par le non-aboutissement des discussions sur le contrat de développement du M51.

Comme vous le savez, ce programme fait partie d'une nouvelle statégie destinée à moderniser les forces françaises, tout en réduisant les coûts des programmes d'armement grâce à un partenariat avec de grands groupes industriels français.

La société EADS s'est ainsi fortement impliquée dans le projet de production des missiles balistiques M51 destinés à remplacer les missiles M45, à l'horizon 2008, dans les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle génération. Cette société s'est engagée, en juillet 1998, à industrialiser le M51 sur la base d'un marché pluriannuel dans des conditions définies par l'opération MINOS, regroupant les programmes liés à la modernisation de la Force océanique stratégique.

Or depuis le 1er septembre - et même selon les responsables avec lesquels je me suis entretenu, il y a encore quelques jours -, les discussions sur le renouvellement du contrat de développement du M51 sont nourries, mais sans résultats positifs. La société ELV se retrouve ainsi en situation de rupture de couverture contractuelle et financière et ne dispose plus de visibilité sur la poursuite de ce programme.

Ce blocage vient du fait que l'offre forfaitaire de la société ELV, 22 milliards de francs, remise en mars 2000 et couvrant la période du 1er septembre 2000 au 31 août 2008 a été rejetée malgré le fait qu'elle repose strictement sur l'engagement de 1998 issu de MINOS, opération regroupant les programmes liés à la modernisation de la Force océanique stratégique, et fait suite au contrat en cours 1998-2000 couvrant le démarrage du développement.

Face à cette situation de blocage, la direction des deux établissements concernés, des Mureaux dans les Yvelines et d'Issac en Aquitaine, a été contrainte d'imposer plusieurs jours de chômage technique. Les conséquences sont graves : ces entreprises et leur personnel sont en péril et la poursuite d'un programme militaire indispensable à la modernisation de la force de dissuasion française se trouve remise en cause.

Si les responsables de ELV ont été récemment informés d'une éventuelle résolution de ce problème à la fin de l'année, aucun terrain d'entente ne semble pourtant se dessiner à court terme. Il n'y en avait pas voici quarantehuit heures en tout cas, mais j'attends des précisions de votre part, monsieur le ministre.

Et je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir me faire part de votre analyse précise et concrète de la situation et des solutions que vous envisagez afin de mettre fin à ce blocage, compte tenu des considérables enjeux humains et financiers en présence.

De votre engagement de ce soir dépendra l'avenir et la crédibilité de notre force de dissuasion et surtout de notre avance technologique - qui est très forte - en ce domaine.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la défense.

Monsieur Masdeu-Arus, EADS à travers Aérospatiale, puis Aérospatiale-Matra, est le fournisseur de ce type de moyens de propulsion pour la force de dissuasion depuis de très nombreuses années.

Par conséquent, il y a une assez grande connaissance mutuelle entre le ministère de la défense et la délégation générale de l'armement, d'une part, et l'entreprise, d'autre part.

N ous savions qu'au moment où cette entreprise acquerrait les réflexes, notamment l'ambition d'être rentable, d'une entreprise privée et où elle resterait en réalité en situation de monopole technique, comme le sont d'autres entreprises privées vis-à-vis d'autres types d'armement, ses souhaits financiers allaient changer d'ampleur.

Nous n'avons pas été déçus de ce point de vue ! (Sourires.) Cela a peut-être été moins souligné, mais les premières demandes d'EADS pour la suite de la phase de développement étaient un allongement de 30 % pour un programme n'ayant pas fait l'objet de changements substantiels.

Ensuite, tactiquement, dans une discussion, il y a évidemment quelques événements publics que l'on s'efforce de valoriser ça et là. Par exemple, des discussions à l'intérieur des instances de représentation sociale dans l'entreprise, ou l'annonce de tel ou tel déficit d'activités.

Je vous rassure ! En réalité, compte tenu d'un retard, d'ailleurs modeste, constitué dans les périodes antérieures de réalisation du développement, il n'y a pas aujourd'hui de déficit de charge pour ce programme.

Nous allons donc trouver un accord car, si EADS a certes des ambitions de rentabilité, il a aussi une image de crédibilité à acquérir vis-à-vis de tous les gouvernements du monde qui peuvent être ses clients, et ne pourra pas se soustraire à sa responsabilité de participer à la réalisation de la phase suivante de la force de dissuasion française.

Les discussions, comme vous le laissiez entendre, ont très nettement progressé. Les réclamations financières de l'industriel sont déjà devenues beaucoup plus soutenables, c'est-à-dire beaucoup moins importantes. Son intérêt, comme le nôtre, est que nous concluions un accord sur la base de chiffres en cohérence avec les prévisions justifiées du ministère de la défense. C'est donc cela que j'aurai sans doute l'agrément de vous annoncer dans peu de semaines.

M. Jean Michel, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les crédits d'équipement.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Monsieur le ministre, mon département, par sa situation géographique centrale, est t raditionnellement très marqué par les activités de défense, comme vous le savez probablement. Permettezmoi donc de faire le point sur la situation des établissements de défense dans le sud du Loir-et-Cher.

D'abord, l'ETAMAT de Salbris. Comment avance le projet de construction des 140 igloos de stockage de munitions ? Quand seront inscrits au budget de l'Etat les crédits nécessaires à cette construction, recrutés la trentaine d'ouvriers liés à cette activité ? Comment d'ici là vont évoluer les effectifs de l'ETAMAT durant les années 2001, 2002 et 2003 ? Peut-on examiner en urgence les synergies possibles entre cet établissement et ceux de Matra BAe Dynamics Salbris et Selles-SaintDenis, sur lesquels je poserai une autre question tout à l'heure, afin de renforcer les atouts de ces derniers face aux risques de restructuration ? GIAT Industrie Salbris est fermé malheureusement depuis juillet dernier. Comme je vous l'ai déjà souligné à plusieurs reprises, il est urgent et vital pour le bassin d'emplois de Salbris, touché par la disparition de 800 emplois, de réutiliser rapidement le site de GIAT pour créer des activités et des emplois.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 NOVEMBRE 2000

Je regrette que l'Etat n'ait toujours pas, à ma connaissance, pris de décision sur le point de savoir qui doit assumer la maîtrise d'ouvrage et donc le financement de l'étude de dépollution suite à des des faits de guerre, sur le site de Salbris et notamment sur le groupe A.

Selon quel calendrier et dans quelles conditions une telle étude de dépollution pourra être mise en oeuvre, et, les résultats connus, pour débloquer l'utilisation du site, qui est primordiale pour le développement économique de ce bassin d'emploi ? Autre question, la base aérienne et l'entrepôt de Gièvres et de Pruniers.

La tranformation de la base aérienne en détachement Air aura-t-elle des effets sur les effectifs ? L'externalisation éventuelle du soutien aura-t-elle lieu dans une période prochaine ? Si oui, à quelle date ? Cela concernera combien de personnes ? Et avec quelles garanties de maintien du statut et de l'activité sur place, notamment pour les civils concernés ? L'entrepôt devrait voir croître ses effectifs. Peut-on connaître le volume et le calendrier ? Enfin, le CS 10, à Blois, va fermer au cours de l'été 2001. Quelle aide l'Etat compte-t-il apporter pour assurer une réutilisation du site, créatrice d'activité et d'emplois au bénéfice de l'ensemble de l'agglomération blésoise ? Merci de votre écoute et de vos réponses, monsieur le ministre.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la défense.

Ces questions sont précises, et elles viennent, je crois, à point par rapport à des évolutions que M. Martin-Lalande connaît bien.

S'agissant de l'ETAMAT, je confirme que la construction d'abris de stockage de munitions est bien prévue par le schéma directeur des munitions, et son financement a été initialement programmé entre 2002 et 2006. Il est possible que nous fassions une actualisation, probablement avec une réduction de la cible en nombre d'abris, mais avec un rapprochement de cette cible, ce qui fait que la montée en puissance des effectifs s'effectuera progressivement. Les effectifs de personnels civils, qui se monteront à 105 en 2001, devraient passer à 113 en 2003.

S'agissant du site de GIAT Industries, le cofinancement de la réhabilitation des sites pollués est bien pris en compte dans le document unique de programmation de la région Centre, ce dont nous nous satisfaisons. Pour l'Etat, le FRED abondera pour la somme nécessaire le financement de cette dépollution, ainsi que l'acquisition de l'emprise en vue de sa réindustrialisation, car c'est à mon point de vue une dette que le ministère de la défense a vis-à-vis des collectivités locales.

M. Patrice Martin-Lalande.

Très bien !

M. le ministre de la défense.

Quant au calendrier, les services du ministère travaillent à la mise en oeuvre dans les deux mois qui viennent de la procédure la plus adaptée au cas très particulier de ce site, puisqu'il s'agit d'une pollution pyrotechnique datant de la Seconde Guerre mondiale.

La base aérienne de Romorantin-Lanthenay adoptera, comme je l'ai annoncé dans les restructurations de 1998, une structure de détachement Air à l'été 2002, dont le chef de corps relèvera directement du commandement de la région aérienne. L'armée de l'air, c'est vrai, étudie l'externalisation d'activités de soutien courant : gardiennage, entretien d'infrastructures, maintenance des véhicules de la gamme commerciale.

Les deux mesures, transformation en détachement Air et externalisation des fonctions non militaires, devraient conduire à une réduction de quarante-quatre postes militaires et, en revanche, ne pas affecter du tout les effectifs de personnels civils, puisqu'il y aura des tâches civiles permettant d'employer, en gros, la vingtaine de civils concernés par le projet d'externalisation. L'effectif attendu en 2002 pour la base sera donc de 249 militaires et de 236 civils, donc un total de près de 500 professionnels.

Enfin, concernant le centre de sélection de Blois, il reste des possibilités au titre du FRED puisque, comme vous le savez, monsieur Martin-Lalande, nous n'avons c ontractualisé qu'une somme correspondant à environ 40 % des ressources prévisibles du FRED, au niveau national. Donc, en dehors de ce qui fait déjà l'objet d'accords contractuels entre la région Centre et l'Etat, il reste des possibilités pour faciliter une action de conversion du centre de sélection, pour lequel il y a des perspectives économiques plutôt intéressantes dans la période.

M. le président.

La parole est à M. Etienne Pinte.

M. Etienne Pinte.

Monsieur le ministre, la situation très préoccupante du GIAT étant connue de tous ceux qui s'intéressent au budget de la défense nationale, je me bornerai à vous exprimer une réflexion et à vous poser quatre questions.

Je suis satisfait d'apprendre la commande de véhicules de combat et d'infanterie, qui porte sur le développement, l'industrialisation et la production d'une première tranche de soixante-cinq véhicules.

Je me félicite aussi de la commande supplémentaire annoncée de cinquante-deux chars Leclerc, qui étaient encore jusqu'à présent, me semble-t-il, en option.

Cela devrait peut-être permettre d'éviter, ou en tout cas de retarder, une nouvelle capitalisation du GIAT, estimée, semble-t-il, à 2 milliards de francs d'ici à la fin de l'année 2001.

Mes quatre questions sont les suivantes : Premièrement, quel est le montant exact de la recapitalisation du GIAT depuis sa création par l'Etat en 1990 ? Dans les rapports de la commission de la défense et de la commission des finances, les chiffres ne sont pas les mêmes. Pour la commission de la défense, la recapitalisation s'élèverait à 17 400 millions de francs et pour la commission des finances à 18 500 millions de francs. A vous de trancher en quelque sorte ! Deuxièmement, comme vous en avez exprimé l'intention et nous le souhait, je serais heureux de connaître vos réflexions sur la dévolution à GIAT Industries de l'entretien du matériel que l'entreprise fabrique elle-même.

Troisièmement, où en sont les négociations pour les commandes de chars Leclerc avec la Grèce, l'Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie ? Enfin, quatrièmement, l'Allemagne a pris récemment la décision d'engager une concertation et des négociations sur la restructuration interne de son industrie d'armement, négociations ouvertes sur l'Europe. Comment envisagez-vous le rapprochement du GIAT de cette initiative ? Et, dans ce contexte, êtes-vous favorable à la création de filiale communes entre le GIAT et l'industrie d'armement allemande ? Cela permettrait peut-être un accroissement du financement de la recherche-développement, très insuffisante, ce qui est inquiétant pour la modernisation de notre armée de terre.

M. François Rochebloine.

Très bonne question !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 NOVEMBRE 2000

M. le ministre de la défense.

Au moment de la création du GIAT, monsieur Pinte, donc de la transformation de l'établissement d'Etat en une société, la valeur du capital ainsi constitué avait été estimé à 1,1 mil liard de francs. Si l'on tient compte de cette espèce d'apport initial venant du transfert de l'Etat à la nouvelle société, on arrive à 18,5 milliards de francs. Si l'on ne tient compte que des recapitalisations intervenues en numéraire depuis lors - il y en a eu, si je ne me trompe, quatre -, on arrive 17,4 milliards de francs.

En ce qui concerne l'entretien du matériel, c'est toute la discussion sur les niveaux techniques qui peuvent être assurés par GIAT Industries et ceux qui doivent relever des services du matériel de l'armée de terre. Nous allons vers un accroissement de la charge d'entretien de GIAT et je pense que, comme pour ses principaux concurrents, la part d'entretien de niveau technique lourd revenant à l'entreprise doit être un des éléments, je dirai contracyclique, de régularité du chiffre d'affaires qui doit lui revenir. Il est clair que l'armée de terre souhaite prendre des précautions quant à la fiabilité et au bon déroulement des opérations de grosse réparation ou d'entretien. Le processus est donc plus lent que ce que nous avions anticipé, mais, compte tenu des besoins que nous avons en matière de disponibilité des matériels, il faut faire preuve de prudence.

S'agissant des négociations sur des contrats intéressant le char Leclerc à l'exportation, les essais techniques en Grèce ont démontré - c'est ce que nous font savoir les autorités grecques - la très bonne place du Leclerc dans la confrontation technique avec ses principaux concurrents.

En Arabie Saoudite, cette phase-là est déjà dépassée depuis un moment, et je crois que l'intérêt des autorités saoudiennes pour le char est confirmée. Nous sommes maintenant au travail, compte tenu des priorités économiques que se donnent les autorités saoudiennes, pour définir les meilleures retombées technologiques et industrielles que pourrait avoir ce programme pour l'Arabies aoudite, qui souhaite naturellement diversifier son économie, et nous avons un groupe de travail mixte sur tout ce qui pourrait être le transfert de technologie et de production sur place.

En ce qui concerne la Turquie, les négociations prennent également un tour positif. La décision des autorités turques est toutefois plus éloignée dans le temps, notamment parce que le projet initial de constitution d'une nouvelle force blindée en Turquie portait sur un très grand nombre de blindés et qu'il peut paraître vraisemblable que les pouvoirs publics turcs ramènent leur programme à un niveau plus limité.

Quant aux possibilités de rapprochement européen, la ligne de conduite du Gouvernement est bien de faciliter la réalisation d'accords équilibrés entre GIAT et ses partenaires européens, lesquels, évidemment, demandent des précisions sur le niveau de rentabilité de l'entreprise, et il est clair que nous avons deux calendriers qui ne cadrent pas bien. Aussi bien en Grande-Bretagne qu'en Allemagne fédérale, des programmes de réorganisation et de regroupement de forces industrielles sont en cours et, en dépit des gros efforts de l'entreprise et de son personnel, il nous faut encore sans doute quelque temps avant que GIAT ne soit à un niveau de rentabilité comparable.

Nous cherchons donc à agir par constitution de filiales communes pour le développement de tel ou tel programme. Ce point fait l'objet d'un intérêt de la part des partenaires européens de GIAT et on peut espérer des débouchés au cours de l'année qui vient.

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe socialiste.

La parole est à M. Jean-Noël Kerdraon.

M. Jean-Noël Kerdraon.

Monsieur le ministre, à l'occasion du débat sur le budget de la défense pour l'année à venir, je souhaiterais avoir quelques précisions concernant la DCN, d'abord sur un plan général, ensuite, plus particulièrement, sur les activités de l'établissement de Brest pour 2001.

Dans le cadre du plan d'entreprise qui a été annoncé en mai 1999, il était prévu un assouplissement des règles en matière de passation des marchés afin de permettre un meilleur fonctionnement des établissements. Qu'en est-il aujourd'hui ? Il y a quelques mois, le projet d'alliance commerciale entre DCNI et Thomson-CSF a été annoncé. Or la mise en place de la société commune semble rencontrer quelques difficultés. Etes-vous en mesure d'indiquer les modalités et le calendrier de la constitution de cette société ? Concernant la situation de l'établissement de Brest, l'activité atteint aujourd'hui un niveau très bas. Les entreprises de la sous-traitance en souffrent. Certaines disparaissent, des salariés perdent leur emploi. Heureusement qu'en 1997 un plan social dérogatoire a pu être élaboré.

Il est et sera pour 2000 et 2001 d'un précieux concours pour l'accompagnement social des salariés de la soustraitance.

Si, à moyen et long termes, l'horizon se dégage avec la construction de deux NTCD et la perspective de la construction d'un second porte-avions, que vous avez évoquée tout récemment à l'Ecole navale, et donc la confirmation de la vocation de Brest comme port constructeur de grands bâtiments militaires, j'apprécierais de connaître les activités susceptibles d'être confiées à Brest en attendant la montée en puissance de la construction des deux NTCD.

Il serait cohérent que les chantiers de l'Atlantique, compte tenu de leur participation à la réalisation du programme NTCD, dans leur domaine de compétence, et de la forte activité qu'ils connaissent actuellement, contribuent à apporter de la charge au bassin d'emplois brestois. Cela serait de nature à conforter le pôle de construction navale qui se dessine à l'ouest de la France entre Saint-Nazaire, Lorient, Concarneau, Brest et Cherbourg.

Je vous remercie, monsieur le ministre, des réponses que vous pourrez m'apportez sur ces différents points.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la défense.

Monsieur Kerdraon, la réforme de DCN, qui vise à restaurer sa compétitivité et à lui donner une position souhaitable sur le marché international, se poursuit avec deux priorités. La constitution de la société DCN-Thomson-CSF est maintenant pratiquement acquise et va demander un effort financier justifié, je crois, de la part du partenaire Thomson, car c'est aussi une affaire importante pour Thomson et ses marchés, et l'actionnaire public lui demande ce dernier effort.

Par ailleurs, cela se traduit par un important programme de réduction des coûts, supérieur à 750 millions d'euros sur les cinq ans qui viennent, mais accompagné par des investissements techniques importants et par des mesures d'adaptation du régime d'achat de DCN à son activité industrielle, à travers la charge de gestion et les aménagements au code des marchés publics, qui entreront en vigueur à la fin de cette année.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 NOVEMBRE 2000

Pour mieux gérer les évolutions d'effectifs, nous avons élaboré un plan de formation interne, qui est un outil de renouvellement des compétences, mobilisant de très nombreux salariés qui ont un potentiel d'évolution. Par ailleurs, l'acquisition de nouvelles compétences se fait aussi par un recrutement de jeunes, qui a commencé, dès l'année 2000, avec le recrutement de 100 techniciens contractuels et qui se poursuivra l'année prochaine.

Au total, je crois qu'il faut avoir confiance dans la capacité de la DCN à atteindre, au cours des deux à trois prochaines années, le niveau de compétitivité de ses principaux concurrents et à réaffirmer son excellence sur le plan technologique.

Les commandes très importantes passées en 2000 - les frégates Horizon, le quatrième SNLE, les NTCD, les corvettes pour Singapour - représentent plus de 4,5 milliards d'euros, soit plus de 30 milliards de francs. C'est donc l'engagement d'un nouveau cycle de réalisation de navires, auquel s'ajoutent des objectifs affichés d'amélioration du maintien en condition opérationnelle des navires.

Les perspectives d'activité sont donc claires.

L'activité de Brest retrouvera son niveau normal à la fin de l'année prochaine, avec la montée en puissance de la réalisation des NTCD et le grand carénage du SNLE nouvelle génération, Le Triomphant.

Le contrat concernant les NTCD va être signé avec six mois d'avance sur le calendrier initial.

Comme cela a été le cas en 2000, des mesures seront prises pour renforcer l'activité du début de l'année 2001.

Nous espérons pouvoir apporter, par des mesures adaptées que je préciserai dans les prochaines semaines, une charge supplémentaire de 300 000 heures pour l'établissement brestois.

M. le président.

La parole est à M. Michel Dasseux.

M. Michel Dasseux.

Monsieur le ministre, ma question porte sur les réserves militaires.

La suspension du service national en 1996 et la professionnalisation des armées nous ont conduits à imaginer une nouvelle organisation des réserves militaires. La loi du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense ainsi que le décret du 13 septembre 2000 ont fixé la nature des réserves opérationnelles et citoyennes et précisé leur rôle.

Pouvez-vous nous préciser par armée les sommes prévues pour la réserve opérationnelle dans le budget pour 2001 ? Pouvez-vous également nous indiquer si les effectifs comptabilisés à ce jour répondent aux prévisions, notamment pour les hommes du rang ? Le décret sur la mise en place du conseil supérieur de la réserve militaire a été publié. Vous avez désigné son secrétaire général. Les réservistes, qu'ils soient de l'opér ationnel ou de la citoyenne - acteurs essentiels du lien nation-armée -, attendent beaucoup de la mise en place de cet organisme, qui devra rapidement trouver des solutions de nature à répondre à leurs interrogations et à l eurs inquiétudes. Quand comptez-vous installer ce conseil ? Enfin, dans le cadre du lien nation-armée, comment comptez-vous concrétiser une place particulière à la réserve citoyenne ? La journée nationale du réserviste verra-t-elle le jour en 2001 ? Je vous remercie, monsieur le ministre, de l'attention que vous voudrez bien porter à ces questions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la défense.

Monsieur Dasseux, les crédits consacrés aux réserves sont à nouveau en augmentation, ils progressent de 13 % par rapport à ceux de l'année dernière, ce qui permet de poursuivre la montéee n puissance financière programmée des nouvelles réserves.

En 2001, l'effort portera particulièrement sur la gendarmerie et sur le service de santé. Dans l'un et l'autre cas, les crédits de rémunération et de fonctionnement des réserves augmenteront de plus de 50 %. S'agissant des disponibilités en matière d'effectifs, si la situation des volontaires ayant signé un engagement à servir dans la réserve opérationnelle est très bonne pour les personnels officiers et satisfaisante pour les personnels sous-officiers, elle est, comme vous le sous-entendez, plus préoccupante pour les militaires du rang, sauf dans la gendarmerie - dans cette arme, nous enregistrons de bons résultats.

Nous devons faire face au problème du passage d'un ancien système de réserve de masse, qui s'appuyait sur la formation des seuls cadres, à une réserve d'emploi concernant toutes les catégories de réservistes, qui implique de poursuivre un effort de sensibilisation. Nous allons donc déployer des efforts de communication supplémentaires pour favoriser ce type de recrutement, en particulier auprès de jeunes, puisque nous avons intérêt à faire entrer dans le circuit de la nouvelle réserve des personnels jeunes et motivés.

J'ai l'intention d'installer, en compagnie de Jean-Pierre Masseret, le conseil supérieur de la réserve militaire dans des locaux adaptés à sa logique de fonctionnement, le 4 décembre prochain.

Je souligne l'intérêt de ce lieu de dialogue unique en son genre, dans lequel seront représentés les parlementaires, les organisations socioprofessionnelles, les principales associations de réservistes et les autorités du ministère. J'ajoute que toute la réforme des réserves a été menée dans un esprit de concertation.

Nous devons continuer à faire de la réserve un support essentiel du maintien du lien entre la nation et ses forces armées. Nous pensons d'ailleurs, pour renforcer cette visibilité, mettre en place au cours de l'année 2001 - et c'est une tâche à laquelle s'est attelé Jean-Pierre Masseret une journée nationale du réserviste.

M. le président.

La parole est à M. Robert Gaïa.

M. Robert Gaïa.

Monsieur le ministre, la DCN est lancée dans un vaste chantier de rénovation : restructuration, création du service d'entretien de la flotte, mise en place d'un service à compétence nationale, adaptation au code des marchés publics, constitution d'une société avec Thomson pour la gestion de l'export et pour le programme des frégates Horizon. Ce vaste chantier vise à rendre plus performant notre outil industriel en l'adaptant aux nécessaires évolutions du monde. Comme

M. Le Drian, je suis confiant dans sa réussite.

Mais, et vous le savez bien, monsieur le ministre, cette évolution ne peut se faire qu'en mobilisant autour d'elle les personnels, les élus locaux, les acteurs socio-économiques. Pour réussir, cette évolution a besoin d'une grande lisibilité et d'un échéancier à court, moyen et long terme. Elle ne peut se satisfaire de rumeurs.

Aujourd'hui, l'absence d'embauches de jeunes visant à

« repyramider » les effectifs, alors que les mesures d'âge, certes nécessaires, ont continué, font craindre une perte des savoir-faire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 NOVEMBRE 2000

De plus, après le conflit de 1998, le bassin d'emploi de Toulon, dans lequel les industries de défense et la DCN en particulier jouent un rôle moteur, a besoin de cette lisibilité, si l'on veut que les projets se substituent aux rumeurs qui affectent le moral de tous les partenaires.

Ainsi, qu'en est-il de la constitution de la société commune Thomson-DCN pour les frégates Horizon ? Les blocages actuels de l'administration envers de nombreux salariés volontaires pour intégrer la nouvelle structure inquiètent et risquent de pénaliser ceux qui font le choix de se projeter dans l'avenir et d'altérer leur enthousiasme.

Qu'en est-il de la vente et de la remise à niveau des Avisos ? Cette charge devait être affectée à la DCN de Toulon, conformément aux relevés de conclusions du conflit de 1998 ? Qu'en est-il des IPER - indisponibilités périodiques pour entretien et réparation - à Toulon du porte-avions Charles-de-Gaulle ? Elles semblent remises en cause ? Qu'en est-il des IPER et IE des SNA, qui représentent 30 % du chiffre d'affaires de la DCN de Toulon et qui sont perçues par beaucoup comme un pôle d'excellence ? C'est le domaine le plus industrialisé du site de Toulon dans la mesure où une part importante des travaux est programmée, ce qui favorise la productivité. Cette activité est très différente de celle concernant les navires de surface, qui nécessitent beaucoup plus un entretien sur mesure, en raison de la grande diversité des matériels et de la part plus faible des travaux préventifs.

Monsieur le ministre, il ne s'agit pas dans mon propos d'opposer Toulon à Brest, d'entretenir une concurrence malsaine entre les deux sites. Au reste, Michel Voisin et Jean-Noël Kerdraon sont intervenus dans le même esprit.

Mais du flou naissent les inquiétudes.

S'agissant toujours du plan de charges de Toulon, qu'en est-il de la réparation de nos navires de surface, Cassard, Courbet, Somme, Ouragan, dont les IPER ont été reportées déjà plusieurs fois ? Monsieur le ministre, si les personnels ne sont pas réfractaires à l'évolution de leurs métiers, ils ont besoin de lisibilité, d'engagements et d'échéanciers afin de s'inscrire, en toute connaissance de cause, dans cette évolution nécessaire et indispensable.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la défense.

Monsieur Gaïa, ainsi que je l'ai déjà indiqué, le plan de réorganisation de la DCN est en cours et est en train de se réaliser d'une façon, je le crois, conforme aux objectifs.

Par ailleurs, et la constitution de la société DCNThomson-CSF est maintenant imminente, puisque l'écart entre les contributions financières des deux partenaires est maintenant extrêmement réduit, ce qui va permettre la conclusion de l'accord - c'est une affaire de jours.

S'agissant du maintien et du renouvellement des compétences, j'insiste sur le plan de formation interne, élément clé de préparation de l'entreprise à l'avenir et d'adaptation volontaire des personnels, avec des temps de formation longs correspondant aux nouveaux besoins de l'entreprise.

En ce qui concerne le niveau de charges, le plan d'entretien des sous-marins nucléaires d'attaque actuellement en vigueur sera respecté tout au long des prochaines années. Pour ce qui est des modalités d'entretien du porte-avions Charles-de-Gaulle, elles sont actuellement à l'étude.

L'activité d'entretien des bâtiments de surface a connu certaines difficultés, liées notamment à la passation de marchés de sous-traitance. Ces difficultés sont aujourd'hui en voie de résolution, si bien que le carénage et la modernisation de la frégate Cassard, ainsi que le carénage de la frégate Courbet, qui vont débuter dans les premières semaines de 2001, devraient être réalisés dans de bonnes conditions.

Le Charles-de-Gaulle a rejoint, à la mi-octobre, son port de base, Toulon, avant de partir en traversée de longue durée.

Enfin, je mentionne que les recrutements se poursuivent dans les métiers stratégiques de la DCN-Toulon : dix ingénieurs et vingt techniciens sont en cours de recrutement pour travailler en bureau d'études ou sur la propulsion nucléaire.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Grasset.

M. Bernard Grasset.

Monsieur le ministre, dans le cadre de la mise en oeuvre de la professionnalisation des armées, le service de santé se voit dans l'obligation de repenser son organisation et ses moyens. La réduction du format des armées s'accompagnera en effet d'une diminution des effectifs de ce service, qui passeront de 18 451 en 1996 à 13 509 en 2002. Il sera ainsi privé de personn els qualifiés dont il dispose actuellement, lesquels devront être en partie remplacé par des personnels militaires.

Ainsi, malgré la mise en place, dès 1997, d'une politique de recrutement de médecins diplômés et l'augmentation notable des recrutements initiaux en école, le nombre de médecins des armées est actuellement inférieur à celui des effectifs budgétaires théoriques. Le sous-effectif des médecins d'active s'aggrave : de janvier à septembre 2000, il a manqué 161 médecins pour atteindre le niveau des effectifs moyens théoriques.

Aussi, tant sur le recrutement des médecins, des chirurgiens-dentistes, des militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées que sur les perspectives de recrutement des personnels civils, un certain nombre de points restent à préciser. Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous puissiez répondre aux quatre questions que je vais vous poser maintenant.

Pensez-vous pouvoir réduire rapidement le sous-effectif de médecins afin de maintenir, dans les établissements hospitaliers, un niveau de sécurité médico-légale compatible avec les normes en vigueur ? Depuis la parution du décret du 20 mars 2000 consacrant la création du corps des chirurgiens-dentistes, comment se déroulent les étapes du recrutement ? Les mesures budgétaires de la prochaine loi de finances permettront-elles de poursuivre la montée en puissance du nouveau statut des para-médicaux civils au-delà de 2002 et de pérenniser les conditions de recrutement des militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées ? Enfin, pourriez-vous nous présenter les perspectives concernant le personnel de santé de la nouvelle réserve ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la défense.

Comme cela a déjà été évoqué dans la discussion, l'effectif de médecins nécessaire au service santé dans le cadre de la professionnalisation, conjugué avec l'allongement des études médicales, puisque le troisième cycle des études passera bientôt à trois ans, pose des problèmes et impose de pourvoir des postes de médecins des armées. Par conséquent, nous


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avons augmenté le nombre des postes offerts, conformément à la loi de programmation militaire et les places ouvertes au concours sont plus nombreuses. Le nombre de places pourvues n'est pas encore connu pour l'année 2000, mais, compte tenu des besoins du service, le nombre des places ouvertes en 2000 sera reconduit en 2001.

Nous avons, par ailleurs, agi sur les facteurs de désaffection dont il a été fait mention dans la concertation avec les personnels, notamment celui lié à la rémunération des gardes. En effet, dans la mesure où un progrès important avait été réalisé en faveur des personnels hospitaliers civils, il fallait en tirer les conséquences : il a donc été décidé d'attribuer une rémunération supplémentaire de 5 000 francs par mois, dès lors qu'il était réalisé au moins quatre gardes durant le mois.

Nous avons également agi en ce qui concerne les persp ectives de carrière. Ainsi, un « repyramidage » du nombre des postes de médecin principal prévoit la création de 120 postes supplémentaires ; cette mesure s'échelonnera sur 2001 et 2002. De la sorte, les déroulements de carrière des médecins militaires seront accélérés, ce qui était devenu une nécessité tant l'écart se creusait avec les déroulements de carrière des médecins du milieu hospitalier civil.

Compte tenu du déficit actuel en effectifs de médecins, qui n'est pas dramatique mais qui mérite de faire preuve de vigilance, nous avons donc prévu de renforcer le recrutement initial en offrant 140 places en 2000. Cet effort sera maintenu en 2001.

S'agissant des recrutements de chirurgiens-dentistes des armées, le corps est créé cette année, et nous avons prévu un certain nombre de recrutements au titre de 2001 pour combler les postes actuellement vacants.

En ce qui concerne les militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées, 191 postes ont été créés en 1999, 225 en 2000 et 217 le seront en 2001.

De la sorte, le service de santé pourra atteindre le niveau d'encadrement correspondant à son volume d'activités, qui est d'ailleurs élevé, puisque nombre de civils ont recours aux hôpitaux des armées, ce qui est non seulement un signe positif quant à la qualité de ses gestes thérapeutiques mais aussi une source de recettes financières non négligeable.

M. le président.

Nous revenons à une question du groupe RPR.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Le maintien de la production de missiles par Matra BAe Dynamics en Sologne est un sujet de forte préoccupation pour ses salariés, pour les habitants du bassin d'emploi de Salbris et pour leurs élus, en particulier pour le maire de Salbris, Jean-Pierre Albertini, et le conseiller général-maire de Selles-SaintDenis, Michel Leroux.

Chacun est conscient que des évolutions vont inévitablement se produire du fait, d'une part, de la baisse considérable des commandes de missiles par l'armée française et, d'autre part, de la baisse importante du marché mondial, laquelle conduit à une restructuration des sociétés productrices, avec, notamment, la constitution du géant européen EADS, qui permet heureusement de maintenir l'essentiel du potentiel européen.

Mais nous ne comprenons pas la contradiction, au moins apparente, qui caractérise l'action du Gouvernement : d'un côté, il mène une politique industrielle en faveur de la création d'EADS et, de l'autre, il prive sa composante MBD d'un marché qui a été attribué à SAGEM, alors que ce marché aurait permis de fournir un volume d'activité indispensable pour Salbris et pour la place de MBD au sein d'EADS.

Le bassin d'emploi de Salbris a déjà été profondément touché et même traumatisé - je peux en témoigner - par la crise de l'armement, qui a conduit à la fermeture du site GIAT avec ses 800 emplois, de l'entreprise SM5 du groupe Thomson CSF avec ses 250 emplois, de l'entreprise La Solognote avec ses 100 emplois et de quelques autres entreprises de sous-traitance. En définitive, ce sont plus d'un millier d'emplois qui ont disparu en quelques années. Il serait injuste et très mal supporté que le bassin d'emploi de Salbris soit éventuellement, à nouveau, mis à contribution en raison des inévitables restructurations.

D'autant que Salbris et Selles-Saint-Denis ont des atouts nouveaux qui doivent être pris en compte dans les différents scénarios actuellement à l'étude : MBD se trouve en effet maintenant située dans une zone éligible aux aides européennes de l'objectif 2, aux aides nationales liées à la prime d'aménagement du territoire et aux aides régionales liées aux « fonds sud ». Cet ensemble de moyens nouveaux doit permettre de rendre Salbris et Selles-Saint-Denis très compétitifs par rapport à d'autres sites concernés par la restructuration.

Je souhaite aussi, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, que les scénarios à l'étude intègrent les possibilités de synergie entre MBD Salbris et Selles-Saint-Denis et l'ETAMAT de Salbris.

Comment le Gouvernement compte-t-il agir pour que soit bâtie d'urgence une stratégie gagnante à la fois pour MBD et pour le tissu économique et l'emploi à Salbris et à Selles-Saint-Denis ? Merci de votre réponse, monsieur le ministre.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la défense.

La question de M. Martin-Lalande résume bien et de façon parfaitement objective la situation dans laquelle seront prises des mesures de consolidation liées à la création d'un pôle européen missilier rassemblant en France les activités de MBD France et d'Aerospatiale Matra Missiles.

Le Gouvernement a engagé un dialogue avec EADS sur ce sujet et souhaite faire valoir plusieurs principes essentiels.

Le premier, c'est que le plan de rationalisation devra être fondé sur une prévision à moyen terme du niveau des marchés et non pas seulement sur la situation à court terme, qui, il est vrai, se caractérise par un creux du plan de charges. Mais compte tenu de la valeur technologique des matériels produits, nous pouvons raisonnablement penser que le volume d'activité connaîtra une remontée au cours des années à venir. Par conséquent, les nouvelles capacités doivent être établies à partir d'un potentiel de croissance suffisant.

Deuxième principe : il faudra valoriser les compétences des personnels des sites industriels concernés. Il est vrai que le site de Salbris, compte tenu des difficultés du bassin d'emploi, mérite une attention particulière. Ce point devra être pris en compte. Et s'il doit y avoir des réductions d'effectifs, ce qui est tout de même à envisager étant donné le contexte général, le Gouvernement attend de son partenaire - et, en la matière, il apportera sa propre contribution - que le traitement social des éventuelles réductions d'effectifs soit exemplaire, comme nous avons su le faire dans d'autres situations. Le bassin d'emploi du sud Loir-et-Cher justifie pleinement cet effort de solidarité.


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Il est évident que l'action du Gouvernement tiendra compte de la prévision à moyen terme du niveau des marchés et du niveau de compétence des sites industriels concernés.

M. le président.

Nous revenons aux questions du groupe socialiste.

La parole est à M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet.

Monsieur le ministre, inaugurant le salon « Euronaval » le 24 octobre dernier et ici même aujourd'hui, vous avez évoqué les mutations en cours au sein de la DCN et précisé qu'elles étaient en bonne voie.

La nouvelle organisation de la DCN en service à compétence nationale fait que ses relations avec la DGA sont désormais identiques à celles des autres industriels du secteur de la défense.

La DCN dispose en outre d'un conseil stratégique pour l'aider dans son processus de réforme et dans la définition de sa stratégie.

Le plan d'entreprise, destiné à restaurer sa compétitivité, est en cours de mise en oeuvre. D'ici à la fin de l'année, les premières mesures d'adaptation du code des marchés publics devraient être prises pour lui permettre de fonctionner selon un mode aussi proche que possible de celui d'une entreprise.

Enfin, la DCN a mis en place avec succès une démarche d'aménagement et de réduction du temps de travail adaptée à ses missions industrielles, au terme d'un processus de négociation avec les syndicats et d'une large consultation de ses personnels.

Au-delà, la DCN devrait être très rapidement, avec son partenaire Thomson-CSF, un acteur majeur du paysage européen de la construction navale militaire.

Au total, je suis donc, comme vous, confiant sur la capacité de la DCN à atteindre rapidement le niveau de compétitivité de ses principaux concurrents.

Dans ce contexte nouveau, que certains n'osaient même pas imaginer en 1997, la DCN-Ruelle, dont la forte présence sur le stand DCN d'« Euronaval » ne vous a pas échappé, bénéficie d'atouts certains, avec ses trois matériels « maison » : le système de lancement vertical des missiles SYLVER, le système d'aide à la manutention des hélicoptères SAMAE et les systèmes intégrés de conduite de commandes des bâtiments de surface et des sousmarins.

Pour autant, plusieurs interrogations subsistent, et d'abord sur les partenariats, sinon les alliances, que devra nécessairement envisager la DCN, à l'exemple de notre industrie aéronautique.

Les interrogations portent aussi sur le statut de la DCN, son directeur, M. Jean-Marie Poimboeuf, ayant clairement indiqué que le service à compétence nationale, s'il constituait un pas important, n'était qu'une étape qui en appelait d'autres, évoquant la prise de personnalité juridique, laquelle ne saurait remettre en cause le statut des personnels.

Alors que la DCN est à nouveau résolument engagée dans une évolution positive, que les commandes se profilent de nouveau à l'horizon et que les personnels, associés aux évolutions en cours, ont retrouvé des raisons de se mobiliser autour de l'objectif fixé, il est nécessaire que vous apportiez rapidement les éclairages indispensables sur les alliances et le statut.

Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ? Vous comprendrez que je sois particulièrement attentif à votre réponse, monsieur le ministre, comme le seront les élus de Charente et les personnels de la DCN-Ruelle, compte tenu de la spécificité de l'établissement.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la défense.

Monsieur Viollet, l'appréciation que vous portez sur l'évolution actuelle de la DCN témoigne à la fois de votre bonne connaissance du dossier et de l'effort qui a été fait au sein de l'entreprise, dont vous êtes un partenaire direct puisque vous êtes un élu du bassin d'Angoulême, pour modifier les méthodes et les procédés industriels ainsi que la gestion des ressources humaines. Cet effort à permis la transformation en service à compétence nationale, qui représente une étape tout à fait fructueuse dans la voie de l'adaptation de l'entreprise à ses nouveaux défis et au marché.

Il faut souligner que le marché de la construction navale militaire est aujourd'hui stabilisé. Il peut même connaître des remontées, comme on l'a vu lors de plusieurs compétitions qui ont été ouvertes par des pays développés qui peuvent consacrer des moyens à leur équipement naval.

Il convient également de se féliciter du maintien de la DCN à un niveau d'excellence sur le plan technologique, avec des applications comme celles que vous avez mentionnées, qui sont les fleurons de la DCN-Ruelle.

Compte tenu de son statut d'entreprise d'Etat, la DCN a conclu des partenariats importants, tels que celui qui a concerné la frégate Horizon, ou celui passé avec Wass, une entreprise italienne, pour la torpille MU 90, ou encore celui concernant la nouvelle génération de sous-marins classiques avec l'entreprise espagnole Bazan.

Nous savons que d'autres contacts se développent, qui permettront à la DCN d'entrer de plain-pied dans le nouveau paysage industriel européen dans le domaine de la construction navale militaire.

Il est clair que le projet de société commune avec Thomson-CSF sera un moyen efficace de renforcer la capacité d'alliance de la DCN. Je me réjouis donc que nous soyons parvenus à la dernière étape avant la réalisation de cette société commune.

A plus long terme, il est clair que les réformes que nous engageons, ainsi que les effets positifs de la création du service à compétence nationale, les mesures de rationalisation industrielle et l'assouplissement d'un certain nombre de réglementations nous conduisent à rechercher une solution plus durable qui permette à la DCN, entreprise d'Etat, de conclure des alliances plus intégrantes avec ses partenaires industriels.

En effet, dans la décennie qui commence, la consolidation de l'industrie navale militaire ira plus loin. A cet égard, vous avez eu raison d'établir un parallèle avec l'ind ustrie aéronautique, car l'industrie navale militaire connaîtra très vraisemblablement une évolution du même type. C'est dans cette perspective que se situe le Gouvernement.

La réflexion doit donc se poursuivre. C'est l'un des intérêts du conseil stratégique comme des différents outils de concertation que fait fonctionner la direction actuelle de la DCN que de rechercher les meilleurs outils à long terme permettant à l'entreprise d'être à la hauteur de ses capacités technologiques et de son efficacité industrielle retrouvée. La DCN pourra ainsi être l'un des acteurs majeurs de la consolidation de l'industrie navale militaire européenne.


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M. le président.

La parole est à M. Yann Galut.

M. Yann Galut.

Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur la situation spécifique des industries de défense situées dans le département du Cher.

Ce département a une longue tradition historique avec la défense. En effet, outre la base aérienne d'Avord et l'ESAM, il possède trois sites industriels d'importance : l'ETBS, GIAT-Industries et l'EADS, anciennement Aérospatiale.

Cette situation spécifique a entraîné une perte de plusieurs milliers d'emplois les quinze dernières années et s'est traduite par une baisse historique de la population de notre département, constatée lors du dernier recensement.

Depuis deux ans, sous votre impulsion et en concertation avec les parlementaires du Cher, notamment avec M. Sandrier, vous menez une véritable politique de diversification sur notre bassin d'emploi comme sur d'autres.

Je tiens à saluer le travail des délégués interministériels successifs aux restructurations des industries de défense, mais aussi celui des délégués régionaux. Bourges et son agglomération ont pu bénéficier de mesures du CIADT en décembre 1998, et d'autres mesures sont envisagées dans les semaines à venir. Vous savez que je défends le projet de création d'une école de l'Internet plus spécifiquement axée sur la sécurité, mais il me semble fondamental que notre pays garde des compétences reconnues dans le domaine des industries de défense afin de ne pas laisser ces compétences à un seul pays.

C'est pourquoi j'aimerais connaître votre vision de l'avenir des deux entreprises GIAT et EADS, plus précisément pour l'artillerie du futur en ce qui concerne la première, et pour la branche missilière en ce qui concerne la seconde.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la défense.

Monsieur Galut, vous avez bien fait de rappeler le contexte d'ensemble du redéveloppement industriel et économique du département du Cher.

Les mesures définies au CIADT à la fin de 1998 seront sans doute complétées par des mesures nouvelles favorisant la diversification et l'extension du potentiel industriel du département - je pense en particulier au projet de création d'une école de l'Internet.

Tout cela constitue l'environnement des actions que le ministère de la défense doit conduire, s'agissant des industries de défense.

Je vous répondrai d'abord sur l'avenir de GIATIndustries dans le domaine de l'artillerie.

Il s'agit là d'un point qui intéresse le Cher, précisément les sites de Bourges et de La Chapelle. Le niveau de commandes de l'Etat à GIAT-Industries est, au titre de 1999 et de 2000, supérieur aux prévisions qui ont été inscrites dans le plan stratégique.

Par ailleurs, nous voyons monter en puissance les programmes d'artillerie AUF1 et AUF2, le programme Caesar, qui intéresse plusieurs pays à l'exportation, et le prog ramme Bonus, pour lequel le partenaire suédois confirme son intérêt.

La perspective pour les activités de GIAT en matière d'artillerie de nouvelle génération est donc positive.

D'une façon générale, le marché de l'armement terrestre connaît un repli sur le plan quantitatif. Il s'oriente vers des produits à plus haut contenu technologique.

C'est ce qui conduit GIAT-Industries à rechercher des partenariats pour développer de nouveaux produits en partageant les frais de développement. Ce constat s'applique particulièrement aux équipements et aux soussystèmes, comme les armes et les munitions.

J'encourage donc la direction de l'entreprise à poursuivre cette stratégie qui est, à terme, porteuse.

S'agissant de la branche missile d'EADS en France, elle est constituée de MBD France et d'Aerospatiale Missiles.

Un pôle missile européen se constitue par le regroupement des activités françaises, de celles de MBD en Grande-Bretagne et des capacités italiennes de Finmeccanica. Nous aurons ainsi un acteur de taille mondiale qui aura les moyens de concurrencer les groupes américains dans le secteur. C'est la voie de l'avenir.

Le Gouvernement doit veiller à ce que les capacités industrielles soient, dans ce nouveau contexte, valorisées, notamment celles présentes en région Centre. C'est l'objet des discussions que nous poursuivons avec les dirigeants du groupe EADS et à propos desquelles j'espère pouvoir vous définir prochainement une perspective nettement positive concernant le bassin d'emploi de Bourges.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Cazeneuve.

M. Bernard Cazeneuve.

Monsieur le ministre, ma question concerne deux sujets très sensibles pour le bassin d'emploi de Cherbourg : le service de santé des armées, d'une part l'activité de l'établissement cherbourgeois et de la Direction des constructions navales, d'autre part.

Je voudrais d'abord appeler votre attention sur les conséquences de la professionnalisation des armées, sur un certain nombre d'établissements de santé des armées, et notamment sur le centre hospitalier des armées de Cherbourg.

Du fait de la professionnalisation des armées, un certain nombre de structures hospitalières qui remplissaient des missions de service public sur des bassins sanitaires se trouvent privées du concours d'appelés du contingent, ainsi que du concours des médecins militaires, qui sont conduits à intervenir de plus en plus régulièrement sur le théâtre des opérations au titre de la projection de force.

La décision prise par l'Etat de mettre fin aux activités des centres hospitaliers des armées, à l'exception des centres d'instruction des armées, a bien entendu des conséquences sur un certain nombre de bassins sanitaires, dont celui de Cherbourg.

Si nous accueillons avec satisfaction l'engagement pris par vous-même et par la secrétaire d'Etat à la santé de maintenir l'ensemble des moyens de la carte sanitaire à Cherbourg, la question se pose de savoir si l'ensemble des moyens, à la fois budgétaires et humains, nécessaires au fonctionnement du centre hospitalier des armées de Cherbourg seront maintenus jusqu'au terme de sa fermeture, prévue pour juillet 2002. Ce maintien est absolument indispensable eu égard à la surcharge d'activités à laquelle l'hôpital civil Louis-Pasteur doit faire face aujourd'hui, notamment du fait de l'obligation dans laquelle se trouve ce centre hospitalier civil d'absorber en juillet 2002 les activités de l'hôpital maritime de Cherbourg et, dès à présent, les activités de maternité et de chirurgie de l'hôpital de Valognes.

Quant à la Direction des constructions navales, je rejoindrai plusieurs de mes collègues, notamment Robert Gaïa, pour appeler au maintien des compétences et à la dynamisation de la pyramide des âges. Il s'agit là d'un sujet sensible. Le choix fait par le plan d'entreprise de la DCN de recentrer l'activité des établissements sur les


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coeurs de métier et de recourir à la sous-traitance globale n'a de sens que si l'on maintient les compétences les plus essentielles au sein des établissements.

Quelles dispositions entendez-vous prendre par-delà le budget de 2001 pour que nous ayons cette dynamisation de la pyramide des âges des établissements de la DCN qui permette en leur sein le maintien des compétences ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Fromion.

A Salbris aussi, j'espère !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la défense.

Concernant l'évolution des personnels et des services rendus par le centre hospitalier des armées de Cherbourg, je confirme l'engagement qui a été pris par le Gouvernement en faveur du maintien d'une activité de soins au niveau actuel jusqu'à l'arrêt d'activité technique de l'hôpital le 30 juin 2002.

Certains services enregistrent une augmentation de la demande de soins, à laquelle ils font face conformément aux directives qu'ils ont reçues et que les difficultés ponctuelles ne remettent pas en cause.

Il nous faut, dans un délai d'un peu moins de deux ans, veiller à ce que la transition avec la montée en puissance de l'hôpital civil se fasse de façon cohérente, sans discontinuité. Pour y contribuer, je poursuis la concertation avec le secrétariat d'Etat à la santé en tenant compte de l'ensemble des données du terrain.

Nous continuerons, monsieur Cazeneuve, à dialoguer, tout en ayant l'assurance d'atteindre le résultat programmé.

J'en viens aux effets du plan de modernisation de la DCN.

Ce plan prévoit un effort de recentrage sur ce qu'on pourrait appeler le coeur de métier de l'entreprise, c'est-àdire sur sa compétence de systémier et de réalisateur de navires militaires complexes. Cela conduit à revoir les relations entre la DCN et ses sous-traitants, en s'orientant de plus en plus vers des contrats de sous-traitance globale.

Il en résulte, c'est vrai, des difficultés d'adaptation par rapport aux habitudes acquises des entreprises de soustraitance « abonnées » à la DCN, mais il s'agit d'une voie obligée si l'on veut rendre l'ensemble constitué par la DCN et ses sous-traitants réellement compétitif. Il faut, pour atteindre cette nouvelle cohérence, que la DCN se dote de compétences nouvelles.

A titre d'exemple, je préciserai que, sur le site de Cherbourg, l'embauche de dix techniciens pour l'ingénierie de constructions neuves - l'un des métiers auxquels il faut accorder une priorité - et celle de dix autres techniciens d'autres métiers stratégiques - acheteurs, commerciaux, spécialistes nucléaires et gestionnaires de projet - sont en cours.

Cette démarche devra être poursuivie de manière que les grands établissements de la DCN, ceux qui sont vraiment ses piliers pour la préparation de l'avenir, aient tous les personnels nécessaires, grâce aux conversions internes et aux plans de formation, auxquels les intéressés se consacrent avec beaucoup de volonté, mais aussi grâce à des recrutements de techniciens et de spécialistes ayant des capacités nouvelles. C'est avec l'ensemble de ces ressources humaines que la DCN disposera de toute la gamme de compétences dont elle aura besoin à l'avenir.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Grasset.

M. Bernard Grasset.

Monsieur le ministre, l'évolution de la place de la femme dans notre société et le passage à l'armée professionnelle vous ont conduit à faire évoluer la réglementation tout en respectant les impératifs propres au métier des armes.

Le principe de la limitation de l'accès des femmes aux carrières militaires est ainsi supprimé. Ainsi que vous l'avez rappelé, notre armée est l'armée occidentale la plus féminisée après celle des Etats-Unis.

P ourriez-vous faire le point sur les pourcentages d'emplois dans les différentes armes et nous indiquer quelles contraintes matérielles ou tactiques pèsent encore sur une accessibilité encore plus étendue ? Enfin, les aménagements nécessaires aux infrastructures et aux matériels militaires sont-ils désormais prévus dès leur conception ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la défense.

Pour ne pas allonger la discussion, je vous transmettrai, monsieur Grasset, toutes les répartitions d'emplois entre femmes et hommes dans les spécialités et les différentes armées.

Je puis cependant vous préciser que l'armée de l'air et la marine ont les niveaux de féminisation les plus élevés.

Vient ensuite l'armée de terre. Un mouvement est heureusement en train de se dessiner dans la gendarmerie, qui a eu jusqu'à présent un pourcentage de recrutement féminin nettement inférieur à celui des autres armes.

Vous avez bien fait de souligner que nous avions besoin de concevoir tout l'environnement professionnel en fonction de la féminisation, qui est certainement l'un des acquis de la professionnalisation les plus valables : non seulement elle offre des ressources humaines précieuses supplémentaires, mais elle change en profondeur la relation entre la nation et la communauté de défense, qui devient plus à l'image de la société française active.

En ce qui concerne les équipements, et notamment les infrastructures de travail et de logement et les bâtiments de la marine, lors de chaque mise en service, la mixité des personnels est prise en compte d'une manière systématique.

Cela dit, il est deux domaines dans lesquels nous devons encore progresser pour avoir, à long terme, une égalité de chances et de capacités entre le personnel féminin et le personnel masculin. Il convient cependant de reconnaître que nous sommes parmi les premiers à explorer ces questions.

Il s'agit d'abord du soutien familial lors des missions de longue durée ou des engagements à horaire exceptionnel du type grand exercice ou, a fortiori , départ en opération. On peut se réfugier, virtuellement, derrière la certitude que la répartition des charges familiales est totalement égalitaire et que, lorsqu'une mère de famille part en opérations, on est en droit de supposer que son conjoint prendra intégralement en charge des enfants en bas âge. Ce serait se donner un confort factice.

Il faut traiter le problème et il doit être traité dans le cadre d'une indemnisation, d'un soutien financier accordé aux personnels en opérations.

Nous travaillons aussi sur un autre problème, auquel je m'intéresse de près dans la perspective de parachever cette vague de progrès. Je veux parler de l'égalité des déroulements de carrière entre les hommes et les femmes compte tenu de l'interruption minimale que représentent les périodes de maternité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 NOVEMBRE 2000

Aujourd'hui, nous n'avons pas encore beaucoup de femmes en position d'atteindre les grades les plus élevés dans nos armées. Mais la question se posera dans la dizaine d'années qui vient. Nous devons veiller à ce que les périodes d'interruption minimales de service correspondant au congé de maternité ne soient pas un handicap de carrière pour les femmes militaires, notamment dans les corps d'officiers et de sous-officiers. Je travaille donc à une adaptation des rythmes d'avancement qui tienne compte de cette réalité.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet.

Monsieur le ministre, la direction de la SNPE a annoncé l'arrêt de la production de son site d'Angoulême pour la fin 2002 et sa fermeture en 2005. J'ai déjà eu l'occasion de faire connaître mes regrets devant la manière dont elle s'en était progressivement désengagée. Il est urgent d'oeuvrer à la redynamisation de ce site afin de maintenir et de développer la création de richesses et d'emplois.

Cela passe d'abord par l'élaboration d'un plan de dépollution sur lequel l'Etat doit s'engager. Les poudriers présents sur le site seront les mieux à même d'en assurer la mise en oeuvre.

Cela passe ensuite par une plus grande lisibilité du plan de charge de l'établissement jusqu'à l'arrêt de la production. Les commandes ne sauraient être détournées vers d'autres sites ou a fortiori refusées au seul motif d'une fermeture programmée.

Cela passe enfin par la réutilisation des quelque 200 hectares du site, aujourd'hui reconnu d'intérêt communautaire par la jeune communauté d'agglomération du Grand Angoulême. J'ai proposé la création d'une société d'aménagement pour mobiliser l'ensemble des partenaires autour d'un projet fort, dynamique, cohérent, susceptible d'être reconnu et aidé par l'Etat.

Bien entendu, le plan social actuellement envisagé devra répondre à ces trois exigences et offrir un reclassement de qualité à tous les salariés, qui n'ont que trop souffert, ainsi que leurs familles, après six plans d'adaptation.

Monsieur le ministre, alors qu'un comité de site de l'industrie de l'armement doit se tenir à Angoulême, le 8 novembre prochain, en présence d'un délégué interministériel aux restructurations de défense, pouvez-vous nous confirmer l'engagement de l'Etat sur ce dossier ? Les salariés de la SNPE, les élus du bassin d'Angoulême et de la Charente seront attentifs à votre réponse.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la défense.

Monsieur le député, la décision de fermeture du site, motivée par un niveau trop faible de commandes militaires tant nationales qu'européennes, doit faire l'objet de mesures de compensation et d'accompagnement de qualité.

Des propositions relatives à la partie sociale de ce plan, approuvées par le Gouvernement, ont été présentées lors d'une récente réunion du comité d'entreprise. Les négociations ont abouti à un accord de réduction de 20 % du temps de travail sans baisse de salaire et un consensus s'est établi autour de diverses mesures d'amélioration du plan social initial : augmentation du tiers de la prime de mobilité dans le groupe SNPE, augmentation de 10 % de la prime de départ volontaire pour les personnels ayant plus de quinze ans d'ancienneté.

Le processus de fermeture, étalé sur cinq années, concernera 153 personnes. Les salariés qui ne peuvent bénéficier de la mesure de départ à cinquante-cinq ans se verront proposer un poste dans le groupe SNPE et deux postes dans le bassin d'emploi d'Angoulême. Il n'y aura donc ni mutation ni départ imposés jusqu'au prochain comité central d'entreprise qui se tiendra à la fin du premier semestre 2001.

En ce qui concerne la réindustrialisation, une étude de sol est en cours. Elle a été imposée à la SNPE par la direction régionale de l'industrie et de la recherche.

Conformément à vos propositions, une étude d'ensemble sur la réutilisation ultérieure du site associera la SNPE, les élus locaux et l'Etat au sein d'un groupe de travail présidé par le préfet. D'ores et déjà, j'ai décidé la construction d'un four d'incinération de déchets, à la fois pour maintenir un certain volume d'activité et pour amorcer le processus de dépollution, absolument indispensable si nous voulons remettre sur le marché cet ensemble de terrains qui recèlent beaucoup de potentialités.

Sur la base de l'étude d'ensemble qui, j'en suis convaincu, produira des résultats importants dès les prochains mois, nous pourrons, avec les moyens du FRED et avec l'aide éventuelle des sociétés de développement, établir un programme exemplaire de réindustrialisation.

M. le président.

La parole est à Mme Françoise Imbert.

Mme Françoise Imbert.

Monsieur le ministre, en ma qualité d'élue de Midi-Pyrénées, plus précisément du secteur ouest de Toulouse où EADS est implanté, j'ai déjà eu l'occasion de vous interroger sur la réalisation du programme de l'avion de transport futur, l'A 400 M. Je me félicite de l'inscription de 20 milliards dans la loi de finances rectificative. Elle marque une avancée concrète dans la consolidation de l'Europe de l'armement et le renforcement des liens entre différentes industries européennes. J'y vois le signe d'un engagement politique fort.

Pouvez-vous nous préciser de quelle manière la région toulousaine, fleuron de l'industrie aéronautique civile et militaire, bénéficiera, sur un plan industriel et en termes d'emploi, de la réalisation de ce programme ?

M. Guy-Michel Chauveau.

Bonne question !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la défense.

Madame la députée, le programme A 400 M est, vous le savez, un élément déterminant de l'avenir d'Airbus. Bien sûr, la composante militaire représentera une fraction relativement réduite du volume d'activité de la société, compte tenu de l'étendue de ses succès commerciaux dans les gammes civiles. Reste que la construction d'avions de transport militaire constitue une diversification particulièrement utile pour EADS.

D'une part, elle ouvre le potentiel technologique du groupe à des savoir-faire nouveaux, susceptibles de bénéficier aux prochaines générations d'avions civils, notamment au fret dans l'aviation commerciale. D'autre part, elle contribuera à réduire la variabilité conjoncturelle.

L'aéronautique civile est une grande industrie cyclique et le caractère planifié et multinational de la commande de l'A 400 M jouera indéniablement un rôle stabilisateur dans le chiffre d'affaires d'Airbus.

Je vous précise par ailleurs que la conception et la gestion du programme se feront à Toulouse. L'équipe de programme intergouvernementale, dont la mission est de préparer le contrat que nous devions signer avant la fin du premier semestre 2001, est en train de se mettre en


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 NOVEMBRE 2000

place. Placée sous la direction d'un représentant allemand, c'est elle qui pilotera le déroulement du programme pendant toute sa durée. Le montage de l'avion quant à lui se fera à Séville conformément aux accords conclus lors de la création du groupe EADS. Mais les compétences et l'excellence technologique des sites Airbus de Toulouse et de leurs salariés trouveront pleinement leur emploi dans ce programme fédérateur de notre industrie européenne de défense. Nous aurons l'occasion au cours des mois qui viennent de vérifier que les établissements toulousains bénéficient bien de cet apport de technologies nouvelles.

M. le président.

Nous en avons terminé avec les questions.

J'appelle les crédits du ministère de la défense.

Article 33

M. le président.

« Art.

33. I. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 2001, au titre des mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires, des autorisations de programme s'élevant à la somme de 814 855 000 F, applicables au titre III "Moyens des armes et services".

« II. - Pour 2001, les crédits de mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires applicables au titre III "Moyens des armes et services" s'élèvent au total à la somme de 692 381 000 F. »

Je mets aux voix l'article 33.

M. Jean-Claude Sandrier.

Abstention du groupe communiste ! (L'article 33 est adopté.)

Article 34

M. le président.

« Art. 34. - I. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 2001, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des autorisations de programme ainsi réparties :

« Titre V : "Equipement" .............

81 371 965 000 F

« Titre VI : "Subventions d'investissement accordées par l'Etat" ........

3 351 410 000 F

« Total ..................................

84 723 375 000 F

« II. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 2001, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des crédits de paiement ainsi répartis :

« Titre V : "Equipement" .............

23 605 263 000 F

« Titre VI : "Subventions d'investissement accordées par l'Etat" ........

2 177 023 000 F

« Total ..................................

25 782 286 000 F » Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V, ouverts à l'article 34.

M. Jean-Claude Sandrier.

Abstention du groupe communiste ! (Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI, ouverts à l'article 34.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 34.

(L'article 34 est adopté.)

M. le président.

Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la défense.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.

2 DÉSIGNATION D'UN CANDIDAT À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président.

M. le président a reçu de M. le Premier ministre une demande de désignation d'un membre de l'Assemblée nationale au sein du Haut Conseil de l'évalutation de l'école, Conformément à l'alinéa 2 de l'article 26 du règlement, M. le président a confié à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales le soin de présenter un candidat.

La candidature devra être remise à la Présidence avant le mercredi 15 novembre 2000, à dix-huit heures.

3

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Mardi 7 novembre 2000, à neuf heures, première séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (no 2585) : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (rapport no 2624).

Affaires étrangères : M. Yves Tavernier, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (annexe no 1 du rapport no 2624) ; M. Pierre Brana, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères (tome II de l'avis no 2626).

Coopération et développement : M. Maurice Adevah-Poeuf, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 3 du rapport no 2624) ; M. Jean-Yves Gateaud, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères (tome III de l'avis no 2626).

Affaires étrangères et coopération : M. Bernard Cazeneuve, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome I de l'avis no 2627).

Relations culturelles internationales et francophonie : M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome I de l'avis no 2625) ; M. Georges Hage, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères (tome IV de l'avis no 2626).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 NOVEMBRE 2000

Fixation de l'ordre du jour.

A quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmissions

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, les textes suivants : Communication du 3 novembre 2000 No E 1585. - Proposition de règlement du Conseil portant organisation des marchés dans le secteur du sucre (COM [2000] 604 final).

No E 1586. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République de Côte d'Ivoire concernant la pêche au large de la Côte d'Ivoire, pour la période du 1er juillet 2000 au 30 juin 2003 (COM [2000] 633 final).

No E 1587. - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'action des Etats membres en matière d'exigences de service public et à l'attribution de contrats de service public dans le domaine des transports de voyageurs par chemin de fer, par route et par voie navigable (COM [2000] 7 final).

Prix du numéro : 0,64 - 4,20 F Imprimerie, 26, rue Desaix, Paris (15e ). - Le préfet, Directeur des Journaux officiels : Jean-Paul BOLUFER 103000810-001100