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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

PATRICK

OLLIER

1. Loi de finances pour 2001 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 8156).

AGRICULTURE ET PÊCHE, BAPSA (suite) (p. 8156)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Rappel au règlement (p. 8170)

MM. François Sauvadet, le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 8170)

Rappel au règlement (p. 8171)

MM. Christian Jacob, le président.

Reprise de la discussion (p. 8171)

Réponses de M. le ministre aux questions de : MM. René Dutin, Germain Gengenwin, Dominique Caillaud, JeanMarie Morisset.

Rappel au règlement (p. 8173)

MM. Thierry Mariani, le président.

Reprise de la discussion (p. 8173)

Réponses (suite) de M. le ministre aux questions de : MM. Stéphane Alaize, Jacques Bascou, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, MM. Jean-Paul Nunzi, Jean-Michel Marchand, Jacques Rebillard, Antoine Carré, Bernard P errut, Paul Patriarche, Philippe Auberger, Michel Bouvard, Serge Poignant, Jacques Le Nay, Christian Martin, Roger Lestas, Henri Nayrou, Daniel Marcovitch, Yvon Montané, Roland Garrigues, Robert Honde, Guy Lengagne, Yves Deniaud, Thierry Mariani, Yvon Abiven, Gilbert Le Bris, Didier Quentin, Bernard Schreiner.

AGRICULTURE ET PÊCHE

Etat B

Titre III (p. 8189)

Amendement no 148 rectifié du Gouvernement : M. le ministre, Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale de la commission des finances, pour l'agriculture. - Adoption.

Adoption du titre III modifié.

Titre IV (p. 8189)

A mendements nos 67 et 68 de M. Jacob, 146 de M. Sauvadet, 69 de M. Jacob, 147 de M. Sauvadet et 70 de M. Jacob : MM. Christian Jacob, François Sauvadet,

Mme la rapporteure spéciale, M. le ministre. - Rejets.

Adoption du titre IV.

Etat C

Titres V et VI. - Adoption (p. 8190)

Article 49 (p. 8192)

Amendement no 82 rectifié de la commission des finances :

Mme la rapporteure spéciale, M. le ministre. - Adoption.

Amendement no 145 de M. Le Nay : M. Jacques Le Nay,

Mme la rapporteure spéciale, M. le ministre. - Rejet.

Amendement no 83 de la commission : Mme la rapporteure spéciale, MM. le ministre, Thierry Mariani. - Adoption.

Adoption de l'article 49 modifié.

Après l'article 49 (p. 8194)

Amendement no 119 de M. de Courson : M. Charles d e Courson, Mme la rapporteure spéciale, M. le ministre. - Retrait.

Amendement no 84 de la commission : Mme la rapporteure spéciale, MM. le ministre, Charles de Courson. - Retrait.

Amendement no 128 de M. de Courson : M. Charles de Courson, Mme la rapporteure spéciale, MM. le ministre, Joseph Parrenin. - Adoption.

Amendement no 122 de M. de Courson : M. Charles d e Courson, Mme la rapporteure spéciale, M. le ministre. - Rejet.

Amendement no 140 de M. de Courson : M. Charles d e Courson, Mme la rapporteure spéciale, M. le ministre. - Rejet.

Amendement no 127 de M. de Courson : M. Charles d e Courson, Mme la rapporteure spéciale, M. le ministre. - Rejet.

Amendement no 121 de M. de Courson : M. Charles de Courson.

Amendement no 139 de M. de Courson : M. Charles de Courson, Mme la rapporteure spéciale, MM. le ministre, Christian Jacob. - Rejet des amendements nos 121 et 139.

Amendement no 126 de M. de Courson : M. Charles d e Courson, Mme la rapporteure spéciale, M. le ministre. - Rejet.

Amendement no 129 de M. de Courson : M. Charles d e Courson, Mme la rapporteure spéciale, M. le ministre. - Rejet.

Amendement no 118 de M. de Courson : M. Charles d e Courson, Mme la rapporteure spéciale, M. le ministre. - Retrait.

Article 50 (p. 8201)

Amendement no 130 de M. de Courson : M. Charles d e Courson, Mme la rapporteure spéciale, M. le ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 50.

Après l'article 50 (p. 8202)

Amendement no 135 du Gouvernement, avec le sousamendement no 150 de M. de Courson : M. le ministre, Mme la rapporteure spéciale, M. Charles de Courson. R etrait du sous-amendement no 150 ; adoption de l'amendement no 135.

Amendement no 136 du Gouvernement : M. le ministre,

Mme la rapporteure spéciale. - Adoption.

Amendement no 138 du Gouvernement : M. le ministre,

Mme la rapporteure spéciale. - Adoption.

Amendement no 144 de M. de Courson : M. Charles de Courson, Mme la rapporteure spéciale, MM. le ministre, Christian Jacob. - Rejet.


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BUDGET ANNEXE

DES

PRESTATIONS

SOCIALES AGRICOLES Crédits ouverts à l'article 35 (p. 8205)

L'amendement no 85 de la commission n'a plus d'objet.

Adoption des crédits ouverts à l'article 35.

Crédits ouverts à l'article 36. - Adoption (p. 8205)

Renvoi de la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances à la prochaine séance.

2. Dépôt d'un projet de loi (p. 8206).

3. Dépôt d'un rapport d'information (p. 8206).

4. Dépôt d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 8206).

5. Dépôt d'un projet de loi modifié par le Sénat (p. 8206).

6. Dépôt d'une proposition de loi adoptée par le Sénat (p. 8206).

7. Ordre du jour des prochaines séances (p. 8206).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2001

DEUXIE ME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2585, 2624).

AGRICULTURE ET PE CHE, BAPSA (suite)

M. le président.

Nous poursuivons l'examen des crédits du ministère de l'agriculture et de la pêche, et du budget annexe des prestations sociales agricoles.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier Mme et MM. les rapporteurs pour la qualité de leur travail. Celui-ci a été tellement fouillé, sérieux et précis que je me demande d'ailleurs s'il est nécessaire d'y ajouter quoi que se soit. Je considère que vos rapporteurs, qu'ils soient spéciaux ou pour avis, ont suffisamment éclairé l'Assemblée sur la répartition des crédits pour que je puisse aborder directement certains sujets d'actualité.

Une fois n'est pas coutume et peut-être en serez-vous étonnés - mais il faut de temps en temps rompre avec les traditions - je parlerai en premier de la pêche parce que je n'oublie pas que je suis le ministre à la fois de l'agriculture et de la pêche,...

M. Germain Gengenwin.

Et de la forêt !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... même si souvent le souci du raccourci fait que l'on omette de mentionner la deuxième partie de mon titre. Mais moi, je ne l'oublie pas.

Je commencerai par ce sujet, ô combien important, pour éviter qu'il ne soit, à la fin de la discussion, balayé dans la précipitation.

Il y a quelques jours, j'ai passé une nuit à bord d'un chalutier en pleine Manche au large de Roscoff. Si je fais allusion à cette expérience, ce n'est pas pour me glorifier de la dureté de la nuit et de l'épreuve que cela a représenté - c'était juste après la tempête et la mer était encore formée - mais pour expliquer devant votre assemblée le sens de mon geste. J'ai voulu marquer par là ma solidarité et ma proximité à l'égard des gens de mer, des pêcheurs de l'Atlantique ou de la Méditerranée, qui souffrent à la fois de la dureté de leur métier et des dangers qui l'accompagnent. A ces souffrances s'ajoute aujourd'huit le traumatisme provoqué par des accidents de pétroliers ou de cargos transportant des matières dangereuses ou encore par la hausse du prix du gazole. J'ai fait ce geste parce qu'il me semblait nécessaire d'attirer les feux de l'actualité, de jeter les projecteurs sur cette profession, admirable à bien des égards, qui souffre dans sa chair, d'autant que ces dernières semaines ont été marquées par des drames : je pense au naufrage du chalutier An Oriant au large des côtes de l'Irlande qui a fait plusieurs morts ou encore au drame vécu il y a quelques jours par un homme qui pêchait seul la crevette dans la baie de Seine.

J'ai voulu par ce geste rendre hommage à ce métier dangereux, marqué par tant de morts, par tant de disparitions en mer ! Le fait d'ailleurs que le nombre de disparus en mer ne diminue pas en dépit de l'emploi d'engins modernes nous interpelle, nous les reponsables politiques.

Nous devons nous assurer les uns et les autres que nous faisons assez pour la sécurité des marins et des pêcheurs.

Celle-ci doit être pour nous une préoccupation essentielle.

J'ai voulu aussi marquer ma solidarité à l'égard des pêcheurs traumatisés aujourd'hui par le naufrage du Ievoli Sun après celui de l' Erika il y a quelques mois. J'ai voulu que l'on sache que les gens de mer, qu'ils soient pêcheurs ou conchyliculteurs, qu'ils travaillent sur la côte bretonne ou sur la côte normande, sont exposés aux drames qui frappent régulièrement ces côtes du fait de la proximité de ce rail maudit où se précipitent toutes les flottes marchandes du monde. Placées sous le vent des tempêtes, ces côtes sont acculées à être le réceptacle de tous les drames de la mer et de tous les naufrages. Je voudrais à ce sujet faire écho à ce qu'a dit hier Jean-Claude Gayssot en réponse à des questions d'actualité : quelles que soient les mesures qui seront prises à l'échelle européenne - et le Gouvernement, tout comme la présidence française du conseil européen des ministres des transports, sous l'égide de mon collègue et ami Jean-Claude Gayssot, pour qui la sécurité maritime est une des grandes priorités, y travaillent d'arrache-pied - nous devons porter notre regard plus loin et avoir d'autres exigences. D'une manière ou d'une autre, il faudra que nous prenions des mesures d'autorité, qui se révéleront peut-être contraires au droit maritime international actuel. En effet, les populations du littoral français doivent, quel que soit le droit maritime international, pouvoir dire haut et fort que, parce qu'elles sont situées le long du rail de circulation et sous le vent des tempêtes, elles n'acceptent plus de voir naviguer des navires transportant des matières dangereuses quand le temps est à la tempête, c'est-à-dire quand les conditions de sécurité ne sont pas assurées. Il faut que leur soient fournis les actes d'autorité leur permettant de mettre fin à une telle provocation, sans quoi elles seront condamnées


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à voir se multiplier sur leurs côtes ce genre d'accident et sans quoi nous n'aurons pas de décision véritablement porteuse pour l'avenir et pour la sécurité.

J'ai voulu aussi témoigner à l'égard des pêcheurs et des marins ma solidarité et, par-delà ma personne, celle du Gouvernement, au moment où la hausse du prix du carburant, qu'ils avaient déjà prise de plein fouet au cours de l'été, frappait leur profession dans des conditions que beaucoup n'imaginent pas. Tous les Français, quelle que soit leur catégorie socioprofessionnelle, l'ont subie, mais certains plus que d'autres, dont les marins. Le déséquilibre économique provoqué par la flambée des prix du carburant était tel que certains armements avaient tout simplement préféré laisser leur bateau au port considérant que le manque à gagner serait moins important que s'ils prenaient le risque économique de prendre la mer.

Nous avons mis en place une procédure d'urgence d'allègement des charges qui a permis aux marins-pêcheurs de faire face à la crise financière et économique due à la hausse du prix du pétrole et du gazole. Cela a été, je crois, apprécié assez unanimement dans la profession.

C ependant, le problème reste entier : la profession demeure en effet fragile car tributaire du prix du carburant. Quand on voit que des chalutiers dépensent 2 000 litres par jour, soit 12 000 litres par semaine, pour se rendre sur les lieux de pêche et en revenir, on se dit que cette dépendance économique est, à bien des égards, irrationnelle, elle aussi.

Je voulais commencer ce discours en rendant hommage à la profession des marins-pêcheurs de France et en la saluant. Je me félicite, comme les rapporteurs et comme nombre d'orateurs, que les crédits de la pêche dans le budget que je présente devant l'Assemblée nationale soient en hausse de 7,9 %. Ce secteur d'activité économique revêt, pour l'ensemble du littoral français, une importance majeure en matière d'aménagement du territoire. Il était bon, à travers ce budget, de témoigner de l'attention que nous portons à cette profession dangereuse qui est menacée et vit souvent des heures difficiles et de signifier aussi concrètement que possible la solidarité nationale qui s'exerce à son égard.

Je ferai maintenant le point sur la présidence française de l'Union européenne. De nombreuses questions ont en effet tourné autour du fait que, la France présidant l'Union européenne pendant six mois, le ministre de l'agriculture et de la pêche était de ce fait, président des conseils agriculture et pêche de l'Union européenne.

Je dois dire que nous nous étions fixé beaucoup d'objectifs, à la fois ambitieux et raisonnables. Si l'on n'est pas ambitieux, en effet, on n'est pas sûr d'obtenir un résultat. Nous avions souhaité en particulier traiter un certain nombre de sujets horizontaux et quelques priorités sectorielles qui, pour nous, étaient essentielles.

Parmi les sujets horizontaux, je cite tout d'abord la poursuite de la préparation de la négociation de l'OMC.

L'habitude a été prise, notamment à l'initiative de la France, de revenir en conseil agriculture sur cette négociation aussi régulièrement que possible et d'avoir à ce sujet des échanges avec nos interlocuteurs commissaires.

Grâce à l'accélération de certaines données que nous avons pu initier, c'est devenu maintenant une habitude, conseil agriculture après conseil agriculture, de parler de la négociation de l'OMC et de réaffirmer notre volonté que les enjeux agricoles, qui sont évidemment majeurs dans cette négociation, soient traités à part entière par le conseil agriculture. Nous avons demandé à la Commission européenne de prendre l'habitude, ce qu'elle fait désormais, d'en référer au conseil agriculture et de lui faire le point, notamment à l'approche des échéances de la fin de l'année. Nous devrons sans doute en effet lui donner un mandat de négociation un peu plus clair et un peu plus précis.

La négociation de l'OMC est suspendue - pour peu de temps maintenant - au résultat de l'élection présidentielle américaine. Je ne sais pas s'il est déjà connu mais il est bon que l'Europe sache que, quel que soit le résultat de cette élection, elle a son mot à dire et qu'elle peut demander que les négociations s'organisent autour de ses priorités, de ses propositions, de ses papiers, comme l'on dit dans le jargon de ces négociations. C'est ce que nous avons réussi à faire comprendre de manière aussi précise que possible au sein du conseil agriculture. C'est un premier acquis.

Il est une autre négociation, aussi importante que la précédente pour l'agriculture européenne : celle sur l'élargissement. C'est le deuxième sujet horizontal que nous avons voulu traiter régulièrement pendant la présidence française. Le conseil agriculture a, là aussi, pris l'habitude, à l'initiative de la France de parler régulièrement avec la Commission, qui est naturellement chargée de cette négociation, de la problématique de l'élargissement et les deux procèdent, pays après pays, OCM par OCM, à un suivi des négociations, l'élargissement représentant, je le répète , un enjeu agricole essentiel.

Je ne reviens pas sur ce sujet. Je précise simplement que les dernières discussions qui sont intervenues au sein du conseil agriculture montrent que les pays de l'Union sont tous très attachés à ce que cette négociation sur l'élargissement, qui est une nécessité politique incontournable pour l'Europe, ne se fasse pas au prix d'un démantèlement de la politique agricole commune ni d'une mise en cause du niveau de sécurité alimentaire en vigueur en Europe. Conseil après conseil, s'est exprimée cette volonté de reprise de l'acquis communautaire, qui est pour nous un des enjeux essentiels de l'élargissement.

Le troisième point horizontal que nous avons voulu impulser pendant la présidence française et qui avait fait l'objet de propositions concrètes de la part de la France, conjointement avec d'autres pays, et en particulier le Royaume-Uni, avec lequel nous avons travaillé sur le sujet, est la recherche d'une simplification administrative de la politique agricole commune. C'est une préoccupation qui, j'ai cru le comprendre, est partagée sur l'ensemble des bancs de cette assemblée.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour le budget annexe des prestations sociales agricoles.

Elle est transcourants !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je n'irai pas jusqu'à dire qu'elle est « transcourants », c'est peutêtre un peu exagéré. Mais elle est exprimée sur tous les bancs de cet hémicycle.

Il faut reconnaître que, année après année, gouvernement après gouvernement, majorité après majorité et sans que l'on puisse, monsieur Auberger, accuser l'une plutôt que l'autre, des strates de réglementations et de textes se sont entassées, parfois même à l'initiative des organisations professionnelles agricoles qui ne sont pas plus avares en la matière que les gouvernements. Je suis content que

M. Jacob, dans sa grande magnanimité, puisse le reconnaître.

M. Christian Jacob.

Je suis objectif, moi, monsieur le ministre !


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M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je sais que vous êtes capable d'être objectif... parfois ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Auberger.

Souvent !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Nous avons donc impulsé ce mouvement de simplification. J'ai été très heureux de constater que M. Fischler, le commissaire à l'agriculture et au développement rural, a joué le jeu. Nous avons ainsi pu, lors du dernier conseil de l'agriculture, établir un calendrier de simplification administrative de la PAC.

C'est un mouvement dont la France pourra être fière.

Celui-ci s'inscrit dans la durée, car tout ne va pas se faire du jour au lendemain. Il commencera par la simplification des formulaires et des contrôles.

M. Michel Vergnier.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ce que nous avons impulsé a fait l'objet d'un vaste consensus au sein du conseil de l'agriculture et je suis sûr qu'il va maintenant, mois après mois, porter ses fruits.

M. Marcel Rogemont.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

A côté des trois sujets horizontaux que je viens de citer, nous avons fixé notre cap sur quelques réformes d'OCM qui étaient, pour nous, prioritaires.

La première de celles-ci concerne l'OCM des fruits et légumes. Si la France en fait la première de ses priorités, c'est parce que ce secteur compte parmi les plus sinistrés et les plus en difficulté au sein de l'agriculture européenne et parmi ceux qui, comparativement aux grandes cultures, bénéficient le moins de soutiens européens.

L'agriculture dite « méditerranéenne » demande un certain rééquilibrage des aides au sein de la politique agricole commune. Le secteur des fruits et légumes connaît année après année des crises sectorielles qui, à force d'être conjoncturelles, deviennent structurelles et cela nous pose des problèmes à moyen et à long termes. Si j'ai décidé d'en faire notre priorité, c'est parce que, avec les dispositions contenues dans le projet de loi relatif aux « nouvelles régulations économiques » dont il faudra bien que le Parlement se sorte un jour par le haut, dispositions qui, si elles n'enthousiasment pas les distributeurs, sont très attendues par les producteurs de fruits et légumes, et avec les allégements de charges que nous avons décidés cet été pour les travailleurs temporaires et les travailleurs saisonniers, nous avions de quoi bâtir un nouveau paysage pour le secteur des fruits et légumes susceptible de lui permettre de s'organiser dans le temps.

En fait, cela se présente plutôt bien. Non seulement la Commission a entendu le message de la présidence française, puisqu'elle a fait dès le mois de septembre des propositions que nous avons pu examiner, mais surtout le Parlement européen a pu être saisi et s'est lui-même mobilisé très vite, ce qui n'est pas toujours le cas, de sorte que nous avons eu assez rapidement son avis au premier tour de table sur les propositions de la Commission et l'avis du Parlement a eu lieu au dernier conseil « agriculture », au mois d'octobre ; j'ai bon espoir que nous puissions, dès le prochain conseil « agriculture », réformer cette organisation commune de marché, la simplifier, la rendre plus dynamique et efficace, sans pour autant déborder le vase budgétaire.

Mais nous nous étions fixés d'autres caps. D'autres organisations communes de marché sont appelées à être reformées. C'est notamment le cas de l'organisation commune du marché du sucre qui a préoccupé certains d'entre vous et a donné lieu à une intervention enflammée de M. François Guillaume. Il n'est malheureusement plus là, mais je vais leur répondre. Je suis sûr que le Journal officiel lui transmettra scrupuleusement le message...

M. Christian Jacob et M. Philippe Auberger.

Nous aussi !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... comme vous-mêmes ! Est-ce à dire que vous ne feriez pas confiance au Journal officiel , monsieur Jacob ? Cela m'étonne beaucoup d'un parlementaire aussi expérimenté que vous.

M. Christian Jacob.

Mais vous, vous avez un peu de mal avec les comptes rendus !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je ne sais qui, de vous ou de moi, a le plus de mal avec les comptes rendus...

M. Christian Jacob.

Moi, je lis ce qui est écrit !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Manifestement, moi, sur ce que j'ai dit, je n'ai pas de scrupules.

Mais nous aurons l'occasion d'en redébattre dans la soirée ! Je dois dire que nous avons bien travaillé avec le commissaire Fischler sur l'OCM sucre et je ne voudrais pas que François Guillaume se trompe sur les conséquences de ce travail en commun. En effet, le commissaire Fischler avait fait une proposition globalement conforme à ce que nous souhaitions, en dépit de nos divergences. Il était notamment disposé à le reconduire pour cinq ans. La France souhaitait six ans, mais cinq ans n'étaient pas une proposition inacceptable en soi.

Mais surtout, ce dont nous avions convenu avec le commissaire Fischler, c'est que, de la même façon qu'on ne change pas une équipe qui gagne, on ne change pas une OCM qui marche,...

M. Christian Jacob.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... à plus forte raison lorsqu'elle est raisonnable et surtout qu'elle ne coûte...

M. François Sauvadet.

Rien !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Pas un sou !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... pas grand-chose. On ne peut pas dire rien, monsieur de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Il y a la cotisation !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous êtes un ancien de la Cour des comptes, je ne peux pas vous laisser dire des choses qui ne soient pas tout à fait rigoureuses. Disons qu'elle ne coûte pas autant que certains le disent, puisqu'il y a les cotisations des professionnels. Admettons qu'elle coûte un peu au budget de l'Union européenne, mais beaucoup moins qu'on ne le dit.

L'OCM sucre est donc une OCM budgétairement raisonnable, elle fait l'objet d'un consensus, notamment parmi les professionnels ; en plus, c'est une OCM responsable dans la mesure où, par le biais de la baisse régulière des quotas, on ne peut pas dire qu'elle pousse à une course folle à la production qui déséquilibrerait le marché international.

Le problème, c'est que lorsque le commissaire Fischler a présenté, comme c'est la règle au sein de la Commission, sa proposition devant ce que l'on appelle le collège


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des commissaires, celle-ci a été « retoquée », le collège des commissaires considérant que cinq ans, c'était trop long, qu'il fallait faire passer un vent de libéralisme sur tout cela et ne pas s'engager dans la reconduction d'un dispositif à ses yeux par trop régulateur et administratif.

C'est là, si j'ose dire, que le bât a blessé, le collège des commissaires déclarant, d'une manière qui nous a heurtés et nous a même causé bien des soucis, qu'il était difficile d'aller au-delà des deux ans puisque, de toute façon, les accords de Berlin avaient prévu quelques clauses de rendez-vous pour 2002, et que l'on serait bien obligé à ce moment-là de faire le point sur la politique agricole commune - sous-entendu, de tout remettre sur la table...

C'est là une interprétation parfaitement erronée et choquante des accords de Berlin. En effet, ceux-ci n'ont fixé de clauses de rendez-vous que dans des domaines très limités, parfois même à la demande de la France. C'est notamment le cas des oléo-protéagineux qui préoccupent, et à juste titre, beaucoup d'entre vous tout comme moimême. C'est en effet moi qui ai demandé un rendez-vous en 2002 afin d'être sûr que le processus mis en place, que nous n'acceptons pas, n'aura pas de conséquences désastreuses sur la production d'oléo-protéagineux et de nous permettre de rectifier le tir au besoin. C'était un des rares rendez-vous que nous ayons pris ; de la même façon, mais en sens inverse, la Commission avait elle aussi exigé une clause de rendez-vous sur les quotas laitiers, que nous avons réussi à sauver, afin de pouvoir parler, à miparcours, du mécanisme qui en prendrait la suite. Mais c'est tout. Jamais dans les accords de Berlin, il n'a été question de remettre la PAC sur la table en 2002 pour tout renégocier. Or c'était précisément cette interprétation assez dangereuse et pour tout dire inacceptable, qui transparaissait à travers la position de la Commission sur l'OCM sucre.

Aussi, lorsque le commissaire Fischler est revenu devant le conseil « agriculture », il a reçu une réponse assez large et massive des ministres de l'agriculture de l'Union européenne. Nous étions dix ministres sur quinze à refuser la proposition de la Commission : seulement quatre - toujours les mêmes, allais-je dire, c'est-à-dire les libéraux - l'acceptaient tandis que l'Italie attendait de savoir si ses intérêts nationaux pourraient être sauvegardés à travers telle ou telle évolution de l'OCM...

Par conséquent, les choses sont loin d'être entendues.

Le commissaire Fischler ne peut faire autrement, me semble-t-il, que de revenir devant le collège des commissaires et lui exposer loyalement les résultats du conseil agriculture où les ministres se sont exprimés d'une manière assez ferme.

M. Christian Jacob.

Il faudra également briefer M. Lamy !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

En effet, monsieur le député, et vous pouvez faire confiance au ministre de l'agriculture français pour parler sans interprète au commissaire Lamy.

M. Philippe Martin.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Voilà le point que je voulais faire sur la présidence française, au demeurant loin d'être achevée : nous avons encore deux conseils « agriculture », ceux de novembre et décembre, et je serai heureux de revenir devant l'Assemblée nationale pour vous exposer ce que nous aurons réussi ou non à faire durant notre présidence.

Il est temps maintenant d'en venir au budget luimême, en commençant par vous parler des recettes. On parle souvent des seules dépenses, du reste excellemment décrites par les rapporteurs. Mais un petit mot des recettes...

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

C'est le BAPSA !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Evidemment, c'est le rôle du rapporteur du BAPSA - je regrette d'ailleurs qu'il n'y ait désormais qu'un rapporteur spécial pour le BAPSA et plus de rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, ce que je fus pendant un temps. On est de ce fait obligé de se fier à cet unique rapporteur,...

M. Philippe Auberger.

Il est bon !

M. Christian Jacob.

Il est fiable !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... quand bien même la rigueur de son approche est forcément incontestable. Vous le verrez tout à l'heure à plusieurs de ses amendements que je serai obligé de combattre pour montrer qu'elle n'est peut-être pas si incontestable que cela. ( Sourires.)

M. Marcel Rogemont.

Ah ! Vous me rassurez !

M. Philippe Auberger.

Une provocation de plus !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je m'expose, je le reconnais. C'est mon côté intrépide. ( Sourires.)

Un mot donc sur ces recettes, car c'est tout de même quelque chose d'important. Le Gouvernement et le Parlement ont décidé d'alléger les charges fiscales et sociales des Français.

M. Christian Jacob.

Fiscales ?

M. François Sauvadet.

Quel culot !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ce choix politique majeur a fait l'objet de nombreux débats. Ceux qui augmentaient les impôts hier trouvent aujourd'hui qu'on ne les baisse pas assez...

M. Christian Jacob.

Et ceux qui ont eu des baisses d'impôt en arrivant au Gouvernement, que font-ils aujourd'hui ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... alors que nous, qui les baissons, nous nous posons logiquement la question : faut-il le faire plus ou moins ? Dans tel domaine ou dans tel autre ? Que les choses soient claires : les agriculteurs français bénéficieront pleinement de cette logique de baisse des charges fiscales et sociales destinés aux Français.

M. Christian Jacob.

Encore heureux ! Les agriculteurs sont des Français comme les autres, tout de même !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Bien entendu ! Je suis heureux que ce soit vous qui le disiez...

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour l'agriculture.

C'est intéressant d'entendre cela dans la bouche de M. Jacob !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... car c'est précisément un message que j'essaie de faire passer aussi régulièrement que possible lorsque je négocie avec les organisations professionnelles agricoles !

M. Christian Jacob.

Vous voyez vos limites, monsieur le ministre !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Toutes les mesures prises par le Gouvernement, entérinées, discutées, votées par le Parlement, même si ce budget n'est pas définitivement adopté au moment où je parle, concerneront pleinement les agriculteurs, qu'il s'agisse de la baisse de l'impôt sur le revenu, de la baisse de l'impôt sur les sociétés, qui touche malgré tout 8 000 agriculteurs en France, de la baisse de la CSG sur les revenus les plus faibles, des décisions prises en matière de TIPP après les mouvements du mois de septembre et les discussions avec les organisations professionnelles agricoles, des mesures nouvelles directement tirées du rapport de Mme Marre et de M. Cahuzac...

M. Christian Jacob.

Nous ne l'avons pas vu ! Vous deviez nous remettre ce rapport dans les trois mois mais il n'a pas été distribué à l'Assemblée !

M. Thierry Mariani.

On l'attend toujours !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il a été rendu public, monsieur Jacob. Peut-être ne l'avez-vous pas eu, mais je sais que vous l'avez lu quand même...

M. Philippe Auberger.

Il est sur Internet !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Honnêtement, ce n'est pas la peine de polémiquer sur un problème matériel qu'il suffit de régler entre nous. Ce rapport est d'une telle qualité que plus vite il sera distribué, mieux cela vaudra.

M. Michel Bouvard.

Dommage qu'il n'ait pas été repris par le Gouvernement !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Nous veillerons ensemble à prendre les dispositions nécessaires pour que ce rapport, dont le Gouvernement a tiré bénéfice, soit mais à la disposition du Parlement aussi vite que possible. Et il est tellement bon...

M. Philippe Auberger.

Que le Gouvernement ne l'a pas repris !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... que nous en avons déjà tiré un certain nombre de mesures dans la loi de finances vous est présentée. Quoi qu'il en soit, la baisse de l'impôt sur le revenu, la baisse de l'impôt sur les sociétés, la baisse de la CSG, les dispositions que nous avons prises sur la TIPP,...

M. Thierry Mariani.

Et la TGAP, et les 35 heures !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... les mesures tirées du rapport de Mme Marre et de M. Cahuzac représentent au total pour la « ferme France » plus de 2,2 milliards de baisse de charges fiscales et sociales inscrites dans le budget pour 2001.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

Tout à fait !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est là une bonne chose, que j'assume totalement...

M. Christian Jacob.

Tout comme l'augmentation des engrais, du fioul, et la TGAP !

M. le président.

S'il vous plaît !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je suis toujours étonné de voir ceux qui matraquaient les Français d'impôts il y a quelques années nous reprocher de ne pas aller plus loin que ce que nous faisons aujourd'hui !

M. Christian Jacob.

En arrivant au Gouvernement, vous avez supprimé les baisses !

M. le président.

Monsieur Jacob, je vous en prie !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Jacob, je ne vous ai jamais interrompu car je suis toujours très respectueux de votre droit de parole. Essayez donc, de temps en temps de faire l'effort d'écouter les autres.

Je me réjouis, je le dis devant l'Assemblée nationale, que les agriculteurs français bénéficient pleinement du mouvement de baisse des impôts et des charges.

J'en viens maintenant aux priorités de ce budget. La première a trait à la sécurité alimentaire, mais j'y reviendrai à la fin, car je crois nécessaire de traiter de ce sujet en détail et aussi précisément que possible.

La deuxième priorité concerne l'enseignement agricole.

C'est un enseignement qui marche bien, qui réussit bien, qui maintient ses effectifs, à l'inverse de l'éducation nationale, ou à peu près...

M. Thierry Mariani.

C'est une critique ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Que viens-je de dire, monsieur Mariani ?

M. Thierry Mariani.

Je veux dire : est-ce une critique de l'éducation nationale ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Calmezvous, monsieur Mariani. Ecoutez, soyez serein, participez !

M. Gilbert Meyer.

Mais il est très calme !

M. Thierry Mariani.

Soyez décontracté ! C'était juste une question !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous n'avez pas beaucoup d'efforts à faire pour que je reste décontracté...

L'enseignement agricole public a un taux d'insertion professionnelle exceptionnel, qui va même jusqu'à 100 % dans certains établissements que j'ai visités. L'alternance en particulier, à laquelle certains ont fait allusion, se développe dans d'excellentes conditions dans nombre d'établissements ; l'apprentissage également, notamment dans les quelques établissements qui n'ont pas la chance d'avoir leur propre exploitation agricole. Or cet enseignement souffre d'un mal objectif, que j'ai déjà dénoncé ou décrit devant vous à plusieurs reprises : il n'a pas bénéficié autant qu'il aurait dû et qu'il l'aurait fallu de la priorité à l'éducation, qui est pourtant la marque d'un certain nombre de gouvernements, en tout cas de ceux issus de cette majorité depuis une dizaine d'années, et s'est retrouvé un peu laissé pour compte. Tant et si bien que ses moyens, notamment en personnels, ne sont pas à la hauteur et souffrent d'un taux de précarité anormalement élevé, beaucoup plus élevé que dans l'éducation nationale.

M. Marcel Rogemont.

Tout à fait !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je redis devant vous ce que je n'ai eu aucun mal à affirmer publiquement : nous devons collectivement veiller à ce que l'enseignement agricole bénéficie d'un rattrapage afin de lutter contre cette précarité et lui donner les moyens humains d'un développement harmonieux. Je suis donc très heureux que ce budget prévoie la création de 600 postes de titulaires, 200 par création de postes et 400 par déprécarisation, montrant ainsi la voie d'un plan de déprécarisation attendu et indispensable. Après l'excellent budget de l'année dernière et l'assez bon budget de l'année précédente, il bénéficie pour la troisième anné e de suite d'un bon budget, et ce n'est que justice.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

M. François Sauvadet.

Et l'enseignement privé ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

La troisième priorité concerne la forêt. Beaucoup d'entre vous l'ont évoquée et décrit notamment l'effort considérable en termes de crédits dont la forêt a bénéficié - 31 % de hausse, soit 563 millions de francs supplémentaires. Cette priorité arrêtée l'anné dernière est confirmée cette année avec la suppression des taxes et l'intégration du fonds forestier national.

Ce faisant, nous nous inscrivons dans la logique de la loi d'orientation pour la forêt qui viendra devant le Sénat au début de 2001, mais qui nécessitait d'être crédibilisée afin que le futur texte législatif ne se résume pas à des voeux pieux, mais soit accompagné par des crédits. C'est surtout pour nous l'occasion de boucler le dispositif de traitement du drame qu'ont représenté les tempêtes de la fin de 1999 avec notamment les premiers crédits que nous intégrons pour la reforestation, la replantation, le traitement de ces forêts dévastées, conformément à la circulaire publiée, comme promis à la fin de l'été. Le dispositif mis en place de 6 milliards de francs sur dix ans, soit 600 millions de francs par an, nous permet désormais de disposer d'un arsenal de mesures et de crédits à la hauteur des besoins.

Plusieurs critiques ont été émises, comme c'est leur droit - la critique est toujours respectable -, par les députés de l'opposition...

M. François Sauvadet.

Egalement sur vos bancs !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... et des inquiétudes exprimées par certains députés de la majorité.

Je souris presque, tout au moins je m'étonne, en entendant dire que les crédits ne se verraient pas sur le terrain.

Si je vous montrais à quel point ils sont consommés, y compris dans les régions qui se plaignent le plus, où parfois nous sommes obligés de les redéployer ! A moins qu'il ne soient sujets à évaporation, phénomène assez rare en comptabilité publique, ils prouvent manifestement que ce plan marche et se traduit concrètement sur le terrain.

M. François Sauvadet.

Il faudrait le prouver avec des chiffres !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il est vrai que certains sylviculteurs, notamment les plus petits, n'avaient pas pu s'inscrire dans la logique de soutien à l'activité économique du premier plan - c'était le pari du Gouvernement, appuyé par la majorité : soutenir d'entrée de jeu l'activité économique de la forêt, c'est-à-dire l'exploitation des chablis, leur transport, leur stockage, l'exportation. De ce fait, un certain nombre de petits sylviculteurs, désemparés, parfois même découragés,...

M. Michel Bouvard.

Très découragé !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... très découragés en effet pour avoir perdu la quasi-totalité ou une grande partie de ce patrimoine, faute de disposer des moyens de se lancer dans une logique d'exploitation économique, attendaient quant à eux une indemnisation.

Et, pendant quelques mois, nous avons vécu avec cette complainte de petits sylviculteurs...

M. François Sauvadet.

Complainte ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... qui parfois n'étaient même pas recensés par les centres régionaux de la propriété forestière, qui ne figuraient même pas dans les listings, que l'on ne pouvait même pas contacter pour savoir de quel dispositif ils pouvaient bénéficier. Cette complainte est en train de s'estomper, grâce à la circulaire sur la reforestation, qui donne à la fois les moyens de nettoyage et de replantation et qui, sans aller jusqu'à une logique d'indemnisation, n'en perm et pas moins à ces exploitants modestes de se reconstruire un avenir sylvicole.

Pour ma part, j'ai confiance dans le bon déroulement d'un plan qu'il nous a fallu bâtir au jour le jour, mois après mois, puisque nous n'avions aucune mémoire administrative d'une tempête ni d'un programme de réparation de cette ampleur. Il saura répondre, petit à petit, à l'ensemble des besoins et des difficultés des sylviculteurs français.

La dernière priorité de ce budget concerne les retraites, sujet sur lequel sont revenus beaucoup d'entre vous, en particulier Germinal Peiro, qui s'est fait une spécialité de ce problème et dont les propositions sont toujours marquées de la même rigueur.

M. Christian Jacob.

Nous n'avons pas son rapport non plus : il avait été annoncé pour le début 2000 et nous l'attendons toujours !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je sais, monsieur Jacob, mais M. Peiro a fait un rapport au Gouvernement, et le Gouvernement, sur cette base, fera luimême un rapport au Parlement...

M. Jean Launay.

Depuis le temps qu'il est sorti, c'est vraiment de la « négligence » !

M. Christian Jacob.

Lisez les textes que vous votez, mes chers collègues !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Jacob, ne vous mettez pas dans cet état, cela ne le mérite pas. Restez calme, parlons tranquillement, gentiment, et je vous expliquerai. M. Peiro a fait un rapport au Gouvernement et le Gouvernement...

M. Gilbert Meyer.

Ce n'est pourtant pas difficile !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous êtes très impatients, je le sais. Le Gouvernement, disais-je, sur cette base, présentera un rapport au Parlement dans les semaines qui viennent, comme il s'y est engagé.

Ainsi que l'ont dit plusieurs d'entre vous, nous sommes dans la quatrième année du plan de revalorisation des retraites agricoles. Nous pouvons raisonnablement nous fixer comme objectif d'atteindre d'ici à la fin de cette législature les priorités que nous nous étions fixées : élever les petites retraites agricoles au niveau non du minimum vieillesse, mais des minima vieillesse, celui d'un agriculteur exploitant, celui d'un couple, celui des aides familiaux et des conjoints.

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas glorieux quand même !

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis.

Il fallait tout de même le faire !

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas glorieux quand même !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Si vous l'aviez fait avant, nous n'aurions pas eu à le faire.

M. Thierry Mariani.

Depuis 1981, vous avez été quinze ans au pouvoir !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il y a quatre ans, vous auriez pu le faire, et nous n'y serions pas obligés aujourd'hui.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

Cessons de polémiquer éternellement sur ces sujets.

Nous avons procédé à ces revalorisations. Et, l'ayant fait, je constate que ni le Gouvernement ni les parlementaires de la majorité ne s'en gargarisent outre mesure, puisque déjà, nous portons nos regards sur ce qui doit suivre...

M. Thierry Mariani.

Vous ne serez plus là !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... en particulier la nécessité de mettre en place un régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition...

M. Marcel Rogemont.

C'est absolument nécessaire !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... qui est la seule manière de régler raisonnablement, durablement et solidement le problème pour l'avenir.

Sur le principe de ce régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition, le Premier ministre a enfin pris un arbitrage après de longs travaux interministériels. Le principe étant posé, reste à élaborer ce régime de la manière la plus sérieuse et la plus rigoureuse possible, et à fixer un calendrier.

Plusieurs d'entre vous ont exprimé une préoccupation qui est aussi la mienne. Nous sommes tous désireux de faire un pas supplémentaire dans l'allocation de ces retraites, en passant dès que possible des versements trimestriels aux versements mensuels.

M. Marcel Rogemont.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Nous avons eu l'occasion d'en parler ensemble à plusieurs reprises. Nous avons buté sur une difficulté qui est le coût pour la première année - la seule certes -, de 6 ou 7 milliards de francs. Mais depuis lors, la MSA nous a fait savoir qu'elle était prête à assurer la trésorerie de cette mesure par le biais d'un emprunt, de façon à la lisser sur plusieurs années et que cela ne représente qu'un coût qui reste à calculer avec exactitude - mais qui serait, selon M. de Courson, de 200 ou 250 millions de francs.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Plutôt 250 millions de francs !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Voyez qu'entre gens de bonne volonté, on arrive à se mettre d'accord !

M. René Leroux, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour la pêche.

C'est sans doute plus !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Et c'est sans doute plus, en effet. En tout cas, j'affirme devant la représentation nationale que je suis très ouvert à cette discussion. Je ne suis pas en train de vous dire que c'est fait, décidé, arbitré, et que les financements sont trouvés ! Mais que nous pouvons le faire d'ici un an ou deux si, ensemble, nous trouvons une solution raisonnable. La MSA est un régime de sécurité sociale extrêmement bien géré - il faut dire qu'elle fait l'objet d'élections démocra tiques. Si seulement tous étaient gérés comme celui-là.

M. François Sauvadet.

Ah !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je veux saluer le sens des responsabilités et le sérieux de son équipe dirigeante. Puisque la MSA nous fait cette proposition, notre devoir est d'y répondre avec toute la rigueur qui s'impose. Travaillons-y, ensemble, dans les mois qui viennent.

M. Marcel Rogemont.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ayant achevé mon parcours à travers les priorités du budget, je m'attacherai maintenant, sans fuir le débat, à traiter deux ou trois difficultés évoquées par certains d'entre vous.

M. Thierry Mariani.

Le CTE !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Oui, la première concerne les CTE. Voyez, monsieur Mariani, comme je suis attentif à ce que vous dites...

M. Thierry Mariani.

Pas assez !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... et soucieux de vous répondre vite !

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis.

Plus rapide que Lucky Luke ! (Sourires.)

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'ai entendu bien des critiques. En particulier, des responsables de l'opposition ont voulu voir la preuve de notre échec et la réalisation de leurs prédictions dans le fait que nous ne parviendrons pas à 50 000 CTE d'ici à la fin de l'année. En fait, j'en avais prévu 100 000 d'ici à la fin de la législature.

M. Christian Jacob.

Ça, c'est le nouvel objectif !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Pas du tout !

M. Thierry Mariani.

Il faudrait 140 ans pour arriver à 100 000 CTE !

M. le président.

Messieurs, je vous en prie !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, c'est incroyable !

M. le président.

Cela a l'air de vous plaire, monsieur le ministre...

!

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mais non, j'essaie toujours de parler sereinement et j'aimerais ne pas être interrompu.

R evenons aux CTE ! Mon objectif a toujours été : 100 000 CTE d'ici à la fin de la législature,...

M. Michel Bouvard.

Le CTE est trop compliqué !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... et cela reste mon objectif.

E n revanche, j'avais dit : « Nous essaierons d'en conclure 50 000 avant la fin de 2000. » Je le reconnais,

nous n'y arriverons pas. Mais pourquoi ? Parce que la négociation du plan national de développement rural avec la Commission a pris plus de temps que nous ne le voulions.

M. Christian Jacob.

C'est faux !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mais laissez-moi donc parler ! Cette négociation n'a abouti qu'à la fin du mois de juillet. Nous avons donc perdu six mois. En outre, la préparation des CTE, au plan national, s'est perdue dans une spirale, bien franco-française, de complexité.

M. François Sauvadet.

Nous vous avions mis en garde lors de l'examen de la loi d'orientation agricole !

M. Christian Jacob.

C'est tout de même bien vous, monsieur le ministre, qui avez proposé la loi et qui l'appliquez !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Jacob, les choses ne se sont pas exactement passées comme vous le dites ! La logique de la complexité est venue de partout.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

M. François Sauvadet.

Non ! De vous !

M. Thierry Mariani.

Et de votre loi !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

On peut l'imputer aux fonctionnaires, je le reconnais et je le leur ai dit, mais aussi, souvent, aux organisations professionnelles agricoles.

Mme Odette Grzegrzulka.

Exactement !

M. Christian Jacob.

Et à votre loi ! C'est quand même votre loi ! Votre mauvaise foi est sans limites !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Quant aux organisations professionnelles, elles le reconnaissent.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Vous n'avez qu'à leur parler. Moi, qui le fais souvent, j'ai pris conscience de la difficulté que soulève le CTE, notamment les mesures agri-environnementales ou les mesures-types qui sont dans notre plan national de développement rural.

Mais j'ai comparé avec les autres pays. En Italie, combien y-a-t-il de mesures-types par région ? Sept ou huit. Dans les La nder allemands ? Neuf ou dix. Dans les autonomies espagnoles ? Une dizaine. Et en France ? Entre 110 et 120, sur la proposition des fonctionnaires et des organisations professionnelles agricoles.

M. Thierry Mariani.

Mais c'est votre loi !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il faut dire que l'agriculture française, à l'inverse de celles de certains pays du Nord ou du Sud, est très diversifiée : grandes cultures, cultures méditerranéennes, agriculture de plaines irriguées ou agriculture de montagne.

Mais peut-être est-on allé trop loin. Je l'ai admis le premier.

M. Thierry Mariani.

C'est une autocritique !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Et j'ai entamé cet été une simplification du CTE, sur laquelle je fonde beaucoup d'espoir et qui est en train de porter ses fruits.

M. Philippe Auberger.

Des CTE au rabais ?

M. François Sauvadet.

Vous feriez mieux de nous écouter !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'y suis bien obligé puisque je vous entends ! (Sourires.)

Mais je ne suis pas obligé, par contre, de prendre tous vos propos pour argent comptant.

M. Thierry Mariani.

Même le PACS, ça marche mieux que le CTE !

M. Christian Jacob.

Nous écouter vous éviterait bien des erreurs !

M. le président.

Messieurs, s'il vous plaît !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Nous en sommes, à présent, à 3 350 CTE validés par les CDOA.

Evidemment, ce n'est pas assez. Mais ce qui importe, pour moi, c'est qu'en ce moment, plus de 60 000 agriculteurs travaillent sur des CTE. Voilà pourquoi je suis confiant. Et je reste persuadé que notre objectif des 100 000 CTE à la fin de la législature peut être atteint et que nous l'atteindrons.

M. Thierry Mariani.

Vous parlez de cette législature ou de la prochaine ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cela exige cette simplification que, tous, vous avez appelée de vos voeux - certains en espérant qu'elle ne se fasse pas et que cela conduise à l'échec, mais d'autres en toute bonne foi, afin que cette politique réussisse. Il faut que cette simplification soit entreprise sans retenue, et je m'y engage devant la représentation nationale.

M. Christian Jacob.

Comme vous vous engagiez à conclure 50 000 CTE l'année dernière !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je prends cet engagement parce que je pense qu'il s'agit d'un bon outil, comme l'ont dit nombre d'entre vous, et notamment Michel Vergnier. Dès lors que cet outil correspond à un besoin, à une demande des agriculteurs, il est de notre devoir de l'adapter.

J'en viens au montant des crédits affectés aux CTE.

M. Philippe Auberger.

Parlez donc de la modulation !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je vais y venir, monsieur Auberger, et à d'autres choses encore ! Soyez patient ! Les crédits du CTE, c'est vrai, diminuent de 950 millions de francs à 400 millions de francs. Mais j'ai obtenu l'engagement du Premier ministre que tous les crédits non consommés dans la loi de finances de 2000 seraient intégralement reportés sur 2001.

Mme Odette Grzegrzulka.

Excellent !

M. Christian Jacob.

Sauf qu'ils ne sont pas utilisés ! Et il y a une raison à cela...

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Jacob, vous n'avez pas une grande expérience de la gestion des affaires publiques. Quand un budget n'est pas consommé, il retombe, en principe, dans le pot commun du budget de l'Etat.

M. Christian Jacob.

... et il faut peut-être s'interroger sur cette raison : c'est que le CTE ne répond pas à la demande des agriculteurs !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Nous aurons, par conséquent, comme marge de manoeuvre financière pour 2001, les 400 millions de francs qui sont dans le budget,...

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis.

C'est la cagnotte !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... plus les 950 millions de francs auxquels on soustraira les 50 millions ou 100 millions qui auront été consommés.

Nous disposerons donc de 1,350 milliard de francs pour gérer la modulation et le produit de la modulation.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Sur deux ans !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Non, monsieur de Courson, puisque la modulation va prendre effet, pour la première fois, à la fin de cette année, dans les primes versées à la fin de l'année 2000, et pour financer 2001. Nous n'avons pas encore touché un franc de modulation.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Au 31 décembre, vous l'aurez !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je vais essayer de faire preuve de pédagogie pour vous expliquer ce que vous ne voulez pas entendre.

La modulation n'est pas un impôt...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

M. Christian Jacob et M. Thierry Mariani.

Si !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... puisqu'elle ne va pas dans la poche de l'Etat.

M. Philippe Auberger.

Et alors ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

La modulation, ce sont des crédits européens qui sont distribués autrement.

M. Gilbert Meyer.

Mais qui finance l'Europe ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Nous sommes contraints, par la réglementation européenne, de redistribuer aux agriculteurs les primes de la PAC qui ne leur sont pas versées, sur la base d'autres politiques, notamment par le biais du CTE.

Mme Odette Grzegrzulka.

Redéploiement !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Pas seulement le CTE, mais aussi des mesures agri-environnementales ou encore, par exemple, je vais en dire un mot dans un instant, les ICHN, indemnités compensatoires de handicap naturel.

M. Christian Jacob.

Vous en avez diminué les crédits dans votre budget !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ainsi, le produit de la modulation reste à la ferme France, au franc le franc. Pas un franc ne disparaîtra dans la poche de l'Etat.

Simplement, ces sommes seront affectées, non plus selon une logique de production, liée à l'hectare, mais selon une logique de projets ou de handicaps, liée notamment aux contrats territoriaux d'exploitation. Ne vous en faites pas : tout cet argent sera redistribué. Nous n'aurons aucune difficulté à le distribuer en finançant les actions que je viens d'évoquer.

M. Christian Jacob.

Vous avez une cagnotte de 1 milliard dont vous ne savez que faire !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

La modulation va être prélevée - ou plutôt non versée...

M. Christian Jacob.

C'est de l'argent retenu aux agriculteurs !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est un peu moins d'aides versées à certains agriculteurs, qui touchent plus de 200 000 francs d'aides par an... (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Jacob.

Je vous ai expliqué pourquoi !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Moi, dont la maison est située au milieu des champs de maïs, je vis peut-être plus que vous au contact des agriculteurs.

Je sais donc ce que sont les primes PAC.

A aucun moment, dans l'histoire de ces primes, créées pour compenser une baisse des prix à un moment donné, il n'a été dit qu'elles seraient versées ad vitam aeternam quel que soit le niveau des prix.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. Christian Jacob.

Il n'a jamais été dit non plus que le Gouvernement français devait faire en sorte que les agriculteurs soient moins bien indemnisés !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ni le gouvernement français ni personne n'aurait fait cela au niveau de l'Europe ! De toute façon, et je ne cesse de le dire aux organisations professionnelles agricoles : ces aides directes sont menacées à terme par les contraintes budgétaires de l'Europe et par les règles de l'Organisation mondiale du commerce. Notre devoir est de faire oeuvre de pédagogie, pour expliquer la nécessité de réorienter et de redistribuer ces aides, afin qu'elles soient plus justement et plus efficacement réparties. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Jacob.

Vous êtes incapable de les redistribuer !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cessez donc de vivre sur vos fantasmes et vos illusions. Regardez en face la réalité de l'Europe et de l'Organisation mondiale du commerce !

M. Christian Jacob.

Et vos fantasmes à vous ! Vous avez un milliard de francs de cagnotte et vous êtes incapable de les utiliser !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Voilà ce que nous faisons : de la pédagogie sur la réorientation et la redistribution des aides. Je pense que nous avons raison de le faire. Un jour, vous nous remercierez d'avoir engagé ce mouvement, parce qu'il va dans le sens de l'histoire.

Un mouvement encore bien timide, d'ailleurs, par rapport à tout ce que nous devrons faire dans les années à venir, et que nous ferons à travers cette modulation et ce CTE.

De la même façon, nous affrontons avec beaucoup de sérénité le débat sur les indemnités compensatoires de handicaps naturels. Ce qui s'est passé représente comme une poussée d'adrénaline ahurissante.

J'ai dit au début de l'été que, contrairement à ce qu'ont écrit certains, je n'ai jamais voulu mettre à bas vingt-cinq ans de politique de la montagne ! Je voulais au contraire la renforcer. Je considère qu'elle rend des services à la société en termes d'environnement et d'entretien des paysages.

M. François Brottes.

Très juste !

M. Christian Jacob.

Ça ne coûte pas cher de le dire !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Elle mérite d'être encouragée davantage encore.

M. Michel Bouvard.

C'est vrai !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'ai donc abordé la politique de l'agriculture de montagne avec le souci de la renforcer.

M. Michel Bouvard.

Très bien, mais il faut que les sous viennent !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ils vont venir ! J'avais annoncé que j'étais prêt à mettre plus d'argent sur la table, y compris en bénéficiant d'une disposition de l a nouvelle politique agricole commune. En effet, Mme Marre l'a expliqué, la clé de financement entre l'Europe et les pays membres a changé, l'Europe apportant plus dans le cofinancement, nous avons une marge de manoeuvre supérieure. D'entrée de jeu, j'ai indiqué que j'étais prêt à mettre 500 millions de francs de plus pour l'agriculture de montagne. Avouez que ce n'est pas négligeable.

Mais, dans la négociation du plan de développement rural national, Bruxelles a exigé de la France, comme de tous les autres pays d'Europe qui ont tous accepté - notre


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

pays est plutôt isolé à cet égard - que, en contrepartie des ICHN, nous mettions en oeuvre ce qu'on appelle de

« bonnes pratiques agricoles », ce qui, pour l'agriculture de montagne, ne pose pas de problème majeur. Sauf que Bruxelles a voulu évaluer ces bonnes pratiques agricoles à partir du taux de chargement à l'hectare - ce qui est un indicateur pour le moins suspect -...

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. le minuistre de l'agriculture et de la pêche.

... en fixant des seuils d'exclusion au-dessous de 0,2 UGB hectares et au-dessus de 2 UGB hectares, où on n'avait plus droit à l'ICHN.

J'ai fait tout de suite montre de circonspection, parce que je ne voyais pas très bien ce que cela pouvait représenter pour le territoire national. Et j'ai demandé à examiner la question de plus près.

Le département de France qui souffrirait le plus de l'application de cette règle, ce sont les Hautes-Pyrénées, celui dont je suis l'élu. Ce n'est pas la raison qui m'a fait considérer que c'était inacceptable (Sourires), mais c'est celle qui m'a fait passer de la circonspection à l'opposition...

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... car il n'y avait pas que le département des Hautes-Pyrénées qui était concerné mais aussi ceux des Pyrénées-Atlantiques, du Lot, du Cantal.

M. Michel Bouvard.

Les Alpes !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Beaucoup moins, monsieur Bouvard ! En tout cas beaucoup d'agriculteurs de montagne se trouveraient pénalisés. J'ai dit à la Commission que je ne pouvais pas accepter cette proposition, qui, je le répète, n'était pas celle du ministre français de l'agriculture, mais bien celle de la Commission. Je n'ai jamais eu l'intention de menacer la politique de montagne, je n'ai jamais cessé au contraire de vouloir la renforcer. J'ai demandé à la Commission de rouvrir le dossier. J'ai dit que je refusais cette disposition même si la majorité des agriculteurs de montagne ont à gagner dans la nouvelle ICHN, qui sera simplifiée, plus lisible, consolidée, c'est-à-dire reconnue par l'Union dans la durée, donc pérennisée. Je ne voulais pas que nous obtenions tout cela au prix de l'exclusion de quelques agriculteurs, lesquels ne comprendraient pas que cette politique soit mise en oeuvre à leurs dépens.

Je n'ai pas considéré la poussée de fièvre, que chacun a pu constater, et les manifestations comme dirigées contre moi, mais comme destinées à m'aider à obtenir du commissaire européen que l'on revienne sur cette disposition, de sorte que nous puissions, ensemble, développer la politique d'ICHN.

Je voudrais dire un mot de l'installation, comme vous m'y avez incité. Certains, après avoir examiné les statistiques de l'installation en agriculture depuis deux ou trois ans, ont dénoncé ce qu'ils appellent l'« échec flagrant du Gouvernement ».

La réalité est plus complexe. Pour quelles raisons un ministre de l'agriculture, de gauche ou de droite, pourrait-il se satisfaire d'une baisse du nombre des installations ? J'en vois moins encore pour qu'il la provoque.

Essayons de dépasser la polémique et de rechercher les causes de ces résultats.

Sont-elles financières ? Je ne le crois pas, puisque budget après budget, les crédits destinés à l'installation ne sont pas consommés en totalité.

J'ai même décidé l'année dernière, parce que le CNJA prétendait que la globalisation de certains crédits mettait à bas un dispositif comme le FIA, le fonds d'installation en agriculture, créé deux ou trois ans auparavant par un de mes prédécesseurs, M. Philippe Vasseur, dispositif qui, selon le Centre national des jeunes agriculteurs, est un instrument d'une grande souplesse et d'une grande efficacité, et auquel il serait intolérable de porter atteinte, j'ai décidé, disais-je, de maintenir la ligne de crédits du FIA dans le budget du CNASEA.

M. Christian Jacob.

Vous avez supprimé les PIDIL !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Pas du tout ! J'ai maintenu ces crédits et j'ai donné comme consignes - et elles ont été respectées - que l'ensemble des demandes correspondant aux anciens programmes PIDIL soient systématiquement honorées.

Il y avait 300 millions de crédits préservés. A la fin de l'année, nous en aurons à peine consommé 20. Est-ce une question de crédits ? Je ne le crois pas.

M. Christian Jacob.

C'est un manque de confiance dans le Gouvernement !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous croyez, monsieur Jacob ? C'est tellement simple de raisonner comme ça ! Est-ce un problème de réglementation ? Joseph Parrenin a expliqué que, au printemps dernier, nous avons été ensemble dans le Doubs.

M. Christian Jacob.

Je vous ai invité aussi, monsieur le ministre !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ce n'était pas dans une circonscription socialiste, mais dans une circonscription RPR. C'est dire à quel point je ne suis pas sectaire.

M. Christian Jacob.

Vous n'avez pas répondu à mon invitation !

M. Thierry Mariani.

Vous étiez perdu, monsieur le ministre !

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis.

Le Doubs n'est pas un département perdu !

M. Christian Jacob.

Je vous ai invité, monsieur le ministre !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je suis invité partout : chaque chose en son temps. Sans doute viendrai-je un jour dans votre circonscription, mais pas forcément au moment que vous aurez choisi.

M. Christian Jacob.

C'est quand vous voulez ! La table est ouverte.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'étais donc avec M. Parrenin, dans une circonscription RPR voisine de la sienne, et le CNJA m'avait mis au défi défi cordial et loyal - de prendre seize mesures nouvelles qu'il préconisait et qui assoupliraient et enrichiraient le dispositif en faveur de l'installation. J'ai dit banco. Les seize mesures ont été avalisées. Ce n'est donc pas un problème réglementaire : je fais tout ce qu'on me propose.

Sans doute y a-t-il d'autres raisons plus profondes, dont certaines tiennent aux discours catastrophistes qu'on entend parfois. Il y a deux ou trois jours, dans la Somme, j'ai entendu un représentant professionnel agricole brosser un tableau de l'agriculture française tellement noir, tellement catastrophique, que, songeant au jeune qui venait de s'installer et qui était à côté de moi, j'ai pris la parole


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et j'ai dit : « Si, après vous avoir écouté, il se trouve encore des jeunes qui s'installent, ce sont des fous. Comment ne seraient ils pas découragés par cet Apocalypse Now qui va s'abattre sur les revenus des agriculteurs, par ces traumastimes permanents que vous leur promettez ? »

« Il faudrait, de temps en temps, disais-je à ce président de FDCA, que vous soyez capable de dire que l'agriculture est un beau métier, qu'elle répond à de grandes attentes de la société, qu'il y a un avenir dans ce métier et qu'on a raison d'y installer des jeunes. »

M. Michel Vergnier.

Bravo !

Mme Odette Grzegrzulka.

Ça, c'est positif !

M. Philippe Auberger.

Tout ça, c'est des discours !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Peutêtre, monsieur Auberger, mais les discours inverses ne peuvent convaincre personne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

D'ailleurs, il n'y a pas que les discours. Peut-être certaines réalités économiques font-elles que, le chômage baissant partout en France, notamment celui des jeunes qui s'effondre notoirement, on trouve plus facilement du travail ailleurs : l'intérêt des installations baisse en proportion.

Il y a peut-être d'autres raisons plus sociologiques. J'ai donc proposé aux organisations de jeunes agriculteurs de dépasser ces petites querelles sur les crédits ou les réglementations et de travailler ensemble, dans un groupe de travail du Conseil supérieur d'orientation, sur les problématiques d'installation à moyen ou à long terme, sur les difficultés que nous ne voyons pas parce que nous avons peut-être un peu trop le nez sur nos problèmes budgétaires ou réglementaires. Je suis persuadé que la question de l'installation n'est pas d'abord budgétaire ou réglementaire. Je vous livre cette réflexion et souhaite vivement que des parlementaires puissent participer à cette réflexion.

Je parle déjà depuis une heure...

M. Christian Jacob.

Une heure cinq !

M. Lucien Degauchy.

Dont trois quarts d'heure pour ne rien dire !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Merci, monsieur le député, de votre sollicitude.

J'ai évoqué les priorités de ce budget et quelques difficultés, mais je ne pouvais pas finir sans aborder les questions de sécurité alimentaire. Ainsi, nous devons considérer la crise de l'ESB du point de vue de la sécurité alimentaire et du point de vue des difficultés économiques qu'elle entraîne pour un secteur d'activité agricole très important.

J'ai dit cet après-midi, lors de la séance des questions d'actualité, à quel point il me paraissait déplacé de faire de la politique politicienne sur le sujet.

M. François Sauvadet.

Ce n'est pas acceptable !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Si vous insistez, monsieur Sauvadet, avec autant de force...

M. Christian Jacob.

Qu'avez-vous fait d'autre jusqu'à présent ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Jacob, il serait très instructif de comparer ce que j'ai fait avec ce que vous avez fait.

M. Christian Jacob.

On peut comparer le précédent gouvernement et le vôtre sans problème !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous êtes-vous rendu compte que, après une interpellation publique au plus haut niveau de l'Etat, dont j'ai bien compris le rôle qu'elle jouait auprès de vous,...

M. François Sauvadet.

Et Mme Gillot ? Vous devriez vous souvenir de sa déclaration !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... votre insistance à réclamer l'interdiction totale des farines animales vous faisait entrer dans une logique de critique systématique de ce que vous avez fait, vous ? (Applaudissem ents sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Gilbert Meyer.

Et Mme Gillot ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

En 1996, en plein coeur de la crise de l'ESB, des mesures ont été prises qui, d'après les scientifiques, devraient donner les résultats les plus probants au bout de cinq ans, c'est-àdire l'année prochaine. En effet, nous payons aujourd'hui, en 2000, les décisions ou les non-décisions de 1995.

C'est toujours cinq ans après que ça se passe. Et les décisions d'aujourd'hui porteront leurs fruits dans cinq ans.

Instruire le procès des farines animales, c'est instruire le procès de ce que vous n'avez pas fait en 1996.

M. Christian Jacob.

Vous tombez dans la polémique !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mais bien entendu !

M. Christian Jacob.

Vous êtes incapable de répondre aux questions !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous pourriez peut-être avoir la lucidité, la pudeur ou la retenue de dire...

M. Christian Jacob.

Vous polémiquez parce que vous êtes incapable de répondre aux questions !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mais qui polémique, monsieur Jacob ?

M. Christian Jacob.

Vous, en permanence ! Depuis deux jours, nous n'obtenons aucune réponse !

M. le président.

Monsieur Jacob, s'il vous plaît.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jacob me fait penser à ces joueurs de rugby qui relèvent les mêlées et vont ensuite se plaindre à l'arbitre en disant :

« Vous avez vu, c'est lui qui relève les mêlées ! » (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Soyons sérieux. Si j'avais un conseil à vous donner, ce serait d'interroger M. Vasseur. Il a abandonné la politique, mais se souvient très bien de ce qui s'est passé, et, pour ma part, j'ai plutôt du respect pour son action d'alors.

M. Christian Jacob.

On ne le croirait pas, à vous entendre !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je l'ai infiniment moins critiqué, à l'époque, alors que j'étais député de l'opposition, que vous ne semblez le faire, aujourd'hui, alors que vous êtes de la même minorité que lui.

M. Christian Jacob.

Mais vous êtes incapable de répondre. Depuis quarante-huit heures, nous n'obtenons de vous que du baratin !

M me Odette Grzegrzulka.

Du Tranxène pour M. Jacob !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ce sont là des réalités objectives, monsieur Jacob.

M. François Sauvadet.

De toute façon, vous n'êtes pas responsable ! Mme Odette Grzegrzulka Non, c'est Chirac qui est responsable !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cela dit, vous posez deux ou trois questions.

« Qu'avez-vous fait ? » demandez-vous. Voulez-vous que je dresse la liste des décisions prises par ce Gouvernement...

M. Christian Jacob.

Oui !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... par cette majorité qui a créé l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments...

M. Christian Jacob.

Qui en a pris l'initiative ? Ce n'est pas vous !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Si vous l'aviez fait quand vous étiez majoritaire, nous n'aurions pas eu à la faire ! Depuis, le Gouvernement a entamé un dialogue permanent et fructueux avec cette agence, de sorte que nous n'avons cessé de prendre des décisions dont l'énoncé est assez parlant : l'interdiction du jonchage nous sommes le premier pays d'Europe à la faire -, l'interdiction de certains matériaux à risques spécifiés, le retrait des intestins de bovins, le retrait des graisses animales pour l'alimentation animale, l'interdiction de la rate et du thymus, l'interdiction des colonnes vertébrales.

Aucun pays d'Europe n'a pris autant de décisions en la matière. Nous ne cessons d'en prendre. Arrêtez donc de dire que nous ne faisons rien.

M. Christian Jacob.

Pourquoi ne répondez-vous pas aux questions que nous posons ?

M. Gilbert Meyer.

Vous parlez une heure et vous ne répondez pas !

M. Christian Jacob.

Ce n'est pas la modestie qui l'empêche de respirer !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Jacob, comme vous êtes impatient ! Je répondrai quand j'en aurai l'envie et le temps. Si vous aviez pris le temps, vous, d'étudier ce dossier à fond, de vous affranchir de vos slogans primaires pour considérer la réalité, vous n'en seriez pas à ces incantations démagogiques.

M. Christian Jacob.

Je ne sais pas lequel des deux est le plus primaire et le plus démago !

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis.

Il faut sortir Jacob !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous demandez encore : quid des farines animales et quid de la généralisation des tests ? Pour le premier point, je serai aussi clair que possible.

Je me suis prononcé, à titre personnel, pour une interdiction des farines animales, bien avant vous, monsieur Jacob je vous renvoie à mes déclarations.

M. Christian Jacob.

Ce ne sont pas les déclarations qui comptent, ce sont les décisions !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Les décisions sont prises, et je vais y venir. Vous, monsieur Jacob, vous n'avez aucune décision à assumer, vous êtes dans le gouvernement du discours le discours du « y a qu'à » et du « faut qu'on ».

M. François Sauvadet.

C'est scandaleux !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

La réalité est tout autre. Il y a ceux qui disent qu'il faut interdire les farines animales, et il y a ceux qui le font...

M. Christian Jacob.

J'espère que vous allez le faire !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche...

et vous ne serez pas de ceux qui le feront, monsieur Jacob.

M. Christian Jacob.

Vous venez de dire que vous le demandez depuis longtemps !

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'agriculture.

Jacob, vous nous fatiguez !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Si vous l'aviez fait vous-même, nous n'aurions pas à le faire.

Nous allons le faire, mais quand nous l'aurons dit, et quand nous le dirons, nous le ferons, c'est-à-dire que nous serons en mesure de le faire et que nous aurons mis en place le dispositif pour cela. La réalité, c'est que ceux qui disent « il n'y a qu'à faire cela » ou « il faut que l'on fasse cela » ne mesurent pas la difficulté et l'ampleur de la décision.

M. François Sauvadet.

Cela fait un mois que nous attendons !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Qu'en savez-vous, monsieur Sauvadet ? Vous, dans la minorité, vous faites le gouvernement du « bla-bla » ; nous, nous travaillons sérieusement. Notre décision sera lourde de conséquences. Ainsi, si nous décidons, du jour au lendemain, d'interdire l'utilisation des farines animales, il nous faudra gérer plusieurs centaines de milliers, voire des millions de tonnes de déchets.

M. Christian Jacob.

Nous l'avons bien fait en 1996 !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il y a même des journaux qui titrent : « Farines = poubelle ».

Les élus locaux ici présents savent que la France, en matière de gestion de ses poubelles, est encore largement immature et que nous n'avons pas encore la responsabilité de savoir ce que nous faisons de nos déchets. Nous, nous ne voulons pas prendre ce risque. Pourquoi ?

M. Christian Jacob.

Il vaut mieux les manger que les stocker !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ces centaines de milliers de tonnes, voire ces millions de tonnes de déchets, ce sont des montagnes. Si vous le voulez, messieurs les parlementaires, je vous emmènerai voir de ces montagnes de farines animales, soit dans des stocks français, soit, pis encore, dans des stocks anglais, qui ne sont rien d'autre que des bateaux rouillés, mouillés au large des côtes anglaises parce que les autorités ne savent qu'en faire. Je ne peux pas, nous ne voulons pas, prendre une décision à la légère.

M. Christian Jacob.

Il vaut mieux les consommer, alors !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je m'honore d'appartenir à un gouvernement dont le chef, Lionel Jospin, procède par méthode et n'annonce de décision que s'il est capable de la mettre en oeuvre.

M. Christian Jacob.

Tu parles !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je m'honore d'appartenir à un gouvernement dont le chef s'interroge sur les conséquences de la décision qu'il prépare.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

M. Christian Jacob.

Il ferait mieux de se taire !

M. François Sauvadet et M. Lucien Degauchy.

Quel baratin !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Quelles sont ces conséquences, monsieur Sauvadet ? Si nous ne les gérions pas préventivement, ces stocks présenteraient soit des risques de dissémination par le vent s'ils ne sont pas entreprosés dans des endroits clos, soit des risques de dissémination par ruissellement s'ils sont exposés à la pluie, soit des risques de pollution de l'air par la dioxine si nous les incinérons excessivement.

Autrement dit, si nous n'y prenons garde, les conséquences environnementales et de santé publique pourraient s'avérer bien plus graves encore que le risque que nous croirions écarter. Vous pouvez donc continuer votre bla-bla, mais nous, nous sommes obligés de faire les choses sérieusement.

M. François Sauvadet.

Scandaleux !

M. Christian Jacob.

C'est lamentable !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je note que vous considérez comme scandaleux et lamentable que le Gouvernement se préoccupe de la santé de nos concitoyens. J'assume cette critique avec sérénité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Donc, quand nous prendrons cette décision - et nous la prendrons -, nous la mettrons en oeuvre et en assumerons les conséquences,...

M. Christian Jacob.

Vous êtes au Gouvernement !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... et nous en paierons le prix, tandis que vous assumerez le bla-bla et la démagogie. Nous, nous sommes dans la réalité des faits et dans le sérieux de la gestion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Lucien Degauchy.

Il est vraiment mauvais !

M. Yves Deniaud.

On vous a vus à l'oeuvre avec le sang contaminé !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il en va de même pour la généralisation des tests. Après avoir dit :

« y'a qu'à interdire les farines animales », vous proclamez :

« faut qu'on généralise les tests ».

M. François Sauvadet.

Ces propos sont scandaleux !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Généraliser les tests ? Lesquels ? Existent-ils, ces tests ? Je voudrais, avec sérénité et solennité, mettre en garde la représentation nationale. Le programme de tests que la France met en oeuvre aujourd'hui, et qui, comme le Premier ministre l'a dit hier lors des questions d'actualité, comme Mme Guigou l'a rappelé tout à l'heure, comme je l'ai dit moult fois mais avec moins de portée qu'eux, est le plus important qui ait jamais été lancé dans le monde entier.

Il concerne 48 000 tests. M. Byrne, commissaire européen à la santé, qui sera demain à Paris, au Sénat et à l'Assemblée, a déclaré aujourd'hui que la France payait le prix de son courage, car elle a lancé le programme de tests avant tout le monde - les autres pays ne commenceront à le faire qu'en 2001 - et l'a mené sur une plus grande échelle, puisque nous faisons quatre fois plus - 48 000 au lieu de 12 000 - que ce que nous demande l'Union européenne.

Telle est la réalité. Il ne s'agit pas d'un programme appliqué, mais d'un programme de recherche fondamentale. En mettant ces tests en oeuvre, nous découvrons des cas d'ESB : c'est que nous les cherchons, et que, dès lors que nous braquons les projecteurs, les jumelles, les microscopes sur cette maladie, nous voyons davantage de cas. Cela ne révèle pas une flambée de l'épizootie, comme certains l'ont imprudemment écrit, mais qu'on la mesure plus, qu'on l'évalue mieux, pour la simple raison qu'on la recherche et qu'on va la traquer là où elle se trouve.

Les chercheurs qui gèrent ce programme d'évaluation et en ont défini le protocole n'en ont pas encore tiré les leçons. Ils n'en sont d'ailleurs pas même à la moitié.

On doit être aujourd'hui entre 15 000 et 20 000 tests, sur 48 000. Ces scientifiques se sont engagés à faire une première évaluation, à publier les premiers résultats de leur étude à la fin du mois de novembre, quand, avec 20 000 ou 25 000 tests, ils considéreraient qu'ils peuvent en tirer des leçons. Avant cela, à quoi sert de nous demander de généraliser ces tests ? On ne sait même pas ce qu'ils valent.

Nous avons décidé de commencer avec un test basique, le Prionix, d'origine suisse. Nous n'avons pas choisi un test au détriment d'un autre, comme l'ont imprudemment écrit certains commentateurs qui ont affirmé qu'on n'a pas voulu prendre le test français parce qu'il pouvait être plus sensible et qu'il aurait pu révéler des horreurs.

Nous allons utiliser et évaluer aussi le test français, quitte à ce qu'il révèle une prévalence plus importante de la maladie, quitte à ce que cela nous pose des problèmes de communication ou de psychose plus importants encore : c'est la vérité que nous devons aux Français.

Nous allons étendre ce programme de dépistage à l'ensemble du territoire national, de manière aléatoire, comme l'ont dit le Premier ministre et Mme Guigou, à des animaux qui ne sont pas suspects comme les cadavres ou les troupeaux abattus en urgence. Et je peux vous dire, le plus sereinement possible, que nous généraliserons ces tests dès que possible. Simplement, aujourd'hui, ils ne sont ni fiables, ni produits en assez grand nombre, ni opérationnels.

Si nous disposions de l'arme absolue, d'un test qui nous permettrait de dire à coup sûr qu'une viande est indemne d'ESB ou pas, nous l'emploierions, pour la sécurité des Français. Mais, pour l'instant, alors qu'on sait pertinemment qu'elle n'existe pas encore, la réclamer dans des discours démagogiques et incantatoires, c'est mentir aux Français.

M. Patrick Lemasle.

Bien sûr !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est leur faire croire qu'on est capable de réaliser certaines choses et risquer de voir l'opinion se retourner vers vous, et dire : « Vous disiez qu'il fallait généraliser. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait encore ? C'est que vous n'en étiez pas capables ! » C'est vrai, nous n'en sommes pas capables, mais parce que les scientifiques ne le sont pas.

M. François Sauvadet.

Cela fait trois ans que vous êtes au Gouvernement !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Et c'est vous qui fabriquez les tests, monsieur Sauvadet, c'est vous qui les inventez ? Il faut mettre sans tarder votre talent à la disposition de la science française, plutôt que de rester dans cet hémicycle.

Nous allons tirer les leçons de ce programme et le généraliser autant que faire se peut au fur et à mesure des progrès de la connaissance scientifique.

M. Christian Jacob.

C'est trop long ! Il faut arrêter !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je veux revenir sur des propositions que l'on entend, çà et là, notamment celle qui a été avancée hier par la FNSEA qui demande que soient abattus les bovins de plus de quatre ans, c'est-à-dire ceux qui sont nés avant 1996.

M. Patrick Lemasle.

Les producteurs ne sont pas d'accord !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cette proposition présente des avantages et des inconvénients,...

M. Patrick Lemasle.

Beaucoup d'inconvénients !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... et sans doute plus d'inconvénients que d'avantages. Au nombre des avantages, figure l'idée que, si l'on considère l'année 1996 comme celle de la sécurisation maximum - je rends hommage à l'action de M. Vasseur, moi ! -...

M. Christian Jacob.

Après le numéro de démago que vous venez de faire pendant une heure !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... on tire un trait sur tout ce qui a été produit avant. C'est offrir, peut-être, une garantie de sécurité supplémentaire.

Autre avantage indéniable, ce serait une mesure de soutien à la filière. En effet, si on retire du marché deux ou trois millions de bovins, c'est à peu près le volume concerné, on soulage le marché et les prix sont maintenus. L'effet économique de soutien à la filière ne serait pas négligeable. A 6 000 francs par bête, la mesure coûterait entre 12 et 18 milliards de francs. C'est peut-être une bagatelle, mais on conçoit quand même que cela puisse effectivement soutenir la filière.

Mais une telle décision a aussi ses inconvénients.

Le premier, je le dis très franchement, c'est d'ailleurs ce que j'ai tout de suite dit aux responsables des organisations professionnelles qui sont venues hier soir me faire cette proposition, c'est que, d'une certaine manière, on ajoute de l'irrationnel à l'irrationnel.

M. Patrick Lemasle.

Bien sûr !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

En faisant croire qu'on a des mesures miracles qui peuvent répondre à une situation de crise, on ajoute une psychose à la psychose. D'ailleurs, il suffit d'analyser la réaction des marchés aujourd'hui, et en particulier de la part d'acheteurs étrangers : ils ont pris pour argent comptant cette proposition des organisations professionelles et ont donc décidé de ne plus acheter de bêtes françaises de plus de quatre ans. Aujourd'hui, nous ne sommes peut être pas en situation de quasi-blocus, mais le contexte est rendu encore plus difficile.

J'avais mis en garde les organisations professionnelles en leur demandant de ne pas se précipiter sur cette solution, en tout cas, de ne pas la rendre publique. Trop tard, les dégâts étaient déjà faits.

M. Christian Jacob.

C'est vrai !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Si vous étiez d'accord, il aurait fallu le dire hier.

M. Christian Jacob.

Je suis d'accord pour dire que des risques existent, mais aussi pour donner les avantages.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Second inconvénient, la non-discrimination d'une telle mesure.

En abattant toutes les bêtes de plus de quatre ans sans distinction, on abat sans doute celles qui auraient pu être p otentiellement contaminées, parce qu'elles auraient consommé des farines animales anglaises avant la date prévue, mais on serait obligé d'abattre aussi les bêtes qui n'auraient jamais consommé de farines animales,...

M. Patrick Lemasle.

Absolument !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... parce que nourries dans des filières d'élevage extensif, avec des productions labellisées, certifiées, de qualité, sécurisées.

Mettre toutes les vaches dans le même « tonneau », si j'ose dire, n'est pas tolérable.

Bref, je n'ai pas de solution miracle à vous proposer.

Autant je suis prêt - et nous avons déjà entamé des discussions avec la filière sur d'éventuelles mesures de soutien - à écouter toutes les propositions constructives, autant je travaille pour aboutir, comme l'a dit le Premier ministre, à l'interdiction des farines animales dès que possible quand nous serons prêts et que cette interdiction pourra intervenir dans des conditions sérieuses, autant je ne veux pas prendre de mesures inconsidérées. Les retours de boomerang pourraient avoir des conséquences plus graves encore que le mal contre lequel nous voulons lutter.

M. Christian Jacob.

Et sur le plan des protéines ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ayant répondu sur les farines, sur les tests, et sur la proposition d'abattage, je voudrais m'arrêter quelques instants sur la psychose ambiante.

Je l'ai dit lors des questions d'actualité, il est tout de même très troublant de constater que la crise actuelle a démarré d'une manière que je qualifierai presque d'artificielle. En effet, l'origine de cette crise ne peut être imputée à aucun fait nouveau, à aucune découverte scientifique. Non, cette crise est née dans une ambiance générale, due, j'en suis convaincu, d'une part à la multiplication des tests et à l'effet grossissant que cela donne de l'épizootie dans l'opinion,...

M. Germain Gengenwin.

Et des réactions gouvernementales un peu irresponsables.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... et d'autre part, à l'accident de Bernay dans l'Eure, accident qui n'était en fait qu'un incident,...

M. Alain Tourret.

Une fraude ! M. le ministre de l'agriculture et de la pêche Cet accident a montré que les contrôles de l'Etat français étaient efficaces, mais il a aussi permis d'écrire des sottises, puisque plus d'un journaliste a titré : « Une bête contaminée est partie dans les circuits de distribution et dans l'alimentation. » C'était faux, mais cette version des faits a

été crue, provoquant la psychose.

Nous devons faire face à cette réalité : une population troublée, des ventes en chute trois ou quatre fois supérieure à ce que nous avons connu en 1996 aux pires moments de la crise de ESB, un sinistre économique,...

M. Thierry Mariani.

Dites-le à M. Ayrault !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... avec des élus, monsieur Mariani, de tous bords,...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Chirac !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... qui, pour répondre démocratiquement - à la demande de leur opinion, des parents d'élèves, des consommateurs de leur ville, se sont peut-être trop empressés de rajouter à la psychose en interdisant le boeuf. Pourtant, je le dis aussi sereinement que possible, si la consommation de viande de boeuf avait présenté le moindre risque de danger, il y a


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

longtemps que le gouvernement français, celui-ci ou d'autres avant lui, aurait interdit la consommation de boeuf, et pas seulement dans les cantines scolaires, mais pour tous les Français.

La réalité, c'est que nulle part dans le monde un chercheur n'a trouvé de prion dans la viande rouge, dans le muscle pur tel que nous le mangeons dans nos assiettes.

Le danger se trouve, nous le savons parfaitement, dans ce que l'on appelle les matériaux à risques spécifiés, lesquels ont été retirés les uns après les autres de la consommation humaine. Aujourd'hui, nous sommes face à une crise qui, à bien des égards, a une part d'irrationnel. Cela rend la situation un peu plus difficile à gérer.

Il faut essayer de retrouver collectivement, tranquillement, sereinement, les voies de la raison. L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments peut nous y aider en rendant ses avis. Les décisions que nous serons amenées à prendre quand nous serons prêts y contribueront peut-être. En attendant, nous avons ce problème sur les bras et l'intervention de toutes les personnes qui seraient susceptibles de faire revenir un peu de raison sera la bienvenue et je m'adresse à tout le monde ici.

Il est des moments où il faut savoir prendre ses responsabilités et ne pas chercher à provoquer la psychose.

A ce propos, je regrette que certaines déclarations solennelles, y compris émanant d'un haut niveau de l'Etat, aient participé de cette psychose. La parole d'un chef de l'Etat, c'est quelque chose de lourd.

M. Alain Tourret.

Chirac est irresponsable !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Quand une intervention présidentielle prend à témoin les Français chez eux, le soir, dans une émission télévisée (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , elle revêt une solennité particulière qui participe de la psychose.

M. Alain Tourret.

C'est irresponsable !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Même si je suppose j'en suis même sûr - que telle n'était pas l'intention du chef de l'Etat, le résultat est là.

M. Christian Jacob.

Une heure et demie, c'est vraiment trop ! Ces propos sont lamentables !

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis.

Taisez-vous, monsieur Jacob.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mesdames et messieurs les députés, voilà ce que je souhaitais vous dire sur les problèmes de sécurité alimentaire, mais nous aurons certainement l'occasion d'en reparler, hélas ! Ce que nous pouvons faire aujourd'hui, c'est revenir à plus de sérénité et de rationalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Rappel au règlement

M. François Sauvadet.

Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

Sur quel article fondez-vous votre rappel au règlement, monsieur Sauvadet ?

M. François Sauvadet.

Sur l'article 58, qui a trait au déroulement de la séance publique.

M. le président.

Si ce n'est pas un rappel au règlement, je vous interromprai. Nous sommes bien d'accord ?...

M. François Sauvadet Tout à fait ! Ce rappel au règlement sera assorti d'une demande de suspension de séance.

L'opposition tout entière, aussi bien le RPR, le groupe DL que le groupe UDF, ne peut accepter, je le dis très franchement, les propos du ministre. Face à une crise aussi grave qui frappe l'opinion, qui touche un pan entier de l'économie,...

M. Michel Vergnier.

Rajoutez-en !

M. François Sauvadet.

... il n'est pas admissible qu'on emploie le terme de « bla-bla » pour qualifier les propos que l'opposition a tenus pour demander tout simplement que des dispositions précises soient prises pour sauver la filière.

Nous trouvons également inacceptable qu'un ministre de la République mette en cause publiquement à la tribune de l'Assemblée ce qu'a pu déclarer le chef de l'Etat, dans un propos responsable et attendu par l'opinion.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Augustin Bonrepaux.

C'est de l'irresponsabilité !

M. François Sauvadet.

Monsieur le président, devant la gravité des propos qui ont été tenus, je le dis avec solennité, nous nous devons de réagir. C'est le droit de l'opposition de s'exprimer et de contrôler l'action du Gouvernement. Et vous devriez être très sensibles, mes chers collègues, aux propos que je tiens, parce qu'il ne serait pas plus acceptable qu'un ministre issu de nos rangs tienne de tels propos à l'égard de vous-mêmes ! Jamais cela ne s'est fait ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Et si notre rôle est précisément de contrôler et de proposer, votre rôle à vous, monsieur le ministre, est de respecter ce que nous disons et ce que nous avons à proposer.

M. Michel Vergnier.

Vous ne proposez rien !

M. François Sauvadet.

Vous ne représentez pas toute la France à vous seul, même si vous vous exprimez au nom de la France, ce que vous avez parfois oublié en vous adressant exclusivement à votre majorité socialiste sur des affaires aussi graves. Dans votre long soliloque d'une heure et demie, vous n'avez pas répondu à nos questions.

Pour ces raisons et parce que je souhaite que le débat retrouve une sérénité, je vous demande, monsieur le président, une suspension de séance de dix minutes.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Ce n'est pas un rappel au règlement !

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est du cinéma !

M. le président.

M. Sauvadet est fondé à demander une suspension de séance puisqu'il a la délégation de son groupe. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

La demande de suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures, est reprise à vingt-trois heures dix.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

M. le président.

La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. Christian Jacob.

Je demande la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président.

M. le président.

Fondé sur quel article ?

M. Christian Jacob.

Sur l'article 58 relatif au déroulement de la séance.

M. le président.

Je vous en prie, monsieur Jacob.

M. Christian Jacob.

Après ses écarts de langage et ses dérapages, j'aimerais que M. le ministre prenne devant nous l'engagement de revenir à plus de sérénité en s'en tenant au budget de l'agriculture, qui seul nous intéresse, au lieu d'aborder d'autres sujets et surtout qu'il ne se permette pas de mettre en cause le Président de la République dans cette enceinte, où, comme vous le savez, il n'a pas la possibilité de répondre.

M. le président.

La présidence prend acte de votre rappel au règlement, monsieur Jacob.

Reprise de la discussion

M. le président.

Nous en arrivons aux questions.

Mes chers collègues, je vous rappelle que vous disposez chacun de deux minutes pour poser votre question. Il est souhaitable que le Gouvernement s'en tienne à la même durée pour y répondre.

Nous commençons par le groupe communiste.

La parole est à M. René Dutin.

M. René Dutin.

Monsieur le ministre, ma question porte sur la revalorisation de la retraite forfaitaire agricole.

Vous le savez, nous jugeons vos propositions insuffisantes en la matière. Nous avions demandé que les retraites minimales des agriculteurs non salariés soient portées dès cette année au niveau du minimum vieillesse. Vous avez reporté cette mesure en 2002. C'est pourquoi, à titre personnel, je ne voterai pas les crédits du BAPSA.

Vous avez prévu que cette mesure ne touche que les c hefs d'exploitation et les veuves qui percevront 3 575 francs par mois. Les conjoints et les aides familiaux pour leur part n'auront que 2 840 francs. Pourtant, ce sont des retraités à part entière qui ont fourni autant de travail que les chefs d'exploitation. Dès lors, nous ne comprenons pas pourquoi leurs retraites seraient plus faibles. Chaque retraité doit compter pour un.

Les conjoints en question sont dans la presque totalité des femmes. A l'heure où chacun oeuvre pour une véritable égalité homme-femme, pourquoi le monde agricole resterait-il à l'écart ? La retraite d'une épouse ne doit pas être calculée par rapport à celle de son mari. En un mot : mêmes annuités cotisées et validées, même retraite ! Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour que les retraites minimales soient portées au niveau du minimum vieillesse pour tous les retraités agricoles non salariés considérés individuellement ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, je voudrais d'abord vous présenter des excuses car j'ai, tout à l'heure, largement dépassé le temps de parole qui était prévu pour mon intervention. Je p rends l'engagement devant vous, puisque l'on me demande de prendre des engagements, de rattraper le temps perdu en répondant aux questions aussi vite que possible.

Monsieur Dutin, j'ai répondu tout à l'heure à vos préoccupations. Le Gouvernement, outre les mesures de revalorisation des retraites agricoles, a décidé de porter à 27,5 le nombre des années de cotisation nécessaires, le seuil de 32,5 années excluant trop de personnes.

On peut toujours dire que l'on ne va pas assez vite, mais les engagements pris sont scrupuleusement tenus.

Maintenant, nous sommes prêts à travailler avec les parlementaires pour trouver un prolongement aussi satisfaisant que possible à ce plan.

M. le président.

La parole est à M. René Dutin, pour une seconde question.

M. René Dutin.

Ma deuxième question porte également sur la situation des retraités agricoles et concerne le coefficient de minoration.

Les retraités agricoles non salariés justifiant d'une durée de cotisation inférieure à 37,5 années n'ont pas bénéficié au prorata des majorations successives de la retraite forfaitaire. Ceux qui ont cotisé moins de 32,5 ans, quant à eux, n'ont eu que des revalorisations infimes. Le coefficient de minoration prévu par le décret du 28 février 1997 est à l'origine de cette injustice, que les retraités agricoles vivent, à juste raison, comme indigne et humiliante.

Lorsque je vous ai interrogé sur ce point l'an passé, vous m'avez répondu que les personnes ayant cotisé moins de 32,5 ans avaient, pour la plupart, exercé une autre activité et percevaient en conséquence une pension d'un autre régime.

Vous avez ajouté que certaines personnes, notamment veuves ou conjointes d'exploitants agricoles, ne se trouvaient toutefois pas dans ce cas et ne percevaient qu'une pension de retraite du régime agricole. En conséquence, vous entendiez proposer une mesure corrective.

Malheureusement, la mesure appliquée pour 2000 a été presque insignifiante : elle a consisté à abaisser le seuil de revalorisation à 27,5 ans pour les retraités ne disposant que de leur pension agricole. J'ajoute qu'il n'est guère possible qu'une personne ayant cotisé trente ans ou même vingt ans au régime agricole puisse percevoir par ailleurs une retraite importante.

M onsieur le ministre, quelles mesures allez-vous prendre pour que tous les retraités agricoles bénéficient de revalorisations ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'ai, là aussi, déjà répondu !

M. le président.

Pourriez-vous confirmer votre réponse, monsieur le ministre ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Sans répéter ce que je viens de vous répondre, monsieur Dutin, je vous confirme que le Gouvernement fait le maximum. Il tient ses engagements et se montre prêt à travailler à cette question avec le Parlement. J'ai dénoncé pendant des années, en tant que rapporteur pour avis du BAPSA, la faiblesse des revenus et des retraites agricoles, me fondant sur des exemples concrets de ma circonscription. Je n'ai donc aucun mal à être convaincu de la pertinence et la légitimité des revendications que vous exprimez. Mais, vous le savez, monsieur le député, milliard


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après milliard, les petits ruisseaux font les grandes rivières budgétaires. Bien sûr, l'effort que nous faisons devra être poursuivi.

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Monsieur le ministre, mon collègue Jean-Pierre Abelin souhaitait vous interroger sur les CTE. Il vous fait observer que pour 100 000 CTE à 150 000 francs, ce n'est pas 950 millions de francs qui seraient nécessaires mais 3 milliards de francs par an sur cinq ans. Il déplore que dans son département de la Vienne, la modulation coûte à l'ensemble de la profession 35 millions de francs. Enfin, il souhaite savoir comment le Gouvernement compte obtenir une contrepartie de Bruxelles étant donné qu'il y a un milliard en moins de dépensé.

S'agissant de Bruxelles, monsieur le ministre, j'ai, moi aussi, une question. Les propositions de la Commissione uropéenne concernant l'OCM du sucre mettent l'ensemble de l'agriculture européenne dans un état de choc. En décidant de limiter à deux ans sa reconduction, elle dévoile, en fait, sa véritable intention, qui est de renégocier l'ensemble de la PAC dès 2002.

Monsieur le ministre, en répondant tout à l'heure à ce sujet à François Guillaume, vous n'avez pas affiché de volonté particulière. Mais comment les décisions de la Commission européenne pourraient-elles primer celles prises par les chefs d'Etat et de gouvernement, notamment à Berlin, où ils se sont accordés pour que ce règlement aille jusqu'en 2006 ? Saurez-vous vous montrer ferme sur cette importante question ?

M. le président.

Monsieur Gengenwin, je dois vous rappeler que la conférence des présidents a interdit que l'on pose une question au nom d'un collègue dans le cadre du budget.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, je serai encore très bref : j'ai déjà parlé du sucre dans une précédente intervention.

M. Germain Gengenwin.

Oui, mais que proposez-vous précisément ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Gengenwin, vous n'avez pas entendu ! La France a proposé de reconduire pour six ans l'OCM. Elle a été suivie par neuf pays. A présent, c'est à la Commission de revoir sa copie en tenant compte de la position qui s'est démocratiquement exprimée au sein du conseil des ministres de l'agriculture. C'est clair, net et précis. Les professionnels le savent, notamment les betteraviers, avec qui nous avons mené un travail de négociation.

Quant à la modulation, je le redis, elle n'est pas un impôt. C'est une manière de distribuer une partie marginale de l'argent public destiné aux agriculteurs sur des critères qualitatifs, et non pas seulement productifs. Ces sommes seront dépensées pour l'agriculture française à travers les CTE, je l'espère, ou d'une autre manière, rassurez-vous.

M. le président.

La parole est à M. Dominique Caillaud.

M. Dominique Caillaud.

Ma question concerne également les retraités agricoles, qui ne semblent pas bénéficier de l'« égalité à la française ». En matière d'objectifs, on nous parle toujours de 2002. Mais en 2001, les agriculteurs restent la dernière grande catégorie à ne pas bénéficier de la mensualisation de leur retraite. En outre, la hausse de 0,5 % ne représente en fait que 16 francs supplémentaires par mois pour une retraite moyenne. Et 16 francs, on sait ce que c'est quand on va faire son plein.

En ce qui concerne le minimum vieillesse, nous devrons aussi attendre 2002.

Quant au régime de retraite complémentaire, si j'ai bien entendu vos promesses, il devrait voir le jour. Mais c'est de certitudes dont nous avons besoin.

Enfin, la déductibilité du revenu imposable des cotisations de retraites complémentaires instaurée en 1997 reste une obligation pour le moins fastidieuse et il serait souhaitable de supprimer le plafonnement à 7 % pour ne conserver que la limite de trois fois le plafond de la sécurité sociale.

Monsieur le ministre, compte tenu des améliorations c onjoncturelles et des excédents, serait-il possible, dès 2001, de mettre en place la mensualisation et de créer un régime de retraite complémentaire ? En ce moment de crise grave, de telles mesures seraient un signe fort de confiance à l'égard de toutes les générations de l'agriculture.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je suis prêt à entendre toutes vos propositions. Le plan pluriannuel de revalorisation des retraites est ce qu'il est. Mais au moins, nous avons pris nos engagements en toute transparence et nous les avons tenus. Et en matière de retraites agricoles, cela n'a pas toujours été le cas. Je m'arrête là pour éviter les polémiques inutiles.

Cela étant, je ne peux pas vous laisser dire que ces augm entations sont dérisoires. Elles représenteront sur l'ensemble de la législature un surcoût de 25 ou 26 milliards, ce qui est loin d'être négligeable, vous en conviendrez.

Quant à la mensualisation, j'ai jusqu'à présent estimé n'être pas en mesure de prélever sur le budget de la nation, en une seule année, les 6 à 7 milliards qu'elle nécessite. Mais la proposition faite par l'équipe dirigeante de la MSA de procéder à cette réforme par le recours à un emprunt à long terme avec une participation de l'Etat à hauteur de 250 millions de francs par an me paraît être une nouveauté intéressante. Je ne prends pas d'engagement, si ce n'est celui d'y travailler et d'essayer de trouver une solution. Si je pouvais mettre en place la mensualisation cette année ou l'année prochaine, ce serait avec un immense plaisir que je le ferais.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Marie Morisset.

M. Jean-Marie Morisset.

Monsieur le ministre, il y a un mois dans cet hémicycle vous annonciez le retrait des intestins de bovins de la consommation. Les professionnels attendent avec beaucoup d'impatience la publication de l'arrêté afin de connaître les mesures d'accompagnement. Pour l'heure, ils ne savent pas comment ils seront indemnisés.

Les difficultés de mise en place des CTE ont déjà été évoquées à maintes reprises. Mais si j'y reviens, monsieur le ministre, c'est que j'ai eu le plaisir de vous accueillir dans mon département, au mois d'avril dernier, à l'occasion de la signature des quatorze premiers contrats, lesquels, à vrai dire, avaient été préparés dans la préci pitation. Savez-vous combien ont été signés depuis ? Neuf, neuf en huit mois ! Pourtant, l'administration agricole


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

départementale et la profession se sont largement mobilisées. Plus de mille agriculteurs étaient accueillis en début d'année dans les formations. Alors, comment expliquer le décalage entre les attentes exprimées sur le terrain et lesr ésultats obtenus ? La raison principale tient à la complexité administrative du dispositif, que vous avez implicitement reconnue tout à l'heure.

La mise en place des CTE repose sur des contrats types. Mais leur multitude entraîne des incohérences qui empêchent de rendre des arbitrages. Et à ce jour, le préfet n'a signé aucun arrêté. Les agriculteurs attendent toujours que les règles du jeu leur soient données.

Leurs inquiétudes concernent aussi le financement de ces contrats. Les mesures types imposent des contraintes des surcoûts dues aux nouvelles pratiques adaptées, ce qui justifie parfois un accompagnement financier sur cinq ans.

Mais il est souvent moins important que ce qui avait été annoncé lors du lancement du dispositif. Là encore, les agriculteurs attendent avec impatience les règles du jeu définitives.

Il me semble, monsieur le ministre, que vous compliquez vous-même les règles du jeu. Pour répondre aux préoccupations des éleveurs ovins cet été, vous leur avez proposé des CTE-ovins.

M. le président.

Posez votre question, monsieur Morisset.

M. Jean-Marie Morisset.

Je termine, monsieur le président.

Aux viticulteurs de Charente-Maritime, vous avez, monsieur le ministre, suggéré la même solution. Ma question sera simple : les CTE seront-ils un passage obligé à chaque difficulté de conjoncture ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je ne peux laisser passer ce que vous dites sur l'arrêté concernant les intestins. En effet, si nous avons pris du temps, c'est que nous avons voulu l'élaborer en étroite concertation avec les professionnels. Ces derniers savent très bien où il en est et ce qu'il contient, puisque nous l'avons négocié et presque rédigé avec eux.

S'agissant des CTE, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Je ne sous-estime pas les problèmes de complexité - j'en ai dit un mot tout à l'heure -, mais je suis bien obligé de vous dire, par souci de vérité, que dans certains départements l'on en signe des dizaines, voire une centaine. Comment se fait-il que cela marche dans certains endroits et pas dans d'autres ? Apparemment, dans certains départements, on sait franchir les obstacles insurmontables que vous décrivez, dans d'autres moins. Peut-être faut-il d'ailleurs en chercher la cause aussi bien du côté des organisations professionnelles que de l'administration puisque, si j'ai bien compris, tous les élus, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent dans cet hémicycle, sont mobilisés pour faire réussir le CTE.

Enfin, pour ce qui est de la filière ovine, non je ne considère pas que le CTE soit le point de passage obligé pour toute mesure d'ordre conjoncturel. Cela dit, compte tenu de sa structure même et de l'intérêt qu'elle présente en matière d'aménagement du territoire, d'entretien des paysages, de création et de maintien d'emplois - Jean Launay l'a très bien dit dans son rapport - cette filière peu très bien inscrire son avenir dans cette logique de projet et y trouver avantage. Il y a de l'argent disponible et la filière ovine doit tout faire pour s'en saisir. Nous sommes en train de travailler avec elle à la simplification du CTE-ovins et j'ai bon espoir qu'elle pourra ainsi en tirer assez vite bon profit.

Rappel au règlement

M. Thierry Mariani.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour un rappel au règlement.

M. Thierry Mariani.

Sans esprit polémique, monsieur le président, je me fou de l'article 58 du règlement relatif au déroulement de la séance. Jusqu'à présent, nous avions une chaîne parlementaire qui retransmettait nos débats.

Nos concitoyens pouvaient ainsi les suivre, même du fin fond de la province. Il est vingt-trois heures trente, nous sommes environ une centaine dans cet hémicycle, de gauche comme de droite, et j'estime - mais je ne suis pas le seul - que les échanges que nous avons eus tout à l'heure sur des problèmes d'actualité mériteraient d'être connus des Français.

M. Robert Gaïa.

C'est vrai !

M. Thierry Mariani.

Il aurait donc été bon que la chaîne parlementaire s'en fasse l'écho. Or j'étais à la buvette pendant la suspension de séance et qu'ai-je vu sur cette chaîne ? Un historien de la mer, appartenant à l'Institut catholique ! C'était sans doute très intéressant et fort sympathique, mais nous nous plaignons, monsieur le président, quelle que soit notre position dans cet hémicycle, du peu d'écho qu'ont nos débats.

M. Patrick Lemasle.

C'est hors sujet !

M. Thierry Mariani.

Nous sommes une centaine de parlementaires ce soir à faire preuve de civisme en étant présents, parce que nous estimons que c'est notre devoir, et je regrette que la chaîne parlementaire ne se fasse pas plus l'écho de nos discussions. Désormais, nous avons peu de débats et beaucoup de bla-bla-bla, pour reprendre votre expression, monsieur le ministre !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est une insulte insupportable ! (Sourires.)

M. Thierry Mariani.

Non, c'est une boutade amicale ! Je préférerais que la chaîne parlementaire retransmette davantage nos débats et un peu moins de commentaires.

Cela nous serait profitable à tous !

M. Michel Bouvard.

Si la chaîne parlementaire fonctionnait, cela se saurait ! Elle coûte cher et fonctionne très mal !

M. le président.

La conférence des présidents sera i nformée de votre rappel au règlement, monsieur Mariani.

Reprise de la discussion

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

La parole est à M. Stéphane Alaize.

M. Stéphane Alaize.

Monsieur le ministre, la réglementation européenne change et apporte des modifications importantes au dispositif des indemnités compensatoires de handicap naturel.

Le programme de développement rural national définit le nouveau dispositif. Le zonage n'est pas remis en cause pour la montagne et pour les zones défavorisées. Le res-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

pect des bonnes pratiques est considéré comme assuré dès lors que le taux de chargement est compris entre certaines bornes correspondant au sous-pâturage et au sur-pâturage.

Mais à ce niveau apparaissent des problèmes qui pourraient conduire à l'affaiblissement, voire à la disparition d'une agriculture déjà fragile, si on les néglige. Je pense notamment à l'élevage dont le taux de chargement est inférieur à 0,15 en montagne sèche ou à 0,35 en piémont sec. Dans le cadre de négociations en cours, l'Etat français propose que, pour de telles situations, il puisse être dérogé au taux minimal de chargement. Cependant, cette disposition n'est pas encore actée. Où en est-on de cette question ? Pour tenir compte de la situation des éleveurs dont l'indemnité serait réduite dans le nouveau dispositif et de ceux qui en seraient exclus, l'Etat a prévu un régime de transition sur deux ans qui apporterait une compensation des deux tiers, puis du tiers de la différence entre les deux années. Ce dispositif devrait permettre aux éleveurs de s'adapter aux nouvelles conditions. Qu'en est-il exactement ? Enfin, se pose le problème du report du versement. Les indemnités compensatoires étaient calculées sur la base des déclarations faites au 31 janvier, ce qui permettait un versement en fin de premier trimestre. Désormais, la base de calcul sera la déclaration de surface déposée le 30 avril.

Il ne sera donc pas possible de procéder au versement aux mêmes dates qu'avant. Pour ne pas trop perturber la trésorerie des exploitations, le ministère de l'agriculture et de la pêche envisagerait d'accorder un acompte avant instruction complète du dossier à ceux qui percevaient des i ndemnités cette année. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur ce point et dire, à l'occasion, à la Commission européenne que le renforcement des ICHN nous permettrait de refaire manger de la bonne herbe à nos vaches et à nos moutons ?

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, j'ai répondu tout à l'heure dans mon intervention à l'essentiel de votre question.

Je voudrais qu'il soit bien clair entre nous que le Gouvernement n'entend pas remettre en cause la politique de la montagne, définie il y a vingt-cinq ans, et encore moins la « mettre à bas ». Nous reprenons la négociation avec la Commission parce que nous n'acceptons pas ce qu'elle nous a proposé sur les taux de chargement et les exclusions en dessous et au-dessus des seuils. Mais une fois qu'elle sera terminée, je souhaite que cette politique aboutisse à une pérennisation, donc à une solidification et non à une fragilisation, des ICHN, à l'augmentation notable des indemnités d'une majorité d'agriculteurs et à une simplification du dispositif pour qu'il soit plus lisible, plus facile à comprendre. Enfin, nous souhaitons que personne ne soit exclu de ce dispositif. C'est un point sur lequel nous n'avons pas encore obtenu satisfaction, mais que nous renégocions. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous affecterons 500 millions de francs supplémentaires par an à la politique de la montagne et aux ICHN. Cela montre la volonté du Gouvernement de renforcer cette politique de l'agriculture en montagne, que je crois indispensable compte tenu des services qu'elle rend à la société.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Bascou.

M. Jacques Bascou.

Monsieur le ministre, je souhaite vous poser deux questions sur la situation du marché des vins de table et de pays. Ce problème sensible dans le Midi préoccupe les élus, mes collègues Perez, Alary, Codognès, Alaize, Gaïa, et les professionnels qui ont demandé une distillation en début de campagne, mesure permettant de réguler le marché et d'apurer les stocks.

Dans le cadre de la nouvelle OCM, la distillation prévue n'est pas à même de répondre à ces objectifs en raison du faible prix payé. Il n'a pas été envisagé pour l'actuelle campagne, au plan national, un complément de prix à la distillation communautaire, qui aurait assuré un prix plancher efficace. Cela passe par une modification de l'OCM sur le volet « gestion du marché » qui permettrait une modulation du prix de la distillation préventive.

Vous avez annoncé aux professionnels viticoles, au mois d'août dernier, une démarche en ce sens auprès de la Communauté européenne. Où en est cette initiative ? Pour la campagne 2000, vous avez répondu à l'attente des viticulteurs en mobilisant une enveloppe de 75 millions de francs, notamment pour renforcer la promotion des vins de table et de pays à l'étranger. Ma deuxième question portera sur la mise en oeuvre de cette mesure dont on peut se féliciter. Comment impulser une démarche promotionnelle à l'étranger si, en France, les campagnes de lutte contre l'alcoolisme, dont les viticulteurs ne contestent pas le principe, prennent pour cible principale le vin, présenté sans discernement comme dangereux, alors que sa consommation baisse, contrairement à celle des alcools durs, qui progresse chez les jeunes ?

M. Jean-Claude Perez.

Très juste !

M. Jacques Bascou.

Les découvertes scientifiques sur les bénéfices d'une consommation modérée de vin sur la santé, le fameux french paradox , avaient eu un impact positif sur la consommation de vin en France et sur nos exportations. Aujourd'hui, alors que ces exportations régressent et que l'actualité montre la place que peut p rendre l'irrationnel dans ces problèmes de santé publique, comment éviter que l'amalgame trop souvent opéré en France entre vin et alcoolisme ne vienne contrecarrer les mesures que vous avez prises ? (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Si j'ai bien compris, monsieur le député, vous posez cette question au nom des trois groupes de la majorité ! (Sourires.)

M. Philippe Auberger.

Ça s'arrose !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je voudrais simplement apporter une petite précision à ce que vous avez dit. Le problème n'est pas tant de modifier l'OCM viti-vinicole que de mettre en conformité les règlements d'application avec la décision politique prise à Berlin. Et c'est ce qui nous oppose actuellement à la Commission. Je partage donc complètement votre analyse et vos propositions.

Comme vous l'avez dit, nous ne sommes pas encore parvenus à nous mettre d'accord avec la Commission sur les règles de distillation préventive, qui sont pour nous essentielles. Nous avons dû faire face cette année à une situation particulière. Nous avons pris ces décisions en cours de campagne en dégageant une aide de 75 millions de francs, qui a permis de satisfaire assez largement la profession.

N ous sommes toujours en négociation avec la Commission sur tous les points que vous avez évoqués - distillation, règlements d'application - et sur des problèmes nouveaux, s'agissant notamment de l'arrivée sur le


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marché de certains produits issus de mélanges dont la traçabilité est assez obscure et qui concurrencent de façon déloyale nos vins de qualité. J'ai donc demandé au commissaire Fischler d'avoir l'amabilité de recevoir une délégation de viticulteurs français de l'interprofession conduite par Denis Verdier, président de l'ONIVINS.

Cette rencontre a eu lieu la semaine dernière à la grande satisfaction de ces professionnels. Je pense qu'elle a permis de débloquer la situation, même s'il faut rester vigilant. Ce combat est encore à mener, il est devant nous, mais la mobilisation est telle que j'ai bon espoir que nous parvenions à le gagner.

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Après une hausse significative en 2000, époque à laquelle il s'était élevé à 45 millions de francs, contre 43,5 en 1999, le budget alloué aux SAFER connaîtra une progression notable en 2001. Il atteindra en effet 50 millions de francs auxquelss'ajoutera un cofinancement communautaire, via le FEOGA, ce qui doit au final représenter plus du double de l'intervention actuelle. Tout en saluant cette évolution, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous assuriez que ce budget sera bien un outil mis au service des missions de service public des SAFER, dont le rôle ne saurait être confondu avec celui de simples agences foncières.

La loi d'orientation agricole que nous avons votée au mois de juillet 1999 affirme, entre autres axes essentiels, pour le monde agricole et plus largement pour le devenir de la ruralité, la volonté de maintenir une agriculture vivante sur tout le territoire en assurant la pérennité des exploitations et en luttant contre leur concentration excessive. Je me réjouis, monsieur le ministre, que vous ayez confirmé ce soir votre détermination en la matière.

Ainsi, cette loi d'orientation, dont le décret du 10 juillet 2000 a d'ailleurs confirmé, en l'élargissant, le champ d'action des SAFER, doit, me semble-t-il, conduire celles-ci à jouer un rôle encore plus significatif dans le champ de la maîtrise foncière et leur confère une responsabilité éminente pour favoriser l'installation de jeunes agriculteurs, participer à un aménagement équilibré des territoires ruraux et, plus largement, lutter contre la désertification de certaines zones rurales.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Madame la députée, je voudrais vous rassurer : la hausse des crédits, que vous avez soulignée et qui montre la volonté du Gouvernement de soutenir l'activité des SAFER, va de pair avec le nécessaire recadrage de l'activité de celles-ci.

Cette hausse sera en effet conjuguée avec une révision des m odes d'affectation des subventions destinées aux SAFER, autour de deux idées.

La première idée, c'est qu'il faut faire correspondre leurs activités avec les nouvelles règles du plan de développement rural national. Nous aurons là l'occasion de procéder à une remise à plat de leurs actions.

La deuxième idée, c'est que l'on puisse mettre en oeuvre des règles de mutualisation pour l'attribution de ces subventions de fonctionnement, afin que celles-ci soient accordées prioritairement aux SAFER qui en ont le plus besoin, notamment à celles en difficulté. Donc, ma réponse est claire : oui à l'ensemble de vos sollicitations !

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

La parole est à M. Jean-Paul Nunzi.

M. Jean-Paul Nunzi.

Un nouveau règlement de l'Union européenne régissant les promotions sur les marchés intracommunautaires va modifier ses modes d'intervention. Les thèmes d'actions de promotion de cette communication, dite générique, par rapport aux publicités de marques, doivent porter sur les caractéristiques intrinsèques et les avantages des produits communautaires en termes de qualité, hygiène, sécurité alimentaire, aspects nutritionnels.

Ainsi des campagnes de promotion générique concernant les fruits et légumes sur le marché du frais pourrontelles être mises sur pied avec un financement communautaire de 50 % avec, en contrepartie, un financement de l'Etat membre de 20 % et des organisations professionnelles de 30 %. Ces organisations professionnelles françaises du secteur des fruits et légumes souhaitent profiter de ce nouveau règlement pour lancer des campagnes de promotions génériques. Mais cela ne peut se concevoir qu'avec une participation de 20 % de l'Etat français.

C'est pourquoi je vous saurais gré, monsieur le ministre, de bien vouloir préciser vos intentions concernant le financement de la part Etat.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je vous ai dit tout à l'heure quels étaient les trois grands axes d'action du Gouvernement s'agissant des fruits et légumes ; je pense que nous aurons atteint nos objectifs en cette fin d'année : soutien aux travailleurs saisonniers par allégement de charges - c'est une mesure que nous avons prise avant l'été, qui a été très efficace et très appréciée par le secteur -, réforme de l'OCM - elle est en cours - et réforme des nouvelles régulations économiques pour équilibrer les relations entre producteurs et distributeurs. En suivant ces trois axes de décisions, nous pourrons sortir le secteur de fruits et légumes des difficultés qu'il connaît actuellement.

Je ne peux pas vous répondre sur le cofinancement tant que je ne connais pas le résultat de la réforme de l'OCM. Nous sommes en train d'y travailler. La Commission a fait des propositions qui sont insuffisantes, mais qui vont dans le bon sens. Nous les réexaminerons dans quinze jours, lors du prochain conseil agriculture.

J'ai moi-même écrit au commissaire Fischler pour lui faire part d'idées de compromis entre sa position et les propositions d'autres Etats membres. Nous avançons donc. Mais ce n'est que lorsque je connaîtrai les résultats en matière d'intervention de l'OCM que je pourrai vous dire ce que cela suppose comme intervention des Etats membres. Dernier point sur lequel je veux insister, nous avons élaboré ces dernières semaines un plan de restructuration du verger - j'en ai parlé récemment avec les organisations professionnelles - qui sera doté de 600 millions de francs sur plusieurs années et qui nous permettra de faire à la fois de l'arrachage, de la reconversion, des départs à la retraite anticipée. Bref, c'est un véritable plan économique et social pour la restructuration du verger. Ce sera le quatrième pilier de notre action. Avec ces quatre outils, nous pourrons faire du très bon travail pour les fruits et légumes.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

Monsieur le ministre, je voudrais d'abord vous faire part d'une préoccupation des arboriculteurs et des producteurs de pommes. Les dossiers sont examinés par l'ONIFLHOR à condition que les pro-


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ducteurs fassent partie d'une organisation professionnelle.

Or certains d'entre eux marquent leur volonté d'entrer dans une OP, mais n'en trouvent pas pour les accueillir.

Ma question porte sur les moyens mobilisés pour la reconversion à l'agriculture biologique. Nous notons avec plaisir qu'ils augmentent dans votre budget et que vous vous êtes fixé pour objectif de consacrer 5 % des surfaces à l'agriculture biologique d'ici à cinq ans. Les moyens c'est bien, un objectif c'est encore mieux, mais force est de constater que, sur le terrain, le nombre de reconversions a baissé cette année. Après avoir été de 2000 en 1 999, il n'est plus à ce jour que de 150 pour l'année 2000. Les dispositifs de reconversion sont passés dans l'enveloppe de CTE, et force est de constater que cela marque le pas.

Dans la période que nous traversons, marquée par la crise de la vache folle, les craintes fondées sur les OGM, l'artificialisation toujours croissante de notre nourriture et les difficultés toujours plus grandes rencontrées par les agriculteurs pour maîtriser leur production, l'agriculture biologique peut permettre d'assurer la sécurité des aliments en leur conférant une certaine qualité. En outre, elle présente des aspects positifs tant pour les consommateurs que pour les agriculteurs, l'emploi, l'activité en milieu rural, bref, pour notre économie, car nous importons aujourd'hui encore la plus grande quantité de nos céréales, en particulier celles destinées à nourrir nos animaux. Vous nous avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, que vous aviez l'assurance que les crédits non consommés resteraient acquis à votre ministère.

D'où mes trois questions très brèves. Comment comptez-vous débloquer les dossiers en suspens avant la fin de cette année ? Les reconversions non réglées en suspens cette année s'ajouteront-elles à celles de l'an prochain ? Comment comptez-vous atteindre l'objectif que vous vous êtes donné pour 2005 ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, sur le CTE, j'ai déjà répondu largement.

Sur l'agriculture biologique, je m'arrêterai quelques instants.

La conversion à l'agriculture biologique reste pour moi un objectif majeur. Cette forme d'agriculture, en termes de pratiques culturales et de respect de l'environnement, répond aux attentes de la société et au besoin de nos paysages et de nos nappes phréatiques. Elle répond à une demande économique et, vous l'avez justement rappelé, parce que nous ne produisons pas assez, nous devons importer des productions biologiques qui sont soumises à des conditions parfois moins exigeantes que celles imposées dans notre pays.

Les règles de financement et de soutien aux conversions à l'agriculture biologique ont été, avec l'accord explicite de la fédération de l'agriculture biologique dont je rencontre très régulièrement les responsables, transférées sur le CTE, les contrats de conversion n'étant pas fondamentalement différents des CTE. Il se trouve que, pour des raisons dont nous nous sommes largement expliqués ce soir, ces dispositifs ont été gelés pendant quelques mois, le temps de faire avaliser notre plan de développement rural national. Les choses sont maintenant débloquées.

J'ai rencontré par hasard le président de la fédération de l'agriculture biologique et je me suis inquiété auprès de lui du nombre des conversions qui semblait en chute libre par rapport à l'année dernière. Il m'a répondu : « Ne vous en faites pas, on est en train de stocker. Cela va redécoller d'un coup. Ces contrats ont pris un peu de retard, mais ils sont en cours d'élaboration. » Il m'a ainsi

rassuré avant même que j'interroge mes services.

Je peux donc vous dire que nous poursuivons notre chemin et que le rythme de conversion des exploitations en agriculture biologique sera maintenu au niveau élevé de ces dernières années.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Rebillard.

M. Jacques Rebillard.

Monsieur le ministre, certains secteurs de la transformation agro-alimentaire sont plus particulièrement touchés par la crise de la vache folle et subissent le contre-coup des mesures de précaution sanitaire que vous avez prises, d'ailleurs fort justement.

Les boyaudiers qui transforment les boyaux de boeuf se sont retrouvés du jour au lendemain privés d'une matière première. Cette activité est souvent exercée par de petits artisans qui n'auront pas forcément les moyens d'importer des boyaux de boeuf de l'étranger ou de se reconvertir.

Sans compter que, par le passé, ils ont dû investir pour mettre aux normes leurs locaux.

Quelles mesures d'aide à la reconversion pourraient être prises en faveur de ces secteurs très ciblés, de façon à leur permettre de cesser leur activité dignement, sans dettes, dans la mesure où ils n'ont aucune responsabilité dans la cessation d'activité de leur profession ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, cette question va me permettre de revenir un peu sur ce que j'ai dit tout à l'heure à propos de l'arrêté.

Si nous avons pris le temps d'examiner avec les professionnels comment appliquer la décision de retrait de certains matériaux à risques bien spécifiés et auxquels vous faites allusion, c'est parce que nous avons voulu prendre en compte la réalité de cette branche d'activité et de ces entreprises qui peuvent être menacées, dans leur existence même ou leur équilibre, par cette décision de retrait.

Le Gouvernement a décidé de faire jouer la solidarité nationale en mettant en oeuvre des mécanismes assez classiques, qu'ils soient sociaux ou économiques. La mesure de retrait sera donc accompagnée de mesures économiques et sociales permettant de tenir compte de la réalité d'ailleurs très diverse de ces entreprises, en particulier celles qui sont les plus menacées.

Je vous donne donc un accord de principe, qui fera l'objet d'une finalisation dans les tout prochains jours.

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

La parole est à M. Antoine Carré.

M. Antoine Carré.

Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés rencontrées depuis quelques années par les producteurs de légumes et les horticulteurs. La plupart des serristes connaissent de graves problèmes. Les coûts d'énergie - fioul ou gaz subissant une forte hausse, les entreprises maraîchères et les productions de fleurs coupées ou en pot sont gravement menacées.

Les serristes vont donc voir leurs conditions de concurrence mises à l'épreuve. A titre d'exemple, les hausses intervenues représentent un surcoût de 50 centimes à 1 franc sur le prix de revient du kilo de tomates, selon les exploitations. Fortement pénalisés par les charges de main-d'oeuvre et à nouveau surchargés par les coûts de l'énergie, des décisions rapides sur l'évolution de la tarification du gaz sont donc d'une importance capitale pour les exploitants.


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Je citerai, en premier, le gel de toute hausse des tarifs de Gaz de France, afin de se donner le remps nécessaire aux réflexions et, en second, l'élaboration avec GDF d'une tarification nationale spécifique aux productions de serres maraîchères et horticoles.

D'autres solutions existent et doivent être envisagées telles que l'amplification et l'extension de la mesure de compensation des coûts énergétiques, l'exonération totale de toutes les taxes, voire de la TVA, sur les combustibles destinés aux serristes, l'autorisation de pratiquer une provision exceptionnelle pour risques, ce qui permettrait aux entreprises de faire face de façon partielle à leurs charges de chauffage.

Quelles mesures d'urgence envisagez-vous, monsieur le ministre, pour pallier ces difficultés majeures qui obscurcissent l'horizon de ces professions ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, j'ai cité à deux reprises un certain nombre de mesures concernant le secteur des fruits et légumes.

J'ajouterai un mot sur les serristes, qui ont été effectivement lourdement pénalisés par la hausse des prix du gazole car ils chauffent presque toute l'année.

Dans le plan que nous avons négocié après les mouvements sociaux du début du mois de septembre, j'ai tenu personnellement à intégrer une mesure destinée aux agriculteurs les plus exposés à cette hausse du prix du carburant, en particulier les serristes. Cette mesure de 100 millions de francs a fait l'objet de discussions avec les représentants des serristes au sein de l'ONIFLHOR. Je pense que son application remporte un assez large consensus.

J'ai insisté sur le fait que les mesures destinées à faire face à cette hausse que nous espérons conjonctuelle mais rien ne l'assure encore - devront être accompagnées par des actions structurelles en termes d'économie d'énergie ou d'énergies renouvelables. J'ai obtenu la participation de l'ADEME, pour mobiliser un peu plus de crédits encore, chaque fois que nous engagerons des actions structurelles.

Avec l'ONIFLHOR, nous avons donc entamé un programme intelligent, qui permettra de résoudre dans le temps certaines des difficultés rencontrées par les serristes.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

Ma question concerne l'instauration de la retraite complémentaire, tant attendue par les agriculteurs.

Monsieur le ministre, quand allez-vous mettre en place le régime obligatoire fondé sur la répartition, régime auquel vous avez donné un accord de principe le 24 octobre dernier ? Vous travaillez déjà sans doute le projet et je souhaiterais savoir si les actifs qui vont payer une cotisation pourront bénéficier d'avantages comparables à ceux des autres régimes de retraite complémentaire, si le régime sera étendu à ceux qui sont déjà retraités, comme l'ont fait les autres régimes, si les durées de carrière requises tiendront compte de la situation réelle des agriculteurs retraités, si l'Etat apportera sa participation financière indispensable pour assurer l'équilibre et s'il accordera aux agriculteurs la déductibilité fiscale et sociale des cotisations.

Monsieur le ministre, vous êtes conscient de l'insuffisance des retraites des agriculteurs, du besoin d'en assurer le relèvement, plus spécialement pour les plus petites d'entre elles, mais vos objectifs ne sont, à notre sens, pas assez ambitieux.

Je souhaite connaître vos intentions concernant le calcul de la retraite proportionnelle sur les meilleures années de cotisation, comme dans les autres régimes, la modification forfaitaire demandée pour prendre en compte le nombre d'enfants et le paiement mensuel des pensions, comme pour les salariés, les commerçants, les artisans.

Vous nous avez dit tout à l'heure que la MSA vous avait fait des propositions pour faciliter cette évolution.

Sur tous ces points, nos agriculteurs n'ont pas obtenu à ce jour du Gouvernement les réponses qu'ils attendaient, alors que leurs demandes sont tout à fait légitimes.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je suis navré d'apprendre que vous trouvez que mes objectifs manquent d'ambition puisque je n'en ai pas encore affiché le moindre ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Didier Quentin.

C.Q.F.D.

!

M. Thierry Mariani.

C'est un aveu !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Quand il s'agit de bâtir un régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition, il n'appartient pas seulement au Gouvernement de faire des propositions. J'attends celles des professionnels. Cela me paraît la moindre des choses.

L'accord de principe vient d'être donné par le Premier ministre. Nous avons le feu vert pour y travailler et nous y travaillons. Cet accord de principe date à peine de quelques semaines. Les discussions vont commencer, mais, encore une fois, j'attends les propositions des professionnels.

M. le président.

La parole est à M. Paul Patriarche.

M. Paul Patriarche.

Monsieur le ministre, l'été dernier, les feux de forêt ont ravagé la Haute-Corse et en particulier les zones de la Restonica et de Tavagnano et de Vivario-Ghisoni dans la forêt de Vizzanova. 3 120 hectares ont ainsi brûlé.

Si les incendies sont fréquents durant la saison chaude en Méditerranée, les sinistres qui se sont produits cette année restent d'une ampleur sans précédent et les feux qu'a connus le département de la Haute-Corse sont sans équivalent depuis de nombreuses années.

Cette catastrophe revêt un caractère exceptionnel en raison des zones brûlées et de leur impact sur la biodiversité. En effet, nous déplorons la disparation de pins laricio souvent multiséculaires, qui sont reconnus d'intérêt prioritaire au niveau européen, du fait de leur rareté et des espèces animales qu'ils abritent.

Au-delà de l'aspect environnemental, les conséquences économiques sont importantes pour ces micro-régions.

Les communes exploitant des forêts domaniales trouvaient dans la commercialisation de cette essence rare et recherchée une source de revenus non négligeable. Quand aux forêts privées, elles ont été lourdement frappées.

L'impact sur le tourisme sera également important, car un site comme la Restonica figure parmi les joyaux de l'île de Beauté.

Après un tel constat, nous devons penser à la remise en état de ces sites. Il faut sécuriser ces zones, remettre en état les sentiers, replanter les pins et informer les visiteurs.

Ces opérations demandent des moyens financiers considé-


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rables. Nous comptons nous-mêmes faire appel au public pour collecter des fonds. Les collectivités locales se mobilisent. Lors de la désastreuse tempête de décembre 1999, la solidarité nationale s'était généreusement exprimée.

Nous espérons qu'il en sera de même s'agissant de cette catastrophe environnementale et économique.

Ma question sera simple : comment l'Etat compte-t-il nous aider ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, l'Etat vous aide puisque le budget comprend des crédits consacrés pour 300 000 francs aux études d'identification des terrains les plus menacés, et pour 700 000 francs au financement de la restauration des terrains les plus fragiles. En outre, une mission d'expertise composée de fonctionnaires de l'Etat est venue sur p lace au mois de septembre. Nous accompagnons l'ensemble de ces actions et je pense que, grâce à cette expertise et à ce travail en commun, nous avons les moyens de faire face aux urgences, en particulier pour la restauration des terrains de montagne.

Cependant, ce n'est pas à vous que j'apprendrai que ce problème ne se résume pas à la réparation. Peut-être pourra-t-on en reparler, mais il s'agit de savoir comment on peut aider l'Etat à faire en sorte que ces ravages ne se reproduisent année après année. Vous voyez ce que je veux dire...

M. le président.

La parole est à M. Bernard Perrut, pour poser une seconde question.

M. Bernard Perrut.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l'heure un certain nombre d'allégements pour la « ferme France », mais les avancées que vous évoquez ne sont pas à la hauteur des enjeux. Le Gouvernement n'a pas pris la juste mesure de la dégradation du revenu agricole et de l'augmentation des charges qui pèsent sur les exploitations. En témoignent les attentes des agriculteurs en matière fiscale et sociale, qui restent sans réponse.

Etes-vous conscient de la nécessité d'asseoir les cotisations sociales sur une base plus proche du revenu du travail de l'exploitant, compte tenu de la difficulté de distinguer, pour les exploitations agricoles et viticoles, le patrimoine privé du patrimoine professionnel ? A la déduction du revenu cadastral des terres en propriété pourrait être substituée la possibilité, pour le propriétaire exploitant, de déduire de ses revenus professionnels un certain montant, qui pourrait d'ailleurs être calculé a priori sur une base liée au fermage. Y êtes-vous favorable ? Concernant la taxation des plus-values d'actif et afin de permettre la transmission des entreprises dans de bonnes conditions, envisagez-vous de mettre en place une taxation progressive au-delà du seuil d'exonération ? Le mécanisme actuel, vous le savez, est inadapté puisque son effet couperet pénalise la transmission des exploitations et l'installation des jeunes. C'est un véritable problème.

Afin d'encourager l'investissement agricole et de soulager le prélèvement fiscal sur l'autofinancement, envisagezvous d'améliorer la déduction pour investissement, qui pourrait devenir un mécanisme permanent de lissage des résultats ? Cette mesure serait relativement simple à mettre en place.

Enfin, monsieur le ministre, pourquoi la suppression de la vignette sur les véhicules utilitaires de moins de deux tonnes pour les personnes physiques n'est-elle pas étendue aux personnes morales afin d'éviter les discriminations et d'harmoniser le traitement fiscal et social dese xploitants que prône pourtant le rapport MarreCahuzac ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je vois que vous avez lu ce bon rapport, monsieur le député ! Mais si j'ai bien compris, votre logique en matière d'allègements de charges fiscales et sociales est assez simple : c'est celle du « jamais assez ». J'attends donc qu'un jour, après une alternance, le plus tard possible j'espère, vous fassiez l'inverse de ce que vous avez fait dans le passé.

Mais j'arrête là la polémique...

M. Philippe Auberger.

C'est M. Guillaume qui avait mis en place ce dispositif, pas vous !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je voudrais qu'on abandonne cette logique du « jamais assez », pour s'interroger sur la structure de la fiscalité agricole.

Moi aussi, j'ai lu le rapport de Mme Marre, qui m'a beaucoup intéressé, en particulier parce que je ne soupçonnais pas à quel point le forfait était défavorable aux tout petits revenus agricoles. Si vous proposez de remettre en cause le forfait, dites-le clairement. Mme Marre l'a dit.

Pour l'instant, je ne l'ai pas encore dit. Mais ce qu'elle a écrit m'intéresse beaucoup, et je vous demande d'y réfléchir aussi.

M. le président.

Nous en arrivons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Monsieur le ministre, la filière avicole connaît actuellement de graves difficultés. La chute de l'entreprise d'aviculture Bourgoin - 5 milliards de chiffres d'affaires, plus de 4 000 salariés, une quinzaine de sites industriels dans une dizaine de départements cause un grave traumatisme dans plusieurs régions où l'aviculture tient une large place et laisse sans emploi plus de 850 personnes.

Les difficultés de l'aviculture étaient prévisibles depuis plusieurs années. Vous-même, d'ailleurs, quand vous avez été nommé ministre, avez commandé un rapport sur cette filière à l'un de vos fonctionnaires.

Quelles mesures avez-vous prises depuis pour remédier à cette crise prévisible, et que comptez-vous faire pour donner à cette filière, qui constitue un débouché très utile pour notre production végétale, un avenir mieux assuré ? En tant que tuteur des industries agro-alimentaires, vous ne pouvez rester indifférent à la situation des 8 50 salariés du groupe Bourgoin désormais privés d'emploi, et en particulier à celle des 156 personnes qui ont été licenciées la semaine dernière au siège de l'entreprise, à Chailley dans l'Yonne, dans ma circonscription.

Dans ces conditions, quelle contribution le Gouvernement, et notamment votre ministère, compte-t-il apporter a u reclassement professionnel de ces salariés privés d'emploi ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, votre question en comporte en réalité deux.

Votre première question, d'ordre général, porte sur la situation du marché avicole. Le rapport de M. Perrin, haut fonctionnaire du ministère, a été suivi d'effets, puisque nous avons mis en place avec les professionnels


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un plan structurel, comportant certaines mesures techniques dont je vous épargne le détail, et qui, depuis, ont d'ailleurs été modifiées et enrichies à une ou deux reprises. Ces mesures correspondaient aux besoins, puisqu'elles ont porté leurs fruits : le marché est en train de s'assainir et de redémarrer à peu près correctement, du moins dans l'ensemble. Peut-être la conjoncture actuelle, défavorable à la filière bovine, a-t-elle contribué au redémarrage du secteur avicole...

Votre deuxième question porte sur la situation d'un groupe particulier de ce secteur, l'ex-groupe Bourgoin. Je reconnais que vous êtes effectivement bien placé pour en juger. En l'occurrence, les services de mon ministère se sont mobilisés du début à la fin de cette affaire, qu'il s'agisse d'aider à la recherche de repreneurs, d'apporter leur soutien aux solutions arrêtées par l'administrateur judiciaire, ou encore, maintenant, d'accompagner, au plans ocial comme au plan économique, l'ensemble des mesures de reprise et de non-reprise. Tous les instruments classiques sont mobilisés pour faire du bon travail au plan local, avec la coopération de tous.

Vous m'avez demandé mon jugement sur ce dossier et son évolution. Je vous répondrai, par une pirouette, que je n'ai pas à faire de commentaire étant donné que la justice est saisie.

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour poser une seconde question.

M. Michel Bouvard.

Monsieur le ministre, je veux revenir à mon tour sur les ICHN, qui constituent une préoccupation commune à l'ensemble des élus de la montagne.

En disposant qu'à l'avenir les ICHN seraient versées à l'hectare et non plus à l'animal, l'Agenda 2000 a fortement déstabilisé la politique agricole de montagne, en remettant en cause le principe légitime de compensation de handicaps, désormais soumis à la contrepartie des

« bonnes pratiques agricoles habituelles », telle qu'on l'a évoquée tout à l'heure.

Malgré la possibilité prévue par le règlement communautaire de moduler les aides agricoles européennes au niveau national, les marges de manoeuvre laissées par la Commission au Gouvernement ont été trop restrictives et ont conduit à l'adoption d'un plan de développement rural peu satisfaisant en matière d'ICHN. Les modalités actuellement prévues pour être appliquées à compter de 2001 seront assorties de pénalités consistant à diminuer le montant de la prime au fur et à mesure qu'on s'écarte des plafonds de chargement fixés par lesdites « bonnes pratiques agricoles ». Ce mécanisme de pénalités conduirait, s'il était appliqué tel qu'il était prévu jusqu'à ce j our, à exclure du bénéfice des ICHN ou à pénaliser très fortement les plus petites exploitations et les plus extensives.

Nous souhaitons que le gouvernement français défende dès à présent, au sein du Conseil de l'Union, le rétablissement du principe de compensation de handicaps sans contrepartie, en tant que principe fondamental de l'aménagement du territoire, que les marges de manoeuvre subsistant dans le cadre du plan de développement rural national soient utilisées prioritairement pour garantir le maintien des ICHN à tous leurs bénéficiaires, et à leur niveau actuel, enfin que les mécanismes de pénalités - et ma question portera plus particulièrement sur ce point, car vous avez apporté des réponses précises qui vont dans le bon sens sur les autres sujets - ne s'appliquent pas pour les exploitations les plus extensives, dont le taux de chargement est inférieur à ceux fixés, par les « bonnes pratiques agricoles ».

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, poursuivons ce dialogue sur les ICHN.

Premièrement, par souci de précision et de vérité : Agenda 2000 n'a, en aucun cas, démantelé la politique de la montagne. Par contre, c'est vrai que la négociation sur le PDRN a eu les effets que vous dites.

M. Michel Bouvard.

C'est plus exact, effectivement !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Deuxièmement, vous me demandez si je peux obtenir que les ICHN soient versées sans contrepartie. Ma réponse est non, car j'estime que ce ne serait pas de bonne politique d'exiger de la Commission que soient versées des indemnités compensatrices de handicaps naturels sans contrepartie. En revanche, je souhaite obtenir des contreparties intelligentes, compatibles avec l'ensemble de la diversité de l'agriculture de montagne dans notre pays. Je n'ai pas encore trouvé de réponse, mais j'y travaille, et vos propositions seront les bienvenues.

Troisièmement, faut-il supprimer le seuil pour les exploitations les plus extensives ? Oui. Et j'irai plus loin : je m'interroge sur le seuil de celles qui seraient trop intensives. Dans mon département, je connais de jeunes agriculteurs de montagne, des éleveurs ovins notamment, installés dans les fonds de vallée, qui subissent une pression foncière considérable, notamment à cause de la pression foncière touristique. Ils m'ont expliqué, preuves à l'appui, qu'ils se trouvaient dans le seuil d'exclusion.

Pourtant, ils sont pauvres.

M. Michel Bouvard.

Oui, les éleveurs ovins sont pauvres !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cela prouve que ce seuil était fixé de manière un peu arbitraire et peu raisonnable.

Je travaille donc sur les deux seuils : celui du dessous et celui du dessus. Et, je vous le répète, toutes vos propositions seront les bienvenues.

M. le président.

Merci pour la montagne, monsieur le ministre !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il n'y a pas de montagne à Rueil... (Sourires.)

M. le président.

Et le mont Valérien ? (Sourires.)

La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant.

Monsieur le ministre, ma question portera sur les cultures spécialisées, en l'occurrence le maraîchage et plus particulièrement les serristes, question qui a déjà été posée par M. Carré.

Conscients des enjeux actuels et à venir d'un meilleur respect de l'environnement, les serristes se sont engagés à aller vers une utilisation du réseau gaz naturel et à investir dans un système de cogénération. Le principe est simple, tout le monde le connaît : à partir du gaz naturel, on peut produire de la chaleur pour le chauffage des serres, de l'électricité qui peut être utilisée sur l'exploitation. Qui plus est, le CO 2 est absorbé par les plantes.

Certains pourraient penser hâtivement que les augmentations du cours du pétrole orienteraient les serristes dans cette voie, au lieu d'utiliser du fioul lourd. Or le prix du gaz étant indexé sur un panel établi à partir des prix du fioul domestique et du fioul lourd selon les cotations des principales places européennes, les tarifs gaz, déjà annoncés en augmentation depuis le 1er novembre, vont croître en 2001, ce qui n'est pas supportable économiquement pour les maraîchers.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

Les producteurs de légumes ont demandé, à plusieurs reprises, à vous rencontrer ainsi que le ministre de l'industrie, pour obtenir un contrat spécifique « serristes » qui prenne en compte les caractéristiques de l'utilisation du gaz naturel pour le chauffage des serres suivant les diff érentes périodes de l'année, notamment pour les consommations nocturnes.

L'an dernier, à la même époque, je vous ai interrogé sur les conclusions d'un rapport que vous aviez demandé à Dominique Platin, ingénieur du génie rural spécialiste des questions d'énergie. Vous m'aviez répondu que le travail était en cours et que vous attendiez qu'il soit achevé pour me répondre. Je n'ai pas obtenu de réponse depuis c ette date. Qu'en est-il aujourd'hui, monsieur le ministre ? Vous avez répondu tout à l'heure à M. Carré que le problème des serristes pourrait s'arranger dans le temps. Cela pose aujourd'hui la question d'un contrat spécifique « serristes ». Qu'en est-il de cette possibilité et qu'en est-il du rapport Platin ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Premièrement, je rappelle ce que j'ai dit tout à l'heure sur les crédits serristes : les 100 millions de francs éventuellement abondables par l'ADEME si nous faisons des opérations structurelles d'économie d'énergie ou d'énergie renouvelable.

Deuxièmement, j'avais pris un engagement sur la rencontre que vous avez demandée. Je le renouvelle solennellement devant vous : la rencontre se tiendra au plus vite.

Troisièmement, j'ai saisi mon collègue Pierret du dossier particulier de l'alimentation et de la tarification du gaz pour les serristes, qui est un problème ponctuel et particulier. Je peux donc vous dire que la discussion est ouverte avec lui, mais je ne peux pas encore m'engager sur sa réponse ni sur ce que nous obtiendrons de Gaz de France.

M. le président.

Nous en revenons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française.

La parole est à M. Jacques Le Nay.

M. Jacques Le Nay.

Monsieur le ministre, le projet de loi de finances pour 2001 prévoit la poursuite du plan pluriannuel de revalorisation des retraites agricoles, mais je considère, comme la plupart de mes collègues, que cette revalorisation reste encore très insuffisante.

J'insiste également sur le fait que seuls les retraités du secteur agricole perçoivent leur pension par trimestre. En effet, dans tous les autres secteurs, le versement mensuel est devenu la règle. Il convient donc de remédier à cette situation injuste dans un souci d'équité.

Mais c'est l'actualité, monsieur le ministre, qui me conduit à vous exprimer mon inquiétude sur l'avenir de la filière bovine pour les raisons que l'on connaît.

Je ne doute pas un seul instant - et c'est un souhait partagé de tous - que des mesures importantes seront mises en place pour soutenir cette filière, car cela relève d'un plan de sauvetage à engager dans l'urgence. Il est important que les aides qui seront ainsi accordées ne soient pas fiscalisées. Sinon, le résultat serait que l'Etat rependrait d'une main ce qu'il a donné de l'autre à des personnes en grandes difficultés financières.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous apporter des précisions sur ces différents points.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M'étant déjà largement exprimé sur les problèmes que vous évoquez, je me bornerai à apporter une précision, mais qui est d'importance.

Je considère, comme vous, et je l'ai dit publiquement à plusieurs reprises, que, dans le dispositif que nous avons engagé pour indemniser les éleveurs dont le troupeau est touché par un cas d'ESB - nous exigeons d'eux qu'ils abattent la totalité de leur troupeau, les indemnisations sont calculées département par département et tiennent compte de l'importance du troupeau, de sa qualité, de son ancienneté et de sa valeur marchande -, il serait injuste qu'un traitement fiscal abrupt de ces indemnisations pénalise l'agriculteur dans sa capacité de reconstituer son troupeau dans la durée.

J'ai donc fait savoir aux organisations professionnelles et aux agriculteurs concernés que, en accord avec ma collègue Florence Parly, des arrangements au cas par cas, qui sont d'ailleurs assez faciles à trouver puisqu'ils sont très traditionnels, permettent de régler harmonieusement ces cas fiscaux et je le confirme devant vous.

M. le président.

La parole est à M. Christian Martin.

M. Christian Martin.

Monsieur le ministre, vous connaissez les difficultés économiques que traversent et surtout vont traverser les artisans bouchers ou charcutiers.

Victimes des crises successives de la vache folle, ils doivent s'acquitter d'une taxe supplémentaire, la taxe d'équarrissage, et le paiement de la collecte des os et suifs devenus sans valeur. Ils doivent assumer les conséquences d'accidents industriels dont ils ne sont en rien responsables.

Il serait temps d'envisager la réforme de cette taxe dès lors qu'ils transforment et vendent exclusivement des produits carnés et leurs dérivés. L'équarrissage, collecte et é limination, constituent une mission de service public qui relève de la compétence de l'état.

Monsieur le ministre, vous-même et vos collègues du Gouvernement, M. le ministre de finances et Mme la secrétaire d'état au budget, envisagez-vous la suppression de cette taxe ? Par ailleurs, au III de l'article 302 bis Z D du code général des impôts, après les mots « valeur ajoutée » pensez-vous faire inscrire : « ainsi que les entreprises qui réalisent plus de 70 % de leur chiffre d'affaires dans la vente des produits carnés et leurs dérivés » ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le minsitre de l'agriculture et la pêche.

Monsieur le député, permettez-moi de vous répondre aussi aimablement que possible mais fermement.

La taxe d'équarrissage, dont le rendement est actuellement de l'ordre de 600 millions de francs par an, doit permettre de financer le service public d'équarrissage. Elle y parvient à peine. Je ne sais pas encore comment on va faire. Mais ce dont je suis sûr, c'est que la charge du service public d'équarrissage va sûrement plus croître que décroître et donc que la charge financière à laquelle nous aurons à faire face va sûrement plus croître que décroître.

Prendre l'engagement devant la représentation nationale de supprimer cette taxe me paraît tellement irresponsable que je peux même affirmer que, si nous devions la transformer, ce ne serait pas exactement dans le sens que vous souhaitez. Il faut être responsable et je le dis aussi clairement que possible.

M. Thierry Mariani.

J'ai bien compris que vous allez l'augmenter !

M. le président.

La parole est à M. Roger Lestas.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

M. Roger Lestas.

Monsieur le ministre, ma question portera également sur le niveau des retraites des agriculteurs et de leurs conjointes. Elle rejoint la position de plusieurs de mes collègues qui se sont exprimés lors de la discussion ou à l'occasion des questions, comme vient de le faire mon collègue Jacques Le Nay.

Certes, des efforts très importants ont été réalisés ces dernières années, efforts que la loi de finances pour 2001 prévoit de poursuivre. Mais il n'en demeure pas moins que les retraites des agriculteurs restent anormalement faibles.

M. François Rochebloine.

C'est vrai !

M. Roger Lestas.

Je veux citer le cas d'un ménage parmi d'autres dont la conjointe, après une carrière entière accomplie en agriculture et dont les horaires hebdomadaires de travail étaient de 70 heures et plus, perçoit moins de 2 000 francs par mois alors que l'époux perçoit environ 3 200 francs par mois.

Serait-il possible que la subvention d'Etat du BAPSA, de 6,7 milliards cette année, puisse être revalorisée en comparaison de la subvention accordée à la caisse des retraites d'une grande entreprise nationale de transport d'un montant de 14,48 milliards ? Si l'on compare le nombre de bénéficiaires concernés dans chacun des deux régimes cités ci-dessus, on constate une énorme disparité qui pourrait être atténuée par une prise en compte du nombre des ressortissants dans chaque régime.

Ma question sera double, monsieur le ministre. Etesvous prêt à solliciter auprès de vos collègues des finances et du budget la possibilité de traiter de la même façon tous les Français ? Pouvez-vous nous préciser le délai dans lequel sera proposée la mise en place d'un fonds de retraite complémentaire pour que les cotisations d'aujourd'hui ne subissent pas le même sort que leurs prédécesseurs ?

M. Thierry Mariani.

Bonne question !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est une bonne question, en effet. Pour autant, il faut avoir l'honnêteté et le réalisme de dire que, si beaucoup d'agriculteurs, d'agricultrices, ou de femmes d'exploitants perçoivent de faibles retraites, c'est aussi parce qu'elles ont moins cotisé.

M. François Rochebloine.

Elles ont beaucoup travaillé !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Certes.

Je n'ai jamais dit le contraire.

M. François Rochebloine.

Et pas 35 heures par semaine !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Nous sommes d'accord ! Selon le principe du régime de retraite par répartition, c'est quand on a cotisé qu'on perçoit la retraite. C'est d'ailleurs parce que les agriculteurs ont beaucoup travaillé sans beaucoup cotiser que je considère qu'il fallait prendre le problème à la base et que la majorité a mis en place le statut du conjoint exploitant.

M. Jean-Claude Perez.

Effectivement !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est toujours la gauche qui apporte des progrès sociaux en agriculture ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je pourrais reprendre la longue histoire du progès social dans l'agriculture ! On sait à quelle majorité on le doit !

M. Christian Jacob.

Et la politique d'installation, on la doit à qui ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je parlais de progrès sociaux et de protection sociale.

Le statut du conjoint exploitant prévu par la loi d'orientation agricole et qui a été choisi par 75 % à 80 % des conjointes concernées traitera ce problème à la base en générant plus de cotisations, ce qui implique de meilleures retraites.

C'est une manière de répondre dans la durée, je le sais bien. Mais il faut aussi prendre le problème à la base, tel qu'il se pose. Plutôt que de faire des comparaisons - qui, comme toujours, ne sont pas raison - avec d'autres régimes de retraite, je peux vous assurer qu'en l'occurrence nous prenons des mesures qui aboutiront à améliorer la situation des conjointes d'exploitants.

M. le président.

La parole est à M. Christian Martin, pour poser une seconde question.

M. Christian Martin.

Monsieur le ministre, mes collègues Marc Laffineur et Hubert Grimault, députés du Maine-et-Loire, s'associent à ma question.

Chaque découverte de nouveaux cas de vache folle entraîne des conséquences importantes, surtout quand l'image d'une société y est associée. C'est le cas de la Soviba, dont l'ensemble du personnel vient d'être mis au chômage technique. Son siège social qui comprend un abattoir est situé au Lion-d'Angers et un autre abattoir se trouve à Chemillé, toujours dans le Maine-et-Loire.

Je souhaite vous alerter sur la situation de cette entreprise, qui a été mise en cause de façon injustifiée il y a quelques jours dans un cas d'ESB, et qui traverse de ce fait depuis une crise grave.

Numéro trois français sur le marché des viandes de g rande consommation, la Soviba emploie près de 2 500 personnes sur cinq sites et s'est toujours distinguée par la qualité de ses contrôles internes et par le dispositif de traçabilité plutôt exemplaire qu'elle applique. Lors des événements qui se sont produits ces derniers jours, alors qu'elle a été, de façon scandaleuse, médiatiquement désignée, la responsabilité de l'entreprise n'est pas mise en cause. Son dispositif de traçabilité a parfaitement fonctionné, et la viande issue de l'animal malade n'a jamais été mise sur le marché. L'entreprise a subi et appliqué immédiatement une procédure de retrait sur les animaux abattus dans les quinze jours qui ont précédé la découverte de cette bête atteinte par l'ESB.

Néanmoins, c'est tout le groupe et l'image de la Soviba qui ont pris de plein fouet les conséquences de l'annonce de cette découverte et des déclarations médiatiques qui ont suivi. L'entreprise se trouve donc confrontée à un retour de marchandises évalué à 20 millions de francs, à une sous-activité qui a conduit à 220 fins de contrats ou d'activités, et à un chômage partiel qui touche près de 300 autres salariés, ainsi qu'une sous-activité qui lui coûte 5 millions de francs par semaine. Pour absorber ces conséquences terribles et pour rebondir à la suite de cette affaire, le coût total pour la Soviba s'élève à 200 millions de francs.

Devant l'ampleur de ces conséquences, humaines et financières, acceptez-vous de recevoir, dans les plus brefs délais, les membres de la direction de l'entreprise, accom-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

pagnés des élus du département, députés, sénateurs, pré sident du conseil général, afin que vous puissiez entendre leurs difficultés et prendre la mesure de leurs attentes ? Les responsables de la Soviba seront reçus jeudi par certains de vos collaborateurs. Je souhaite que vous puissiez les recevoir personnellement au moins quelques instants.

J'ajoute enfin l'angoisse des éleveurs. A Cholet, plus gros marché de bovins de l'Ouest, les ventes sont désormais nulles. Les revenus des agriculteurs, et en particulier des éleveurs de bovins, sont en péril. Que comptez-vous faire pour leur venir en aide ? Aurez-vous l'accord de Bercy pour dégager des moyens financiers ? Pour les éleveurs, c'est toute une vie qui s'écroule.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je ne sais qui a mis en cause la Soviba.

En tout, ce n'est pas moi, ni les services de l'Etat. Une fois de plus, j'en appelle à la raison et à la responsabilité de chacun pour ne pas « jeter » d'informations ou de propositions plus démagogiques ou irrationnelles les unes que les autres, qui seraient de nature à aggraver la psychose des consommateurs et les difficultés économiques d'un secteur qui commence à être sinistré.

Malheureusement, pour ce qui concerne la Soviba, le problème ne se pose pas qu'en Maine-et-Loire parce qu'elle compte de nombreux sites répartis sur plusieurs départements. Si je devais recevoir tous les dirigeants de la Soviba et tous les élus des départements concernés, je ne suis pas certain de pouvoir disposer d'une salle suffisamment grande au ministère de l'agriculture ! Mais restons sérieux. Les responsables de la Soviba se rendront jeudi matin à une réunion au ministère de l'agriculture, pour réfléchir sur l'avenir de leur entreprise et examiner les mesures de soutien ou d'accompagnement qui peuvent être mises en oeuvre pour les aider. Hélas ! le mal étant encore plus grand qu'on ne le croit, la Soviba n'est pas seule en cause, et tous les abattoirs de France,...

M. Yves Deniaud.

Tout à fait !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... toutes les sociétés d'abattage sont actuellement menacées.

Monsieur le député, vous me demandez comment j'obtiendrai des crédits de Bercy. Ce n'est pas ainsi que les problèmes se posent. Quand un ministre s'exprime ici, il le fait au nom du Gouvernement, en suivant une position cohérente toujours arbitrée par le Premier ministre.

Nous aurons donc les moyens que nous trouverons ensemble et dont nous aurons sûrement à débattre ensemble d'ailleurs, parce qu'il ne s'agira pas d'une invention du Gouvernement dans son coin.

M. le président.

Nous revenons aux questions du groupe socialiste.

La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à m'associer au regret exprimé par M. Mariani...

M. Thierry Mariani. Merci !

M. Henri Nayrou.

... et, puisque La Chaîne Parlementaire diffuse une émission maritime le soir où nous débattons de la vache folle, je propose qu'elle projette notre débat de ce soir en différé le jour où un troisième bateau chargé de saletés coulera au large de la Bretagne.

M a question porte sur les contrats territoriaux d'exploitation en zone de montagne. Je la pose au nom de M. Michel Grégoire, député de la Drôme, qui est absent ce soir. Comme au rugby, que vous aimez, monsieur le ministre, je vais essayer de jouer collectif.

Vous êtes un excellent ambassadeur des CTE et vous avez raison car leur esprit correspond aux attentes des agriculteurs de montagne, sans doute parce qu'ils sont un levier essentiel de l'aménagement du territoire.

M. Michel Bouvard. Tout à fait ! M. Henri Nayrou. Mais il s'avère qu'une application sur le terrain en pente apparaît plus compliquée qu'ailleurs, probablement parce que les handicaps naturels en font une agriculture multiforme.

M. Michel Bouvard. Voilà une bonne question !

M. Henri Nayrou.

D'où une certaine difficulté pour les élus et les relais de votre ministère de convaincre les montagnards de signer des CTE. Que l'on se comprenne bien : les CTE sont une chance. Les agriculteurs de montagne sont décidés à la saisir.

M. Michel Bouvard. C'est vrai ! M. Henri Nayrou. Mais la vérité oblige à dire que souvent ils hésitent, et ils ne nous le cachent pas.

Monsieur le ministre, vous qui avez le don de parler clairement de problèmes obscurs,... (Sourires.)

M. Michel Bouvard.

Vous êtes sûr que ce n'est pas l'inverse ?

M. Henri Nayrou.

... pouvez-vous obtenir de vos services qu'ils simplifient des procédures trop compliquées afin de rassurer les agriculteurs et d'assurer le succès du dispositif ? Hors question mais pas hors sujet, je regrette que les inconséquences des industriels de la filière bovine vont faire payer un prix trop fort aux éleveurs qui ont choisi la voie de la qualité.

M. Stéphane Alaize. Il y en a ! M. Henri Nayrou. Il faudra très vite tirer les leçons de cette crise, monsieur le ministre. Notre société ne devra p lus jamais regretter d'injecter de grosses sommes d'argent dans l'agriculture extensive. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. le président.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, éclairer M. Nayrou ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je lui dirai tout d'abord qu'il a, lui, le mérite et le talent de poser des questions claires ! (Sourires.)

Le CTE est un outil particulièrement bien adapté à la politique de la montagne. La preuve, c'est que, sur les 3 300 ou 3 400 CTE validés en CDOA, plus du quart sont des CTE de montagne. Cela veut dire qu'il y a, sinon un engouement, en tout cas un vrai besoin qui s'exprime dans ce secteur. Les raisons sont tout à fait explicables et je les ai d'ailleurs déjà exposées au cours du débat. On peut dire que l'agriculture de montagne est typiquement faite pour les CTE, et inversement. De cette observation découle la nécessité d'adapter cet outil à la politique de la montagne.

Il faut le simplifier. Nous avons pris des mesures à cet effet au cours de l'été. Il faut maintenant qu'elles portent leurs fruits. Mais, compte tenu de ce que je sais des


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

démarches collectives en montagne, je ne doute pas que le CTE se développe dans ce secteur. D'ailleurs, nous faisons tout pour faciliter cette évolution.

M. le président.

La parole est à M. Daniel Marcovitch.

M. Daniel Marcovitch.

C'est, non pas le député parisien qui vous interroge maintenant, monsieur le ministre, mais l'administrateur de l'agence de bassin Seine-Normandie.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. Daniel Marcovitch.

L'eau et l'agriculture sont, de toute éternité, indissolublement liées et, comme tous les vieux couples, il leur arrive quelquefois d'être en conflit.

On sait par exemple qu'un certain type d'élevage a entraîné la pollution de certaines nappes phréatiques ou rivières.

Un programme a été mis en place - le PMPOA - qui a fait l'objet, il y a peu de temps, d'un rapport qui n'est pas très bon. Il a révélé certaines dérives ou certaines ina déquations du programme. Il a, en tout cas, jeté l'anathème sur les agriculteurs, ce qui me semble être une erreur fondamentale dans la mesure où il relevait les erreurs mêmes de conception du programme, et les difficultés de celui-ci sont peut-être à rechercher dans un financement insuffisant ou un manque de prévision quant au succès qu'il allait remporter.

Face à ces constats, même si les responsabilités restent à déterminer avec précision, le Gouvernement a décidé de modifier les conditions d'attribution des aides dans le cadre du PMPOA, ce qui suscite une certaine inquiétude parmi les représentants des agriculteurs.

M. François Sauvadet.

Très bien ! M. Daniel Marcovitch. Ceux-ci s'interrogent sur les nouvelles modalités d'attribution, sur le sort qui sera réservé aux milliers de demandes qui avaient déjà été entamées, aux dossiers qui avaient déjà été déposés, e t sur la manière dont va se poursuivre le programme.

Ce sont toutes ces questions que je vous pose aujourd'hui en leur nom, monsieur le ministre. En tant qu'administrateur et membre du comité, je suis inquiet face a ux inconnues du nouveau programme. Merci d'y répondre.

M. François Sauvadet. Très bonne question !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'ai déjà eu à plusieurs reprises l'occasion de m'exprimer sur le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, mais je vais le faire à nouveau pour répondre à votre question.

Les rapports qui ont été réalisés, et notamment celui de l'inspection des finances, ont mis en évidence un certain nombre de dérives, à la fois budgétaires - ce qui, d'une certaine manière, témoigne du succès du programme - et de conception car celui-ci avait été réservé aux très gros élevages. J'ai déjà indiqué publiquement que ceux qui avaient pris cette décision, M. Barnier et M. Puech, avaient bien fait parce que c'était là que se concentraient les plus grosses pollutions et qu'il était normal de commencer par les plus gros pollueurs. Il convient maintenant d'ouvrir le programme aux plus petits éleveurs.

Une autre dérive, d'ordre environnemental, a été soulignée, mais j'ai toujours dit que j'étais plus circonspect sur ce point et que j'accordais moins de crédit au jugement de l'inspection des finances en ce domaine. Mais cela n'engage que moi.

Cela dit, le Gouvernement a décidé de maintenir l'idée d'un PMPOA et de réformer celui-ci pour tenir compte des critiques que je viens d'énumérer. Au nom d'une conception encore plus rigoureuse en matière de défense de l'environnement, il a été décidé de cibler le programme sur les bassins versants et de l'ouvrir aux plus petits agriculteurs à la condition expresse que, si une maîtrise budgétaire se révélait nécessaire, celle-ci ne se fasse pas aux dépens des éleveurs qui n'avaient pas encore été éligibles au programme. Autrement dit, je l'ai déjà dit et je le maintiens, il ne serait pas acceptable que les petits agriculteurs qui deviendraient éligibles au programme reçoivent une aide inférieure à celle que recevaient jusqu'à maintenant les gros éleveurs.

S'il devait y avoir une maîtrise budgétaire, celle-ci devrait donc se traduire par un plafonnement, et non par une baisse généralisée, des aides, y compris pour les petits éleveurs.

Nous mettons actuellement en place ce nouveau programme et la difficulté que nous rencontrons est bien, comme vous l'indiquez, de savoir si nous avons la capacité, compte tenu des listes d'attente, de financer les anciens dossiers sur la base des anciennes règles alors que nous proposons de nouvelles clés de financement. Le nouveau plan a été transmis à la Commission mais nous n'avons pas encore reçu son aval. Tant que nous ne l'aurons pas, les anciens dossiers seront financés sur la base des nouvelles règles. Mais je peux vous dire que celles-ci ne sont en rien défavorables aux agriculteurs, même à ceux qui n'étaient pas jusqu'à maintenant éligibles.

M. le président.

La parole est à M. Yvon Montané.

M. Yvon Montané.

Monsieur le ministre, il n'y pas de pays sans paysans et pas d'économie harmonieuse sans activité primaire.

Privilégier la politique d'installation en agriculture, clef de voûte, sinon de la survie de certaines de nos campagnes, du moins du développement futur du monde rural et de l'aménagement du territoire, ne doit-il pas constituer maintenant notre priorité absolue ? Des installations en moins, c'est, on le sait, une population qui diminue, des écoles qui ferment, des services publics qui disparaissent, des villages qui meurent, un aménagement du territoire qui périclite et, au final, un monde urbain toujours plus grand et oppressant entouré d'un désert humain.

De la politique d'installation mise en place dépend donc un choix de développement et de société pour les générations futures à très court terme. Nous qui voulons des campagnes qui vivent, des hommes et des femmes présents à défaut d'être nombreux sur tout le territoire, nous qui voulons une agriculture à taille humaine, durable, équilibrée, nous voulons stopper la course à l'hectare et éviter un modèle à l'américaine où des centaines d'hectares sont exploités par une seule personne alors que, vous le savez bien, un viticulteur peut vivre avec vingt hectares et qu'un éleveur rentabilise des terres impropres à la culture.

Faire de l'installation une priorité de la politique agricole, c'est dire non à l'agriculture productiviste que nous subissons depuis des décennies. Des exemples précis en ont été donnés aujourd'hui. Dans cette agriculture, la non-installation d'un jeune profite aux gros agriculteurs qui veulent toujours plus s'agrandir, au risque de dépersonnaliser le pays et la profession.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

Ne pouvons-nous pas et ne devons-nous pas faire plus et mieux, en matière fiscale notamment, comme le préconise le rapport de nos collègues Béatrice Marre et Jérôme Cahuzac ? L'adoption récente de l'amendement présenté par notre collègue Gilbert Mitterrand qui permet l'extension du bénéfice de l'abattement de 50 % sur le bénéfice imposable aux jeunes agriculteurs signataires d'un CTE va dans le bon sens. D'autres pistes ne peuvent-elles pas être explorées, telles que l'extension des prêts bonifiés, la séparation des revenus du capital et du travail, l'exonération de certaines charges sociales, l'attribution de points de retraite aux agriculteurs qui cèdent leur exploitation à un jeune ? Certaines de ces pistes sontelles déjà envisagées ? Pouvez-vous, monsieur le ministre, me préciser les objectifs du Gouvernement en matière d'installation et m'indiquer, si possible, les mesures concrètes et spécifiques qu'il entend prendre cette année et les années à venir, ainsi que leur articulation avec la politique des

CTE ? Cette politique aura, vous l'avez dit, un coût mais l'harmonie de la population, l'entretien de la nature, la préservation de la diversité des productions grâce à la polyculture et pour tout dire, l'intérêt national n'exigentils pas d'assurer la relève humaine en agriculture ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Comment répondre en moins de deux minutes, monsieur le président, à un si long et si poignant témoignage et à un si beau plaidoyer pour l'agriculture citoyenne ? Je reconnais bien dans l'intervention de M. Montané son engagement en faveur d'une agriculture citoyenne, créatrice d'emplois, soucieuse de l'aménagement du territoire et, parce qu'il est difficile de lui répondre en deux minutes, je me contenterai de lui relater la visite que j'ai faite cette semaine dans un GAEC de la Somme. Huite xploitations de quelques dizaines d'hectares étaient menacées de disparition et allaient probablement, comme vous l'avez décrit, monsieur Montané, être englobées dans une plus grande de 700 ou 800 hectares exploitée par une personne ou peut-être deux. Les huit petits propriétaires ont décidé de s'associer et de regrouper leurs terres.

Ils viennent d'installer un jeune, ce qui fait passer leur nombre à neuf, et ils ont décidé de produire des pommes de terre labellisées de grande qualité. Non seulement cette association a permis de sauver des emplois, mais encore elle en a créés. C'est exactement le type d'agriculture que l'on peut souhaiter : sur la base du regroupement et de l'association économique, la recherche de la qualité ! C'est dans cette voie-là plutôt que dans la concentration que l'on sauvera, comme vous l'avez si bien dit, monsieur Montané, l'agriculture que vous appelez citoyenne.

M. le président. La parole est à M. Roland Garrigues.

M. Roland Garrigues.

Monsieur le ministre, vous avez déjà répondu sur la question de l'allégement des procédures pour la mise en place des CTE, je n'y reviendrai donc pas.

Je parlerai à mon tour des retraites agricoles. Les mesures de revalorisation de ces retraites prises depuis trois ans ne concernent qu'un agriculteur sur trois. Ne serait-il pas légitime d'abaisser le seuil applicable pour l'accès aux mesures de revalorisation afin d'ouvrir ces mesures aux différentes catégories d'agriculteurs ainsi qu'aux polypensionnés ? Pourquoi ne pas raisonner par exemple sur la base d'un seuil de vingt-cinq années et demie de cotisations en référence à la loi de 1955 de Pierre Mendès-France qui établissait les retraites pleines à ce seuil ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, si les mesures de revalorisation des retraites ne concernent qu'un agriculteur sur trois, c'est parce que l'on a décidé de se concentrer sur les retraites les plus basses et de relever les retraites minimales, notre objectif étant de les amener à la fin de la législature au niveau des minima retraite. Je ne parle pas du minimum vieillesse car il y a plusieurs seuils. Quand on s'attaque à un problème par le bas, il est évident que l'on ne touche pas tout le monde.

J'ajoute que nous avons décidé, parallèlement au relèv ement des retraites minimales, l'abaissement du seuil : celui-ci passe de trente-deux années et demie à vingt-sept années et demie. C'est une autre manière d'élargir le plan de revalorisation des retraites.

Je pense - je l'ai déjà dit, je le redis devant vous - que tous les engagements ont été tenus, et même au-delà de nos prévisions. Mais je considère comme vous qu'il faut aller plus loin et que nous devons continuer à réfléchir sur ce qui prendra la relève du plan actuel.

M. le président.

Nous revenons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

La parole est à M. Robert Honde.

M. Robert Honde.

Monsieur le ministre, ma question arrive un peu tard parce que vous y avez déjà en grande partie répondu.

Lors de l'élaboration, puis du vote de la loi d'orientation agricole en juillet 1999, de nombreux contrats territoriaux d'exploitation ont été signés dans soixantequatorze départements. Ce constat est encourageant pour cette mesure exemplaire. En effet, à l'occasion du conseil informel de l'agriculture qui s'est tenu à Biarritz en septembre dernier, l'exemplarité du choix français a été soulignée par les quinze ministres de l'Union européenne.

Les Radicaux de gauche sont attachés au développement rural et au maintien d'une agriculture pouvant subvenir à ses besoins. Les CTE autorisent cette liberté d'action et de réalisations agricoles. Comme l'a souligné le commissaire européen à l'agriculture, Franz Fischler, les conditions sont maintenant claires : l'agriculture connaît ses engagements et peut expliquer pourquoi elle est aidée.

De même, le caractère pluriannuel des CTE assure une meilleure planification économique de l'exploitation et opère un glissement essentiel de l'aide à la production vers l'aide à l'exploitation. C'est sur la base de ce principe, à savoir produire mieux, que les CTE peuvent être mis en oeuvre. Toutefois, l'écueil administratif existe et ralentit l'adhésion des agriculteurs au dispositif. En souhaitant adapter ces contrats aux particularismes régionaux et départementaux, nous confrontons les agriculteurs qui veulent en bénéficier à la lourdeur administrative. Le montage des dossiers, la définition des contrats types par filière et par a ires géographiques sont des procédures longues et contraignantes. Parallèlement, les nécessaires évaluations des contrats imposent des démarches pointues, techniques et complexes. L'ensemble pénalise les petits agriculteurs qui ne possèdent pas les reflexes administratifs nécessaires alors qu'ils sont au centre de cette démarche qualitative.

Quels moyens pourraient permettre la simplification administrative et, partant, la généralisation des CTE qui suscitent l'adhésion des représentants agricoles français et bientôt européens ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'ai déjà répondu à nombre des questions que vous posez. J'insisterai sur un point que je n'ai pas encore abordé ce soir et sur lequel je fonde beaucoup d'espoirs, à savoir les CTE collectifs. Ceux-ci sont étudiés aujourd'hui en plus grand nombre qu'il y a quelques mois encore. Ils correspondent d'ailleurs mieux à l'esprit de la loi dans la mesure où l'approche territoriale qui les sous-tend ne se limite pas à l'exploitation, mais s'étend à des territoires donnés dans des pays ou dans des terroirs.

Alors que les premiers pionniers du CTE ont été des agriculteurs à titre individuel - d'ailleurs, cela se termine toujours par un contrat individuel - les approches collectives sont en train de se développer, ce qui, d'ailleurs, quantitativement, sera aussi porteur - bien que cela soit annexe. Je soutiens, aujourd'hui plus encore qu'hier, ces démarches collectives parce qu'elles me paraissent plus porteuses de la logique territoriale contenue dans la loi d'orientation agricole.

M. le président.

La parole est à M. Guy Lengagne, pour la dernière question du groupe Radical, Citoyen et Vert.

M. Guy Lengagne.

Mes chers collègues, nous avons la chance d'avoir un ministre qui n'hésite pas à se mouiller, si je puis m'exprimer ainsi. (Sourires.)

Monsieur le ministre, je tiens à vous dire que beaucoup ont apprécié que vous n'hésitiez pas, par force 8, à sortir avec des marins. Je mets en garde tous ceux qui seraient tentés par l'expérience : elle est redoutable. Monsieur le ministre, je vous dis bravo ! J'ai entendu tout à l'heure quelqu'un se plaindre que l'on parle du monde maritime. Bravo si l'on en parle ! On ne le fera jamais assez ! Pour me faire pardonner ces propos, je parlerai d'agriculture. (Sourires.)

En dépit de l'augmentation importante des crédits consacrés au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole - 19 % -, les agriculteurs des petites exploitations sont inquiets. En effet, dès le lancement de ce programme, près de 95 % des agriculteurs se sont déclarés favorables à la réalisation des travaux. Or les grosses exploitations qui avaient une assise financière importante se sont lancées tout de suite dans ces investissements et les petits agriculteurs craignent qu'il n'y ait plus de crédit.

Mon collègue et ami Robert Honde vient de parler des CTE, pour lesquels les choses semblent bien engagées.

Mais les petits agriculteurs en particulier sont inquiets des difficultés qu'ils rencontrent pour lancer des enquêtes auprès des consommateurs, sensibiliser sur le respect de l'environnement, bref pour s'engager dans des dépenses administratives. Ils sont souvent aidés par les collectivités territoriales. Envisagez-vous, monsieur le ministre, une aide complémentaire de l'Etat en ce domaine ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je réponds rapidement à vos deux questions.

Sur les PMPOA, compte tenu de ce que j'ai dit tout à l'heure, je ne vois pas en quoi les petits agriculteurs et les petits éleveurs peuvent être inquiets, puisqu'ils vont devenir éligibles à des programmes dont ils étaient auparavant exclus. Bien au contraire, ils ont toutes raisons d'en être satisfaits.

Sur l'accompagnement des CTE et le montage des dossiers, je répète que des crédits d'animation sont disponibles dans le fonds de financement du CTE, pour aider les agriculteurs. Souvent, reconnaissons-le, ce sont les structures professionnelles, les chambres d'agriculture ou les ADASEA qui se sont emparées de ces crédits, mais ils ne leur sont en aucun cas exclusivement réservés. Les structures de pays, de terroirs, de coopérations intercommunales peuvent aussi, dans certaines conditions, bénéficier de ces crédits d'animation lorsqu'elles sont porteuses de projets collectifs - ce qui est souvent le cas, et dans des conditions tout à fait honorables.

Sur ces deux points, je crois pouvoir vous rassurer.

M. le président.

Nous en revenons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Monsieur le ministre, ma question a trait au service de restauration des terrains en montagne, rattaché à votre ministère.

Ce vieux service - il existe depuis 1880 - réalise un travail considérable pour lutter contre les phénomènes d'érosion dans dix départements français. Si nous avons vu avec satisfaction progresser les crédits prévus notamment dans le cadre des contrats de plan et affectés aux séries domaniales, dites séries RTM, qui concernent deux lignes budgétaires du ministère, nous avons des inquiétudes sur les dotations en subventions pour les travaux réalisés par les communes. En effet, le montant prévu au contrat de plan - chapitre 61-45, article 10 - est seulement de 28 millions de francs pour sept ans pour l'ensemble des dix départements. Or les crues qui viennent de frapper le massif alpin, en France en même temps qu'en Italie, nous ont montré la nécessité de réaliser au plus vite un certain nombre d'ouvrages, voire de recaractériser certains autres, déjà inscrits dans le nouveau contrat de plan, ce qui impliquera un montant de dépenses plus élevé que prévu, les intempéries ayant montré en grandeur nature les risques d'érosion, notamment du fait des torrents de montagne.

Monsieur le ministre, nous n'en sommes, il est vrai, qu'au début du contrat de plan, mais pouvons-nous espérer, à la lumière des événements liés aux intempéries qui ont sévi sur le massif alpin, et des premiers travaux d'inv entaire réalisés par le service RTM dans diverses communes pour recaractériser les ouvrages, voir l'Etat et les différentes collectivités territoriales concernées revenir autour de la table afin de redéfinir un programme de subventions en faveur des opérations RTM portées par les communes ?

M. le président.

Surtout pour le massif alpin ! (Sourires.)

M. Michel Bouvard.

Il y a les Pyrénées aussi...

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, vous savez à quel point nous sommes soucieux de répartir harmonieusement ces crédits entre les Alpes, les Pyrénées, les Vosges, le Massif central, en tout cas tous les massifs montagneux !

M. Michel Bouvard.

Le Massif central n'a pas de RTM.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est juste. Quoi qu'il en soit, ma réponse est oui, monsieur Bouvard. Précisons que le financement des actions de restauration des terrains du service RTM s'est élevé à 115,8 millions en 2000, dont 62,2 millions pour la réalisation des travaux d'entretien et de mise aux normes des ouvrages de protection dans les forêts domaniales. Cet


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effort particulier de l'Etat pour assumer pleinement ses responsabilités sur les terrains les plus générateurs de risques sera accru en 2001 avec 15 millions de francs supplémentaires. Sur ces bases, la discussion est évidemment ouverte afin que nous puissions bâtir, en concertation avec les collectivités territoriales concernées, le plan que vous appelez de vos voeux.

M. Michel Bouvard.

Merci !

M. le président.

La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant.

Monsieur le ministre, je voudrais vous interroger sur des rapports qui devaient paraître à la suite de la loi d'orientation agricole, tel le rapport de Mme Marre et M. Cahuzac, dont nous avons déjà parlé à plusieurs reprises et qui avait suscité de fortes attentes, sur l'évolution de la fiscalité agricole et des charges sociales.

La question, latente, de la déduction pour investissement a déjà été posée. Reste celles de la dissociation du revenu du capital et du revenu du travail et de l'encouragement à l'installation par le biais de dispositifs fiscaux. Voilà pour les mesures fiscales et charges sociales, traitées dans l'article 141 de la loi d'orientation. Mais, à l'article 3 également, un rapport était prévu sur les retraites. Confié à Germinal Peiro, il devait sortir dans les trois mois. Qu'en est-il ? Que pensez-vous faire pour améliorer les perspectives de retraite des exploitants en activité et servir immédiatement un complément de retraite aux actuels retraités ? Enfin, à l'article 18, un autre rapport devait être présenté dans un délai de six mois sur la mise en oeuvre des assurances récoltes. Il a été confié à M. Babusiaux. Là encore, qu'en est-il, monsieur le ministre ? Que comptezvous faire dans ce domaine ? Il est également très attendu.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Poignant, s'agissant du rapport de Mme Marre et de M. Cahuzac, le moins qu'on puisse dire, c'est que nous ne l'avons pas laissé prendre la poussière sur notre étagère ! La loi de finances ne compte déjà pas moins de huit mesures, peut-être même y en aura-t-il davantage, tirées de ce rapport. Elles vous seront soumises dans le cadre des articles rattachés ; nous n'en parlerons donc pas aujourd'hui, mais la discussion est lancée. D'autres propositions ont été avancées, notamment par des organisations professionnelles qui m'ont demandé, par exemple, d'exonérer de l'impôt sur les plus-values les agriculteurs cédant leur exploitation à un jeune qui s'installe. Je considère pour ma part que ce type d'exonération ne faciliterait en rien l'installation dans la mesure où elle profiterait non pas à l'installé, mais au cédant et provoquerait un effet d'aubaine d'autant plus important que ce cédant aurait une grosse exploitation. Autant dire que je n'ai pas retenu toutes les propositions que l'on me fait dans la mesure où toutes ne sont pas pertinentes.

Quant au rapport de M. Babusiaux sur l'assurance récolte, il m'a été remis la semaine dernière. C'est un travail sérieux et intéressant. Nous prenons les dispositions pour que ce rapport soit rendu public dans les meilleurs délais et notamment porté à la connaissance du Parlement et des organisations professionnelles. Là aussi, j'ai pris l'engagement d'ouvrir la négociation sur la base des propositions qu'il contient dans les prochaines semaines.

Je souhaite que nous avancions sur ce terrain. L'assurance récolte est un projet très ambitieux, mais à mon avis indispensable.

M. le président.

La parole est à M. Yves Deniaud.

M. Yves Deniaud.

Ma question porte sur la reconstruction du verger cidricole, lourdement touché par la tempête de décembre dernier, dont les conséquences ne sont malheureusement pas toutes effacées. Des mesures nationales ont été prises, récemment concrétisées dans un avenant au contrat de plan Etat-région de la Normandie.

Bien qu'il faille privilégier les pommiers et les poiriers de haute tige que tout le monde connaît, et qui renvoient à l'image que chacun se fait de nos paysages ruraux traditionnels, il sera néanmoins nécessaire de recourir partiellement aux plantations de basse tige. Pouvons-nous avoir quelques précisions sur cette possibilité, eu égard aux impératifs d'ordre environnemental liés à la protection de nos paysages traditionnels ? Par ailleurs, des incertitudes demeurent quant au statut de producteur fermier et à la possibilité de collecter m omentanément à l'extérieur de l'exploitation pour compenser les insuffisances de récolte. Pourra-t-on ou non y recourir ? Dans un mois, la collecte aura eu lieu ; nous pourrons mesurer les carences. Nous aurons alors besoin de savoir si les producteurs pourront ou non compléter leur récolte à l'extérieur.

Ajoutons que les cidriculteurs sont en général des producteurs polyvalents, au sens traditionnel, quand bien même leur exploitation peut être moderne au plan du fonctionnement et de la qualité, en ce sens qu'elle associe le lait, la viande et les produits cidricoles. Autant dire que ce type d'exploitation sera à nouveau très lourdement frappé par l'effondrement des ventes et des cours de la viande bovine.

Alors que nous allons avoir à affronter ce redoutable problème, le fait d'autoriser les plantations de basse tige ou le recours à la collecte extérieure aura le mérite de ne rien coûter, alors que l'indemnisation pour la viande bovine exigera énormément d'argent.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, dans le cadre du plan « tempête » mis en place à partir du 12 janvier dernier à la demande du Premier ministre, des mesures spécifiques pour les arbres de verger ont été mises en place par l'ONIFLHOR. J'ai sous les yeux les chiffres pour ce qui concerne la BasseNormandie : le montant des aides versées aux arboriculteurs de votre région touchés par la tempête s'élève à plus de 7 millions de francs. La moitié est revenue, il est vrai, au département de la Manche, le plus durement frappé, mais les autres départements, le Calvados et l'Orne, ont eux aussi été très aidés. En d'autres termes, le plan a été efficacement mis en oeuvre.

Sur une éventuelle mesure de soutien en cas de pertes d'exploitation qui pourraient être avérées par la récolte future, je ne peux évidemment rien vous dire : il faudra attendre que la récolte soit faite pour apprécier les manques à gagner, je suis donc incapable de vous répondre pour l'instant.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Monsieur le ministre, l'augmentation importante du prix des combustibles depuis le début de l'année pénalise de nombreux producteurs agricoles. Je pense plus particulièrement aux maraîchers et aux serristes du Vaucluse et du Loiret, département de mon collègue Eric Doligé.

L'énergie pour le chauffage des serres représente déjà 25 à 35 % des coûts de production des maraîchers. Or les hausses régulières enregistrées depuis le début de


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l'année alourdissent considérablement la facture énergétique de nombreuses exploitations, grosses consommatrices de combustible, mais également la facture de nombreux produits dérivés : engrais, emballages, etc.

Ces augmentations, qui se situent entre 15 et 40 % selon les combustibles, engendrent d'importants surcoûts d e production préjudiciables à la rentabilité d'exploitations déjà fragilisées dans un contexte économique difficile.

Aussi, à l'approche de l'hiver et des besoins énergétiques qui en découlent, les agriculteurs, notamment dans les départements du Vaucluse et du Loiret, s'inquiètent quant à la pérennité même de leurs exploitations.

Le blocage du tarif du gaz, la compensation des hausses antérieures sur les combustibles par un allégement des charges sociales et fiscales, l'incitation à la production et à l'utilisation de biocarburants, l'exonération de taxes sur les combustibles - TIPP, TICGN, TGAP -, l'autorisation d'une provision exceptionnelle défiscalisée et l'extension à la campagne de chauffe 2000-2001 de la mesure de compensation des coûts de l'énergie proposée en septembre 2000 sont autant de mesures urgentes et d'anticipation attendues par les maraîchers.

Au vu de la situation alarmante à laquelle se trouvent confrontés de nombreux maraîchers serristes qui ne pourront longtemps faire face à des coûts de production insupportables sans remettre en cause la viabilité de leurse xploitations, quels moyens concrets entendez-vous mobiliser dans les prochaines semaines ? Enfin, monsieur le ministre, les agriculteurs dans leur ensemble sont inquiets sur la future loi sur l'eau. En tant q ue membre du Gouvernement, quelles discussions menez-vous avec votre collègue de l'environnement pour faire en sorte que cette loi ne se traduise pas, une fois de plus, par des charges supplémentaires pour nos agriculteurs ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et la pêche.

Premièrement, les serristes bénéficieront, comme tous les agriculteurs, de la baisse des impôts et des charges dont j'ai fait le relevé tout à l'heure : impôt sur les sociétés, impôt sur le revenu, exonération de la CSG. Ils profiteront également de l'exonération rétroactive de la TIPP sur le fioul domestique.

D euxièmement, les serristes bénéficient également, depuis le début de la campagne, de la décision que nous avons prise pour l'ensemble du secteur fruits et légumes en matière d'exonérations de charges sur les travailleurs saisonniers.

M. Thierry Mariani.

Mais ils ont eu l'augmentation du fioul !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

S'y ajoutent plusieurs mesures d'ordre soit général, soit particulier. Les serristes ont ainsi bénéficié de 100 millions de francs de mesures structurelles, abondés par l'ADEME.

Pour le gaz, j'ai engagé une discussion avec mon collègue Pierret.

Il est très difficile de répondre à votre question sur la loi sur l'eau en dix secondes... Ce texte a fait l'objet de discussions interministérielles. Je le répète : un ministre ne propose pas tout seul un projet de loi. Quand il le fait, parce qu'il en a la charge, qu'il est, comme on dit, pilote dans un texte, c'est toujours au nom du Gouvernement. Et il ne le fait jamais sans qu'il y ait eu une discussion et des arbitrages interministériels. Le jour où Mme Voynet, puisque c'est elle qui est pilote dans ce dossier, viendra défendre le projet de loi sur l'eau devant le Parlement, il va sans dire que ce texte aura fait l'objet d'un arbitrage du Premier ministre et que j'aurai eu mon mot à dire dans ces discussions. Si je ne vous en fais pas part, c'est que les arbitrages ne sont pas rendus. Tout ce que je lis ici ou là sur les drames que représentera la hausse du prix de l'eau pour l'agriculture n'est que pure spéculation, puisque rien n'est arrêté à ce stade.

Croyez bien que l'élu du Sud-Ouest que je suis, dans le bassin d'Adour-Garonne, et qui sait à quel point l'agriculture irriguée joue un rôle en termes d'emploi, d'aménagement du territoire et d'activités économiques, n'est pas du tout disposé à ce que la loi sur l'eau mette en cause les équilibres économiques de l'agriculture irriguée...

M. le président.

Nous en revenons aux questions du groupe socialiste.

La parole est à M. Yvon Abiven.

M. Yvon Abiven.

Monsieur le ministre, comme vous le savez, la Bretagne occupe parmi les régions françaises un des tout premiers rangs pour la production légumière.

Bénéficiant de conditions naturelles favorables et d'un savoir-faire incontestable, les producteurs bretons ont su s'adapter aux exigences des marchés français et communautaires par une diversification de l'offre de leurs produits.

C ependant, la zone légumière du Nord-Bretagne connaît de manière récurrente des crises dans la production et la commercialisation de légumes frais, notamment de deux produits, le chou-fleur et la pomme de terre primeur. Chacun se souvient de l'année 1998, marquée par une forte mévente du chou-fleur d'hiver, qui avait provoq ué une réaction syndicale d'envergure. Pour cette année 2000, du fait de facteurs climatiques défavorables et de certains aspects conjoncturels du marché, ce sont les producteurs des pommes de terre primeur qui ont connu une saison particulièrement médiocre. Sur l'ensemble de la production bretonne, estimée à 100 000 tonnes cette année, 30 000 tonnes n'ont pas trouvé preneur.

Pour surmonter ces difficultés et répondre à une demande du consommateur qui, à juste titre, exige de plus en plus de qualité, comment envisagez-vous, monsieur le ministre, d'accompagner la nouvelle orientation de ces productions, en concertation avec les organisations professionnelles agricoles ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Abiven, c'est une question fondamentale. Il est en effet de notre responsabilité de dire qu'au lieu de faire des plans de campagne, année après année, pour faire face à des conjonctures défavorables, on pourrait, une fois de temps en temps - dire une fois pour toutes serait vaniteux -, essayer de mettre en place un plan structurel pour ne pas se voir confronté à un nouveau plan conjoncturel l'année suivante.

C'est une question de fond, y compris pour la bonne gestion des crédits publics. Je le dis sans agressivité : il est trop facile de se lancer dans des productions en sachant pertinemment qu'il n'y a aucun débouché, que ce soit sur le marché en général ou sur un segment particulier, et se retourner en fin de campagne vers les pouvoirs publics en disant : « Je n'arrive pas à écouler mes produits, les cours sont effondrés, aidez-moi. » Nous devons également en

appeler à la responsabilisation, dans le but de répondre de mieux en mieux, structurellement, à l'attente des consom-


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mateurs. Dans le domaine de la pomme de terre, les surproductions ne sont pas une fatalité. J'ai visité récemment dans la Somme une exploitation qui produit des pommes de terre de qualité sur des marchés extrêmement segmentés, où les agriculteurs gagnent très bien leur vie, sans aucun problème d'écoulement.

Notre responsabilité, ce à quoi nous sommes en train de travailler, y compris avec les organisations économiques auxquelles vous faites allusion, c'est d'amener les agriculteurs à faire évoluer leur production vers des qualités correspondant à la demande du consommateur, comme vous l'avez très bien dit. De sorte que, si nous devons les soutenir, nous le fassions d'une manière structurelle et non année après année pour combler des trous ou résorber des excédents.

Cet appel à la raison et à des financements structurels est la moindre des choses que nous puissions faire ensemble. C'est ce que nous avons entamé avec un certain nombre de professionnels, et je pense qu'ils seront de plus en plus nombreux.

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Le Bris, pour la dernière question du groupe socialiste.

M. Gilbert Le Bris.

Monsieur le ministre, avant de vous poser une question sur la fiscalité des marins, permettezmoi une remarque liée à l'actualité.

I nterdire les farines animales, certes, mais parmi celles-ci, il y a les farines élaborées à base de poissons sauvages, plus précisément des déchets du mareyage. Or, celles-là sont naturelles, de qualité et exemptes d'une quelconque contamination par des prions. Si on les interdit systématiquement elles aussi, il y aura un coût pour s'en débarrasser...

M. Thierry Mariani.

Il faut abattre les poissons ! (Sourires.)

M. Gilbert Le Bris.

... et donc, par ricochet, une nouvelle atteinte au revenu de toute la filière pêche. Je voulais soumettre cette donnée à votre réflexion.

Voilà qui me sert de transition pour ma question concernant le revenu du marin pêcheur. Vous le savez, celui-ci est en baisse : raréfaction de la ressource, chute des cours, augmentation du prix du carburant ont de fortes répercussions sur la rémunération à la part. A cela s'ajoute la réalité d'un métier difficile, contraignant, laissant peu de temps pour la vie de famille. Tout cela explique une désaffection des jeunes pour ce métier et une pénurie de main-d'oeuvre.

Face à une telle situation, qui peut mettre en péril l'avenir de nos pêches maritimes, il faut une mesure forte, susceptible de donner un regain d'intérêt à ce métier.

Cette mesure simple, c'est l'inclusion explicite des navigants dans le champ d'application de l'article 81 A du code général des impôts, qui prévoit l'exonération fiscale pour les professions travaillant hors de notre territoire plus de 183 jours par an.

J'ai déposé une proposition de loi en ce sens, mais ce serait tellement mieux si le Gouvernement, imitant d'autres pays européens - la Grande-Bretagne, le Portugal, l'Allemagne, l'Italie -, reprenait à son compte cette idée, finalement peu coûteuse et sûrement très incitative.

Monsieur le ministre, au-delà des mesures conjoncturelles, il faut désormais des mesures structurelles, volontaristes pour l'avenir de nos pêches. Cette défiscalisation devenue indispensable en fait partie. Qu'en pensez-vous ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, il y avait deux points dans votre question.

Le premier méritait la précision que vous avez apportée.

Les poissons sont des carnivores. A l'état sauvage, ils se nourrissent notamment d'autres poissons. Et c'est pourquoi les poissons d'élevage sont nourris par des farines de poisson. Certaines industries de pêches, notamment en Amérique du Sud, se sont d'ailleurs spécialisées dans la pêche destinée à la fabrication de farines animales, mais de poisson.

Je tiens d'ailleurs à démentir ici certaine information parue trop souvent dans les médias : en France, les poissons d'élevage ne sont plus nourris avec des farines de viande depuis un accord interprofessionnel de 1996, ces professionnels s'étant engagés à ne donner que des farines de poisson aux poissons d'élevage. Ceci devrait mettre un terme à la polémique et, en tout cas, apaiser des inquiétudes.

Pour ce qui concerne le second point, vous proposez d'étendre à la marine de pêche un régime qui existe pour la marine marchande. Je ne suis évidemment pas autorisé, aujourd'hui, à vous donner mon accord au nom du Gouvernement. Cela dit, je trouve votre proposition intéressante et cohérente. Elle mérite d'être étudiée. Nous avons déjà eu l'occasion d'en parler ensemble, et je peux vous dire que je suis prêt à pousser la réflexion. Je ne vois pas, en effet, pourquoi ce qui vaut pour la marine marchande ne vaudrait pas pour la navigation de pêche.

Je m'efforcerai donc de soutenir cette proposition, à laquelle, personnellement, je porte un grand intérêt.

M. le président.

Nous revenons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

La parole est à M. Didier Quentin.

M. Didier Quentin.

Monsieur le ministre, le moment semble venu de mettre en oeuvre une réforme fiscale et sociale ambitieuse, destinée à faciliter l'installation des jeunes agriculteurs. Cette réforme pourrait s'articuler autour d'un certain nombre de mesures. J'en déclinerai rapidement huit qui correspondent aux attentes d'une majorité de la profession, et dont je souhaiterais savoir si vous avez l'intention de les mettre en oeuvre.

Premièrement, une exonération de 25 % des charges sociales pour les jeunes agriculteurs installés depuis moins de dix ans. Les jeunes agriculteurs bénéficient jusqu'à présent d'une exonération partielle des charges sociales durant les trois premières années qui suivent leur installation : 65 % la première année, 55 % la deuxième année et 35 % la troisième. Cependant, le basculement de la cotisation maladie sur la CSG a pesé lourdement sur les revenus des exploitants agricoles. Je vous demande donc, monsieur le ministre, si vous comptez mettre en place, à la suite de la période des trois ans d'exonération partielle, un allégement de 25 % des cotisations sociales sur les sept années suivantes. Cette mesure viserait à aider les jeunes agriculteurs à faire face aux charges de leurs premières années, et plus particulièrement à celles de la reprise de l'installation.

Deuxièmement, exonération de l'imposition des plusvalues en cas de transmission à un jeune exploitant.

Troisièmement, mise en place de prêts bonifiés « jeunes agriculteurs » à un taux de 1 %. Quatrièmement, harmonisation des aides à l'installation. Il serait opportun d'obtenir, comme sur les autres secteurs d'activité, un abattement dégressif sur le revenu imposable allant de 100 % à 25 % durant les cinq premières années d'activité.


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Cinquièmement, attribution de points de retraite supplémentaires aux cédants qui favorisent l'installation.

Sixièmement, recréation d'une ligne d'abondement des programmes pour l'installation et le développement d'initiatives locales, les PIDIL.

Septièmement, séparation du revenu du capital et du revenu du travail. Il serait souhaitable d'arriver, à terme, à une assiette de cotisations qui ne serait constituée que du revenu du travail, seul élément sur lequel les cotisations devraient être calculées.

Huitièmement, enfin, imposition spécifique des revenus exceptionnels. Ces revenus - indemnités ou abandons de créances - entrent dans le revenu de l'exploitant. Ils sont donc imposés immédiatement, socialement et fiscalement, alors qu'ils nécessitent, pour une bonne gestion de l'exploitation, un traitement spécifique tel que l'exonération de charges ou l'étalement de la réintroduction dans le revenu.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, si vous entendez mettre en oeuvre, dans les meilleurs délais, tout ou partie de ces mesures fiscales ou sociales qui permettraient de favoriser l'installation des jeunes en agriculture.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Quentin, tout, non ; partie, oui.

Je répète que l'exonération des charges sociales pour les jeunes agriculteurs, dont vous souhaitez la prorogation au-delà de trois ans, sera prolongée de deux ans : 25 % pour la quatrième année, 15 % pour la cinquième.

Quant à l'exonération de l'imposition des plus-values en cas de transmission, j'ai dit tout à l'heure à quel point je la considérais comme injuste. Elle ne bénéficierait pas aux jeunes mais aux cédants, et proportionnellement à leurs revenus et à leur patrimoine. Je ne suis pas d'accord.

Vous voudriez qu'on accorde des points de retraite supplémentaires aux cédants. Je trouve que vous en demandez beaucoup au régime de retraite, compte tenu de ce que l'on a déjà dit sur le sujet. Les agriculteurs pourront bénéficier de la préretraite dans le cadre des CTE de transmission, dans des conditions qui restent à préciser, mais le principe en est posé.

Quant à l'abondement de la ligne PIDIL, je répète que cette ligne reste disponible dans le budget du CNASEA.

Ces crédits sont peu consommés, ce qui montre que ce n'est pas là non plus qu'on trouvera une recette miracle.

Vous faites des propositions fiscales. Mais êtes-vous prêts à une réforme fiscale qui aille jusqu'à remettre en cause le forfait ? Cette question a été fort intelligemment traitée dans le rapport de Mme Marre. Je ne sais pas si vos propositions vont jusque-là.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Schreiner.

M. Bernard Schreiner.

Monsieur le ministre, dans son agrément du Plan de développement rural national, la Commission européenne a exigé que soient maintenus les accès aux mesures agri-environnementales pour les agriculteurs qui ne signaient pas de CTE.

Cette exigence européenne risque certainement de diminuer le nombre de CTE conclus au cours des prochains mois et d'accroître l'écart, déjà manifeste, entre vos prévisions et les réalisations effectives pour l'année 2000.

Mais cette exigence signifie aussi que l'Union européenne n'est pas disposée à étendre à l'ensemble des pays membres de l'Union la procédure CTE.

Dans ces conditions, doit-on, monsieur le ministre, maintenir une telle procédure qui, dans sa conception, se résume à une participation publique partielle à des surcoûts économiques ou territoriaux supportés par l'exploitation et qui pèse sur sa compétitivité, et à un dispositif de modulation négative des aides européennes alimentant le fonds de financement des CTE ? Les conséquences de cette exigence se retrouvent également dans votre budget, monsieur le ministre, puisque les MAE devraient relever de deux lignes, la 44-41-22 et la 44-84-10. Comment allez-vous gérer cette dispersion ? Si la première ligne est destinée aux MAE hors CTE, elle risque d'être largement insuffisante pour satisfaire les agriculteurs désirant reconduire leurs engagements environnementaux sans faire de CTE.

Enfin, la ségrégation que vous établissez avec des MAE hors CTE, qui seront pénalisées par une rémunération inférieure de 20 % aux MAE incluses dans un CTE, estelle défendable face au souci d'harmoniser les applications nationales des directives communautaires ? Le rythme de réalisation des CTE, nettement inférieur à ce que vous aviez annoncé, n'incite-t-il pas à corriger à la hausse la ligne 44-41-22 aux dépens du fonds de financement des CTE ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, j'insiste bien : l'existence de CTE n'est nullement exclusive des mesures agri-environnementales.

Autrement dit, on peut faire de l'agri-environnemental hors CTE et dans les CTE. Voilà pourquoi il y a ces deux lignes budgétaires. Il est exact que le Gouvernement a souhaité que les mesures agri-environnementales, traitées dans le cadre de CTE, soient encouragées, parce qu'elles représentent une approche plus globale, à la fois économique et environnementale. Les aides sont donc supérieures dans ce cas.

En tout cas, rassurez-vous : la gestion de ces deux lignes de budget sera extrêmement simple !

M. le président.

Nous en avons terminé avec les questions.

AGRICULTURE ET PÊCHE

M. le président.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne :

« Agriculture et pêche ».

ÉTAT B Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III : 712 589 108 francs ;

« Titre IV : moins 321 997 666 francs. »


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ÉTAT C Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles)

TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 105 500 000 francs ;

« Crédits de paiement : 31 650 000 francs. »

TITRE VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 1 598 450 000 francs ;

« Crédits de paiement : 557 245 000 francs. »

Sur le titre III de l'état B, concernant l'agriculture et la pêche, le Gouvernement a présenté un amendement, no 148 rectifié, ainsi rédigé :

« Majorer les crédits de 6 399 135 francs. »

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cet amendement tend à abonder les crédits prévus pour la création d'emplois d'inspecteur vétérinaire.

M. Patrick Lemasle.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Le budget en prévoyait déjà vingt. Mon amendement en ajouterait trente, ce qui porterait à cinquante le nombre des emplois supplémentaires d'inspecteur vétérinaire. Voilà une première mesure destinée, sinon à faire face à la crise de l'ESB elle-même, du moins à assurer l'ambitieux programme de tests - 48 000 - sur les bovins que nous avons mis en route depuis le début de l'été. Ce programme met beaucoup à contribution les services vétérinaires, qui travaillent dans des conditions extrêmement pénibles, y compris psychologiquement.

J'ai donc considéré, et le Premier ministre m'a suivi, ce dont je le remercie, qu'il fallait doter les services vétérinaires de moyens supplémentaires, d'autant, tout le monde l'a deviné ce soir, que nous ne pourrons que les développer dans l'avenir.

C'est une disposition qu'impliquait le début de la gestion de la crise et qui, en tout cas, prolonge l'instauration du programme de tests.

M. le président.

La parole est à Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'agriculture, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 148 rectifié

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'agriculture.

La commission n'a pas été saisie de cet amendement. A titre personnel, je me félicite de cetter éponse si rapide aux questions qui préoccupent l'ensemble des parlementaires présents sur ces bancs. Il apporte aussi un démenti à ceux qui prétendaient, il n'y a pas si longtemps, que le Gouvernement ne faisait rien.

Je proposerai donc, à titre personnel, d'adopter cet amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 148 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix les crédits du titre III, modifiés par l'amendement no 148 modifié.

(Les crédits du titre III, ainsi modifiés, sont adoptés.)

M. le président.

Sur le titre IV de l'état B, concernant l'agriculture et la pêche, je suis saisi de six amendements, nos 67, 68, 146, 69, 147 et 70, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 67, présenté par M. Jacob, est ainsi rédigé :

« Réduire les crédits de 400 000 000 francs. »

L'amendement no 68, présenté par M. Jacob, est ainsi rédigé :

« Réduire les crédits de 239 000 000 francs. »

L'amendement no 146, présenté par M. Sauvadet, est ainsi rédigé :

« Réduire les crédits de 200 000 000 francs. »

L'amendement no 69, présenté par M. Jacob, est ainsi rédigé :

« Réduire les crédits de 155 000 000 francs. »

L'amendement no 147 présenté par M. Sauvadet, est ainsi rédigé :

« Réduire les crédits de 145 000 000 francs. »

L'amendement no 70, présenté par M. Jacob, est ainsi rédigé :

« Réduire les crédits de 40 000 000 francs. »

La parole est à M. Christian Jacob, à qui je suggère de faire une présentation commune des amendements nos 67, 68, 69 et 70.

M. Christian Jacob.

Si vous insistez, monsieur le président...

(Sourires.)

M. le président.

Vous avez la parole, monsieur Jacob.

M. Christian Jacob.

L'amendement no 67 vise à réduire les crédits de 400 millions de francs, c'est-à-dire la somme affectée au financement des CTE. D'ailleurs, si on dispose de ces 400 millions, c'est qu'ils ne sont pas utilisés du fait de l'échec patent des CTE que nous avons dénoncé à plusieurs reprises. Il vaudrait mieux les utiliser à autre chose. Je suggère de les réaffecter au programme de maîtrise des pollutions agricoles. Mon amendement devrait donc être voté sans difficultés si j'en juge par les interventions, nombreuses, de mes collègues sur tous les bancs, qui ont regretté que les crédits PMPOA soient si faibles.

L'amendement no 68 tend à une réduction de 239 millions de francs, qui seraient destinés à honorer les décisions arrêtées par la Commission dans le cadre du plan de développement rural national. En effet, la dotation est réduite de cette même somme, suite à l'expiration de certaines mesures agri-environnementales. Il faudrait redoter ce fonds, car cela permettrait de relancer le plan protéines végétales, pour encourager la production de protéagineux ou d'oléagineux, dès le printemps, en tout cas dès les périodes de semis.

J'aimerais bien, monsieur le ministre - une fois n'est pas coutume - que vous répondiez aux questions de l'opposition, spécialement sur ce plan de protéines végétales, que vous avez passé sous silence tout à l'heure.

Si vous votez mon amendement, mes chers collègues, nous n'aurions pas à importer des protéines - soja ou autres - des Etats-Unis, du Brésil ou d'Argentine.

L'amendement no 69 vise à réduire les crédits de 155 millions de francs. Il s'agit là de rétablir le dispositif DJA à hauteur de ce qu'il était en 1999. Vous allez


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me dire, monsieur le ministre, que ces crédits n'ont pas été utilisés faute d'un nombre suffisant d'installations.

Justement, demandons-nous pourquoi. J'ai remarqué que vous n'avez pas répondu à un de nos collègues de la majorité qui vous interrogeait sur ce sujet, pas plus qu'à nous. Après tout, c'est plutôt rassurant ! Je vous propose donc d'utiliser ces crédits pour l'installation, peut-être en instaurant un dispositif différent ou, pourquoi pas ?, en imaginant d'autres aides.

Selon vos réponses, j'interviendrai à nouveau pour vous faire d'autres propositions, si vous n'en aviez pas de précises sur le sujet.

L'amendement no 70, qui propose de réduire les crédits de 40 millions, vise à rétablir la parité entre la contribution des agriculteurs et celle de l'Etat au fonds des calamités agricoles, comme cela a été prévu dans la loi de 1964. L'Etat n'honore pas ses engagements en la matière. Nous avons subi, le 26 décembre dernier, une tempête très grave. Une autre vient de se produire.

Comme chaque année, d'autres agriculteurs et d'autres régions touchés auront besoin du régime des calamités agricoles. Voilà l'occasion pour l'Etat de tenir ses engagements.

Je ne doute pas que mes quatre amendements soient adoptés par l'ensemble de nos collègues. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet, pour défendre les amendements nos 146 et 147.

M. François Sauvadet.

Le ministre ayant décidé de ne pas répondre à toutes nos questions, je lui épargnerai un long discours.

Le premier de mes amendements, no 146, vise à mieux employer l'argent du CTE, comme l'a rappelé mon collègue Christian Jacob. M. le ministre a estimé que, de toute façon, cela revenait à la ferme France. Mais il faut que M. le ministre se rende davantage dans d'autres régions de France, car la situation actuelle affaiblit des pans entiers de la modulation, notamment dans les zones intermédiaires, et touche directement des filières dont nous aurons bien besoin, notamment en matière d'oléoprotéagineux. Je m'étonne d'ailleurs qu'il tienne aujourd'hui ce langage de fermeté, alors que, il y a quelque mois, il semblait plus conscient et s'interrogeait sur l'opportunité d'appliquer la modulation comme elle l'est aujourd'hui avec les conséquences que cela entraîne, notamment, je le répète, pour les oléoprotéagineux. Peutêtre cette fermeté est-elle le signe d'une profonde interrogation. Cela se traduit parfois ainsi.

N ous vous proposons tout simplement d'utiliser les CTE. N'avez-vous pas dit, monsieur le ministre, qu'il fallait qu'on fasse des propositions ? Celle-ci n'est pas du

« bla-bla », puisqu'elle concerne 225 millions de francs : telle était la participation de l'Etat au fonds national de garantie, passée à 250 millions de francs en 1998, à 50 millions pour 2000 et 2001.

Vous avez parlé du PMPOA, et, là encore, nous proposons d'en faire une meilleure utilisation. Je m'interroge sur la dérive des coûts que vous évoquiez. Vous avez dit qu'il fallait engager les agriculteurs à respecter l'environnement - ce à quoi nous souscrivons tous -, mais, depuis quatre ans, la même somme est allouée au PMPOA, augmentée simplement de quelque 10 millions.

A quoi bon tenir des discours si les moyens financiers ne suivent pas ? Vous opposez les gros et les petits : le PMPOA prévoyait des interventions par unités de gros bétail décroissantes ; dès le début, on s'est interrogé sur cette logique, et je partage d'ailleurs votre souci de réorienter ces crédits sur des bassins versants, mais, de grâce, au lieu d'opposer les petits et les gros, dégagez des moyens supplémentaires pour faire en sorte que disparaissent ces interminables listes d'attente pour la mise aux normes des bâtiments d'élevage. Les dossiers sont prêts.

Ils n'attendent que le financement, et je partage l'inquiétude qu'a exprimée notre collègue de l'opposition quis iège, comme moi, au conseil d'administration des agences de bassin. Ce n'est pas du verbiage qu'il nous faut, monsieur le ministre, mais de l'action politique, et cela se paie par des actes.

Pour ce qui concerne l'amendement no 147, je rappelle que le fonds pour l'installation en agriculture a été créé, en 1996, par votre prédécesseur. Vous l'avez supprimé, en l'intégrant dans le CTE. Vous pouvez donc tenir de longs discours, très bucoliques, sur l'installation : si les jeunes ne s'installent pas aujourd'hui, c'est qu'ils sont profondément inquiets. Certes, la conjoncture est en partie responsable de cette situation, mais pas plus que l'effet dissuasif de la politique que vous menez. Avec une bonne politique, les gens ont confiance ; avec une politique peu lisible, compliquée et dans laquelle ils ne se retrouvent pas, ils hésitent à s'engager.

C'est pourquoi nous proposons de revenir à une vraie lisibilité de la politique d'installation en abondant de 145 millions de francs un Fonds d'installation agricole.

Ce faisant, nous vous aidons à simplifier, mais, de grâce, ne compliquez pas la tâche de ceux qui veulent s'installer.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

La commission n'a été saisie d'aucun de ces six amendements. Je voudrais cependant dire, à titre personnel, que nous avons déjà longuement évoqué le problème des CTE dans la discussion. Nous connaissons donc la position des auteurs de ces amendements au regard de ce qui est un pilier central de la réorientation de notre politique agricole, et je ne peux pas être favorable à leurs propositions.

C'est une technique assez commune que de préconiser des suppressions de crédits pour augmenter en réalité les dépenses. Si ces amendements étaient adoptés, ils pourraient avoir des effets inverses de ceux recherchés par leurs auteurs.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Même avis que Mme la rapporteure.

J'ajoute qu'il est probable que ces amendements sont irrecevables au titre de l'article 42 de l'ordonnance de 1959. M. Jacob ne sait peut-être pas calculer, puisqu'il redistribue plus de crédits qu'il n'en supprime. Mais ce n'est pas grave quand on fait ça pour la gloriole.

Je voudrais cependant répondre en montrant mon souci du dialogue démocratique avec les représentants de l'opposition. Monsieur Jacob, je n'ai aucune difficulté à parler du plan protéines. Je suis en effet le seul ministre européen à l'avoir évoqué, par écrit, dans un document transmis non seulement à la Commission mais à tous les gouvernements des Quinze, à l'occasion du Conseil informel du mois de septembre. Je me réjouis donc que vous me rejoignez sur cette question.

Monsieur Sauvadet, vous voulez abonder les crédits du fonds de calamités agricoles. Mais connaissez-vous l'état de sa trésorerie à la fin 2000 ? Elle se monte à 1 milliard de francs. Nous considérons qu'en abondant simplement de 50 millions de francs nous restons dans le domaine de


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ce qui est nécessaire et responsable. Vous voulez abonder davantage : je n'en vois pas bien l'utilité, même si je comprends la démarche. Vous êtes surtout animé par l'ambition de réduire les crédits du CTE. Il faut bien, ensuite, faire quelque chose de ces crédits.

Quant aux PMPOA, je trouve que c'est quand même un comble que l'on m'accuse d'opposer les petits et les gros. C'est vous qui avez fait un programme réservé aux gros. Dans mon extrême générosité - parce que vous savez que je suis tout, sauf sectaire -, j'avais dit que ce n'était pas idiot.

M. Christian Jacob.

C'est le comble du sectarisme !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il était sûr, en effet, que les gros polluaient plus que les petits, et je considérais qu'il était bon de commencer par eux. Mais ce n'est pas parce que je dis maintenant qu'il faut ouvrir aussi ce programme aux petits que vous devez me reprocher d'opposer les petits aux gros. C'est marcher sur la tête, c'est le monde à l'envers.

Enfin, je répète que nous avons maintenu la ligne du FIA dans le budget du CNASEA, qu'il y avait 300 millions de francs avec tous les projets PIDIL et que nous n'en avons refusé aucun cette année. Vingt millions de francs ont été consommés. Il reste encore 280 millions de francs. Ce n'est pas là que bât blesse.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable aux six amendements.

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob, pour répondre au Gouvernement.

M. Christian Jacob.

Monsieur le ministre, une fois de plus, vous ne répondez pas aux questions précises qui vous sont posées, notamment à celle soulevée par l'amendement no 67, qui vise à renforcer les crédits affectés au PMPOA. Constatez-vous, oui ou non, un manque de crédits sur les PMPOA, et êtes-vous d'accord pour conforter ce plan de modernisation ? Je ne suis pas le seul à avoir posé cette question. D'autres l'ont fait, sur tous les bancs.

S'agissant du plan protéines, vous venez de dire que vous vous réjouissiez, que vous étiez d'accord. Sommesnous, là aussi, dans l'ordre du discours, du bla-bla-bla,...

M. Patrick Lemasle.

Le bla-bla-bla, c'est Chirac.

M. Christian Jacob.

... du baratin, ou cela signifie-t-il que vous allez voter mon amendement no 68 ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Moi, ici, je ne vote pas. Ça m'est arrivé dans le passé, mais je n'ai plus le droit.

(Sourires.)

M. Thierry Mariani.

Ça reviendra ! (Rires.)

M. Christian Jacob.

Si vous ne soutenez pas cet amendement, c'est que vous vous en tenez au bla-bla-bla, comme vous l'avez fait pendant une heure et demie tout à l'heure, c'est que vous persistez dans votre logorrhée verbale.

(Sourires.)

Vous n'avez pas non plus répondu sur la politique d'installation. Ce n'est pas la première fois. Vos résultats sont d'ailleurs probants. On les a rappelés : 10 % de baisse depuis trois ans chaque année. Vous interrogez.

Vous avez créé des commissions, des groupes de travail.

Mais vous ne prenez aucune mesure concrète. Nous vous offrons, là, une possibilité de renforcer les crédits à l'installation.

Une fois de plus, vous refusez systématiquement toute proposition. Le concret vous pose un vrai problème.

Cette incapacité à décider est assez fabuleuse de la part d'un ministre.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

67. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

68. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 146.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

69. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 147.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

70. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix la réduction de crédits du titre IV.

(La réduction de crédits du titre IV est adoptée.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

M. le président.

J'appelle maintenant les articles 49 et 50 rattachés à ce budget et, en accord avec la commission des finances, les amendements portant article additionnel après ces articles.

Article 49

M. le président.

« Art. 49. I.

Au premier alinéa de l'article L. 361-5 du code rural, le 1o est rédigé comme suit :

« 1o Une contribution additionnelle aux primes ou cotisations afférentes aux conventions d'assurance couvrant, à titre exclusif ou principal, d'une part, les dommages aux bâtiments et au cheptel mort affectés aux exploitations agricoles et, d'autre part, les risques de responsabilité civile et de dommages relatifs aux véhicules utilitaires affectés aux exploitations agricoles.

« La contribution est assise sur la totalité des primes ou cotisations. Elle est liquidée et recouvrée suivant les mêmes règles, sous les mêmes garanties et sous les mêmes sanctions que la taxe annuelle sur les conventions d'assurance, prévue à l'article 991 du code général des impôts.

Le taux de la contribution est fixé à 11 %. »

« II. L'antépénultième alinéa du même article est supprimé. »

Mme Marre, rapporteure spéciale, a présenté un amendement, no 82 rectifié, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le premier alinéa du I de l'article 49 :

« I. Le 1o de l'article L.

361-5 du code rural est ainsi rédigé : » La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

Cet amendement rédactionnel a été adopté par la commission des finances.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 82 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

MM. Le Nay, Colombier et Kergueris ont présenté un amendement, no 145, ainsi rédigé :

« I. Compléter le I de l'article 49 par l'alinéa suivant :

« Les contrats et conventions d'assurance relatifs aux serres de production sont exonérés de cette contribution additionnelle. »

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La diminution de ressources est compensée, à due concurrence, par une augmentation des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des i mpôts nonobstant les dispositions de l'article L.

361-5 du code rural. »

La parole est à M. Jacques Le Nay.

M. Jacques Le Nay.

Je présenterai cet amendement au nom des membres du groupe d'études des problèmes horticoles.

Nous proposons de réécrire l'article L.

361-5 du code rural, notamment dans son premier alinéa. Cet article définit l'origine des ressources alimentant le Fonds national de garantie des calamités agricoles qui a pour mission d'indemniser les agriculteurs pour les dommages causés par les aléas naturels non assurables.

En l'état actuel, cet article du code rural prévoit qu'une partie des ressources du Fonds national de garantie des calamités agricoles est alimentée par des contributions additionnelles aux primes ou cotisations des convent ions d'assurance. Les taux de ces contributions additionnelles sont au nombre de deux, l'un de 10 % lié au contrat d'assurance contre l'incendie, l'autre de 5 % lié à tous les autres contrats.

Dans la nouvelle rédaction prévue par l'article 49 du projet de loi de finances, les deux taux disparaissent au profit d'un taux unique de 11 %. Ce taux uniforme concernerait les bâtiments, les machines et les véhicules utilitaires. Les cultures et le bétail seraient, quant à eux, exonérés. L'un des motifs évoqués par les promoteurs de la réforme est de favoriser les contrats de type « assurance récolte ».

De fait, il est possible à un céréalier de favoriser ce type de contrat dans la mesure où il existe une différence nette et évidente entre les bâtiments et les cultures. L'inconvénient, c'est que cette différence n'existe pas entre les cultures horticoles et les serres de production. Les dégâts infligés aux plants impliquent qu'il y ait eu obligatoirement au préalable dégâts sur les serres. Par conséquent, le motif visant à favoriser le développement de certains types de contrats d'assurance ne peut avoir aucun écho pour l'horticulture. Dans la mesure où les dégâts infligés aux serres sont intimement liés à ceux subis par les cultures, les professionnels de la filière se retrouvent pris au piège de la nouvelle réglementation de l'article. Ils ne peuvent favoriser aucun type d'assurance.

De plus, sachant qu'il est fort probable que les compagnies d'assurance augmentent très prochainement les tarifs de leurs contrats, la présente mesure va prendre une ampleur supplémentaire.

Les horticulteurs se trouvent donc confrontés à une énième augmentation de leurs charges, sans pour autant bénéficier des avantages sous-entendus par la nouvelle rédaction de l'article L.

361-5. Pour l'horticulture comme pour d'autres activités agricoles - je pense notamment au maraîchage -, il s'agit en fait d'une taxation supplémentaire qui viendra grever l'outil de production.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

La commission n'a pas été saisie de cet amendement. Je m'exprimerai donc à titre personnel pour dire que le problème que soulève notre collègue est réel, mais qu'il me semble qu'il devrait plutôt être pris en compte dans le cadre de l'assurance-récolte par l'intégration des serres dans ces contrats d'assurance. La mise en place d'une exonération spéciale dans le cadre de l'article 49 n'est donc pas nécessaire.

A titre personnel, je suis défavorable à cet amendement, tout en demandant au Gouvernement de favoriser, par la négociation et la discussion avec les compagnies d'assurance, l'intégration des serres dans les contrats.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Comme la rapporteure, je suis défavorable à l'amendement, et je préconise la même solution : négocier, avec les assureurs, pour étendre leur périmètre d'intervention. Je préfère m'orienter dans ce sens et répondre favorablement au souhait de Mme Marre.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 145.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Marre, rapporteure spéciale, a présenté un amendement, no 83, ainsi rédigé :

« Dans le II de l'article 49, substituer aux mots : "L'antépénultième", les mots : "Le treizième". »

La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

Amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

En cette soirée où l'agriculture est maltraitée, permettez-moi de défendre, après elle, la langue française.

Vous proposez, madame Marre, de supprimer « l'antépénultième » et de le remplacer par « treizième ». Permettez-moi de rappeler que l'antépénultième est exactement le mot qui convient dans ce contexte. Je cite le Trésor de la langue française publié par le CNRS, qui précise que l'antépénultième est l'expression « qui précède immédiatement l'avant-dernière unité, dans une suite d'éléments qu'on peut dénombrer ». Ainsi, à titre d'exemple, dans le mot « bla-bla-bla », la syllabe « bla » est l'antépénultième.

(Sourires.)

Voilà pourquoi je vous prie de ne pas remplacer « l'antépénultième » par « le treizième ».

M. le président.

La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

Je ne sais si nous en sommes au premier ou au dernier « bla ». Peutêtre y a-t-il une divergence sur une question de décompte d'alinéas. Il me semble avoir bien compté et je maintiens mon amendement.


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M. le président.

Ce n'était pas forcément le sens de l'intervention de M. Mariani.

(Sourires.)

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Très belle intervention, au demeurant ! (Sourires.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

83. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 49, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 49, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 49

M. le président.

M. de Courson a présenté un amendement, no 119, ainsi libellé :

« Après l'article 49, insérer l'article suivant :

« I. Le deuxième alinéa (1o ) de l'article L. 722-4 du code rural est complété par une phrase ainsi rédig ée : "L'assujettissement en tant que chef d'exploitation ou d'entreprise agricole est subordonné à l'obtention de l'autorisation préalable prévue aux articles L. 331-2 et L. 331-3 du code rural ou au respect de l'obligation de déclaration préalable prévue à l'article L. 331-4 du même code."

« II. La perte de recettes pour le BAPSA est compensée par le relèvement à due concurrence du taux de la taxe prévue à l'article 1609 unvicies du code général des impôts.

« III. Les dispositions des I et II sont applicables à compter du 1er janvier 2002. »

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

A l'occasion de mes contrôles dans cinq caisses, j'ai découvert une grave anomalie dans les affiliations au régime agricole.

En 1984, nous avions créé le lien entre l'immatriculation et l'autorisation d'exploiter : on ne pouvait pas être immatriculé sans produire l'autorisation que délivrent actuellement les CDOA. Cette condition a, hélas !, été supprimée en 1988, et nous aboutissons à des situations complètement aberrantes.

Ainsi, dans l'un de mes cinq contrôles, j'ai découvert un exploitant de quatre-vingts ans qui reprenait une exploitation à son fils âgé de soixante ans pour lui permettre de bénéficier d'une retraite. La CDOA n'avait pas donné son autorisation. Nous avons, maintenant, deux catégories d'exploitants. Comme nous n'avons jamais défini ce qu'était un exploitant agricole, c'est aujourd'hui quelqu'un qui est immatriculé à la MSA. Cet exploitant était donc immatriculé à la MSA, mais n'avait pas l'autorisation d'exploiter. Les cas semblables ne manquent pas.

Je propose de revenir au texte de 1984 et de rétablir le lien entre l'immatriculation à la MSA et la réglementation sur les structures.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Toutefois, un amendement similaire avait été déposé par M. de Courson et rejeté par la commission. La différence était qu'il visait à rétablir cette obligation pour les seules personnes ayant atteint l'âge de la retraite.

Je répète rapidement ce qui a été dit en commission.

Cet amendement vise à réintroduire dans le code rural l'obligation, pour toutes les personnes qui souhaitent être affiliées à la MSA en tant que chef d'exploitation, d'obtenir une autorisation d'exploiter délivrée par le préfet ou d'avoir fait une déclaration préalable.

Nous avions supprimé cette obligation en 1988. Personnellement, je ne suis pas sûre qu'il faille la rétablir, bien que j'aie moi-même été amenée à souligner dans un rapport - désormais célèbre (Sourires) - qu'il y avait effectivement un problème de définition de l'exploitation.

On l'a aussi évoqué dans le cadre de la loi d'orientation agricole.

Personnellement, je pense que si l'on doit revoir ces critères, ce ne peut être que de façon globale. C'est pourquoi je propose le rejet de cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je comprends le sens de l'intervention de M. de Courson. Je partage même sa préoccupation. Mais, si je considère qu'il est indispensable de faire avancer la réflexion pour f aire coïncider les deux approches économiques et sociales, je veux souligner les inconvénients de sa proposition. En l'adoptant, nous risquerions de créer des situations complètement surréalistes dans lesquelles des personnes qui répondent de façon tout à fait régulière à toutes les conditions dans la définition sociale ne pourraient plus bénéficier du régime de protection sociale agricole au motif qu'elles ne satisfont pas en totalité aux critères de la définition économique.

C'est la raison pour laquelle je souhaite que M. de Courson retire son amendement ou que celui-ci soit rejeté. Mais je veux bien m'engager solennellement à étudier cette question car le problème soulevé est réel.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

On peut toujours dire qu'il faudrait une définition de l'exploitation. Mais, ne vous faites aucune illusion, madame Marre, vous n'y arriverez jamais.

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

Mais si !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Parce que, quelle que soit la définition que vous retiendrez, vous exclurez une partie des personnes actuellement considérées comme exploitantes. Donc, cette voie n'est pas la bonne.

La seule solution, je crois, c'est de s'occuper uniquement des nouvelles immatriculations, sans chercher à réexaminer, comme on est en train de le faire en Corse, les immatriculés pour vérifier s'ils ont été correctement immatriculés. C'est l'esprit de mon amendement.

Je veux bien le retirer mais le problème qu'il soulève est réel. Le trou laissé dans le dispositif juridique aboutit à des situations aberrantes, voire à des détournements de la réglementation sociale.

M. le président.

L'amendement no 119 est retiré.

Mme Marre, rapporteur spéciale, et M. de Courson ont présenté un amendement, no 84, ainsi libellé :

« Après l'article 49, insérer l'article suivant :

« Il est inséré dans le code rural un article L. 72347-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 723-47-1. La Caisse centrale de la mutualité sociale agricole est chargée d'assurer la gestion commune de la trésorerie des caisses de mutualité sociale agricole.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

« Elle assure l'individualisation de la situation de la trésorerie de chaque caisse par un suivi permanent en prévision et en réalisation comptable, ainsi que par l'établissement d'un état prévisionnel.

« Les intérêts créditeurs et débiteurs résultant de la gestion définie au premier alinéa sont répartis entre les caisses en fonction du solde comptable quotidien de leur trésorerie.

« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article. »

La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

Cet amendement a été adopté par la commission. Il propose de centraliser la gestion de la trésorerie des caisses de MSA à la Caisse centrale de la MSA. L'objectif était d'appeler l'attention des caisses de MSA sur la nécessité de rationaliser leur gestion afin de diminuer les coûts de trésorerie.

A titre personnel, je m'étais abstenue, non pas par opposition sur le fond, car, là aussi, l'idée est plus qu'int éressante, mais parce qu'il me semblait nécessaire d'entreprendre une négociation avec les caisses de MSA sur ce point, plutôt que d'imposer par la loi une modification de leurs relations, d'autant que les relations entre les caisses locales et la caisse nationale ne sont pas de même nature pour la MSA que pour le régime général.

Néanmoins, l'amendement a été adopté par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

La fougue réformatrice de M. de Courson, bien connue dans cet hémicycle depuis de nombreuses années, peut l'amener parfois à quelques excès non maîtrisés. La portée de la disposition qu'il propose dépasse probablement le seul cadre de ce projet de loi de finances, puisque cela introduirait sûrement un bouleversement brutal dans les équilibres globaux, institutionnels d'un régime qui s'est construit sur le mode mutualiste d'une façon décentralisée - vous voyez que les décentralisateurs ne sont pas toujours là où vous croyez. Cette centralisation brutale que vous proposez, monsieur de Courson, supprimerait le dispositif actuel d'avance de trésorerie qui est consenti aux caisses en considération des cotisations qu'elles ont émises, et non pas au regard des cotisations réellement encaissées. La modification proposée serait de nature à fragiliser l'incitation pour les caisses à un bon recouvrement des cotisations.

En outre, contrairement à ce que vous affirmez, monsieur de Courson, il n'est pas certain que les finances publiques gagneraient à cette centralisation.

D ans ces conditions, je préconise, à l'instar de

M me Marre, une expertise complémentaire et une concertation approfondie sur ce sujet, plutôt que de raisonner à la hussarde, comme vous le proposez.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Monsieur le ministre, cet amendement était un amendement d'appel.

Vous savez très bien que vous optimisez la gestion de la trésorerie d'un groupe quand vous la gérez d'une façon centralisée. C'est le b.a.-ba. Il en est de même pour la Mutualité sociale agricole.

En effet, vous placez toujours à un taux d'intérêt inférieur à votre endettement. En optimisant la trésorerie, vous réduisez votre endettement et vous augmentez vos placements. Donc, les caisses, elles-mêmes, bénéficieraient d'un taux de rémunération de leurs fonds plus intéressant. Le but n'est pas de capter la trésorerie au niveau central, mais de mieux la gérer et de la rémunérer davantage.

Monsieur le ministre, j'espérais que vous iriez un peu plus loin dans vos déclarations en annonçant à la représentation nationale que vous vous engagiez à mener une concertation avec la Caisse centrale et les caisses pour aller dans ce sens. Si telle est votre intention, je suis prêt à retirer mon amendement.

M. le président.

Vous ne pouvez pas retirer l'amendement, monsieur de Courson, c'est un amendement de la commission.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

La commission l'a adopté parce qu'elle était d'accord avec moi.

M. le président.

En revanche, j'accepterai volontiers que Mme la rapporteure spéciale se prononce sur le retrait, si vous en êtes d'accord.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

C'était un appel du pied à M. le ministre !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

L'engagement que je peux prendre, monsieur de Courson, c'est de saisir la Caisse centrale de votre proposition et de lui proposer une expertise, mais je ne peux pas aller au-delà.

Si la modification présente autant d'avantages que vous le prétendez, on esssaiera de l'adopter. Si elle présente plus d'inconvénients que d'avantages, ce que je n'exclus pas, je ne peux pas prendre l'engagement de l'imposer.

M. le président.

La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

Après l'explication que vient de donner M. le ministre, je pense que je peux, au nom de la commission et en accord avec M. de Courson, retirer l'amendement no

84.

M. le président.

L'amendement no 84 est retiré.

M. de Courson a présenté un amendement, no 128, ainsi libellé :

« Après l'article 49, insérer l'article suivant :

« Après le premier alinéa de l'article L. 724-9 du code rural, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les agents visés à l'alinéa précédent peuvent accéder aux informations détenues par les services déconcentrés du ministère chargé de l'agriculture, relatives aux exploitations agricoles que ces agents ont la charge de contrôler. A la demande des caisses de mutualité sociale agricole, ces services leur transmettent les données, relatives aux bénéficiaires des primes communautaires, dont ils disposent. »

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

A l'origine de l'amendement no 128 se trouve, encore une fois, une découverte que j'ai faite lors des contrôles que j'ai effectués avec un administrateur de la commission. Nous avons essayé de rapprocher les fichiers de la DDA au regard des aides européennes, des déclarations faites à la MSA, pour ceux qui sont forfaitaires. En clair, nous avons cherché à comparer quelles étaient les superficies, puisqu'en général ce sont des superficies, qui sont déclarées pour bénéficier des aides européennes avec les superficies qui sont déclarées à la MSA.

Quel n'a pas été mon étonnement de découvrir, dans un département d'ailleurs cher à notre ministre, que le concept de surface au regard des aides européennes n'était


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absolument pas le même que celui qui sert de base à la déclaration fiscale pour les forfaitaires. On arrive à ce paradoxe que vous pouvez déclarer 60 hectares pour bénéficier des aides européennes alors que vous ne déclarez au fisc que 40 hectares. Et personne ne rapproche les fichiers DDA des fichiers MSA. Pourquoi ? Parce qu'il n'existe aucune disposition juridique permettant de le faire.

Fort de mes pouvoirs d'enquêteur, j'ai décidé de faire des tests et de demander à la DDA de me donner des listings que je transmettrai à la MSA. Après avoir constaté les écarts, je pourrai interroger les personnes et leur demander des explications. Mais pour cela, il faut une d isposition juridique. C'est l'objet de l'amendement no 128.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

Cet amendement, après débat, a été rejeté par la commission des finances. Je considérais qu'une fois de plus était posé le problème du forfait et du non-contrôle de ce mode de gestion. Il me semblait que cet exemple relevait, comme beaucoup d'autres, d'une réflexion globale sur le forfait.

Cela dit, dans l'attente de cette réforme globale, dont je sens les frémissements à travers les prises de position de certains, et pas seulement de membres du Gouvernement mais même de la profession, et ont pouvoir donner un début de concrétisation à ce rêve, je suis prête à évo luer.

Un premier contrôle de ce type permettra peut-être aux forfaitaires de s'habituer à l'idée d'un éventuel changement de régime. Mais c'est un avis personnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, une fois de plus, je vais faire preuve d'esprit d'ouverture à l'égard des propositions constructives de l'opposition. J'ai été très intéressé par les propos de M. de Courson. Comme lui, je crois que nous aurions tout intérêt à faire correspondre les informations de la MSA et des DDA, et je suis tout à fait disposé à ce que les services des DDA puissent transmettre les informations dont elles disposent aux MSA. J'accepte donc l'amendement de M. de Courson.

M. le président.

La parole est à M. Joseph Parrenin.

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour l'agriculture.

Je veux bien croire à l'existence de discordances, mais je tiens à souligner que les terrains communaux, quand ils existent, sont pris par le biais de syndicats pastoraux et n'apparaissent pas à la cote de la MSA des agriculteurs concernés.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Non !

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis.

Si, je peux vous assurer que cela existe, chez nous notamment. Le syndicat pastoral loue les terrains à la commune, laquelle les met à la disposition des agriculteurs de la commune.

Ces terrains ne peuvent donc pas apparaître sur le fichier de la MSA. Il y a aussi les agriculteurs qui mettent des bêtes en parcours, en pension. Il faut nous montrer prudents et ne pas mettre un peu trop systématiquement l'accent sur les discordances, en laissant entendre qu'il y aurait tricherie.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je comprends très bien ce que veut dire M. Parrenin, mais je voudrais le rassurer. En comparant les deux fichiers, les discordances apparaîtront, mais, dans ces discordances, certaines seront normales, explicables, celles que vous citez, tandis que d'autres ne le seront pas. Ce sont elles qui pourront donner lieu à des rectifications. On ne sanctionnera pas automatiquement toute discordance.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Bien sûr !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je pense très sincèrement que ce rapprochement sera utile et positif pour les contrôles.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 128.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

M. de Courson a présenté un amendement, no 122, ainsi libellé : Après l'article 49, insérer l'article suivant :

« I. L'article L.

731-11 du code rural est ainsi rédigé :

« Art. L.

731-11. Les cotisations relatives aux prestations familiales et à l'assurance vieillesse dues par les chefs d'exploitation ou d'entreprise mentionnés au 1o de l'article L.

722-4 ne peuvent être inférieures à des minima définis par décret. »

« II. Le I est applicable à compter du 1er janvier 2002.

« III. La perte de recettes pour le BAPSA est compensée par le relèvement à due concurrence du taux visé à l'article 1609 unvicies du code général des impôts. »

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Depuis la création de la CSG, je me bats, en tant que rapporteur, pour que l'on supprime les cotisations minimales qui sont devenues incohérentes et injustes. Le Gouvernement a fait un premier pas cette année en supprimant les majorations des cotisations minimales. Il ne reste plus qu'à supprimer la cotisation proprement dite. C'est ce que je propose de faire en 2002.

Le système actuel est en effet vraiment inéquitable à l'égard des personnes qui s'acquittent de la cotisation minimale, parce qu'ils n'ont pas droit, par exemple, à la CMU alors que certains d'entre eux sont en dessous des seuils de revenu. Comme je le dis souvent, c'est la totale : ils paient des impôts très supérieurs à leurs revenus en pourcentage puisque c'est un montant forfaitaire, et ils n'ont pas droit à la CMU. La logique voudrait qu'on aille au bout de la réforme en supprimant les cotisations en 2002.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

L'amendement no 122 a été rejeté par la commission des finances.

Un amendement identique a d'ailleurs été rejeté lors de la discussion de la première partie de la loi de finances, à ceci près que la mise en application était en 2001 et non 2002. S'il était normal de débattre de cette proposition dans le cadre du projet de budget pour 2001, il me semble curieux de proposer quelque chose qui relèvera du débat sur le projet de budget pour 2002.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Le Gouvernement vient de s'engager dans la suppression de la majoration, M. de Courson l'a rappelé. Cette mesure, qui


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était proposée par Mme Marre et M. Cahuzac dans leur rapport, coûte déjà 148 ou 150 millions de francs. Il faudrait rajouter 200 millions.

Le Gouvernement a ainsi fait un pas. Je ne dis qu'il n'en fera pas un autre l'année prochaine, nous en débattrons le moment venu, mais je ne peux pas prendre d'engagement aujourd'hui. Je ne suis même pas certain que l'on puisse, dans le projet loi de finances pour 2001, voter une décision qui serait mise en oeuvre en 2002.

Attendons l'année prochaine pour voir si cela peut être fait, ce sera plus rigoureux.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 122.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. de Courson a présenté un amendement, no 140, ainsi libellé :

« Après l'article 49, insérer l'article suivant :

« I. Le deuxième alinéa (1o ) de l'article L.

731-14 du code rural est complété par une phrase ainsi rédigée : "Il est tenu compte des reports déficitaires et des amortissements réputés différés au sens du 2o du 1 de l'article 39 du code général des impôts."

« II. Les pertes de recettes pour le budget a nnexe des prestations sociales agricoles sont compensées à due concurrence par le relèvement du taux de la taxe prévu à l'article 1609 unvicies du code général des impôts.

« III. Les dispositions du I et du II sont applicables à compter du 1er janvier 2002 ».

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Le Gouvernement s'est engagé dans la voie d'une simplification et d'une harmonisation des assiettes.

L'amendement no 140 propose d'aller plus loin encore.

Si on veut harmoniser les assiettes des cotisations sociales, de la CSG et de la CRDS et l'assiette fiscale, il faut le faire sur la base de l'assiette fiscale.

La définition de l'assiette de la CSG est, vous le savez, dérogatoire au droit commun. C'est pourquoi je propose d'intégrer les abattements fiscaux dans le calcul de l'assiette sociale, de façon à rapprocher les assiettes fiscales et sociales sur la base d'un texte de loi. Compte tenu du coût qui résulterait de la prise en compte de la totalité des abattements fiscaux aujourd'hui exclus par la MSA, seuls sont retenus les moins coûteux d'entre eux, c'est-àdire les reports déficitaires et les amortissements réputés différés. Il ne resterait plus que deux écarts qui pourraient être corrigés l'année suivante, et on aurait alors une homogénéité d'assiettes.

Cette proposition n'est pas très coûteuse. De mémoire, je la chiffre à cinquante millions de francs.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

Cet amendement n'a pas été examiné par la commission.

Il me semble que la proposition de M. de Courson est une source de complexité supplémentaire, dans la mesure où le dispositif actuel permet déjà aux exploitants qui le désirent de tenir compte des déficits, ce qui motivait, pour l'essentiel, l'amendement.

Donc, à titre personnel, je donne un avis défavorable à cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 140.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. de Courson a présenté un amendement, no 127, ainsi libellé :

« Après l'article 49, insérer l'article suivant :

« I. Le cinquième alinéa de l'article L.

731-14 du code rural est ainsi rédigé :

« A compter des revenus de l'année 2001, les chefs d'exploitation agricole à titre individuel sont autorisés, sur option, à déduire des revenus mentionnés au 1o le montant de la valeur locative des terres mises en valeur par ladite exploitation et dont ils sont propriétaires. La valeur locative retenue est égale à la moyenne des minima et maxima fixés en application des dispositions de l'article L.

411-11 du code rural. »

« II. La perte de recette pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par la créat ion d'une taxe additionnelle aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

« III. La perte de recette pour le budget annexe des prestations sociales agricoles est compensée par un relèvement à due concurrence des droits prévus à l'article 1609 unvicies du code général des impôts. »

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Voilà quatre ans que je défends la même idée.

La loi de modernisation agricole avait posé le principe de la déduction de l'assiette de la rente du sol. Mais on avait estimé, à l'époque, la rente du sol sur la base de la valeur locative cadastrale. Or, comme le savent les maires ici présents, l'écart entre la valeur locative cadastrale et la réalité des tarifs, ne serait-ce que ceux fixés par les arrêtés préfectoraux, est considérable, en moyenne de un à deux, un à trois, parfois de un à cinq.

Je suggère de déterminer le montant de la rente du sol, non plus en référence à la valeur locative cadastrale, qui est devenue complètement obsolète, vous pouvez le constater dans toutes vos matrices cadastrales, mais en prenant tout simplement comme référence les arrêtés préfectoraux qui fixent les plafonds des loyers. Ainsi, la rente du sol sera entièrement déduite pour les propriétaires exploitant une partie de leur exploitation en pleine propriété. Et nous aurons achevé sur ce point la réforme de l'assiette.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

La commission a rejeté cet amendement, qui vise à modifier très ponctuellement la détermination de la rente du sol en se référant aux arrêtés préfectoraux fixant les fermages.

Il s'agit toujours du même débat, plutôt du double débat : celui de la révision cadastrale et celui de la réforme de la fiscalité. Ce problème, sur lequel j'ai eu l'occasion de me pencher longuement, ne peut pas être traité uniquement à travers cet aspect des choses ; il doit faire partie d'une réforme globale, qui viendra, j'en suis sûre.

J'ajoute que cet amendement se traduirait par une importante perte de recettes pour le BAPSA, sans doute de l'ordre de 500 millions.

Pour toutes ces raisons, je propose le rejet de cet amendement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 127.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. de Courson a présenté un amendement, no 121, ainsi libellé :

« Après l'article 49, insérer l'article suivant :

« I. Le premier alinéa de l'article L.

731-15 du code rural est ainsi rédigé :

« Les revenus professionnels pris en compte sont constitués par la moyenne des revenus se rapportant aux trois années antérieures à celle au titre de laquelle les cotisations sont dues. »

« II. L'article L.

731-19 du code rural est ainsi rédigé :

« Art. L.

731-19. Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article L.

731-15, les c hefs d'exploitation ou d'entreprise agricoles peuvent, dans des conditions fixées par décret, opter pour une assiette de cotisations constituée de leursr evenus professionnels tels que définis à l'article L.

731-14 et afférents à l'année au titre de laquelle les cotisations sont dues. »

« III. La perte éventuelle de recettes pour le BAPSA est compensée à due concurrence par le relèvement du taux de la taxe prévue à l'article 1609 unvicies du code général des impôts.

« IV. Les dispositions des I à III sont applicables à compter du 1er janvier 2002. »

P eut-être pourriez-vous défendre en même temps l'amendement no 139, monsieur de Courson ?

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Volontiers, monsieur le président !

M. le président.

L'amendement no 139, présenté par M. de Courson, est ainsi libellé :

« Après l'article 49, insérer l'article suivant :

« I. Il est inséré, après l'article L.

731-19 du code rural, un article L.

731-19-1 ainsi rédigé :

« Art. L.

731-19-1. Par dérogation aux articles L.

731-15 et L.

731-19, l'assiette des cotisations dues par les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricoles ayant exercé l'option prévue à l'article 32 de la loi no 94-114 du 10 février 1994 portant diverses dispositions concernant l'agriculture continuent à bénéficier, en 2001, de ladite option. Au titre de l'année 2002, l'assiette de leurs cotisations est constituée par la moyenne des revenus professionnels tels que définis à l'article L.

731-14 et afférents à l'année 2002 et à l'année précédente.

L'assiette des cotisations de ces mêmes personnes est constituée, au titre de l'année 2003, conformément à l'article L.

731-15, sauf s'ils ont exercé l'option prévue à l'article L.

731-19. »

« II. Les pertes éventuelles de recettes pour le BAPSA sont compensées à due concurrence par le relèvement du taux de la taxe prévue à l'article 1609 unvicies du code général des impôts. »

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Il s'agit d'une affaire grave.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ah !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Je suis sérieux ! Le Gouvernement propose, et tout le monde y est favorable, une mesure de simplification. Actuellement, pour le calcul de l'assiette de leurs cotisations, les exploitants agricoles ont le choix, vous le savez, entre deux régimes fiscaux. Au forfait, les exploitants ont le choix entre la moyenne des revenus des trois années précédentes et l'année n 1. Au réel, ils ont le choix entre la moyenne triennale et l'année n. Il faut rappeler que la possibilité de choisir entre ces différents modes de calcul a été introduite à la suite des grandes crises viticoles des a nnées 1991-1992, lesquelles avaient abouti à des émeutes dans la région du cognac, dans le Bordelais, et même en Champagne - c'est vous dire ! Cette disposition avait pour but de répondre à l'objection de beaucoup d'agriculteurs qui, victimes de crises sectorielles, ne comprenaient pas qu'on puisse leur demander de payer des cotisations alors qu'ils n'avaient plus de revenus et qu'ils étaient en déficit.

Le rapport Marre-Cahuzac s'est penché sur la question de la suppression de l'année n ou de l'année n 1, tout le monde étant d'accord pour maintenir le choix de la moyenne triennale. Finalement, il a été décidé de proposer de supprimer la référence à l'année n pour ne garder que l'année n 1, et cette proposition a été reprise à son compte par le Gouvernement.

Quelles sont les raisons qui ont poussé à cette modification ? Il s'agissait, il faut bien le dire, d'une raison pratique : le calcul de l'assiette à partir des revenus de l'année n est lourd à gérer pour les caisses de MSA. Mais il faut savoir que les artisans et commerçants ont le même système, un système lourd, en effet, mais qui fonctionne, et qui permet de répondre aux crises sectorielles.

Si nous nous en tenons au choix de l'année n 1, mes chers collègues, que va-t-il se passer ? Dans le secteur de l'élevage bovin, 54 000 exploitants ont choisi l'année n . En Bretagne, parfois 30 % des exploitants au régime fiscal du réel ont opté pour ce mode de calcul car beaucoup ont vécu la crise du porc.

Payer de fortes cotisations sociales quand on gagne bien sa vie, ça va, mais payer sur la base de revenus élevés passés alors qu'on est aujourd'hui dans le creux, ça ne va plus.

Je plaide pour que nous maintenions l'année n . Sinon, nous risquons d'être dans l'incapacité d'apaiser les crises sectorielles que connaît périodiquement l'agriculture : aujourd'hui, la crise de la filière bovine ; il y a deux ans, l'effondrement du cours des fruits et légumes ; il y a quatre ans, la crise porcine. Même si la procédure est plus lourde du point de vue de la gestion administrative par les caisses, maintenir l'année n , c'est se donner la possibilité de résoudre bien des problèmes.

Quant à l'amendement no 139, je l'ai déposé, pour le cas où le précédent ne serait pas retenu, de façon à évit er un passage trop brutal à l'année n 1.

Les exploitants ayant opté pour l'année n qui devront passer l'année prochaine à l'année n 1 paieront des cotisations sur les mêmes revenus deux années de suite. S'ils étaient dans un cycle haut, ils devront payer deux fois sur une cotisation élevée. Mais soyons honnêtes, il faut dire aussi que, si leurs revenus étaient faibles, voire déficitaires, ils paieront deux fois une somme dérisoire voire nulle.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

Lorsque l'année n a été créée, on avait prévu un dispositif transitoire où l'on retenait la moyenne de n et de n 1. Nous proposons ici un mécanisme de lissage du passage de n à n 1, comme, d'ailleurs, de n à la moyenne triennale.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

M. de Courson a oublié de dire que l'un des objectifs fixés par le Premier ministre dans sa lettre de mission était la simplification.

L'amendement no 121 a été rejeté par la commission.

Je rappelle que l'article 5 du PLFSS, adopté en première lecture il y a quelques jours, a supprimé cette option afin de simplifier les assiettes de cotisations sociales. Pour avoir reçu l'ensemble des organisations professionnelles, je peux témoigner qu'elles n'étaient pas hostiles à cette mesure. En outre, cet article a introduit la possibilité de changer d'option tous les six ans. Il est équilibré. Je ne vois pas la nécessité d'y revenir aujourd'hui.

Quant à l'amendement no 139, il n'a pas été examiné par la commission puisqu'il vient d'être déposé par M. de Courson. J'emploierai le même argument : ne compliquons pas à l'excès, fût-ce pour un problème de transition. A titre personnel, j'y suis défavorable.

M. Philippe Martin.

C'est pourtant plus logique et plus réaliste !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Comment prétendre ne pas compliquer les choses quand on revient sur une simplification ? M. de Courson propose de modifier une disposition votée par l'Assemblée dans le cadre du PLFSS. Certes, ce que l'Assemblée a fait par un vote, elle peut toujours le défaire par un autre vote. Mais cette disposition répondait aux souhaits de la MSA qui est tout de même gestionnaire du régime. C'est après avoir fait l'objet de discussions avec les organisations professionnelles agricoles que Mme Marre et M. Cahuzac l'ont proposée.

Dans ces conditions, je suis défavorable à ces deux amendements.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Monsieur le ministre, j'ai reçu comme chaque année les organisations professionnelles, en particulier le vice-président de la FNSEA chargé des problèmes sociaux, qui m'a dit que son organisation préférait le maintien de l'année n. J'ai ensuite demandé à M. Cahuzac si la proposition figurant dans son rapport avait recueilli l'accord de la profession.

Il avait cru comprendre qu'elle était plutôt favorable à n 1. Je lui ai alors conseillé de se rapprocher d'elle.

Je vous rapporte les faits, mes chers collègues. Ce n'est pas un problème politique mais technique.

M. Patrick Lemasle.

Ce n'est qu'une partie de la profession !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

C'est très simple : l'année n a été faite pour régler les problèmes liés à de fortes baisses de revenu.

M. le ministre critique la complexité du deuxième amendement. En fait, celui-ci prévoit simplement un dispositif transitoire d'un an. Après, c'est le régime perm anent qui s'appliquera. Il s'agit d'éviter deux écueils : d'une part, que l'exploitant déficitaire en 2000 qui gagne beaucoup d'argent en 2001 ne paie pas un sou de cotisation - ce qui est tout de même un peu choquant - et, d'autre part, que l'exploitant dont le revenu, très élevé en 2000, s'est effondré en 2001 ne paie deux fois des cotisations fortes. Mon amendement est neutre.

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Aujourd'hui, je conçois qu'il soit plus difficile pour la MSA de calculer sur n que sur n 1. Mais, à la limite, ce n'est pas notre souci. L'important, c'est que les agriculteurs paient des cotisations sociales sur une base plus juste, où le calcul de l'assiette correspondrait au niveau de leur trésorerie. Cela vaut particulièrement pour les secteurs sujets aux crises - fruits et légumes, filière porcine hier, bovine aujourd'hui - ou a de fortes fluctuations comme la viticulture.

M. le président.

Je mets au voix l'amendement no 121.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 139.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. de Courson a présenté un amendement, no 126, ainsi rédigé :

« Après l'article 49, insérer l'article suivant :

« I. L'article L.

731-24 du code rural est supprimé.

« II. La perte de recettes pour le BAPSA est compensée à due concurrence par le relèvement du taux de la taxe prévue à l'article 1609 unvicies du code général des impôts.

« III. Les dispositions des I et II sont applicables à compter du 1er janvier 2002. »

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Il existe trois cotisations de solidarité. Depuis la création de la CSG, j'explique qu'il faut les supprimer toutes les trois.

Cette année, le Gouvernement consent un premier effort en supprimant la plus petite d'entre elle. L'amendement no 126 vous propose d'en supprimer une autre, dont le produit n'est que de 11 millions de francs, c'est la fameuse cotisation de solidarité relative aux associés de sociétés de personnes non affiliés au régime agricole.

Je l'ai vérifié sur place, elle donne lieu à une fraude très importante qui avoisine les 80 % d'après mes estimations. Aucun dispositif de sanction n'existe. Il n'y a même pas de fichier.

En outre, économiquement, le maintien de cette cotisation est une erreur. Elle décourage les investissements et l'apport de capitaux extérieurs dans l'agriculture. Les agriculteurs paient déjà 10 % au titre de la CSG, de la CRDS et du double 1 %, inutile d'ajouter à cela une cotisation qui n'a d'ailleurs aucune contrepartie en termes de couverture sociale.

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis.

Ainsi, les fraudeurs auront gagné !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Non, les fraudeurs n'auront pas gagné puisque le dispositif de sanction n'a pas été mis en oeuvre.

La plupart des caisses de MSA ne prennent même pas la peine de la recouvrer. La caisse du Cher, qui connaissait quelques difficultés, a voulu, pour augmenter ses recettes, s'y intéresser. Le produit est passé en deux ans de 200 000 à 500 000 francs sur un total de 11 millions à l'échelle nationale ! Je ne parle pas de la Corse, où seules deux personnes paient cette cotisation.


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C'est une mesure de simplification qui ne porte que sur 11 millions, vraiment trois clopinettes, comme on dit chez moi. (Sourires.)

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

La commission a rejeté cet amendement : la fraude fiscale ne justifie pas la suppression d'une taxe. Il s'agit plutôt de savoir comment faire pour en améliorer le recouvrement.

En outre, une clopinette a toujours son importance en matière de solidarité, monsieur de Courson.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 126.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. de Courson a présenté un amendement, no 129, ainsi libellé :

« Après l'article 49, insérer l'article suivant :

« I. Le début du premier alinéa de l'article L.

651-2-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Au titre de chaque exercice, le montant de contribution sociale de solidarité versé au régime de sécurité sociale des non-salariés agricoles est égal au produit de la contribution sociale de solidarité dû par les redevables dont plus de la moitié des salariés sont affiliés aux assurances sociales agricoles ou dont plus de la moitié des associés ou administrateurs non salariés sont affiliés au régime de sécurité sociale des non-salariés agricoles ; puis, le reste du produit de la contribution, minoré des frais de recouvrement et abondé du solde éventuel de l'exercice précédent... »

(Le reste sans changement.)

« II. Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale sont compensées par l'instauration à due concurrence de taxes additionnelles aux droits visés à l'article 575 A du code général des impôts.

« III. Les dispositions du I et du II entrent en vigueur au 1er janvier 2002. »

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

En 1998, le BAPSA s'est vu octroyer 1 milliard de francs, à « titre exceptionnel ». Je vous avais dit que l'exceptionnel allait devenir permanent. L'année suivante, en 1999, il a à nouveau bénéficié de 1 milliard, et cette année, petite augmentation de 1,350 milliard. Mais l'année prochaine, nous aurons besoin pour financer le bouclage de 2 milliards nets et de 1 milliard pour financer la contribution de l'Etat au régime de retraite complémentaire.

Vous voyez l'importance des sommes qu'il nous reste à trouver. C'est un problème d'autant plus sérieux que la crise actuelle que connaît l'agriculture va entraîner une chute des revenus et par conséquent des cotisations.

Cet amendement vise à faire à nouveau bénéficier le régime agricole du produit de la C 3 S. Vous m'avez dit, monsieur le ministre, une fois que j'évoquais ce problème : « A chaque jour suffit sa peine. » Oui, mais

quand il y a déjà eu trois années de peine et que, dans les années à venir, elle augmentera, il faut en tirer les conclusions.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

Rendons au moins hommage à la persévérance de M. de Courson, c'est la troisième année qu'il dépose cet amendement.

La commission l'a rejeté pour la simple raison que les modalités de perception de la C3S viennent d'être adoptées dans le cadre du PLFSS la semaine dernière.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 129.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. de Courson a présenté un amendement, no 118, ainsi rédigé :

« Après l'article 49, insérer l'article suivant :

« Le Gouvernement déposera sur le bureau des assemblées parlementaires, au plus tard le 1er juin 2001, un rapport relatif, d'une part, à la mensualisation des retraites des ressortissants du régime des non-salariés non agricoles et, d'autre part, à l'avantage retiré des mesures de revalorisation des retraites agricoles par les retraités du régime agricole bénéficiant de plusieurs retraites au titre de plusieurs régimes. »

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Cet amendement concerne la mensualisation, dont on ne peut pas voter la mise en place en vertu de l'article 40. Le Gouvernement s'est montré prêt, tout à l'heure, à quelques ouvertures. Reste la grande objection de la direction du budget. J'aime beaucoup la direction du budget, j'y ai été chef de bureau pendant deux ans et demi, pour ceux qui ne le savent pas, mais elle réagit en petit comptable. (Sourires.)

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Oh ! Vous ne pouvez pas dire ça !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Elle prétend que la mensualisation aurait un coût de 9 millards. Et quand on avance qu'elle a été instaurée pour le régime des artisans et des commerçants, elle oppose les intérêts sur le décalage. Le régime agricole fait, en effet, l'objet d'un budget annexe, ce qui n'est pas le cas de tous les autres régimes, qui, eux, sont intégrés dans la loi du financement.

Mais, en réalité, ce coût ne serait qu'un coût de trésorerie. Avec 9 milliards sur un trimestre l'encours moyen serait de 4,5 milliards puisque l'anticipation joue sur un mois et demi environ. Or, 5 % sur 4,5 milliards représentent approximativement les 250 millions dont il était question tout à l'heure.

Ce coût serait même réduit si le Gouvernement fixait un seuil à partir duquel procéder à la mensualisation.

Ce serait une erreur de mensualiser dès le premier franc ou même de mensualiser une pension trimestrielle de 1 000 francs. Retenir un seuil de 2 000 francs paraît plus raisonnable.

L'amendement propose que le Gouvernement dépose un rapport relatif à la mensualisation où les questions du coût de l'opération et de la fixation d'un seuil seraient examinées. J'ai cru comprendre tout à l'heure, monsieur le ministre, que vous étiez ouvert à un tel projet.

Dans son rapport sur la réforme de la loi organique, Didier Migaud propose de supprimer tous les budgets annexes. Le BAPSA viole complètement la définition de


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la loi organique sur les budgets annexes. De plus, il est devenu inutile, depuis l'instauration d'une loi de financement de la sécurité sociale. Sa suppression serait une réponse élégante à l'objection soulevée traditionnellement par la direction du budget. Il relèverait entièrement de la loi de financement de la sécurité sociale, comme maintenant, mais sans qu'il y ait doublon avec la loi de finances initiale. Pour la mensualisation, il suffirait de majorer les frais financiers de 250 millions, ou même de moins si les toutes petites retraites restent dans le système trimestriel, et l'affaire serait réglée. Le régime agricole ne doit pas être encore une fois le dernier des derniers.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

La commission a rejeté cet amendement, estimant que l'objectif de M. de Courson, comme il le dit lui-même, était avant tout d'attirer l'attention du Gouvernement sur la mensualisation des retraites agricoles. Cette mesure aurait un coût élevé pour le BAPSA et devrait appeler une compensation. Or l'Etat consent déjà un effort important en matière de revalorisation des petites retraites. J'ajoute que l'engagement que m'a semblé avoir pris le ministre rend inutile cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je ne peux pas vous laisser dire, monsieur de Courson, que les fonctionnaires de la direction du budget sont de « petits comptables ». C'est très désobligeant et je veux défendre la réputation de cette belle administration contre cette attaque insupportable. (Sourires.)

La mensualisation est un vrai problème. Tout à l'heure, j'ai déjà dit que la discussion avec la MSA était ouverte. Sa proposition est intéressante. Nous avons commencé à en débattre pour trouver une solution.

Enfin, monsieur de Courson, vous demandez au Gouvernement de déposer un rapport avant le 1er janvier 2001, c'est-à-dire dans un mois et demi. Je vous le dis franchement : c'est impossible.

Tous ces éléments devraient vous amener à retirer votre amendement.

M. le président.

Retirez-vous votre amendement, monsieur de Courson ?

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Monsieur le ministre, il s'agit du 1er juin 2001, et non du 1er janvier.

Vous avez donc sept mois. Vous avez fait un petit effort.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous l'avez remarqué !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Vraiment un tout petit effort. J'aurais aimé que vous alliez un peu plus loin. Mais je retire mon amendement.

M. le président.

L'amendement no 118 est retiré.

Article 50

M. le président.

« Art. 50. - I. - Le I de l'article L. 732-30 du code rural est complété par un second alinéa rédigé :

« A compter du 1er janvier 2001, le minimum prévu à l'alinéa précédent pour les personnes non susceptibles de bénéficier de la revalorisation de la majoration des pensions de réversion prévue au II de l'article L. 732-33 est relevé par décret. »

« II. - Au cinquième alinéa de l'article L. 732-31 du code rural, après les mots : "A compter du 1er janvier 2000", sont ajoutés les mots : "puis, en ce qui concerne les périodes accomplies comme conjoint, du 1er janvier 2001,".

« III. - L'article L. 732-33 du code rural est ainsi modifié :

« 1o Au dernier alinéa du I, après les mots : "A compter du 1er janvier 2000", sont ajoutés les mots : "puis du 1er janvier 2001," ; à la dernière phrase du même alinéa, le mot "celle" est remplacé par les mots : "la majoration totale".

« 2o Au dernier alinéa du II, après les mots : "A compter du 1er janvier 2000", sont ajoutés les mots : "puis du 1er janvier 2001,".

« Le dernier alinéa du III est rédigé comme suit :

« A compter du 1er janvier 2000, le montant de cette majoration, tel que prévu au deuxième alinéa, est relevé par décret pour les personnes remplissant à cette date les conditions fixées au premier alinéa. Il en est de même, à compter du 1er janvier 2001 pour les personnes considérées comme conjoints ou chefs d'exploitation ou d'entreprise agricoles et qui remplissent à cette seconde date lesdites conditions. »

« IV. - Le dernier alinéa du III de l'article L. 732-30 d u code rural et l'avant-dernier alinéa des articles L. 732-24 et L. 762-29 du même code sont abrogés.

« V. - Le quatrième alinéa de l'article L. 732-34 du code rural est abrogé à compter du 1er janvier 2001.

« Pour les conjoints de chefs d'exploitation ou d'entreprise agricoles qui, au 31 décembre 2000, bénéficiaient de la procédure de partage des points de retraite proportionnelle entre époux prévue à l'article L. 732-34 du code rural, la date limite d'option pour le statut de conjoint collaborateur, prévue au cinquième alinéa de l'article L. 321-5, au quatrième alinéa de l'article L. 732-31 et au dernier alinéa du I de l'article L. 732-35 est reportée au 1er juillet 2001.

« Lorsque les personnes mentionnées à l'alinéa précédent font le choix du statut de conjoint collaborateur à titre rétroactif pour 1999, 2000 et 2001 entre le 1er janvier 2001 et le 1er juillet 2001, la cotisation prévue au 2o de l'article L. 731-42 du code rural due pour l'année 2001 est, par dérogation aux dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 321-5 du même code, majorée au titre des années 1999 et 2000 dans des conditions prévues par décret.

« Les points de retraite proportionnelle qui avaient été imputés au conjoint dans le cade de la procédure de partage des points au titre de périodes postérieures à la date d'effet de l'option pour le statut de conjoint collaborateur sont réimputés au chef d'exploitation ou d'entreprise.

« VI. - Au cinquième alinéa de l'article L. 321-5, au quatrième alinéa de l'article L. 732-31 et au dernier alinéa du I de l'article L. 732-35 du code rural, les mots : "avant le 1er juillet 2000" sont remplacés par les mots : "avant le 1er janvier 2001". »

M. de Courson a présenté un amendement, no 130, ainsi libellé :

« Compléter le III de l'article 50 par les deux alinéas suivants :

« 4o L'article L.

732-33 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« V. Les majorations de retraite prévues à compter du 1er janvier 2001 résultant de l'application du dernier alinéa du I, du dernier alinéa du II


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et du dernier alinéa du III du présent article ne peuvent avoir pour conséquence de porter le montant global des avantages de vieillesse acquis par les bénéficiaires au titre de leurs droits propres dans l'ensemble des régimes obligatoires au-dessus du chiffre limite prévu par l'article L.

815-8 du code de la sécurité sociale pour les personnes seules. »

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

C'est la troisième année que je dépose cet amendement.

Les retraités agricoles, comme la majorité des retraités français, sont « polypensionnés ». Nos compatriotes perçoivent en moyenne 2,4 pensions. Cela vous étonne peutêtre beaucoup car la plupart des statistiques sur les retraites sont fausses. Elles reposent sur des analyses régime par régime alors qu'il faudrait au contraire réunir des données transversales.

J'ai toujours pensé que l'on devrait tenir compte, pour l a revalorisation des petites retraites agricoles, de l'ensemble des avantages vieillesse en droits propres, hors pension de réversion. En effet, j'ai par exemple un ami en Dordogne qui est arrivé un jour en riant et en me disant : « Franchement vous foutez en l'air l'argent des contribuables ! » Je lui ai alors demandé pourquoi, quel était le problème. Et il m'a expliqué la chose suivante.

L'un de ses copains qui a été adjudant-chef et a fait quinze ans dans l'armée touche à ce titre 8 000 ou 9 000 francs de retraite. Or il se trouve qu'il perçoit aussi une toute petite retraite agricole, pour avoir dirigé la petite exploitation familiale pendant une vingtaine d'années. Et, chaque année, il rigole parce qu'on lui remonte de 200 francs par mois sa retraite au motif qu'elle est modeste ! Je prends le cas d'un militaire, mais il y en a bien d'autres. Cela pourrait être un salarié de l'industrie.

A mon sens, la revalorisation des retraites est une mesure sociale qui doit être réservée aux « monopensionnés » de l'agriculture. Si cet amendement est adopté, je propose que le Gouvernement profite de l'économie qu'il permettra de réaliser pour augmenter plus vite le montant des retraites. Cela fait au moins trois ans que je propose ce mécanisme, mais on me répond toujours qu'il est trop compliqué.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

La commission a rejeté cet amendement pour deux raisons.

D'abord, il n'est pas dans l'esprit du programme de revalorisation de poser des conditions de ressources.

Ensuite, votre proposition, monsieur de Courson, serait un facteur de complication. En effet, les relations entre régimes sont telles que la recherche des polypensionnés en question ne serait pas simple. En outre, on sait déjà que très peu de gens seraient concernés : moins de 10 % des retraités. La redistribution que vous évoquez serait donc minime.

M. le président.

M. de Courson a compris les arguments de la commission !

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

Il sait que son amendement sera rejeté, et il n'écoute même pas mes explications !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Si ce que raconte M. de Courson était vrai, ce serait troublant.

Son histoire d'adjudant-chef pourrait être drôle, mais à deux heures et demie du matin je ne ris plus de ces choses-là ! Il faut avoir cotisé trente-sept ans et demi pour bénéficier de la revalorisation et les durées de carrière minimales nécessaires pour obtenir une revalorisation, avec application de coefficients de minoration, ont été abaissées à vingt-sept années et demie pour les monopensionnés - certains me demandent de les abaisser plus.

Alors je voudrais bien comprendre ! Je ne demande qu'à être éclairé, mais théoriquement, ce que vous dites, monsieur de Courson, ce n'est pas possible. Si cela l'était, pour des raisons qui nous échappent complètement, faites-le moi savoir, car cela mériterait que l'on examine la question de très près.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Deux cas se présentent : certaines personnes ont eu des carrières dites successives, d'autres des carrières parallèles. Je vous ai donné l'exemple de quelqu'un qui avait eu des carrières successives. Imaginez que vous vous soyez engagé à dixsept ans dans l'armée. Au bout de quinze ans vous êtes pensionné de l'armée. Je vous rappelle d'ailleurs que, si vous étiez à l'étranger, en Afrique par exemple, les années comptent double. Quinze ans de service actif peuvent compter pour vingt-cinq ans en termes de retraite. A trente-deux ans, vous reprenez la ferme de vos parents et vingt-sept ans et demi plus tard, c'est-à-dire à soixante ans, vous êtes à la fois pensionné de l'agriculture et pensionné militaire.

Second cas de figure : j'ai une petite exploitation agricole et, comme beaucoup, je suis pluriactif, c'est-à-dire que je suis en même temps salarié dans l'industrie. Je fais mes trente-sept ou quarante ans des deux côtés en parallèle. J'ai une petite ferme, donc une retraite faible, et je bénéficie de la revalorisation. Est-il normal que l'on ne tienne pas compte de l'ensemble des droits propres de quelqu'un qui a été toute sa vie à la fois salarié et exploitant agricole ? Les statistiques données par votre ministère, qui les tient d'ailleurs de la CCMSA et d'études dites horizontales sur les retraites, montrent que ce n'est pas du tout un problème marginal puisque 35 à 40 % des exploitants agricoles auraient d'autres retraites que la retraite agricole. Ce n'est d'ailleurs pas spécifique à l'agriculture. On constate le même phénomène chez d'autres professions. On dit qu'il concernerait 10 à 15 % de retraités.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Non !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Mais si, monsieur le ministre ! Vous sous-estimez considérablement le nombre de polypensionnés. Nous en sommes à 2,3 ou 2,5 retraites par Français !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 130.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 50.

(L'article 50 est adopté.)

Après l'article 50

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 135, ainsi libellé :

« Après l'article 50, insérer l'article suivant :

« I. Le 2o de l'article L.

731-42 du code rural est rédigé comme suit :

« 2o a) Une cotisation due pour chaque chef d'exploitation ou d'entreprise calculée dans les conditions de celle qui est mentionnée au 1o ;


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« b) Une cotisation due pour chaque aide familial défini au 2o de l'article L.

722-10 à partir de l'âge de la majorité ainsi qu'une cotisation due pour le conjoint collaborateur d'exploitation ou d'entreprise mentionné à l'article L.

732-35 ; l'assiette de ces cotisations est déterminée forfaitairement dans des conditions fixées par décret. »

« II. Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er janvier 2001. »

Sur cet amendement, M. de Courson a présenté un sous-amendement, no 150, ainsi libellé :

« I. Rédiger ainsi le II de l'amendement no 135 :

« Les dispositions du I, de portée interprétative, s'appliquent à compter du 1er janvier 1994, sous réserve des décisions juridictionnelles devenues définitives ou des contentieux en cours. »

« II. Les pertes de recettes éventuelles pour le BAPSA sont compensées par un relèvement à due concurrence des droits visés à l'article 1609 unvicies du code général des impôts. »

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement no 135.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

L'objet de cet amendement est de modifier l'assiette de la cotisation d'assurance vieillesse due par le chef d'exploitation pour les aides familiaux et le conjoint collaborateur.

L'article L.

731-42 du code rural prévoit, dans sa rédaction complétée par la loi d'orientation agricole, que le chef d'exploitation doit une cotisation d'assurance vieillesse pour l'aide familial et le conjoint collaborateur, cotisation calculée pour chacun dans les mêmes conditions.

Depuis 1994, la cotisation due par le chef d'exploitation pour son aide familial est calculée sur une assiette forfaitaire de 400 SMIC, à laquelle est appliqué le taux de cotisation d'assurance vieillesse plafonnée. Ces modalités de calcul sont prévues chaque année dans le décret qui fixe les montants de l'ensemble des cotisations des exploitants agricoles.

Cet amendement vise donc à introduire dans le code rural le principe de l'assiette forfaitaire retenu pour le calcul de la cotisation de l'assurance vieillesse due pour l'aide familial et le conjoint collaborateur.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

La commission n'a pas examiné cet amendement. L'explication de M. le ministre sur la clarification de l'assiette des cotisations d'assurance vieillesse dues par le chef d'exploitation me semble convaincante, dans la mesure où le code rural prévoit la même assiette que pour les cotisations des chefs d'exploitation, alors que, dans les faits, c'est déjà l'assiette forfaitaire, qui est appliquée. Il s'agit donc en quelque sorte de légaliser le principe d'une assiette forfaitaire, tout en laissant au décret le soin de la déterminer. A titre personnel, je suis donc favorable à cet amendement.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir le sous-amendement no 150.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Pourquoi le Gouvernement a-t-il déposé l'amendement no 135 ? Parce que, dans la pratique, l'application du système forfaitaire pour le calcul de la cotisation due pour les conjoints et aides familiaux n'était pas prévue par la loi. D'où ma question, monsieur le ministre : le système appliqué était-il plus ou moins avantageux que la loi ? Si vous me répondez qu'il était plus avantageux, je maintiendrai mon sous-amendement, afin d'éviter des contentieux, car votre amendement ne résout pas le problème du passé.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il était équivalent ! Il n'y aura donc pas de contentieux !

M. le président.

Quel l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

La commission n'a pas davantage examiné ce sous-amendement que l'amendement, mais M. de Courson apporte lui-même un élément de réponse. L'utilité du sous-amendement est incertaine, car une mesure rétroactive n'a d'intérêt, en tout cas dans l'esprit de M. de Courson, que pour ceux à qui elle s'adresse. A titre personnel, j'y suis donc défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Encore une fois, je ne comprends pas bien votre réaction, monsieur de Courson. En effet, l'amendement no 135 contient une mesure de clarification du code rural consistant à officialiser quelque chose qui se faisait à régime équivalent, ce qui exclut toute possibilité de contentieux.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Je retire mon sous-amendement.

M. le président.

Le sous-amendement no 150 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement no 135.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 136, ainsi libellé :

« Après l'article 50, insérer l'article suivant :

« I. Il est inséré, après l'article L.

762-1 du code rural, un article L.

762-1-1 ainsi rédigé :

« Art L. 762-1-1. Pour les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion, le budget annexe des prestations sociales agricoles mentionné à l'article L.

731-1 comporte, en recettes et en dépenses, les opérations résultant du présent chapitre à l'exclusion des dépenses de gestione t des recettes correspondantes ainsi que des dépenses et recettes concernant l'action sociale prévue aux articles L.

752-7 et L.

752-8 du code de la sécurité sociale. »

« II. 1o Le premier alinéa de l'article 1106-20 du code rural est supprimé.

« 2o Les articles 1142-10 et 1142-20 du même code sont abrogés. »

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cet amendement vise à réintégrer dans le code rural des dispositions qui n'ont pu y être insérées lors de l'importante codification opérée par l'ordonnance du 15 juin dernier.

En effet, les dispositions ainsi proposées avaient été adoptées par voie de loi ordinaire alors que, s'agissant de dispositions relatives au budget annexe des prestations sociales agricoles, elles auraient dû être obligatoirement prises par la voie d'une loi de finances.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Toutefois, l'argumentation développée par M. le ministre me paraît


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convaincante puisqu'il s'agit simplement - et je pense que M. de Courson y sera sensible - de respecter les dispositions de l'ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux budgets annexes. A titre personnel, je propose donc à l'Assemblée d'adopter cet amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 136.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement no 138, ainsi rédigé :

« Après l'article 50, insérer l'article suivant :

« Dans l'avant-dernier alinéa (4o ) de l'article L.

2335-9 du code général des collectivités t erritoriales, l'année : "2000" est remplacée par l'année "2006". »

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cet amendement est un peu plus lourd que les autres. Il s'agit en effet de proroger jusqu'en 2006 le financement du PMPOA sur le FNDAE. C'est la conséquence financière des discussions que nous avons eues sur le PMPOA et son financement. La loi de finances de 1997 avait étendu les activités du FNDAE au financement du PMPOA à hauteur de 150 millions de francs par an jusqu'au 31 décembre 1999 et cette mesure a été prorogée jusqu'en 2000 par la loi de finances rectificative de 1999.

Par ailleurs, la participation du FNDAE au financement de ce programme a été intégrée au sein des contrats de plan Etat-régions pour la période 2000-2006. Le présent amendement a pour objet de prolonger cette mesure jusqu'à l'échéance des contrats de plan. Il s'agit donc de permettre le financement par le FNDAE du PMPOA pendant toute la durée des contrats de plan.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j'y suis favorable. En effet, on a beaucoup parlé ce soir de l'importance du PMPOA. Il me semble donc bon de pérenniser l'enveloppe de 150 millions de francs pendant la durée du prochain contrat de plan.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 138.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. de Courson a présenté un amendement, no 144, ainsi rédigé :

« Après l'article 50, insérer l'article suivant :

« La faculté ouverte par l'article 4 du règlement (CE) no 1259/1999 du Conseil du 17 mai 1999 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune n'est pas utilisée. »

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Cet amendement pose à la fois une question de droit budgétaire et une question de fond sur le problème de la modulation.

Comme je me plais toujours à le rappeler, la modulation n'est pas une décision bruxelloise. C'est une décision nationale encadrée par l'article 4 du règlement (CE) no 1259/1999 du Conseil du 17 mai 1999.

Premier problème : quelle est la nature de la modulation ? Je défends depuis toujours la thèse selon laquelle c'est une imposition de toute nature au sens du droit financier français.

M. François Sauvadet.

Absolument !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Pourquoi ? En droit français, une imposition de toute nature, c'est un prélèvement effectué par voie d'autorité et sans contrepartie, destiné à couvrir l'ensemble des charges publiques. Or, le calcul de la modulation, qui s'effectue entreprise agricole par entreprise agricole, en fait un quasi-impôt sur le revenu. On nous dit : c'est un prélèvement sur les fonds communautaires. Mais non ! Les contreparties communautaires sont des aides aux exploitants et l'on calcule le montant dont on va amputer ces aides par le système auquel j'ai fait allusion. C'est donc bien, me semble-t-il, une imposition de toute nature.

Mais dans ce cas, vous ne pouvez la rattacher par voie de fonds de concours aux CTE puisque la loi organique réserve ce que l'on appelle les fonds de concours par assimilation aux recettes non fiscales. Donc, monsieur le ministre, allez-vous procéder à ce rattachement par voie de fonds de concours et, si votre réponse est négative, comment allez-vous justifier de l'affectation de ces fonds, car vous vous heurtez là au principe d'universalité des recettes ? Attendrez-vous la prochaine loi de finances rectificative pour demander à votre collègue ministre des finances d'augmenter le chapitre relatif aux CTE ? Il s'agira bien d'une recette du budget de l'Etat !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mais non, vous mélangez tout !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Sur le fond maintenant, vous avez reconnu tout à l'heure que vous n'aviez pas du tout besoin des 950 millions qui vont tomber dans les caisses de l'Etat français dès cette année.

Les aides communautaires sont versées en ce moment et les agriculteurs ont calculé, exploitation par exploitation, quel était le montant de la modulation. C'est donc bien dès l'exercice 2000 que vous allez percevoir ces 950 millions, à quelques dizaines de millions près, disons ce petit milliard. Comment allez-vous pouvoir utiliser ces fonds ?

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Plus exactement, il l'a été l'année dernière lors de la discussion du projet de budget pour 2000. La question était posée dans les mêmes termes. Simplement, je crois qu'il était un peu plus tôt dans la soirée. Je ne pense pas que ce soit l'heure d'un cours de fiscalité, mais je voudrais dire très rapidement deux choses.

D'abord, il est faux de dire que la France est le seul pays à appliquer la modulation,...

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Ce n'est pas ce que j'ai dit !

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

... puisque la Grande-Bretagne et le Portugal l'appliqueront aussi à compter du 1er janvier 2001.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

C'est un pourcentage fixe !

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

Je ne vous ai pas interrompu, cher collègue !

M. le président.

Ne vous laissez pas interrompre, madame la rapporteure !

Mme Béatrice Marre, rapporteure spécial.

Ensuite, les études d'impact précises réalisées au moment de la mise en place de cette modulation, études auxquelles beaucoup ont participé, y compris pour améliorer les modalités, ont


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

montré que les effets seraient variables selon les régions, mais qu'ils n'aggraveraient ni les inégalités géographiques ni les inégalités entre filières, contrairement à ce que vous dites.

M. François Sauvadet.

Alors là, vous vous trompez !

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale.

Nous avons déjà eu ce débat l'an dernier. Je propose donc à l'Assemblée de rejeter cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Malgré l'heure tardive, je voudrais dire à quel point la théorie de M. de Courson me navre ! Apparemment, il ne maîtrise pas encore la notion de cofinancement. Pourtant, en tant qu'élu local, il doit à tout moment être confronté à des problèmes de cofinancement de crédits nationaux et de crédits européens !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Je les utilise même !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Alors, vous devriez savoir comment cela marche !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Mais je le sais !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je vais vous expliquer.

Pour le CTE ou pour le développement rural en général, il y a des crédits nationaux du budget national - sur le CTE, 400 millions de francs cette année contre 950 l'année dernière - et des crédits européens qui vont alimenter le développement rural.

Les crédits européens de développement rural peuvent être abondés par les crédits de la modulation, qui sont également européens, mais qui ne peuvent être rattachés au budget de l'Etat, ni par voie de fonds de concours ni par quelque autre voie que ce soit.

J'en suis désolé, monsieur de Courson, mais votre raisonnement est erroné. Le budget de l'Etat ne tire pas de recettes de la modulation. Ce sont, du début à la fin, des crédits européens, qui étaient destinés à des aides directes et qui, par le biais de la modulation, deviennent des aides de développement rural, conformément au règlement européen. La France s'apprête à le faire, comme le font ou s'apprêtent à le faire d'autres pays européens.

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Je voudrais répondre à Mme Marre à propos de la modulation. M. de Courson n'a jamais dit que la France était le seul pays à y recourir. Il a dit que cela relevait d'une décision nationale, ce qui est différent.

Je ne vais pas revenir sur tous les effets induits de cette modulation - baisses de revenu et situations dramatiques dans lesquelles certains agriculteurs vont se retrouver puisqu'on les a longuement évoqués auparavant. Cela dit, monsieur le ministre, ce qui est dangereux dans ce système, c'est que vous utilisez des crédits européens dont la vocation était de compenser une baisse de prix, entre 1992 et aujourd'hui, par des aides directes et que vous réaffectez le montant de ces aides à des politiques nationales différentes. En fait, avec de l'argent communautaire, vous créez une distorsion de concurrence nationale. Ce système a donc des effets pervers, au-delà des effets sur le revenu que j'ai pu souligner tout à l'heure.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Tout d'abord, pour ceux qui ont lu avec attention mon exposé des motifs, je n'ai jamais dit que la France était la seule à utiliser cette modulation ; trois pays l'utilisent. J'ai dit que la France était la seule à l'utiliser effectivement, en pratiquant des taux progressifs. Alors que les Anglais, par exemple, ont adopté un « petit » système à 2,5 ou 3 % consistant en un prélèvement linéaire, qui touche tout le monde ; ce n'est donc rien du tout.

Ensuite, monsieur le ministre, s'il s'agit de crédits communautaires, ils restent dans le budget de l'Union.

Vous devrez donc trouver des contreparties nationales, en application de la règle dite de la subsidiarité et de la complémentarité, dans la limite de « 50-50 ».

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Oui !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Vous me confirmez que la règle s'applique ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Oui !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Alors, expliquez-moi comment, avec 950 millions de modulation et 400 millions dans votre budget, la parité serait respectée ! Vous risquez de perdre 550 millions. Comment allezvous trouver votre contrepartie ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

S'il faut tout réexpliquer à M. de Courson à trois heures du matin, on risque d'en avoir pour longtemps...

Il faut ajouter à ces 400 millions la part non consommée des crédits de l'année précédente. Et si nous n'arrivons pas à 950 millions avec les seuls CTE, nous pouv ons financer d'autres actions, comme les mesures agri-environnementales, avec le reste. Cessez donc de vous focaliser là-dessus !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 144.

(L'amendement n'est pas adopté.)

BUDGET ANNEXE DES PRESTATIONS SOCIALES AGRICOLES

M. le président.

J'appelle les crédits du budget annexe des prestations sociales agricoles.

« Crédits ouverts à l'article 35 au titre des services votés : 95 165 980 000 francs. »

M. de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour le budget annexe des prestations sociales agricoles, a présenté un amendement, no 85, ainsi rédigé :

« Réduire les crédits de 40 000 000 francs. »

Il s'agissait là d'un amendement de cohérence avec l'amendement no 84, qui a été rejeté.

L'amendement no 85 n'a donc plus d'objet.

Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 35.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président.

« Crédits inscrits au paragraphe II de l'article 36 au titre des mesures nouvelles : 1 055 020 000 francs. »

Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 36.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président.

Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'agriculture et de la pêche et du budget annexe des prestations sociales agricoles.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.

2 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 8 novembre 2000, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi portant ratification de l'ordonnance no 2000-930 du 22 septembre 2000 relative à la partie législative du code de la route.

Ce projet de loi, no 2692, est renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

3 DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président.

J'ai reçu, le 8 novembre 2000, de M. André Lajoinie, un rapport d'information, no 2689, déposé, en application de l'article 145 du règlement, par la commission de la production et des échanges, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur une mission effectuée au Canada du 10 au 18 septembre 2000.

4 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 8 novembre 2000, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.

Ce projet de loi, no 2691, est renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

5 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

MODIFIÉ PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 8 novembre 2000, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, modifié par le Sénat en nouvelle lecture.

Ce projet de loi, no 2690, est renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

6 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI ADOPTÉE PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 8 novembre 2000, transmise par M. le président du Sénat, une proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915.

Cette proposition de loi, no 2688, est renvoyée à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.

7

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001, no 2585 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (rapport no 2624).

Travail et emploi ; articles 57 à 60.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (annexe no 23 du rapport no 2624) ; M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome XI de l'avis no 2625).

Formation professionnelle : M. Jacques Barrot, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (annexe no 20 du rapport no 2624) ; M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome IX de l'avis no 2625).

A vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 9 novembre 2000, à deux heures cinquante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 2000

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmission

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le Président de l'Assemblée nationale, le texte suivant : Communication du 7 novembre 2000 No E 1588. - Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CE) no 2007/2000 du Conseil en étendant à l'ancienne République yougoslave de Macédoine et à la République fédérale de Yougoslavie les mesures commerciales exceptionnelles en faveur des pays et territoires participants et liés au processus de stabilisation et d'association mis en oeuvre par l'Union européenne et modifiant le règlement (CE) no 2820/98. Proposition de décision (CE) du Conseil concernant la suspension des dispositions commerciales et des mesures d'accompagnement figurant dans l'accord de coopération signé le 29 avril 1997 entre la Communauté européennee t l'ancienne République yougoslave de Macédoine (COM [2000] 680 final).