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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

1. Loi de finances pour 2001 (deuxième partie). Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 8029).

AFFAIRES ÉTRANGÈRES (p. 8029)

M. Yves Tavernier, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les affaires étrangères.

M. Pierre Brana, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères.

M. Maurice Adevah-Poeuf, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la coopération.

M. Jean-Yves Gateaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la coopération.

M. Bernard Cazeneuve, rapporteur pour avis de la commission de défense, pour les affaires étrangères et la coopération.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les relations culturelles internationales et la francophonie.

M. Georges Hage, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les relations culturelles internationales et la francophonie.

M. François Loncle, président de la commission des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

MM. Pierre Lequiller, René Mangin, Jean-Claude Lefort, Jacques Godfrain, Mmes Marie-Hélène Aubert, Bernadette Isaac-Sibille.

Renvoi de la suite de la discussion budgétaire à une prochaine séance.

2. Ordre du jour de l'Assemblée (p. 8057).

3. Adoption d'une résolution en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 8057).

4. Ordre du jour des prochaines séances (p. 8058).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2001

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2585, 2624.)

AFFAIRES ÉTRANGE

RES

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère des affaires étrangères.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les affaires étrangères.

M. Yves Tavernier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, monsieur le ministre délégué à la coopération et à la fra ncophonie, mesdames, messieurs, les chiffres disent l'essentiel. Les crédits du ministère des affaires étrangères pour 2001 s'élèveront à 22,08 milliards de francs. Ils représentent 1,28 % du budget de l'Etat.

Le quai d'Orsay ne gère pas, il est vrai, la totalité des moyens dévolus à notre politique extérieure. Ceux-ci atteindront 55,49 milliards de francs, soit un peu plus de 3 % du budget de la nation. Autant dire que la France ne considère pas son action internationale comme prioritaire, du moins en termes budgétaires.

Le projet de budget marque toutefois une progression sensible par rapport au budget de l'an dernier. La croissance de 5,3 % succède à une très légère hausse en 2000 et à une baisse dramatique entre 1994 et 1999. Cette progression de 5,3 % ne doit cependant pas faire illusion.

Elle est due, pour l'essentiel, à une forte augmentation des crédits destinés au financement des opérations de maintien de la paix. En réalité, à structure constante, les crédits pour 2001 progressent de 40 millions de francs.

Il est heureusement révolu le temps où votre prédécesseur, monsieur le ministre, se réjouissait publiquement, dans cette enceinte, de la forte réduction de ses crédits.

La descente aux enfers a été stoppée, mais nous sommes encore loin des portes du paradis.

E n 2001, les effectifs budgétaires atteindront 9 471 postes, avec une perte de quatre emplois. Toutefois, l'harmonisation des imputations des emplois budgétaires de certains établissements publics permettra de dégager quatorze emplois. Ce n'est pas glorieux, mais le bilan est malgré tout encourageant après l'hémorragie en personnel subie par le ministère au cours des années précédentes. Je rappelle la suppression de 625 emplois entre 1994 et 1998.

En réalité, nos postes diplomatiques fonctionnent grâce aux personnels recrutés localement. Ils représentent 75 % des agents d'exécution dans nos ambassades et dans nos consulats. Ces personnels recrutés sur place, sur des contrats à court terme, ne bénéficient pas des avantages du droit du travail français et sont rémunérés de manière modeste. Ils permettent cependant à la France de disposer du deuxième réseau diplomatique mondial. Un plan d'action pour la revalorisation de leur situation a été mis en place. C'est un progrès. J'observe toutefois que le ministère de l'économie et des finances consent à son personnel recruté localement à l'étranger un niveau de rémunération qu'il refuse à celui des affaires étrangères. Une telle situation est choquante. L'équité ne saurait être à géomé trie variable.

J'ai attiré tout particulièrement l'attention du Gouvernement sur le personnel des consulats, Je rappelle que les trois quarts des employés des services des visas sont des étrangers recrutés sur place. J'ai noté qu'un léger effort a été fait en leur faveur. Il sera poursuivi l'an prochain, mais il reste encore beaucoup à faire.

Trois mesures de transparence car actérisent le projet de budget. Elles répondent à des propositions que j'avais moi-même formulées.

La première permet la budgétisation de 119 millions de francs de crédits du fonds de concours alimenté par une fraction des droits de chancellerie. Le dispositif est ainsi pérennisé.

La deuxième consiste en une mise à niveau satisfaisante de nos contributions obligatoires aux organisations internationales. Elles augmenteront de plus de 852 millions de francs, soit une croissance supérieure à 27 %.

Je note enfin, avec plaisir, qu'un chapitre spécifique permet de mieux identifier les crédits destinés au financement des programmes francophones multilatéraux. Ils s'élèveront à 237,3 millions de francs. Il s'agit là d'un premier pas vers l'identification de l'action francophone de la France.

Ma dernière remarque dans cette présentation générale des crédits concerne l'effet change qui influe sur les moyens financiers réellement disponibles. En effet, une part importante du budget est soit réglée en devises, soit consacrée aux rémunérations du personnel en poste à l'étranger. Son exécution est donc soumise à la variabilité des taux de change et à l'évolution des prix dans le monde.


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Le projet de budget pour 2001 est fondé sur un taux de change de 1 dollar américain pour 6,57 francs. Je crains que cette prévision ne soit optimiste. Je note toutefois que plus de 235 millions de francs sont prévus pour réaliser les ajustements nécessaires.

J'en viens aux moyens des services. Dans des conditions budgétaires difficiles, le ministère des affaires étrangères a engagé et poursuivi un remarquable effort de modernisation. Je veux souligner les réformes en matière de gestion financière, de déconcentration, de simplification des procédures, de renforcement des contrôles des marchés et des subventions. Les outils informatiques et de communication sont en cours de modernisation. La rénovation de la politique immobilière a été engagée.

Il serait bon que la direction du budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie encourage enfin la vertu en donnant davantage de moyens à ceux qui en font le meilleur usage.

Constituant plus de 45 % des crédits, les moyens des services progressent de 5,4 %, passant de 9,06 milliards à 9,55 milliards de francs. Ainsi, les dépenses de personnel progressent de près de 5 % malgré une légère baisse des effectifs. Les crédits de fonctionnement courant augmentent de près de 12 %. Cela est dû, pour une large part, à la budgétisation du fonds de concours des droits de chancellerie.

Les frais de réception et de déplacement officiels à l'étranger sont stables, à hauteur de 123 millions de francs. En revanche, les crédits de paiement pour les investissements réalisés par l'Etat, inscrits au titre V, baissent de 22,24 %, passant de 398 millions à 309,5 millions de francs.

Les autorisations de programme sont également en légère réduction. Cette baisse est encore plus importante à structure constante, dans la mesure où les crédits d'investissement intègrent les 59,5 millions de francs provenant du fonds de concours des droits de chancellerie.

Certes, des opérations importantes seront réalisées en 2001. Il en est qui ne sont pas engagées et qui devraient l'être. La construction d'une véritable résidence pour notre ambassadeur en Indonésie, par exemple, devrait être enfin programmée. J'ai pu constater l'état lamentable du lycée français de Damas, alors que les autorités syriennes nous ont rétrocédé un très beau terrain en centre-ville.

Les discours chaleureux sur la francophonie trouveraient ici une concrétisation utile.

En 2001, les contributions obligatoires bénéficieront à 133 organisations internationales et à une quinzaine d'opérations de maintien de la paix pour un montant total légèrement inférieur à 4 milliards de francs. La somme est d'importance. Elle représente une progression de 27 %, après une série de baisses continues au cours des années passées.

Les versements à l'ONU progresseront de 52 %. Cette c roissance extraordinaire s'explique par deux raisons essentielles : la prise en compte de la forte appréciation du dollar par rapport au franc et la hausse du coût des opérations de maintien de la paix, notamment au SudLiban, au Timor oriental, en Sierra Leone, au Congo et au Kosovo.

Si nous sommes exemplaires pour les contributions obligatoires, il n'en est pas de même pour nos contributions volontaires aux fonds et programmes des Nations unies. Je crois utile de rappeler que, entre 1992 et 1998, ces crédits ont baissé de 65 %, mettant en péril les intérêts français, faisant perdre à notre pays son influence dans les organismes des Nations unies. Certes, depuis 1999, la tendance a été renversée. Pour 2001, 15 millions de francs supplémentaires iront au HCR, au PNUD et à l'OMS. C'est un progrès, mais c'est encore bien peu.

Les contributions volontaires servent de variable d'ajustement lorsque les crédits sont limités. Il convient de faire comprendre au ministère des finances que cette attitude se traduit par des pertes de postes pour nos experts, par des pertes de marchés pour nos entreprises. Surtout, l'usage du français est progressivement abandonné dans les fonds que nous ne dotons plus assez. Les postes de direction vont aux pays qui assurent le meilleur financement. La France en a fait récemment l'amère expérience.

Nous contribuons ainsi à l'affaiblissement des agences spécialisées chargées du développement aux Nations unies et nous renforçons la tendance de la Banque mondiale à vouloir se substituer à elles.

Je note, par ailleurs, que les concours financiers destinés aux Etats en développement, consentis sous forme de subventions ou de bonifications, baissent de plus de 6 %.

De même, la dotation du fonds d'urgence humanitaire fait l'objet d'une réduction de plus de 2 millions de francs. En revanche, l'aide aux Français de l'étranger continue à progresser, notamment en faveur de nos compatriotes à faible revenu. De même, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides voit sa dotation progresser de 10,5 %.

Globalement, les crédits consacrés à la coopération diminuent de 3,2 %. J'énumère ici brièvement les postes les plus importants. Les dotations de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger croissent de 2,8 %, mais les crédits destinés à la coopération culturelle et scientifique diminuent de 3,2 %. Les crédits destinés aux opérateurs de l'action audiovisuelle extérieure augmentent légèrement, mais les moyens de la coopération technique baissent un peu.

Il y a quelques semaines, à New York, aux Nations unies, lors du sommet du Millénaire, la France, avec l'ensemble des pays développés, s'est engagée à réduire de moitié la pauvreté dans le monde. Or, parallèlement à cet engagement pour une plus grande justice sociale, les crédits affectés à notre politique de coopération ne cessent de décliner. Nous sommes au sixième rang des pays bailleurs en pourcentage de produit intérieur brut. La décrue proposée pour 2001 risque de nous conduire à ne plus figurer dans le peloton des dix premiers.

L'affaiblissement des moyens dont dispose le ministère des affaires étrangères en matière de coopération internationale semble compensé par l'ampleur des fonds gérés par le ministère de l'économie et des finances. Dans le rapport remis en juillet dernier par le Gouvernement au Parlement sur les activités du FMI et de la Banque mondiale, on peut découvrir et mesurer l'importance des programmes destinés aux pays les plus pauvres.

Le Fonds monétaire international a mis en place des prêts concessionnels pour la réduction de la pauvreté.

Après le Japon, la France est le deuxième contributeur à ces prêts. Il serait utile de s'interroger sur la cohérence des politiques suivies, de faire la lumière sur ces fonds fiduciaires particulièrement importants et de permettre au Parlement de les contrôler.

Je veux souligner les efforts poursuivis en faveur de la francophonie. Le programme Eiffel des bourses d'excellence est doté de 15 millions de francs supplémentaires.

Les moyens consacrés à l'action audiovisuelle publique augmenteront de 10 millions de francs et les crédits des établissements culturels de 6 millions de francs. Les bourses scolaires des enfants français pour l'enseignement


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français à l'étranger progressent de 4,5 %. Enfin, je note une contribution significative à la coopération décentralisée.

Au terme de cette présentation, il apparaît que le budget du ministère des affaires étrangères est fait d'ombres et de lumières. Et chacun retiendra, selon son tempérament, la clarté ou la grisaille. Si nous pouvons nous réjouir qu'après les budgets de 1999 et de 2000, celui de 2001 confirme le coup d'arrêt donné à l'érosion des crédits et des effectifs, nous devons toutefois reconnaître, m essieurs les ministres, que « la dynamique de reconquête », que vous appeliez de vos voeux, il y a trois ans, se manifeste avec une très grande pudeur. Et, pourtant, l'augmentation de crédits nécessaire pour passer d'un budget convenable à un bon budget serait d'une importance limitée. Il y va du maintien de notre influence sur la scène internationale.

Je sais, messieurs les ministres, que vous vous battez pour obtenir une telle augmentation. La majorité de la commission des finances soutient vos efforts. Avec elle, je vous invite, mesdames, messieurs les députés, à voter les crédits du budget du ministère des affaires étrangères.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères.

M. Pierre Brana, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

L'an dernier à cette tribune, monsieur le ministre des affaires étrangères, vous insistiez sur « le changement de cap » dans l'évolution de votre budget, marqué, après des années de régression, par une stabilisation tant des moyens financiers que des effectifs.

Aujourd'hui, avec un peu plus de 22 milliards de francs, les crédits sont maintenus, ainsi que les effectifs.

Ne gâchons donc pas notre plaisir et réjouissons-nous de l'inversion de tendance engagée voilà un an et poursuivie cette année ! Après une décroissance régulière depuis 1993, année où ils atteignaient 1,68 % du budget de l'Etat, les crédits ont « grappillé à la hausse » des points supplémentaires, passant de 1,23 % à 1,25 % du budget de l'Etat l'an dernier, pour s'élever à près de 1,30 % aujourd'hui. C'est beaucoup et peu à la fois. Il faudra rapidement remonter au moins à 1,5 %, car il y va évidemment du rôle et de la place que notre pays se doit de tenir en tant que puissance d'influence mondiale. Il ne s'agit pas de faire preuve d'arrogance, mais il est légitime que nous ayons les moyens humains et financiers nécessaires pour préserver les intérêts vitaux et les ressources de la France, ainsi que la capacité d'accompagner les avancées vers la démocratie des nations et la dignité des peuples.

Ces objectifs, qui ne sont pas sans rencontrer des écueils - angélisme d'un côté et Realpolitik de l'autre, pour ne citer qu'eux -, passent par le refus d'un monde unipolaire - pour parler clairement : régenté par l'hyperpuissance américaine - et celui d'un système débridé, où la richesse et le cynisme de quelques privilégiés enfoncent de plus en plus les mêmes laissés-pour-compte. A cet égard, je regrette que l'aide publique au développement APD - demeure insuffisante, même si notre pays reste grand contributeur parmi les membres du G7. Je suggère d'abonder plus substantiellement l'APD l'an prochain, car c'est là, notamment, que manquent les quelques centaines de millions qui permettraient aux crédits du ministère d'atteindre un niveau proche de 1,5 % du budget de l'Etat.

Ce projet de budget comporte des aspects positifs.

Ainsi, la poursuite de la modernisation du ministère intégrant les corps des affaires étrangères et de la coopération, a abouti à une fusion qui, rappelons-nous, n'était pas du tout évidente, et qui est jusqu'ici plutôt réussie.

Avec 166 ambassades et représentations permanentes, le réseau diplomatique français se classe au deuxième rang mondial, derrière les Etats-Unis. Son évolution traduit sa capacité à s'adapter à un monde qui change, à mettre en place une meilleure synergie entre différents réseaux de l'Etat à l'étranger, de l'économique au culturel, et à approfondir les coopérations entre les services diplomatiques des Etats membres de l'Union européenne. Ce mouvement entraîne non seulement des réductions de coûts, mais aussi et surtout une amélioration de l'efficacité politique. Il doit se poursuivre. Néanmoins, en termes de contrôle des dépenses, les crédits de fonctionnement « stabilisés » ne doivent pas frôler la tension.

J'appelle à la vigilance compte tenu des charges nouvelles comme celles du Haut Conseil de la coopération internationale - institution qu'il faut également saluer - et du fait que ces crédits doivent couvrir la perte de change de l'année 2000.

S'il est vrai que la rationalisation des frais de gestion doit encore dégager des marges bénéficiaires, j'attire l'attention sur la nécessité de poursuivre l'effort financier en matière d'informatisation et de communication, deux domaines devenus, à juste titre, prioritaires.

Il faut également se féliciter de la stabilisation des effectifs pour la troisième année consécutive. J'insiste sur deux points : l'augmentation des crédits de rémunération des personnels et la revalorisation nécessaire du statut des recrutés locaux. Un juste équilibre entre les « locaux » et le reste des personnels reste par ailleurs à déterminer.

Le caractère positif de ce budget tient aussi, globalement, aux moyens d'intervention si l'on tient compte de l'augmentation des contributions obligatoires qui porte le total des participations aux organisations internationales à 20 % du budget du ministère. Je rappelle que notre pays, contrairement aux Etat-Unis, en particulier, verse intégralement sa contribution au budget de l'ONU. Il s'honore de régler l'essentiel de sa part destinée aux opérations de maintien de la paix, bien que celles-ci aient connu une croissance exponentielle - Kosovo, Timor, Congo, Sierra Leone notamment - et varient fortement selon l'acuité des crises internationales.

De manière transparente et réaliste, afin d'éviter trop d'ajustements en cours d'année, il a été choisi d'abonder ces crédits au plus près des besoins estimés et de cette hausse régulière des dépenses.

Une analyse critique et constructive oblige à remarquer l'importance de la variation du dollar sur ces contributions et leur caractère particulier.

A la différence des Etats-Unis, je l'ai dit, la France paie son dû. En revanche, en raison du nombre croissant d'opérations de maintien de la paix, du taux élevé du dollar et d'un budget qui n'est pas extensible à l'infini, la France peine à relever le montant de ses contributions volontaires. Or leur faiblesse est pénalisante, car ce sont elles qui financent les programmes les plus valorisants. De plus, celui qui met de sa poche peut choisir et placer ses hommes, ses entreprises, gagner des marchés, faire avancer ses idées, maintenir sa langue et, disons-le, « faire de l'image ». Est-ce choquant ? Cela conduit en tout cas à s'interroger sur l'attitude des Etats-Unis qui, alors qu'ils


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sont à l'origine de la pénurie des ressources légitimes de l'ONU, utilisent sans vergogne ces contributions volontaires comme moyen d'asseoir leur influence.

Par ailleurs, l'insuffisance de nos contributions volontaires relègue aujourd'hui la France, pour l'ensemble de sa contribution au budget de l'ONU, derrière le RoyaumeUni, l'Italie et les Pays-Bas. Cette situation fragilise notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité et bride notre influence dans le processus de réforme des Nations unies.

Je souhaite donc que la France fasse un effort particulier en faveur de ces contributions dans les prochaines années.

Son effort devra également porter sur les dotations du Fonds d'urgence humanitaire, modestes par rapport à nos partenaires européens.

J'ai déjà évoqué l'érosion de l'aide publique au développement. Le Royaume Uni, et bientôt l'Italie, augmentent leurs efforts, tandis que nous nous éloignons du niveau de 0,7 % du PIB, sur lequel nous nous étions pourtant jadis engagés. Nous devons inverser cette tendance, renforcer pour le moins la sélectivité de notre aide en faveur des pays qui en ont le plus besoin et privilégier les actions de coopération profitant directement aux populations civiles.

Mes collègues rapporteurs détailleront les budgets de la coopération, des relations culturelles et de la francophonie. Je me contenterai pour ma part de remarques.

Point n'est besoin de rappeler l'importance de ces crédits qui forment un tout, même si une aide au développement n'est pas comparable à une subvention à l'audiovisuel. Il est évident que le degré d'urgence à nourrir ou à soigner contre le sida est différent de celui à éduquer ou à former. La promotion culturelle et linguistique n'est évidemment pas à considérer comme du marketing, mais comme un vecteur à dimension politique et économique. L'importance et la place occupée par les médias et Internet justifient pleinement nos efforts.

J'insisterai également sur la formation des étudiants étrangers, politique que la France ne peut relâcher, ainsi que sur l'importance de notre réseau d'établissements d'enseignement français à l'étranger. Enfin, ouvrir un centre culturel ou acquérir un immeuble digne d'une ambassade de France constituent des dépenses indispensables si notre pays veut se donner les moyens de son rayonnement et ne pas décevoir les espoirs que l'on place en lui.

En conclusion, je reviendrai sur la paupérisation de certains Français à l'étranger. L'assistance et la solidarité que l'on doit à nos compatriotes hors de France s'étaient déjà manifestées durant l'exercice 2000. De nouvelles mesures sociales et aides à l'emploi et à la formation professionnelle sont créées, je m'en félicite. Même appréciation s'agissant de la dotation supplémentaire destinée à renforcer la sécurité des communautés françaises menacées à l'étranger. L'aggravation des risques dans de nombreux pays justifie malheureusement cet effort.

Mes chers collègues, ce projet de budget pour 2001 confirme à l'évidence la volonté de rationaliser l'emploi des deniers publics et d'agir en s'adaptant aux exigences du monde actuel. Il comporte certaines restrictions que j'ai regrettées. Mais au bénéfice de ces observations, votre rapporteur comme la commission des affaires étrangères vous invitent à le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour la coopération.

M. Maurice Adevah-Poeuf, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est la deuxième année que nous examinons les crédits de la coopération dans le cadre de la nouvelle procédure, à la suite de la réforme des instruments. Nous ne pouvons donc plus parler de « transition ». Il s'agit du déroulement normal d'une réforme que nous avons voulue collectivement, qui a été décidée au plus haut niveau du Gouvernement et que nous avons soutenue loyalement. Il nous appartient désormais de vérifier si les princ ipes collent aux pratiques et si les crédits les accompagnent.

La coopération française s'insère de plus en plus dans les dispositifs multilatéraux et communautaires, ce qui implique le respect de certaines conditions. La première d'entre elles, affirmée - voire réaffirmée - par les accords de Cotonou, est de lier l'aide à la démocratie. Nous savons tous que ce critère sera d'application malaisée et qu'il sera tributaire de rapports de force diplomatiques.

J'y vois pourtant un axe essentiel de notre politique. A cet égard, l'attitude du Gouvernement, puis de la Communauté européenne à l'occasion des événements de Côte d'Ivoire me semble avoir été opportune : en effet, une succession d'atteintes aux libertés individuelles et publiques, des détournements grossiers du suffrage universel appelaient de notre part une condamnation sans appel. Plus symboliquement, le dénouement de la crise démontre que l'exigence de démocratie ne concerne pas seulement les pays développés et n'est pas un critère abstrait d'octroi de l'aide, elle concerne l'ensemble des pays en voie de développement, Afrique comprise, au même titre qu'elle a pu concerner l'Europe centrale ou orientale dans les années 90.

Pour autant, elle est difficile à mettre en oeuvre dans d'autres zones. Nous avons ainsi inclus Cuba dans la zone de solidarité prioritaire, ce qui lui ouvre droit à certaines aides. Mais celles-ci ne peuvent qu'être institutionnelles car je n'aurai pas l'outrecuidance de prétendre que Cuba est un Etat exemplaire s'agissant du respect des droits de l'homme. Je pense même le contraire. Cela dit, c'est aussi un des pays les plus actifs et les plus influents dans l'ensemble de la zone Caraïbes en Amérique centrale.

Nous aurons donc à gérer cette difficulté : apporter à Cuba une aide minime, réduite à sa dimension institutionnelle et donc assez sensiblement éloignée des besoins réels des populations, tout en prenant en compte l'importance de son influence politique.

Après la démocratie, l'orientation de notre aide vers les pays les plus pauvres constitue le deuxième principe de notre doctrine de coopération. Voilà un terrain idéal pour examiner si le budget traduit bien cette orientation... Or, messieurs les ministres, je ne vais pas vous dissimuler ma très grande désillusion à cet égard.

En effet, du constat même du CICID, moins de 20 % de notre aide publique sont orientés vers les pays les plus pauvres, ce qui signifie que 80 % vont à d'autres zones géographiques et à d'autres Etats qui ne sont pas, selon les classifications en vigueur, considérés comme les plus pauvres ; et 50 % seulement de notre aide publique bilatérale concernent la zone de solidarité prioritaire. Il y a donc là un décalage important entre le discours et une certaine réalité.


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Lorsque l'on sait que cette aide comporte une partie institutionnelle non négligeable, on mesure mieux le chemin à parcourir pour qu'elle atteigne les populations.

Rappelez-vous, messieurs les ministres, que l'Assemblée a souhaité, lors du débat du 25 avril dernier, que la coopération se rapproche des populations civiles. L'appui du ministère aux associations et à la coopération décentralisée reste, à cet égard, encourageant. Mais il est clair que l'Etat doit mieux sélectionner et avec plus de vigilance les pays destinataires de l'aide.

J'en viens à l'analyse des crédits pour souligner d'emblée qu'ils font l'objet, pour 2001, d'une nomenclature nouvelle, s'agissant notamment des crédits d'intervention.

Cette nomenclature reflète les modalités pratiques d'action qui régiront désormais la coopération française. Les nostalgiques d'une époque où l'assistance technique étaitr eine apprendront qu'elle se dénomme maintenant

« transfert de savoir-faire », de courte ou de longue durée.

Mais ce n'est pas qu'une question de sémantique. Mon rapport décrit par titre ces modifications, que j'approuve par ailleurs car elles permettront, en segmentant l'exécution budgétaire, d'affiner le contrôle parlementaire.

Les crédits alloués aux actions de coopération n'ont pas stricto sensu de montant puisque, en dehors de l'aide projet, facilement identifiable, et de divers chapitres du titre IV, y ont été adjoints des éléments aussi divers que la politique audiovisuelle et certains offices universitaires.

Hors titre III, je les évalue à 7,29 milliards de francs en crédits de paiement et à 2,31 milliards en autorisations de programme. Ces dotations sont d'un montant honorable et traduisent la volonté de notre pays d'inscrire son action diplomatique sous le signe de la solidarité avec les pays les plus pauvres.

Ce point est essentiel, car la coopération doit, pour exister et rester légitime aux yeux de notre opinion, repousser sans cesse des tentations d'égoïsme et doit, au sein de notre budget, contribuer à l'obligation de contenir les déficits. C'est à ce titre, bien au-delà du montant des crédits, que je qualifierai votre budget d'assez bon.

Notre aide continue à dépasser 0,4 % du PIB, ce qui le place toujours au premier rang des pays donateurs. N'oublions pas l'effort de la France dans le cadre de l'initiative sur la dette, effort qui ne se traduit pas pour l'instant de manière suffisamment précise dans les documents budgétaires. Les annulations auxquelles nous avons procédé n'apparaissent que très partiellement dans les statistiques de l'aide, alors qu'elles se répercutent sur une période très longue et qu'elles constituent un effort financier considérable. C'est aussi à cette aune qu'il faut examiner vos crédits, car un tel effort atténue fortement les critiques qui peuvent vous être adressées sur les modalités de notre coopération.

Avec près de 6 milliards de dotations, les crédits d'intervention du titre IV constituent l'essentiel du budget.

On relève d'emblée la diminution de 9 % des concours financiers, ce qui semble confirmer la reprise de la croissance en zone franc. Je m'inquiète, non seulement du devenir financier et monétaire de la Côte-d'Ivoire, mais aussi des incessants versements effectués en faveur du Cameroun, car ils ne me semblent pas, eu égard aux critères connus de nos interventions, être toujours très justifiés.

Les crédits de la coopération culturelle et scientifique et ceux de la coopération technique connaissent pour leur part des diminutions de l'ordre de 3,3 %. Je regrette la sensible diminution des crédits en faveur des bourses, alors que nous sommes tous d'accord pour considérer qu'il s'agit bien là d'un enjeu stratégique.

Au sein du chapitre 42-12, les crédits de l'assistance technique sont répartis dans deux nouveaux articles pour un montant légèrement inférieur à ceux de 2000, de l'ordre d'un milliard de francs - la différence n'est pas significative. Le Gouvernement confirme donc la diminution des effectifs, considérant qu'elle permet de rendre le dispositif plus efficace. Je crains que cette nouvelle réduction n'affecte l'efficacité de notre dispositif sur le terrain et ne rende illusoire l'extension de l'ancien « champ » à la zone de solidarité prioritaire, par manque de personnels.

Par ailleurs, je me permets d'attirer respectueusement l'attention du ministère sur le fait que la liste des Etats destinataires de cette assistance ressemble de plus en plus à l'inventaire d'un poète connu, de notre siècle et parfaitement francophone (Sourires) : on y trouve, outre des pays en voie de développement, des pays de l'Est candidats à l'adhésion à la Communauté européenne, et même des pays comme l'Allemagne et les Etats-Unis, dont on peut s'étonner qu'ils bénéficient d'affectations de postes financés sur l'aide publique au développement.

L'appui aux initiatives privées ou décentralisées enregistre une diminution minime de 1,8 % en raison d'une réduction sensible des crédits déconcentrés de coopération décentralisée.

C'est au titre VI que se trouve, à mon sens, le principal problème des crédits pour 2001. Nous savons tous que la traditionnelle lenteur d'exécution conduit à justifier, année par année, une érosion des dotations. Mais il ne s'agit plus ici d'une érosion ; c'est une baisse massive qui nous est proposée dans la loi de finances pour 2001 : de 24 % pour les autorisations de programme et de 21 % pour les crédits de paiement ! Il y a là un réel problème.

Je ne trouve pas admissible que ce soit le fonds de solidarité prioritaire - c'est-à-dire le coeur de notre coopération - qui ait financé la dotation de 237 millions de francs du chapitre 42-32 en faveur de la francophonie.

Voilà une contradiction majeure avec nos principes et une curieuse méthode que celle qui consiste à financer la culture par le siphonage des crédits réservés à l'aide publique au développement.

En outre, la procédure préalable à l'octroi des crédits du fonds n'est pas satisfaisante. Le décret du 11 septembre 2000 a doté le FSP d'un conseil d'orientation stratégique - que je m'aventurerai à qualifier d'inutile en raison de l'existence du Haut Conseil de la coopération internationale - et d'un comité des projets qui en est le coeur, puisque c'est lui qui délibère sur les financements.

Le fonds de solidarité prioritaire succède au fonds d'aide et de coopération, qui était administré par un comité directeur où le Parlement était représenté. C'est ce comité qui était chargé de valider les projets. Par conséquent, même si la présence des parlementaires n'était pas numériquement suffisante pour emporter l'approbation ou le rejet, le contrôle pouvait s'exercer et la parole était libre.

M. Jacques Godfrain.

Très bien !

M. Maurice Adevah-Poeuf, rapporteur spécial.

Or nous ne sommes plus représentés au comité des projets du fonds de solidarité prioritaire. S'agissant d'un décret, l'initiative revenait bien au Gouvernement, conformément à l'engagement que vous aviez pris ici même il y a un an, monsieur le ministre délégué à la coopération, engagement d'assurer une représentation convenable des députés et sénateurs. Cela n'a pas été fait. Je veux croire que c'est un simple oubli. Sinon, il ne pourrait s'agir que d'une volonté délibérée des affaires étrangères ou de la direct ion du Trésor, à laquelle nous ne pourrions souscrire. Dans


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l'attente d'explications précises, la commission des finances a adopté, à mon initiative, un amendement instituant une délégation parlementaire sur le financement de la politique de coopération, car c'est le seul moyen qui nous reste pour analyser a priori les crédits du FSP. Or, je me permets de le rappeler avec toute l'humilité de rigueur, le contrôle par le Parlement est un des moyens qui permettent de justifier auprès de nos concitoyens la politique de coopération.

Mme Bernardette Isaac-Sibille et M. Jacques Godfrain.

Tout à fait.

M. Maurice Adevah-Poeuf, rapporteur spécial.

Avant de conclure, je souhaite évoquer une question rarement débattue : celle du bilan de notre coopération. Voilà près de quarante ans qu'elle existe sans que nous ayons l'impression qu'elle pèse de manière décisive sur le destin de l'Afrique et des Caraïbes. Bien entendu, de multiples projets ont vu le jour et le sort des populations s'est globalement amélioré, mais le développement n'est pas assuré.

L'écart de niveau de vie ou d'infrastructures avec les pays développés s'est creusé - il est dramatique en matière sanitaire - et l'insertion de la plupart des pays en voie de développement dans le mouvement des échanges mondiaux a manifestement régressé.

Il faudra donc nous interroger sans complaisance sur notre efficacité, d'une part, en établissant des critères de résultat et, d'autre part, en exigeant des pays bénéficiaires de l'aide la suppression de pratiques condamnables, comme l'absence de comptabilité crédible sur certaines exportations de matières premières, pétrole ou produits miniers, ou sur certaines redevances comptabilisées de manière très humoristique. Je pense aux redevances sur les sociétés privées exploitant des services sous des régimes que nous qualifierions en droit français de concession, d'affermage ou de simple billetterie : par exemple, pour me faire bien comprendre, la billetterie des temples d'Angkor Vat au Cambodge.

Si nous voyons bien que la période des grands éléphants blancs est révolue - et tout le monde s'en réjouira -, il nous reste à mettre en place les conditions qui permettront de renforcer un cycle de croissance économique sur une longue durée. L'éradication des formes de corruption les plus massives et les plus scandaleuses est une de ces conditions.

Les crédits de la coopération pour 2001 maintiennent donc le principe de notre aide. Chacun a bien compris, et vous particulièrement, messieurs les ministres, que les remarques que j'ai formulées sont destinées à renforcer notre action. La commission des finances a adopté ces crédits et invite l'Assemblée à faire de même.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la coopération.

M. Jean-Yves Gateaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

Monsieur le président, m essieurs les ministres, chers collègues, disons-le d'emblée : les crédits de la coopération pour 2001 ne marquent pas un changement significatif par rapport aux évolutions budgétaires déjà constatées. Le véritable chan gement eût été que les sommes consacrées à l'aide publique au développement repartaient à la hausse, avec l'ambition affichée d'atteindre, dans un délai fixé d'avance, l'objectif de 0,7 % du produit intérieur brut.

Ce n'est pas le cas, puisque le budget de la coopération pour 2001 est inférieur de 3 % à celui de l'année 2000.

On ne peut que regretter ce recul, même si les économies réalisées grâce à la fusion entre la coopération et les affaires étrangères doivent être prises en compte pour en établir la juste mesure. On ne peut que déplorer la baisse de 3,3 % des crédits de la coopération culturelle, la réduction des sommes affectées aux bourses, qui passent de 595,7 à 527,8 millions de francs, et la diminution de 12 % des autorisations de programme du fonds de solidarité prioritaire.

Viennent par contre au rang des satisfactions la stabilité des crédits consacrés à l'assistance technique et celle des autorisations de programme de l'Agence française de développement. Et surtout la hausse de certains crédits, qui marque la volonté de dépasser les contraintes budgétaires pour répondre à des besoins précis ou affirmer certaines priorités, en portant le programme Eiffel de bourses d'excellence de 85 à 100 millions de francs ou en augmentant les crédits de l'action audiovisuelle de 10 millions et ceux des établissements culturels de 6 millions.

De façon générale, force est de constater que, depuis 1994, la France s'est constamment éloignée, année après année, de l'objectif communément exprimé de consacrer 0,7 % de son PIB à l'aide publique au développement.

Avec la baisse de 22 % des crédits de paiement du fonds de solidarité prioritaire notamment, la part de l'aide publique au développement dans le produit intérieur brut ne devrait pas évoluer beaucoup et s'établirait à 0,37 % au lieu des 0,39 % et 0,40 % des deux années précédentes.

Mais il nous faut, pour être juste, situer avec exactitude ce niveau de l'aide publique française au développement : le simple pourcentage n'y suffit pas. Rappelons donc que, sur ce plan, nous sommes en tête des pays du G 7. Rappelons également que si nous sommes loin du compte par rapport au fameux 0,7 % constamment réaffirmé par toutes les instances nationales et internationales, seuls les pays scandinaves atteignent ce niveau et que nous sommes, quant à nous, devant le Canada, 0,29 %, le Japon, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Italie, de 0,20 à 0,28 %, et surtout devant les Etats-Unis, 0,10 %. Mais les évolutions récentes nous font courir le risque d'être bientôt dépassés par le Japon en pourcentage du PIB et par l'Allemagne en valeur absolue, donc en volume de l'aide.

Les explications de cette baisse de l'aide publique française au développement depuis 1994 sont connues de tous et vous aurez sans doute l'occasion d'y revenir, messieurs les ministres : effets de la dévaluation du franc CFA, modification de notre dispositif d'aide extérieure, notamment.

Ajoutons, toujours pour être juste, que la contribution française à l'aide européenne au développement a nettement progressé ; elle représente maintenant 14 % de notre aide totale, contre 11 % en 1994. La France, avec une quote-part de 24,3 %, soit environ 5 milliards de francs, est aujourd'hui le premier contributeur au Fonds européen de développement.

A noter aussi les efforts importants consentis par la France en faveur des pays les plus pauvres avec les annulations de dettes.

M ais au-delà du montant des crédits, d'autres questions se posent. Et d'abord celle de la répartition géographique de notre aide. D'un côté, l'Afrique reste le territoire privilégié de l'aide bilatérale française, avec 4 3 % pour l'Afrique subsaharienne et 17 % pour l'ensemble Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte. De l'autre,


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les parlementaires et certains experts s'interrogent sur l'étendue et l'homogénéité de la zone de solidarité prioritaire.

En effet, la liste des pays qui la constituent, arrêtée par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, n'est pas homogène au regard de l'aide dont ils bénéficient. L'inscription d'un pays sur cette liste n'entraîne pas automatiquement le même effort d'aide au développement ou la même intensité de la coopération de la France à son égard. L'homogénéité n'a d'ailleurs pas été voulue, dans la mesure où l'appartenance des différents pays à la zone de solidarité prioritaire dépend de facteurs certes légitimes, mais très divers : francophonie et fidélité à une relation historique forte, d'une part, cohérence régionale et ouverture à de nouveaux partenaires, notamment anglophones, d'autre part.

Par-delà le caractère pléthorique de cette liste, qui apparaît en contradiction avec la volonté de concentrer les efforts conjoints de l'Agence française de développement et du Fonds de solidarité prioritaire, le dispositif de l'aide bilatérale française apparaîtrait plus cohérent si, dans le cas de pays comme le Gabon, le niveau de l'aide publique de la France, rapportée au produit national brut du pays par habitant, n'était aussi disproportionné, et si, dans d'autres cas comme Djibouti, l'aide française n'était aussi peu liée à la volonté de « moralisation » de notre coopération. La France gagnerait donc à démontrer que sa solidarité prioritaire est d'autant plus prioritaire, si j'ose dire, que le pays est plus pauvre et fait plus d'efforts en matière de bonne gouvernance, de démocratisation et de mise en oeuvre d'une véritable stratégie de développement.

La question du mythe ou de la réalité du désengagement de la France en Afrique francophone est, elle aussi, récurrente. Qu'il soit réel ou non, ce désengagement est perçu dès maintenant, ou craint pour un avenir proche, par nombre d'acteurs, d'observateurs ou de destinataires de notre politique de coopération. L'extension de la zone de solidarité prioritaire, notamment à la zone Caraïbes, le passage nécessaire mais pas toujours bien compris de la coopération de substitution à l'assistance technique d'experts, les nécessités financières balkaniques et orientales en Europe, le niveau de notre aide publique au développement, le poids croissant de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international ne sont pas pour rien dans cette perception ou cette crainte.

La question de la place de la France dans les politiques de développement rejoint celle du niveau de notre aide.

L'augmentation de nos contributions volontaires aux institutions internationales dans ce budget 2001 et notre place de premier contributeur au Fonds européen de développement ne vont pas dans le sens de la perte d'influence dénoncée par certains. Mais l'affaiblissement de certaines de nos contributions ou de certaines de nos positions dans les instances du FMI et de la Banque mondiale, ainsi qu'une contribution limitée à certains grands programmes - 60 millions de francs seulement pour la lutte contre le sida - ne donnent pas à la France le rôle moteur ni la place prépondérante qui devraient plus souvent lui revenir dans la détermination et la conduite des stratégies de développement.

Comme le préconisent le Haut Conseil de la coopération internationale et du développement ou le comité d'aide au développement de l'OCDE, la France devrait donc renforcer son aide publique au développement.

Pour retrouver les moyens nécessaires correspondant à son crédit sur la scène internationale et à son savoir-faire en matière de coopération et de développement, pour donner à son action une efficacité et une lisibilité accrues, pour retrouver un rang et une influence dignes de sa place dans le monde, la France - je ne suis pas le seul à le penser - devrait se fixer dès maintenant comme objectif d'augmenter progressivement son aide publique au développement de façon qu'elle atteigne 0,7 % du produit intérieur brut dans cinq ans.

Cette augmentation de ses moyens en matière d'aide publique au développement permettrait par ailleurs à notre pays de tirer le meilleur parti de la réforme de la coopération intervenue en février 1998 et de la réussite de la fusion opérée au sein du ministère des affaires étrangères. On ne dit pas assez la réussite de cette fusion, exceptionnelle au sens propre du terme, ni les effets bénéfiques de la réorganisation de la coopération française.

La clarification et le partage des rôles entre le ministère des affaires étrangères, le ministère de l'économie et des finances et le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, la restructuration institutionnelle en deux pôles, l'un diplomatique et culturel autour du ministère des affaires étrangères, l'autre économique et financier autour de l'agence française de développement, sont appréciés. Personne ne conteste que l'outil français de coopération se soit vraiment modernisé : redéfinition des compétences et des missions, meilleure coordination, circulation accrue de l'information, synergies plus opérantes, marquent le niveau central comme le terrain. La direction générale de la coopération internationale et du dévelopement s'est imposée en moins de deux ans, ce qui n'était ni évident ni facile à ce point stratégique de la fusion. Nos aides bilatérales sont aujourd'hui mieux coordonnées entre nos ambassades et leurs services de coopération et d'action culturelle, d'une part, l'agence française de développement, d'autre part, même si l'intervention de l'agence en matière de santé et d'éducation nécessite un rodage des différents partenaires pour coordonner l'investissement et le fonctionnement.

La réforme permet d'établir une relation plus fructueuse avec les organisations non gouvernementales, qui réclament à nos postes diplomatiques concertation, information et coordination. Il reste à résoudre le problème des associations de migrants implantées en France et dans les pays d'origine, qui souhaitent parfois être mieux entendues, reconnues et prises en compte par nos administrations et nos postes. Ceux-ci se montrent en effet réservés dès que les statuts de ces associations peuvent sembler flous, leurs méthodes mal connues et leurs projets difficiles à cerner, privilégiant du coup les associations locales et les organisations non gouvernementales françaises, qu'ils connaissent mieux, avec lesquelles ils ont déjà établi des liens et qui savent mieux présenter leurs projets. Les uns et les autres devront se rencontrer à l'avenir sur l'objectif commun de formes nouvelles de coopération et d'aide au développement.

Ce budget marque en effet la capacité de la France à promouvoir des politiques novatrices en matière de coopération et de développement.

C'est le cas avec le remplacement progressif de la coopération dite de substitution par des missions d'assistance technique courtes, faisant intervenir ponctuellement de véritables experts-consultants. Outre les difficultés de nos administrations à faire face aux problèmes nouveaux qui se posent - recrutement et carrière des agents concernés, réinsertion à l'issue des missions -, la déflation des effectifs de presque un tiers, 31,7 % exactement, en quatre ans - 2 898 coopérants en 1996 contre 1 979 en 2000 - a été trop brutale pour que notre dispositif puisse s'adapter dans de bonnes conditions. Laissons-lui le


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temps et surtout les moyens de le faire. C'est un souhait unanime des députés de la commission des affaires étrangères.

Capacité de la France à promouvoir des politiques novatrices : c'est le cas aussi avec la coopération décentralisée, qui mobilise plus d'un milliard de francs et qui engage, entre autres, dix-sept régions françaises à travers les contrats de plan.

C'est le cas, enfin, avec le codéveloppement, sans doute la politique la plus neuve. Elle ne concerne pour l'instant que trois pays - Maroc, Mali, Sénégal - et reste largement à mettre en oeuvre, même dans ces trois pays, sinon à définir, voire presque à inventer.

Le codéveloppement vise à négocier avec le pays d'origine une politique de régulation des mouvements migratoires et de prévention des flux illégaux ; à favoriser la mobilisation et les initiatives des migrants pour le développement de leur pays et de leur région d'origine ; à organiser de nouvelles formes de mobilité de ces personnes. La création de la mission interministérielle au codéveloppement et aux migrations internationales, au moment de la mise en place du contrat de retour dans le pays d'origine a d'évidence brouillé le concept. Aujourd'hui, fort heureusement, celui-ci se redessine, moins comme un moyen de maîtriser les flux migratoires que comme un vecteur de coopération, de développement économique du pays d'origine et même de développement social de part et d'autre. C'est peu dire qu'il reste beaucoup à faire en la matière, mais les associations de migrants ne demandent qu'à contribuer à défricher ce champ nouveau de la coopération : veillons, monsieur le ministre, à ce qu'elles ne soient pas, ici ou là-bas, découragées.

Concluons, mes chers collègues, que la France a bien réussi la refonte de son dispositif institutionnel de coopération et qu'elle impulse des politiques d'aide au développement innovantes. Mais concluons aussi que notre pays doit se montrer plus exigeant sur l'efficacité des aides européennes, auxquelles il contribue largement.

Ajoutons qu'il reste surtout à la France à se donner enfin l'objectif de porter son aide publique au développement à 0,7 % du produit intérieur brut en cinq ans.

Cette perspective tracée, qui reste raisonnable, je vous invite, la commission des affaires étrangères ayant donné un avis favorable, à voter les crédits de la coopération pour 2001. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les affaires étrangères et la coopération.

M. Bernard Cazeneuve, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au sein du budget des affaires étrangères, ce sont les crédits relatifs à la conduite de la politique de sécurité et de défense qui intéressent d'abord la commission de la défense.

Je commencerai par l'examen des crédits du chapitre 42-31, consacré aux cotisations de la France à l'Organisation des Nations unies. Le projet de budget pour 2001 prévoit une augmentation de plus de 50 % de ces cotisations : elles passent de 1,4 milliard de francs en 2000 à 2,1 milliards de francs en 2001.

Cette forte augmentation est destinée à faire face non seulement à la hausse du dollar, monnaie dans laquelle sont lancés les appels de fonds, mais surtout à la hausse de ces appels de fonds eux-mêmes. En effet, le total des appels de cotisations pour la France, qui était de 154,2 millions de dollars en 1999, passe à 251,3 millions de dollars en 2001, soit une progression de 63 %.

Cette évolution est due exclusivement à la hausse du coût des opérations de maintien de la paix. De 1999 à 2001, celui-ci est passé de 1,09 à 2,3 milliards de dollars, et a donc plus que doublé.

C'est la conséquence de la reprise par l'ONU de la conduite d'opérations de maintien de la paix, après la grave crise de confiance du milieu des années 90. Pas moins de cinq opérations nouvelles ont été ouvertes par l'ONU depuis 1998 et sont montées en puissance en 1999 et en 2000 : la MINUK au Kosovo, l'ATNUTO au Timor Oriental et, en Afrique, la MONUC au Congo, la MINUSIL en Sierra Leone et la MINURCA en Centrafrique.

Si certaines opérations connaissent des difficultés extrêmement sérieuses - comme l'ATNUTO ou la MINUSIL - la MINUK, avec la réussite des récentes élections municipales, se révèle un succès, de même que la MINURCA, qui a pu être remplacée par un dispositif plus restreint : le bureau de l'ONU en Centrafrique, ou BONUCA.

La France a joué un rôle essentiel dans la reprise de ces opérations. On peut dire que notre pays assume sa politique internationale. En effet, les opérations nouvelles, qui mobilisent à elles seules plus de 25 000 militaires, entraînent des surcoûts très importants pour la France, au titre non pas des crédits de la défense - hormis pour la MINUK, la France ne participe à ces forces que de façon symbolique, avec trois ou quatre militaires -, mais de ses cotisations au budget des opérations de maintien de la paix de l'ONU.

Cette reprise des opérations de maintien de la paix a une conséquence paradoxale : alors que notre pays mettait un point d'honneur à être le premier pays membre du Conseil de sécurité à payer ses cotisations, l'importance des opérations lancées au cours de l'année 2000, couplée à la baisse de l'euro par rapport au dollar, a rendu tout à f ait insuffisantes les dotations du chapitre 42-31 pour 2000, et la France, pour des raisons de procédure budgétaire, est actuellement débitrice envers l'ONU de 72 millions de dollars.

La hausse des cotisations qu'il nous est demandé de voter ne concerne cependant que l'avenir puisque l'apurement de l'arriéré devrait être effectué grâce à une inscr iption de crédits dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000. Notre pays aura alors pleinement retrouvé sa position traditionnelle au sein de l'ONU.

S'il faut se féliciter du renouveau opérationnel de l'ONU, après sa réorganisation administrative par l'actuel secrétaire général, il faut être conscient que ce renouveau pose de façon encore plus pressante la question de la réorganisation de ses structures politiques et celle de son financement.

Les débats à l'ONU sont en effet marqués par une double contestation : une contestation de la composition du Conseil de sécurité par un certain nombre de pays membres, qui estiment qu'ils auraient vocation à y entrer, et une contestation des barèmes de cotisation par les

Etats-Unis, qui ont été jusqu'à suspendre le paiement des leurs.

De fait, trois pays membres permanents du Conseil de sécurité, les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni, financent à eux seuls plus du tiers du budget général de


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l'ONU et près de 45 % des opérations de maintien de la paix. Or, ces opérations sont décidées par des résolutions du Conseil de sécurité où ces pays ont droit de veto.

Un dénouement rapide de cette situation contradictoire doit donc être recherché, faute de quoi l'actuelle reprise des actions de l'ONU, qu'il faut saluer, et à laquelle la France a pris une part essentielle, risque de tourner court.

Les Etats-Unis, en effet, n'ont accepté de procéder à un règlement très partiel de leur dette que pour éloigner la sanction prévue à l'article 19 de la Charte, c'est-à-dire la suspension de leur voix en Assemblée générale. Ils restent débiteurs de 1,4 milliard de dollars. Une reprise durable de la capacité de l'ONU suppose la levée de cette hypothèque. Pour affirmer et faire progresser ce fragile renforcement de l'ONU, un débat élargi devra s'ouvrir pour qu'une solution soit trouvée qui rétablisse les équilibres du financement, voire ceux de la participation à la décision, compte tenu de la place des puissances dans l'équilibre des relations internationales.

J'évoquerai maintenant deux autres points : la coopération militaire et de défense et la construction de l'Europe de la sécurité et de la défense.

S'agissant de la coopération militaire, on ne peut que se réjouir de la poursuite du rééquilibrage des actions entre pays dits « du champ », qui relevaient traditionnellement du ministère de la coopération, et pays dits « hors champ ». Conformément aux orientations fixées en 1998, les crédits du chapitre 42-29, consacrés aux pays « du champ », diminuent encore, passant de 622,5 millions à 577,1 millions de francs, soit une diminution de 7,3 %, t andis que ceux destinés aux pays « hors champ » atteignent désormais 143,3 millions de francs, contre 132 millions en 2000 et 86,1 millions en 1998.

S'agissant de l'aide en personnel, il faut remarquer l'évolution dans la zone dite de l'« ex-hors-champ » : en deux ans, le nombre de coopérants militaires sera passé de neuf à vingt et un dans les pays d'Europe centrale, orientale et balkanique, et de treize à vingt dans les pays du Golfe et du Moyen-Orient. De plus, pour la première fois, une mission de coopération militaire digne de ce nom existera en Europe, puisque le nombre de coopérants militaires affectés à la mission en Roumanie passera de un à huit.

La réorientation des tâches des coopérants, d'une coopération de substitution vers une coopération de formation et de conseil, se poursuit. Un tiers des coopérants est désormais affecté dans des écoles, et par conséquent à des tâches de formation.

La politique de transfert sur place de la formation est poursuivie. Onze écoles nationales à vocation régionale - ENVR - fonctionnent à présent en Afrique, et trois nouvelles devraient ouvrir en 2001. Une ENVR de gendarmerie va également ouvrir en Roumanie, ce qui est une première. L'augmentation considérable du nombre de stagiaires ainsi formés permet de limiter et de recentrer les formations offertes en France, réduisant d'autant leur coût.

Enfin, l'aide en matériel passe de 172 millions à 149 millions de francs, auxquels s'ajoutent 8 millions de subventions d'investissement. Cette diminution est liée à la suspension de la coopération avec les Comores, le Niger et la Mauritanie.

Je dirai enfin quelques mots des crédits relatifs à la participation de la France à l'OTAN, à la PESC et à l'UEO.

On connaît l'évolution de la PESC. Une étape nouvelle de sa mise en place devrait être la définition des capacités européennes mobilisables à l'occasion de la conférence d'engagement des forces de novembre prochain. Cette étape est aussi un pas supplémentaire vers l'intégration de l'UEO au sein de l'Union européenne, en application des orientations du traité d'Amsterdam.

Cette politique est à rapprocher de l'évolution actuelle de l'OTAN. L'élément opérationnel essentiel en est la mise en place des GFIM, les états-majors de groupes de forces interarmées multinationales. L'OTAN réoganise en effet son dispositif militaire autour de ces GFIM.

Or il apparaît que cette nouvelle organisation, à laquelle la France participe, est favorable à l'enracinement de la politique européenne de sécurité et de défense, puisque, d'une part, il est acquis, depuis le sommet de Washington, que des GFIM pourront être dirigés, à terme, par l'Union européenne, et, d'autre part, que l'organisation de ces états-majors projetables est similaire à celle d'états-majors exclusivement européens, comme le Corps européen, qui vient de diriger la KFOR à Pristina.

Sous le bénéfice de ces observations, messieurs les ministres, la commission de la défense a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du budget des affaires étrangères pour 2001. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les relations culturelles internationales et la francophonie.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le rapporteur de la commission des finances ayant été très complet dans son exposé, j'en viendrai directement aux différentes caractéristiques touchant plus particulièrement les relations culturelles internationales et la francophonie.

En matière de relations culturelles extérieures, les g randes priorités politiques retenues pour 2001 concernent le développement de notre coopération avec l es pays balkaniques, la réouverture progressive des centres culturels en Algérie et la poursuite du programme

« Eiffel » des bourses d'excellence sur lequel je m'étais permis d'appeler votre attention l'an dernier et qui devrait atteindre l'année prochaine sa vitesse de croisière.

Ce programme, qui permettra l'accueil de 1 000 boursiers dans nos universités et grandes écoles, nécessite une enveloppe globale de 100 millions de frans.

Il faut relever que l'ensemble des crédits concourant au financement de la francophonie - 273 millions de francs en 2001 -, transitant par le Fonds multilatéral unique, sont désormais regroupés sur un article unique du titre IV. Nous devons nous féliciter de ce premier pas vers l'identification budgétaire de l'action francophone de notre pays. Dans le cadre de notre politique de francophonie au sens large, je note que les dotations de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger sont en augmentation de plus de 2 % par rapport à la loi de finances pour 2000. De la même façon, l'action audiovisuelle extérieure continue de bénéficier d'un soutien constant avec une augmentation de plus de 1 % des crédits qui lui sont consacrés.

Le rapport que je vous présente aujourd'hui, et qui a d'ailleurs amené la commission des affaires culturelles, familiales et sociales à donner un avis favorable à l'adoption des crédits des relations culturelles internationales et de la francophonie, est centré sur la problématique de la


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langue française sous deux aspects. Il s'agit, d'une part, d'analyser les actions concourant pour 2001 à la diffusion et à l'enseignement de la langue française, en particulier dans l'espace européen et, d'autre part, de faire le point sur l'utilisation du français au sein des instances internationales et communautaires. La place de notre langue dans le monde et notamment en Europe faisant souvent l'objet d'interpellations fortes à cette tribune, et ailleurs, j'ai souhaité aller au-delà de la vision souvent réductrice donnée à cette problématique.

S'agissant de la diffusion du français dans les pays de l'Union européenne, comme dans ceux candidats à l'adhésion, les situations sont évidemment contrastées.

Pour ce qui est de l'union européenne, l'objectif affiché des instances communautaires est de porter à 10 % le nombre des étudiants maîtrisant trois langues de l'Union à l'horizon de 2010. Cette démarche devrait largement profiter au français, bien que dans des proportions moindres que pour l'anglais. Notons que le français occupe des positions encore incertaines dans plusieurs pays d'Europe centrale et orientale ainsi que dans les pays baltes. Depuis dix ans, toutefois, des initiatives législatives ont permis l'ouverture de l'enseignement et des médias dans ces pays. Et le français a logiquement bénéficié de ce mouvement.

Si l'on considère le rayonnement du français en Europe, on observe que notre langue occupe en général une position satisfaisante dans les domaines culturels comme en matière de presse écrite et d'audiovisuel. Le tissu des manifestations culturelles francophones est en effet particulièrement dense en Europe, ce qui se manifeste par un grand intérêt de la part des publics, notamment jeunes, pour le cinéma, le théâtre, les chansons, les livres ou encore les bandes dessinées en français. Une participation très importante a assuré, dans les pays candidats à l'intégration européenne, le succès du concours scolaire « Allons en France, Europe 2000 » organisé par la France à l'occasion de la présidence de l'Union européenne.

La diffusion de la presse écrite française présente une situation satisfaisante dans l'ensemble des pays européens.

Il faut savoir que 68 % des publications de la presse française vendues à l'étranger le sont en Europe. En matière de diffusion de programmes radiophoniques, les situations diffèrent largement d'un pays à l'autre. Le même constat peut être fait s'agissant de la pénétration des programmes audiovisuels. Si celle-ci s'est globalement accrue, grâce notamment aux actions de TV 5, les taux d'audience demeurent parfois insatisfaisants.

D ans le domaine scientifique, et particulièrement médical, l'utilisation du français demeure faible. En revanche, la place occupée par notre langue dans la sphère juridique est relativement confortable. On peut par exemple citer la création, en avril 1997, de l'association des cours constitutionnels ayant en partage l'usage du français.

La promotion de la langue française constitue une priorité du Gouvernement. D'une manière générale, le français reste, après l'anglais, la langue la plus apprise au monde. Les actions, coordonnées au sein de la sousdirection du français créée l'année passée au sein de la direction générale de la coopération internationale et du développement, visent quatre objectifs principaux. Tout d'abord, la promotion de la diversité des langues et des cultures. Il est important de rappeler que nous ne nous plaçons plus dans une vision réductrice du français contre l'anglais ; le français s'inscrit désormais dans une vision moderne, celle du pluralisme linguistique et de la diversité culturelle. Ensuite, le maintien du statut international du français. Par ailleurs, l'encouragement à l'enseignement de deux langues vivantes étrangères. Enfin, le développement de l'usage professionnel de la langue française grâce notamment aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. Sur ce sujet, une initiative va d'ailleurs prochainement voir le jour.

Il faut se féliciter à cet égard de l'efficacité du réseau de la Fédération internationale des professeurs de français qui compte actuellement 130 associations et 70 000 adhérents dans plus de 100 pays. En juillet 2000, s'est tenu à Paris le dixième congrès de cette fédération, auquel votre rapporteur a d'ailleurs participé. Cette manifestation a connu un grand succès et un retentissement certain à l'étranger car elle a réuni 3 300 professeurs et a notamment permis la restructuration de la revue Le Français dans le monde.

Il faut mentionner également la récente rénovation du système de bourses en faveur des étudiants étrangers. Le nombre des boursiers étrangers présents en France est stabilisé depuis dix ans à 22 000 environ. Certes, la durée moyenne des bourses a diminué et le budget global qui leur est consacré a chuté. Mais cette baisse globale des moyens doit être relativisée car, avec le programme de bourses d'excellence Eiffel, les étudiants en bénéficiant sont ciblés de manière plus efficace.

Reste que de plus en plus d'étudiants étrangers s'orientent vers le monde anglo-saxon notamment dans les disciplines de l'entreprise et de la haute administration. D'où la nécessité pour notre pays de réagir en assurant une meilleure promotion, c'est-à-dire une meilleure visibilité, de notre offre d'enseignement supérieur. C'est l'une des tâches de l'agence Edufrance créée en 1998.

Il convient aujourd'hui - et vous ne serez pas surpris que j'insiste sur ce point - d'intervenir de façon accrue dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et de la communication qui constitueront de plus en plus l'outil majeur du rayonnement de la langue française. Cela passe notamment par la mise en ligne de contenus et de services d'intérêt général. Dans cette perspective, un site portail pour les professeurs de français dans le monde a été ouvert en juillet dernier au moment du congrès auquel j'ai fait référence. A terme, il est prévu de fournir une adresse électronique à chacun de ces professeurs.

La création d'une grande université française en ligne est toujours en projet. Sans doute faut-il en accélérer la réalisation car elle constituerait indubitablement un élément très appréciable de visibilité de l'offre de formation supérieure française et francophone. Indiquons également le lancement, à la fin de cette année, d'un site portail des principaux médias français et le succès confirmé du fonds francophone des « inforoutes » qui, je le rappelle, est un fonds multilatéral.

J'en arrive maintenant au nécessaire combat à mener pour assurer la place du français dans les instances internationales, notamment communautaires. C'est une autre dimension de la mobilisation contre l'uniformisation culturelle et linguistique. En effet, on ne peut que constater un décalage important entre le statut de langue officielle du français dans la plupart des organisations internationales et son utilisation effective. Au sein des Nations unies, la prééminence de l'anglais se confirme malgré le statut de langue officielle du français. A cet égard, il est révélateur que, en 1998, à l'assemblée générale des Nations unies, 25 délégations s'exprimaient en français pour 95 qui le faisaient en anglais.


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S'agissant de la confection des documents de travail, on constate également une dégradation de la place du français. Au Conseil de l'Europe, les documents essentiels sont souvent disponibles en anglais avant d'être, trop souvent tardivement, traduits en français. Partant de ce constat, les chefs d'Etat et de gouvernement concernés ont, lors du sommet de la francophonie qui s'est tenu à Hanoï en 1997, pris la décision de confier à l'Agence de la francophonie la mise en oeuvre d'un plan d'urgence.

Celui-ci consiste notamment à augmenter les recrutements francophones au sein des Nations unies. La France est le principal bailleur de fonds pour l'ensemble de ces actions.

S'agissant plus précisément de l'Union européenne, le recul du français va en s'accentuant, une des explications les plus évidentes étant que les pays ayant dernièrement adhéré sont plus anglophones que francophones. Ainsi, la position dominante de la langue française au début de la construction européenne est aujourd'hui occupée par l'anglais, et l'élargissement de l'Union européenne aux pays de l'Europe centrale et orientale se prépare dans des conditions défavorables pour notre langue.

De façon générale, si le français conserve son rang de seconde langue de communication interne et externe des i nstitutions communautaires - l'allemand est loin derrière -, sa situation relative par rapport à l'anglais ne cesse de se dégrader, essentiellement au sein du Conseil et de la Commission.

Un phénomène identique se manifeste pour la confection des douments de travail, même s'il faut relever que ceux du Parlement et de la Cour de justice demeurent majoritairement rédigés en français. Mais en général, depuis 1993 - et j'insiste sur ce point -, le français recule comme langue de rédaction primaire. Notre langue est ainsi devenue au fil du temps une langue de traduction.

A cet égard, on doit d'ailleurs relever les difficultés de plus en plus notables liées aux délais de traduction, qui sont particulièrement longs.

Examinons cependant les points forts du français.

Celui-ci reste très utilisé au sein du Comité des représentants permanents. De même, la culture juridique des institutions européennes est assez largement inspirée par les fondements du droit français, et le français reste la langue h abituelle des juristes. Les principes anglo-saxons prennent néanmoins une place de plus en plus grande, notamment pour les règles de concurrence.

Le nombre des fonctionnaires francophones au sein des communautés n'est pas connu à ce jour avec précision.

En revanche, on sait qu'à la Commission, les francophones et les membres des pays latins sont encore largement majoritaires dans les services, y compris dans l'encadrement.

Le français reste, au sein de la Commission comme au sein du Parlement, une langue véhiculaire et est couramment utilisée. Notre langue est maîtrisée, au moins à l'écrit, par une grande majorité de fonctionnaires communautaires qui se voient d'ailleurs proposer, s'ils ne sont pas francophones au départ, des formations en langue française.

En conclusion, vous l'aurez noté, les situations sont très contrastées et la place de notre langue et celle de la francophonie restent finalement plus solides que certains discours alarmistes pourraient le faire croire.

En définitive, la situation du français dans le monde n'est-elle pas une conséquence de l'attitude développée par les Français eux-mêmes à l'égard de leur langue maternelle ? Il est admis dès le plus jeune âge, c'est-à-dire dès les classes primaires, que cette langue est difficile, complexe, et doit en quelque sorte se mériter. C'est une particularité française, et le succès de la manifestation annuelle de masochisme national qu'est la dictée de Bernard Pivot est à cet égard révélatrice ! (Sourires.)

Il convient aujourd'hui de décomplexer les Français vis-à-vis de leur langue et de désacraliser celle-ci. Cette nécessaire désacralisation du français devrait, de fait, les inciter à se faire plus volontiers les promoteurs du français à l'étranger. Dans cet esprit, je l'ai déjà noté et je le redis encore une fois avant de terminer mon intervention, les Français doivent devenir un peuple traducteur et, pour cela, utiliser pleinement les moyens offerts par les nouv elles technologies de l'information et de la communication.

En effet, naviguer sur la toile, contrairement à l'idée que l'on s'en fait, n'est pas naviguer dans l'uniformisation culturelle et linguistique mais au contraire naviguer dans l'océan des langues, et croiser, plus souvent qu'on ne le croit, le désir de France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les relations culturelles internationales et la francophonie.

M. Georges Hage, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, la fin de la guerre froide et la mondialisation ont créé une situation nouvelle, caractérisée par l'accroissement de l'hégémonie linguistique et culturelle du monde anglo-saxon, privilège accordé par l'histoire à l'impérialisme le plus puissant et de longue date dénoncé et une menace.

Le risque croît d'une uniformisation planétaire des cultures. Beaucoup y voient simplement la conséquence inéluctable d'un univers en voie d'unification par le biais des flux financiers et des technologies de la communication. Les identités culturelles et linguistiques deviendraient alors des archaïsmes regrettables segmentant, voire perturbant un monde de plus en plus lisse, dont l'américanisation serait la principale garantie de pacification.

C'est contre cette utopie dangereuse, où la naïveté le dispute à l'ignorance, que la France s'efforce de lutter, car elle y perçoit, à juste titre, à la fois un risque d'appauvrissement culturel généralisé et de crispations identitaires. Face à la tentation de servitude volontaire vis-à-vis du monde anglo-saxon, la France se fait le champion de la « diversité culturelle » qui s'exprime dans la volonté de promouvoir toutes les cultures du monde à l'échelle de la planète. Pour ce faire, elle a organisé son action multilatérale autour de deux axes - le renforcement de la francophonie politique et la promotion de la diversité linguistique et culturelle - et donné à son action bilatérale quatre axes prioritaires en insistant sur la nécessaire promotion de son enseignement supérieur.

Je parlerai d'abord de son action multilatérale. Depuis longtemps, la France a fait de la francophonie une dimension de sa politique étrangère mais ce n'est que récemment qu'elle a entrepris de la structurer et de l'institutionnaliser afin d'en accroître la visibilité et l'efficacité.

La francophonie ne doit plus simplement demeurer un groupe de discussion et de délibération, mais elle doit devenir également un espace de décision et d'action.

L'enjeu est de développer une volonté de solidarité francophone et de permettre aux pays qui se reconnaissent dans la francophonie d'être mieux à même de faire valoir


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leur point de vue commun ou, à tout le moins, de se concerter lors des négociations qui se déroulent dans le monde et les grandes enceintes internationales.

Trois ans après le sommet de Hanoï, des progrès sensibles ont été accomplis sur le plan de la coordination des opérateurs. L'évaluation entreprise de l'Agence universitaire de la francophonie devrait être suivie par celle des autres opérateurs. Nous devons tendre vers plus de rigueur dans la gestion de ceux-ci et une plus grande lisibilité de leurs programmes. C'est là un travail essentiel de nature à renforcer la crédibilité du dispositif francophone.

Le prochain sommet francophone prévu à Beyrouth en octobre 2001 devrait être l'occasion d'actualiser les priorités de notre action multilatérale et de continuer l'approfondissement des réformes de structures et de procédures.

Il devrait permettre de renforcer la place de la francophonie institutionnelle sur la scène internationale.

Le dialogue entre les cultures sera le thème principal d u prochain sommet de Beyrouth. La défense de l'« exception culturelle » a laissé la place à celle de la

« diversité culturelle », plus ouverte et plus dynamique.

Cette nouvelle notion traduit mieux que la précédente le fait que l'enjeu n'est pas seulement la défense de la culture française, mais bien celle de l'ensemble des cultures du monde.

L'échec de la conférence de Seattle en décembre 1999 a eu pour résultat l'ajournement sine die du lancement d'un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales. Il faudra certainement attendre l'entrée en fonction du nouveau gouvernement américain en 2001 pour que la situation se débloque. Ces nouvelles négociations pourraient être l'occasion d'une offensive des Etats-Unis pour essayer de remettre en cause l'exception culturelle européenne, qui représente un obstacle aux intérêts commerciaux de leurs entreprises audiovisuelles. Il est probable que l'offensive américaine se fera cette fois de manière indirecte, au travers notamment des discussions sur les subventions ou sur les nouvelles technologies et le commerce électronique. Il est donc indispensable que le Gouvernement français continue de sensibiliser ses partenaires sur l'impératif de préservation et de promotion de la diversité culturelle. Il est notamment nécessaire de rallier à cette cause le plus grand nombre possible de paysr essortissant d'autres aires linguistiques que la francophonie.

Nous souhaiterions également que la France suscite une large discussion sur le thème de la diversité culturelle au sein de l'Unesco, qui nous apparaît comme l'enceinte la plus appropriée - davantage en tout cas que l'OMC pour parler de ces questions. Ces travaux pourraient servir de base à l'adoption ultérieure d'une déclaration universelle sur la diversité culturelle.

J'en viens aux actions bilatérales, qui ont déjà été évoquées par les orateurs précédents. Le ministère a retenu pour 2001 quatre priorités en matière de relations culturelles extérieures.

La première concerne le développement de notre coopération culturelle avec les pays balkaniques. Les crédits actuellement disponibles sont trop restreints pour nous permettre d'agir de façon significative dans une région qui a un besoin urgent d'une présence plus soutenue des pays européens pour assurer sa stabilité et sa démocratisation. Dix millions de francs devraient être dégagés pour des actions facilitant le rapprochement entre les populations : échanges entre jeunes, promotion du français parmi les élites balkaniques, développement des contacts entre les intellectuels et les artistes de la région, ouvertures et restructurations des centres de ressources.

La deuxième priorité, c'est la réouverture de nos centres culturels en Algérie.

La troisième priorité vise l'adaptation de l'offre audiovisuelle au Maghreb et au Proche-Orient pour garantir la diffusion de programmes français dans ces zones géographiques. Il est apparu urgent de mettre en place une offre capable d'intéresser la jeunesse arabe : les moins de 25 ans représentent 65 % de la population et il est stratégique d'être à même de les atteindre. Le département a d emandé à France Télévision et TV5 de réfléchir conjointement à un projet. Dix millions de francs de mesures nouvelles sont prévus à cet effet.

Enfin, la quatrième priorité a trait à la poursuite du programme Eiffel des bourses d'excellence, qui devra a tteindre sa vitesse de croisière par l'accueil de 1 000 boursiers dans nos universités et grandes écoles.

Cette dernière priorité renvoie à une politique fondamentale du rayonnement de la France dans le monde : la politique de formation des élites étrangères. L'action de la France dans ce domaine se situe désormais dans un contexte international de concurrence car la formation est devenue un marché sur lequel les pays anglo-saxons sont désormais particulièrement actifs.

Avec 150 000 étudiants étrangers, la France se situe actuellement au quatrième rang des pays d'accueil, après les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne. Mieux faire connaître notre offre de formation supérieure, simplifier les démarches des étudiants étrangers, accueillir et former dans de bonnes conditions, tels sont les défis que s'efforce de relever la France en orientant son action dans trois directions.

Tout d'abord, les procédures relatives à l'attribution des visas pour les étudiants étrangers ont été allégées.

Ensuite, de nouveaux programmes de bourses ont été créés, le programme Eiffel que nous avons déjà évoqué après d'autres orateurs ainsi que de grands programmes de formation très ciblés ont été mis en place en collaboration avec des partenaires étrangers.

Enfin, la création de l'agence Edufrance, qui est un groupement d'intérêt public, en novembre 1998, a permis de renforcer la promotion de l'offre française en matière de formation supérieure et d'expertise scientifique.

Tous ces efforts ont déjà porté leurs fruits : le nombre de visas étudiants a augmenté de 25 % en 1999 par rapport à 1998 et de 44 % au premier semestre 2000 par rapport au premier semestre 1999.

Au-delà de ces chiffres, nous estimons qu'il est encore possible de pallier certaines faiblesses du dispositif universitaire français. Des efforts supplémentaires devront être accomplis pour améliorer la qualité des conditions d'accueil matériel et psychologique en France des étudiants étrangers, pour promouvoir des offres de formation à la fois souples et personnalisées, pour associer l'anglais aux formations proposées et proposer des mises à niveau en français avant le début des cours, ce qui permettra de ne pas faire de la maîtrise de la langue un préalable.

Il est par ailleurs significatif de constater qu'un faible pourcentage de bacheliers des lycées français à l'étranger choisit d'effectuer des études supérieures en France ; une priorité devrait leur être accordée pour davantage les y inciter.


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Il nous apparaît indispensable d'accompagner cette politique de venue d'étudiants étrangers en France par u ne politique d'exportation d'enseignants français à l'étranger par la création de filières ou l'enseignement à distance.

Je conclurai en rappelant que, lors de la dernière conférence des ambassadeurs en août 2000, le ministre de l'éducation nationale, M. Jack Lang, appelait à la mobilisation et à la créativité de tous les intervenants pour

« gagner la guerre culturelle mondiale ». Quant à nous, qui ferons l'économie de ce langage martial, nous souhaiterons simplement que la France soit bien présente dans cette nouvelle société mondiale de l'information en voie de constitution. Cela exige au préalable que l'on s'interroge sur le contenu d'un projet culturel extérieur qui fait aujourd'hui cruellement défaut. Il conviendra un jour de répondre à la question : quelle France souhaitonsnous promouvoir ? La commission des affaires étrangères vous invite à donner un avis favorable à l'adoption des crédits des relations culturelles internationales et de la francophonie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à monsieur le président de la commission des affaires étrangères.

M. François Loncle, président de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour la deuxième année consécutive, le projet de budget du ministère des affaires étrangères permet de préserver les moyens de fonctionnement et l'action du Quai d'Orsay.

Les cinq priorités qui avaient été affichées ont donc été respectées : maintien des effectifs et des moyens de fonctionnement ; confirmation de l'effort sur l'audiovisuel extérieur ; progression des contributions volontaires aux organisations internationales, - dans certains cas, j'y reviendrai - augmentation du soutien apporté aux Français de l'étranger ; préservation de l'aide au développement.

Est-ce suffisant ? Au regard des ambitions de politique étrangère que vous vous êtes fixées à juste titre pour la France, non ! Les rapporteurs l'ont démontré.

Il est désolant de constater la stagnation de certaines contributions volontaires...

M. Jean-Claude Lefort. Absolument.

M. François Loncle, président de la commission.

... notamment en direction des organisations dépendant de l'ONU, au moment où nous fondons, à juste titre, de nouveaux espoirs sur un renforcement de l'organisation des Nations unies et sur ses possibilités de réforme.

Mais, mes chers collègues, le débat sur le budget du ministère des affaires étrangères est aussi l'occasion d'évoquer l'action diplomatique française durant l'année écoulée et surtout de dessiner des perpectives.

Alors que la conférence intergouvernementale et la présidence française de l'Union européenne arrivent dans un mois à leur terme, permettez-moi d'aborder à nouveau le sujet primordial de la construction européenne.

Je souhaite que le Gouvernement fasse preuve d'une volonté plus ferme, plus résolue, plus assurée, sur trois axes principaux de la politique européenne, à savoir l'élargissement, la politique étrangère et de sécurité commune, la finalité de l'Union.

L'élargissement est le grand défi de l'Union européenne. C'est une exigence et un devoir que l'histoire rejoigne enfin la géographie de notre continent. Sous le vocable flou d'élargissement se cache un projet fondamental : la naissance d'un espace de liberté et de prospérité étendu à l'ensemble de l'Europe. C'est l'objectif qui se trouve au coeur de la construction européenne.

Aussi importants soient les textes et les réglementations, l'Europe ne se résume pas à une communauté réduite aux « acquis ». C'est un projet politique qui consiste non seulement à faire vivre ensemble des peuples mais surtout à les rapprocher, à les unir, à créer entre eux une solide solidarité, et n'ayons pas peur des mots, une fraternité.

C'est pourquoi il faut cesser de prendre le dossier de l'élargissement avec des pincettes, d'être frileux ou trop précautionneux. L'élargissement est également une grande chance, notamment pour les ambitions françaises. Nous en tirerons maints avantages, aussi bien politiques qu'économiques. L'élargissement accroîtra sensiblement le poids et l'influence de l'Europe dans le monde. Il sert, comme on l'a vu lors de l'élargissement vers le Sud, l'intérêt de l'Europe entière et aussi notre propre intérêt.

Les réserves que nous manifestons trop souvent à l'égard de l'élargissement servent les populistes de tout acabit qui cherchent chez nous et ailleurs à exploiter les fantasmes liés à l'ouverture à l'Est.

L'on comprend bien que les Etats membres soient partagés entre le souci de voir remplies par les pays candidats les conditions institutionnelles et techniques de l'intégration et le sentiment que l'on ne peut plus laisser ces pays hors de l'Union.

Les négociations doivent prendre en compte les questions qui intéressent tous les Européens, telles la sécurité nucléaire ou l'élimination de la corruption, la lutte contre le crime organisé. Peut-être l'Union devrait-elle accorder plus de moyens à la coopération afin de favoriser l'application de mesures nécessaires pour remédier à ces problèmes qui semblent plus déterminants que de clore tel ou tel chapitre de l'acquis communautaire.

Après le sommet de Nice qui, je l'espère, permettra de trouver des solutions satisfaisantes aux problèmes institutionnels...

M. Charles Ehrmann.

Oui.

M. François Loncle, président de la commission.

... afin de faire fonctionner une Union agrandie, il faudra s'atteler sans tarder à déterminer le cadre de l'élargissement.

Fixons une date non pas d'adhésion mais à partir de laquelle l'Union sera prête à admettre de nouveaux adhérents.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Oui.

M. François Loncle, président de la commission.

Comme l'a montré l'exemple de l'Union économique et monétaire, la fixation d'un calendrier précis à une grande vertu, en mobilisant les énergies, en donnant un but, en dégageant un horizon d'avenir.

Pourquoi d'ailleurs ne pas commencer dès maintenant ? Associons les pays candidats qui le souhaitent à des initiatives ou des projets communs. Je pense notamment à la politique étrangère et de sécurité commune. Proposons-leur d'adhérer à la Charte des droits fondamentaux.

S'agissant de la politique étrangère commune, abandonnons certaines illusions d'une autre époque. Le rôle de la France dans le monde passe par la construction européenne. Engageons-nous avec détermination dans l'élaboration et la mise en oeuvre d'une véritable politique extérieure et de sécurité commune. Il faut mettre fin aux dissonnances que l'on a pu constater sur le Proche-Orient


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ou aux cafouillages navrants, comme ce fut le cas avec la reconnaissance de la Corée du Nord par certains de nos partenaires sans concertation au plan européen.

Face à l'hyperpuissance américaine, l'Europe-puissance politique en est encore au stade embryonnaire. Elle ne parvient toujours pas à parler clairement et fortement, parce qu'elle ne s'exprime pas d'une seule voix. Si une réforme structurelle est nécessaire pour parvenir à cette h armonisation, réfléchissons-y ensemble et dès maintenant.

Comment valoriser le rôle de Javier Solana, le haut représentant pour la PESC et lui donner plus d'efficacité ? Il fait preuve d'une grande activité itinérante ; avec lui, la diplomatie européenne a reçu un visage et un nom. Mais elle ne semble toujours pas avoir un seul numéro de téléphone, comme ironisait déjà Henry Kissinger il y a vingt-cinq ans.

Les rencontres au niveau parlementaire avec les représentants des pays candidats montrent que la PESC, ainsi d'ailleurs que la politique européenne de défense, suscitent de véritables attentes en dehors de l'Union comme en son sein. Les quinze ont progressé vers plus de maturité et ont su agir de concert en faveur de la stabilisation du continent européen, par exemple en ex-Yougoslavie.

La cohérence de la PESC sera obtenue au terme de plusieurs évolutions. Le renforcement et la valorisation du rôle du secrétaire général, haut représentant, et la révi sion du mécanisme de prise de décision devraient être les premières de ces évolutions. Mais je souligne que la repondération des voix au Conseil, que nous attendons, bénéficiera certainement aussi à cette politique.

Le haut représentant a-t-il des moyens suffisants vis-àvis de la Commission qui détient, quant à elle, le droit d'initiative et des moyens budgétaires importants ? Javier Solana dispose de l'unité de planification mais, comme la France et l'Allemagne l'ont déjà souligné, son rôle doit être renforcé : la responsabilité de présenter les questions relatives à la PESC lors des conseils européens pourrait lui être confiée, ainsi que la présidence du comité politique.

L'idée de scinder les travaux du conseil « affaires générales » en deux formations distinctes, dont l'une serait expressément chargée de la PESC sous l'autorité des ministres des affaires étrangères, semble faire son chemin.

L'Union a-t-elle une chance d'apparaître comme un acteur majeur sur la scène internationale, au-delà du rôle de simple bailleur de fonds ? A cet égard, le développement de l'outil militaire est un élément important, mais il ne fera pas tout. C'est pourquoi l'Union doit effectuer ces « petits pas » décisifs qui donneront une réalité accrue à la PESC.

Dernier élément de mon propos : la finalité même de l'Union. Différentes voix se sont élevées en faveur d'une refonte des textes fondateurs européens, au-delà des révisions de Nice. La réflexion sur la pertinence d'une Constitution européenne doit se poursuivre afin que notre pays soit à même de défendre une position définie.

Je souligne qu'une réorganisation, fût-elle minimale, s'impose : c'est celle qui permettrait de distinguer les dispositions à caractère fondamental et les textes d'application. Ces derniers pourraient être modifiés selon une procédure moins lourde que celle en vigueur pour la révision des traités. A défaut de cette révision minimale, comment peut-on envisager une conférence intergouvernementale à vingt et un Etats membres ou plus ? Cessons donc de rechigner à participer au grand débat lancé par Joschka Fischer, Jacques Delors, vous-même et d'autres, monsieur le ministre, sur l'avenir de l'Europe.

Ne prétextons plus les prétendues interrogations des autres pays pour éviter ou retarder cette discussion fondamentale. Arrêtons d'utiliser l'alibi : « c'est la faute aux autres » ou « les autres ne veulent pas », alibi du reste souvent inexact. Serait-ce un artifice qui ne servirait qu'à dissimuler notre manque de volonté, notre absence d'imagination ? D'autres chantiers s'ouvrent à nous : celui de la défense est au premier plan des réflexions.

Mais il en est un autre, sur lequel je voudrais appeler l'attention. Les institutions européennes sont parvenues à un accord sur l'unité Eurojust qui devra être opérationnelle dès 2001 afin de renforcer les moyens de lutte contre la criminalité organisée. Ce premier pas vers la coordination des enquêtes et des poursuites doit être approuvé. Mais la création d'Eurojust ne doit pas avoir pour conséquence de retarder l'instauration du parquet européen réclamé par les magistrats confrontés aux réseaux de criminalité transnationale.

L'émergence de l'Europe de la justice sera un autre moyen de donner une finalité à l'Europe, au même titre que l'emploi, la monnaie, la politique étrangère, la défense.

Répétons-le, mes chers collègues, la France a besoin de l'Europe, l'Europe a besoin de la France.

A l'heure de la mondialisation, vous l'avez fort bien dit et écrit, monsieur le ministre Hubert Védrine, cette volonté, cette ambition européenne, ce sont les cartes de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Charles Ehrmann.

On ne peut pas élargir sans changer les institutions !

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, avant de vous présenter le budget que Charles Josselin et moi-même allons vous commenter, je me livrerai à quelques rappels plus généraux sur le contexte dans lequel s'inscrit la politique étrangère de la France, saisissant l'occasion que m'offre l'examen budgétaire pour poursuivre dans cet hémicycle le débat que nous conduisons avec un certain nombre d'entre vous, notamment les commissaires, les rapporteurs et tous ceux qui suivent de près notre politique étrangère.

La discussion budgétaire ne saurait en effet se borner aux seuls crédits et à leur répartition ; elle doit également porter sur les analyses générales, les stratégies et la façon dont nous nous efforçons de conduire la politique étrangère de la France dans le monde tel qu'il est. Tout cela ne se limite pas à réagir aux crises ou à distribuer des crédits ; c'est aussi une question d'analyse, de stratégie.

Je ne vous infligerai pas un inventaire fastidieux de l'ensemble des activités de l'année écoulée, ni de commentaires sur la façon dont nous avons réagi aux crises innombrables qui l'ont marquée, préférant me livrer à quelques rappels sur quelques points majeurs, au demeurant peu nombreux.

La disparition du monde bipolaire que nous connaissions, du fait de l'implosion de l'URSS, nous a obligés, dans un monde devenu global, à reconstruire la politique étrangère. De ce fait, notre époque ne s'inscrit plus dans la continuité des décennies passées. Il n'est plus question


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de réagir avec les mêmes réflexes, les mêmes analyses, de plaquer sans arrêt les mêmes schémas et les mêmes slogans sur les mêmes sujets. Cette phase, dans laquelle nous sommes encore, de réadaptation, de reconstruction de la politique étrangère, implique tout un travail sémantique, linguistique, conceptuel pour savoir ce qu'il faut faire et pour essayer d'actualiser les discussions afin de rebâtir de nouveaux consensus. Durant toute cette période, particulièrement intéressante, il nous faut donc mettre les analyses à jour, vérifier la validité des slogans, nous assurer de la qualité de la méthode que nous employons pour défendre nos intérêts, promouvoir nos idées et nos valeurs. J'en donnerai rapidement quelques exemples.

Ainsi, pourquoi ai-je tant insisté sur le terme « hyperpuissance » ? Parce que ce n'est pas la même chose d'être face à une superpuissance classique, à la capacité essentiellement militaire, qui aurait été la seule à avoir survécu que d'être face à une hyperpuissance dont l'influence s'exerce par tous les moyens, par ce qu'on appelle le hard power et le soft power . Ce n'est pas la même chose, ni pour nous ni pour nos partenaires. Cela n'appelle pas exactement les mêmes réponses ni les mêmes stratégies.

De même, nous parlons de monde multipolaire. C'est très bien, et je suis le premier à promouvoir cet objectif et avec beaucoup d'énergie. Mais on ne saurait pour autant raisonner comme si le monde multipolaire futur était automatiquement meilleur que le monde unipolaire ; il se peut qu'il prenne une forme conflictuelle. Nous sommes donc conduits à aller au-delà des formules toutes faites : comment ce monde multipolaire, à supposer que l'actuel pôle le laisse évoluer dans ce sens, peut-il devenir un monde multipolaire coopératif et organisé ? Notre réflexion doit être poussée sur ce point.

Je poursuis à dessein dans des exemples assez variés pour illustrer mon propos. Tout le monde se réjouit et encense la société civile, et particulièrement la société civile internationale. Mais, elle aussi doit se voir appliquer le fameux « droit d'inventaire » que vous connaissez : la société civile internationale, ne l'oublions pas, est aussi un champ de bataille dans lequel s'affrontent des ONG d'origines diverses, parmi lesquelles on trouve le meilleur, mais également le reste... Et l'on y retrouve les mêmes hiérarchies de puissances ; ce sont les organisations non gouvernementales anglo-saxonnes qui dominent les mouvements auxquels on fait référence. Il ne faut donc pas se borner à une analyse superficielle ; il faut aller plus loin.

Autre exemple, l'entente franco-allemande : ce n'est pas la même chose de parler de « couple », qui relève d'une conception un peu autocentrée, j'y reviendrai à propos de l'exception culturelle, que de parler de « moteur ». Mieux vaut parler de « moteur », qui montre bien que la grande réussite de la relation franco-allemande au fil des décennies a été d'avoir pu entraîner le reste.

Dans l'Europe d'aujourd'hui - c'est particulièrement net depuis qu'elle est passée de treize à quinze, et c'est pourquoi la question de l'élargissement doit être préparée très sérieusement et non à coups d'incantations -, la capacité motrice de la relation franco-allemande, si elle reste fondamentale, indispensable, irremplaçable, n'est pas suffisante dans les systèmes européens tels qu'ils se dessinent depuis que nous sommes quinze, évolution que l'élargissement va accélérer de manière exponentielle.

Autre exemple, le droit ou devoir d'ingérence. La formule est très populaire, particulièrement en France, mais elle n'a pas du tout le même sens, la même connotation dans la plupart des autres pays. Et tant que l'on n'est pas c apable de répondre rigoureusement aux questions simples : « Qui s'ingère chez qui, pour faire quoi, au nom de quoi ? », on tourne un peu en rond, sauf si l'on reste sur le seul terrain légitime, incontestable, du chapitre VII de la Charte. Auquel cas, il est possible de progresser, pour peu que l'on parvienne à faire en sorte que les membres permanents du Conseil de sécurité, qui ont un droit de veto, s'autodisciplinent dans la façon dont ils gèrent leur propre pouvoir.

L'exception culturelle, dont on a parlé pendant des années, était elle aussi un terme très populaire chez nous.

Mais nous sommes dans un monde global où nous n'avons aucun moyen d'imposer aux autres, pas même à nos partenaires européens, de s'aligner sur nos positions.

Et cela ne sert à rien de le déplorer, parce que c'est ainsi que cela se présente. Nous sommes passés de l'« exception » à la « diversité » culturelle, et nous avons bien fait.

En effet, certains de nos partenaires nous l'ont fait comprendre, le mot « exception », s'il satisfait certains publics, notamment chez nous, n'avait aucun retentissement externe. Ce lent mouvement qui a conduit à passer de l'exception culturelle à la diversité, au « désir de France », pour reprendre la magnifique formule de Patrick Bloche, est l'exemple même d'une adaptation conceptuelle traduisant une adaptation de politique qui accroît nos capacités d'influence, l'exemple d'une heureuse évolution dans les batailles constantes où l'important est d'être capable de rassembler des majorités d'idées ou de réunir des minorités de blocage contre des évolutions dont nous ne voulons pas.

Dans la liste des formules toutes faites d'une autre époque, relevons encore la lutte contre l'impunité. Tout le monde y est évidemment favorable et salue les progrès dans ce domaine, lorsqu'il y en a. Mais, je ne cesse de l'ajouter, cela ne dispense pas les responsables politiques et diplomatiques de chercher sans arrêt à prévenir les tragédies en amont et à les régler par des solutions politiques. Ne mélangeons pas la capacité de la justice à intervenir dans son domaine propre - c'est la question de l'impunité au sens strict, notamment lorsque les justices nationales sont défaillantes - et la recherche de solutions politiques pour sortir des grandes tragédies, comme l'ont été bien des dictatures en tous genres dans ce siècle.

Un autre de ces exemples montrant à quel point ce travail de décantation des termes et de clarification des concepts est inséparable d'une politique étrangère efficace : l'élargissement de l'Europe. Cette question a donné lieu pendant des années à une intense démagogie. Au début, on n'osait pas dire aux pays candidats qu'entrer dans l'Union européenne, ce n'était pas simplement entrer dans le club des amis de la démocratie ou dans la caverne d'Ali Baba, ni que cela supposait un travail de préparation incroyablement difficile, tellement ce qu'on a ppelle les « acquis communautaires » sont devenus contraignants et élevés. Rien d'étonnant à ce que, plusieurs années après, une certaine désillusion se fasse jour dans les pays candidats, comme si on leur avait promis une entrée facile - ce que certains avaient fait -, laquelle tout à coup, apparaissait irréalisable.

La seule façon de répondre sérieusement sur ce sujet, c'est de traiter par la négociation jusqu'à ce que tous les problèmes soient résorbés, jusqu'à ce que chaque difficulté concrète que pose l'adhésion de chaque pays candidat soit résolue. Il n'y a pas à être pour ou contre l'élargissement ; c'est une évidence historique. Mais on n'y répondra bien que si l'on traite les problèmes qu'il pose.

Or, pendant des années et des années, on est passé à côté de cette question, comme s'il s'agissait seulement d'être pour ou contre.


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Autant d'exemples qui montrent à quel point, sur chacun des sujets dont nous avons l'habitude de traiter dans nos échanges et nos travaux sur la politique étrangère - je ne les reprendrai pas tous, ce n'est pas la nature de l'exercice aujourd'hui et ce serait bien trop long -, nous devrons aller au-delà des formules que vous, moi, chacun d'entre nous a coutume d'employer.

Beaucoup d'entre vous ont parlé de l'aide publique au développement. Charles Josselin apportera les réponses précises et détaillées que vous attendez. Permettez-moi seulement une remarque : l'aide publique au développement n'est pas une fin en soi. Nous devrions avoir le courage de dire que notre objectif est précisément qu'elle devienne inutile. Cela fait quarante ans que les pays dont vous avez beaucoup parlé sont indépendants. Quarante ans ! Tout en maintenant un haut niveau en termes d'ambitions comme en termes de crédits budgétaires, nous devrions être capables de faire preuve d'une vigilance plus grande sur leur bon emploi, de nous demander pourquoi certains pays, aidés depuis quarante ans, ne parviennent pas à se développer, tandis que d'autres, qui ne l'ont pas été, y ont réussi. Nous devons être capables de maintenir une politique faite d'ambition, de générosité, de responsabilité historique et de vision de l'avenir, toute n lui appliquant, comme à toutes les politiques publiques, la nécessaire culture de l'évaluation.

M. Maurice Adevah-Poeuf, rapporteur spécial.

Très bien !

M. le ministre des affaires étrangères.

Rien ne devrait échapper à la culture de l'évaluation.

François Loncle a parlé tout à l'heure, avec toute sa conviction, de nos ambitions européennes. Dès lors qu'on s'est fixé comme objectif une politique étrangère européenne, c'est que l'on a décidé de faire une politique étrangère non pas unique, mais commune, tout simplement par réalisme. Parce que si les dirigeants politiques peuvent prendre une décision majeure sur la monnaie, personne ne peut dire, par exemple, que tous les Européens penseront la même chose sur le Proche-Orient à partir du 15 mars prochain. On sait que cela ne marche pas comme ça, que cela ne peut pas exister comme cela.

Force est de se limiter à une ambition, dejà considérable, qui consiste à mettre au point des actions et des stratégies communes en partant de sensibilités totalement différentes et profondément enracinées. Si l'on ne part pas de cette réalité, on reste dans la pure rhétorique. Voilà pourquoi, retournant la formulation, je développe un raisonnement apparemment paradoxal, mais qui, à mon avis, a plus de chance de nous faire progresser : il consiste à dire qu'il n'y aura de politique étrangère européenne forte que s'il demeure des politiques étrangères nationales fortes. Faute de quoi, nous nous retrouverons à mettre en commun des politiques qui vont se ramener au plus petit dénominateur commun, à savoir que l'ensemble des Européens sont pour la démocratie, ils sont pour les droits de l'homme, mais qu'il ont du mal à aller au-delà sitôt que survient une crise aiguë. Sur les événements désolants du Proche-Orient des dernières semaines, par exemple, la France peut s'exprimer de façon construite et ambitieuse. Mais si elle fait une proposition à ses partenaires sur le sujet, chacun d'entre eux intervient pour enlever un mot qui lui paraît difficile ou délicat, et ne reste plus que le fait que l'Union européenne est préoccupée... (Sourires.)

M. Jean-Claude Lefort.

Certes !

M. le ministre des affaires étrangères.

Parce que nous sommes les héritiers, les continuateurs et, depuis l'époque du monde global, les réinventeurs de la politique étrangère, nous nous devons de préserver cet extraordinaire patrimoine pour le rendez-vous de demain ou de plus tard avec une Europe forte, nous n'avons pas le droit de le laisser se dissoudre dans un plus petit commun dénominateur. Or il faut avoir à l'esprit que, sur chacun des sujets auxquels vous êtes si attachés - et je remercie les rapporteurs, non seulement de leur soutien, mais aussi de leurs suggestions et de leurs critiques constructives -, ceux sur lesquels vous voulez une politique étrangère française plus ambitieuse, plus visible, plus forte, plus efficace, sur chacun des points que vous avez soulevés, nous sommes battus à la majorité qualifiée ! Je vous demande d'être attentifs à cette question et de réfléchir à la façon dont il va nous falloir, dans la mécanique européenne, à travers la démarche de la politique étrangère et de sécurité commune - commune et non unique -, dépasser ce paradoxe, faire en sorte que notre énergie, notre ambition serve de moteur à la politique européenne extérieure en formation, à la présence européenne dans le monde, un moteur qui additionne ce qu'il y a de plus fort dans les approches française, allemande, britannique et de tous les autres, mais qui surtout n'aille pas fonctionner dans l'autre sens... Je veux y insister car c'est un des sujets que j'ai pour ma part trouvés les plus compliqués de ceux que j'ai eus à traiter, un de ceux où l'écart entre la réalité, telle que je la vois fonctionner au sein des institutions européennes, et ce que nous disons dans nos propres débats est le plus grand. Pour trouver le moyen de progresser, nous sommes dialectiquement conduits à retourner en quelque sorte l'analyse de la situation.

C es quelques très rapides commentaires n'avaient d'autre but que de vous montrer à quel point ce travail de clarification, ce travail conceptuel, ce travail d'objectif et de langage me paraît inséparable de la façon dont doit être menée la politique étrangère dans une phase qui reste encore une période de transition et de reconstruction.

Je n'entrerai pas dans le détail de la liste interminable des crises. Notre monde global n'est pas du tout en train de se stabiliser. En réalité, pour toutes sortes de raisons, les Etats s'affaiblissent, ce qui y crée des conflits internes de désagrégation. Ou bien, alors qu'on leur demande de régler des problèmes globaux de plus en plus criants qui requièrent de plus en plus de force, ils en sont de plus en plus privés. C'est un des paradoxes de ce monde global.

Dans nos relations avec les Etats-Unis, nous les poursuivrons sur des bases claires : nous devons avoir la capacité de coopérer, d'appuyer et de soutenir, mais celle aussi de résister, de dire non et de proposer autre chose, capacité qu'il nous faut conserver quel que soit le prochain Président des Etats-Unis.

Par rapport à la Russie, nous devons avoir en tête que l'objectif numéro un est de savoir comment accompagner utilement sa modernisation économique, sociale et culturelle, l'évolution des mentalités et sa transformation politique donc démocratique. Il convient de la renforcer, de la faciliter, sans faire jamais l'impasse sur ce qui est fondamental, comme la Tchétchénie.

Dans les Balkans, nous pouvons, aujourd'hui, faire preuve d'un optimisme raisonnable, en raison du changement fondamental intervenu en Yougoslavie. Vous savez la part dynamique que la France a prise dans cette affaire.

En outre, les élections municipales ont fait gagner les modérés au Kosovo. Bien entendu, il n'est pas question de revenir à ces politiques à l'ancienne où l'on était soit plutôt ami des Serbes, soit plutôt des Croates, ou d'autres encore ; elles sont totalement périmées. Tous les Européens sont engagés dans la création de Balkans - terme


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que les pays de la région n'aiment plus guère, disons : le Sud-Est de l'Europe - modernes. Il s'agit, en fait, d'européaniser les Balkans. Cela prendra le temps qu'il faudra.

En tout cas, la situation d'aujourd'hui nous permet d'aller dans ce sens.

Ce qui s'est passé au Proche-Orient nous désole tous, nous qui avons été, d'une façon ou d'une autre, très engagés dans les espérances du processus de paix. Les Israéliens et les Palestiniens ont dépassé des limites telles qu'il aurait fallu plus de force politique encore pour obtenir des concessions et des compromis historiques. Ce qui est à craindre maintenant, c'est un processus inverse de

« déconstruction » des acquis. La priorité est donc de préserver tout ce qui peut l'être, de l'époque du processus de paix, en attentant de réunir à nouveau les conditions permettant la relance des discussions sur le fond. Ce qui ne peut que se produire puisque les deux peuples sont là, côte à côte, imbriqués, et qu'il n'y a pas d'autre alternative que la reprise de la négociation.

Je dirai enfin un mot sur l'Afrique, avant de conclure rapidement sur le budget. Nous poursuivons sur ce continent une politique qui se veut claire, consistant autant à assainir les mentalités de part et d'autre qu'à réagir le mieux possible aux situations. Ce sont des pays indépendants depuis quarante ans, vis-à-vis desquels nous sommes très engagés, historiquement et affectivement.

Nous faisons énormément en termes de coopération, de partenariat et d'aide, et nous continuerons. Mais, je le répète, ils sont indépendants et on ne peut pas se substituer à eux pour prendre les décisions qui sont les leurs, ni au nom d'idées néocolonialistes qui n'ont pas toujours disparu, ni au nom de conceptions modernes de l'ingérence qui, parfois, reviennent au même, pas plus que pour répondre à des appels qui nous sont lancés. Assainir les mentalités, il faut le faire autant chez eux que chez nous : en effet, certaines forces politiques de nombreux pays d'Afrique s'adressent à nous comme si nous devions encore organiser tout ce qui se passe chez eux, comme si nous en étions encore responsables. Parfois on nous instrumentalise en essayant de nous y « ingérer » de force. La seule vraie politique à mener, moderne, d'engagement constructif, doit être dégagée de toutes ces adhérences et de toutes ces tentations passéistes. Il faut clarifier la relation et bien marquer la différence entre engagement et coopération, d'une part, et ingérence, d'autre part, ingérence dont nous ne voulons pas.

C'est sur la base de tels principes que nous avons réagi aux événements de Côte d'Ivoire depuis un an. Ce n'est qu'un exemple, mais il y en a cinq ou six autres, tout aussi frappants. Nous continuerons dans la voie de cette clarification, qui n'est pas et ne sera jamais un désengagement, mais qui appelle des méthodes et des modalités différentes.

Sur tous ces sujets, depuis trois ans et demi que j'exerce cette charge et cette responsabilité passionnante, ce qui me frappe, c'est que nous sommes dans un monde où il est de plus en plus difficile d'obtenir un résultat simplement par la proclamation de nos convictions. Ce qui marche désormais, c'est quand les suggestions et analyses de la France apporte une réelle valeur ajoutée. A cet égard, vous savez que nous sommes un des pays les plus inventifs au monde pour ce qui est de faire des propositions de régulation de la mondialisation. Evidemment, nous nous heurtons à des obstacles considérables, parce qu'il y a des forces anti-régulation qui sont colossales, il faut le savoir. D'abord, de très grands pays, très influents, trouvent que le système mondial fonctionne très bien tel qu'il est et qu'il n'a pas besoin d'être régulé autrement.

Ce qui fait l'affaire de forces économiques tout aussi colossales quand on sait que le chiffre d'affaires des cinq plus grandes entreprises mondiales correspond aux PNB cumulés de 132 pays membres des Nations unies. Même si ce ne sont pas les plus riches, c'est tout de même impressionnant.

Sans parler du crime organisé, dont on évalue le chiffre d'affaires à l'équivalent du PNB de l'Italie ! Voilà la réalité du monde.

On peut le dire puisque nous sommes entre nous, quand nous parlons de la nécessité de la régulation, nous p ouvons nous réconforter les uns les autres, nous convaincre les uns les autres. Mais nous ne pouvons oublier que la meilleure régulation, celle que nous appelons de nos voeux et que j'ai rappelée, à grands traits parce que je m'exprime devant des spécialistes, se heurte à des forces contraires infinies.

On parle d'un monde multipolaire, d'un monde global, très compétitif et très concurrentiel, avec une hyperpuissance. Quant à notre pays, je récuse pour lui, avec la dernière énergie, le qualificatif de puissance moyenne, puisqu'il est l'une des cinq ou six puissances d'influence mondiale, juste après l'unique hyper-puissance. Malgré tout, dans cette situation, la proclamation ne suffit pas.

Nous devons accomplir un travail à la fois méthodique, précis, personnalisé et constant ; nous devons, par nos propositions de solutions, apporter une valeur ajoutée.

C'est en procédant de cette façon, avec beaucoup de ténacité, que nous progresserons, que nous remonterons la pente dans tous les domaines cités par les rapporteurs, avec une précision et une compétence que je salue. Outre qu'ils ont conclu qu'il fallait voter le budget, ce qui est tout de même très important (Sourires.)

, j'ai senti dans leurs interventions le désir de renforcer encore cette influence moderne de notre pays.

Mais revenons au budget, qui a été déjà très bien analysé tout à l'heure. Ce qui est fondamental à mes yeux, mais pas suffisant, c'est que nous ayons enrayé la dégradation, qui était devenue insupportable au cours des années précédentes. Voilà plusieurs années que Charles Josselin, Pierre Moscovici et moi-même avons réussi à convaincre le Gouvernement qu'il fallait enrayer la perte des moyens et des effectifs qui se révélait profondément pernicieuse. Nous avons obtenu cette stabilisation l'an dernier. Vous retrouvez, cette année, un budget de stabilisation qui n'est en augmentation forte qu'en apparence - Yves Tavernier l'a bien montré - car son augmentation de 5,3 % est liée à une progression des contributions obligatoires. La progression est, en réalité, de 40 millions mais elle est importante après plusieurs années de déclin.

Elle est surtout importante en matière d'effectifs, lesquels sont stables avec 9 471 emplois.

J'estime que ce budget nous permettra de poursuivre la modernisation dont vous avez en tête les grands chapitres : la fusion est maintenant achevée et entrée dans les faits. Charles Josselin et moi, lui plus encore que moi, nous y avons consacré beaucoup de temps et d'énergie.

Elle donne de bons résultats, même s'il reste à la perfectionner - nous avons entendu vos remarques sur ce point. La déconcentration des moyens vers les postes se poursuit ainsi que la rénovation immobilière. Nous prenons notre part dans l'amélioration du service aux usagers, ce qui consiste pour nous d'abord à développer le site Internet « conseils aux voyageurs », qui rencontre un succès compréhensible à une époque où les voyages se multiplient. Ce site a, paradoxalement, été popularisé par les affaires d'otages. En outre, nous continuons à améliorer toute la part d'état civil que nous gérons.


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Parmi les autres chapitres de la modernisation, que je développerai davantage encore dans la phase qui vient, il y a la formation permanente et continue des diplomates.

J'ai décidé, par ailleurs, de mettre un terme au recours systématique au recrutement local des personnels auquel nous avions été contraints pour des raisons purement budgétaires mais dont on connaît les inconvénients. Le plan de revalorisation que j'avais décidé commence d'être appliqué. Le Gouvernement remettra d'ailleurs un rapport sur ce sujet au Parlement, conformément à la loi du 12 avril de cette année.

Autre élément fondamental que Charles Josselin développera, nous stabilisons les moyens d'intervention de la DGCID, direction générale de la coopération internationale et du développement, laquelle, avec un premier directeur général, a fait le travail de « gros oeuvre », et est désormais, avec son successeur, opérationnelle. Les autorisations de programmes augmentent tant pour le fonds de solidarité prioritaire que pour l'Agence française de développement. Les crédits d'intervention du titre IV sont pratiquement stables. Un effort très important, 15 millions de francs, est consacré à la formation des élites étrangères, dont M. Hage soulignait que c'était devenu un marché. C'est en tout cas un facteur d'influence considérable dans le monde. Aujourd'hui, tous les gouvernements du monde comptent un ou plusieurs ministres qui ont été formés dans des universités américaines. Or il a suffi de mettre en place ce programme de formation des élites, de créer l'agence « EduFrance », de faire des propositions, d'améliorer la politique des visas et l'accueil - qui doit être encore amélioré - pour voir s'exprimer ce « désir de France », cette envie de diversité.

Bien sûr, personne ne renoncera à aller aux Etats-Unis mais on veut aussi venir chez nous parce que nous représentons comme une bouffée d'oxygène. Je mettrai beaucoup d'énergie à poursuivre cette action.

Rendez-vous compte : les demandes de visas d'étudiants satisfaites ont grimpé tout de suite - 25 % la première année, 30 % la seconde, et ce sera du même ordre cette année ! De même, nous poursuivons l'effort sur l'audiovisuel extérieur et nous continuerons à faire croître notre contribution aux organisations internationales, les contributions obligatoires cela va sans dire, mais aussi les contributions volontaires, auxquelles nous consacrerons, cette année, 15 millions de francs supplémentaires pour des organisations comme le PNUD ou le Haut-Commissariat aux réfugiés.

Enfin, je n'aurai garde d'oublier, car vous y êtes très attentifs, le caractère prioritaire de l'aide aux Français de l'étranger, qui constitue une des actions importantes de ce budget.

Dans le contexte difficile et nouveau où nous avons à oeuvrer, et que je rappelais il y a quelques instants, il s'agit d'un budget de stabilisation. Le déclin et l'érosion sont enrayés. Je souhaiterais, naturellement, comme beaucoup d'entre vous, aller plus loin, disposer d'un peu plus, car je ne crois pas avoir atteint le niveau de ce dont la France a besoin pour répondre à ses très nombreuses ambitions, que vous voudriez encore accroître d'ailleurs.

Mais nous allons dans la bonne direction. Ce budget marque une étape forte qui va nous permettre de bien travailler, en étroite liaison avec vous, dans le cadre de cet échange bien sûr très important qu'est l'examen du budget, mais aussi d'un échange continu. Il est reconnu que mon ministère a fait un effort très particulier pour répondre constamment aux demandes des parlementaires.

Je ne parle pas que de vos interventions, qui sont utiles, mais aussi de tout ce qui est fait pour les parlementaires qui veulent étudier un dossier particulier, qui veulent voyager, participer à telle ou telle rencontre. Pour moi, c'est un complément naturel de l'action qui est menée au sein du ministère des affaires étrangères pour conduire notre diplomatie. Cet échange avec vous, vos suggestions, forment un seul et même ensemble, qui ne se réduit pas à nos interventions respectives au moment de la loi de finances. Et je continuerai à travailler dans cet esprit de coopération avec la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les parlementaires, si je mesure combien la question de la francophonie est sensible, si je n'oublie pas la coopération singulière qu'est l'aide d'urgence et l'aide humanitaire, ce sont bien la coopération et le développement qui non seulement constituent la plus grosse part des responsabilités confiées à moi - et que j'exerce sous l'autorité de Hubert Védrine -, mais qui ont été le terrain privilégié de la modernisation du ministère des affaires étrangères.

Je n'entrerai pas dans le détail de cette réforme - plusieurs d'entre vous y ont fait référence. Je rappelle qu'elle a été décidée en 1998 et mise en oeuvre à compter du 1er janvier 1999. La fusion du ministère des affaires étrangères et du ministère de la coopération est désormais chose faite. Elle aura permis, et c'était bien son objectif, d'affirmer de manière très visible l'unicité de la politique étrangère de la France. En outre, elle nous met en mesure de mieux répondre aux défis de la globalisation.

En effet, comment parler aujourd'hui de développement sans prendre en compte les grandes questions relatives au commerce, aux problèmes monétaires, à l'envi-r onnement, aux normes sociales, aux précautions alimentaires, aux exigences de bonne gouvernance, à la prévention, au règlement des conflits, mais aussi à la lutte contre les trafics de drogue et contre la criminalité organisée ? Toutes choses qui sont quotidiennement au coeur de la réflexion et de l'action de notre appareil diplomatique. De ce point de vue, travailler aux nouvelles régulations de la globalisation - Hubert Védrine y faisait allusion tout à l'heure - est devenu aussi important pour le développement des pays les plus défavorisés que le maintien des flux d'aide publique au développement qu'il ne faut pas pour autant oublier, nous aurons l'occasion d'y revenir.

Bref, malgré les difficultés, auxquelles nous nous attendions, on peut considérer que la greffe a pris, les personnels s'enrichissant mutuellement de leurs expériences et de leurs cultures. Un « projet d'entreprise » de la DGCID a été élaboré qui rapproche les logiques de solidarité avec les pays en développement, et de rayonnement de la France, et qui couvre des domaines aussi divers que la diffusion de notre langue et de nos productions audiovisuelles, le renforcement des coopérations universitaire et de recherche, les échanges artistiques et culturels ou l'aide aux pays les plus pauvres.

Pour réussir cette réforme, un intense travail d'accompagnement a été réalisé qui aura permis la fusion complète des instruments de gestion, mais aussi des corps. Le FAC a été remplacé par le Fonds de solidarité prioritaire. Les procédures ont été modifiées. Je n'y insiste pas puisqu'un amendement de votre rapporteur, Maurice


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Adevah-Poeuf, nous permettra d'évoquer cette question et celle de l'implication des parlementaires dans le fonctionnement du Fonds de solidarité prioritaire.

L'Agence française de développement est désormais reconnue comme l'opérateur pivot, avec des compétences étendues aux infrastructures dans les secteurs éducatifs et sociaux.

La globalisation géographique de notre dispositif de coopération découlait tout naturellement de cette fusion.

On est passé du concept du « champ » à celui de « zone de solidarité prioritaire ». C'est davantage un changement de nature que de dimension, avec le renforcement d'une logique de partenariat avec les pays de l'ex-champ, mais aussi la diffusion d'une culture de projets dans les pays de la ZSP, précédemment hors-champ.

La composition de la zone est révisable chaque année par le CICID, le comité interministériel de la coopération internationale et de développement, dans le respect de nos objectifs de politique étrangère. Certains ont regretté tout à l'heure que l'objectif de concentration de l'aide n'ait pas été atteint mais l'ambition était d'ouvrir notre p olitique de développement et de coopération à l'ensemble de l'Afrique, et il nous fallait prendre en compte les réalités. Dans les Caraïbes, il y a des départements français d'Amérique, même chose pour l'océan Indien, et je ne parle pas de l'ancienne Indochine, où la France a une histoire et une responsabilité particulières.

Aujourd'hui, la zone comprend soixante pays parmi les moins développés, avec lesquels la France entend nouer une relation forte de partenariat, dans une perspective de solidarité et de développement durable.

Autre élément important de la réforme, le développement du partenariat, qui est une réalité. Des accordscadres ont commencé à être signés. Je rappelle que nos commissions mixtes intègrent désormais systématiquement la société civile. C'est vrai des ONG, c'est vrai des collectivités locales, qui sont associées, c'est vrai des entreprises, du Nord et du Sud. Je crois que cela a fortement contribué à enrichir ce partenariat.

Il y a un outil nouveau, lié à l'initiative sur la dette, avec lequel nous allons devoir travailler beaucoup, ce sont les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté. Un certain nombre de pays francophones sont ou seront parmi les premiers bénéficiaires de cette initiative en faveur du désendettement des pays pauvres, il faut s'en féliciter.

La réforme du dispositif a reposé beaucoup sur le renforcement du travail interministériel. C'est vrai dans la relation avec le ministère des finances, puisque le ministère des finances et le ministère des affaires étrangères assurent le co-secrétariat du comité interministériel de coopération internationale et de développement. Je pourrais aussi évoquer les relations que nous avons nécessairement avec les ministères de l'éducation nationale, de l'environnement, de la santé ou de l'agriculture. Pratiquement un ministère sur deux est concerné, puisque des magistrats ou des policiers participent aussi à la coopération internationale.

Bref, je crois que la réforme décidée a été menée à bien. Nous avons rationalisé les objectifs et les méthodes de notre administration.

Il faut évidemment poursuivre cette modernisation.

L'organigramme de la DGCID, la direction générale de la coopération internationale et du développement, va être ajusté avant la fin de l'année. La direction de la stratégie, de la programmation et de l'évaluation, une structure un peu lourde, parfois un peu opaque, va être supprimée. On va mettre en place trois pôles transversaux, qui se consacrent, l'un à la coordination géographique, qui reste évidemment un élément essentiel de notre ministère, un autre à la gestion budgétaire et à la programmation, et un troisième à la stratégie, à l'évaluation et à la communication.

Nous avons voulu que la communication de la DGCID soit renforcée. Il s'agit de mieux faire connaître nos choix, nos priorités et nos réalisations.

C omme les parlementaires internautes l'ont déjà constaté, la coopération internationale de la France commence à être plus visible, et peut-être moins étrangère aux Français. C'est notre ambition. Si les parlementaires sont évidemment au coeur de la cible en matière de communication, c'est tout le grand public que nous voudrions mieux associer à ce que nous faisons. J'ai donc demandé à la DGCID d'élaborer un rapport d'activité qui paraîtra au début de chaque année.

Cet effort de communication s'inscrit dans la volonté plus vaste de développer et de généraliser l'approche stratégique. La constitution d'un pôle stratégique au sein de la DGCID doit nous permettre de renforcer notre réflexion sur les grandes questions débattues actuellement autour de la coopération internationale et du développement. Dieu sait si ces questions sont actuelles. Elles sont mises en évidence chaque fois qu'un rapport d'une grande institution dénonce la contradiction entre les efforts accomplis, et surtout affichés, et les réalités de la pauvreté et du sous-développement. Cela doit aussi nous mettre en position de mieux influer sur les grands débats internationaux, qu'il s'agisse de l'allégement des dettes pour les pays pauvres très endettés, de la diversité culturelle ou de l'articulation de notre aide bilatérale avec les initiatives multilatérales.

C'est pourquoi nous avons entrepris de réaliser des documents stratégiques par pays, qui font l'objet d'une c oncertation interministérielle systématique et qui devraient nous permettre de mieux définir pour les pays cibles nos objectifs et nos priorités. Six documents stratégiques pays ont déjà été élaborés. L'ambition est de parvenir à couvrir quatre-vingts à quatre-vingt dix pays en trois ans, la durée de vie de ces documents étant prévue pour trois ans.

Autre chantier qu'il faut finir de mener à bien : diffuser une vraie culture d'évaluation. Un bureau de l'évaluation est désormais en place au sein de la DGCID, et doit participer au projet.

En concertation avec le ministère des finances, nous sommes engagés dans l'élaboration d'un tableau de bord de la coopération internationale de la France, qui devrait nous permettre de disposer d'un meilleur instrument d'analyse et de pilotage.

J'en viens à quelques chantiers plus spécifiques dont vous mesurez comme moi l'importance.

Le chantier de la réforme de l'assistance technique est ouvert. L'assistance technique, ce sont 3 000 experts, dont près d'un tiers de CSN. Ils vont disparaître, un volontariat civil devant prendre la relève, mais il y en a encore près de mille aujourd'hui, qui se répartissent grosso modo pour moitié entre enseignants et techniciens.

La quasi-totalité d'entre eux sont affectés à des projets, l'assistance de substitution étant désormais résiduelle.

Le coût de cette assistance technique était en 2000 de 1 377 millions de francs. C'est donc un poste important.

Il faut bien sûr prendre en compte le renouvellement complet des nécessités de la coopération internationale.

C'est pourquoi il est essentiel de définir rapidement des modalités plus souples que la gestion administrative


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actuelle pour mobiliser et valoriser l'expertise française : pour la participation à la définition de politiques sectorielles avec nos partenaires, pour le traitement rapide des situations de post-crise - je renvoie là à l'action humanitaire, mais aussi au développement qui la suit - pour la participation à des actions financées par des agences multilatérales. Il faut que notre expertise bénéficie mieux des financements internationaux qui offrent aujourd'hui des possibilités que nous ne savons pas toujours convenablement utiliser.

Un mot sur l'humanitaire. Nous sommes en train d'adapter nos dispositifs de gestion de crise et d'action humanitaire. Il est clair que les conflits qui affectent les pays les plus pauvres sont au coeur des politiques de sécurité. Cela renvoie à notre influence aussi bien au sein de la politique européenne commune qu'au sein de la communauté onusienne, et nous voulons faire en sorte que le dispositif français d'action humanitaire soit plus efficace dans le secours aux populations réfugiées ou déplacées.

Une concertation interministérielle avec le ministère de la défense sur cette question est en cours, mais il faut aussi conduire cette réforme en relation avec les agences onusiennes, avec Echo et, plus généralement, avec les ONG humanitaires, qu'elles soient françaises ou internationales.

J'appelle simplement votre attention sur l'articulation entre urgence, reconstruction, et développement qui est au coeur d'une réflexion avec nos partenaires européens.

C'est cette filière qu'il faut savoir mieux gérer que nous ne le faisons aujourd'hui.

D'une manière générale, un effort est conduit pour mieux prendre en charge la dimension européenne et multilatérale. Une cellule d'appui aux opérateurs multilatéraux est en cours de mise en place. Une meilleure articulation entre coopération bilatérale et coopération multilatérale est, dans l'ordre de la réflexion stratégique, une de nos toutes premières priorités.

Je n'insiste pas, d'autres avant moi y ont fait allusion, notamment M. Tavernier, sur l'importance de la relation entre le Fonds monétaire, la Banque mondiale, les Nations unies et ses agences.

Cette préoccupation est évidemment dans notre esprit au moment où nous avons à coeur de réussir la présidence européenne, inaugurée à la fin de juin par un séminaire conjoint avec la présidence portugaise, sur le thème « Développement : vers une identité européenne mieux affirmée ». Vendredi prochain, le 10, le conseil du développement devrait être l'occasion de faire adopter une déclaration de politique générale en matière de développement qui sera l'occasion pour l'Europe d'affirmer de manière plus homogène les positions qui sont les siennes, mais aussi sa volonté de mieux participer au développem ent, de coordonner davantage ses moyens et de répondre aux accusations, hélas ! justifiées, de lourdeur, d'inefficacité, de lenteur dans la mobilisation des moyens pourtant considérables qu'offre par exemple le Fonds européen de développement.

La liste des « accords de partenariat économique régionalisés », prévus par les accords de Cotonou, qui succèdent aux accords de Lomé, vont être pour la France dans les mois à venir une occasion importante de réaliser une meilleure synthèse entre ses analyses bilatérales et son approche européenne, comme d'ailleurs l'initiative « pays pauvres très endettés » offre une occasion d'avoir une vision à la fois macro-économique et sociale coordonnée.

Parallèlement, le ministère des affaires étrangères poursuit un important effort de déconcentration. L'objectif est d'alléger les procédures, de rapprocher du terrain les lieux de décision, de responsabiliser les chefs de poste. La généralisation de la réforme comptable prévue au 1er janvier 2002 nous y invite. C'est un enjeu de modernisation f ondamental, dans lequel nous sommes fortement engagés.

Notre attention se porte aussi sur l'inclusion de la d imension « coopération internationale et développement » dans la réflexion interministérielle actuellement conduite sur la formation aux métiers des relations internationales. C'est également un élément très important.

Bref, la mise en ordre et la rénovation de notre dispositif doivent nous permettre de participer plus activement aux grands débats internationaux sur les thèmes transversaux de la coopération internationale.

Dans le domaine de l'enseignement français à l'étranger, une réforme est également à l'étude, notamment pour améliorer la situation des enseignants résidents. Ne doutant pas que des questions me seront posées sur cet important sujet, c'est en y répondant, si vous le voulez bien, que je le développerai.

Sur la base de ce dispositif réformé, modernisé, le projet de loi de finances pour 2001 donne à notre politique de coopération internationale et d'aide au développement des moyens consolidés, qui devraient nous permettre de maintenir notre action, tout en renforçant nos priorités.

Le projet de loi de finances pour 2001 met à la disposition de la DGCID 9 285 millions de francs, soit 42 % du budget des affaires étrangères.

Les moyens de notre présence et de notre rayonnement à l'étranger sont maintenus. En témoignent concrètement ces quelques chiffres qui constituent une liste à la Prévert, mais illustrent bien la diversité de notre action extérieure : 160 000 élèves dans 270 établissements gérés par l'Agence française pour l'enseignement à l'étranger ; 162 000 étudiants étrangers en France, 12 000 de plus qu'en 1999, dont 22 221 étudiants et stagiaires boursiers du Gouvernement français. Les crédits consacrés aux bourses augmentent, et singulièrement pour les bourses Eiffel, mais il faut prendre en compte l'effet d'un reclassement de ce qui apparaissait parfois comme stage de coopération technique. Il y a eu en quelque sorte une réorganisation sur le plan budgétaire. Le plus important en tout cas, c'est qu'au-delà de ces changements de nomenclature, l'effort global de la France en matière de bourse augmente.

D'autres chiffres : 150 établissements culturels, 220 Alliances françaises, où, chaque année, 370 000 étrangers apprennent notre langue ; 1 million de livres expédiés chaque année à l'étranger par les soins du ministère des affaires étrangères ; 27 centres de recherches, 130 missions archéologiques, mais surtout 503 projets « vivants » dans les pays de la zone de solidarité prioritaire, financés soit sur le FAC, soit sur le fonds de solidarité prioritaire, qui a pris sa succession ; 125 millions de foyers ayant accès par câble et satellite à la télévision francophone TV 5 ; 2 000 assistants techniques - non compris les CSN -, moins nombreux sans doute qu'à l'époque où la coopération était surtout une coopération de substitution, mais représentant une expertise de terrain souvent de très haut niveau, considérée par la communauté des bailleurs de fonds comme un « avantage comparatif » de la coopération française ; 500 millions de personnes vivant dans la


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cinquantaine d'Etats ayant la langue française en partage, pays qui représentent 10 % de la richesse mondiale et 15 % du commerce mondial.

Un principe fort est inscrit dans cette programmation : les parts respectives des dépenses consacrées au développement et à la coopération avec l'Afrique sont consolidées.

Je réponds là aux inquiétudes exprimées qui reflètent les préoccupations constatées sur le terrain.

Pour ce qui concerne en tout cas directement le ministère des affaires étrangères, le souci de maintenir l'effort de la France en matière d'aide publique au développement a prévalu.

Les autorisations de programme du FSP sont légèrement augmentées, celles du titre VI réservées à l'AFD sont accrues, compte tenu des missions nouvelles qui lui sont confiées.

Pour les crédits du titre IV, la part consacrée à la coopération technique et au développement est consolidée, les enveloppes dévolues globalement aux pays africains reconduites, avec le souci de rechercher une meilleure adéquation entre, d'une part, le niveau et la nature des moyens et, d'autre part, soit la profondeur des relations politiques qui nous lient à nos partenaires africains, soit l'importance de l'enjeu qu'ils représentent sur le continent.

J'ai bien entendu les préoccupations qui sont les vôtres de mieux lier notre aide aux progrès vérifiés sur la démocratie et les droits de l'homme sur le terrain. L'insécurité que nous rencontrons souvent rend extrêmement difficile la mise en place et le développement de ces projets de coopération, et il n'est pas anormal, bien au contraire, que le sommet du Millenium à New-York il y a quelques semaines ait voulu mettre l'accent davantage sur des opérations de maintien de la paix, car elles conditionnent bien souvent le développement des pays auxquels nous nous intéressons.

Le projet de loi de finances vise à améliorer notre aide au développement, à mieux faire face aux enjeux et défis.

Un effort considérable est accompli pour échapper aux récurrences et une part importante des actions envisagées pour 2001 sont des actions nouvelles.

Deux axes nous semblent particulièrement cruciaux.

Premier axe, la réussite de l'opération « pays pauvres très endettés ». La part de la France s'élève à 8 milliards d'euros. C'est considérable par rapport à celle des EtatsUnis, qui est de 600 millions de dollars. Nous ne savons d'ailleurs pas encore - nous allons essayer d'être informés d'ici à ce soir - quelle position aura prise le Congrès américain avant de se séparer, et je crains qu'elle ne soit pas aussi positive que nous le souhaiterions. Le Congrès américain, vous le savez, a jusqu'à présent retardé la mise en place de cette initiative en n'autorisant pas le Gouvernement américain à prendre sa part dans le tour de table nécessaire pour assurer les financements de cette initiative de désendettement.

Second axe, très différent, notre capacité à nous attaquer avec plus d'efficacité avec la communauté internationale à la pandémie du sida.

M. Brana regrettait que nous ne participions qu'à hauteur de 60 millions de francs par an. Mais, si je m'en tiens aux seuls programmes bilatéraux, qui couvrent aussi bien les aspects thérapeutiques que la prévention, j'arrive déjà à 85 millions de francs. Et, à cette somme, il c onvient d'ajouter des programmes qui finalement concourent aussi à la lutte contre le sida : la recherche, pour 15 millions, ou la coopération en matière de santé ou d'aide à l'équipement des hôpitaux. Bref, l'action menée dans ce domaine est importante, et j'aurai certainement l'occasion d'y revenir en répondant aux interventions.

Nous continuons par ailleurs de nous mobiliser sur les thèmes essentiels que sont la promotion de l'Etat de droit, la démocratie, la bonne gouvernance, la décentralisation, le développement durable, l'appui à l'intégration régionale, un des axes forts des accords de Cotonou.

A l'évidence, en approfondissant le lien entre diplomatie culturelle et aide au développement, les crédits de la coopération internationale sont un outil privilégié, vous avez eu raison de le rappeler les uns et les autres, pour défendre la place et l'identité de la France sur la scène internationale.

S'agissant des infléchissements ou plutôt des actions essentielles qui seront poursuivies en 2001, il faut citer l'offre de formations supérieures en France avec les programmes d'Edufrance et les bourses Eiffel. L'augmentation du nombre d'étudiants étrangers en France mérite d'être soulignée. Elle est liée à l'augmentation du nombre des visas accordés, plus 25 %. Cette évolution correspond d'ailleurs aux demandes que vous avez exprimées les uns et les autres. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

C'est ainsi que le nombre des étudiants étrangers a progressé de 6,5 % en 1999 par rapport à 1998, et la tendance semble se confirmer en l'an 2000.

M. Pierre Brana, rapporteur pour avis.

Très bien ! M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Par ailleurs, nous continuons à vouloir apporter une réponse appropriée aux situations de sortie de crise, d'où l'effort supplémentaire dans les Balkans, mais aussi en Algérie où nous avons entrepris la réouverture progressive du lycée d'Alger et de plusieurs établissements culturels.

Nous cherchons aussi à améliorer la qualité de notre présence culturelle dans les grands pays développés. Cet effort n'est pas contradictoire avec l'aide apportée aux pays en développement. Simplement, l'équilibre doit être préservé.

Nos efforts pour accompagner la préparation des pays candidats à l'entrée dans l'Union européenne sont poursuivis.

De même, nous avons la volonté de conforter nos positions technologiques et scientifiques dans les pays émergents d'Asie et d'Amérique latine. Ainsi, le CIRAD s'implante fortement au Brésil, tandis qu'un institut Pasteur vient d'être inauguré à Hong Kong.

Nos efforts de promotion en faveur de l'audiovisuel français sont maintenus à travers les encouragements à l'internationalisation des entreprises audiovisuelles françaises - présence sur les chaînes câblées et bouquets sat ellitaires étrangers, diffusion hors de France de bouquets satellitaires français -, présence mondiale de programmes français à travers TV5 et RFI. Ce dossier sera peut-être complété au cours des prochaines heures.

La mise en oeuvre concrète de ces grandes orientations se traduit par la poursuite des actions engagées mais aussi par des mesures nouvelles.

S'agissant de la coopération technique et de l'aide au développement, 20 millions de francs supplémentaires sont consacrés à nos moyens d'intervention aux Balkans, 10 millions de francs supplémentaires sont prévus pour la lutte contre le sida en Afrique, tandis que 6 millions de crédits supplémentaires sont dégagés pour intensifier notre action en faveur du renforcement de l'Etat de droit.


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De plus, les dotations du fonds de solidarité prioritaire et les dons-projets mis en oeuvre par l'Agence française de développement augmentent de 150 millions de francs en autorisations de programme. Les mesures de transfert concernant les crédits de la francophonie institutionnelle ne font baisser les crédits du FSP que sur le plan optique.

Elles n'affectent pas la capacité d'engagement du ministère en faveur des projets de développement.

Enfin, l'augmentation de l'enveloppe réservée aux contrats de plan Etat-régions contribuera au renforcement de la coopération décentralisée.

S'agissant du fonds d'urgence humanitaire, je rappelle, pour répondre à une observation de M. Yves Tavernier, qu'il est abondé en fonction des besoins. Les moyens nécessaires se constatent après - heureusement si je puis dire. Pour 2000 en tout cas, la dotation initiale est consommée. Elle aura permis d'intervenir dans les Balkans et sur le continent africain. Nous reconduisons, dans le budget pour 2001, la part du fonds d'urgence humanitaire à hauteur de 60 millions de francs.

Dans le domaine de la promotion de notre rayonnement culturel et de la francophonie, quelques mesures nouvelles significatives sont proposées : 5 millions de francs pour la formation des élites étrangères à travers les bourses d'excellence mises en place en 1999 - je réponds là à un souhait exprimé par M. Patrick Bloche ; 6 millions de francs pour la promotion de l'expertise française par le biais d'une augmentation des contributions aux fonds fiduciaires et experts associés ; 5 millions de francs pour la recherche en sciences sociales ; 2 millions de francs pour l'enseignement du français comme langue maternelle ; 6 millions de francs pour la réouverture des centres culturels en Algérie.

Quant à l'audiovisuel extérieur, il bénéficie de 10 millions de mesures nouvelles pour le financement de l'adaptation de l'offre télévisuelle au Maghreb et au ProcheOrient, notamment par l'augmentation des moyens de TV5.

L'ensemble de ces moyens nouveaux sont financés par une économie de 15 millions sur les moyens de la coopération culturelle et scientifique.

Quelques mots à propos de la francophonie.

Le regroupement des crédits représente une modification significative. Désormais, l'ensemble des dotations budgétaires accordées par la France au fonds multilatéral unique de la francophonie, le FMU, et jusqu'alors dispersées entre de nombreuses lignes de la DGCID et du service des affaires francophones, feront l'objet, à compter de 2001, d'un chapitre unique doté de 237 millions de francs. Le regroupement des crédits destinés à la francophonie ne sera pas pour autant réalisé dans sa totalité puisqu'il ne porte que sur les crédits consacrés au FMU.

Il faudrait y ajouter les crédits des autres ministères, les dotations destinées à TV5, la contribution obligatoire pour l'Agence intergouvernementale de la francophonie, les mises à disposition de personnels au profit de certains opérateurs de la francophonie. Je rappelle à ce propos que l'ensemble des contributions de la France à la francophonie multilatérale représentent un peu plus de 800 millions de francs. La France assure ainsi les deux tiers des dépenses de la francophonie multilatérale, qui s'élèvent à un peu plus de 1,2 milliard de francs.

En tout état de cause, le progrès est manifeste et la lisibilité et la visibilité de l'effort consenti par la France vont être sensiblement accrues.

Surtout, le ministère de la francophonie pourra bénéficier d'une vision plus cohérente, plus synthétique de l'action qui est menée et engager avec les opérateurs de la francophonie un dialogue global permettant de mieux définir en amont les priorités de la programmation de ces opérateurs.

L'amélioration des procédures de financement de la francophonie multilatérale répond à une demande formulée par la France au sommet de Hanoï. Sous la direction de son nouveau recteur, Mme Gendreau-Massaloux, l'Agence universitaire de la francophonie est engagée dans une profonde réforme. De nouveaux statuts sont en cours d'élaboration. L'Agence intergouvernementale de la francophonie, l'AIF, a été elle-même réorganisée. En réalité , c'est l'ensemble des opérateurs qui feront l'objet d'évaluations ; celles-ci sont en cours pour l'Université Senghor et l'AIF.

L'objectif poursuivi avec nos partenaires internationaux est de faire en sorte que la francophonie puisse servir l'enracinement de la démocratie. C'est la dimension politique de la francophonie. Et je veux vous dire ma satisfaction devant la réussite de l'important séminaire qui vient de se tenir à Bamako et qui aura réuni de nombreux responsables politiques africains, mais aussi de nombreuses ONG. Le dialogue a été vif, mais fécond, à la satisfaction de tous.

Bien sûr, nous tournons déjà nos regards vers Beyrouth qui accueillera le sommet de la francophonie en octobre 2001 sur le thème de la diversité culturelle, sommet qui sera précédé, en juin, d'une réunion des ministres francophones de la culture à Cotonou.

Telles sont les précisions que je voulais apporter concernant la francophonie.

Monsieur le président, mesdames et messieurs, pour terminer, je voudrais simplement vous dire ma conviction : ce projet de loi de finances va nous permettre d'approfondir, de poursuivre nos actions et de faire en sorte que la France participe mieux encore non seulement au maintien de la paix, mais également au combat contre l'inégalité du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Dans la discussion, la parole est à

M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller.

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, il y a un an, j'exprimais déjà mon inquiétude face aux orientations budgétaires du ministère des affaires étrangères. Certes, les crédits de ce ministère affichent, cette année, une hausse de 5,3 % par rapport à l'année dernière. Mais, et plusieurs rapporteurs l'ont fait remarquer, la progression est en trompe-l'oeil, car elle résulte quasi exclusivement de la hausse des contributions obligatoires aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix.

Ce point, je le dis en préambule, est positif, et le groupe Démocratie libérale et Indépendants s'en félicite.

A l'heure où l'ONU est de plus en plus sollicitée et alors que les demandes d'intervention se diversifient, l'ONU traverse une crise grave quant à ses moyens aussi bien financiers que militaires, comme a pu le constater la mission qui s'est rendue récemment auprès de la mission française à l'ONU, laquelle accomplit, je le souligne, un travail remarquable.

Les Etats-Unis d'Amérique, et plus précisément le Congrès américain, portent une lourde responsabilité dans cette affaire, en faisant preuve d'une mauvaise


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volonté évidente : leurs dettes s'élèvent à 1,4 milliard de dollars. La Jordanie et l'Inde se sont retirées de la force d'intervention au Sierra Leone, pour protester contre l'engagement insuffisant des pays occidentaux. L'étatmajor, responsable d'opérations de maintien de la paix pourtant de plus en plus complexes, se caractérise par une insuffisance criante. Une grande réforme de l'ONU doit donc être engagée.

Monsieur le ministre, ma première question sera la suivante : quelle attitude comptez-vous prendre s'agissant du rapport Brahimi, évoqué par de nombreux chefs d'Etat au moment du millenium ? Ce rapport, au terme d'une analyse courageuse, formule des propositions concrètes de réforme. Même si ces propositions méritent peut-être d'être complétées, la France devrait, me semble-t-il, résolument les appuyer et contribuer à les faire aboutir.

Alors que les responsabilités de la France sur la scène internationale n'ont cessé de s'accroître et alors qu'elle doit moderniser sa politique - vous en parliez avec justesse, monsieur Védrine - les moyens de votre ministère au service de ces actions, hors contributions obligatoires, n'ont pas suivi, presque tous les rapporteurs l'ont fait remarquer, notamment MM. Loncle, Adevah-Poeuf et Gateaud.

Il est regrettable que le budget du ministère des affaires étrangères ne soit jamais considéré comme prioritaire, alors que la France est impliquée dans la plupart des g rands dossiers internationaux : l'administration du Kosovo a été confiée à un Français ; la France, actuellement présidente de l'Union européenne, doit s'engager dans l'élaboration d'une politique étrangère et de sécurité commune, M. Loncle en a parlé ; enfin, la France tente de peser dans le processus de paix au Proche-Orient, aujourd'hui fragilisé.

En plus de ces considérations d'ordre général, je dois évoquer l'instabilité du contexte économique international, due à l'évolution quotidienne du cours du dollar, elle-même liée à l'évolution du cours du pétrole. L'an dernier, vous aviez retenu un taux de conversion de 5,53 francs pour un dollar, alors que, au moment même de la discussion de votre budget, le dollar atteignait, de fait, 6,89 francs, soit une marge d'erreur de 24 %, que j'avais dénoncée. Une telle différence est déterminante pour les dépenses de fonctionnement et d'intervention libellées en devises, et des réajustements sont indispensables. D'où ma deuxième question : à combien se m ontent exactement ces réajustements pour l'année dernière ? Cette année encore, votre budget se fonde sur un cours du dollar exagérément bas puisque vous le fixez à 6,57 francs, c'est-à-dire un taux encore plus bas que l'année dernière, alors qu'il approche actuellement les 8 francs. Cette erreur programmée exigera de nouveaux réajustements. Pouvez-vous les évaluer ? D'un point de vue technique, le groupe Démocratie libérale et Indépendants s'inquiète de la baisse de 3 % des crédits consacrés à la coopération, M. Gateaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, l'a dénoncée. Avec 0,35 %, pourcentage encore inférieur à ceux des années précédentes, nous ne cessons de nous éloigner de l'objectif de 0,7 %.

Sur cette ligne budgétaire, seuls les crédits de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et des opérateurs de l'action audiovisuelle progressent légèrement. Les crédits destinés à la coopération culturelle et scientifique diminuent, eux, de 3,2 % tandis que les crédits de la coopération technique et au développement baissent de 5,33 %.

L'augmentation de nos contributions aux instances internationales ne nous dispense pourtant pas, monsieur le ministre, de notre aide à la coopération, d'autant que le nombre de nos coopérants a chuté brutalement. Le fonds de solidarité prioritaire est gravement amputé, M. Adevah-Poeuf l'a souligné. La répartition géographique de cette aide paraît, en outre, manquer de lisibilité et ne permet pas de souligner les actions considérées comme prioritaires. De plus, certaines de ces aides semblent détournées de leur vocation initiale. Nous insistons, nous aussi, pour que leur attribution soient subordonnée à l'accomplissement de réels progrès démocratiques. Or les exemples récents du Sénégal, de la Côte d'Ivoire ou de Djibouti montrent le contraire. Il est scandaleux, au regard de cette exigence de démocratisation que l'Etat de Cuba soit, cette année, entré dans la zone de solidarité prioritaire, M. Adevah-Poeuf s'en est luimême ému.

Par ailleurs, la hausse modeste des crédits accordés à l'AEFE ne parvient pas à masquer la diminution de 2,39 % des crédits accordés à l'Agence pour la réalisation de ses projets. Pourtant, la défense de l'enseignement français à l'étranger nécessite des investissements. L'école de Damas ou le lycée de Varsovie, par exemple, ont d'importants besoins. Dans les conditions budgétaires actuelles, comment comptez-vous, messieurs les ministres, assurer le nécessaire redéploiement de nos lycées, lequel implique forcément la réfection, voire la construction de nouveaux établissements ? En outre, les questions que j'avais soulevées l'an dernier relatives au taux d'encadrement pédagogique de nos lycées à l'étranger ainsi que celles liées aux frais de scolarité demeurent, hélas ! d'actualité. Si une réflexion est actuellement menée sur l'amélioration du statut des recrutés locaux, s'agissant de leurs salaires et de leur protection sociale, il est à craindre que l'imputation de ces frais supplémentaires sur le budget des établissements conventionnés n'augmente encore les frais de scolarité, déjà très élevés. A qui incombera la charge budgétaire des a méliorations statutaires, si elles sont décidées par l'Agence ? Autre préoccupation, le nombre de bourses accordées par l'AEFE, qui avait déjà diminué de 2,78 % l'an dernier, chute encore. De même, un effort important doit être consenti en faveur des bourses accordées aux étudiants étrangers, car, même si des projets ont été réalisé s, l'attractivité des universités françaises face aux universités américaines, britanniques, voire allemandes, est insuffisante, et ce malgré l'action d'Edufrance.

Par ailleurs, vous nous annoncez, monsieur le ministre, une baisse des crédits d'équipements de 148 millions de francs avec la fin de la construction de notre ambassade à Berlin. Pouvez-vous nous dire comment s'opéreront les redéploiements ?

S'agissant des personnels du ministère, vous nous annoncez la stabilité des effectifs. Vous avez aussi indiqué que vous souhaitiez à l'avenir réduire la part excessive prise par les recrutés locaux par rapport à l'ensemble du personnel. Comment comptez-vous mettre en oeuvre une telle mesure, dont nous ne pouvons ignorer les lourdes conséquences budgétaires ?

Enfin, comment comptez-vous pallier la baisse des effectifs des coopérants militaires. Ils étaient 660 l'an dernier et seraient cette année, d'après M. le ministre


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délégué à la coopération, entre 400 et 500. Ce budget reste en fait, comme vous l'avez dit, monsieur Védrine, un bugdet de stabilisation trop limité alors qu'il devrait accompagner les responsabilités croissantes de la France et de l'Europe dans le monde.

Le groupe Démocratie libérale, pleinement logique avec lui-même, est partisan d'une politique étrangère ambitieuse, d'un rayonnement culturel, scolaire, technique, complémentaire à cette politique de construction d'une diplomatie et d'une défense européenne. Il est partisan de la réadaptation de la politique étrangère dont vous parliez tout à l'heure, monsieur le ministre des affaires étrangères. Mon groupe votera donc contre ces crédits, qui ne sont pas à la hauteur du rôle que vous voulez assigner à la France.

M. Bruno Bourg-Broc.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. René Mangin.

M. René Mangin.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'examen des crédits du budget des affaires étrangères est traditionnellement l'occasion d'une analyse critique du budget consacré par la France à ce département, ainsi que d'un échange de vues sur notre politique étrangère.

Sur le budget lui-même, les rapporteurs ont exprimé de façon pertinente un point de vue, assez partagé sur tous les bancs, concernant une enveloppe, en voie de convalescence, dirons-nous.

En ce qui me concerne, je me bornerai à signaler un accord sur le diagnostic présenté par mes collègues. Pour autant, je me garderai d'en tirer des conclusions définitives, voire étroitement « corporatives ». Il ne s'agit pas de jouer une enveloppe contre une autre, une catégorie de personnels contre une autre, de regretter que tel ministère, qui a souvent des tracteurs devant ses grilles, soit logiquement mieux servi qu'un autre dont les troupes mobilisables sont éparpillées à travers le monde.

L'essentiel est ailleurs. Cette situation n'est pas nouvelle. Elle est récurrente et donc, d'une certaine façon, structurelle. Elle est paradoxale. Alors que le budget des affaires étrangères peine à suivre la moyenne budgétaire, ne parle-t-on pas dans les médias, dans cette enceinte même, dans la rue, d'une mondialisation croissante des problèmes ? Cela ne veut pas dire que nos compatriotes, les télévisions, les journaux soient passionnés par les événements du monde. Le choc des images établit une hiérarchie de situations qui a sa logique, différente de celle de votre ministère.

Et pourtant, nous sommes nombreux sur ces bancs à partager votre souci des intérêts nationaux, qu'ils soient matériels ou spirituels. Reste à savoir comment et avec qui. La France est un grand pays, mais elle n'est plus

« la » grande nation. Son environnement a changé, son environnement immédiat, celui de l'Europe, comme son environnement lointain. La France agit de façon bilatérale, directement avec tous les pays du monde, ceux d'Europe compris.

La France agit de concert avec telle ou telle nation, dans telle ou telle région du monde. La France agit de façon collective au sein d'organisations plus vastes : la f rancophonie, les sommets franco-africains et, bien entendu, l'ensemble du système européen, de l'OSCE à l'Union européenne.

Cette géométrie politique complexe offre une souplesse d'intervention et d'initiative maximale. La France a ainsi pu, ces dernières années, organiser ses rapports bilatéraux avec ses voisins européens dans le cadre de sommets réguliers. De grandes commissions articulent ses relations avec plusieurs pays non européens. Un partenariat stratégique vient d'être engagé avec l'Inde. La France a également ouvert des coopérations plus ambitieuses avec tel ou tel de ses amis. Ainsi, à l'issue d'un sommet bilatéral, elle a lancé avec l'Angleterre un projet d'articulation des politiques africaines des deux pays.

Au-delà, il y a la politique extérieure et de sécurité commune, la PESC, exercice plus complexe à quinze, concernant le Kosovo ou la définition d'une attitude commune sur les lois d'embargo unilatérales des EtatsUnis, comme la loi Helms-Burton à l'égard de Cuba.

Vous avez, il y a quelques mois, procédé à une description de ces différents mécanismes qui définissent ce que vous appelez les « cartes de la France à l'heure de la mondialisation ». Mais votre remarquable effort de présentation suscite de nombreuses interrogations. Comment assurer la cohérence ? Comment maximiser ce qui marche et réduire les incertitudes ? Pour reprendre les termes que vous avez utilisés dans votre ouvrage, « comment avancer ? ».

Vous présentez comme « la plus ingénieuse, efficace et réaliste » la réponse privilégiant ce que vous appelez les

« géométries variables ». L'un de nos illustres collègues a récemment repris la balle au bond dans un ouvrage qu'il vient de publier, mais il utilise une autre expression, celle d'« indépendance partenariale ».

De toute évidence, un débat est lancé. S'il n'est pas médiatique, il n'est pas pour autant négligeable. Notre avenir, celui de notre pays, est lié à notre capacité de valoriser nos moyens et de les articuler au mieux avec les objectifs et les moyens d'autres pays, qu'ils soient ou non européens.

Ce débat porte non seulement sur notre politique étrangère, mais aussi sur la politique extérieure de l'Union. Rien n'est inconciliable, malgré les apparences.

Encore faudrait-il mettre de l'ordre dans nos idées et nos façons de procéder, mieux cerner ce que pourrait être, en somme, un discours de la méthode.

Pour illustrer cette interrogation, je prendrai l'exemple concret de notre politique au Proche-Orient, qui illustre bien les difficultés que l'on rencontre pour articuler les différents instruments de notre politique étrangère.

Ma première remarque est pour me féliciter du travail effectué par le représentant spécial de l'Union européenne, M. Moratinos, qui a su gagner une légitimité et signaler la présence de l'Europe au cours des importantes réunions diplomatiques de ces dernières semaines.

La deuxième est pour saluer les efforts de la présidence française, qui a dynamisé les Quinze, mais qui a échoué aux Nations unies dans son effort de trouver un dénominateur commun. L'Europe a voté dans le désordre une proposition de résolution qui aurait pu être adoptée par tous.

La troisième remarque concerne la politique menée à l'égard de l'Irak. Ici encore, l'Europe est divisée entre ceux qui soutiennent, avec les Etats-Unis, la voie de la contrainte armée et ceux qui pensent, avec la France et l'Italie, qu'il est temps de trouver une voie permettant de lever l'embargo.

Enfin, je ferai une dernière remarque connexe sur la crise du prix du pétrole. Les Etats membres de l'Union européenne souhaitent mieux coordonner leur politique face à l'augmentation du prix du brut. En la matière, monsieur le ministre, je dois dire mon étonnement concernant le retard pris dans la recherche de solutions globales et pérennes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 2000

Les Européens ont trop longtemps jouée les cigales avec cette énergie fossile. Le baril à 10 ou 12 dollars aurait dû nous permettre de faire des choix énergétiques pour le long terme, car un baril aussi peu cher n'encourage pas les compagnies à investir, et donc à trouver d'autres sites d'exploitation.

Si, à Biarritz, l'Europe a parlé d'une voix commune pour diminuer la vulnérabilité énergétique par le biais d'économies d'énergies, ou rééquilibrer des modes de transports, pour quelles raisons objectives cette réflexion n'avait-elle pas déjà été menée depuis quatre ou cinq ans ? Devons-nous toujours être confrontés au « fait accompli » avant de réagir ? Ne pouvons-nous pas anticiper davantage ? De plus, avec un euro faible l'Europe est en première ligne pour ses importations, et cela pèse sur la consommation des ménages. Beaucoup s'interrogent sur la capacité de l'Europe à donner à cette jeune monnaie qu'est l'euro une réalité politique. L'Irak vient de faire des propositions en ce sens. Nonobstant la « grande amitié » de ce pays envers le « billet vert », nous avons sans doute une réflexion à mener sur ce thème avec nos partenaires européens.

J'ai évoqué cette illustration concrète concernant le Proche-Orient et le prix du pétrole, mais les exemples sont nombreux de domaines où il apparaît parfois difficile de transcrire dans la pratique ce concept de « géométrie variable » s'il ne correspond pas à une méthode précise de gestion des affaires internationales.

Sachez bien, monsieur le ministre, que les députés de la commission des affaires étrangères sont en tout cas disposés à collaborer avec vous pour faire avancer un chantier qui, malgré des apparences bien peu médiatiques, est fondamental pour notre pays.

En dernier lieu, je vous poserai une question concernant le sommet de Biarritz qui s'est tenu en octobre dernier. Quel en est le bilan ? Le Premier ministre s'est félicité des avancées sur la réforme des institutions. Deux sujets en effet me semblent progresser : la recomposition de la Commission européenne et la pondération des voix au Conseil européen.

Des avancées réelles sont possibles sur l'extension du vote à la majorité qualifiée au Conseil et sur les coopérations renforcées. A ce titre, il semble que les chefs d'Etat et de gouvernement aient affiché une réelle détermination pour aboutir à un accord à Nice, en décembre prochain.

A quatre semaines de cette rencontre, où en est-on ? Bien évidemment, monsieur le ministre, nous voterons le budget des affaires étrangères, mais je souhaite que pour 2002 vous puissiez associer davantage et plus en amont la représentation nationale, afin que l'image de la France dans le monde soit encore plus lisible et que les peuples trouvent dans notre pays les raisons d'espérer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lefort.

M. Jean-Claude Lefort.

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, après des années de recul, le budget des affaires étrangères a été stabilisé l'a n dernier. Le projet de budget pour 2001 consolide cette stabilisation. En ces temps de rigueur budgétaire excessive, ce fait mérite d'être souligné. En conséquence, notre vote sera positif.

Ce point étant acquis, il doit être également acquis que ce budget ne suscite pas pour autant chez nous un enthousiasme particulier qui nous interdirait de faire des critiques ou de formuler des suggestions. Pour me faciliter la tâche et compte tenu du temps qui m'est imparti, je concentrerai mes propos autour de deux points.

Le premier de ces points concerne naturellement le budget lui-même. Nous enregistrons positivement l'augmentation de la contribution française à l'ONU et à certaines de ses agences. Nous souhaiterions d'ailleurs savoir s'il s'agit là d'une volonté destinée à se perpétuer, en par ticulier si les opérations multi ou bilatérales, comme celle conduite avec succès avec le FNUAP - Fonds des Nations unies pour les activités en matière de population - l'an passé, seront reconduites dans l'avenir.

Cela dit, nous sommes sérieusement préoccupés par le recul du budget de la coopération proprement dit. Nous constatons en effet un nouveau recul de la participation française à l'aide publique au développement, puisque nous en sommes à moins de 0,4 % du PIB contre 0,64 % en 1992. Cela nous éloigne de l'objectif onusien auquel nous avons souscrit, qui a été repris et rappelé par le Haut conseil de la coopération internationale, à savoir consacrer à cette aide 0,7 % du PIB des pays développés.

Certes, au sein du G 7 nous sommes les premiers en la matière, mais il n'en va pas de même au niveau de l'Union européenne, loin s'en faut ! Si les Quinze souscrivaient en pratique à cet objectif de 0,7 %, cela représenterait environ 30 milliards de dollars supplémentaires qui seraient dégagés et consacrés à l'aide publique au développement en plus des contributions actuelles. Ce serait considérable. Mais cette somme doit être mise en relation avec cette question : globalement, la situation des pays en développement est-elle en voie d'amélioration, ou bien, à l'inverse, s'aggrave-t-elle ? La réponse à cette question majeure est malheureusement évidente : la situation s'aggrave et le fossé entre le Nord et le Sud se creuse. La principale cause d'insécurité dans le monde d'aujourd'hui est certainement là. Elle se trouve dans cette situation de pauvreté qui provoque déjà bien des conflits et d'autres phénomènes inquiétants, qui peuvent s'aggraver brutalement à tout moment. Nous ne prenons pas la juste mesure de cette réalité politique, alors que nous devrions en tirer les conséquences nécessaires. En effet, si l'aide publique au développement n'est pas une fin en soi, elle doit être portée au niveau que nous dictent les réalités actuelles.

La « dérive sociale des continents » à laquelle nous assistons doit être fermement combattue par tous les moyens nécessaires, notamment financiers mais pas uniquement. Face à ces défis considérables, la France doit entraîner ses partenaires européens qui sont en retard sur ce sujet pour atteindre ces 0,7 % du PIB européen consacrés à l'aide publique au développement, et cela dans les cinq ans. Et s'agissant de l'Union européenne, comment ne pas montrer du doigt le fait que près de 2 milliards d'euros consacrés au Fonds européen de développement ne soient pas utilisés bien que budgétés ? Cette situation devrait amener notre pays, qui exerce aujourd'hui la présidence de l'Union, à proposer des réformes sérieuses et rapides dans ce secteur qui cumule jusqu'à la caricature absence de cohérence et la bureaucratie. Reste que la question de l'utilisation des reliquats existants au niveau du FED se pose. Comment pourrions-nous accepter cette situation qui voit dormir de l'argent non utilisé, alors que les urgences qui montent des pays en développement sont nombreuses et criantes ? La voix de la France, qui concourt au FED à hauteur de 25 % et qui préside aujourd'hui l'Union, ne peut manquer d'être entendue. Je ne propose aucune affectation particulière de ces sommes considérables - il y a


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tellement de possibilités, notamment en direction des agences onusiennes ! - mais je pense qu'il faudrait prendre nettement la décision politique de les utiliser dans les meilleurs délais.

Ma deuxième série de remarques concerne la question de la pleine implication de notre assemblée non seulement à la préparation en amont du budget des affaires étrangères, mais aussi à la définition participative de la politique extérieure et de coopération de notre pays, que ce soit au niveau européen ou plus largement. Je prendrai plusieurs exemples pour appuyer notre point de vue selon lequel notre assemblée devrait être bien plus sollicitée qu'elle ne l'est actuellement. Une telle démarche est non seulement nécessaire, mais indispensable, aujourd'hui bien plus qu'hier. Le politique est actuellement rongé par l'économique, le technique, et il faut le remettre à sa juste place.

Premier exemple : la renégociation des accords de Lomé, aujourd'hui devenus accords de Cotonou. Je constate, parce que c'est un fait, que notre assemblée n'a pas eu à débattre dans cet hémicycle de cette question et n'a donc pas été associée en amont aux choix à opérer.

Résultat : l'assemblée paritaire Union européenne-pays ACP vient de déclarer qu'elle « s'inquiète de la soumission du nouvel accord Union européenne-ACP aux règles de l'Organisation mondiale du commerce dans un cadre si limité dans le temps qu'il ne permet pas aux pays ACP d'affronter la concurrence internationale ». Cette question rejoint d'ailleurs un souhait légitime exprimé par notre assemblée, qui n'a pas été exaucé, à savoir l'organisation, hors période budgétaire, d'un débat parlementaire portant sur la politique de coopération de la France, sur la base d'un document regroupant les contributions des différents ministères concernés et présentant les crédits par pays et par secteur d'intervention.

Autre exemple : la tenue à Marseille, les 16 et 17 novembre prochains, sous présidence française, d'une Conférence euro-méditerranéenne avec les pays du sud et de l'est de la Méditerranée. Pour l'heure - et nous sommes à quelques jours de cette conférence -, hormis le document du Conseil européen des 19 et 20 juin derniers, nous sommes dans l'ignorance de ce qui va s'y passer réellement et des propositions concrètes qui seront formulées par l'Union. Pourtant, notre assemblée s'est déjà inquiétée, dans un rapport de la commission des affaires étrangères, des défaillances, pour ne pas dire plus, dans la mise en oeuvre des programmes MEDA.

S'agissant des conséquences prévisibles du libre-échangisme qui prévaut dans la relation entre l'Union et ces pays, le rapport note que cette politique présente « des inconvénients certains et des avantages aléatoires » et qu'elle constitue « un pari risqué ». Quant aux programmes MEDA, le même rapport dénonce en termes plutôt virulents leur mise en oeuvre, ou plus exactement leur non-mise en oeuvre.

Cette conférence de Marseille devra également aborder la question du Moyent-Orient et préciser le rôle que l'Union entend jouer pour la résolution de la crise actuelle qui a pour fondement le non-respect, par l'une des deux parties, des décisions de l'ONU et de son Conseil de sécurité. Que cette partie et son allié outreAtlantique n'entendent pas favoriser notre présence, qui est pourtant un facteur d'équilibre, est une chose. Que l'Union admette peu ou prou cette situation en est une autre, alors que l'accord conclu entre l'Union européenne et Israël contenait des clauses politiques qu'il convient de faire valoir, alors que l'Europe est le premier partenaire commercial de ce pays ami. La présence de l'Union européenne est l'une des clés majeures d'une résolution durable de la problématique du Moyen-Orient. Toutes ces questions ne peuvent pas, on l'admettra, rester la seule affaire de quelques-uns.

La représentation nationale a son mot à dire et doit faire entendre sa voix sur l'ensemble de ces points. Le politique doit, encore une fois, retrouver sa place que lui disputent, en ces temps de mondialisation, l'économique et le technique.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Très bien !

M. Jean-Claude Lefort.

Je pourrais prendre d'autres exemples allant dans le même sens, qu'il s'agisse de l'OMC ou de la densité des accords économiques que nous avons à ratifier. En amont, le manque de concertation nous met devant le fait accompli ; quant à leur mise en oeuvre, elle dérive souvent d'accords initialement ratifiés.

Tout cela pour dire, messieurs les ministres, que je plaide pour une plus grande implication de notre assemblée en ces domaines qui vous occupent. Je plaide aussi pour que la France, et elle a tout à y gagner, se dote enfin d'une véritable diplomatie parlementaire.

Telles sont les deux remarques politiques que je voulais faire, et qui sont inséparables de notre vote positif.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Godfrain.

M. Jacques Godfrain.

Monsieur le président, messieurs les ministres, l'examen du budget de l'action extérieure de la France ne peut se résumer à un simple relevé comptable et financier des différentes lignes reliées à telle ou telle action du Quai d'Orsay, pris dorénavant au sens large du terme. C'est ainsi, monsieur le ministre, que vous avez débuté votre propos.

Il s'agit plutôt d'affirmer que la politique étrangère de la France doit toujours exprimer une ambition forte et de portée mondiale pour la paix et l'harmonie dans les rapports humains. C'est l'occasion de dire si les moyens attribués sont conformes aux ambitions affichées.

Ceux et celles qui appartiennent au groupe au nom duquel je m'exprime savent sans doute mieux que d'autres qu'ils peuvent puiser leur légitimité en ce domaine dans les gestes internationaux qui comptent parmi les plus forts du XXe siècle : à Brazzaville, à Phnom Penh, à Montréal, à Mexico, cités du monde où la souveraineté, le développement et la paix étaient à l'ordre du jour, tout comme la reconnaissance de la Chine, le 27 janvier 1964, était la première pierre d'un monde que le général de Gaulle imaginait déjà multipolaire.

Le récent sommet Asie-Europe est le lointain mais fidèle enfant de cette volonté nationale française de refuser un monde unipolaire, uniculturel, uniforme...

Si l'on doit retenir quelques grands traits de la présidence française, c'est probablement l'affirmation de l'Europe de peser dans les grands équilibres mondiaux.

Tout comme la France a vocation, malgré sa taille démographique, à se faire entendre sur l'ensemble des problèmes mondiaux, l'Europe doit être au coeur de ce phénomène de collaboration entre les hommes, pour rendre acceptable la mondialisation synonyme, hélas ! d'uniformisation.

C'est au nom du rôle particulier qui lui incombe que la France, ces dernières semaines, a su se montrer, à tous les instants et dans toutes ses instances, l'amie des Arabes comme d'Israël.


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Cela dit, monsieur le ministre, la politique de notre pays en Afrique doit s'affirmer avec plus de clarté et plus de lisibilité. Des propos ont en effet été tenus, qui, s'ils étaient tout à fait louables sur le fond, se sont révélés éloignés des réalités vécues sur le terrain.

Les rapporteurs des crédits de la coopération, que nous avons écoutés avec beaucoup d'attention, ont exprimé leurs craintes, et même leurs doutes, sur les montants affichés. L'enveloppe globale du développement subit une baisse d'une ampleur jamais atteinte. Nous nous étions engagés, dans cette assemblée, à lui consacrer 0,7 %.

Nous en sommes loin. Mais il y a plus préoccupant encore : la part des donations françaises aux organismes internationaux ne cesse d'augmenter sans qu'en retour nous ne sentions que l'influence de notre pays en sorte grandie ou simplement respectée. Cela devrait inciter nos diplomates et autres acteurs du développement à citer non seulement les montants financiers bilatéraux dépensés par la France, mais aussi la part qu'elle prend dans les organismes internationaux.

Je voudrais, monsieur le ministre, vous citer un cas précis qui n'est peut-être pas remonté à votre niveau mais que vous devez savoir : les sommes que la France consacre au multilatéral pour des opérations de déminage sont très importantes. Faites-vous communiquer la part des entreprises françaises spécialisées, notamment en ExtrêmeOrient, qui bénéficient des retombées de ces dotations, et vous serez surpris.

Votre ministre délégué affirme à juste titre que manque la partie évaluation des crédits dépensés en matière de développement. M. Josselin a raison d'insister sur cet aspect. Mais l'observation risque de nous rendre pessimistes. Il suffit de constater le nombre d'étudiants boursiers qui basculent dans le monde anglo-saxon.

Certes des évolutions sont nécessaires et nous étions déjà sortis du pré carré, d'autant mieux que la France a une expertise reconnue en matière de développement : appui à la coopération décentralisée, accompagnement de l'investissement privé grâce à l'action de l'Agence française de développement, de la COFACE, de l'OADA - Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires en Afrique - sur laquelle il serait d'ailleurs bon que vous nous disiez un mot.

Puisque vous cherchez, monsieur le ministre, des pistes nouvelles pour préparer l'avenir des étudiants du monde entier - d'Afrique, notamment - qui apprennent en France, voici une proposition à laquelle certains réfléchissaient déjà il y a quelques années : associer les services culturels français, les ministères de l'éducation, les organismes d'orientation et les associations d'élèves ou d'étudiants, pour dresser les perspectives d'emplois en fonction des réels besoins en matière de santé, de technique et d'agriculture dans les dix à quinze prochaines années.

Cette lisibilité serait d'autant plus grande que la définition de zone de solidarité prioritaire par la CICID devrait faire l'objet de communications fortes avec le Parlement.

Le FAC, tellement décrié, avait au moins l'avantage d'avoir dans ses rangs des parlementaires qui ne se privaient pas de poser des questions.

Cet effort pour la liberté culturelle et donc pour la multipolarité se traduit par la politique de soutien à la francophonie que votre ministère a en charge. A participer à des réunions entre industriels français en France même, à entendre certains fonctionnaires de votre propre administration, à constater l'aide proche de zéro au Forum francophone des affaires, à écouter certains programmes de TV 5 dont le contenu laisse parfois perplexe - selon le propos de M. Vauzelle en commission -, on se rend compte à quel point la défense de la francophonie devient pathétique.

Monsieur le ministre, je sais votre volonté, je sais vos efforts, les gestes que vous faites et auxquels j'ai été sensible ; mais je crois qu'il faut vendre l'idée de francophonie aux Français eux-mêmes, aussi bien qu'aux Québécois ou aux Roumains. Il faut, comme le dit M. Hage, un vrai projet culturel extérieur. Le premier acte de volonté serait d'attribuer des moyens convenables au Haut conseil de la francophonie présidé par le Président de la République.

Je reviendrai sur l'importance du rôle de la France dans le cadre européen. Les coopérations européennes doivent être renforcées. Beaucoup a été fait mais certaines questions restent à éclaicir. Dans le domaine fiscal, la France doit s'adapter rapidement aux orientations européennes. Dans le domaine social, une harmonisation doit avoir lieu sur tout ce qui ne touche pas aux principes de la sécurité sociale. Dans le domaine de la justice, le problème de l'aide et de l'immigration se pose, qu'il conviendra d'approfondir. Que plusieurs dizaines de Chinois, passagers clandestins, soient décédés à Douvres sur le territoire européen, doit interpeller chacun d'entre nous sur les devoirs de l'Europe.

Des adaptations en matière de coopération politique, économique et sociale, sont donc indispensables. Qu'un grand pays fondateur de l'euro ait pu brutalement décider l'augmentation de ses coûts salariaux de 11 % en réduisant les heures ouvrées dans ses entreprises ne peut donner confiance à cette même monnaie.

Le Premier ministre lui-même a dit que la confiance des Européens dépend de la force de notre monnaie, qui doit être affirmée, d'autant que la construction européenne est une construction originale et que l'Europe a besoin de donner des preuves qu'elle avance.

Enfin, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous apportiez des précisions sur les actes diplomatiques, les relations internationales et les relations économiques.

Sur tous ces bancs, le respect des droits de l'homme fait aujourd'hui partie des préoccupations prioritaires, même si nos formations politiques ont eu des lectures diverses de la notion de droits de l'homme dans l'histoire contemporaine, de l'Atlantique à l'Oural. Si vous avez remis une liste confidentielle au gouvernement chinois, c'est bien au nom de la France et de l'Europe que vous l'avez fait, et, au sein de l'exécutif, nous voulons entendre affirmer que la préoccupation des droits de l'homme est la même pour le Gouvernement et pour le Président de la République.

Les relations diplomatiques sont techniques, elles ne sont pas un simple acte politique. Les défenseurs des droits de l'homme qui tentent d'opposer les relations d'Etat à Etat avec les relations politiques font une erreur.

En conclusion, monsieur le ministre, malgré l'extrême qualité de votre présentation, ce budget n'est pas à la hauteur du but que vous vous êtes assigné. Parce que, comme vous, nous défendons la paix et la stabilité au coeur de ce partenariat entre la France et l'Europe, le groupe RPR ne pourra pas le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est une évidence : notre monde a considérablement changé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et les Trente


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Glorieuses, depuis la chute du mur de Berlin et les débuts d'une mondialisation économique de type libéral qui soulève bien des questions en termes de démocratie, comme en termes sociaux et environnementaux. Les conflits aussi ont changé de nature, avec l'émergence partout sur la planète de revendications identitaires, voire ethniques, dans des micro ou macro-régions, sur fond de sous-développement et de misère économique. Tous nos concitoyens comprennent aujourd'hui, et les nouveaux moyens d'information et de communication y sont pour beaucoup, que les décisions qui engagent notre avenir ne se prennent plus seulement à Matignon ou à l'Elysée à Paris, mais également au siège de la Communauté européenne à Bruxelles ou à celui des Nations unies à New York, ou encore au sein des grands organismes économiques et commerciaux internationaux.

Les raisons pour la France de promouvoir une politique étrangère rénovée, prenant en compte cette nouvelle donne et affichant une volonté, des moyens et une lisibilité particulièrement fortes ne manquent pas : prévention des conflits, opérations de maintien de la paix, soutien à l'instauration de l'Etat de droit et des droits de l'homme, p olitique de l'immigration, coopération Nord-Sud, accords multilatéraux sur l'environnement et les droits sociaux, échanges et compétition économiques au sein de l'Organisation mondiale du commerce, lutte contre la corruption et le crime organisé, construction européenne encore confrontée à de nouveaux défis, promotion de notre langue et de notre culture. Bref, l'actualité nous incite en permanence à approfondir et à améliorer nos relations avec nos voisins, proches ou lointains, et à redéfinir ce que pourrait être le rôle de la France dans ce qu'il est convenu d'appeler le « concert des nations », malgré de fréquentes cacophonies.

Pourtant, force est de constater que le budget des affaires étrangères, cette année, n'est pas toujours à la hauteur de ces enjeux. Certes, la baisse impressionnante des dernières années est enrayée. Vous-mêmes et les personnels avez accompli un effort considérable pour mener à bien la réforme nécessaire de la coopération en commençant par la fusion des deux ministères. Mais c'est peu dire qu'ils n'en sont guère récompensés par un gouvernement - notre gouvernement - qui semble considérer, cohabitation oblige, qu'il y a urgence à investir un domaine réputé électoralement peu sensible. C'est à notre sens non seulement un jugement à courte vue, mais aussi une faute politique.

La faiblesse de nos contributions volontaires aux grands programmes onusiens, malgré une légère augmentation cette année, fait douter de nos engagements en matière de lutte contre la pauvreté et nous empêche de jouer un rôle plus éminent au Haut Commissariat pour les réfugiés, pour ne citer que cet exemple récent.

Notre lenteur à traiter et ratifier les grandes conventions internationales, le peu de financements en appui - même s'il est vrai que nous ne sommes pas les seuls à pouvoir endosser ce reproche - rendent vains les efforts de la France et de la communauté internationale à s'organiser pour assumer les engagements qu'elle a pourtant pris en matière de développement durable à Rio en 1992 ou de cour criminelle internationale à Rome, plus récemment - pour ne citer que ces deux exemples.

L'aide au développement connaît, quant à elle, une crise profonde. J'ai bien noté les effets d'optique, mais la réalité est autre. Si une rationalisation et la lutte contre les gaspillages et les dérives de toute nature s'imposent, d'elles-mêmes - c'est d'ailleurs ce que nous réclamons depuis des années -, la nécessité d'augmenter cette aide en la requalifiant s'impose tout autant au vu des écarts dramatiques qui se creusent entre les pays du Nord et du Sud. Ces écarts sont aggravés par une libéralisation des échanges commerciaux menée à marche forcée et qui nécessite d'ailleurs de clarifier ce que nous entendons par

« commerce » et par « aide au développement ».

Enfin, une politique des migrations, de l'immigration digne de ce nom, c'est-à-dire une politique de visas, d'accueil des réfugiés, de tous ceux qui souhaitent travailler, étudier, entreprendre ou retrouver leur famille dans notre pays, exige des objectifs politiques clairement définis et des moyens accrus. Là encore, nous sommes loin du compte, malgré de récentes avancées.

Nul besoin de multiplier les exemples pour déplorer ce manque d'ambition et de visibilité de notre politique étrangère, alors que les besoins vont croissant et que les Français sont de plus en plus sensibles aux questions internationales, qu'elles concernent l'aspiration à la paix, à la démocratie ou le désir de contribuer à la mise en oeuvre d'un développement plus égalitaire, plus respectueux des hommes et de l'environnement.

Nul besoin d'entretenir à grands frais le deuxième réseau diplomatique du monde après les Etats-Unis, si nous sommes incapables de tenir une place conséquente, dans la défense et la diffusion d'un mode de développement qui nous soit propre, avec nos partenaires européens, un mode de développement qui soit tolérant, pacifique, respectueux de la biodiversité naturelle comme du pluralisme culturel, soucieux de léguer aux générations futures une terre habitable.

L'époque de Yalta se termine et la réforme de l'ONU devient urgente. La France devra évoluer par rapport à une posture gaullienne historique, qui a eu son utilité, qui est encore très prégnante mais de plus en plus anachronique et inadaptée aux enjeux d'aujourd'hui. La confrontation permanente, à raison ou à tort, avec les anglo-saxons, qui semble parfois servir d'axe politique, empêche trop souvent de se poser des questions.

La gauche plurielle doit prôner la réorientation de notre politique étrangère en en faisant un élément majeur du débat public à l'horizon 2002 et en lui attribuant des moyens conformes à ses nouvelles ambitions. Le budget 2001 reste, de ce point de vue, très en deçà de nos vertes espérances. Il risque de désespérer, non plus Billancourt, mais le Quai d'Orsay, celles et ceux qui le font vivre et, au-delà, tous ceux qui travaillent quotidiennement dans les milieux associatif, intellectuel ou de l'entreprise, pour une France ouverte au monde, forte et généreuse.

Pour toutes ces raisons, les députés Verts ne voteront pas, cette année, le budget des affaires étrangères et de la coopération. Tout en saluant les initiatives et les efforts entrepris pour une modernisation et une réforme qualitative de nos politiques en la matière - hélas ! bien peu payées de retour -, c'est un véritable cri d'alarme que nous lançons afin que notre politique étrangère et de coopération ne soit pas la grande oubliée du budget 2002, et surtout 2003.

M. le président.

La parole est à Mme Bernadette IsaacSibille.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le document budgétaire qui nous est présenté est vraiment difficile à lire : changements de nomenclature, extrême diversité des crédits rassemblés dans d'immenses chapitres budgétaires ne permettent pas au Parlement de connaître et de contrôler l'exacte affectation des ressources publiques, ce


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qui est tout de même une de ses fonctions essentielles.

C'est d'autant plus étonnant que le Gouvernement affirme sa volonté de rénover l'ordonnance de 1959.

Après avoir à peu près compris, une seule conclusion s'impose : les moyens affectés ne permettront pas de faire face aux enjeux stratégiques. La réduction de 22 % des crédits d'investissements pour les représentations françaises à l'étranger en est une démonstration tout à fait inquiétante.

Il ne s'agit pourtant pas de dépenser plus, mais de dépenser mieux et autrement. Comment concilier développement des projets locaux et réduction, chaque année, d'un nombre important de coopérants ? Comment concilier étude approfondie des demandes de visa et réduction du personnel consulaire ? Monsieur le ministre, l'an dernier, 2 000 jeunes mineurs venant de divers pays souvent lointains, sans parents, ont été relâchés dans la nature, en France, après quelques jours dans les centres de rétention.

Comment ont-ils pu quitter leur pays ? Que peuvent-ils devenir, sinon des « esclaves » au service d'employeurs irresponsables - un douloureux procès a récemment eu lieu pour ces raisons - ou, pis encore, la proie de souteneurs et de pédophiles ? Pour la question de l'adoption, à laquelle vous prêtez, monsieur le ministre, une attention particulière, nous avons pu constater, lors de la ratification des accords de La Haye ou de la convention avec le Vietnam, toute l'importance des visas. Quand on sait que seuls 17 pays sur les 70 d'où viennent les demandes d'adoption ont signé ces accords, la vigilance doit être encore plus grande pour surveiller les demandes de visa. Est-il normal que, dans un pays très difficile, un ambassadeur passe lui-même deux heures par jour pour établir les visas parce qu'il n'a personne pour exécuter cette tâche ? J'ai téléphoné il y a deux jours à un ambassadeur qui venait juste de s'en acquitter...

L'aide aux projets locaux est une très bonne chose.

Vous avez raison de les encourager : c'est tellement mieux que de donner des subventions aux gouvernements. Mais comment faire quand on réduit le nombre de coopérants ? Comment faire, au niveau de la coopération culturelle et scientifique, quand la dotation des bourses et échanges passe de 596 à 527 millions de francs ? Pourtant, l'accession à la démocratie de nombreux pays accroît le nombre de nos représentations à l'étranger.

Le fonds de solidarité prioritaire est réduit de 1,5 million à 761 000 francs, alors qu'il semblerait intéressant de faire entrer dans la zone de solidarité prioritaire les pays du Sud-Caucase : Arménie, Géorgie et Azerbaïdjan, les deux premiers surtout, puisque l'Azerbaïdjan a des ressources propres. Ces pays ont une grande importance stratégique pour l'Europe. Nous avons signé plusieurs accords bilatéraux avec l'Azerbaïdjan ; veillons à leur bonne application. Mais nos crédits pour l'Arménie et la Géorgie sont quasi inexistants.

Par exemple, la Géorgie vient de mettre à la disposition de l'ambassade de France de grands locaux destinés à l'Alliance française, mais comme l'ambassade n'a pas de crédits pour les aménager, c'est le Sénat français, sur la proposition de son président, qui va payer ces aménagements. Et pour faire venir le matériel, notre ambassadeur, femme ô combien active, a dû faire appel à la marine française, dont un bateau viendra mouiller au large de la Géorgie. Où est la grandeur de la France ? Pourtant, Tbilissi fait un effort réel pour installer une démocratie, et si la France n'aide pas ce pays par une présence active, ce sera la dictature de la mafia. Doit-on laisser agir le seul FMI sans que nous, Français, apportions aux Géorgiens un soutien technique approprié à leur développement ? Je voudrais enfin attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les divergences entre votre ministère et celui de l'éducation nationale : d'un côté, une suppression de 663 postes à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, et de l'autre, une augmentation des crédits de fonctionnement et d'équipement dévolus à l'Agence. Que veut M. Lang ? Nous sommes loin de la rationalisation et de l'efficacité des dépenses publiques.

Monsieur le ministre, l'UDF souhaite que la France puisse jouer son rôle de défenseur des droits de la personne humaine, au nom des valeurs de la civilisation judéo-chrétienne qui est la nôtre depuis des millénaires, comme le rappelait naguère ici même M. Jean-Pierre Chevènement. C'est pourquoi, même si, dans certains domaines, nous partageons vos vues, l'UDF ne pourra pas voter ce projet de budget, qui ne donne pas à notre représentation à l'étranger les moyens de remplir correctement ses fonctions, alors que nos ambassades et leurs collaborateurs accomplissent un travail considérable. Ils font honneur à la France et nous tenons à les en remercier.

M. le président.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux. L'examen des crédits du ministère des affaires étrangères reprendra ce soir, à partir de vingt et une heures.

La suite de la discussion budgétaire est donc renvoyée à cette séance.

2

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président.

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 23 novembre 2000 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

Par ailleurs, la procédure d'examen simplifiée a été engagée pour la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif au conseil d'administration d'Air France, inscrit à l'ordre du jour du mardi 21 novembre 2000.

3 ADOPTION D'UNE RÉSOLUTION EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président.

J'informe l'Assemblée qu'en application de l'article 151-3, alinéa 2, du règlement, la résolution sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 90/220/CEE relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement, du 23 février 1998 (COM [1998] 85 final/no E 1485), adoptée par la commission de la production et des échanges, est considérée comme définitive.


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(1) Nouvelle procédure.

4

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001, no 2585 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2624).

Affaires étrangères (suite) : M. Yves Tavernier, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 1 du rapport no 2624) ; M. Pierre Brana, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères (tome II de l'avis no 2626).

Coopération et développement : M. Maurice Adevah-Poeuf, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 3 du rapport no 2624) ; M. Jean-Yves Gateaud, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères (tome III de l'avis no 2626).

Affaires étrangères et coopération : M. Bernard Cazeneuve, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome I de l'avis no 2627).

Relations culturelles internationales et francophonie : M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome I de l'avis no 2625) ; M. Georges Hage, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères (tome IV de l'avis no 2626).

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ORDRE DU JOUR ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS (Réunion du mardi 7 novembre 2000) L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 7 novembre au jeudi 23 novembre inclus a été ainsi fixé : Mardi 7 novembre 2000 : Le matin, à neuf heures : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2585-2624 à 2629) : Affaires étrangères.

L'après-midi, à quinze heures : Questions au Gouvernement.

Le soir, à vingt et une heures : Suite à l'ordre du jour du matin.

Mercredi 8 novembre 2000 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Agriculture et pêche ; BAPSA.

Jeudi 9 novembre 2000 : L'après-midi, à quinze heures et le soir, à vingt et une heures : Travail et emploi.

Vendredi 10 novembre 2000 : Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et éventuellement le soir, à vingt et une heures : Equipement et transports.

Lundi 13 novembre 2000 : Le matin, à neuf heures : Justice.

L'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Ville (1).

Enseignement supérieur (1).

Enseignement scolaire.

Mardi 14 novembre 2000 : Le matin, à neuf heures : Jeunesse (1).

Service du Premier ministre : services généraux, SGDN, Conseil économique et social, Plan, Journaux officiels.

L'après-midi, à quinze heures : Questions au Gouvernement.

Le soir, à vingt et une heures : Communication.

Mercredi 15 novembre 2000 : Le matin, à neuf heures : Outre-mer.

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Intérieur (1).

Outre-mer (suite)

jeudi 16 novembre 2000 : Le matin, à neuf heures : Fonction publique et réforme de l'Etat.

L'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Logement (1).

Industrie, Poste et télécommunications.

Vendredi 17 novembre 2000 : Le matin, à neuf heures et l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Economie et finances : charges communes, services financiers, monnaies et médailles, comptes spéciaux du Trésor, taxes parafiscales : commerce extérieur (1).

Solidarité et santé ; économie solidaire.

Lundi 20 novembre 2000 : Le matin, à dix heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Articles non rattachés.

Mardi 21 novembre 2000 : Eventuellement le matin, à neuf heures : Suite à l'ordre du jour de la veille.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 2000

L'après-midi, à quinze heures, après les questions aux Gouvernements, et le soir, à vingt et une heures : Explication de vote et vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2585-2624 à 2629).

Discussion, en lecture définitive, du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (no 267).

Discussion, en seconde lecture, du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports (no 2619).

Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile (no 2526).

(Ce texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 106 du règlement.)

Mercredi 22 novembre 2000 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Discussion, en seconde lecture, du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de santé des animaux et de qualité sanitaire des denrées d'origine animale et modifiant le code rural (no 2618).

Discussion, soit sur rapport de la commission mixte paritaire, soit en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Jeudi 23 novembre 2000 : Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Suite de la discussion, soit sur rapport de la commission mixte paritaire, soit en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.