page 08106page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Questions au Gouvernement (p. 8107).

SITUATION AU PROCHE-ORIENT (p. 8107)

MM. Pierre Goldberg, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

CHOIX STRATÉGIQUES DU GROUPE AVENTIS (p. 8108)

Mme Muguette Jacquaint, M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

CRISE DE LA FILIÈRE BOVINE (p. 8108)

MM. Germain Gengenwin, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

CRISE DE L'ESB (p. 8109)

MM. Jérôme Lambert, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

SOMMET EUROPÉEN DE NICE (p. 8110)

MM. Alain Barrau, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

INFIRMIERS ET MASSEURS-KINÉSITHÉRAPEUTES (p. 8111)

M. Michel Vauzelle, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

ACCÈS À L'INTERNET (p. 8112)

MM. Michel Françaix, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

APICULTURE (p. 8113)

MM. Gérard Charasse, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL ET HEURES SUPPLÉMENTAIRES (p. 8114)

M. François Goulard, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

MALADIE DE LA VACHE FOLLE (p. 8115)

MM. Jean Auclair, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

MALADIE DE LA VACHE FOLLE (p. 8116)

M. Richard Cazenave, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

VIOLENCE À L'ÉCOLE (p. 8117)

MM. François Vannson, Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué chargé de l'enseignement professionnel.

Suspension et reprise de la séance (p. 8118)

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES

2. Loi de finances pour 2001 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 8118).

AGRICULTURE ET PÊCHE, BAPSA (p. 8118)

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l'agriculture.

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour l'agriculture.

M. Louis Mexandeau, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la pêche.

M. René Leroux, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour la pêche.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, pour le budget annexe des prestations sociales agricoles.

MM. Félix Leyzour, François Sauvadet, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Germinal Peiro, Jacques Rebillard, Jean Proriol, François Guillaume, François Liberti, Pierre Micaux, François Brottes, Michel Suchod, Louis Guédon, Michel Vergnier, Jean-paul Nunzi, Christian Jacob, Mme Jacqueline Lazard,

MM. Thierry Mariani, Philippe Martin.

Renvoi de la suite de la discussion budgétaire à la prochaine séance.

3. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 8151).


page précédente page 08107page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

N ous commençons par les questions du groupe communiste.

SITUATION AU PROCHE-ORIENT

M. le président.

La parole est à M. Pierre Goldberg.

M. Pierre Goldberg.

Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Je rentre d'un voyage en Israël, en Palestine et en Egypte, effectué dans le cadre d'une mission voulue par le parti communiste français. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

A Tel-Aviv, nous avons rencontré et écouté des membres des partis politiques et des militants pacifistes.

Nous avons senti chez eux de profondes aspirations à la paix et à une vie en sécurité. (Exclamations sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

En Palestine, nous avons rencontré et écouté le président Arafat et plusieurs personnalités. Nous avons pu mesurer les frustrations accumulées, jusqu'à l'exaspération, par la population palestinienne, particulièrement par la jeunesse ; il faut prendre ce sentiment très au sérieux.

Deux aspects essentiels ressortent de tous ces entretiens.

D'un côté, le processus d'Oslo a incontestablement permis des premiers pas importants. La création d'un

Etat palestinien vivant dans une sécurité partagée avec Israël est admise. Des avancées ont été obtenues qui laissent entières des possibilités de solution pour la question si sensible de Jérusalem. La question des droits des réfugiés est posée.

Mais, d'un autre côté, tout reste à faire.

Les tragiques événements qui ont débuté fin septembre à Jérusalem ont ouvert une crise d'une extrême gravité faisant plus de 180 morts et plusieurs milliers de blessés ; de ce point de vue, la responsabilité de la communauté internationale devrait être engagée pour protéger les populations civiles.

Pourtant, et tous nos interlocuteurs en sont convaincus, il n'y a pas de solution alternative à la négociation.

Pour réussir, celle-ci devra repartir sur des bases nouvelles qui répondent aux urgences et s'appuient sur les résolutions de l'ONU et les acquis d'Oslo - je pense tout particulièrement au retrait des territoires occupés.

Le monopole américain sur le processus politique a montré ses limites. L'élargissement du cadre des négociations est aujourd'hui une des conditions de leur réussite et du rétablissement de la confiance. On ne peut plus avancer sans le consentement des peuples.

Nous avons profondément ressenti la nécessité de la présence européenne sur la base de la résolution de Berlin de mars 1999. Plus encore, nous avons entendu les appels en direction de notre pays, dont les prises de position sont reconnues.

Monsieur le ministre, pouvez-vous exprimer la position de la France face à la difficile situation que connaît la Palestine, compte tenu des éléments que je viens d'exposer et qui ne sont en fait qu'un vibrant appel à la paix ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, je n'ai rien à ajouter à votre analyse de la situation, dont vous avez rappelé la gravité.

Aujourd'hui, la priorité est de tout faire pour que la tension retombe complètement et que les affrontements cessent. Tel est le message que la France, l'Europe, le secrétaire général des Nations unies, les Américains et l'ensemble des intervenants adressent aux responsables israéliens et palestiniens.

La deuxième chose importante, c'est que chacun s'abstienne de prendre une décision unilatérale, laquelle serait de nature à faire remonter les tensions et à compromettre la reprise des négociations sur le fond. Or, même si un tel objectif paraît aujourd'hui quelque peu paradoxal, voire humainement impensable dans l'immédiat, il n'y a pas d'autre solution que de reprendre la négociation ; ces deux peuples sont là, côte à côte ; leurs destins sont imbriqués ; cette réalité ne peut pas être changée.

La négociation doit reprendre sans perdre les acquis du processus de paix entamé depuis Oslo, et notamment depuis Camp David, l'été dernier. C'est très important et nous y travaillons.

Telle est la position française, la position de chacun des membres de l'Union européenne. C'est pour cette raison que nous avions demandé que M. Solana, notre représentant pour la PESC, soit présent à Charm-elCheikh.

Nous continuerons dans cette voie. Il ne faut ni hiérarchiser ni organiser une sorte de compétition entre les intervenants mondiaux sur la question de la paix au Proche-Orient. Il faut plutôt coordonner les interventions et s'assurer que nous avons un seul et même objectif : préserver les acquis et reprendre la négociation sur le fond pour la paix. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)


page précédente page 08108page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

CHOIX STRATÉGIQUES DU GROUPE AVENTIS

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Ma question s'adresse à

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Le groupe Aventis est né de la fusion des activités sciences de la vie des entreprises Rhône-Poulenc et Hoechst. Cette fusion avait pour but la création d'un groupe européen de dimension mondiale.

Or, en contradiction avec les objectifs affichés, la direction a fait le choix stratégique de la vente ou de la fermeture des sites du secteur de la recherche sur la santé humaine.

Après avoir annoncé sa volonté de vendre le centre der echerche de Romainville, axé notamment sur la recherche des maladies de l'os et des maladies infectieuses, à Du Pont de Nemours, puis au laboratoire Fabre, la direction d'Aventis, suite à l'échec de ces tentatives et après vingt-trois mois d'hésitations, préconise la réintégration du centre au sein d'Aventis.

Mais les inquiétudes des salariés ne sont pas apaisées pour autant. En effet, Aventis projette d'ici à un an, d'une part, l'abandon des activités de recherche et de développement sur les maladies de l'os, d'autre part, le partage avec Vitry-sur-Seine de l'axe thérapeutique antiinfectieux. Dans ce cas, le site de Romainville serait vidé de sa substance, au détriment de la recherche pharmaceutique. De plus, sans investissement, le site de Vitry, concerné par un projet d'externalisation de l'activité thérapie génique, serait fragilisé.

Devant les besoins grandissants des populations, l'axe thérapeutique des maladies de l'os et son élargissement possible aux cancers hormono-dépendants devient stratégique et nécessite des investissements importants. A ce titre, il faut qu'il y ait un rééquilibrage des investissements d'Aventis vers la France par rapport aux EtatsUnis, où le groupe a l'intention d'investir massivement en recherche et développement. Pour le devenir et l'amélioration de l'état sanitaire, les choix de la recherche pharmaceutique en France sont hautement stratégiques.

Face à cette situation, monsieur le secrétaire d'Etat, quels moyens comptez-vous mettre en oeuvre pour maintenir réellement le secteur recherche du site de Romainville et pour garantir l'avenir des centres de cette ville et de Vitry-sur-Seine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.

)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie, pour une brève réponse.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Madame la députée, Claude Bartolone et Véronique Neiertz ont déjà maintes fois attiré mon attention sur les solutions qui s'offrent au groupe Aventis pour satisfaire une des priorités du Gouvernement : le maintien en France des centres de décision industrielle et le développement de sa capacité de recherche. Il faut donc se féliciter que, après vingt-trois mois de recherche, une issue favorable - je souhaite vous rassurer sur ce point ait pu être trouvée.

La décision d'intégrer Romainville au sein d'Aventis met un terme, après l'abandon de deux précédents projets, à toute cession. C'est la meilleure décision que le groupe pouvait prendre pour l'entreprise et son potentiel de recherche, et du point de vue humain pour les chercheurs de Romainville.

Le groupe va désormais devoir adapter sa stratégie et son organisation en termes de recherche et de développement, plus particulièrement en Ile-de-France où il possède trois établissements : à Vitry dans le Val-de-Marne, à la Croix de Berny dans les Hauts-de-Seine, et à Romainville.

Les dirigeants d'Aventis m'ont assuré de la manière la plus formelle que cette question serait résolue en tenant le plus grand compte des aspects sociaux et humains. Les trois sites - je dis bien les trois sites - seront conservés. Si - je souligne la condition - des transferts de personnel s'avèrent nécessaires, ils seront limités et feront l'objet d'une concertation sociale préalable. Celle-ci doit, aux yeux du Gouvernement, être exemplaire.

Sur le plan scientifique, Aventis conservera la totalité de ses axes de recherche, dont vous en avez rappelé certains. Je ne doute pas que ce groupe européen de taille mondiale tirera maintenant le meilleur parti des dons, des connaissances et des réussites scientifiques du laboratoire de Romainville, ce qui lui permettrait de devenir l'un des quatre ou cinq premiers groupes pharmaceutiques mondiaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

CRISE DE LA FILIÈRE BOVINE

M. le président.

La parole est à M. Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Maxime Gremetz.

Vous parlez au nom des trois groupes de l'opposition ?

M. Germain Gengenwin.

Monsieur le ministre, la suppression des farines animales dans la fabrication des aliments paraît inéluctable ; d'ailleurs l'agence française de sécurité sanitaire des aliments devra se prononcer très rapidement.

Comment la Communauté européenne et surtout la France vont-elles pouvoir compenser cette suppression par la production des protéines nécessaires à l'alimentation animale ? Rien n'a été fait pour développer la production de protéines végétales et nous sommes tributaires à 95 % des importations des Etats-Unis. Comment allez-vous aider les éleveurs, qui encaissent déjà le choc brutal de la baisse de la consommation ?

M. Alain Calmat.

Demandez à Chirac !

M. Germain Gengenwin.

Le même problème se pose d'ailleurs également pour les salariés de la filière

« viande », car, déjà, certains abattoirs ont arrêté l'abattage d'animaux.

En ce moment, les troupeaux rentrent des herbages, l'offre est la plus importante et les éleveurs touchent normalement la plus grande part de leurs revenus annuels. Le marasme qui se dessine est tel que beaucoup risquent le dépôt de bilan. Un véritable plan de sauvetage de la filière, avec des mesures de dégagement appropriées, est indispensable. Et je ne parle pas des conséquences c atastrophiques pour l'avenir de la crise actuelle, notamment pour l'installation des jeunes, qui a déjà chuté de près de 35 % ces dernières années.

Dans l'immédiat, monsieur le ministre, quel soutien a llez-vous apporter aux éleveurs ? (« Demandez à Chirac ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Allezvous exiger, pour les viandes importées, les mêmes tests que ceux appliqués aux viandes produites en France et harmoniser la réglementation européenne ?


page précédente page 08109page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

M. Arnaud Lepercq.

Très bien !

M. Germain Gengenwin.

Quelles propositions le gouv ernement français compte-t-il faire pour engager l'Europe à favoriser la production de protéines végétales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je note avec intérêt et satisfaction que vous êtes soucieux de la situation de la filière bovine.

Celle-ci, en effet, vit des jours difficiles. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je ne vois pas en quoi mes propos peuvent provoquer votre ire, messieurs !

M. Maurice Leroy.

Un peu de sérieux !

M. Charles Cova.

Gardez votre ironie pour vous !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Votre question suscite deux réflexions de ma part.

Tout d'abord, dans ce dossier difficile, qui nous concerne tous, de la maladie de la vache folle, la sécurité du consommateur doit toujours primer, nous devons tous en être convaincus. C'est cet impératif qui doit l'emporter sur tout le reste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) et je pense que même les producteurs de bovins français en sont persuadés.

Mais, monsieur Gengenwin, si l'on veut aider la filière bovine - et elle en a besoin - peut-être n'est-il pas nécessaire d'en rajouter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Il n'est absolument pas besoin de demander des m esures d'interdiction de consommation de viande bovine dans un certain nombre de lieux, alors qu'une telle consommation ne présente aucune espèce de danger.

(

«Ayrault l'a bien fait ! » sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Aucun élément nouveau, aucun avis scientifique ne vient pour le moment étayer ce genre de décision (applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste), et je le dis en m'adressant à tout l'hémicycle.

Dans ces conditions, il faut savoir raison garder comme je le disais hier.

M. Yves Fromion.

Il faut vous mettre d'accord !

M. Maurice Leroy.

Demandez à M. Ayrault !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cela étant, une des conséquences de la crise que nous vivons est que la filière bovine vit des moments très difficiles.

Elle a besoin de la solidarité nationale. Les effets, pour elle, se font encore plus durement sentir qu'aux pires moments de l'ESB, c'est-à-dire en 1996. La baisse de consommation de viande avait atteint alors 15 ou 20 %, tandis que, dans certains abattoirs la production a déjà chuté de plus de 40 % ces dernières semaines ; c'est dire le traumatisme que vit ce secteur économique.

J'ai reçu hier à de nombreuses reprises des représentants des sociétés d'abattage et hier soir, très tard, l'ensemble des représentants de la filière bovine : les producteurs de bovins, les producteurs laitiers, les représentants des transformateurs.

M. Gérard Bapt.

Et Chirac, il les a reçus ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Nous avons étudié ensemble les mesures qui pourraient être prises pour soutenir la filière. En particulier, les responsables professionnels m'ont proposé - ce n'est pas une décision mais simplement une proposition - d'abattre tous les bovins nés avant 1996, c'est-à-dire avant les décisions prises par l'ancienne majorité et que vous semblez vouloir remettre en cause.

M. François Sauvadet.

Mais non ! M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Mais si, monsieur Sauvadet, puisque vous considérez qu'elles sont nulles et non avenues. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Charles Cova.

C'est vraiment de la provocation !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cette mesure mérite d'être étudiée. Elle a sa cohérence. Elle représente un coût pour la collectivité qui s'élève sûrement, au bas mot, à 12 milliards de francs, et probablement à 18 milliards. Elle aurait des vertus sans doute sanitaires mais aussi de soutien à la filière. En tout cas elle mérite d'être discutée et c'est ce que nous faisons.

Demain se tiendra à l'OFIVAL, l'Office interprofessionnel des viandes, une réunion de travail avec la filière p our essayer d'avancer dans l'étude des différentes mesures qui peuvent être prises.

En tout état de cause, nous aurons sûrement l'occasion de reparler de cette question. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Charles Cova.

Ce ne sont pas des provocations qu'on attend de vous, mais des actes !

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

CRISE DE L'ESB

M. le président.

La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert.

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, alors qu'aucun élément n'est venu contredire ce que nous connaissions déjà concernant la maladie dite de la « vache folle », on a tenu ces derniers jours, ici même et dans d'autres lieux de pouvoir, des propos de nature à inquiéter les Français. (« Des noms ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Ayrault ?

M. Jérôme Lambert.

Ces propos ont pu faire germer dans l'esprit des Français un doute quant à la qualité de certains produits d'origine bovine qu'ils consommaient jusqu'ici sans souci particulier. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Alors que la filière bovine a mis en place depuis des années, avec les pouvoirs publics, de très nombreuses mesures pour assurer le contrôle, la traçabilité, la qualité des produits mis sur le marché, alors que les producteurs


page précédente page 08110page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

français, à travers leurs organisations professionnelles, leurs coopératives de commercialisation, leur volonté de certification et de labélisation, ont travaillé dans le sens de la qualité, ont joué le jeu de la transparence, de simples discours médiatiques mettent à mal toute la confiance en la politique de qualité conduite par la filière de production bovine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Faut-il, encore une fois, rappeler l'interdiction, depuis 1996, de l'usage des farines animales dans l'alimentation bovine ? Faut-il rappeler la pratique de plus en plus développée de tests visant à éliminer tous les animaux suspects, en fait quelques dizaines dans notre pays depuis dix ans sur des millions d'animaux abattus et consommés ? Faut-il rappeler que tous les animaux malades sont éliminés du circuit commercial avec l'ensemble du troupeau auquel ils appartiennent ? Faut-il rappeler que les produits particuliers qui pourraient être susceptibles de contenir des éléments suspects ne sont jamais consommés, même s'ils proviennent d'animaux sains ? Je veux également souligner toutes les mesures qui ont été prises jusqu'à présent pour garantir la qualité des produits proposés à la consommation.

M. Thierry Mariani.

La question !

M. Jérôme Lambert.

C'est dire tous les moyens qui ont été mis en oeuvre pour garantir la sécurité alimentaire des Français, et qui doivent aujourd'hui les rassurer.

Le Gouvernement doit poursuivre en ce sens car cette sécurité est indispensable pour répondre aux problèmes et à toutes les outrances qui peuvent résulter de la situation.

Il doit continuer...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

La question !

M. Jérôme Lambert.

... d'accompagner les acteurs de la filière bovine, à commencer par les producteurs euxmêmes, afin de leur permettre en particulier de mettre en oeuvre les mesures qui ont été proposées hier et qui, forcément, coûteront cher, d'autant que la situation qui se développe depuis quelques jours...

M. Thierry Mariani.

Monsieur le président, que M. Lambert pose sa question !

M. Jérôme Lambert.

... risque d'avoir des répercussions financières importantes sur les comptes de nombreuses exploitations.

Monsieur le ministre (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République), pouvez-vous nous préciser de quelle façon le Gouvernement va pouvoir aider la filière bovine à retrouver toute la confiance des consommateurs, qu'elle mérite amplement ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je prolongerai la réponse que j'ai faite à M. Gengenwin en précisant simplement ce que vous avez dit, je veux rappeler qu'il y a longtemps que des mesures ont été prises en France en ce domaine.

L'interdiction des farines animales dans l'alimentation des bovins ne date pas de 1996 : elle est plus ancienne puisqu'elle remonte à 1990.

Nous avons engagé hier des négociations avec la profession. Cette dernière fait preuve d'un esprit de responsabilité que je veux saluer devant la représentation nationale. Les discussions seront sérieuses. Il s'agit de définir les mesures que nous pouvons mettre en oeuvre et qui répondent à la fois à l'attente de l'opinion et aux besoins de la filière.

J'ajoute, allant un peu plus loin que dans ma réponse à M. Gengenwin, que les mesures que nous prenons doivent bien entendu avoir une suite sur le plan européen.

L'action que nous avons menée depuis des années pour une sécurisation accrue de la filière a fait que nous avons obtenu, au premier semestre, des avancées en matière de retrait des matériaux à risques spécifiés, qui ont porté leurs fruits au niveau européen. Mais elles doivent en porter d'autres, car la France a encore pris de l'avance ces derniers mois. Il est bien entendu que, si nous devions prendre des mesures, elles ne pourraient pas être francofrançaises et donc ne concerner que nos producteurs : il nous faudrait aussi penser à la protection de nos frontières, comme nous le faisons chaque fois en pareil cas.

Nous devons obtenir des mesures au niveau européen, y compris pour d'éventuelles reconversions dans des productions de protéines végétales. Vous avez dit en quoi ces productions européennes étaient bridées par les accords de Blair House qui, je le rappelle au passage, ont été signés en échange de contreparties - il ne faut pas croire que c'était un diktat.

Si nous devions aller dans le sens que vous avez imaginé, il faudrait, en plus de toutes les décisions qui doivent être prises et qui montrent que le problème des farines animales n'est pas aussi simple que certains veulent bien le dire, traiter aussi la question de la production de protéines végétales.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

SOMMET EUROPÉEN DE NICE

M. le président.

La parole est à M. Alain Barrau.

M. Alain Barrau.

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

On veut Gayssot !

M. Alain Barrau.

Monsieur le ministre, il y a quelque temps, nous avons parlé des résultats du conseil informel de Biarritz. Nous avons alors souligné que, lors du Conseil européen de Nice, il y aurait trois points à traiter : la prise en compte de la Charte ; l'Europe des citoyens, à laquelle nous tenons ; enfin, la conférence intergouvernementale elle-même et la réforme institutionnelle.

Vous-même ainsi que le ministre des affaires étrangères avez eu ces dernières semaines, au nom du Gouvernement et au nom de la France, un certain nombre de contacts avec nos partenaires, à l'occasion desquels vous avez abordé la question de l'accord institutionnel. Après Biarritz, la coopération institutionnelle, les coopérations renforcées, la règle de la majorité qualifiée et les thèmes pour lesquels celle-ci pourrait être appliquée ont été autant de sujets qui ont avancé.

Comment abordez-vous les deux points qui sont aujourd'hui les plus difficiles, à savoir, d'une part, la c omposition, le fonctionnement et le nombre des membres de la Commission, et surtout, d'autre part, la pondération des voix au sein du Conseil - question centrale qui conduit à poser celle des relations entre les différents pays qui composent l'Union ?


page précédente page 08111page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

Je vous remercie, monsieur le ministre, d'éclairer la représentation nationale sur ces deux points. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

On veut Gayssot !

M. le président.

Mes chers collègues, je vous en prie ! Vous avez la parole, monsieur le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le député, le sommet de Biarritz, je le crois sincèrement, a mis la conférence intergouvernementale sur de bons rails. C'était un bon et utile sommet. Il demeure qu'on a pu avoir l'impression d'une opposition entre ceux qu'on appelle les « grands » Etats et ceux qu'on appelle les « petits ».

C'est dans ce contexte que le Président de la République et le Premier ministre m'ont demandé de faire un certain nombre de visites : en Belgique, au Luxembourg, en Finlande, au Danemark et au Portugal.

Chaque fois, j'ai rencontré les Premiers ministres et les ministres des affaires étrangères. Cette démarche était utile car il fallait à la fois expliquer et négocier. Il me semble que se dessinent les prémices d'un accord, mais il convient de prendre en compte les contraintes politiques de nos partenaires.

Quant à la composition de la Commission, je crois qu'aujourd'hui aucun Etat n'est prêt à renoncer, à Nice, à son commissaire. Dès lors, nous pouvons peut-être commencer à étudier l'idée d'un plafonnement par étapes, au fur et à mesure des Commissions et des élargissements, pour arriver finalement à une Commission plafonnée, avec une rotation égalitaire.

Pour ce qui concerne la pondération des voix, les deux schémas restent sur la table. Certains restent attachés à la double majorité, mais il me semble que, dès lors qu'on peut être flexible sur les points que je viens d'évoquer, on peut espérer aller vers une repondération simple des voix, mécanisme qui prévaut dans l'Union européenne depuis son origine.

Cela dit, je n'aurai garde d'oublier les progrès qui continuent d'être enregistrés dans la négociation sur le vote à la majorité qualifiée.

Quant aux coopérations renforcées, je crois que nous parviendrons à un bon accord, qui permettra un véritable assouplissement.

Enfin, il me semble que nous pourrons modifier l'article 7 du Traité, qui permet de prendre des mesures préventives dans le cas de violations des droits de l'homme ou des valeurs fondamentales de l'Union europ éenne, puisque les dernières réserves danoises ou anglaises paraissent en voie d'être levées.

Tout cela fait que, à Nice, nous pourrons, je le crois, parvenir à un bon traité, même si, globalement, la négociation sera difficile. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

INFIRMIERS ET MASSEURS-KINÉSITHÉRAPEUTES

M. le président.

La parole est à M. Michel Vauzelle.

M. Michel Vauzelle.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la ministre, la santé, on le mesure aujourd'hui avec la gravité des problèmes de sécurité alimentaire, est le premier souci de chacun d'entre nous, non seulement pour nous-mêmes, mais davantage encore pour ceux qui nous sont chers, nos enfants et les personnes âgées.

La santé exige, de toute évidence, des soins de qualité, et nous sommes tous d'accord sur ce point. Or les infirmières et les infirmiers sont au centre des préoccupations des élus de la nation, parce que les professions de santé demandent, outre de hautes compétences, un dévouement et une abnégation exceptionnels. Les vocations, car c'est bien de vocation qu'il s'agit, sont aujourd'hui trop rares par rapport aux besoins de notre société.

Un plan de soins infirmiers, dit «

PSI » a fait l'objet d'un arrêté du 13 octobre dernier. Or ce PSI n'est pas acceptable par nombre d'infirmières, d'infirmiers et de kinésithérapeutes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe communiste ainsi que sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Les infirmières craignent en effet que ce plan ne réduise fortement les actes infirmiers de soins, dits AIS, qui regroupent, on le sait, des soins d'hygiène, de prévention, de surveillance, d'éducation et, ce n'est pas le moindre, de prise en charge psychologique des patients, notamment des personnes dépendantes, âgées ou non.

La notion nouvelle de dépendance stabilisée fera que nombre de patients relèveront désormais des auxiliaires de vie qui ne reçoivent qu'une formation de trois semaines.

Or, s'ils sont privés de ces patients, nombre d'infirmières et d'infirmiers risquent, ni plus ni moins, de devoir fermer leur cabinet.

(« Très juste ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Quant aux kinésithérapeutes, le décret du 3 août dernier a entraîné une minoration de leurs honoraires. Or ces professions ne traitent pas toutes, contrairement à ce qu'on a pu laisser croire, soixante-dix patients par jour.

Comment les masseurs-kinésithérapeutes accepteraient-ils une baisse de leurs revenus alors que la conjoncture économique permet, au contraire, une hausse de nombreux revenus ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

Leurs charges augmentent. Songeons, par exemple, à leurs frais de maintien de plateau technique, qui sont souvent très élevés. Il faut donc absolument leur éviter de subir une injustice très grave.

Je sais, madame la ministre, que vous avez déjà prononcé des paroles d'apaisement à l'égard des infirmières, des infirmiers et des kinésithérapeutes.

M. René André.

Des mots !

M. Michel Vauzelle.

Mais l'inquiétude de ces professions est profonde. Elle exige une réponse précise et rapide du Gouvernement.

Q uelles mesures envisagez-vous pour répondre à l'attente justifiée de ces professions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ainsi que sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


page précédente page 08112page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, vous avez raison de souligner que les infirmières, les infirmiers et les masseurskinésithérapeutes jouent un rôle de santé publique irremplaçable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ainsi que sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française Alliance.) En particulier, celles et ceux qui exercent en ville ou à la campagne sont un élément fondamental de notre système de soins. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Francis Delattre.

On ne le dirait pas !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

En effet, ces professionnels qui sont, je le souligne, très qualifiés, apportent aux patients, que, souvent, ils visitent chez eux, des soins de proximité, ils sont à leur écoute et, de ce fait, sont les pivots de notre politique de maintien à domicile des malades et des personnes âgées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert ainsi que sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ils sont proches des familles. Ils sont à l'écoute des demandes des patients.

M. Francis Delattre.

Sortez les violons !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ils soulagent les peines et les maux de nos concitoyens.

M. Lucien Degauchy.

Jouez violons, sonnez trompettes !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Souvent aussi, ils sont à l'origine d'une meilleure prise en charge de la douleur...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Tout à fait ! Bravo de le rappeler !

M. Laurent Dominati.

Juste remarque !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et nous savons à quel point il s'agit d'un problème important dans notre pays.

Les infirmiers, les infirmières et les masseurs-kinésithérapeutes, qui sont reconnus et appréciés par la représentation nationale - votre question, monsieur le député, en porte témoignage -, mais aussi par l'ensemble de la population, exercent deux professions qui réfléchissent collectivement à leur pratique.

M. Jean-Michel Ferrand.

Tout cela, on le sait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La formation qu'ils reçoivent leur donne vocation à délivrer des soins pour lesquels eux seuls sont compétents. Je soutiens ces professionnels (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Comment ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... qui souhaitent valoriser la formation et la qualification qu'ils ont reçues en les distinguant de celles d'autres professionnels qui, au demeurant, sont tout aussi responsables.

Ce que les infirmiers, les infirmières et les masseurskinésithérapeutes nous demandent, c'est la reconnaissance (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) de leur volonté de délivrer dans les meilleures conditions des soins de qualité.

Je suis décidée à les accompagner dans cette voie. Le Gouvernement a déjà pris des décisions qui donnent à ces professionnels une plus grande liberté dans l'exercice de leur métier.

Il faut faire confiance aux professionnels consciencieux, qui sont la très grande majorité (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), et qui souhaitent assumer leurs responsabilités. Dans cette perspective, le député Philippe Nauche a exploré les conditions de création d'un office des professions paramédicales (« Baratin ! baratin ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), qui sera géré par les professionnels eux-mêmes pour améliorer la qualité des soins (Exclamations sur les mêmes bancs.) Il ne faut pas s'arrêter à la minorité qui ne respecte pas les règles et pour laquelle des sanctions sont d'ailleurs prévues. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Vous savez que j'ai commencé cette semaine mes consultations avec les représentants de ces professionnels, en commençant par les syndicats d'infirmières. Mon objectif, que je sais partagé, est d'associer ces professionnels à notre responsabilité collective, qui consiste à la fois à maîtriser intelligemment les dépenses de santé et à veiller à améliorer constamment la qualité des soins dispensés dans notre pays, en particulier aux personnes âgées, qui doivent pouvoir, autant que possible, être maintenues à domicile. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

ACCÈS À L'INTERNET

Mme la présidente.

La parole est à M. Michel Françaix, pour une brève question qui devra recevoir si possible une réponse tout aussi concise.

M. Michel Françaix.

Monsieur le président, je vais faire un effort en ce sens, même si ma question, qui s'adresse à M. le secrétaire d'Etat chargé de l'industrie, est une question d'avenir.

Le 10 octobre dernier, M. le Premier ministre a, dans son intervention lors des deuxièmes rencontres parlementaires sur la société de l'information et de l'Internet, réaffirmé sa volonté de promouvoir une société de l'information solidaire.

L'Internet peut jouer un rôle important dans le partage des connaissances. La condition pour qu'il remplisse ce rôle est que son accès soit aussi large et aisé que possible.

Qui dit accès pour tous dit prix d'interconnexion raisonnable. Or le prix des communications téléphoniques locales constitue un frein à la diffusion de l'Internet dans tous les foyers français et, selon une étude récente, 80 % des non-abonnés déclarent qu'une offre d'accès forfaitaire illimité faciliterait leur décision de s'abonner à l'Internet.


page précédente page 08113page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

Sans aucun doute, la politique tarifaire à la durée de la connexion de France Télécom est aujourd'hui un frein à la démocratisation de l'Internet.

M. Laurent Dominati.

Très juste !

M. Michel Françaix.

Conscient du retard pris par la France, le président de l'Autorité de régulation des télécommunications a engagé une réflexion approfondie pour étudier de façon très ouverte les conditions de l'introduction en France d'une interconnexion forfaitaire illimitée à l'Internet.

Vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, considérez que la France doit participer à ce mouvement.

M. Jean-Louis Debré.

Monsieur le président, le temps dont disposait M. Françaix est écoulé !

M. Michel Françaix.

M. le Premier ministre, lors du comité interministériel pour la société de l'information a, le 10 juillet 2000, annoncé des mesures financières importantes pour réduire le fossé numérique.

M. Jean-Michel Ferrand et M. Thierry Mariani.

La question !

M. Michel Françaix.

Il ne s'agirait pas que tous ces efforts restent vains en raison de tarifs d'accès à l'Internet décourageants.

Dans ce contexte de très forte libéralisation du marché des télécommunications, je pense qu'il faut rechercher un équilibre qui assure le respect de la concurrence par des offres innovantes, acceptables par tous, sans déstabiliser l'opérateur historique.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Dans quelles conditions et selon quel calendrier le Gouvernement entend-il généraliser l'accès des Français à des offres forfaitaires illimitées et contribuer ainsi à la réduction de la « fracture numérique » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, l'accès forfaitaire illimité, qui inclut l'abonnement aux fournisseurs d'accès ainsi que le coût des communications pour une durée illimitée, est un axe de développement majeur que la France prend en considération, comme l'a récemment rappelé M. le Premier ministre. Il tend à se généraliser en Europe aux environs de 30 euros, soit 200 francs à peu près.

M. Jean-Louis Debré.

Nous avons pris cinq minutes de retard dans les questions au Gouvernement !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Pourquoi participer à ce mouvement ? Parce qu'il répond à une demande légitime des internautes et que c'est une solution techniquement et économiquement réalisable dans l'attente de l'étape suivante, qui sera le développement du haut débit, que le Gouvernement encourage également massivement.

Pour y parvenir, il faut que France Télécom propose une offre d'interconnexion à ses réseaux qui soit spécifique et forfaitaire. L'Autorité de régulation des télécommunications étudie actuellement la question par l'intermédiaire d'un groupe de travail. J'ai pour ma part incité France Télécom à faire le plus vite possible le nécessaire.

M. Laurent Dominati.

C'est vous qui avez retardé les choses !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Ce nouvel accès illimité et gratuit nécessite des investissements très importants. C'est pourquoi nous voulons que, dès l'année 2001, et probablement au premier semestre 2001, les investissements soient réalisés par France Télécom, après que les autorisations nécessaires auront été accordées par l'Autorité de régulation, ce qui vous donnera satisfaction.

Ma réponse, monsieur le député, est une réponse positive, tant pour vous-même que pour tous les internautes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je signale à M. Debré que nous n'avons que deux minutes de retard, et non cinq.

Nous en venons à une question du groupe Radical, Citoyen et Vert.

APICULTURE

M. le président.

La parole est à M. Gérard Charasse.

M. Gérard Charasse.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le ministre, récemment, les médias se sont de nouveau fait l'écho des graves préoccupations du secteur apicole au regard des quantités de miel produites, qui seront sans doute encore en baisse cette année par rapport à l'année dernière.

Le débat ne porte plus sur l'origine du phénomène. En effet, les conclusions des études menées par l'INRA et le CNRS confirment les évidence constatées par les professionnels : il s'agit de l'intoxication du cheptel par les insecticides contenus dans l'enrobage des semences de tournesol et de maïs. En raison des effets neurotoxiques de ces produits, un tiers du cheptel a disparu.

Mais l'abeille déboussolée n'est pas la vache folle ! (Sourires.) Des mesures simples peuvent être prises pour que le cheptel se reconstitue, pour que la production retrouve un niveau acceptable et pour que la filière apicole ne meure pas.

Des propositions ont été faites en ce sens par les professionnels et je souhaite savoir quelles suites le Gouvernement compte réserver à ces suggestions qui n'ont rien d'extrémiste et qui, pour tout dire, me semblent frappées au coin du bon sens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, il s'agit d'un problème que je connais bien pour l'avoir pris en charge dès mon arrivée au ministère, il y a deux ans. En janvier 1999, j'ai pris un arrêté interdisant l'usage du Gaucho pour le traitement des semences de tournesol alors même que les scientifiques n'avaient pas encore rendu leurs conclusions au sujet de cet insecticide. Cela prouve bien, monsieur le professeur Mattei, que le Gouvernement est capable de prendre des décisions sans attendre l'avis des experts, dès lors que les soupçons convergent.

Nous avons ensuite saisi la commission d'étude de la toxicité des produits antiparasitaires à usage agricole, qui est en train de procéder à toute une série d'analyses. Elle devrait rendre son rapport pour la fin de l'année au plus tard, sans doute à la mi-décembre. En attendant, je maintiens l'interdiction. Mais, sur la base de ses travaux, je prendrai une décision rapide dans le sens que vous pouvez deviner.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


page précédente page 08114page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL ET HEURES SUPPLÉMENTAIRES

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, à qui je demande de respecter son temps de parole.

(Protestations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Goulard.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, votre prédécesseur a bloqué des mois durant les négociations et entravé l'accord intervenu entre les partenaires sociaux pour dessiner un nouvel avenir à notre régime d'assurance chômage. Elle a fini par être désavouée à la veille de son départ par le Premier ministre au prix, il est vrai, du versement d'une rançon de quelques milliards.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Pour notre part, nous considérons qu'il y a eu progrès, parce que la négociation sociale a abouti à un accord, et que tout vaut mieux que l'intervention systématique et bureaucratique de l'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Maxime Gremetz.

C'est la voix du MEDEF !

M. François Goulard.

La négociation sociale pourrait aussi nous aider à résoudre un des nombreux problèmes posés par la loi des 35 heures. Certes, ce serait une solution partielle car le poids de la facture de la réduction du temps de travail demeure. Les contribuables devront bientôt débourser 100 milliards de francs par an, et les salariés voient d'ores et déjà leurs revenus bloqués. Ce problème, nouveau pour vous, ce sont les pénuries de main-d'oeuvre. Nous avions dit dès le vote de la première loi que la France risquait d'y être confrontée. Aujourd'hui, ces pénuries touchent des branches entières de notre économie, comme le bâtiment ou certaines spécialités comme l'informatique. Elles ont un coût en termes de richesse nationale. Savez-vous, madame la ministre, que, depuis un an le nombre total d'heures travaillées a baissé en France ? Pour y remédier, il n'y a qu'une solution : introduire de la souplesse, en particulier dans le recours aux heures supplémentaires. Chacun aujourd'hui en est convaincu.

Et il semble que M. Fabius, qui est le premier au sein du Gouvernement à en avoir parlé, vous en a aussi convaincue, madame la ministre. Mais se pose un problème de méthode.

Plusieurs députés socialistes.

La question !

M. François Goulard.

Allez-vous suivre Mme Aubry dans son autoritarisme irrépressible et décider arbitrairement ce qu'il faut retenir des propositions des partenaires sociaux ou allez-vous au contraire reconnaître aux partenaires sociaux, qui sont les premiers intéressés et qui connaissent le terrain, le droit de décider eux-mêmes des aménagements au terme d'accords collectifs ? C'est à votre attitude face à ce sujet extrêmement important que nous verrons quel prix vous accordez à la n égociation sociale et quel rôle vous voulez bien reconnaître aux partenaires sociaux dans notre pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Jean-Claude Lefort.

Quelle est la question ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, vous venez de faire, une fois de plus, la démonstration de votre esprit de nuance ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Inutile de le préciser, je récuse totalement l'interprétation que vous donnez de l'attitude de Martine Aubry dans la négociation sur l'UNEDIC.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

A un moment donné, cette négociation a comporté des clauses inacceptables pour l'ensemble du Gouvernement, ce qui a motivé une lettre conjointe de Martine Aubry et de Laurent Fabius. Il y a eu ensuite des améliorations significatives auxquelles Martine Aubry a fortement contribué car elle a aidé jusqu'au bout au rapprochement des points de vue.

M. Arnaud Lepercq.

Taratata !

M. François Goulard.

Le décret était prêt !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

S'agissant des 35 heures, monsieur le député, ne cédez pas à la caricature. N'attribuez pas à la réduction du temps de travail la responsabilité des difficultés de recrutement.

Elles ont toujours existé dans notre pays,...

M. Christian Bergelin.

C'est faux !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... en particulier dans les secteurs où l'on travaille tard le soir ou le week-end, et qui sont évidemment moins attractifs que d'autres. Il n'est pas anormal qu'elles soient aujourd'hui accentuées par la reprise de la croissance, par la diminution du chômage et par une plus grande exigence des demandeurs d'emploi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Je préfère, moi, traiter cette question importante avec un esprit constructif, en évitant la caricature. Nous devons d'abord prendre acte du fait que 40 % des entreprises de moins de vingt salariés sont déjà passées aux 35 heures, ce qui prouve bien que, pour beaucoup de petites entreprises, la réduction du temps de travail est attractive.

Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

C'est faux !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Quant aux autres, nous devons naturellement apaiser leurs inquiétudes en leur montrant que la loi offre certaines souplesses et ménage des périodes d'adaptation. Elle permet également aux entreprises qui peuvent prouver qu'elles connaissent des difficultés de recrutement de recourir de façon régulière aux heures supplémentaires sans renoncer aux allégements de charges.

M. Michel Meylan.

Et les salaires gelés ? La loi n'est donc pas un couperet. Elle comporte de nombreuses dispositions de nature à aider les entreprises.

Je rappelle, en outre, que l'Etat finance des aides au conseil, qui ont déjà bénéficié à 11 000 entreprises du bâtiment et de l'artisanat.

Alors, je le répète, évitons les caricatures ! (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Faisons en sorte de résoudre les problèmes tels


page précédente page 08115page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

qu'ils se présentent dans la réalité et non pas tels qu'une approche idéologique conduit à les considérer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Maxime Gremetz.

Appliquons la loi !

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

MALADIE DE LA VACHE FOLLE

M. le président.

La parole est à M. Jean Auclair.

M. Didier Boulaud.

Il va nous parler du veau aux hormones !

M. Jean Auclair.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et, naturellement, je la pose au nom des trois groupes de l'opposition. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Monsieur le ministre, hier comme aujourd'hui, nous vous avons écouté répondre aux questions de l'opposition sur la crise de la vache folle. Vous n'avez, hélas, convaincu personne.

M. Didier Boulaud.

Et les hormones ?

M. Jean Auclair.

Il me semble que vous n'avez pas saisi la gravité de la crise qui touche la filière bovine.

M. Didier Boulaud.

Et le veau aux hormones ?

M. Jean Auclair.

Depuis trois ans, vous avez laissé grossir les stocks de farine de viande, dans l'indifférence la plus totale. Pire, des volailles et certains poissons continuent d'être nourris avec ces farines.

MM. Didier Boulaud et Albert Facon.

Et les hormones ?

M. Jean Auclair.

Tout le monde vous demande d'interdire immédiatement leur utilisation pour sécuriser les consommateurs. Vous, vous parlez de l'AFSSA et des difficultés d'élimination. De surcroît, vous cachez la réalité. Bientôt va éclater au grand jour l'imprévoyance dont vous avez fait preuve lorsque vous avez renégocié la PAC en 1999 (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe social iste) et torpillé les productions d'oléoprotéagineux.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il n'y a pas que le soja américain aux OGM pour remplacer les graisses animales !

M. Didier Boulaud.

Et si vous nous parliez des hormones ?

M. Jean Auclair.

Avec une volonté politique forte, vous auriez pu très rapidement mettre en place un plan de relance des protéines végétales avec nos partenaires européens.

Si vous vous souciez réellement de la santé publique, si vous entendez rassurer nos compatriotes mais aussi nos clients européens,...

M. Didier Boulaud.

Les hormones ?

M. Jean Auclair.

... vous vous devez de mettre immédiatement en place un dépistage systématique et rapide à l'entrée des abattoirs, comme les distributeurs le demandent.

Vous nous dites que cela va coûter cher...

M. le président.

Monsieur Auclair, posez votre question, s'il vous plaît ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Louis Debré.

La majorité l'empêche de parler !

M. Jean Auclair.

Monsieur le ministre, lorsque l'on trouve cent milliards de francs pour financer les 35 heures, on peut bien consacrer 114 francs par animal pour rassurer les Français et sauver des milliers d'emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) L'idée avancée par certains d'éliminer les animaux nés avant 1996 est une fausse bonne idée, si l'on considère notamment les races allaitantes et les races à viande.

Cela ouvrirait la porte aux importations de tout genre et fragiliserait la filière, donc l'emploi.

M. Didier Boulaud.

Et les hormones !

M. Jean Auclair.

Qu'attendez-vous pour entreprendre une vaste campagne de communication pour expliquer que la consommation des muscles proprement dits ne comporte aucun risque ? (« La question ! » sur divers bancs du groupe socialiste.)

Comment allez-vous indemniser les opérateurs et les producteurs qui ne sont pour rien dans votre laxisme ? Et ne venez pas nous parler des reports d'échéances MSA et des prêts bancaires ou, pire encore, d'interventions à 14 francs le kilo. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Posez votre question, monsieur Auclair.

M. Jean Auclair.

Les éleveurs perdent aujourd'hui 600 francs par broutard, 2 000 francs par animal, quand ils peuvent encore vendre. A cause de votre comportement inconséquent et frileux, le pire est devant nous.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Les éleveurs attendent avec impatience le versement des aides compensatoires, qui subit un retard sans précédent.

Monsieur le ministre, nous voulons des réponses concrètes, pas votre bavardage habituel. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Ecoutez les recommandations du Président de la République, entendez les Français une bonne fois pour toutes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Je fais simplement remarquer que la question de M. Auclair ayant duré quatre minutes trente, les trois autres membres du groupe RPR risquent de ne pas pouvoir intervenir.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)


page précédente page 08116page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, je vais rattraper le temps perdu en répondant le plus rapidement possible.

(Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Monsieur Auclair, je suis très sensible au fait que vous me posiez cette question, vous, un éleveur de bovins particulièrement soucieux des problèmes de qualité, comme chacun le sait.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Puisque vous me demandez de suivre les conseils du Président de la République, je note que vous n'hésitez pas à critiquer les accords de Berlin, qu'il a pourtant signés.

Comme tout ce qui est excessif est dérisoire,...

M. Jean Auclair.

Et allons-y !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... je me contenterai de vous renvoyer au communiqué publié hier par une association de consommateurs totalement indépendante, qui n'hésite pas à nous malmener les uns et les autres, l'UFC - Que choisir, laquelle dénonce, en cette affaire, un « enjeu devenu purement politique, voire électoral ». Je pense que cette citation se suffit à elle-même.

(Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

MALADIE DE LA VACHE FOLLE

M. le président.

La parole est à M. Richard Cazenave.

M. Richard Cazenave.

Je reviendrai, monsieur le président, sur la crise de la vache folle. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous en prie :

M. Cazenave a la parole et lui seul.

M. Richard Cazenave.

Après la réponse caricaturale du ministre de l'agriculture, je m'adresserai, en l'absence de M. le Premier ministre, à quelqu'un qui soit habilité à parler au nom du Gouvernement sur ce problème.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Les inquiétudes de l'opinion publique, la psychose dont on a parlé ont d'abord été alimentées par les discours contradictoires des différents membres du Gouvernement : ministre de l'agriculture, secrétaire d'Etat à la santé, secrétaire d'Etat à la consommation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Plusieurs députés du groupe socialiste.

Et Chirac ?

M. Richard Cazenave.

Comment voulez-vous que les Français ne prennent pas leurs précautions quand le président du groupe socialiste lui-même applaudit M. Glavany l'après-midi et court le soir à Nantes pour y faire interdire la viande bovine dans les cantines scolaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Bien que vous nous ayez exaspérés avec vos réponses, monsieur le ministre de l'agriculture, je ne dis pas cela pour polémiquer. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Non, je le dis pour que le Gouvernement et son chef aient enfin conscience que, dans une situation de crise, il faut des réponses immédiates, car tout attentisme en la matière est catastrophique.

Devant un risque de santé publique, ne nous dites pas que vous attendez les avis des experts. Ils vont prendre des semaines, voire des mois, et ces avis seront probablement contradictoires. Dites-nous plutôt que vous allez prendre vos responsabilités ; on ne peut pas hésiter un seul instant.

Le Président de la République a demandé que certaines mesures précises - dépistage systématique, interdiction totale des farines animales - soient prises sans tarder. Ces mesures simples et efficaces ne sont qu'une généralisation de ce qui a été entrepris en 1996. C'est seulement ainsi que vous pourrez sauver la filière du naufrage où l'a conduit votre attentisme, et, surtout, répondre aux impératifs de santé publique.

Nous n'avons pas le droit de transiger. La décision est politique. M. le Premier ministre va-t-il enfin la prendre et mettre fin à cette crise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Jean Auclair.

Glavany reste à la niche !

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, en ce domaine, la santé publique est la préoccupation primordiale du Gouvernement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous voulons la vérité telle qu'elle peut être connue par les scientifiques. Nous voulons la transparence. Et nous voulons agir avec méthode, sang-froid et efficacité.

M. Jean-Michel Ferrand.

Mais n'attendez pas trop !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

S'agissant des tests, je rappellerai, après M. le Premier ministre et Jean Glavany, que la France dispose du plus grand programme de tests au monde et que c'est le seul pays avec la Suisse qui, dans un souci de transparence, s'attache à rendre publics leurs résultats au fur et à mesure qu'ils sont connus. Le Gouvernement étudie la possibilité de les généraliser. D'ores et déjà, il les a étendus à l'ensemble du territoire. De plus, les bovins destinés à la consommation seront testés de façon aléatoire, afin de mieux dissuader les fraudeurs éventuels.

Quant aux farines animales, elles sont strictement interdites dans l'alimentation des ruminants, c'est-à-dire les bovins, les ovins et les caprins. Celles qui entrent dans une partie de l'alimentation des porcs, des volailles et des


page précédente page 08117page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

poissons sont issues d'animaux dont les composants à risque spécifiés ont été retirés. En outre, elles ont été sécurisées par un procédé thermique totalement validé.

Le Gouvernement étudie dès maintenant les moyens d'interdire dans les meilleurs délais ces farines.

Mais, dans ce domaine, il est évidemment beaucoup plus facile de dire que de faire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, citoyen et vert.)

M. Jean-Michel Ferrand.

Eh oui !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous ne nous contentons pas d'effets d'annonce.

(Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendant.) Nous voulons parler un langage de vérité aux Français en leur disant non seulement que nous interdirons les farines, mais comment nous allons faire pour nous en débarrasser.

Au nom de la santé publique, car aucune autre considération ne peut primer sur cette exigence, nous devons nous assurer...

M. Lucien Degauchy.

Il ne suffit pas de le dire !

M. Alain Calmat.

Vous n'avez rien fait quand vous étiez au pouvoir ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... que les modalités de transport, de stockage et d'incinération des farines se font dans les conditions les meilleures. Le coût de l'opération ou les difficultés techniques de sa réalisation ne sauraient être des obstacles. Seule importe l'appréciation du risque sanitaire et environnemental.

Il faut faire preuve de responsabilité.

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. Thierry Mariani.

Regardez Ayrault !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous voulons que les décisions nécessaires soient appliquées dans les meilleures conditions possibles pour la santé publique. Il ne suffit pas de dire : « Y'a qu'à interdire les farines », encore faut-il pouvoir s'en débarrasser.

M. Lucien Degauchy.

C'est ce qu'on vous demande de faire !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Si nous agissions dans l'improvisation, nous ferions courir des risques importants à la santé publique.

M. Pierre Lellouche.

Vos arguments ne tiennent pas une seconde !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous préparons ces mesures activement, nous créons les conditions pour pouvoir interdire ces farines ; voilà ce que je veux vous dire, monsieur le député. Nous aurions tous intérêt à adopter cette attitude de responsabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Lucien Degauchy.

Cafouillage !

VIOLENCE À L'ÉCOLE

M. le président.

La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, et je la pose, bien sûr, au nom de tous les groupes de l'opposition.

Depuis trois ans, les chiffres l'attestent, la violence à l'école ne diminue pas. Dans un entretien au journal L e Parisien , vous reconnaissez même, monsieur le ministre, une augmentation des dégradations portant sur les locaux et les biens. Vous reconnaissez aussi que les vols ou les tentatives de vol sont en hausse : 6 500 incidents graves sont encore dénombrés chaque trimestre dans nos écoles.

Pour lutter contre ces « incivilités », vous annoncez la création d'un « comité national de lutte contre la violence », qui sera chargé d'évaluer la situation des établissements et de proposer des solutions. Les parents d'élèves, les élus, les enseignants et les élèves eux-mêmes doutent de l'efficacité d'une telle initiative. Ma question est simple : pouvez-vous les rassurer et vous expliquer sur le bien-fondé de ce comité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel.

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel.

Monsieur le député, le ministre de l'éducation nationale, M. Jack Lang, qui préside une réunion des ministres européens, m'a confié le soin de vous répondre.

Je vous remercie de cette question qui vient à point nommé. Je rappelle que, chacun dans notre rôle, nous ne démissionnerons jamais devant la violence. Les chiffres que vous avez cités correspondent à une réalité et il est de notre devoir de les regarder en face pour faire reculer de tels comportements.

Le comité national de lutte contre la violence, qui sera placé sous la présidence de l'inspectrice de l'éducation nationale Mme Sonia Heinrich, sera constitué de gens de terrain - j'attire tout particulièrement votre attention sur ce point - qui ont fait la preuve de leur capacité à éradiquer la violence là où ils ont eu à en connaître grâce à leur expérience professionnelle de procureur, de policier, d'enseignant ou d'élu, quelle que soit leur appartenance politique.

Nous avons en effet estimé qu'avec ce type de personnalités nous pourrions généraliser les expériences qui ont réussi, et permettez-moi de vous dire qu'il y en a. Certes, nous le savons bien, nous allons contre une marée qui semble devoir nous submerger, car c'est la société ellemême qui engendre cette violence. Vous avez tous rencontré, dans vos permanences, des enfants de la crise, sensibles à cette imagerie dominante, valorisant stupidement la force et la violence. C'est aussi le comportement des adultes qui est en cause, et nous gagnerions parfois à penser à nos responsabilités dans ce domaine, peut-être même ici.

Quoi qu'il en soit, les moyens existent de remédier à cette violence. Il faut généraliser les méthodes qui ont marché. D'ailleurs, l'inspectrice de l'éducation nationale qui préside le comité en question vient précisément des Bouches-du-Rhône, et les deux établissements de ce département auxquels elle a appliqué ses méthodes ont éradiqué la violence sur le terrain - les élus peuvent en témoigner.

Je prendrai un exemple,...

M. le président.

Un seul, monsieur le ministre !


page précédente page 08118page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel.

... celui du lycée professionnel de l'Estaque. Dans ce quartier réputé si difficile, nous avons pu éradiquer la violence grâce à une pédagogie innovante. Cela montre ce que l'on peut obtenir lorsque l'on retrouve le goût de s'élever par ses mérites plutôt que par des combines.

Voilà, monsieur le député, ce que je veux dire pour vous rassurer. Tout ce qui peut être fait le sera.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Christine Lazerges.)

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est reprise.

2 LOI DE FINANCES POUR 2001

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2585, 2624).

AGRICULTURE ET PÊCHE, BAPSA

Mme la présidente.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'agriculture et de la pêche, et du budget annexe des prestations sociales agricoles.

La parole est à Mme la rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'agriculture.

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'agriculture.

Madame la présidente, monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, mes chers collègues, le projet de budget de l'agriculture pour 2001 - je laisserai notre collègue Louis Mexandeau exposer les crédits de la pêche - est à la fois ambitieux et équilibré, et je souhaite ici en féliciter le ministre.

Les crédits du ministère de l'agriculture et de la pêche s'élèvent, pour 2001, à 29,617 milliards de francs - 4,515 milliards d'euros -, soit une hausse de 0,57 % à structure constante par rapport à 2000. C'est d'abord aux dépenses en capital que cet accroissement du budget - 35 % en autorisations, de programme et 13,73 % en crédits de paiement - profite, en raison, notamment, de l'effort en faveur de la forêt, sur lequel je reviendrai. Les crédits de fonctionnement, quant à eux, progressent de 1,9 % ; à l'intérieur de ces dépenses, les crédits en personnel augmentent de 7,2 %. Certaines actions, comme l'action sociale ou l'action économique hors charges de bonification, se voient attribuer des dotations plus faibles que dans le budget de 2000, mais ces baisses sont plus que compensées par des crédits extérieurs au budget de l'agriculture. Chacun le sait : il faut tenir compte, pour évaluer l'effort consenti en faveur de l'agriculture, de l'ensemble des concours publics qui sont consacrés, et je voudrais, avant d'en venir au budget proprement dit, les rappeler.

Outre le budget de l'agriculture - 29,617 milliards de francs -, ceux-ci comprennent les dépenses à caractère social pour 73,874 milliards de francs - incluant le BAPSA et sa subvention d'équilibre -, ainsi que les autres financements, soit 74,13 milliards de francs, dont 68 milliards de retours communautaires.

L'ensemble de ces concours s'élève à 177,387 milliards de francs, soit 26,29 milliards d'euros, et l'accroissement réel des dépenses en faveur de l'agriculture sera donc au total de 3,65 % entre 2000 et 2001 - et de 3,63 % si l'on excepte le BAPSA et les charges communes -, ce qui représente une évolution très importante.

En outre, les allégements de charges fiscales et sociales prévus ou intégrés par voie d'amendements dans la première partie du projet de loi de finances ou dans la loi de financement de la sécurité sociale complétés par les annonces que vous avez faites le 24 octobre, monsieur le ministre, représenteront plus de 3 milliards de francs supplémentaires en 2001.

Il était utile de rappeler ces chiffres, à l'adresse de ceux qui imagineraient que, en cette période difficile, l'attention portée aux agriculteurs et aux filières de production ne serait pas suffisante.

Ce budget répond à une triple volonté : poursuivre les axes de la politique agricole dans laquelle nous sommes engagés depuis 1997 par la loi d'orientation agricole et la loi d'orientation forestière en cours d'examen ; renforcer la sécurité alimentaire pour préparer l'avenir ; réparer les dégâts causés par les intempéries de décembre 1999.

Dans cette perspective, il se structure autour de quatre grands choix budgétaires : encourager le développement d'une agriculture multifonctionnelle tout en poursuivant les politiques en faveur de l'installation des jeunes agriculteurs et en consolidant les filières de production de qualité ; conforter l'enseignement agricole en renforçant les moyens humains et pédagogiques qui lui sont consacrés ; intensifier l'action publique de prévention des risques alimentaires - sujet d'une brûlante actualité et dont nous aurons certainement l'occasion de reparler - et de promotion de la qualité des produits agricoles ; enfin, financer les travaux forestiers consécutifs aux tempêtes de la fin 1999, engager la reconstruction de la forêt et, plus globalement, relancer la filière forestière.

Je présenterai donc ce budget en deux temps : en premier lieu, je rappellerai les moyens permettant de préparer l'avenir par le développement de la multifonctionnalité de l'agriculture, l'accent mis sur la formation et l'installation, le renforcement de la sécurité alimentaire et de la qualité des produits, ainsi que la reconstitution de notre forêt ; en second lieu, je rappellerai les mesures


page précédente page 08119page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

prises pour conforter notre agriculture productive, dans le cadre des actions plus classiques du ministère de l'agriculture.

Afin de préparer l'avenir, une dotation de 400 millions de francs est proposée pour alimenter le fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation ; elle sera complétée par les reports de crédits non consommés en 1999 et 2000 et par le cofinancement communautaire. A ce jour, plus de 1 400 contrats ont déjà été signés et, surtout, plusieurs milliers d'autres sont en préparation, notamment sous forme de contrats collectifs, lequels semblent être une voie d'avenir.

Parallèlement à cet instrument, le budget donne les moyens de poursuivre la politique volontariste conduite depuis plusieurs années en matière d'installation. Cette dernière, étroitement liée aux CTE dans le cadre de l'installation progressive, bénéficiera en effet de dotations stables : 490 millions de francs pour la dotation d'installation des jeunes agriculteurs, ce qui correspond au financement de près de 8 000 installations aidées - nous savons que les chiffres réels de l'an dernier sont malheureusement inférieurs -, et 86,69 millions de francs pour les stages de préparation à l'installation, cette somme pouvant assurer 7 500 stages « six mois » et 10 500 stages « 40 heures », chiffres là encore supérieurs à ceux enregistrés en 1998 et 1999. Tout cela est complété par une série d'allégements fiscaux et sociaux, la prorogation pour trois ans de l'abattement de 50 % sur les bénéfices, étendue aux jeunes signataires d'un CTE et d'autres avantages sur lesquels nous reviendrons.

Je me réjouis également de constater que l'effort en faveur de la formation est poursuivi, avec une augmentation de 5,5 %, tant pour l'enseignement public que pour les établissements privés. On peut ainsi relever la création de 200 postes - 120 postes d'enseignant et 60 d'ATOS dans le secondaire, 20 postes d'enseignant dans le supérieur - ou encore 3 millions de francs de crédits de vacation qui vont permettre le recrutement de 30 maîtres d'internat supplémentaires. L'enseignement agricole connaît, en effet, un vif succès lié à ses taux de réussite et d'insertion professionnelle. Le Gouvernement se devait de lui donner les moyens de répondre à une demande sociale forte et à des exigences qualitatives croissantes ; c'est chose faite, et je m'en félicite.

Préparer l'avenir, c'est également veiller à la conservation d'un patrimoine mis en péril. Aussi, pour 2001, l'effort en faveur de la forêt est-il redoublé : d'une part, dans le cadre de la loi d'orientation forestière, qui sera définitivement votée au début de l'année 2001, d'autre part, par l'adoption d'un plan d'urgence pour la forêt et l'ouverture de crédits importants dans le collectif budgétaire de juillet 2000, afin de financer les réparations des d égâts provoqués par les intempéries du mois de décembre 1999. Au total, les crédits destinés à la politique forestière connaissent une progression importante de 30,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2000.

Enfin, pour répondre à la fois aux préoccupations légitimes et croissantes de nos concitoyens et à un contexte extrêmement difficile, des crédits en hausse de 13,7 % sont consacrés à la sécurité et à la qualité des aliments . Il s'agit de faciliter l'action de l'Agence française de sécurité des aliments, dont les moyens en personnel sont renforcés - 40 emplois sont créés, dont 27 financés par votre ministère - et la dotation est augmentée de 9,6 %, à 18,6 millions de francs, après une hausse de 40 % en 2000. Il s'agit aussi de poursuivre les efforts de maîtrise sanitaire des animaux, d'où l'ouverture d'un crédit de 100 millions de francs pour lutter contre l'encéphalopathie spongiforme bovine.

Toutefois, monsieur le ministre, compte tenu de la brusque accélération des préoccupations de nos concitoyens, nous souhaiterions connaître les dispositions, notamment financières, que vous pourriez être amené à prendre dans les prochains jours en réponse aux grandes questions posées : farines animales, tests à proposition de la profession concernant l'abattage des bêtes nées avant le 1er juillet 1996. Plus généralement, quelles dispositions envisagez-vous de prendre pour faire face à la détresse de l'ensemble de la filière viande ? Il convient également de promouvoir et de développer l'agriculture biologique, je salue donc la création d'un groupement d'intérêt public, le GIP Bio. Enfin, de renforcer les dispositifs permettant de favoriser le développement d'une agriculture respectueuse de l'environnement.

Préparer l'avenir donc, mais aussi - et ce sera mon deuxième point - renforcer les moyens classiques de mise en oeuvre de notre politique agricole.

Les actions classiques en faveur de l'agriculture sont également dotées de moyens importants. C'est le cas aussi bien dans le domaine de la solidarité que dans la consolidation des filières, indispensable au soutien de notre agriculture productive, qui confère à la France son autonomie alimentaire et sa place dans la production agricole mondiale.

En premier lieu, en matière de protection sociale agricole, s'agissant plus particulièrement des retraites, la quatrième étape du plan de revalorisation des petites retraites induit un coût supplémentaire de 1,24 milliard de francs en 2001. C'est la poursuite de l'engagement pris en 1997 par Louis Le Pensec, et que vous honorez, monsieur le ministre, pour que, à l'étape du budget de 2002, les plus faibles retraites agricoles soient amenées au niveau des minima vieillesse. Nous avons noté à ce sujet avec satisfaction votre engagement en faveur de la mise en place, à la suite de ce plan, d'un système de retraites complémentaires.

De même, une dotation de 225 millions de francs est affectée au dispositif de préretraite pour les agriculteurs en difficulté. Là aussi, monsieur le ministre, il faut souligner avec satisfaction votre volonté d'étendre ce dispositif aux agriculteurs signataires d'un CTE-transmission.

Dans le même esprit, la dotation pour l'aide aux agriculteurs en difficulté croît de 10 %, passant à 110 millions de francs, et le fonds d'allégement des charges, créé en 1990, est doté pour 2001 de 200 millions de francs.

En second lieu, en ce qui concerne la consolidation des filières, l'essentiel des soutiens aux productions agricoles relève, rappelons-le, de la PAC. Toutefois, l'action de l'Etat, à côté de sa participation aux interventions communautaires, est déterminante pour l'investissement agricole, par le biais de la bonification des taux d'intérêt et de l'orientation des productions confiée aux offices agricoles.

Il faut signaler l'accroissement des crédits de bonification, qui bénéficient de 300 millions de francs supplémentaires, au profit de la forêt, la poursuite de la revalorisation de la prime à la vache allaitante, selon nos engagements, pour un coût global de 903 millions de francs, et la reconduction, à hauteur de 2,959 milliards de francs, des crédits des offices. A ce sujet, je réitère mon souhait d'une plus grande transparence de la gestion


page précédente page 08120page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

financière des offices, qui pourrait être assurée sans mettre en cause la nécessaire souplesse que requièrent les missions qui leur sont dévolues.

Je souhaite m'arrêter un instant sur la politique de la montagne. Outre les majorations d'aide, dans le cadre de la dotation jeunes agriculteurs - DJA - et des prêts bonifiés, les agriculteurs des zones de montagne bénéficient de deux aides spécifiques dont je dirai un mot pour éviter toute confusion.

L'indemnité compensatoire de handicap naturel passe de 1,56 milliard de francs en 2000 à 1,284 milliard de francs en 2001, en raison du passage de 25 à 50 % du taux de cofinancement communautaire. En réalité, et au total, les crédits ICHN passent de 2,41 milliards de francs en 2000 à 2,57 milliards de francs en 2001. Mais, monsieur le ministre, les nouvelles règles d'attribution de cette aide, substituant une aide à la surface à l'aide ancienne aide proportionnelle au nombre d'unités de gros bétail, risquaient d'entraîner de fortes variations individuelles. C'est pourquoi vous avez annoncé le 24 octobre dernier une enveloppe supplémentaire de 500 millions, dont nous souhaiterions connaître rapidement les modalités de répartition.

Autre aide spécifique : l'aide à la modernisation des exploitations. L'effort se poursuit avec une dotation stable à 74 millions.

Enfin, l'aménagement rural et hydraulique agricole bénéficie lui aussi de moyens stables.

Par ailleurs, les moyens de fonctionnement ont été renforcés. Ils accusent une hausse modérée. Ils sont proposés en augmentation de 3,8 %, d'où un budget de fonctionnement de 773 millions de francs. Après la forte hausse de 9,16 % enregistrée en 2000, cette nouvelle augmentation est donc modérée et retrouve un taux proche de celui de 1999, qui était de 3,6 %. Les mesures nouvelles obtenues seront principalement affectées, et c'est important, à la modernisation des services.

Les effectifs budgétaires sont également en hausse, avec une augmentation de 797 emplois, soit 2,7 %, ce qui les faits passer à 30 238 emplois. Cette croissance du nombre d'emplois répond à la volonté d'affermir le développement de l'enseignement agricole et à la nécessité de faire face aux événements climatiques exceptionnels de fin 1999 ainsi qu'aux missions nouvelles qui incombent au ministère, dans le cadre du contrôle des aides communautaires et, surtout, de la promotion de la sécurité et de la qualité alimentaire.

Outre un petit nombre d'ajustements techniques, cette évolution prend en compte les éléments suivants : création de 300 emplois : 200 au profit de l'enseignement agricole et 100 dans les services déconcentrés au titre du renforcement du secteur de la sécurité alimentaire et de la fiabilisation de la gestion des aides et des contrôles des primes animales ; création nette de 520 emplois pour accélérer le processus de déprécarisation des agents du ministère.

Au total, monsieur le ministre, le projet de budget pour 2001 semble répondre globalement aux orientations de notre politique agricole, et c'est pourquoi je proposerai son adoption. Reste toutefois à faire face aux légitimes et croissantes préoccupations de nos concitoyens en matière de sécurité alimentaire, qui nécessiteront de nouveauxe ngagements, sur lesquels nous souhaiterions vous entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour l'agriculture.

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour l'agriculture.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de budget de l'agriculture, est particulièrement important en cette période de crise de la vache folle, même si, bien sûr, il n'apportera pas une réponse à toutes les questions qui se posent aujourd'hui.

Ce projet de budget, hors budget annexe des prestations sociales agricoles, s'élève à 29 milliards de francs. Il enregistre ainsi une hausse de 2 %, supérieure à l'augmentation de la moyenne des budgets civils de l'Etat, qui est de 1,6 %. Notons qu'il marque un effort tout particulier en matière d'emploi, en prévoyant 300 créations d'emplois et 600 déprécarisations. Pour appréhender l'effort financier public mené en faveur de l'agriculture et des agriculteurs, il faut aussi considérer les crédits d'origine communautaires et les dotations du budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, où un effort sans précédent est consenti en faveur des retraites, notamment les plus basses. Jamais aucun gouvernement n'avait pris de telles mesures.

M. Christian Jacob.

Pas de démagogie !

M. René Leroux, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour la pêche.

Ce que dit M. Parrenin est tout à fait exact !

M. Christian Jacob.

Mais non !

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis.

Il est également indispensable de tenir compte des mesures contenues dans la première partie de la loi de finances pour 2001, comme la baisse des impôts sur le revenu et sur les sociétés, l'exonération de la CSG sur les bas salaires ou la détaxation du fioul domestique. Les agriculteurs bénéficieront de surcroît d'un allégement important de leurs charges, à hauteur de 2,2 milliards de francs. Cela aussi est sans précédent.

Les moyens accordés à l'agriculture française s'élèvent donc globalement à 173 milliards de francs pour l'année 2001.

Aujourd'hui, la discussion du budget de l'agriculture est l'heureuse occasion de revenir sur la situation de l'ensemble du secteur agricole, sur la politique qu'y mène le Gouvernement et sur les mesures qu'il a su prendre face aux difficultés rencontrées. En effet, l'année 2000 a été jalonnée de difficultés considérables, comme la tempête de décembre 1999, qui a détruit une partie de la forêt française, et la crise persistante de la vache folle, auxquelles se sont ajoutés des problèmes plus conjoncturels dans plusieurs productions et une nouvelle hausse des prix du carburant. Comme il nous arrive souvent de le dire, la gestion du ministère de l'agriculture est une gestion de crise ; n'est-ce pas, monsieur le ministre ? Les problèmes et les défis se multiplient.

M. François Sauvadet.

Malheureusement !

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis.

L'exigence des consommateurs quant à la qualité gustative, mais aussi et surtout sanitaire, de l'alimentation ne cesse de croître. La compétition mondiale est toujours plus rude.

Les inégalités de revenus des agriculteurs persistent. Et la désertification de certaines zones rurales de notre territoire nous préoccupe.


page précédente page 08121page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

A travers ce budget, le Gouvernement mesure bien la situation concrète de nos agriculteurs, comme il l'a fait tout au long de l'année, face aux difficultés multiples que je viens d'énumérer. Soulignons-le : il a su à chaque fois y répondre par des dispositions justes et parfois inventives. Les priorités sont réellement prises en compte. Le renforcement de la sécurité sanitaire est notamment concrétisé dans ce budget. Faudra-t-il aller plus loin ? J'y reviendrai en fin de propos.

Je souhaite insister sur quelques points.

Tout d'abord, la politique d'installation, qui a fait l'objet d'une large concertation avec les organisations professionnelles agricoles, et en particulier le CNJA, s'est concrétisée par l'annonce de dispositifs d'adaptation en juin dernier, à Etalans, dans le département du Doubs, dont j'ai l'honneur d'être l'un des représentants. Merci, monsieur le ministre, d'être venu dans mon département pour faire cette annonce. (Sourires.)

Ce budget présente des crédits à hauteur de ceux de l'année dernière qui doivent permettre huit mille installations ; l'effort budgétaire est important.

Pourtant, le nombre des installations stagne à un niveau insuffisant pour qu'on puisse se placer dans une perspective d'agriculture durable sur l'ensemble du territoire. Les raisons de ce nombre trop faible ne sont vraisemblablement pas financières. Ne serait-il pas temps d'engager une vraie réflexion sur ce sujet préoccupant qui concerne l'avenir de la profession ? Monsieur le ministre, je mettrai ensuite l'accent sur l'enseignement agricole qui est lié à l'installation. Pour l'enseignement agricole public, ce budget est un bon budget : 600 créations de postes, 400 « déprécarisations », 200 créations nettes. Il y a un véritable « dégel de l'emploi public » mais, à notre sens, les enjeux sont ailleurs. Puisque vous avez proposé à l'enseignement agricole des horizons prospectifs dans le cadre de PROSPEA, je voudrais insister sur trois points essentiels selon nous.

D'abord, il faudrait préciser dans quelles conditions l'enseignement agricole va bénéficier du plan pluriannuel de l'éducation nationale qui a été annoncé le 16 mars dernier.

Ensuite, il convient de tirer le maximum du protocole Sapin du 10 juillet 2000, afin de régler la question de la précarité. Avec un taux d'emplois précaires proche de 20 %, l'enseignement agricole tranche en effet sur l'enseignement général.

Enfin, il importe de mettre en oeuvre la réduction du temps de travail, qui intéresse, bien sûr, l'enseignement agricole. Des créations de postes doivent intervenir notamment pour les personnels ATOS.

Mais je voudrais élargir mon propos : l'enseignement agricole se pose en effet des questions « existentielles » qu'il est important d'entendre. Il y a la baisse des effectifs à la rentrée 2000 après la stagnation constatée en 1999 et certaines interrogations sur les intentions au plus haut niveau. Je suis sûr cependant que vous allez y répondre, monsieur le ministre.

S'agissant de la désaffection des jeunes pour la filière agricole, certains ont évoqué le coût des études ou la démographie. Je crois que l'explication est plutôt à rechercher dans un déficit d'image. La culture, celle de nos terres et de nos champ, enthousiasme moins que par le passé. Certes, on trouvera toujours des candidats pour reprendre un troupeau de vaches laitières avec 200 000 ou 300 000 litres de lait de quota, mais y en aura-t-il pour assumer des responsabilités dans une coopérative ou se lancer dans la diversitification ? Je vois là non pas un épiphénomène mais une tendance beaucoup plus souterraine et discrète, dont il importe de mesurer les conséquences.

Monsieur le ministre, cette remarque me ramène à l'installation des agriculteurs. Je vous ferai une proposition. A l'instar des travaux qu'a menés récemment le Conseil économique et social sur l'accès aux métiers agricoles, pourquoi ne pas confier à un parlementaire une réflexion sur la formation et l'installation en agriculture ? Cette installation, que l'on imagine réservée à des jeunes, s'adresse en fait à bien d'autres tranches d'âge. En outre, après avoir puisé par élection dans le « milieu rural », elle est amenée à présent à le faire par fatalité, alors qu'elle a vocation à s'enrichir des urbains et de bien d'autres catégories. L'installation est le miroir des attraits que l'agriculture a conservés ou perdus.

D'autres collègues reviendront sur les grands axes de ce projet de budget, qu'il s'agisse de la politique forestière, de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, des subventions aux industries agroalimentaires, des actions en faveur de l'agriculture de montagne ou des zones défavorisées. Ces actions correspondent aux engagements pris : elles maintiennent avec force certaines priorités de la politique agricole et poursuivent de façon raisonn able et déterminée les efforts engagés les années précédentes.

Avant de revenir sur la sécurité alimentaire, je souhaite m'arrêter quelques instants sur les crédits CTE et sur leur mise en place. En 2001, avec les reports de 2000, ces crédits permettront d'atteindre l'objectif de 50 000 CTE.

Monsieur le ministre, nous connaissons les difficultés de mise en oeuvre de cette politique qui représente une réelle avancée pour le métier d'agriculteur.

M. François Sauvadet.

Tu parles !

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis.

Les CTE, comme l'ensemble des dispositions de la loi d'orientation agricole, visent à prendre en compte toutes les fonctions de l'agriculture - économique, sociale et environnementale - afin de la transformer en une agriculture durable, équilibrée et répartie sur tout le territoire, et d'en faire une agriculture de qualité soucieuse de la santé des consommateurs, point plus que jamais d'actualité.

M. Marcel Rogemont.

Il fallait le rappeler !

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis.

Monsieur le ministre, votre administration et les responsables des organisations professionnelles agricoles doivent se mobiliser pour apporter des solutions durables aux agriculteurs, à l'ensemble de la filière agroalimentaire et, bien sûr, aux consommateurs. Mettre en oeuvre la loi d'orientation agricole votée en juillet 1999, et notamment les CTE, c'est assurer le développement de cette agriculture durable qu'attendent les consommateurs et la société tout entière.

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale et M. René Leroux, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis.

Je terminerai mon propos en revenant sur la crise de la vache folle.

Depuis 1997, le gouvernement de Lionel Jospin a su prendre des décisions justes et courageuses ; aucun autre gouvernement européen n'a d'ailleurs accordé autant d'importance à ce grave problème et n'a joué autant la carte de la transparence, il est bon de le souligner.

M. Christian Jacob.

Nous n'avons pas besoin de polémiquer sur un sujet comme celui-là !

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis.

Pourtant, la psychose s'est installée. Peut-être à cause d'une grande médiatisation ? Peut-être aussi parce que les conditions de


page précédente page 08122page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

production et de transformation des produits que nous retrouvons dans nos assiettes nous interpellent, et nous choquent parfois ? Mais cette psychose s'installe également du fait de la politisation de ce sujet très grave, et cela est scandaleux.

M. Christian Jacob.

Qu'êtes-vous en train de faire ?

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis.

Je suis partisan de décisions courageuses et rapides concernant l'utilisation des farines animales, ce qui implique des décisions politiques importantes.

L'abandon de l'utilisation des farines animales se justifie pour des raisons de santé publique. Il s'impose aussi pour changer l'image de l'agriculture et de toute la filière agroalimentaire. Pourtant, je sais comme vous, monsieur le ministre, et comme tous les non-démagogues de cette assemblée et d'ailleurs - il y en a heureusement ! - qu'un tel abandon n'est pas une chose aisée. Comme tous les Français, j'ai entendu des personnes se prononcer pour un arrêt immédiat des farines animales pour toutes les espèces, mais je ne les ai pas entendues proposer des solutions sur le devenir de ces farines. Il faudra en effet trouver des incinérateurs et des sites de stockage. Or nul n'a proposé, par exemple, les Champs-Elysées ou les jardins du fort de Brégançon ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

Hier, la filière bovine a suggéré d'éliminer tous les bovins nés avant 1996. Nous manquons à cette heure d'appréciations techniques et financières pour évaluer une telle solution mais il me semble que cette voie doit être sérieusement étudiée.

Je sais que le Gouvernement et vous en particulier êtes d'une vigilance sans faille. Vous pouvez compter sur la représentation nationale pour jouer son rôle, tout son rôle, sans sombrer dans la démagogie.

Avant de conclure, je veux appeler chacun et chacune à une grande responsabilité. La santé publique et l'avenir d'une partie de nos agriculteurs est en cause.

Ces observations faites, je vous indique, mes chers collègues, que la commission de la production et des échanges a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de l'agriculture et de la pêche et du budget annexe des prestations sociales agricoles ; je vous invite à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la pêche.

M. Louis Mexandeau, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la pêche.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'aborder les crédits de la pêche et de l'aquaculture, je veux rendre hommage au courage des milliers de femmes et d'hommes qui, dans notre pays, exercent les durs métiers de la pêche et de la conchyliculture. En effet, cette année a été pour eux une succession d'épreuves.

D'abord, ce furent la marée noire provoquée par le naufrage de l' Erika et les tempêtes, qui ont parfois réduit à néant des équipements constitués au prix de longues années d'efforts. Ensuite, le coût du carburant dont la hausse a commencé par rogner les marges des entreprises puis est venue compromettre leur rentabilité et, donc, leur existence même. Aujourd'hui, voici qu'un cargo chargé de produits chimiques vient couler au large des côtes normandes et plonger toute une population dans le doute et la révolte.

Bien sûr, le Gouvernement n'est pas resté indifférent et des mesures importantes ont été prises pour venir en aide aux sinistrés et soutenir les entreprises de pêche confrontées au renchérissement du gazole. Dès le 2 février, monsieur le ministre, vous avez mis en place un dispositif d'aides exceptionnelles en faveur de la pêche et de l'aquaculture mobilisant 450 millions de francs, soit bien plus que les crédits annuels normaux.

Ces aides viennent en complément des mécanismes d'intervention relevant des calamités agricoles, qui représentent environ 50 millions de francs, et des indemnisations servies par les compagnies d'assurance.

Au mois de mars, vous avez complété le dispositif par des allégements de charges sociales qui ont été prolongées ultérieurement.

Vous n'êtes pas non plus resté sourd à la détresse des pêcheurs devant la montée des cours du pétrole. Pour leur permettre de supporter ce coût supplémentaire, vous avez arrêté avec les représentants de la profession différentes mesures d'allégements de charges sociales, portuaires et financières. Plusieurs régions sont, elles aussi, venues en aide aux pêcheurs. L'engagement que vous avez d'ores et déjà pris, monsieur le ministre, de réunir les pêcheurs en fin d'année sur ce sujet témoigne, s'il en était besoin, de votre attention à leurs problèmes.

Il s'agit non seulement de manifester la solidarité de la nation à un secteur en difficulté, mais de conforter des activités indispensables à notre pays et à l'équilibre écono mique et social de nombreuses régions du littoral.

La demande intérieure en produits de la mer est considérable, en effet. Si la production française ne suffit pas à la satisfaire au-delà de 60 %, elle limite, par ses exportations, un déficit du commerce extérieur qui s'élève, pour ce secteur, à 13 milliards de francs par an. Sans les exportations de produits français, qui représentent la valeur d'une quinzaine d'Airbus, ce déficit atteindrait près de 20 milliards de francs.

Enfin, est-il nécessaire de rappeler ce que ce secteurr eprésente en matière d'emplois ? Outre les 1 6 623 pêcheurs embarqués, les cultures marines occupent 20 000 personnes. Dans certaines régions, la pêche et l'aquaculture marine constituent la principale activité économique en termes d'emplois. C'est le cas de la Bretagne, où 11 % de la population travaillent dans la filière pêche. On peut également citer le bassin de

M arennes-Oléron, où la conchyliculture procure 10 000 emplois.

En Normandie, monsieur le ministre, cette même conchyliculture est confrontée dans le secteur de la baie des Veys à un phénomène de mort inexpliquée : 30 % de la production ont été touchés, ce qui met les producteurs au désespoir et leurs entreprises en péril. Permettez-moi d'appeler votre attention sur ce problème, peut-être géographiquement limité, mais particulièrement préoccupant, voire douloureux.

En tenant compte de l'ensemble des activités du secteur - chantiers navals, avitaillement, criées, transformation, transport et distribution -, la filière pêche occupe en France près de 100 000 personnes, dont 70 000 sur le littoral.

Venons-en au budget qui nous est proposé pour 2001.

Avec un montant total de 165,92 millions de francs, les dépenses ordinaires progressent de 7,9 %, soit un taux nettement supérieur à celui du budget général. Les dépenses en capital sont, quant à elles, en repli apparent : le chapitre 64-36 n'a en effet été doté que de 20,1 millions de francs, contre 40,1 l'année dernière.


page précédente page 08123page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

Mais aux crédits inscrits pour l'année prochaine viendront s'ajouter 23 millions de francs de crédits de report qui n'ont pas été consommés cette année. Ces sommes peuvent paraître modestes, mais elles ne représentent qu'une partie de l'effort consenti par l'Etat en faveur de la pêche et de l'aquaculture. Cette aide s'est élevée pour 1999 à 4 597 millions de francs, auxquels se sont ajoutées les interventions communautaires, pour 319 millions de francs, sans oublier les contributions des collectivités locales.

Les crédits d'intervention en faveur des entreprises de pêche et d'aquaculture, avec une dotation de 66,7 millions de francs, progressent de 21,54 %. Ils financeront des actions ciblées facilitant la mise en oeuvre du plan de sortie de flotte, conformément aux objectifs du programme communautaire pluriannuel. De telles actions ont mobilisé 18,85 millions de francs en 1999. Par ailleurs, une partie importante de ces crédits permettra d'abonder les montants alloués aux caisses chômage et intempéries qui, sous l'effet des tempêtes de la fin de 1999, ont connu un fort accroissement de leurs adhérents.

Outil d'intervention pour l'organisation des marchés, l'office interprofessionnel des produits de la mer voit sa dotation progresser de 95,6 à 95,77 millions de francs.

Outre la tâche dont il doit s'acquitter pour liquider les dossiers d'indemnisation des victimes des sinistres de la fin de l'année dernière, l'OFIMER devra poursuivre les actions engagées pour la modernisation de la filière des produits de la mer et de l'aquaculture et pour la promotion de la production nationale. Il devra également mettre en oeuvre, pour ce qui le concerne, la réforme de l'organisation commune du marché, notamment préparer l'application, à partir de janvier 2002, des nouvelles règles d'étiquetage des produits.

Ainsi que je l'ai déjà souligné, les crédits d'investissement inscrits au budget de la pêche sont en baisse par rapport à ceux de 2000. On doit toutefois noter qu'ils avaient alors été réévalués par rapport au budget de 1999 : de 39 % en crédits de paiement et de 86,3 % en autorisations de programme. Les dotations du présent budget, 13,5 millions de francs en crédits de paiement et 24,7 millions de francs en autorisations de programme, seront donc complétées par des crédits reportés qui n'ont pas été consommés cette année. Compte tenu de la conjoncture, les investissements dans ce secteur ont en effet été très modestes.

Les crédits disponibles devront accompagner les nécessaires opérations de renouvellement et de modernisation de la flotte. La France ayant respecté l'objectif global de réduction de capacité qui lui avait été assigné par rapport à l'évolution de la ressource, ces opérations, relancées au début de 1999, pourront donc être poursuivies. De surcroît, la France s'est vu octroyer, pour la réalisation du nouveau programme 2000-2006 des fonds structurels européens, une enveloppe de 225 millions d'euros au titre du programme métropolitain.

Par ailleurs, dans le cadre des nouveaux contrats de plan Etat-région pour 2000-2006, une partie des crédits d'investissement inscrits au budget pour 2001 contribuera à financer des opérations spécifiques sur les navires, notamment les équipements destinés à améliorer la qualité des produits.

Enfin, le développement de l'aquaculture pourra également bénéficier d'aides, en particulier pour le maintien de la qualité des eaux et le repeuplement piscicole.

Les crédits destinés aux investissements dans les ports de pêche sont, pour la deuxième année consécutive, en baisse, parce que les besoins sont bien moindres qu'ils ne l'ont été. La mise aux normes sanitaires des installations, qui avait demandé un effort important, est à présent achevée.

Pour terminer cet examen des crédits, je soulignerai la légère augmentation dont bénéficie la subvention à l'IFREMER. Répondant au souci du ministère de l'agriculture et de la pêche de renforcer le suivi statistique des pêches, cette hausse de 4,5 % portera la subvention à 3,45 millions de francs. Est-il nécessaire de rappeler le concours que l'IFREMER apporte aux pêches maritimes et à l'aquaculture marine ? Au-delà des moyens financiers que vous avez su mobiliser, soit dans votre budget, soit pour la mise en place de mesures exceptionnelles, je veux rendre hommage, monsieur le ministre, à votre action en faveur de la pêche.

Vous avez mené à bien la mise en oeuvre de la loi d'orientation ; les rapports dont elle préconisait l'établissement viennent d'établir un état des lieux de la pêche côtière, des ports de pêche et des criées. Ces rapports et les propositions qui y sont formulées servent de base à la réflexion et à de nouvelles actions en concertation avec les différents acteurs de la filière. C'est dans cette perspective que s'inscrit la mission que le Premier ministre vient de c onfier à notre collègue Dominique Dupilet. Ces remarques valent également sur le plan communautaire.

Je ne voudrais pas achever mon intervention sans évoquer brièvement le problème des accidents du travail, qui touchent un pêcheur sur cinq, c'est-à-dire en bien plus forte proportion que les autres travailleurs. A titre de comparaison, dans le secteur du bâtiment, l'un des plus dangereux, ils frappent une personne sur huit.

Il ne faudrait pas considérer ce phénomène comme une fatalité inhérente aux métiers de la mer. En effet, il apparaît que, dans bien des cas, les causes des accidents sont en relation avec des situations économiques incertaines qui poussent les hommes à économiser sur les matériels, à partir en mer avec des équipages en souseffectif ou à aller plus au large que le matériel ou la qualification de l'équipage ne le permettraient. Souvent interviennent également l'accumulation des instruments de bord qui encombrent les timoneries ou la mauvaise utilisation de ces instruments.

Je souhaite que les actions de sensibilisation déjà entreprises soient amplifiées et que les crédits disponibles pour la modernisation des bateaux soient aussi utilisés pour améliorer l'ergonomie des postes de travail et la sécurité des hommes.

Le budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, vous permet d'agir. Au nom de la commission des finances, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de la pêche. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour la pêche.

M. René Leroux, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour la pêche.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la pêche pour 2001 marque une volonté forte de l'Etat de soutenir le secteur de la pêche, après la grave crise qu'il a subie en 1994. Aujourd'hui encore, il faut le considérer comme convalescent : les entreprises de pêcher estent fragiles, même si la loi d'orientation du 18 novembre 1997 sur les pêches maritimes et les


page précédente page 08124page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

cultures marines porte aujourd'hui ses fruits. La santé économique des entreprises de pêche est étroitement dépendante du niveau des cours, bien sûr, mais surtout des coûts de production, en particulier du carburant, et je reviendrai sur ce point.

Le projet de loi de finances pour 2001 poursuit et amplifie cet accompagnement des pouvoirs publics. J'en veux pour preuve l'augmentation de 7,9 % des crédits globaux d'intervention, bien supérieure à la croissance moyenne des dotations du ministère de l'agriculture et de la pêche. Les crédits d'intervention atteignent 162,4 millions de francs.

Ceux inscrits en faveur des entreprises de pêche et de l'aquaculture croissent de 21,5 %. Ils doivent permettre la poursuite de la mise en oeuvre du plan de sortie de flotte afin d'ajuster la flottille française aux objectifs retenus dans le POP IV et de respecter nos engagements communautaires. Ils doivent aussi permettre de mieux adapter notre effort de pêche à l'état de la ressource et de répondre aux besoins de financement des caisses chômage et intempéries, qui ont récemment enregistré un important accroissement du nombre de leurs adhérents.

Je reviens un instant sur la mise en oeuvre du POP IV, qui a imposé à la France des contraintes particulièrement lourdes.

Au 31 décembre 1999, la flotte de pêche française métropolitaine comptait 5 906 navires totalisant une puissance de 924 000 kilowatts. Entre 1994 et 2000, la flotte a diminué de 13,5 % en nombre d'unités, avec une concentration de 8,49 % de la puissance des navires. Il ne s'agit pas de remettre en cause la nécessité de restructurer la flotte et de réduire l'effort de pêche, mais il faut penser autrement que sortie de flotte. Oui à la modernisation, non à la réduction drastique ! Puisqu'il ne paraît pas possible d'y mettre fin, nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour tenter de faire évoluer ce programme d'orientation pluriannuel.

La transformation du fonds d'intervention et d'organisation des marchés des produits de la pêche maritime et des cultures marines, le FIOM, en un véritable office interministériel des produits de la mer, l'OFIMER, a constitué un axe essentiel de la loi d'orientation de 1997.

La création de cet office a permis la mise en place d'une structure interprofessionnelle pour mener une véritable politique de filière.

Le montant pour 2001 de la subvention à l'OFIMER passe de 95,6 à près de 95,8 millions de francs, soit une hausse de 0,2 %. Bien entendu, la commission aurait souhaité un effort supplémentaire car les missions de l'OFIMER sont multiples et essentielles, aux plans tant de l'amélioration de la connaissance et du fonctionnement du marché, de la modernisation des outils de commercialisation des produits halieutiques et aquacoles, que du développement de la valorisation de la production.

Cela nous paraît d'autant plus nécessaire que le rôle des organisations de producteurs va se renforcer à partir de 2001 avec la nouvelle organisation communautaire de marché, qui impose notamment la définition d'un plan de capture pour les espèces sous quotas et des mesures préventives pour les espèces connaissant des difficultés de commercialisation. En contrepartie de ces nouvelles obligations, les organisations de producteurs bénéficieront d'une aide financière forfaitaire pendant cinq ans.

Il est difficile de prévoir, en début d'exercice, les crédits nécessaires, notamment pour faire face à des situations d'urgence comme ce fut le cas cette année. Lorsque se sont produites les tempêtes et la marée noire, le Gouvernement a rapidement réagi et débloqué des fonds en cours d'exercice à hauteur de 450 millions de francs.

L'OFIMER a donc eu les moyens de remplir ses objectifs.

J'insiste sur la nécessité de renforcer encore et toujours les exigences en matière de qualité des produits et d'information des consommateurs pour une meilleure traçabilité et identification des produits. Je ne doute d'ailleurs pas, monsieur le ministre, de votre détermination dans ce domaine comme dans d'autres.

En décembre dernier, le Conseil des ministres de la pêche de l'Union européenne a adopté un nouveau règlement portant organisation du marché des produits de la pêche et de l'aquaculture. La majorité des nouvelles dispositions sera applicable au 1er janvier 2001, sauf les mesures concernant l'information des consommateurs quant à la dénomination commerciale des espèces, les méthodes de production et la zone de capture. Ces mesures importantes ne seront applicables qu'en 2002. La France marquerait avec force sa volonté de contribuer au renforcement de la qualité si elle prenait l'initiative d'anticiper ces mesures d'étiquetage en les appliquant dès janvier 2001. Cela répondrait aux attentes des consommateurs en matière de sécurité alimentaire des produits de la mer.

Au plan de la qualité et des normes sanitaires, des efforts substantiels ont été réalisés pour mettre aux normes les criées. Ils doivent être poursuivis, par exemple pour moderniser les conditions de conservation sur les navires. Les contrôles vétérinaires doivent être intensifiés

Le récent naufrage du Ievoli Sun et celui de l' Erika en décembre dernier nous rappellent que, pour l'amélioration de la qualité, l'effort prioritaire doit d'abord porter sur la protection de la mer contre toutes formes de pollutions accidentelles et volontaires ; il faut lier protection du milieu et protection de la ressource.

Mes chers collègues, soyons vigilants quant au strict respect des mesures de prévention et de contrôle mais aussi quant à l'application des sanctions pour les pollueurs, y compris, j'ose le dire, à l'encontre de certains professionnels de la pêche qui ne mesurent pas toujours l'impact des micropollutions à répétition qu'ils occasionnent. Ces questions de pollutions marines sont traitées au plan interministériel et européen et je souhaite que le ministère de la pêche prenne pleinement sa place dans ces discussions.

L'OFIMER a aussi pour mission la promotion des produits de la mer et il convient de donner envie aux Français d'en consommer davantage, mais, dans le même temps, gardons à l'esprit le déficit commercial de ce poste, car la France ne produit pas assez et importe beaucoup.

La commission a relevé l'effort budgétaire consenti en faveur de l'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER, qui voit le montant de sa subvention de fonctionnement augmenter de 4,4 %, à 3,45 millions de francs, comme l'a rappelé mon collègue Louis Mexandeau. Cela permettra de renforcer le travail d'évaluation des captures et de la ressource, et, surtout, d'améliorer la connaissance du milieu marin indispensable au développement futur de ce secteur.

Certes les dotations aux investissements enregistrent une diminution en autorisations de programme et en crédits de paiement, mais ce mouvement de baisse n'est qu'apparent puisqu'il existe des disponibilités financières importantes en raison de la non-consommation de cré-


page précédente page 08125page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

dits : 23 millions de francs. Ainsi, les moyens disponibles devraient permettre la poursuite de la modernisation et du renouvellement de la flotte de pêche française en tenant compte des contraintes que j'ai déjà évoquées.

Dans un contexte concurrentiel, cette modernisation s'impose si l'on veut améliorer la compétitivité des entreprises de pêche.

La modernisation des structures à terre est quasiment achevée. Les criées sont presque toutes remises aux normes. Il s'agit maintenant de poursuivre la modernisation des navires. On remarque pourtant un net ralentissement des investissements ces derniers mois. L'incertitude quant aux cours est une explication, mais ce ralentissement est surtout dû à la forte hausse des carburants.

A propos du carburant, je tiens à saluer, monsieur le ministre, les mesures que vous avez prises. Elles s'avèrent efficaces et les professionnels de la pêche ont apprécié votre volonté de dialogue et le plan global pour la pêche que vous avez annoncé. Je souhaite bien entendu que les mesures prises puissent se prolonger aussi longtemps que les coûts d'exploitation resteront à de tels niveaux.

La future politique commune des pêches se dessine à l'horizon 2002. Peut-être pourrez-vous nous dire quelques mots sur l'avancement des travaux préparatoires à cette réforme et sur l'action de la France présidente de l'Union européenne. Il est en effet indispensable que cette dernière participe au développement à long terme de la pêche en améliorant les dispositifs de protection de la ressource tout en tenant compte de la concurrence extérieure.

S i la crédibilité et l'acceptation de la politique commune de la pêche, donc son succès, passent par une plus grande prise en compte des réalités contrastées de la pêche communautaire, elles passent également par une meilleure mise en oeuvre et par un contrôle dont l'équité ne doit pas pouvoir être contestée et dont les moyens doivent être renforcés.

S'agissant des effectifs de marins embarqués à la pêche, on constate une diminution qu'a déjà soulignée Louis Mecandrau. Il est vrai que la profession de marin pêcheur est difficile, dangereuse, exigeante, et qu'elle suppose dorénavant des connaissances techniques approfondies.

Nous pouvons saluer le courage des marins et de leurs familles. La réduction de l'effort de pêche et la pénibilité du travail expliquent en partie cette baisse des effectifs, mais peut-être faut-il envisager un renforcement de la formation des jeunes et une amélioration de l'accès à cette profession par un soutien à l'installation.

Il convient également de poursuivre l'amélioration des conditions sociales. Je souhaite que les derniers décrets du volet social de la loi d'orientation entrent rapidement en vigueur. Je pense en particulier au décret sur l'apprentissage maritime et à celui sur le repos hebdomadaire, actuellement en discussion avec les professionnels. En juillet dernier, un accord de branche a été signé par les partenaires sociaux sur l'harmonisation de la rémunération « à la part » et de l'application du SMIC ; il s'agit d'une avancée importante.

Mes chers collègues, depuis plusieurs années, les entreprises conchylicoles ont consenti de gros efforts de trésorerie pour moderniser et mettre aux normes sanitaires leurs exploitations, mais, dans le même temps, certaines grandes régions de ce secteur ont subi de fortes pertes à cause des aléas météorologiques et, plus récemment, de la marée noire, principalement en Loire-Atlantique. La conchyliculture occupe une place essentielle du point de vue socio-économique dans les régions littorales touchées, ne l'oublions pas.

J'appelle donc votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité de poursuivre les mesures d'aide aux professionnels touchés par la marée noire. Les procédures imposées par le FIPOL sont complexes, longues, et les chefs d'exploitation n'ont pas toujours accès aux informations.

Je souhaite que l'on tire les leçons de cette catastrophe et que l'on réfléchisse aux dispositions à prendre pour que les pouvoirs publics puissent fournir davantage de conseils et d'informations. Un certain manque d'organisation au sein de cette profession a parfois compliqué la circulation de l'information, d'où le besoin d'une meilleure prise en charge du suivi des dossiers et d'une plus grande assistance administrative et comptable aux professionnels.

Je rappelle une nouvelle fois l'importance des mesures environnementales pour une protection maximale des eaux car l'activité conchylicole en dépend très directement. Au-delà des pollutions marines au large, il faut aussi veiller à la qualité des rejets terrestres effectués en mer, notamment des rejets agricoles.

Une autre profession a été particulièrement atteinte par la marée noire : les producteurs de sel. Entre terre et mer, ces hommes et ces femmes contribuent à la protection d'un environnement précieux et perpétuent une profession artisanale ancestrale. Au nom du principe de précaution, les paludiers de la presqu'île de Guérande ont décidé de ne pas produire de sel cette saison pour garantir aux consommateurs la qualité exceptionnelle de leur produit. Les conséquences financières de leur courageuse décision se font cruellement sentir, surtout pour les jeunes paludiers dont la trésorerie n'est pas suffisante pour faire face à un tel manque à gagner.

Au risque de paraître insistant, mais vous savez comme ce sujet me tient à coeur, je vous demande, monsieur le ministre, de prêter une attention particulière à la situation de ces jeunes paludiers dont la spécificité n'est pas suffisamment prise en compte dans les dispositifs d'attribution des aides.

Mme la présidente.

Monsieur Leroux, il faut vous acheminer vers votre conclusion.

M. René Leroux, rapporteur pour avis.

Je termine, madame la présidente.

Le Gouvernement a immédiatement débloqué des fonds pour couvrir les pertes, mais je crains que cette enveloppe ne soit pas suffisante au regard des premières demandes. Je souligne donc la nécessité d'une rallonge de l'enveloppe de 12 millions de francs.

Tous les professionnels que je viens d'évoquer sont les gardiens d'un temple environnemental précieux trop souvent agressé. Restons sensibilisés à ces questions.

Pour conclure, le budget de la pêche pour 2001 est un bon budget, car il permet de conforter l'ensemble du secteur de la pêche et des cultures marines et d'assurer son développement. Au nom de la commission de la production et des échanges, mes chers collègues, je vous invite à l'adopter.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le budget annexe des prestations sociales agricoles.


page précédente page 08126page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le budget annexe des prestations sociales agricoles.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, plutôt que de vous présenter en détail le budget annexe des prestations sociales agricoles, ce qui est fait dans mon rapport écrit, je concentrerai mon discours sur quatre points principaux.

Le premier tient au manque de réalisme des prévisions de recettes et de dépenses, qui va se traduire, d'après les calculs qui figurent dans le rapport, par un déficit d'au moins 1,2 milliard en 2001. Ainsi, les prévisions de cotisations techniques sont assises sur l'hypothèse, qui paraît peu vraisemblable, que le revenu agricole sera en 2000 du même niveau que celui de 1998, qui était particulièrement élevé, et non de 1999, lequel était particulièrement faible, alors que l'habitude et la prudence consistent à reconduire, ou au moins à prendre en compte, le dernier revenu connu. Faire l'hypothèse d'une hausse du revenu moyen par agriculteur en 2000 de 3,5 % à 4 % paraît très irréaliste eu égard aux incidences de la crise de la filière bovine, et aux conséquences de la modulation et de l'évolution des prix et des charges de l'agriculture.

M. François Sauvadet.

Absolument !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Il est d'ailleurs regrettable, monsieur le ministre, que vous ayez différé la tenue de la commission des comptes de l'agric ulture qui était traditionnellement réunie à la mi-novembre. Espérons que ce n'est pas pour dissimuler, pendant les débats parlementaires, l'ampleur de la chute du revenu agricole.

De même, les prévisions de dépenses de maladie sont d'un niveau équivalent, voire légèrement inférieur, à celui des dépenses révisées pour 2000, ce qui paraît encore moins réaliste compte tenu du fait que celles-ci étaient elles-mêmes sensiblement supérieures aux prévisions initiales. Certes, la prévision des dépenses de maladie présente le caractère d'un objectif à ne pas dépasser, comme l'ONDAM pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mais, pour le BAPSA, les prévisions conduisent également, sinon surtout, à la détermination du montant de la subvention d'équilibre de l'Etat. Cela n'est donc pas neutre pour le budget général.

Q uant aux estimations des frais financiers, elles p araissent également peu vraisemblables, puisqu'elles consistent à reconduire le montant prévu pour 2000, alors que les prévisions de dépenses pour 2000 seront elles-mêmes dépassées de 50 %, ce qui représente tout de même 120 millions de francs supplémentaires.

A cet égard, et compte tenu de la forte croissance des frais financiers à la charge du régime, qui représenteront 350 millions en 2000, alors que de leur côté les caisses départementales retirent environ 200 millions par an du placement de leur propre trésorerie, la commission des finances a adopté un amendement prévoyant de rationaliser la gestion de ces trésoreries autonomes en la centralisant auprès de la CCMSA. Une telle disposition ne sera sans doute pas perçue très favorablement par les caisses départementales, alors qu'elle leur permettrait d'accroître la rémunération de leurs placements. Mais une négociation portant sur les modalités de la centralisation pourrait permettre de faire évoluer la situation qui, à défaut, risque de demeurer inchangée pendant de longues années encore.

Enfin, il y a lieu de s'interroger sur la manière dont sont élaborées les prévisions de ressources de TVA car, cette année, leur croissance paraît sensiblement inférieure à celle de l'ensemble des recettes de la TVA elle-même.

L'an passé, la situation était inverse, sans que l'on sache très bien pourquoi. Cette imprécision est d'autant plus importante qu'un point de croissance de plus ou de moins sur le prélèvement sur la TVA représente 300 millions.

Au total, les corrections à apporter aux dépenses et aux recettes, retracées dans mon rapport écrit, représentent tout de même 1,2 milliard, qu'il faudra bien financer.

Encore suis-je sans doute moi-même optimiste, si je me réfère à l'exécution du BAPSA en 2000. En effet, à cette même tribune, j'avais pu montrer l'an passé que le déséquilibre du BAPSA avant la subvention de l'Etat était supérieur de 700 millions au projet qui nous était soumis, alors qu'en fait ce ne sont pas 700 millions mais 2,5 milliards qui manqueront cette année et qui devront être financés par le collectif budgétaire de fin d'année qui sera approuvé en conseil des ministres la semaine prochaine.

Dans ces conditions, ne croyez-vous pas, monsieur le ministre - et ce sera ma première question - que des progrès devraient être faits pour améliorer la sincérité des prévisions de dépenses et de recettes qui sont proposées au Parlement, à moins d'accepter l'idée que celui-ci ne délibère que sur des montants qui sont des intentions et non des prévisions réalistes ? Le deuxième point est relatif à l'articulation déficiente du projet de budget avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est là un problème récurrent et incontournable, me direz-vous sans doute, compte tenu du fait que ce projet est arrêté définitivement après le projet de budget.

Mais il est tout de même dommage que l'habitude ait été prise de ne pas transcrire dans le projet de loi de finances initiale, et donc dans le BAPSA, l'incidence de certaines mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme le relèvement de la base mensuelle des allocations familiales ou l'augmentation générale de 2,5 % des pensions. Pour l'exercice qui nous intéresse, cette différence porte tout de même sur des dépenses supplémentaires ou des recettes moindres de l'ordre de 300 millions.

Par ailleurs, les données financières décrivant le régime des exploitants agricoles dans les annexes du projet de loi de financement de la sécurité sociale sont elles-mêmes incohérentes avec le projet de budget et le BAPSA. Je vais en donner quelques exemples.

Ainsi, ces annexes prévoient une subvention de l'Etat inférieure de 500 millions de francs à celle arrêtée dans le projet de budget et ont « oublié », dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale le prélèvement de 1,35 milliard sur le produit de la C3S. D'autres exemples figurent dans mon rapport.

Monsieur le ministre, on ne peut pas continuer ainsi.

Mon troisième point concerne précisément ce dernier prélèvement. Le BAPSA a été exclu en 1996 de l'affectation du produit de la C3S. Néanmoins, et pour la troisième année, il en est bénéficiaire pour un montant non négligeable et en croissance, à 1,35 milliard. Je constate avec satisfaction que, pour la première fois, cette affectation n'est pas proposée à l'Assemblée nationale par un amendement tardif du Gouvernement, mais est bien présente dans le bleu. C'est un progrès sur la forme mais, sur le fond, il demeure que nous avons affaire, me semble-t-il, à un prélèvement qu'il y a objectivement lieu de qualifier de « provisoire permanent », d'autant qu'il sera inévitablement réitéré l'an prochain pour financer la


page précédente page 08127page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

dernière étape du plan de revalorisation des retraites agricoles modestes, au surplus à un niveau qui devrait être près de deux fois supérieur à celui de cette année puisque, comme vous le savez, monsieur le ministre, la dernière tranche se rapproche de 2 milliards.

Au-delà de 2002, il n'est sans doute pas exclu de le prolonger de nouveau si le Gouvernement décide effectivement de mettre en place un régime de retraite complémentaire en partie financé par l'Etat.

Ne pensez-vous pas que, dans ces conditions, il conviendrait de clarifier la situation et de modifier les textes qui régissent la répartition de la C3S entre les régimes sociaux pour mettre enfin en conformité le droit et la pratique ? Le quatrième point concerne le BAPSA lui-même ; il s'agit de l'existence même de ce budget annexe. Je plaide, vous le savez bien, mes chers collègues, depuis plusieurs années, pour sa suppression. D'une part, il est clairement contraire à l'ordonnance organique de 1959, car il ne correspond pas à la définition d'un budget annexe ; il est vrai qu'il n'est pas le seul dans ce cas. D'autre part, il est redondant, voire contradictoire sur certains points avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Enfin, il ne transcrit qu'une partie du régime des exploitants agricoles dans la mesure où il exclut les cotisations complémentaires et les dépenses de gestion des caisses, ainsi que les primes d'accidents du travail, les majorations de pensions pour enfants et un certain nombre d'autres éléments.

Je constate d'ailleurs que j'ai été rejoint dans cette opinion par le rapporteur général de la commission des finances, puisque la proposition de loi organique révisant l'ordonnance du 2 janvier 1959 dont il est l'auteur, soumise actuellement à l'examen d'une commission spéciale de notre assemblée, à laquelle j'appartiens, prévoit la suppression sans délai de tous les budgets annexes. Il faut souligner à cet égard que, contrairement à ce que pensent certaines organisations professionnelles, l'existence du BAPSA n'est pas une garantie indispensable de l'existence du régime agricole et de l'équilibrage du régime par l'Etat. Ainsi, les autres régimes sociaux, des travailleurs indépendants, par exemple, qui ne font pas l'objet d'un budget annexe, sont équilibrés de manière tout aussi certaine, par l'affectation à leur profit d'une partie du produit de la C3S.

J'aborderai maintenant la question de la nécessaire réforme des prélèvements sociaux qui pèsent sur les agriculteurs et dont une grande partie est affectée au financement du BAPSA. Globalement, l'ensemble des prélèvements sociaux sur les agriculteurs, incluant la CSG et la CRDS, les cotisations techniques et complémentaires,r eprésente environ 20 % de leur revenu net d'exploitation. Ce taux, d'ailleurs, est stable jusqu'en 2000. Sur les trois dernières années, il n'a pas baissé, contrairement à ce qu'on écrit parfois. Il ne diminuera, très légèrement, en 2001 que par l'effet de la ristourne progressive de CSG et de CRDS, et dans l'hypothèse d'une progression nette du revenu net d'exploitation, hypothèse tout à fait irréaliste, et sans tenir compte du problème de la TGAP-énergie qui, elle aussi, sert à financer, pour partie, les 35 heures, via le FOREC.

En ce qui concerne le régime de ces prélèvements, le Gouvernement a proposé plusieurs mesures relatives aux prélèvements fiscaux et sociaux, disséminées, selon le cas, en première partie du projet de loi de finances, et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, luimême modifié au fil de la discussion. Par ailleurs, la TGAP-énergie figurera dans le projet de loi de finances rectificatives et va avoir, avec ses 4 milliards de francs de produit, dont une partie sera supportée par l'agriculture, des incidences considérables sur certaines filières.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Pas du tout !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Si, monsieur le ministre, sur la filière agro-industrielle et je vous le démontrerai.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ce n'est pas l'agriculture !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Bien sûr que si ! Je vais vous expliquer, c'est très simple. Quand vous taxez les sucreries ou les luzerniers, comme on ne peut pas répercuter sur le consommateur final, on répercute en fait sur le producteur.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Pas du tout !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Mais si ! On prélève en fait sur les marges... s'il y en a ! Mais quand ce sont des coopératives, que se passe-t-il ? Les luzerniers, par exemple, sont massivement organisés en coopératives, ainsi qu'une partie du monde sucrier. Vous répercutez donc en fait sur la production. Quand vous augmentez la fiscalité pesant sur l'industrie agroalimentaire, il y a une répercussion sur le revenu du producteur, c'est mécanique. Mais nous en discuterons longuement avec votre collègue des finances lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative.

Sur la forme, je soulignerai en premier lieu que cet éclatement des mesures est préjudiciable à leur clarté.

Sur le fond, j'insisterai sur la réforme des cotisations techniques proposée par le Gouvernement. Je me réjouis que celle-ci aille dans le sens d'une simplification qui était indispensable, mais elle repose sur des choix très contestables et elle ne va pas assez loin.

Le choix contestable est celui de l'année n-1 . En effet, pour les exploitants soumis au régime fiscal du bénéfice réel, l'option pour l'année n, que les professionnels ont demandée pendant de longues années avant de l'obtenir, est le seul moyen de mettre effectivement en regard les revenus et les charges qui pèsent sur eux. Ne laisser le choix qu'entre l'assiette triennale et l'année n-1, c'est prendre le risque de grandes difficultés en cas de crise conjoncturelle sectorielle, ces crises étant, vous le savez bien, récurrentes dans l'agriculture.

Prenons l'exemple de la crise bovine dans laquelle nous rentrons. Comment allez-vous faire, monsieur le ministre, face à tous les éleveurs qui vont connaître des déficits en 2001 et qui sont soumis à l'année ? On ne peut expliquer à un agriculteur qui est en déficit qu'il doit payer des cotisations sociales.

Enfin, les modalités brutales de passage de l'année n vers la moyenne triennale comme vers l'année n-1 vont se traduire par une grave accentuation de la pression fiscale pour ceux qui se trouveront, par les hasards des cycles de production, en haut de cycle.

Par ailleurs, cette réforme ne va pas assez loin sur plusieurs points : Primo, les périodes de référence des assiettes de la CSG sont alignées sur celles des cotisations sociales, mais les assiettes elles-mêmes demeurent différentes. En effet, pour les exploitants qui choisissent l'assiette triennale, l'assiette de la CSG continue à ne prendre en compte les déficits que pour une valeur nulle et non pour leur valeur réelle.


page précédente page 08128page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

Je ne peux que m'associer à M. Cahuzac pour considérer qu'il est nécessaire de mettre fin à cette différence infondée et injuste.

M. Germain Gengenwin.

Vous associer aussi à Mme Marre !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Bien entendu ! La suppression d'une telle mesure n'aurait d'ailleurs qu'un coût limité, de 50 millions. Quand comptez-vous, monsieur le ministre, mettre enfin bon ordre à la situation ? Deuxio, au-delà de ce petit ajustement, la véritable simp lification serait l'alignement de toutes les assiettes sociales sur l'assiette fiscale. Cet objectif, sans doute plus lointain, ne paraît pas hors de portée.

Tertio, vous nous avez proposé, monsieur le ministre, de supprimer la majoration de la cotisation minimale d'assurance maladie. C'est bien, mais ce n'est qu'une demi-mesure, puisque vous laissez subsister la cotisation minimale, assise sur 800 SMIC par an qui, elle, ne touche évidemment que les revenus les plus modestes. De plus, les exploitants qui sont concernés par cette assiette minimale sont triplement pénalisés : non seulement ils doivent acquitter une cotisation qui est plus que proportionnelle à leur revenu, mais ils sont exclus du bénéfice de la CMU complémentaire gratuite et des avantages qu'elle comporte en termes de limitation des honoraires et de remboursement des frais de dentisterie et de lunetterie. Pour eux, la CMU constitue une véritable iniquité.

Il conviendrait, au moins, de supprimer dès 2002 l'ensemble du dispositif d'assiette minimale, pour ne garder qu'un mécanisme de calcul strictement proportionnel aux revenus.

Quatro, en ce qui concerne les cotisations solidaires, là aussi, les mesures proposées paraissent bien timides. La suppression de la cotisation de solidarité sur les exploitants à titre secondaire que vous proposez est une bonne chose, mais il est impossible de ne pas se poser la question de celle qui porte sur les associés ne participant pas aux travaux de l'exploitation. Celle-ci présente en effet des défauts majeurs, au moins dans sa conception a ctuelle, que j'ai pu constater moi-même lors des contrôles que j'ai effectués dans les caisses. Cette cotisation - écoutez bien, monsieur le ministre - fait tout d'abord l'objet d'une grande fraude, avec un taux de fraude de l'ordre de 80 %, faute pour les caisses d'être en mesure de disposer des éléments nécessaires pour la recouvrer et des outils pour sanctionner les fraudeurs.

De ce fait, certaines caisses ne font même pas l'effort de l'appeler. Certaines ne l'ont appelée que lorsque le besoin s'est fait sentir de ressources supplémentaires. Globalement, cette cotisation ne rapporte que 11 millions, c'est-à-dire 0,01 % des ressources du BAPSA mais sa gestion coûterait 27 % de ce produit. Vous conviendrez que j'ai dressé là le portrait type du mauvais impôt, qu'il faut supprimer de toute urgence.

Mme la présidente.

Il va falloir conclure, monsieur le rapporteur spécial.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Monsieur le ministre, puisqu'il me faut conclure très rapidement, je voudrais maintenant aborder trois réformes du régime agricole qui demeurent aujourd'hui en souffrance.

Mme la présidente.

Non, monsieur de Courson ! Pas trois réformes, trois mots !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

En une phrase, madame la présidente ! La première réforme est la création d'un nouveau risque accident du travail : monsieur le ministre, où en êtes-vous sur ce point ? Deuxième réforme en souffrance : la mise en place d'un régime de retraite complémentaire. Etes-vous en mesure de nous indiquer, au nom du Gouvernement, s'il est réellement envisagé que l'Etat contribue au financement de ce futur régime - ce qui serait un précédent -, de quelle manière et à quelle hauteur ? Troisième réforme : la mensualisation des retraites. En effet, si vous supprimez le BAPSA, la direction du budget n'aura même plus l'argument que cela coûte 9 milliards ; cela ne coûte que le montant des intérêts, c'est-à-dire 245 millions de francs.

Je conclurai mon intervention par certaines observations, que vous pourrez trouver dans mon rapport, sur l'affiliation et le manque de règle qui la caractérise, sur le rapprochement des fichiers DDA et MSA, pour lequel j'ai fait toute une série de propositions. Enfin, monsieur le ministre, en Corse la situation s'améliore très lentement. Vous êtes allé, hélas, juste avant les vacances, en Corse et vous avez mis en place une nouvelle commission pour évaluer le montant des cotisations non recouvrées.

Elles se montent à un milliard, et elles ne diminuent pas.

Vous auriez été mieux inspiré de suivre le rapport de certain député que vous connaissez bien (Sourires), qui avait préconisé de ne surtout pas faire cela et de tenir bon pour remettre de l'ordre dans les cotisations sociales en Corse.

M. Germain Gengenwin et M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Telles sont, mes chers collègues, les principales conclusions de ce rapport que je pourrais résumer en une phrase : un point positif, la poursuite de la revalorisation des petites retraites, mais de nombreuses lacunes quant aux réformes à entreprendre tant en matière d'assiette des cotisations que pour les branches accidents du travail et retraites.

S'agissant du vote du BAPSA lui-même, votre rapporteur s'est abstenu mais la commission des finances a approuvé le projet de budget annexe, sous réserve d'un amendement sur lequel nous reviendrons tout à l'heure.

(Applaudissements sur les bancs du goupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Félix Leyzour, premier inscrit dans la discussion.

M. Félix Leyzour.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget que nous examinons aujourd'hui est celui d'un secteur économique et social important pour la vie nationale. Il prend un relief particulier en raison du contexte dans lequel nous l'examinons, contexte marqué par les problèmes auxquels sont confrontés les consommateurs, les éleveurs et les salariés de la filière agroalimentaire.

Le budget du ministère de l'agriculture et de la pêche s'élève à 29,697 milliards de francs. Il ne représente qu'une partie des concours publics à ces deux secteurs d'activité, concours publics qui se montent à plus de 173 milliards de francs si l'on additionne les crédits du budget que nous allons examiner, les concours d'origine européenne, qui s'élèvent à quelque 67 milliards, et les crédits du budget annexe des prestations sociales agricoles qui sont de 73,5 milliards.


page précédente page 08129page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

Je ferai d'abord observer que les concours publics se justifient par la réponse qu'apporte l'agriculture aux besoins de la population et par son importance pour l'équilibre de nos échanges, pour l'occupation de l'espace et son entretien. En outre nous avons le devoir de prendre en compte la contribution des générations passées de la France rurale au façonnement de la France d'aujourd'hui ; je pense en particulier aux retraités.

Traitant du budget du ministère de l'agriculture, on ne peut pas ne pas parler de tout ce qui a trait à l'agriculture et à la vie des agriculteurs. J'examinerai pour ma part à la fois le budget du ministère, quelques aspects des aides européennes et le BAPSA. Mon ami François Liberti traitera plus particulièrement des crédits de la pêche, et René Dutin reviendra sur les retraites.

U ne première analyse des crédits du ministère, 29,717 milliards, fait ressortir que 33 % de ces crédits vont au personnel, 7 % au fonctionnement, 56 % aux interventions et 4 % à l'investissement. Ils sont en augmentation de 2 %. En réalité, à périmètre budgétaire constant, l'augmentation n'est que de 0,6 %. Les priorités visées sont au nombre de quatre : renforcer les actions de contrôle et de promotion de la qualité, promouvoir une agriculture de qualité et mettre en oeuvre le plan de développement rural national, soutenir le secteur de la forêt et consolider les moyens de l'enseignement agricole et les autres services du ministère.

Je présenterai des observations sur ces quatre priorités en commençant par la deuxième, pour terminer par la première, sur laquelle je m'attarderai un peu plus en raison de l'actualité.

Pour ce qui est du développement d'une agriculture de qualité, une dotation de 2,959 milliards est affectée aux offices. La dotation consacrée à la POA augmente de 5 %. La prime au maintien du troupeau allaitant sera revalorisée pour la deuxième année et les crédits progressent de 14 % à cet effet. S'agissant du plan de développement rural national portant sur une durée de sept ans, et qui a reçu un avis favorable de la Commission européenne, c'est le CTE qui en est la pièce maîtresse.

Nous avons soutenu la loi d'orientation agricole qui a créé le CTE, outil nouveau que nous avons, quant à nous, pris pour ce qu'il est : il ne peut à lui seul régler tous les problèmes de l'agriculture, mais il peut permettre de relever certains des défis auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés, qu'il s'agisse du caractère des productions, de l'environnement ou du maintien de l'activité agricole sur l'ensemble du territoire. Retardés en raison du temps mis par la Commission européenne à donner son accord, mais aussi, sans doute, en raison du caractère novateur de la démarche comme d'une certaine lourdeur administrative, les contrats commencent à se mettre en place, souvent avec l'appui des conseils généraux.

Les reports de crédits de l'année 2000 conduisent à inscrire moins de crédits nouveaux. Il faut maintenant pousser les feux et rester vigilant - je ne doute pas que vous le serez, monsieur le ministre - pour que la dotation 2000, qui est maintenue, ne soit pas remise en cause dans le collectif budgétaire d'automne et pour que l'annonce de l'effort initial se traduise dans les budgets à venir, quand la vitesse de croisière sera atteinte.

Pour ce qui est du secteur de la forêt, le plan de soutien mis en oeuvre après la tempête de 1999 se poursuivra en 2001, ce qui se traduira par une augmentation de 33 % des crédits alloués à la forêt.

Pour les moyens de l'enseignement agricole et les autres services, le ministère bénéficie d'une augmentation de 2,7 % de son effectif budgétaire : 933 emplois de personnels titulaires sont créés, dont 300 créations nettes et 633 déprécarisations. La part revenant à l'enseignement est de 600 créations, dont 400 déprécarisations. C'est un effort que nous avions réclamé, les uns et les autres, et qui, s'il ne règle pas tous les problèmes, doit être noté comme une avancée appréciable. Avancer vers la sortie du précaire est une façon de reconnaître la place, le rôle, l'importance de l'enseignement agricole pour former aux métiers de l'agriculture, ceux d'aujourd'hui et ceux de demain.

J'en arrive à la priorité consistant à renforcer les actions de contrôle et de promotion de la qualité des aliments, priorité ô combien prioritaire ! Ces actions bénéficient d'une dotation de 621 millions de francs, en augmentation de 22 %, afin de financer le renforcement de la lutte contre les maladies animales et du dépistage de l'ESB, ainsi que des actions de bio-vigilance concernant les OGM. En liaison avec les autres ministères de tutelle, les moyens de l'AFSSA sont augmentés de 7,4 %. Sur cette pente ascendante en matière de crédits pour la sécurité alimentaire, il est à prévoir qu'à des développe ments nouveaux devront correspondre également des crédits nouveaux.

La sécurité alimentaire est un droit. D'une façon générale, ce qu'on consomme aujourd'hui est globalement plus sain que ce qu'on consommait par le passé. Ce qui est vrai aussi, c'est que, dans la longue chaîne qui va de la production à la consommation, des dysfonctionnements interviennent dans les différents maillons qui composent cette chaîne, et entre eux. Les causes de ces dysfonctionnements sont diverses : elles tiennent au nonrespect des règles, parfois à la fraude, mais elles sont dues également au contexte de pression permanente sur les coûts de production - donc sur les agriculteurs, car les prix agricoles toujours tirés vers le bas - et sur les coûts de fabrication, donc sur les salariés de l'agroalimentaire.

Ce qui s'est passé ces dernières semaines avec le dossier Carrefour, qui a concerné aussi d'autres groupes de distribution, montre au moins trois choses.

Premièrement, que des dysfonctionnements existent. Il appartient à la justice de dire s'ils relèvent ou non de tentatives de fraude. Deuxièmement, que si les premières mailles du filet de précaution ont été contournées, le système de détection de l'animal malade à fort heureusement fonctionné, tout comme le système de traçabilité.

Troisièmement, que le débat public entre consommateurs, scientifiques, acteurs de la filière et élus, en un mot le débat citoyen, démocratique, nécessaire pour éclairer et préparer les décisions, a été relégué au second plan, au profit d'une campagne prenant appui sur l'inquiétude légitime des consommateurs et des parents, et amplifiant à dessein cette inquiétude.

Deux propositions sont aujourd'hui au centre du débat : la systématisation des tests de dépistage de l'ESB et la suppression totale des farines animales, c'est-à-dire, soyons clair, leur incinération. Nous devons examiner ces propositions sous tous leurs aspects, mais en ayant le courage de dire que ni l'une ni l'autre ne suffira pour faire disparaître du jour au lendemain la maladie.

Il y a six mois, en s'appuyant sur l'état des connaissances du moment, la commission d'enquête avait préconisé un ensemble de mesures visant à améliorer le dispositif existant en France : Premièrement, elle avait recommandé que la composition des farines animales destinées à entrer dans l'ali-


page précédente page 08130page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

mentation d'animaux autres que les ruminants soit élaborée à partir d'ingrédients inscrits sur une liste positive, établie par la loi.

Deuxièmement, que la fabrication des farines soit effectuée dans des usines où ne transite aucun produit à risque spécifié. En clair, cela signifiait qu'il devait y avoir une séparation nette entre les sites de fabrication des farines destinées à l'alimentation animale et ceux de transformation des produits d'équarrissage.

Troisièmement, que des normes précises d'étiquetage et de traçabilité soient garantes des exigences ainsi définies.

Quatrièmement, que soit écarté tout risque de contamination croisée, tout au long de la chaîne de fabrication - d'où la proposition de sites séparés -, mais aussi de la chaîne de commercialisation, de transport et de livraison dans les élevages.

Enfin, cinquièmement, que la France n'admette pas à l'importation des farines qui ne répondraient pas aux critères précédents et qu'elle oeuvre à un alignement des règles communautaires sur les exigences qu'elle a ellemême définies, car chacun sait bien, même si on ne le dit pas toujours dans le débat, que la situation n'est pas la même dans les autres pays et chez nous.

Les travaux de la commission sur la transparence, sur la traçabilité, sur les problèmes posés par le stockage des farines à incinérer et sur l'incinération elle-même, les réflexions sur la production de protéines végétales, pour éviter que l'on se contente de déplacer les risques, tout cela peut éclairer les décisions à prendre aujourd'hui dans l'intérêt des consommateurs, dans celui des éleveurs - qui sont honnêtes, dans leur grande majorité - et dans celui des salariés de l'agro-alimentaire.

Je terminerai en évoquant le BASPA.

Le plan pluriannuel de relèvement des retraites les plus faibles, annoncé pour la période 1997-2002, est en cours.

Si des améliorations ont été apportées depuis 1997, il n'empêche que les retraites agricoles, même revalorisées, demeurent si faibles que les difficultés de dizaines de milliers de retraités sont une réalité, qu'ils vivent chez eux ou soient entrés dans des structures d'accueil pour personnes âgées.

Par ailleurs, le système est tellement compliqué qu'il devient presque illisible pour les gens eux-mêmes et pour les techniciens des services chargés de calculer les retraites.

Certes, on pourra me répondre que l'année 2001 est la quatrième année de la mise en oeuvre de ce plan de cinq ans et que l'on atteindra l'objectif fixé l'année prochaine.

Toutefois, je ferai observer que ce plan a été annoncé en 1997 et que depuis, en raison à la fois du contexte international et des politiques mises en oeuvre au plan national, la croissance a été au rendez-vous et que, par rapport aux conditions de départ et d'annonce de ce plan, cette croissance crée aujourd'hui les conditions permettant d'accélérer la revalorisation des retraites, en particulier celles des agriculteurs.

Mme la présidente Veuillez conclure, monsieur Leyzour.

M. Félix Leyzour.

J'en arrive justement à ma conclusion, madame la présidente.

J'ai noté avec satisfaction, dans la déclaration rendue publique mardi à l'issue du sommet de la majorité plurielle, que les formations appartenant à la gauche plurielle se déclarent favorables à un plan de revalorisation des petites retraites. Nous avons l'occasion de commencer à traduire cet objectif dans les faits en faisant un effort supplémentaire pour nos retraités, saisissons-là ! Telles sont, monsieur le ministre, les observations que je voulais présenter sur ce budget et sur le BASPA. Ces observations, même si elles peuvent comporter un caractère critique dans certains cas, traduisent la volonté du groupe communiste de voter ce budget, car ce que nous voulons, c'est aller de l'avant.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela a déjà été dit, nous abordons l'examen de ce budget dans un contexte sans précédent pour l'agriculture française. Ainsi, lors des deux dernières séances de questions d'actualité, hier et aujourd'hui, tous les groupes ont interrogé le G ouvernement sur la terrible crise à laquelle sont confrontés tous les éleveurs, et, au-delà d'eux, toute la filière bovine.

Pour nous, la situation est à la fois paradoxale et inquiétante : notre pays, qui est sans nul doute celui qui a le plus fait pour la sécurité alimentaire, celui qui est le plus en pointe en ce domaine, celui qui a le plus innové en associant les producteurs à la politique de prévention, se trouve aujourd'hui au coeur de la tempête déclenchée par la crise de l'ESB.

Les producteurs, les entreprises sont les victimes de ce que certains ont appelé « la mal-bouffe ». Mais ceux qui ont lancé ce slogan portent une lourde responsabilité.

M. Germain Gengenwin.

Très juste !

M. François Sauvadet.

Face à l'aggravation de cette crise, non seulement la consommation a chuté ces derniers jours - pratiquement d'un tiers - mais aussi nos exportations : on a cité la Pologne, pays où nous exportons peu, mais c'est surtout la situation avec la Russie qui est inquiétante.

Si nous en sommes arrivés là, monsieur le ministre - je vous le dis en mon âme et conscience et au nom du groupe UDF, mais je crois que ce sentiment est partagé par l'ensemble de l'opposition -, c'est parce que vous avez laissé dériver une situation qui nécessitait, non seulement des renvois successifs à l'agence française de sécurité sanitaire des aliments, dans une sorte de réflexe constant et légitime, mais aussi des mesures politiques fortes depuis plusieurs mois ; or ces mesures n'ont pas été prises.

Aujourd'hui, vous renvoyez à des études, mais celles-ci auraient déjà dû avoir lieu, car il y a au moins dix-huit mois que nous connaissons la nature du problème ; il ne date pas de quelques semaines. Souvenez-vous, monsieur le ministre, combien nous nous étions émus de votre abstention à Bruxelles lorsque la question de la suppression des importations de viande britannique s'était posée, alors qu'il aurait fallu montrer fermement notre volonté de lutter contre l'insécurité sanitaire, et combien nous avions trouvé curieux le principe de réalité que vous nous aviez opposé.

Comme je l'ai dit hier au Premier ministre dans cet hémicycle, la question de l'utilisation des farines animales est au coeur des préoccupations de nos compatriotes, et il ne suffit pas de s'en remettre à l'avis de l'AFSSA - qui, selon ses plus hauts responsables, ne pourra donner un avis que dans quelques semaines, voire dans quelques mois.


page précédente page 08131page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

Il faut prendre des mesures extrêmement rapides. Nous ne nous contentons pas de dire : « faut qu'on » ou « y'a qu'à », nous disons qu'il faut prendre des mesures dont le contenu doit répondre à l'ampleur de la crise qui frappe toute la filière de la viande bovine ; voilà un signe que nous devons donner. Il ne faut pas perdre de temps, car la crise gagne du terrain ; il incombe au Gouvernement de prendre une décision.

Il convient aussi de se donner les moyens - et je sais bien que les moyens sont limités - d'un dépistage plus systématique de l'ESB, en « ciblant » l'action, comme l'a demandé la profession, sur les animaux à risque, c'est-àdire sur ceux qui sont nés en 1996. Tel est le prix à payer pour rétablir la confiance.

A cet égard, le budget de l'agriculture, qui prévoit 100 millions de francs de plus pour la sécurité sanitaire et pour la lutte contre les maladies des animaux, n'est pas à la mesure de l'enjeu. De la même manière, il faudrait faire porter l'accent sur la recherche - et cela ne concerne pas que votre ministère -, mais la hausse des crédits n'est que de 0,8 %. Permettez-moi de dire que c'est notoirement insuffisant ! Plutôt que de distribuer des cadeaux électoralistes grâce aux fruits de la croissance, il aurait mieux valu dégager des moyens supplémentaires pour assurer le coût élevé des mesures qui doivent être prises.

Sur le plan européen, je constate que la sécurité alimentaire européenne n'a pas progressé depuis le dépôt du Livre blanc de la Commission en janvier dernier. Je vous reproche de n'avoir pas réussi à convaincre nos partenaires de s'engager dans la voie d'un contrôle et d'une transparence harmonisés. Où en est la mise en place de l'agence scientifique qui devait harmoniser les analyses, les contraintes et les contrôles ? Au demeurant, la création de cette agence n'exclurait nullement la possibilité pour chaque Etat de prendre les décisions qu'il estime de nature à préserver ses intérêts vitaux liés à la santé publique.

Quoi qu'il en soit, nous voyons bien que nous devons coordonner nos démarches. Or vous n'avez pas suffisamment avancé dans cette voie, et je tiens à le souligner.

De la même manière, vous devriez avoir un sujet de préoccupation présent à l'esprit : les importations de viandes, quelles qu'elles soient,...

M. Germain Gengenwin.

Qui ne sont ni contrôlées ni testées !

M. François Sauvadet.

... en provenance de pays où ne s'exerce aucun contrôle. Je vous rends extrêmement attentif à cette situation, qui impose d'avoir recours au principe de précaution, car il s'agit de pays n'ayant pas fait l'effort que nous avons consenti, notamment en matière de farines animales. J'aimerais donc que vous nous fournissiez des réponses claires sur ce point.

J'en viens au deuxième volet de mon intervention, qui concerne les CTE - les contrats territoriaux d'exploitation -, dont vous avez fait le coeur de votre politique.

Quand les membres de l'opposition ont évoqué le caractère fortement administré de la procédure que vous étiez en train de mettre en place, vous leur avez rétorqué :

« Vous verrez, ça marchera, et les faits le démontreront. »

Eh bien, s'il y a au moins un point sur lequel ça a marché, c'est en matière de prélèvements. Ça oui ! En effet, un milliard a été prélevé, notamment sur les zones intermédiaires, c'est-à-dire précisément sur les zones qui sont aujourd'hui frappées de plein fouet par la crise, celles dont les filières sont malmenées, alors que l'on pourrait fonder beaucoup d'espoirs, sur elles pour remplacer les farines animales - je pense notamment au secteur oléoprotéagineux. Permettez à un élu de la Côte-d'Or de rappeler que les producteurs de ces filières ont été particulièrement frappés.

Comme il vous arrive parfois, monsieur le ministre, de nier vos propres déclarations quand nous les citons, j'ai p ar souci de prudence, relu le Journal officiel du 17 novembre 1999. Et l'on peut y lire, page 9562, que, compte tenu des moyens budgétaires que vous vous apprêtiez à faire voter, vous pourriez « tenir l'engagement de signer 50 000 CTE d'ici à la fin de l'année 2000 ».

Eh bien, à ce jour, comme vous l'avez reconnu vousmême, seuls 1 400, ou 1 500 CTE ont été signés. C'est un succès à 3 %,...

M. Germain Gengenwin.

Il y a des réserves !

M. François Sauvadet.

... pourcentage qui peut être intéressant s'il s'agit d'un taux d'intérêt, mais qui, eu égard à l'objectif fixé, il traduit un échec flagrant.

Du reste, le budget pour 2001 ne prévoit que 400 millions de francs pour le financement des CTE, contre 950 l'an dernier. Si vous aviez autant confiance dans le « rattrapage » que vous nous avez annoncé en commission de la production et des échanges, il aurait fallu inscrire les moyens financiers correspondants pour faire face à l'afflux massif de CTE en 2001.

En effet, un milliard a été prélevé, notamment sur les zones intermédiaires, c'est-à-dire précisément sur les zones qui sont aujourd'hui frappées de plein fouet par la crise, celles dont les filières sont malmenées, alors que l'on pourrait fonder beaucoup d'espoir, sur elles pour remplacer les farines animales - je pense notamment au secteur oléoprotéagineux. Permettez à un élu de la Côte-d'Or de rappeler que les producteurs de ces filières ont été particulièrement frappés.

Comme il vous arrive parfois, monsieur le ministre, de nier vos propres déclarations quand nous les citons, j'ai p ar souci de prudence, relu le Journal officiel du 17 novembre 1999. Et l'on peut y lire, page 9562, que, compte tenu des moyens budgétaires que vous vous apprêtiez à faire voter, vous pourriez « tenir l'engagement de signer 50 000 CTE d'ici à la fin de l'année 2000 ».

Eh bien, à ce jour, comme vous nous l'avez reconnu vous-même, seuls 1 400, ou 1 500 CTE ont eté signés.

C'est un succès à 3 %,...

M. Germain Gengenwin.

Il y a des réserves !

M. François Sauvadet.

... pourcentage qui peut être intéressant s'il s'agit d'un taux d'intérêt, mais qui, eu égard à l'objectif fixé, il traduit un échec flagrant.

Du reste, le budget pour 2001 ne prévoit que 400 millions de francs pour le financement des CTE, contre 950 l'an dernier. Si vous aviez au tant confiance dans le « rattrapage » que vous nous avez annoncé en commission de la production et des échanges, il aurait fallu inscrire les moyens financiers correspondants pour faire face à l'afflux massif de CTE en 2001.

J'aimerais savoir comment vous allez procéder si vous n'appelez que 400 millions.

Comment allez-vous organiser la modulation ? Avec 400 millions aussi ? Comment allez-vous mobiliser les fonds européens correspondants ? Je souhaite que vous nous fournissiez des réponses extrêmement précises.


page précédente page 08132page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

Par ailleurs, qu'allez-vous faire de la cagnotte, du milliard prélevé en 2000, car je doute que les CTE suscitent en 2001 l'engouement qu'ils n'auront pas suscité en 2000 ?

M. Germain Gengenwin.

Tout à fait !

M. François Sauvadet.

J'ai le sentiment que vous pilotez à vue, et c'est pourquoi je suis cette année un peu plus critique que les années précédentes.

J'en veux pour preuve ce que vous avez déclaré en commission de la production et des échanges : vous avez laissé entendre - et cela figure au procès-verbal de la commission - que ceux qui ont des revenus inférieurs aux compensations économiques devraient faire autre chose et être indemnisés.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Sauvadet, puis-je vous interrompre ?

M. François Sauvadet.

Je vous en prie.

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je pense, monsieur Sauvadet, que le sujet est suffisamment sérieux pour qu'il ne soit pas caricaturé.

Et comme je sais que M. Jacob aime beaucoup polémiquer sur ce thème...

M. Christian Jacob.

Je n'ai encore rien dit !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... au travers de déclarations et de communiqués vengeurs, je veux lui couper l'herbe sous le pied.

M. Christian Jacob.

Je vais être obligé de polémiquer, puisque vous m'y incitez !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il est vrai que je n'aurais pas dû vous réveiller. (Sourires.)

Cela dit, je tiens à rappeler avec sérénité et sérieux un certain nombre de points.

Si la caricature qui a été faite dans certaines interventions correspondait à la vérité, c'est-à-dire si les agric ulteurs « modulés », ceux qui touchent des aides publiques supérieures à 200 000 francs par an,...

M. François Guillaume.

Et alors ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... devaient avoir des revenus inférieurs au SMIC - soit environ 60 000 francs par an -, je pense que la collectivité nationale, le Parlement et les producteurs devraient s'interroger sur la pertinence de ces aides, non pas, comme vous venez de le dire, pour inciter ces agriculteurs à aller voir ailleurs,...

M. Christian Jacob.

C'est ce que vous avez dit ! Cela figure au procès-verbal de la commission !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Pas du tout ! Je l'ai relu et n'ai pas trouvé trace de tels propos.

M. Christian Jacob.

Si : ils figurent au procès-verbal !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je ne tomberai pas dans la polémique, monsieur Jacob.

M. Christian Jacob.

Mais qui polémique, en ce moment ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'ai dit, non pas qu'il fallait inciter les agriculteurs en question à aller voir ailleurs, à s'inscrire au chômage, mais qu'il serait plus intelligent de les aider en leur donnant 100 000 francs de revenus, plutôt que 200 000 francs d'aides ; ces 100 000 francs s'ajoutant aux 60 000 francs dont j'ai parlé, ils seraient gagnants.

M. François Guillaume.

Allez dans une entreprise ! Vous verrez ce que c'est que la rentabilité !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

De la sorte, ils auraient plus de revenus, et la collectivité aurait moins d'aides à leur donner. Voilà ce que j'ai dit, rien d'autre ! Tout cela soulève effectivement la question de la nécessaire redistribution et réorientation des aides, laquelle, quoi que vous en disiez, et au-delà de ce que je peux penser, est inéluctable à terme.

Mme la présidente.

Veuillez poursuivre, monsieur Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Monsieur le ministre, je ne peux pas vous laisser continuer à tenir les propos que vous avez déjà tenus devant la commission de la production et des échanges, parce que le raisonnement est mauvais.

Quelle est la réalité sur le terrain ? Les chiffres sur lesquels je me fonde m'ont été fournis par les centres de gestion, ils ne sont pas contestables et je les tiens à votre disposition.

M. Christian Jacob.

Moi aussi, je donnerai des chiffres, car M. le ministre a vraiment besoin d'être éclairé !

M. François Sauvadet.

Les aides, contrairement à ce que vous dites, sont des compensations économiques.

Rappelez-vous : le blé, dont le cours se situe aujourd'hui entre 75 et 65 francs le quintal, était payé 120 francs le quintal il y a une dizaine d'années. Quand on parle des aides à l'agriculture, il faut aussi évoquer les données.

D'ailleurs, madame Marre, n'aviez-vous pas vous-même affiché dans un rapport l'ambition d'une réforme fiscale et sociale de grande ampleur pour distinguer les revenus du capital des revenus du travail ? Une telle réforme aurait constitué une avancée significative et aurait permis de nous éclairer sur la réalité du budget qui nous est proposé. Malheureusement, nous n'en trouvons aucune trace.

Je tenais à développer cette réponse mais je serai plus rapide sur les points suivants de mon intervention.

Mme la présidente.

Pour arriver à votre conclusion.

M. François Sauvadet.

Madame la présidente, le temps que j'utilise maintenant me permettra de ne pas intervenir pendant l'examen des amendements. Il n'est donc pas inutile.

M. René Leroux, rapporteur pour avis.

Ce n'est pas gagné pour autant !

M. François Sauvadet.

Tout a déjà été dit sur l'échec de votre politique en matière de modulation et de CTE.

J'insisterai sur l'installation des jeunes. Vous n'avez pas réussi à stopper sa décroissance.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Tout à fait !

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

Oh !

M. François Sauvadet.

Les chiffres le prouvent, monsieur le ministre : en trois ans, la chute des installations a été de 35 %. De 9 000 en 1995, leur nombre est monté à 10 000 en 1997, grâce notamment à l'action de vos prédécesseurs - relisez à l'occasion la charte à l'installa-


page précédente page 08133page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

tion - pour tomber aujourd'hui à moins de 7 000. Ce chiffre inquiétant témoigne d'un climat, d'un environnement général pour l'agriculture, mais aussi d'une absence de lisibilité de l'action que vous conduisez, je le dis très sincèrement. D'ailleurs, vous cherchez souvent, à tort, à opposer les agriculteurs entre eux, les catégories socioprofessionnelles, les structures entre elles, à défaut de rechercher l'essentiel, c'est-à-dire le moyen de leur offrir un avenir en reconnaissant que la diversité des structures et des productions est une véritable chance pour notre pays.

Autre point sur lequel je souhaite intervenir : le PMPOA, le plan de maîtrise des pollutions d'origine agricole. Là encore, il faut se donner les moyens de ses ambitions, monsieur le ministre. Une réorientation était nécessaire. Vous avez certes commencé à vous préoccuper de ce sujet, mais il reste des centaines de dossiers de modernisation, de mise aux normes, en attente, et les quelques millions supplémentaires que vous avez prévus ne suffiront pas. Il s'agit pourtant d'un enjeu majeur.

Je rappelle brièvement que la TGAP, qui s'appliquera en l'an 2000 aux agriculteurs par le biais des produits phytosanitaires, sert aussi à financer les 35 heures. Il est tout de même un peu paradoxal d'accepter qu'une fiscalité écologique puisse ne pas avoir de retour environnemental. Un bon usage consisterait à en faire profiter les exploitants qui attendent la mise aux normes de leurs bâtiments d'élevage. Pendant ce temps, Mme Voynet ponctionne aussi les agences de bassin.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mais non !

M. François Sauvadet.

Enfin, je voudrais revenir sur le problème des retraites, que Félix Leyzour a parfaitement cerné. Certes, un rattrapage est intervenu, mais, je le répète, ce n'est pas de votre seul fait, monsieur le ministre : ce rattrapage a été engagé avec Philippe Vasseur, et même avec son prédécesseur.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Non, c'est le Parlement qui l'a décidé !

M. François Sauvadet.

Le mouvement se poursuit, mais j'aimerais qu'il s'accélère. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je rejoins tout à fait à ce propos la demande qui a été faite par notre collègue Félix Leyzour. Sans doute faudrait-il écouter davantage votre p ropre majorité, notamment les élus communistes.

(Rires.)

M. François Liberti.

Il faut toujours écouter les communistes !

M. François Sauvadet.

Je terminerai par l'enseignement, car c'est un sujet très important. Un effort a bien été fait, je le reconnais. Mais je souhaiterais que vous engagiez - je vous l'ai déjà demandé l'an dernier, mais en vain - une vraie réflexion, non seulement sur la précarisation des postes d'enseignants mais aussi sur les formations elles-mêmes. Des demandes sont formulées pour des filières nouvelles mais nous sommes dans l'incapacité de les satisfaire. Je tiens quelques dossiers à votre disposition, car je sais que, comme moi, vous aimez les choses concrètes. Il serait sans doute utile de réfléchir à la contribution que peut apporter l'enseignement agricole privé, notamment avec la formation par alternance, qui connaît des taux de réussite très élevés. Il faudrait aussi trouver des moyens d'aider les familles qui acceptent l'enseignement en alternance, et ce n'est pas la première fois que j'évoque ce point ; il s'agit d'un véritable enjeu.

Dernier point, madame la présidente,...

Mme la présidente.

J'espère vraiment que c'est votre dernier point !

M. François Sauvadet.

Je prends l'engagement formel devant vous, madame la présidente, d'être extrêmement bref dans la suite de la discussion.

Le dernier point que je souhaite aborder concerne la forêt. Comme la pêche, comme la viande bovine, c'est un sujet essentiel.

Ce secteur, qui a été durement frappé par les tempêtes de décembre, réclamait des moyens supplémentaires. Or - je l'ai déjà dit en commission et je le répète au nom de tous mes collègues de l'opposition - les mesures tardent à apparaître sur le terrain, notamment en faveur de la propriété privée.

M. Jean-Marc Nudant.

Les aides n'arrivent pas !

M. Michel Vergnier.

Ce n'est pas vrai !

M. François Sauvadet.

Le seul dispositif qui a très bien fonctionné, pour lequel on a demandé des crédits supplémentaires, c'est l'aide aux transports, notamment ferroviaires. Elle a été bien consommée parce qu'elle était utile. Mais, sur le terrain, je le répète, l'aide n'arrive pas.

Là encore, je tiens à votre disposition quelques exemples, qui concernent aussi bien le secteur privé que les communes. Il faut trouver une solution.

Monsieur le ministre, ce budget n'apporte en rien la réponse que nous attendions en cette période de crise. Il ne permet pas de relever le défi qui nous est lancé. A cet égard, je souhaite que vous nous annonciez très clairement les mesures que vous comptez prendre et les moyens que vous allez dégager pour faire face à la crise de la viande bovine.

Vous l'aurez compris : parce que vous n'affichez pas une ambition claire et lisible pour l'avenir de l'agriculture, non seulement nous ne voterons pas votre budget, mais nous continuerons de combattre cette conception redistributrice et archaïque de l'agriculture que vous affichez à travers lui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Vergnier.

Vive le productivisme !

Mme la présidente.

La parole est à M. Germinal Peiro.

M. Germinal Peiro.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux aborder une nouvelle fois dans cet hémicycle la question des retraites agricoles, qui concerne plus de 2 millions de nos concitoyens.

Monsieur le ministre, les non-salariés de l'agriculture sont aujourd'hui les victimes d'un système totalement défaillant. La mise en place tardive, en 1952 et 1955 - beaucoup plus tard pour les épouses d'agriculteurs - du système de retraite, la faiblesse des contributions, qui étaient calculées sur le revenu cadastral, l'absence d'un régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire, enfin le déséquilibre démographique - un actif pour trois retraités - font que les retraites des non-salariés agricoles sont les plus faibles du système social français.

Depuis 1997, fidèle à ses engagements, le gouvernement de Lionel Jospin s'est attaché à réparer ce qui apparaît comme une injustice aux yeux des anciens travailleurs de la terre. Pourtant, âgés et ne vivant plus, comme autrefois, sur des exploitations familiales, la plupart sont isolés à la campagne, et leurs difficultés s'aggravent.

Avec Louis Le Pensec, vous avez mis en place un plan pluriannuel de revalorisation des retraites les plus basses.

Ainsi, les personnes seules toucheront le minimum vieil-


page précédente page 08134page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

lesse, soit environ 3 600 francs par mois pour les chefs d'exploitation et les veuves, et les couples bénéficieront d u minimum vieillesse du couple, soit environ 6 400 francs, après le relèvement à 2 800 francs par mois du montant de la retraite des conjoints et des aides familiaux.

Ce plan nécessite un effort budgégaire supplémentaire de 1,6 milliard de francs pour l'année 2001 et de 2,2 milliards de francs pour l'année 2002. C'est un effort sans précédent. Il représente un montant cumulé de près de 22 milliards de francs sur la durée de la législature. Il aura permis d'apporter une réponse concrète à tous les retraités qui ont cotisé entre trente-deux et trente-sept ans et demi ainsi qu'à ceux qui ont cotisé plus de vingt-sept ans et demi, à la condition qu'ils soient monopensionnés de l'agriculture.

Il reste néanmoins, à ce jour, plusieurs questions en suspens.

D'abord, les retraités qui ont cotisé moins de trentedeux ans et demi et qui sont polypensionnés - c'est-à-dire qui ont cotisé dans un autre régime, même pour un ou deux trimestres - sont privés de revalorisation. Il conviendrait d'abaisser progressivement ce seuil de trente-deux ans et demi pour les polypensionnés, comme le Gouvernement l'a fait pour les monopensionnés de l'agriculture.

Ensuite, il faut mettre en place au plus tôt un régime complémentaire et obligatoire d'assurance vieillesse agricole. Ce régime par répartition, qui devra être cofinancé par l'Etat, a reçu un accord de principe du syndicalisme agricole - la FNSEA et la Confédération paysanne, ainsi que des organisations professionnelles, comme l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, et de la Mutualité sociale agricole. Grâce à la mise en place de ce régime complémentaire, dont la profession agricole est la seule à ne pas bénéficier à ce jour, les retraités agricoles pourront toucher les 75 % du SMIC qu'ils réclament depuis de nombreuses années.

Nous attendons donc que le Gouvernement décide le principe de la mise en place de ce régime - je ne doute pas de l'imminence de cette décision - et que le Parlement puisse se prononcer, dès 2001, sur un texte de loi qui en fixera les modalités. L'année 2001 marquera ainsi un nouvau pas en avant pour les retraites agricoles.

En attendant, monsieur le ministre, nous approuverons le budget de l'agriculture et le budget du BAPSA que vous nous présentez. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacques Rebillard.

M. Jacques Rebillard.

Monsieur le ministre, tous orateurs commencent par évoquer la crise de la vache folle.

Ce n'est pas étonnant. Force est de constater que ce budget, qui a été préparé depuis plusieurs mois dans un contexte fort différent, est aujourd'hui très influencé par l'actualité, et nul ne saurait esquiver ce débat.

L'examen de ce budget, s'il est l'occasion de rappeler ce que vous avez fait en matière de sécurité sanitaire et de prévention des risques, doit être aussi l'occasion d'envisager ce qui pourrait être fait pour relancer la consommation de viande bovine en aidant les éleveurs et la filière à passer ce cap difficile. Depuis plusieurs années, vous avez cherché à réorienter l'agriculture vers la multifonctionnalité et la qualité. Cette analyse trouve dans ce contexte de crise sa pleine justification. Encore faut-il que, sur le terrain, cette volonté politique puisse se concrétiser. Malheureusement, les résistances au changement sont encore fortes, et c'est avec tristesse que nous constatons que ce sont les crises qui, aujourd'hui, sont facteurs de changement.

Trois points principaux méritent plus particulièrement d'être évoqués à l'occasion ce budget : la mise en place des CTE, la sécurité sanitaire et les retraites agricoles.

Auparavant, je rappelle que ce budget, qui s'élève à 29,6 milliards de francs, est en augmentation de 2 %. Pour plus de clarté, la présentation d'un budget consolidé comprenant les 67 milliards de francs accordés par le budget européen refléterait mieux l'effort fourni en faveur de l'agriculture française. Nous savons que vous vous battez pour nos agriculteurs à Bruxelles, et la négociation récente du plan de développement rural national en témoigne, mais un effort d'explication pédagogique est nécessaire en particulier à l'occasion de la présentation du budget de l'agriculture.

Ne figurent pas non plus dans ce budget les mesures d'allégement fiscal ; ainsi, 3 milliards de francs sont inscrits dans la loi de finances pour 2001 au profit de l'agriculture, comme la réduction de la TIPP ou les mesures arrêtées lors de la conférence du 24 octobre 2000 avec les organisations professionnelles agricoles. Par un effort constant de dialogue avec elles, de nouvelles avancées ont été possibles, je pense en particulier au soutien en faveur de l'élevage ovin et à la prolongation de la durée d'allégement des charges sociales pour les jeunes agriculteurs.

Vous avez su utiliser certains reliquats de crédits pour prolonger le financement du Fonds pour l'installation en agriculture dans les régions où les initiatives avaient été les plus performantes, comme vous le demandaient les jeunes agriculteurs, et pour des mesures non financées par le CTE.

Les crédits pour les contats territoriaux d'exploitation sont portés à 1,2 milliard de francs, intégrant les reliquats de l'année 2000 et la dotation de 450 millions de francs du budget de 2001. Je constate sur le terrain un fort intérêt des agriculteurs pour le CTE : ils étaient plus de 500 dans les réunions d'information organisées dans mon département.

M. Christian Jacob.

En voilà un qui est content !

M. Jacques Rebillard.

Mais il y a un décalage entre les intentions et les contrats signés. La complexité des contrats types associée à la menace d'un contrôle administratif tatillon en décourage plus d'un.

Monsieur le ministre, lors de votre audition devant la commission de la production et des échanges, vous vous êtes déclaré partisan d'un nombre très limité de contrats types. Par quel mécanisme une complexification s'est-elle introduite, créant plus de 300 contrats types ? Je ne saurais le dire, mais elle handicape fortement le démarrage des CTE. Nous vous demandons solennellement d'être le ministre de la simplification administrative.

M. François Sauvadet.

Ah !

M. Christian Jacob.

Enfin un éclair de lucidité !

M. Jacques Rebillard.

Si l'on veut la réussite du CTE, il faut s'en tenir à quelques critères simples comme les taux de chargement ou les doses maximales de fertilisants, ou encore l'adhésion à des démarches collectives de qualité dûment certifiées.

Il est d'ailleurs paradoxal de constater que c'est dans les domaines où l'agriculture est la plus respectueuse de l'environnement - je pense en particulier à l'élevage bovin allaitant - que les démarches administratives sont les plus lourdes : prime au maintien du troupeau de


page précédente page 08135page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

vaches allaitantes, dont le montant est revalorisé de 14 %, prime au bovin mâle, indemnité compensatrice de handicap naturel, prime au maintien des systèmes extensifs en élevage, prime à l'abattage. Il y a quoi décourager les plus vertueux.

Dans le secteur céréalier, un seul critère suffit, celui de la surface, pour arrêter le montant du soutien financier européen. Il est grandement temps de simplifier, il y va de la réussite de votre politique. Je vous le demande donc avec insistance : soyez le ministre de la simplification administrative.

Autre dossier que je souhaitais aborder, les plus petites retraites agricoles. Nous avons apprécié le plan continu de revalorisation, permettant depuis quatre ans d'y consacrer 1,6 milliard de francs supplémentaires en année pleine.

Nous nous réjouissons aussi de l'annonce officielle de la mise en place d'une retraite complémentaire. Il n'y a pas de démagogie de notre part à proposer de compléter ces mesures par la mensualisation des retraites ; je vous ai fait part d'une proposition qui permettrait d'y consacrer 250 millions de francs en finançant le découvert lié au relèvement du plafond d'ouverture en compte courant du BAPSA, en le portant de 12,5 à 21 milliards de francs, quitte à le ramener progressivement à son niveau actuel en dix ou quinze ans.

Je propose qu'avec votre accord, et en nous appuyant sur les rapports de nos collègues Germinal Peiro, Béatrice Marre et Jérôme Cahuzac, nous puissions proposer une nouvelle loi sociale agricole au printemps 2001, qui serait bâtie sur trois piliers : la mensualisation, la retraite complémentaire et la réforme de l'assurance accidents.

Je dois maintenant évoquer les conséquences de la maladie de la « vache folle », pour rappeler, monsieur le ministre, qu'a été créée, à votre initiative, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments qui sera dotée de crédits de fonctionnement de 230 millions de francs en 2001, crédits en augmentation de 7 %. Je rappelle aussi qu'une opération de grande ampleur de tests de dépistage a été lancée, toujours à votre initiative, au cours de l'année 2000. En 2001, 100 millions supplémentaires seront consacrés aux mesures de dépistage et de contrôle, pour atteindre 385 millions.

Ces mesures de transparence, pour douloureuses quelles soient, permettront de replacer la filière bovine sur de bonnes bases.

Malheureusement, une grave crise de confiance s'est instaurée et il faut y répondre. Les consommateurs, c'est clair, ne veulent plus de farines animales dans l'alimentation des animaux, et, même si les études scientifiques démontrent leur innocuité, il faut en tirer toutes les conséquences et les interdire rapidement. Les députés du groupe RCV vous le demandent solennellement. Le coût de cette interdiction sera élevé, mais inférieur à celu i de la faillite de toute une filière.

Il nous faut d'ores et déjà envisager des mesures de soutien financier à la filière bovine.

M. Germain Gengenwin et

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Jacques Rebillard.

De telles mesures doivent être envisagées en faveur des éleveurs pénalisés par la chute des cours, des professionnels comme les bouchers ou les abatteurs, qui vont subir des pertes d'exploitation très fortes. Nous vous demandons, dès ce budget, la création d'un fonds d'indemnisation des conséquences de la crise de l'ESB,...

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Jacques Rebillard.

... qui démontrera la volonté du Gouvernement de prendre en compte tous les aspects de la crise.

Il faut aussi que des instructions très claires soient données aux directions départementales des services vétérinaires pour qu'elles informent les responsables des cantines et des hôpitaux afin que cesse cette psychose malsaine.

Cette décision devra s'accompagner d'efforts d'harmonisation sur le plan européen, de contrôle des importations des produits carnés, de recherche sur le recyclage biologique des déchets organiques et, bien sûr, d'une relance de la production de protéines végétales européennes, demandée dans le cadre de la dernière réforme de la PAC mais jamais accordée.

Au bout du compte, la suppression des farines animales aura des conséquences favorables et conformes à vos orientations, en particulier au but d'une agriculture moins industrialisée. L'élevage des porcs et des volailles s'en trouvera, certes, modifié, et leurs performances pondérales seront moindres, mais la production des ruminants engraissés à l'herbe sera revalorisée et la notion de terroir renforcée.

Le secteur de la grande distribution devra lui aussi en tirer les leçons en arrêtant d'acheter les produits agricoles aux prix les plus bas et en acceptant de payer la qualité à son juste prix.

M. Germain Gengenwin.

Très juste !

M. Jacques Rebillard.

Il est trop facile de culpabiliser les producteurs et de se décharger sur les transformateurs quand, pendant des années, le seul critère d'achat a été celui du prix le plus bas.

Sachons rebondir, tirer d'un mal un bien et bâtir une politique de confiance entre l'agriculture et la nation, telle est la mission qui vous incombe aujourd'hui.

Volontairement, je n'ai pas voulu évoquer tous les chapitres de ce budget, les rapporteurs l'ayant fait brillamment. J'ai préféré évoquer les dossiers les plus importants et attendre avec impatience les réponses que vous pourrez nous apporter.

Vous l'avez compris, monsieur le ministre, la contribution du groupe RCV au présent débat se veut avant tout constructive et porteuse de projets pour notre agriculture.

Les événements ont donné raison à vos analyses. C'est parce que nous croyons que vous pouvez être le ministre de la simplification administrative, celui qui portera une nouvelle loi sociale agricole et celui qui rétablira la confiance entre le citoyen-consommateur, son agriculture et son élevage bovin, que nous vous apporterons notre soutien en votant votre budget cette année. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année dernière, nous étions nombreux à regretter la baisse des crédits de l'agriculture.

Cette année, il semblerait à première vue que la tendance soit inversée. En effet, l'augmentation des crédits pour 2001 est de 2 % alors qu'en moyenne celle des budgets civils de l'Etat n'est que de 1,6 %.

Malheureusement, une lecture plus attentive nous montre qu'en réalité il n'en est rien puisque la hausse de 1 milliard de francs prévue pour 2001 tient compte de l'inscription des cotisations patronales, qui figuraient jus-


page précédente page 08136page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

qu'à présent au budget des charges communes, ce qui ramène l'augmentation à 0,6 %, vous en conviendrez, ce n'est plus du tout la même chose.

Je relèverai trois insuffisances, parmi d'autres.

La première, qui a déjà été évoquée, concerne la politique d'installation des jeunes.

Comme vous l'avez affirmé lors de votre audition devant la commission de la production et des échanges, le 11 octobre dernier, le nombre d'installations de jeunes pour cette année, qui est de l'ordre de 6 500 à 7 000, est très en deçà de vos attentes comme des nôtres. Depuis 1997, les installations de jeunes agriculteurs ont diminué de 35 %. Quel bilan ! Les crédits de la DJA inscrits dans votre budget sont simplement reconduits à hauteur de 490 millions de francs.

Dans ces conditions, et malgré les 8 000 installations que vous prévoyez pour 2001, comment comptez-vous stopper la courbe décroissante du nombre d'installations de jeunes, susciter plus de vocations et permettre plus d'installations, notamment hors du cadre familial ? La panoplie des mesures fiscales qui pourraient être prises dans ce domaine est grande, et vous la connaissez aussi bien que moi : exonération de 25 % des charges sociales pour les jeunes agriculteurs ; exonération de l'imposition des plus-values lors de la transmission d'une exploitation à un jeune ; mise en place de prêts « jeunes agriculteurs » à taux bonifié de 1 % ; abattement sur le revenu imposable durant les cinq premières années, à l'instar de ce qui se fait dans d'autres secteurs d'activité ; points de retraite supplémentaires pour les retraités qui cèdent leur exploitation à un jeune.

Voilà les mesures que nous aurions aimé trouver dans votre budget, des mesures qui auraient démontré votre volonté sans faille d'aider à l'installation des jeunes. Mais, hélas, nous ne les trouvons pas.

En 1999, le Parlement a adopté la loi d'orientation agricole. Son article 141 prévoyait la parution d'un rapport gouvernemental « sur les adaptations à apporter à la fiscalité des exploitants agricoles et au mode de calcul de leurs cotisations sociales, afin de favoriser l'installation et notamment de lever les obstacles à l'installation progressive ».

Ce rapport est paru. Il a été rédigé par deux de nos collègues, Mme Marre et M. Cahuzac. Pourquoi ne pas avoir repris certaines de leurs propositions, comme celle tendant à exonérer de l'imposition sur les plus-values l'exploitant qui cède son entreprise agricole à un jeune, à condition que les biens restent dans l'exploitation ? Pourquoi ne pas avoir supprimé l'assiette minimale des cotisations maladie, alignant ainsi le régime agricole sur les autres secteurs ? La fiscalité est un outil efficace pour aider à l'installation des jeunes. Et quoi de mieux qu'une loi de finances pour mettre en place cet outil ? La deuxième insuffisance concerne les contrats territoriaux d'exploitation, sur lesquels je souhaite revenir au risque de lasser ceux qui nous écoutent.

C'était la mesure révolutionnaire, la pierre angulaire de la LOA. Votés en juillet 1999, leur mise en place à grand renfort de trompettes par les préfets eux-mêmes, mobilisés pour la cérémonie des signatures - des rares signatures - constitue un échec cinglant pour le Gouvernement.

M. Germain Gengenwin.

Eh oui ! Tout ça c'était du cinéma !

M. Jean Proriol.

En témoigne le nombre très réduit de CTE déjà signés. Je ne sais pas si l'on a cité le chiffre que vous nous avez donné en commission. Je tiens pour ma part à le rappeler afin qu'il figure au Journal officiel : 1 534 signatures, avez-vous dit devant notre commission.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ce nombre a augmenté depuis !

M. Jean Proriol.

Nous sommes loin des 50 000 CTE annoncés par vous-même et par le Premier ministre le 21 octobre 1999 !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

La situation a évolué !

M. Jean Proriol.

Nous allons donc avoir la dernière version numérique. (Sourires.)

Cet échec est la preuve, d'une part, de l'écart entre les mécanismes mis en place par le Gouvernement et les attentes des agriculteurs et, d'autre part, de la nonadaptation des CTE à notre agriculture.

M. François Sauvadet.

Très juste !

M. Jean Proriol.

La troisième insuffisance concerne la promotion des produits agricoles.

M. Jean Launay.

Ce n'est vraiment pas le jour pour dire cela !

M. Jean Proriol.

Je suis prêt à aller le dire dans votre département, mon cher collègue ! Les crédits affectés à ce chapitre et inscrits au budget pour 2001 diminuent. Chaque année, à l'occasion de la discussion budgétaire, mes collègues et moi-même attirons l'attention sur la nécessité d'une aide à la promotion des produits, particulièrement importante pour les PME exportatrices. Or force est de constater que le budget que vous nous présentez ne fait pas exception à la règle du peu de moyens affichés en la matière.

Il faudrait aussi tenir compte des aides de l'Union eurpéenne allouées à la France et que Félix Leyzour a rappelées : 68 milliards de francs, ce n'est pas rien ! Ces aides sont deux fois supérieures au budget de votre ministère, à l'exception de certains concours européens et des crédits du BAPSA. Elles progressent de 3 milliards de francs cette année pour compenser partiellement la baisse des prix de certaines productions, à la suite de l'accord de Berlin. Mais ce financement européen ne remplace pas les devoirs du gouvernement français envers le monde agricole et les agriculteurs.

Je souhaite maintenant formuler trois interrogations fortes.

La première porte sur la sécurité alimentaire, qui fait la une de l'actualité et inquiète aussi bien les Français que les agriculteurs.

Le principe de précaution devrait conduire à suspendre toute utilisation de farines animales en attendant le verdict des experts et de l'AFSSA, ...

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Arthur Dehaine.

Ce serait la sagesse !

M. Jean Proriol.

... le Gouvernement assumant les conséquences du retrait des farines, y compris sur les partenaires de la filière, qu'il s'agisse des producteurs, des transformateurs, des bouchers-charcutiers ou de tous les services de nos abattoirs, dont on aura sans doute à reparler prochainement...

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis.

Un démagogue de plus ! Ce sont les libéraux qui parlent par sa voix !


page précédente page 08137page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

M. Jean Proriol.

... et vous ne serez sans doute pas le dernier, monsieur Parrenin, à les évoquer ! Deuxième interrogation : quelles solutions pour les secteurs en crise ? S'agissant de la filière porcine, une réforme de l'organisation commune de marché est nécessaire. Une telle réforme passe par un soutien aux éleveurs en période de crise et par un accès à la DJA pour les éleveurs hors sol.

Pour la filière avicole, la réforme passe par un redéploiement du système d'incitation à la cessation d'activité.

Je dirai maintenant un mot de la forte demande d'organisation commune de marché concernant la filière ovine.

Où en est, monsieur le ministre, le colloque européen auquel vous deviez participer ?

M. Jean Launay.

Il est prévu pour le 20 novembre !

M. Jean Proriol.

Sa tenue avait été annoncée par M. Besson, qui répondait à votre place à une question portant sur cette filière.

Les ICHN sont indispensables, je le répète, pour la survie de l'agriculture de montagne et le PMPOA, sur lequel M. Sauvadet a insisté, est attendu par de nombreuses exploitations, mais il est actuellement incertain.

Vous ne parlez jamais des 35 heures. Avez-vous lancé une étude sur l'application des 35 heures dans le secteur agricole, notamment dans les exploitations elles-mêmes ? Si une telle étude n'a pas été lancée, peut-être pourriezvous en prendre l'initiative ? Etes-vous en mesure de nous communiquer quelques chiffres intéressants sur la façon de résoudre l'équation des emplois de l'agriculture et de la durée du travail ? J'en arrive à ma dernière interrogation.

L'avenir de l'enseignement agricole privé pose problème. Vous augmentez, et c'est bien, les crédits de l'enseignement technique agricole public de 10 %. Mais il ne s'agit que de 2 % pour l'enseignement agricole privé ; il y a de quoi s'interroger.

J'en viens à la partie « pêche » de mon exposé. Je précise qu'elle a été préparée par mon collègue et ami Aimé Kergueris, spécialiste reconnu de la pêche. Notre collègue est empêché d'être parmi nous aujourd'hui car, victime d'un malaise, il doit observer le repos. Nous lui adressons tous, je pense, nos voeux de rétablissement.

M. Michel Vergnier.

Tout à fait !

M. Jean Proriol.

Les crédits d'intervention destinés au secteur de la pêche et inscrits dans votre projet de budget augmentent de plus de 7 %, ce qui représente une hausse très sensible. Malheureusement, une lecture attentive des documents budgétaires conduit à constater que ce mouvement de hausse vise dans une large mesure à permettre le financement des obligations de sortie de flotte, c'est-àdire de retrait de bateaux, prévues par le programme d'orientation pluriannuel, le POP IV, ce qui ne va pas sans poser des problèmes.

Lors de votre audition devant la commission de la production et des échanges, vous avez vous-même admis que le POP IV était difficile à gérer, assez inefficace et impopulaire auprès des pêcheurs, et qu'étant donné l'impossibilité de parvenir à sa suppression, il importait de chercher à le faire évoluer. C'est ce que vous avez expliqué et ce qu'Aimé Kergueris avait parfaitement compris.

Le principal reproche que l'on peut faire à ce plan est d'organiser presque exclusivement des destructions de navires, alors qu'il est essentiel de maintenir une flotte de pêche française suffisante, notamment pour poursuivre un réel effort de pêche lorsque la ressource se sera reconstituée.

La France a, nous le savons tous, la plus grande façade maritime européenne et le plus grand nombre de ports de pêche au sein de l'Union européenne. Il serait dès lors inconcevable que le Gouvernement français ne défende pas, au nom de notre culture, de notre tradition et de notre économie, la flotte française et les pêcheurs.

Cette évidence m'amène à vous poser plusieurs questions.

La première concerne les crédits affectés à l'OFIMER, l'Office interprofessionnel de la mer.

La subvention à l'OFIMER n'augmente que de 0,2 %. Vous avez indiqué devant la commission de la production que cette faible augmentation s'expliquait par la situation financière favorable de cet organisme et par la difficulté de prévoir, au début de l'exercice, les crédits nécessaires.

Vous avez également précisé que ces crédits seraient abondés en cours d'année.

Nous sommes nombreux sur ces bancs à réclamer depuis de nombreuses années une véritable traçabilité des produits de la mer, mettant en valeur les produits français et donnant une véritable information au consommateur sur l'origine des produits proposés à la vente.

Je vous rappelle que la loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines du 18 novembre 1997 avait fait naître en la matière de réels espoirs, et que beaucoup voyaient dans la création de l'OFIMER la promesse d'un outil aussi efficace que le FIOM.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, à l'occasion de cette discussion budgétaire, vous engager à donner à l'OFIMER les moyens de remplir pleinement sa mission ? Ma deuxième interrogation concerne la position de la France au sein de l'Union européenne.

Les principales dispositions de la loi d'orientation de 1997 semblent désormais en application et une nouvelle organisation commune des marchés entrera en vigueur le 1er janvier 2001. Cette organisation commune répond à des demandes traditionnelles de la France, prévoyant notamment la mise en place d'une vraie traçabilité des produits de la pêche, souhaitée par les consommateurs.

Nous aimerions savoir quelle sera la position de la France lors des négociations de la prochaine politique commune des pêches face aux appétits de nos voisins ? Les pêcheurs français seront-ils bien défendus ? Ma dernière interrogation porte sur l'aide apportée aux entreprises de pêche.

Vous n'ignorez pas que la pêche française et plus encore peut-être notre aquaculture ont payé un lourd tribut à la suite de plusieurs événements graves survenus au cours de ces derniers mois, qui sont encore dans tous les esprits. Ces événements ont touché de plein fouet nos entreprises de pêche et d'aquaculture, qui ont dû faire face dans le même temps à une hausse de leurs charges et à une diminution de leurs revenus.

A situation exceptionnelle, remède exceptionnel ! Quelles précisions pouvez-vous nous donner quant aux effets de la marée noire sur le secteur conchylicole ? Quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour y remédier ? La hausse du prix des carburants, que je n'évoquerai que pour mémoire, a également posé des problèmes à nos pêcheurs.


page précédente page 08138page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

Quant au BAPSA, je me rallie entièrement aux propos de Charles-Amédée de Courson, dont nous faisons nôtres, au groupe Démocratie libérale, les interrogations.

Monsieur le ministre, l'année dernière, on pouvait peut-être invoquer votre arrivée récente au ministère.

Mais après un an...

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'était il y a deux ans, monsieur le député !

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis.

M. Proriol ne voit pas le temps passer !

M. Jean Proriol.

... ou presque deux d'activité, on pouvait espérer un budget gonflé et rodé. On pouvait imaginer que vous aviez convaincu vos collègues, notamment ceux de Bercy, d'accorder quelques crédits.

M. Christian Jacob.

C'est le drame de l'agriculture !

M. Jean Proriol.

Or ce n'est malheureusement pas ce que nous constatons. Nous ne pourrons donc pas apporter notre soutien à un budget...

M. Michel Vergnier.

Vous le regretterez !

M. Jean Proriol.

... qui ne fait pas aux problèmes conjoncturels et structurels de notre agriculture et du secteur pêche la place qu'ils méritent.

Ce budget, et je le regrette pour ces activités, sera celui des occasions manquées. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si je m'exprime dès maintenant, c'est grâce à la facilité que m'a accordée M. Christian Jacob, qui reste le porte-parole de notre groupe, pour que je puisse aller présenter demain les orientations budgétaires pour la région Lorraine.

Monsieur le ministre, plutôt que de relever les insuffisances de votre budget, j'aimerais vous interroger sur celles de votre politique nationale, et plus encore sur la présidence du Conseil des ministres de l'agriculture, que vous assumez depuis le mois de juillet. Je m'en tiendrai à trois thèmes : la sécurité alimentaire, la réforme envisagée du règlement sucre et le bras-de-fer commercial euroaméricain.

En ce qui concerne la sécurité alimentaire, le tableau est apocalyptique. Par vos déclarations intempestives, dont le contenu était d'autant plus redoutable pour les consommateurs qu'il était imprécis (« Chirac ! Chirac ! » sur les bancs du groupe socialiste) - je pense notamment à votre hypothèse d'une troisième voie de la contamination, toujours aussi mystérieuse aujourd'hui (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) -,...

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis.

Il ne faut pas se tromper : c'est M. Chirac qui a dit cela !

M. François Guillaume.

... vous avez jeté un peu plus le doute dans les esprits. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Vergnier.

Vous ne manquez pas d'air !

M. François Guillaume.

Vous avez joué les apprentis sorciers et vous ne pouvez plus arrêter la déferlante de l'irrationnel des réactions, de la psychose qui s'étend dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Pour gérer la crise, vous prenez des décisions au coup par coup, sans donner une logique à votre démarche, sauf celle de tout détruire, faute de tout savoir ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Ça, c'est Chirac !

M. François Guillaume.

Vous n'êtes plus maître de vos décisions : celles-ci vous sont dictées par les médias.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Chirac !

M. François Guillaume.

Le quatrième pouvoir s'est installé dans le fauteuil du premier !

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis.

Et que pensez-vous de la déclaration du Président de la République ?

M. François Guillaume.

Vos décisions ont naturellement un objectif spectaculaire mais, en fait, elles ont un grave défaut, elles sont ponctuelles ; c'est pourquoi chacune pose plus de problèmes qu'elle n'en résout.

M. Michel Vergnier.

Si nous ne les avions pas entendus, ces propos nous auraient manqué !

M. François Guillaume.

Vous allez certainement décider l'interdiction totale des farines animales, donc l'élimination physique des 800 000 tonnes produites chaque année en France. Alors, permettez-moi de vous poser quelques questions.

Comment traitez-vous le problème de la dangerosité de leur stockage ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Vergnier.

Bonne question !

M. François Guillaume.

Par qui et pour quel coût seront-elles traitées alors que les cimentiers manifestent leur réticence, craignant de se voir reprocher des émissions de dioxine dans l'atmosphère, autre épouvantail,...

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Très bonne question !

M. François Guillaume.

... et de se voir opposer la prétendue résistance au feu du prion ?

M. Michel Vergnier.

Ce ne sont que de bonnes questions !

M. François Guillaume.

Comment envisagez-vous - il y a ici des gens intelligents qui vous donneront sans doute la réponse, monsieur le ministre - le remplacement des farines animales par des protéines végétales alors que l'accord de Berlin conduit, par l'uniformisation des primes à l'hectare, à la diminution de la production d'oléagineux, et donc des tourteaux qui en sont les sousproduits ?

M. Patrick Lemasle.

En 1986, vous étiez ministre de l'agriculture et on utilisait des farines animales !

M. François Guillaume.

Ferez-vous appel à des importations de soja, qui est transgénique, comme chacun sait, à 80 %, vous qui, semble-t-il, êtes opposé aux OGM au point d'avoir laissé détruire les essais de l'INRA sans protester ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est tout le contraire !

M. François Guillaume.

Comment allez-vous gérer les conséquences commerciales de ce fléau qu'est l'ESB ? La chute de la consommation est catastrophique et celle des revenus des producteurs en sera l'inévitable conséquence - des producteurs qui ne vendent plus et dont les animaux prennent chaque jour entre un et deux kilos de plus.


page précédente page 08139page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

A l'export, nous sommes discrédités. Nos clients, les uns après les autres, décrètent l'embargo sur notre viande bovine. La Russie, la Hongrie, la Pologne nous font défaut.

M. Eric Doligé.

Sans oublier l'Espagne !

M. François Guillaume.

Pour rassurer les consommateurs inquiets, on nous annonce des importations de viande américaine. C'est un comble ! Allez-vous leur avouer qu'elle contient des hormones dans sa quasitotalité et que l'abattage aux Etats-Unis se fait dans des conditions sanitaires archaïques ? Face à ce drame, qu'a fait, à Bruxelles, le président du Conseil européen que vous êtes ? A quand l'harmonisation des pratiques sanitaires et du principe de précaution ? Avec la Grande-Bretagne, la France est la seule parmi les membres de l'Union à détruire les farines d'équarrissage. Les Allemands et d'autres continuent à produire des farines sans opérer de distinction entre celles qui sont issues de l'équarrissage et celles qui proviennent des déchets d'abattoir. Autorisées chez eux, rien n'empêche qu'elle soient exportées chez nous.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Si !

M. François Guillaume.

Ne trouvez-vous pas suspect qu'en Allemagne on ne relève aucun cas de vache folle, ni aux Pays-Bas, qui ont toujours importé la quasi-totalité de leurs aliments pour le bétail ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Très bonne question !

M. François Guillaume.

Vous auriez été plus crédible si, dans le cadre de la présidence française, vous aviez été aussi rigoureux à Bruxelles que vous donnez l'impression de l'être à Paris ! S'agissant du commerce international, nous sommes extrêmement inquiets. L'espoir que la présidence française veillerait à empêcher toute dégradation de la PAC a été pronfondément déçu. J'en veux pour preuve l'annonce d'une réforme de l'OMC-sucre préjudiciable à nos producteurs et en contradiction avec l'esprit de l'accord de Berlin. Au-delà des intérêts des betteraviers, c'est une brèche ouverte pour une révision anticipée de cet accord que votre entourage serait, dit-on, prêt à justifier par la n écessité de préparer les prochaines négociations à l'OMC. Allez-vous nous refaire le même coup qu'en 1992 avec une réforme de la PAC favorable aux Américains...

M. Michel Vergnier.

Dans votre bouche, ce n'est pas triste !

M. François Guillaume.

... pour que, lors d'un prochain cycle, ils nous réclament encore des concessions supplémentaires ? Vous avez critiqué l'annonce de la Commission, en prétendant ne pas en avoir été averti. Ce serait une première car jamais, dans l'histoire de la PAC, un commissaire à l'agriculture ne s'est hasardé à présenter une réforme importante sans l'aval du président du Conseil des ministres concerné.

Je m'étonne aussi que l'annonce du nouveau programme américain d'aides aux farmers vous ait laissé de marbre. C'est la quatrième fois en trois ans que les EtatsUnis leur allouent des fonds supplémentaires, violant ainsi leurs engagements dans le cadre du GATT. Pouvezvous l'accepter alors que l'Europe respecte scrupuleusement les siens ?

M. Bernard Outin.

C'est ça, le libéralisme !

M. François Guillaume.

Nous aurions aussi été rassurés de vous voir monter au créneau dans l'affaire des Foreign Sales Corporations, afin que les produits agricoles américains ayant indûment profité de ce système occulte d'exonération fiscale à l'export destiné à accroître leur compé titivité commerciale sur les marchés extérieurs fasse l'objet de représailles européennes. Votre passivité est de mauvais augure.

Il vous reste un bon mois pour redresser votre image européenne et éviter que notre présidence ne soit une présidence pour rien. Je souhaite que vous y parveniez.

Les intérêts de la France sont en jeu. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Delobel.

Comediante !

Mme la présidente.

La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est toujours utile de rappeler que la France dispose de la plus grande façade maritime et du plus grand nombre de ports de pêche au sein de l'Union européenne.

M. René Leroux, rapporteur pour avis.

C'est vrai !

M. François Liberti.

Mais il est tout aussi utile de ne pas perdre de vue que l'économie de la pêche reste d'une extrême fragilité. L'urbanisation, les nouvelles utilisations de l'espace marin, la pollution, les mesures restrictives découlant des directives communautaires relatives aux quotas et au renouvellement de la flotte, les conséquences du coût du carburant sur l'exploitation des armements sont autant de facteurs déstabilisants. L'actualité récente nous a permis, hélas ! de le vérifier.

Monsieur le ministre, le sens de l'écoute dont vous avez témoigné lors de la hausse du prix du carburant et les mesures que vous avez prises ont permis de répondre à l'urgence avec efficacité. Toutefois, il faut être lucide : le problème de fond n'est toujours pas résolu. Il faudrait établir des prix de campagne pour prévenir les fluctuations à la hausse ou bien encore mettre à l'étude de nouveaux procédés techniques pour réduire la consommation d'énergie.

En matière de pollution, ce qui pose problème, ce n'est pas tant le transport des produits dangereux que les conditions dans lesquelles il s'effectue.

M. René Leroux, rapporteur pour avis.

C'est vrai !

M. François Liberti.

Les naufrages de l' Erika et du Ievoli Sun sont la conséquence d'un dumping économique et social, d'un libéralisme à outrance soutenu par une logique de concurrence sauvage. Les équipages sont sous-payés et, sous-qualifiés, les navires sont usés jusqu'à la rouille, les contrôles et les pavillons sont de complaisance.

Le ministre de l'équipement, des transports et du logement a préconisé une série de mesures visant à éviter le transit à proximité de nos côtes et l'arrivée dans nos ports de navires présentant un risque en matière de sécurité et d'environnement, tout particulièrement dans le rail d'Ouessant par gros temps. Elles permettront, lorsqu'elles seront applicables, de mettre en place et de structurer une véritable politique de sécurité maritime. Il faut désormais que les Etats européens prennent la décision exceptionnelle d'une application immédiate.


page précédente page 08140page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

Je n'ose imaginer les conséquences irrémédiables sur les ressources qu'entraîneraient de telles catastrophes dans une mer sans marée. Un litre d'eau entrant à Gilbratar met quatre-vingts ans à en ressortir. Rappelons que l' Erika et l' Ievoli Sun avaient pour destination la Méditerranée.

Une telle situation exige des mesures spécifiques. Nous devons nous doter de remorqueurs puissants, rapides, équipés de moyens médicaux d'urgence et de systèmes de lutte anti-incendie et anti-pollution. Disponibles en permanence dans des zones à risque comme Toulon et Sète, ils pourraient être intégrés dans un futur dispositif de garde-côtes regroupant les pays européens. Il faut également favoriser la coopération avec les pays riverains en matière de sécurité maritime.

Pour assurer la sécurité dans les ports, il importe de mieux coordonner les activités et les services portuaires.

Le pilotage, le remorquage et le lamanage doivent être reconnus et défendus.

Quant à la loi d'orientation sur la pêche, si elle a permis de codifier l'organisation des métiers de la mer, elle n'a pu résoudre tous les problèmes. Le volet fiscal reste à traiter. Les revendications des organisations de la pêche artisanale relatives à l'inscription au registre du commerce n'ont toujours pas obtenu de réponse. Une proposition de loi a été déposée par le groupe communiste pour la rendre facultative.

Je me félicite des 8 % d'augmentation de votre budget.

L'augmentation de 21,5 % des crédits d'intervention en faveur de la pêche et de l'aquaculture et la progression de 4,4 % des dotations de l'IFREMER sont une bonne chose.

Mais j'attire votre attention sur les problèmes liés au renouvellement de la flotte. Il faut y apporter des solutions en tenant compte des difficultés de bouclage du POP IV, fortement contesté par les pêcheurs et les organisations professionnelles, et veiller à ce qu'après chaque départ de flotte, la construction de nouveaux navires soit autorisée. Le vieillissement de notre flotte est un handicap sérieux. Pour assurer la pérennité de l'économie de la pêche, son renouvellement est décisif. L'amélioration de la qualité des produits passe par des équipements performants et adaptés permettant le traitement et la conservation du poisson à bord des navires. Enfin, c'est un facteur essentiel pour la sécurité maritime.

S'agissant de la politique française et européenne de la pêche, il est important que la spécificité de chaque façade maritime soit prise en compte afin que la réglementation colle au mieux à la réalité du terrain.

Je ferai quatre observations pour conclure.

La dernière rentrée scolaire a été marquée dans les établissements de formation maritime par de nombreux problèmes liés au manque de personnels enseignants et d'encadrement. Le passage au statut public est une très bonne chose, il répond à une longue attente des personnels, mais il doit être accompagné des moyens nécessaires pour mener à bien les missions de formation tant continue qu'initiale.

Les quartiers des affaires maritimes manquent eux aussi de personnel pour traiter les dossiers sociaux et administratifs dans de bonnes conditions. Les missions de service public ne sont plus assurées correctement. Il en va de même pour les régies de l'ENIM. A cause des restructurations et des regroupements, les régisseurs, éloignés des pêcheurs, n'assurent plus le service de proximité social et d'information pourtant si nécessaire à la profession. Il est donc urgent de prendre des mesures pour doter en personnel ces différents services.

Le rapport sur la bande côtière que vous avez commandé constitue un excellent travail sur la situation des pêcheries françaises. Il a révélé la fragilité des or ganisations professionnelles et le manque de moyens qui les empêchent de répondre à leurs missions. Quelles suites entendez-vous lui donner ? Enfin, la question de la pêche méditerranéenne mérite un traitement spécifique. On ne peut envisager le renouvellement de la flotte, l'exercice des métiers traditionnels, l'accessibilité aux zones de pêche de la même façon que pour les autres façades maritimes. Le comité interrégional méditerranéen a revendiqué fortement cette spécificité dans sa charte. De nombreuses réunions ont eu lieu pour régler les problèmes urgents. Mais beaucoup de dossiers attendent des décisions fortes et concrètes.

Monsieur le ministre, je réitère à cet égard l'invitation qui vous a été faite de venir nous rencontrer avant la fin de l'année. Votre visite me paraîtrait très utile.

Les députés communistes voteront les crédits de 2001 pour la pêche. Ceux-ci répondent aux attentes des professionnels et représentent un point d'appui pour structurer sur le long terme une politique de reconquête du milieu maritime et des pêches françaises. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Micaux.

M. Pierre Micaux.

Monsieur le ministre, vous vous attendez peut-être à ce que je parle de la forêt ? Eh bien non !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Dommage, vous connaissez si bien ce sujet ! (Sourires.)

M. Pierre Micaux.

J'attendrai la deuxième lecture du projet de loi d'orientation sur la forêt.

J'attirerai aujourd'hui votre attention sur la question des intrants épandus sur les terres cultivables. Elle place les milieux agricoles et les communes dans une situation délicate, je dirai même critique.

Les communes sont d'un côté productrices de boues d'épuration des eaux usées dont elles doivent assurer l'élimination et, si possible, la valorisation. D'un autre côté, les maires sont chargés de la police municipale et doivent, conformément au code général des collectivités territoriales, faire cesser les pollutions de toutes natures. Il leur revient donc de s'assurer qu'on ne procède pas, sur le territoire de leur commune, à des épandages mettant en péril les ressources en eau et la santé publique.

Quant aux agriculteurs, ils sont prisonniers d'un système qui tend à leur imposer d'accepter des boues issues de stations d'épuration urbaines, au risque de rendre difficile l'écoulement de la production issue des terres concernées par ces épandages.

Le problème est devenu brûlant. Dans mon département, comme dans d'autres, les maires de plusieurs communes rurales ont pris des arrêtés d'interdiction de nouveaux épandages, au motif que les dispositions du décret de décembre 1997 et de l'arrêté de janvier 1998 n'étaient pas respectées. Le seraient-elles, d'ailleurs, qu'on pourrait douter qu'elles soient à la mesure des enjeux étant donné les risques pour la santé humaine qu'entraîneraient des épandages mal maîtrisés de matières potentiellement dangereuses.

Dans son avis du 30 juin 1998, l'Académie de médecine a considéré que les procédés d'épuration des eaux usées ne permettaient pas d'inactiver totalement de nom-


page précédente page 08141page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

breux agents pathogènes. Des agents transmissibles non conventionnels comme les prions peuvent résister au moins trois ans dans le sol. En outre, il lui apparaît indispensable d'introduire une surveillance stricte des métaux lourds et des micropolluants organiques dans les sols des zones d'épandage.

Face à cette situation, se posent plusieurs questions auxquelles il me paraît nécessaire d'apporter rapidement des réponses adaptées.

Il est devenu clair que les prescriptions techniques actuellement applicables aux épandages de boues sur les sols agricoles ne suffisent plus à rassurer les consommateurs. L'Académie de médecine a même préconisé que l'épandage de toute boue même traitée soit interdit sur les terrains destinés aux productions maraîchères et fruitières susceptibles d'être consommées à l'état cru. Or, actuellement une autorisation préfectorale expresse n'est nécessaire que dans des cas particuliers, comme l'épandage de boues de provenances diverses. Rien n'est explicitement prévu pour permettre aux maires qui estimeraient qu'une opération d'épandage induit, directemento u indirectement, un risque sérieux pour la santé humaine de demander des expertises et des analyses complémentaires. Il est indispensable de porter dans ce domaine le niveau de sécurité à son maximum si l'on veut éviter le blocage complet à court terme de la filière de valorisation agricole des boues.

Des précautions du même type me semblent d'ailleurs devoir être pour les autres intrants de l'agriculture que sont les engrais et les pesticides.

La deuxième question concerne les solutions alternatives pour l'élimination et la valorisation des boues.

Si le décret de décembre 1997 affirme bien l'obligation de prévoir des solutions alternatives pour l'élimination et la valorisation des boues, toute une série d'interrogations subsistent à ce sujet. L'une des principales concerne le statut des boues d'épuration et la notion de déchet ultime pour le stockage en centre d'enfouissement technique. A partir de la mi-2002, on ne pourra plus enfouir autre chose que des déchets ultimes. Et la directive européenne du 26 avril 1999 sur la mise en décharge des déchets prévoit la réduction progressive de la quantité de déchets biodégradables enfouis. Il est donc nécessaire de définir c lairement les conditions dans lesquelles les boues devraient être traitées pour être considérées comme des déchets ultimes stockables, non biodégradables au sens de la directive.

Les procédés de méthanisation constituent une perspective intéressante à cet égard. Ils permettent de valoriser les boues par récupération du biogaz, ce qui limite l'effet de serre et engendre des recettes avec la vente de l'énergie produite. Après méthanisation, le pouvoir pathogène des boues digérées obtenues est fortement diminué et leur siccité fortement augmentée, le gaz récupéré pouvant d'ailleurs être aussi utilisé pour le séchage. Il semblerait donc tout à fait possible, dans ces conditions, de continuer à stocker les résidus solides de la méthanisation des boues dans des centres d'enfouissement technique, ou de les épandre si leur parfaite innocuité est établie, le tout dans des conditions de coût très compétitives par rapport à l'incinération, ce qui est loin d'être négligeable pour les finances de nos communes. Il serait sans doute très utile que soit mis en place un programme public d'aide spécifique au développement de la méthanisation, compte tenu des nombreux avantages que présente ce mode de traitement.

En toute hypothèse, nous attendons, monsieur le ministre, que le Gouvernement prenne des initiatives résolues pour faire face aux difficultés croissantes de l'agriculture de notre pays à absorber les déchets produits dans le monde urbain. La TGAP serait mieux employée à cela qu'à financer les 35 heures. Peut-être pourriez-vous le suggérer à Mme Voynet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de rendre hommage à celui qui, dans la bourrasque, ne plie pas et ne rompt jamais. Car, au-delà des enseignements de la fable de La Fontaine, force est de constater que votre département ministériel a essuyé des tempêtes et des ouragans de toutes sortes. La forêt a été harcelée par les conséquences du réchauffement de la planète, la pêche subit les pollutions marines et, dans l'agriculture, où l'activité agro-alimentaire ne doit évidemment jamais s'écarter des exigences de la santé publique, on constate que plus les efforts de rigueur, de qualité et de transparence sont grands, plus il est difficile de raisonner l'irrationnel et la rumeur.

Même si vous avez la responsabilité d'un secteur où les acteurs ne font généralement pas dans la demi-mesure lorsqu'ils expriment leurs revendications, souvent légitimes, votre pratique de la gestion des situations de crise suscite le respect. Peut-être par contraste. Parce que votre parole est juste, honnête et transparente, elle est écoutée.

Parce que votre méthode est franche et respectueuse du rôle de chacun, elle est responsable.

M. Eric Doligé.

M. Brottes va avoir une promotion !

M. François Brottes.

Et ce ne sont pas les mesures que vous avez prises pour redynamiser la filière bois et contrecarrer les effets de la tempête de décembre dernier qui le démentiront. En tant que rapporteur de la loi d'orientation forestière et en tant que président du groupe d'études sur la forêt de notre assemblée, il m'a été donné , depuis le vote en première lecture de ce texte tant attendu, de participer à bon nombre de colloques d'« après-tempête », et je voudrais vous dire à la fois ma confiance, mes inquiétudes et mes espoirs.

Tout d'abord, ma confiance. Au-delà des drames personnels - il y aura eu encore trop d'accidents mortels en forêt -, au-delà de la détresse des forestiers, confrontés a u saccage naturel, inacceptable, du travail de plusieurs générations, au-delà du désespoir de nombreux petits propriétaires victimes de la malveillance de quelques négociants toujours prêts à profiter de la vulnérabilité des gens fragiles, au-delà des sirènes toujours puissantes qui ne retentissent que pour nous annoncer que le pire est à venir, je crois que la tempête aura créé un déclic salutaire pour reconsidérer plus sereinement, dans une logique de gestion durable, les pratiques sylvicoles à venir.

Les analyses que vous avez eu raison de commanditer avant de lancer le processus d'aide à la reconstitution des forêts ont montré qu'il n'y avait pas eu beaucoup de facteurs autres que la vitesse du vent, et que c'étaient bien les arbres offrant le plus de prise au vent qui étaient tombés le plus facilement. Encore fallait-il le vérifier de manière scientifique pour éviter d'accréditer toutes sortes de considérations, porteuses de procès d'intention, sur les méfaits de tel ou tel mode de sylviculture.


page précédente page 08142page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

L'ampleur budgétaire du plan national en faveur de la forêt et de la filière aura permis, bien que de façon un peu désordonnée, de remobiliser, région par région, les acteurs du secteur, qui développeront désormais peut-être un peu plus des actions collectives concertées. Il y a certainement une meilleure prise de conscience des enjeux communs. De ce point de vue, la promulgation, j'espère avant la fin de 2001, de la loi d'orientation sur la forêt confortera cette nouvelle prise de conscience avec la structuration de l'interprofession, la réforme des modes de vente et d'approvisionnement, le fait de favoriser le regroupement des parcelles, la reconnaissance des qualifications, l'encouragement à la certification ou encore la mise en oeuvre des chartes de territoires forestiers.

Le projet de budget pour 2001 que vous nous présentez s'inscrit dans la continuité. L'an dernier, vous aviez sorti le budget forêt de sa confidentialité historique par une augmentation significative. Vous aviez également sorti le fonds forestier national de la clandestinité des comptes spéciaux du Trésor en supprimant une taxe injuste.

M. François Sauvadet.

Oh la la !

M. François Brottes.

Vous voilà donc au rendez-vous, avec un budget qui augmente encore de plus de 30 %, ...

M. Thierry Mariani.

Comme les impôts !

M. François Brottes.

..., augmentation dont le secteur touché par la tempête n'est pas le seul bénéficiaire, avec des contrats de plan Etat-régions qui auront dirigé presque deux milliards de crédits complémentaires vers la f ilière, avec des mesures fiscales d'accompagnement comme la baisse à 5,5 % de la TVA sur les travaux forestiers, mesures qui continueront cette année à jouer pleinement leur rôle. Voilà pour la confiance ! Pour ce qui est des inquiétudes, j'ai bien évidemment une petite liste à vous soumettre. Votre ministère n'est d'ailleurs pas toujours le seul concerné, mais le débat budgétaire doit permettre à la représentation nationale d'obtenir des réponses, même si celles-ci présentent un caractère interministériel. Mes questions portent en particulier sur la bonne exécution du plan national forestier.

Quid de la déduction des revenus professionnels des charges liées à la tempête, qui constitue un engagement clair du Premier ministre ? Quid de la prise en considération des propriétaires forestiers les plus défavorisés qui, malgré les nombreux dispositifs existants, se retrouvent sans moyens d'action, privés des ressources de la vente de bois qui constituaient jusqu'à présent leur revenu minimum ? Quid de l'éligibilité des groupements de propriétaires, tant appelée de nos voeux, au taux de TVA à 5,5 % dont ils sont exclus pour le moment ? Quid de l'ouverture des prêts bonifiés aux pépiniéristes ?

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. François Brottes.

Quid de la continuation nécessaire - d'autres l'ont souligné avant moi - de l'aide au transport et au stockage ? Quid de la demande insistante des entrepreneurs et des scieries, qui ont eu une activité débordante après la tempête et demandent à bénéficier de la provision pour investissement ?

M. François Sauvadet.

Très bonne question !

M. François Brottes.

Enfin, où en est-on de la discussion avec l'ONF pour que la visibilité des futurs exercices budgétaires de l'office ne prenne pas l'aspect d'un déficit structurel ?

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. François Brottes.

Voilà pour les inquiétudes ! J'en viens, pour conclure, à mes espoirs.

Mme la présidente.

Concluez, en effet, monsieur Brottes !

M. François Brottes.

Monsieur le ministre, je voudrais avec vous me réjouir du lancement, grâce au soutien de votre ministère, dans les prochaines semaines, d'une initiative annuelle que j'avais appelée de mes voeux à cette même tribune, la « Semaine du bois », dont la première édition devrait se dérouler au printemps 2001. Je souhaite que, dans le cadre de « l'appel à projets » qui va être lancé dans toutes nos régions, des centaines d'initiatives concourent à la réussite de cette opération. Je ne doute pas que cette semaine du bois permettra de concilier l'exigence d'intérêt général d'une forêt au service de l'humanité, grâce au respect des règles de la gestion durable, avec la démonstration toujours nécessaire, et pas contradictoire, que le bois, dans tous ses usages possibles, est un matériau vertueux, donc un matériau d'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Voilà un plaidoyer convaincant !

Mme la présidente.

La parole est à M. Michel Suchod.

M. Michel Suchod.

Monsieur le ministre, le groupe Radical, Citoyen et Vert souhaite vous réaffirmer sa solidarité au moment où vous avez à traiter le si difficile dossier du bannissement des farines animales. Nous souhaitons que le pays ne cède pas à la panique. D'une manière générale, nous nous prononçons contre les craintes millénaristes de toutes sortes. C'est pourquoi nous approuvons grandement votre décision, et celle du Premier ministre, de confier à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments le soin d'évaluer scientifiquement les risques liés à l'utilisation des farines animales dans l'alimentation des non-ruminants. Vous aviez, du reste, obtenu 9,6 millions de francs de crédits supplémentaires pour l'AFSSA dans le précédent budget et il est bon que cette revalorisation se poursuive.

Mon intervention principale portera sur le BAPSA et la revalorisation des retraites agricoles. Certes, nous le savons, des mesures nouvelles sont prévues dans le cadre du plan pluriannuel lancé par le Gouvernement, que nous approuvons. Cela dit, nous nous demandons si la revalorisation décidée cette année pour les retraites n'est pas trop modeste. En effet, le montant du plan de revalorisation, à savoir 1,2 milliard, correspond exactement à celui de l'économie réalisée par le budget de l'Etat du fait de la diminution du nombre de bénéficiaires du régime de retraites.

M. Thierry Mariani.

Très juste !

M. Michel Suchod.

Comme nous avons eu l'occasion de le dire dans notre explication de vote sur la partie recettes du budget de l'Etat, les Citoyens, les Radicaux et les Verts ne sont pas à proprement parler des thuriféraires de la baisse des impôts. Nous aurions préféré que certaines catégories, notamment les retraités agricoles, profitent de crédits supplémentaires en cette fin de législature, puisque nous n'avons plus que deux budgets à élaborer.

M. Thierry Mariani.

Pas sûr !

M. Michel Suchod.

Mais si, c'est sûr ! Nous savons bien, depuis Mac-Mahon, qu'il ne faut pas abuser de la dissolution.


page précédente page 08143page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

On n'est fixé qu'après coup !

M. Michel Suchod.

Charles X s'en est également fort mal porté ! (Sourires.)

Les mesures de revalorisation proposées pour 2001 auront pour effet d'augmenter de 150 francs par mois la retraite minimale pour les exploitants et les veuves d'exploitants. La différence avec le minimum vieillesse, présenté comme l'objectif à atteindre en 2002, serait dans ces conditions encore de 181 francs par mois pour les chefs d'exploitation et de 393 francs par mois pour les veuves. Quant à la retraite des conjoints, elle sera augmentée de 312 francs par mois. Mais le coût de la dernière étape à franchir pour parvenir à l'objectif assigné par le Gouvernement sera, l'an prochain, au total de 1,94 milliard de francs, et non de 1,2 milliard comme prévu.

Il serait donc souhaitable d'engager une réflexion car ces catégories sociales méritent plus qu'un coup de pouce.

En effet, eu égard aux services rendus par nos vieux agriculteurs au cours des cinquante dernières années - ce sont eux qui ont permis la suffisance alimentaire, la reconstruction du pays - et aux promesses faites, le compte n'y est peut-être pas. Il faudrait faire plus. Bien sûr, nous approuvons le projet de retraite complémentaire et nous le voterons. Mais, avec mon collègue Jacques Rebillard, nous souhaitons que l'on puisse opérer la mensualisation des retraites agricoles. Car le fait de ne toucher leur retraite que tous les trimestres accoît encore les difficultés de ces catégories sociales à faibles revenus. Quand on a un petit budget, on souhaite vivement pouvoir en disposer chaque mois.

S'agissant du budget de l'agriculture, je veux d'abord, comme l'orateur précédent, vous féliciter, monsieur le ministre, pour la politique forestière que vous menez. En effet, à la suite des événements climatiques de décembre dernier, vous avez décidé d'augmenter de 33 % les crédits alloués à la forêt. Plus de 2,4 milliards de francs lui seront ainsi consacrés, dont 300 millions de charges de bonification pour financer l'enveloppe de 12 milliards de francs de prêts bonifiés décidée par le Premier ministre dans le cadre du plan national pour la forêt. Ce plan contient des mesures pour mobiliser les bois abattus, les stocker et les valoriser, reconstituer les forêts sinistrées, soutenir les communes forestières. J'ajoute avoir partic ulièrement apprécié, en tant que secrétaire de la commission des finances, que vous ayez pu faire prendre des décrets d'avance en janvier, puis en février, et introduire des mesures importantes dans la loi de finances rectificative du 13 juillet 2000, à hauteur de 1,3 milliard de francs, pour ce secteur sinistré.

Le point culminant de cette action sera atteint avec le vote du projet de loi d'orientation sur la forêt, inspiré par le rapport Bianco, que nous avons déjà examiné en première lecture les 7 et 8 juin derniers et qui contient d'excellentes mesures. Par ailleurs, la mise en oeuvre de la loi d'orientation agricole s'effectue de façon satisfaisante. Lesr ègles de fonctionnement du contrat territorial d'exploitation sont désormais complètement définies. Plus de 2 000 dossiers ont été examinés par les commissions d épartementales d'orientation de l'agriculture - les CDOA - et plus de 1 500 sont déjà signés par les préfets, parfois par vous-même, monsieur le ministre - et vous êtes venu pour cela en Dordogne, le 17 janvier dernier. Le CTE a un impact peut-être plus important encore sur la consolidation que sur la création d'emplois en agriculture.

Aujourd'hui, 50 000 agriculteurs travaillent à leur CTE. On en comprend l'importance, d'autant que le m ontant moyen des aides par contrat s'élève à 210 000 francs sur cinq ans. En toute hypothèse, cette formule a un grand avenir devant elle, parce qu'elle consacre le caractère multifonctionnel de l'agriculture et qu'elle fait appel à la concertation avec les agriculteurs.

Certes, on peut s'étonner de voir les dotations prévues pour le fonds de financement des CTE passer de 950 millions de francs pour l'exercice 2000 à 400 millions de francs. Mais vous avez obtenu le report intégral des crédits non consommés pour l'année 2000, ce qui permettra largement de financer les CTE en 2001. Du reste, vous aviez bien précisé à l'origine que la ligne CTE présentait un caractère un peu formel dans la mesure où l'on savait bien que l'on ne pourrait pas dépenser la totalité des crédits inscrits, mais que c'était un signe donné pour la rénovation de l'agriculture.

M. François Sauvadet.

C'est absolument faux !

M. Michel Suchod.

Ma dernière remarque concerne l'installation. On compte environ 8 000 installations aidées par an. Bien entendu, dans les départements ruraux, nous souhaiterions qu'il puisse y en avoir davantage, mais il faut reconnaître que la possibilité d'installation progressive prévue par la LOA est une excellente mesure.

Nous avons le sentiment que votre budget contribuera à préserver l'avenir de notre agriculture, et, plus généralement du secteur rural, et nous vous en remercions.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

Mes chers collègues, je vous indique dès à présent que nous poursuivrons la séance audelà de dix-neuf heures trente, de manière à entendre tous les orateurs inscrits.

L'heure d'ouverture de la séance de ce soir sera en fonction de celle à laquelle nous aurons interrompu nos travaux cet après-midi.

La parole est à M. Louis Guédon.

M. Louis Guédon.

Monsieur le ministre, le budget de la pêche n'est pas le mieux servi. C'est même le parent p auvre de votre ministère puisqu'il n'est que de 182,575 millions - contre 190,575 millions l'an dernier -, alors que le budget de l'agriculture est de 29,617 milliards.

M. René Leroux, rapporteur pour avis.

N'oubliez pas le budget de la mer !

M. Louis Guédon.

Sa discussion, faut-il le rappeler, commence quelques semaines après les manifestations du monde de la mer contre le prix des carburants. Ce problème, direz-vous, a été réglé. La France a diminué les charges de l'ENIM et les taxes portuaires. Mais la satisfaction des marins n'est pas totale : les mesures provisoires concernant le carburant donneront lieu à un rendez-vous le 31 décembre et celles relatives aux taxes portuaires ne sont prévues que pour un an. Le prix du gazole dépasse toujours 2,30 francs et ces mesures ont des effets très différents selon le type de pêche et de navire.

L'allégement des taxes portuaires tarde à se mettre en place. Par ailleurs, les travaux d'infrastructures portuaires, qui relèvent de l'aménagement du territoire, ne peuvent être laissés à la charge des professionnels, marins ou mareyeurs, aujourd'hui en crise profonde. Ils doivent logiquement être supportés par le budget de l'Etat.


page précédente page 08144page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

Au sein de la filière pêche, le mareyage, maillon essent iel de la commercialisation, souffre beaucoup. Les mesures relatives au coût du carburant pour le transport de la pêche et aux taxes sur les criées ne lui ont apporté aucun avantage. Déjà, l'an dernier, j'avais dénoncé sa dramatique insuffisance de trésorerie, mise en évidence dans la loi d'orientation pour la pêche.

L'aspect social de votre budget, monsieur le ministre, est désespérant. Je n'y ai pas trouvé les créations de postes d'enseignants indispensables aux écoles de pêche pour lutter contre la baisse des effectifs. Comment assurer aux jeunes une formation de qualité comparable pour des carrières à terre ? La volonté de mettre un terme à la crise des vocations n'apparaît pas.

M. René Leroux, rapporteur pour avis, et M. Guy Lengagne.

De telles mesures figurent dans le budget de la mer !

M. Louis Guédon.

Par ailleurs, l'espérance des femmes de marins est soumise à rude épreuve. Leur formation d'insertion, prévue par la loi, est bien longue à venir. Ce sont souvent les collectivités locales ou territoriales qui, à nouveau, prennent à leur compte ce dossier, y copris dans les départements où ce secteur représente 10 % de l'activité économique.

Alors que l'activité économique de la France est en pleine croissance, la pêche reste au bord de la route (Sourires). L'application des POP laisse notre flottille vieillir, menace la maintenance de notre technologie navale pêche, conduit à la spéculation sur de vieux navires, nuit à la sécurité de nos marins. Nous nous réjouissons donc de voir le Gouvernement vous rejoindre enfin pour demander la suppression de ces plans et suivre les professionnels, qui réclament, avec beaucoup de responsabilité, l'application des quotas. Ce faisant, ils protègent la ressource, maintiennent l'outil de travail que sont les navires et autorisent une politique sociale humaine.

Il convient de dire nettement les mesures de renouvellement de la motorisation et directement que l'obligation de diminuer de 30 % la force motrice est suicidaire. En effet, si un navire de dix mètres refait trois fois son moteur de 100 kilowatts, il est contraint de naviguer à la voile.

M. René Leroux, rapporteur pour avis.

Bien vu !

M. Louis Guédon.

De plus, dans le segment de zéro à trente mètres, la France est en retard de 27 000 kilowatts, ce qui signifie un blocage total de la situation.

Je n'ai pas non plus trouvé dans votre budget, monsieur le ministre, les réponses aux inquiétudes de nos conchyliculteurs. Ces derniers ne peuvent revivre la fermeture des parcs due aux risques de pollution engendrés par le naufrage de l' Erika et connaître à nouveau les angoisses des remboursements auprès du FIPOL. De même, j'aurais aimé voir apparaître des moyens significatifs pour lutter contre les algues dévastatrices.

La pêche française est en crise. Elle doit être défendue.

Faut-il que nos marins descendent dans la rue pour que soient prises des mesures apparemment bien acceptées, quoique insuffisantes.

Votre budget ne répond ni à l'attente des jeunes, qui désertent ce milieu, ni à celle des professionnels, dont les moyens s'affaiblissent, ni à celle des consommateurs qui, pour les raisons que l'on sait, recherchent une nourriture saine. Nous ne pourrons donc lui apporter notre soutien.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget se situe dans un contexte de défiance à l'égard des productions agricoles, bien qu'une récente enquête d'opinion ait montré l'intérêt que nos concitoyens portaient à leur agriculture.

Cette méfiance est la conséquence de crises successives, et pas seulement de celle que nous vivons aujourd'hui.

Elle concerne la sécurité et la qualité des aliments et se traduit par des soupçons à l'égard des agriculteurs et des éleveurs tous placés sur le même plan alors que, leurs pratiques ne sont pas uniformes.

Le budget que vous présentez, monsieur le ministre, a l'ambition de rappeler que la remise en question qui doit résulter de l'émergence des risques sanitaires ne doit pas se tromper d'objet. Il ne s'agit pas d'imputer aux professionnels des maux dont ils ne sont pas forcément coupables ni responsables. Mais il faut dénoncer un système de production qui a parfois sacrifié la sécurité des consommateurs et celle de l'environnement sur l'autel de la productivité et du profit économique.

Certains propos tenus en ce moment ne manquent pas d'interpeller, voire d'indigner quand ils sont le fait de personnes qui n'ignorent rien des problèmes et des difficultés. M. Guillaume en a donné un exemple flagrant tout à l'heure : il a posé de vraies questions mais s'est bien gardé d'y apporter de vraies réponses.

Je ne peux pas résister à l'envie de vous lire ce que déclarait, en 1996, le Président de la République : « Il faudrait parler de presse folle plutôt que de vache folle ».

Il ajoutait qu'il n'existait « aucun témoignage scientifique fiable » permettant d'affirmer qu'il y avait un risque de transmission de l'ESB. Et il concluait : « Je ne saurais trop vous conseiller un peu de modération et de responsabilité. » Il me semble que ces propos méritaient d'être

rappelés aujourd'hui.

M. Christian Jacob.

Modération et responsabilité, en effet ! C'est bien de cela que nous avons besoin !

M. Michel Vergnier.

Le Président de la République avait tout à fait raison.

M. Guillaume a montré la modération dont il pouvait faire preuve, et je ne doute pas, monsieur Jacob, que vous ferez de même tout à l'heure.

M. Christian Jacob.

Soyez-en assuré !

M. René Leroux, rapporteur pour avis.

Nous n'en doutons pas !

M. Michel Vergnier.

Il est donc essentiel de restaurer la confiance des consommateurs dans les produits de notre agriculture et d'apaiser les craintes des agriculteurs quant à l'avenir de leur profession. Ce sont quelques-unes des ambitions du budget de l'agriculture pour 2001. Je ne rappellerai pas les chiffres, qui ont été suffisamment cités.

Mais à quoi servirait d'intensifier l'action publique de prévention des risques alimentaires sans poursuivre la réforme du système de production à l'origine de ces risques ? C'est donc la poursuite d'une politique en faveur d'une nouvelle agriculture que je souhaite évoquer brièvement devant vous.

Il y a plusieurs façons de concevoir le développement agricole. On peut se prévaloir de principes simples qui visent à favoriser la production et seulement la production, à produire toujours plus pour gagner plus. Cette vision est encore malheureusement largement répandue


page précédente page 08145page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

aujourd'hui. Elle flatte la profession, mais son caractère démagogique et à courte vue conduit nos agriculteurs droit dans le mur.

Mais on peut défendre une autre idée, qui est la vôtre, monsieur le ministre, et qui est aussi la nôtre : produire mieux pour gagner plus.

Il y a quelques années, le slogan d'une grande organisation professionnelle de jeunes agriculteurs était : « plus de voisins, moins d'hectares ». Il y avait là une piste intéressante, car on ne peut pas à la fois se lamenter sur la diminution des exploitations agricoles et ne rien mettre en oeuvre pour inverser la tendance. Il y va de la responsabilité de ceux qui exploitent et, en particulier, de celle des CDOA ; or l'on sait que certaines décisions qui y sont prises sont complètement contraires à l'intérêt de la profession elle-même.

Vous avez, monsieur le ministre, agi en ce sens, en poursuivant notamment la politique engagée par la loi d'orientation agricole. Les CTE participent à ce dispositif.

M. Christian Jacob.

Pour quel résultat !

M. Michel Vergnier.

Monsieur Jacob, je suis excédé par la façon dont certains semblent se délecter de résultats qui ne seraient pas à la hauteur de nos attentes. La question n'est pas là. Elle est de savoir si les CTE sont un bon outil. Nous croyons que oui.

M. Christian Jacob.

Non !

M. Michel Vergnier.

Vous ne représentez pas les agriculteurs à vous tout seul !

M. Christian Jacob.

Vous non plus ! Moi, je suis agriculteur !

M. Michel Vergnier.

Je discute avec eux et je sais ce qu'ils me disent. Pour eux, les CTE sont un bon outil, mais ils posent des problèmes de deux ordres : de compréhension et de montage des dossiers.

M. Christian Jacob.

Parce que les agriculteurs ne comprennent pas ?

M. Michel Vergnier.

Comme si certains espéraient que le Gouvernement échoue avec les CTE...

M. Eric Doligé.

Mais non : il ne peut pas réussir, car la formule est mauvaise !

M. Michel Vergnier.

Quand on veut vraiment défendre la profession agricole, même quand on est dans l'opposition, on se doit, si l'on estime que c'est un bon outil, aider au développement de cet outil.

M. Christian Jacob.

Mais nous n'estimons pas que c'est un bon outil !

M. Michel Vergnier.

Aujourd'hui, monsieur le ministre, il faut réfléchir au fait que, si les CTE sont un bon outil, un problème administratif se pose néanmoins. Je ne reviens pas sur ce qui a été dit tout à l'heure à propos de la sur-administration.

Je vous l'ai dit à plusieurs reprises : soyez le ministre qui simplifie ce dispositif, car il manque de lisibilité. Je sais qu'un travail a été engagé en ce sens. Il faut qu'il débouche sur un résultat car il y a parfois de quoi être découragé.

L'avenir sera d'autant plus prometteur que nous cordonnerons les CTE avec les autres politiques menées en faveur du développement rural et qui visent à protéger l'environnement.

Pour terminer, après d'autres orateurs, j'évoquerai très brièvement le PMPOA et j'aimerais obtenir des réponses précises sur ce point. Les grosses exploitations savent à peu près à quoi s'attendre ; les petits exploitants qui, eux aussi, jouent le jeu et veulent se mettre aux normes, s'interrogent sur les financements et sur l'issue de dossiers qui, aujourd'hui, ne sont pas encore prêts. Il faut donc que vous donniez des ordres précis pour que l'on puisse sortir de la situation actuelle et que vous apaisiez les craintes de certains quant au financement en trois tiers.

Ce budget va dans le bon sens. Lorsqu'on est, comme moi, d'un département où l'agriculture représente 23 % de l'activité économique, où les chefs d'exploitation cherchent à produire mieux plutôt que toujours plus, où les retraités agricoles sont nombreux, on ne peut que soutenir du fond du coeur le budget que vous nous proposez.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Paul Nunzi.

M. Jean-Paul Nunzi.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la filière fruits et légumes connaît depuis plusieurs années de très graves difficultés récurrentes. Les conséquences des crises successives sont particulièrement préoccupantes : au-delà de l'avenir de nombreux exploitants, c'est l'équilibre de vastes bassins de vie et d'emplois qui risque d'être menacé.

Les dispositions prises au cours des dernières campagnes montrent que le Gouvernement a conscience des enjeux économiques et sociaux liés au devenir de la filière fruits et légumes de notre pays. Les dotations importantes débloquées lors des crises des étés 1998 et 1999 et le soutien apporté aux producteurs de pommes en 1999-2000 témoignent de l'attention accordée au secteur arboricole.

Pour nécessaires qu'elles soient, ces mesures conjoncturelles ne peuvent toutefois constituer une réponse aux problèmes de fond que connaît cette filière. Des mesures structurelles sont indispensables pour garantir sa pérennité.

Le plan pluriannuel de restructuration de l'arboriculture constitue une nouvelle étape du redressement et de la réorganisation attendue par les professionnels. A cet égard, il serait nécessaire, dans un souci d'efficacité, que les modalités concrètes d'application des orientations de ce plan, notamment celles visant à la modernisation du verger, puissent être très rapidement proposées aux producteurs. Avant la taille, ceux-ci voudraient savoir s'ils doivent ou non arracher telle ou telle variété.

La mise en place et le renforcement de l'organisation collective économique et commerciale ainsi que la poursuite d'un véritable dialogue interprofessionnel restent cependant les meilleurs garants du succès à moyen et à long termes de la filière.

Dans cette perspective, il est urgent que la réforme de l'OCM engagée depuis 1996 soit réévaluée et adaptée aux besoins et aux attentes des producteurs.

En effet, si les nouveaux règlements OCM en vigueur depuis 1997 ont contribué à réorienter les financements vers les actions structurantes, à accroître la cohérence commerciale des organisations de producteurs, à favoriser une meilleure anticipation et une plus grande adaptation des entreprises aux évolutions de la filière et des marchés, plusieurs difficultés techniques semblent limiter la portée et l'efficacité de la réforme.

La définition préalable d'une liste d'actions non éligibles permettrait de limiter les restrictions des actions finançables au niveau des exploitations. De même, il serait souhaitable que les organisations de producteurs puissent bénéficier d'une initiative accrue dans la défini-


page précédente page 08146page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

tion de leurs programmes opérationnels comme dans le choix des modes de cotisation des parts professionnelles qui leur incombe.

De plus, la révision du niveau et des modalités de financement des fonds opérationnels s'impose si l'on veut renforcer durablement le poids des organisations de producteurs et favoriser la constitution d'entités économiques compétitives et efficaces.

Dans ce contexte, afin d'appuyer les efforts importants engagés par le Gouvernement, il serait particulièrement souhaitable que la révision de l'OCM fruits et légumes puisse intervenir avant la fin de la présidence française. Il est en effet essentiel que le regroupement de l'offre, qui ne passe pas obligatoirement par des fusions-acquisitions et la constitution de groupes multinationaux, mais plutôt par l'association d'intérêts au travers de réseaux et de groupements d'organisations de producteurs, soit dès à présent soutenu et encouragé. De cette capacité à renforcer l'organisation économique des producteurs dépend en grande partie la survie de toute une filière et, dans certaines régions, celle d'une part non négligeable de l'activité économique et de l'emploi.

Un mot, monsieur le ministre, sur la crise grave que connaît le secteur de la viande bovine. Les mouvements d'humeur de nos concitoyens ne sont pas tant l'expression d'un manque de confiance vis-à-vis du Gouvernement que l'expression d'un ras-le-bol et d'une défiance à l'égard d'une filière encore trop souvent coupable de négligences et de fraudes régulièrement dénoncées dans les médias.

Le rétablissement de la confiance passe sûrement par la suppression, dès que possible, des farines animales, mais aussi par le renforcement des contrôles dans les abattoirs, dans les importations, dans les transits de viande ; cela exige des moyens supplémentaires lisibles dans le budget.

Le rétablissement de la confiance passe aussi par une répression sévère des fraudeurs, qui doivent savoir que leurs actes sont criminels.

Il faut voir dans l'intervention des parents d'élèves et des élus locaux au sein des communes l'expression de la volonté de participer, chacun à son niveau, à la recherche d'une absolue transparence de la filière. Monsieur le ministre, considérez cela comme un soutien à votre action gouvernementale d'assainissement de la filière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon tour de revenir sur la sécurité sanitaire. Effectivement, comme le Président de la République nous y a tous invités, il faut faire preuve de calme et de sérénité, ce qui n'exclut pas pour autant la détermination.

Il s'agit de rassurer les consommateurs et de prendre toutes les mesures qui s'imposent en matière de sécurité sanitaire et de respect de la santé de nos concitoyens, mais il s'agit aussi de sauver la filière.

Monsieur le ministre, contrairement à ce que vous faites en permanence, je ne vais pas engager de la polémique ni me livrer à la provocation, mais vous poser des questions précises.

S'agissant des farines animales, êtes-vous, oui ou non, décidé à en interdire l'utilisation pour toutes les espèces ?

M. Thierry Mariani.

Pas de réponse !

M. Christian Jacob.

Vous savez que nous pouvons utiliser des protéines végétales. Inutile d'importer des sojas américains, brésiliens ou argentins : l'Europe et la France peuvent en produire.

L'équivalent en protéines des 430 000 tonnes de farines de viande utilisées actuellement peut être produit sur environ 800 000 hectares : 400 000 hectares de protéagineux, qui ne sont pas concernés par les accords de Blair House , et 400 000 autres hectares d'oléagineux, sur les terres actuellement en jachère. Techniquement, c'est donc possible.

Soit vous êtes favorable à la substitution aux farines animales de protéines végétales cultivées sur le sol français, soit vous ne l'êtes pas. Ce choix relève d'une décision politique : soit vous la prenez, soit vous ne la prenez pas, mais ce n'est pas la peine de vous cacher derrière des experts.

M. Eric Doligé.

Il la prendra !

M. Christian Jacob.

Autre question : êtes-vous, oui ou non, favorable à la généralisation des tests à tous les animaux qui entrent dans les abattoirs ? Le coût de ces tests, selon différentes informations, serait à peu près de 114 francs par animal.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Plus !

M. Patrick Lemasle.

Ces tests sont-ils fiables ?

M. Christian Jacob.

Oui ou non, y êtes-vous favorable ? Je suis prêt à discuter à cinq ou dix francs près.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Beaucoup plus !

M. Christian Jacob.

Je vous interrogerai également sur la mise en place d'un système de soutien pour l'ensemble de la filière bovine. Depuis deux ou trois jours, qu'il s'agisse de vous ou de vos collègues du Gouvernement, personne ne nous répond sur aucun point. D'où des bavardages, des polémiques, de la rhétorique,...

M. René Leroux, rapporteur pour avis.

Le Président aussi ?

M. Christian Jacob.

... aucune décision n'est prise.

Aujourd'hui, vous avez dû lire comme moi les diff érentes dépêches de l'AFP. Nos voisins européens commencent à évoquer un embargo sur les importations de viande bovine française. Il est temps de réagir, monsieur le ministre. C'est cela que les consommateurs vous demandent. Et cette responsabilité, c'est vous seul et le Gouvernement qui la portez.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie français-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

La politique d'installation des jeunes agriculteurs a été évoquée par plusieurs de mes collègues. J'ai pris les chiffres de votre ministère, qui ne sont pas sujets à caution. François Sauvadet l'a dit brillamment tout à l'heure : pendant la période où Philippe Vasseur était ministre, de 1995 à 1997, le nombre des installations a augmenté de 15 %. Et pendant la période où M. Le Pensec et vous-même avez été ministres, il a baissé de 30 %.

Sans compter la remise en cause de la charte installation qui avait été élaborée à l'initiative du Président de la République.

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis.

C'est dans le département de M. Jacob qu'il faut aller voir les installations !

M. Christian Jacob.

Ce sont les chiffres du ministère ! Je ne les invente pas : vous pourrez les vérifier.


page précédente page 08147page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

Les contrats territoriaux d'exploitation, j'ai eu l'occasion de le dire en commission, sont un échec cinglant ! Vous avez réalisé 2,5 % de l'objectif fixé par le Premier ministre. Sur les 50 000 contrats qui devaient être signés, 1 500 seulement l'ont été. Et, en attendant, vous avez supprimé un point de revenu aux agriculteurs en mettant en place la modulation des aides, ce qui représente 1 milliard de francs.

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis.

C'est une bonne chose !

M. François Liberti.

La situation n'est pas la même pour tous !

M. Christian Jacob.

Je vais y revenir. Ne vous inquiétez pas : tout le monde en aura pour son argent ! Monsieur le ministre allez-vous faire preuve d'un peu de réalisme et vous décider à changer de cap ? Puisque vous n'avez pas voulu renoncer à la modulation, allezvous utiliser ce milliard pour mettre en place un véritable plan de réduction des charges sociales et fiscales qui pèsent sur le secteur agricole ? C'est possible, puisque vous avez prélevé cet argent.

Je voudrais revenir plus en détail sur la modulation.

Mais il convient d'abord de s'expliquer sur ce qu'est le revenu agricole.

Le revenu agricole n'est pas un revenu net pour les agriculteurs. Une partie est utilisée pour eux-mêmes, pour vivre et faire vivre leurs familles, et l'autre pour réinvestir dans l'outil de travail. Je prends l'exemple de ce que vous appelez un « gros céréalier », qui exploite 140 hectares.

Les chiffres que je vais citer viennent du centre de gestion et ont été validés par l'administration fiscale ; ils sont bien entendu à votre entière disposition.

Le chiffre d'affaires de ce céréalier est de 1,2 million, dont 377 000 francs proviennent d'aides. Les charges de structures sont de 617 000 francs, les charges proportionnelles de 348 000 francs. En 1999, avant la modulation, son revenu était de 226 000 francs. Cela représente 18 000 francs par mois pour un couple. Si la moitié de ce revenu est utilisée pour réinvestir dans l'outil de production, il lui reste un revenu disponible de 9 420 francs nets. Voilà les « gros », les parias, ceux qu'il faut éliminer à tout prix...

M. Thierry Mariani.

Les Konlaks !

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

C'est vous qui le dites, monsieur Jacob !

M. Christian Jacob.

Si je fais le même calcul avec la modulation, le revenu mensuel de ce couple d'agriculteurs tombe à 6 684 francs. Ces chiffres, très précis, sont à votre disposition. Ils ont été validés par l'administration fiscale ; vous les contesterez si vous voulez.

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis.

Bien sûr !

M. Christian Jacob.

Toujours dans le domaine de la polémique et de la mauvaise foi, vous avez atteint un record tout à l'heure. En effet, vous avez prétendu que vous n'aviez jamais invité les agriculteurs bénéficiant de plus de 200 000 francs d'aides et d'un revenu inférieur à 65 000 francs à aller voir ailleurs. Vous avez affirmé que ce n'était pas dans le compte rendu de la commission, dont vous avez eu connaissance. Monsieur le ministre, ne pouvant pas croire qu'un préfet ne sait pas lire, j'en déduis qu'il y a là une mauvaise foi évidente. Voici un extrait de ce compte rendu, que je peux vous donner :

« Si des agriculteurs qui touchent 200 000 francs d'aides ne percevaient effectivement qu'un revenu égal au SMIC, à savoir environ 65 000 francs par an, ce que le ministre estime ne pas être vrai, il faudrait que la société et euxmêmes s'interrogent. Il est préférable de leur dire : "on arrête tout", et de leur verser une aide de 100 000 francs par an pour qu'ils s'orientent vers une autre activité. »

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Une autre activité de production agricole !

M. Christian Jacob.

Le ridicule a des limites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Quant à vous, monsieur Jacob, vous montrez que vous savez les franchir !

M. Christian Jacob.

Monsieur le ministre, il faut arrêter de traiter les agriculteurs avec mépris, condescendance, ironie ou agressivité, selon les cas.

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

C'est vous qui avez une telle attitude !

M. Christian Jacob.

Notre collègue Parrenin a déclaré tout à l'heure qu'il avait été très heureux de vous accueillir dans sa circonscription. Eh bien, moi, je vous invite à venir dans la mienne. Vous vous intallerez autour d'une table de ferme, avec une famille d'agriculteurs, et vous pourrez discuter, chiffres en mains, des résultats de la politique que vous avez mise en place concernant la modulation. Si vous avez un peu le sens de l'Etat - ce dont je ne peux douter -, et si vous considérez que vous êtes le ministre de la France et non pas des élus socialistes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), vous répondrez à cette invitation.

Pour toutes les raisons que j'ai exposées, le groupe du Rassemblement pour la République ne votera pas ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Lemasle.

Quel scoop !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Jacqueline Lazard.

Mme Jacqueline Lazard.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les activités halieutiques et les entreprises de pêche artisanale sont soumises aux difficultés d'exploitation de la ressource et aux lois économiques qui régissent le marché.

Après la crise des marchés de 1993 et 1994, c'est à une crise des entreprises de pêche que nous avons été confrontés avec la flambée du prix du gazole. Face à une telle situation, monsieur le ministre, vous avez montré votre sens profond des responsabilités ainsi que votre souci des entreprises de pêche et des nombreux emplois qui en découlent.

Il faut se féliciter qu'aux mesures annoncées pour compenser la hausse du gazole soient associées des mesures structurelles pour veiller à la pérennisation des entreprises de pêche. La hausse du prix du gazole pèse de manière importante sur le budget de ces entreprises, ...

M. Eric Doligé.

C'est vrai !

Mme Jacqueline Lazard.

...la particularité étant qu'elle s'impute sur la part du marin, entraînant donc une diminution importante de son revenu.

M. Eric Doligé.

C'est évident !


page précédente page 08148page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

Mme Jacqueline Lazard.

Ces mesures doivent être reconduites aussi longtemps que le cours du baril de pétrole sera supérieur à 28 dollars et qu'un contexte favorable au maintien des structures artisanales ne sera pas clairement acquis. En matière d'investissements pour le renouvellement et la modernisation de la flottille, il convient de procéder en respectant la diversité des métiers pratiqués sur nos côtes.

La crise du gazole a révélé la fragilité croissante des entreprises de pêche. Mais la vraie question, celle de l'avenir de la ressource elle-même, ne reste-t-elle pas entière ? Son exploitation est soumise à de nombreuses conting ences : météorologiques, biologiques, techniques. La course à la productivité et à la rentabilité économique qui s'est engagée entre les entreprises de pêches a pour conséquence une surexploitation des fonds et la nécessité d'aller de plus en plus profond pour trouver du poisson.

Nous ne pouvons plus aujourd'hui nous dispenser de cette réflexion écologique, dès lors que l'on fait ce constat. La bande côtière est plus particulièrement surexploitée car, à certaines périodes de l'année, elle est fréquentée par 60 à 80 % des professionnels.

Le système de maîtrise de l'exploitation actuellement en cours au sein de l'Union européenne, et qui vise à protéger la ressource par une réduction de la capacité de pêche des flottilles, a montré ses limites. Nous devons à présent trouver de nouveaux outils de gestion durable et raisonnable de cette ressource si nous souhaitons préserver les emplois qui y sont attachés.

Chacun est bien conscient que les réponses ne sont pas simples. Elles passent sans doute par une politique liée davantage à la préservation des espèces et à l'élargissement de la politique des TAC - le fameux total admissible de captures - et des quotas.

La mise en place de licences d'exploitation et l'amélioration des engins de pêche constituent d'autres voies à explorer. Cela doit se faire en concertation avec les professionnels et l'IFREMER, et non par l'application d'une logique technocratique qui entraînerait la disparition de tel ou tel engin de pêche - je parle de la menace qui pèse sur le chalut.

Après les entreprises, j'évoquerai rapidement les sujets d'actualité au sein de la communauté maritime. La pêche manque de bras. Redonner une attractivité au métier passe par une meilleure formation, des aides à l'installation et une image renouvelée de l'organisation de la profession.

Un certain nombre de dispositions contenues dans la loi d'orientation de 1997 sont entrées en vigueur : aides à la première installation, création des SOFIPECHE, assouplissement des conditions de prêt.

Un bilan des dispositions économiques de la loi est en cours entre les ministères concernés et les services des affaires maritimes, mais il convient de rester vigilant pour éviter que les jeunes ne pâtissent d'une situation du marché du bateau d'occasion trop défavorable à leur installation.

Je souhaite également informer la représentation nationale des avancées de la parité dans le secteur des pêches maritimes.

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

Très bien !

Mme Jacqueline Lazard.

En octobre dernier, deux forums mondiaux des artisans pêcheurs se sont constitués avec l'inscription d'une représentation paritaire dans leurs statuts. C'est une démarche unique au monde.

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale, et M. René Leroux, rapporteur pour avis.

Très bien !

Mme Jacqueline Lazard.

La France s'est engagée résolument dans cette difficile quête d'égalité entre les hommes et les femmes. Sa tradition latine et la structure même de sa société ont imposé une démarche volontariste. Il faut la traduire à tous les niveaux professionnels, et donc aussi dans le secteur des pêches maritimes.

La loi d'orientation a reconnu le travail des femmes dans l'entreprise de pêche. En effet, la conjointe coexploitant a un statut qui lui permet de participer aux assemblées générales et d'être élue aux organes dirigeants des coopératives maritimes - cent onze conjoints collaborateurs ont été déclarés. Un droit à la retraite a été créé ainsi qu'une indemnité de remplacement en cas de maternité.

Il faut inscrire davantage encore, voire jusqu'à la parité, le rôle des femmes dans l'élection des organisations de professionnels, des comités locaux des pêches et du comité national.

Permettez-moi à présent d'évoquer rapidement de quelques sujets relevant du ministre de l'équipement, des transports et du logement. Le rattachement de la formation maritime au ministère des transports a été décidée en 1999. Les crédits à cet effet sont en augmentation pour 2001, et il faut s'en féliciter en raison d'une augmentation régulière des effectifs : 1 400 élèves en 1994, 1 800 en 1999. Un pas supplémentaire doit être également franchi dans l'amélioration des conditions générales de l'emploi dans le secteur maritime.

Mme la présidente.

Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Jacqueline Lazard.

Je termine, madame la présidente.

Le rattachement à l'UNEDIC avec la possibilité de bénéficier de formations de reclassement, la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail sous la forme de réduction du nombre de jours de mer constitueront, j'en suis persuadée, des avancées sociales indiscutables, ainsi qu'une revalorisation des conditions de travail dans le secteur de la pêche. Il ya urgence aujourd'hui à réfléchir à une autre prise en charge du coût des infrastructures portuaires, sur la base des propositions du récent rapport sur les ports de pêche.

Ce sont là des sujets éminemment sensibles qu'il convient d'articuler avec l'ensemble de la politique en faveur de cette filière. Si je tiens à saluer les efforts consentis dans le domaine de la pêche et à souligner l'action volontariste du budget pour 2001, que le groupe socialiste votera, je souhaite cependant, monsieur le ministre, vous dire combien je regrette - et les professionnels avec moi - que vous ne soyez pas le ministre de la mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que l'économie française connaît une embellie, alors que nos concitoyens commencent à récolter les fruits de la croissance, les agriculteurs français sont, quant à eux, en passe de devenir les nouveaux exclus de la société française.

Victimes de crises sectorielles dramatiques, notamment pour les fruits et légumes ou la viande bovine, menacés par le ralentissement de certains secteurs comme la viticulture, affaiblis par la réforme de la PAC, asphyxiés par


page précédente page 08149page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

l'alourdissement des charges lié à la hausse du coût de l'énergie, les agriculteurs français méritaient un peu plus d'engagements que la maigre augmentation budgétaire de 0,6 % consentie par le Gouvernement. Mais je devrais plutôt parler de baisse puisque, si l'on tient compte de l'inflation, le budget de l'agriculture accuse en réalité une diminution de 0,6 %. Une fois de plus, les réformes et les mesures attendues depuis tant d'années par les agriculteurs ne trouveront pas de traduction budgétaire dans ce projet de loi de finances.

Monsieur le ministre, vous reprenez à votre compte les mesures fiscales annoncées par le Gouvernement. Mais celles-ci sont contestables sur bien des points. Et il apparaît d'autant plus inopportun de s'en enorgueillir qu'il s'agit de mesures générales qui ne constituent en rien une réponse ciblée en direction des agriculteurs. Votre budget comme vos méthodes démontrent une fois de plus que l'agriculture ne figure pas au rang des priorités de votre gouvernement. Les objectifs affichés sont certes louables, mais force est de constater que, dans les faits, les crédits d'intervention spécifiques à l'agriculture sont plutôt malmenés.

Echecs et manque d'ambition pourraient résumer la politique agricole de votre gouvernement à l'égard d'un secteur d'activité pourtant déterminant pour notre économie.

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

M. Mariani fait dans la nuance !

M. Thierry Mariani.

Avec une baisse de crédits de 68 %, le CTE, présenté comme la grande innovation de la loi d'orientation agricole, est l'aveu de votre propre échec.

Trop complexe, le CTE est victime du carcan administratif dénoncé par l'opposition et qui s'est malheureusement révélé vrai, de même, d'ailleurs, que l'inconsistance de son volet économique et social. Il est aujourd'hui impératif que le dispositif du CTE soit simplifié et ouvert vers un véritable projet de développement économique.

L'environnement et le développement durable sont certes des préoccupations indispensables, légitimes, et surtout politiquement opportunistes, mais elles ne suffisent pas à construire un projet d'avenir. L'agriculteur est avant tout un chef d'entreprise et un producteur. La priorité, aujourd'hui, c'est d'accompagner l'agriculteur dans cette mission initiale. Cela ne signifie pas pour autant que nous ne devons pas agir à la périphérie de l'activité agricole, mais il y a une hiérarchie des priorités et il est grand temps que vous en preniez conscience.

Par bien des aspects, la politique agricole du Gouvernement et ses moyens budgétaires s'apparentent davantage à de la démagogie qu'au réalisme économique. En effet, le CTE, la TGAP, la réforme prochaine de la politique de l'eau sont autant d'occasions pour votre majorité de parler d'aménagement du territoire, d'évoquer une agriculture plus « citoyenne » et de vous gargariser, à moindres frais, de pseudo préoccupations environnementales. La réalité est, hélas ! bien différente. Le CTE est en panne, la TGAP n'a de vocation environnementale que le nom, et la réforme de la politique de l'eau n'est que le prétexte d'une taxation supplémentaire des agriculteurs, sans tenir compte de leurs propositions ni de la viabilité de leurs exploitations. Comble d'hypocrisie, les indemnités compensatrices de handicaps naturels sont remises en cause et le programme agri-environnemental diminue de 239 millions de francs en 2001, au nom, bien entendu, du financement de CTE qui n'existent pas !

M. Michel Vergnier.

Ce n'est pas vrai !

M. Thierry Mariani.

Si le discours agricole de la gauche plurielle n'est qu'une coquille vide, l'addition est pourtant douloureuse. J'en veux pour preuve le financement du CTE par la modulation des aides. Les prélèvements ont b el et bien été effectués, mais à hauteur de 50 000 contrats, soit une ponction de 1 milliard de francs sur les aides directes, pour seulement 1 400 contrats signés. Peu importe que cela représente 2,5 % ou 3 %.

En tout état de cause, chers collègues socialistes, avec un rythme pareil, votre objectif ne sera atteint qu'en 2070 !

M. René Leroux, rapporteur pour avis.

Nous serons encore là !

M. Thierry Mariani.

Vous peut-être - vous pouvez toujours rêver ! - mais y aura-t-il encore des agriculteurs ? Ces échecs successifs sont le résultat de choix idéologiques qui ne répondent pas aux attentes des agriculteurs.

C'est aussi l'échec d'un gouvernement qui, au nom de considérations politiques, a rompu avec le principe de cogestion comme mode de concertation. Mais le plus grave, c'est que cet échec est surtout celui de l'agriculture française, pour laquelle le Gouvernement ne nourrit, hélas ! que bien peu d'ambitions.

Ce manque d'ambition est illustré de manière flagrante par le recul des installations, qui ont chuté de plus de 30 % en trois ans. Or une agriculture qui ne se renouvelle plus est une agriculture qui n'a plus confiance en son avenir. Et que fait le Gouvernement pour y remédier dans le budget de l'agriculture pour 2001 ? Il se contente de reconduire à l'identique - soit 490 millions de francs la dotation à l'installation votée en 2000 ! Comment peut-on oser parler de priorité à l'installation si aucun effort particulier n'est fait en ce domaine ?

M me Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

Quelle lecture sélective !

M. Thierry Mariani.

Cette insuffisance de volonté politique, les retraités agricoles en supportent également les conséquences. Le plan de revalorisation, en cours d'application et dont nous avions souligné les lacunes, atteint aujourd'hui ses limites. Les retraites agricoles restent toujours parmi les plus faibles du système français et il est impératif que le mouvement de revalorisation puisse être amplifié par des signaux budgétaires forts.

L'augmentation générale des retraites de 2,2 % n'a été reprise dans votre projet qu'à hauteur de 1,2 %. Votre devoir de justice sociale et de solidarité à l'égard de ceux qui ont fait de la France l'une des premières puissances agricoles au monde vous impose, monsieur le ministre, de remédier à cette injustice.

M. Patrick Lemasle.

Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?

M. Thierry Mariani.

Le relèvement des pensions les plus faibles à hauteur du minimum vieillesse, ce qui n'a tout de même rien d'exorbitant, doit également être accéléré.

Il est en effet, impensable qu'un conjoint d'exploitant perçoive une retraite de 2 440 francs par mois, c'est à dire moins qu'une personne n'ayant jamais cotisé. Seules des mesures rapides et de réelle portée financière, comme la prise en compte des meilleures années de cotisations, la mensualisation des pensions, la mise en place d'une bonification forfaitaire pour les exploitants ayant élevé trois enfants ou la création d'un régime complémentaire obligatoire permettront, entre autres, de mettre un terme aux nombreuses injustices qui subsistent.

La fiscalité est également des domaines sur lesquels vous vous montrez prolixe mais où vos actes ne sont pas forcément à la hauteur des espérances et des besoins.


page précédente page 08150page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

Mme la présidente.

Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Thierry Mariani.

La fiscalité agricole doit être pensée comme un instrument d'incitation et non comme un fardeau. La loi d'orientation agricole prévoyait une adaptation de la fiscalité et des cotisations pour favoriser les installations. Les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2001 auraient pu, en égard au contexte économique favorable, être l'occasion de procéder à cette adaptation à travers quelques mesures très attendues. Mais, sur cet aspect essentiel de la politique agricole, vous n'avez pas encore cru bon de prendre les décisions qui s'imposaient.

Une politique agricole ambitieuse passe également par la relance des secteurs malmenés par la mondialisation des échanges. Les secteurs des fruits et légumes, de la tomate d'industrie et, dans une moindre mesure, de la viticulture sont victimes, en dépit de leur excellence et de leur dynamisme, de nombreuses distorsions de concurrence contre lesquelles la mobilisation de votre gouvernement fait cruellement défaut.

Depuis 1991, le secteur des fruits et légumes est en proie à des crises récurrentes. Les difficultés de ce secteur, comme celles de la viticulture, doivent non seulement conduire à attribuer des aides conjoncturelles, mais elles appellent surtout un véritable programme de restructuration permettant une meilleure maîtrise des marchés et des p roductions. Au-delà de l'indispensable engagement financier que représentent ces mesures, la France doit par ailleurs peser de tout son poids sur l'Union européenne pour permettre à l'agriculture française de vivre de sa production, de rester compétitive et de renforcer sa capacité exportatrice.

Mme la présidente.

Concluez, monsieur Mariani !

M. Thierry Mariani.

Je termine, madame la présidente.

Or, s'agissant de l'engagement financier de la nation en faveur de l'agriculture, les chiffres trahissent une fois de plus la défaillance du Gouvernement. L'insuffisance des moyens accordés à l'organisation économique encore fragile des producteurs en est une première illustration, et la réduction des financements consacrés aux actions de promotion en est une preuve flagrante. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Martin.

M. Philippe Martin.

Mme la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec un montant de 29,6 milliards de francs, ce budget augmente apparemment de 2 % pour 2001. Mais cela inclut 418 millions de francs de cotisations patronales, imputées auparavant au budget des charges communes. Si bien que, à structure constante, l'augmentation n'est en fait que de 0,6 %. Les moyens ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées. En effet, la plupart des crédits d'intervention aux programmes environnementaux et aux indemnités compensatrices de handicaps sont en forte baisse.

Concernant l'installation des jeunes agriculteurs, la DJA est stable à 490 millions de francs, ce qui correspond à 8 000 installations. Mon collègue Christian Jacob ayant déjà exprimé sa position sur ce sujet, à laquelle je souscris totalement, je me bornerai à réaffirmer la nécessité de revaloriser la DJA et de mettre en oeuvre des actions de promotion du métier d'agriculteur pour susciter plus de vocations Les crédits de l'enseignement et de la formation professionnelle augmentent de 5,5 %. Vous portez l'effort sur la création d'emplois - 180 postes créés - alors que les effectifs scolaires stagnent en raison d'une mauvaise évolution démographique. En revanche, les crédits pour la formation professionnelle continue baissent de 0,75 %. N'est-ce pas contradictoire, alors que tout le monde insiste sur la nécessité de bénéficier d'une formation tout au long de la vie ? La dotation du fonds des calamités agricoles est reconduite à hauteur de 50 millions de francs. Beaucoup s'inquiètent de la faiblesse de ce montant eu égard, d'une part, au retard cumulé de la participation normalement paritaire de l'Etat au fonds des calamités et, d'autre part, des incertitudes pesant sur les suites qui seront données au rapport sur l'assurance récolte. Je vous rappelle qu'antérieurement, ce fonds était abondé, en moyenne, à hauteur de 200 millions de francs.

La France est le deuxième exportateur mondial de produits agricoles. De nouveaux marchés s'ouvrent aujourd'hui, grâce à des accords commerciaux multilatéraux conclus dans le cadre de l'OMC, ou dans la perspective de l'élargissement de l'Union européenne. C'est une chance importante que nous devons saisir pour renforcer nos exportations agro-alimentaires.

A cet égard, la SOPEXA joue un rôle de tout premier plan. Or le marché est de plus en plus concurrentiel, et l'activité de cet organisme est plus importante que jamais.

Il faut donc lui donner les moyens de tenir ses engagements au service de la promotion de l'image des produits français.

La dotation publique allouée dans le contrat de plan à la SOPEXA accuse une baisse de plus de 3 millions pour 2001. Elle devient incontestablement insuffisante, et, compte tenu des remarques que je viens de formuler, le minimum serait de revaloriser cette ligne budgétaire.

Concernant la politique des IGP et des AOC, un décret d'août dernier a élargi les compétences de l'INAO qui, outre les AOC, s'occupera également des IGP.

D'une part, cette nouvelle compétence va induire des dépenses supplémentaires. D'autre part, cette décision est risquée, lorsqu'on connaît l'historique des AOC, pour leur pérennité. Même si vous, monsieur le ministre, n'avez pas l'air de vous y intéresser, les AOC ont incontestablement fait leurs preuves puisqu'elles donnent des produits de qualité, notamment dans le domaine viticole. Leurs exportations sont une manne importante pour le budget de l'Etat et le Gouvernement doit les défendre.

Il me semble donc indispensable de définir au sein de l'INAO, deux lignes budgétaires bien distinctes, l'une pour les AOC, l'autre pour les IGP, afin d'éviter toute confusion quant à l'affectation des moyens mis à la disposition de l'une et de l'autre.

A propos des moyens, l'augmentation de 5 millions du budget de l'INAO me paraît totalement dérisoire au regard des enjeux, ce qui risque d'avoir des conséquences néfastes sur la politique globale des appellations d'origine en raison du manque de moyens, d'autant qu'il faut s'attendre, et je m'en félicite, à une montée en puissance des IGP.

Je rappelle également que le Gouvernement a encore porté un coup aux vignerons en affectant au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale l'ensemble des droits sur les vins et alcools. Jusqu'au milieu des années 80, une partie de ces droits de circulation était affectée au financement de l'INAO, ce qui avait le mérite de la lisibilité. Les droits


page précédente page 08151

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

de circulation se justifient par la surveillance économique assurée par les douanes. Il faut donc affecter ces droits de circulation au financement de la traçabilité et de la qualité des vins.

Quant au paiement de l'aide à la restructuration, il convient de prendre en compte toutes les surfaces restructurées par les jeunes agriculteurs pour le paiement de l'aide à la restructuration du vignoble, ce qui n'est pas le cas actuellement.

E nfin, vous le savez, certaines régions viticoles démarrent une nouvelle campagne avec des stocks importants et de mauvaise qualité résultant de la campagne précédente. La nouvelle OCM viticole, applicable depuis le 1er août, et dont j'ai été le rapporteur au Parlement européen, prévoit plusieurs mesures pour y faire face, notamment la distillation de crise et la modulation de l'aide communautaire.

Vous n'avez pas été en mesure, monsieur le ministre, de faire mettre en oeuvre la modulation du prix de la distillation préventive prévue par l'OCM vins ; il faut à présent prendre les mesures pour l'ouverture d'une distillation préventive pour 1,5 million d'hectolitres payés 25 francs le degré-hecto. C'est la survie de beaucoup d'exploitations, donc de certaines régions viticoles, qui est en jeu.

Diverses mesures sont indispensables pour une véritable réforme de la fiscalité, que nous ne cessons de vous réclamer depuis trois ans, comme la déduction du fermage des terres en propriété de l'assiette sociale, la dissociation entre revenus du capital et revenus du travail, l'exonération des plus-values dans le cas d'une transmission à un jeune agriculteur, l'aménagement de l'assiette des cotisations sociales, la retraite complémentaire par répartition.

Une fois de plus, cette année, le budget démontre le manque d'ambition et de soutien du Gouvernement à l'égard du monde agricole. Dans un contexte de mondialisation croissante et d'évolution des conditions économiques de production, nous devons nous donner de réels moyens afin de restaurer la compétitivité de la production française et d'assurer le maintien des agriculteurs. Ce n'est assurément pas avec ce budget que nous y parviendrons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

Mme la présidente.

Ce soir à vingt et une heures trente, deuxième séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001, no 2585 : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2624).

Agriculture et pêche ; articles 49 et 50 ; budget annexe des prestations sociales agricoles (suite) Agriculture : Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 4 du rapport no 2624) ; M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la production et des échanges (tome I de l'avis no 2629).

Pêche : M. Louis Mexandeau, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 5 du rapport no 2624) ; M. René Leroux, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la production et des échanges (tome II de l'avis no 2629).

Prestations sociales agricoles : M. Charles de Courson, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 42 du rapport no 2624).

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT