page 08376page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE MME CHRISTINE LAZERGES

1. Loi de finances pour 2001 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 8377).

Mme la présidente.

VILLE (nouvelle procédure) (Vote sur les crédits) M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la ville.

Mme Chantal Robin-Rodrigo, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la ville.

M. André Santini, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour la ville et l'intégration.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

MM. Renaud Donnedieu de Vabres, Michel Vaxès, Jean-Claude Mignon, Michel Pajon, François Goulard.

Etat B

Titres III et IV. - Adoption (p. 8388)

Etat C

Titres V et VI. - Adoption (p. 8388)

Suspension et reprise de la séance (p. 8388)

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR M. Alain Clayes, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. Jean-Jacques Denis, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale.

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel.

MM. Claude Goasguen, Jacques Guyard, Jean-Michel Dubernard.

Patrick Leroy, Jean-Pierre Foucher.

M. le ministre de l'éducation nationale.

E

DUCATION NATIONALE II. - Enseignement supérieur

Etat B

Titres III et IV. - Adoption (p. 8399)

Etat C

Titres V et VI. - Adoption (p. 8399)

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE M. Jacques Guyard, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. Yves Durand, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

MM. Bernard Outin, René Couanau, Jean-Pierre Baeumler, Claude Goasguen, Bruno Bourg-Broc.

Renvoi de la suite de la discussion budgétaire à la prochaine séance.

2. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 8414).


page précédente page 08377page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2001

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (no s 2585, 2624).

VILLE (Nouvelle procédure) Vote sur les crédits

Mme la présidente.

Nous abordons la discussion des crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité, concernant la ville, pour laquelle nous allons mettre en oeuvre, en séance publique, la nouvelle procédure budgétaire définie par la conférence des présidents.

Avant le vote des crédits, je donnerai donc la parole, pour cinq minutes, aux rapporteurs des commissions puis, pour dix minutes, à M. le ministre délégué à la ville et à un orateur par groupe.

Je rappelle que les travaux de la commission élargie consacrés à ce budget ainsi que les réponses aux questions écrites le concernant seront publiés en annexe au compte rendu de la présente séance.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la ville.

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la ville.

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué à la ville, mes chers collègues, cette année encore, le budget de la ville est un bon cru, un bon budget.

Depuis trois ans, le Gouvernement a entrepris une importante revalorisation des moyens budgtaires destinés à la politique de la ville. Cette mobilisation s'est concrétisée dès la loi de finances pour 1999, qui a augmenté de plus d'un quart les financements publics concourant au développement social urbain. Le budget 2000 a poursuivi cette évolution : l'effort public en faveur de la ville a atteint 35 milliards de francs. Pour l'année 2001, ce sont plus de 40 milliards qui seront consacrés à la politique de la ville, soit une augmentation de 65 % en trois ans. Des efforts de simplification ont été réalisés, qui permettent une utilisation plus facile des crédits, même si des effortss upplémentaires pourraient être entrepris ; je pense notamment aux financements des grands projets de ville, qui restent un peu trop complexes.

Pour la troisième année consécutive, le budget de la ville est celui qui bénéficie de la plus forte augmentation.

Cela marque la volonté forte du Gouvernement de consacrer la politique de la ville comme une priorité budgétaire.

Ce budget est un bon cru, je l'ai dit. Les acteurs de la politique de la ville sont en ordre de marche et les outils contractuels sont pour l'essentiel opérationnels.

Avec les programmes de renouvellement urbain, nous disposons à la fois de bons instruments partenariaux et d'une doctrine d'action sur la ville qui est en train de renouveler notre manière de penser et d'agir sur les quartiers. Des tabous sont tombés : je pense en particulier aux opérations démolition-reconstruction, permettant d'envisager pour les quartiers concernés des projets qui en feront des éléments à part entière de la ville.

Il nous faudra être vigilants pour que ces projets ne s'enlisent pas. La question du pilotage de chacun des dispositifs est essentielle : nous savons bien qu'au-delà des aspects financiers, c'est de l'implication de chaque partenaire que dépend la réussite d'un projet.

Alors que le débat sur l'avenir de la décentralisation est pleinement ouvert, je crois à la nécessité de réaffirmer la pertinence du modèle contractuel qui est celui de la politique de la ville. Les collectivités locales et l'Etat en sont les chefs de file, aux côtés de partenaires qui mobilisent leurs compétences et leurs moyens propres.

Une question, que j'évoque chaque année, me paraît par ailleurs déterminante pour la réussite des projets engagés : il s'agit de la présence des services publics au sein des quartiers populaires. Ce chantier reste pleinement ouvert et, si des efforts ont été entrepris, ils ne sont pas à la hauteur des besoins. L'égalité des citoyens devant le service public n'est toujours pas assurée aujourd'hui ; c'est d'ailleurs l'une des dimensions importantes du débat sur la décentralisation. Je plaide, monsieur le ministre, pour l'organisation d'une conférence annuelle sur l'état du service public dans les quartiers populaires.

Les contrats d'agglomération peuvent et doivent être, me semble-t-il, un des instruments d'élaboration de véritables plans de rattrapage de la présence des services publics dans la ville, car ils sont l'estampille de la ville traditionnelle, ils tissent des liens sociaux et créent un sentiment d'appartenance à une communauté. Leur existence et leur adaptation sont donc impératives.

Dans le rapport consacré aux métiers de la ville qu'elle vous a remis, Mme la déléguée interministérielle à la ville a tracé des pistes intéressantes pour l'intervention des ser-


page précédente page 08378page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

vices publics. Ces propositions peuvent donner lieu à une mobilisation interministérielle intense pour mener à bien un programme constituant le complément indispensable des opérations de renouvellement urbain qui se mettent en place. Je connais, monsieur le ministre, votre forte détermination en ce domaine.

Je conclurai, mes chers collègues, en vous invitant à adopter, comme l'a fait la commission des finances, les crédits de la ville pour 2001. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la ville.

Mme Chantal Robin-Rodrigo, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la ville.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a donné un avis favorable à l'adoption du budget du ministère délégué à la ville pour 2001.

Pour la troisième année consécutive - Pierre Bourguignon vient de le rappeler -, le budget de ce ministère est celui qui s'accroît le plus fortement : après une augmentation de 32 % en 1999 et de 10 % en 2000, ses crédits devraient connaître une nouvelle progression spectaculaire de 70 % en crédits de paiement, et même de 85,6 % si l'on y inclut les autorisations de programme, qui en portent le total à plus de 3 milliards de francs.

Cet engagement financier important traduit bien la priorité durable qu'accorde le Gouvernement à la politique de la ville et, partant, à la solidarité entre nos concitoyens. En effet, l'effort public global en faveur de la politique de la ville dépasse largement le seul cadre de ce ministère. Il devrait atteindre l'an prochain 40,9 milliards de francs, au lieu de 35,3 milliards cette année.

Cette évolution provient notamment de la contribution de douze autres ministères, qui devrait passer de 11,8 milliards en 2000 à 15,1 milliards en 2001. Elle est due également aux collectivités territoriales, qui, selon les prem ières indications recueillies à partir des nouveaux contrats de plan et contrats de ville, accroîtront substantiellement leur participation, celle-ci devant se situer aux alentours de 5 milliards de francs en 2001.

Au-delà du quantitatif, les efforts sont aussi d'ordre qualitatif. On doit tout d'abord se féliciter que la plupart des contrats de ville 2000-2006 soient intercommunaux.

Telle est, en effet, l'échelle pertinente : le quartier en difficulté, s'il appelle certaines mesures ciblées, ne doit pas être considéré isolément mais dans ses relations avec ceux qui composent l'ensemble de l'agglomération. Cet effort de cohérence est indispensable pour atteindre notre objectif de résorption des inégalités entre territoires.

Il convient également de saluer l'approche retenue par le ministère de la ville, qui place au centre de son action la revitalisation économique et sociale des quartiers en difficulté. Les différentes mesures qui doivent concourir à la réalisation de cet objectif sont examinées dans mon rapport écrit. Je me bornerai donc aujourd'hui à insister sur un point essentiel : il faut absolument que la reprise économique profite à tous, sur tout le territoire, et notamment dans les quartiers sensibles, afin de ne pas aggraver un sentiment d'injustice déjà perceptible.

Monsieur le ministre, au cours de votre audition par la commission des affaires culturelles le 26 octobre, vous nous avez cité quelques chiffres encourageants à cet égard.

Je crois cependant que cette évolution doit se confirmer et s'amplifier, car l'écart reste grand, trop grand, entre le taux de chômage dans ces quartiers et la moyenne nationale. Il atteint, par exemple, 25 % dans certains quartiers de ma ville contre 9,3 % dans l'ensemble de mon département.

Les mesures financées dans le budget pour 2001 - je pense au fonds de revitalisation économique - devraient permettre d'apporter une aide non négligeable aux entreprises déjà implantées dans les zones urbaines sensibles ainsi qu'à celles qui envisagent d'y investir.

Le soutien au développement économique doit nécessairement s'accompagner d'un effort accru en faveur des créateurs d'entreprises. Vous avez ainsi confirmé l'attribution prochaine d'une prime aux créateurs issus des quartiers en difficulté, ce dont je me félicite. Je souhaite vivement qu'elle ne soit pas subordonnée à l'octroi d'une autre aide, car il faut éviter de multiplier les conditions qui rendent le soutien financier trop tardif pour être utile ou trop difficile à obtenir.

Il faut aussi, me semble-t-il, un accompagnement juridique et administratif du porteur de projet sur une période suffisamment longue : trois à cinq ans peuvent être nécessaires pour multiplier les chances de viabilité du projet. A cette fin, l'organisation d'un lieu unique, regroupant des intervenants hautement qualifiés, est indispensable. Maisons de l'initiative ou couveuses d'entreprises doivent être encouragées.

Pour les demandeurs d'un emploi salarié, la création, en trois ans, de 10 000 postes d'adultes-relais représente un effort financier substantiel, qui devrait permettre à la fois d'améliorer les rapports sociaux et de conforter le rôle des adultes et des parents face aux jeunes des cités.

Concernant ces jeunes, les chiffres disponibles ne permettent pas encore, monsieur le ministre, de constater l'embellie dont vous avez fait état. Bien au contraire, l'objectif fixé par le comité interministériel de la ville du 30 juin 1998 - réserver 20 % des embauches en emploisjeunes aux habitants des quartiers relevant de la politique de la ville - était loin d'être atteint en 1999 sur l'ensemble du territoire ; il en est de même pour 2000.

Il est donc nécessaire de poursuivre les efforts entrepris.

Pour les jeunes les plus marginalisés, les programmes existants d'accès à l'emploi - programmes TRACE - doivent être précédés d'actions préparatoires à dominante plus sociale, psychologique, voire médicale. Pour beaucoup, les dispositifs d'insertion par l'activité économique restent une étape indispensable vers le monde du travail et il importe d'en préserver l'efficacité. Mais attention à ne pas réduire trop drastiquement, dans un souci louable de rationalisation, les contrats emploi-solidarité ! Construire un parcours d'insertion avec un jeune suppose aussi qu'il soit assuré d'un minimum de continuité dans ses moyens d'existence : dans cette perspective, l'assouplissement des conditions d'accès aux allocations des fonds d'aide aux jeunes en difficulté serait sans doute une piste à étudier. Comment, en effet, mettre en place un réel parcours d'insertion économique si nous ne sommes pas en mesure de suprimer tous les freins matériels et administratifs ? Il ne me semble pas réaliste de demander à un jeune de s'investir dans un programme d'insertion s'il n'est pas assuré d'un minimum de ressources. Il ne s'agit pas de systématiser et de construire un RMI pour les jeunes, mais il faut garantir aux jeunes exclus des moyens d'existence - nourriture, transports, vêtements - afin qu'ils puissent effectivement suivre un parcours d'insertion. Ainsi le conseil général des HautesPyrénées a-t-il pris l'initiative de verser en complément du FAJ, à plus de 150 jeunes en grande difficulté une aide qui leur permet d'assurer le quotidien.


page précédente page 08379page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Le droit au travail pour tous, l'accès de tout citoyen à l'insertion économique et sociale doivent devenir l'axe fort de la politique de la ville. C'est une exigence de justice sociale. Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter les crédits alloués au ministère de la ville.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour la ville et l'intégration.

M. André Santini, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour la ville et l'intégration.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous penchons comme chaque année, mais plus rapidement cette fois-ci, sur les crédits de la ville et de l'intégration, faisant ainsi les frais d'une procédure expérimentale d'examen de certains budgets, instituée par la conférence des présidents du 27 juin dernier.

A la lecture de ce budget, je ne peux que me réjouir de la constante augmentation de la dotation allouée à la politique de la ville. Les crédits spécifiquement dévolus au ministère délégué à la ville s'établissent à 2,4 milli ards de francs en moyens de paiement et à plus de 3 milliards en moyens d'engagement. On serait tenté de dire que le Gouvernement a pris conscience, bien que tardivement, de la nécessité d'agir.

Du reste, les moyens du ministère délégué à la ville semblent modérés, si on les compare à l'ensemble des moyens affectés à la politique de la ville. En effet, monsieur le ministre, les crédits dont vous avez la responsabilité directe ne représentent que 20,9 % des interventions agrégées des autres ministères ou 40,5 % de celles de la seule Caisse des dépôts et consignations.

Mais une augmentation des crédits ne saurait à elle seule constituer une volonté politique cohérente pour faire face à l'urgence de la situation.

Le dessein, ô combien louable, du Gouvernement d'améliorer les mécanismes, de les rendres plus efficaces et plus accessibles ne souffre aucune désapprobation de ma part. Cependant, les intentions affichées s'étiolent dans de nombreuses initiatives diverses, lois, projets de loi, aménagement du territoire, intercommunalité, SRU...

Ainsi, en tant que membre de l'opposition, je ne peux que dénoncer l'économie du projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbains, que notre assemblée examinera en lecture définitive la semaine prochaine. L'obligation imposée à de nombreuses communes de se doter d'au moins 20 % de logements sociaux,...

M. Laurent Cathala.

C'est la moindre des choses !

M. André Santini, rapporteur pour avis.

... sous peine de lourdes pénalités financières et sous la menace constante d'une intervention préfectorale, a comme un goût de recentralisation et d'immixtion dans la libre administration des collectivités territoriales. On aggrave ainsi une sujétion financière qui n'est déjà que trop prégnante.

M. Laurent Cathala.

Non ! C'est un simple principe de précaution pour garantir l'efficacité de la mesure !

M. André Santini, rapporteur pour avis.

Dans ma commune, monsieur Cathala, il y a 28 % de logements sociaux. Je n'en suis que plus à l'aise pour critiquer cette obligation.

Qui oserait parler de lisibilité et de cohérence dans l'action du Gouvernement ? Ces nouvelles mesures viennent aggraver la lourde stratification des dispositifs déjà susceptibles d'intervenir au titre de la politique de la ville, dont la liste, à en croire le

« jaune » budgétaire, ne compte pas moins de 78 sigles, si tant est qu'elle soit exhaustive.

La multiplicité des régimes dérogatoires d'exonération fiscale nuit également à l'efficacité de la planification territoriale de la politique de la ville. Il peut exister pour une même zone plusieurs exonérations, tantôt facultatives et relatives uniquement à la fiscalité locale, tantôt sur le long terme et sur la taxe professionnelle. Malgré le souci de simplification des dispositifs qu'il met en avant, votre ministère ne s'est pas encore employé, semble-t-il, à réformer globalement ces dispositions.

Par ailleurs, il faut souligner qu'il est de plus en plus difficile d'évaluer la politique de la ville, tant les départements ministériels concernés sont nombreux. Il est vrai qu'en pratique on ne peut négliger la dimension interministérielle de cette question.

Cependant, votre ministère, bien que n'étant toujours qu'un ministère délégué, se doit de clarifier ces multiples échanges. Or il semble que la situation vous échappe. Je cite le jaune budgétaire, où pointe, dès l'introduction, votre désarroi : « Les différents ministères concernés par cette politique n'ont, au demeurant, pas toujours la même conception ni surtout la même capacité à identifier la part de leur effort budgétaire qui répond à une politique volontariste de la ville. »

Force est de constater que la volonté d'une politique globale de la ville, d'un assouplissement des procédures, d'une remise à plat des dispositifs en vigueur et d'une plus grande concertation avec les acteurs de terrain, semble extrêmement pointilliste, voire impressionniste.

Les nouveaux contrats de ville, par exemple, repensés dans une logique intercommunale consolidée et signés dans cette perspective, induisent des modifications importantes dans la structuration des instances locales chargées de mettre en oeuvre la politique de la ville. Par ailleurs, ils donnent lieu à la mise en place d'un dispositif tricéphale constitué d'un comité de pilotage, une instance de mise en oeuvre - le MOUS - et une instance de concertation.

Ces nouveaux contrats présentés comme la nouvelle ambition de la politique de la ville ne remplissent pas l'ensemble des objectifs que le Gouvernement s'était luimême fixés.

Aujourd'hui, plus de 20 % des contrats de ville n'ont pas été signés dans un cadre intercommunal. Pourtant, il semblerait nécessaire qu'ils ne soient plus isolés. En outre, il est difficile de parler de simplicité et de lisibilité quant à leur organisation.

Les grands projets de ville, successeurs des grands projets urbains, s'intègrent dans les contrats de ville et ont vocation à les concrétiser. On constate cependant une grande complexité des modes d'assemblage de financements de provenance multiple. Le jeu croisé des cofinancements réunis sur un même projet, et qui peuvent avoir quatre ou cinq origines différentes - Etat, région, d épartement, collectivités locales, Fonds européen conduit à des équilibres alambiqués.

De surcroît, ces grands projets de ville engendrent des besoins de financement à la charge des communes. Or nombreuses sont celles dont les marges de manoeuvre sont faibles. La situation est de fait bloquée et le projet suspendu. Un décalage existe donc souvent, sur le terrain, entre certaines caractéristiques du territoire et les modalités d'application des politiques publiques de l'Etat. Et


page précédente page 08380page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

pourtant, le rôle du ministère délégué à la ville, réa ffirmé par le Gouvernement, est d'aider les collectivités locales en difficulté. Sans doute n'était-il pas question de l'aspect financier ! Des expérimentations à grande échelle seraient susceptibles de permettre l'adaptation et l'évolution de ces politiques publiques. On peut imaginer une intervention plus significative des collectivités locales et une collaboration accrue avec les responsables du milieu associatif. Ces ambitions ne sont apparemment pas au goût du jour et, je le regrette.

Comme républicain, enfin, je ne saurais me retrouver dans le communautarisme et autres « discriminations positives » à l'américaine, que je vois poindre derrière une politique privée de perspectives, dont le socle se réduit au traitement de « quartiers » en crise, auxquels on applique des opérations de restructuration urbaine et de démolition-reconstruction, comme à un malade une crème apaisante au lieu d'un antibiotique.

Mme la présidente.

Je vous demande de conclure, monsieur le rapporteur pour avis.

M. André Santini, rapporteur pour avis.

Je termine, madame la présidente, puisque vous m'y invitez.

Monsieur le ministre, je ne peux, bien que votre bonne volonté soit évidente, que dresser un bilan redondant du budget ville que vous nous proposez. Les ambitions sont là, mais il est toujours impossible de réaliser un bilan financier clair. Les circuits administratifs et financiers restent toujours aussi complexes et peu diligents. Il est également difficile, voire impossible, de se libérer de l'enchevêtrement des compétences et de la complexité croissante des dispositifs.

Pour conclure, je ne peux que donner un avis négatif sur ces crédits qui, me semble-t-il, ne sont pas en adéquation avec une politique de la ville ambitieuse.

Mme Chantal Robin-Rodrigo, rapporteure pour avis.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Santini, rapporteur pour avis.

Toutefois, je me dois de dire que la commission de la production et des échanges a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la ville pour 2001. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial.

Voilà une commission responsable !

M. Laurent Cathala.

Dommage que M. Santini n'ait pas suivi son avis !

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre délégué à la ville.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Madame la présidente, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, pendant deux ans, mon budget a traduit des promesses. J'ai grand plaisir cette année à parler des premiers résultats de l'action engagée. Je remercie les rapporteurs qui ont, tour à tour, donné l'avis de leurs différentes commissions,...

M. Laurent Cathala.

Sauf M. Santini !

M. le ministre délégué à la ville.

... avec plus ou moins de coeur ! L'intervention du dernier rapporteur a montré l'écart qu'il pouvait y avoir entre le propos d'un élu de l'opposition et la réalité des chiffres qui lui sont présentés.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Oh !

M. le ministre délégué à la ville.

La politique de la ville, dans un contexte nouveau de croissance, a profondément changé de sens, vous le savez. C'est à l'aune de cette nouvelle ambition de développement solidaire que j'aimerais vous faire part des premiers résultats acquis et des perspectives ouvertes dans le budget pour 2001.

Les moyens vont à nouveau fortement progresser : 8 % à périmètre constant, 70 % en prenant en compte les nouveaux dispositifs, après 32 % en 1999 et 40 % en 2000, pour atteindre 2,4 milliards de francs.

Ce budget va permettre de poursuivre et d'amplifier l'effort engagé depuis deux ans est conforté par de premiers indices positifs. Il vise trois objectifs principaux : faire profiter les habitants de la croissance, lancer le renouvellement urbain à grande échelle, conforter les moyens des nouveaux contrats de ville.

Tout d'abord, concernant les objectifs de la politique de la ville, la priorité reste de faire profiter les habitants, notamment ceux des quartiers populaires, de la croissance. Le risque était grand, en effet, de voir certains quartiers marginalisés et leur population exclue de la reprise de l'emploi, comme l'a montré l'excellent rapport parlementaire Bourguignon-Rodrigo.

Cette priorité est donc devenue l'axe essentiel de ma politique dès 1998, avec par exemple l'objectif de 20 % des emplois-jeunes pour les quartiers, 25 % des parcours TRACE, le développement des PLIE ou la lutte contre les discriminations. Cet effort commence à produire des résultats depuis quelques mois, et le chômage baisse dans la plupart des quartiers dans les mêmes proportions que sur le reste du territoire.

Mais, pour s'attaquer au noyau dur du chômage et résorber l'écart préoccupant qui demeure dans les taux d'emploi, il faudra aller encore plus loin en 2001. C'est le sens de mesures comme la mise en place dans les quartiers de 150 équipes emploi-insertion, articulées avec le service public de l'emploi - 20 millions de francs en 2001 -, la poursuite des efforts de formation, notamment en faveur des plus jeunes, et de lutte contre les discriminations. Même s'il vise aussi d'autres objectifs, la mise en place du programme de 10 000 adultes-relais contribuera également à redonner aux parents leur place dans la société du travail, et 300 millions de francs sont prévus en 2001 pour atteindre cet objectif.

La revitalisation économique des quartiers sera une dimension nouvelle de la politique de la ville à partir de 2001, pour diversifier des quartiers conçus comme des cités-dortoirs, contribuer au développement de l'activité, redonner une valeur aux territoires les plus défavorisés, et attirer les investisseurs privés dans le sillage des investissements publics. La panoplie à la disposition des acteurs reposera désormais sur deux types d'outils : premièrement, des exonérations fiscales et sociales dans un dispositif unique et simplifié qui sera mis en place à partir de 2002 dans les 416 zones de redynamisation urbaine, offrant ainsi une suite au dispositif des zones franches u rbaines ; deuxièmement, un fonds de revitalisation économique, créé par la loi SRU, qui permettra, dans une géographie plus large, d'aider les créateurs d'entreprise, et une prime forfaitaire de 20 000 francs sera versée - vous voyez, madame la rapporteure pour avis, que j'essaie d'aller dans le sens que vous indiquiez -, les investisseurs, qui recevront jusqu'à 150 000 francs d'aide, et le tissu économique existant. Ce fonds sera doté de 500 millions de francs en 2001, dont 375 millions de francs de subventions disponibles.


page précédente page 08381page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Ces nouveaux outils seront promus à l'occasion d'une campagne nationale de mobilisation qui s'ouvrira en janvier prochain et associera le secteur privé.

Lancer le renouvellement urbain à grande échelle sera la deuxième grande priorité. Le programme national de renouvellement urbain, lancé en décembre dernier, va amplifier et coordonner les efforts dans cinquante sites en grand projet de ville - GPV - et trente sites bénéficiant d'une opération de renouvellement urbain, ORU. La loi SRU lui offre la perspective politique de rééquilibrer nos agglomérations pour renforcer la mixité sociale, et éviter, comme le souhaite M. Santini, une société de ghettos.

D'ores et déjà, j'ai la satisfaction d'avoir contribué à faire sauter le tabou de la démolition, comme l'a remarqué votre collègue Pierre Bourguignon. La destruction d'une tour ou d'une barre n'est plus seulement le constat désolant d'un échec, mais un commencement ; c'est la première victoire du renouvellement urbain.

Ce programme de renouvellement urbain va très vite prendre l'ampleur nécessaire. Je vais signer dans les prochains jours les premières conventions de sites en GPV, et les crédits de mon budget seront immédiatement disponibles : 485 millions de francs d'autorisations de programme, 78 millions de francs de crédits de paiement et 90 millions de francs de fonctionnement. Il faut en effet tenir compte des communes à qui l'on ne peut pas demander de participation parce qu'elles ont de maigres recettes fiscales et des dépenses sociales élevées. Ces crédits prennent également en compte les besoins en ingénierie, ainsi qu'une aide spécifique de 70 millions de francs au bénéfice du budget des communes les plus pauvres.

L'objectif est de s'attacher à renforcer la mixité sociale et urbaine dans nos quartiers, nos villes et nos agglomérations, pour contrer, pendant qu'il en est encore temps, les pulsions ségrégationnistes engendrées par les égoïsmes et le laisser-faire.

Conforter les moyens des contrats de ville sera la troisième grande priorité. Il s'agit d'ajuster les moyens des nouveaux contrats 2000-2006, pour intensifier les actions en matière de sécurité ou d'éducation, par exemple ; ces moyens croissent de 89 millions de francs, c'est-à-dire de 8 %. Ils permettront également de tenir compte d'une dimension désormais à 80 % intercommunale. A défaut d'une vigilance suffisante, cette dimension pourrait se traduire par une dispersion des moyens destinés aux sites les plus lourds. Cet objectif se traduit également par la création d'une nouvelle ligne de 15 millions de francs pour favoriser les innovations sociales, dans des domaines clés pour la politique de la ville comme la santé, la famille ou la culture.

Le chantier de la simplification des procédures sera poursuivi en 2001, afin de permettre aux acteurs locaux, notamment les associations, de bénéficier plus rapidement des crédits disponibles. Une mission parlementaire vient d'ailleurs d'être confiée à Jean-Claude Sandrier sur le partenariat avec les associations, qui fera ses propositions l'année du centenaire de la loi de 1901.

De la même manière, les professionnels de la politique de la ville continueront d'être confortés en 2001, à travers la délégation interministérielle à la ville, dont les moyens sont stables, et l'Institut des villes, qui va se mettre en place pour faire émerger avec les élus une véritable gouvernance urbaine.

Mon ministère a soutenu depuis trois ans les professionnels de la politique et de la ville et encouragé l'émergence de nouveaux intervenants, à travers le programmee mploi-jeunes, le développement progressif du programme adultes-relais, ou encore l'installation de délégués de l'Etat dans les quartiers, de délégués du médiateur de la République, ou, prochainement, de volontaires civils.

Les travailleurs sociaux eux-mêmes, et les agents des services publics ont été amenés à faire évoluer sensiblement leurs pratiques professionnelles.

Ces « nouveaux métiers » ont fait l'objet d'un excellent rapport confié à Mme Claude Brevan et M. Paul Picard, dont les propositions pour mieux les reconnaître, les pérenniser et les professionnaliser seront mises en oeuvre.

Les efforts de formation seront intensifiés pour ces professionnels, et de manière plus particulière pour les agents publics de l'Etat. C'est ainsi, par exemple, que le programme de formation interministérielle et partenariale de mon ministère bénéficiera de 25 millions de francs de moyens nouveaux en 2001.

Au-delà du seul budget de mon ministère en 2001, l'effort public global en faveur de la politique de la ville, tel qu'il est récapitulé dans le « jaune », traduit une nouvelle étape dans la prise en compte par les pouvoirs publics de la crise urbaine.

Je suis en mesure de vous confirmer aujourd'hui que cet effort dépassera 40 milliards de francs en 2001, et qu'il aura ainsi doublé depuis 1997.

C'est le signe que les acteurs publics, Etat, collectivités locales ou Europe, ont enfin pris la mesure des défis urbains auxquels notre société est confrontée. J'en veux pour preuve la réunion de ministres européens que j'ai organisée avec la Commission le 3 novembre dernier à Lille, dans le cadre de la présidence française, et qui a pris acte du souhait nouveau d'établir un agenda politique sur les questions urbaines.

Les premiers résultats positifs de la politique de la ville sont encourageants mais la bataille contre l'exclusion urbaine n'est pas gagnée. A présent que les objectifs, les instruments et les moyens sont mieux proportionnés aux enjeux, elle ne fait, au contraire, que commencer pour redonner définitivement confiance aux habitants de nos quartiers populaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Monsieur le ministre, vous exercez une très belle fonction républicaine, celle de ministre délégué à la ville. Au fond, vous ne devriez pas être ministre délégué, mais ministre d'Etat.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est vrai !

Mme Martine David.

Il le mérite !

M. François Goulard.

Il le sera !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Je suis sérieux, mes chers collègues ! Dans la France d'aujourd'hui, on peut se rassurer à bon compte et considérer que les sigles, les crédits, les dispositifs règlent les problèmes auxquels nous sommes confrontés, mais ce n'est pas le cas. Nous vivons dans une période de vraie violence. Les grandes idéologies ont disparu et, dans la vie quotidienne, on se heurte à de réelles difficultés.

Il est un beau principe républicain selon lequel « chacun a droit de cité ». C'est un superbe adage mais le mettre en pratique aujourd'hui est extraordinairement difficile.

Je vous ferai part de trois souvenirs récents.

Le premier date de la campagne des élections législatives. Alors que j'étais dans un café, dans un quartier dit difficile de ma ville, je rencontre un homme qui allait


page précédente page 08382page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

avoir cent ans, un bonhomme extraordinaire, avec des étincelles dans le regard, qui me raconte toutes sortes de souvenirs sur la ville, dont il avait gardé une mémoire intacte. Je lui propose, si je suis élu député, d'organiser à l'occcasion de ses cent ans - il est mort depuis - une grande fête dans ce café où il joue tous les jours à la belote. Je l'ai fait.

Comme carton d'invitation, j'ai fait imprimer la reproduction du journal du jour de sa naissance et je suis allé le lui porter moi-même. Comme j'arrivais dans le bloc d'immeubles où il habite, je tombe sur des jeunes qui, voyant ma cravate, me disent : « Toi t'es flic ; tu vas chez qui ? ». C'était extraordinaire de voir le rapport qu'ils établissaient entre l'apparence extérieure et l'autorité, et l'appropriation qu'ils faisaient du territoire : ils voulaient savoir ce qui se passait dans le bloc d'immeubles où ils habitaient, ainsi que ce centenaire.

Je fais écho à ce que disait tout à l'heure André Santini : nous ne pouvons pas accepter la logique du développement des villes à l'américaine, c'est-à-dire la sectorisation, les ghettos, la séparation des lieux où se trouvent l'école, les commerces, les habitations. C'est une réalité très importante.

Deuxième souvenir : alors que je distribuais un document au pied d'un immeuble, une bande de jeunes s'approchent - ils sont un peu intrigués par notre nombre -, et le dialogue se noue. Ils me disent : « Vous savez, y en a ras le bol qu'on nous envoie les flics. Bien sûr, on fait du bruit, mais le seul endroit où on peut aller pour parler entre nous, c'est la cage d'escalier. » Effectivement, ce sec-

teur géographique ne comportait aucun café, aucune salle, aucun lieu où des jeunes de quinze à vingt ans pouvaient se réunir pour refaire le monde, s'exprimer, bref vivre un peu en marge de leurs enseignants et de leurs familles.

Troisième souvenir, également très récent : j'ai reçu une délégation syndicale d'enseignants, qui, bien que n'étant pas de mon bord politique, n'en sont pas moins venus parler avec leur député. Ils voulaient me faire vraiment toucher du doigt la violence qui règne à l'intérieur des établissements scolaires et des classes et la difficulté qu'ils avaient, tout simplement, humainement, de se faire respecter et de faire preuve d'autorité.

Nous discutons aujourd'hui du budget de la ville. J'aurais vraiment aimé pouvoir le voter, parce que je crois à votre mission, monsieur le ministre, et que je sais qu'il est très difficile, dans la France d'aujourd'hui, d'apaiser les passions, et de demander à des gens de cultures très différentes de vivre ensemble et de se supporter.

Le racisme est toujours à l'oeuvre dans notre pays et l'intolérance a beaucoup progressé. Ne cherchons pas à nous rassurer à bon compte. De plus pour rendre hommage, à l'occasion de l'examen de ce budget, exercice toujours un peu abstrait, à tous les protagonistes qui travaillent sur le terrain, et en premier lieu aux maires, aux adjoints et aux conseillers municipaux des toutes les villes de France, trop souvent montrés du doigt, soumis à la vindicte publique, accusés d'être des nuls ou des corrompus.

M. Michel Pajon.

Oh !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Ne nous rassurons pas à bon compte, je le répète ! Nous ne savons que trop bien la façon dont les gens perçoivent la politique ou les élus.

Je pense aussi aux autres acteurs de la vie dans la ville : enseignants, moniteurs et animateurs sportifs, responsables d'associations, travailleurs sociaux, gardiens d'immeuble, tous chargés de faire respecter les principes d'une cohabitation vraie entre des gens qui ont des modes de vie, des modes de pensée, des âges différents, là où vivent, dans le même immeuble, des jeunes de quinze ou vingt ans - nous avons tous le souvenir de ce que nous étions lorsque nous avions cet âge - et des personnes âgées qui ne supportent pas le bruit de la musique ou la turbulence de la jeunesse.

Je pense à tous ces partenaires, confrontés à la réalité de la France d'aujourd'hui. C'est un problème difficile, je le sais, et je ne veux pas me poser en donneur de leçons.

Je ne prétends pas que nous ayons particulièrement réussi dans certains de ces domaines lorsque nous avions la responsabilité du pouvoir,...

Mme Chantal Robin-Rodrigo, rapporteure pour avis.

En effet, c'est le moins qu'on puisse dire !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

... mais reconnaissez que nous l'avons exercé beaucoup moins longtemps que vous : dans la répartition des responsabilités, la balance n'est pas égale.

Face à cette situation, la priorité politique de votre gouvernement n'a pas pris fin, et il serait tros facile de se rassurer à bon compte. Bien sûr, vous donnez de l'argent.

Bien sûr, nous avons besoin des contrats que, sous des formes diverses et variées, vous mettez en oeuvre dans la plupart des ville françaises. Mais il faut une clarification des responsabilités. Sur la sécurité par exemple : je viens de recevoir une belle lettre du ministre de l'intérieur m'expliquant que, dans ma ville, dès février 2001 hasard des coïncidences ! -, on va poser le principe de la police de proximité,...

M. André Santini.

rapporteur pour avis.

Non. Vraiment ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

... et que, dès avril, on nous donnera les moyens pour le mettre en oeuvre.

M. André Santini, rapporteur pour avis.

J'ai reçu la même lettre !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

En fait, quel est le problème ? Celui de la nécessaire unité entre la police nationale et la police municipale et, à terme, celui de donner aux maires la véritable responsabilité de la police de proximité. Cela heurte beaucoup de traditions syndicales et politiques, mais les nécessités du temps l'exigent.

M. Michel Pajon.

De quoi vous plaignez-vous ? Les choses avancent !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Les jeunes ne savent pas très bien où aller, disais-je tout à l'heure. Une telle situation exige des moyens très concrets ; en tout cas, il faut que l'argent que vous donnez par le biais des contrats soit utilisé au mieux.

Le budget que vous nous proposez aujourd'hui supposerait une volonté politique d'ensemble et de nombreux décloisonnements. Il exigerait de reconnaître les difficultés et les impasses dans lesquels nous nous trouvons. Si les parents, les familles, et les structures proches n'assument pas leurs responsabilités, l'ensemble des travailleurs sociaux, enseignants, animateurs sportifs, n'y parviendront pas davantage. Ils auront affaire à des gens tellement « bruts de décoffrage » qu'il leur sera de plus en plus difficile de faire régner un minimum de coexistence entre tout ce monde.

Monsieur le ministre, le groupe UDF ne votera pas vos crédits. Non qu'il nie l'importance de votre action ; la politique de la ville est essentielle dans la France d'aujourd'hui. Mais on se rassure à bon compte.


page précédente page 08383page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Mme Martine David.

Que de répétitions !

M. Laurent Cathala.

Rendez-nous Cardo !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Je veux conclure sur ce point : on ne se rend pas suffisamment compte que les v iolences, les racismes, les ghettos se développent.

Comme le disait très justement André Santini, nous avons de plus en plus de communautés qui vivent les unes à côté des autres, auxquelles il devient très difficile de donner un destin commun. Dans un public vaste et large, chacun a droit de cité, dites-vous. On peut se rassurer à bon compte en disant que c'est un beau principe républicain. Le problème, dans la France d'aujourd'hui, c'est que de plus en plus de gens refusent de le mettre en musique et considèrent qu'il vaut mieux que chacun vive sa vie séparément, dans des lieux distinctes. Ce n'est pas la vision que l'UDF a de la ville et de la politique de la ville. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo, rapporteure pour avis.

Ce n'est pas la nôtre non plus !

Mme la présidente.

La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès.

M. le ministre, pour la troisième année consécutive, votre budget est celui qui augmente le plus. Avec 2,4 milliards de crédits de paiement et plus de trois milliards en moyens d'engagement, il évolue sensiblement par rapport à l'année dernière ; il aura plus que doublé en trois ans. L'effort public de l'Etat atteindra 40 milliards, soit une progression de 65 % par rapport à 1997.

Avec vous, nous nous félicitons de cette remarquable progression. Elle témoigne de l'attention particulière que le Gouvernement porte à votre ministère, mais elle illustre aussi l'ampleur des problèmes à résoudre.

Votre budget affiche cinq priorités : le développement économique et l'emploi, l'habitat, l'accès à l'éducation, aux soins et à la culture, le droit à la sécurité et à la ju stice, une meilleure implantation des services publics dans certains territoires où ils font toujours cruellement défaut.

De ces priorités, celle que vous accordez à l'aide et au soutien de l'activité économique et de l'emploi dans les zones urbaines sensibles, tout comme celle qui vise la mise en place de 3 000 adultes relais pour 2001 et la création de 10 000 postes avant 2003 expriment sans contexte vos préoccupations majeures : l'emploi et la médiation, d'autant plus prioritaires que la croissance et l'emploi tardent à atteindre les territoires et les populations les plus fragilisés.

Une étude récente publiée le mois dernier par l'INSEE éclaire cruellement cette observation. Elle souligne que la reprise bénéficie d'abord aux diplômés de l'enseignement supérieur, dont le taux de chômage est tombé à 10 % en 2000 contre 17 % fin 1997.

Pour les titulaires d'un baccalauréat ou d'un diplôme professionnel, elle est passée de 30 à 20 % sur cette même période. Le chômage des jeunes sans diplôme ni qualification reste en revanche très élevé, puisqu'il reste à 57 %, c'est-à-dire un niveau identique à celui de 1997.

Or, vous le savez, ces jeunes vivent majoritairement dans les sites concernés par la politique de la ville.

Ce constat validerait à lui seul les orientations d'une politique dont l'enjeu nouveau, dites-vous, est de faire profiter les habitants des quartiers concernés du retour de la croissance. Mais la politique de la ville y parviendrat-elle tant que le budget de la nation lui-même ne sera pas totalement imprégné de cette impérieuse et urgente nécessité ? La question méritait d'être posée, même s'il serait évidemment injuste de faire porter au seul ministre de la ville la responsabilité de l'insuffisante prise en compte par la loi de finance pour 2001 de priorités que votre ministère s'efforce par ailleurs de traduire dans ses orientations comme dans les outils qu'il prévoit pour leur mise en oeuvre.

Parmi ces outils, le fonds de revitalisation économique, doté de 500 millions de francs, vise à encourager les entreprises implantées dans les zones urbaines sensibles à y rester. Nous apprécions de voir ainsi soutenus les acteurs économiques qui, en résistant à la délocalisation, participent à la vitalisation de ces territoires. La mise en place d'équipes « emploi insertion » sera à l'évidence un appui utile pour des demandeurs d'emplois qui, plus que d'autres, ont besoin de relais efficaces vers les structures locales existantes.

Au total, 50 millions de francs de crédits sont inscrits dans ce budget. Ils devraient atteindre 150 millions de francs avez-vous dit, si l'on tient compte des financements prévus par l'ANPE, les fonds structurels européens et divers autres partenaires.

Concernant le plan emplois-jeunes, le conseil interministériel de la ville du 30 juin 1998 avait décidé que 20 % des embauches seraient réservés aux habitants des quartiers relevant de la politique de la ville. Selon les dernières statistiques, notre rapporteur le rappelait, ce pourcentage ne serait que de 9 % ; nous sommes donc très loin du compte.

Il s'agit par conséquent de tout mettre en oeuvre pour atteindre l'objectif fixé. Vous me permettrez, monsieur le ministre, de rappeler à cette occasion l'attachement du groupe communiste à la pérennisation de ces emplois.

Enfin, diverses exonérations en faveur de l'emploi incluses dans le volet économique visent à favoriser la création ou le développement d'activités économiques et d'emplois marchands.

Je n'ai volontairement évoqué que les mesures liées à l'emploi et au développement de l'activité économique dans les territoires concernés par la politique de la ville.

Ce choix est délibéré. Je constate en effet que la politique de la ville a franchi ces dernières années une étape importante, positive. Les communistes l'ont trop longtemps réclamé pour ne pas se réjouir aujourd'hui d'avoir été entendus par le gouvernement de la gauche plurielle.

En s'inscrivant dans un projet global de reconstruction équilibrée et multifonctionnelle de la ville, cette politique rompt avec une vision étriquée qui vous ait cantonné à jouer un rôle de pompier pour apaiser les conséquences les plus dramatiques de la crise urbaine et sociale.

L'objectif de renouvellement urbain, de diversification de l'offre d'habitat dans chaque territoire, de rattachement des périphéries au centre, témoigne de cette volonté de repenser la ville dans sa globalité. Cette rupture était nécessaire, mais elle ne sera pas suffisante si la revitalisation économique, l'accès à l'emploi et à la formation, la réduction drastique des inégalités de revenus, d'accès à la culture et aux soins ne font pas dans le même temps l'objet d'une mobilisation sans précédent des moyens de l'Etat et des résultats d'une économie en croissance.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous apprécions que vous manifestiez le souhait d'infléchir la politique de la ville vers des objectifs de reconquête économique et d'accès à l'emploi pour ceux qui en ont


page précédente page 08384page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

été pendant trop longtemps privés. De premières dispositions budgétaires en témoignent. Ce sont les premiers pas vers une nouvelle étape, mais convenons que c'est à un niveau beaucoup plus ambitieux que cet effort doit intervenir, et de toute urgence.

Pour illustrer cette conviction, permettez-moi d'évoquer un seul exemple. Vous le connaissez, puisque j'ai eu l'honneur de vous accueillir dans un quartier qui a fait l'objet ces dernières années d'une requalification urbaine que tous les partenaires et de nombreux observateurse xtérieurs, y compris internationaux, s'accordent à reconnaître comme une parfaite réussite.

Or que constatons-nous aujourd'hui ? Après une période d'attractivité retrouvée, à la réelle satisfaction des habitants, grâce à la transformation, dont la qualité est maintenant reconnue, d'un parc de logements devenu un bout de ville au bord de la Méditerranée, le sentiment de mal-vie commence à regagner du terrain, le processus de dévalorisation du quartier se réenclenche progressivement.

Les raisons de cette menace de rechute doivent être recherchées pour une part dans l'absence de mise en place par le bailleur d'une gestion de proximité adaptée, mais surtout dans la difficulté persistante pour les habitants, et plus particulièrement les jeunes, à bénéficier eux aussi du retour de la croissance, à trouver un emploi, sortir de leur statut de laissé-pour-compte, à s'extraire de l'état de pauvreté chronique dans lequel ils sont plongés.

Dans ma commune il y avait plus de 2 000 demandeurs d'emplois en 1997 ; il en reste 1 350 aujourd'hui, ce qui fait 700 de moins en trois ans. 30 % des demandeurs d'emploi ont retrouvé le chemin de la vie professionnelle et à nouveau goût à la vie. Comment ne pas s'en féliciter, mais comment aussi ne pas souligner que, pour l'essentiel, il sont issus des catégories les moins fragilisées ? Dans un tel contexte, les moins mal lotis aspirent à s'éloigner de leur quartier d'origine et les bailleurs, de nouveau revenus à la logique exclusive de l'équilibre de gestion, ajoutent des pauvres aux pauvres. Près de 85 % de nos locataires dernièrement entrés ont des revenus inférieurs aux 60 % du plafond PLA. C'est ainsi que se reconstituent les îlots de pauvreté et de précarisation, c'est ainsi que se reforment des ghettos ethniques qui compromettent des années d'efforts pour apprendre à chacun à s'enrichir de la diversité et du respect mutuel, par-delà les différences de culture, de religion, de langue. C'est ainsi que ressuscitent des oppositions malsaines et des conflits que la politique de la ville se proposait de combattre. Si l'on n'y prend garde, c'est toute l'architecture de la politique de la ville qui s'en trouverait menacée. Cet échec serait dramatique, mais il n'est pas encore écrit.

V otre politique peut réussir. Pour ce qui nous concerne, nous ne ménageons pas nos efforts en ce sens.

Mais, disons-le aussi, elle ne réussira que si nous nous sommes entendus sur l'essentiel.

Elle ne réussira que si la politique d'ensemble du Gouvernement aura prend la mesure de l'urgence qu'il y a à faire bénéficier les exclus du travail d'une activité professionnelle reconnue, et donc normalement rémunérée ; n'oublions pas que les exclus du travail sont aussi les exclus de la ville et de la société.

Elle ne réussira que si l'ensemble des acteurs des politiques d'habitat, des politiques urbaines, comprennent que l'apartheid résidentiel sape les fondements mêmes de notre République et des valeurs qu'elle porte. L'Etat doit relever ce défi ; il en a la possibilité.

Monsieur le ministre, depuis trois ans la politique de la ville a énormément progressé dans son budget, mais aussi dans sa conception. Bien évidemment, le groupe communiste votera ses crédits. Mais, convenons-en, il reste encore beaucoup à faire pour éviter que des préoccupations d'une autre nature, égoïstes, attristantes, détestables parfois, ne compromettent les intentions et les choix d'une politique de la ville qui se propose de réduire partout les insupportables inégalités de traitement dont souffre encore cruellement une partie trop importante de notre peuple. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Claude Mignon.

M. Jean-Claude Mignon.

Monsieur le ministre, l'examen approfondi en commission aura eu un avantage : nous avons déjà passé votre budget en revue, et dans les moindres détails. Et nous avons, les uns et les autres, pu dire ce que nous avions à dire.

Vous essayez de nous démontrer que le Gouvernement accorde la priorité aux problèmes de la ville, et vous le faites avec talent. A lire la presse ou à écouter certains de nos collègues aujourd'hui, j'en viens à croire que vous avez réussi à convaincre beaucoup de monde.

Mais, pour ma part, je ne suis pas totalement convaincu, même si je ne nie pas les efforts que vous déployez depuis que vous occupez ce poste. En tant que maire d'une commune directement confrontée au quotidien avec les problèmes de ce que l'on appelle « la ville », force m'est de constater que des efforts ont été accomplis.

Néanmoins, il me paraît faux d'en conclure que la politique de la ville est devenue la priorité du Gouvernement, car votre budget ne représente que 0,14 % des dépenses de l'Etat.

Plusieurs orateurs se sont attachés, eux aussi avec beaucoup de talent, à expliquer à quel point tout cela était c omplexe, beaucoup trop complexe, au demeurant.

Complexe en effet pour nous, parlementaires, pour les élus locaux, pour l'ensemble des intervenants que nous fréquentons au quotidien. C'est un véritable parcours du combattant que l'on exige de l'élu local qui veut mener à leur terme des projets pensés, réfléchis et souvent élaborés par nombre d'acteurs. On ne peut que le regretter, en souhaitant que vous trouviez, avec le concours du Parlement, le moyen de simplifier et de moderniser tout cela.

Cette complexité entraîne à l'évidence des retards totalement inacceptables. Le mandat d'un élu local n'est que de six ans ; six ans, cela passe très vite lorsqu'on voit tout ce que nous voulons faire, trop vite pour mettre en place toutes les mesures que l'on nous demande de prendre et régler tous les problèmes.

Je vous l'ai déjà dit en commission, monsieur le ministre : ce qu'il faut, ce n'est pas dépenser plus, mais dépenser mieux. Et je suis persuadé que l'on pourrait dépenser beaucoup mieux. On voit beaucoup d'annonces, mais finalement peu de résultats. Il suffit de regarder ce qui se passe sur le terrain ; vous êtes venu dans ma circonscription, vous avez pu voir un certain nombre de choses. Il est vrai que vos déplacements mériteraient peutêtre mieux que ce que l'on en montre ou ce que l'on vous propose parfois d'inaugurer. Bien des actions ne sont pas valorisées comme il conviendrait.

Sur les emplois-jeunes, je suis un peu inquiet. Vous comptez beaucoup sur eux pour assurer la sécurité dans ces quartiers. Mais je trouve totalement irresponsable d'envoyer ainsi sur le terrain des jeunes sans aucune formation. Du jour au lendemain, on leur demande de por-


page précédente page 08385page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

ter un uniforme et souvent même une arme sans les avoir préparés préalablement au métier de policier professionnel, et ils se retrouvent dans des quartiers dont ils sont parfois issus, confrontés à des situations bien compliquées.

Vous nous proposez la création de 10 000 postes d'adultes-relais. Je vous ai fait part en commission de mon inquiétude. N'est-ce pas pour le Gouvernement un moyen de rassurer à bon compte des emplois-jeunes qui arrivent bientôt au terme de leurs cinq années : « Voyez, on ne vous laisse pas tomber, vous allez maintenant passer du statut d'emploi-jeune au statut d'adulte-relais ! » Pour être un maire - il y en a un certain nombre dans l'hémicycle -, je crois qu'il faut d'abord aimer ses concitoyens. Il faut que nous aimions nos villes, nos quartiers.

Et pour aimer les quartiers dont nous avons la responsabilité, il faut y vivre au quotidien.

Il faut être capable de faire une politique quasiment sur mesure en fonction des quartiers. Il faut faire preuve de beaucoup de tolérance et apprendre également la tolérance à celles et ceux qui y habitent.

La tolérance, c'est aussi respecter les différentes religions des différents quartiers. Mais on n'en parle pas, car c'est manifestement un sujet tabou. C'est bien dommage ! Il faudrait avoir un jour le courage d'engager un débat de fond sur ce problème. C'est mon expérience d'élu local, de maire d'une commune de 21 000 habitants qui me fait parler ainsi, car si je n'avais pas réussi à aborder, avec un certain nombre d'acteurs locaux cette délicate question, lorsque j'y ai été confronté à la fin de l'année 1997, nous aurions réglé beaucoup moins de problèmes que nous ne l'avons fait.

Il faut aussi apprendre la citoyenneté à ceux qui vivent dans ces quartiers, aux jeunes en particulier. Il faut leur apprendre à respecter nos institutions et à respecter celles et ceux qui portent un uniforme ou qui sont là pour faire en sorte que la justice soit rendue équitablement.

Vous avez également abordé le sujet important de la démolition et un orateur a évoqué les logements sociaux.

Etant maire, de droite, d'une ville qui compte plus de 60 % de logements sociaux, je prétends savoir de quoi je parle. Je suis heureux que vous vous soyez rendu compte qu'on ne peut pas nous demander continuellement de réhabiliter ce qui n'est pas réhabilitable. Il faut avoir le courage de dire qu'il faut démolir. Mais que l'on ne nous mette pas pour autant systématiquement dans l'obligation de reconstruire là où nous avons démoli car c'est absolument impossible. Des erreurs ont été commises quelle que soit, du reste, la couleur politique des élus aujourd'hui à la tête des municipalités comportant des quartiers difficiles. Il faut faire en sorte d'équilibrer la situation des différentes communes et, à cet égard, je suis tout à fait d'accord avec la loi sur l'intercommunalité, qui mettra certains de nos collègues dans l'obligation de le faire.

Monsieur le ministre, je ne vais pas épiloguer, nous nous sommes tout dit en commission. Je considère que votre politique est beaucoup trop lourde, beaucoup trop complexe. On constate une dilution des crédits de votre ministère, lesquels pourraient être utilisés de manière beaucoup plus efficace.

Le groupe RPR ne votera donc pas votre budget. Ce n'est pas une surprise, je vous l'avais dit. Cependant, j'espère très sincèrement que nous pourrons trouver tous ensemble des solutions concrètes pour les quartiers de nos villes, car je peux vous assurer que, à lire la presse et à suivre quotidiennement ce qui se passe dans certains quartiers, on peut être très inquiet. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Michel Pajon.

M. Michel Pajon.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureux de défendre, au nom du groupe socialiste, le budget du ministère délégué à la ville. Je le suis d'autant plus que, pour la troisième année consécutive, il est encore celui qui connaît la plus forte augmentation. Après 32 % en 1999, 10 % en 2000, le projet de loi de finances pour 2001 propose en effet une augmentation de 8 %. En tenant compte des dépenses nouvelles, consécutives aux décisions du Gouvernement de fin 1999 concernant le renouvellement urbain et l'emploi, vous pouvez vous prévaloir, monsieur le ministre, d'une augmentation spectaculaire de 70 % de votre budget. Depuis votre nomination, le budget de la ville a été multiplié par trois, passant de 755 millions de francs en 1998 à presque 2,5 milliards pour 2001.

Votre politique ambitieuse, que ce budget vient servir, reste ainsi placée au coeur de l'action gouvernementale, centrée autour des trois priorités de la majorité, que vous avez rappelées tout à l'heure : l'emploi, la sécurité et l'éducation. J'en veux pour preuve, cette année encore, une nouvelle progression du budget des différents ministères qui contribuent également à la politique de la ville.

Ces contributions, qui atteignent plus de 15 milliards, permettront de financer les emplois-jeunes dans les quartiers, la mise en oeuvre de la loi sur l'exclusion, de la police de proximité et des réseaux d'éducation prioritaire.

En tenant compte également des participations financières de la Caisse des dépôts et des collectivités locales, dont je tiens à souligner la forte progression,...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Tout à fait !

M. Michel Pajon.

... l'effort public global en faveur de la politique de la ville s'élève à 40 milliards de francs.

Des moyens considérables et sans précédent sont donc mobilisés.

Votre connaissance du terrain vous a permis d'engager une politique cohérente, structurée autour d'un véritable projet de société : lutter contre l'effet de ghetto en réintégrant les quartiers en difficulté dans la ville.

L'objectif est de renforcer le sentiment d'appartenance à la collectivité nationale. Ce sentiment, nous le savons tous, conditionne le pacte républicain. Ce changement d'échelle des moyens engagés au service de la politique de la ville est d'ailleurs illustré par la signature, pour la période 2000-2006, de 250 nouveaux contrats de ville. Plus ambitieux que les précédents, ces contrats tournent résolument le dos à une approche palliative de la politique de la ville, et ont vocation à traiter, dans un cadre unique et contractualisé, l'ensemble des problèmes urbains.

Votre ambition, notre ambition, est de favoriser le développement d'une ville équilibrée, de permettre à chaque habitant une vie « normale » de citoyen, en luttant contre toutes les formes de discrimination qui affectent gravement la cohésion sociale. Les choix budgétaires qui ont été faits cette année viennent conforter votre politique.

La transformation profonde de certains quartiers est aujourd'hui indispensable, si nous voulons les associer au développement de nos villes, et changer durablement leur image. Ces objectifs constituent l'essence même de la


page précédente page 08386page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

politique de la ville. La traduction de cet enjeu justifie pleinement l'engagement pris par le Gouvernement lors du comité interministériel des villes de décembre 1999.

Ainsi, le programme national de renouvellement urbain va amplifier et coordonner les efforts à travers cinquante grands projets de ville et trente opérations de renouvellement urbain. Ces grands projets de ville sont des leviers essentiels de développement social et urbain. Ils visent à améliorer les conditions de vie des habitants, et à marquer en profondeur la transformation de l'image et de la perception de leur ville. Cette image que les habitants ont de leur quartier est primordiale, car elle nourrit un sentiment d'appartenance à la cité, et participe à la création d'une véritable identité.

Dans cette optique, le budget de la ville concilie des crédits pour des interventions ayant un impact rapide sur la vie quotidienne et des actions qui s'inscrivent nécessairement dans la durée. Ce sont donc 650 millions de francs qui seront affectés en 2001 à l'action gouvernementale en faveur du renouvellement urbain.

Je ne peux évoquer votre budget, sans souligner les mesures prises en faveur de la revitalisation économique.

Le Gouvernement a décidé à juste titre de faire de ce thème une priorité nouvelle à la politique de la ville.

Cette revitalisation économique des quartiers passe par l'implication plus grande du secteur privé, que ce budget encourage, par deux types d'outils : d'une part, des exonérations fiscales et sociales dans un dispositif unique et simplifié, qui sera mis en place à partir de 2002, dans les 416 zones de redynamisation urbaine ; d'autre part, le fonds de revitalisation économique, créé par la loi SRU, solidarité et renouvellement urbains, permettra d'aider, grâce à une prime forfaitaire de 20 000 francs, les créateurs d'entreprise et les investisseurs, qui pourront percevoir jusqu'à 150 000 francs d'aide.

Ce sont 500 millions de francs qui viendront abonder ce fonds, répartis pour moitié entre l'aide au fonctionnement et l'aide à l'investissement et à la création d'activités. Ces mesures permettront de soutenir le tissu économ ique existant, de promouvoir les investissements fonciers et immobiliers, et de favoriser le développement de l'activité.

L'accès à l'emploi constitue une autre priorité réaffirmée de votre budget.

Le taux de chômage, ramené à 9,5 %, preuve indéniablement que les mesures prises par le Gouvernement donnent des résultats. Néanmoins, si les quartiers prioritaires de la politique de la ville commencent également à bénéficier de la reprise de l'activité, le taux de chômage y reste encore en moyenne deux fois supérieur au taux national. C'est pourquoi, un effort supplémentaire doit être entrepris.

Il ne s'agit pas de discrimination positive. Il s'agit bel et bien de permettre à la population la plus éloignée du marché de l'emploi de bénéficier effectivement des dispositifs existants et de la croissance. En effet, à l'heure de la reprise économique, il est indispensable d'augmenter nos efforts en faveur des quartiers en difficulté. Cela peut sembler paradoxal, mais la croissance renforce la ségrégation entre ceux qui en profitent et ceux qui en sont exclus.

Ce sentiment d'abandon est particulièrement dévastateur et pénible à supporter pour les populations les plus fragilisées. Au passage du train de la croissance, personne ne doit rester sur le quai. Aussi, nous nous réjouissons de l'affectation, dans votre budget, de 20 millions de francs pour la création de 150 équipes emploi-insertion.

La poursuite des efforts de formation, notamment en faveur des plus jeunes, est plus que jamais nécessaire.

L'ANPE, les missions locales et les associations sont fortement mobilisées pour proposer, de façon systématique, aux demandeurs d'emploi habitant ces sites une réponse forte en termes d'emploi et d'insertion.

Par ailleurs, l'accès à la fonction publique est encouragé par le développement du système de bourses de l'éducation nationale et par la création de préparations rémunérées aux concours.

La mise en place du programme de 10 000 adultesrelais contribuera, quant à elle, à revaloriser le rôle des parents dans des quartiers en manque de repères. Cette mesure exemplaire bénéficiera de crédits de 300 millions de francs.

De plus, un effort de formation indispensable sera entrepris en faveur des agents publics impliqués dans la politique de la ville. Ce sont 25 millions de francs qui serviront à amplifier leurs programmes de formation. Ce budget permettra ainsi de renforcer la présence et la qualité des services publics dans les quartiers.

L'institution, dans chaque quartier, de délégués du médiateur de la République devrait encore améliorer les relations entre les services publics et les usagers et aider à tranformer les pratiques.

Nous nous félicitons de votre souci d'offrir aux habitants des quartiers défavorisés un environnement social rénové, avec des services publics mieux implantés. L'égalité des chances et la cohésion sociale sont à ce prix.

Enfin, je souhaite souligner l'attention toute particulière qui sera apportée à l'accélération de la mise à d isposition des crédits auprès des acteurs locaux et à la simplification des procédures administratives.

En effet, vous connaissez comme moi, l'importance au quotidien du travail de terrain réalisé par le tissu associatif. En tant que maire de Noisy-le-Grand, je peux témoigner du caractère indispensable que revêt, pour nos quartiers, le travail des associations. Il n'est pas de politique de la ville efficace sans mobilisation des acteurs de terrain. Ils contribuent à tisser des liens sociaux et à redonner à chacun une place au coeur de la cité.

Votre politique a suscité de grands espoirs. Il ne faut pas les décevoir, au risque de se priver de partenaires indispensables au bon fonctionnement de la démocratie locale et à l'animation de nos villes. C'est pourquoi nous devons soutenir les associations en leur versant rapidement les subventions promises et tant attendues. Sans ces relais, toute action resterait sans effet.

Avec ce budget, la dynamique enclenchée ces dernières années est amplifiée. Cependant, le contexte récent de croissance transforme le sens de la politique menée. Les nouvelles attentes que la croissance engendre rendent plus inacceptable encore la dévalorisation de certains territoires.

Le projet de loi de finances pour 2001 est un signal clair. Il ancre dans la durée le renouvellement urbain et marque une volonté forte d'oeuvrer à une société plus juste et plus solidaire.

Monsieur le ministre, vous avez engagé une politique ambitieuse et novatrice, une politique de progrès. Avec ce budget, vous confirmez nos espoirs. C'est sans réserves que le groupe socialiste vous apportera un soutien déterminé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. François Goulard.


page précédente page 08387page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

M. François Goulard.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remplace cet aprèsmidi mon collègue Pierre Cardo (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste),...

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial.

Est-il remplaçable ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Vous en avez la nostalgie ? (Sourires.)

M. François Goulard.

... qui a une grande connaissance des sujets dont nous traitons cet après-midi et dont la compétence est très largement reconnue au-delà des clivages politiques traditionnels. Pierre Cardo est d'ailleurs retenu chez lui par une réunion relative aux grands projets de ville, et le changement d'ordre du jour, qui a déplacé l'examen de ce budget du matin à l'après-midi, l'empêche d'y participer.

En son nom et au nom du groupe Démocratie libérale, je vous dirai, monsieur le ministre, qu'il y a des points p ositifs dans votre budget, que l'honnêteté nous commande de reconnaître.

Au nombre de ces points positifs figure la forte progression des crédits budgétaires, qui est incontestable. Il y a aussi une certaine continuité dans l'action, qui est un gage de succès dans un domaine où il est très mauvais d'introduire des ruptures au bout de quelques années. Ce qui est à construire demande beaucoup de temps, au-delà même d'une législature, et il convient donc, autant que faire se peut, de ne pas procéder à des changements de cap brutaux.

A votre actif également, permettez-moi de vous le dire,...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Il vous le permet ! (Sourires.)

M. François Goulard.

C'est qu'il y a aussi un peu de vinaigre dans mon compliment ! A votre actif, donc, vous ne cultivez pas, comme certains de vos collègues du Gouvernement, l'obsession médiatique, et vous préférez très largement le travail sérieux et approfondi, avec de nombreux déplacements dans les quartiers concernés ; nous avons ainsi eu le plaisir de vous accueillir dans la ville où je suis élu, Vannes.

C'est là un point très positif, car la matière se passe bien de l'exploitation médiatique.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est vrai !

M. François Goulard.

J'en viens à nos réserves, qui portent non pas sur le budget à proprement parler, mais sur votre méthode pour la politique de la ville. A notre avis, mes collègues Donnedieu de Vabres et Mignon l'ont dit avant moi, elle est défaillante, ce qui rend quelque peu inutiles les crédits que vous avez obtenus du ministère des finances.

Premièrement, la solution des problèmes que posent les quartiers les plus difficiles de nos villes ne relève pas de votre seul ministère. Renaud Donnedieu de Vabres disait, en forme de boutade, qu'il faudrait que vous soyez ministre d'Etat. Il y a en effet un vrai problème de rattachement ministériel. A tout le moins, le caractère très transversal, très interministériel, de l'action qui devrait être la vôtre impliquerait un rattachement direct au Premier ministre. En tout cas ce qui relève de la politique de la ville appellerait une remontée dans l'échelle hiérarchique.

Deuxièmement, quand on examine les principales politiques publiques qui touchent à la vie des quartiers, on s'aperçoit qu'il y a de véritables défaillances des ministères concernés.

Vous avez d'ailleurs énuméré vous-même les priorités : éducation nationale, sécurité, emploi. Prenons-les l'une après l'autre.

L'éducation nationale n'est pas à la hauteur de sa tâche dans les quartiers difficiles pour des raisons que nous connaissons tous. Ainsi, quand on continue à envoyer des enseignants débutants dans les quartiers difficiles, on sait bien qu'on va à l'échec.

M. Yves Durand.

C'est vrai !

M. François Goulard.

De ce point de vue, rien n'a changé après 1997. Ses principes d'organisation étant ce qu'ils sont, cet organisme gigantesque votre ancien collègue Claude Allègre l'appelle « le mammouth » - est incapable de s'adapter aux difficultés des quartiers, en particulier de déroger à ses règles sacro-saintes d'affectation, à ses règles statutaires, pour permettre que les enseignants les plus expérimentés soient nommés dans les quartiers les plus difficiles.

Pour cela, il faut une réelle volonté de réformer profondément l'éducation, et de donner la liberté aux responsables. Sachons dire aux proviseurs, aux principaux, aux directeurs d'école : « Vous avez des moyens accrus par rapport à d'autres, parce que votre tâche est plus difficile, mais vous avez surtout la liberté la plus totale de vous organiser, de recruter vos enseignants comme vous le souhaitez, et de choisir les meilleurs, parce que ce sont les meilleurs qu'il faut dans ces quartiers ; vous n'avez que des obligations de résultats et non pas de moyens ; les moyens, c'est à vous de les mettre en oeuvre. »

Le jour où nous aurons eu le courage politique de violer certaines habitudes qui, en l'occurrence, se révèlent malsaines, nous aurons fait beaucoup pour les quartiers en difficulté, et pour les jeunes en difficulté qui ont besoin de cet effort, beaucoup plus que les catégories actuellement protégées par ces règles sacro-saintes.

Deuxième point, la sécurité. On peut tenir tous les discours que l'on veut, et vos collègues de l'intérieur ne s'en privent pas l'expression « police de proximité » est très bonne -, il n'en faut pas moins regarder les réalités en face. Et la réalité, c'est que nous aurons demain, dans le corps de police urbain, un départ massif en retraite de fonctionnaires expérimentés et formés. Et, au train où vont les choses avec votre politique de recrutement d'adjoints de sécurité, ces fonctionnaires parfaitement professionnels seront remplacés par des jeunes sans formation qui n'accompliront même pas leur carrière au sein de la police nationale. Si bien que nous aurons dans les quartiers les plus difficiles des forces de police qui ne seront pas à la hauteur de leur mission.

Ajoutez l'incapacité de mobiliser suffisamment la justice pour qu'elle assiste totalement la police dans sa tâche difficile ; on a une grande institution qui n'est pas à la hauteur de ce qui devrait être son devoir premier.

Le troisième sujet, c'est l'emploi.

Vous avez évoqué les CES, madame la rapporteure. La politique des emplois-jeunes, je suis désolé, n'est pas ciblée sur les vrais publics prioritaires. Il est vraiment très dommage de consacrer autant de crédits budgétaires à des jeunes capables de s'insérer facilement sur le marché du travail, et il est regrettable que vous n'ayez pas mis l'accent sur les publics vraiment prioritaires, ceux qui ont vraiment besoin d'être aidés, qui, quelle que soit la conjoncture économique, auront du mal à trouver un emploi. Il est paradoxal que le budget de l'emploi réduise considérablement le nombre de CES et de CEC cette année ; c'est l'opposé de ce qu'il faudrait faire pour une politique de l'emploi efficace.


page précédente page 08388page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

J'ajoute que le service public de l'emploi, l'ANPE, n'est pas adapté aux publics les plus en difficulté. Il n'est pas adapté aux tâches les plus ardues qui sont les siennes visà-vis de ces publics. On peut regretter une telle volonté de maintenir de grandes institutions. Un service public ayant le monopole du service de l'emploi ne répond pas aux réalités et n'est pas à même d'apporter des réponses satisfaisantes. Il faut faire preuve de plus d'audace, de plus d'initiative, et faire confiance, par exemple, à des associations à qui, par le biais d'une délégation de service public, on confierait cette tâche. Ce serait infiniment plus efficace.

Le temps me manque pour poursuivre sur ces trois thèmes mais, dans ce qui est vraiment votre rôle, c'est-àdire l'utilisation des crédits qui sont les vôtres, ce qu'on appelle au sens strict la politique de la ville, le péché majeur s'appelle centralisation, complexité administrative, procédures trop lourdes, saupoudrage des crédits, cloisonnement des actions et des procédures.

Il faut des moyens car les communes touchées par ce type de difficultés ont moins de ressources que les autres et davantage de besoins. La solidarité nationale impose que nous leur donnions de l'argent, mais, pour utiliser cet argent, de grâce, faites-leur confiance ! Laissez les préfets de côté, ce n'est pas leur rôle ! Qu'ils soient chargés d'assurer la présence des forces de police dans les quartiers, ça, c'est leur métier - ils sont les supérieurs hiéra rchiques des policiers - mais, pour des actions sociales de terrain, quand il s'agit de mettre des animateurs dans un quartier ou de faire je ne sais quelle action locale, de s'occuper des associations, les administrations d'Etat ne sont pas performantes, ne sont pas adaptées. Ce n'est pas leur métier, elles ne connaissent pas ces sujets-là. C'est donc un renversement total de l'approche qui est nécessaire.

L'argent, oui, mais, une fois que vous l'avez prévu, laissez faire les collectivités locales, les associations et les acteurs de terrain. C'est seulement à ce prix que vous aurez des résultats. J'en ai la conviction, les collectivités locales sauront faire si on leur donne les moyens : de l'argent et de la liberté.

Ce qu'on appelle la politique de la ville, c'est en définitive la volonté de corriger un des échecs les plus patents de notre société et, avant tout, il faut le reconnaître, de nos politiques publiques, sous tous les gouvernements.

C'est l'échec de la politique de l'urbanisme à l'époque où celle-ci relevait de l'Etat, parce que nous parlons de quartiers créés bien avant la décentralisation. Je suis persuadé que les élus locaux ne feraient pas aujourd'hui de tels quartiers réalisés sur décision de fonctionnaires d'Etat.

C'est aussi l'échec de la politique du logement, avec une politique par essence uniformisatrice. Une seule illustration : la taille des offices d'HLM. Dans la région parisienne - Pierre Cardo m'en parlait récemment -, le caractère gigantesque de certains offices publics d'HLM est à mon avis incompatible avec une véritable action de proximité pour remettre à niveau le parc HLM dans les quartiers les plus difficiles.

C'est l'Etat qui est à l'origine de cette politique, et elle a globalement échoué s'agissant de ces quartiers, comme celle de l'éducation, de la sécurité et de l'emploi.

En conclusion, laissez agir les collectivités, et principalement les communes. L'intercommunalité, qui est à la mode et qui est quelquefois très nécessaire, n'est pas non plus l'alpha et l'oméga. Il y a des cas où ce sont les communes qui sont les mieux placées pour agir. Dans un c adre intercommunal, une majorité de communes peuvent s'opposer, par égoïsme, à ce qu'on agisse vraiment. Ne soyez donc pas trop rigide et trop dogmatique en voulant confier aux structures intercommunales le monopole de la politique de la ville.

Bref, donnez aux collectivités locales, aux communes p rincipalement, aux associations, aux individus euxmêmes, les moyens de réussir là où l'Etat a largement échoué. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne : « Ville ».

ÉTAT B Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III : 25 000 000 francs ;

« Titre IV : 760 470 000 francs. »

ÉTAT C Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles)

TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 6 000 000 francs ;

« Crédits de paiement : 6 000 000 francs. »

TITRE VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 1 155 770 000 francs ;

« Crédits de paiement : 299 000 000 francs. »

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix le titre III.

(Le titre III est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix le titre IV.

(Le titre IV est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

Mme la présidente.

Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité concernant la ville.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq.)


page précédente page 08389page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Mme la présidente.

La séance est reprise.

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Mme la présidente.

Nous abordons la discussion des crédits du ministère de l'éducation nationale, concernant l'enseignement supérieur, pour laquelle nous allons mettre en oeuvre, en séance publique, la nouvelle procédure budgétaire définie par la conférence des présidents et dont j'ai rappelé les modalités en début de séance.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'enseignement supérieur.

M. Alain Claeys, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Madame la présidente, monsieur le ministre de l'éducation nationale, monsieur le ministre délégué à l'enseignement professionnel, mes chers collègues, pour commencer, je tiens à souligner la qualité des débats que nous avons eus lors de l'examen des crédits de l'enseignement supérieur pour 2001 en commission élargie et à vous remercier, messieurs les ministres, pour les précisions nombreuses que vous nous avez apportées sur les principales orientations qui seront soutenues grâce à ces crédits.

Compte tenu de ces échanges, j'insisterai simplement sur quatre points.

Tout d'abord, la mise en place du plan social étudiant, a uquel 2,7 milliards de francs sont consacrés sur quatre ans. C'est un effort considérable qui permettra de faciliter l'accès du plus grand nombre aux études supérieures.

Je tiens à préciser que la dernière étape de ce plan, dont les crédits prévus sont d'environ 650 millions de francs dans le projet de budget, ne signifie en aucun cas la fin de tout engagement financier pour l'amélioration des conditions de vie matérielle des étudiants. Bien au contraire, d'autres types de dépenses sont prévues dans le plan Université du troisième millénaire en vue de rénover les logements étudiants et d'en construire d'autres. La continuité de cet effort témoigne d'une réelle prise en compte des besoins des étudiants, qui se trouvent ainsi au centre des actions de modernisation de l'enseignement supérieur.

J'appellerai l'attention sur la nécessité de poursuivre l'effort engagé dans ce projet de budget en faveur de l'encadrement sanitaire et social des étudiants, avec la c réation de trente emplois d'infirmières et de quinze emplois d'assistantes sociales. Il me paraît en effet indispensable d'inscrire ce renforcement des effectifs dans la durée, tout en veillant à la cohérence des actions conduites par les universités, d'une part, et par les CROUS, d'autre part. Des clarifications ou des précisions à ce sujet seraient nécessaires.

Deuxième point : dans le prolongement des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle constituée au sein de la commission des finances, je me félicite de l'attention portée au fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur, grâce à une augmentation d'environ 120 millions de francs des dotations qui leur seront allouées en 2001. Surtout, je constate avec intérêt qu'un effort de coordination de l'évaluation de la politique contractuelle entre les établissements et l'Etat est réalisé grâce à un renforcement des moyens du Comité national d'évaluation. Il s'agit d'une avancée importante et j'espère, monsieur le ministre, qu'elle sera complétée par d'autres mesures similaires dans un proche avenir.

En troisième lieu, je souhaite évoquer la politique de rénovation et de mise en sécurité des bâtiments universitaires mise en oeuvre dans le cadre du plan U 3 M. Ce plan représente un effort conjoint de l'Etat et des collectivités locales d'environ 42 milliards de francs, inscrits dans les contrats de plan Etat-région pour la période 20002006. Sur les 18,3 milliards de francs financés par l'Etat, le ministère de l'éducation nationale assume la part la plus importante, avec une participation de 14,3 milliards de francs, à laquelle il convient d'ajouter 7,5 milliards de francs hors contrats de plan pour le financement du désam iantage du campus de Jussieu, la rénovation du Muséum d'histoire naturelle et la mise en sécurité des bâtiments universitaires.

Je considère que la réalisation de ce plan est un chantier d'avenir, absolument indispensable pour améliorer la qualité de vie des étudiants, mais aussi l'attractivité du système français d'enseignement supérieur. Je souhaite que, comme cela a commencé d'être le cas à la suite desr ecommandations de la mission d'évaluation et de contrôle, le Parlement soit régulièrement informé des investissements réalisés et programmés dans le cadre de ce plan. Je vous sais attentif à cet aspect, monsieur le ministre, et je suis convaincu que nous pourrons développer un dialogue fructueux sur les actions mises en oeuvre dans le cadre du plan U 3

M.

Enfin, je me félicite des initiatives qui ont été prises, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, pour favoriser la mobilité des enseignants et des étudiants.

Dans le prolongement du rapport que j'ai consacré à l'accueil des étudiants étrangers en France, je voudrais appeler votre attention, monsieur le ministre, sur l'intérêt que ne manquerait pas de présenter une gestion décentralisée des bourses de mobilité instituées par le plan social étudiant. Il me semble en effet que la meilleure façon d'animer ce dispositif est de confier directement aux universités la gestion de ces bourses.

De manière plus générale, je crois utile de mener une v éritable réflexion sur la démocratisation du statut ERASMUS, afin de permettre au plus grand nombre possible d'étudiants de poursuivre une partie de leurs études en Europe. Il s'agit d'une condition essentielle pour la diffusion de cette culture européenne à laquelle je vous sais si attaché, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'enseignement supérieur.

M. Jean-Jacques Denis, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'enseignement supérieur.

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'éducation nationale fait partie, avec la sécurité, la justice et l'environnement, des actions prioritaires retenues par le projet de loi de finances pour 2001.

Avec plus de 56 milliards de francs, le budget pour 2001 de l'enseignement supérieur est en forte croissance, de 2,73 % à structure constante.

Concernant le budget des universités, monsieur le ministre de l'éducation nationale, vous allez entreprendre une réforme des normes San Remo. Les attentes sont fortes et tous les partenaires concernés souhaitent être entendus à cette occasion. De même, les mesures à prendre dans le cadre du plan pluriannuel pour pallier le départ en retraite de près de 50 % des enseignants dans les dix ans à venir sont également très attendues.


page précédente page 08390page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Mon intervention portera sur deux points qui me paraissent essentiels : les dépenses de personnel, en particulier non enseignant, et la vie étudiante.

Les dépenses de personnel représentent 32,9 milliards de francs et sont en augmentation de 7,4 %. Un effort important est consenti en faveur des personnels IATOSS : 1 000 emplois sont créés, dont 150 pour les bibliothèques. Toutefois, le nombre de ces créations d'emplois ne paraît pas être encore suffisant pour répondre à tous les objectifs, et en particulier pour étendre de façon significative les heures d'ouverture des bibliothèques universitaires.

Cela étant, les mesures prises devraient permettre de réduire le nombre des agents non titulaires employés par l'Etat : il en reste environ 6 000. Nous avons noté votre volonté d'agir avec le ministre chargé de la fonction publique pour résoudre ce problème récurrent.

Par ailleurs, les mesures prises en faveur des personnels permettront d'améliorer encore les conditions de fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur et, par là même, les conditions de vie des étudiants.

Les recrutements d'enseignants, conjugués à l'évolution des effectifs étudiants, se traduisent par une amélioration du taux d'encadrement, qui est passé de 21,63 en 1997 à 18,87.

Vous confirmez ainsi, monsieur le ministre, la volonté du Gouvernement de placer les étudiants au coeur du dispositif d'enseignement supérieur.

L'aide sociale aux étudiants représente le troisième poste important des crédits de l'enseignement supérieur.

A ce sujet, il convient toutefois de souligner la difficile évaluation des besoins.

Par ailleurs, dès lors que les études supérieures se démocratisent largement, il n'est pas étonnant que les problèmes de la société pénètrent dans les universités.

Pour ce qui est des bourses, elles sont attribuées sous c onditions de ressources. Les crédits correspondants représentent 8,4 milliards de francs en 2001.

En cette période d'achèvement du plan social étudiant, ce sont près de 30 % des 500 000 étudiants français de l'enseignement supérieur qui bénéficient d'une bourse.

Aider ceux qui en ont le plus besoin est une nécessité, l'insuffisance des ressources étant une des causes d'échec à l'Université.

Les mesures en faveur des étudiants sont nombreuses, qu'il s'agisse de l'augmentation du plafond de ressources ouvrant droit à l'attribution d'une bourse, de la revalorisation d'environ 15 % du montant des bourses, de la création d'une bourse à taux zéro et de bourses attribuées au mérite, de l'institution de bourses par cycle permettant, en cas d'échec aux examens, le maintien du droit à la bourse pour une année supplémentaire, ou qu'il s'agisse, enfin, de la mise en place des allocations d'études - qui se caractérisent toutefois par une grande disparité entre académies, qu'il conviendrait de corriger.

Au total, avec une augmentation de 647 millions de francs, les crédits destinés aux bourses ont progressé de près de 2 milliards de francs en quatre ans.

Il n'en reste pas moins que le dispositif actuel peut et doit encore été amélioré. A cet égard, j'insisterai sur quel ques points.

Le dispositif d'aide aux étudiants est encore trop compliqué, aussi conviendrait-il de réfléchir à la mise en place de guichets uniques. Il existe actuellement une multiplicité d'intervenants qui relèvent d'administrations différentes. Une telle situation est source de confusion et de complication dans l'accès aux droits pour les étudiants ; elle les contraint à des démarches multiples.

Des propositions dans le sens de l'instauration de guichets uniques sont donc attendues. On peut imaginer que des collectivités locales et des communes soient impliquées pour atteindre cet objectif.

S'agissant des bourses attribuées aux étudiants du troisième cycle, elles ne sont pas accordées, contrairement à celles versées au étudiants du premier et du deuxième cycles, en fonction de critères sociaux.

Toutefois, un progrès sera réalisé l'année prochaine, puisque les allocations d'études pourront être attribuées en première année de troisième cycle. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il conviendrait d'étendre aux étudiants de troisième cycle le droit de se voir attribuer une bourse en fonction de critères sociaux ? Pour terminer, je soulignerai votre volonté de favoriser la mobilité des étudiants dans l'Espace européen. A cet égard, 1 000 bourses de mobilité sont prévues et compléteront le programme ERASMUS, dont on connaît le succès. Cependant, ce dernier ne concerne que 20 000 étudiants sur les 13 à 14 millions d'étudiants en Europe.

Des efforts restent à faire en ce domaine, de même que pour encourager l'apprentissage des langues étrangères en France, et le constat que l'on a dressé pour l'enseignement secondaire vaut aussi pour l'enseignement supérieur.

Je terminerai mon intervention en affirmant que nous partageons votre volonté d'ouvrir largement l'Université à la société, c'est-à-dire à toutes les couches d'âge. En voulant en faire un creuset culturel et éducatif, ouverte à tous, vous préparez l'Université de demain.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale.

Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, je ne ressens pas le besoin d'intervenir longuement, puisque nous avons déjà débattu largement des crédits de l'enseignement supérieur lors d'une réunion élargie de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Du reste, je me réjouis de cette procédure qui permet aux députés des différents groupes d'interroger directement le représentant du Gouvernement. La séance d'aujourd'hui doit nous permettre de nous centrer sur l'essentiel avant que vous ne vous prononciez pour ou contre le projet de budget de l'enseignement supérieur.

Je ne reprendrai pas ce qu'ont excellement dit chacun des deux rapporteurs à propos du budget - ils l'ont décrit dans sa singularité - et me bornerai à souligner que celui-ci s'inscrit dans la continuité d'une action qui a été engagée depuis de nombreuses années pour redonner à l'Université française sa solidité, son statut et son rayonnement, et pour l'ouvrir plus largement aux étudiants, de France et d'autres pays.

En même temps nous avons souhaité donner un infléchissement particulier à cette politique nationale et à sa traduction budgétaire.

Je n'évoquerai pas l'importance que revêt pour l'Université la recherche fondamentale, appliquée ou technologique, M. Roger-Gérard Schwartzenberg étant intervenu lors de la discussion qui a porté sur la partie recherche. Je rappellerai simplement la volonté forte du Gouvernement de permettre à chaque université d'atteindre l'excellence dans le domaine de la recherche.


page précédente page 08391page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Deux ambitions nous animent : placer l'étudiant, son épanouissement et sa réussite au coeur même de notre action, accélérer la modernisation et améliorer le rayonnement de l'enseignement supérieur.

Voyons d'abord la première de ces ambitions. L'Université doit assurer autant qu'elle le peut la réussite de ses étudiants. Cette affirmation de principe emporte deux séries de conséquences : d'une part, améliorer l'insertion des jeunes bacheliers dans l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle des jeunes diplômés, aspect qui a parfois été négligé ; améliorer les aspects matériels de la vie quotidienne des étudiants.

S'agissant de l'insertion et de l'accueil des jeunes bacheliers et de l'insertion professionnelle des jeunes diplômés, la question principale qui se pose est celle de l'efficacité de nos premiers cycles universitaires. Je note que 35 % seulement des bacheliers obtiennent le DEUG en deux ans et 70 % en trois ans. Un progrès a été accompli grâce à l'effort des réformes engagées par Lionel Jospin alors qu'il était ministre de l'éducation nationale, et que j'ai poursuivies moi-même en 1992-1993 ; mais nous devons encore progresser.

C'est la raison pour laquelle j'ai annoncé en octobre toute une série de changements qui vont se traduire concrètement sur le terrain : l'institution d'un directeur des études de première année ; l'appel à un projet pédagogique pour rendre plus efficace l'enseignement des premiers cycles universitaires qui débouchera sur une véritable rénovation de la pédagogie ; la faculté de se réorienter non plus seulement à la fin du premier semestre mais jusqu'au terme de la première année ; la possibilité de suivre des premiers cycles pluridisciplinaires de manière à donner aux étudiants la possibilité de choisir en connaissance de cause à la fin de la première année la filière qu'ils veulent suivre ; enfin, l'amélioration des conditions d'accueil des étudiants dans les établissements et dans les bibliothèques, comme vous le souhaitiez, monsieur le rapporteur pour avis.

Bien entendu, tout cela ne pourra se réaliser que si nous réussissons à améliorer globalement le taux d'encadrement des étudiants en personnels enseignants et non enseignants. Le projet de budget qui vous est soumis doit y contribuer en prévoyant la création de 616 nouveaux postes d'enseignants à la rentrée 2001. Et, comme cela vient d'être rappelé, le taux d'encadrement des universités, qui était encore insatisfaisant l'année dernière, dépas se désormais la moyenne européenne, et, si nous poursuivons nos efforts, nous devrions nous retrouver dans le peloton de tête au cours des prochaines années.

Dans le même esprit, nous avons eu le souci, à la demande des présidents d'université, d'améliorer l'encadrement en personnels IATOSS, lesquels s'acquittent de responsabilités multiples, souvent difficiles et essentielles, avec un dévouement que je tiens à saluer. La volonté d'améliorer encore l'encadrement administratif et technique dans les établissements conduit le Gouvernement à vous proposer une mesure assez exceptionnelle tendant à créer 1 000 emplois d'IATOSS en 2001, ce qui constitue l'effort le plus important depuis trois ans ; je rappelle que, dans le budget de l'an dernier, nous en avions créé 500.

Ce souci d'assurer un meilleur encadrement pédagogique se traduit aussi par l'amélioration des crédits pédagogiques, puisque nous avons multiplié par trois la mesure nouvelle de l'an dernier, en l'augmentant de 180 millions de francs. La plus grande partie de cette somme sera consacrée aux établissements supérieurs, tandis que 20 millions iront aux bibliothèques universitaires.

L'autre point sur lequel nous devons faire porter une partie de nos efforts au cours des prochaines années, et qui a été parfois négligé par le passé, est l'amélioratio n des conditions de vie et de travail des étudiants.

En ce domaine, la qualité des équipements collectifs est déterminante. Par ailleurs, le plan social étudiant, dont je ne rappelle pas le contenu, doit connaître son plein achèvement. Au total, ce sont près de 500 000 étudiants qui bénéficieront d'un soutien à la rentrée 2001.

Pour autant, nous ne devons pas relâcher l'effort pour offrir aux étudiants des conditions de logement améliorées. Sur ce plan, il faut le reconnaître, des retards ont été accumulés au fil des ans, en particulier dans la région parisienne. Nous devons donc mobiliser en premier lieu les 2,5 milliards de francs prévus en faveur du logement étudiant.

J'ajoute que la qualité de l'environnement des étudiants n'est pas seulement liée à des mètres carrés supplémentaires, elle est aussi liée à des universités plus harmonieuses, plus accueillantes et plus hospitalières. Dans cet esprit, j'ai constitué une mission « urbanisme et architecture universitaires » qui aura pour tâche d'encourager les réalisations les mieux à même de faciliter les conditions d'accueil des étudiants et des professeurs.

Le deuxième grand aspect de notre politique, qui, naturellement, se combine avec le premier, c'est la modernisation de notre enseignement supérieur et son rayonnement. Sur ce point, il y aurait beaucoup à dire, mais peut-être aurais-je l'occasion de développer plus longuement ce thème en répondant aux intervenants.

Cette ambition doit nous conduire à moderniser, à rajeunir, à rafraîchir, si j'ose dire, toute une série d'enseignements. Je pense notamment aux DEUG scientifiques, pour lesquels le mouvement est déjà en marche, aux é tudes d'économie, aux études de médecine, pour lesquelles nous préparons un certain nombre de changements, aux études littéraires et aux études de sciences humaines.

Dans le même esprit, nous souhaitons accélérer le mouvement de professionnalisation des études. Avec JeanLuc Mélenchon, nous avons travaillé activement à mettre en oeuvre la réforme des licences professionnelles. Mais, là encore, nous devons intensifier le mouvement, qui doit toucher les écoles d'ingénieurs, les DESS, les IUP et les IUT.

Tels sont les points sur lesquels je voulais appeler votre attention. J'aurais aimé, si je ne m'étais pas imposé cette règle de brièveté, vous parler - mais peut-être le feronsnous plus tard - des nouvelles formes d'enseignement assurées grâce au système d'enseignement à distance, tant en matière de formation initiale que de formation tout au long de la vie.

Je me félicite que notre volonté de favoriser la mobilité des étudiants et des professeurs soit soutenue non seulement par les rapporteurs, mais aussi par les ministres de l'éducation des autres pays européens, qui, jeudi dernier, ont accepté notre plan d'action pour la mobilité, nous espérons qu'il sera ratifié par les chefs d'Etat et de gouvernement lors du prochain Conseil de Nice.

Par ailleurs, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, et moi-même avons confié à M. Elie Cohen, ancien président de l'université de Paris-Dauphine, une mission visant à favoriser l'accueil des étudiants étrangers, qui laisse encore parfois à désirer malgré certains progrès accomplis au cours des dernières années.


page précédente page 08392page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Il est vital également que la culture de la transparence, c'est-à-dire la culture de l'évaluation, progresse dans notre pays. Nous ne pourrons agir de façon sérieuse et solide, et mériter l'effort que vous voudrez bien consentir sur le plan budgétaire, que si, parallèlement, nous sommes capables de mieux analyser, de mieux radiographier les résultats obtenus par les universités.

Sur ce point, nous entendons nous inspirer notamment des conclusions en matière de gestion et de pilotage des établissements auxquelles est parvenue la mission d'études et de contrôle animée par le rapporteur spécial M. Alain Claeys. J'espère que, parallèlement, d'autres procédures d'évaluation se développent sous l'impulsion du haut Conseil de l'évaluation, que nous mettrons en place mercredi et qui sera présidé par M. Claude Thélot, ou du comité d'évaluation des universitaires, qui, lui aussi, devra accomplir sa mission avec rigueur, impartialité et indépendance.

Tout cela ne sera rendu possible que si nous parvenons - et chaque année apportera sa part de progrès - à établir un meilleur équilibre entre la politique nationale, telle qu'elle s'exprime à travers la volonté du Parlement et l'action du Gouvernement, et la politique des universités, dont l'autonomie mérite d'être affinée. Je me réjouis que la conférence des présidents d'université s'apprête à lui consacrer un séminaire à ce dernier thème au cours des prochains mois.

Voilà, brossé à grands traits, le contenu des documents budgétaires qui vous ont été soumis, mais l'échange que nous n'allons pas manquer d'avoir à présent entre nous me permettra sans doute de préciser ma pensée sur tel ou tel sujet.

Par avance, je vous remercie du soutien que vous voudrez bien apporter à l'action menée pour la rénovation des universités françaises. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel.

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué chargé de l'enseignement professionnel.

Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, la qualité de l'échange que nous avons eu en commission me permet de concentrer mon bref propos sur un point à propos duquel Jack Lang et moi-même souhaitons attirer l'attention de la représentation nationale car il introduit une nouveauté dans le déroulement de la vie de l'enseignement supérieur, je veux parler de la mise en place des licences professionnelles.

A raison de 80 000 francs par licence, la subvention exceptionnelle est dotée de 16 millions de francs au total.

Tout semble dit par ces deux chiffres mais, en fait rien, ne serait dit si je ne signalais pas à votre attention qu'avec cette mesure nous franchissons une étape attestant l'importance que revêt aujourd'hui dans l'enseignement supérieur la question des séquences professionnalisantes. Porté déjà par les IUT, les IUP, les BTS, que l'on peut assimiler à l'enseignement post bac, l'intérêt pour c es enseignements est conforté par le nombre de maquettes qui ont été proposées par les universités et les enseignements académiques : plus de 500. Il nous a même fallu procéder à une sélection et ramener ce nombre à 195, car nous voulions offrir à ces diplômes toutes les garanties.

En tout cas, c'est le signe que le concept est dorénavant bien compris et qu'il est porté avec force par l'Université.

La valeur nationale de ces diplômes étant acquise par le travail du comité d'experts et du comité de suivi, et la lisibilité de ces diplômes étant garantie par les décisions que nous avons prises, Jack Lang et moi-même, de reclasser la totalité de ces licences d'après la nomenclature des métiers, conformément à ce qui se fait dans les établissements d'enseignement secondaire, nous sommes en train de faire vivre la conception française de la professionnalisation durable. Tout en étant capables de répondre directement aux attentes du secteur de la production en per-s onnels qualifiés, nous instituons des conditions d'adaptation telles que les bénéficiaires sont certains de réussir non seulement leur première insertion professionnelle, mais également la seconde, grâce à leur haut niveau de connaissances tant académiques que technologiques.

Tels sont les points que je voulais souligner avant de solliciter l'appui de l'Assemblée pour faire valoir les mesures prévues dans ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, j'irai à l'essentiel, puisque nous avons déjà eu l'occasion en commission d'échanger nos points de vues sur les problèmes de l'enseignement supérieur.

L'approche comptable, qui est la première approche d'un projet de loi de finances, montre une augmentation des crédits de l'enseignement supérieur. Peut-on parler pour autant de rupture par rapport aux budgets précédents ? Je n'irai pas jusque là, car ce qui caractérise les budgets des universités comme ceux de l'éducation nationale, c'est qu'ils sont toujours, qu'ils soient proposés par un gouvernement de droite ou de gauche, quantitativement en hausse.

Cela dit, je ne fais pas partie de ceux qui considèrent qu'un budget en hausse doit être systématiquement critiqué. Le secteur éducatif nécessite que des moyens prioritaires soient mis en oeuvre et cette remarque vaut pour l'enseignement scolaire comme pour les universités.

Mais, si ce budget est quantitativement en hausse, je note quelques points inquiétants, même sur le seul aspect comptable.

M. Claeys le soulignait tout à l'heure, le plan U3M manifeste une collaboration intéressante entre l'Etat et les collectivités territoriales. Je trouve la remarque du rapporteur spécial intéressante car si, d'habitude, la décentralisation transfère les compétences en même temps que le financement, là, nous sommes confrontés à une décentralisation d'un nouvel ordre, qui consiste à décentraliser le financement mais pas les compétences.

Je ne ferai cependant pas de mauvais esprit. Je souhaite simplement rappeler que, comme le ministre nous y a conviés en commission, il est temps d'aborder sereinement la question de l'autonomie et de la décentralisation des universités. M. Mauroy a fait des propositions à cet égard. Ce sont les siennes, j'en conviens, mais elles ont néanmoins le mérite, à la lumière de l'évolution de notre pays et de notre volonté de décentraliser, d'éclairer les relations entre autonomie universitaire, décentralisation, financement et transfert de compétences. Il propose au fond ce qui aurait dû être fait depuis plusieurs années déjà.

Comme je l'ai dit en commission, je juge les crédits attribués au désamiantage de Jussieu insuffisants. Je me rends bien compte de l'énormité des crédits à débloquer


page précédente page 08393page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

mais, avec 300 millions par an, l'opération, qui devrait coûter globalement trois milliards de francs, prendra une dizaine d'années. Et cela au moment où, dans le cadre du fameux U3M, d'autres universités se constituent à côté de Paris-VI, dans le cadre de la ZAC Rive gauche. Celar isque de créer des déséquilibres au détriment de Paris-VI, qui est pourtant une de nos plus grandes universités scientifiques. Il ne faut pas laisser dériver cette grande université qui est au centre de Paris.

S'agissant des bibliothèques universitaires, je note que, malgré les réels efforts consentis depuis 1988, les crédits qui leur sont consacrés restent encore très insuffisants.

Les bibliothèques ont besoin de crédits, d'assistants et, surtout, d'horaires plus souples. Cinquante-cinq heures d'ouverture des bibliothèques par semaine, c'est bien, sur le papier. Mais ce n'est pas assez alors que tous nos voisins européens, sans parler de nos voisins nord-américains, qui sont des concurrents universitaires, laissent leurs universités ouvertes toute l'année. Bien sûr, cela nécessite du personnel, mais c'est une nouvelle obligation de service public que de permettre aux étudiants de travailler dans les bibliothèques universitaires quand ils le souhaitent, avec tous les moyens disponibles.

Enfin, je voulais souligner, mais vous en avez dit un mot à la fin de votre exposé, monsieur le ministre, l'importance qu'il faut attacher pour l'avenir aux technologies nouvelles d'enseignement.

Dans le maquis comptable que représente cette loi de finances, j'ai détecté une somme de vingt millions de francs, très insuffisante au regard de l'enjeu.

Là aussi, je vous mets en garde, monsieur le ministre, la concurrence universitaire étrangère en matière de technologies nouvelles risque d'amenuiser notre potentiel.

Certes, la rue de Grenelle devra trancher, et les arbitrages ne seront pas toujours faciles, chaque université voulant disposer pour elle-même du potentiel de technologies nouvelles. Mais cela représente, pour les universités françaises, un moyen de développement considérable, tant sur le plan scientifique que sur le plan économique.

En effet, les technologies nouvelles accompagnent la formation professionnelle qui, elle-même, guide la vente de matériels divers dans le monde entier. La renommée de notre pays a beaucoup à gagner au développement de ce secteur.

J'aborderai plus rapidement, mais sur un ton plus vif, le conservatisme universitaire qui marque la politique de la France depuis mai 68. Ce qui était explicable de la part de la droite l'est beaucoup moins, vous en conviendrez, monsieur le ministre, de la part de la gauche.

Mai 68 ne devrait pas vous effrayer. Or nous avons l'impression que les politiques universitaires qui se suivent sont marquées par la peur des grands rassemblements étudiants dans la rue. Paradoxalement, le mouvement né dans les années 70 aboutit à un conservatisme universitaire désormais préjudiciable. Les présidents d'université et les politiques en premier lieu en sont responsables ; cela explique certaines de nos difficultés.

La première d'entre elles est que 37 % seulement des étudiants obtiennent le DEUG en deux ans. Ce n'est pas assez, même si 70 % des étudiants sortent de l'université avec un diplôme, ce qui n'est pas si mal.

La deuxième difficulté, c'est que nous avons le sentiment que les IUT, qui ont pendant longtemps constitué un fleuron un peu à part de l'entité universitaire, perdent de leur spécificité. De nombreux étudiants ne s'arrêtent plus à la fin de l'IUT et continuent le cursus à l'Université ; cet allongement de la durée des études dénature la philosophie première des IUT.

Troisième préoccupation : il nous semble impensable, à l'entrée du

XXIe siècle, je l'ai déjà souligné en commission, que l'Université soit ainsi cloisonnée par rapport au monde économique et à l'insertion professionnelle.

Monsieur le ministre, certes, les licences professionnelles existent, vous les avez évoquées, mais comment peut-on expliquer que l'Université ne donne pas à ses étudiants la possibilité de s'insérer professionnellement après obtention d'un diplôme ? Il n'y a pas de secret dans ce domaine. Ce n'est pas le professeur d'université qui doit placer ses étudiants. L'Université française, si elle veut rivaliser un jour, avec celles de nos voisins européens ou nord-américain, doit inventer, comme les autres, des départements de placement des étudiants. Dans un monde où la démocratisation de l'enseignement a dépassé le concept classique de l'université, il faut, au-delà de la délivrance du diplôme, aider l'étudiant muni de sa maîtrise ou de son diplôme de troisième cycle à s'y retrouver dans un marché de l'emploi mobile et géographiquement éclaté.

Le monde économique est désormais preneur d'une participation dans la professionnalisation des universités.

L'Etat pourrait pousser les banques françaises à faire ce que font toutes les banques pour les prêts aux étudiants.

Ainsi, aux Etats-Unis, les étudiants en latin, qui ne sont pourtant pas les plus professionnels par essence, bénéficient tous de prêts bancaires et de stages à la sortie de l'Université. Pourquoi ce qui est vrai dans l'Ontario ne le serait-il pas en Ile-de-France ? D'ailleurs, le conseil régional a pris plusieurs procédés en ce sens.

Ce qui frappe aussi, et vous l'avez reconnu, c'est que l'Université manque de rayonnement international. De ce point de vue, je note avec satisfaction, en espérant que tout cela ne résulte pas simplement de l'esprit de Bruxelles, les décisions prises par les Quinze il y a quelques jours ; le plan d'action pour la mobilité est une bonne chose pour l'université française.

Pour terminer, je ne voudrais pas oublier de mentionner le manque crucial de relations de coopération avec les autres universités, notamment africaines. S'il est clair que l'université française doit attirer des étudiants étrangers, force est de constater qu'elle le fait de moins en moins.

Certes, à regarder attentivement les statistiques, on s'aperçoit que, sur les quelque 160 000 étudiants étrangers qui fréquentent nos universités, environ 80 000 viennent des pays africains. Le Maroc envoie 15 000 étudiants et l'Algérie 12 000. C'est positif mais, en même temps, cela prouve que la France a perdu de son rayonnement en matière de coopération universitaire. Il ne suffit pas d'attirer des étudiants africains, dont on voit bien quel intérêt ils ont à poursuivre des études supérieures en France, encore faut-il aider les universités africaines à se développer ; c'est un impératif au moins aussi essentiel pour la France. Je regrette à cet égard que l'université de Dakar soit en déclin et que celle d'Abidjan ne fonctionne plus comme il y a quelques années. En clair, je regrette que la coopération universitaire qui passait par le ministère de la rue d'Oudinot ait disparu et que la France se lance désormais dans la recherche systématique d'étudiants étrangers en négligeant nos amis, nos frères africains. Nous devons les aider, par la francophonie, à développer leurs propres entités universitaires. Ce n'est pas une critique de l'internationalisation de l'université ; simplement, je considère que celle-ci doit s'accompagner d'une coopération à l'égard de ceux qui sont dans le champ de la francophonie ; or, de ce point de vue, nous sommes incontestablement en recul.


page précédente page 08394page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Pour conclure, monsieur le ministre, nous voterons contre votre budget, non pas avec agressivité ou animosité, car c'est un bon budget du point de vue quantitatif.

Mais nous souhaitons, par notre vote négatif, attirer ceux qui, demain, feront le budget universitaire vers deux impératifs modernes de notre enseignement supérieur : l'un fondé sur la liberté - nos universités ont besoin de plus d'autonomie et de liberté -, l'autre fondé sur la mobilité, notamment internationale. Pour paraphraser un vieil adage, je souhaite que l'air de l'université rende libre, comme au Moyen Age l'air de la ville rendait libre.

On a d'ailleurs vu ce que cela a donné dans un certain nombre de cas. Modernité, cela signifie mobilité et liberté. Je souhaite que, pour vos successeurs, de gauche comme de droite - car vous n'avez pas eu le temps de prendre à pleines mains le dossier universitaire -, modernité et liberté aillent désormais de pair.

M. le ministre de l'éducation nationale.

Je suis encore là ! (Sourires.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacques Guyard.

M. Jacques Guyard.

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, après le long débat que nous avons eu en commission élargie, c'est le moment de dire pourquoi nous votons oui ou non. J'ai d'ailleurs cru, monsieur Goasguen, que vous alliez voter pour, tant votre argumentation était positive, hormis les trois dernières phrases.

Le groupe socialiste, lui, votera pour sans hésitation.

M. Jean-Pierre Foucher.

Quelle surprise !

M. Jacques Guyard.

Ce n'est pas une surprise, mais nous trouvons dans ce projet de budget et dans les mesures qui l'accompagnent cinq sujets de satisfaction.

Le premier, c'est l'amélioration du taux d'encadrement qui, pour une part, conditionne l'efficacité de nos universités. Il était de 21,63 étudiants par enseignant il y a quatre ans, il sera l'année prochaine de 18,87 étudiants, c'est-à-dire au niveau d'avant la grande vague démographique, au niveau des grands pays. D'autres créations de postes sont prévues, par exemple 300 postes de maître de conférences, ce qui n'est pas négligeable face à un effectif étudiant qui stagne. Des critiques ont pu être formulées quant au manque de créations de postes de professeurs. Je rappelle que, dans les quatre années qui viennent, s'ouvrira la plus impressionnante fenêtre de promotions au grade de professeur d'histoire des universités depuis fort longtemps, pour compenser la masse des départs à la retraite de professeurs de catégorie A. Ce sont donc bien des postes de maîtres de conférences et d'attachés de recherches qu'il fallait créer. C'est aussi la meilleure réponse au problème réel du redoublement en premier cycle.

Deuxième sujet de satisfaction : l'amélioration des conditions matérielles de fonctionnement des universités.

Nous dénonçons tous, depuis vingt ans et plus, la pauvreté en personnel administratif, technique, en moyens de fonctionnement, bref tout ce qui fait la vie quotidienne des universités. De ce point de vue, la décision de créer 1 000 emplois d'IATOSS constitue un changement majeur, même si ce n'est qu'un début.

Je salue tout particulièrement l'effort consenti en faveur des bibliothèques. Les moyens donnés aux étudiants pour leur travail individuel étaient des plus défaillants. Il faut poursuivre dans cette voie, notamment en réfléchissant à un nouveau statut pour les assistants de bibliothèque.

L'effort fait pour les universités publiques doit aussi s'accompagner d'un effort concernant les établissements d'enseignement supérieur privé de bonne qualité. Leur dotation par étudiant est nettement plus faible que celle de l'enseignement supérieur public. Or l'enseignement supérieur privé de qualité fait vraiment partie du service public d'enseignement.

M. Jean-Pierre Foucher.

Comme tout l'enseignement privé !

M. Jacques Guyard.

Troisième satisfaction : l'avancée au rythme prévu - et il était exigeant - du plan social étudiant. C'est un des objectifs majeurs du Gouvernement depuis 1997. Aujourd'hui, 30 % des étudiants sont aidés et le budget progresse de 647 millions. Je rappelle que le montant cumulé des bourses sera l'année prochaine de 8,45 milliards, alors qu'il était, quand le gouvernement de Lionel Jospin s'est installé, de 6,60 milliards.

Cette progression impressionnante permet de disposer à la fois de bourses plus élevées par étudiant et d'un nombre total de bourses plus important. Or la massification fait que les étudiants issus de familles modestes sont de plus en plus nombreux. Cette évolution des crédits a également permis d'instituer une mesure très novatrice, les bourses de mérite pour les bons bacheliers, marquant ainsi l'exigence de qualité de nos universités. Tout cela devrait déboucher, cela a été demandé par les rapporteurs, sur la création d'un guichet unique d'accès à ces aides sociales, de façon à utiliser les masses d'argent mises en jeu avec le maximum d'efficacité.

Quatrième sujet de satisfaction : la bonne avancée du plan U3M. Certes, on peut regretter le mélange des ressources de l'Etat avec celle des collectivités territoriales.

L'essentiel est d'arriver à disposer de 42 milliards de francs pour continuer à améliorer l'état de nos universités. Elles en avaient besoin, je pense en particulier à l'Ilede-France et à l'université Paris VI, que vous avez citée. Il est nécessaire que les universités évoluent, non seulement parce que les étudiants et les personnels y sont trop serrés, mais aussi parce que l'enseignement change et que les bâtiments doivent s'adapter.

Vous avez souligné les problèmes de logement. J'y ai été très sensible. Une nette amélioration a été obtenue avec la mise en place des allocations de logement social pour les étudiants, qui a permis de relancer la construction. Mais il reste encore beaucoup à faire, singulièrement en région parisienne.

Dernier sujet de satisfaction, et peut-être le plus important à mes yeux : les innovations pédagogiques, c'est-à-dire les changements dans le contenu de l'enseignement.

La démarche s'appuie sur un substrat solide. M. le ministre délégué ne citait-il pas tout à l'heure les IUT, les IUP et les multiples DESS par lesquels les universités ont fait preuve d'une créativité remarquable pour répondre aux nouvelles qualifications dont notre économie a besoin ? Alors même que la massification de l'éducation nationale a enlevé aux IUT une part de leur attractivité, il faut reconnaître que la multiplication des troisièmes années ou des semestres complémentaires dans le cadre de la professionnalisation de l'Université est aussi quelque chose d'important. Je note qu'une bonne partie de ces formations finales, qui « accrochent » à la vie professionnelle, se font en alternance dans beaucoup de nos universités.

L'Université n'a d'ailleurs pas attendu, pour développer l'alternance, que nous l'entraînions dans cette voie.


page précédente page 08395page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

C'est sur ce support que les cent quatre-vingt-quinze licences professionnelles dont vous avez parlé, monsieur le ministre délégué, et qui sont pour moi, je le répète, la cause de la plus grande des satisfactions, pourront se développer dans de bonnes conditions.

C'est ainsi que l'on pourra lutter par exemple contre le recul des enseignements scientifiques, dont on a peu parlé. Il s'agit pourtant d'un des défis que notre pays se doit de relever.

Si l'on veut relancer les enseignements scientifiques, il faut les présenter différemment et faire en sorte qu'ils cessent d'être, dans la tête de nos lycéens et de nos étudiants, des moyens de sélection pour devenir des moyens de promotion. Cela passe par des formations concrètes à des métiers concrets, qui sont les métiers que tout le monde considère aujourd'hui comme étant les plus porteurs d'avenir.

Quelques universités, six ou sept, sont déjà arrivées à renverser la tendance. C'est parce qu'elles ont des projets de formation forts sur lesquels les équipes présidentielles et les professeurs se sont mobilisés qu'elles y sont parvenues.

Il faut continuer dans ce sens, en renforçant l'autonomie des universités, la capacité d'intervention des équipes présidentielles et améliorer l'évaluation des établissements.

Toutes ces considérations conduisent le groupe socialiste à voter, enthousiaste, le budget qui nous est présenté. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Michel Dubernard.

M. Jean-Michel Dubernard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la discussion en commission, j'ai formulé plusieurs observations sur les lacunes de ce budget, sur son manque d'ambition et son manque de prospective.

M. Yves Durand.

Ça commence bien !

M. Jean-Michel Dubernard.

Il s'agit d'un budget décevant car, l'ayant analysé objectivement, je n'y trouve aucune innovation. Ce budget de gestion s'inscrit parfaitement dans la longue continuité immobiliste de la politique universitaire qui a été conduite en France depuis des années et des années.

Pour étayer mon propos, je ferai six remarques.

Ma première remarque portera sur le plan social étudiant.

Vous affirmez, monsieur le ministre, que la proportion d'étudiants aidés augmentera de 30 % l'an prochain.

Soit ! Mais vous ne choisissez pas entre l'autonomie et le simple accompagnement social. Heureusement, un groupe de travail va s'en occuper. Un autre groupe de travail pourrait s'intéresser à l'ouverture internationale de l'université, à ses conséquences pour la francophonie, à ses conséquences économiques et à ses conséquences pour le rayonnement de la France ; mais Claude Goasguen a dit tout ce qu'il fallait dire à ce sujet.

Quant au plan U3M, qui succède au plan Université 2000, il met financièrement à contribution les collectivités locales, dont ce n'est pas la compétence. C'est la politique du : « donne-moi ta montre et je te donnerai l'heure ».

Concernant les bibliothèques universitaires, vous vous targuez de l'effort consenti. C'est bien, mais c'est une goutte d'eau compte tenu de l'état de délabrement de nos bibliothèques. Les heures d'ouverture et le confort sont notoirement insuffisants, comme le soulignent les étudiants et comme vous l'avez reconnu vous-même en commission.

S'agissant de l'insertion professionnelle, des mesures urgentes doivent être prises. Je ne reviendrai pas sur le sondage, fort éloquent, que j'ai cité en commission, mais j'insisterai sur le fait que la transformation des missions de l'Université doit nécessairement prendre en compte l'insertion professionnelle et la diversité nouvelle des publics.

La massification de l'enseignement supérieur, notamment des premiers cycles, ne s'est pas accompagnée d'une adaptation de l'organisation des études et des structures universitaires.

Oui, la professionnalisation des cursus demeure une priorité pour notre enseignement supérieur. Et, à ce propos, il serait intéressant de connaître votre conception de la finalité de l'enseignement supérieur. Je me demande si, au niveau national, un vrai débat ne devrait pas s'engager sur ce thème dans les mois qui viennent.

Ma cinquième remarque portera sur l'échec en premier cycle.

Des mesures ont été prises pour accompagner l'arrivée des étudiants : période d'orientation de six mois, tutorat pour les étudiants en difficulté, cours de méthodologie, compensation entre les différentes unités composant un diplôme. Mais ces mesures ne se distinguent guère des aménagements apportés par les réformes précédentes.

Que dire, en outre, du premier cycle des études médicales ? Les UFR médicales sont devenues des machines à rejeter, voire à détruire certains de nos meilleurs étudiants, victimes d'un premier cycle aberrant.

Le « gaspillage », mot qu'utilisait votre prédécesseur, qui avait une vision juste du problème, est immense.

Renseignements pris auprès de votre cabinet, ce n'est pas dans les jours à venir, mais sans doute en juin 2001 qu'après de nombreuses consultations d'experts et de groupes institutionnels représentatifs les grandes lignes de la réforme seront connues, contrairement à ce que vous m'avez répondu en commission. Quand cette réforme sera-t-elle appliquée ? Au-delà des bonnes et des belles paroles, la politique consiste aussi à prendre les décisions qui s'imposent dans les situations d'urgence.

J'aborderai enfin d'autres questions difficiles, qui sont renvoyées à des groupes de travail.

La question du contenu des enseignements se pose avec d'autant plus d'acuité qu'elle découle du constat de la diversité, de l'hétérogénéité des étudiants entrant a ujourd'hui à l'université. Elle est renvoyée à des

« groupes de travail » qui traiteront des sciences, de l'économie, du deuxième cycle de médecine ou de la d iversification des parcours entre lettres et sciences humaines.

En ce qui concerne la redéfinition du métier d'enseignant dans le supérieur, une réflexion va s'engager dans les prochains mois.

Quant à la gestion des universités, vous aviez annoncé une réflexion, une de plus, sur la « refondation de l'autonomie universitaire ». La conférence des présidents d'université devrait y consacrer un colloque en 2001. Je vous rappelle qu'au mois de mai 2000 la mission d'évaluation et de contrôle, animée par Jean-Pierre Delalande, a publié un rapport sur la modernisation de cette gestion. Ce rapport était nettement moins pessimiste que celui de la Cour des comptes, lequel concluait à une quasi-absence de gestion au sein des universités. Jean-Pierre Delalande


page précédente page 08396page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

et son groupe ont, quant à eux, formulé des suggestions intéressantes pour relever les défis auxquels l'Université doit répondre - activités de valorisation de la recherche, formation continue, investissements programmés dans le cadre du plan U 3 M - et préconisent plus d'autonomie financière. Pouvez-vous aller plus loin ? C'est la question que vous ont posée les députés sur tous les bancs.

A toutes ces questions, je n'ai pas entendu de réponse concrète. Les changements très importants qui s'annoncent dans les dix ans à venir, liés au renouvellement des générations d'enseignants, à l'évolution probable de leur métier, à l'adaptation des enseignements et à la concurrence des universités européennes et nord-américaines, vont profondément modifier notre système universitaire. Dans ce domaine si important pour l'avenir du pays, la vraie politique consiste à agir vite, mais aussi à savoir anticiper en prenant ses distances par rapport au calendrier électoral ; c'est une vérité sur laquelle j'insiste.

Au-delà d'une gestion comptable, qui ne règle qu'une petite partie des problèmes actuels sans apporter, je le répète, de vision réellement prospective, nous n'avons pas senti, dans le budget qui nous est présenté, la volonté de faire progresser l'Université ni de la moderniser. C'est pourquoi le groupe RPR votera contre. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Patrick Leroy.

M. Patrick Leroy.

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'ai eu l'occasion, lors de mon intervention en commission, de donner mon sentiment sur l'état de l'emploi dans l'enseignement supérieur, qu'il concerne les enseignants-chercheurs, les IATOSS ou les précaires ; aussi n'y reviendrai-je qu'accessoirement aujourd'hui.

Je me félicite d'abord du triplement des crédits de fonctionnement, qui augmentent de 180 millions. Ces crédits seront consacrés au plan social étudiant et à la poursuite du plan Université du troisième millénaire ; j'aurais souhaité un effort plus fortement en adéquation avec les besoins.

Les récents rapports de Jean-François Dauriac et de l'Observatoire de la vie étudiante ont lancé un cri d'alarme sur l'extrême précarité sociale et la pauvreté dans lesquelles vivent de nombreux étudiants, et j'ai fait de cette situation l'objet de ma question écrite budgétaire.

Cent mille étudiants vivent au-dessous du seuil de pauvreté, disposant de moins de 3 300 francs par mois, et 28 % seulement de la population étudiante française bénéficiaient en 1999 d'une aide financière quelconque.

Cet état de fait met ces étudiants dans l'obligation de travailler, bien souvent au détriment de leurs études. Ils subissent alors une ségrégation sociale accrue pour l'accès aux grandes écoles et aux formations supérieures les plus qualifiantes. N'oublions pas que 37,2 % des étudiants salariés sont exclus de certaines filières.

Le budget permettra de porter à 30 % le pourcentage d'étudiants aidés, soit une amélioration de 2 points. Mais c'est encore insuffisant pour rétablir l'égalité des chances et rendre plus faciles les conditions de vie des étudiants.

L a mesure concernera 500 000 étudiants sur les 2 130 000 inscrits. Il faudrait que le taux et le nombre des bourses et des aides financières augmentent de façon notable pour faire face à cette précarité financière.

Il nous semble inconcevable, des points de vue tant social et humain que républicain, que des étudiants se voient refuser une bourse d'études parce que leurs parents perçoivent le RMI.

En ne permettant pas le cumul du RMI des parents avec la bourse d'enseignement supérieur, la réglementation actuelle ferme tout simplement les portes de l'Université aux enfants de RMIstes, ce qui est profondément injuste. Il est donc urgent de modifier les textes actuels sur ce point.

L'effort de 2 milliards de francs en faveur du logement étudiant, consenti par ce budget, est certes important, mais permettra-t-il, dans les délais espérés, de réhabiliter les cités universitaires vétustes et de remédier aux conditions d'accueil insuffisantes qui prévalent dans certaines académies ? J'en doute.

La restauration étudiante doit également faire l'objet d'un effort budgétaire plus important pour être améliorée, d'autant plus que l'alimentation constitue le principal poste de dépenses des étudiants, juste avant le logement.

Q uant au fonctionnement de nos universités, la concurrence entre établissements, une décentralisation mal maîtrisée et l'insuffisance des moyens budgétaires préoccupent étudiants, personnels et directions d'universités.

Le 19 octobre dernier, la conférence des présidents d'université a émis des craintes quant à la pertinence d'un pilotage cohérent et d'une régulation globale.

La question essentielle qui se pose pour la qualité de notre enseignement supérieur est la suivante : va-t-on aviver la concurrence entre universités, dans un cadre marchand importé des Etats-Unis, ou va-t-on conforter l'idée d'un service public garantissant une égalité de traitement entre étudiants ? L'hétérogénéité croissante et la stagnation des effectifs étudiants conjuguées au renouvellement des enseignants aggraveront les inégalités à défaut d'un engagement fort de l'Etat, que je vous invite à prendre, monsieur le ministre.

Je rappelle que, d'ici à 2008, la moitié des 17 000 professeurs d'université et le quart des 29 000 maîtres de conférences seront partis en retraite. Ce budget crée 300 postes de maîtres de conférences, mais aucun poste de professeur. Nous sommes donc loin du compte pour faire face de manière efficace à la situation.

En revanche, je me félicite que la fusion des seconde et première classes du corps des maîtres de conférences ait été inscrite dans le budget. En supprimant le barrage, le métier d'enseignant-chercheur devient plus attractif.

Il est aberrant - il est nécessaire de le rappeler à ceux qui ont la mémoire courte - que, lorsque les effectifs étudiants explosaient, les personnels aient dû colmater les brèches et que, maintenant, alors que leurs effectifs accusent une baisse inexplicable, rien ne soit prévu pour améliorer le système.

Il y va pourtant du renouvellement des générations des personnels, de l'accompagnement de l'inéluctable évolution des modes de transmission des savoirs et, par conséquent, du devenir intellectuel de notre pays.

Ces problèmes ne peuvent se résoudre sans une réforme pédagogique et fiscale de l'aide sociale et un engagement politique ambitieux en matière de moyens financiers nouveaux et de recrutement.

Nous approuvons, monsieur le ministre, les mesures que vous envisagez pour améliorer l'efficacité des DEUG, que seuls 37 % des étudiants obtiennent en deux ans.


page précédente page 08397page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Ainsi, la création d'une fonction de directeur des études de première année, votre appel à projets pédagogiques, la possibilité d'enseignements bi ou pluridisciplinaires, la faculté de réorientation jusqu'à la fin de la première année sont de mon point de vue des dispositions positives. Elles doivent cependant être accompagnées de dispositions visant à améliorer la qualité des travaux dirigés en petits groupes et le tutorat des étudiants, ainsi qu'à développer la mobilité des étudiants et à faciliter l'activité de recherche des enseignants-chercheurs.

Nous considérons donc le budget qui nous est présenté comme une première étape du plan pluriannuel de l'enseignement supérieur et de la réforme de cet enseignement, augurant un budget pour 2002 qui fasse cet enseignement une priorité nationale.

Le groupe communiste votera donc les crédits de l'enseignement supérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Pierre Foucher.

M. Jean-Pierre Foucher.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour 2001 de l'enseignement supérieur, d'un montant dépassant à peine les 56 milliards de francs, est présenté comme bénéficiant d'une progression exceptionnelle de 2,73 % par rapport au budget de 2000, au seul motif que le nombre d'étudiants stagne.

Pour ma part, je trouve que les termes « exceptionnelle » et « progression » sont excessifs, car les crédits consacrés à l'enseignement supérieur me paraissent plutôt relever de la simple gestion des actions engagées que de l'innovation.

Faut-il souhaiter que le nombre d'étudiants diminue encore pour apprécier la valeur du budget ? Je n'ose penser, monsieur le ministre, que ce soit votre raisonnement, mais cela est caractéristique d'un manque d'ambition et d'une absence de grand projet mobilisateur que les divers effets d'annonce de ces derniers mois ne peuvent cacher.

Pourtant - faut-il le rappeler ? -, la conférence des présidents d'université du 19 octobre dernier a bien dénoncé les difficultés à mener un pilotage cohérent et une régulation globale, et elle a souligné la stagnation des effectifs étudiants. Elle a aussi insisté sur les problèmes graves que posera d'ici à 2008 le renouvellement pour cause de départ à la retraite de la moitié des professeurs d'université et du quart des maîtres de conférences.

L'Université serait-elle donc malade de la base à la tête ? Il est temps d'en prendre conscience et de redonner un souffle à notre enseignement supérieur.

J'ajoute que l'augmentation prend en compte, pour plus de 2 millions de francs, les cotisations patronales au titre du régime d'assurance maladie des fonctionnaires, qui étaient jusqu'alors assumées par le budget des charges communes. La « progression exceptionnelle » se réduit donc comme une peau de chagrin et est sensiblement équivalente à la progression de l'année dernière, que j'avais en son temps dénoncée comme largement insuffisante.

Les priorités annoncées concernent tout spécialement les dépenses de personnel, la montée en puissance - enfin ! - du plan U3M et un plan social pour les étudiants, encore bien flou.

En ce qui concerne les 1 000 emplois d'IATOSS qui ont été créés, près d'un sixième sont attribués aux bi bliothèques. Les 30 emplois d'infirmière et les 15 emplois d'assistante sociale représentent un effort mais sont largement insuffisants au regard du nombre d'étudiants et de leurs besoins.

Je ne doute pas que tous ces postes créés répondent à une demande. Mais n'est-ce pas une facilité coûteuse que de créer certains emplois alors que les réformes de structures pourraient peut-être s'effectuer à moyens constants, mais avec un redéploiement.

En ce qui concerne les enseignants, on note une revalorisation de la carrière des maîtres de conférences avec la fusion des deux premières classes, qui supprime le blocage existant, et une amélioration des perspectives de carrière d es enseignants-chercheurs par la transformation d'emplois, notamment en hors classe et en classe exceptionnelle, dans le cadre de la gestion prévisionnelle et pluriannuelle des effectifs qui a été engagée.

A ce propos, M. le ministre de la recherche a souligné, il y a une dizaine de jours, lors de l'examen du budget de son ministère, qu'il ne servirait à rien de recruter des enseignants-chercheurs et de réévaluer leur carrière si, parallèlement, les moyens matériels de travailler ne leur étaient pas accordés. J'espère donc que, sur ce point, les mesures envisagées ne resteront pas lettre morte.

Le plan U3M affiche de grandes ambitions puisqu'il d oit permettre à l'enseignement supérieur et à la recherche de contribuer au développement économique, d'améliorer les conditions de vie des étudiants et de favoriser l'ouverture sur l'international, qui manque encore cruellement en France.

L'Etat avait pris des engagements dans les contrats de plan Etat-région. Je regrette de constater, une fois de plus, la différence trop importante entre les autorisations de programme, en hausse de 9,41 %, et les crédits de paiement, qui progressent seulement de 1,58 %. C'est une des raisons qui m'ont fait parler d'effets d'annonce, car nous connaissons tous le sort des autorisations de programme non suivies d'effet.

Certes, la partie « vie étudiante » est favorisée et l'on ne peut que s'en réjouir, qu'il s'agisse de l'amélioration de la restauration, de la construction ou de la rénovation des logements, souvent précaires, ou du développement des équipements sportifs et culturels, bibliothèques comprises.

Mais tous ces équipements sont dans un état souvent déplorable et l'effort qu'il reste à accomplir est considérable.

Votre troisième priorité, monsieur le ministre, est le plan social étudiant, engagé en 1998 afin de redonner aux étudiants une meilleure place dans la société.

En 1997-98, 23,2 % des étudiants bénéficiaient d'une aide directe. Il faut accroître ce pourcentage, pour deux raisons : d'une part, l'Université s'étant ouverte plus largement, le nombre d'étudiants provenant de familles modestes est plus important ; d'autre part, si l'on veut assurer à nos étudiants le maximum de chances de réussite, il est évident qu'il faut trouver des systèmes d'aide financière leur permettant de consacrer l'essentiel de leur temps à étudier, et non pas à exercer un travail rémunérateur.

Le projet de loi de finances a ajouté 647 millions de francs pour les bourses, dont 251 millions seront versés à la rentrée 2000. Mais, en même temps, le nombre des bénéficiaires a augmenté du fait du relèvement des plafonds du premier échelon. Il faudrait donc encore progresser afin d'assurer à tous les bénéficiaires un niveau de bourse leur permettant de vivre décemment.


page précédente page 08398page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Un rapport récent a montré que plus de 100 000 étudiants vivent au-dessous du seuil de pauvreté - quel déshonneur pour la France ! - et que plus de 70 000 étudiants sont obligés de travailler parce qu'ils sont de fait exclus du droit à une bourse, parce qu'ils sont boursiers du cinquième échelon, parce qu'ils perçoivent une bourse mais que leurs parents sont dans l'impossibilité de participer à la moindre dépense, ou encore parce qu'ils entrent en troisième cycle. Tout cela montre, hélas ! que le plan social étudiant soulève une vraie question mais apporte une mauvaise réponse.

Il faut rapidement revoir l'allocation d'études ellemême et le système d'octroi, qui ne correspond manifestement pas à l'attente et ne fait qu'aggraver la situation.

Par ailleurs, le montant des allocations de recherche, fixé à 7 400 francs en 1991, par décret du ministre chargé de l'enseignement supérieur de l'époque, Lionel Jospin, n'a toujours pas été réévalué. Sa base était alor s de 1,34 fois le SMIC. Or, en dix ans, le SMIC est passé de 5 500 à 7 100 francs bruts mensuels, mais, dans le même temps, l'allocation de recherche n'a pas augmenté. Cet état de fait est extrêmement préjudiciable : il engendre une perte d'activité importante pour les études doctorales.

Comptez-vous réévaluer cette allocation afin qu'elle corresponde à 1,34 fois le SMIC d'aujourd'hui ? Les étudiants en thèse, quant à eux, revendiquent l'indexation de l'allocation de recherche sur le coût de la vie. Quelle est votre position à ce sujet ? En revanche, je ne peux que me féliciter de votre décision d'accorder désormais aux étudiants des grandes écoles de lettres et sciences humaines les bourses de mérite réservées jusqu'à présent aux juristes et aux scienti fiques. Vous supprimez là une injustice flagrante. A ce propos, je souhaite vous interroger sur le devenir du fameux statut d'étudiant, qui semble enterré, malgré les avantages qu'il aurait apporté aux étudiants en leur permettant d'assumer leur autonomie.

J'aborderai aussi le problème du coût de l'enseignement supérieur privé. La participation financière accordée par l'Etat aux grandes écoles privées est insuffisante, même si elle a été accrue depuis 1997. C'est notamment le cas pour les grandes écoles réunies au sein de la FESIC, en faveur desquelles, monsieur le ministre, nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à être intervenus auprès de vous. Ces écoles performantes, bien gérées, et dont les diplômes et les enseignants sont reconnus par v otre ministère comme au niveau international, ne reçoivent qu'une aide de 6 350 francs par an et par étudiant, alors que le coût moyen de la scolarité s'élève à 60 000 francs par an ; je fais observer au passage que ce coût est inférieur à celui de la scolarité dans les grandes écoles publiques, qui atteint de 80 000 à 250 000 francs.

Or en une vingtaine d'années, ces écoles ont doublé leurs effectifs et elles jouissent d'une réputation grandissante.

Pour améliorer encore leurs moyens et les formations qu'elles offrent, pour qu'elles soient accessibles aux étudiants de milieu modeste, une aide financière plus importante de l'Etat est attendue. Ces écoles participent largement au système de diversité, de modernisation et de bonne répartition territoriale des formations que vous dites souhaiter activer.

On a de plus en plus le sentiment que la mise en place de vraies réformes a pris du retard. Il ne suffit pas de mettre en place des groupes de travail et des comités de suivi. Souhaitons que le haut conseil de l'évaluation, que vous avez installé, fin septembre, avec le conseil supérieur de l'éducation, contribue réellement à améliorer la qualité du débat sur l'éducation dans notre pays, même s'il s'agit d'un organisme supplémentaire.

Il convient de dénoncer plusieurs réalités dont on ne peut prévoir l'évolution.

Tout d'abord, il y a des carences effectives et persistantes en matière d'orientation et d'information des étudiants, et j'en avais déjà fait part l'an dernier. J'avoue être toujours étonné quand on prétend que certaines filières ont un avenir brillant alors qu'elles sont bouchées, puisque les professions correspondantes ne peuvent offrir un nombre suffisant d'emplois.

Par ailleurs, le phénomène inquiétant de la désaffection des étudiants pour les carrières scientifiques risque de poser d'importants problèmes à terme, au moment où, au niveau mondial, les innovations technologiques et les demandes de chercheurs et d'ingénieurs abondent.

C'est pour moi l'occasion de revenir sur le projet de modification des études médicales et de vous demander où en est ce dossier, qui devait être inclus dans un projet de loi de modernisation du système de santé, pour l'instant ajourné. Cette réforme est censée porter sur le concours d'entrée et le concours d'internat, afin d'encourager la constitution de passerelles vers les autres disciplines, pour que deux années d'études sans réussite n'aboutissent plus à une perte de temps et d'acquis.

Mme la présidente.

Monsieur Foucher, puis-je vous demander de conclure ? M. Jean-Pierre Foucher. Je termine, madame la présidente.

Quant à la question du contenu des enseignements, elle est renvoyée à un groupe de travail, bien que vous ayez affirmé devant la presse que vous prendriez des mesures destinées à lutter contre l'échec en premier cycle.

Je rappelle que 37 % seulement des étudiants - on a parlé de 35 %, mais peu importe -...

M. Jean-Pierre Foucher.

... réussissent leur premier cycle dans le délai normal, en deux ans. Il faut donc améliorer l'accueil, l'encadrement, l'évaluation et l'orientation des élèves.

Puisque j'ai épuisé mon temps de parole, j'évoquerai très rapidement un problème soulevé par Claude Goasguen : l'ouverture de l'enseignement supérieur à l'international, encore très négligée ; en ce domaine, nous restons beaucoup trop franco-français, et il est important que la France puisse mieux rayonner à l'étranger.

En conclusion, je crains que l'ampleur du problème de l'enseignement supérieur n'ait échappé au Gouvernement.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mes propos, vous l'aurez compris, me conduisent à exprimer, au nom du groupe UDF, un vote négatif sur ce budget, compte tenu des décalages que j'ai dénoncés entre les ambitions affichées et les moyens alloués pour leur réalisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. le ministre de l'éducation nationale. Mesdames, messieurs les députés, je ne dirai que quelques mots, car, sur la plupart des questions que vous avez posées, nous avions déjà établi un dialogue concret en commission, c'est l'intérêt de la procédure simplifiée. Je comprends très bien que les parlementaires de toutes tendances s'ex-


page précédente page 08399page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

priment de nouveau sur ces mêmes sujets en séance plénière, mais, pour économiser votre patience et votre temps, je ne reviendrai pas sur chacun d'entre eux.

Je veux d'abord remercier - c'est normal - ceux d'entre vous qui veulent bien apporter leur suffrage au projet de budget présenté par le Gouvernement. Ils se sont exprimés en termes concrets, persuasifs et efficaces, me semble-t-il. Je pense en particulier à Jacques Guyard, qui a présenté un résumé très clair des principaux apports de la politique qui sera engagée grâce à ce budget. Je remercie aussi M. Leroy. Je prends note des observations que vous avez formulées et je vous redis toute ma reconnaissance et ma gratitude, ainsi que celle du Gouvernement, pour l'appui que vous apportez à notre action. Vous avez déjà obtenu des réponses à vos questions en commission ; sur les points qui ne sont pas encore résolus, je vous promets d'aller dans le sens que vous souhaitez, notamment pour les actions en faveur des étudiants.

Pour le reste, il est un sujet sur lequel j'apporterai une précision, parce qu'il donne parfois matière à inquiétude ou à angoisse : Jussieu. M. Goasguen l'a évoqué, et je le remercie pour son discours pondéré, raisonnable et plutôt constructif.

M. Claude Goasguen.

Ça n'arrive pas tous les jours ! (Sourires.)

M. le ministre de l'éducation nationale.

Pour Jussieu, les crédits ne manquent pas. Les autorisations de programme et les crédits de paiement suffisent largement à entreprendre les opérations envisagées, et, de surcroît, l'établissement public dispose de réserves et de ressources.

Mais ce qui importe, pour accélérer les opérations de désamiantage, c'est de faire progresser le transfert de ParisVII vers un autre site, Paris Rive gauche ou Tolbiac.

Vous le savez, nous essayons, depuis quelques mois, d'accélérer la marche, d'une part, en obtenant de la ville de Paris la cession des terrains, d'autre part, en confiant à l'établissement public constructeur une délégation et des moyens pour qu'il puisse prendre le dossier en main.

La programmation du futur campus de Paris Rive gauche avance désormais très rapidement. Les concours d'architectes seront organisés à brève échéance et, à Jus sieu même, un architecte en chef sera désigné dans les prochains jours, qui assurera, auprès du président Dizambourg, une meilleure cohérence des opérations d'urbanisme, de rénovation, de désamiantage, de construction de locaux tampons et aussi, naturellement, de sécurité.

Bref, je crois pouvoir dire que nous sommes sur le bon chemin et que les équipes en action, c'est-à-dire les pré-s idents d'université, le président Dizambourg, les constructeurs du campus Paris Rive gauche, accéléreront l'opération de désamiantage. Les crédits affectés à cet effe t ne manquent pas.

ÉDUCATION NATIONALE

II. Enseignement supérieur

Mme la présidente.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne éducation nationale : II. Enseignement supérieur ».

ÉTAT B Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III : 3 563 480 118 francs ;

« Titre IV : moins 895 384 205 francs. »

ÉTAT C Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles) TITRE V. INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'E TAT

« Autorisations de programme : 823 000 000 francs ;

« Crédits de paiement : 205 750 000 francs. »

TITRE VI. SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'E TAT

« Autorisations de programme : 5 633 700 000 francs ;

« Crédits de paiement : 3 065 230 000 francs. »

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix le titre III.

(Le titre III est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix la réduction de crédits du titre IV.

(La réduction de crédits est adoptée.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

Mme la présidente.

Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'éducation nationale concernant l'enseignement supérieur.

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

Mme la présidente.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'éducation nationale concernant l'enseignement scolaire.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Madame la présidente, monsieur le ministre de l'éducation nationale, monsieur le ministre délégué à l'enseignement professionnel, mes chers collègues, c'est un plaisir de rapporter sur le budget des enseignements scolaires au nom de la commission des finances, puisque celle-ci a adopté à l'unanimité les crédits proposés, et je précise que la majorité n'était pas seule à siéger.

La raison en est simple : le budget des enseignements scolaires, qui concerne les écoles, les collèges, les lycées, c'est-à-dire le plus grand nombre des personnels, des jeunes et des familles reste de loin le premier budget de l'Etat, et il bénéficie, avec 332 milliards de francs, d'une priorité politique évidente qui se concrétise cette année par plusieurs mesures fortes.

D'abord, alors que la progression moyenne du budget est seulement de 1,1 %, celle du budget de l'enseignement scolaire est de 2,8 % à structure constante, soit


page précédente page 08400page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

8,7 milliards de francs supplémentaires, bien que la population scolaire continue de diminuer lentement.

Autrement dit, la progression par élève atteint près de 3 %.

Deuxième signal fort de ce budget, l'abandon du dogme du plafonnement des effectifs de l'emploi public marque une rupture qui permet à la fois de répondre aux besoins manifestes et d'introduire une plus grande transparence dans la gestion des personnels.

En effet, on peut dire que les créations réelles de postes - je ne parle pas des créations purement financières, comme les transformations d'auxiliaires en titulaires, mais des créations qui se traduisent par la présence d'un plus grand nombre d'hommes et de femmes devant les élèves - dessinent une politique éducative : 800 professeurs des écoles, 570 professeurs du second degré, 30 principaux ou proviseurs supplémentaires, vont permettre de résorber ou, du moins, de réduire les inégalités entre académies.

La création de 300 postes de chefs de travaux concrétise les engagements de réforme de l'enseignement professionnel. Je suis très satisfait de leur introduction dans les formations tertiaires, qui, ainsi, seront vraiment professionnalisées, alors qu'elles étaient souvent perçues comme des voies de relégation, par rapport aux formations générales longues. De ce point de vue, le chef de travaux est un personnage clé.

Enfin, 1 000 surveillants et 700 assistants étrangers de l angue supplémentaires garantiront une meilleure ambiance et une plus grande efficacité de l'enseignement des langues dans les collèges et les lycées.

Parallèlement à ces augmentations de postes, il y aura aussi des régularisations apportant plus de transparence dans la gestion des personnels. Yves Durand et moi, nous trouvons là une réponse tout à fait satisfaisante aux questions que nous posions l'an dernier sur la gestion des personnels et ses insuffisances.

I l faut d'abord saluer la transformation de 18 000 heures supplémentaires annuelles en 600 postes de certifiés et 400 postes de PLP 2, de professeurs de lycée professionnel. Pour la première fois depuis près de vingt ans, dans le second degré, en dehors de l'enseignement professionnel, le nombre des heures supplémentaires va diminuer. Il faut saluer cette mesure, qui marque un vrai moment de clarification et crédibilise les réformes engagées. Nous savons tous combien, face à une demande croissante, on avait dû répondre à coups d'heures supplémentaires. Tous les gouvernements y avaient mis la main, parce qu'il n'y avait pas moyen de faire autrement ; renverser la vapeur, c'est un acte de courage politique et budgétaire.

On note aussi la régularisation et la consolidation de 1 338 emplois ouverts en surnombre en 1994 et 1995.

Nous avions souligné que cela contribuait à la mauvaise connaissance de la réalité des emplois de l'éducation nationale et à l'incertitude sur les effectifs réels relevant du ministère.

De même, la diminution du nombre des auxiliaires continue : 3 000 nouveaux emplois sont créés à partir de la suppression des crédits de paiement des auxiliaires correspondants. On réduit ainsi la part des auxiliaires à ce qui est vraiment indispensable pour absorber les variations dues à l'absentéisme au cours de l'année, lesquelles ne peuvent pas être traitées uniquement par des titularisations.

Enfin, et c'est aussi une mesure qui ouvre la transition vers un plan de recrutement à long terme, 4 125 emplois de professeurs des écoles stagiaires sont ouverts. Cela compensera les départs à la retraite dès l'an prochain et évitera le recours excessif aux listes complémentaires des concours d'entrée en IUFM, recours qui, ces derniers temps, il faut bien le reconnaître, a été catastrophique.

Dans mon département, par exemple, on a complètement épuisé la liste complémentaire et on en est à s'adresser à l'ensemble du bassin parisien. Cela ne pouvait pas durer.

Cette création de 4 125 postes représente aussi une mesure de clarification et de consolidation de la situation des jeunes enseignants, qu'on continuait, hélas ! de lâcher dans les classes sans vraie formation.

En matière d'effectifs, un véritable effort est donc consenti. Mais, et c'est peut-être encore plus important, vous prenez enfin en compte la sous-administration chronique de l'éducation nationale. La remarque valant pour l'enseignement supérieur, nous l'avons vu tout à l'heure, mais aussi pour l'enseignement scolaire.

Depuis vingt ans, là encore, obsédés à juste titre par la nécessité d'envoyer des maîtres dans les classes, les gouvernements successifs et les majorités qui les suivaient ont négligé la gestion des établissements. Ce n'est plus possible quand l'opinion publique demande à l'éducation nationale d'assurer à la fois l'instruction et l'éducation des jeunes. On ne peut pas exiger des professeurs d'être en même temps les spécialistes de leur discipline et les substituts de la famille et de la collectivité pour la sociabilisation des élèves. Cela suppose un renforcement de l'encadrement humain des établissements. De ce point de vue aussi, l'effort commence.

Le renforcement en personnels IATOSS et médicosociaux est la seule vraie réponse, avec 1 675 emplois nouveaux - du jamais vu depuis plus de dix ans ! -, à savoir 625 personnels administratifs, 705 personnels techniques, 50 médecins, 150 infirmières, 100 assistants sociaux et 45 inspecteurs. Ces créations d'emplois sont d'autant plus significatives qu'elles s'accompagnent de 739 équivalents temps plein pour les remplacements. Jusqu'à présent, quand un personnel IATOSS était en congé maladie dans un lycée, il n'était presque jamais remplacé.

Cette année, on nous propose d'importants moyens de remplacement. Là encore, on n'avait pas vu cela depuis fort longtemps.

Dans le monde de l'enseignement - vous le dites souvent, monsieur Lang -, le mot « réforme » est tellement usé qu'il provoque un réflexe de méfiance dès qu'un ministre le prononce. Et pourtant, notre pays espère de profonds changements dans l'éducation nationale. Beaucoup de parents attendent tout de l'école - on se dit même parfois qu'ils en attendent trop - mais ils ne supportent pas qu'un professeur soit démotivé, déprimé ou simplement malade. Le zapping auquel on assiste entre l'école publique et l'école privée traduit cette situation d'attente un peu fébrile.

Vous répondez à cette attente, monsieur le ministre, sans abuser du mot réforme mais en usant largement de la concertation et de l'expérimentation évaluée, car nous savons tous qu'il est impossible de changer les modes de travail de 1 200 000 personnes et de 10 millions d'élèves autrement qu'avec la compréhension des intéressés et le soutien des familles.

On a beaucoup écrit, ces derniers mois, sur les relations difficiles entre l'école publique et les parents. Certains commentateurs de la presse ont insisté sur la forte demande qui se tournerait vers l'enseignement privé. Cela mérite attention et objectivité. La demande d'entrée dans l'enseignement privé augmente effectivement, mais de manière inégale, sur le plan géographique et quant aux niveaux d'enseignement. Le nombre des familles qui choi-


page précédente page 08401page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

sissent durablement le privé pour son caractère propre est plutôt en régression. En revanche, on se tourne plus facilement vers l'école privée quand l'élève traverse une crise, notamment quand cette crise peut être attribuée à l'environnement social de l'enseignement public, dont les familles attendent plus d'attention personnalisée aux parents comme aux enfants, et un suivi plus serré du travail personnel de l'élève. Mais dès que le souci de qualité de l'enseignement l'emporte, on revient à l'enseignement public. C'est une constante qui s'observe au niveau des classes de baccalauréat et plus encore post-baccalauréat.

Il importe donc de continuer l'effort d'accompagnement personnalisé des élèves en difficulté ou simplement désemparés par le travail scolaire. Les travaux personnels encadrés sont une bonne initiative qui doit favoriser une meilleure connaissance des difficultés de l'élève et un meilleur dialogue avec les familles.

De manière générale, la pédagogie revient en force dans ce budget, et d'abord à l'école primaire, avec des moyens pour coller à notre temps : L'achat de 500 000 livres pour que les enfants puissent lire à l'école, alors qu'on constate une chute de la lecture dans un grand nombre de familles ; Une initiation scientifique impliquant plus l'élève : c'est aussi en agissant dès l'école que l'on remédiera au recul des enseignements scientifiques, et la poursuite des initiatives du type « La main à la pâte » est une bonne chose ; Un renforcement des activités artistiques et culturelles, essentielles pour le développement de la créativité et du sentiment de réussite dans des domaines diversifiés : l'école qui ne développe pas la créativité ne répond pas à sa vocation ; L'initiation à une langue étrangère à l'école primaire, dont on parle beaucoup mais qui progresse lentement, puisqu'un tiers seulement des élèves en bénéficie aujourd'hui. Les moyens sont mis en place pour que tous les CM 1 et CM 2 soient concernés dès l'année prochaine, et la formation en IUFM prendra en compte cette exigence dès le recrutement. Aujourd'hui, suffisamment d'étudiants p ratiquent correctement une langue étrangère pour constituer une base de recrutement.

E nfin, grâce au remarquable effort d'équipement consenti, avec l'aide de l'Etat, par les collectivités territoriales, l'informatique et l'Internet prennent leur place dans l'enseignement et dans la pratique des élèves. Un effort parallèle est accompli dans les IUFM pour que les enseignants apprennent à se servir des outils informatiques au moins aussi bien que leurs élèves.

Cette innovation pédagogique devra se prolonger au collège et au lycée, même si l'éclatement en disciplines rend les évolutions plus difficiles. J'observe à ce propos que ce budget voit disparaître une catégorie d'enseignants qui a joué un rôle important dans la démocratisation de l'éducation nationale, les PEGC. Les derniers seront intégrés en 2001. Saluons ce corps qui disparaît, mais je profite de cet hommage, messieurs les ministres, pour vous poser une question : où en est la réflexion sur la réintroduction au collège de professeurs certifiés bi- ou trivalents, ayant le temps de connaître leurs élèves ?

M. André Schneider.

Bonne question !

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial.

On peut être professeur de français-latin-grec parce que c'est la tradition, et on ne pourrait pas être professeur de français histoire-géographie ou de mathématiques et physique ? Si l'élève est bien au centre du système, cela n'a pas de sens. La réponse serait dans une adaptation de la formation universitaire, et je me dis que l'esprit des licences professionnelles correspondrait assez bien à la formation de ces enseignants, car c'est dans ce cadre que l'on peut penser le mieux l'impact de la formation.

Monsieur le ministre délégué, j'ai une petite inquiétude concernant l'enseignement professionnel. Si l'on a pu y réduire massivement et sans remous l'horaire des professeurs en répondant à leur attente, c'est parce que les effectifs d'élèves diminuent. J'ai d'ailleurs constaté, en me penchant sur le budget du travail, que cette baisse se produit au moment où les effectifs de l'apprentissage augmentent, si bien qu'on aboutit à peu près à un équilibre entre les deux filières.

Cette baisse des effectifs est pour moi l'objet d'une interrogation sur notre enseignement professionnel et sur la nécessité d'accentuer sa professionnalisation. Il faut que l es élèves aient l'impression que leur enseignement débouche sur du concret, sur une relation forte avec la profession, tout en gardant la qualité qui lui est propre.

Notre économie et notre société ont besoin d'un enseignement professionnel moderne et attirant.

Je noterai rapidement trois sujets de satisfaction, dans des domaines où votre action met un terme à des retards criants, voire inadmissibles.

D'abord, le dépistage de la dyslexie et de la dysphasie.

On a longtemps ignoré ces causes réelles de retard scolaire.

Ensuite, l'accueil des enfants handicapés. Ce n'est pas une mesure de générosité, c'est une mesure de justice sociale pour des enfants qui étaient jusqu'à présent relégués dans des structures spécialisées où ils risquaient fort de ne pas pouvoir s'épanouir.

Enfin, l'effort accompli cette année pour Mayotte, avec 111 postes d'instituteurs bien nécessaires, relaie celui, non moins nécessaire, consenti les années précédentes pour les Antilles et la Guyane.

J'évoquerai, avant de conclure, deux sujets plus particuliers, mais importants, déjà abordés en commission.

Premièrement, la situation des directeurs d'école. Leurs responsabilités d'intermédiaires entre l'école et la société s'alourdissent chaque année sans que leurs conditions de travail évoluent vraiment. Le directeur d'une école de neuf classes, soit 230 élèves en moyenne, bénéficie d'une décharge d'enseignement de quatre jours par mois, quand le principal d'un collège rural de même effectif exerce ses fonctions à plein temps et est épaulé par un adjoint et une secrétaire.

M. André Schneider.

Pas toujours !

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial.

Sans doute, mais dans la majorité des cas. Et même si les responsabilités ne sont pas exactement les mêmes, cette différence de traitement n'est pas normale.

Quant au directeur d'une école de quatre classes, il ne bénéficie d'aucune décharge et perçoit une indemnité annuelle de 2 543 francs seulement. Ce n'est pas normal non plus et il n'est donc pas étonnant que l'on trouve dans cette catégorie l'essentiel des 4 505 écoles qui n'avaient pas de directeur à la rentrée dernière.

Les directeurs ont besoin d'une aide administrative. On devrait, par exemple, leur affecter un emploi-jeune de huit heures trente à dix heures. Allez le matin dans n'importe quelle école maternelle et vous verrez qu'à ces heures-là, la directrice est pendue au téléphone parce que les parents l'appellent pour lui dire que leurs enfants seront absents. Pendant ce temps, bien sûr, elle ne s'occupe pas de sa classe.


page précédente page 08402page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Il faudrait aussi appuyer les directeurs face aux multiples sollicitations des familles, des services sociaux, de la police, de la justice, et j'en passe. On envisage de mettre à leur disposition un correspondant à l'inspection académique ; ce serait une bonne mesure. Ce besoin est encore plus ressenti dans les zones d'éducation prioritaires, où les décharges sont certes déjà un peu plus généreuses et où l'effort doit continuer. Car l'école n'est plus un monde fermé ; elle est interpellée par les familles, par les institutions, et elle est elle-même amenée à les interpeller de plus en plus. C'est aux directeurs que toute cette responsabilité incombe et la bonne réussite de l'école élémentaire et préélémentaire passe par une amélioration de leur situation.

M. Claude Goasguen.

Soyez plus précis !

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial.

Deuxième sujet concret : les aides éducateurs. L'éducation nationale a fait un travail formidable en recrutant près de 70 000 aides éducateurs, dont 40 000 en 1997, dont le contrat arrivera à échéance dans deux ans, au début de 2003. Nous savons tous qu'il s'agit à la fois d'un remarquable succès, puisque ces personnels ont pris leur place de manière incontestée dans les établissements, et d'un problème pour demain, car ceux qui sont partis, et il y en a pas mal, sont surtout les hommes et les diplômés à bac + 2 et au-delà.

M. Claude Goasguen.

C'est donc un échec !

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial.

Les aides éducateurs qui restent sont les moins qualifiés ; le plus souvent, ils n'ont pas de projet professionnel et ils ne sont pas toujours en recherche d'emploi.

M. Claude Goasguen.

C'est bien de reconnaître seserreurs !

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial.

Il faut faire un bilan de compétences pour chacun d'eux, de manière à les aider à définir un projet professionnel et à leur offrir ensuite des formations adaptées qui ne se limitent pas à la préparation aux concours administratifs.

M. Claude Goasguen.

Très bien !

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial.

Mais ces remarques sur des questions importantes ne ternissent pas l'allure globale très positive de ce budget, caractérisé par la conduite tranquille, concertée, mais déterminée par des réformes et par l'importance des moyens financiers et humains dégagés. C'est pourquoi la commission des finances a adopté à l'unanimité les crédits de l'enseignement scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Yves Durand, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, conformément à l'usage en vigueur au sein de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, le présent avis ne reviendra pas, ou très peu, sur l'analyse des crédits de l'enseignement scolaire, au sens strict du terme, analyse qui vient d'être faite par Jacques Guyard, rapporteur spécial de la commission des finances, et à laquelle je m'associe sans réserve. Non seulement nos avis se rejoignent - ce ne sera une surprise pour personne - mais je partage également les réflexions qui ont émaillé la présentation de son rapport, en particulier sur le problème de la bivalence ou trivalence de certains enseignants.

Nous sommes d'ailleurs coauteurs d'un rapport qui avançait cette solution.

Pour ma part, messieurs les ministres, je m'attacherai plus particulièrement à mettre en évidence les moyens importants consacrés aux politiques qui visent à faire de notre système éducatif un facteur d'égalité des chances et d'intégration sociale, au moment même où un rapport de l'INSEE tend à montrer la persistance du lien entre pauvreté et échec scolaire. J'insisterai donc sur trois éléments qui ont paru déterminants à la commission des affaires culturelles et que ses membres ont d'ailleurs évoqués dans les questions qu'ils vous ont posées lors de votre audition, il y a huit jours. Trois éléments qui sont au coeur même de votre budget : l'approfondissement de la politique d'éducation prioritaire ; la réaffirmation de la volonté de brassage social, notamment grâce à la carte scolaire ; l'engagement pour une véritable gratuité de l'enseignement.

Il nous faut, si je puis dire, maintenir la priorité à l'éducation prioritaire. Née en 1981, cette politique a été réaffirmée avec force, dès juin 1997, lors de la déclaration de politique générale du Premier ministre à cette tribune.

Aujourd'hui, un élève de ZEP mobilise un effort financier supérieur de 15 %, en gros, à celui dont bénéficie un élève hors ZEP. L'encadrement est renforcé puisqu'un enseignant de zone d'éducation prioritaire ou de réseau d'éducation prioritaire a en charge, en moyenne, moins de vingt et un élèves dans sa classe, alors que, dans les classes hors ZEP, l'effectif moyen est de vingt-quatre élèves. C'est dire l'importance des moyens mobilisés en faveur de cette politique de soutien. Le budget réaffirme cette priorité et nous nous en félicitons.

C'est pour contribuer à ce que ces moyens soient mis au service d'une plus grande égalité des chances que je formulerai deux propositions concernant les ZEP et les REP.

En zone prioritaire encore moins qu'ailleurs, les établissements scolaires ne peuvent être isolés de leur environnement, du quartier, de la ville. Pour reprendre une expression un peu religieuse, que je n'aime pas beaucoup mais je n'ai pas trouvé mieux.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Serait-ce une conversion ?

M. René Couanau.

Un chemin de Damas ?

M. Yves Durand, rapporteur pour avis.

... je dirai que ces établissements ne sont pas des « sanctuaires ».

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Les temples de l'éducation nationale ? C'est tout un programme !

M. Yves Durand, rapporteur pour avis.

La politique de la ville suppose donc une approche globale qui ne se limite pas à l'injection d'argent public pour atténuer la défaillance économique et sociale. Le plan de prévention et de lutte contre la violence mis en oeuvre depuis 1998 est un exemple de la démarche à suivre. La focalisation sur un petit nombre de sites, là où il y a des problèmes particuliers, a été préférée à des mesures spectaculaires , mais trop générales et donc peu efficaces.

M. Claude Goasguen.

Oh !

M. Yves Durand, rapporteur pour avis.

La même approche doit être retenue pour d'autres aspects de la vie scolaire. Une relation encore plus étroite entre la politique d'éducation prioritaire et la politique de la ville renforcerait l'efficacité des moyens mis en oeuvre au service de ceux qui ont le plus besoin de l'école pour réussir dans leur vie, mais peut-être surtout pour réussir leur vie.


page précédente page 08403page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

La seconde proposition touche au contenu même de l'enseignement, aux méthodes et à la pédagogie appliquées dans les ZEP et les REP. Les élèves qui y sont scolarisés méritent davantage d'attention, davantage de disponibilité de la part des enseignants, même si ces derniers font déjà beaucoup. Il ne suffit pas de dire que les ZEP seront un terrain privilégié d'application des travaux personnels encadrés. Il ne suffit pas non plus de donner aux enseignants des ZEP des stimulants matériels, des indemnités supplémentaires.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Il leur faut également de la considération !

M. Yves Durand, rapporteur pour avis.

Il conviendrait de leur donner aussi des moyens supplémentaires en temps, pour qu'ils puissent mieux faire vivre leur équipe au sein de l'établissement, en dehors de leurs heures d'enseignement. Le concept d'équipe éducative doit, dans les ZEP, prendre toute sa signification, et la concertation régulière entre enseignants autour du chef d'établissement constitue, à n'en pas douter, une priorité. Je pense qu'on devrait réfléchir à ce qu'une telle obligation soit inscrite dans les maxima de service des enseignants, notamment dans les ZEP.

En outre, le succès de l'éducation prioritaire suppose une certaine permanence des équipes pédagogiques. Il faut bien reconnaître que cette permanence n'est pas toujours assurée, notamment dans les zones les plus difficiles, car ce sont souvent les nouveaux titulaires qui sont affectés en ZEP, sans l'avoir choisi. Ils souhaitent donc très souvent, et on peut les comprendre, en partir rapidement.

Or les zones d'éducation prioritaires ne doivent pas être des zones d'attente : elles doivent être des zones d'excellence, nous le savons tous. Mais je sais aussi, monsieur le ministre, que vous réfléchissez à ce sujet et que vous vous êtes donné les moyens de faire aboutir rapidement cette réflexion.

En ce qui concerne la nécessaire implication des enseignants dans les équipes éducatives, et donc les mesures qu'elle suppose, notamment pour assurer la permanence des équipes éducatives dans les établissements, la récente réforme organisant la déconcentration du mouvement des personnels, en particulier dans le second degré, a apporté et continuera d'apporter d'indéniables progrès.

L'éducation prioritaire est une idée forte, une idée républicaine, parce qu'elle fait vivre quotidiennement dans les collèges et les écoles l'exigence de la solidarité. Il en va de même pour la carte scolaire.

Il est certes normal - et Jacques Guyard le disait tout à l'heure - que les parents recherchent pour leurs enfants le meilleur niveau d'éducation possible. Cela ne doit pas pour autant conduire à je ne sais quel consumérisme, ou à un zapping, pour reprendre l'expression qu'il a utilisée tout à l'heure. Cela ne doit pas conduire, en particulier, à une conception concurrentielle qui ferait de l'école un lieu de reproduction des inégalités. L'école républicaine doit demeurer l'école de l'égalité des chances et, pour ce faire, rester un lieu et un moyen de brassage social.

Dire cela n'aboutit pas à réfuter la logique de l'évaluation. Celle-ci est indispensable, à condition d'être menée à partir de critères clairs et objectifs, sur lesquels nous serions tous d'accord, ce qui n'est pas le cas lorsqu'on voit certains journaux, même parmi les plus sérieux, publier, à intervalles réguliers, un « classement » des lycées et des collèges. Cela ne fait qu'alimenter cette tendance consumériste des parents.

La carte scolaire va à l'encontre de cette vision de l'école que nous condamnons - en tout cas que je condamne. Elle est l'instrument privilégié pour assurer une répartition équitable des moyens du service public sur l'ensemble du territoire national.

M. Pierre Lequiller.

C'est faux !

M. Yves Durand, rapporteur pour avis.

Je rappelle que, dans le premier degré, cette répartition se fait selon une approche essentiellement académique, en prenant en compte la démographie scolaire, la structure du réseau à partir du rapport sur « postes effectifs » départementaux, ainsi que des critères qualitatifs, comme la disparité sociale ou la ruralité.

Ensuite, à l'échelon local, les recteurs ont l'entière maîtrise de la répartition interdépartementale des dotations académiques, ce qui se traduit inévitablement chaque année par des décisions d'ouverture, ou, ce qui est ressenti plus douloureusement, de fermeture de classes. Ces modifications de la carte scolaire s'effectuent à partir de critères objectifs de choix qui permettent d'ajuster les priorités de chaque département, non pas en fonction de

« normes » nationales qui n'existent pas, mais de priorités nationales comme le maintien du réseau public d'éducation en milieu rural ou le renforcement des ZEP, dont nous avons parlé tout à l'heure.

Au cours des dernières années, lors de la préparation de la rentrée scolaire, le ministère a encouragé une démarche tendant à mesurer les écarts de dotations entre les académies, à évaluer les besoins pour l'accueil des élèves prévus à la rentrée suivante, et à pondérer ent re les académies pour la couverture de ces besoins.

Une telle politique est juste, mais elle montre à l'évidence que, pour être efficace, réellement adaptée et acceptée par tous - ce qui est encore plus difficile -, la carte scolaire doit s'inscrire dans une perspective réellement pluriannuelle. Loin d'être un exercice intellectuel obligé, la programmation engagée par le Premier ministre au printemps dernier répond à une impérieuse nécessité. Il est souhaitable que le ministère - et je sais que vous y êtes sensibles, messieurs les ministres - accorde toute l'attention requise à cet engagement, et qu'il informe précisément la représentation nationale sur les modalités d'élaboration et le contenu de cette programmation, en définissant une gestion prévisionnelle des besoins et, par là même, des moyens.

M. René Couanau.

Et ce dès aujourd'hui !

M. Yves Durand, rapporteur pour avis.

Dans un temps raisonnable.

M. René Couanau.

Pourquoi pas aujourd'hui ?

M. Yves Durand, rapporteur pour avis.

Je me félicite, monsieur le ministre de l'éducation nationale, que vous ayez réaffirmé récemment la nécessité du maintien de la carte scolaire.Elle n'était certes pas remise en cause dans son principe, mais on aurait pu craindre que des mesures de simplification administrative, par ailleurs judicieuses comme la suppression du justificatif du lieu de résidence, par exemple, n'aboutissent en fait à la suppression de cet irremplaçable outil de brassage social, et donc de lutte contre la ghettoïsation et l'exclusion que représente la carte scolaire.

Certes, son élaboration demeure un exercice difficile et prend parfois une tournure dramatique. Les travaux de la commission présidée par M. le directeur de l'enseignement scolaire contribueront, à n'en pas douter, à rendre


page précédente page 08404page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

l'exercice plus efficace parce que plus proche des réalités sociales et scolaires ; la carte scolaire sera donc encore plus juste.

Troisième direction : l'application du principe de la gratuité.

L'école de la République est laïque, obligatoire et grat uite. Encore ce dernier principe subit-il quelques entorses, les parents peuvent en témoigner. Il faut, bien sûr, mettre en avant, ce que je fais avec plaisir tout en étant conscient de l'effort que cela demande à l'Etat, les mesures qui permettent d'atténuer, pour les familles, les dépenses liées aux achats obligatoires lors de la rentrée scolaire : la forte augmentation, depuis trois ans, de l'allocation de rentrée est particulièrement bienvenue. En revanche, il existe un coût propre au service public éducatif que ces allocations ne sont pas destinées à couvrir : achat de livres scolaires et de matériels divers, restauration scolaire, participation à certaines activités encadrées. Ces d épenses pèsent particulièrement sur le budget des familles modestes. Elles sont plus élevées dans les lycées professionnels, alors que les élèves qui les fréquentent sont souvent issus des milieux les plus défavorisés.

Des améliorations importantes ont récemment été apportées. A cet égard, il convient de rappeler que le projet de budget consolide certaines mesures à caractère social qui figuraient dans le collectif de printemps, comme la gratuité des carnets de correspondance, et nous nous en félicitons.

Toutes ces initiatives vont dans le bon sens et doivent être approuvées mais je souhaite que soit engagée une réflexion globale sur le respect du principe de gratuité. Je sais que, vous y êtes particulièrement attachés, messieurs les ministres.

Pour conclure, le budget de l'enseignement scolaire pour 2001 est sans conteste un très bon budget. L'allocation d'importants moyens supplémentaires permettra de conforter le climat serein qui a permis le bon déroulement de la rentrée 2000.

Il convient désormais de mettre à profit cette sérénité pour poursuivre et approfondir les nécessaires réformes engagées courageusement depuis trois ans : la relance de l'éducation prioritaire, la carte scolaire et le principe de la gratuité, ainsi que la déconcentration du mouvement des enseignants. Il en va de même de la nécessaire gestion prévisionnelle des moyens et des besoins. Ce budget marque une rupture considérable avec une conception strictement comptable du gel de l'emploi public - je rejoins à ce sujet l'analyse de mon collègue Jacques Guyard - et je m'en félicite. C'est une avancée considérable ; il nous faut, ensemble, saisir cette chance pour que ces moyens nouveaux soient effectivement mis au service des élèves.

L'école de la République a besoin de moyens. Elle les a ; il faut s'en réjouir et s'en féliciter avec vous, messieurs les ministres. Elle a aussi besoin d'évoluer pour s'adapter et répondre ainsi aux exigences nouvelles provoquées par l'arrivée massive de publics scolaires de plus en plus hétérogènes.

Malgré la crise et le chômage, l'école a su ouvrir grandes ses portes à tous les enfants jusqu'à seize ans, alors même qu'elle était contestée dans son monopole de la transmission du savoir. La massification de l'enseignement est une extraordinaire réussite, la démocratisation est maintenant le grand enjeu.

Par ce budget, messieurs les ministres, vous donnez à l'école le moyen de cette réussite. Voilà pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires sociales vous propose d'adopter les crédits de l'enseignement scolaire pour 2001.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Claude Goasguen.

Quel cinéma !

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Outin.

M. Bernard Outin.

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, avec plus de 332 milliards en crédits de paiement, soit une hausse de 2,82 % et 12 838 emplois budgétaires supplémentaires, le budget de l'enseignement scolaire n'avait pas connu une telle progression depuis 1993. Il se place parmi les budgets privilégiés et est même le premier budget du pays.

L'effort consenti en faveur de ce secteur est incontestable et je tenais à le saluer.

J'apprécie le choix des domaines prioritaires qui a été fait, comme l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, l'apprentissage des langues vivantes et des sciences dès le primaire, ou encore l'extension de la formation artistique et culturelle à tous les niveaux d'enseignement. Peut-être conviendrait-il de d évelopper aussi l'éducation physique au lycée ; la demande, en tout cas, est formulée.

Ont été également décidées des mesures nouvelles à caractère social très positives, comme le doublement de la prime d'équipement versée aux familles des élèves des lycées professionnels, la gratuité du carnet de correspondance au collège ou encore le plan Handiscol destiné à favoriser l'accueil en milieu scolaire ordinaire d'enfants et d'adolescents handicapés en vue de permettre une meilleure insertion scolaire, et donc une meilleure insertion sociale.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Très bien !

M. Bernard Outin.

Cela étant, des carences subsistent dans plusieurs domaines, et il y a toujours de fortes disparités entre les académies.

Compte tenu des besoins actuels en matière d'éducation, je m'interroge sur le niveau de l'effort budgétaire en moyens matériels et en personnel et sur l'efficacité de leur utilisation.

Lors de la journée d'appel à la préparation à la défense, les tests auxquels a procédé l'armée ont relevé mais nous le savions déjà - qu'un jeune sur dix âgé de seize à dix-huit ans éprouve des difficultés à lire et à comprendre un document de la vie quotidienne, par exemple un programme de télévision. Selon une étude de l'INSEE du mois d'octobre 2000, le risque d'accumuler un retard scolaire dans le primaire ou au collège pour les enfants issus des familles les plus modestes est trois fois plus élevé que pour ceux appartenant aux familles les plus aisées. Cette inégalité des performances dans le secondaire se répercute bien évidemment dans l'enseignement supérieur.

La différence de qualité du logement, de l'alimentation et du suivi médical, les carences de l'environnement culturel et les difficultés financières rencontrées pour l'achat de livres ou pour payer des activités extrascolaires enrichissantes pour l'élève sont mises en évidence dans cette étude de l'INSEE. L'échec scolaire est ainsi fortement marqué par l'appartenance à une classe sociale ; je voulais, après les rapporteurs, le souligner à mon tour.

Les questions de la gratuité réelle de l'éducation nationale et de la promotion sociale restent posées.

Une étude réalisée pour le compte d'une fédération de parents d'élèves, la FCPE, montre que le montant total des dépenses de rentrée prescrites par les établissements scolaires est supérieur à celui des dépenses effectuées à


page précédente page 08405page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

l'initiative des familles, alors même que la très grande majorité de celles-ci s'en tiennent aux demandes expressément formulées par les établissements scolaires.

A défaut d'un financement tout Etat pour les fournitures et matériels scolaires, peut-être conviendrait-il de mettre en place un financement partenarial entre l'Etat et les collectivités territoriales, qui tiendrait compte de la richesse des collectivités pour assurer l'égalité sur le territoire.

Par ailleurs, en vingt ans, la participation des parents comme partenaires des établissements scolaires a peu progressé, surtout celle des familles modestes. Qu'en est-il, monsieur le ministre, du statut de parent délégué réclamé depuis des années ? Le consumérisme scolaire augmente et se banalise dans les familles des couches moyennes et supérieures. Cette situation produit deux catégories d'écoles : les unes pour les gens qui connaissent les méandres de l'organisation scolaire, et sont capables d'anticiper certains enfants étudient dans un établissement autre que celui où ils devraient être normalement affectés en vertu de la carte scolaire, en fonction du palmarès établi par les médias -, les autres pour les catégories moins favorisées ou moins informées.

Cette réalité risque d'être aggravée par le projet Sapin de simplification des démarches administratives, qui substitue au justificatif de domicile une simple déclaration sur l'honneur ; mais je crois savoir que des progrès sont réalisés dans ce domaine.

Que peuvent faire les enseignants lorsque la mixité sociale est rompue et qu'ils sont confrontés à une population scolaire qui accumule toutes les difficultés ? Malgré toute leur énergie et leur volonté, ils ne peuvent pas corriger les trop grandes inégalités ainsi rencontrées.

Les objectifs de l'école de la République sont, au nom de l'égalité et de la laïcité, les mêmes pour tous les enfants, ils excluent toute forme de sectarisme ou de communautarisme. A cet égard, monsieur le ministre, pourriez-vous nous donner quelques précisions sur la création envisagée d'un CAPES de religion ? Quoique limitée à l'Alsace et à la Moselle, cette éventualité a é mu les défenseurs de la laïcité.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Mais pas les Alsaciens ni les Mosellans !

M. Bernard Outin.

Dégager du temps pour le travail en équipe, le dialogue avec les familles, les aides individuelles des élèves, rénover la recherche pédagogique, améliorer et développer la formation dispensée à l'IUFM, augmenter les moyens de la formation continue, relancer les réseaux d'aide : voilà de lourdes missions qui ne peuvent, de toute évidence, être accomplies sans les moyens matériels et en personnels correspondants.

Tout le monde sait que, si la possession d'un diplôme ne suffit pas pour obtenir un emploi, ne pas en avoir est un lourd handicap. En d'autres termes, le coût social de l'échec scolaire et les préjudices individuels qui en découlent sont sans commune mesure avec le coût d'un enseignement public de qualité. Ce serait une erreur de ne se sentir comptable que du coût de ce dernier.

Analysons les moyens prévus dans ce budget en matière d'emplois. Les 12 838 emplois budgétaires ne se traduiront pas par la présence de 12 838 personnes supplémentaires en face des élèves.

M. Pierre Lequiller.

C'est normal !

M. Bernard Outin.

Seulement 4 150 emplois, hormis les professeurs stagiaires, seront réellement nouveaux sur le terrain.

Nous prenons donc acte avec satisfaction de la rupture avec le gel de l'emploi public. Et les 6 500 collèges et lycées publics qui se voient attribuer 390 enseignants nouveaux apprécieront bien évidemment cette augmentation d'effectifs. Si 4 125 emplois de professeur d'école stagiaire sont prévus par consolidation dans le primaire, il n'y en a malheureusement aucun dans le second degré.

Par ailleurs, un certain nombre d'heures supplémentaires sont transformées en emplois réels ; là aussi, c'est une avancée qu'il faut saluer.

Nous nous réjouissons également de la création de 1 675 emplois IATOSS. Nous savons en effet dans quelle situation se trouvaient certains établissements.

Un effort particulier doit bénéficier aux emplois médico-sociaux, mais le retard est tel qu'il ne pourra pas être comblé en un, deux ou trois ans. Nous devons progresser dans ce domaine également.

Il reste encore dans l'enseignement scolaire beaucoup d'emplois précaires : maîtres auxiliaires, contractuels ou vacataires. Ceux-ci sont concentrés en particulier dans l'enseignement professionnel. Un accord est intervenu dans la fonction publique pour la résorption de la précarité. J'imagine que l'éducation nationale est également concernée.

Quand cet accord y sera-t-il appliqué ? J'insisterai à mon tour sur les difficultés que nous rencontrons pour pourvoir tous les postes de directeurs d'école.

Dans 4 500 écoles, soit 10 % des établissements, il n'y a pas de directeur en titre, la fonction étant occupée par des instituteurs ou des professeurs d'école. Nous constatons cette année une détérioration de la situation. Cette désaffection s'explique par l'accroissement et la diversité d es tâches administratives et des responsabilités incombant aux directeurs d'école lesquelles ne sont pas compensées par une incitation salariale significative et par des décharges de service permettant de donner du temps aux directeurs.

Deux corps demeurent en souffrance : les PEGC, qui vont disparaître petit à petit, si je puis dire, et c'est heureux, et les chargés d'enseignement d'éducation physique et sportive. Dans ces deux corps, le nombre des emplois hors classe et classe exceptionnelle devra augmenter de façon significative afin de permettre les avancements nécessaires.

Pour les inspecteurs de l'éducation nationale, si l'ajout d'un échelon supplémentaire à la hors échelle A avec prolongation de carrière de cinq ans représente une heureuse avancée, cet allongement risque de constituer un sérieux obstacle aux perspectives de carrière, qui seront bloquées par la pyramide des âges. Ajoutons que les inspecteurs de l'éducation nationale retraités ne bénéficieront d'aucune retombée de cette revalorisation.

Les 65 000 aides-éducateurs, dont le travail est très apprécié, cumulent les problèmes de formation et de validation des acquis, et ils s'inquiètent à juste titre de l'emploi qu'ils pourront trouver à la fin de leur contrat de cinq ans. Il semblerait que l'objectif de 200 heures par an de formation, pourtant indispensable, ait été abandonné par le ministère au profit d'une modulation au cas par cas. C'est d'autant plus grave que l'avenir professionnel de ces jeunes dépend de la qualité de la formation.

La nécessité d'un plan pluriannuel est évidente, une gestion prévisionnelle du personnel faisant encore cruellement défaut. Seul un plan pluriannuel peut anticiper les


page précédente page 08406page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

départs massifs à la retraite des toutes prochaines années et rattraper les retards de recrutement dans certaines académies ou disciplines. Or, depuis son annonce, au mois de mars 2000, par M. le Premier ministre, c'est le silence complet sur sa teneur.

M. René Couanau.

En effet !

M. Bernard Outin.

Nous souhaitons, bien évidemment, qu'il soit discuté avec toutes les parties intéressées et nous aimerions connaître la date de sa concrétisation.

M. Patrick Leroy.

Très bien !

M. Bernard Outin.

Ce silence est d'autant plus surprenant que cette décision est, de l'avis de tous, déterminante pour l'avenir de l'éducation nationale.

Je dresserai pour conclure un bref bilan des divers enseignements. Les bonnes dotations en crédits de paiement et en créations nettes d'emplois - 800 postes de professeurs d'école pour l'enseignement primaire - ne doivent pas masquer les problèmes qui demeurent, ceux par exemple de la scolarisation des moins de trois ans ou du renforcement de l'accueil des enfants handicapés mon ami Patrick Leroy reviendra sur ce thème -, ou masquer les difficultés du réexamen de la situation des écoles rurales à classe unique, en tenant compte du nécessaire aménagement du territoire et de la revitalisation du monde rural.

A cela s'ajoute la décision de généraliser l'enseignement d'une langue vivante dès le CM 1, très bonne mesure que je salue ; je me demande cependant si nous disposons aujourd'hui d'enseignants qualifiés en nombre suffisant.

Le choix des langues me préoccupe également : la probabilité est grande que l'anglais ne domine au détriment des autres langues vivantes dès le primaire et que, par conséquent, cette option continue à être conservée jusqu'au bac. C'est là une question grave qui mérite d'être examinée attentivement. Dans notre esprit, le plan pluriannuel ne concerne pas seulement la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences ; il doit être aussi le moyen de réaffirmer la place et le rôle de l'école publique dans notre pays. A cet égard, la prédominance, voire l'omniprésence, des langues anglaise et espagnole dans l'enseignement traduit une préoccupation d'ordre strictement utilitaire. L'enseignement doit rendre service, j'en conviens, mais il n'y a pas que cela. Ne commettons pas l'erreur de laisser disparaître, ou d'y contribuer, l'enseignement d'autres langues vivantes à plus ou moins long terme ; ce serait nos moyens culturels qui seraient alors handicapés.

Je voudrais appeler l'attention sur les sections d'enseignement général et professionnel adapté des collèges et les établissements régionaux d'enseignement adapté, destinés à accueillir des élèves en grande difficulté. Ces structures fonctionnent mal et s'apparentent souvent à des ghettos car les dotations des établissements sont insuffisantes pour dispenser certains enseignements : un tiers des enseignants ne sont pas spécialisés et les élèves sortant de SEGPA ou d'EREA peuvent difficilement poursuivre une formation de CAP dans un lycée professionnel.

Les lycées professionnels souffrent d'un manque cruel d e professeurs dans certaines disciplines qui ne concernent pas uniquement les matières « pointues ». Ces disciplines n'attirent plus assez de candidats en raison du contexte actuel de reprise de l'emploi dans le privé et du manque d'attractivité des carrières publiques. Dans certains secteurs, les concours sont inexistants ou en nombre insuffisant.

Je conclus, madame la présidente.

Mme la présidente.

Parfait !

M. Bernard Outin.

Prenant en considération l'important effort budgétaire, l'arrêt du gel de l'emploi public et les priorités fixées, le groupe communiste porte un jugement positif sur les avancées que traduit ce budget. Toutefois, considérant que celui-ci doit constituer la première étape du plan pluriannuel, il conditionnera son vote favorable par des précisions et des engagements précis. Il y va de l'avenir de notre jeunesse et donc de notre pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. René Couanau.

M. René Couanau.

Messieurs les ministres, vous disposez avec ce budget de moyens supplémentaires. Nous en prenons acte, tout en constatant qu'une part importante de ces crédits nouveaux est consacrée soit à la création d'emplois de stagiaires, soit à la résorption d'une partie de la précarité dans le second degré, soit à la régularisation des surnombres autorisés hier pour pallier, dans l'urgence des rentrées, l'absence de prévisions et de programmation des recrutements. Soit 8 500 postes environ au total, que l'on ne saurait considérer comme des m oye ns nouveaux

« devant les élèves », puisqu'ils répondent seulement, reconnaissons-le, à la nécessité de réparer les erreurs et les insuffisances du passé récent.

Quoi qu'il en soit, la réalité financière est bien là, et comme je ne suis pas de ceux qui appliquent à l'éducation nationale l'équation simpliste : « baisse des effectifs égale baisse des moyens », je considère pour ma part que c'est un point positif.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. Bernard Outin.

Attendons la suite !

M. René Couanau.

A une condition cependant : que la marge de manoeuvre acquise soit bien utilisée comme un levier pour les réformes urgentes, et que les moyens supplémentaires dégagés ne viennent pas s'enliser, une fois de plus, dans les sables paralysants des habitudes, des revendications catégorielles et de l'immobilisme.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Ce qui n'est pas le cas !

M. René Couanau.

J'y reviendrai, après avoir toutefois souligné que ce budget et les commentaires dont vous en assortissez la présentation sont loin de lever toutes les incertitudes, de répondre à toutes les interrogations et d'apporter des solutions aux difficultés pressantes que rencontre le système éducatif.

Commençons par les incertitudes qui pèsent encore sur le contenu, les critères et les modalités du plan pluriannuel de recrutement annoncé il y a plusieurs mois par le Gouvernement. Tous les orateurs en ont parlé, mais ils ne semblent guère pressés d'avoir des renseignements sur ce point. Permettez que je le sois un peu ! Qu'en est-il ? La représentation nationale peut-elle espérer, à l'occasion de la discussion de ce budget, c'est-àdire ce soir, obtenir quelques informations avant la consultation syndicale de demain ? Ce serait rendre un peu de son rôle au Parlement ! Autre incertitude : la résorption de l'auxiliariat. Des mesures spécifiques accompagneront-elles le plan pluriannuel de recrutement ? Il y a une incertitude, enfin, tout le monde l'a dit, quant à l'avenir des 62 000 jeunes recrutés sur des emplois-jeunes comme aides-éducateurs. Ils ont rendu de réels services, mais beaucoup se demandent maintenant comment leurs tâches seront assurées à l'avenir. Et sur-


page précédente page 08407page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

tout, quels débouchés, pour ne pas dire quelle perennisation, l'éducation nationale offrira-t-elle aux jeunes gens et aux jeunes filles concernés ? Le terme des cinq ans approche et rien ne semble encore se dessiner avec certitude. Le précédent ministre avait, comme à son habitude, tenu sur ce point des propos définitifs. Ils semblent être redevenus provisoires ; il faut en profiter ! A propos de ce budget, beaucoup d'interrogations assaillent les parents, les enseignants et les collectivités locales. J'en relèverai trois, qui ont principalement trait aux écoles.

La première porte sur les disparités, selon les départements, de l'admission dès l'âge de deux ans en maternelle. La demande des parents ne peut être partout satisfaite de la même façon et ce problème est devenu une sorte de variable d'ajustement de la carte scolaire dans les départements. Quels sont les objectifs du ministère sur ce point ? D'autres interrogations portent sur l'enseignement d'une langue vivante à l'école. Quels résultats ? Quelle évaluation ? Quelle formation pour les enseignants, quel suivi avec les professeurs de collège, afin de ne pas faire de cet enseignement une nouvelle forme de sélection ? L'unicité et la polyvalence de l'enseignant de l'école élémentaire constituent-elles à vos yeux un dogme intangible ? Perplexité enfin quant à la généralisation des techniques modernes d'information dans les écoles. Je veux souligner, à ce sujet, la surprise des élus locaux à la lecture de la récente circulaire indiquant que, pour réaliser ce grand plan annoncé avec fracas, le ministère, c'està-dire l'Etat, ne financerait finalement que les logiciels et les périphériques, le reste, c'est-à-dire l'essentiel, étant à la charge des communes.

M. André Schneider.

Eh oui !

M. René Couanau.

Surprise également des maires et des conseils municipaux, à la découverte des consignes données par le ministère interdisant aux communes de financer les équipements informatiques dans les écoles privées sous contrat, ce qui constitue une interprétation inattendue de la loi. Interprétation d'autant plus hasardeuse que le plan de 1989 autorisait cette possibilité et que certains propos ministériels nous étaient apparus plus éclairés.

La dernière interrogation, ponctuelle mais aiguë, a trait à la santé scolaire et à la prévention sanitaire dans les ét ablissements. On croyait que les progrès réalisés par notre société dans le domaine de la santé dispenseraient de mettre en place ou de maintenir dans les établissements scolaires un dispositif étoffé, compétent et efficace de prévention et de premiers soins ; on se trompait. La réalité et l a nécessité sont malheureusement tout autres en l'an 2000 et il est grand temps de réagir contre une certaine résignation dans ce domaine essentiel y compris sur le plan de la responsabilité éducative.

Les grandes questions posées à l'éducation nationale demeurent. Organisme vivant et en constante évolution, l'absence de débat en son sein et à son propos serait d'ailleurs plutôt inquiétante. Ces débats sont naturellement à chaque changement relancés de ministre et nous les voyons resurgir avec vigueur ces temps-ci.

Il est cependant des débats récurrents dont on se lasse, tant ils finissent, à force de durer, par apparaître comme des alibis à l'inaction. Il faut savoir mettre fin à des débats sans fin, comme on a appris qu'il fallait savoir terminer une grève.

Le temps qui m'est imparti ne me permettra que de survoler deux de ces questions. La première, lancinante, est la suivante : comment, dans l'école républicaine du

XXIe siècle, dotée de moyens considérables si on les compare à ceux du début, est-il possible que 15 % à 20 % d'une classe d'âge soient encore en situation d'échec au moment d'entrer au collège, ne maîtrisant ni la lecture, ni l'écriture, ni le calcul après deux ou trois ans de maternelle et cinq ou six ans d'école élémentaire ?

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

C'est vrai !

M. René Couanau.

Il n'y a pas de sujet de mobilisation plus urgent que celui-ci, pour peu que les évaluations que je reprends soient fondées. Sont-elles scientifiques ? Il faut nous le dire, messieurs les ministres.

Votre budget permettra-t-il la mobilisation pour sortir de cette situation inadmissible et incompréhensible dont sont peut-être victimes deux élèves sur dix au sortir de l'école, avec la perspective, hélas, de voir s'aggraver et non se réduire ces handicaps à la sortie du collège ? Tous les colloques ont eu lieu, tous les rapports ont été déposés, toutes les analyses faites. Quand et comment l'éducation nationale entrera-t-elle en action, puissamment, résolument, comme vous dites, pour donner toutes leurs chances à tous les élèves d'une même génération ? On reparle du collège unique, de l'hétérogénéité, de l'orientation sélective ou non, de parcours individualisés.

Tous ces débats sont secondaires, si j'ose dire, inutiles et redondants, tant que l'assurance d'acquérir les bases mêmes de la formation et de la culture ne sera pas donnée dès l'école où, vous le savez bien, tout, ou presque, se dessine et se joue pour l'avenir des élèves qui lui sont confiés, à charge pour le collège de consolider et d'élargir ces bases.

Le second débat récurrent auquel on se complaît, même s'il n'est pas de la même gravité, porte sur la centralisation-décentralisation. Pour ma part, je ne l'aborde pas sous l'angle institutionnel ou en termes de pouvoir.

Et je ne suis pas convaincu de ce que des transferts supplémentaires de responsabilité et de charges aux collectivités locales, notamment en matière pédagogique ou de gestion des personnels, apporteraient en efficacité et en clarté à un service public dont la mission est aussi de respecter une unité, des références communes et l'égalité, au-delà des appartenances territoriales ou communautaires.

Mais l'exigence d'efficacité par la proximité demeure.

Et la vraie question, me semble-t-il, est celle-ci : comment, dans le cadre général que je viens d'évoquer, libérer au mieux les talents et les initiatives à la base, c'est-à-dire dans les établissements, dans les classes, puisque c'est là que tout se fait, mais que, pour l'instant, rien ne se décide ? Savez-vous, monsieur le ministre, entre combien de circulaires d'instructions dites et non dites, de formulaires et de contraintes de toutes sortes doit naviguer une équipe pédagogique décidée mais dont l'énergie s'use davantage à contourner ces obstacles qu'à mettre en oeuvre ses projets ? Bien sûr, les choses ont évolué. Et nous pouvons tous citer de brillantes exceptions à cette situation. Mais au prix de quelles petites batailles quotidiennes, qui lassent et découragent à la longue les plus engagés et les plus tenaces ? Pourtant, c'est là, dans les établissements, que sont les compétences et que se trouvent les ferments d'une école rénovée.


page précédente page 08408page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Prenez les zones d'éducation prioritaires. On y trouve de brillantes réussites, mais combien de bonnes intentions se muent en banalisation, voire en risque de nouvelles exclusions, dans un contexte administratif pesant et stérilisant ! Voyez aussi l'informatique. Il y a quelque temps, il a été demandé aux écoles de remettre, dans les soixantedouze heures, à l'inspection d'académie des projets pédagogiques pour obtenir les dotations annoncées en logiciels et en matériels périphériques alors qu'il faut des semaines pour préparer de tels projets ! Voyez enfin les directeurs d'école. Combien de volontaires pour assurer des fonctions virtuelles pour ce qui est de la reconnaissance, mais bien réelles et écrasantes pour celles et ceux qui les acceptent encore, souvent pour des commodités d'affectation géographique,...

M me la présidente.

Monsieur Couanau, il faut conclure.

M. René Couanau.

... au point que c'est à de jeunes professeurs tout juste sortis des IUFM que l'on confie maintenant ce qui devrait être un poste de responsabilité, d'animation et d'expérience ! Quand, monsieur le ministre, affirmerez-vous et mettrez-vous en oeuvre un véritable statut des directeurs d'école maternelle et élémentaire, avec les décharges correspondantes ? Mieux encore, car il faudra sans doute y venir, quand établirez-vous pour les écoles, dont les relations avec l'environnement sont constantes et dont les responsabilités s'accroissent, un véritable statut juridique qui en ferait des centres de décision en même temps que des partenaires, éventuellement liés par contrat, des collectivités locales ? Autant d'évolutions dont je ne prétends évidemment pas détenir les clés, mais qui me paraissent aussi urgentes que la réunion de nouveaux états généraux ou de commissions qui ont déjà tout dit avant même de se réunir.

Mme la présidente.

Monsieur Couanau, vous avez très largement dépassé votre temps de parole !

M. René Couanau.

L'appréciation que nous porterons sur votre budget, monsieur le ministre, sera déterminée par les réponses que vous apporterez à ces questions concrètes qui nous semblent être au coeur du débat sur l'avenir du service public de l'éducation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Pierre Baeumler.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, en augmentation de 2,82 % et porté à 332 milliards de francs, le projet de budget de l'enseignement scolaire confirme la priorité que le gouvernement de Lionel Jospin accorde à l'éducation, à la formation, et donc à l'avenir de la jeunesse.

Dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, cet effort financier mérite d'être souligné.

Oui, ce gouvernement entend bien poursuivre la modernisation de notre système éducatif et la construction d'un grand service public de l'éducation. Répondre à cette ambition suppose de courageux arbitrages, financiers mais aussi politiques, que nous retrouvons dans le budget pour l'an 2001.

Oui, ce budget, c'est d'abord, dans un contexte de b aisse confirmée des effectifs, la création de 12 838 emplois budgétaires et l'abandon du gel de l'emploi public à l'éducation nationale. C'est ensuite une progression exceptionnelle, de l'ordre de 30 %, des crédits pédagogiques pour concrétiser les engagements pris, notamment en faveur de l'école primaire. Ce sont aussi des réponses apportées aux légitimes revendications des personnels. Ce sont enfin des mesures significatives pour mieux garantir, mieux affirmer le principe républicain de la gratuité de l'enseignement scolaire, « premier corollaire du droit à l'éducation », disiez-vous, monsieur le ministre, à l'occasion d'une assemblée générale de parents d'élèves

Je traiterai rapidement ces quatre points qui résument bien les objectifs courageux que vous vous êtes fixés dans l'établissement de ce budget, même si j'ai le sentiment de reprendre nombre de sujets déjà développés par mes collègues.

Première priorité, la création d'emplois. L'effort est significatif, la progression des effectifs sensible. Nos collègues rapporteurs ont excellemment rappelé les chiffres.

Je n'y reviendrai donc pas, si ce n'est pour remarquer que, pour la première fois depuis de longues années, la baisse du nombre des élèves scolarisés ne se traduit pas par une stagnation, voire une diminution, comme en 1997, du nombre des personnels titulaires, mais par une très forte progression des effectifs enseignants.

Ces moyens nouveaux permettront de renforcer les équipes éducatives, d'améliorer les conditions de travail des élèves, de réduire les inégalités entre les académies et de répondre à l'augmentation du nombre d'élèves constatée dans certains départements. Ils faciliteront surtout la mise en oeuvre des réformes engagées.

Cette décision heureuse appelle cependant de notre part quelques observations.

Nous saluons avec satisfaction les créations nettes d'emplois, la transformation d'heures supplémentaires en emplois budgétaires, les mesures de résorption de postes précaires dans un souci de transparence et de rigueur budgétaire. Mais ces décisions interviennent alors que le ministère continue à recruter des personnels vacataires ou contractuels, de mettre en oeuvre des réformes grâce au paiement d'heures supplémentaires, notamment dans les lycées professionnels, ou encore à faire appel, de façon trop importante, aux candidats figurant sur les listes complémentaires des concours de recrutement de professeurs des écoles, candidats qui sont ensuite envoyés, sans formation aucune, devant les élèves.

Ces situations justifient, à elles seules, la nécessité d'inscrire votre politique de recrutement dans une perspective pluriannuelle. Cette planification à long terme, difficile à mettre en oeuvre, j'en conviens, dans le cadre de la règle de l'annualité budgétaire, permettrait de mieux identifier, de mieux apprécier, et donc de mieux satisfaire les besoins de chaque académie, à chaque niveau d'enseignement, dans chacune des disciplines enseignées, et d'éviter autant que faire se peut l'embauche de personnels auxiliaires.

Nous serions par ailleurs heureux de connaître, dans le même ordre d'idée, les incidences que pourrait avoir, pour ces personnels non-statutaires, la mise en oeuvre du projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire qui devrait être soumis très prochainement au vote du Parlement.

Le nombre d'emplois d'enseignants créé est exceptionnel. Il l'est tout autant pour les personnels non enseignants : 1 675 nouveaux emplois dont 1 330 emplois


page précédente page 08409page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

d'IATOSS et 300 emplois de personnels médico-sociaux, contre 150 l'an dernier. L'effort engagé dans ce domaine à partir de 1997 est donc poursuivi. Il va permettre de combler les déficits, souvent criants, même si nous sommes loin d'avoir rattrapé tous les retards en la matière. Il permettra aussi de réduire l'appel à des personnels à statut précaire, recrutés par exemple sur des CES. Il constitue surtout une reconnaissance du rôle éminent que jouent ces personnels, tous ces personnels, dans la bonne marche de nos établissements.

Leur professionnalisme, leur disponibilité, leur dévouement sont unanimement reconnus. Leur présence et leur action constituent très certainenement une des meilleuresr éponses à un certain nombre de difficultés que connaissent nos établissements, notamment en termes de violence.

Un mot enfin des aides éducateurs. Leur nombre est stabilisé. Ils sont présents dans près de 30 % des établissements. Ils se sont rendus indispensables. Si leur entrée dans nos établissements est réussie, il faut songer à faciliter leur sortie. A cet égard, je voudrais que vous nous précisiez quelles initiatives vous comptez prendre pour parfaire leur formation et surtout faciliter leur insertion professionnelle durable. C'est un point qui a été déjà soulevé. Par ailleurs, il nous faut sans doute réfléchir aussi à la pérennisation d'un certain nombre de ces métiers nouveaux dont la suppression brutale, dans deux ou trois ans, créerait de sérieuses difficultés à bon nombre d'établissements.

Deuxième priorité : la rénovation pédagogique. La hausse des crédits pédagogiques est exceptionnelle. Trois domaines sont privilégiés.

D'abord, l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Cet effort, qui n'est pas négligeable, accompagne celui que fournissent depuis plusieurs années les collectivités locales, les communes en particulier, qu'il y a lieu d'encourager dans leurs initiatives.

S'agissant de la formation artistique, ensuite, nous souhaiterions savoir comment vous entendez renforcer les partenariats avec les collectivités locales, notamment dans le cadre des contrats éducatifs locaux.

E nfin, pour la rénovation de l'enseignement des sciences et l'apprentissage des langues vivantes, l'objectif est de généraliser l'enseignement d'une langue vivante, dès le CM 1 à partir de la rentrée 2001. Cet objectif peut paraître ambitieux. La réussite de ce plan nécessitera pour le moins une mobilisation très forte de tous les partenaires et un effort important de formation des personnels.

Je voudrais, à ce sujet, souligner l'intérêt que représente la convention que vous venez de signer, monsieur le ministre, avec le conseil régional d'Alsace, en faveur de l'apprentissage précoce de l'allemand.

M. André Schneider.

Très bien ! Région à la pointe du progrès !

M. Jean-Pierre Baeumler.

La signature de cette convention annonce peut-être de nouvelles initiatives de votre part en faveur des langues régionales, initiatives sur lesquelles vous ne manquerez pas de nous donner des informations.

La majoration très forte des crédits pédagogiques confirme votre volonté de poursuivre la rénovation et la modernisation de notre système éducatif, dans un souci constant de dialogue et de mobilisation de tous les partenaires concernés. C'es vrai pour l'école primaire, nous l'avons dit, mais ainsi pour les lycées et surtout pour l'enseignement professionnel. Ma collègue Mme David reviendra plus longuement sur ce thème. Il s'agit d'améliorer la lisibilité, la fluidité des parcours, la crédibilité des diplômes et des qualifications, et, surtout, de répondre aux besoins de main-d'oeuvre qualifiée.

Reste le collège, point sensible du système éducatif.

Nous sommes, nous, parlementaires, désireux de participer à la réflexion engagée notamment dans le cadre de la mission Joutard, et de proposer les changements qui s'imposent. Ceux-ci devront répondre à une double exigence :

« le principe d'unité et le principe de diversité, qui permet aux différentes formes d'intelligence de se manifester et de s'accomplir ». Le collège unique n'est remis en cause par personne. Il doit simplement être mieux à même de prendre en compte la diversité des talents et des aptitudes de nos élèves.

Troisième priorité : les personnels. On ne peut bâtir l'école de la qualité sur le découragement, sur les incertitudes professionnelles de ceux qui enseignent ou qui apportent la contribution de leur travail à la bonne marche de nos établissements. C'est avec le personnel, et à travers un dialogue fructueux avec les organisations syndicales, que nous construirons cette école moderne et ouverte dont notre société a besoin. C'est aussi avec les parents d'élèves, leurs associations, leurs délégués, dont le statut doit enfin être fixé, que se construit l'école de demain.

Ainsi 1 200 millions de francs sont inscrits dans votre budget pour améliorer le déroulement de carrière des personnels. La mise en oeuvre des différents plans de revalorisation établis par Lionel Jospin et vous-même, monsieur le ministre, se poursuit donc.

Je citerai aussi les mesures nouvelles prises en faveur des maîtres formateurs, des PLP, professeurs de lycée professionnel, des disciplines pratiquées ou du suivi dess tages en entreprise, ou encore des PLP affectés en SEGPA, section d'enseignement général et professionnel adapté, ce qui me conduit à appeler votre attention sur la situation des instituteurs spécialisés et des professeurs d'atelier de ces SEGPA.

Deux types de mesures retiennent particulièrement notre attention : D'une part, celles prises en faveur des corps d'inspection et notamment des inspecteurs de l'éducation nationale. De leur mobilisation sur le terrain, au plus près des établissements et du personnel, dépend le succès de toute entreprise de réforme, vous l'avez parfaitement compris vous qui les rencontrez lors de vos visites sur le terrain.

D'autre part, en ce qui concerne la revalorisation du statut des chefs d'établissement, des mesures significatives viennent d'être décidées en leur faveur. Je m'en réjouis tout particulièrement, comme mon collègue M. Schneider.

Elles portent sur la création d'un corps unique des personnels de direction, la refonte du classement des établissements, la redéfinition de leurs responsabilités, mais aussi sur l'ouverture de la fonction à l'ensemble des fonctionnaires de l'Etat, des collectivités locales et hospitalières. L'application de cette dernière disposition, assez iconoclaste, devra être suivie avec attention.

Par ailleurs, des mesures de revalorisation importantes sont prévues en faveur des IATOSS.

Signalons enfin la majoration, de l'ordre de 20 millions de francs, des crédits consacrés à la formation continue des personnels. L'effort est significatif mais il ne permettra peut-être pas de répondre à tous les besoins. Je souhaiterais que vous nous apportiez quelques assurances à ce sujet.


page précédente page 08410page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Ces dossiers touchant aux carrières des personnels appellent quelques remarques complémentaires. Je voudrais naturellement appeler votre attention sur la situation des directeurs et directrices d'école, après d'autres collègues. Il y a lieu de prendre en compte l'élargissement continu de leurs tâches et de leurs missions au contact de tous les partenaires de l'école, mais aussi le rôle moteur qu'ils jouent dans l'animation de l'équipe éducative.

J'ajoute un mot pour demander que soit mieux prise en compte la situation des personnels médico-sociaux. La revalorisation de leurs carrières va de pair avec l'accroissement de leurs responsabilités. Enfin, nous souhaiterions avoir quelques informations sur la réforme des IUFM, qui, rappeliez-vous au printemps dernier devant notre commission, constitue toujours une priorité.

Quatrième priorité : ce budget s'inscrit sous le triple signe de la solidarité, ce point a été excellemment développé par notre collègue rapporteur, de la volonté de mieux assurer la gratuité scolaire et donc l'égalité devant le service public de l'éducation, et de la volonté de répondre aux questions touchant à la vie quotidienne de nos établissements.

C'est pour mieux assurer cette gratuité que différentes m esures ont été annoncées, comme l'extension des bourses, le doublement de la prime d'équipement ou la gratuité du carnet de correspondance.

Ces mesures conforteront celles prises ces trois dernières années et constituent autant de réponses à la récente étude de l'INSEE qui met en évidence le lien entre les revenus des parents et la réussite scolaire de leurs enfants, soulignant que la réussite des élèves passe par une amélioration des conditions de vie matérielle de ces enfants. Nous ne devons donc pas relâcher notre effort en ce domaine.

La solidarité, ce sont aussi des moyens importants dégagés en faveur des zones d'éducation prioritaires, c'est la volonté de poursuivre votre effort dans le domaine de la lutte contre toutes les formes de violence, que vous voulez éradiquer. La mise en place d'un comité national de lutte contre la violence en est l'illustration. Elle doit permettre de valoriser toutes les expériences réussies, d'assurer une plus grande coopération entre les partenaires concernés, de mobiliser toutes les bonnes volontés, celle des élèves en premier lieu, celle des associations et celle des collectivités locales, notamment dans le cadre des contrats locaux de sécurité.

Mme la présidente.

Monsieur Baeumler, pouvez-vous en venir à votre conclusion ?

M. Jean-Pierre Baeumler.

La solidarité, enfin, c'est une attention plus particulière portée à la situation des élèves handicapés.

J'en viens donc à ma conclusion.

Je crois avoir montré que ce budget est marqué d'une volonté forte de transformation en profondeur du système éducatif, pour le rendre plus performant, mieux à même de prendre en compte toute la diversité des élèves.

Il s'agit de donner plus à ceux qui ont le moins, qui ont le plus de difficultés, tout en permettant à chacun d'aller le plus loin possible, selon ses capacités.

Ce budget est donc marqué par le souci d'accroître l'égalité des chances devant le service public de l'éducation. Or l'école est un des ciments de la République, une école garantissant à tous, au-delà de la diversité des territoires et du milieu social d'origine, un égal droit d'accès au savoir, avec une attention portée aux talents, mais aussi aux difficultés et aux handicaps de chacun.

C'est cet idéal de la République que nous retrouvons aujourd'hui dans ce budget.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est donc avec confiance et résolution que le groupe socialiste votera ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Sur le budget de l'enseignement scolaire, une question me vient à l'esprit immédiatement, et d'ailleurs l'opinion se la pose avec de plus en plus d'acuité. Nous allons discuter - enseignement scolaire et enseignement supérieur compris - sur 388 milliards de francs, en cinq heures, durée totale du débat sur l'éducation nationale, et puis on ne parlera plus de rien ensuite, puisque l'essentiel des activités de ce grand ministère est réglementaire.

La question que je pose, sans imputer de responsabilité à l'actuel ministre puisque ce fut aussi celle de ses prédécesseurs, c'est celle de la dérive comptable de l'éducation nationale.

Cinq heures pour 388 milliards de francs, et l'affaire est faite ! Ensuite c'est le Bulletin officiel de l'éducation nationale, le BO , qui nous informera des décisions, réglements, circulaires, etc. Mais qui lit le BO , dans cette enceinte et ailleurs ? En réalité, la vraie question qui se pose, est : notre éducation est-elle encore nationale ? La n ation s'interroge-t-elle encore sur les problèmes éducatifs ? Il faut bien reconnaître que, depuis plusieurs décennies, l'éducation est devenue une affaire de spécialistes, de syndicalistes et d'inspecteurs, une liste de sigles d'une complexité extrême, et que la nation ne se sent guère interpellée sur un sujet qui est pourtant d'une éternelle actualité, puisqu'il y va de son avenir.

Nous ne pouvons pas continuer à gérer ainsi notre système éducatif. Nous aurons probablement des réformes structurelles et juridiques à mener, et nous ne pouvons pas nous contenter, dans ce débat capital, de cinq heures de discussion, de surcroît sur des chiffres et non sur des politiques ! Pourtant, une véritable demande émane de l'opinion.

On le sent à tous les niveaux, par exemple chez les parents d'élèves. Inexistants dans le concept éducation nationale il y a quelques années, ils constituent désormais une entité qui veut participer. Mais avec quels pouvoirs ? Nous qui assistons aux conseils d'établissement, nous savons bien que les parents d'élèves n'ont pas la place qu'ils devraient avoir. Et ils la réclament, notamment dans les catégories les plus défavorisées, parce qu'ils souhaitent l'égalité des chances.

Or on est bien loin de l'égalité des chances désormais, les chiffres mêmes du ministère de l'éducation nationale le prouvent. Avec les meilleures intentions du monde, un système qui se voulait égalitaire a, en réalité, promu les inégalités.

Dans d'autres pays, aux Etats-Unis par exemple, le système éducatif est un thème de campagne électorale majeur qui oppose les deux candidats. Quant à votre prédécesseur, monsieur le ministre - qui aurait dû au lieu d'écrire un livre, mener une politique plus dynamique, ou en tout cas plus perspicace -, il a obtenu un succès de librairie qui témoigne de l'intérêt de la nation pour le phénomène éducatif.


page précédente page 08411page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Nous ne couperons pas à une réforme du système éducatif car la nation ne se contentera pas longtemps d'un seul débat par an dans cet hémicycle, quelle qu'en soit la qualité. Vous devez lui offrir ce qu'elle souhaite.

Et d'abord, vous devez lui donner les moyens matériels d'une politique, j'en parlerai après à d'autres.

Vous devez aussi assurer la transparence, car la nation a besoin d'être éclairée, et fournir évaluations et moyens qualitatifs. Enfin, il faudra rétablir la paix dans les établissements scolaires.

Voyons, en premier lieu, les moyens matériels. On en a beaucoup parlé, je serai donc bref. Incontestablement, ce budget est un budget « quantitatif ». Il est dans la norme, et même un peu au-delà. Car vous avez « gratté » beaucoup du surplus financier, vos collègues doivent vous en vouloir un peu. Je reconnais bien là votre habileté.

Vous avez obtenu beaucoup de crédits, c'est vrai, mais vous n'en usez pas moins d'un peu de dissimulation : ainsi, les emplois créés le sont aussi par redéploiement.

Soit, ne faisons pas la fine bouche ! Les moyens sont importants, essentiellement en personnels, quoique insuffisants pour ce qui est du personnel médical - il est vrai qu'on partait de très bas ! Quant aux moyens pédagogiques, il n'y en a pas assez, mais nous y reviendrons.

D'autres problèmes restent pourtant, en particulier la vacance des directions d'école : 4 500 écoles sont sans directeur, à cause du poids des responsabilités qui leur incombent et de l'insuffisance de leur statut.

Insuffisants aussi sont les crédits prévus en faveur des handicapés. Le devenir des aides-éducateurs est rien moins qu'assuré ; des aides-éducateurs à propos desquels le rapporteur a joué les Ponce Pilate. Fallait-il, monsieur Guyard, recruter massivement des aides-éducateurs pour dire après quelques années : « Les meilleurs sont partis, essayons de former les autres de toute façon, nous nous en lavons les mains ! Ce recrutement massif d'emploisjeunes a lesté le budget de l'éducation nationale pour de nombreuses années. Mais le métier d'aide-éducateur est un vrai métier et, maintenant, vous vous défaussez parce que vous voyez bien que pour ce métier-là, comme pour les autres, il faudra une formation, des filières et des recrutements de qualité. On est bien loin de l'amateurisme de votre prédécesseur, qui a voulu faire de la quantité et non de la qualité, les chiffres le montrent.

Je le disais, la nation réclame de la transparence. Il y a quelques années, un rapport de M. Gouteyron, sénateur, avait révélé des dysfonctionnements, sur lesquels j'avais interrogé, de cette tribune, votre prédécesseur, qui m'avait écouté avec étonnement. Il est vrai que l'éducation nationale - je le dis parce que j'en ai fait un peu partie et que je continue à en faire partie - est experte à jouer avec les mots emplois, postes et surnombre. Il y a comme un cache-cache budgétaire qui fait qu'on jongle allègrement avec les postes et les emplois.

Monsieur le ministre, devant la commission des affaires sociales, vous avez pris l'engagement, qui n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd, que la politique des surnombres - antérieure à votre arrivée, je vous en donne acte - serait clarifiée, et que vous présenteriez désormais devant l'Assemblée une gestion transparente des postes. Je vous le rappellerai en temps voulu ainsi qu'à l'Assemblée, car je crains que ce ne soit pas pour vous une mince affaire.

La transparence est indispensable. Comment discuter devant la nation si on ne comprend pas le budget ? Pour ce qui est de l'évaluation, je ne pourrai que soutenir les initiatives que vous prendrez dans ce domaine, comme la plupart de mes collègues. Il est clair, en effet, que l'augmentation des crédits de l'éducation nationale n'a pas réussi à lui donner de la qualité dans la proportion attendue.

Je pourrais multiplier les exemples mais je me limiterai à trois.

Les évaluations réalisées, chaque année depuis 1996, sur les 2 500 élèves entrant en sixième - évaluations dont la valeur scientifique a certes été remise en cause récemment, mais il faudra démontrer l'erreur - ont prouvé que l'augmentation des crédits, non seulement ne s'accompagnait pas d'une hausse du niveau, mais que celui-ci était plutôt en baisse. En septembre 1998, 20 % des élèves de sixième ne maîtrisaient pas la lecture, ils n'étaient que 15 % en 1997. En septembre 1998, 38 % des élèves ne maîtrisaient pas le calcul - chiffres de l'inspection générale publiés par le ministère de l'éducation nationale et qui ne peuvent donc être soupçonnés -, ils n'étaient que 33 % en 1997.

En réalité, il y a un affaiblissement qui tient au problème de l'entrée au collège - à la sortie d'un primaire meilleur qu'on ne le dit - dans le collège unique. Il faudra tôt ou tard aborder le problème du collège unique, et sortir du classique : pas de filières, pas d'orientation et pas de sections technologiques. Admettons une fois pour toutes que le collège ne peut pas être géré intégralement rue de Grenelle, en imposant aux 40 000 principaux des règlements de plus en plus complexes. Ces 40 000 principaux...

M. le ministre de l'éducation nationale.

Ils ne sont que 4 000 !

M. Claude Goasguen.

Mettez cela sur le compte de l'enthousiasme, monsieur le ministre ! Il faut, disais-je, associer les principaux à un objectif commun d'égalité des chances, objectif à atteindre grâce à l'évaluation, grâce à une culture d'établissement car c'est ainsi que seront réglés des problèmes qui, sur le terrain, présentent des spécificités évidentes.

Pour l'accession au baccalauréat, les chiffres sont i ncontestablement à la baisse depuis 1996, chiffres constants et officiels du ministère qu'on peut trouver de temps en temps dans les publications et je m'en félicite.

Le nombre de ceux qui accèdent à la section générale du baccalauréat diminue et, en dépit des bacs technologiques et des bacs professionnels, nous sommes loin d'atteindre l'objectif du gouvernement précédent de 80 % d'une génération au baccalauréat.

Encore une fois, il ne peut y avoir d'adéquation entre une culture du quantitatif et la recherche du qualitatif.

Un troisième exemple a été donné dans l'enseignement supérieur. Les DEUG piétinent, 37 % seulement des étudiant sont diplômés dans un délai normal. Pourtant, nous avons consacré énormément d'argent aux premiers cycles des universités.

Une évaluation est donc indispensable, monsieur le ministre, et je vous félicite d'avoir pris l'initiative de créer un haut comité. Encore faut-il qu'il ait quelque retentissement, qu'il ne se contente pas de se réunir mais qu'il soit entendu.

Il va falloir déterminer des clés objectives d'évaluation, et pas seulement au niveau national car nous avons dépassé le niveau national et notre système éducatif est au moins européen. Ce haut comité devrait être ouvert à des personnalités européennes, quitte à mettre en commun


page précédente page 08412page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

avec d'autres pays européens pour parvenir à des comparatifs d'évaluation européens, des clés crédibles, même si elles sont remises en cause périodiquement.

Par ailleurs, ce haut comité doit bien entendu être indépendant car à quoi servirait un comité soumis à la main du ministre et de l'équipe ministérielle ? Quelles que soient les pressions qui pourraient être effectuées, le haut comité en pâtirait. Nous souhaitons, je le répète, qu'il soit entendu et indépendant.

Enfin, je voudrais pour terminer vous dire à quel point nous souhaitons que la violence scolaire soit prise au sérieux dans notre système éducatif. Certes, on a fait des plans, créé des comités, je n'y reviens pas ; mes collègues ont démontré le caractère très relatif du succès mais, si vous me permettez une critique - j'en ai peu fait -, je ne crois pas que vous soyez dans la bonne direction en mettant en garde contre l'« incivilité ».

Ce terme me choque profondément. Il y a non pas une acceptation, mais presque une modération dans le terme qui ne nous plaît pas. Dans un établissement scolaire, ce n'est pas une mise en garde contre l'« incivilité » qu'il faut, c'est la tolérance zéro à l'égard de la violence scolaire. Il faut appeler la délinquance la délinquance, le délit le délit, et je vois M. le ministre délégué à l'ens eignement professionnel opiner du chef ! Pour l'Ile-deFrance, des statistiques émanant du conseil régional et de M. Dray, dont l'objectivité ne peut être mise en cause...

M. Jean-Pierre Baeumler.

Certainement pas !

M. Claude Goasguen.

... puisqu'il appartient à votre majorité (Rires), viennent d'être publiée et démontrent que la délinquance juvénile non seulement ne faiblit pas mais augmente, et, de plus, est constatée pour moitié dans les établissements scolaires.

M. André Schneider.

Eh oui ! Et pas seulement en Ilede-France !

M. Claude Goasguen.

Monsieur le ministre, ce n'est plus de l'incivilité, c'est de la délinquance organisée.

M. René Couanau.

Tout à fait !

M. Claude Goasguen.

Nous ne pouvons pas l'accepter.

La nation exige qu'à l'intérieur des établissements scolaires la responsabilité soit assurée par les enseignants, que la sécurité des élèves soit intacte. Professionnellement j'y suis très attaché. Je ne vois pas pourquoi je qualifierai d'incivilité l'attitude d'élèves qui agressent des professeurs.

Ils n'ont pas passé des examens, ils ne se sont pas fatigués pour leurs semblables pour être traités ainsi par des malfrats à l'intérieur des écoles. Ce n'est pas admissible, nous ne l'accepterons pas et vous ne devez pas l'accepter.

M. le ministre de l'éducation nationale.

Nous ne l'acceptons pas !

M. Claude Goasguen.

Quels que soient les résultats de la commission que vous avez mise en place, la tolérance zéro est la seule politique en matière de violence scolaire comme ailleurs.

L'« incivilité », tant que vous voulez au cours d'instruction civique et dans les autres cours. Mais la délinquance zéro dans les établissements est une ardente obligation.

Vous n'échapperez donc pas, vous et peut-être vos successeurs, à l'inévitable réforme de l'éducation.

Ce ne sera pas une réforme quantitative. Notre système éducatif est bien doté par rapport à nos voisins, et votre budget en est la preuve.

Ce ne sera pas non plus, contrairement à ce que pensait votre prédécesseur, une réforme seulement structurelle. Grave erreur ! Votre prédécesseur a fait des structures du système éducatif la finalité absolue de la réforme éducative, mais il n'a vu qu'une partie du problème.

La vérité est que la nation attend désormais de son système éducatif une vraie politique qualitative, claire, dont nous puissions discuter régulièrement au sein de l'Assemblée nationale et ailleurs. Alors, ce jour-là, nous pourrons dire que notre système éducatif, auquel nous sommes profondément attachés, aussi bien à droite qu'à gauche sur ces bancs, sera redevenu l'éducation nationale.

En l'état actuel des choses, hélas ! en dépit des efforts quantitatifs qui sont les vôtres, et ils sont notables au sein de ce budget, nous ne pourrons pas nous associer, en votant favorablement, au projet de budget que vous nous présentez.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Bruno BourgBroc.

M. Bruno Bourg-Broc.

Monsieur le ministre, vous semblez heureux de nous présenter votre premier budget et de nous présenter un budget en hausse. Il n'est que de lire le dossier de presse de présentation de votre budget, de vous entendre en commission ou dans les médias pour s'en convaincre.

Pourtant, je ne suis pas certain que l'on puisse s'en féliciter, à moins de considérer la paix politique et sociale comme un élément de contentement en soi.

Faire un peu de bruit mais ne jamais passer à l'acte en matière d'innovation, égrener les bonnes intentions et surtout ne fâcher personne, c'est un peu votre politique, comme l'a rappelé opportunément, récemment, un universitaire connu.

Vous allez avoir du mal à nous convaincre que les postes budgétaires que vous ouvrez ne répondent pas au seul souci de faire passer les pilules de votre prédécesseur auprès du corps enseignant, qu'il a tant malmené. Les 12 838 postes dont vous vous flattez ne répondent qu'à ce seul objectif purement politicien : faire oublier les réformes, et les paroles sans doute, de Claude Allègre, en cédant aux revendications traditionnelles du « toujours plus ».

Ce « toujours plus » est d'ailleurs un élément caractéristique de votre premier passage rue de Grenelle. Voici ce que vous disiez lors de votre conférence de presse le 20 septembre dernier : « Une progression aussi forte n'a été enregistrée, en francs constants, qu'une seule fois depuis le budget que j'avais moi-même fait adopter en 1993 », ou encore : « La priorité donnée à l'éducation nationale s'exprime en premier lieu par un volume de créations d'emplois budgétaires qui n'a jamais été atteint depuis 1990 ».

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial.

C'est vrai !

M. Bruno Bourg-Broc.

C'est votre argument phare, celui qui devrait nous conduire à voter en faveur des crédits de l'enseignement scolaire pour 2001.

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial, et M. Yves Durand, rapporteur pour avis.

Normalement oui !

M. Bruno Bourg-Broc.

Votre budget serait vertueux et bon car en augmentation ! Ce n'est pas un élément suffisant pour justifier notre approbation.

Autant que je sache, le budget de l'éducation nationale est celui qui augmente le plus depuis quinze ans, et ce tous gouvernements confondus. Le nombre de postes a


page précédente page 08413page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

considérablement augmenté alors même que l'on observe un forte baisse de la démographie scolaire. Entre 1985 et 1998, la part des dépenses d'éducation dans le PIB est passée de 6,8 % à 7,4 %, alors que le coût moyen d'un élève passait de 20 400 francs à 37 200 francs. Peut-on pour autant dire que notre système scolaire a connu une explosion qualitative entre ces deux dates, que les inégalités se sont résorbées, que l'illettrisme a été éradiqué ? Malheureusement non ! Entre 1985 et le début des années 90, les lycées puis les universités, ont su accueillir un nombre grandissant d'élèves et, de ce fait, réduire les inégalités face au diplôme, mais le phénomène inverse se produit depuis lors. Les inégalités scolaires croissent dans notre pays. Il n'y a, hélas ! aucune corrélation entre l'augmentation massive des moyens et l'amélioration du système, car il porte aujourd'hui en lui les causes de son échec et des inégalités qui le traversent.

Autrement dit, monsieur le ministre, et beaucoup d'entre nous en sont maintenant convaincus, ce n'est pas en empilant les milliards et en repoussant à demain les réformes que vous rendrez service à nos enfants. Après vingt ans de quantitatif, il serait peut-être temps de s'occuper du qualitatif.

Je ne nie pas que des moyens complémentaires soient nécessaires, j'affirme même que l'évolution actuelle de nos sociétés doit nous conduire à faire un effort particulier en matière d'éducation et de recherche, mais j'affirme aussi qu'il ne sert à rien d'augmenter les moyens actuels du ministère sans une réforme profonde préalable, une réforme globale.

Il faut ajouter à cette première considération que vos effets d'annonce tronquent la vérité, on l'a déjà dit avant moi. Une part importante des créations de postes annoncées ne sont que des confirmations d'emplois déjà créés, la résorption d'emplois précaires ou la transformation d'heures supplémentaires en postes. Certes, il faut probablement le faire, mais il ne s'agit pas de créations d'emplois sur le terrain. En réalité, le nombre d'adultes devant les élèves ne va pas augmenter de 12 838 mais approximativement de la moitié.

Je voudrais maintenant attirer votre attention sur quelques points et vous poser quelques questions.

Tout d'abord, je souhaiterais connaître votre position sur les propositions de la commission Mauroy concernant le renforcement de la décentralisation. L'ancien Premier ministre préconise de confier la gestion des personnels d'entretien aux collectivités locales. Cette proposition a le mérite de la cohérence. Les collectivités territoriales ont la charge de la construction et de l'entretien des bâtiments scolaires. Quoi de plus logique qu'elles reçoivent la gestion des personnels techniques de ces mêmes établissements ? J'imagine que vous allez me répondre que les propositions de la commission Mauroy n'engagent qu'elle et non le Gouvernement, mais je voudrais tout de même connaître l'avis du ministre de l'éducation nationale sur ce sujet.

Pour aller plus loin que ladite commission, je voudrais également connaître votre opinion sur la décentralisation de l'ensemble de la formation professionnelle initiale. A ce jour, les régions sont compétentes pour la formation p rofessionnelle sous statut professionnel. Il pourrait paraître logique et cohérent de confier à ces mêmes régions, qui ont fait la preuve de leur efficacité en relançant l'apprentissage, l'ensemble de la formation professionnelle initale.

Deuxième point sur lequel je souhaite moi aussi attirer votre attention : les emplois-jeunes.

L'échéance de cinq ans va bientôt arriver et l'inquiétude monte dans les établissements scolaires comme chez les titulaires de ces emplois. Allez-vous les titulariser ? Allez-vous leur offrir un concours spécifique à l'instar des maîtres auxiliaires ? Les collectivités, les écoles, les jeunes attendent vos réponses avec impatience car, comme l'a relevé M. Guyard en présentant son rapport, ces emploisjeunes sont un remarquable succès mais aussi, ne nous le cachons pas, un problème pour demain.

Troisième point : la démographie des professeurs.

Comme chacun d'entre nous le sait, près de 40 % des personnels du primaire et du secondaire vont partir à la retraite d'ici à 2008. Qu'avez-vous prévu pour le recrutement de ces dizaines de milliers d'emplois auquel il va falloir procéder ? Allez-vous en profiter pour modifier les conditions et les modalités de recrutement et de formation ? Qu'en est-il de la mise en oeuvre du plan pluriannuel de recrutement annoncé par le Premier ministre au printemps dernier ? Quatrième point : l'hégémonie de l'anglais et de l'espagnol se renforce dans les cours de langues. Alors que 97 % des élèves apprennent l'anglais, ils sont moins de 10 % à choisir l'allemand en première langue. L'espagnol est majoritaire en seconde langue. Le choix des familles y contribue, certes, pour beaucoup, mais les préoccupations p urement gestionnaires de l'éducation nationale expliquent aussi cette homogénéisation dangereuse pour la diversité culturelle. Par ailleurs, comme l'a demandé M. Couanau, quel est le résultat de l'enseignements des langues, quelle évaluation est faite, quelle continuité y a-t-il entre le système primaire et le système secondaire ? Enfin, et je terminerai par ce problème pour respecter le temps qui m'est imparti,...

Mme la présidente.

Très bien, monsieur le député !

M. Bruno Bourg-Broc.

... je voudrais savoir dans quelle estime vous tenez la représentation parlementaire.

M. le ministre de l'éducation nationale.

Très haute !

M. Bruno Bourg-Broc.

A l'instar de votre prédécesseur, vous venez nous voir en commission, vous participez au débat budgétaire et vous répondez aux questions d'actualité que nous vous posons,...

M. le ministre de l'éducation nationale.

Je réponds aussi à vos courriers !

Mme Martine David.

C'est un bon ministre !

M. Bruno Bourg-Broc.

... mais cela paraît un peu insuffisant à beaucoup d'entre nous. Vous rappelez régulièrement que l'éducation nationale est le premier poste budgétaire. Nous convenons tous qu'il s'agit du sujet le plus important pour les années à venir. Pour autant, l'intervention de la représentation nationale se limite à des exercices de style sans conséquence. Il est juste que la communauté éducative discute des réformes à venir et que les syndicats soient associés à ces réflexions et à ces réformes, il n'est pas juste, en revanche, que la représentation nationale en soit quasi totalement écartée.

M. René Couanau.

Eh oui !

M. Bruno Bourg-Broc.

Aussi, je vous demande votre position en la matière et j'espère que vous ne vous contenterez pas de nous promettre un débat en séance publique sans conséquence aucune. Nous souhaitons être associés à l'élaboration d'une véritable politique d'éducation nationale.

M. Claude Goasguen.

Très bien !


page précédente page 08414page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

M. Bruno Bourg-Broc.

Tels sont les différents points sur lesquels je souhaitais vous interpeller au nom du groupe RPR. Vous vous en doutez, nous ne voterons pas vos crédits, non qu'ils soient insuffisants, mais parce qu'ils ne reflètent aucune ambition et ne définissent aucune ligne politique claire et réformatrice. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme la présidente.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

Mme la présidente.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001, no 2805 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2624).

Enseignement scolaire (suite) : M. Jacques Guyard, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 17 du rapport no 2624) ; M. Yves Durand, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome V de l'avis no 2625).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


page précédente page 08415page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Projet de loi de nances pour 2001 Réunion de la commission de la production et des échanges COMPTE RENDU INTÉGRAL

(Les questions écrites et les réponses concernant ces crédits s ont publiées page ...)

Séance du jeudi 26 octobre 2000

SOMMAIRE Crédits de la ville M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des nances de l'économie générale et du plan.

M. André Santini, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges.

Mme Chantal Robin-Rodrigo, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles familiales et sociales.

MM. Patrick Rimbert, Jean-Claude Mignon, Pierre Cardo et Patrick Braouzec.

MM. Jean-Marie Bockel, Guy Malandain, Daniel Marcovitch et Pierre Cohen, Mme Yvette Benayoun-Nacache, M. Yves Dauge.

M. le ministre.

M. le président de la commission.

Adoption par la commission des crédits de la ville pour 2001.

PRE

SIDENCE DE M. ANDRE LAJOINIE

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures cinq.)

Mes chers collègues, nous sommes réunis pour entendre M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, nous exposer les crédits de son ministère. A la suite, la commission émettra son avis sur ces crédits.

Nous voici à la deuxième année d'application de la nouvelle procédure de commission élargie. L'objectif de cette réforme est, d'une part, de rendre la discussion budgétaire plus vivante, d'autre part, d'éviter la répétition de la même discussion en commission et en séance.

A n de concentrer nos débats sur l'essentiel, c'est-à-dire les questions au ministre, le rapport spécial de la commission des nances et les projets de rapport des rapporteurs pour avis ont été mis en distribution. En outre vous avez dû recevoir hier les réponses aux questions écrites. Notre objectif d'un dialogue plus vivant entre les députés et le Gouvernement devrait être ainsi atteint.

Je vous précise que nos débats feront l'objet d'un compte rendu analytique, qui sera publié dans le rapport de la commission, et d'un compte rendu intégral publié au Journal of ciel.

Au cours de cette séance, je donnerai d'abord la parole à M. Claude Bartolone, pour un quart d'heure environ, puis au rapporteur spécial de la commission des nances, M. Pierre Bourguignon, à Mme Chantal Robin-Rodrigo, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et à notre rapporteur pour avis, M. André Santini. Je les invite à ne pas dépasser dix minutes chacun. Ensuite, je donnerai la parole à tous ceux qui souhaitent interroger le ministre, qui répondra à tous à la n de notre réunion.

La procédure que nous inaugurons ne sera un succès que si nos débats conservent le caractère vivant et spontané qui préva ut habituellement en commission. Evidemment, un climat ne se décrète pas, il se crée lui-même, mais j'espère que chacun v a respecter la discipline pour que tout le monde s'exprime, ce qui suppose évidemment que les interventions restent concises. Je vous remercie d'avance des efforts que vous consentirez pour respecter cette consigne.

La parole est à M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Mesdames, messieurs les députés, je vais essayer de participer moi aussi a n de rendre cette réunion la plus vivante possible. Puisque nous parlons de politique de la ville, je souhaiterais commencer par une question qui, posée par plusieurs d'entre vous, servira de cadre à l'ensemble. Il s'agit du sens à donner à l'expression

« mixité sociale », thème souvent repris ces derniers temps - et je vois d'ailleurs ici le rapporteur de la loi SRU. Sur ce thème, qui fait beaucoup débat, je vais donc revenir à mon tour pour donner du sens au budget que j'ai l'occasion de vous présenter.

Pour moi, la mixité sociale ne peut pas être simplement une opération relevant du renouvellement urbain. Je ne voudrais pas que l'on ait le sentiment, en employant cette expression, de tenir un discours signi ant pour les plus pauvres et les plus fragilisés de notre société : « Nous irons mieux lorsque vous irez habiter ailleurs ». Ce point, je pense qu'il faut l'avoir à l'esprit pour


page précédente page 08416page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

mieux comprendre dans quel cadre le gouvernement souhaite présenter et défendre les opérations de renouvellement urbain, les grands projets de ville ou les ORU que je viens d'évoquer.

Notre volonté est que, dans une période de reprise économique, dans une période de retour de la croissance, les populations les plus fragilisées, se sentent plus soutenues là où elles vivent ; se sentent plus soutenues dans le cadre des moyens mis à la disposition des municipalités, dans le cadre de la DSU, dans le cadre des moyens qui relèvent du contrat de ville, dans le cadre de l'ambition sociale, qui doit être celle des différents acteurs. Il s'agit de permettre aux populations de nos quartiers populaires, en particulier, de prétendre à un environnement social de meilleure qualité, à des services publics mieux implantés, à une intervention des grands ministères, notamment le ministère de l'éducation nationale et le ministère de l'intérie ur, a n de donner plus de sens à l'égalité des chances à l'école, plus de sens à la sécurité. Bien entendu, par toutes ces actions, il s'agit d'en venir à donner une plus grande valeur aux territoires de la politique de la ville et aux habitants concernés par la politique de la ville.

Les deux sont intimement liés. Lorsqu'on requali e, au niveau de l'urbanisme, un certain nombre de quartiers, l'on arrive à jouer sur l'arrivée de populations différentes. C'est alors tout le quartier qui se trouve amélioré en termes de réputation et en termes de fonctionnement.

J'étais, il y a quelques jours à Vénissieux. Les tours qui ont fait beaucoup parler d'elles ont été démolies voilà quelques années. Un certain nombre de maisons individuelles ont été implantées à la place d'un certain nombre d'immeubles. De nouveau, des gens demandent maintenant des logements sur Vénissieux. On voit ainsi exactement comment le « cercle vertueux » peut de nouveau être alimenté.

Si j'avais à dé nir la nouvelle dimension de la politique de la ville en termes de « mixité urbaine », ou de « mixité sociale », je dirais que c'est redonner aux habitants de nos quartiers populaires la possibilité de retrouver une valeur humaine, la possibilité de se sentir traités à égalité avec les autres habitant s. Le renouvellement urbain n'est qu'une des dimensions de la politique de la ville.

Je reviendrai d'un mot sur le budget pour 2001 que je vais vous présenter. Dans un premier temps, je voudrais vous énumé-r er les sept mesures nouvelles qui permettent de mieux comprendre la logique pour cette année.

Premièrement, 650 millions de francs de crédits pour le programme de renouvellement urbain, dont 20 % pour renforcer les moyens de fonctionnement des GPV. C'est un point dont nous avions déjà eu l'occasion de nous entretenir les années passées. Nous nous sommes rendu compte, par le biais du programme de GPU, que bon nombre de municipalités avaient démarré lentement l'utilisation de ces crédits d'investissement, car bon nombre d'élus se rendaient compte que chaque franc d'investissement supplémentaire créait des besoins en fonctionnement. Mais ce fonctionnement, en général, ils ne pouvaient pas l'assurer. Nous avons donc décidé de mobiliser une partie des crédits sur le renforcement des moyens de fonctionnement pour éviter d'assister à une espèce de course de lenteur d'élus qui, investis d'une mission d'investissement, ne peuvent pas faire fonctionner l'investissement.

Deuxièmement, 400 millions de francs, pour porter à 500 millions le fonds de revitalisation économique, moitié pour l'aide au fonctionnement, moitié pour l'aide à l'investissement et à la création d'activités.

Troisièmement, 200 millions de francs, portant à 300 millions les crédits destinés à la mise en place des adultes relais, dont l es premiers sont en cours de recrutement.

Quatrièmement, 25 millions de francs pour renforcer le programme de formation des partenaires de la politique de la ville, en liaison avec les propositions formulées par le rapport BrévanPicard sur les métiers de la ville.

Cinquièmement, 15 millions pour promouvoir des projets innovants dans des domaines clefs de la politique de la ville : la santé, ateliers santé-ville, l'éducation et la famille, modes de garde innovants, ou la culture, et c'est le programme mémoire des quartiers.

Sixièmement, structurant ces propositions, 13 millions pour renforcer l'aide aux communes pauvres engagées dans des GPV destinés à compenser l'effort d'investissement qu'elles consentent.

Septièmement, en n, 5 millions pour promouvoir l'accueil de volontaires dans le cadre de la loi sur les volontariats civils dans les domaines d'action de la politique de la ville.

Maintenant, je voudrais, peut-être d'un mot, replacer les propositions qui vous sont présentées dans le cadre du budget de 2001 dans la perspective des budgets 1999 et 2000. En avril 1998, j'avais eu l'occasion de vous le dire, ma priorité était de remettre au travail les acteurs locaux de la politique de la ville, avec des moyens nouveaux, au service d'objectifs refondus dans un contexte plus optimiste. Vous vous en souvenez, le budget de 1999, avait augmenté de 32 %, a n de renforcer les contrats de ville sur des priorités recentrées, l'emploi, la sécurité et l' éducation. Le budget de 2000 avait augmenté de 40 %. C'était le budget de la première année des nouveaux contrats de ville, traduisant à la fois le changement d'échelle de la politique de la ville et la simpli cation de sa mise en oeuvre. Les participations jusque là éparpillées des différents ministères ont été regroupées sur mon budget dont la nomenclature a été simpli ée. Les procédures locales ont été assouplies, notamment pour les associations, mais nous y reviendrons certainement dans le cadre de l'échange que nous aurons après.

Je suis en mesure de vous con rmer aujourd'hui que les 250 nouveaux contrats de ville signés, ou en voie de l'être, sont beaucoup plus ambitieux que les précédents, centrés sur des priorités lourdes, contrats à 80 % intercommunaux. Nous voyons bien la révolution qui s'est mise en marche dans l'organisation de nos collectivités locales. Ces contrats de ville tournent résolument le dos à une approche palliative de la politique de la ville pour combattre vraiment les causes de la ségrégation urbaine et sociale.

La politique de la ville est entrée dans le nouveau siècle urbain avec des moyens à la hauteur de ses ambitions nouvelles.

Je sais bien que les chiffres sont toujours dif ciles à interpréter.

J'en discutais encore avec Pierre Cardo avant que nous ne commencions nos travaux. Lorsqu'on a un thermomètre et qu'il est juste, il permet quand même de mesurer l'effort en termes de construction. C'est en 2000 que le chiffre symbolique de 35 milliards pour l'effort public en faveur de la politique de la ville a été atteint, contre 20 milliards en 1997, avec le même instrument de mesure.

Deux premiers indices de réussite viennent conforter les deux ans d'efforts sur le terrain. J'ai toujours beaucoup de mal à évoquer ce point, parce qu'on ne sait jamais de quoi les lendemains sont faits, je relève un certain apaisement du climat des banlieues, sur l'échelle mise au point par Mme Bui Trong, en dehors des poussée de violences urbaines souvent liées à un incident ponctuel ou à un incident entre jeunes et policiers. Le développement des formes de médiation, à mon avis, n'est pas étranger à cette amélioration. De manière plus générale, le renforcement de l'encadrement dans les contrats de ville ou dans le programme ville-vie-vacances.

Là aussi, je tiens à rendre un hommage à l'ensemble des partenaires de ces différents dispositifs, qui ont vu certainement leur tâche facilitée dans la mesure où, depuis deux ans, nous leur annonçons bien plus tôt les sommes qui seront à leur disposition. Généralement, dès la n janvier, les préfets sont mis au courant des sommes dont ils vont pouvoir disposer. Cela donne quand même plus de temps pour prévoir des dispositions de ville-vie-vacances de bonne qualité.

Quelquefois, les indices à notre disposition ne sont pas de très bonne qualité, mais nous sommes obligés de faire dans le bricolage pour les instruments de mesure. A noter cette année la moindre participation des jeunes de 18-23 ans - c'est surtout le département du Rhône qui avait attiré mon attention là-dessus dans le cadre des dispositifs ville-vie-vacances. D'après les petites études que nous avons pu mener sur le terrain, ces jeunes ont été plus facilement happés par des petits boulots, des jobs d'é té, ce qui montre là aussi l'amélioration de l'emploi pour les habitants des quartiers populaires.

Bien entendu, je ne veux pas crier victoire trop tôt, comme le souligne Martine David dans sa question, car la souffrance sociale alimente bien des formes de petite délinquance auxquelles


page précédente page 08417page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

la mise en oeuvre d'une police de proximité - qui se heurte, d'ailleurs, encore à trop d'obstacles - ne peut répondre seule. A noter, la tentative de certains desperados de cages d'escalier de répercuter, dans nos villes, le con it du Moyen Orient. Le climat, vous le voyez, est encore fragile.

De la même manière, le risque était grand de voir les quartiers marginalisés et leur population être exclus de la reprise de l'emploi. A ce sujet, je vous renvoie aux rapports de Pierre Bourguignon et de Chantal Robin-Rodrigo, L'emploi est devenu la priorité de la politique de la ville dès 1998, à travers l'objecti f de 20 % des emplois-jeunes et de 25 % des programmes TRACE, à travers le développement des PLI ou la lutte contre les discriminations. Je suis également en mesure de vous informer que cet effort commence à produire des résultats depuis quelques mois.

A ce sujet, j'ai mené des études avec les professionnels de la politique de la ville. Nous avons conduit une étude sur les agences locales pour l'emploi situées dans ces quartiers. Là encore, nous travaillons avec l'INSEE pour améliorer les instruments de mesure et, en attendant, il a bien fallu bricoler. Autant sur l'année 1998-1999, nous n'avons pas vu d'amélioration, ou sinon très très peu, en ce qui concerne l'emploi, autant depuis les mois d'avril et de mai, l'ensemble des ALE situées dans les vrais quartiers populaires de la politique de la ville nous disent tous qu'il y a une diminution du chômage, au niveau de la moyenne départementale ou régionale. Cela doit nous amener encore à multiplier nos efforts. Parce que si nous avons atteint la moyenne de diminution du chômage sur les régions, nous ne nous sommes pas encore attaqués à l'écart qui existe entre le taux de chômage dans les quartiers populaires et le taux de chômage constaté au niveau régional.

En n, un troisième indice montre que les choses bougent : je constate que le tabou de la démolition est tombé. J'ai eu l'occasion d'en parler en répondant à la question de M. Chabert. La destruction d'une barre ou d'une tour n'est plus seulement le constat désolant d'un échec, c'est un commencement, un renouveau, la première victoire du renouvellement urbain qui va prendre une ampleur considérable dans les années qui viennent.

Voilà, monsieur le président, les quelques mots que je tenais à dire avant que ne commence le débat. Le budget 2001, nalement, va permettre de conforter les acteurs de la politique de la ville, de faire pro ter les habitants de la croissance et de lancer le renouvellement urbain à grande échelle puisque, vous le savez, ce sera la première année de nancement des 50 grands projets de ville et des 30 opérations de renouvellement urbain décidés par le Premier ministre.

Au-delà du seul budget de mon ministère, l'effort public global en faveur de la politique de la ville en 2001, tel qu'il est récapitulé dans le « jaune », traduit une nouvelle étape dans la prise en compte par les pouvoirs publics de la crise urbaine. Je suis en mesure de vous révéler aujourd'hui que cet effort atteindra 40 milliards de francs et qu'il aura ainsi doublé en 2001 par rapport à 1997. La progression de 2000 à 2001 est le fait de l'Etat, 5 milliards, des ministères, 3 milliards, de la caisse des dépôts et consignations, 500 millions et des collectivités locales , 1,5 milliard. Puisque j'évoque les collectivités locales, je tiens vraiment à mettre en avant l'entrée dans le jeu de la politique de la ville de départements qui n'avaient pas du tout l'habitude de jouer cette carte. Bon nombre d'entre eux, dans le cadre de la nouvelle génération de contrats de ville, ont décidé de devenir acteurs, et pas seulement avec les crédits qui étaient les leurs et qui étaient nalement mobilisés pour les quartiers populaires.

Bon nombre d'entre eux ont dégagé des crédits nouveaux, des méthodes d'intervention nouvelles pour venir conforter l'action des municipalités qui sont au premier rang de la politique de la ville.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Merci, monsieur le ministre. La parole est à M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des nances.

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des nances.

Monsieur le ministre, je vous remercie de nous avoir ainsi présenté le projet de budget pour la ville. Cette année encore, il s'agit, du point de vue de votre rapporteur spécial, d'un bon budget.

Depuis trois ans, le Gouvernement a entrepris une importante revalorisation des moyens budgétaires destinés à la politique de la ville. Cette mobilisation s'est concrétisée dès la loi de nances pour 1999 qui a augmenté de plus d'un quart les nancements publics concourant au développement social urbain. Le budget 2000 a poursuivi cette évolution puisque l'effort public, en faveur de la ville, a atteint 35 milliards de francs. Pour l'année 2001, plus de 40 milliards seront consacrés à la politique de la ville soit une augmentation de 65 % en 3 ans. On voit tout l'intérêt de véri er le détail avec un jaune au point et disponible au moment où nous travaillons.

Pour la troisième année consécutive, mes chers collègues, le budget de la ville est celui qui béné cie de la plus forte augmentation, ce qui marque bien la volonté du Gouvernement de Lionel Jospin de consacrer la politique de la ville comme une priorité budgétaire de son gouvernement. Du reste, une telle mobilisation était d'autant plus attendue que le retour à la croissance risquait d'augmenter les dif cultés de certaines zones urbaines. L'amélioration de notre économie pro te, en effet, d'abord à nos concitoyens les mieux armés, et elle risque de laisser de côté les habitants des villes touchés de plein fouet par l'exclusion. Il est donc essentiel que la croissance ne s'arrête pas aux portes des quartiers en dif culté et que ces quartiers intègrent le droit commun de la ville.

C'est toute l'ambition de la politique de la ville dé nie par le Gouvernement, vous l'avez fortement indiqué monsieur le ministre, dès juin 1998. Mais cette ambition n'est plus désormais une politique à visées essentiellement réparatrices, et qui aurait pour objet implicite de contenir la dif culté sociale dans des espaces « urbanistiquement » défavorisés. C'est bel et bien une politique de transformation à la fois sociale et urbaine. En trois ans, la politique de la ville a donc changé d'optique, d'ampleur, elle a élargi ses champs d'intervention, tant en termes de territoires concernés que de thématiques abordées. C'est aujourd'hui une politique adulte, j'allais dire mature, qui a vocation à se pérenniser. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Le projet de budget témoigne de ces changements de dimension.

Les moyens et les outils de la politique de la ville sont aujourd'hui clairement dé nis, cela apparaît bien dans la présentation de près de 250 contrats de ville, de 50 GPV, et de 30 autres opérations. Des efforts de simpli cation et de clari cation sont réalisés dans la ligne de ce qui a été réalisé l'année dernière, ce qui devrait conférer une meilleure lisibilité à la ventilation des crédits. Soulignons également une meilleure mobilisation de l'argent engagé ; la déconcentration de l'ensemble des crédits doit déboucher sur une accélération de leur utilisation.

Je ne veux pas ici, après votre exposé, monsieur le ministre de la ville, revenir sur l'ensemble des points saillants de votre budget, dont vous avez présenté les sept grandes dimensions. Je voudrais simplement aborder trois aspects de la politique de la ville auxquels nous devrons, en cette année 2001, être particulièrement vigilants.

Le premier aspect concerne le programme de renouvellement urbain. Il nous faut à tout prix éviter l'enlisement des projets.

Disant cela, il ne s'agit pas de jouer les Cassandre, mais simplement d'attirer l'attention sur l'obligation de résultat qui doit être la nôtre concernant ces projets. La politique de la ville, mais nous pourrions en dire autant de la politique en général, a vocation à conjuguer au sein d'un même projet, le temps court du quotidien et le temps long de la transformation. Les GPV répondent à cette nécessité. Cela signi e que les habitants doivent être pleinement associés et percevoir les changements intervenus dans leur environnement et dans leur vie quotidienne.

Les anciens GPU se sont, pour partie d'entre eux, le plus souvent enlisés - vous avez été plus nuancé dans votre expre ssion. Reste que les réalisations concrètes ont été au nal plutôt maigres. Les GPV ont, eux, changé le format et l'orientation. Ils tendent à une transformation globale de certains quartiers pour mieux les ancrer dans la réalité de l'agglomération à laquelle ils appartiennent, pour renouveler l'offre urbaine et pour améliorer durablement la vie quotidienne des habitants.

Ces orientations sont bonnes, mais il me semble que les procédures de nancement des GPV restent encore complexes. Des simpli cations des circuits de nancement de la politique de la ville ont été introduites dans la loi de nances de 2000. Il nous est proposé de poursuivre en ce sens dans la loi de nances pour


page précédente page 08418page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

2001. Il m'apparaît nécessaire d'aller encore plus loin et d'envisager, pour les GPV, la création d'une caisse unique qui permettrait de mutualiser l'ensemble des crédits affectés à ces grands projets. Je crois aussi nécessaire que ne soit pas minorée dans la réalité la dimension sociale des GPV, mais je vous sais, monsieur le ministre, vigilant sur cet aspect des choses. Les GPV sont des lieux de synthèse entre des politiques urbaines renouvelées et des politiques sociales territorialisées. Cette synthèse fait le coeur de leur projet et non pas simplement, et je sais aussi que c'est dif cile, des opérations à visée exclusivement urbanistique. Il y a une dérive possible à propos de laquelle il faudra être vigilants.

Le deuxième aspect que je souhaiterais aborder est celui des services publics. J'ai souvent eu l'occasion de le dire, le retour des quartiers populaires dans le droit commun des villes passe par la présence de services publics visibles et performants. La politique de la ville ne peut pas tout, mais elle a aussi vocation à mobiliser les autres politiques publiques, à remplir une fonction de levier d'entraînement. Et il nous faut, en ce domaine, avancer plus vite. Les diagnostics des services publics réalisés au début de l'année ne sont pas des outils d'appréciation de la réalité des services publics dans les quartiers. Ces documents sont faibles.

Dans la perspective de la dé nition des schémas d'organisation des services publics, tels que prévus par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, mais aussi dans la perspective des contrats d'amélioration, des états des lieux réels de la présence et de la qualité des servi ces publics doivent être établis. Pourquoi ne pas organiser, dans chaque agglomération, une conférence annuelle des services publics qui aurait vocation à établir ces états des lieux, à ac célérer les processus de territorialisation et à améliorer la qualité des prestations et des services rendus ? Le lien social et sa restauration passent aussi par une présence sociale clairement identi ée et légitime. Ce travail est devant nous, et nous aurons d'autres occasions d'en discuter.

Il est d'ailleurs, en ce domaine, un autre point qui me paraît important. Je le puise directement dans le rapport, dans l'excellent rapport - et ce n'est pas une formule de style -, que Claude Brévan et Paul Picard vous ont remis, monsieur le ministre, il y a quelques semaines. Cette idée est celle de la reconnaissance et de l'organisation d'un réel professionnalisme pour l'exercice des métiers dans les territoires d'exclusion. Je sais que vous êtes très intéressé par cette idée qui me paraît , en effet, essentielle. D'une certaine manière, elle introduit une rupture dans une manière de penser qui était trop longtemps en vogue, celle de l'unicité des métiers du service public. Par exemple, il n'est pas vrai que l'on enseigne de la même manière dans un collège situé dans un quartier d'habitat social et dans un collège situé dans le centre d'une grande ville. Il faut prendre acte de cette réalité. La dé nition d'une spécialité et la création de formations complémentaires quali antes pour toute une série de métiers me paraissent constituer une piste déterminante d'amélioration du service public dans les quartiers et d'une meilleure reconnaissance des professionnels y exerçant. Cette idée s'inscrit dans le prolongement des mesures arrêtées par le gouvernement lors du comité interministériel des villes du 14 décembre 1999.

Troisième aspect, la lutte contre le chômage. Les quartiers populaires éligibles à la politique de la ville sont béné ciaires dans la reprise de l'emploi. Il semblerait que la diminution du chômage y soit relativement importante. Le risque demeure néanmoins que ces quartiers ne restent des territoires de relégation sociale. En effet, au sein des quartiers, ce sont les éléments qui disposent de la plus forte « employabilité », qui retrouvent un emploi. Ils risquent alors quasi mécaniquement de quitter le quartier et de laisser leur place à de nouveaux chômeurs. La courbe du chômage sur ces territoires risque dès lors de remonter.

Comment entamer, particulièrement dans les quartiers, le noyau dur du chômage ? Telle est la question. Comment amener vers l'emploi celles et ceux qui en sont le plus éloignés ? Je ne suis pas de ceux qui pensent que notre pays peut se satisfaire d'un taux de chômage dit « structurel » de l'ordre de 8 %, ce serait économiquement absurde et socialement inacceptable.

Votre projet de budget, monsieur le ministre, contient, à ce titre, des orientations intéressantes et utiles. Je pense aux équipes emploi-insertion qui permettront de renforcer, dans une logique partenariale, les efforts entrepris, même si on peut regretter que les mises à disposition d'agents de l'ANPE se fassent à effectifs constants. La mise en place, dès cette année 2001, d'un fonds de revitalisation économique, constitue également une avancée importante. Il s'agit d'un outil nouveau, suf samment doté et, je l'espère, souple d'emploi, qui permettra de soutenir l'activité dans les quartiers. Il faut saluer la diligence avec laquelle cette mesure, qui m'est particulièrement chère, et je ne suis pas le seul, est mise en oeuvre. Il faudra aller plus loin pour entamer, durablement et d'une manière importante, le chômage dans nos quartiers. Le plan nouveaux services emploi-jeunes est trop faiblement mobilisé en faveur des quartiers et de leurs habitants.

Les fonctions publiques, et d'une manière plus générale les entreprises publiques, seront, dans les années à venir, de grandes pourvoyeuses de postes. Ces pistes sont déjà exploitées. Il faudra , me semble-t-il, les explorer plus avant pour que notre société offre sa chance à chacun et que toute la ville, y compris les quartiers populaires, permette à chacun de trouver sa place et de frayer son chemin.

Permettez-moi, pour terminer, de poser trois questions extrêmement précises.

Premièrement, s'agissant du fonds de revitalisation économique, quels seront les critères d'éligibilité des projets et les modalités d'utilisation de ce fonds ? Les projets soutenus devront-ils être inscrits au contrat de ville ? Deuxièmement, malgré la simpli cation des circuits de nancement des projets éligibles à la politique de la ville, établis d ans la loi de nance 2000, et renforcés dans le projet de loi de nances pour 2001, les acteurs de terrain, en particulier les associations, rencontrent de réelles dif cultés pour obtenir dans des délais raisonnables les crédits qui leur sont alloués. La décon centration des crédits ne débouche pas de facto sur leur allocation plus rapide. Quelles mesures peuvent être envisagées pour remédier à cette situation et quelles instructions peuvent être données aux préfets ? Troisièmement, les premières évaluations concernant le plan nouveaux services emplois-jeunes font apparaître que les jeunes issus des quartiers populaires ne béné cient pas encore assez de ce dispositif. Nous sommes aujourd'hui très loin de l'objectif des 20 % de jeunes issus des quartiers défavorisés. L'objectif était que 20 % des jeunes de ces quartiers devaient y avoir accès. Au sein du plan emplois-jeunes, quelles mesures peuvent être envisagées pour augmenter la part des jeunes des quartiers ?

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Malgré l'intérêt de votre rapport, monsieur Bourguignon, je dois vous faire observer que vous avez légèrement dépassé le temps imparti.

La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Mme Chantal Robin-Rodrigo, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Je vais tâcher d'être plus sage, mais, avec Pierre, nous avons tellement travaillé ensemble que nous allons être complémentaires, et je vais donc m'efforcer de rattraper le temps.

A la suite de l'exposé très complet de notre collègue Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des nances sur les crédits de la politique de la ville pour 2001, je ne m'attarderai pas sur les aspects strictement budgétaires, puisqu'il les a fort bien analysés. Juste un mot a n de saluer la progression considérable pour la troisième année consécutive du budget du ministère délégué à la ville.

Le Gouvernement se donne ainsi les moyens de mettre en oeuvre le programme d'actions dé ni dans le cadre des comités interministériels des villes de 1998 et 1999, programme qui comporte un ensemble très complet de mesures destinées à favoriser la réhabilitation urbaine, la revitalisation économique et sociale, ainsi que le renforcement des services publics dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Le projet de budget tient compte également de la conclusion des nouveaux contrats de ville. S'il est encore trop tôt pour dresser un véritable bilan de leur contenu - il faudra pour cela attendre les conventions thématiques et territoriales - il est clair, et vous l'avez dit monsieur le ministre, que leur structure a évolué. Ainsi 80 % des contrats de ville sont intercommunaux, contre 40 % précédemment.


page précédente page 08419page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

L'implication des conseils régionaux et généraux s'est considérablement accrue. Ces contrats devraient donc permettre de conjuguer la mise en oeuvre de politiques structurelles à l'échelle intercommunale - telle est bien l'échelle pertinente - et les actions ciblées sur les sites prioritaires.

Il s'agit non d'opposer les quartiers les uns aux autres, mais de favoriser leur intégration harmonieuse dans la cité. La réussite des contrats de ville tiendra beaucoup aux équipes chargées de leur pilotage, et je me permets d'y insister, aussi bien au niveau du pilotage politique que du pilotage technique. Chaque niveau doit prendre les responsabilités qui lui incombent.

L'expérience des contrats de ville 1994 et 1999 a montré combien il était important de dépasser les clivages propres aux différentes collectivités territoriales, mais aussi aux administrations de l'Etat pour dé nir clairement les orientations de base.

La maîtrise d'ouvrage est du ressort des signataires du contrat. Il leur appartient de veiller, au cours des années, au maintien des objectifs xés ; parallèlement, les chefs de projet doivent voir leurs fonctions précisées et confortées.

Il est également indispensable que l'Etat, dont le rôle d'animation, de coordination et d'évaluation dans la politique de la ville ne saurait être sous-estimé, dispose de moyens en personnel renforcé. Les services déconcentrés peinent souvent à suivre la politique de la ville au-delà des aspects purement institutionnels et ils sont donc souvent absents sur le terrain.

Quant aux sous-préfets à la ville, qui eux-mêmes restent géné ralement peu de temps en poste, les équipes dont ils disposent sont, la plupart du temps, squelettiques et risquent d'être encore réduites avec la n du service national. Peut-on espérer une amélioration prochaine et de quelle sorte ? La politique de la ville draine à présent des sommes considérables. Il est normal de chercher à en évaluer les résultats. En ce domaine, il faut admettre que des progrès restent à faire. La multiplicité des intervenants, tout comme la diversité des actions entreprises rend l'exercice dif cile, mais d'autant plus nécessaire.

Des efforts ont été entrepris, et nous devrions disposer bientôt d'éléments statistiques plus récents grâce à l'exploitation du recensement de 1999. Mais il faut aussi s'interroger sur ce que l'on veut évaluer plutôt que de concentrer les évaluations sur des procédures, comme nous l'avons fait trop souvent dans le passé.

Il importe de véri er les résultats, pour les habitants des quartiers, des actions qui auront été décidées puisque, en dé nitive, c'est bien là le point central. L'évaluation doit, plus que par le passé, s'effectuer en continu, a n de pouvoir mesurer l'impact des actions et, éventuellement, procéder aux ajustements nécessaires. Un contrat de ville ne peut pas être étiré sur une durée de six ans, sans qu'au terme, au moins, de la première période d'un an ou deux, il y ait des réajustements, parce que tout bouge et que tout bouge dans les quartiers - de plus en plus, je l'espère.

Il faut, en n, favoriser la diffusion des expériences. Nous avions déjà insisté sur ce sujet, l'année dernière, lors de la discussion de ce budget. La politique de la ville a maintenant plus de vingt ans d'âge, couvrant quasiment tous les domaines de l'action publique, et mobilisant de nombreux intervenants d'horizons et de statuts divers. Elle a suscité, au l du temps, une multitude d'initiatives originales avec, bien sûr, leur lot de réussites et d'échecs. Même s'il est évident qu'elles ne sont p as forcément transposables d'un lieu à l'autre, du moins automatiquement, il est possible de tirer de chacune d'elles des enseignements fructueux pour l'avenir.

Il est donc hautement souhaitable que des expériences menées généralement à l'échelle locale puissent être mieux connues a n que d'autres puissent également en tirer pro t. Les efforts accomplis, notamment par la direction interministérielle à la ville et les centres de ressources locaux, dont le développement est prévu par le Gouvernement, doivent permettre d'améliorer encore la circulation de l'information. Le futur institut des villes devra également y contribuer.

Sur l'ensemble de ces questions, vous pourrez, je l'espère, monsieur le ministre, nous donner quelques précisions quant à vos intentions. Je voudrais, avant de conclure, évoquer un aspect de la politique de la ville qui me semble particulièrement important, et que mon rapport aborde plus longuement. Il s'agit du développement économique des quartiers en dif culté. Je crois profondément qu'il faut éviter de reproduire la coupure tradit ionnelle entre social-insertion et économie-développement.

Même s'il est évident que, dans les quartiers en dif culté, l'urgence appelle souvent par priorité des mesures purement sociales, notamment concernant la santé et le logement, pour être pleinement ef cace et porter des fruits à plus longue échéance, la politique de la ville ne saurait, au risque de stigmatiser plus encore les territoires concernés, se limiter à ces domaines tant il est vrai qu'à l'heure actuelle, pour être intégré dans la société, il faut être intégré économiquement.

C'est pourquoi je me félicite de la démarche adoptée par le Gouvernement, qui met au coeur de son action la revitalisation économique et sociale des quartiers en dif culté, dans une perspective qui ne doit pas être de fermeture de ces quartiers sur eux-mêmes, mais d'ouverture sur l'agglomération et d'échanges de toutes sortes entre ses différentes composantes. A cet égard, j'ai relevé avec intérêt la création d'un fonds de revitalisati on économique qui gure dans le projet de loi en cours d'examen par le parlement sur la solidarité et le renouvellement urbain. Il nous est dit que ce fonds permettra d'accorder des aides destinées à compenser les charges particulières des entreprises déjà implantées dans les zones urbaines sensibles, ainsi que des aides à la réalisation d'investissements dans ces mêmes zones. Des cré dits importants sont inscrits à cet effet dans le projet de loi de nances pour 2001.

Cependant, la loi de nances recti cative pour 2000 a déjà prévu 100 millions de francs pour ce fonds et le CIV du mois de juin dernier avait décidé de le mettre en oeuvre à titre expé rimental dès avant le vote dé nitif de la loi SRU. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner quelques précisions sur la façon dont fonctionnera ce fonds et sur la date à laquelle il sera véritablement opérationnel ? Le renforcement du tissu économique local doit s'accompagner d'un vigoureux effort en faveur de l'emploi des habitants des quartiers, mais il est essentiel que cet effort ne soit pas conçu dans une optique territoriale trop étroite, qui enfermerait les populations concernées dans le seul périmètre de leur quartier. Lorsque les intéressés ont un proje t d'entreprise, ils peuvent béné cier de certains soutiens au démarrage de leur activité, mais sur un laps de temps souvent insuf sant, encore aujourd'hui insuf sant. Un véritable suivi pendant une période plus longue, qui pourrait être de trois ou cinq ans, augmenterait leurs chances de réussite.

Toutefois, même si la création d'entreprises, notamment de micro-entreprises est une piste à ne pas négliger, il est clair qu'elle reste une voie marginale comparée à celle de l'emploi salarié. Le programme gouvernemental d'aide à la création sur trois ans de 10 000 postes d'adultes relais est une mesure très positive qui doit permettre d'améliorer les rapports sociaux dans les quartiers tout en confortant le rôle des adultes et des parents dans les territoires en dif culté.

Pour les jeunes, il faut poursuivre et ampli er les efforts déjà engagés a n de mieux structurer les parcours d'insertion qui leur sont donnés. Le Gouvernement a proposé aux collectivités locales de les aider à mettre en place des équipes emploiinsertion. Ce nouveau dispositif devrait tout à la fois apporter un appui de proximité aux demandeurs d'emploi et organiser un relais ef cace avec les différentes structures locales de l'agglomération, sans pour autant créer un réseau supplémentaire ou déposséder les services publics de leur responsabilité.

Les mesures de ce type, qui visent à mieux fédérer les énergies au service des habitants du quartier, montrent sans doute la voie à suivre. En effet, au total, nous recensons de nombreux dispositifs mis en place pour aider les habitants des quartiers, jeunes ou moins jeunes, à prendre toute leur place dans la vie économique et sociale de la cité. Certains, sans être spéci ques à la politique de la ville, peuvent également les concerner. Par exemple, dans le cadre plus général de la lutte contre l'exclusion. Bien sûr, to us sont par dé nition perfectibles, mais sans doute est-il aussi i mportant, permettez-moi d'insister, monsieur le ministre, devant la multiplicité, d'essayer de réduire les procédures redondantes, de développer des synergies, de favoriser le partenariat entre les acteurs. Il s'agit là vraisemblablement d'une des conditions essentielles pour que la politique de la ville ait toutes ses chances de succès.


page précédente page 08420page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Merci madame. La parole est à M. André Santini, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges.

M. André Santini, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le ministre, vous êtes un ministre heureux. Ainsi qu'il vient d'être rappelé, le budget de votre département est, en effet, pour la troisième année consécutive, celui qui augmente le plus par rapport à l'année précédente. Il s'établit à 2,4 milliards de francs en moyens de paiem ent et à plus de 3 milliards de francs en moyens d'engagement. A base constante après plus 32 % de croissance en 1999, et 10 % en 2000, le projet de loi de nances propose une progression de près de 8 % en 2001.

Cependant, il faut aller au-delà des chiffres, car les crédits ne sont que des moyens au service d'une politique. C'est sur celle-ci que je voudrais vous interroger, puisque vous avez lu mon rapport, j'en suis persuadé.

Premièrement, la fédération des maires de villes moyennes, la FMVM, a récemment présenté une étude sur les nancements croisés dans les villes de 20 000 à 100 000 habitants, étude réalisée en partenariat avec DEXIA CLF. L'étude était sous-titrée :

« enfer ou paradis ? », en référence à la complexité des échanges nanciers sur un même projet d'investissement et les lenteurs qui en découlent. Cette situation est synonyme de retour à une certaine forme de tutelle administrative puisqu'il faut entrer dans tel ou tel dispositif imaginé par l'Etat pour obtenir tel ou tel type d'aide. Les auteurs ont donc été conduits à proposer une série d'évolutions : clari cation des compétences, mise en place d'un chef de le de pleine compétence, véri cation de l'intérêt du maintien des nancements croisés pour les dépenses de fonctionnement et, naturellement, simpli cation des procédures. Le gouvernement compte-t-il reprendre ces propositions de bons sens ? Pourriez-vous alors présenter à ce sujet un calendrier de mise en place de ces mesures de simpli cation, de liberté, de responsabilité que les élus locaux attendent ? Seconde question. La France assure la présidence de l'Union européenne jusqu'au 31 décembre prochain, ce qui constitue pour notre pays une chance autant qu'un dé . Le calendrier des dernières semaines atteste d'ailleurs d'une multiplication d'initiatives liées à cette situation. Les 14 et 15 septembre derniers s'est tenue à Paris la conférence du forum européen du logement, consacrée à l'accès au logement dans l'Union européenne. Du 18 au 20 octobre, le congrès européen de l'habitat social a consacré ses travaux au thème : « cohésion urbaine et sociale de l'Union européenne ». Le festival international de la ville, organisé à Créteil par notre amie Mme Catala, les 22, 23 et 24 septembre -et je vous y ai croisé - s'est quant à lui penché sur le thème des

« villes en Europe ». En n le grand rendez-vous sur le sujet sera la conférence « Europe : villes et territoires » co-organisée à Lille, les 2 et 3 novembre prochain par la DIV, la délégation interministérielle à la ville, et la DATAR.

Où en est donc aujourd'hui, monsieur le ministre, la politique européenne de la ville ? Quelles sont ses réalisations ? Certains scénarii catastrophes de la DATAR évoquent le risque d'une déstructuration progressive des territoires, d'un archipel éclaté de quelques grandes métropoles régionales qui privilégient les relations avec l'économie mondialisée et délaissent leur environnement immédiat. Ce risque est-il réel ? Comment le combattre ? Quel sera l'acquis de la présidence française en matière de politique européenne de la ville ? En n, voici des questions plus ponctuelles. Je souhaiterais des p récisions sur le futur institut des villes, dont a parlé Mme Robin-Rodrigo. Quelle est la justi cation, je vous l'avais déjà demandé, de la création d'un organisme supplémentaire ? Quelles seront ses missions ? Quels seront ses moyens ? Sur quel chapitre budgétaire les crédits seront-ils imputés ? La démarche lancée par la délégation interministérielle à la ville, la caisse des dépôts, pour constituer un vivier de directeurs pour les grands projets de ville, a rencontré un succès certain, au point qu'il semble que le cabinet de conseil auquel vous avez fait appel a eu quelques dif cultés pour traiter l'ensemble des réponses. Or plusieurs dizaines de sites ont déjà fait part de leu rs besoins. Pourriez-vous m'indiquer où en est à ce jour la procédure ?

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Je vais donner la parole maintenant aux porte-parole des groupes.

La parole est à M. Patrick Rimbert, au nom du groupe socialiste.

M. Patrick Rimbert.

Monsieur le ministre, chers collègues, l'examen d'un budget est l'occasion de parler de chiffres, les uns mettant en valeur ceux qui montent, les autres ceux qui baissent, certains recherchant des transferts occultes, j'en passe et des meilleures.

De ce point de vue, monsieur le ministre, votre budget est

« décourageant ». Il augmente tous les ans et il augmente une fois de plus. Pour la troisième année consécutive, c'est celui qui augmentera le plus, comme le soulignait notre collègue Pierre Bourguignon. En outre, l'examen de vos crédits n'épuise pas l'effort de votre gouvernement pour la politique de la ville. Il faut y ajouter les emplois-jeunes dans les quartiers, les crédits qui mettent en oeuvre la loi contre les exclusions, la couverture maladie universelle, la police de proximité, la mobilisation des fonds sociaux européens, dont parlait M. Santini, sujets sur lesquels effectivement, nous aurons peut-être un échange plus complet. Bref, c'est l'ensemble du gouvernement que vous animez. Je dirai que vous êtes le « premier ministre de la ville », en quelque sorte.

J'aimerais insister plus particulièrement sur deux points.

D'abord, la grande cohérence de la politique de la ville. Elle met en jeu non seulement le cadre urbain, sur lequel je reviendrai, mais aussi tous les éléments de la vie sociale, de la vie en ville.

D'abord l'école. C'est une politique déjà ancienne, mais je peux témoigner en tant qu'élu local, que les emplois-jeunes de l'éducation nationale ont mis en lumière la nécessité d'une autre approche des pratiques de l'éducation nationale. Je ne citerai que deux exemples : les aides éducateurs, qui font le lien avec les familles, entre les familles, les quartiers et l'école, ont des résul tats assez étonnants. L'autre jour, dans une école, j'ai pu voir des parents qui ne venaient jamais dans l'école réaliser un lm d'une heure présentant leurs activités et témoignant d'une mobilisation que je n'avais jamais connue auparavant. Autre exemple, le rapport qui existe aujourd'hui entre des élèves, qui étaient un peu en dehors de l'école. Les nouveaux aides éducateurs apprennent à ces jeunes la vie quotidienne, c'est-à-dire la vie citoyenne, le respect du règlement. En même temps, ils les aident personnellement dans leur vie d'écolier. Ils créent des échanges très sati sfaisants.

Sur les emplois-jeunes, on a déjà insisté tout à l'heure. Je pense qu'il faut être vigilant pour que 20 % des nouveaux services, nouveaux emplois restent dans les quartiers. La police de proximité, je ne développerai pas, pas plus que je ne reviendrai sur les services publics en général. Notre collègue Pierre Bourguignon en a parlé et nous en reparlerons encore tout à l'heure.

Mme Robin-Rodrigo a traité des problèmes économiques dans les quartiers. Bref, c'est tous les aspects de la politique de la ville et de la vie sociale que vous mettez en oeuvre et que vous améliorez chaque année.

La politique sociale ne se résume pas à une politique d'offre, même s'il faut bien une certaine offre pour répondre aux besoins des quartiers les plus en dif culté. Elle consiste également à faire en sorte que les populations des quartiers se prennent en main et participent à la construction de leur vie quotidienne. A ce titre, je reconnais que le programme de création de 10 000 emplois d'adultes relais va permettre effectivement la création des liens sociaux et la mobilisation de l'ensemble des acteurs, de l'ensemble des familles. Cela me paraissait essentiel.

Par ailleurs, toujours dans ce même ordre d'idées, je note le soutien à la vie associative, aux 15 000 associations qui travaillent avec 6 millions d'habitants, dans 1 300 quartiers populaires. L'augmentation des crédits de votre ministère pour cette année est un signe de votre volonté que, à côté des politiqu es gouvernementales et des politiques centralisées et décentralisées, il y ait une véritable prise en main des habitants de leur propre destin, là où ils sont. Cela me semble essentiel. J'aimerais, dans cette direction, voir si nous pouvons aller plus loin.

En second lieu, j'insisterai sur le renouvellement urbain et la nécessité, pour nos villes, d'être des lieux de mixité sociale.

Le projet social et le projet urbain sont indissociables. Vous le mon-


page précédente page 08421page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

trez bien à travers les grands projets de villes, les cinquante grands projets de ville plus les trente opérations de renouvellement urbain, qui accompagnent bien la loi solidarité et renouvellement urbain, désormais - en tout cas bientôt - cadre du développement de nos villes. Pour ce qui est des grands projets de ville, je pense que nous avons, comme le disaient nos collègues, tiré les leçons des opérations précédentes. Mais je voudrais appeler votre attention sur un point, monsieur le ministre, sur la capacité de l'Etat à gérer des fonds décentralisés po ur des opérations complexes et sur mesure, avec des normes nationales.

Je pense que l'un des grands enjeux de la réussite de la politique de la ville sera la capacité de l'Etat à accompagner les projets, sans être uniquement un censeur budgétaire ou un censeur véri ant l'application de critères quelquefois trop rigides.

Vous êtes à l'origine d'une innovation pour laquelle je tiens à vous féliciter, les crédits libres. Dans les grands projets de ville, des crédits sont à disposition pour réaliser des ajustements. Je crains que cela ne laisse perplexes un certain nombre de personnes, notamment des personnels de l'Etat. Mais je voudrais vous dire que si la logique de projet, et de maîtrise d'ouvrage partagée entre l'Etat et les collectivités territoriales - sachant que les habitants ne sont pas maîtres d'ouvrage, mais qu'ils participent fortement - je voudrais vous dire que si la co-maîtrise d'ouvrage n'est pas réalisée, n'est pas aboutie, s'il n'y a pas une bonne décentralisation en somme, nous allons à l'échec, au moins au retard. Nous allons vers des impatiences par rapport à ce que nous annonçons, et qui est très fort.

Toujours sur le renouvellement urbain, deux mots sur la loi solidarité et renouvellement urbain qui a servi pour votre propos introductif. Sur le problème de la mixité urbaine, vous avez insisté fortement. Tout le monde est pour la mixité, sauf quand il faut la mettre en oeuvre chez soi. Nos débats parlementaires, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, l'ont bien montré. Je pense quand même que cette mixité sociale, il faut la garder quand elle existe. Je crois aussi qu'est important tout ce qu'on appelle le parc social de fait, toutes les copropriétés dégradé es pour lesquelles vous avez défendu de nouvelles modalités de gestion, à travers la loi SRU. Le problème des copropriétés dég radées, du parc social de fait, ancien et privé, est quelque chose de fondamental. En effet, il y aurait grand risque à essayer de réaliser la mixité sociale d'un côté, dans des périmètres bien dé nis, mais de l'abandonner alors qu'elle existe encore, et qu'il faut la conforter. J'aimerais que vous nous éclairiez un peu sur les conséquences de la préservation de la mixité sociale par l'intervention au niveau des quartiers anciens qui, aujourd'hui encore, sont des exemples de mixité sociale. Il faut la retrouver, cette mixité sociale. Vous vous êtes donné comme objectif de faire en démolition-construction à peu près 10 000 logements par an en période normale. On n'y est pas encore, mais c'est l'objectif.

La loi sur la solidarité urbaine et le renouvellement urbain entraîne, concrètement, la construction de 20 000 logements nouveaux par an pour les villes de plus de 1 500 habitants en région parisienne et de plus de 3 500 habitants, dans le reste de la France. Il faut atteindre l'objectif de 20 % de logements sociaux. Il me semble nécessaire de faire en sorte que, là aussi, les opérations complexes que nous montons soient possibles. Or, aujourd'hui, je le pense, le cadre que nous avons n'est pas forcément le meilleur pour répondre à des opérations de mixité urbaine. Je ne prendrai qu'un exemple. S'agissant d'une opération que nous menons dans notre ville, lorsque nous voulons faire des bureaux, ou de l'accession à la propriété et du logement social dans un même immeuble, nous sommes obligés de « saucissonner » l' immeuble pour construire des logements sociaux. Il faut « saucissonner » les appels d'offres, en bref rendre complexe une opération qui l'était déjà. Les procédures ne sont pas d u tout adaptées. Pour un autre projet, nous sommes obligés de monter des procédures d'une complexité incroyable. Nous perdons plus de temps aujourd'hui à gérer des procédures administratives inadaptées aux projets, aux opérations de mixité sociale, qu'à monter le nancement. J'appelle votre attention sur la nécessité de faire en sorte que l'ensemble de notre réglementation et de nos lois s'adapte à notre volonté. C'est un travail auquel vous vous attelez, c'est vrai, mais je crois qu'il est tout aussi fondamental que les crédits que nous avons tous les ans.

Je n'insisterai pas plus sur la loi SRU qui, avec ses trois volets, urbanisme, habitat, transport, couvre l'ensemble de la boite à outils nécessaire pour les projets de mixité sociale et de diversité urbaine. Je m'attacherai simplement à un point du droit de la ville dont on parle peu et qui pourtant est fondamental : c'est le droit au transport. Le droit au logement, nous en avons beaucoup parlé ici, mais il me semble qu'est essentiel le droit au transport, c'est-à-dire le droit de chacun à se mouvoir dans un territoire de ville. Il s'agit de la mobilité dans la ville, que ce soit dans les centres-villes ou ailleurs. Je le crois, ce droit est essentiel, et il n'est pas aujourd'hui donné dans certaines communes où l'on n'a pas le droit d'aller dans les centres-villes, de participer à la culture, à l'ambiance, à la mixité, aux échanges. C'est quelque chose de très important. Dans ce domaine, nous devrons faire des efforts.

En conclusion, monsieur le ministre, je voudrais vous dire la satisfaction des députés socialistes d'avoir, pour la politique de la ville, un vrai projet de société, animé par votre ministère et relayé par l'ensemble du gouvernement. Je voudrais vous poser malgré tout trois questions.

D'abord, sur la croissance. La croissance, c'est bien, certes, mais c'est aussi une source de nouvelles inégalités pour tous ceux qui ne montent pas dans le train de la croissance. Il faut donc inventer, anticiper, pour résoudre les problèmes suscités par les nouvelles inégalités. J'aimerais avoir vos analyses et vos propositions sur ce sujet.

Ensuite, s'agissant de la décentralisation, comment gérer les opérations complexes qui sont sur mesure et ne répondent pas toujours à des critères nationaux ? La liberté de l'interprétation administrative de ce que nous votons peut entraîner des dif cultés dans la mise en oeuvre de nos projets.

La troisième question, plus précise, porte sur les contrats de ville. Je n'insisterai pas, Mme Robin-Rodrigo en a parlé. Je pense qu'il est nécessaire de les évaluer et de les réajuster. Not re collègue a parlé d'un an ou deux. La durée de deux ans me paraît être la bonne pour faire en sorte que nous accompagnions véritablement les projets locaux pour la mixité sociale, pour la politique de la ville, pour le droit à la ville tout simplement.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Je vous demande encore, chers collègues, de vous efforcer d'être plus concis.

La parole est à M. Jean-Claude Mignon.

M. Jean-Claude Mignon.

Monsieur le ministre, vous vous félicitez, comme les années précédentes, de la forte progressio n du budget du ministère délégué à la ville, en annonçant u ne progression record par rapport au budget antérieur.

Ce budget est caractéristique d'un défaut que mon collègue, Gilles Carrez a dénoncé pour l'ensemble du projet de loi de nances pour 2001. L'opacité l'emporte sur la transparence et la dépense publique n'est pas tenue. Je tempérerai quelque peu votre satisfecit en vous rappelant que la plupart des crédits consacrés à la ville sont issus d'autres ministères, de la caisse des dépôts et consignations, des fonds structurels européens, en n, des collectivités territoriales qui fournissent un effort énorme dans ce domaine. Je regrette que, trop souvent - sauf aujourd'hui, c'est vrai - l'Etat occulte la participation nancière, en constante augmentation, des régions, des départements, des communes et de leurs groupements dans la politique de la ville.

Vous revendiquez comme un atout le caractère fortement interministériel de la politique de la ville, mais cette caractéristique rend toujours aussi dif cile la lecture du fascicule budgétaire, et par voie de conséquence, elle rend malaisée la lisibilité de votre politique. A ce propos, je déplore que nous n'ayons connu l'effort global de l'Etat en faveur de la ville que de manière tardive. Cela ne nous aide pas dans notre travail.

La dif culté de l'analyse a été d'ailleurs dénoncée par M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Eu égard à la multiplicité des départements ministé riels concernés, la politique de la ville demeure d'une grande complexité pour les acteurs de terrain qui doivent dépenser beaucoup d'énergie pour solliciter des nancements croisés auprès de plusieurs interlocuteurs a n d'obtenir au nal une subvention plutôt modeste. Ce fonctionnement mériterait sans nul doute d'être simpli é, car il engendre des retards inaccep-


page précédente page 08422page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

tables dans la mise en oeuvre des projets, ce qui va à l'encontre de l'urgence des enjeux actuels. Ce n'est pas forcément dépenser plus qui importe, monsieur le ministre, c'est avant tout dépenser mieux. La politique de la ville y gagnerait en rapidité et ef cacité à la grande satisfaction de la population qui attend des résultats tangibles dans sa vie quotidienne.

A cette première dif culté, liée au caractère très dilué de la politique de la ville, s'ajoute la strati cation de dispositifs aux sigles divers qui dépossèdent les élus locaux et les associations au pro t de l'ingénierie sociale des divers cabinets de consultants.

La politique de la ville ne doit pas s'appuyer sur une logique technocratique et centralisatrice, comme vous la concevez dans ce budget, ou encore dans le projet de loi solidarité et renouvellement urbain. Il faut faire davantage con ance aux acteurs locaux, associations ou maires, qui se débattent dans des procédures complexes et attendent de l'Etat un soutien et un accompagnement, certainement pas une substitution et encore moins des décisions unilatérales du Gouvernement, par exemple, celle qui consiste à obliger des maires à signer un contrat local de sécurité pour obtenir un contrat de ville.

Chaque année, depuis votre nomination, nous entendons parler d'un effort budgétaire sans précédent. En trois ans, ce budget aurait triplé dites-vous, mais face à des effets d'annonce maximalistes les résultats tangibles sont bien minces et la politique de l'apparence l'emporte dans les faits. Un sondage réalisé en mars 1999 par la SOFRES, commandé par la délégation interministérielle de la ville, avait montré que la première priorité des populations des quartiers sensibles était la sécurité. Sur ce plan chacun reconnaît bien les dif cultés de l'Etat. Que proposezvous, par exemple ? La création d'un guide de l'accueil policier informatisé, ainsi qu'un livret d'accueil informatique pour les unités de gendarmerie. Vous proposez également la mise en place d'un serveur Internet dédié à la diffusion d'informations relatives à la police judiciaire a n, je vous cite : « de faciliter les contacts entre la police nationale et les citoyens ». Croyez-vous sérieusement que celles et ceux qui vivent dans la précarité dans ces quartiers aient aujourd'hui les moyens d'avoir un ordinateur et un abonnement Internet ? Je ne pense pas que ce soit vraiment sérieux. Quelle est votre réponse à la violence dans les é tablissements scolaires ? La conception et la réalisation d'un logic iel de gestion des événements de violence dans les établissements ? Croyez-vous raisonnablement que l'argent public serve utilement dans de tels gadgets ? De telles solutions pourraient prêter à sourire si le sujet s'y prêtait, mais ce n'est pas le cas.

Monsieur le ministre, dans votre projet de budget, vous proposez la mise en place de 150 équipes « emploi-insertion », nancées à hauteur de 20 millions de francs, dont la mission consisterait à permettre à tout demandeur d'emploi de trouver une solution individualisée de formation et d'emploi. Voilà bien une mesure qui risque de créer une confusion dans l'esprit des demandeurs d'emploi déjà déconcertés par la multitude des interlocuteurs dans ce domaine. Votre initiative semble révéler une méconnaissance des politiques déjà exercées conjointement sur le terrain et dans la concertation entre l'ANPE, les missions locales et les services économiques et de l'emploi, mis en place par de nombreux élus locaux et, d'ailleurs, dans la plupart des cas, sans soutien nancier de l'Etat. Ainsi vous initiez de nouvelles mesures d'insertion professionnelle et sociale qui n'ont pour objet que de donner bonne conscience au Gouvernement en faisant passer au second plan la nécessité de garantir aux habitants de nos villes de réelles perspectives d'emploi.

Votre nouveau dispositif triennal tendant à créer 10 000 emplois d'adultes relais, dont le coût s'élèvera à plus de un m illiard de francs, est la parfaite illustration de cette politique qui, une fois de plus, l'illusion passée, risque fort de laisser un goût amer aux habitants et aux associations de quartier. Cette mesure, qui serait nancée, au titre du budget de l'année 2001, à hauteur de 300 millions semble étrangement calquée sur celle des emplois-jeunes. L'inquiétude grandissante qui pèse sur la pérennité des 240 000 emplois-jeunes ne vous empêche pas de proposer une mesure qui donnera exactement lieu aux mêmes interrogations. Quant aux emplois-jeunes qui interviennent déjà dans les quartiers dif ciles et qui se posent légitimement des questions sur leur avenir professionnel, n'êtes-vous pas en train de leur répondre que certains d'entre eux auront toujours la possibilité de devenir adultes-relais ? Par ailleurs, toutes ces mesures auront pour effet d'augmenter la charge nancière qui va peser sur les collectivités locales et les associations pour maintenir des activités sans lendemain. Je crains en n que ce projet n'aboutisse nalement qu'à maintenir ces habitants dans leurs quartiers alors que vous souhaitiez lutter contre la « ghettoïsation ». Votre budget consacre 3 millions à la création de délégués de l'Etat, aux quels vous souhaitez con er des missions de communication et de suivi de l'application des contrats de ville. Croyez-vous vraiment que ces délégués volontaires, notamment de l'éducation nationale ou de la justice, pourront assumer ef cacement leurs missions alors que l'exercice de leur propre fonction est rendu dif cile par manque de temps et de moyens nanciers et humains.

Egalement proposée dans votre projet de budget, la création d'un fonds de revitalisation économique, pour un coût de 375 millions, dont les objectifs seraient de compenser les charges des entreprises déjà implantées dans les zones urbaines sensibles et de favoriser la réalisation d'investissements par l'octroi de primes. Ce fonds est censé permettre l'allégement des charges des PME, artisans et commerçants, installés dans les quartiers dit sensibles, alors qu'un tel dispositif existe globalement depuis quatre ans dans le cadre de la politique des zones de redynamisation urbaine, dont le périmètre d'application ne s'écarte d'ailleurs guère des zones urbaines sensibles. La création de ce fonds, monsieur le ministre, ne vise-t-elle pas nalement à sortir, d'ici l'année 2002, du dispositif applicable aux zones de redynamisation urbaine ? Ce fonds ne vise-t-il pas également à atténuer les effets positifs des zones franches urbaines, puisque le gouvernement a déjà af ché son intention de reconsidérer le dispositif ? La lecture du projet de loi de nances pour 2001 apporte d'ailleurs à ce titre une première réponse puisque les mesures d'exonérations scales et sociales et les compensations concernant les zones franches urbaines baisseraient de 416 millions. Dans les faits, monsieur le ministre, vous initiez là encore un nouveau dispositif mais vous en assurez le nancement par un redéploiement de crédits. Toujours une mesure qui vise à donner l'impression de faire encore plus ; c'est une belle application par le gouvernement de la technique désormais consacrée de « l'habillage ».

Vous annoncez également, dans le projet de budget de votre ministère, une augmentation sensible du fonds d'intervention pour la ville, principalement destiné à nancer les contrats de ville. Ce fonds s'établirait pour 2001 à 953 millions et af cherait donc une hausse non négligeable de 24 %. Les 247 villes ou groupements intercommunaux éligibles à ce dispositif contractuel pouvaient se réjouir a priori d'une telle augmentation. En fait, l'abondement de ce fonds est surtout destiné à nancer la création de 27 sites supplémentaires sur l'année 2001. Par conséquent, il est fort probable que les villes antérieurement engagées dans le dispositif n'obtiendront pas un soutien nancier supplémentaire de l'Etat. D'autre part, dans votre projet de budget, vous proposez la création, pour 15 millions, d'un fonds de participation des habitants. Décidément, la tendance du gouvernement devient forte à vouloir orienter les initiatives des habitants vers des domaines d'intervention tels que la prévention, la sécurité et la santé, tels que le développement des correspondants de nuit, des ateliers santé ville dans le cadre des contrats de ville. Dois-je vous rappeler qu'il appartient avant tout à l'Etat d'assurer la santé et la sécurité publique ? A cet égard, le rapport intitulé « nouvelles frontières pour les métiers de la ville », rendu par la déléguée interministérielle à la ville le 19 septembr e dernier, soulignait les risques de dérive sécuritaire ou d'atteinte à la liberté individuelle auxquels peuvent mener des initiatives du type « correspondants de nuit ».

Bien que le projet de budget de la ville soit en progression par rapport à celui de l'année dernière, je ne vois pas concrètemen t et objectivement comment les élus locaux, nos partenaires associatifs et nos habitants pourraient se réjouir des mesures annoncées. En tant qu'élu local d'une ville de plus de 20 000 habitants d'Ile-de-France, particulièrement concernée par toutes les politiques contractuelles de l'Etat, je peux vous assurer que, sur le terrain, les maires attendent toujours les moyens nanciers tant annoncés. Par ailleurs, la dotation globale de fonctionnement versée par l'Etat aux communes connaît depuis des années un taux d'évolution extrêmement faible, voisin de 1 %, car vous savez que la plupart de nos villes sont éligibles à la garantie de


page précédente page 08423page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

progression minimale. Les subventions scales versées par l'Etat aux communes au titre des allègements de taxe professionnelle ne sont pas suf samment compensées. L'amputation régulière par l'Etat des ressources et du pouvoir scal des collectivités ne cesse de croître à tel point que l'on peut se demander si la décentralisation a encore un avenir, puisque la seule liberté, encore reconnue par le législateur aux collectivités est de plus en plus celle de la dépense. Il y a deux ans, je vous avais exprimé le regret et l'inquiétude des élus locaux face à la suppression du dispositif « aménagement des rythmes scolaires » initié par le précédent gouvernement, un dispositif qui avait pourtant fait ses preuves dans nos villes. J'avais surtout appelé votre attention sur les incertitudes qui pesaient déjà sur le nancement des nouveaux contrats éducatifs locaux. Force est de constater que cette inquiétude était justi ée, puisqu'elle se traduit cette année par une importante diminution des aides nancières. J'évoquerai ici l'exemple de ma ville, celui que je connais le mieux, qui a reçu pour 1999-2000 une aide d'un montant de 1 100 000 francs.

Pour 2000-2001, après intervention de la ville, la direction départementale de la jeunesse et des sports nous a octroyé une subvention de 770 000 francs. C'est donc une réduction de 30 % des crédits nécessaires à la mise en oeuvre des dispositions du CEL que nous subissons. Cette diminution entraîne une prise en charge plus importante des frais par la collectivité, si on ne veut pas que les enfants soient les premières victimes de votre politique. On ne peut que le regretter, car les activités mises en place dans le cadre du CEL contribuent au bien-être et à l'équilibre de nos enfants. Voilà un exemple agrant qui illustre le décalage entre les effets d'annonce du gouvernement et les réalités sur le terrain.

A l'examen des objectifs de la politique de la ville constatés depuis plus de trois ans, je me demande toujours si le Gouvernement a bien conscience des réelles attentes des acteurs locaux et de nos concitoyens. Une politique pour les villes, c'est celle qui permettra à nos concitoyens de vivre normalement en toute sécurité, celle qui permettra de conforter l'éducation de nos enfants et d'accroître la création d'emplois par une réduction signi cative des charges. C'est celle également qui permettra aux élus de limiter la pression scale grâce à une réelle compensation par l'Etat de charges transférées et à l'attribution de dotations plus adaptées à la réalité économique. C'est en n celle qui permettra aux habitants de nos 725 quartiers sensibles de ne pas avoir l'impression d'être labellisés « , comme le laisseraient penser les objectifs de votre politique. Les élus locaux attendaient un assouplissement des procédures contractuelles et des politiques dites « transversales », votre projet leur répond par plus de lourdeur et de complexité. Alors que nous attendions également une réelle augmentation des dotations nancières de l'Etat, votre projet répond par un accroissement du saupoudrage. Alors que nous attendions des mesures concrètes, votre projet, monsieur le ministre, répond par des mesures virtuelles et peu réalistes. Force est de constater, monsieur le ministre, que le signal fort attendu depuis 1999 n'est toujours pas au rendez-vous, malheureusement.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo.

Monsieur le ministre, je voudrais vous dire qu'il est toujours intéressant d'observer les progressions des budgets consacrés à la politique de la ville chaque année. Cela doit faire dix-huit ans que je suis dans le système, et il a été assez rare de remarquer des baisses fortes de ce budget. Il est dif cile de s'y retrouver, c'est vrai, parce qu'on bascule régulièrement, chaque année, des dépenses d'un ministère à l'autre.

En fait, je pense que vous êtes trop modeste. Vous af chez seulement une progression de 15,96 % de l'effort nancier consacré à la politique de la ville, sans doute parce que vous avez voulu montrer combien de collectivités et d'acteurs divers participent au nancement de la politique de la ville. Si vous aviez af ché votre effort personnel, en tant que ministre, sur cette politique, vous auriez été obligé de donner un taux extraordinaire, c'est-à-dire 49,44 %, à savoir les crédits spéci ques ville, A1 dans le tableau, et les crédits contractualisés relevant de divers ministères. Pour le reste, il me semble que différents crédits, soit ne sortent pas des caisses de l'Etat, soit ne relèvent pas directement des politiques que nous animons, et je m'entends quand j'utilise cette dé nition.

Le « basculement » des différentes lignes de crédits d'un budget à un autre, que l'on af che une année dans le budget du ministère concerné, une autre dans le budget du ministère de la ville, se traduit, sur le terrain, par le fait que, hélas, les sommes af chées donnent parfois un peu trop bonne conscience aux institutions qui interviennent dans les quartiers. Je crois qu'il est dans votre charge et de notre devoir, à nous sur le terrain, d'essayer d'éviter cela. Il ne faut pas que la politique de la ville, par les moyens qu'elle distribue aux collectivités, aux acteurs de terrain, serve à donner cette bonne conscience qui fait que les institutions, l'éducation nationale, la police, la justice, voire le social, qui ne dépend pas de l'Etat, considèrent qu'après tout, puisque des sommes supplémentaires ont été attribuées, tout va bien. En réalité, quand on regarde nos territoires sur lesquels il y a des contrats de ville, des GPV, il est rare, on l'observe, que les moyens institutionnels mis en oeuvre sur le terrain correspondent réellement à la concentration des problèmes sur ce territoire.

Depuis dix-huit ans, il y a là une dif culté. Dubedout avait dit :

« A situation inégalitaire, réponse inégalitaire ». Je crains que l'on ait maintenu, hélas, une réalité correspondant à ce qu'il a dit , on consacre des moyens importants pour compenser une situation qui, hélas, est toujours très inégalitaire.

Quand je vois comment fonctionne l'éducation nationale, comment fonctionne la police dans les quartiers, ou comment fonctionne la justice, je me dis que notre République, quand elle parle parfois de « zones de non-droit », ne sait pas vraiment bien dé nir ce que cela veut dire. Une zone de non-droit, ce n'est pas obligatoirement le fait qu'il y a des jeunes qui, à un moment donné, font la loi. Zone de non-droit veut dire, pour moi :

« dans l'école où je vais, dans mon quartier, je n'ai pas la réussite scolaire. J'arrive en sixième souvent sans savoir lire, écrire et compter ». Non-droit veut dire : « Je n'ai pas la sécurité assurée par la police quand je le veux » ou « je n'ai pas obligatoirement la possibilité de déposer plainte », ou encore « je n'ai pas tous les droits auxquels je peux prétendre quand je suis en dif culté, parce que le secteur social n'est pas suf samment présent ». Le secteur social, aujourd'hui, n'est plus dans les familles, il est dans les dispositifs, ce qui est quand même très différent.

S'agissant du budget proprement dit, disons qu'on n'a pas fait beaucoup mieux dans le passé ; on ne va pas dire qu'il est mauvais. Il progresse de toute façon. On peut, certes, formuler différentes remarques, mais il me paraît important d'en faire sur le fond de la politique de la ville, et non pas uniquement, à l'occasion du budget, sur des chiffres dont on sait très bien qu'après le mensonge, le mensonge aggravé, ils relèvent des statistiques, donc d'un mensonge encore supérieur si l'on veut.

Il me semble, dans ce qui apparaît de votre volonté, que vous avez voulu prendre en compte - et c'est un aspect intéressant, puisque depuis de nombreuses années beaucoup d'élus locaux le réclament -, il semble que vous ayez voulu prendre à bras-lecorps le problème des communes qui, à cause de dif cultés nancières, n'ont pas les moyens d'accompagner les politiques de la ville, puisqu'il y a toujours un conancement, notamment dans les GPV. Il serait intéressant, monsieur le ministre, comme c'est une mesure relativement nouvelle, que vous précisiez vousmême par écrit ce que qu'elle comprend en matière d'interventions de l'Etat. Pour l'instant, nous n'avons que des paroles ou des écrits, assez insuf sants pour que les maires puissent réellement savoir sur quoi ils peuvent compter en matière d'interventions dans ce domaine. S'agit-il de prendre en charge réellement les frais de fonctionnement des équipements supplémentaires nécessités par la politique de la ville ? S'agit-il de prendre en compte les intérêts des emprunts liés à l'investissement pour c es équipements ? S'agit-il aussi de prendre en charge, dans certains cas, le capital de l'emprunt pour une période donnée ? Ce sont ces réponses précises que les maires attendent, monsieur le ministre. Par rapport à la politique qu'ils vont mener, surtout dans un GPV, où il y a de gros investissements, ce n'est pas sans incidence sur les décisions qu'ils pourront prendre. Les maires n'oublient pas qu'ils ont en charge le budget avant, pendant et après la politique de la ville.

Pour ce qui est du chômage, problème soulevé par nombre de nos collègues, il est vrai que nous avons une baisse globale dans les quartiers. Bien évidemment, ce sont ceux qui étaient les plus proches de l'emploi que nous reclassons. Je pense que nous devons nous interroger sur des outils plus adaptés, compte tenu


page précédente page 08424page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

des expériences qu'on peut avoir sur le terrain. Il est vrai qu'on ne met pas assez le doigt sur les problèmes psychologiques et les problèmes de santé mentale qui doivent accompagner les processus de réinsertion. De même, je crois qu'on doit s'inscrire dans le temps, dans la durée et dans un accompagnement beaucoup plus fort qu'avant sur le « noyau dur » des chômeurs qui nous restent. Après avoir regardé tous les outils dont nous disposons sur le terrain, il faudra se pencher sur une aide un peu plus forte pour assurer le développement et surtout la pérennité des entreprises d'insertion qui sont un outil permettant de travailler dans la durée - deux ans, c'est mieux que six mois CES - d'autant que vous avez réduit, par ailleurs, dans d'autres cadres budgétaires, le nombre de mesures CES voire, éventuellement, CEC.

Il me semble que l'on ne fait pas assez cas, dans les rapports que j'ai lus, d'un problème qui concerne au premier chef les habitants et qui n'est pas sans lien avec la sécurité. Il s'agit beau coup de l'image du quartier, de l'image que l'on donne et de l'image que l'on a soi-même du quartier. La gestion urbaine de proximité est très importante. On ne peut pas admettre, sous prétexte que la population est pauvre dans un quartier et que c'est un of ce d'HLM qui gère, que les parties communes soient relativement laissées à l'abandon. Là aussi il faut un « plus » ; quand je rentre dans les cages d'escalier chez moi ou dans des communes voisines en contrat de ville, je ne le retrouve pas souvent. Pourtant, c'est essentiel. Une famille qui, au-delà des problèmes qu'elle peut avoir, n'ose plus inviter sa propre famille ou ses propres amis chez elle, parce qu'il faut traverser des parties communes dégoûtantes et dégradées, ce n'est pas acceptable , me semble-t-il, notamment lorsque l'on af che la politique que vous af chez dans ce budget.

Pour ce qui est des quartiers et des agglomérations, on oscille sans arrêt entre les deux et on oublie souvent la ville en tant que telle. Des interventions sont mises en oeuvre au plan économique, notamment, au niveau du quartier, et c'est bien, mais il faut se dire que, lorsque le quartier fait 80 % de la ville, il n'est pas évident d'y installer très facilement des activités artisanale s, commerciales et autres. En revanche, il serait dommageable de ne raisonner qu'au niveau de l'agglomération pour régler le problème. Il y a autour du quartier des centres anciens qui ne sont pas obligatoirement en ZUS et qui mériteraient nettement une revitalisation du commerce et de l'artisanat, car l'image est globale. Lorsque l'on parle de Chanteloup-les-Vignes, on a du mal à penser qu'il y a autre chose que la ZAC et lorsque l'on parle de Mantes-la-Jolie, on pense surtout au Val-Fourré. Tout cela a une incidence sur l'activité économique autour du quartier et de sa proximité immédiate, notamment pour ce qui a la même appellation que le quartier en dif culté, c'est-à-dire la ville.

Pour les adultes-relais, je suis assez satisfait de voir qu'en n on réalise, au niveau gouvernemental, que la médiation, dont ils feront une bonne partie de leurs activités, est en n reconnue comme n'appartenant pas seulement aux jeunes. Je me souviens des débats voici deux ans sur les emplois-jeunes. Il était quand même assez fantastique de constater que l'on créait en n la notion d'utilité sociale. En n, on s'adressait surtout à la notion de « médiation » que l'on commençait à reconnaître comme importante dans les quartiers, mais seuls les jeunes, manifestement, allaient pouvoir la réaliser parce qu'ils étaient les seuls à avoir le statut adapté, le CEC n'étant pas tout à fait adapté e t pas tout à fait un contrat normal.

J'en viens à certains statuts particuliers, notamment, dans le domaine scolaire, à celui des chefs d'établissement qui ont eu droit à une revalorisation de leur statut, un surclassement.

Serait-il possible de considérer que, parmi les acteurs de la politique de la ville, il en est parfois un dont on pourrait avoir besoin ? C'est ce qu'il m'a semblé en lisant souvent les appels incantatoires à la volonté politique locale. Il m'est apparu que le maire et les adjoints étaient des personnes sur lesquelles on comptait un peu pour essayer d'animer tout cela et mettre un peu d'ordre parfois. Serait-il possible alors de regarder le statut des élus locaux dans ces quartiers ? A titre d'exemple, je citerai un cas très concret, que je vis actuellement. Cette année, un GPV vient de passer en dessous de 10 000 habitants. Cela veut dire qu'il perd un adjoint, qu'il perd quatre élus et que bien des choses vont aller en régression. Alors qu'en réalité, ce résult at est lié à toute la politique de restructuration urbaine des GPV et des contrats de ville antérieurs. Un directeur de projet est nommé, il va donc avoir un revenu représentant à peu près trois fois celui du maire, deux fois et demi celui du secrétaire général

Est-ce bien cohérent avec la fonction, la mission que l'on attend du maire ? Ne conviendrait-il pas d'examiner plus à fond certaines contradictions qui existent sur le terrain et qui peuvent poser problème pour trouver des gens de qualité ? Ce qui compte le plus, au-delà des moyens que l'on distribue, c'est la volonté politique à tout niveau. Je pense que vous l'avez ; cette volonté politique, vous l'avez montrée en différentes circonstances. Je pense qu'il sera bon d'insuf er cette volonté politique au niveau des étages intermédiaires de l'administration de l'Etat. Les collectivités territoriales, dans l'ensemble, ont tendance à mieux suivre qu'avant la politique de la ville. Tant mieux. Restent les élus locaux. Je pense que, pour la plupart, ils sont mobilisés, mais j'ai souligné quelques petits problèmes qui, à mon avis, les aideraient à assumer beaucoup mieux et beaucoup plus ef cacement leurs missions.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec.

Monsieur le ministre, vous me permettrez d'abord de revenir sur un ou deux éléments de la question que je vous avais posée par écrit et de la réponse que vous m'avez faite.

D'abord, sur une idée qui revient dans toutes les bouches, sur l'idée de la mixité sociale, je crains qu'aujourd'hui, derrière ces deux mots, il n'y ait sous-entendu le rejet, avoué ou non, d'une partie de nos populations, et de la population la plus en dif culté ou en situation de précarité. Si derrière cette idée d e mixité sociale, il y a tout ou partie d'une culpabilisation de ces populations, si on laisse entendre qu'il y aurait des habitants indésirables dans nos villes, c'est sinon un jargon, en tout cas une expression lourde de conséquences. Je ne pense pas qu'af cher la mixité sociale comme objectif de la politique de la ville soit une bonne chose. La mixité sociale ne se décrète pas. Je crois qu'elle ne peut être que la résultante, à moyen ou long terme, de politiques publiques de réduction volontariste des inégalités en matière, notamment, d'accès à l'emploi, d'accès au logement, à l'éducation, au service public de la santé et à bien d'autres services publics. Dans les quartiers populaires dont on parle, la question n'est pas tant celle de la mixité sociale, que celle de la conquête de l'égalité de traitement et de conditions de vie dignes des habitants tels qu'ils sont, et quels qu'ils soient. Je me réfère aussi à votre réponse quand vous faites état, là encore, d'une autre expression qui a beaucoup été utilisée, la « discrimination positive ». Personnellement, je pense que cette expression, là encore, renvoie à une sorte de politique qui serait une politique charitable, un cadeau supplémentaire que l'on offrirait à certaines populations. Or, pour moi, il s'agit non pas de discrimination positive, mais bien d'accès à l'égalité de traitement. Je prendrai deux exemples très concrets qui montrent bien que ce n'est pas de discrimination positive qu'il s'agit, mais bien d'égalité de traitement.

Le premier, c'est la manière dont on a pu traiter certaines parties de la région Ile-de-France dans les années 60-70. J'ai, pour ma part, souvenir de la façon dont a été construite l'autoroute A1 avec cette tranchée à ciel ouvert que l'on a pu couvrir à l'occasion des travaux du Stade de France, parce que j'avais mis cette condition. Dans l'ouest parisien, j'ai vu, jeune normalien qui traversait le bois de Boulogne pour me rendre à l'école normale d'Auteuil, j'ai vu un lac se vider, j'ai vu se construire en souterrain la partie du périphérique de cet ouest parisien et j'ai vu un lac à nouveau surgir au-dessus de ce périphérique. Il y avait bien inégalité de traitement. C'est un retour sur cette inégalité qui a été opéré en couvrant l'autoroute A1 à l'occ asion de la construction du Stade de France.

Second exemple. De la même façon, quand le directeur départemental de La Poste vient me voir, lorsqu'il est nommé, pour se présenter, et qu'il me dit que nous sommes sans doute en état d'infériorité par rapport à d'autres villes, eu égard au nombre d'agences postales, il me met en évidence un exemple très concret : Saint-Denis, 90 000 habitants, quatre agences postales ; Versailles, 78 000 habitants, sept agences postales. Nous nous sommes donné comme objectif que, au moment de son départ, nous aurions rattrapé l'inégalité. Aujourd'hui, c'est quasiment fait. Il ne s'agit pas, là encore, de discrimination positive, mais bien d'accès à une égalité de traitement sur un territoire donn é.


page précédente page 08425page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

J'en viens maintenant plus précisément à notre budget. Il con rme la priorité accordée par le Gouvernement a l'enjeu qui est de permettre aux 6 millions d'habitants des quartiers populaires concernés par ces crédits de participer au retour de la croissance. Le projet de budget af che, en effet, la plus forte croissance de l'ensemble des ministères. L'augmentation des crédits marque la rupture af rmée avec un traitement avant tout social, voire charitable ou humanitaire, de la question urbaine.

L'enjeu est donc de sortir d'une logique de traitement avant tout social et urbanistique pour remettre la question de l'emploi et de l'activité économique au coeur des projets. Au-delà des moyens, qui illustrent une ambition réelle pour les quartiers populaires, c'est donc sur leur meilleure utilisation, sur le sens de la politique conduite et sur sa cohérence avec l'ensemble de l'action du gouvernement que nos débats doivent porter. La volonté politique, attestée par l'augmentation des crédits, doit se traduire dans l'ensemble de la politique gouvernementale.

La première question que je poserai concerne la consommation des crédits dont nous débattons. Je crois qu'il faut de nouveau insister sur la nécessité d'une croissance forte de la dotation sociale urbaine destinée à épauler les collectivités les plus d éfavorisées. Pour mémoire, la DSU ne représente encore qu'un peu plus de 1 % de l'ensemble des dotations allouées par l'Etat aux communes. Cette faiblesse de la DSU n'a ainsi pas permis de consommer l'ensemble des crédits prévus pour les grands projets urbains, puisque les dif cultés des communes concernées, parmi les plus pauvres et censées participer aux dépenses d'investissement à hauteur de 20 à 30 %, ont ralenti les opérations. Le risque est grand de voir le même phénomène se reproduire avec les nouveaux contrats de ville comme avec les grands projets de ville.

En l'absence d'augmentation de la dotation, il serait nécessaire de revoir à la hausse le taux de nancement de l'Etat pour ces dispositifs, sous peine de provoquer de nouvelles et graves déceptions face au décalage entre les moyens annoncés et leur traduction concrète sur le terrain. En clair, pour les communes, mais aussi pour les bailleurs de logements sociaux, pour les plus en dif culté, l'essentiel n'est pas le montant des crédits disponibles, mais bien l'augmentation du taux de participation de l'Etat, car elle permettrait d'utiliser les crédits.

Par ailleurs, les investissements réalisés au titre de la politique de la ville induisent pour les maîtres d'oeuvre des coûts de fonctionnement qui sont, à mes yeux, insuf samment pris en compte. La ligne budgétaire « coût de fonctionnement de certains grands projets urbains » est à généraliser, encore que le mot

« certains » dans un document budgétaire me pose question.

Cela aussi a augmenté dans le cadre des grands projets de ville.

Au passage, le caractère non contractualisé des crédits engagés dans ces 50 GPV n'est pas non plus de nature à rassurer pleinement les partenaires de l'Etat.

Je souhaite également vous faire part de la nécessaire adaptation de la formule des grands projets de ville à la situation des agglomérations très urbanisées concentrant les dif cultés, notamment en région parisienne. En effet, l'outil, qui tend notamment à concentrer les crédits sur certains quartiers, a été conçu pour répondre à la situation des agglomérations de province a n d'éviter la dispersion mais aussi le détournement de certains crédits pour la ville-centre qui est plus riche. Cette concentration peut constituer un recul par rapport à la logique des contrats de ville pour les agglomérations très urbanisées.

Après les collectivités locales, je voudrais évoquer les autres partenaires majeurs de l'Etat dans la mise en oeuvre de la politique de la ville, les associations. Leurs dif cultés résident dans la garantie de leurs ressources et dans les délais de versement des subventions. Le recours à des conventions pluriannuelles qui assurent la pérennité de leur action doit devenir la règle. Par ai lleurs, je souhaite revenir sur la revendication de la création de zones sans loyer, au béné ce des associations, notamment parties prenantes des contrats de ville, et sur laquelle je vous avais interrogé en mars dernier. Cette mesure marquerait ef cacement la reconnaissance de leur utilité en termes de vie sociale et de liens sociaux au sein des quartiers populaires. L'élaboration concrète de la politique de la ville, et non sa seule mise en oeuvre, suppose en effet des partenaires assurés d'une certaine pérennité de leur action. La précarité matérielle absorbe aujourd'hui une trop grande part de l'énergie des militants associatifs et alimente le scepticisme, en dépit des crédits massifs annoncés. Il faut, en outre, bien avoir conscience que, dans certains quartiers, ces structures occupent des locaux qui ne trouvent pas d'autres destinataires et contribuent par leur implantation à l'animation et à la qualité de vie de leur quartier. Les modalités de particip ation de l'Etat au paiement et aux bailleurs des loyers de ces associations peuvent passer par un conventionnement des locaux ou par la création d'un fonds d'Etat pour le logement associatif.

Cette participation est essentielle dans la mesure où la prise en charge par les bailleurs serait répercutée sur les locataires. Le vote envisagé d'un amendement au projet de loi sur la solidarité urbaine et le renouvellement urbain, tendant à autoriser la mise à disposition gracieuse, ne réglera pas la question du nancement, même s'il constitue, à mes yeux, un premier pas très important.

On l'aura compris, il ne s'agit pas de bouder l'augmentation des crédits que vous présentez, mais bien de la replacer dans l'ensemble de l'action gouvernementale dans une année 2001 qui devrait être marquée par la traduction sur le terrain d'une véritable ambition pour la ville. L'enjeu et les attentes sont telles que c'est dans un esprit d'encouragement et de vigilance que les députés communistes voteront ces crédits.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Nous allons maintenant entendre six orateurs qui ont des questions à poser. M. le ministre délégué répondra globalement.

La parole est à M. Jean-Marie Bockel.

M. Jean-Marie Bockel.

C'est, monsieur le ministre, manifestement, un bon budget. Cela dit, et vous le savez, dans la politique de la ville, il y a ce qui marche et ce qui ne marche pas. Je pratique une politique de la ville avec détermination depuis assez longtemps pour avoir rencontré des réussites et des échecs.

Les échecs d'abord, ou les non-réussites : ce sont les quartiers qui continuent à se dégrader, à se ghettoïser, à voir fuir l es habitants qui le peuvent, éloignant encore l'objectif de mixité, éloignant les limites de la démarche des contrats de ville, y compris intercommunaux. L'évaluation de nombreuses actions n'est pas évidente, les risques d'une trop grande dispersion rendent parfois dif cile la lisibilité des effets des politiques menées. Mais ce n'est pas la faute de votre ministère. Le nouvel élan nécessaire des contrats de ville passera par une capacité des acteurs locaux, c'est-à-dire l'Etat local, les collectivités et tous leurs partenaire s, à une remise à plat en profondeur. Il en va vraiment de la crédibilité, aux yeux notamment des habitants concernés, de la politique de la ville. Les réussites vont dans le sens de vos priorités et je voudrais pouvoir témoigner, par exemple, des projets de type Urban - j'en ai vécu un pendant quelques années : par la concentration sur un même territoire, pendant un temps long, de toutes les politiques, il permet à une action globale tous azimuts, transversale, forte, durable, de porter des fruits. Les quartiers repartent vers le haut. C'est bien la démonstration que la démarche du grand projet de ville peut être une bonne démarche. D'où un certain nombre d'attentes sur ces grands projets de ville.

D'abord, évidemment, l'attente de moyens suf sants. On est, aujourd'hui, avec les montants annoncés, en deçà de ce sur quoi nous pensions pouvoir compter, mais évidemment, en vous écoutant et en écoutant les perspectives de progression de votre budget, on peut se dire que, chemin faisant, cela devrait aussi pouvoir s'améliorer. Bonne méthode de travail, c'est peut-être le plus important. Vous avez raison, monsieur le ministre, il faut être vigilant, il faut évaluer, ce sont tout de même des enjeux forts. En même temps, faites con ance au niveau local et quand je parle du niveau local, c'est bien de la coopération entre l'Etat local et les collectivités locales qu'il s'agit. Il ne s'agit pas de ne pas regarder les choses de près. Mais acceptons une adaptation aux réalités locales, aux expériences nées de projets précé dents, et évitons une trop grande complexité. Attention à l'usine à gaz ! De manière plus générale, comment concilier le retour au droit commun que plusieurs d'entre nous ont souhaité - et cela vaut aussi, d'ailleurs, pour nos propres administrations locales dans les quartiers - et l'objectif de donner plus à ceux qui ont le moins ? En fait, je reprends bien volontiers la phrase de Patrick Braouezec : donner autant à ceux qui ont le moins. L'image de


page précédente page 08426page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

la destruction des tours, c'est bien ; je l'ai fait, je le ferai encore, mais cela ne doit pas masquer la crise profonde de certains territoires et notamment des territoires de quartiers anciens, d'habitat non vertical où il y a souvent autant de problèmes.

Aujourd'hui, la politique de la ville, y compris les grands projets de ville, ne peut réussir qu'articulée étroitement dans le cadre de ce qui pourrait être peut-être une priorité nationale, au même titre que l'emploi. Priorité au « vivre ensemble », en évitant d'isoler tel ou tel aspect, comme la sécurité. Dans le cadre de cette priorité, c'est l'articulation étroite qui importe. La politique de la ville, prise au sens large, doit être articulée aux politiques éducatives, à des politiques de responsabilisation des familles, de sécurité et de justice de proximité - encore du ch emin à parcourir - elle doit être articulée aux politiques socia les et sanitaires, bien sûr, aux politiques d'intégration, à l'émer gence d'un islam français, en n, à l'accès à l'emploi.

Je pense que pérenniser les emplois-jeunes, et j'en ai fait beaucoup chez moi, n'est pas forcément la seule réponse ou la bonne réponse à la question. Je crois davantage aujourd'hui à tout ce qui se fait par le biais des plans locaux d'insertion à l'emploi, très dynamiques, par le biais, même en amont, de l'apparition d'écoles de la deuxième chance. Je crois à tout ce qui permet de redonner une chance à des jeunes en échec scolaire pour qu'ils deviennent « employables », c'est-à-dire en capacité de pro ter de la reprise. Cela me paraît encore plus important que les emploisjeunes à pérenniser. C'est cette articulation qui est, à mon avis, la bonne réponse. Si nous sommes capables de dire un jour que chaque jeune a la possibilité de porter de manière responsable et autonome son projet de vie dans notre pays, ce jour-là, nous aurons véritablement le critère de la réussite.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

La parole est à M. Guy Malandain.

M. Guy Malandain.

Monsieur le ministre, chers collègues, nous avons des moyens, des outils, une volonté politique pour un travail qui, nalement, ne sera jamais ni puisqu'il s'agit d'un travail de réparation et d'animation de la vie urbaine, d'une vie au quotidien dont nous connaissons certaines données, certains projets, certains objectifs, mais qui est tellement mouvante et changeante, que l'humilité et la ténacité, même par rapport à un budget de qualité, sont de mise.

A ce point de vue, je voudrais simplement faire part de trois préoccupations qui peuvent peut-être faire progresser notre ré exion commune et qui ne peuvent pas se traduire par simplement des nancements.

Première préoccupation, les restructurations urbaines, la mise en oeuvre des grands projets de ville. Là, il me semble que la dif culté, en tout cas celle que concrètement je rencontre, mais peut-être en est-il de même ailleurs, vient de la mobilisation dif cile des ensembles partenaires, en particulier des services de l'Etat, des services publics et des organismes HLM. Je m'explique. Je ne dis pas qu'il y a mauvaise volonté ou incompréhension des situations, mais simplement que, dans les systèmes de droit commun, nous ne pouvons pas mener rapidement et ef cacement des projets de restructuration urbaine.

Je donne deux exemples pour expliquer ce que j'indique tout à fait rapidement. Premièrement, je crains d'avoir épuisé toute mon énergie avant d'avoir obtenu de l'éducation nationale de pouvoir implanter un collège universitaire dans une zone de redynamisation urbaine plutôt que dans le quartier chic d'une agglomération. Deuxièmement, s'agissant de la gestion de certains organismes HLM en situation de dif culté, dans ces quartiers-là, puisque ce sont des quartiers où il y a un non-paiement de loyer et une vacance extrêmement importants, c'est dans ces quartiers que l'on demande un effort particulier aux organismes HLM. Nous remarquons bien la nécessité de sortir des habitudes du droit commun et parfois même des systèmes administratifs de droit commun. C'est une obligation si nous voulons répondre rapidement à la mise en oeuvre des crédits dont nous disposons et des volontés politiques qui sont les nôtres.

Deuxième préoccupation, à travers la politique de la ville, nous avons - « nous » général de responsabilité politique, Gouvernement, Assemblée Nationale et élus locaux - labellisé » un certain nombre de quartiers. Nous nous apercevons qu'autour de ces quartiers labellisés commencent à naître de façon assez rapide, mais suf samment rapide et bruyante pour que nous les voyions, des dif cultés qui annoncent que ces quartiers-là, dans un temps donné, si nous n'intervenons pas, seront dans la même situation que les quartiers labellisés. D'où la nécessité de ré échir à des politiques à plusieurs niveaux, peut-être, qui, au-delà d e la labellisation dans le cadre de contrats de ville ou d'une marque encore plus importante de volonté d'intervention dans le cadre des GPV, font que nous devons avoir un regard très attentif sur l'évolution de quartiers qui, en ces temps, commencent à donner des signes à mes yeux très inquiétants.

En n troisième préoccupation, la situation à l'intérieur des quartiers en dif culté actuellement. Vous indiquiez précédemment monsieur le ministre, ou peut-être n'ai-je pas saisi tout à fait le contenu de votre propos, qu'un certain nombre d'indicateurs montraient que les tensions baissaient. Je suis perplexe à propos de cette donnée, pour deux raisons. Nous voyons réapparaître depuis quelque mois des signes de violence urbaine. Et nous voyons le sentiment extrêmement fort d'injustice et de frustration qui est en train de se développer dans un certain nombre de quartiers, en raison même de l'évolution positive de ce que nous appelons la reprise. Nous le voyons pertinemment au niveau des missions locales. Nous pourrions attendre, avec la reprise économique et la diminution du chômage, moins de jeunes fréquentant les missions locales, C'est le contraire. Nous voyons un nombre important de jeunes, mais très ciblés sur les quartiers en dif culté, venir à la mission locale. Beaucoup plus que l'année dernière et qu'il y a deux ans. Ils ont une problématique extrêmement lourde. La mise en adéquation professionnelle demandera un cheminement très long. A se demander si on ne va pas être contraint, dans une politique de remise à l'emploi - qui n'est pas la seule politique à mener, mais qui constitue quand même un élément fondamental de la politique de la ville -, de changer le système d'action. Au lieu d'avoir des institutions en des lieux donnés attendant que les personnes viennent, ne convient-il pas d'aller dans les quartiers à la recherche des personnes qui ne veulent pas ou qui ne peuvent pas s'adresser aux institutions, qui ne sont pas en situation psychologique ou culturelle de s'adresser aux institutions. Autrement dit, il s'agit de transformer la politique de la ville en actions sur le terrain plutôt que d'offrir des services localisés en des lieux précis.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

La parole est à M. Daniel Marcovitch.

M. Daniel Marcovitch.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais évoquer devant vous les problèmes d'une circonscription que vous connaissez bien, puisqu'elle est voisine de la vôtre et qui est ma circonscription. On a beaucoup parlé, tout à l'heure, de mixité sociale, de mixité de peuplement. Je voudrais vous parler de mixité économique, de mixité commerciale, de ce que deviennent actuellement certains quartiers qui se ghettoïsent progressivement autour d'activités économiques. Vous savez que la porte de la Villette est devenu certainement le lieu où l'on trouve le plus de boutiques cascher. Une communauté juive importante se forme, s'est formée et se referme aussi sur ces quartiers. Vous savez que le haut du faubourg Saint-Denis, au niveau de la Chapelle, est devenu le quartier indo-pakistanais de Paris. Il n'y a plus d'autres commerces ni d'autres activités que ces activités indo-pakistanaises. Vous savez que dans le quartier Château-Rouge, les commerces exotiques sont les seuls aujourd'hui à exister, ce qui crée un problème pour les populations plus traditionnelles, plus anciennes, qui ne parviennent plus à s'approvisionner.

Face à ces spécialisations, qui ne sont pas des spécialisations sociales mais qui nissent par entraîner des ghettos, la réponse est souvent la création, comme on le voit actuellement, d'hyper centres commerciaux, de centres spécialisés. On a porte d'Aubervilliers, sur Paris, 100 000 m 2 de bureaux en préparation, 100 000 m 2 de commerces dans un centre commercial régional.

De toute façon, on ne risque pas ainsi de favoriser une mixité urbaine dans la mesure où l'on sait que cette évolution entraînera la disparition des activités traditionnelles et donc un renforcement, certainement, de toutes les activités communautaires et communautaristes et d'activités particulières.

Quel type de politique peut-on avoir au niveau commercial qui, progressivement, permette de faire en sorte qu'il y ait une mixité pour les gens qui habitent sur place ? Il ne s'agit pas d'avoir, dans certains quartiers, des lieux où se trouvent réunie la


page précédente page 08427page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

totalité de l'offre pour toute une population. Nous savons que la majeure partie des juifs d'Ile-de-France vient se fournir porte de La Villette, que la totalité des Indo-Pakistanais de la région Ilede-France vont au Faubourg Saint-Denis. Il en va de même avec les Africains et les Antillais pour le quartier Château-Rouge. On voit progressivement les habitants qui étaient là depuis longtemps quitter les quartiers parce qu'ils ne trouvent plus simplement le moyen de s'approvisionner ni même le moyen de trouver de quoi continuer à se nourrir comme ils le faisaient auparavant.

C'est la question que je voulais vous poser, c'est ce problème de la non mixité commerciale qui favorise ensuite la getthoïsation pour des raisons tout à fait évidentes de capacités de la vie locale.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen.

Monsieur le ministre, vous avez su, en deux ans, augmenter assez considérablement les budgets alloués à la politique de la ville ; vous avez su af cher une politique qui est devenue une priorité du gouvernement.

Nous avons signé, ou presque signé, l'ensemble des contrats de ville, ce qui veut dire que nous sommes en ordre de marche.

Mais je crois qu'il ne faut pas se leurrer : on s'attaque quand même au dé majeur, c'est-à-dire que même si un travail est accompli, que l'on peut saluer, il est évident que la tâche sera dif cile, rude, et que le succès sera toujours relativement mitigé tellement le travail est encore devant nous. Cela dit, je voudrais essayer de pointer, en quelques minutes, les dysfonctionnements dans les précédents contrats de ville. Vous aviez su mettre l'accent sur les démarches à suivre a n de faire face à des dif cultés rencontrées ces dernières années.

Tout d'abord, quand on parle des services publics, il est évident que dans le débat général, très souvent, pas trop parce qu'il est vrai que c'est important aussi - on met en avant le dysfonctionnement des services publics dans les zones rurales, dans les zones où il y a une dif culté à préserver ou à rétablir réellement la notion ou les valeurs du service public. On sent bien que, d'une manière confuse, dans les quartiers, les services publics sont en dif culté ou sont en insuf sance, mais il n'y a pas de message suf samment clair. Personnellement, je crois que l'évolution des contrats de ville doit nous amener à une globalisation des réactions des services de l'Etat. Dans certains contrats de ville, il y a la volonté de détacher de chaque administration des coordonnateurs ou des personnes plus habilitées à parler de la politique de la ville. Votre ministère devra, me semble-t-il, peser énormément pour qu'elles ne soient pas à la disposition des logiques des administrations ou des services publics cloisonnés et avec leurs logiques propres. Il faudra qu'il y ait bien de la part de la politique de la ville, une volonté, une fermeté sur l'implication de tout ce qui est administration et Etat dans les quartiers et dans nos villes. Cela me semble relativement important, parce que, à un moment où nous avons une réforme de l'Etat, une modernisation des services publics, il est fondamental de n'avoir pas la mise en place d'une juxtaposition de logiques de modernisation différentes. Et l'expérience dif cile des quartiers doit conduire à être l'incandescence de ce qui fait réellement la volonté de ce pourquoi les services publics doivent être forts dans nos villes.

Le second point, et c'est certainement l'originalité de la nouvelle génération des contrats de ville, concerne la place des citoyens. Vous y avez mis l'accent. Il est clair que l'on ne peut pas se permettre de faire un bilan dans trois ou quatre ans qui montrera qu'il y a eu encore une distance par rapport aux publics en faveur desquels nous essayons de mettre en place une politique de la ville. Un bilan qui montrerait qu'il y a une sorte d'institutionnalisation des relais. Il faut qu'il y ait réellement un lien direct entre les personnes pour lesquelles nous nous battons, pour lesquelles nous essayons de mettre en place réellement des dispositifs de lutte contre les inégalités, des dispositifs d'inté gration et d'insertion, que ce soit économique ou citoyenne. Cela me semble d'autant plus important que, d'une manière générale, la plupart de ces citoyens sont des gens exclus, Pour eux, il n'y a même pas de suspicion par rapport à la politique, parce que je crois qu'ils ne savent même pas ce qu'est la politique, ils ne savent même pas ce que sont les institutions, ils ne savent même pas ce que sont les dispositifs mis en place. Il me semblerait intéressant d'avoir globalement, sur les différents contrats de ville, la création d'une charte qui permette à terme, en tout cas assez rapidement, l'institutionnalisation de la parole et de la place des citoyens.

Il est évident que l'on ne peut pas le faire d'une manière arti cielle. Il serait donc peut-être intéressant déjà, dans l'année 2001, de faire un rassemblement national où il pourrait y avoir une sorte de confrontation de tous les acteurs locaux avec les élus et les acteurs professionnels, a n qu'il puisse y avoir un échange et qu'il puisse aussi y avoir une sorte d'émergence de charte qui pourrait déboucher sur une réelle institutionnalisation de la démocratie locale. Si on ne commence pas par ces quartiers - là, je pense que l'on se sera encore trompé.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

La parole est à Mme Benayoun-Nacache.

Mme Benayoun-Nacache.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite souligner la nécessaire transparence qui doit présider à l'attribution des crédits très importants - on le constate dans ce budget 2001 - consacrés à la politique de la ville dans la gestion municipale. En effet, le gouvernement ayant la maîtrise des crédits accordés, il est nécessaire qu'il se do nne des garanties quant à la gestion des attributions par les collectivités locales, et notamment les municipalités lorsqu'elles ne sont pas en accord avec la majorité gouvernementale.

A n que les dispositifs mis en oeuvre répondent aux besoins réels de la population, dans la plus grande transparence, je souhaite savoir, monsieur le ministre, de quel moyens d'action, d'information et de contrôle dispose une minorité municipale face à une majorité réticente quant au respect des critères d'a ttributions édictés au niveau national pour la politique de la ville ? Je souhaiterais donc connaître les moyens que se donne le Gouvernement pour la bonne application des mesures qu'il prend, en particulier dans le domaine de la politique de la ville qui met face à face plusieurs entités chargées de gérer localem ent cette politique, lesquelles ne sont pas toujours d'accord entre elles, ni avec l'orientation politique contenue dans les mesures nationales.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge.

Monsieur le ministre, comme mes collègues, je constate que les moyens et les outils sont là. Je n'insisterai pas sur cet aspect des choses, mais je tenais tout de même à faire remarquer que l'effort est exceptionnel, compte tenu de l'interministériel évidemment. Je me bornerai à trois observations.

Premièrement, lorsque l'on croit que tout va bien dans un quartier, les choses peuvent malgré tout aller très mal. Nous sommes en fait dans un système très fragile. Nous le savions depuis très longtemps, mais je le répète parce que, justement, la question politique à nous posée n'est pas seulement une question de moyens ou d'outils. Il s'agit de savoir gérer la fragilité, l'é motion et la passion. Oui, nous sommes dans des situations de ce type. Je n'en dis pas plus, mais cela me conduit à une deuxième observation.

Deuxièmement, il existe, incontestablement, une crise de l'institutionnel en France, mais pas seulement de l'Etat. Les collectivités ne sont pas plus capables que l'Etat, face à cette situation de fragilité et de passion, de réagir en temps réel, d'anticiper, de coller au terrain, de savoir gérer, de démonter les mécanismes conduisant à une situation que l'on essaie de traiter ensuite mécaniquement, souvent, mais dont on n'a pas compris les ressorts subtils qui ont l'engendrée. Il y a un problème permanent de décryptage, de gestion dans la durée. Le système pose un gros problème au monde institutionnel. Je ne le dis pas de manière négative, parce que, je le pense, c'est grâce à la politique de la ville, à ce qu'elle nous permet de voir et de traiter, que l'on peut mettre du relationnel dans l'institutionnel. C'est une voie majeure pour la réforme du système institutionnel. Si je dis cela, c'est, comprenez-le, de manière extrêmement positive.

Troisièmement, je voudrais bien que la politique de la ville, justement, ne reste pas d'une certaine manière une politique d'exception. Je voudrais qu'elle devienne le droit commun pour tous. On ne pourra pas rester dans des systèmes d'exception, des


page précédente page 08428page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

systèmes de subventions exceptionnelles, des périmètres. Je ne dis pas qu'il ne faut pas en passer par là, à un moment donné, mais il faut ouvrir ensuite la totalité de l'espace, des institutions et des modes de fonctionnement.

Dans le fond, la politique de la ville, parce qu'elle aura été une confrontation avec un réel que nous n'avions pas vu pendant un temps, nous a conduit à remettre le droit commun à un autre niveau. Je rejoins en cela, mais en m'exprimant d'une manière différente, ce qu'a dit notre collègue Malandain. C'est vrai que souvent on af rme : « avec le droit commun, on n'y arrivera pas ». Si, il faut y arriver avec le droit commun. Il faut changer le droit et les comportements. Cela nous renvoie à ce qu'ont dit tous nos collègues. Il s'agit du positionnement de l'Etat qui est, parmi tous les acteurs, l'acteur majeur. Il faut que l'Etat soit excellent là où il doit l'être. Je note d'ailleurs que la justice - et Dieu sait si elle est en première ligne - a fait un excellent travail avec les maisons de justice. On voit là le changement concret. C'est la mise en oeuvre très concrète du thème de la transformation de l'Etat, de ce nouveau mode relationnel et nous en avons créé les uns et les autres. J'en vois vivre une, très près, dans ma circonscription, à Joué-lès-Tours. Le suc cès est considérable ! Pourtant, le procureur de la république n'y croyait pas lui-même ! Le positionnement de l'Etat est intimement lié à sa réforme, on ne peut pas séparer les deux question s. Tout le monde le dit, au bout de tout ce que l'on a fait depuis tant d'années, on en arrive aux vraies questions qui se posent à nous pour éradiquer un certain nombre de choses. Il s'agit non seulement de l'Etat dans ses compétences, mais de l'Etat dans son comportement.

Dans les préfectures, quand vous voyez la queue pour les démarches relatives à l'immigration, aux cartes grises ou à l'é tat civil, il y a souvent, c'est encore vrai, une ambiance détestable, inadmissible. Ce n'est pas dans le quartier que cela se passe, c'est la préfecture. Je l'ai dit à mon préfet, il y est sensible, mais i l n'y a rien à faire. Les gens sont maltraités, mais tous, y compris ceux, surtout ceux qui viennent de ces quartiers. C'est ainsi.

L'institution n'est pas perçue comme étant au service des habitants. On est sous sa tutelle et traité d'une manière inélégante pour le moins. Il y a une révolte latente, notamment parmi les jeunes. Les jeunes sont solidaires, ils se solidariseront dans la délinquance, si nous ne sommes pas capables de les solidariser pour le meilleur. C'est clair, nous l'avons toujours vu. Vous savez, la délinquance et le recel, d'autres activités encore que nous dénonçons, sont des thèmes majeurs de solidarité pour toute une jeunesse et toute une génération. Après tout, c'est là que l'on se fait ses amis. Et c'est là que l'on se défend les uns et les autres, face à un monde qui ne nous a pas reconnus, qui ne nous aime pas et qui nous maltraite.

Vive la politique de la ville si elle nous a fait comprendre cela ! Et vive la réforme de l'Etat dans son comportement relationnel ! Mais les services des collectivités locales aussi. Pour l'accueil dans les mairies, c'est pareil, il y a la façon de répondre au téléphone, la gentillesse que l'on peut avoir, la voix aimable.

Finalement, nous avons beaucoup de moyens, c'est bien. Il faut savoir les consommer rapidement. Je voulais poser une question à ce sujet, vous avez répondu. Il faut surtout une révolution culturelle, je l'ai dit dans ma question. C'est par l'esprit que nous changerons les choses.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le ministre, vous allez maintenant répondre à l'ensemble des intervenants.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Vous me donnez combien de temps ?

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Disons jusqu'à midi !

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

D'abord, monsieur le président, je tiens à vous remercier, ainsi que les trois rapporteurs qui, quelle que soit leur personnalité et quel que soit leur mode d'entrée dans le dossier, ont tous constaté l'augmentation réelle et forte de ce projet de budget.

J'aurais pu être plus vantard encore en vous parlant de l'augmentation. Je l'ai présenté à périmètre constant, mais si j' avais allongé le périmètre en intégrant les adultes relais et les dif férentes mesures nouvelles, il aurait pu être question d'une augmentation de 70 %. C'est pour permettre une comparaison objective par rapport à l'année dernière, que j'ai souhaité vou s le présenter sous la forme que vous connaissez.

Pour répondre, d'abord, à une remarque de Pierre Cardo, vous avez pu constater que, depuis l'année dernière, les interventions des autres ministères, c'est ni. Plus d'éclatement. Il ne reste que les 60 millions de francs qui dépendent du ministère de la culture. A un moment où le ministère de la culture essaie de tendre vers le 1 %, je n'ai pas voulu réduire le mouvement.

Soyons clairs, j'ai préféré qu'il puisse y avoir encore un lien entre le ministère de la culture et nous.

Ces transferts, pourquoi ai-je souhaité les arrêter ? J'avais eu l'occasion de vous le dire dès l'année dernière. Je ne veux pas que tous les autres ministères aient l'impression d'avoir payé leur quote-part à la politique de la ville pour ainsi se sentir dédouanés. Les crédits de la politique de la ville doivent être utilisés d'une manière intelligente pour inciter les autres grands ministères à changer leurs pratiques.

Les véritables crédits de la politique de la ville sont les crédits de droit commun. La ville n'est pas un instant de la structuration de la société française. Elle est notre avenir d'une maniè re inéluctable, nous en prenons conscience lorsque nous savons à quel taux elle évolue. En France, c'est au niveau de 1 %. Les villes qui évoluent le plus vite en termes de formation ou de déformation le font à hauteur de 3 %. Nous sommes sur la durée, et pour longtemps. C'est un élément que nous devons garder à l'esprit, parce que c'est dans la modi cation des pratiques des grands ministères que nous obtiendrons les meilleurs résultats de la politique de la ville. C'est le cas actuellement aux niveaux du ministère de la Justice, du ministère de l'intérieur ou du ministère de l'éducation nationale - je souhaiterais là un r enforcement de la tendance.

Les crédits de la politique de la ville doivent surtout être utilisés pour rendre possible des montages qui, compte tenu de leur surcoût, ne seraient pas montables simplement avec des crédits de droit commun. Le jour où nous y arriverons, croyez-moi, nous serons dans une autre situation en termes de révolution culturelle. J'insiste sur ce point en particulier compte tenu de l'intervention de M Mignon, que je comprends parfaitement d'ailleurs. Il existe une majorité et une opposition, il fallait donc aussi trouver des points sur lesquels nous devions nous opposer.

Mais le travail que nous avons fait, je souhaiterais m'en honorer.

Au travers des trois budgets que j'ai eu l'occasion de vous présenter, non seulement j'ai essayé d'améliorer la présentation, d'aller vers la simpli cation, mais je me suis aussi efforcé de rendre la présentation encore plus honnête pour que nous sachions les uns et les autres exactement où nous en sommes sur un sujet socialement aussi sensible, pour que nous sachions comment nous pouvons réellement mobiliser l'ensemble des crédits.

Un mot sur l'intervention de Patrick Braouezec, car je voudrais compléter ma réponse du début de la séance. Je ne sais pas si Patrick Brouezec était déjà arrivé. Nous avons d'ailleurs dé jà eu ce débat l'année dernière, mais soyons encore plus clairs, je vais revenir sur la mixité sociale. Elle ne peut pas être, elle ne sera jamais, ce sentiment qui peut exister parfois dans un certain nombre de villes, en fonction de la personnalité des élus, un sentiment qui conduit à dire : « nalement, nous irons mieux lorsqu'une partie de la population aura été chassée ». Non, la mixité, ce ne peut pas être cela.

La politique de la ville consiste déjà à dé nir quels sont les droits, quel est l'accès au droit, et de garantir l'exercice de ces droits pour la population là où elle se trouve. A partir de là, nous voyons comment il peut y avoir mixité sociale. En garantissant les droits, il s'agit de d'améliorer, par des restructurations, des opérations de démolition, de reconstruction de l'activité économique, d'améliorer, pour le quartier et pour les habitants du quartier, l'image et la situation de ce quartier.

Je prends toujours l'exemple de Vaulx-en-Velin parce que c'est peut-être le plus parlant, puisque cette ville a quand même été à l'origine, d'une certaine manière, du ministère de la ville, de la délégation interministérielle et de la ré exion qui a été la nôtre. C'est parce qu'il y a eu une intervention de sécurité, d'emploi, d'éducation nationale, qu'il existe, de nouveau, la possibilité d'implanter des programmes d'accession à la propriété dans cette ville de Vaulx-en-Velin, une accession à laquelle aspirent non seulement des habitants de cette ville, mais aussi


page précédente page 08429page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

des personnes de l'extérieur. C'est parce qu'une population différente arrive que l'image des habitants de ces quartiers se trouve revalorisée.

Quant à la discrimination positive, il faudrait être très précis sur les mots. J'accepte encore cette expression, mais pourquoi ? Parce que, dans des endroits où il y a un tel retard en termes de services publics ou d'intervention de l'Etat, si on ne donne pas plus que la moyenne nationale, on ne rattrape jamais l'écart.

C'est ce que je disais pour l'emploi. Dans un certain nombre d'agences locales pour l'emploi, on constate aujourd'hui un recul du chômage, descendu jusqu'à la moyenne régionale, mais ce n'est pas suf sant. Si on ne donne pas plus que la moyenne, nous nous retrouverons avec un écart trop important. Je cite souvent un exemple que j'ai eu l'occasion de constater à Strasbourg lors de mon dernier déplacement. Le taux de chômage dans le département est à maintenant 4 %. Les économistes parlent là réellement de chômage résiduel, mais le taux de chô mage au Neuhoff est de plus de 28 %. S'il n'y a pas, pour les habitants de ces quartiers, une croissance plus forte que la moyenne départementale, il y aura un sentiment terrible dans toute une partie de la population. Il suf t de vivre dans ces q uartiers pour comprendre. Certains de ses habitants comprennent vite, ils se voient, ils voient bien la couleur de leur p eau, ils voient bien leurs caractéristiques physiques, ils entendent la consonance de leur nom et de leur prénom et ils se disent : « nalement, on sait très bien pourquoi on est au chômage, c'est parce qu'à une, deux ou trois générations, on est issu de l'immigration ». Même lorsque l'on est soi-même Français, on a l'impression de subir encore ce qu'ont eu à subir les parents ou les grands frères. Soyons clairs sur ces points, sur ces éléments en quelque sorte de sémantique. Il faut que le vocabulaire soit réellement éclairci pour donner du sens à notre action.

Maintenant, permettez-moi, messieurs, mesdames les députés, de revenir sur les questions que vous avez eu l'occasion de poser les uns et les autres. Vous l'avez compris, au l de mes interventions, la question essentielle est, pour moi, celle de l'emploi.

A partir du moment où la question se pose, pour éviter ce qui a été signalé au sujet d'un sentiment d'inégalité qui engendre la violence, c'est vrai que nous sommes dans une situation différente. La population de nos quartiers n'est plus dans la situation d'il y a encore quatre ou cinq ans, quand l'on pouvait dire que le pays est en crise, et que donc la population de ces quartiers l'était aussi. Ils s'en rendent compte, et c'est assez signi catif. Ouvrez les journaux, écoutez la radio, regardez la télévision , la véritable mesure de la reprise économique pour des populations qui s'intéressent terriblement aux moyens de communication, c'est la publicité. Cette publicité, elle a changé, elle leur parle d'une société où le bonheur - on peut le déplorer c'est la consommation. Du coup, leur chômage, leur fragilité, les plonge dans une situation de révolte bien plus grave que celle qui pouvait exister il y a cinq ans.

A l'évidence, c'est parce que les choses vont mieux qu'il faut renforcer l'action. Il suf t de discuter avec bon nombre d'entre vous pour se rendre compte qu'aujourd'hui la reprise économique est en train de paupériser encore plus un certain nombre de nos quartiers où à la fois, les tendances, en termes de réussite scolaire, de sentiment de sécurité ou de taux de chômage, sont en train de renforcer la ségrégation dans un certain nombre de quartiers. On a quelquefois le sentiment que ces indicateurs jouent comme une véritable « pompe à misère ». Les plus fragilisés se retrouvent encore plus captifs dans ces quartiers pendant que celles et ceux qui retrouvent un emploi, même lorsqu'ils constatent que nous avons agi dans leur quartier, ont l'impression que celui-ci est stigmatisé. Si stigmatisé que leur première volonté, en retrouvant du travail mais aussi de l'espace dans leur propre vie, que leur première volonté est de partir. En somme, c'est parce que les choses vont mieux qu'il faut renforcer l'action.

Et là, mesdames, messieurs, il y a à la fois les outils de la politique de la ville, ceux que vous retrouvez dans ce budget, et, comme bon nombre d'entre vous l'ont dit, l'intervention générale de l'Etat et du privé. Le retour à l'emploi ne peut pas être simplement une affaire de l'Etat. Lorsque j'entends un certain nombre de chefs d'entreprises se plaindre du manque de salariés, du manque de main d'oeuvre, lorsque je vois la courbe de la population qui travaille dans nos entreprises et que j'enregistre les chiffres des départs en retraite dans les quatre ou cinq ans qui viennent, je dis qu'il est vraiment indispensable que les chefs d'entreprises s'intéressent à la population des quartiers populaires. Quelles que soient leurs réticences, ce sont les salariés de demain. Là-dessus, il faut que l'on soit très clair dans le discours. Je rencontre souvent les représentants du Medef ou les représentants des différents organismes patronaux. On nous parle souvent de la reprise économique aux Etats-Unis. Or les EtatsUnis ont remis au travail une main-d'oeuvre dont le niveau de quali cation est inférieur à la moyenne de la quali cation des salariés ou des chômeurs français. Les plus fragilisés ont enco re une meilleure formation en France qu'aux Etats-Unis.

Sur ce point, soyons clairs. J'entends, et je lis, un certain nombre d'articles sur l'indispensable reprise de l'immigration.

D'abord, à mon avis, dans une Europe qui comprend encore des millions de chômeurs, ce serait quelque chose qui, socialement, serait catastrophique. Ensuite, là aussi, parlons clair. S'il s'agit, d'aller chercher des professions de santé, des informaticiens, s'il s'agit d'aller chercher celles et ceux qui ont reçu un niveau de formation supérieur à la moyenne, grâce à un effort important des pays dans lesquels ils sont, c'est d'une nouvelle forme de néocolonialisme qu'il serait question. Alors que ces pays font un effort pour constituer leur structuration politique des années à venir, on irait les chercher ? Et, je le répète, s'il s'agit d'une population moins quali ée que la moyenne générale, elle est aussi moins quali ée que les habitants qui vivent aujourd'hui dans nos quartiers populaires.

C'est un vrai débat que nous devrons mener avec le privé pour remettre en cause les structures de formation des régions, en particulier des régions qui sont peut-être trop axées sur de la formation de niveau V et pas assez sur de la formation de niveau IV. En tout cas, il faut bien faire comprendre aux entreprises que leurs salariés de demain sont d'ores et déjà à leur disposi tion dans les quartiers, notamment dans les quartiers populaires, qui sont plus jeunes que la moyenne nationale. Certes, il y a encore des comportements racistes, des comportements de stigmatisation. Je le dis souvent aux chefs d'entreprise : « Il faudra les combattre, parce que c'est votre propre intérêt. Je ne vous parle pas d'entreprises citoyennes, je vous parle de votre propre intérêt. Si vous avez envie de faire des pro ts dans les années qui viennent, si vous voulez tourner, il vous faudra à vous, entreprises, des salariés ». Autant déjà se poser la question. Mais il est indispensable, en termes de politique de la ville, d'avoir des outils particuliers pour conjuguer, ce qu'un certain nombre d'entre vous ont mis en avant, l'immédiat, le moyen et le long terme.

Dans l'immédiat, nous sommes obligés de conduire des actions permettant de faire revenir l'ambiance de l'emploi dans les quartiers. D'où le renforcement des emplois-jeunes, l'amélioration des programmes TRACE, la ré exion. Un certain nombre d'entre vous ont fait référence au rapport Picard-Brévan à propos de tous ces métiers de médiation qui ne seront pas qu'un moment dans la vie de nos villes. On se rend bien compte de l'importance de ces métiers. Il nous faut d'ores et déjà ré échir, au-delà des emplois-jeunes, à la manière dont il faudra modi er les structures d'emploi de la fonction publique pour tenir compte, au-delà de ces emplois-jeunes, du besoin de médiation.

C'est pour cette raison que nous avons voulu lancer le programme de 10 000 adultes relais. Là aussi, l'avantage de la politique de la ville, c'est que, bien souvent, il suf t de vous écouter, mesdames, messieurs, pour prendre des mesures. On voyait bien l'image négative que pouvaient donner un certain nombre d'enfants eu égard à la situation de leurs parents durablement au chômage. Dans le même temps, nous connaissons les uns et les autres, nous l'avons vu au moment de l'apparition des femmes relais, l'importance que peuvent prendre des adultes reconnus comme de véritables médiateurs dans leur quartier. Il fallait les consolider dans ce rôle de médiateur pour pouvoir prendre contact avec les parents les plus éloignés du système scolaire, pour pouvoir intervenir en termes de médiation en direction des parents ou des familles les plus éloignés du mot, du langage et de la maîtrise du français, bref, pour à la fois redonner l'image de l'adulte au travail le plus rapidement possible dans ces quartiers populaires et pour renforcer un travail de médiation dont il serait dif cile de se priver aujourd'hui compte tenu des différents constats que nous avons pu faire les uns et les autres sur


page précédente page 08430page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

l'amélioration de l'ambiance des quartiers dans le cadre du retour à la médiation ou de l'institution de la médiation. Et il nous faut avoir des outils particuliers pour le développement économique et le développement de l'emploi. Là aussi, les mesures sont issues du travail parlementaire, je ne suis pas allé chercher loin. J'ai pris les conclusions du rapport RobinRodrigo-Bourguignon. Nous avons essayé d'avoir, là aussi, une démarche très pragmatique.

Monsieur Mignon, vous dites : « Il y a baisse des crédits pour les crédits sur les ZFU ». Oui, pour les zones franches, c'est une décision que nous avons prise et qui a été présentée à l' assemblée nationale. Nous avons décidé de moraliser le dispositif des zones franches et nous avons décidé que devaient en sortir un certain nombre d'entreprises qui se servaient du système simplement pour avoir une boîte aux lettres, pour saisir l'effet d'aubaine. Il s'agit de redonner du sens à ce dispositif et d'en tirer les conséq uences, pas simplement sur quarante-quatre sites : sur l'ensemble des sites qui avaient besoin de cet outil économique.

Je vous ferai remarquer, monsieur le député, qu'alors que ce n'était pas prévu dans le cadre du pacte de relance pour la ville, nous avons décidé de prolonger le dispositif de trois ans a n de permettre une sortie en sif et et a n que l'ensemble des entreprises et des salariés concernés par le dispositif puissent tomber après dans le dispositif ZRU renforcé, un dispositif qui permettra de mettre à la disposition des sites de la politique de la ville un outil économique et de l'emploi qui n'existait pas. Je ne reviendrai pas sur la liste de ces quarante-quatre zones franches urbaines. On se rend bien compte que ce ne sont pas forcément les quarante-quatre sites les plus dif ciles qui ont béné cié de ce dispositif.

C'est là que nous avons essayé de vous proposer un fonds de développement économique, 250 millions de francs. Avant de faire venir des entreprises nouvelles, il nous semblait utile d'aider au maintien des entreprises déjà existantes. Là, nous avons décidé de la plus grande souplesse possible pour que les préfets, au niveau de l'Etat déconcentré, puissent prendre en compte les charges spéci ques, celles que connaissent un certain nombre d'entreprises implantées dans nos quartiers. Un épicier dont la vitrine a volé quatre fois en éclat ne trouve plus d'assureurs ou paye une prime d'assurance de 120 % supérieure à celle de son collègue installé dans le centre-ville. Il est dans une situation d'inégalité. Je vois des professionnels de la santé qui, pour pouvoir simplement exister dans un quartier, sont obligés de prévoir une porte blindée, avec système anti-effraction. Ils ne sont pas dans la même situation qu'un certain nombre de leurs collègues installés en centre-ville.

Nous avons décidé de mettre réellement à disposition de l'Etat déconcentré ces moyens pour que, avant de parler du retour des entreprises, ou de l'installation de nouvelles entreprises, on puisse stabiliser le tissu existant. Là, nous avons décidé la création de l'aide minimum de 20 000 francs à tout habitant des quartiers populaires qui créerait un emploi. Nous avons peut-être tardé en termes de dé nition du mode d'emploi, si je puis dire. Pourquoi ? Parce que nous voulions être au clair, notamment avec les nances, pour que là aussi nous ne donnions pas naissance encore à une usine à gaz. Si l'on devait dire à ces habitants : « Vous pouvez béné cier de 20 000 francs, mais vous ne pourrez en béné cier que si vous obtenez un nancement différent », nous serions de nouveau parvenus à quelque chose qui ne donnerait pas les résultats escomptés en termes de création et en termes de soutien. Nous avons voulu, vous le constaterez dans les différents documents qui vous ont été remis, obtenir la possibilité de soutenir aussi les investissements d'entreprises qui joueraient le jeu du quartier avec une aide à l'investissement de 150 000 francs.

Pourquoi entrons-nous dans une procédure différente de celle des zones franches urbaine ? La raison en est simple. Aujourd'hui, dans le cadre des dossiers que nous demandons aux collectivités locales, nous ne voulons pas que la dimension du développement économique et du développement de l'emploi soit traitée à part du reste des outils de la politique de la ville. On voit bien que pour permettre un développement économique et un développement de l'emploi durable, il faut que, dans le même temps, les élus puissent conduire une ré exion en termes d e mobilité, d'emploi, de transport, d'amélioration de la sécurité, d'amélioration du bâti ou d'amélioration des terra ins mis à la disposition des uns et des autres.

Un mot encore pour rester dans le caractère à la fois pratique et philosophique de la politique de la ville. Je reprends une porte d'entrée, ouverte par M. Mignon, sur tout ce qui pouvait être mis à disposition des nouvelles technologies. Oui, nous croyons beaucoup, je crois beaucoup, que les élus, dans les années qui viennent, se serviront de plus en plus des nouvelles technologies. Mais, je le crois aussi, il est indispensable que la politique de la ville puisse intervenir pour permettre aux habitants des quartiers populaires d'avoir accès à la fois à ces machines et à ce réseau de communication.

C'est pourquoi, vous le verrez là aussi dans le budget, et vous le constaterez dans les mois qui viennent, nous avons prévu 2 500 points d'accès aux nouvelles technologies pour réellement donner un coup de main aux habitants et aux élus. Avant que l'invention de Gutenberg ne soit maîtrisée par l'ensemble de la population, elle ne doit pas être dépassée par une autre invention qui augmenterait les inégalités entre les uns et les autres.

Autre point extrêmement important en termes de philosophie de politique de la ville : à un moment donné, une partie des habitants, les habitants les moins fragilisés de notre société, s'aperçoit que la banlieue, c'est le monde, notamment avec la nouvelle technologie ; leur banlieue, c'est un monde qui devient de plus en plus petit pour une partie de la population la plus fragilisée. Jamais le monde n'a été aussi dimensionné. Bien souvent, pour les jeunes en dif culté, leur seule banlieue c'est la cage d'escalier. C'est aussi un élément qu'il faut avoir à l'espri t pour la mise au point d'outils de la politique de la ville car il s'agit de tenir compte, aussi, de ces éléments capables de provoquer à la fois une augmentation de la fracture sociale et d'aggraver à mon avis le sentiment de violence.

J'en reviens au fonds économique, et donc aux suites du rapport Robin-Rodrigo. Je reprends les questions qui ont été posées par les deux rapporteurs. Soutien à l'activité existante, aide aux créateurs, aide à l'investissement, aide à l'ingénierie de proj et, là aussi, il me paraît important qu'il puisse y avoir une ré exion sur la manière la plus cohérente d'agir sur les textes. Ces textes sont prêts, ce sera une circulaire. Nous pourrons donc expérimenter la mise en oeuvre dès le début de l'année 2001, avant l'apparition du décret d'application, et grâce au report des 100 millions de francs prévus en 2000.

Le léger retard au démarrage s'explique par les dif cultés de l'arbitrage. Je vous l'ai dit, ne nous cachons pas derrière la réalité. Il s'explique par la nécessité - j'insiste à nouveau s ur ce point - de ne pas faire encore une usine à gaz à propos d'un sujet nouveau pour l'Etat local. En outre, j'ai la volonté - j'insiste sur ce point également - d'associer le secteur privé à la dynamique. Ce sera certainement l'un des secteurs sur lequel j'essaierai de me mobiliser le plus en 2001 : sensibiliser le secteur privé à cette dynamique. Le lancement prendra d'ailleurs la forme d'une grande campagne nationale pour la revitalisation des quartiers n janvier 2001.

L'évaluation, je pense réellement que ce sera un élément nouveau en termes de politique de la ville. Si nous voulons vraiment nous rendre compte de ce que nous réussissons ensemble pour les habitants les plus fragilisés, même si c'est compliqué, il fau t que nous puissions avoir une idée de la manière d'évaluer. Là, j'insiste bien sur les pratiques des élus locaux, des collectivités locales, mais aussi sur les pratiques de l'Etat. Je ne voudrais pas qu'en termes d'évaluation nous assistions au retour du jacobinisme. L'évaluation se fait dans les deux sens : à la fois pour l'Etat, pour l'ensemble des grandes missions régaliennes de l'Etat, mais aussi pour les associations et pour les collectivités locales. Sur l'évaluation, un texte sera envoyé dans quelques jours aux préfets pour leur demander de préparer un dispositif d'évaluation, a n que les objectifs des contrats de ville soient mieux quanti és, a n mieux mesurer les résultats. Je ne veux plus que nous entendions : nous allons nous mobiliser pour faire reculer le chômage dans les quartiers populaires. Non, il faut que nous puissions dire : « voilà de combien nous voulons réussir à faire reculer ce chômage pour combler l'écart ». Pour que l'évaluation permette d'adapter chaque année les actions avec un bilan d'étape en 2003, c'est en effet une nécessité, comme bon


page précédente page 08431page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

nombre d'entre vous l'ont dit, de renforcer l'ef cacité et la visibilité de cette politique, même si c'est dif cile et que tout ne peut pas être quanti é.

S'agissant des différentes questions posées, notamment par Mme Robin-Rodrigo, sur les moyens de l'Etat, je répondrai que la DIV va être renforcée en 2001 par transfert de six postes en provenance d'autres ministères. Le renforcement sera consolidé dans le projet de loi de nances pour 2002.

Pour les préfectures, la circulaire que le Premier ministre va signer dans les tout prochains jours et qui va être envoyée permettra de renforcer l'Etat local en revalorisant les postes de souspréfets à la ville, en renforçant les missions ville, le cas éc héant avec la création de délégations inter-services et la nomination de délégués de l'Etat dans la plupart des quartiers. J'insiste sur ces délégués de l'Etat, mesdames, messieurs les députés. Je vous invite à prendre contact en particulier avec vos homologues du Rhône. Pourquoi tant d'importance ? Tout d'abord parce que cela a permis une présence de l'Etat dans les quartiers. Surtout ces délégués de l'Etat étant originaires d'administrations extr êmement différentes, ils ont permis de sensibiliser les différentes administrations à l'enjeu de politique de la ville.

J'ai encore dans l'oreille l'intervention d'une principale de collège qui me disait : « cela m'a beaucoup apporté à la fois dans ma pratique professionnelle, et dans les réunions qui se tenaient au rectorat. Je faisais entendre une musique qui n'avait pas droit de cité jusqu'à présent et qui a permis de tenir des réunions de formation ou de sensibilisation de l'ensemble des personnels de l'éducation nationale, qui prenaient en compte cette dimension de politique urbaine ».

Pour ce qui est de l'institut des villes, le démarrage est en cours. Le projet consiste également à s'appuyer sur les élus pour faire évoluer l'Etat. Les grandes missions de cet institut des villes seront d'être un véritable observatoire de la ville, le carrefour des recherches et des expertises, avec une formation de haut niveau et une action internationale, qui viendront, d'une certaine manière, compléter le travail de la conférence des villes. J'ai eu le bonheur de constater l'année dernière qu'en n les grandes organisations d'élus qui représentaient les villes avaient décidé d e se fédérer pour faire entendre leur voix dans de meilleures conditions.

Je dois vous dire, mais j'y reviendrai dans le cadre de ma réponse à M. Santini sur la dimension européenne, que l'on se rend compte que l'institut des villes et les missions qui lui ont été con ées sont de plus en plus à l'ordre du jour dans les différents pays européens qui s'intéressent à la politique de la v ille.

Chacun se rend compte qu'il faut des lieux de ce genre pour permettre les échanges de bonne pratique, les échanges d'informations, a n de se mettre en position d'in uence sur les futurs crédits européens d'après 2006, pour voir exactement comment on peut améliorer à la fois leur nalité et leur caractéristique urbaine.

A ce sujet, je dois dire encore que le commissaire Barnier, qui est intervenu à Créteil, comme le faisait remarquer M. Santini tout à l'heure, est tout à fait favorable à l'idée de ré échir non seulement à l'élargissement, mais aussi, d'ores et déjà, à u ne réorientation des interventions nancières concernant les fonds européens.

Monsieur Rimbert, s'agissant de la mixité sociale dans les quartiers anciens, je vous rappelle que certains GPV concernent ces quartiers. Par exemple, Mulhouse ou Roubaix, et Montpellier en partie. L'objectif des GPV consiste à régler les problèmes d'insalubrité ou de grande vétusté en intégrant du lo gement social. Vous avez eu l'occasion de le dire à de nombreuses reprises, pendant que vous aviez à défendre la loi SRU. Le logement social, ce n'est pas simplement de nouvelles constructions, c'est la reconquête du logement ancien, la possibilité de réhabili ter en installant du logement ancien, en aidant à la réhabilitation aussi du parc privé.

Pour ce qui est des équipes emploi insertion, - je crois que M. Mignon a évoqué ce point - ce ne sont pas 20 millions de francs qui sont prévus, mais 50 millions de francs, uniquement sur le budget ville, Des crédits viendront en plus de l'ANPE, du FSE, des autres partenaires. Au total, nous pensons à une mobilisation nancière de 150 millions de francs, mais je voudrais, d'ores et déjà, vous rassurer, monsieur le député, il n'est pas question de créer une structure nouvelle. J'ai eu l'occasion d'annoncer, dès la création des équipes emploi insertion, qu'elles viendront renforcer les dispositifs locaux existants.

Je n'ai aucune envie de voir d'un seul coup un homme ou une femme s'installer dans un bureau seul. Je veux qu'il ou elle vienne le plus souvent possible renforcer les missions locales, bref l'ensemble des services de l'emploi, en ayant en tête d'aller sur le terrain, rechercher ceux qui sont le plus éloignés des différentes structures. Il nous faut gagner aussi la sensibilisation à l a problématique emploi, à la problématique retour à l'emploi, au sens large, avec les différentes démarches que cela pourrait entraîner en termes de santé, de resocialisation. C'est vraiment dans cette optique que nous avons voulu mobiliser 50 millions de francs pour mon ministère, les 150 millions de francs que je viens d'évoquer pour donner plus de sens et de force à ces équipes.

S'agissant du point relatif aux correspondants de nuit, que vous avez évoqués, le rapport sur les métiers dit exactement l'inverse. Les emplois de médiation sociale, en particulier les correspondants de nuit permettent d'éviter une approche exclusivement sécuritaire du climat social dans les quartiers. C'est aussi cette approche qui évite de donner l'impression que, sur les problèmes de sécurité, nous jouons simplement au jeu de la « patate chaude », si vous pouvez me passer cette expression, avec le ministère de l'intérieur en lui disant de se débrouiller tout seul

Nous pensons réellement que la sécurité est une responsabilité partagée, qu'il y a un travail qui relève bien entendu essentiellement de la police. Ce ne peut pas être simplement ce travail qui nous permettra d'obtenir des résultats dans ce domaine.

Monsieur Cardo, vous avez évoqué un point qui sera à l'ordre du jour du travail en 2001, mais qui est déjà d'une très grande actualité, la gestion urbaine de proximité. Nous sommes en train d'essayer de faire un gros effort sur ce point. La situation reste néanmoins inégale. On voit bien que c'est presque d'of ce à of ce qu'il s'agit d'apprécier pour juger de la situation. En tous les cas, c'est une exigence dans les conventions GPV et les contrats de ville. Un renforcement de la ligne budgétaire qualité des services à hauteur de 100 millions de francs concernant le ministère du logement permettrait de remettre à niveau les parties communes des immeubles et les abords. Vous avez évoqué, s'agissant des crédits GPV, les 20 % prévus pour le fonctionnement. Je dois vous dire que les trois points que vous avez soulevés pourront être nancés dans le cadre de la part fonctionnement, mais ce sera écrit d'une manière plus précise s'il le faut.

Monsieur Bourguignon, s'agissant des fonds de revitalisation économique, de l'éligibilité, en principe dans les contrats de ville, les projets du secteur privé, j'ai eu l'occasion de le dire tout à l'heure, la simplicité sera le principe. Des discussions dif ciles, je le redis, sont en cours avec le ministère des nances. Je reviens sur la prime de 20 000 francs pour tout créateur si le projet est bon. Je ne souhaite pas que le montant soit subordonné à l'obtention d'autres aides, j'ai eu l'occasion de vous le dire. Voilà sur ce point. En ce qui concerne la mutualisation dans les GPV, les GIP mis en place la permettront pour le fonctionnement et même l'investissement, mais c'est moins problématique pour l'investissement.

Pour les services publics, la mise en oeuvre du CIV est achevée. Le Premier ministre a signé le 9 septembre une circulaire aux ministres leur demandant de renforcer la présence des services publics et d'aider les agents concernés. Il va signer, dans les jours à venir, une circulaire aux préfets leur demandant d'élaborer des projets de services publics de quartier qui seront mis en oeuvre par les délégués de l'Etat De plus, le Premier ministre demande dans cette circulaire, en plus des délégués de l'Etat, le renforcement des missions villes dans les préfectures.

Sur les questions posées par M. Santini, l'analyse du rapport, établi par la fédération des maires des villes moyennes, sur les nancements croisés, m'évitera d'entrer dans l'analyse longue de ce dossier, d'autant plus qu'il ne s'agit pas forcément que de la politique de la ville. Néanmoins, je voudrais faire remarquer qu'on ne peut nier la réalité, la complexité des nancements publics. Cela s'explique d'abord par les blocs de compétence issus des lois de décentralisation. De fait, ils doivent souvent être rassemblés pour conduire une action. Ensuite, les nancements publics relèvent des impulsions que l'Etat et les collectivités souhaitent donner au développement local. Il y a dans le cadre de


page précédente page 08432page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

l'action sociale, le rôle d'impulsion non seulement de l'Etat mais aussi des collectivités, régions et départements, qui lancent des appels à projets, pour le développement économique et plus généralement local.

Mais nous pouvons améliorer la situation en donnant plus de place aux contrats, en expliquant ce que constitue réellement le GIP qui permet cette programmation, mais aussi la gestion de nancements croisés. Il sera possible d'utiliser la proposition de loi relative à la réforme de l'ordonnance de 1959, dont parle régulièrement M. Migaud, pour aborder la question de la simpli cation des nancements croisés.

Quant à l'Europe, c'est une question tout à fait importante compte tenu des nancements qu'elle consacrera à la politique de la ville, à la fois dans le cadre de l'objectif 2 et dans le cadre du programme que nous avons sauvé, Urban. Un certain nombre de sites seront concernés par le nouveau programme. Je crois qu'il était important d'insister sur son apparition et d'insister peut-être sur le fait que, pour la première fois, un rapport propose un programme de coopération pluriannuelle pour les politiques urbaines en Europe, un programme qui va au-delà de l'attribution, certes nécessaire mais insuf sante, des fonds structurels. La proposition résultant de ces travaux, adoptée à l'unani mité par les Etats membres le 6 octobre dernier au CDS de Marseille, sera débattue par les ministres européens en charge des affaires urbaines qui se réuniront le 2 novembre à Lille dans le cadre de la conférence.

La création de directeurs de GPV, voilà un point qu'il me paraît important d'aborder, parce que cette création était une demande régulière de la part des collectivités locales qui nous disaient : « Aidez-nous à trouver des professionnels de qualité pour que nous puissions avoir, dans le cadre de la mise en place de la politique de la ville, des responsables qui puissent faire démarrer les projets le plus rapidement possible ». Mes services, en partenariat avec la Caisse des Dépôts, ont lancé un appel à candidature sur divers supports de la presse - Le Monde, la Gazette des communes, le Moniteur, la Lettre de la DIVE, bien sûr - et nous avons con é à un cabinet de recrutement, Altédia ESR, le soin d'analyser les candidatures et de les sélectionner en vue de constituer un vivier de directeurs de GPV à la disposition des comités de pilotage qui souhaitaient y faire appel.

Comme le soulignait André Santini, cette annonce a suscité de très nombreuses candidatures, plus de mille, et il en arrive encore. Le succès est, à mon avis, signi catif de l'intérêt que suscite la politique de la ville, notamment la démarche GPV, et du potentiel de compétences qu'elle est susceptible de mobiliser.

Pour autant force est de reconnaître qu'il a conduit à ce que le traitement des 1000 candidatures n'a pas toujours été aussi rapide que nous l'aurions souhaité. Ce problème est aujourd'hui surmonté, l'information des candidats est en cours sur l'analyse de leur dossier. Par ailleurs une quinzaine de comités de pilotage a sollicité, ou est en train de solliciter ce dispositif, pour professionnaliser le choix du directeur de projet. Cela constitue aussi un bon résultat.

Sur les métiers de ville, il est peut-être un point qu'il me paraît important de préciser : nous avons prévu 15 millions de francs sur le chapitre 37.82. Ils seront mobilisés pour la formation dans le cadre des métiers de la ville, mais ce ne sera qu'une partie des sommes utilisables. Ces 15 millions correspondent à une mesure permettant d'utiliser une partie des crédits directement au niveau national, par exemple pour une convention avec le CNFPT, mais les 98,6 millions de la partie déconcentrée de ce chapitre peuvent également être mobilisés, ainsi que des cré dits de subvention du FIV.

Deux mots, si vous me le permettez, sur les associations, partenaires incontournables, vous le savez, de la politique de la ville.

Nous avons pris un certain nombre de mesures pour déjà essayer de leur simpli er la vie. Ces mesures sont acquises : le dossier unique de demande de subvention de l'Etat et du FAS, la désignation d'un pôle associatif dans les préfectures, la procédure de paiement simpli é sans visa préalable pour les subventions inférieures à 50 000 francs, la possibilité de mutualisation des fonds entre les différents partenaires des contrats de ville, la mise en place de fonds de participation des habitants.

Des progrès restent à faire, je le reconnais, notamment la généralisation des conventions pluriannuelles sur objectif dès que la subvention atteint 150 000 francs. Cette pluri-annualité permettra d'éviter le recours à l'appel à projets chaque année. J' ai eu l'occasion de le dire aux préfets, arrêtons cette idée d'appel à projets pour des associations dont nous savons qu'elles nous sont indispensables. A toutes les associations de soutien scolaire, demander de réinventer la poudre chaque année, cela suf t ! Nous savons le travail qu'elles font, nous savons que nous en avons besoin ; essayons de leur simpli er la tâche. C'est également ce qui permettra de verser très tôt dans l'année des avances à ces associations puisque nous saurons exactement, avec la pluri-annualité, sur quoi au minimum elles peuvent compter.

L'année 2000 pour ces associations a été particulière. Le renouvellement des contrats de ville et l'extension géographique ont entraîné des retards dans la répartition des crédits, notam ment dans le cadre des commissions administratives régionales.

Comme nous étions en première année, les préfets de région o nt bien souvent essayé de modi er les clefs de répartition entre des départements d'une même région, ce qui a entraîné des discussions plus longues que celles que nous connaîtrons dans les années à venir puisque la clef maintenant est dé nie. Les préfets sont sensibilisés aux dif cultés des associations. Un important travail est en cours pour établir davantage de transparence entre elles et les services.

La généralisation de Poliville, site mis sur Internet dans les Bouches-du-Rhône qui permet à chaque association, au moment où elle consulte le site, d'avoir un numéro d'entrée, de connaî tre l'interlocuteur en charge de son dossier, de savoir exactement où elle en est en ce qui concerne l'acceptation ou non de la subvention, la généralisation permettra de simpli er réellement la vie des associations. Elle devrait avoir lieu d'ici 2001. Pour donner encore plus d'éclairage aux dif cultés que connaissent les associations, et pour béné cier aussi de l'effet centenaire de la loi de 1901, le Premier ministre vient de con er une mission à l'un de vos collègues, M. Sandrier, a n de faire des propositions pour conforter la situation des associations de la politique de la ville.

Nous voyons bien la nécessité d'une intervention plus forte de l'Etat local. Précédemment, le maire de Saint-Denis évoquait la situation qu'il a eu à connaître dans sa ville. J'ai été heureu x de constater qu'avec une mobilisation plus importante de l'Etat local nous avons réussi à trouver un bon accord avec la LOGIREP, qui n'était pas sur un discours acceptable compte tenu de la situation de son patrimoine social, pas sur un discours acceptable ni pour l'Etat ni pour les élus locaux, ni pour les associations. Je crois aussi beaucoup, au-delà de la loi SRU, au-delà des moyens nanciers supplémentaires, que nous devons réussir, dans le cadre de ce dialogue, à améliorer la situation des associations.

Je voudrais revenir sur la structuration d'un certain nombre de nos villes sur la base du communautarisme. Il faut parler clairement des choses qui existent. Ce que vous avez dit, monsieur le député, de ce qui se passe actuellement dans certains arrondissements de Paris est préoccupant. Là, malheureusement, je ne suis pas certain que la situation ne relève que de mesures nationales. Il faut raisonner dans le cadre des moyens à la disposition des élus, des maires en particulier, peut-être aussi dans le cadre d'autres moyens sur lesquels il faudra se pencher dans la perspective des conclusions apportées par la mission Mauroy, a n de voir comment on peut mettre à disposition ou utiliser des instruments de portage. Il faut éviter que, d'un seul coup, se diffuse le sentiment que le voisin qui vient s'installer dans un centre commercial, dans une rue commerçante, ne fait que renforcer la physionomie du premier arrivant.

Là, nalement, nous avons une idée de ce qui a pu être fait.

Je salue le travail de Laurent Cathala dans le cadre de l'EPARECA. Une structure de ce genre a permis aux élus de remettre pied dans leurs centres commerciaux quelquefois dégradés. Cela leur permet aussi d'avoir une position d'arbitrage lors des arrivées des différents commerces. Il s'agit d'éviter le cô té stigmatisant lorsque s'installent simplement des commerces qui traitent des marchandises d'une communauté. Mais l'affaire relève aussi d'un débat important que vont connaître certaines villes au moment des élections municipales. Même si on ne peut pas totalement éviter une spécialisation : c'est l'histoire exacte de Paris. De la spécialisation, il y en a eu tout le temps, souvenezvous de Belleville voici encore quelques années. Mais il faut éviter qu'elle n'aboutisse à la ghettoïsation. C'est un point auquel il faut être très attentif.


page précédente page 08433page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Monsieur Malandain, pour tout le secteur des HLM, deux chantiers doivent être menés. J'ai parlé de l'un d'entre eux : la gestion urbaine de proximité. Le second chantier est celui de la collégialité au sein des agglomérations. Lorsque, dans une agglomération, sont implantées plus de vingt sociétés ou structures de logements sociaux, si on n'arrive pas, à un moment donné, à améliorer les liens entre elles, vous imaginez combien est dif cile tout discours ou toute politique de mixité sociale.

Monsieur Cohen, la participation des habitants, vous le savez, s'insère dans un dossier qui me tient à coeur, parce que, pour revenir sur ce que disait M. Braouezec précédemment, les mots peuvent souvent prendre des sens différents. On voit apparaître des besoins d'explication sur la mixité sociale, sur la discrimination positive. Il faut être très attentif aussi à la participation des habitants. Si nous n'y prenons pas garde, ce sera un élément d'exclusion supplémentaire. Regardez la tenue de nos réunions.

Généralement, y abondent les mots techniques que nous employons lors d'une réunion sur un POS, sur une ZAC. On voit très bien que si une attention forte n'est pas portée à ces habitants, le vocabulaire peut devenir un outil d'exclusion supplémentaire. Si la participation des habitants ne concerne que celles et ceux qui maîtrisent les mots et le langage, ceux qui subissent l'exclusion se sentiront renforcés dans celle-ci. Et lorsqu'on dit « participation des habitants », je pense que derrière cette expression, il faut entendre une structuration de la démocratie locale différente, bien plus attentive aux plus fragilisés pour leur permettre de se sentir concernés par la délibération collective. Je cite souvent ce qui se fait dans les Bouches-duRhône, dans le cadre de l'université des citoyens, où on a réus si à mettre en place des programmes pour venir en aide aux associations de locataires, pour expliquer ce qu'est une quittance de loyer, comment se ventilent les charges, ce qu'est un bailleur, pour leur donner des outils et les mots pour discuter d'égal à égal avec les bailleurs en question.

Nous devons être très attentifs à l'expression « démocratie locale » parce que la population la plus favorisée n'a pas besoin d'une certaine manière de cette démocratie locale, elle l'a déjà au quotidien. Elle nous côtoie, nous rencontre, dans les réunions traditionnelles de la ville. Elle peut faire passer ses préoccupations ou ses demandes d'une manière presque naturelle. Il faut faire attention à ce que la participation des habitants ne soit pas une charge supplémentaire sur les épaules des plus fragilisés.

Pour une famille qui a à se préoccuper de son avenir au quotidien, du lendemain, de la situation d'échec des enfants, du chômage des plus grands, lui dire : « Mais en plus, pour que vous soyez des citoyens à part entière, il faut la participation des habitants », vous imaginez ce que cela peut représenter, y compris le concept.

Nous souhaitons donner une possibilité de renforcement de la démocratie locale, mais, et j'insiste sur ce point, il y aura beaucoup de pédagogie nécessaire auprès d'un certain nombre d'élus, pour bien faire comprendre que la démarche est extrêmement ambitieuse dans la mesure où il s'agit de donner la possibilité à ces habitants de participer. Il y a une voie indispensable pour savoir exactement le sens à donner à des programmes de revitalisation sociale, économique ou urbaine dans un certain nombre de nos quartiers.

Madame Benayoun-Nacache, la question que vous posez renvoie aux conclusions du rapport Mauroy. Je suis persuadé que, du rapport Mauroy, il faudra tirer un certain nombre de conclusions pour donner davantage de possibilités d'intervenir aux différents groupes d'opposition dans les conseils municipaux. Mais, permettez-moi de le dire avec toute la gentillesse qui me caractérise, vous êtes aussi vraiment dans une ville particulière. Ce dont je peux me réjouir, c'est que, quel que soit le résultat des élections municipales, la situation ne pourra pas être pire en termes de relation entre l'Etat et les élus en question, et entre majorité et opposition. Je tenais à vous le dire, parce que, à un moment donné, ce qui est en cause, ce ne sont pas les crédits, ce n'est pas la disposition du ministre et de l'Etat. Si on veut parler de décentralisation, ce qui est en cause, ce sont les rapports humains qui s'instaurent au niveau local, qui permettent aussi la confrontation, le débat et les choix collectifs. La décentralisation n'est pas qu'une affaire de crédits, c'est aussi une question de rapports humains et de débats collectifs.

J'en ai terminé, puisque j'avais pris l'engagement de nir à midi.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Il nous reste à donner un avis sur les crédits de la ville, étant entendu que seuls les membres de la commission de la production et des échanges peuvent se prononcer.

(Les crédits de la ville, mis aux voix, sont adoptés.)

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la ville pour 2001.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures.)

QUESTIONS RELATIVES AU BUDGET VILLE 2001 1. Mme Nicole Bricq rappelle à M. le ministre délégué à la ville que le comité interministériel des villes du 14 décembre 1999 a dé ni les principes et les modalités de mise en oeuvre du plan gouvernemental de rénovation urbaine et de solidarité. Ce programme comprend cinquante grands projets de ville pour les sites dont la requali cation nécessite la mobilisation de moyens exceptionnels. Ainsi, dans la sixième circonscription de Seine-et-Marne, il lui a été con rmé que la ville de Meaux béné ciera de 80 millions de francs de crédits spéci ques à ce projet, en sus des crédits déjà prévus par le contrat de ville. Cependant, l'importance des sommes versées ne garantit pas forcément leur réussite. Aussi faut-il, parallèlement aux actions de restructuration urbaine et de recomposition du cadre bâti, engager des mesures spéci ques qui améliorent la qualité de vie quotidienne des habitants ou qui assurent l'égalité des chances : gestion urbaine de proximité, sécurité, réussite scolaire, accès à l'emploi, lutte contre les discriminations. Elle souhaiterait donc connaître les objectifs qui ont été xés aux villes et les moyens consacrés à ces actions spéci ques dans le cadre des GPV ainsi que les articulations mises en oeuvre avec l'action de développement social à mener dans le cadre des contrats de ville.

Réponse. En réponse à Mme Nicole Bricq, il est rappelé que le projet social et le projet urbain sont indissociables dans les grands projets de ville et que la transformation des conditions de vie des habitants dans les quartiers constitue l'impératif premier. L'adaptation des services publics de façon à assurer l'égalité des chan ces sur ces territoires doit également faire l'objet d'une attention toute particulière. En effet, le projet de développement social est complémentaire de la requali cation urbaine par l'engagement, dans le grand projet de ville, de tous les acteurs qui interviennent sur les quartiers. Le rôle joué tout particulièrement par les serv ices publics, quels qu'ils soient, est primordial dans la qualité de la vie quotidienne et dans le sentiment qu'ont les habitants d'être des citoyens à part entière. Les différents services publics, notammen t ceux relevant de la responsabilité de l'Etat, devront prendre des engagements suf samment précis pour être évalués et donner lieu à des programmes d'actions concrets. Tout devra être mis en oeuvre pour réduire le niveau du chômage dans ces quartiers, en améliorer la sécurité et assurer le même niveau de réussite scolaire que dans les sites dont la population connaît moins de dif cultés.

En n, un des principaux objectifs des politiques de l'habitat doit être celui d'enrayer la spécialisation de fait de certains quartiers dans l'accueil des populations fragiles et, pour ce faire, d'élaborer des politiques au niveau de l'agglomération pouvant se traduire dans les dispositifs des programmes locaux de l'habitat (PLH) et des conférences intercommunales du logement. La gestion urbaine de proximité doit également être un moyen fort de crédibiliser le grand projet de ville aux yeux des habitants dont la qualité de l'environnement quotidien est altérée, suscitant un sentiment d'abandon et une perte de con ance dans les institutions. Le grand projet doit donc être l'occasion pour tous les partenaires de s'impliquer dans la mise en place d'actions concrètes aboutissant à des résultats tangibles et perceptibles rapidement par les habitants qui ne comprendraient pas que des travaux à long terme soient envisagés sans que des mesures beaucoup plus légères et amélior ant directement leur vie quotidienne ne soient pas mises en oeuvre rapidement. A ces divers titres, le grand projet de ville vient s'insérer complètement dans le contrat de ville, dont il constitue un renforcement sur certains de ses territoires prioritaires. Dans cer-


page précédente page 08434page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

tains GPV, notamment en Ile-de-France, les territoires du contrat de ville et le GPV sont identiques. Il s'agit d'un seul projet, conduit par la même équipe et selon un seul mode d'organisation.

Les moyens consacrés dans les GPV aux actions de développement social sont ceux du contrat de ville, qui ont été renforcés dans le projet de loi de nances pour 2001 par des crédits de fonctionnement qui correspondent à une proportion de l'ordre de 20 % des enveloppes consacrées aux GPV. Une attention toute particulière sera portée par les services du ministère de la Ville à la contrib ution des crédits de l'ensemble des ministères à ces actions, les c rédits de la politique de la Ville ayant vocation à renforcer les crédi ts de droit commun et non à s'y substituer.

2. M. Bernard Cazeneuve appelle l'attention de M. le ministre délégué à la ville sur le dispositif Zone Franche Urbaine institué par la loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville qui contenait des dispositions relatives à la constitution d'un environnement économique favorable dans les quartiers urbains les plus en dif culté. Dans ce cadre, des mesures spéci ques d'aide au maintien et à la création d'activités avaient été prévues pour 44 zones franches urbaines . Ce d ispositif, prévu pour cinq ans, arrive à échéance au 31 décembre 2001. Il a connu un effet contrasté ayant tantôt favorisé l'effet d'aubaine scale, tantôt contribué à l'implantation d'entreprises dans les quartiers en dif culté. Il souhaiterait donc connaître les suites que le Gouvernement entend donner à ce dispositif dans le budget ville 2001.

9. M. Gilles Carrez attire l'attention de M. le ministre délégué à la ville sur le devenir du dispositif s'appliquant aux zones franches urbaines ou aux zones de redynamisation urbaine. En effet, certains dispositifs ont été introduits dans le projet de loi SRU a n, pour reprendre ses termes, de « moraliser » le dispositif actuellement en vigueur. Or, ce dispositif porte ses fruits et fonctionne bien dans la majorité des cas. En conséquence, il lui demande quel serait l'impact du nouveau dispositif envisagé en termes nanciers et en termes d'emplois.

Réponse. La loi no 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville a institué des régimes dérogatoires d'exonérations scales et sociales pour certaines entreprises présentes au 1er janvier 1997 ou qui s'implantent avant le 1er janvier 2002 dans les zones de redynamisation urbaine et les zones franches urbaines. L'objectif de la loi du 14 novembre 1996 était le « maintien et la création d'activités et d'emplois dans ces zones urbaines » (titre II de la loi), ces régimes dérogatoires ayant pour but de compenser les handicaps - notamment économiques ou sociaux - de ces territoires urbains les plus en dif culté.

Les exonérations instituées dans les quarante-quatre zones franches urbaines sont d'une durée de cinq ans. Les principales exonérations scales concernent la taxe professionnelle et l'impôt sur les béné ces. Les exonérations sociales portent, d'une part sur les cotisations patronales recouvrées par les URSSAF, d'autre part sur les cotisations sociales personnelles maladie des artisans et commerçants exerçant leur activité dans ces quartiers. Les intentions du Gouvernement pour l'avenir des régimes dérogatoires d'exonérations scales et sociales en vigueur dans les zones de redynamisation urbaine et les zones franches urbaines sont, à court terme leur moralisation et, à partir du 1er janvier 2002, leur évolution vers le régime d'exonérations des zones de redynamisation urbaine, luimême amélioré. S'appuyant sur les conclusions et recommandations des deux rapports d'inspection administrative remis début 1999 (IGA-IGF, IGAS) et sur des expertises complémentaires menées par la délégation interministérielle à la ville, le c omité interministériel des villes et du développement social urbain du 2 septembre 1999 a arrêté un programme de travail interministériel visant à réformer le dispositif des zones franches urbaines, pour faire cesser certains effets d'aubaine et améliorer l'ef cacité du dispositif actuel, en particulier sur l'emploi. Le Gouvernement a introduit dans le projet de loi relatif à la solidarité e t au renouvellement urbains ces mesures dites de moralisation du dispositif des zones franches urbaines, qui prévoient : la suppression du régime d'exonérations scales en cas de transfert de l'entreprise d'une zone franche urbaine vers une autre zone franche urbaine ; le maintien d'une exonération totale des charges patronales pour les créations nettes d'emploi et sa réduction de moitié pour les emplois transférés ; la suppression du régime d'exonérations sociales en cas de transfert de l'entreprise d'une zone franche urbaine vers une autre zone franche urbaine sans accroissement de l'effectif ; la suppression du droit à exonération des charges sociales patronales si l'entreprise a procédé à un licenciement dans les douze mois précédant son installation dans la zone franche urbaine ou la création d'emploi ; la xation d'un nombre d'heures minimum de travail hebdomadaire pour la comptabilisation des embauches ouvrant droit à application de la clause d'embauche locale ; l'instauration d'une déclaration préalable à l'embauche - à l'instar de ce qui existe pour les autres dispositifs d'aides à l'emploi - et d'une déclaration récapitulative des emplois occupés et exonérés lors de l'entrée en vigueur de la loi. L'entrée en vigueur de ces mesures interviendra dès l'adoption dé nitive du projet de loi, à l'exception de la modulation du taux d'exonération des exonérations sociales qui prendra effet au 1er janvier 2001.

L'objectif du Gouvernement est de faire de la revitalisation économique des quartiers, une priorité nouvelle et forte de la politique de la ville au moment où la croissance commence à faire sentir ses effets. A cette n, il entend : simpli er les exonérations scales et sociales pour rendre le système plus souple et plus performant dans quatre-cent seize zones de revitalisation (a n de ne pas pénaliser les entreprises sortant progressivement de ZFU à partir de 2001, la transition entre les deux dispositifs sera échelonnée) ; encourager les projets de revitalisation. Le fonds de revitalisation économique, créé par la loi SRU sera doté de 500 MF dans le PLF 2001. Il permettra différents types d'aides adaptés aux besoins locaux, aide à l'investissement avec une attention particulière apportée au soutien à la création d'entreprise. Ces nouveaux outils seront présentés au début de 2001 à l'occasion d'une campagne de mobilisation des acteurs publics et d'entreprises privées en faveur de la revitalisation économique des quartiers.

3. M. Alain Cacheux rappelle à M. le ministre délégué à la ville que le Gouvernement a annoncé la mise en place des GPV dans cinquante sites en complément de sa politique de la ville qui est incluse dans les contrats de plan. Le ministre a écrit cet été aux maires et aux présidents des agglomérations pour conclure les négociations d'ici la n de l'année. Cela conduit les communes et les agglomérations à devoir délibrer avant la n de l'année 2000 sur des programmes qui engagent tout le mandat électif suivant (2001-2006). Il est important que l'Etat puisse de ce fait engager sa signature dans les semaines qui viennent et que tous les dossiers préparés pendant l'année 2000 par les collectivités territorial es puissent recevoir dès 2001 les autorisations de programme correspondantes dans les plus brefs délais. Il lui demande donc quelles sont les autorisations de programme prévues au budget 2001 disponbiles pour les GPV et si le Gouvernement pourra noti er aux préfets ces autorisations de programme dans les premiers mois de l'année pour que les dossiers engagés et décidés par les villes et agglomérations n 2000 et début 2001 puissent être nancés.

Réponse. L'honorable parlementaire souligne que compte tenu de la nécessité pour les collectivités territoriales de s'engager nancièrement avant la n de l'année sur leur contribution aux GPV, il est important de savoir si des opérations pourront être nancées rapidement dès le début de l'année 2001. Les autorisations de programmes prévues au budget 2001 disponibles pour les GPV représentent une enveloppe totale de 650 millions de francs. De façon à ce que les opérations prêtes en début d'exercice puissent être nancées sans délai, il sera procédé en tout début d'année, à partir de 2001, à une première délégation de crédits. Le rythme de mis e à disposition des crédits sera ensuite indexé à la consommation ré elle de ceux-ci, et notamment des crédits de paiement, de façon à ne pas pénaliser les communes dans lesquelles la maturité des projets permet l'exécution rapide des opérations inscrites au programme d'action des grands projets de ville.

4. M. Yves Dauge rappelle à M. le ministre délégué à la ville que le thème du renouvellement urbain repris par la loi SRU s'est af rmé progressivement dans les quartiers. Il est porté par une

« demande » des habitants qui veulent le plus souvent rester dans leur quartier mais en même temps veulent qu'ils deviennent de vrais quartiers de ville, reconnus comme tels. Il est porté aussi par une nouvelle vision politique des élus qui doivent de plus en plus s'appuyer sur les habitants, les réseaux associatifs, les équipements socioculturels. Il suppose évidemment de nouvelles pratiques et comportements des services publics au sens large, service de l'Etat, organimes sociaux, collectivités. Il suppose en n une radicale transformation des pratiques professionnelles des intervenants : organismes d'HLM, architectes, urbanistes, bureaux d'études, gestionnaires divers. On voit donc que ce renouvellement urbain passe beaucoup par un renouvellement des pensées et des actes.

Or, pour opérer cette révolution des esprits, il nous faut des moyens spéci ques de formation, d'études, il nous faut nancer le temps du débat démocratique, de la maturation des projets, le


page précédente page 08435page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

coût de la mobilisation des réseaux multiples qu'il convient de mettre en mouvement. Il lui demande s'il partage cette analyse, comment répondre à cette demande de crédit d'études et de fonctionnement, comment il pourra donner, dans des délais rapides, des moyens correspondants sans lesquels notre politique ne trouvera pas son rythme ni son souf e. Le renouvellement urbain, c'est d'abord la priorité à l'investissement de l'intelligence et de la par ticipation, qui permet à la démocratie de mieux fonctionner ; c'est le nancement d'un processus nouveau de conception et de mise en oeuvre des projets, de gestion des quartiers. Il lui demande si les communes et les divers intervenants auront les moyens de nancer cette nouvelle démarche.

Réponse. M. Yves Dauge souligne la nécessité, pour que le programme de renouvellement urbain puisse donner pleinement sa mesure, de pouvoir disposer des moyens de nancer des études et plus largement de se doter de capacités humaines susceptibles de construire des projets cohérents portés par les collectivités et l es habitants. Le projet de loi de nances 2001 poursuit, en l'ampli ant, l'effort fait dans ce sens dans les précédentes loi de nances depuis 1998. Cet effort se traduit, à côté de l'importante augmentation des crédits d'investissement et de fonctionnement principalement rassemblés dans l'outil très souple qu'est le fonds d'intervention pour la ville (FIV), par de nouvelles mesures ou l'ampli cation de mesures existantes. En ce qui concerne les études, outre la possibilité de mobiliser de façon ponctuelle, comme cela avait été fait pour les sites pilotes des contrats de vill e, des crédits du titre V du ministère, deux types de nancement peuvent intervenir. Les crédits du titre III (chapitre 37-82) ont été renforcés par une mesure nouvelle de 25 millions de francs, et permettent aux préfets de mobiliser, en partenariat avec les collectivités, des moyens d'assistance technique, d'appel à des experts ou des consultants. Les crédits d'investissement du titre VI (chapitre 67-10) en très forte augmentation avec près de 500 millions de francs de mesures nouvelles, ont pu, dès le présent exercice budgétaire, permettre la réalisation d'études pré-opérationn elles dans le domaine du renouvellement urbain. La clari cation des règles de subvention en matière d'investissement, telle qu'elle résulte du décret du 16 décembre 1999, permet de mettre la notion de projet au coeur de la logique de ces subventions, en y incluant l'ingénierie et les études. En ce qui concerne la formation des acteurs de la politique de la ville, outre là encore les crédits du titre III, des crédits du FIV permettront de conduire un vaste programme décidé par le CIV du 14 décembre 1999, à l'attention non seulement des agents de l'Etat, mais de l'ensemble des partenaires. D'ores et déjà, des dispositifs et des premières actions s ont en cours en partenariat avec le CNFPT et le réseau de formation de l'Etat (IRA, CIFP, etc.). Le Gouvernement a en effet pleinement conscience que sans un accroissement de la professionnalisation des partenaires, l'émergence d'opérations de qualité peut ê tre autant freinée que par l'absence de crédits. Tirant les leçons de la mise en oeuvre des grands projets urbains, précurseurs des grands projets de ville, une part de crédits de fonctionnement de l'ordre de 20 % des enveloppes totales complètera également les crédits d'investissements destinés aux GPV. En n, la Caisse des dépôts et consignations participera également sur ses fonds propres dans le cadre de la convention qu'elle a signée avec l'Etat, aux dépenses d'ingénierie des projets.

5. La mise en place de la police de proximité est sans doute la réforme la plus importante dans l'organisation de notre sécurité intérieure, depuis plusieurs décennies. Elle est le fruit d'une démarche volontariste, pragmatique et souple. Volontariste, car elle apporte une réponse concrète, déterminée et résolument novat rice à une attente forte de la population. Elle se traduit par la mobilisation de moyens nanciers et humains conséquents. Pragmatique par la mise en place d'un phasage précis conjuguant expérimentation, évaluation, généralisation progressive, laissant toute sa place à la concertation et permettant d'apporter régulièrement des améliorations. Souple en cherchant toujours à adapter les réponses à la variété des situations rencontrées sur le terrain, mais au ssi en privilégiant une dynamique déconcentrée et partenariale dont les contrats locaux de sécurité sont l'émanation concrète. Dès l ors, nous entrons désormais dans une deuxième phase du dispositif, la troisième conduira à la généralisation de la police de proximit é à l'ensemble du territoire. Certaines interrogations prennent donc toute leur ampleur. Mme Martine David demande à M. le ministre délégué à la ville de l'informer plus précisément de l'état d'avancement des redéploiements et des recrutements de personnels, d'ores et déjà effectués, mais aussi prévus, dans cette p erspective. A ce titre, les adjoints de sécurité ont pris une part prépo ndérante dans la mise en place du dispositif et se pose donc le problème de sa pérennisation au terme des contrats de ces emplois-jeunes. Par ailleurs, à de nouvelles méthodes de travail, à de nouvelles pratiques, doit correspondre un effort en matière de formation. Elle sait que ce problème n'a pas été négligé et qu'il a fait l'objet d'un effort sans précédent. Elle lui demande égalemen t s'il pourrait dresser un premier bilan du vaste plan initié notamment en matière de formation continue. Mais surtout, il conviendrait de disposer de données objectives et claires qui permettent d'évaluer l'impact et l'ef cacité réelle des mesures initiées dans le cadre de la police de proximité. Or les circonscriptions de police et de gendarmerie et celles de la politique de la ville ne se recoupant pas forcément, il est, semble-t-il, dif cile d'obtenir de telles informations. Elle lui demande en n s'il dispose pour sa part de données chiffrées à cet égard et, à terme, si la mise en pla ce d'un outil spéci que d'observation à ce niveau lui paraît envisageable.

Réponse. S'agissant de l'état d'avancement des redéploiements et recrutements de personnels de police et de gendarmerie, les éléments suivants peuvent être précisés : 3 000 CRS et gendarmes mobiles seront délisés d'ici à 2002 dans les zones urbaines les plus sensibles ; en application des décisions du conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999, 1 200 policiers sont redéployés en d irection des vingt-six départements les plus sensibles ; 6 130 élèves-gardiens ont été recrutés en 1999, ce niveau n'av ait jamais été atteint depuis 1982 ; 1 000 policiers sont recrutés parmi les anciens policiers auxiliaires - jeunes effectuant leur service militaire ; le recrutement des adjoints de sécurité, actuellement au n ombre de 16 000, sera poursuivi, dans la limite des 20 000 emplois-jeunes budgétisés pour le ministère de l'intérieur ; des aides techniques de laboratoire seront recrutés a n de libérer les personnels actifs qui étaient employés à des missions de police technique. La formation des adjoints de sécurité a fait l'objet d'un plan de grande ampleur. L'allongement et la rénovation de la formation incluent des enseignements sur les contrats locaux de sécurité, le droit pénal général, ainsi que l'étude d'inf ractions spéci ques comme le recel et le racket. Les adjoints de sécurité reçoivent également une formation aux premiers secours, à la pré servation des traces et indices ainsi qu'une information sur les produits stupé ants. La formation « académique » est complétée par un stage de quinze jours dans le service d'affectation. La formation continue des ADS est intensi ée pour approfondir leur connaissance et mise en pratique de la police de proximité, ainsi que pour leur permettre de se présenter aux concours de la fonction publique dans de bonnes conditions. Des formations quali antes sont également proposées pour faciliter l'accès aux emplois du sec teur privé, notamment dans le champ de la sécurité privée. La police de proximité vise à améliorer l'action des policiers dans le service au public au quotidien par une plus grande disponibilité, une plus grande présence et visibilité ainsi qu'une polyvalence accrue de chaque policier. Sa mise en oeuvre nécessite donc de profondes évolutions au sein de la police nationale elle-même (recrutement, formation, répartition géographique des effectifs, dé nition des missions, etc.), mais également au regard du contexte territorial dans lequel elle agit. La police de proximité se met en oeuvre grâce aux services de l'Etat mais aussi aux travailleurs sociaux, médiateurs, agents de prévention... Ce partenariat est principalement mis en oeuvre dans le cadre des contrats de ville et des contrats locaux de sécurité. A ce titre, il faut noter une sensible évolution des territoires des CLS qui se sont resserrés sur les zones urbaines les plus en dif culté. Si, en 1999, encore moins de la moitié des CLS concernait les territoires de la politique de la ville, cette proportion a atteint aujourd'hui plus de 61 %. De même, 72 % des contrats de ville ont intégré dans leur volet « prévention et sécurité », un ou plusieurs CLS conclus sur le territoire du contrat de ville. D'autre part, la quasi-totalité des sites non encore signataires d'un CLS sont engagés dans une démarche d'élaboration d'une telle procédure sur leur territoire. Pour mieux apprécier l'impact de la police de proximité sur les territoires de l a politique de la ville, une recomposition des données statistiques sur des bases géographiques comparables serait effectivement nécessaire. De telles données sont élaborées ponctuellement localement, mais il n'existe pas à ce jour de statistiques nationales homogènes.

Un croisement de la liste des départements classés « sensibles » et

« très sensibles » par la direction centrale de la sécurité publique avec les sites en contrat de ville laisse apparaître une très grande convergence. Les quartiers de la politique de la ville se situent majoritairement dans les départements très « sensibles » (près de 54 % des contrats de ville du XIe plan) où le taux de délinquance


page précédente page 08436page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

est le plus élevé. Par ailleurs, la délégation interministér ielle à la ville a élaboré un projet d'outil et de suivi d'évaluation des vol ets

« prévention et sécurité » des contrats de ville qui comportent des points relatifs à la police de proximité (mesure de l'impact, part enariat mis en oeuvre...). Cet outil - série de questionnaires est en cours d'expérimentation sur une quinzaine de sites disposant d'un conseil local (communal ou intercommunal) de prévention de la délinquance actif.

6. M. Michel Pajon rappelle à M. le ministre délégué à la ville que, lors du précédent budget, il avait annoncé que les contrats de ville, principaux outils de mise en oeuvre de la politique de la ville, béné cieraient à ce titre de moyens exceptionnels.

Pour la période 2000-2006, ils seront nancés à hauteur de 17,4 milliards de francs par l'Etat, dont 8,6 milliards de francs de crédits spéci ques du ministère de la ville. Ce budget ambitieux, signal fort pour les acteurs de terrain placés au coeur du dispositif, a insuf é une dynamique nouvelle. La démarche préalable de diagnostic a mobilisé les énergies de tous et soulevé de grands espoi rs. Les équipes municipales et les associations, fortement investies, ont réalisé un travail remarquable. Or, un an plus tard, malgré une volonté politique inchangée, les retards enregistrés dans les ouve rtures de crédits et la lourdeur des procédures administratives contribuent à altérer cette dynamique. De nombreuses communes ignorent toujours le montant exact des crédits qui leur seront alloués et certaines ont même vu leur budget diminuer, ce qui nuit au lancement effectif des projets et remet en cause le bon fonctionnement des associations. Aussi, a n de ne pas décevoir les attentes des collectivités locales, des associations et des habitants, i l souhaiterait savoir si des mesures seront mises en oeuvre pour débloquer rapidement les crédits, réduire les lourdeurs administra tives et ainsi assurer la réussite des actions entreprises.

Réponse. M. Michel Pajon, tout en soulignant le caractère ambitieux du budget du ministère de la ville et, au-delà, des engagements contractuels pour la période 2000-2006, s'interroge sur les délais de mise en oeuvre des crédits. Il convient de distinguer deux aspects. L'année 2000 a été, au regard de l'exercice budgétaire, une année exceptionnelle et transitoire. D'une part, la traduction des engagements pris dans le cadre des contrats de plan

Etat-région n'a pas été complète dans l'exercice budgétaire 2000 ; ceci est lié au fait que le projet de loi de nances avait été arrêté avant les arbitrages dé nitifs sur les enveloppes contractualisées.

De même, les importantes décisions nancières prises dans le cadre du CIV du 14 décembre 1999 n'ont trouvé qu'une traduction partielle dans le cadre de la loi de nances recti cative de juin 2000. C'est donc le budget 2001 qui traduira dans sa totalité l'augmentation exceptionnelle des moyens décidés par le Gouvernement. Par ailleurs, et bien que l'essentiel des crédits, dont il faut rappeler le taux exceptionnel de déconcentration, supérieur à 95 %, aient été délégués très tôt dans l'année aux pré fets, leur mise en oeuvre a connu certains retards. Une grande partie de ces retards est imputable aux délais de signature des contrats de plan

Etat-région et des contrats de ville qui ont, au moins partiellement, conditionné la mise en oeuvre des crédits sur le plan local.

De plus, l'évolution de la géographie prioritaire, la forte impulsion donnée à l'intercommunalité dans la mise en oeuvre de la contrac tualisation se sont traduites par une modi cation de la répartition des crédits, entre départements à l'intérieur d'une même ré gion et entre les villes à l'intérieur des agglomérations. La DIV, en liai son avec les préfets, a pu procéder à plusieurs ajustements qui se son t traduits par une mise à niveau des crédits 2000 de telle sorte que les enveloppes allouées à chaque contrat de ville ne diminuent pas.

Cet ajustement sera poursuivi dans le cas où des distorsions subsisteraient, dont la connaissance est liée à l'établissement des annexes nancières de chacun des contrats. En ce qui concerne le prochain exercice budgétaire, la grande majorité des crédits sera disponible dès l'ouverture des crédits en loi de nances initiale, début janvier ; les préfets disposeront de ces enveloppes quelques semaines après, soit dans les délais strictement incompressibles nécessités par la procédure de délégation, mais pas au-delà . En n, comme le ministre délégué à la ville l'a souligné à plusi eurs reprises, une attention toute particulière sera consacrée à l'accé lération de la mise à disposition des crédits auprès des associations, et notamment à la poursuite et à l'approfondisement des mesures de simpli cation, dont certaines doivent encore faire l'objet d'une attention plus soutenue dans leur mise en oeuvre de la part de l'ensemble des services de l'Etat.

7. M. Laurent Cathala rappelle à M. le ministre délégué à la ville que le comité interministériel des villes du 14 décembre dernier a permis d'engager de nouvelles modalités d'actions qui privilégient aussi bien les actions sur l'urbain que les actions sur le social, en concertation avec les habitants. Une des priorités du CIV a ainsi été de favoriser le plus largement possible l'accès à l'emploi et l'intégration de tous ceux qui vivent dans ces quartiers.

Déjà, le lancement du dispositif « nouveaux services emplois jeunes » a permis à un nombre important de jeunes d'accéder à un véritable emploi, mais il fallait également agir en direction des adultes qui sont confrontés au chômage et à la précarité. Au -delà du dispositif des équipes « emploi-insertion », en lien avec l'ANPE, le programme « adultes-relais » constitue un des axes forts d'une politique de revitalisation au sein de ces territoires. Cette initiative originale au pro t des habitants permet d'offrir aux adultes issus de ces quartiers les moyens d'une véritable reconnaissance et d'une intégration réussie. Elle permet aussi de soutenir de multiples activités destinées à favoriser le lien social par la médiation et l'intégration : médiateurs sociaux, femmes « relais » ou encore correspondants de nuit. L'objectif xé par le CIV, à savoir la création de 10 000 postes sur 3 ans permettra de renouer de manière forte le lien social dans les espaces publics, de faciliter les relations entre les habitants et les services publics. Il souhaiterait donc savoir si le Gouvernement entend soutenir l'objectif qui a été xé et quel crédit sera consacré à cette initiative dans le cadre de la loi de nances 2001.

Réponse. Comme le souligne M. Laurent Cathala dans sa question, le programme de création de 10 000 postes « d'adultesrelais » décidé par le CIV du 14 décembre 1999 est une des mesures fortes du programme global de revitalisation des quartiers en dif culté décidé par le Gouvernement. L'objectif premier est de faciliter ou d'améliorer les rapports sociaux, voire de les renouer, entre les habitants des quartiers et les services au sens large ou entre les habitants eux-mêmes. Au-delà de cet objectif, il apparaî t également que dans ces quartiers, sans doute plus qu'ailleurs, les adultes et les parents ont besoin d'être confortés et valorisés da ns leur rôle. C'est là également un objectif de ce programme. La mise en oeuvre de ce programme est plus que jamais un objectif essentiel du ministre délégué à la ville. Une enveloppe de 100 milli ons de francs avait été votée lors de l'élaboration de la loi de nances 2000 recti cative votée par le Parlement en juin dernier.

Les premiers adultes-relais sont donc déjà recrutés, et l'exécu tion de ce programme fait l'objet d'un effort particulier des préfets.

Pour la mise en oeuvre des objectifs 2001 et la poursuite dans les meilleures conditions de ce programme, qui prévoit 10 000 recrutements d'ici à la n 2002, 300 millions de francs sont inscrits au projet de loi de nances 2001.

8. M. Pierre Cohen interroge M. le ministre délégué à la ville sur un des plus gros enjeux de la politique de la ville, qui est de réussir une véritable mixité sociale. Cependant, force est de constater que la juxtaposition des politiques urbaines a souvent généré des effets contraires. En effet, lorsque les populations on t le choix, elles s'assemblent très souvent sur des critères sociologiques

Les politiques de l'habitat en accompagnement de la croissance démographique ont largement conforté ce phénomène. A l'opposé , lorsque les habitants n'ont plus le choix, les politiques du peuplement ont concentré le plus souvent les populations en grande dif culté, ou de même ethnie au point de fabriquer des ghettos. Pour asseoir ces mutations, le libéralisme économique, par le biais des politiques foncières, renforce de manière structurelle la division sociale de l'espace. De plus, le manque d'outil de gestion du fonc ier dans les agglomérations et l'intercommunalité urbaine confortent ce phénomène. A ce clivage et au renforcement des inégalités, et malgré les efforts réalisés au cours de ces derniè res années, vient aussi se surajouter la défaillance des services publics garants de l'égalité au point que l'école, pour certaines tranches d'âge, ou la police sont les seuls services que ces populations côtoient au quotidien. On pourrait compléter cette liste des handicaps par les disparités des équipements de proximité, la discrimin ation à l'emploi, aux loisirs, au logement qui sont de plus en plus pénalisants pour les jeunes. Pour lutter contre cela, depuis trois ans des dispositifs législatifs ont été votés ou sont en cours : la loi Chevènement pour inciter les agglomérations à se doter de compé tences conciliant développement économique, richesse urbaine et politique de la ville avec la gestion du peuplement, et la loi sur la solidarité et le renouvellement urbain qui propose des outils pour une véritable recomposition de la ville. De plus, son ministère pour la troisième année a su dégager des priorités a n d'enrayer


page précédente page 08437page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

cette spirale de l'exclusion qui fomente la haine et s'exprime par des violences urbaines ou, pire, qui induit la méconnaissance de l'autre, ce qui génère nalement le rejet. Dans le contexte des échéances municipales propice aux projets innovants, il lui demande quels sont les points forts qu'il mettra en avant à l'occasion du démarrage de la nouvelle génération des contrats de ville pour accélérer le renversement de tendances et de schémas lourdement ancrés dans les têtes de nos concitoyens, de nos élus et des acteurs de la ville.

Réponse. M. Pierre Cohen attire l'attention du ministre délégué à la ville sur l'enjeu de la nécessité de la mixité soci ale comme un objectif important de la politique de la ville. Le Gouvernement a dé ni le droit au logement comme une priorité de l'action publique. Il s'est donc efforcé d'engager des réformes indispensables permettant de créer de nouveaux leviers d'actions assez puissants pour in échir les évolutions contraires à la mixité urbaine et sociale. Le projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbains (SRU) en constitue une traduction forte. Il a pour ambition d'adapter le droit de l'urbanisme et de la construction a n de répondre aux nouvelles exigences de la reconstruction de la ville sur elle-même et de la restructuration des quartiers d'habitat social ainsi que la réhabilitation du parc privé souvent déprécié, au devenir parfois incertain. L'objectif est bien de réussir la mixité urbai ne dans les faits. En effet, il ne peut y avoir de mixité sociale et urbaine et d'équilibre social de l'habitat sans la réalisation de log ements sociaux là où il y en a peu ou pas du tout. Il est nécessaire de revenir à la logique initiale af rmée par la loi du 13 juillet 1991 d'orientation pour la ville (LOV) et sortir du système dans lequel certaines communes peuvent continuer à refuser la construction de logements sociaux, refus délibéré portant atteinte au droit fondamental qui est celui de la liberté d'établissement. Le Gouvernement a donc souhaité, à travers le projet de loi solidarité et ren ouvellement urbains (SRU), rééquilibrer le logement social. En complément, le programme national de renouvellement urbain vise à la requali cation globale des quartiers à forte composante sociale, même si ce programme ne se limite pas bien sûr à l'aspect urbain et au traitement du patrimoine bâti. En ce qui concerne les démolitions des barres et des tours construites dans les années 60, leur rythme s'est accru depuis 1998, passant à 5 000 en 1999 et environ à 8 000 cette année. Il s'agit bien ici de faire disparaître un habitat frappé d'obsolescence, au pro t de nouvelles constructions permettant un cadre de vie répondant au confort et au souhait légitime des habitants. Le projet de loi SRU obligera les agglomérations de plus de 50 000 habitants à disposer d'au moins 20 % de logement social - la moyenne nationale - dans chacune de leurs communes de plus de 3 500 habitants et de 1 500 habitants en Ile-de-France. 20 000 logements sociaux devraient être construits chaque année. Ils seront répartis entre les communes a n d'éviter que certains quartiers concentrent, comme c'est le cas aujourd'hui, la majorité du logement social. La répartition pourra s'établir so us certaines conditions au sein des agglomérations dans le cadre du PLH (programme local de l'habitat). Les objectifs à atteindre, en vingt ans maximum, feront l'objet d'engagements triennaux.

Le second objectif est d'assurer une offre diversi ée et de qualité.

Le projet de loi solidarité et renouvellement urbains (SRU), actue llement en débat au Parlement, conforte explicitement dans leur statut actuel les logements sociaux construits avec l'aide de l'Etat.

Il renforce également la solidarité entre bailleurs. Face à la bai sse tendancielle de la construction de logements sociaux et pour faire face aux importants besoins à satisfaire, le Gouvernement a décidé de relancer le logement social et s'est engagé à favoriser la mixité sociale en créant un nouveau dispositif nancier le PLUS (prêt locatif à usage social). Ainsi pour béné cier du PLUS, les opérateurs doivent s'engager à louer en permanence au moins 30 % des logements à des ménages dont les revenus ne dépassent pas 60 % des plafonds de ressources xés pour l'accès aux logements sociaux, et à attribuer au plus 10 % des logements à des personnes dont les revenus sont supérieurs de 20 % maximum aux plafonds xés pour l'accès aux logements sociaux. Les bailleurs ont aussi obligation de fournir tous les trois ans, un état de l'occupation sociale des logements. Le PLUS va générer la construction d'un parc de qualité, faciliter le renouvellement du patrimoine existant. Il contribue aussi à redonner une image de marque attractive au logement social. Il s'af rme comme un atout majeur pour la reconversion urbaine et pour le développement équilibré et solidaire des villes

En n de manière complémentaire, les mesures prévues au sein du projet de loi SRU et les décisions déjà en oeuvre, notamment cel les issues du CIV du 14 décembre 1999 pour le logement privé, s'inscrivent bien dans la même ambition, a n de traiter de façon équilibrée et cohérente le parc privé des territoires en dif culté. C'est donc bien d'un renversement de tendance qu'il doit s'agir, comme le souligne l'honorable parlementaire. La croissance continue du budget du ministère de la ville traduit de façon très concrète cette volonté de cohérence dans l'action, d'autant que cette croissance ne prend son sens que par l'effet puissant de levier exercé par ce budget spéci que dans la mobilisation de l'ensemble des moyens de l'action publique, au premier rang desquels les collectivités territoriales dont l'implication dans les nouveaux contrats de ville s'est considérablement ampli ée. 10. - M. Henry Chabert attire l'attention de M. le ministre délégué à la ville sur les opérations de démolition-reconstruction de grands ensembles tant dans les banlieues que dans les centresvilles. Cette année encore, le Gouvernement indique vouloir donner une nouvelle dimension à la politique de renouvellement urbain conformément aux engagements pris lors du comité interministériel des villes de décembre 1999 et aux objectifs du projet de loi SRU. L'année dernière, il avait indiqué que l'objectif é tait la démolition de 7 000 logements environ. Aussi il souhaiterait connaître les résultats de ces opérations de démolition-reconst ruction pour l'année écoulée ainsi que l'objectif du Gouvernement pour l'année à venir.

Réponse. M. Henry Chabert attire l'attention de M. le ministre délégué à la ville sur les opérations de démolit ionreconstruction de grands ensembles tant dans les banlieues que dans les centres-villes. Cette année encore, le Gouvernement entend donner une nouvelle dimension à la politique de renouvellement urbain conformément aux engagements pris lors du comité interministériel des villes du 14 décembre 1999 et aux objectifs du projet de loi SRU. L'honorable parlementaire constatera dans le tableau ci-dessous le bilan des démolitions pour l'année 1999, replacé dans une évolution pluriannuelle.

Démolitions de logements locatifs sociaux 1993-1999 par région RÉGION 1996 1997 1998 1999 Alsace 70 40 120 Aquitaine 360 441 10 50 Auvergne 132 0 0 0 Bourgogne 0 104 368 43 Bretagne 12 0 0 40 Centre 0 60 273 258 Champagne-Ardenne 12 0 0 84 Franche-Comté 108 369 70 64 Ile-de-France 180 454 648 1 418 Languedoc-Roussillon 0 0 10 165 Limousin 0 16 0 48 Lorraine 80 272 206 559 Midi-Pyrénées 0 0 128 265 Nord-Pas-de-Calais 441 56 51 310 Basse-Normandie 0 0 320 0 Haute-Normandie 0 48 188 567 Pays de la Loire 0 318 94 211 Poitou-Charentes 0 0 140 Provence Alpes Côte d'Azur 98 360 292 272 Corse 0 65 0 0 Picardie 0 0 52 248 Rhône-Alpes 250 657 768 640 France métropolitaine 1 743 3 311 3 518 5 502


page précédente page 08438page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

La progression du nombre de démolitions entre 1998 et 1999 a donc été très forte : + 56 % (1984 logements démolis). Certaines régions se sont inscrites très nettement dans cette tend ance, comme l'Ile-de-France qui aura cumulé presque 2 700 démolitions de logements en 1999, la Lorraine (1 120 démolitions de logements), le Nord-Pas-de-Calais (860 logements démolis), la Haute-Normandie (800 logements démolis), Rhône-Alpes (2 315 logements démolis). Les opérations de démolitions comportent en moyenne 75 logements. Sur les 73 projets de démolitions présentés en 1999, 18 comptaient plus de 100 logements. Cependant, ces 18 opérations représentaient 2 910 logements, soit un peu plus de la moitié (53 %) de l'ensemble des logements autorisés à la démolition en 1999. Les projets les plus importants étaient situés en Ile-de-France : le quartier des Peintres (226 logements) au Val Fourré, à Mantesla-Jolie, la cité Gabriel-Péri, à Gentilly (224 logements), et la cité des 4000, à La Courneuve (barre Renoir : 362 logements).

Ces quatre dernières années, cinq régions ont enregistré de nom breuses démolitions : Ile-de-France, 3 064 logements démolis ; Rhône-Alpes, 2 315 logements démolis ; Lorraine, 1 141 logements démolis ; Provence-Alpes-Côte d'Azur, 1 052 logements démolis ; Nord-Pas-de-Calais, 958 logements démolis. Le coût moyen de démolition par logement est d'environ 100 000 francs ; il se décompose ainsi : 40 000 francs : travaux de démolition ; 3 0 000 francs : remboursement du capital restant dû ; 30 000 francs : coût social (relogement, MOUS...). Pour l'année 2000, les estimations à ce stade portent sur la démolition d'environ 8 000 logements. On assiste donc à une forte progression des opérations de démolition ; on peut donc envisager un rythme annuel de 10 à 12 000 logements démolis pour les années à venir. Ainsi, pour la région Ile-de-France, à court te rme (2000-2001) il est envisagé la démolition de 3 600 logement ; à moyen terme (2002-2004), les prévisions se situent autour de 4 700 logements. La ligne budgétaire 2001, relative au nancement des démolitions de logements sociaux, du secrétariat d'Etat au logement est de 115 millions de francs, plus 30 millions de francs pour les changements d'usage. En 2001, elle sera adaptée en fonction des besoins. Il convient en conclusion de souligner qu'au-delà des chiffres de ces opérations ceux-ci doivent être entendus comme faisant partie du large programme de renouvellement urbain engagé, sans lequel les démolitions en tant que telles ne prendraient pas tout leur sens.

11. M. Gilbert Meyer appelle l'attention de M. le ministre délégué à la ville sur les dif cultés nancières auxquelles sont confrontées les collectivités locales et leurs organismes d'HLM, dans la mise en oeuvre de la politique de renouvellement urbain lorsque celui-ci ne s'inscrit pas dans des dispositifs fortement aidés tels que les grands projets de ville (GPV) ou les opérations de renouvellement urbain (ORU). D'une part, les aides de l'Etat, même augmentées par les déplafonnements d'assiette et de majorations de subvention, restent dans le cadre traditionnel des PALULOS ou des subventions pour changement d'usage. Ces contributions sont notoirement insuf santes et appellent des nancements complémentaires de la part des collectivités locales. D'autre part, les bailleurs publics, qui sont au coeur des opérations de renouvellement urbain, connaissent des pertes conséquentes de recettes d'exploitation dues à la « vacance technique », prélude indispensable à la restructuration, au changement d'usage ou à la démolition. L'exemple de Colmar est signi catif. Le conseil municipal s'est engagé dans un projet ambitieux de renouvellement urbain q ui s'articule principalement autour du quartier Europe (ancienne ZUP). Ce projet prévoit la disparition de 190 logements, soit par démolition (135 logements) soit par restructuration ou changement d'usage (55 logements). Le coût total de l'opération , y compris pour la réorganisation des espaces extérieurs et l'implantation de services publics, est chiffré à plus de 110 millions de francs. Au-delà de l'investissement lui-même, la mise en oeuvre du projet génère pour l'of ce d'HLM, OPAC, des contraintes nancières très lourdes, en raison de la « vacance technique » qui portes ur les 190 logements concernés. L'OPAC a ainsi perdu 560 000 francs de loyers en 1999. Cette année, la perte dépassera le million de francs. A la n de l'opération, elles sera de l'ordre de 2,1 millions de francs par an. La perte cumulée peut ainsi être estimée à plus de 6 millions de francs. Or les dispositifs prévus par l'Etat pour le nancement des opérations de renouvellement urbain ne prennent pas en compte ces pertes de loyers. Ce sont par conséquent les collectivités locales qui sont mises à contribu tion pour aider nancièrement les bailleurs. En l'espèce, ce n'est pas leur rôle. Aussi il lui demande quelles mesures complémentaires il entend mettre en oeuvre pour que les pertes de loyer, qui font partie intégrante des opérations de renouvellement urbain, soient prises en compte par l'Etat dans le calcul des aides versées.

Réponse. L'honorable parlementaire évoque dans sa question l'important problème de la réduction des ressources nancières des organismes HLM en cas de vacance du parc locatif social.

Conscient de ce problème, le Gouvernement a permis aux organismes d'HLM de béné cier des prêts renouvellement urbain à 3 % de la Caisse des dépôts et consignations dont le champ d'application couvre également les dépenses liées à la restructurat ion du bâti à usage d'habitation et notamment les dépenses indirectes l iées aux opérations de démolition pouvant aller jusqu'à comprendre le coût de la « vacance technique » générée par le plan de relogement (perte de loyers,...) à compter de la date d'octroi de la subvention (circulaire prêts renouvellement urbain PRU du 4 septembre 2000). Le Gouvernement étudie également dans le cadre du projet de loi de nances la possibilité d'un dégrèvement de la taxe foncière sur la propriété bâtie (TFPB) des bai lleurs sociaux, s'il y a vacance de logements depuis plus de trois mois et dans le cadre d'un projet de démolition ou de gros travaux ; en contrepartie l'Etat exigerait la signature d'une convention de gestion de parc avec l'organisme HLM qui porterait notamment sur la mise en place d'une démarche de gestion urbaine de proximité.

Le Gouvernement envisagerait également un abattement de 30 % sur la valeur locative des logements locatifs sociaux situés en ZUS, pour le calcul de la TFBP sous réserve de la signature d'une convention de gestions du parc.

12. M. Jean-Claude Mignon appelle l'attention de M. le ministre délégué à la ville sur une des mesures présentées comme nouvelles au budget dont l'intérêt pour la politique de la ville lui paraît très discutable. Il se réfère notamment au dispositif de s dix mille « adultes-relais » pour lequel 300 millions de francs ont été affectés cette année, auxquels il faudra ajouter la participation nancière de partenaires tels que les caisses d'allocations familiales, les conseils généraux et régionaux. Il apparaît clairement que les adultes-relais ne sont ni plus ni moins que la version pour

« adultes » des emplois-jeunes - les conditions de diplôme en moins et les contraintes de résidence en plus. Or la pérennité des emplois-jeunes est très incertaine et suscite déjà l'inquiétude des associations et des collectivités locales qui ne seront pas toujours en mesure de prendre la succession de l'Etat pour nancer ces emplois. Il l'interroge donc sur l'intérêt de recourir à cette nou velle mesure dont on sait qu'arrivée à son terme (dans trois, voire dans six ans), elle donnera lieu à des interrogations et incertitudes , encore plus criantes que celles qui se posent aujourd'hui à propos des emplois-jeunes. Il lui demande quel peut être l'impact de cette mesure sur les habitants des quartiers quand les missions de médiation en zones sensibles sont con ées à des personnes sélectionnées selon des critères aussi laxistes et sans exigence aucune de professionnalisme et quelles sont les chances d'insertion professionnelle et sociale de ces adultes-relais à qui l'on propose de vagues missions précaires en les cantonnant dans leurs quartiers.

Réponse. L'honorable parlementaire exprime des doutes quant à l'utilité du programme de création, sur trois ans, de dix mille postes d'adultes-relais engagé par décision du comité interministériel des villes du 14 décembre 1999. Etablissant un parallèle avec le programme « nouveaux services emploi-jeunes », il pose les questions de la pérennité de ces postes, de l'impact de la mesure sur les habitants et de l'insertion sociale et professionnelle des adultes-relais. Il convient en premier lieu de rappeler que le principal objectif assigné par le Gouvernement à ce programme est de faciliter ou d'améliorer les rapports sociaux, voire de les renouer, entre les habitants des quartiers et les services publics au sens large ou entre les habitants eux-mêmes. Au-delà de cet objectif, il apparaît également que dans ces quartiers, sans doute plus qu'ailleurs, les adultes et les parents ont besoin d'être confortés e t valorisés dans leur rôle. Ces objectifs nécessitent qu'il soit fai t appel pour les concrétiser sur le terrain à des qualités de maturi té et d'expérience reconnues. Par ailleurs, depuis déjà plusieurs années, à l'initiative d'associations de terrain, dans des conditions d'exercice souvent précaires et fragiles, se sont développées dans les territoires de la politique de la ville des missions de relais, de facilitation du lien social, de passerelle entre des familles et des services, d'accompagnement dans les démarches, de soutien dans les moments dif ciles ou de tension, parfois de médiation sociale et c ulturelle. Ces missions contribuent à la cohésion sociale,


page précédente page 08439page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

complètent précieusement le travail social institutionnel et améliorent de façon signi cative les conditions d'accès aux droits des familles. Leurs bienfaits ont été largement mis en évidence par de nombreux travaux d'étude. Si l'utilité sociale de ces missions, tant pour les habitants que pour les institutions a largement été démontrée, quand on pense, par exemple, à l'action des femmesrelais, elles n'ont toutefois jamais véritablement été reconnues p ar les pouvoirs publics. Le programme des adultes-relais est donc aussi un moyen d'offrir à ces personnes un cadre plus stable, des conditions de rémunération plus solides et par là une reconnaissance attendue. Le programme des adultes-relais n'est donc en aucun cas un décalque des emplois jeunes en faveur des adultes. Il en diffère par les objectifs généraux, par les volumes de postes e n jeu et par les organismes éligibles. Le seul point commun réside dans les modalités de calcul de l'aide de l'Etat, xées à 80 % d'un SMIC charges sociales et patronales comprises pour un équivalent temps plein annuel. Le programme « adultes-relais » est une mesure spéci que de la politique de la ville, il repose sur une logique de projet en faveur de territoires prioritaires, alors que le programme « nouveaux services emploi-jeunes » est un programme général d'aide à l'emploi qui poursuit deux objectifs, le dével oppement de nouveaux services et la lutte contre le chômage des jeunes. La question de la pérennisation des postes d'adultes-relais se pose de manière différente que pour les emplois-jeunes, car les collectivités publiques, et de manière générale, le secteur pub lic soumis à des cadres statutaires stricts d'emploi, ne peuvent pas employer des adultes-relais. La question de l'intégration à terme au service public est donc sans objet pour les adultes-relais. Un comité national d'évaluation est mis en place, une convention de suivi statistique et d'exploitation passé entre la délégation inte rministérielle à la ville, la direction générale de la comptabil ité publique et la direction de l'animation de la recherche des études et des statistiques. C'est au vu des résultats du programme et de l'évaluation de son impact que seront, à terme, examinées les conditions de sa reconduite. Comme pour les emplois-jeunes, la qualité des services rendus, l'intérêt social et public des presta tions décideront largement de la poursuite de ce programme. Quoi qu'il en soit, au regard de la situation antérieure, ces postes constituent un progrès pour les personnes et organismes qui en béné cieront.

Il faut également souligner que les services instructeurs départementaux de l'Etat, sous l'autorité des préfets, sont invités à examiner attentivement les modalités de formation, d'encadrement et d'évolution professionnelle des personnes qui occuperont les postes d'adultes-relais, ce qui constitue aussi un facteur d'insertion professionnelle indéniable. Les adultes-relais ne sont pas des travailleurs sociaux institutionnels dont les conditions de recrutement et l'exercice du métier exigent des qualités, une quali cation et des procédures très précises. En ce sens plus qu'à la quali cation professionnelle au sens classique du terme et à la détention d'un diplôme, c'est à leurs aptitudes générales, leurs connaissances des quartiers et de leurs cultures, à leurs capacités à nouer une rela tion de con ance tant avec les habitants qu'avec les services qu'il sera fait appel. Ils font partie de ces missions émergentes dans la politique de la ville, qui sans pouvoir être considérées d'emblée comme des métiers, tendent à se professionnaliser, à l'instar des métiers traditionnels du secteur social qui sont nés de l'initiative associative et/ou individuelle bénévole et qui progressivement sont devenus des métiers à part entière avec des identités fortes, d es cursus de formation et des lières d'accès précis et des règles d'intervention et de déontologie strictes. Il convient, en outre, de préciser que, si les adultes-relais doivent avoir une excellente connaissance des quartiers et des habitants qui y vivent, la condition de résidence doit être appréciée avec souplesse et bon sens, et ne saurait donner lieu à la production d'une attestation comme c'était le cas par exemple dans le programme des emplois de ville mis en place par le pacte de relance pour la ville en 1996. En n, la circulaire d'application DIV/DPT-IEDE/2000/231 du 26 avril 2000 n'exige en aucune manière que les adultes-relais doivent excercer leurs missions dans leurs quartiers de résidence. Cette question des métiers de la politique de la ville et des nouvelles missions émergentes engendrées directement ou indirectement par cette politique, est au coeur du rapport « une nouvelle ambition pour les villes ; de nouvelles frontières pour les métiers » que Mme Claude Brévan et M. Paul Picard viennent de remettre très récemment au ministre délégué à la ville. Il comporte de nombreuses pistes d'action et de ré exion et plusieurs propositions d'améliorations de la situation actuelle de nature à permettre notamment de développer les conditions de professionnalisation ou d'insertion sociale et professionnelle des personnes occupant ces fonctions.

13. M. Patrick Braouezec appelle l'attention de M. le ministre délégué à la ville sur les ambiguïtés du mot d'ordre de mixité sociale à l'occasion de la discussion des crédits de son ministère notamment en matière de réparation du bâti. Après la politique de zonage et sa discrimination prétendument positive, la mixité sociale est en passe de devenir le nouvel avatar de la stigmatisation des quartiers populaires, de la tentative de masquer la question sociale derrière la question urbaine. La tendance à renvoyer aux ménages modestes la responsabilité ultime de leurs dif cultés se généralise dangereusement et risque de s'accentuer avec la reprise économique. Il faut redire que les quartiers, les villes populaires et leurs habitants, ne sont pas dif ciles mais mis en dif culté. L'idée de la mixité sociale peut être lourde de mépri s et de culpabilisation et laisser entendre qu'il y aurait des habitants indésirables, trop pauvres, trop précaires, trop étrangers ou trop pré sumés tels. Af cher la mixité sociale comme objectif de la politique de la ville serait une erreur. La mixité sociale ne se décrète pas . En clair, plus on en parlera, moins elle adviendra, tant l'expression suppose qu'il y a des voisins décidément pas souhaitables. Elle ne peut être que la résultante à moyen ou long terme de politiques de réduction volontariste des inégalités, en matière notamment d'a ccès à l'emploi, au logement, à l'éducation, aux services public s et à la santé. Dans les quartiers populaires la question n'est pas celle de la mixité sociale, mais bien celle de la mobilité sociale, de la conquête de l'égalité de traitement et de conditions de vie dignes des habitants, tels qu'ils sont et quels qu'ils soient. Pour beaucoup, l'enjeu quotidien n'est pas de se « mixer » mais tout simplement de se maintenir dans le logement social ou pour ceux qui résident dans un habitat ancien dégradé, voire insalubre, d'y accéder. A ce titre, le nancement des opérations de réhabilitation et de requali cation, bien qu'amélioré, demeure insuf sant et revient à en faire payer une partie par les locataires, au risque d'accentuer la précarisation de certains. Il est primordial que les opérations de démolitions s'accompagnent de reconstruction et au-delà de répondre à la forte demande de logements sociaux. La loi solidarité et renouvellement urbain en discussion et l'obligation de 20 % de logements sociaux dans toutes les villes constituent une partie de la réponse, mais ne sauraient justi er l'absence de possibilité de nouvelle offre dans les villes et quartiers populaires. Il est en effet peu probable que les demandeurs de logement de Saint-Denis ou de Roubaix accèdent à un logement social à Neuilly ou Marcq-en-Baroeul, où au demeurant ils ne souhaitent pas forcément résider. Détruire les logements sociaux à coup sûr déplace, on peut d'ailleurs se demander vers où, les « indésirés », mais n'attire pas forcément les habitants « souhaités ». Sans doute faut-il parfois détruire pour faire la ville sur la ville, mais il faut avant tout construire tant le besoin de logement social est criant. Construire partout, non dans un objectif de « rééquilibrage » de la pauvreté entre les villes mais pour avancer vers ce que serait une véritable liberté de choix de résidence et de lieu de vie. La mixité sociale ne doit pas servir d'alibi à l'abandon d'une politique ambitieuse et large du logement social, qui doit avoir toute sa place dans la « nouvelle ambition pour la ville », dont l'augmentation importante des crédits du ministère et les priorités accordées à l'accès à l'emploi, au développ ement local et à l'éducation témoignent. Il lui demande quelle suite il entend donner à de telles propositions.

Réponse. M. Patrick Braouezec attire l'attention sur l'ambiguïté du concept de mixité sociale qui fait partie des enjeux du programme national de renouvellement urbain mis en oeuvre par le Gouvernement au travers des cinquante grands projets de ville et des trente opérations de renouvellement urbain. En posant comme l'un des objectifs de la politique de la ville, le retour à une certaine diversité dans la composition sociologique des sites aujourd'hui en grande dif culté, le Gouvernement n'a voulu ni stigmatiser davantage les quartiers ni masquer la question sociale par la question urbaine, bien au contraire. L'objectif vise à enrayer l'accélération des processus de tri social au sein des agglomérati ons car s'il est inutile de s'étendre sur les multiples causes de ces processus de ségrégation, il n'est pas pour autant acceptable de les considérer comme une fatalité sur laquelle seules des interventions marginales seraient entreprises a n d'en limiter les effets les plus négatifs. Ce n'est pas sur des quartiers dif ciles et moins encore sur des familles dif ciles qu'il est nécessaire d'agir mais bien, comme l'indique M. Braouezec, de quartiers et de familles mis en dif culté par la crise économique, entravés dans leur développement parce qu'ils supportent le poids de multiples handicaps. Le souhait d'un retour à une certaine diversité sociologique des quartiers d'habitat social a plusieurs objectifs : cette mixité traduit concrètement le regain d'activité de ces quartiers. En effet, pas


page précédente page 08440page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

plus que certains quartiers ne se sont délibérément spécialisé s dans l'accueil des familles en grande dif culté, les familles qui les occupent n'ont, la plupart du temps, pas eu le choix de leur lieu d'habitat. Aborder la question de la mixité sociale ou plutôt de sa diversité dans une politique de renouvellement urbain, est un moyen de poser au bon niveau la question de l'attractivité du quartier, de sa qualité urbaine dans son sens le plus large et il y a tout lieu de penser que lorsqu'un quartier retrouve une qualité suf sante pour être attractif pour des ménages qui ont un réel choix en matière d'habitat, les habitants qui y vivent pro tent de cette amélioration ; la concentration de familles en grande dif culté ne met pas seulement en lumière l'ampleur de la crise sociale dans certains territoires, mais elle l'ampli e. Elle handicape lourdement les chances de trouver des solutions durables aux dif cultés liées à l'éducation et les diverses mesures de discrimination positive mises en oeuvre depuis des années ne peuvent trouver leurs effets que dans des contextes de complexité raisonnable. Or nous savons que la qualité des résultats d'une école est aujourd'hui un facteur dé terminant des choix de lieu d'habitat des familles. De même, le concentration de demandeurs d'emploi crée des situations inacceptables en créant arti ciellement des amalgames entre quartiers en dif culté et inemployabilité, ce qui est très loin de la réalité . La discrimination à l'embauche, qu'elle soit liée à l'origine des per sonnes ou à leur adresse trouve aussi une partie de ses racines dans l'image qu'ont les employeurs de cette concentration dans des quartiers qu'ils ne parviennent pas à considérer comme simplement populaires au sens que l'on donnait à ce mot encore récemment. Les exemples des effets négatifs de cette concentration d'habitants captifs dans certains quartiers pourraient être multipliés. Mais cette aspiration à la diversité doit se traduire de mu ltiples façons : la première consiste à donner aux populations en place tous les moyens de sortir de leurs situations dif ciles : retour à l'emploi, réussite scolaire de leurs enfants et possibilité de f ormer des projets d'avenir, apaisement des climats de tension occasionnés par les situations locales, amélioration des conditions d'habitat. Les habitants en place doivent librement et rapidement retrouver le choix de rester dans le quartier ou d'aller s'établir ailleurs. Le renouvellement urbain leur est destiné en priorité et c'est ce qui a conduit le Gouvernement à souhaiter que les grands projets de ville soient autant des projets de développement social et économique que des projets urbains. C'est également ce souci de travailler d'abord avec les habitants en place qui a conduit à exiger des dispositifs de participation de la population. En n, cette diversité sociale doit aussi s'appuyer sur une mixité de fonction à l'intéri eur des quartiers. La monofonctionnalité résidentielle des quartiers de la politique de la ville est aussi une des raisons de leur absence de diversité sociale. Le renouvellement urbain qui doit conduire à banaliser la fonction de ces quartiers dans l'agglomération tant en termes d'accueil d'activités que de diversité de l'habitat participe également de la construction d'une diversité sociale. Mais la réponse à l'objectif de diversité se trouve très largement en d ehors des quartiers en dif culté. Il n'y aura mixité dans ces quartiers que s'il y a mixité dans l'ensemble des agglomérations. La solution de la diversité passe par la prise de conscience par l'ensemble des c ommunes des agglomérations de la nécessité d'accueillir l'ensemble des populations dans leur diversité et, notamment, celles auxquelles sont destinés les logements locatifs sociaux. C'est le sens des dispositions proposées dans la loi sur le renouvellement urbain qui doit être promulgée avant la n de cette année 2000.

C'est également le sens des nombreuses mesures prises par le Gouvernement en faveur du mouvement HLM pour accélérer la construction de logements sociaux. Lorsque la politique de la ville évoque l'objectif de mixité sociale, c'est donc à une échelle p lus large que les seuls quartiers populaires. C'est le projet de société que poursuit le Gouvernement d'éviter la ville à deux vitesses et de construire une ville où l'on trouve le goût de vivre ensemble.

14. M. Michel Vaxès rappelle à M. le ministre délégué à la ville que la représentation nationale avait apprécié l'augmentation importante, ces trois dernières années, des crédits affectés pa r le Gouvernement à la politique de la ville, et qu'elle en avait approuvé les orientations. Cependant, malgré la volonté fortement af rmée de l'enjeu démocratique et de la simpli cation administrative, les associations sur le terrain doivent aujourd'hui continuer à faire face à de grandes dif cultés pour mettre en oeuvre leurs projets, tandis que les équipes opérationnelles et les acteurs locaux sont devenus des « marathoniens » des procédures et réunions tant se multiplient les dispositifs, mises en réseau et autres appels à pr ojet. Ainsi, à l'inverse des objectifs recherchés - partenariat et dialogue pour l'élaboration et la mise en oeuvre des actions et projets au plus près des habitants des sites concernés -, les risques d'une politique de la ville recentralisée et administrativement encadrée ne sont pas écartés, et cela d'autant moins que les règles d'éligi bilité au droit commun et plus particulièrement celles relatives à l'attribution des subventions échappent au dialogue et à la concertation et se trouvent de surcroît contraintes par la faiblesse des lignes budgétaires. Dans ces conditions le partenariat s'en trouve déséqu ilibré au détriment des acteurs locaux chargés de la mise en oeuv re de la politique de la ville. Par conséquent, il lui demande comment il envisage, pour l'année 2001, de faire face à cette dif culté.

Réponse. M. Michel Vaxès indique que les associations qui oeuvrent dans le domaine de la politique de la ville rencontrent de grandes dif cultés pour mettre en oeuvre leur projet et que les équipes opérationnelles sont contraintes à des parcours administra tifs particulièrement complexes tant se multiplient les dispositifs, les réseaux et les appels à projet. Il demande en conséquence quelles mesures permettront en 2001 de faire face à cette dif culté. Les associations sont des acteurs essentiels de la politique de la ville. Près de 15 000 d'entre elles interviennent régulièrement dans les quartiers en dif culté et sont ainsi directement au service des 6 millions d'habitants qui y vivent. A cet égard, il convient de rappeler que près de la moitié des crédits du ministère de la v ille est consacrée aux associations. Simpli er les procédures permettant aux associations un accès rapide à l'ensemble des dispositifs et tout particulièrement aux nancements est un impératif de la politique suivie dans ce domaine. Le constat que l'on peut faire aujourd'hui est cependant encore nuancé. La politique a depuis quelques années gagné en puissance et en rigueur. L'augmentation importante et régulière depuis 1998 des crédits qui lui sont consacré s en témoigne. Cette situation implique des responsabilités nouvelles tant dans l'équité qui doit présider à l'attribution des subven tions que dans la qualité des projets retenus. C'est pourquoi il convient de renforcer la mise en oeuvre des mesures décidées lors du comité interministériel des villes du 2 décembre 1998 : la mise en place du dossier unique de demande de subvention de l'Etat et du Fonds d'action sociale, la désignation dans les préfectures d'un interlocuteur unique et d'un pôle associatif unique, la mise en place d'une procédure de paiement simpli é sans visa préalable de l a trésorerie générale pour les subventions inférieures à 50 000 francs, l'expérimentation de mutualisation des fonds entre les différents partenaires. De même la mise en place de fonds de participation des habitants destinés à aider concrètement la ré alisation d'initiatives proposées par les habitants des quartiers euxmêmes va dans ce sens. Certes, les effets de l'ensemble de ces mesures ne sont pas encore totalement ressentis sur le terrain. Et c'est bien ce qu'exprime la question posée par l'honorable parlementaire. Certains retards sont explicables. Ils tiennent notamment au fait que l'année 2000 a été celle du renouvellement des contrats de ville. De nouveaux territoires prioritaires sont apparus, différant parfois la répartition des crédits. Mais cette période de prépa ration et de signature des contrats de ville est maintenant terminée.

L'année 2001 se présente sous de meilleurs auspices. Outre la forte augmentation des crédits, elle sera celle d'un approfondissement de la politique de la ville et tout particulièrement du partenariat avec les associations, gage de la reconnaissance effective des missions de service public qui, de fait, leur sont con ées. C'est pourquoi l'ensemble des préfectures réalisera un état précis des déla is de versements des subventions, ainsi que des raisons qui expliquent ceux d'entre eux particulièrement longs. Ces derniers devront faire l'objet en 2001 de solutions tendant à les réduire au minimum acceptable. Le développement des technologies de l'information a déjà permis à certaines préfectures, telle celle des Bouches-du Rhône, d'offrir un véritable système d'information, appelé Poli ville, aux associations leur permettant d'obtenir en temps réel un suivi de leur dossier. Ce dispositif, déjà expérimenté dans q uinze préfectures, sera généralisé progressivement durant l'année 2001. De même, les préfets renouvelleront les réunions organisées dans chaque département en 2000. Ces rencontres sont à la fois une occasion unique d'un travail en commun permettant de faire remonter les dif cultés rencontrées, de valider les solutions envisageables ainsi que de faire participer les associations aux orientations et aux priorités des contrats de ville. Ces rencontres devront faire l'objet d'un compte rendu précis adressé à l'ensemble des participants et faisant apparaître les engagements pris en commun capables d'améliorer les situations. De même, la formation des bénévoles doit être considérée comme un véritabl e droit.

C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de valoriser l'engagement associatif par la voie des acquis professionnels, permettant ainsi de faciliter l'entrée pour ceux qui le souhaitent dans les fonc-


page précédente page 08441page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

tions publiques. Le programme adultes relais va dans le même sens. Les associations en sont les principaux employeurs et les renforcent dans leur rôle incontournable : favoriser le dialogue, créer du lien social, aider à résoudre les problèmes mineurs de la vie quotidienne. L'ensemble de ces initiatives sera par ailleurs conforté par la mission que le Premier ministre va con er à M. Jean-Claude Sandrier, député du Cher, sur la situation des associations de la politique de la ville ainsi que sur les solutions susceptibles d'améliorer effectivement leurs engagements. Le recours plus systématique aux conventions pluriannuelles de nancement permettra d'établir une relation de plus long terme entre l'Etat et les associations, en garantisssant leurs ressources et en avançant les délais de paiement.

15. M. Michel Meylan attire l'attention de M. le ministre délégué à la ville sur l'inscription d'un crédit de 15 millions de francs au titre de dépenses nationales de formation et d'animation de la politique de la ville. Le rapport Brévan-Picard de septembre dernier, « Une nouvelle ambition pour la ville, de nouvelles frontières pour les métiers », a souligné que le développement de nouveaux métiers de la ville est l'un des éléments fondamentaux de la politique de la ville. Cette reconnaissance des métiers de la ville est une première étape indispensable vers leur professionnalisation et participe, avec la gendarmerie et la police, aux actions de sécurité et de prévention. Il lui demande donc si le Gouvernement compte utiliser la dotation allouée aux dépenses de formation et d'animation à cette n. Réponse. M. Michel Meylan attire l'attention de M. le délégué à la ville sur l'utilisation de la dotation allouée aux dépenses d'animation et de formation de la politique de la ville en rapport avec les enjeux du développement des nouveaux métiers de la ville soulignés par le rapport Brévan-Picard. La reconnaissance des fonctions exercées par ces médiateurs sociaux et de leur capacité à faire évoluer les services publics et les systèmes de représentation ain si que la nécessité de leur proposer des parcours de formation renforcés et quali ants ont conduit les rapporteurs à présenter plusieurs propositions dont la pertinence et les modalités de mise en oeuvre seront examinées dans le cadre du groupe de travail interministériel et partenarial sur les emplois de médiation sociale qui vient d'être installé et est animé par M. Yvon Robert, maire de Rouen, chargé d'une mission auprès du ministre délégué à la ville.

Une de ces propositions concerne l'organisation de rencontres régulières, dans le cadre des contrats de ville, entre l'ensemble des médiateurs, agents du service public et représentants d'associations d'habitants dans la perspective d'améliorer le fonctionnement des services publics. Dans le domaine de la formation, une autre proposition vise à dégager des crédits pour proposer aux agents locau x de médiation sociale issus des zones urbaines sensibles, des formations lourdes de remise à niveau et de professionnalisation.

L'ensemble des crédits alloués sur le chapitre 37-82, chapitre qui béné cie d'une mesure nouvelle de 25 MF pour 2001, qu'ils concernent l'enveloppe nationale ou qu'ils soient déconcentrés, ont vocation à nancer de telles opérations, sachant qu'ils servent déjà à nancer des initiatives locales comme les formations multipartenariales regroupant différents acteurs du champ de la prévention et de la sécurité parmi lesquels des emplois jeunes.

16. M. Bernard Perrut attire l'attention de M. le ministre délégué à la ville sur le niveau élevé, depuis deux ans, des crédits de fonctionnement alloués à la délégation interministérielle à la ville (DIV) et au Conseil national des villes (CNV). Il est ess entiellement lié à l'inscription d'une dépense de 4 millions de fran cs destinée à nancer les expertises et les colloques. Certes, un des éléments fondamentaux d'ef cacité de la politique de la ville réside dans la capacité de développer un réseau de partenaires. Des rencontres régulières à portée nationale, tels les colloques, sont nécessaires au bon fonctionnement de ce réseau. Pourtant, il convient de s'interroger sur la pertinence du montant alloué, sachant que depuis deux ans, le Gouvernement a été alerté sur le fait que le fonctionnement même de la DIV était entravé. Ainsi, l'organisation de manifestations sur l'emploi et le renouvellement urbain a nécessité des mouvements de crédits importants au détriment du fonctionnement de la DIV. Il s'interroge donc sur cette mésestimation et souhaiterait connaître la justi cation de la dotation allouée à la DIV au titre du budget 2001.

Réponse. M. Bernard Perrut interroge le ministre délégué à la ville au sujet des moyens de fonctionnement de la DIV, sur la abilité des prévisions relatives à l'exécution du budget, et not amment sur des mouvements de crédits nécessités par la mise en oeuvre du programme des rencontres nationales réalisées en 1999.

Il convient tout d'abord de souligner que la proportion du budget du ministère de la ville consacrée au fonctionnement de la DIV et du CNV s'établit, hors coûts de personnel, à moins de 1 % du budget total. Il est en effet essentiel que le budget du ministère, déconcentré à plus de 95 % auprès des préfets, soit destiné à la mise en oeuvre de la politique du Gouvernement, et principalement des contrats de ville. L'année 1999 s'est par ailleurs traduite par une série de rencontres nationales sur la prévention, l'école, l'emploi et le renouvellement urbain qui ont en effet nécessité des moyens importants, mais ces rencontres ont constitué le socle du développement de la nouvelle politique de la ville. L'absence d'un article clairement identi é dans la structure du budget 1999 pour ce type d'opérations avait en effet nécessité des mouvements inter nes de crédits sur le chapitre 37-60. Dès l'exercice 2000, l'identi cation d'un article spéci que, doté de 4 MF, a permis de clari er les conditions d'exécution du budget de fonctionnement qui ne connaîtra pas de transferts internes de même ampleur qu'en 1999.

La dotation prévue en 2001, qui consacre une stabilisation des moyens de la DIV, permet à celle-ci de faire face, outre son fonctionnement courant, à la mise en oeuvre de son programme de communication et d'édition, ainsi qu'à la poursuite de la mise en place d'un système d'information destiné à améliorer la gestion des crédits et leur visibilité. En n, le budget du ministère délégué ne comprend pas les moyens en personnel de la DIV, gérés par le ministère de l'équipement pour l'essentiel. La décision de renforc er ces moyens prise lors du CIV du 29 juin 2000, permettra, dès sa mise en oeuvre en 2001, de répondre aux préoccupations de l'honorable parlementaire à cet égard.

17. M. Renaud Donnedieu de Vabres rappelle à M. le ministre délégué à la ville que la politique de la ville se caractérise aujourd'hui par une multiplicité des intervenants (Etat, régions, départements, communes), des structures (délégat ion interministérielle à la ville, Conseil national des villes...) et des instruments de la plani cation territoriale (contrats de plan Etatrégion, contrats de pays, contrats d'agglomération, contrats de ville, contrats locaux de sécurité...). Le travail du Gouvernement depuis deux ans se perd dans un fouillis d'initiatives ministérielles concernant l'habitat, la prévention de la délinquance, l'emploi des jeunes... Il se dilue ainsi dans un ensemble de lois et projets de lois sur l'aménagement du territoire, l'intercommunalité, l'habitat et l'urbanisme, sans qu'une synthèse et une vision d'ensemble ne puissent être dégagées alors que des besoins urgents se manifesten t. Lors de son entrée en fonction, il avait annoncé la création d'un

« Institut pour la ville » chargé d'articuler l'action des différents acteurs de la politique de la ville. Aucun élément budgétaire ne gurait dans la loi de nances 2000 dans ce sens. Au cours de l'été dernier il a annoncé la mise en place de cet institut dont la présidence reviendra à Mme Catherine Trautman. Il lui demande quels seront, pour l'exercice 2001, les moyens nanciers et humains attribués à cette structure, quels objectifs concrets il compte lui xer, a n qu'elle puisse concourir à la clari cation des responsabilités de l'ensemble des acteurs, essentielle à l'ef cacité et à la cohérence de la politique de la ville et si, au lieu de créer une nouvelle structure « gigogne », il ne serait pas plus ef cace de redé nir les responsabilités entre l'Etat et les villes, par exemple en matière de sécurité.

R éponse. Contrairement à ce qu'af rme M. Donnedieu de Vabres, la politique de la ville se développe dans une grande cohérence d'ensemble depuis trois ans. Les trois lois sur l'intercommunalité, sur le développement durable du territoire et sur la solidarité et le renouvellement urbains offrent un nouveau cadre pour les relations contractuelles entre l'Etat et les collectivités locales. Il est fondé sur la reconnaissance de l'agglomération comme territoire pertinent d'élaboration et de mise en oeuvre de politiques de solidarité urbaine, sur une cohérence des interventions menées dans les territoires urbains et ruraux et sur des moyens rénovés pour favoriser la mixité urbaine et sociale. Parall èlement aux diverses conventions existantes durant la période 1994-1999 succède une formule contractuelle unique, le contrat de ville, qui regroupera l'ensemble des conventions thématiques, notamment en matière d'éducation et de sécurité. Concer nant l'Institut des villes, il convient tout d'abord de préciser qu'il y aura pour le champ d'intervention l'ensemble des politiques urbaines et pas seulement la politique de la ville. Le principe de la création de l'Institut des villes a été arrêté lors du comit é interministériel des villes du 30 juin 1998. Sur la base du rapport remis par M. Georges Cavallier, ingénieur général honoraire des


page précédente page 08442page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

ponts et chaussées, au ministre de l'équipement et au ministre délégué à la ville, il a été décidé de conférer à cet organisme les missions suivantes : capitaliser, valoriser et diffuser les travaux de recherche, les savoirs et savoir-faire en mettant en communication l'ensemble des acteurs de la politique urbaine (élus, administrations, organismes publics, entreprises, chercheurs et professionnels) ; organiser des échanges, des rencontres et des débats entre les acteurs ; faire connaître et discuter les expériences étrangères. L'ins titut travaillera en réseau avec l'ensemble des centres de ressources existants dans le domaine des politiques urbaines. L'institut devra mobiliser les informations existantes au pro t des membres du réseau ainsi créé et les faire béné cier de synthèses des échanges qu'il organise. Il sera créé sous la forme d'un groupement d'intér êt public. Le conseil d'administration du groupement comprendra à parité les principaux ministères concernés et des associations d'é lus, ainsi que la Caisse des dépôts et consignations. Un conseil de personnalités éminentes de la recherche, de la culture, des médias ainsi qu'un comité d'experts seront institués pour contribuer au rayonnement de l'institut et assister le conseil d'administration. Il a été décidé de doter l'institut d'une contribution de l'Etat d e dix millions de francs pour l'année 2001, sous la forme d'une ligne nouvelle qui sera créé sur le budget du ministère de la ville et a limentée par redéploiement de crédits déjà votés. L'équi pe permanente devrait comprendre une quinzaine de personnes. En n, M. Donnadieu de Vabres pose la question d'une redistribution des compétences de l'Etat et les collectivités locales. Ce débat dé passe la mise en oeuvre de la politique de la ville et concerne l'avenir même de la décentralisation sur lequel le Parlement aura l'occasion de se prononcer après la remise du rapport Mauroy, comme l'a annoncé le Premier ministre.


page précédente page 08443page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Projet de loi de nances pour 2001 Réunion de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales COMPTE RENDU INTÉGRAL

(Les questions écrites et les réponses concernant ces crédits s ont publiées page ....)

Séance du mardi 7 novembre 2000

SOMMAIRE Crédits de l'éducation nationale

II. Enseignement supérieur

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale.

M. Alain Claeys, rapporteur spécial de la commission des nances, de l'économie générale et du plan.

M. Jean-Jacques Denis, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

MM. Jean-Michel Dubernard, Patrick Leroy, René Couanau, Claude Goasguen, Philippe Vuilque, Alain Néri.

M. le ministre, M. Camille Darsières.

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement pro fessionnel.

Adoption du rapport pour avis.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures vingt.)

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, monsieur le ministre délégué à l'enseignement professionnel, la commission des affaires sociales va vous entendre aujourd'hui sur les crédits de l'enseignement supérieur.

La procédure de la commission élargie que nous allons utiliser est basée sur la vivacité et la spontanéité des échanges. L' année dernière, nous avons expérimenté cette nouvelle procédure avec, je crois, un intérêt incontestable et des débats de très grande qualité le plus souvent. Je suis convaincu qu'il en sera de même aujourd'hui. Chacun devra faire un effort de concision, moi le premier d'ailleurs, a n que nos débats soient vivants et se terminent à l'heure limite. Celle-ci ne devra pas dépasser 19 heures, 19 heures 30, les ministres étant à notre disposition jusqu'à cette heure-là. Ces observations s'adressent à l'ensemble des membres de la commission élargie et aux deux orateurs. Je les connais suf samment pour savoir qu'ils tiendront compte des remarques que je vais faire.

D'abord, le ministre présentera le budget pendant quinze minutes environ, et M. Jack Lang est toujours extrêmement précis dans ses présentations. Ensuite, je donnerai la parole au rapporteur spécial de la commission des nances, M. Alain Claeys, pour une durée d'environ 10 à 15 minutes. En n au rapporteur pour avis, M. Jean-Jacques Denis, pour 10 minutes au plus.

M. le ministre leur répondra, puis, le porte-parole de chaque groupe pourra s'exprimer pour une durée d'environ 5 minutes.

Bien entendu, le ministre répondra à cette deuxième série d'interventions. Si chacun joue le jeu avec clarté et concision, nous pourrons alors passer à une troisième phase d'interventions, à condition toutefois de respecter l'horaire limite que je viens d'indiquer.

Cette nouvelle procédure a fait la preuve de son utilité. Les débats se déroulent en présence de la presse. Ils sont retransmis simultanément dans l'enceinte de l'Assemblée nationale et sur La Chaîne Parlementaire. Jusqu'à présent, cette procédure a donné d'excellents résultats. Je suis persuadé qu'il en sera de même pour les crédits de l'enseignement supérieur.

Monsieur Jack Lang, je vous donne la parole pour l'intervention liminaire et introductive.

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vais essayer de donner l'exemple de la concision. Je le ferai d'autant plus aisément que les parlementaires ici présents connaissent les documents budgétaires soumis. Il me suf ra, en quelques mots, de rappeler les grands principes qui guident notre action, puis d'évoquer, non moins rapidement, l'originalité des propositions budgétaires qui vous sont soumises. Ces principes se caractérisent d'abord par notre volonté, très af rmée, de placer les étudiants au coeur de nos préoccupations dans l'enseignement supé-r ieur. Cette volonté se traduit par toute une série de modi cations, qui entreront en vigueur au cours des prochains mois. Je les résume dans l'immédiat à quelques têtes de chapitr e. Mais en réponse à vos questions, j'apporterai des précisions.

Nous entendons d'abord améliorer la pédagogie du premier cycle en instituant des projets pédagogiques, en généralisant l'enseignement par petits groupes et le contrôle continu. Nous comptons en outre créer une fonction de directeur des études, et prendre d'autres mesures dont je pourrais dire un mot si vous le


page précédente page 08444page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

souhaitez. Pour faciliter la vie des étudiants, toujours, nous souhaitons améliorer les possibilités de réorientation. Cela récla mera certainement une plus grande pluridisciplinarité en premier cycle et le report des dates de réorientation, non pas à la n du premier semestre, mais à la n de l'année.

Pour améliorer les conditions de vie et de travail des étudiants, nous comptons aussi renforcer les moyens d'information et d'accueil. La création de nombreux postes IATOSS, prévue dans le budget 2001, pourra y contribuer. L'achèvement et la consolidation du plan social étudiants nous permettra également d'atteindre cet objectif. Ce plan rendra possible en outre l'intensi cation de la construction et de l'amélioration des logements des étudiants ainsi que le développement accéléré des biblio thèques universitaires (construction, modernisation, élargissement des plages d'ouverture).

En n, nous souhaitons faciliter sous toutes ses formes la participation des étudiants à la gestion même des universités et aux activités sportives, culturelles, humanitaires ou autres. La première préoccupation de notre politique de l'enseignement supérieur est donc claire : assurer la pleine réussite des étudiants.

La deuxième préoccupation du Gouvernement est de favoriser la créativité et l'innovation en matière de formation. Je me bornerai simplement à énumérer quelques initiatives sur lesquelles je pourrai revenir si vous le souhaitez. Nous souhaitons faire évoluer certaines disciplines comme l'économie, la philosophie des sciences et la médecine. Nous voulons également favoriser - je l'évoquais précédemment - la pluridisciplinarité, qui consti tue un élément de la rénovation en profondeur de notre système d'enseignement. Notre ambition est aussi d'encourager la professionnalisation grâce aux licences professionnelles, mais aussi à travers d'autres mesures. En n, nous comptons considérablement développer les nouvelles technologies éducatives, et en particulier l'enseignement à distance.

Notre troisième préoccupation est d'accroître la mobilité des étudiants en Europe. Plus le temps passera, plus il sera souhaitable que les étudiants français puissent avoir la chance de passer une partie de leurs études hors de France. De même, il est souhaitable qu'à l'avenir notre pays accueille un nombre croissant d'étudiants étrangers. Pour atteindre cet objectif, il est important que la puissance publique prenne des initiatives. Nous devons établir une meilleure lisibilité de nos diplômes, promouvoir l'harmonisation des diplômes européens, accélérer les procéd ures de reconnaissance et de certi cation des périodes d'études à l'étranger, proposer des bourses de mobilité, multiplier - nous avons commencé cette année à le faire - les universités euro péennes d'été et en n améliorer l'accueil des étudiants étrangers.

Dans cet esprit, j'ai con é une mission d'études à M. Cohen, ancien président de l'université Paris-Dauphine, en accord avec M. le ministre des affaires étrangères, Hubert Védrine. Je me rendrai jeudi avec M. Mélenchon à la réunion des ministres de l'éducation de l'Union européenne. A cette occasion, nous soumettrons à nos homologues, le plan destiné à accroître la mobilité des étudiants européens, avec l'espoir qu'il pourra être adopté lors du sommet des chefs d'Etat et de Gouvernement de Nice.

Notre quatrième préoccupation concerne la refondation de l'autonomie universitaire. A cette n, nous souhaitons repenser le métier de professeur en université, moderniser et mieux piloter les établissements, développer l'évaluation et en particulier celle des enseignements en utilisant pleinement les compétences du Comité national d'évaluation. Je n'en dis pas davantage si je veux respecter l'obligation qui nous est soumise par votre président.

Ces préoccupations se traduisent dans les documents budgétaires qui vous sont soumis. Je me contenterai ici d'en relever les principaux chapitres. Ce budget 2001 consolide, con rme et ampli e les efforts engagés depuis trois ans. D'abord en ce qui concerne les créations d'emplois, et notamment l'amélioration du taux d'encadrement des enseignants. Grâce aux mesures que nous vous proposons et qui, nous l'espérons, seront adoptées, ce taux d'encadrement s'établira en moyenne à un enseignant pour dix-neuf étudiants. Cet effort sera poursuivi au cours des deux prochaines années.

Toujours à propos des emplois. A la demande quasiment unanime des présidents d'université, nous souhaitons améliorer signi cativement le taux d'encadrement en IATOSS. Dans ce but, 1 000 postes supplémentaires d'ingénieur, d'administratif, de technicien et d'ouvrier de service seront créés pour la rentrée 2001, dont 150 destinés aux bibliothèques. A cela s'ajoutera la création d'un certain nombre de postes d'encadrement sanitaire et social à travers des emplois d'in rmière et d'assistante sociale. Concernant les emplois, notre souci a également été d'améliorer un certain nombre de situations particulières et notamment celles des maîtres de conférence. Cette mesure, vous le savez, était attendue depuis plus de vingt ans. Elle concernera 32 000 emplois de maître de conférence et se traduira par la fusion des deux premières classes de ce corps.

L'autre originalité du budget qui vous est présenté est la forte hausse des crédits de fonctionnement, qui progressent de 180 millions de francs au titre du budget 2001. C'est la plus forte progression depuis trois ans. Elle représente un triplement par rapport aux dispositions du budget 2000. Sur cette somme, 120 millions de francs iront aux établissements eux-mêmes.

En n, conformément à ce qui a été fait au cours des dernières années, les investissements seront accélérés. Mais je n'en dis pas plus. Je répondrai à vos questions sur ce sujet, ainsi que sur celles concernant l'achèvement du plan social étudiants que j'évoquais plus tôt.

Je m'arrêterai là. J'ai peut-être déjà débordé de quel ques minutes le temps qui m'était imparti. Et je préfère réserver mo n temps de parole pour répondre aux questions que vous voudrez me poser.

M. le président.

Merci, monsieur le ministre. Je salue la présence parmi nous de M. Didier Migaud, le rapporteur général du budget, promoteur de cette forme nouvelle de débat. Il est très attentif à la manière dont nous l'organisons et j'espè re qu'il en sera satisfait. Il me le fera savoir de toute manière.

Je vais donner la parole aux deux rapporteurs. Ensuite, je ferai au besoin quelques remarques pour appuyer les points évoqués par l'un ou l'autre des deux orateurs.

M. Claeys, vous avez la parole.

M. Alain Claeys, rapporteur spécial de la commission des nances, de l'économie générale et du Plan.

Merci, monsieur le président. Mes chers collègues, monsieur le ministre, j'essaierai d'être bref et d'en venir immédiatement à mes questions, pour donner du rythme à notre réunion.

Mais, en tant que rapporteur de la commission des nances, je dois dire quelques mots sur le budget. Monsieur le ministre, je voudrais d'abord remercier une nouvelle fois la collaboration de vos services dans la préparation de la discussion entre le Parlement et votre ministère. Cela s'est passé dans de bonnes conditions, à une réserve près : le document consolidé de l'enseignement supérieur ne nous est parvenu qu'hier. A cette réserve près, la collaboration a été parfaite.

Je ne m'intéresserai, monsieur le ministre, qu'aux grandes orientations de ce budget, a n d'en venir au plus tôt aux questions. Chers collègues, comme vous le savez, le projet de budget pour 2001 de la section enseignement supérieur du ministère de l'éducation nationale s'élève à un peu plus de 56 milliards de francs en crédits de paiement et dépenses ordinaires. Si l'on fait abstraction des 2,5 milliards de francs correspondant aux cotisations patronales au titre du régime d'assurance maladie des fonctionnaires, qui étaient jusqu'à présent inscrits sur le budget des charges communes, les crédits de l'enseignement supérieur pour 2001 s'élèvent à 53,9 milliards de francs.

A périmètre constant, ces crédits enregistrent une progression de 2,7 %, supérieure à celle de l'ensemble des budgets civils de l'Etat, qui est, je vous le rappelle, de 1,6 %. Ce taux de progression montre que cette année encore une priorité absolue est accordée à la modernisation de l'enseignement supérieur, alors même que le nombre d'étudiants se stabilise. En effet, pour la quatrième année consécutive, le nombre d'étudiants a diminué de 0,1 % dans l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur. Dans ces conditions, l'exécution de ce budget contribuera donc à l'amélioration de la vie étudiante.

Cette présentation générale étant faite, j'en viens aux priorit és que traduit ce budget, telles que je les ai évoquées dans mon rapport. La première de ces priorités est la mise en oeuvre de la dernière étape du plan social étudiant. Bien entendu, l'effort social pour les étudiants se poursuivra au-delà de ce plan. Mais il


page précédente page 08445page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

est temps de dresser un bilan du plan en cours d'exécution. Son objectif est qu'en quatre ans 30 % des 1,7 million étudiants inscrits dans l'enseignement supérieur béné cient d'une aide.

A cette n, le chapitre des bourses prévoit une augmentation de 604 millions de francs, dont 251 millions de francs de moyens nouveaux.

Ces moyens permettront de nancer les mesures présentées par le ministre, en particulier la mise en place d'une bourse de deuxième cycle, a n que les étudiants en situation d'échec ou de réorientation puissent conserver leur bourse durant l'année universitaire. Au total, près de 500 000 étudiants béné cieront ainsi d'une aide à la rentrée 2001, soit près de 30 % des étudiants inscrits dans l'enseignement supérieur.

J'insiste sur le fait qu'il s'agit d'un effort considérable, représentant 2,7 milliards de francs sur quatre ans. Par ailleurs, je tiens à préciser que l'achèvement du plan social ne signi e en aucun cas la n de tout engagement nancier pour l'amélioration des conditions de la vie matérielle des étudiants. Bien au contraire, d'autres types de dépenses sont prévus dans le plan U3M, a n de rénover et construire de nouveaux logements d'étudiants. La continuité de cet effort témoigne d'une réelle prise en compte des besoins des étudiants, qui se trouvent ainsi, comme l'a souligné le ministre, au centre des actions de modernisation de l'enseignement supérieur.

S'agissant des personnels, le budget 2001 prévoit la création de 1 000 emplois de personnel IATOSS, dont 150 emplois de personnel de bibliothèque contre quatre-vingts emplois l'année dernière. Dans le prolongement du plan social étudiant, ces mesures mettent l'accent sur l'amélioration de la qualité de vie étudiante à travers la création de trente-trois emplois d'in rmières et de quinze emplois d'assistantes sociales. Le projet de loi de nances prévoit également la création de 350 emplois de maîtres de conférence, et de 256 postes d'attachés temporaires d'enseignement et de recherche (ATER) et de soixante professeurs associés à temps partiel. De plus, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, 238 millions de francs seront consacrés à la revalorisation des carrières. Compte tenu de la baisse des effectifs universitaires, ces mesures permettront d'améliorer le taux d'encadrement des étudiants, qui sera, comme vous l'avez souligné M. le ministre, de 18,87 étudiants par enseignant à la rentrée 2001. Ce chiffre est à rapprocher du taux de 21,63 qui avait cours en 1997.

Troisième objectif, l'amélioration des conditions de fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur. Le budget pour 2001 abonde d'environ 120 millions de francs les dotations de fonctionnement qui leur sont allouées. Dans le prolongement des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle constituée au sein de la commission des nances pour évaluer l'ef cacité de la dépense publique, je souhaiterais m'attarder quelques instants sur la question de la modernisation de la gestion des universités. Je vous rappelle qu'une partie des dotations allouées aux établissements leur est affectée dans le cadre de la politique contractuelle. Cette politique est à mon sens essentielle pour l'af rmation de l'autonomie des universités qui est parfois perçue comme illusoire compte tenu de la prépondérance des crédits d'état dans leur nancement. Il nous a semblé indispensable de renforcer l'ef cacité de l'évaluation de cette politique dans le but d'af rmer son importance et d'asseoir sa crédibilité.

Vous nous avez fait part, monsieur le ministre, de votre approbation, et je constate qu'un effort de coordination de l'évaluation de cette politique a été engagé au sein du ministère da ns le but, notamment, de mieux y associer le Comité national d'évaluation. Cet effort se traduit dans le projet de loi de nances par un renforcement des moyens de ce comité à hauteur de 824 000 francs destiné à accroître les indemnités d'expertise, les frais de mission et à permettre le renouvellement de son informatique. Il s'agit d'une avancée non négligeable et je souhaite que les efforts engagés soient poursuivis.

J'en reviens, mes chers collègues, au budget proprement dit pour préciser que la progression des moyens de fonctionnement inscrite dans le projet de loi de nance béné ciera également aux bibliothèques à hauteur de 20 millions de francs ainsi qu'à certains établissements, comme l'établissement public du campus de Jussieu et l'établissement public du musée du quai Branly.

Le quatrième point auquel j'attache une attention particulière, concerne l'effort consenti en faveur de la rénovation et de la mise en sécurité des bâtiments universitaires dans le cadre du plan U3M.

Ce plan représente un effort conjoint de l'Etat et des collectivités locales d'environ 42 milliards de francs inscrits dans les contrats de plan Etat-régions pour la période 2000-2006. A ce propos, je voudrais ouvrir une parenthèse. Je considère que la réalisation du plan Université 2000 a été excellente. Son taux de réalisation a été extrêmement élevé grâce à l'Etat et aux collectivités locales. Au regard des engagements annoncés aussi bien par l'Etat que par les collectivités locales, le plan U3M s'annonce également comme un plan extrêmement important pour nos universités, même si d'une région à l'autre un certain nombre de différences peuvent être constatées.

Sur les 18,3 milliards de francs nancés par l'Etat, le ministre de l'éducation nationale assume la part la plus importante avec 14,3 milliards de francs. Il convient d'ajouter à cette somme, 5,7 milliards de francs prévus hors contrat de plan, pour le nancement du muséum d'histoire naturelle, la mise en place du musée du quai Branly et les crédits de mise en sécurité des bâ timents universitaires.

S'agissant des opérations prévues dans les contrats de plan, j'indique simplement que les crédits de construction et de premier équipement s'élèveront à plus de 2 milliards de francs en autorisations de programme et à 514 MF en crédits de paiement, tandis que la subvention d'équipement allouée à la recherche universitaire passe de 1,86 milliard de francs à plus de 2 milliards de francs en autorisations de programme, soit une progression signi cative de 10 %.

Je vous précise que la programmation des travaux prévus dans cette enveloppe est désormais transmise au Parlement à la suite des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle que j'évoquais à l'instant.

A propos des opérations spéci ques prises en charge par l'Etat, je veux signaler la mise en place d'un nouveau plan de sécurité qui doit béné cier de 2,7 milliards de francs sur la période 2000-2006. En 2001, sa mise en oeuvre mobilisera 486 MF en autorisations de programme et 228 MF en crédits de paiement.

Ce plan représente un progrès très important en matière de rénovation du patrimoine universitaire. J'espère qu'au cours de nos échanges nous aurons l'occasion d'évoquer plus en détail son contenu.

En n, je souhaite appeler l'attention sur les efforts d'ouverture internationale réalisés depuis quelques années tant par le ministère que par les universités. Le projet de loi de nances accompagne ces efforts en prévoyant une augmentation de plus de 13 millions de francs des crédits consacrés aux relations internationales. Ces crédits supplémentaires béné cieront, à hauteur de 5 millions de francs, à l'agence Edufrance. A ce propos, je me félicite, monsieur le ministre, de l'étude que vous avez con ée à M. Cohen concernant cette agence. Ces crédits seront également alloués à la nouvelle agence Socratès, chargée de gérer les programmes européens d'échanges ainsi qu'aux universités francoallemandes et franco-italiennes.

Monsieur le ministre, vous avez af rmé, en introduction, vos quatre priorités, à savoir la pleine réussite des étudiants, le développement de la créativité et de l'innovation, la promotion de la mobilité et la refondation de l'autonomie universitaire.

Ce budget vous permettra d'atteindre ces objectifs. J'ajoute que les membres de la commission des nances ont adopté les crédits de l'enseignement supérieur inscrits dans le projet du budget pour 2001.

Après cette présentation, peut-être un peu fastidieuse, j'en viens aux questions. Je voudrais vous poser, monsieur le ministre, six questions. Elles seront courtes. Tout d'abord, je souhaiterais connaître précisément les actions que vous encouragez en matière d'enseignement supérieur dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne. Ayant consacré un rapport à l'accueil des étudiants étrangers en France, je suis tout particulièrement intéressé par les initiatives prises pour favoris er la mobilité.


page précédente page 08446page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

A cet égard, la dernière tranche du plan social étudiant prévoit la mise en place de bourses de mobilité. Pouvez-vous nous indiquer comment seront gérées ces bourses et, notamment, si elles seront directement déléguées aux universités, comme je le préconisais dans mon rapport ? Ma deuxième question porte sur le plan U3M. L'une des priorités de ce plan sera l'aménagement universitaire de Paris et de l'Ile-de-France, collectivités qui n'ont pas participé au schém a Université 2000. Un vaste projet est ainsi prévu sur la zone dite

« Tolbiac » auquel l'Etat consacrera 250 millions de francs sur la période 2000-2006. Pourriez-vous nous préciser le calendrier de cette opération, ainsi que le contenu des autres projets envisagés en Ile-de-France ? Ma troisième interrogation concerne le nouveau contexte créé pour les universités par l'adoption de la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche.

Cette loi prévoit, en effet, la mise en place de services d'activité industrielle et commerciale, dits SAIC, dont la vocation est de regrouper les activités effectuées par les universités à tit re onéreux. Je souhaiterais savoir où en est l'élaboration du décret xant le périmètre des SAIC. J'aimerais également que vous précisiez si la formation continue sera intégrée dans ces services.

Quatrième question, monsieur le ministre, elle est relative à la formation continue. Pourriez-vous nous dire comment le développement de ce que l'on appelle désormais « la formation tout au long de la vie » est encouragé par le ministère, et avec quel résultat ? Je pense, en particulier, aux appels d'offres lancés par certaines universités.

Cinquième question, s'agissant maintenant du plan social étudiant, que recouvre exactement la somme de 2,7 milliards de francs annoncée pour sa réalisation ? En n, monsieur le ministre, ma dernière question porte sur les personnels de l'enseignement supérieur. Je souhaiterais savoir si une programmation des recrutements sur cinq ans est envisageable dans la perspective des nombreux départs à la retraite attendus en 2005 et 2010.

Une telle programmation est à l'étude dans le domaine de la recherche. Cette démarche a-t-elle un sens dans celui de l'enseignement supérieur ? A défaut, ne pourrait-on pas disposer d'une projection des évolutions sur cinq ans a n de mieux apprécier les besoins de recrutement.

M. le président.

M. Claeys a fait une présentation précise du budget, ce qui permet à M. Jean-Jacques Denis de passer directement aux questions.

M. Jean-Jacques Denis, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Au titre de la commission sociale, je souhaiterais souligner quelques points.

Monsieur le ministre, chers collègues, je ne reviendrai pas sur les points soulignés par M. Alain Claeys, il est toutefois nécessaire de se féliciter du budget de l'éducation nationale. D'autant que cette opinion est partagée par l'ensemble des partenaires que j'ai pu auditionner jusqu'à présent.

En augmentation de 56 milliards de francs, correspondant à une croissance de 2,73 % des dépenses, c'est un bon budget.

L'éducation nationale fait partie, avec la sécurité, la justice et l'environnement, des priorités retenues par la loi de nances pour 2001.

Quelles sont les grandes orientations de ce budget ? Les dépenses de personnel, d'équipement et les bourses. Mais l'objet de la commission sociale est de s'intéresser plus spéci quement aux éléments sociaux. Je ne vais donc pas m'arrêter aux données chiffrées aujourd'hui, tout en précisant tout de même que les dépenses de personnel représentent 32,9 milliards de francs et sont en augmentation cette année de 7,4 %.

Un effort a été fait, cela a été souligné, mais il est né cessaire de le rappeler à nouveau, en faveur des personnels IATOSS, a vec la création de 1 000 nouveaux postes. Ces mesures devraient permettre de réduire le nombre d'agents non titulaires, en situation précaire, sans pour autant cependant éradiquer le dif cile problème de la précarité dans la fonction publique.

A ce sujet, c'est une question que j'insère dans mon intervention, ne conviendrait-il pas d'envisager un état des lieux sur cette catégorie de personnel ? Combien d'emplois précaires restet-il à l'éducation nationale ? Sachant que certains sont employés par l'Etat et d'autres par les universités. Quels sont les besoins en nombre et en quali cation ? Pour revenir au budget, ces créations de postes doivent aussi permettre d'améliorer les conditions de fonctionnement et donc de travail des établissements d'enseignement supérieur.

Deux questions récentes se sont ajoutées à ce chapitre IATOSS.

Premièrement, les problèmes des contrats de travail de 10 mois proposés désormais à ces personnels. Dans le cadre de ce rapport, j'ai posé une question écrite. Il faut dire qu'à la pr écarité de l'emploi s'est ajoutée une précarité nancière. Dans les trois universités de Nancy, plus de 100 personnes régulièrement employées depuis une dizaine d'années sur la base de contrats de douze mois se sont vus appliquer strictement depuis un an, la règle des contrats de dix mois. Ils ne sont donc plus payés que dix mois sur douze. Ce qui crée un manque à gagner important.

Deuxième question concernant les IATOSS, elle est dictée notamment par l'une des propositions de la commission Mauroy, qui suggère d'accentuer la décentralisation de l'enseignement supérieur, des murs et du patrimoine des universités, mais aussi du personnel non enseignant. Cette proposition suscite une inquiétude, que je partage, de voir l'Etat se décharger sur les collectivités locales de ses responsabilités à leur égard.

J'en viens aux mesures en faveur des étudiants. L'aide sociale aux étudiants constitue le troisième poste des crédits de l'enseignement supérieur. C'est également l'un des thèmes retenus cette année par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales dans son avis.

On peut remarquer néanmoins qu'il est dif cile d'évaluer les besoins. Dès lors que les études supérieures se démocratisent l argement, il n'est pas étonnant que les problèmes sociaux de la société pénètrent dans les universités.

Soulignés cette année par deux rapports, l'un de Claude Grignon, l'autre de Jean-Francis Dauriac, l'économie étudiante présente des particularités dans la mesure où les ressources des étudiants sont faibles, sans pour autant être obligatoirement un indice de pauvreté. Il convient donc de mettre au point des critères spéci ques, permettant de mesurer plus précisément et de façon plus réaliste la situation des étudiants. C'est une leçon que l'on peut tirer au-delà des différences majeures dans l'évolution d es populations concernées. Un rapport estimait que 100 000 étudiants étaient en situation de pauvreté, et un second qu'ils n'étaient que 20 000. Néanmoins, on peut retenir que le monde étudiant n'est pas à l'abri de la pauvreté.

Concernant les aides, il est nécessaire de ne pas oublier, avant d'aborder les bourses, les aides au logement, l'ALS et l'APL (l'allocation personnalisée au logement), qui représentent un effort de 6,3 milliards de francs. A ne pas omettre non plus les aides scales qui représentaient, elles, plus de 9 milliards de francs, il y a deux ans, même si celles-ci ne sont pas exemptes, par nature, d'inégalités.

Les bourses, quant à elles, dépendent du ministère de l'enseignement supérieur. Elles sont attribuées sous condition de ressources. Les crédits correspondant représentent 8,4 milliards de francs en 2001.

C'est donc près de 30 % des étudiants de l'enseignement supérieur qui ont droit à une bourse. Il faut se féliciter des mesures prises dans le cadre du plan social étudiant décidé en 1998, dont l'objectif était aussi d'accroître d'environ 15 % l'aide aux étudiants les plus défavorisés.

Ces mesures répondent à un objectif d'équité, aider ceux qui en ont le plus besoin, mais aussi d'ef cacité, puisque l'insuf sance des ressources est une cause d'échec à l'université. Un effort conséquent a été fait depuis deux ans pour accroître le nombre des étudiants boursiers. Augmentation du plafond de ressources ouvrant droit à bourse, revalorisation du montant des bourses, création d'une bourse à taux zéro, création de bourses du mérite, mise en place de bourses par cycle permettant à l'étudiant qui échoue à ses examens de conserver sa bourse pour une année supplémentaire. En n, la mise en place d'allocation d'études constitue également une bonne mesure. Mais elle semble poser des problèmes du fait d'une grande disparité suivant les académies et d'une absence de critère d'attribution.


page précédente page 08447page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Globalement avec une augmentation cette année de 647 millions de francs, les crédits destinés aux bourses ont progressé de près de 2 milliards en 4 ans. Toutefois, le dispositif actuel peut être encore amélioré, au moins sur deux points. Premièrement, la possibilité de guichet unique. Il existe actuellement une multiplicité d'intervenants relevant d'administrations différentes. cette situation est une source de confusion pour les étudiants contraints à des démarches multiples. L'idée de guichet unique regroupant en un seul lieu des administrations concernées par l'aide aux étudiants est de nature à rendre plus ef cace une volonté politique et une coordination interministérielle. Monsieur le ministre, envisagez-vous la mise en place de guichet unique ? Deuxièmement, le renforcement des aides aux étudiants du troisième cycle. A l'heure actuelle, les bourses attribuées sur critères sociaux ne concernent que les premiers et deuxièmes cycles.

Un progrès est réalisé cette année, puisque les allocations d'études pourront être attribuées en première année du trois ième cycle. Néanmoins, monsieur le ministre, ne conviendrait-il pas d'étendre le droit à bourse sur critères sociaux aux étudiants du troisième cycle ? Compte tenu de la diminution du nombre des étudiants en troisième cycle, une telle mesure serait de nature à faciliter l'accès des étudiants défavorisés à ce cycle d'é tude.

En n, et pour terminer je souhaiterais poser trois questions concernant l'espace européen de l'enseignement supérieur. Elles se justi ent à mon sens car la France assure actuellement la présidence de l'Union européenne et qu'elles reprennent les interrogations de Mme Geneviève Perrin-Gaillard à qui je succède comme rapporteur pour avis de la commission sociale. Il s'agit d'aides nancières aux étudiants français qui vont étudier dans un autre pays européen. Il semblerait que les bourses ERASMUS soient insuf santes.

Envisagez-vous, monsieur le ministre, d'étendre ces aides ERASMUS ou d'ajouter un système au-delà de ces bourses ? Ma deuxième question porte sur l'apprentissage des langues étrangères en France. Cet apprentissage ne concerne pas que l'enseignement scolaire mais aussi universitaire. Car la maîtrise d'une ou deux langues étrangères est devenue un préalable indispensable à la mobilité des étudiants français en Europe. Troisiè me et dernière quesiton concernant l'Europe et l'enseignement supérieur, mais il me semble que M. Alain Claeys l'a abordée à deux mois de son terme, quel bilan pouvez-vous tirer de la présidence française dans le domaine de l'enseignement supérieur ? Je vous remercie.

M. le président.

Trois problèmes ont été évoqués par les rapporteurs. D'abord la lisibilité du budget. J'aimerais que vous puissiez apporter une réponse à cette question. Le problème des bourses de mobilité ensuite, évoqué par M. Alain Claeys, et en n les questions qui viennent d'être posées par M. Jean-Jacques Denis sur les corrections ou la lutte contre les inégalités d'accè s. Il y a des pages extrêmement intéressantes du rapport de M. Jean-Jacques Denis notamment la page 21, sur les conditions d'attribution des bourses.

Cela ne dépend pas que de vous, monsieur le ministre, j'en ai parfaitement conscience. Nous avons interrogé Mme Guigou à ce sujet, qui en a pris note. Nous ne devons pas perdre de vue ces préoccupations sociales importantes.

Monsieur le ministre vous avez la parole pour une première série de réponses à vos rapporteurs.

M. le ministre.

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, je vous remercie d'avoir apporté des précisions aussi concrètes. Je vous remercie aussi de votre soutien aux propositions de budget pour l'enseignement supérieur. Je vais essayer de répondre rapidement aux questions posées. S'il advenait que j'omette de répondre dans l'instant, je le ferai au fur et à mesure de notre discussion.

Le rapporteur, Alain Claeys, ainsi que vous-même, monsieur Denis, m'avez interrogé sur la présidence française de l'Union européenne. Comme vous le savez, l'éducation a été retenue comme l'une des priorités de notre présidence. Il faut se réjouir que, parmi les grands thèmes de la présidence française, l'enseignement supérieur gure en tête, à côté d'autres sujets importants, comme le renforcement de l'ef cacité des institutions européenne ou la construction de l'Europe sociale.

Comme vous le savez, l'éducation ne gure que de façon accessoire dans le système de l'Union européenne. C'est d'ailleurs sur initiative française qu'en 1992 deux articles sur l'éducation ont été introduits dans le traité de Maastricht. Et, progressivement, s'est échafaudée une architecture assez originale, fondée principalement sur l'accord des Etats ou les initiatives particulières des pays. C'est pour différentes raisons que nous avons souhaité que, dans le cadre de la construction de cet espace européen, l'accent soit mis sur la mobilité. L'une des raisons est politique. Cette construction institutionnelle ne trouvera son plein élan que si les peuples qui la fondent témoignent d'une volonté de partager une même espace de vie, ou éprouvent un sentiment d'appartenance commune ou, comme aurait dit Renan, en transposant la formule à l'échelle de l'Europe : « un vouloir-vivre ensemble européen ». Nous avons le sentiment que ce sont les jeunes générations qui pourront, en se c onnaissant mieux, en travaillant ensemble, en étudiant ensemble, constituer ce scole intellectuel à partir duquel l'Union européenne pourra connaître d'autres perspectives et d'autres aventures. D'où la nécessité de favoriser les échanges, les ren contres, les métissages.

Notre préoccupation est aussi économique. Nous avons le sentiment, ce n'est pas très original mais il faut en tirer les conséquences pratiques, que l'investissement dans l'intelligence est certainement aujourd'hui l'investissement économique prioritaire de nos pays. Face à une Amérique inventive, créative et audacieuse, l'Union européenne et les pays qui la composent doivent consacrer à l'effort de recherche d'éducation et de culture des crédits publics et privés de plus en plus importants.

Vous connaissez, à cet égard, certains de nos retards, notamment en matière de recherche. En matière d'éducation, notre pays peut être relativement er de l'effort qu'il entreprend, qu'il continuera d'entreprendre au cours des prochaines années. Nous ne pouvons pas occulter, sans être offensant à l'égard de qui que ce soit, que nous nous trouvons dans une sorte de guerre culturelle qui nous oppose paci quement à l'hyperpuissance américaine forte non seulement de son économie, de son armée, de son in uence politique, mais aussi et peut-être de plus en plus, de sa culture, de son éducation et de sa recherche toujours plus attractive à l'égard d'étudiants et de chercheurs de différents pays du monde.

Un dé est à relever. La question est simple : nos pays vontils rester plus ou moins passifs ou résignés face à ce dé , ou bien vont-ils prendre le taureau par les cornes ? Nous sommes de ceux qui pensent que l'Europe doit être plus que jamais offensive, audacieuse et créative. De ce point de vue, la France a un rôle particulier à jouer. J'espère que nous le jouons correctement

D'abord en investissant des crédits publics de plus en plus importants. A cet égard, nous sommes parmi les premiers investisseurs publics en Europe et dans le monde. Ensuite, en marquant un soutien particulier à notre jeunesse et notamment aux étudiants.

Voila la deuxième raison de ce choix français en faveur de l'éducation comme priorité de sa présidence. Au-delà de l'éc onomie et de la politique, c'est un choix de civilisation. Nous voulons construire un modèle original qui encourage la créativité, l'innovation, le libre-arbitre, la capacité à être soi-même et à préserver notre art de vivre en même temps que notre capacité d'innovation. Face à une telle ambition, les progrès pourront paraître encore minces, mais nous avons bon espoir que notre proposition de plan d'action pour la mobilité soit adoptée jeudi.

Nous espérons que les chefs d'Etat et de gouvernement retiendront ce plan, au mois de décembre à Nice.

Pour bien marquer d'ailleurs notre volonté d'assurer la pleine participation de la jeunesse à la construction d'un destin, qui est d'abord le sien, nous avons demandé que l'Union européenne des étudiants puisse participer à une partie de nos travaux, jeudi prochain. C'est la première fois qu'à une réunion des ministres de l'enseignement supérieur seront présents des étudiants de différents pays d'Europe pour exprimer leurs propositions. Ils ont à Paris même, voici trois semaines, élaboré un manifeste dont ils rendront compte aux ministres. Le Premier ministre français aura l'occasion de les accueillir dans quelques semaines. Sur ce point, nous marquerons une avancée.


page précédente page 08448page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Il est d'autres sujets qui gurent à l'ordre du jour de la présidence européenne ; l'un d'entre eux est spécialement étudié par Jean-Luc Mélenchon. Il concerne les procédures, les procédés, l es critères d'évaluation. Sur ce point, il y a parfois certains débat s, j'ose dire idéologiques, même si l'expression peut paraître désuète.

M. le président.

Elle n'est pas désuète.

M. le ministre.

Je disais : « Elle peut paraître ». Elle ne vous paraît pas désuète, à moi non plus, ni à Jean-Luc Mélench on. L'assemblée a donc partagé cette appréciation.

M. le président.

Le contraire aurait été dommage.

M. le ministre.

Si vous le souhaitez, Jean-Luc Mélenchon pourra vous donner quelques précisions tout à l'heure.

Vous évoquez, à cet égard, les bourses de mobilité. Elles sont au nombre de mille dans le budget qui vous est proposé. Les modalités de leur attribution doivent être dé nies dans les mois qui viennent en concertation avec les présidents d'université et les responsables des oeuvres universitaires.

Il est vrai, M. Jean-Jacques Denis, que le programme Erasmus, lancé voici quelques années, rappelons-le, par un Français, Jacques Delors, reste à nos yeux encore trop modeste. Il concerne moins de 120 000 étudiants sur 13 ou 14 millions en Europe. Il est non seulement modeste par le nombre mais aussi par le montant. Chaque pays est appelé à apporter un complément. Ce sont parfois les familles, quelquefois les collectivités locales, éventuellement les Etats qui le supportent.

Vous avez raison de souligner, monsieur Jean-Jacques Denis, que les langues étrangères doivent constituer l'une des priorités d'un pays qui entend être pleinement européen. Nous en reparlerons, j'imagine, lorsque nous aborderons le budget de l'enseignement scolaire, d'où le plan d'action que nous avons mis au point pour assurer l'enseignement de deux langues vivantes étrangères dès le plus jeune âge. Nous espérons que cette dy namique française entraînera les autres pays en les encourageant à leur tour à assurer également l'enseignement d'une langue vivante étrangère dès le plus jeune âge. Alors la langue franç aise se trouvera plus largement enseignée hors de France qu'elle ne l'est aujourd'hui.

A propos de l'application du plan U3M, applicable à Paris, en région Ile-de-France et spécialement à Tolbiac, comme vous le savez, nous venons de loin. Il faut le dire, les collectivités locales des diverses régions ont très largement contribué, vous l'avez rappelé, au succès du premier plan. Sans volonté de polémiquer il y a eu un certain retard du côté de certaines collectivités de la région Ile-de-France. S'il n'est jamais trop tard pour bien faire, et depuis quelques mois, nous assistons à un engagement progressif mais déterminant de la région Ile-de-France, puis plus récemment de la ville de Paris, le projet Tolbiac, c'est-à-dire sur la rive gauche de la Seine, avance. J'ai pris toute une série de décisions depuis mon entrée en fonction. L'accélération des transferts des terrains appartenant à la ville de Paris, c'est fait ; la délégation donnée à un établissement public constructeur, en l'occurrence celui du ministère de la culture, c'est fait depuis hier ; la mise en place d'équipes, sous l'autorité du recteur de Paris, c'est fait ; la mise au point de la programmation, c'est en cours ; bientôt, des architectes seront désignés. Bref, nous avançons d'un bon pas alors même qu'à Jussieu, lieu d'origine de l'université Paris VII appelée à être transférée, nous av ons dû prendre toute une série de mesures pour améliorer la sécurité e t accélérer le désamiantage. Dans quelques jours sera désigné un architecte en chef auprès du président de Paris VII pour assurer une meilleure coordination de l'ensemble de ces travaux sur le site historique de Jussieu : sécurité, désamiantage, amélioration de la vie des professeurs et des étudiants sur le campus.

La loi du 12 juillet 1999 va en n pleinement s'appliquer. Les décrets sont en préparation. Je ne voudrais pas faire de promesses qui ne seraient pas tenues, mais j'ai bon espoir qu'ils soient près avant la n de l'année, ou dans les premiers jours de l'année prochaine.

A propos d'autres sujets que vous avez évoqués, je retrouve mes petites ches, M. Denis s'est interrogé sur le nombre d'emplois précaires.

On peut considérer - je veux parler avec prudence car la situation dans l'enseignement supérieur se partage entre l'Etat et les établissements - que les non-titulaires administratifs seraient au nombre de 6 000. En outre, parmi les non-titulaires recrutés sur ressources propres des universités, le chiffre doit tourner autour de 8 000. Comme vous le savez, la volonté du Gouvernement, et pas seulement du ministre de l'éducation nationale, est de procéder à une résorption progressive de ces emplois précaires, aussi bien ceux de l'Etat que ceux des établissements d'enseignement supérieur.

Au passage, M. Denis, vous avez évoqué la question des personnes employées pour une période de dix mois. Vous vous étonnez qu'ils ne puissent être employés pour une durée supé rieure. Nous devons respecter les textes, tels qu'ils s'imposent à nous, mais on peut espérer que dans le cadre de la politique nationale de résorption de la précarité nous puissions trouver une solution qui répondre aussi vite que possible à votre attente.

M. Claeys m'avait interrogé sur le contenu plus précis du plan social étudiant. Le projet de loi de nances pour 2001 prévoit, sur le chapitre des bourses, 641 millions de francs supplémentaires, dont 251 millions au titre des mesures applicables à la rentrée de 2001. Ces mesures permettront une hausse du taux des différentes aides et une augmentatoin de près de 16 000 du nombre d'étudiants aidés à la rentrée 2001.

Je crois qu'il y avait une question qui concernait la formation continue. Sur ce point, comme vous le savez, je préférerais, le jour venu, vous annoncer des décisions plutôt que de dévaluer ces mots - ce que vous ne faites pas vous-mêmes - en les employant sans cesse sans les accompagner de mesures réelles et immédiatement applicables. Deux appels d'offres ont été lancés, qui doivent donner lieu à un bilan, au tout début de l'année prochaine. Nous envisageons d'en lancer un troisième pour parfaire les propositions qui nous seront adressées.

J'espère être en mesure, le moment venu, de pouvoir présenter des projets concrets, solides, sérieux, pour qu'en n l'on puisse passer du stade du voeu pieux à des réalisations concrètes. Car il est évident que l'université des étudiants, telle que nous l'avons connue, telle que nous la connaissons encore aujourd'hui se transformera en université de tous les âges. Nous avons encore à travailler sur ce sujet pour atteindre cet idéal que nous partageons.

Voilà quelques-uns des points évoqués, mais chemin faisant, j'essaierai de vous apporter des réponses plus précises.

M. le président.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez revenir sur le problème posé par M. Jean-Jacques Denis, mais aussi par M. Alain Claeys, qui est celui de l'attribution des bourses, sujet dif cile que l'on rencontre parfois dans les contacts que nous avons.

Si vous voulez bien, nous allons passer à la deuxième série de questions. Cinq intervenants sont inscrits, un par groupe. Je leur demande de limiter leur intervention à 5 ou 6 minutes. Cela permettra à d'autres d'intervenir.

La parole est à M. Jean-Michel Dubernard.

M. Jean-Michel Dubernard.

Monsieur le ministre, vous nous avez donné l'habitude de discours modernes et ambitieux.

A vous entendre aujourd'hui, et surtout à vous lire récemment, mon sentiment est que l'enseignement supérieur vous inspire peu, ou bien la perspective des prochaines échéances électorales expliquerait-elle une certaine forme d'attentisme ? En effet, ce projet de budget m'apparaît comme un simple budget de gestion des actions déjà entreprises. Il n'innove en rien. Il n'apporte pas les réformes structurelles indispensables qui permettraient aux jeunes Français d'affronter les dé s du prochain millénaire. On sent en arrière-plan que c'est ce que vous voulez, mais je ne le vois pas dans le budget. De ce point de vue, il s'inscrit dans la continuité de la politique universitaire traditionnellement immobiliste de notre pays.

Les crédits sont en progression, certes, personne ne le regrettera : 2,73 % contre 2,63 % l'an dernier, mais suf t-il d'augmenter les crédits pour convaincre ? Je ne le pense pas. La loi de nances n'est pas un simple exercice de gestion, même si vous êtes arrivé in extremis, c'est d'abord un acte politique.

Si certaines des mesures présentées dans ce budget ne sont pas mauvaises, c'est clair : la réorientation des étudiants en dif culté dans les premiers cycles universitaires, l'exécution du programme U3M, l'encadrement des étudiants en personnel, les créations


page précédente page 08449page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

d'emplois, la poursuite et la mise en oeuvre du programme étudiant, ces mesures ne constituent pas en elles-mêmes un projet ambitieux et cohérent pour l'enseignement supérieur.

Plusieurs points me semblent nécessiter des précisions. Ce seront mes questions : Premièrement, si l'on peut tout d'abord se féliciter de l'augmentation de 30 % de la proportion d'étudiants aidés l'an prochain et du développement des bourses, aucun choix n'a encore été opéré sur le principe de l'autonomie des étudiants. Il f audra pourtant bien choisir un jour entre autonomie et simple assistance.

Deuxièmement, le plan U3M, dont l'objectif est de succéder au plan Université 2000, implique trop les collectivités locales.

Elles y contribuent nancièrement, alors que ce n'est pas leur compétence. J'aimerais connaître à ce propos votre point de vue sur les propositions de M. Mauroy concernant la décentralisation de la construction et de l'entretien des établissements d'enseignement supérieur.

Au passage, l'effort en faveur des bibliothèques universitaires, dont vous connaissez l'état de délabrement, vous l'avez cité, est tout à fait louable. Cependant, compte tenu du retard que connaît la France en la matière, un effort bien supérieur aurait été nécessaire. Les heures d'ouverture sont notoirement insuf santes, comme le soulignent très souvent les étudiants, qui regardent avec envie les bibliothèques universitaires américaines ouvertes en continu.

Troisièmement, le souci de développer la dimension internationale de l'enseignement supérieur est légitime. On ne peut qu'y être favorable. Comme vous le savez, la France perd du terrain d'une manière générale dans le domaine de l'accueil des étudiants étrangers. Ils constituaient 8,5 % de la population des universités françaises en 1998 contre 13 % en 1985.

Au passage, les règles de séjour de ces étudiants mériteraient d'être assouplies et vous pourriez intervenir auprès des ministères concernés. A cela, il faut ajouter l'utilisation de plus en plus massive des nouvelles technologies dans la stratégie de développement international des universités américaines qui sont les principales concurrentes de nos propres universités. Votre prédécesseur a créé à juste titre l'agence Edufrance. Cependant, cette agence souffre actuellement d'une véritable crise identitaire.

Les espoirs que nous avions mis dans sa création sont déçus et les universités ne jouent pas, me semble-t-il, pleinement le jeu.

Je souhaiterais avoir plus d'information sur la mission que vous avez con ée à M. Cohen sur ce sujet. L'image de marque internationale de nos formations supérieures se dégrade, vous le reconnaissez vous-même. A de rares exceptions près, nos universités n'ont pas la réputation d'excellence qui s'attache à celles d'autres pays. Notre système est trop complexe. Nos pôles universitaires n'ont pas la dimension requise pour être valorisés sur la scène internationale. Notre système de recherche est ainsi pénalisé.

La formation continue commence à faire des apparitions timides, mais elle n'a pas encore trouvé sa place au sein de nos établissements supérieurs. Ils sont souvent trop spécialisés. E n outre, l'université n'a pas encore accordé la part qui revient à l a formation continue diplômante. Ouvrir l'enseignement supérieur vers l'extérieur est indispensable, notamment par une meilleure harmonisation des études.

Quatrièmement qu'en est-il de l'indispensable insertion professionnelle des étudiants ? Vous connaissez certainement le sondage SOFRES réalisé pour le quotidien Le Parisien au début du mois d'octobre, tout à fait édi ant sur l'état d'esprit des étudiants avant la rentrée universitaire. L'insertion professionnelle est la priorité des étudiants, qu'il s'agisse de développer les st ages en entreprises (59 % des réponses) ou de mieux adapter les formations au marché de l'emploi (50 % des réponses). Deux points qui apparaissent très nettement comme des mesures à prendre d'urgence dans l'enseignement supérieur.

Si le diplôme reste la meilleure chance d'insertion professionnelle, il subsiste une réelle différence entre les grandes éco les et les universités. La massi cation de l'enseignement supérieur, et notamment des premiers cycles, ne s'est pas accompagnée de l'adaptation nécessaire de l'organisation des études et des structures universitaires. La transformation des missions de l'université doit prendre en compte l'insertion professionnelle et la diversité nouvelle des publics.

La professionnalisation des cursus constitue une priorité pour notre enseignement supérieur. A cet égard, peut-on saluer la création de la nouvelle licence professionnelle ? Des incertitudes subsistent, monsieur le ministre, sur les moyens qui seront consacrés à ce nouveau diplôme, sur sa vocation, sur la réparti tion des enseignements théoriques et pratiques. Je souhaite également insister sur le problème auquel vous faites allusion dans votre budget, à savoir l'inversion du ux des étudiants dans le premier cycle.

Pour schématiser, les meilleurs étudiants vont en classes préparatoires. Ceux qui n'ont pu y entrer vont en IUT, voire en BTS. Quant aux autres, ils s'inscrivent en DEUG. En outre, la plupart des étudiants qui entrent en IUT ou en BTS reviennent, ensuite, dans les lières universitaires traditionnelles pour poursuivre des études. Peu à peu, les IUT évoluent vers une forme de premier cycle et ne sont plus perçus comme des lières courtes directement professionnalisantes. De plus, désormais, ce sont des bacheliers généraux qui entrent le plus souvent en BTS ou en IUT, trustant la plupart des places au détriment des bacs technologiques et professionnels qui, eux, se retrouvent ainsi en DEUG, lière qui n'est pas adaptée à leur pro l. Cette licence professionnelle modi era-t-elle les choses ? Avezvous prévu des mesures concrètes pour remédier à ce problème ? Pour ce qui est des taux d'échec en premier cycle, pourriezvous nous dire en quoi les mesures envisagées se distinguent des aménagements apportés par les réformes précédentes ? Les UFR (unités de formation et de recherche) médicales rejettent, comme vous le savez, parmi les meilleurs des jeunes bacheliers, victimes d'un premier cycle aberrant. Le « gaspillage humain », c'est un mot de Claude Allègre, est immense. Le numerus clausus, totalement déconnecté de toute prospective, ne correspond plus à rien. Et, pendant ce temps-là, on régularise dix mille étudiants en diplôme non européen sans distinguer, au sein de ce groupe, ceux qui pourraient apporter quelque chose à la médecine française. Votre prédécesseur avait une vision très juste du problè me. C'est pourquoi j'ai participé, à titre personnel et avec enthousiasme, aux différents groupes de travail qu'il avait mis en place sur la réforme du premier cycle des études médicales.

Cela pour vous dire que les remarques que je fais aujourd'hui ne sont pas politiciennes. Les propositions de réforme d'un premier cycle commun aux formations médicales, pharmaceutiques et odontologiques avaient beaucoup de sens. Où en êtes-vous dans ce domaine ? On a l'impression que tout s'est arrêté avec le départ de Claude Allègre.

Avant-dernière question. Le renforcement de l'autonomie des universités est reconnu par tous comme une nécessité dès lors que l'on conserve le caractère national des diplômes. Or, vous n'avez pas avancé sur le corollaire de l'autonomie, à savoir la mise en place d'un véritable système d'évaluation permettant de publier chaque année un référentiel d'évaluation des formations et des universités. Pensez-vous le faire ? S'agissant de la pépinière de la recherche institutionnelle, cette recherche universitaire devrait être aidée encore plus et la liaison université-recherche renforcée, surtout quand cette dernière relève d'un département ministériel autonome.

Je vous l'ai dit, mon analyse ne se veut pas politicienne. Pour parodier votre prédécesseur, toute vérité est bonne à dire, mais une fois dite, la vérité doit déboucher sur l'action. Je vous demande donc avec force d'ouvrir ces ré exions nécessaires et urgentes pour l'avenir de notre université.

M. le président.

Merci, monsieur Dubernard. Vous avez pris largement votre temps pour parler de la vérité, ce qui permettra éventuellement à M. Couanau et à M. Goasguen de dire une part de vérité en étant un peu plus courts.

La parole est à M. Patrick Leroy.

M. Patrick Leroy.

Monsieur le ministre, chers collègues, mon propos sera consacré à l'emploi dans l'enseignement supérieur. Les personnels de l'enseignement supérieur se sont beaucoup investis dans la transformation des formations et la pédagogie, dans l'orientation et l'accueil des étudiants. Ces enseignants ont su adapter leur travail aux nouveaux diplômes, comme les


page précédente page 08450page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

licences professionnelles, les DESS et les DEA et ce, malgré une carence d'encadrement en sciences, en lettres, en sciences humaines, en droit, en IUT. On constate pourtant un recul con rmé de l'accès des jeunes à l'enseignement supérieur, particulièrement ceux issus des milieux défavorisés, et la persistance de l'échec étudiant, notamment en premier cycle.

Les disciplines scienti ques sont en crise ; la diminution de 15 % du nombre d'entrants en première année de DEUG sicences, met ainsi en péril le devenir de la recherche universitaire. Cela pose la question de la rénovation des DEUG sciences et même une nouvelle approche des sciences tout au long du cursus scolaire. Les travaux dirigés en petit groupe et le développement du tutorat sont des pistes pour améliorer le système, ce qui requiert un recrutement renforcé.

Ce bref bilan est contradictoire avec l'évolution des besoins de quali cation de notre société qui appelle à une augmentation du nombre d'étudiants, à plus de réussite universitaire.

Le budget pour 2001 prévoit 616 créations d'emplois d'enseignants, dont 300 maîtres de conférence et 256 attachés temporaires d'enseignement et de recherche, mais aucun nouveau poste de professeur. C'est insuf sant à la vue des besoins insatisfaits.

Mais j'apprécie le fait que le gel de l'emploi public ne soit plus érigé en principe souverain.

Ce budget crée également 1 000 postes d'ingénieurs, agents techniques et ouvriers de service, les IATOSS contribuant ainsi à réduire un sous-encadrement catastrophique, notamment en ce qui concerne l'accueil dans les universités et les bibliothèques.

Cela dit, nous sommes loin d'un réel rattrapage.

A mon tour, je voudrais dire un mot sur les nombreux et divers emplois précaires dans l'enseignement supérieur. Ce problème a déjà fait l'objet d'une question écrite et budgétaire devant Christian Cuvilliez. L'entretien d'une « réserve » de précaires, au statut aussi différent qu'opaque, est à l'origine de la rotation rapide des personnels néfaste au bon fonctionnement de nos universités et impose à ces catégories de personnels une carrière professionnelle qui est marquée par une instabilité, durement ressentie par les intéressés. La mise en place d'une politique volontariste de résorption totale et durable de la précarité prévoyant l'ouverture des procédures de titularisation à toutes les catégories de personnels, la création de postes IATOSS et enseignants-chercheurs et l'augmentation du nombre des concours, s'impose dans les meilleurs délais.

Je me félicite de votre intention d'étendre le plan pluriannuel, initialement prévu uniquement pour l'enseignement scolaire, à l'enseignement supérieur. Cette programmation pluriannuelle est, à mes yeux, indispensable pour rattraper les retards accumulés depuis plusieurs années en matière de recrutement et d'encadrement et pour mener à bien une gestion prévisionnelle des personnels.

Je considère donc ce budget, en ce qui concerne la création d'emplois, comme une première étape du plan pluriannuel, qui devra dès l'année prochaine passer à un niveau nettement supérieur en matière de recrutement. C'est à ce prix que l'enseignement supérieur pourra assurer le développement, la diversi cation et la démocratisation des formations supérieures de nos futurs citoyens.

Quatre questions pour terminer, dont deux ont déjà été traitées.

M. le président.

Ce sera plus court !

M. Patrick Leroy.

Absolument, mais je suis dans les temps, monsieur le président ! La première concerne les carrières. La fusion des secondes et premières classes du corps des maîtres de conférence a été inscrite dans le budget 2001 avec date d'effet au 1er janvier 2001, rendant ainsi, par la suppression de ce barrage, le métier de chercheur plus attractif. Les modalités d'application de cette fusion tiendront-elles compte des retards de carrière subis ? En outre, à quand la fusion des classes des professeurs et la revalorisation de la grille des assistants ? Deuxième question : elle touche à la mobilité internationale des étudiants. Elle a déjà été traitée. Mais je voudrais insister à nouveau sur le sort de tous ces étudiants issus de famille modeste ou moyenne, exclus de tout dispositif et privés de séjour à l'étranger, alors même que ces séjours constituent toujours quelque chose de très enrichissant.

Troisième question : la rénovation des DEUG sciences, lancée à titre expérimental depuis deux ans dans six universités, sera-telle ampli ée, voire généralisée ? Dernière question, qui touche au plan pluriannuel, pourriezvous nous donner, monsieur le ministre, plus de détails sur les modalités concrètes de ce plan »?

M. le président.

Monsieur Leroy a été impeccable ! M. Couanau, je vous donnne la parole pour des questions précises.

M. René Couanau.

Merci du modèle présenté, monsieur le

président

! (Sourires.)

Monsieur le ministre, je laisserai à mon collègue M. JeanPierre Foucher le soin d'apporter en séance publique les commentaires du groupe UDF. Je crains qu'ils ne soient pas aussi enthousiastes que les commentaires que j'ai entendus.

Monsieur le ministre, c'est un budget décevant. On n'y voit pas la traduction d'un souf e, ni d'une politique d'avenir. Pour faire évoluer, vous le savez bien, il faut des leviers. Des leviers nanciers sont indispensables ; ce n'est pas avec 1,2 point de plus que l'in ation que vous allez disposer d'un levier important pour faire évoluer l'université française en 2001. Je crois, monsieur le ministre, que ce budget ne vous ressemble pas. Il ne ressemble pas à grand chose... d'autre qu'un budget de gestion.

Cela dit, je voudrais vous demander quelques précisions. Vous avez annoncé dans d'autres discours que le futur plan pluriannuel de recrutement concernait aussi l'enseignement supérieur.

Avez-vous actuellement, déjà, une première estimation des besoins à venir et du calendrier des recrutements d'enseignants envisagés ? Deuxièmement, à propos de calendrier, monsieur Dubernard a exploré le sujet tout à l'heure, êtes-vous en mesure de préci ser aujourd'hui le calendrier de la réforme très attendu des études médicales ? Toujours à propose des études, je crois que nous sommes unanimes à constater une certaine désaffection à l'égard des lières scienti ques. C'est en outre un constat consensuel. Comment pensez-vous, si vous partagez ce constat, redresser la situation ? Quatrième demande de précision, je voudrais évoquer avec vous le montant des allocations de recherche. Il avait été xé en 1991 à 1,34 fois le SMIC. Depuis 1991, le SMIC a évolué, l'allocation elle, n'a pas évolué. Nous avons été saisis de cet te question par de nombreux chercheurs et étudiants-chercheurs.

Comment pensez-vous revaloriser les allocations de recherche ? Pensez-vous que l'indexation sur le SMIC ou sur une autre base, puisse être retenue par votre ministère ? De même, à propos des allocations d'étude. Elles n'en sont certes qu'à leur début, mais nous constatons déjà une forte dis parité de montants et de traitements en fonction des académies, et des commissions académiques. Le sujet a déjà été évoqu é, je crois, à travers le système des bourses. Mais plus spéci quement sur les allocations d'étude, avez-vous un moyen d'établir un minimum de cohérence tout en respectant l'autonomie des décisions locales, principe que nous approuvons. Un minimum de cohérence est nécessaire sur ce sujet, alors que c'est, je crois, la disparité qui prédomine pour le moment.

En n un dernier point, monsieur le ministre : Université 2000 avait abouti, notamment dans ma région, la Bretagne, à la création de quelques départements d'IUT regroupés et délocalisés.

Votre prédécesseur avait émis quelques doutes sur la poursuite de cette politique. Reprenez-vous cette politique d'encouragement à des IUT délocalisés et autonomes par rapport aux universités-mères ? Sachant qu'elle permet à ces IUT à la fois de se développer et de disposer des moyens autonomes nécessaires.

Voilà, monsieur le ministre, les questions que je voulais vous poser.

M. le président.

Monsieur Goasguen, je vous donne la parole.

M. Claude Goasguen.

Monsieur le président, messieurs les ministres, je vais essayer de compléter les remarques des deux précédents orateurs, a n d'aborder en quelques minutes un sujet qui me tient à coeur, la relation de l'université avec l'environnement économique.


page précédente page 08451page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Je m'intéresserai plus particulièrement aux ré exions auxquelles elle doit nous amener. C'est peut-être le moment, puisque nous ne sommes pas sous le joug du chômage, de nous préoccuper de l'interaction entre le milieu économique et les universités. Sur le plan quantitatif, je crois que tout a été dit, ce budget est satisfaisant. Il est en augmentation alors que le nombre des étudiants tend à décroître. Par conséquent, on ne peut que saluer le fait que vous ayez su récupérer une part importante de la hausse du budget global. Pour avoir participé il y a trois jours au débat concernant le ministère de l'intérieur, j'ai vu à quel point le ministère de l'éducation nationale avait été mieux servi. Je ne sais pas s'il faut en tirer des compliments, ou plutôt des critiques mais il est clair que j'aurais mauvaise grâce à critiquer l'effort quantitatif qui est fait.

Je note cependant un point qui me paraît inquiétant : les 300 millions de francs prévus cette année pour Jussieu ne représentent que 10 % des travaux d'investissements globaux. Cela laisse craindre des retards assez considérables dans la rénovation d'une université déjà assez vétuste et qui a besoin d'être r afraîchie considérablement. Je crains que ce retard ne soit préjudiciable à Paris-VI. La proximité de nouvelles universités pourrait fragiliser celles qui se trouvent à l'intérieur du campus de Paris-VI. Cela étant, sur le plan quantitatif, je crois qu'il n'y a pas grand-chose à dire. Sur le plan qualitatif, en revanche, je crois que la nécessité d'avoir une approche moderne et internationale de l'évaluation s'impose plus encore pour nos universités que dans d'autres domaines.

Sans employer des termes aussi forts que M. Dubernard à l'égard de la comparaison internationale que nous devons faire entre les universités françaises et les autres, il est incontestable que nos universités faiblissent quand d'autres nations ont des universités qui progressent. Ce constat ne s'applique pas à l'enseignement scolaire, ni au secondaire. Par rapport notamment à nos voisins anglo-saxons - je pense en particulier aux

Etats-Unis où l'enseignement scolaire et secondaire est plus mauvais que le nôtre - j'ai le sentiment que nos universités ont moins de rayonnement que les leurs. Il faut avoir l'honnêteté de le dire. De ce point de vue, et c'est ce qui me permet d'aborder la question de la ré exion de la place de l'université dans notre secteur économique, la ré exion à mener n'est pas simplement quantitative mais qualitative.

En effet, ce qui me frappe, j'en pro te pour le dire puisque c'est peut-être la seule fois où nous aurons l'occasion de discuter de l'université cette année, c'est que notre université paraît complètement décalée par rapport à son environnement économique, et ce à plus d'un point de vue.

Le premier - il était signalé précédemment - est la faibl esse de la formation professionnelle. La formation continue constitue un immense champ de développement pour nos universités. Je sais bien que le secteur privé n'envisage pas avec beaucoup de faveur la concurrence que font sentir les universités, néanmoins, je trouve que l'augmentation de la part des universités dans la formation continue globale est trop faible. Selon votre ministère, nous étions à 37 millions d'heures-stagiaire en 1998 alors qu'il y a dix ans ce ratio était déjà de 32 millions. Ce qui signi e que dans un marché en très forte croissance, la part universitaire progresse moins vite. Cette évolution témoigne de la dif culté de communication entre l'université et le milieu professionnel.

Je voudrais dire, monsieur le ministre, et cela me paraît maintenant évident, que nous avons des devoirs de service public moderne à l'égard de nos étudiants. A l'époque de Jules Ferry, on pouvait se contenter de donner une formation. A la n du XXe siècle et au début du

XXIe siècle, je crois qu'il n'est pas possible de parler de service public si l'université n'est pas capable d'aider les étudiants à se faire embaucher à leur sortie d'étud es. De ce point de vue, les universités françaises, à la différence des autres, sont complètement démunies de personnel. Pour avoir été doyen d'une université, je sais à quelle gymnastique il faut se livrer pour placer trois étudiants dans son environnement économique. Parce qu'un doyen ou un professeur de faculté ne sont pas faits pour placer des étudiants. C'est un métier à part qui n'existe pas dans les universités.

Je vous demande vraiment de ré échir - je l'avais proposé à M. Allègre, qui à l'époque avait répondu « oui » comme toujours, mais n'en a rien fait - à la possibilité d'intégrer dans les départements universitaires un personnel susceptible d'avoir des relations avec le milieu économique environnant de manière, sinon à gérer l'offre de stages, mais surtout à aider les étudi ants à comprendre leur environnement et à assurer leur entrée dans la vie professionnelle. C'est un devoir de service public. J'insiste, ce n'est pas la remise en cause d'une conception de l'université, mais le prolongement de l'université traditionnelle de la France que celle qui consiste désormais à aider nos étudiants à se pla cer et à avoir un emploi.

Je ne cherche pas ainsi à polémiquer. Nous voyons bien que le problème de notre université est d'abord la longueur des études. Or un nombre considérable de lières sont obstruées par des étudiants qui ne demanderaient pas mieux, en réalité, que de quitter l'université une fois le diplôme de deuxième cycle acquis, d'entrer dans un stage ou dans une lière professionnelle. Mais ils ne peuvent pas les inventer.

Monsieur le ministre, vous le savez mieux que moi, vous êtes universitaire, souvent l'obtention d'un diplôme constitue pour nos étudiants un sujet de terreur. Je me rappelle d'étudiants en maîtrise qui étaient catastrophés, car ils venaient d'obtenir leur diplôme. Ils étaient donc théoriquement en mesure de trouver un emploi, mais ne savaient pas où aller. Ils allaient à l'ANPE, à la chambre de commerce, à la chambre des métiers. Puis, après avoir fait le tour pendant l'été, ils s'inscrivaient en troisième cycle. Par conséquent, et c'est paradoxal, l'obtention d'un diplôme se révèle un inconvénient pour des étudiants qui, au sein des universités, ont la possibilité de se débrouiller à pe u près et de survivre. Il y a donc là quelque chose à faire de toute évidence si nous voulons désengorger les universités et donner la possibilité à nos étudiants d'obtenir des emplois.

Je voudrais vous dire aussi qu'il me paraît dif cile de continuer à laisser le monde économique en dehors du nancement des universités. Je vous suggère - je l'avais déjà fait avec votre prédécesseur, en pure perte - de ne pas écarter pour des raisons idéologiques l'idée de la création de fondation dans les universités. Je souhaite vraiment que le ministère aide à la création de fondations qui permettent aux universités de recruter des fonds.

De la même manière, et cela me permettra de revenir sur les bourses, je souhaiterais que le ministère fasse un effort en direction des banques en se portant caution dans un certain nombre de cas ou pour faire baisser les taux d'intérêt. Ainsi, à côté du service public des bourses, pourra exister un système de prêts bancaires assistés par l'Etat, fournissant là un deuxième moyen d'intervention nancière de l'Etat par la caution et la baisse d'intérêts qui me paraît tout aussi valable que l'autre. C'est ce qui d'ailleurs, je le crois, fait le succès des universités américaine s et canadiennes. C'est une solution que l'on ne peut pas écarter a priori.

Le fait que désormais nous puissions envisager sereinement la situation de l'université sans nous jeter à la tête des élém ents plus ou moins approximatifs de telle ou telle idéologie, mais en ayant en commun le souci d'assurer l'entrée dans la vie active de nos étudiants, doit nous permettre de dépasser les querelles du passé.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque.

Je vais m'efforcer d'être court.

M. le président.

Vous n'allez pas vous efforcer, vous allez être court. (Sourires.)

M. Philippe Vuilque.

Monsieur le président, monsieur le ministre, le groupe socialiste considère que c'est un bon budget.

D'abord quantitativement : plus 2,7 %. Je ne vais pas m'étendre, mais dans un contexte de stabilisation, voire de baisse légère des effectifs étudiants, cela signi e de meilleurs taux d'encadrement. Mes collègues en ont d'ailleurs largement parlé.

Ensuite qualitativement. Je voudrais souligner l'effort notable consenti sur la situation des personnels. Je voudrais mettre l'accent sur ce que vous avez indiqué, monsieur le ministre, concernant notamment la carrière des maîtres de conférence : la fusion des deux premières classes du corps représente une mesure qui va toucher 32 000 emplois, ce n'est pas rien et c'était une mesure attendue. Je voudrais également indiquer que la poursuite de l'effort en faveur des bibliothèques nous semble aller dans le bon sens, même si - je reprends ce qu'un certain nombre de mes collègues ont dit - il faudra continuer l'effort d'ouverture des bibliothèques, évidemment demandée par les étudiants.


page précédente page 08452page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Sur la transformation des emplois d'assistant de bibliothèque, monsieur le ministre, je voudrais d'emblée vous poser une question. Sur le Bleu, à la page 22, titre III, il est indiqué, et vous le dites dans le budget, que « 70 emplois d'assistants de bibliothèque seront transformés ». Mais si je lis bien le Bleu, cette mesure est nancée sur la provision pour la lière bibliothèque inscrite dans la loi de nances 2000. C'est un effort non négligeable, certes. Mais, monsieur le ministre, ne serait-il pas possible de faire un petit effort supplémentaire sur les crédits 2001 pour que 70 emplois supplémentaires soient transformés, ce qui porterait leur nombre à 140 ? Je crois que la profession attend de votre part un geste en ce sens. Le groupe socialiste aimerait que vous regardiez cela de près, monsieur le ministre.

Concernant la création de 1 000 postes d'IATOSS, nous ne pouvons que nous en féliciter. Cela va permettre, probablement, d'améliorer l'accueil en universités tant il est vrai qu'à chaque rentrée universitaire des dif cultés chroniques réapparaissent : locaux surchargés, étudiants inscrits dans les lières qui ne correspondent pas toujours à leur premier choix, TD surchargés...

Bref, nous pensons que cette situation doit s'améliorer et que le ministère doit faire un effort tout particulier sur la rentrée universitaire.

Concernant la hausse des crédits de fonctionnement, elle est signi cative. Mes collègues en ont parlé. Je voudrais à mon tour vous poser une question sur Jussieu, car nous partageons la crainte générale du retard des investissements.

Concernant les relations internationales, vous avez parlé d'harmonisation des diplômes. Je crois qu'effectivement il est important d'aller un peu plus vite en la matière. Je suis d'un département frontalier, les Ardennes, où les étudiants ne comprennent pas toujours que cette harmonisation des diplômes dans l'Union européenne n'avance pas plus vite. C'est vrai notamment pour les études et les diplômes de kinésithérapie qui posent un certain nombre de problèmes, notamment dans la reconnaissance de ces diplômes.

Concernant les aides aux étudiants, je voudrais faire part de notre satisfaction. Il y a trois ans de cela, un certain nombre de nos collègues étaient assez sceptiques sur la portée du plan annoncé. Aujourd'hui, force est de constater que les promesses ont été tenues. Alain Claeys, je crois, rappelait que ces aides constituent le troisième poste des crédits de l'enseignement supérieur. De plus, les chiffres annoncés par votre prédécesseur et par vous-même aujourd'hui respectent le rythme initial du plan. Là aussi, nous sommes particulièrement satisfaits.

Concernant les allocations d'études, sans répéter ce qu'ont dit mes collègues, j'attire à nouveau votre attention, monsieur le ministre, sur les dysfonctionnements de leur mise en place. Il est vrai qu'il n'y a pas d'instructions très claires ou, quand il y en a, elles sont quelque peu contradictoires dans un certain nombre d'académies. Cela mériterait une certaine clari cation.

Concernant la lutte contre les inégalités, je reprendrai les propos du président Le Garrec, ainsi qu'une question d'un de mes collègues, Marcel Dehoux je crois, qui insistait sur le fait qu'il était inacceptable que les familles en dif culté ayant des enfants étudiants en enseignement supérieur se voient pénalisées nancièrement lorsque ces étudiants obtiennent une bourse. Nous souhaiterions qu'avec votre collègue, Mme Guigou, vous regardiez cela de très près. Car, en la matière, il y a, je crois, des efforts particuliers à faire.

En n, vous avez évoqué le problème des DEUG et avez dit que votre intention était de faire porter l'effort sur les premiers cycles. Nous partageons cette préoccupation. Il est vrai qu'aujourd'hui 37 % des étudiants seulement obtiennent leur DEUG en deux ans, ce qui pose un vrai problème. Il y a quelques années, un comité de suivi pour les DEUG a été mis en place.

Aujourd'hui, si le comité est supprimé, le besoin de ré exion reste entier, monsieur le ministre de l'éducation. Là aussi, nous souhaiterions obtenir quelques précisions.

En n, un de mes collègues en a parlé, un certain nombre d'annonces ont été faites en mars 2000 concernant un plan pluriannuel pour l'éducation nationale et donc pour l'enseignement supérieur. Où en sommes-nous, monsieur le ministre ? Ce budget est-il la première marche du plan pluriannuel ou devonsnous attendre autre chose de votre part ? Merci.

M. le président.

La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri.

Monsieur le ministre, je pense que nous avons le souci commun de lutter contre la précarité de l'emploi et d'y mettre un terme. Vous avez pris un certain nombre de mesures qui y participent et je m'en réjouis. Je souhaiterais intervenir sur un point particulier, celui des professeurs associés.

Le budget prévoit la création de soixante postes de professeur associé à temps partiel qui font en général un demi-service en faculté. Les professeurs associés ont donc, en parallèle, une acti vité professionnelle qu'ils viennent valoriser à l'université. Sur le plan du principe, on ne peut qu'être favorable à de tels échanges de compétences. Dans le même temps, il ne faudrait pas que ce statut, par dé nition temporaire (renouvelable tous les trois ans, sans pouvoir, en principe, dépasser neuf ans), vienne empêcher la création de postes de plein exercice à temps complet.

Ma question est la suivante : le ministère s'engage-t-il à ce qu'en aucun cas les professeurs associés ne puissent dépasser le délai maximum d'exercice de neuf ans dans la même université, renouvellement compris ? Dans le même temps, monsieur le ministre, le ministère peut-il engager un plan de créations de postes permanents d'une ampleur comparable.

M. le président.

Monsieur le ministre, voilà beaucoup d'interrogations, parfois critiques, et c'est légitime, critiques positives dit M. Dubernard, mais en tout cas véritable débat.

Je vous donne la parole monsieur le ministre.

M. le ministre.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vais essayer de répondre autant que je le peux aux différentes questions posées.

Je crois que c'est M. Dubernard qui a ouvert le feu !

M. Jean-Michel Dubernard.

Feu de Bengale !

M. le ministre.

Oui... Ce n'est pas méchant, c'est un feu de Bengale, comme vous dites ! A propos des propositions de la commission présidée par M. Pierre Mauroy, je souhaite souligner qu'il ne s'agit que de propositions. Vous savez que ce type de ré exion et de plan servent à alimenter le débat. Pour l'heure, je n'ai pas à me prononcer of ciellement sur les propositions faites sur l'organisation de l'enseignement scolaire ou de l'enseignement supérieur.

Disons d'un mot que nous avons en effet, au-delà de ces propositions, à nous interroger aujourd'hui durant cette période de transition, sur l'équilibre à établir entre une politique national e, que je souhaite personnellement forte, continue et moderne, et l'autonomie des universités qui mérite, elle aussi, d'être renforcée. C'est une dialectique évidemment subtile, à la française.

Nous ne sommes ni dans le système américain, ni même dans le système allemand de décentralisation poussée, puisque c'est un régime fédéral. Cependant, j'ai le sentiment que nous ne sommes pas au bout de notre ré exion sur cet équilibre nouveau à imaginer entre la politique nationale et l'autonomie, les présidents d'université consacreront d'ailleurs leurs travaux l'année prochaine à la refondation de l'autonomie universitaire.

Au demeurant votre rapporteur, Alain Claeys, a soumis toute une série de propositions, dont certaines ont d'ores et déjà ét é retenues, pour assurer une meilleure liaison entre l'impulsion de l'Etat et les initiatives des universités.

Sur les bibliothèques, sujet évoqué par M. Dubernard puis par plusieurs d'entre vous, notamment par M. Vuilque à l'instant, nous revenons de loin, de très loin. La situation était proprement lamentable, il faut le dire, lorsque le ministre de l'éducation nationale, Lionel Jospin le premier, a décidé en 1988-1989 de lancer un plan de construction des bibliothèques universitaires.

Le conseil national des bibliothèques, présidé par André Miquel, professeur au collège de France et administrateur de cette même institution, a lancé toute une série de ré exions et de propositions.

Lorsqu'en 1992, j'ai pris la tête de ce ministère, j'ai souhaité accentuer encore l'effort engagé par Lionel Jospin. Je me permets de rappeler que le retard français sur ce plan était massif et général.

Je ne veux pas évoquer mes souvenirs de ministre de la culture, mais d'un mot : quand je suis arrivé en 1981, il n'y avait pas trois centimes dans les caisses de l'Etat pour la lecture


page précédente page 08453page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

publique. Comme vous le savez, nous avons engagé à marche forcée, avec le concours des villes et des départements, un plan qui fait qu'aujourd'hui les bibliothèques publiques des villes et des départements sont parmi les plus modernes, les plus accueillantes en Europe. Nous étions le wagon de queue des bibliothèques publiques en Europe, nous sommes aujourd'hui le wagon de tête. L'on vient visiter nos bibliothèques dans les différentes villes de France pour s'inspirer des meilleurs exemples.

Le retard était plus grand pour les bibliothèques universitaires.

La marche en avant a été engagée. Le plan mis au point par le ministre Claude Allègre a donné une nouvelle impulsion et j'ai souhaité moi-même que, dans le cadre du plan actuel, un nouvel élan soit donné à la construction des bibliothèques.

Nous évoquions précédemment le plan concernant Paris rive gauche. C'est un projet d'envergure que nous réaliserons sur ce campus. D'autres sont en préparation. En même temps, comme vous-mêmes, je suis soucieux que le service public des bibliothèques fonctionne pleinement. Je ne vais pas entrer dans le détail, mais c'est pourquoi toute une série de dispositions gure dans ce budget à ma demande, concernant notamment les emplois de conservateur. Je retiens, monsieur le député, votre proposition que je regarderai de près. Si elle est conforme aux grands équilibres budgétaires, pourquoi ne pas l'examiner ? D'ores et déjà, l'année prochaine, nous sommes en mesure, dans un grand nombre de villes de province - c'est plus facile en province qu'à Paris où les retards accumulés sont considérables au-delà de tout esprit polémique d'élargir très largement les plages d'ouverture, le soir, le samedi. Il n'est pas normal que dans de très nombreuses universités les étudiants ne puissent pas, à la n de la journée, le soir, le samedi, accéder au service public des bibliothèques. Je suis décidé personnellement à aller de l'avant. Je me suis battu toute ma vie pour les bibliothèques et spécialement pour les bibliothèques publiques, qu'elles relèvent des villes, des universités ou du ministère de l'éducation nationale.

Je souhaite ampli er ce mouvement, le consolider et faire en sorte que nous soyons un jour très ers de nos bibliothèques.

Il y a eu de grands progrès accomplis, mais il est clair qu'à Paris même nous ne sommes pas au bout de nos peines. Je ne suis pas très heureux de constater ces les d'attente en plein coeur de Paris. On ne trouve pas un tel phénomène dans la plupart des villes de France. L'accord que nous avons conclu avec la ville de Paris, et qui a été approuvé à l'unanimité par le C onseil de Paris, va nous permettre d'entreprendre une série de travaux, de constructions, qui apporteront des premiers remèdes à cette situation anormale.

Vous êtes exigeants à l'égard des universités et vous avez raison. Vous êtes exigeants à l'égard de la politique nationale universitaire et vous avez raison. Je me permets de vous mettre en garde contre les propos qui, transposés là où vous êtes élus , pourraient apparaître déplacés. Car ce que je constate personnellement, en sillonnant notre pays, comme j'ai la chance de le faire comme vous, c'est que les maires et les présidents de région de toutes tendances sont ers de que ce qui a été entrepris année après année dans la plupart des villes. Hier, j'ai visi té à Poitiers un certain nombre d'établissements universitaires. J'ai été impressionné par la qualité architecturale, par le degré d'exigence des recherches et par la dimension internationale de ces centres et de ces laboratoires. Je ne dis pas que la situation est parfaite. Nous avons encore beaucoup de progrès à accomplir.

Mais soyons modérés dans l'expression de nos...

M. Jean-Michel Dubernard.

Combien de prix Nobel par an ?

M. le ministre.

Combien de prix Nobel par an ? Est-ce le critère, et le seul critère ? Il y a quelques prix Nobel dont nous pouvons être ers. Monsieur le député, si on se met à confronter les critères, combien de mathématiciens français, combien de chercheurs dans d'autres domaines ? Le prix Nobel n'est pas le n du n de la réussite des chercheurs et de l'université française.

Je vais essayer de reprendre chacun des points évoqués par plusieurs d'entre vous.

Les DEUG scienti ques. Cette question a été évoquée par plusieurs députés. Comme vous l'avez remarqué, ce problème dépasse largement nos frontières. Partout dans le monde, en Europe, aux Etats-Unis, au Canada, on assiste à ce phénomène de désaffection d'un certain nombre d'étudiants à l'égard de ce t enseignement spéci que dans le supérieur. En France, on a pu constater que de brillants lycéens, qui réussissaient leur baccalauréat scienti que, ne s'engagent pas dans la voie scienti que quand ils accèdent à l'université.

Nous devons essayer d'en comprendre les raisons. Après avoir rencontré depuis trois mois des chercheurs, des universitaires, quelques personnes qui, en France et hors de France, ré échissent sur ces sujets, j'ai quelques idées. Mais je ne veux pas pour l'heure formuler un quelconque diagnostic ni même apporter une quelconque thérapeutique.

J'ai demandé au président de l'Académie des sciences de bien vouloir prendre la tête d'un groupe de ré exion. Ce groupe ne sera pas seulement national mais international. Il travaillera en liaison avec des revues scienti ques, notamment la revue La Recherche, pour mieux comprendre les raisons d'une telle situation et tenter d'y apporter des remèdes.

Pour autant, force est de constater que certaines universités, au moins sept d'entre elles - je ne veux pas distribuer des bons points, je ne les citerai pas -, ont pu faire progresser le nombre d'étudiants. Imputables à des initiatives locales qui constituent un facteur de progrès, transformation de la pédagogie, amélioration de l'accueil, de l'information des étudiants, ces résultats doivent nous inspirer. Je crois qu'un système, qui est à la fois national et décentralisé comme le nôtre, doit tenter de propager les bonnes idées pour éliminer les situations problématiques.

Vous évoquiez à l'instant Jussieu, et particulièrement Paris-VI.

J'avais ce matin - c'est un peu le hasard de mon calendrier une réunion avec le président de Paris-VI, chargé des travaux de désamiantage de l'université. Il m'a signalé une augmentation de 18 % des effectifs en DEUG scienti ques. Il faut regarder la situation de près, université par université, et tenter d'apporter des remèdes là où cela est nécessaire.

M. Goasguen a soulevé une vraie question parmi d'autres. Je suis d'accord avec vous, nous l'avions évoqué ensemble lors de notre précédente réunion, notre système d'évaluation méri te d'être amélioré.

Nous avons nommé un nouveau président à la tête du Comité national d'évaluation. Je souhaite que ce comité puisse s'ouvrir à des experts internationaux. Il n'est pas normal qu'un système universitaire soit seulement examiné par des universitaires ou des chercheurs nationaux. Il y a évidemment l'exemple extrême, que personnellement j'admire beaucoup - je ne suis pas sûr que nous saurions en faire autant - de la Suède qui a fait évaluer son système universitaire par un comité majoritairement international.

Comme vous le savez, nous allons mettre en place, la semaine prochaine, un haut conseil de l'évaluation qui sera présidé par M. Claude Thelot qui a fait les preuves de sa compétence et de son expérience. Ce haut conseil comprendra des personnalités de diverses origines, philosophiques, politiques, mais aussi nationales. Je souhaite que ce haut conseil soit d'une composition indiscutable et que ses travaux, qui se dérouleront en toute indépendance, nous permettent précisément de voir plus clair sur le fonctionnement de notre système d'enseignement scolaire et supérieur.

Je partage donc totalement votre sentiment : nous manquons d'une évaluation précise, régulière et incontestable. Une caren ce que je vais m'employer à combler.

Je m'excuse de répondre à vos questions dans le désordre mais j'espère pouvoir répondre à tous.

A propos de la précarité dans l'enseignement supérieur, je crois que M. Leroy et M. Claeys évoquaient ce thème. Les situations sont très diverses. Les 4 500 étudiants recrutés comme ATER constituent le vivier des enseignants et des enseignantschercheurs de demain. Personne ne souhaite qu'il disparaisse.

C'est un point de passage dans la vie d'un futur enseignantchercheur.

Concernant une autre catégorie, les professeurs associés, ces professionnels de la société civile, qui apportent leur concours et leur expérience à l'enseignement. J'essayerai ensuite de répondre à la question du statut et de la durée et surtout de la mission con ée à ces professeurs associés.


page précédente page 08454page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Troisième catégorie : les 5 000 personnels administratifs recrutés sur emplois vacants. Ils béné cieront du protocole Sapin, et seront donc progressivement titularisés en cinq ans.

En n, à propos des 8 000 professionnels, le plus souvent des techniciens, recrutés sur ressources propres des universités, ils béné cieront, eux aussi, d'un programme de titularisation progressive. C'est un progrès très important, monsieur le député, par rapport au protocole précédent. Pour la première fois, les personnels recrutés par les universités béné cieront d'un plan de résorption de la précarité.

Concernant les professeurs associés à temps partiel, ils jouent un rôle irremplaçable et original. Ils peuvent enseigner à temps partiel, tout en restant dans leur entreprise pendant neuf ans.

Leur rôle ne peut être assumé par des enseignants-chercheurs, ils ne prennent donc pas leur place. De nombreux présidents d'université souhaitent pouvoir prolonger leur mandat. Il faut étudier cette situation. Laissons les portes ouvertes. En tout cas, force est de constater qu'ils rendent de grands services à l'université tant qu'ils continuent d'exercer des fonctions importantes dans leur entreprise. Leur présence répond, je crois, à un voeu assez larg ement répandu : établir des liaisons beaucoup plus étroites entre le monde économique et le monde universitaire.

A propos des DEUG, je crois que de grands progrès ont été accomplis. J'ai connu une époque, vous aussi, j'en suis sûr, où la situation était anarchique, désorganisée, j'allais dire baroque. I l y avait deux cents, deux cent cinquante appellations. C'était une forêt tropicale ! Plusieurs ministres dont moi-même se sont acharnés à élaguer, tailler, simpli er. Et, comme toujours quand on veut élaguer, simpli er, on se heurte à des résistances. Il y a eu quelques manifestations à certaines époques contre cette volonté de simpli cation. J'ai eu la charge de parachever cette réforme en 1992 et nous avons réussi à ramener le nombre de DEUG à un nombre plus restreint. Ce qui les rend aujourd'hui lisibles et compréhensibles, je crois. Dans le même temps, un système de tutorat a été mis en place, son succès a été v ariable selon les cas, mais il a tout de même porté ses fruits. Le travail par petits groupes s'est développé. Au total, quelle est la situation aujourd'hui ? Les statistiques sont discutables. On les choisit quand elles viennent à l'appui de votre cause, pour démonter la thèse de l'adversaire. Oui, c'est vrai qu'un peu plus de 35 % des étudiants seulement obtiennent le DEUG en deux ans, mais 70 % l'obtiennent en trois ans. Je n'encourage pas le redoublement mais en n, si l'on doit insister pour réussir, je n'y vois pas d'inconvénient. Après tout, si je regardais de près l'évolution de la carrière scolaire ou universitaire de chacun d'entre vous, peutêtre qu'à un moment ou à un autre un redoublement ici, un redoublement là ne lui a pas fait de mal. Je n'en dirai pas plus.

70 % en trois ans... (Sourires.)

Par ailleurs, lorsque l'on évoque ce sujet, prenons garde, là encore, à ne pas prononcer des paroles qui seraient blessantes pour les intéressés eux-mêmes. Je voudrais essayer d'y voir plus clair à l'avenir. J'ai donc demandé au directeur du développement et de la programmation du ministère de nous aider à comprendre ce que deviennent ceux qui n'ont pas réussi le DEUG. Je crois que nous devrons dans le futur, lorsque nous aurons une meilleure connaissance des itinéraires des uns et des autres, nous devrons mieux dessiner un accompagnement individuel vers l'insertion professionnelle. Je crois que nous avons un progrès à accomplir pour mieux comprendre, pour mieux savoir et donc mieux guider ces étudiants. Nous avons pris une décision pour essayer d'améliorer encore la pédagogie. Les postes que nous vous proposons de créer y aideront. J'espère que je serai en mesure d'améliorer les choses l'année prochaine, j'en reparlerai d'ici quelques semaines, je ne veux pas prendre d'engagements prématurés, je suis déterminé à centrer les moyens qui sont dégagés par la puissance publique avec l'accord du Parlement.

Demain, je l'espère, de nouveaux moyens viendront compléter notre effort pour améliorer cette pédagogie.

La première décision prise concerne la désignation d'un directeur d'étude pour chacune des deux années de DEUG. Cela existe déjà dans quelques universités. Il est anormal que, dans beaucoup d'entre elles, l'étudiant soit perdu, ne sache pas à quelle porte frapper, ne sache pas à qui demander conseil. Au lycée, au moins, il peut s'adresser à tel ou tel professeur. Une fois arrivé en faculté, il ne sait plus à qui demander conseil.

Nous souhaitons qu'à partir de la rentrée 2001 il y ait partout des directeurs d'étude capables de guider, d'épauler et d'accompagner les étudiants. Je vous garantis que cela sera mis en place. Nous allons aussi faciliter l'organisation d'enseignement par petits groupes. Cette décision paraît modeste, mais elle est très importante pour assurer la réussite des élèves.

Je ne veux pas commenter la réforme qui a établi un système de semestres. Certains sont pour, d'autres contre. Elle peut avoir des effets positifs. Son effet négatif est d'avoir quand même multiplié les examens de tous ordres au détriment de l'enseignement.

Comme je n'ai pas le désir de remettre en cause ce qui a été engagé mais d'apporter au contraire des améliorations, nous garderons ce système. En revanche, nous essaierons de l'enrichir et de l'adapter. Comment ? Par deux mesures.

D'abord, nous allons encourager, avec l'accord des universitaires naturellement, la pluridisciplinarité a n que l'orientation, prônée dans la réforme de M. Bayrou, puisse se fonder sur des p alettes d'enseignement. Pour s'orienter ou pour changer d'orientation, encore faut-il avoir eu la possibilité de tester ses talents, ses goûts, ses aptitudes à travers diverses disciplines et matières. Nous mettrons donc l'accent sur la pluridisciplinarité.

Par ailleurs, je propose que l'orientation n'ait plus seulement lieu à la n du second semestre, disons-le franchement sans esprit polémique, c'est un échec - cette disposition ne concerne que 2 à 3 % des étudiants - mais à la n de la première année.

Voilà quelques mesures, qui sont des mesures simples, pragmatiques, constructives, qui peuvent contribuer à améliorer beaucoup le système de notre pédagogie en DEUG. Nous allons améliorer les choses. Nous faisons appel à l'imagination des universités. A cette n, nous avons lancé ces derniers jours un appel à projets, pour que, là encore, les meilleures expériences péda gogiques puissent se propager à travers l'ensemble du pays. C'est la vertu d'un système qui est fondé à la fois sur une impulsion nationale et sur l'autonomie. Parce qu'il y a impulsion nationale, nous pouvons inviter les universités à s'inspirer des meilleurs exemples, de celles qui réussissent.

A propos de l'accueil des étudiants étrangers, une question a été soulevée par M. Dubernard et a été reprise par plusieurs de ses collègues. Nous avons des progrès à accomplir, c'est éviden t, et Claude Allègre avait entrepris une politique positive : création d'Edufrance, et toute une série d'autres initiatives. Pas question de revenir en arrière, mais au contraire d'ampli er cette action.

Pour essayer d'y voir plus clair, j'ai demandé en effet à Elie Cohen, l'ancien président de l'université de Paris-Dauphine, de prendre la tête d'un groupe de ré exion en plein accord avec Hubert Védrine, puisque la question relève à la fois de l'éduca tion nationale et du Quai d'Orsay. Nous y associons déjà le ministère des affaires sociales et le ministère de l'intérieur, car toute une série de questions se pose, pas toujours heureusement résolues : des obstacles administratifs, de tous ordres, parfois décourageants, éventuellement humiliants et inacceptables, qui conduisent les étudiants qui ont fait l'effort de venir jusqu'en France à partir parfois tant ils sont découragés par un accueil qui, ici ou là, peut être, administrativement ou matériellement, non satisfaisant.

M. Alain Claeys, rapporteur spécial.

Monsieur le ministre, sur le sujet des étudiants étrangers qui me tient à coeur, comme à mes autres collègues, je crois que cela se passe souvent bien.

Nous nous en sommes rendus compte lorsque nous avons mené une enquête sur les guichets à la Cité universitaire internationale. J'ai été étonné de voir comment certains étudiant s ont été accueillis en France. Certaines expériences de guichet unique améliorent les choses et améliorent nettement l'accès à notre pays.

Sur Edufrance, je connais la mission que vous avez con ée à M. Cohen, mais je voudrais une nouvelle fois, monsieur le ministre, vous alerter. Je crois qu'Edufrance est une bonne idée.

Les ministères des affaires étrangères et de l'éducation nation ale ont eu raison de prendre cette initiative. Actuellement, les présidents d'université ont adhéré à Edufrance pour la plupart, mais ils sont circonspects. Si Edufrance devait échouer, je pense que nous reviendrions rapidement en arrière, et l'effort accompli n'aurait pas de suite. Ce qui m'inquiète aujourd'hui concernant Edufrance, c'est la dé nition de sa mission. Edufrance doit avant tout aider les universités à exporter notre offre de formation à l'extérieur. C'est de cette façon que nous ferons venir en France


page précédente page 08455page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

des étudiants étrangers. Il ne faut pas, y compris par désir d'af cher des résultats concrets, qu'Edufrance devienne un nouvel opérateur. Ce serait la solution de facilité, et je crois que nous aurions totalement échoué. Je sais que vous partagez cet avis, mais je crois que nous sommes à un moment charnière et il ne faudrait pas que les universités qui jouent le jeu d'Edufrance reculent, car nous perdrions là une belle occasion.

Edufrance, je le souligne, s'est intéressé à ce qui se fait en la matière en Allemagne, en Angleterre. Ce travail peut représenter un élément essentiel dans cette politique de mobilité que vous souhaitez promouvoir.

M. le président.

Cette question est largement partagée. De même que celle du guichet unique posée également par M. JeanJacques Denis. Monsieur le ministre, votre action est très soutenue.

M. le ministre.

Je vous remercie de vous exprimer avec cette détermination sur ce sujet. Je ne peux que rejoindre votre sentiment, heureusement unanime sur ce sujet.

M. Alain Claeys, rapporteur spécial.

Même si cela a été évoqué précédemment, j'aimerais ajouter un mot à propos des étu diants étrangers. Il concerne l'harmonisation des diplômes. Le rapport Attali et un certain nombre de démarches se sont succédé, mais je voudrais savoir où en est la ré exion sur cette harmonisation de diplômes au niveau européen ?

M. le ministre.

Européen, mais en même temps international. C'est le thème qu'évoquait précédemment le préside nt : la recherche d'une meilleure lisibilité de nos diplômes.

Tout à l'heure, j'évoquais la « forêt tropicale » des DEUG des années 90. Je ne sais quelle métaphore je devrais utiliser pour décrire nos : « D ceci, D cela », mais parfois on s'y perd. Nous avons un effort de simpli cation à entreprendre, indépendamment même de toute considération liée aux travaux d'harmonisation avec tel ou tel pays.

Sur l'harmonisation que vous évoquiez, monsieur le rapporteur, une nouvelle étape est en préparation. Une nouvelle ré exion sera entamée sous la présidence suédoise, à partir de janvier prochain. Notre désir serait d'aboutir à une amélioration du système à Prague, au mois d'avril ou mai. La réunion de Prague sera la troisième du genre, après celle de Paris à la Sorbonne et celle de Bologne. Les efforts que nous avons entrepris nous-mêmes pour nous mettre en conformité avec cette évolution méritent d'être soulignés. En particulier, ceux ayant trait à la licence professionnelle.

Cela me conduit à évoquer un sujet, sur lequel, Jean-Luc Mélanchon pourrait apporter un éclairage plus précis. Je crois que c'est M. Goasguen et M. Dubernard qui ont évoqué la question de la hiérarchie (classes préparatoires, IUT, BTS, DEUG). Or celle-ci n'est plus aussi valable que par le passé. S'il est exact que les bons élèves vont en classes préparatoires, pas tous d'ailleurs, car les classes préparatoires accusent un dé cit, les hiérarchies entre IUT, BTS et DEUG sont très exagérées. Beaucoup de bacheliers généraux préfèrent le DEUG aux IUT et il n'est pas toujours exact de dire qu'il y a beaucoup de bacheliers généraux en BTS. Leur proportion ne représente que quelques points de pourcentages. Les vraies dif cultés - et c'est un problème auquel nous devons remédier au cours de la prochaine période - proviennent des bacheliers technologiques et professionnels qui se retrouvent en DEUG parce qu'ils n'ont pas été pris en IUT ou en BTS. C'est là une question que nous devons examiner et réexaminer avec les responsables de ces institutions. Il ne doit pas y avoir de discrimination par une sorte de retournement de l'histoire vis-à-vis de ceux qui sont bacheliers technologiques ou professionnels. Il ne faut cependant pas occulter le fait que certains ont décidé de choisir telle ou telle voie. Sur ce sujet, je crois qu'il faut aussi se garder de trop hâtives géné ralisations et essayer de comprendre un peu mieux les motivations, sans écarter, ou plutôt sans rechercher, à mettre en cause certaines formes d'exclusion ou de discrimination qui ne devraient pas avoir lieu d'être.

L'insertion professionnelle. Ce sujet a été évoqué par plusieurs d'entre vous. L'horizon à atteindre est encore lointain, mais il faut continuer à progresser.

Reconnaissons que des progrès ont déjà été accomplis et mon prédécesseur y a beaucoup contribué. La création des licences professionnelles, vous l'évoquiez à l'instant, a été un succè s. Son premier cru en témoigne et, d'ores et déjà, nous pressentons que le deuxième cru sera un succès plus important encore. L'augmentation considérable, on n'en parle jamais ou pas assez, du nombre des DESS, 500 créés l'an dernier, et qui offrent une liaison étroite avec des professions ; sans compter le développement des IUP et des IUT.

On s'aperçoit que le système français, sur ce plan en particulier, est un système reconnu comme exemplaire. De nombreux pays nous demandent une assistance technique, viennent en France pour mieux étudier nos expériences et s'en inspirer. Nous réunissions, il y a quelques jours avec Jean-Luc Mélenchon, les ministres de l'éducation des pays d'Amérique latine. Tous souhaitaient mieux s'inspirer encore du système français, nous demandaient de leur apporter un concours, une contribution. Le nombre d'ingénieurs dans ces pays qui sont formés à la française va croissant. L'insertion professionnelle a fait beaucoup de progrès, ce qui ne veut pas dire que nous n'avons pas à poursuivre notre effort.

M. le président.

Monsieur le ministre, si vous le permettez, sur ce sujet, je ne voudrais pas transformer la pensée de M. Goasguen que j'ai écouté attentivement. Il posait aussi un autre problème, l'accompagnement des élèves. Pourriez-vous en dire un mot.

M. le ministre Là aussi, M. Goasguen, nous ne sommes jamais assez exigeants. Mais si l'on veut être exigeant, il faut être juste à l'égard des universités qui accomplissent un grand effort d'organisation et de préparation des étudiants à l'insertion professionnelle.

De nombreuses universités organisent des services de stage, des services de relations avec les entreprises, facilitent les premiers emplois. D'ailleurs, les DESS que j'évoquais à l'instant comportent des stages, j'en ai été le témoin plusieurs fois dans ma vie universitaire. Ce qui facilite une insertion professionnelle consécutive au stage qui a été entrepris.

Il est une expression que je voudrais corriger, mais vous êtes libres de l'employer. Le but n'est pas de désengorger l'université qui, vous le verrez dans le futur, accueillera des publics de plus en plus nombreux, de divers âges, mais de mieux former. Je note toutefois votre appel. Si nous devons être justes à l'égard des universités qui accomplissent un effort, il faut absolument que par le biais des contrats que nous concluons avec les universités, nous insistions énormément pour que cette insertion professionnelle soit mieux organisée. D'ailleurs, il y a des universités, dont je peux vous donner la liste, qui ont créé des observatoires de l'insertion professionnelle, des formations à la création d'entreprise. Il y a de nombreuses conventions conclues entre universités et organisations professionnelles.

Dans le souci de moderniser les universités françaises, vous évoquiez les prêts bancaires. Cette question a été évoqué e lors de la réunion des étudiants qui s'est tenue à Paris il y a une semaine. C'est un système anglo-saxon, ce n'est pas parce qu'il est anglo-saxon qu'il est mauvais, simplement, les cultures sont différentes. Nous avons en France, je crois sous le ministère Jospin, expérimenté cette méthode. Elle n'a pas eu un franc succès ni du côté des étudiants, ni du côté des institutions bancai res.

Par ailleurs, vous évoquez l'idée de la création de telle ou telle fondation. Je serais personnellement le dernier à m'opposer à la création de telles structures. Comme vous le savez, j'ai été le ministre de la culture qui a introduit le plus grand nombre de dispositions scales et administratives dans la loi a n de favoriser le mécénat, pour encourager la création de fondations d'entreprises. Mais je suis obligé de dire, messieurs les députés, que nos entrepreneurs ont un effort à faire. Il ne faut pas toujours dire

« la loi est la loi, l'Etat est l'Etat », que MM. les entrepreneurs, que MM. les banquiers donnent l'exemple. Quant on voit les béné ces considérables accumulés ces dernières années, quand on constate qu'en plus, nous allons abaisser l'impôt sur les sociétés , alors prenons-les au mot, nous sommes prêts à faciliter la création de fondations. Ce serait une bonne idée. S'il y a des reproches à adresser, ils le sont plus à l'égard des entreprises e t des banques françaises qui ne font pas le travail qu'accomplissent leurs collègues des autres pays auropéens, en Allemagne en particulier, en Angleterre, sans parler des Etats-Unis. Voilà quelquesuns des points que je souhaitais évoquer.


page précédente page 08456page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

M. Claude Goasguen.

Je voudrais ajouter un point, si vous le permettez, monsieur le ministre. Un certain nombre de conseils régionaux pratiquent les prêts bancaires, notamment celui d'Ile-de-France, que vous connaissez bien, sous la responsabilité d'un député, que vous connaissez aussi, M. Dray.

M. Dray gère ce système, parce que la région s'est portée caution. Je le répète : le banquier ne vient que dans la mesure où il a une personne solvable en face de lui et s'il a la possibilité de négocier globalement des taux d'intérêts abattus.

Ce qui a réussi au niveau de la région pourrait être tenté dans d'autres collectivités, voire à l'échelon national. Le banquier do it discuter avec une personne morale. Il sait le faire. Il le fait dans d'autres secteurs, monsieur le ministre.

M. le ministre.

Dans le système imaginé par Lionel Jospin en 1992, il y avait un système de caution. Je reconnais que les mentalités ont, Dieu merci, changé du côté universitaire, certainement. Du côté des banques, je l'espère ! (Sourires.) La preuve est à apporter.

M. Claude Goasguen.

Le contexte économique n'était pas le même.

M. le ministre.

Je ne suis pas contre. Tout ce qui pourra encourager l'investissement public, parapublic dans l'université, la recherche, l'éducation, ne pourra que nous réjouir.

Rapidement, quelques mots sur les études médicales. Vous disiez tout à l'heure, monsieur le député, que la réforme ét ait bloquée. Permettez-moi de vous dire qu'elle était bloquée. Je ne veux pas en dire plus. Avec mes éminents collaborateurs, nous avons déterré la réforme du premier cycle. Nous sommes décidés à avancer et à parvenir à nos ns, si cela est possible car il faut un minimum de dialogue, avant le mois de juin de l'année 2001.

Quant aux deuxième et troisième cycles, les choses sont maintenant très avancées.

En ce qui concerne l'allocation de recherche, autre sujet évoqué, je rappelle qu'en 1988, il y avait 1 800 allocations de 4 500 francs mensuels. A partir de 1989, le nombre de ces allocations a augmenté. Aujourd'hui, on compte plus de 4 000 alloc ations, dont le montant, in ation oblige, est passé à 7 500 francs brut par mois. Il faut ajouter les allocations de monitorat de 2 000 francs par mois pour un tiers des étudiants.

M. le président.

Vous avez répondu à l'essentiel des questions, monsieur le ministre.

M. Camille Darsières.

Monsieur le président, on m'avait indiqué que je devais poser une question écrite pour qu'il m'y soit répondu aujourd'hui. Je l'ai posée, j'aurais voulu que cette question soit abordée.

Je souhaite, très rapidement, singulariser, dans l'esprit de monsieur le ministre, l'université des Antilles-Guyanne. Il faut d'ailleurs dire l'université des Antilles, et de la Guyane, autrement, vous êtes fort mal vu des Guyanais. (Sourires.) C'est une université qu'il convient, premièrement, monsieur le ministre, de ne pas éclater administrativement. Parce qu'on a déjà fait écla ter les inspections académiques et l'Académie. Il y a aujourd'hui trois recteurs et chacun d'entre eux est chancelier de l'université, or il y a un seul établissement. Il y a deux ans, lorsqu'il avait été vaguement question de faire éclater cette université du point de vue administratif, le conseil d'administration avait pris une résolution à la quasi-unanimité, pour demander qu'une unité d'établissement soit mise en place. C'est la première chose que je voulais dire. Par ailleurs, il est très clair que, dans les dotations concernant cette université, le ministère perd un peu de vue son éclatement géographique. C'est-à-dire que certains professeurs circulent de la Guadeloupe à la Martinique, de Martinique en Guyane, de Guyane en Guadeloupe. Ce qui génère une augmentation du coût de fonctionnement considérable. En 1996, par exemple, le budget global était de 82 millions environ, somme sur laquelle un peu moins de 4 millions étaient réservés à l'hébergement des professeurs qui circulent, à leurs frais de déplacement, à ceux du conseil d'administration, du conseil de discipline, du conseil scienti que. C'est quelque chose de très lourd. Résultat, le taux d'investissement comparé est le suivant : 1 5,22 % pour les universités des Antilles-Guyane, contre 25,49 % pour l'ensemble des universités et 26,90 % pour les universités pluridisciplinaires de taille à peu près identique.

L'université des Antilles-Guyane compte à peu près 12 000 étudiants.

De même, le fonds de roulement permet de percevoir la dif culté dans laquelle se trouve cette université. Il s'établit à un peu plus de 22 jours, alors qu'il est de 248 jours pour l'ensemble des universités. Les ressources comparées par étudiant, 6 376 francs pour l'université des Antilles-Guyane, contre 8 883 francs pour l'ensemble des universités, témoignent également de l'étendue d u problème. C'était la raison pour laquelle, monsieur le ministre, j'ai proposé que l'on ré échisse à l'instauration au sein du budget des DOM, d'une ligne budgétaire consacrée à l'enseignement supérieur, comme c'est déjà le cas du logement. Je proposais que l'année prochaine, ou plus tard, on ré échisse à une initiative de ce type pour évaluer les besoins et sortir de cette impasse.

Monsieur le ministre, j'ai deux choses à dire, et j'en aurai ni. J'ai appris avec beaucoup de plaisir, que lors de la réunion des ministres, vous avez lancé ou relancé l'idée d'un institut franç ais des Amériques. Je l'ai appris avec plaisir, car le programme de l'université des Antilles et de la Guyane, pour le troisième millé naire, intègre une proposition prévoyant de créer une maison de la Caraïbe et des Amériques. Je ne sais pas si votre institut serait basé en France mais je crois qu'il n'est pas négligeable d'avoir en tête que l'université des Antilles-Guyane a ce même projet.

En n, vous avez dit : « C'est une coïncidence, mais ce matin, j'étais avec le président de Paris-VI ». Monsieur le ministre, je serais extrêmement content qu'un jour dans une salle comme celle-ci ou dans l'hémicycle, vous puissiez dire, c'est une coïncidence...

M. le président.

Vous transformez les questions écrites en question orales !

M. Camille Darsières.

J'ai ni. J'ai dit que je serais très heureux, un jour, monsieur le ministre, que dans une salle comme celle-ci ou dans l'hémicycle, vous puissiez dire, c'est une coïncidence, mais ce matin j'ai rencontré la présidente de l'université des Antilles et de la Guyane. Je le souhaite profondément, parce que je ne suis pas comme mon collègue, un ancien enseignant universitaire. J'aurais souhaité que cette rencontre puisse se faire. Il y a des particularités, des singularités, que la présidente pourrait mieux faire valoir. Je voulais indiquer cela. Je m'excuse, je me bats la coulpe.

M. le président.

Ne vous pas votre coulpe, puisque la question a été posée.

M. le ministre.

Je n'ai pas à répondre à l'instant à la question posée, puisqu'il y sera répondu par écrit. Comme vous le savez, dans le cadre d'une politique dé nie avec le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, nous avons, pour la Guyane en particulier, une assez haute ambition. Le souci à la fois d'offrir aux jeunes Guyanais un enseignement de base de bonne qualité et en même temps, de construire un pôle universitaire et scienti que de dimension internationale. L'originalité de ce qui a été proposé consistera à s'ouvrir en particulier aux pays voisins, notamment au Brésil, et d'accéder à un certain nombre de recherches sur des sujets d'intérêt commun liés à la bio-université, à l'env ironnement, ainsi qu'à d'autres aspects. Je crois que nous pouvons réussir, en Guyane, à créer une université originale, singuliè re, mais qui en même temps offre aux étudiants l'enseignement de base qu'ils sont en droit d'attendre.

Je conclus d'un mot et je vais laisser à Jean-Luc Mélenchon le soin de conclure plus longuement.

D'un mot pour vous remercier d'abord.

Je dois dire que j'avais expérimenté cette procédure l'an dernier comme président de la commission des affaires étrangères, et depuis longtemps, d'ailleurs, je militais pour que notre procédure budgétaire soit transformée. Il est vrai que l'on peut, dans une enceinte comme celle-ci, plus aisément échanger, dialoguer, discuter sans que cela ne prenne des allures d'affrontements verbaux ou tribunitiens. Cela n'empêche pas à chacun de garder son sentiment en séance plénière. Dans l'hémicycle, vous aurez l'occasion de vous exprimer pleinement, mais cette procédure, si je peux me permettre, mériterait d'être étendue à l'ensemble des budgets. Le Parlement et la République y gagnent en solidité et en sérieux.

Sur le fond, je mesure à la fois les progrès accomplis au cours des dernières années et en même temps le travail qui nous reste à faire. Cette année, avec le budget que nous vous proposons, nous franchissons une nouvelle étape. Tout n'est pas chiffre,


page précédente page 08457page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

mais le chiffre éclaire aussi. Si vous acceptez ce budget aujourd'hui, le taux d'encadrement des étudiants français qui se trouvaient cette année dans la deuxième tranche, des pays européens, s'établira désormais dans la tranche supérieure. Incontestablement, quelles que soient les idées de chacun sur le système universitaire et ses transformations, la proposition qui vous est faite est d'améliorer celui-ci par le haut.

J'ai l'ambition de continuer à le transformer pour permettre aux plus jeunes, à ceux qui arrivent à l'université, de trouver la voie de leur réussite. Nous avons un devoir absolu de mieux les aider, de mieux les soutenir, de mieux les encadrer. Vous verrez qu'à mesure que le temps passera, nous progresserons. Je souhaite aussi que nous ayons une exigence scienti que très élevée pour que nos universités puissent être en compétition paci que avec les grandes universités du monde entier. Je souhaite que nos portes s'ouvrent beaucoup plus largement aux étudiants et professeurs du monde entier. Je souhaite en n que les conditions de vie pour les professeurs et pour les étudiants dans nos universités soient améliorées encore dans le futur.

Sur ce sujet, j'ai demandé que l'on in échisse le plan en cours pour que, sur les campus, qu'ils se trouvent en ville ou en dehors, on ait plaisir à se trouver et non pas seulement à venir suivre ou donner un enseignement. Que les étudiants se sentent heureux et les professeurs aussi. Que l'on offre des conditions comparables à celles d'autres universités, notamment à celles d'autres pays. C'est déjà le cas de certaines universités franç aises, je ne veux pas les citer parce que ce serait une manière d'établir un classement ou un palmarès.

En n, je suis er - cela est vrai aussi pour Jean-Luc Mélenchon - d'appartenir à un gouvernement qui est décidé à poursuivre un effort public important pour son éducation, sa recherche et la culture. Pour nous, c'est une priorité absolue.

Vous voulez bien considérer, même si c'est en en tirant des conclusions différentes, que c'est un bon budget. On admet si l'on est de bonne foi, et je crois que l'ensemble des organisations de professeurs et d'étudiants le considèrent, que ce budget marque un changement. Nous en reparlerons la semaine prochaine pour le budget de l'enseignement scolaire.

Nous poursuivrons cet effort au cours des prochaines années.

Avant le 15 ou 16 novembre, j'aurais l'occasion de rendre public le plan pluriannuel, élaboré au sein du Gouvernement. Je demande tout de même que l'on mesure l'originalité de ce que nous entreprenons sur ce plan en France.

Un peu partout en Europe, et je le déplore, les budgets publics pour l'éducation sont en régression. Lorsque nous avons réuni, avec M. Jean-Luc Mélenchon, les étudiants de trente pays d'Europe, tous venaient nous trouver et nous dire : « Venez chez nous expliquer ce qui se passe en France, venez convaincre nos propres dirigeants de consentir le même effort que celui entrepris dans votre pays. » L'originalité, c'est aussi que le budget de

l'éducation nationale, en tout cas ses emplois seront prévus sur une période de trois années. Le budget qui vous est proposé aujourd'hui, c'est le budget de l'an I de ce plan triennal. Je ne peux naturellement pas vous dire le contenu de ce qui sera proposé pour l'an II et l'an III, puisque nous devons le mettre au point au cours des prochains jours avec le Premier ministre et le ministre de l'économie et des nances. J'ajouterai que s'agissant de l'enseignement supérieur, l'originalité est double : il y a, de ce fait, une programmation pluriannuelle pour les investissements, et jusqu'à présent il n'y avait jamais eu de programmations pluriannuelles pour autre chose que les investissements (loi de programmation pour les investissements militaires, loi de programmation pour les monuments historiques), mais jamais il n'y a eu, dans notre pays, à ma connaissance, un plan pluriannuel pour les emplois, jamais.

Pour l'enseignement supérieur, nous parlerons de l'enseignement scolaire la semaine prochaine, l'originalité, quels que soient les chiffres qui seront retenus, concerne le fait qu'il y aura une double programmation : la programmation pluriannuelle des investissements et la programmation pluriannuelle des emplois et cela, je le répète, quelle que soit l'importance des sommes plus ou moins relative. Les uns les trouveront trop élevées, d'autres insuf santes, c'est une autre question. Mais le fait qu'un gouvernement, qu'un parlement s'il veut bien nous suivre, s'engage ainsi sur deux ans, trois ans dans le cadre des investissements, quatre ans, cinq ans, c'est une marque de con ance dans l'avenir. Mais aussi dans notre système, dans sa capacité à se transformer, à évoluer, à se moderniser. Donc c'est un acte de con ance en nous-mêmes, un acte de con ance dans les étudiants, dans les professeurs et dans la capacité que l'université française a de se moderniser et de se transformer.

Voilà ce que je voulais vous dire à la n de ce débat, en vous remerciant d'avoir apporté une contribution critique et imaginative aussi utile.

M. le président.

Très bien ! Monsieur le ministre Mélenchon, après cet acte de con ance, comment allez-vous conclure ?

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué chargé de l'enseignement professionnel.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, croyez que j'apprécie l'exigence de concision à laquelle je suis invité par la conclusion du ministre. La concision a son prix, tout le monde le connaît : moins de pastel, plus de traits directs. Pour ce qui me concerne, je partage l'enthousiasme que vient d'exprimer Jack Lang sur la base de ce que je sais des performances françaises.

Je voudrais dire à ceux d'entre vous qui, sans doute dans le feu de la démonstration, ont dit que l'université française supportait mal la comparaison, que je ne suis pas d'accord. Je veux af rmer une certitude : s'agissant de l'enseignement professionnel, c'est tout le contraire ! Le système français est le meilleur du monde. Il peut être complété, amélioré, perfectionné, sû rement, mais c'est le meilleur du monde. Jack Lang l'a dit il y a un instant. Nous l'avons véri é en recevant nos collègues d'Amérique latine et des Caraïbes : il n'en est pas un qui n'ait voulu avoir un entretien avec le ministre Jack Lang et avec moi-même. Je pense aux Brésiliens, aux Vénézuéliens - qui sont quand mê me des pays émergents - aux Mexicains qui, sur la base des recommandations des Etats-Unis d'Amérique, se sont tournés vers les Français.

Je ne dis que cela car il est aussi permis, de temps à autres, d'être er de l'oeuvre accomplie et de la grandeur de notre patrie sur des domaines où la concurrence est certainement la plus féroce et aussi la plus pointue.

Une fois cela posé, je serais d'accord avec M. Goasguen, plus qu'avec tout autre, mais parce que lui seulement a évoqué la question sur l'importance de la professionnalisation comme un paradigme transversal dans l'éducation, et notamment dans le supérieur. Nous disposons dès aujourd'hui du levier que constituent les licences professionnelles. Il faut donc agir avec pragmatisme et surtout réussir. Nous y mettons les moyens. D'abord en ayant été sévères dans la sélection des licences que nous avons autorisées. Ensuite en accordant une subvention de 80 000 F pour chacune de ces licences, soit un coût global de 16 millions de francs à présent.

Je pense que c'est là que se trouve la clé de la réussite future et, en quelque sorte, celle d'un effet de contagion. Je voudrais dire aussi qu'une professionnalisation réussie, c'est-à-dire durable mais pas hyper-spécialisée, concept que nous avons mis sur la table des ministres européens, est une véritable revendication. Je vous donne raison monsieur Goasguen : la masse des étudiants va à l'université avec le souhait d'avoir une professionnalisation réussie.

Hélas, tous nos compatriotes ne le comprennent pas tout de suite. Mais le temps fait son oeuvre, la réussite, le pragmatisme et l'ef cacité aussi. Nous sommes sur ce chemin-là avec Jack Lang.

M. le président.

Je remercie MM. les ministres de leurs interventions et je demande aux commissaires de la commission des affaires sociales de rester à leur place. Nous avons un avis à émettre.

(MM. les ministres quittent la salle.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Denis, rapporteur pour avis.

Je propose que la commission émette un avis favorable sur ce projet de budget.

M. le président.

Je mets aux voix l'avis de M. le rapporteur.

(Ce rapport pour avis est adopté.)


page précédente page 08458page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

M. le président.

Le rapport a été adopté à une large majorité. Il vous appartiendra d'exprimer à nouveau cet avis lors de la séance publique de lundi prochain.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinq.)

QUESTION ÉCRITE BUDGÉTAIRE

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 1. Mme Chantal Robin-Rodrigo appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les conditions de vie étudiante, notamment en matière d'aides mobilisées en faveur des étudiants issus de milieux modestes. La dernière tranche du plan social étudiant permettra de parvenir à une proportion de 30 % d'étudiants béné ciaires de bourses, grâce à une augmentation des aides directes et de leur niveau moyen sur le budget 2001. L'augmentation des bourses contribue ainsi à l'égalité des chances et notamment, l'égalité sociale. Cependant, l'attribution des bourses d'enseignement supérieur souffre d'une mauvaise répartition et d'un système inégalitaire, qui favorise proportionnellement plus les étudiants issus de familles aisées que les étudiants issus de fami lles modestes. En effet, le système du quotient familial permet aux f amilles aisées de pouvoir béné cier d'un avantage scal conséquent, au titre de l'impôt sur le revenu, et d'être, in ne, autant avantagées, si ce n'est plus que les familles de condition modeste. En n, l'allocation de logement social, étant attribuée sans distinction de ressources, devrait être réorientée vers les étu diants les plus nécessiteux. Une réforme scale du quotient familial et de l'attribution de l'allocation de logement à caractère social (ALS) s'impose. En conséquence elle lui demande quelles mesures il compte prendre a n de réformer le système d'attribution des bourses et des allocations étudiantes dans un sens plus équitable.

Réponse. Depuis la rentrée universitaire 1998, le ministère de l'éducation nationale a mis en oeuvre, en concertation avec les organisations étudiantes, un plan social étudiant dont l'objectif est d'améliorer signi cativement, de manière qualitative et quantitative, les conditions de vie étudiante. Ce plan s'est déjà trad uit par de nombreuses mesures : relèvement des plafonds de ressources des bourses d'enseignement supérieur, ce qui a permis à un plus grand nombre d'étudiants de recevoir une aide maximale qui ne pouvait leur être accordée précédemment ; augmentation du taux des bourses ; création d'une bourse à taux zéro, qui se traduit par une exonération des droits d'inscription et de la cotisation à la sécurité sociale étudiante ; mise en place de bourses de premier et de second cycles pour permettre aux étudiants connaissant des dif cultés dans leurs études (redoublement, etc.) de conserver une aide nancière ; introduction d'un dispositif d'allocations d'études, depuis la rentrée universitaire 1999, pour répondre aux dif cultés que pouvaient rencontrer des étudiants confrontés à des situations personnelles ne leur permettant pas de se voir attribuer une bourse dans le cadre du dispositif de droit commun. Qui plus est, pour renforcer la démocratisation de l'enseignement supérieur et du recrutement des grandes écoles, des bourses de mérite ont été mises en place a n d'orienter les étudiants méritants issus de milieux modestes vers des concours qu'ils n'auraient pas spontanément pensé à préparer et de leur donner les moyens matériels d'entreprendre un cursus long. A la rentrée 2001, ce sont 800 bourses d'un montant de 40 005 francs qui seront réparties. Ainsi, au titre de l'année 2000-2001, l'ensemble de ces mesures devrait permettre de parvenir à ce que 29 % des étudiants béné cient d'une aide.

L'objectif nal, qui sera atteint à la rentrée 2001, est d'aider 30 % des étudiants, soit 500 000 d'entre eux, et d'augmenter de 15 % le niveau moyen des aides par rapport à 1998. S'agissant de l'allocation logement, la situation sociale de l'étudiant est prise en compte en partie dans la mesure où la qualité d'étudiant boursier permet d'obtenir une aide d'un montant supérieur à celui d'un étudiant qui ne l'est pas. De manière générale, le système des aides au logement béné cie largement aux étudiants.

Ainsi, au 31 décembre 1999, le nombre de béné ciaires étudiants s'établissait à 545 000 pour l'allocation de logement social, 117 000 pour l'allocation personnalisée au logement et 10 000 pour l'allocation de logement familial. En n, pour la réforme scale du quotient familial, il convient de souligner que des mesures ont déjà été prises par le Gouvernement dès 1999 dans le cadre d'une politique familiale mieux adaptée aux nouvelles réalités sociologiques et économiques de la famille. Le principe d'universalité des allocations familiales a été ainsi ré af rmé par la suppression du plafond de ressources conditionnant leur octroi. En contrepartie, l'avantage maximal en impôt résultant du quotient familial a été abaissé de 16 380 francs à 11 000 francs par demi-part.

2. Le budget de l'enseignement supérieur pour 2001 fait apparaître une progression des crédits (+ 2,73 % par rapport à 2000). Mais les crédits de paiement (5 494 millions de francs) ouverts au titre des investissements et du plan U 3 M, connaissent une moindre progression (+ 1,58 % par rapport à 2000). Or les besoins liés aux opérations prévues par ce plan s'avèrent impor tants. Aussi M. Georges Sarre attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la nécessité d'ouvrir des crédits pour 2001 qui permettent le lancement du plan U 3 M dans les meilleures conditions, en particulier dans la capitale. Les besoins en locaux provisoires pour l'accueil des étudiants, durant les travaux de restructuration prévus par ce plan, sont estimés à 20 000 mètres carrés au moins dans Paris. Alors qu'ils ne sont pas prévus au contrat de plan, les crédits nécessaires à court terme pourraient donc, selon une estimation, s'y élever à 200 millions de francs au moins. Il s'interroge aussi sur les moyens prévus pour le regroupement des services du rectorat de Paris et l'utilisation du collège Sainte-Barbe. En n, en matière de crédits destinés à des mises aux normes de sécurité il lui demande si les besoins urgents pourront être rapidement couverts. Il souhaite que toutes les dispositions soient prises pour nancer ces opérations dès 2001 a n de garantir le succès du plan U 3 M à Paris.

Réponse. Le plan Université Troisième Millénaire représente un effort considérable conjoint de l'Etat et des collectivités territ oriales, complété par les fonds structurels européens, effort que l'on peut chiffrer à près de 50 milliards de francs sur la période 2000 2006. Aux quelque 42 milliards inscrits dans les contrats de plan

Etat-régions (CPER) s'ajoutent 7,5 milliards hors contrats de plan incluant le désamiantage de Jussieu, la rénovation du Muséum, le musée du quai Branly et pour 2,7 milliards de crédits de sécurité

La part Etat des contrats de plan s'élève sur 2000-2006 à 18,3 mil liards, dont 14,3 milliards relevant du ministère de l'éducation nationale. Il va de soi que ces engagements en autorisations de programme se concrétiseront par la mise en place des crédits de paiement. Comme il est souligné dans la question, l'ouverture de ces crédits de paiement accuse une hausse moins forte que celle des autorisations de programme. Cette augmentation moindre des CP tient compte de la réalité des paiements constatés la première année. Il n'en demeure pas moins que tous les moyens sont mis en oeuvre pour que l'ensemble des opérations qui peuvent être programmées en 2001 le soient effectivement, et que les études et les premiers travaux liés à ces opérations soient nancés, notamment pour ce qui est des travaux de restructuration des installations universitaires de Paris intra-muros prévus dans la convention conclue entre l'Etat et la ville de Paris le 25 octobre 2000 : la création d'un nouveau quartier universitaire dans la ZAC ParisRive-Gauche ; la restructuration de la Sorbonne ; l'aménagement du site La Villette-Aubervilliers ; le remembrement des sites existants à Paris intra-muros ; le développement du logement social étudiant ; l'aménagement de la vie sociale sur les campus ; la remise à niveau des bibliothèques : 22 millions de francs seront consacrés à la restructuration de l'ancien collège Sainte-Barbe. C es locaux seront destinés à la création d'une bibliothèque interuniversitaire de premier et de deuxième cycles composée essentiellement de salles de lecture offrant au moins 1 200 places.

3. M. Patrick Delnatte attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la situation nancière des écoles supérieures privées d'ingénieurs et de cadres. Répartis sur tou te la France, ces établissements accueillent chaque année 17 000 étudiants, délivrent 3 200 diplômes par an, tandis qu'ils emploient 1 500 salariés permanents et 2 600 chargés de cours. Ils participent donc pleinement et activement à une mission de service public unanimement reconnue, leurs formations cadrant parfaitement avec la politique nationale de l'enseignement supérieur en France.

Or, si leur nancement provient pour l'essentiel des frais de scolarité supportés par les familles, de la taxe d'apprentissage et d'autr es produits dont les prestations aux entreprises, la participation de l'Etat s'avère, quant à elle, relativement faible dans son montant et aléatoire dans ses modalités puisque le nancement prévu provient du chapitre 43-11, article 10, intitulé « Encouragements divers », qui doit être négocié tous les ans. Compte tenu de l'évolution des trois premières composantes de ces nancements (notamment la diminution de la taxe professionnelle ou l'impossibilité d'aug-


page précédente page 08459page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

menter davantage la participation des familles), il apparaît aujourd'hui que l'équilibre nancier de ces écoles ne pourra se maintenir que par une augmentation substantielle du nancement de l'Etat pour atteindre une participation annuelle par étudiant approximativement égale à la moitié de son coût. Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser si le Gouvernement entend accroître et pérenniser le soutien nancier de l'Etat envers les écoles supérieures privées d'ingénieurs et de cadres.

Réponse. Les écoles supérieures mentionnées sont celles relevant de la Fédération des écoles supérieures d'ingénieurs et de cadres (FESIC). Le ministère de l'éducation nationale apporte annuellement à ces écoles une dotation de fonctionnement prise sur le chapitre budgétaire 43-11-10 (« Subventions aux établissements et aux écoles techniques d'enseignement supérieur privé »).

La dépense globale pour l'année 2000 s'élève à 87 millions de francs (écoles d'ingénieurs, écoles de commerce et de gestion) . Les deux tiers de cette somme (64 millions de francs) sont versés aux établissements de la FESIC. Le Gouvernement a assuré une évolution positive des subventions accordées à la FESIC depuis le début de la législature. Alors qu'en 1997 les subventions avaient baissé de 6,2 % par rapport à 1996, elles ont connu depuis une évolution nettement positive, largement supérieure à celle de l'in ation : plus 5,86 % en 1998, plus 5,4 % en 1999 et plus 1,08 % en 2000, soit plus 12,8 % en trois ans. Par ailleurs le Gouvernement a lancé en 1999 une procédure expérimentale de contractualisation, qui concerne aujourd'hui deux écoles de la FESIC : l'école des hautes études industrielles de Lille et l'école catholique des ar ts et métiers de Lyon. Mon département ministériel a montré sa volonté d'aboutir et d'approfondir les échanges en abondant de façon considérable la dotation versée aux deux écoles actuellem ente ngagées dans le processus (550 000 francs supplémentaires en 1999, et 1,15 million de francs en 2000, qui s'ajoutent aux subventions de base évoquées ci-dessus). La notion de contractuali sation s'appuie sur une logique de projet : renouvellement des formations, coopération avec l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur, modernisation des méthodes pédagogiques, qualité de l'insertion professionnelle des étudiants, action internationale, etc. De ce point de vue, la même doctrine s'applique aux établissements publics et aux établissements privés. Il s'agit là d'une ouverture incontestable et d'une approche moderne qui lie le soutien public à des dynamiques de progrès. En n, le projet de loi de nances pour 2001 intègre une mesure nouvelle de 8 millions de francs sur le chapitre 43-11 destinée à augmenter les cré dits alloués aux écoles supérieures privées dans le cadre de la contractualisation.

4. M. François Guillaume appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la création d'un second département d'IUT à Lunéville. En effet, Lunéville accueille av ec succès l'IUT « Métrologie et Contrôle Qualité », et l'attractivité de ce pôle unique de formation en Lorraine a encouragé la ville de Lunéville à envisager la création d'un second département d'IUT ,

« Hygiène et Sécurité », complémentaire du précédent et dont la spécialité répond aux besoins exprimés par les chefs d'entrepri se. Ce projet de second département d'IUT, délocalisé à Lunévill e, a reçu l'accord de principe du ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie le 24 décembre 1998 et a été ins crit dans le cadre du contrat de Plan lorrain lors de la séance plénière du conseil régional de Lorraine des 16 et 17 décembre 1999.

Aussi il lui demande de bien vouloir lui indiquer, a n de concrétiser rapidement ce projet, quand il sera procédé à la création o f cielle de ce second département d'IUT « Hygiène et Sécurité » à Lunéville.

Réponse. Le développement des enseignements technologiques supérieurs et notamment celui des instituts universitaires de technologie est un objectif important. La création d'un second département d'IUT sur le site de Lunéville, amené à conforter le dép artement « Métrologie, contrôle, qualité » créé à la rentrée 1996, est inscrite dans le projet de contrat quadriennal de l'université Nancy-I Henri-Poincaré pour la période 2001-2004. Cependant, le dossier correspondant à la demande d'ouverture de ce département n'a pas encore été transmis à la direction de l'enseignement supérieur. Dès lors qu'un dossier aura été constitué et tran smis par l'université Nancy-I, accompagné de l'avis du recteur de l'académie, il pourra être expertisé par la commission pédagogique nation ale (CPN) compétente et l'ouverture d'un département

« Hygiène, sécurité, environnement » à Lunéville pourra être con rmée.

5. M. Pierre Lasbordes attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la construction de bâtiments universitaires dans le cadre du plan université du troisième millénaire (U 3 M). Le plan U 3 M est un programme de mise en sécurité, de restructuration, de remembrement et de construction de bâtiments universitaires destiné à succéder au « plan université 2000 ».

Au titre de la tranche 2001 de ce plan, 3,6 milliards de francs d'AP et 2,7 milliards de francs de CP sont inscrits au budget

« enseignement supérieur ». Aussi il lui demande, d'une part, quel est le calendrier de programmation xé dans le cadre de ce plan et, d'autre part, quelles raisons il invoque pour justi er l'absence de nancement pour la sécurité et la maintenance des équipements dans ce budget.

Réponse. Dans le cadre des contrats de plan Etat-régions, la programmation des opérations d'investissement procède largement de l'initiative du préfet de région et du recteur d'académie. Les propositions de programmation sont adressées, après vote en conférence administrative régionale (CAR), vers les services ce ntraux, qui, au vu de l'ensemble des remontées, proposent une répartition de l'enveloppe budgétaire entre les opérations programmées. Cette répartition est noti ée au préfet a n qu'il arrête la programmation des opérations pour l'année à venir. Délibé rée en CAR, la programmation est retournée au ministère a n d'engager dès le début de l'année les procédures de délégation de crédits.

Pour la maintenance courante, la dotation 2001 devrait atteindre 700 millions de francs, ce qui constitue une hausse de 40 % sur ces deux dernières années. Les crédits de paiement présentent é galement une nette augmentation (plus 100 millions de francs, soit plus 18 % par rapport à 2000). Les autorisations de programme prévues au titre de la sécurité sont comme en 2000 de 486 millions de francs. L'effort a porté cette année à une meilleure couverture en crédits de paiement de ces autorisations de programme. A cet effet, 228 millions de francs ont été prévus, soit une hausse de plus de 18 % de CP.

6. M. Thierry Mariani attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale en sa qualité de ministre de tutelle du Muséum national d'histoire naturelle sur la situation de l'Harmas Jean-Henri Fabre situé à Sérignan-du-Comtat dans le Vaucluse.

L'Harmas de Jean-Henri Fabre, propriété du célèbre entomologiste, fut acheté par l'Etat en 1922. Le Muséum d'histoire naturelle est depuis cette date chargé de sa gestion. Aujourd'hui un projet de rénovation est en cours, visant à la remise en état à l'identique de certaines pièces de l'Harmas, à la mise en valeur des collections dans des conditions de conservation spéci ques justi ées par la fragilité de ces documents anciens, et à l'aménageme nt du jardin, des locaux d'accueil pour les groupes scolaires. Alors que le programme des travaux de réhabilitation de ce lieu de mémoire débute par un simple inventaire, l'Harmas, maison et jardin, est aujourd'hui fermé de manière prématurée au public. Cet te décisison préjudiciable à de nombreux égards n'est en rien just i ée, surtout si l'on tient compte de l'intérêt touristique et scienti que de ce lieu, mais aussi de l'importance de l'Harmas dans la vie économique du village de Sérignan. Les travaux envisagés vont entraîner une longue interruption des visites qui, sans avoir été déterminée avec précision, peut être estimée au minimum à plus d'une année. A la demande des élus, suivant en cela les souhaits de la population, du tissu économique et scienti que, il a été donc proposé sur la commune une solution temporaire permettant de maintenir l'accueil et l'information des visiteurs, des scolaires qui auraient souhaité visiter l'Harmas pendant les travaux. En effet, lors de la réunion en préfecture, le 14 mai 2000, à la demande du maire de Sérignan, des élus, et sur proposition du préfet, l'administrateur du Muséum national d'histoire naturelle s'engageait à ce qu'une exposition à caractère pédagogique soit présentée pen dant la période de fermeture dans un emplacement proposé par la mairie. Cette exposition de remplacement, pourtant souhaitée, n'a pu être mise en place. Aussi, il souhaiterait connaître d'une part, les raisons qui justi ent cette fermeture prématurée depuis le 1er sept embre dernier alors que les travaux n'ont pas réellement commencé, et d'autre part, s'il entend prendre des mesures qui permettront, pendant la totalité de la durée des travaux, la mise en place d'une exposition temporaire a n que ceux qui le souhaitent puissent connaître à Sérignan-du-Comtat les travaux du célèb re entomologiste.

Réponse. L'Harmas est propriété du Muséum national d'histoire naturelle depuis 1992. Il est classé au titre des monuments historiques depuis janvier 1998. Ce domaine a fait l'objet entre 1997 et 1999 de différents projets qui n'ont pu aboutir. Le


page précédente page 08460page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Muséum national d'histoire naturelle vient de dé nir un nouveau projet évalué à 40 millions de francs, qui se décompose ainsi : la restauration de l'Harmas à l'identique (maison et jardin) pour la réouverture au public en « maison de mémoire ». Le Muséum, maître d'ouvrage, s'engage nancièrement dès 2000 à hauteur de 10 millions de francs, sur une durée maximale de 3 ans ; la construction sur des terrains acquis par le conseil général du Vaucluse, d'un centre dévolu à l'animation pédagogique et à l'acti on culturelle. L'engagement nancier est de 10 millions de francs y compris l'achat des terrains. A cet effet, un cahier des charges a été élaboré par le Muséum en relation avec les établissements scola ires voisins et remis en avril 2000 aux différents partenaires (Etat, collectivités territoriales) lors d'une réunion en préfecture de V aucluse. Le Muséum, propriétaire de l'Harmas, a con é à l'architecte en chef des monuments historiques (Didier Répellin) une étude de faisabilité pour la rénovation. Cette étude, sera rendue au maî tre d'ouvrage en décembre 2000. En l'absence des conclusions de cette étude, il est impossible de donner la programmation et la durée des travaux. Le Muséum vient de nommer Mme Anne-Marie Sléze, ingénieur, docteur en mycologie et muséologue, comme responsable de l'Harmas. Pour des raisons de sécurité, l'Harmas est fermé depuis septembre 2000. Des travaux préliminaires de sondage, de nettoyage du jardin, de sauvegarde des collections et du mobilier sont en cours. Les collections patrimoniales contenues dans l'Harmas et ayant appartenu à Jean-Henri Fabre (1823-1915) ont fait l'objet d'un inventaire en cours d'informatisation. Ces différents objets nécessitent une sauvegarde (manuscrits, photographies, etc.) et une restauration. Les 599 aquarelles de champignons sont en dépôt à la Bibliothèque centrale du Muséum e t sont en cours de traitement. Les 17 000 planches sont en dépôt au laboratoire de phanérogamie du Muséum et sont en cours de traitement et montage. Tous les objets, collections ou mobilier, nécessitent une sérieuse restauration et ne peuvent faire l'objet d'une quelconque présentation.

7. M. Pierre Lasbordes attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur le « Plan social étudiant ». Dans le cadre du budget 2001 « Enseignement supérieur », 697 millions de francs de moyens supplémentaires seront consacrés au nancement de la dernière étape du « Plan social étudiant ». Il a été précisé que cette dotation permettra de nancer en 2001 l'extension de la bourse de cycle universitaire, l'augmentation du nombre des allocations d'études ainsi que le relèvement de 3,5 % des taux des bourses sur critères sociaux et de 2 % des plafonds de ressources.

Un tel projet permet d'améliorer les prestations individuelles de chaque étudiant (bourses universitaires, droit au logement...) mais aussi la vie sur le campus (rénovation des locaux, création de mai sons d'étudiants...). Depuis plusieurs années, le constat est simp le : la durée des études ainsi que leur coût ne cessent de croître. Les mesures qui sont aujourd'hui attribuées aux étudiants dépendent de critères sociaux. Aussi, il lui demande d'une part, quel est le nombre d'étudiants qui béné cient de mesures individuelles et d'autre part, quel est le montant de l'autorisation de programme prévue dans le cadre du budget 2001 pour nancer la création de maisons d'étudiants et pour entretenir les maisons des étudiants qui existent déjà dans de nombreuses universités françaises.

Réponse. Les aides nancières : l'objectif nal du plan social étudiant, qui sera atteint à la rentrée 2001 est d'augmenter les aides directes pour accorder un soutien à 30 % des étudiants (23,2 % d'étudiants aidés en 1997-1998) et d'augmenter de 15 % le niveau moyen des aides. Au total, près de 500 000 étudiants seront aidés à la rentrée 2001 et 2,7 milliards de francs auront é té mobilisés dans le cadre du plan social étudiant. 8,46 milliards de francs sont inscrits au PLF 2001 pour le nancement des aides aux étudiants. L'hébergement : les opérations inscrites dans le plan U 3 M représentent un effort de 2,5 milliards de francs en faveur du logement étudiant. Ce montant se répartit en 1,48 milliard pour la réhabilitation et 980 millions pour les constructions neuves. S'agissant des aides au logement, le nombre de béné ciaires étudiants et les montants versés étaient les suivants au 31 décembre 1999 : pour l'ALS, 545 000 béné ciaires pour un m ontant d'environ 5 milliards (552 852 béné ciaires et 4 715 383 090 francs au 31 décembre 1998) ; pour l'APL, environ 117 000 béné ciaires pour un montant d'environ 1,3 milliard de francs (123 024 béné ciaires pour un montant d'environ 1,1 milliard de francs au 31 décembre 1998) ; pour l'ALF, environ 10 000 béné ciaires (9 506 béné ciaires au 31 décembre 1998).

Les maisons de l'étudiant : au titre de la programmation 2001, les demandes des rectorats relatives aux créations de maisons des étudiants s'élèvent à 81,5 millions de francs. Les projets présent és sont en cours d'examen par les services du ministère. Par ailleurs, les crédits relatifs à l'entretien des maisons des étudiants sont intégrés dans la dotation globale de crédits de maintenance qui sont alloués chaque année aux établissements d'enseignement supérieu r.

8. M. Christian Cuvilliez attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la précarité professionnelle subie par de nombreux personnels de l'enseignement supérieur. La précarité des emplois dans cet enseignement recouvre un ensemble de situations complexes, généralement atypiques par rapport à celles rencontrées dans d'autres secteurs de la fonction publique ou de l'éducation nationale. Précaires avec contrat de droit privé (contrats d'emploi solidarité contrat-emploi consolidé), précaires enseignants étrangers hors Union européenne, temps partiel, précaires à parcours mixtes exerçant tour à tour des activités d'e nseignement, de recherche ou d'IATOS, contractuels de droit public, vacataires, ATER, moniteurs, allocataires, vacataires « historiques », rémunérés soit sur subvention, soit sur ressources propres des uni versités ou moyennant des contrats, voilà la diversité et l'opacit é des situations. Alors que le recul - depuis 1995 et con rmé encore cette année - de l'accès aux études supérieures des jeunes i ssus des milieux défavorisés, la persistance de l'échec étudiant et l'ab andon en cours d'étude notamment en premier cycle, le désarroi d'équipes pédagogiques pour assurer les lourdes tâches supplémentaires suite à la réforme de 1997 des 1er et 2e cycles, appellent une politique ambitieuse de création d'emplois titulaires, le maintien d'un important vivier de précaires, induisant une rotation rapide des personnels nuisible au fonctionnement des universités françaises, pose problème. Avec les 300 créations d'emplois de maîtres de conférences, aucun nouveau poste de professeur et 1 000 nouveaux emplois d'IATOS le budget pour 2001 permettra à peine de répondre en partie à la mise en oeuvre des nouvelles licences, au détriment des conditions d'accueil et de réussite des jeunes. Il lui demande donc quelles dispositions il envisage de prendre, dans le cadre de la loi de nances pour 2001 et du plan pluriannuel de recrutement, pour la résorption durable et dé nitive de la précarité, l'ouverture des procédures de titularisation à toutes les catégories de personnels sans exclusive, la création de postes IATOS et enseignants-chercheurs, l'accroissement des recrutements aux concours 2000-2001 et quels moyens nanciers y seront consacrés.

Réponse. Il existe, dans l'enseignement supérieur, de nombreuses catégories d'agents non titulaires, qui ne semblent pas toutes relever de la même problématique et qui ne sont pas toutes pénalisantes au regard du fonctionnement des universités françaises. Il faut distinguer quatre situations très différentes : 1) des p ersonnes apportant leur concours à l'enseignement qu'ils s'agissent de professionnels issus de la société civile sous statut de professeurs associés (1 471 équivalents temps plein en 2001), souvent à mi-temps, ou d'enseignants étrangers invités pour une période limitée. Ces enseignants apportent à l'université franç aise des compétences et une expérience particulières qui ne semblent pas préjudiciables à la qualité de l'enseignement ; 2) des étudiants recrutés comme allocataires de recherche, allocataires moniteurs ou attachés temporaires d'enseignement et de recherche (4 237 ATER en 2001). Ces dispositifs visent un double objectif : offrir à des étudiants de 3e cycle un emploi compatible avec la poursuite de leurs études d'une part, constituer un vivier de recrutement de chercheurs et d'enseignants-chercheurs d'autre part. Il n'est pas envisagé de supprimer ces dispositifs car cela irait à l'encontre de l'intérêt des étudiants qui en béné cient et du service public d'enseignement supérieur et de recherche qui va devoir, d'ici une dizaine d'années, renouveler une grande partie de ses personnels ; 3) les personnes recrutées sous contrats emploi solidarité ou contrat emploi consolidé. Il s'agit de dispositifs nationaux d'aide à l'insertion de personnes en grande dif culté. Il n'est pas anormal que l'éducation nationale, au travers des établissements d'enseignement secondaire ou supérieur, apporte son concours à ces politiques d'insertion. Toutefois, des abus ont pu être commis dans certains établissements. Le fort taux de chômage qu'a connu notre pays depuis le début des années 90 a sans doute facilité ces abus en favorisant le recrutement, sous ce type de contrats, de personnes qui n'auraient pas rencontré de dif cultés insurmontables pour s'insérer dans le monde du travail dans une période plus prospère. La diminution du chômage va sensiblement modi er le contexte. Il s'agit moins d'abandonner notre participation à ces dispositifs que d'en recentrer l'utilisation sur les publics les plus en dif culté, ce qui nous obligera sans doute à réduire le nombre de


page précédente page 08461page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

ces contrats. 4) En n, dernière catégorie, les agents non titulaires recrutés en application des articles 4 et 6 de la loi du 11 janvier 1984 portant statut général de la fonction publique de l'Etat. Il s'agit essentiellement de personnels non enseignants qui ont vocation à béné cier des dispositions du protocole sur la résorption de la précarité signé le 10 juillet dernier, qu'ils soient rémuné rés sur des crédits budgétaires ou sur le budget des établissements. C'est sur la titularisation de ces personnels que portera l'effort du ministère de l'éducation nationale sur les 5 prochaines années.

9. M. Patrick Leroy attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la précarité sociale vécue par de nombreux étudiants. Deux rapports récents de Jean-François Dauriac, directeur du CROUS de Créteil et de l'Observatoire de la vie étudiante ont signalé le dénuement dans lequel se trouve une partie de la population étudiante. 100 000 étudiants vivent avec moins de 3 300 francs par mois, soit au-dessous du seuil de pauvreté.

L'alimentation constitue le poste principal des dépenses, suivi du logement, des transports, des livres et fournitures. Seulement 28 % de la population étudiante française béné cient d'une aide, de bourses ou d'allocations d'études. La situation de nombreux étudiants étrangers est préoccupante. Il y a recrudescence de certaines maladies et de phénomènes de malnutrition. L'accès à certaines lières s'avère impossible aux étudiants dans l'obligation de trava iller (37,2 %) et une ségrégation sociale grandissante s'exerce d ans l'accès aux grandes écoles et dans les formations supérieures les plus quali antes, sans compter le tassement du taux d'accès au bac et aux formations supérieures du 1er cycle. C'est avec juste raison que le rapport de l'OVE notait que « si les étudiants sont rarement très pauvres, c'est parce que les très pauvres deviennent rarement étudiants ». En effet, les étudiants issus de familles dont les revenus sont supérieurs à 30 000 francs par mois ont deux fois plus de chances d'accéder en 2e et 3e cycles que ceux dont les parents gagnent entre 5 000 et 10 000 francs par mois. Il lui demande en conséquence, quelles mesures il envisage de prendre, dans le cadre de la loi de nances pour 2001, a n de rétablir l'égalité des chances, de remédier à cette situation alarmante et d'améliorer signi cativement les conditions de vie étudiante et quels moyens nanciers y sont affectés.

Réponse. Depuis la rentrée universitaire 1998, le ministère de l'éducation nationale a mis en oeuvre, en concertation avec les organisations étudiantes, un Plan social étudiant qui s'est traduit par de nombreuses mesures permettant d'améliorer signi cativement, de manière qualitative et quantitative, les conditions de vie étudiante. Ainsi, l'objectif nal qui sera atteint à la rentrée 2001 est d'aider 30 % des étudiants, soit 500 000 d'entre eux, et d'augmenter de 15 % le niveau moyen des aides. Dans ces conditions, les conclusions du rapport de M. Claude Grignon, universitaire et président du comité scienti que de l'observatoire de la vie étudiante, doivent être appréciées compte tenu des avancées importantes réalisées : relèvement des plafonds de ressources des bourses d'enseignement supérieur, ce qui a permis à un plus grand nombre d'étudiants de recevoir une aide maximale qui ne pouvait leur être accordée précédemment ; augmentation des taux des bourses ; création d'une bourse à taux zéro, qui se traduit par une exoné ration des droits d'inscription et de la cotisation à la sécurité so ciale étudiante ; mise en place de bourses de premier et de second cycles pour permettre aux étudiants connaissant des dif cultés dans leurs études (redoublement, etc.) de conserver une aide nancière ; mise en oeuvre d'un dispositif d'allocations d'études (9 000 à la rentrée 2000) pour répondre aux dif cultés que pouvaient rencontrer des étudiants confrontés à des situations personnelles ne leur per mettant pas de se voir attribuer une bourse dans le cadre du dispositif de droit commun. Qui plus est, pour renforcer la démocratisation de l'enseignement supérieur et du recrutement des grandes écoles, des bourses de mérite ont été mises en place a n d'orienter les étudiants méritants issus de milieux modestes vers des concours qu'ils n'auraient pas spontanément pensé à préparer et de leur donner les moyens matériels d'entreprendre un cursus long. A la rentrée 2001, ce sont 800 bourses d'un montant de 40 005 francs qui seront réparties. Par ailleurs, a n d'apporter des réponses aux dif cultés d'adaptation et de santé que les étudiants peuvent rencontrer au cours de leur scolarité, les services de médecine préve ntive et de promotion de la santé (SMPPS) prennent une part de plus en plus active dans la réalisation de campagnes de prévention et d'éducation sanitaire portant sur le sida, les MST, le tabagisme et autres toxicomanies, la contraception, l'information dans les domaines de la nutrition et de la diététique.

10. M. Jean-Jacques Denis souhaite interroger, dans le cadre de l'examen du budget de l'enseignement supérieur pour 2001, M. le ministre de l'éducation nationale sur les mesures à même d'améliorer la santé des étudiants. Plusieurs rapports ré cents ont fait état d'un nombre important d'étudiants se situant en deçà du seuil de pauvreté. L'état de santé des étudiants, sans êt re strictement lié à leur situation nancière, paraît néanmoins poser de graves problèmes. Dans ce cadre, nous pouvons nous féliciter de la création de 30 emplois d'in rmières dans les universités et de 15 emplois d'assistantes sociales dans les oeuvres universitaires.

Actuellement une seule visite médicale est effectuée en première année d'étude supérieure. La création de centres médicaux un iversitaires ouverts en permanence paraît nécessaire a n d'accueillir et d'orienter les étudiants. Certains besoins de santé sont en effet p lus fréquents et demandent des réponses adaptées. Elles concernent plus particulièrement la gynécologie et les maladies sexuellement transmissibles, toutes les formes de dépendances, et les troubles psychiatriques. Il est également important de signaler que certaines mutuelles proposées aux étudiants étrangers n'assurent pas le service que l'on peut en attendre malgré les coûts é levés qu'elles pratiquent. En n de nombreux handicaps paraissent sous-estimés. Il lui demande ce qui est envisagé dans ce domaine.

Réponse. Le code de la santé publique indique - articles L. 191 et L. 198 - que les étudiants doivent pouvoir béné cier d'une surveillance médicale pendant le déroulement de leur cursus. La loi no 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur prévoit dans son article 51 que des services de médecine préventive et de promotion de la santé (SMPPS) sont mis à leur disposition selon des modalités xées par décret. Structures de prévention et d'aide médicale en faveur des étudiants, les SMPPS prennent une part de plus en plus active dans la réalisation de campagnes de prévention et d'éducation sanitaire portant sur le SIDA, les MST, le tabagisme et autres toxicomanies, la contraception, l'information dans les domaines de la nutrition et de la diététique. Les SMPPS élaborent des actions propres à sensibiliser l'étudiant à la préve ntion personnalisée de sa santé et intègrent, chaque fois que c'est possible, une dimension préventive dans les prestations réalisées. Pl us particulièrement, les stratégies de prévention des SMPPS sont caractérisées par le souci de répondre aux besoins des étudiant s les plus en dif culté, qui ont le plus de mal à accéder aux prestations de santé. Ainsi, parallèlement à la visite médicale obligatoire pour les nouveaux étudiants, l'ensemble des services a mis en place des consultations spécialisées gratuites diversi ées (gynécologie, diététique...), plusieurs ayant même obtenu l'agrément comme centres de santé. S'agissant de la couverture sociale des étudiants étrang ers, un arrêté du 28 juin 1999 a supprimé la condition pour ceux-ci d'être ressortissants d'un Etat ayant passé, en matière de sécu rité sociale, une convention internationale avec la France ou d'être reconnu réfugié ou apatride pour accéder au régime applicable a ux étudiants. En n, les établissements d'enseignement supérieur sont engagés dans les actions d'accompagnement des étudiants handicapés. Cet engagement se traduit par l'accueil d'un plus grand nombre d'étudiants handicapés. Ainsi, 6 470 étudiants handicapés ont été recensés pendant l'année universitaire 1999-2000, à rapprocher des 4 945 étudiants handicapés accueillis lors de l'année universitaire 1997-1998. Cet accueil se traduit nancièrement dans la politique contractuelle entre l'Etat et les universités.

11. M. Jean-Jacques Denis souhaite interroger, dans le cadre de l'examen du budget de l'enseignement supérieur pour 2001, M. le ministre de l'éducation nationale sur les mesures en direction des emplois IATOS. En premier lieu, nous pouvons saluer la création de 1 000 emplois d'IATOS annoncée. Le besoin de postes a, semble-t-il, été longtemps sous-estimé et l'éducat ion nationale a un rôle majeur à jouer dans la réduction de la préc arité des emplois dans la fonction publique. Dans quelle mesure cet effort sera-t-il poursuivi ? Un état des lieux concernant le nombre, la pyramide des âges, leur quali cation peut-il être envisagé a n de mettre en relation ces emplois avec les besoins ? Si le nombre d'étudiants est en légère diminution, les besoins sont en progression dans certains domaines, comme l'entretien des bâtiments, où, conséquence des différents plans universitaires, les surfaces des uni versités sont en augmentation. Par ailleurs, il est important de signaler la situation des personnels non contractuels recrutés sur la base de l'article 6 de la loi du 11 janvier 1984 qui dispose que la durée des contrats ne peut excéder dix mois pour exercer des fonctions correspondant à des besoins occasionnels. Or, dans certains rectorats, ces contrats étaient établis d'emblée pour douze mois.

Cette année, le retour à une application stricte de cette mesure a


page précédente page 08462page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

plongé cette catégorie de personnel dans une situation dif cile. Il lui demande dans quelle mesure cette règle des dix mois peut être corrigée a n d'éviter, en cas de renouvellement de contrat, une interruption de salaire et de couverture.

Réponse. Les dispositions de la loi du 11 janvier 1984, portant statut général de la fonction publique de l'Etat limitent la durée des contrats des agents non titulaires recrutés pour faire face à des besoins occasionnels. Cette durée ne peut, sur une année, excéder dix mois. Il s'agit donc d'une règle générale qui s'impose à to us les services de l'Etat, même si certaines académies avaient pris l'habitude de recruter des agents non titulaires sur des contrats de douze mois. Ces pratiques étaient contraires à la loi et, en février 199 9, il a été demandé aux universités d'y mettre un terme pour les agen ts nouvellement recrutés. Certes, on peut, plus de quinze ans après l'adoption de ces règles destinées à limiter le recours aux nontitulaires, s'interroger sur leur pertinence puisqu'elles n'ont pas empêché le maintien d'une proportion signi cative de nontitulaires, tout en accentuant la précarité de leur situation. Cette question, qui relève de la compétence du ministre chargé de la fonction publique, sera évoquée dans le cadre des discussions liées à la résorption de l'emploi précaire et à la mise en place du p lan pluriannuel de recrutement.

12. M. Jean-Jacques Denis souhaite interroger, dans le cadre de l'examen du budget de l'enseignement supérieur pour 2001, M. le ministre de l'éducation nationale sur les mesures en faveur de l'accès et du développement de la culture en rapport avec l'enseignement supérieur. Favoriser l'insertion des étudiants dans la vie locale et placer les universités au coeur de la cité so nt des objectifs qui traversent les engagements de cette rentrée 2000.

Dans cet objectif, la culture a un rôle majeur. Les CROUS mais aussi les universités, qui souvent ajustent leurs interventions en fonction de leur budget, interviennent dans le domaine de la culture étudiante mais ne coopèrent qu'exceptionnellement. Il souhaite savoir dans quelle mesure la mise en place de viceprésidences dans les CROUS et les commissions de site peuvent contribuer à une meilleure collaboration. Les universités peuvent également jouer un rôle dans l'apport culturel en direction des villes. Il lui demande donc quelles sont les mesures envisagées pour favoriser un échange entre les universités et les villes universitair es. Réponse. La loi du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur a donné aux établissements d'enseignement supérieur la mission de diffusion de la culture, qu'il s'agisse de favoriser l'innovation, la création individuelle et collective dans le domaine des arts, des lettres, des sciences et des techniques et de contribuer à la rencontre des différentes cultures. La direction de l'enseignement supérieur incite les établissements à dé nir une véritable politique culturelle. Celle-ci, située dans le cadre des orientations nationales, doit être inscrite dans le contrat d'établissement, cadre privilég ié de l'af rmation de cette politique. Les orientations nationales xent un certain nombre de priorités parmi lesquelles le renforcement des partenariats et l'incitation à favoriser et à diffuser la po lit ique culturelle. Directions régionales des affaires culturelles (DRAC), centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS), collectivités locales participent à la fois à l'org anisation et au nancement des actions culturelles. Le premier festival universitaire des arts « Figure libre » s'est déroulé du 15 mars au 15 mai 2000 sur l'initiative du ministère de l'éducation en partenariat avec le ministère de la culture et de la communication. Ce festival a associé les CROUS, les DRAC et les universités. La créa tion de « cartes culture » ou « passeports culturels » contribue également au renforcement des partenariats. De même, les manifestations culturelles au sein de l'université sont ouvertes au public extérieur. En outre, la mise en place des vice-présidences étudiantes dans les CROUS, mesure réalisée dans l'ensemble des CROUS, et des commissions de site est de nature à favoriser le développement de l'action culturelle. Les commissions de site, instances de concertation qui réunissent les différents acteurs au niveau régional, contribuent à structurer l'offre culturelle sur un territoire donné et à la rapprocher des publics auxquels elle est destinée. Leur installation permet d'inscrire la politique des établissements d'enseignement supérieur dans une logique d'aménagement scienti que et culturel du territoire.

13. Mme Cécile Helle souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur le rôle primordial des bibliothèques universitaires. Ces dernières sont chargées de mettre en oeuvre les politiques documentaires des universités. Elles permettent de satisfaire les besoins d'information et de documentation des étudiants, des chercheurs ainsi que des enseignants. Leur fonction culturelle et l'introduction des nouvelles technologies leur font également parfois jouer un rôle de centre de ressources régio nal. Le rapport budgétaire pour le projet de loi de nances 2000 soulignait l'importance des besoins à satisfaire en matière de bibliothèques universitaires. En plus des moyens de fonctionnement et des besoins en locaux, il apparaît que les personnels actuellement affectés aux bibliothèques universitaires ne permettent pas d'envisager partout une large amplitude d'ouverture d'horaire.

Elle aimerait donc savoir si des moyens particuliers pourraient être affectés a n de combler les besoins en personnel des bibliothèques universitaires.

Réponse. Un effort particulier est consenti depuis 1990 en faveur des bibliothèques universitaires, tant en crédits qu'en personnels. A cet égard, plus de 1 600 emplois de bibliothèques ont été créés au budget de l'Etat entre 1990 et 2000. Le PLF 2001, avec la création de 150 emplois de bibliothèques, exprime la volonté de poursuivre la politique de développement et de modernisation engagée. Ces moyens supplémentaires permettent d'accompagner l'ouverture de nouvelles surfaces de bibliothèques (+ 300 000 mètres carrés au cours de la dernière décennie) et d'améliorer les services rendus aux usagers. C'est ainsi que les horaires d'ouverture des bibliothèques universitaires sont passés de 40 heures en moyenne par semaine en 1988 à 55 heures à la rentrée 2000. L'effort engagé répond à l'ouverture de nouveaux bâ timents inscrits dans le plan U3M et à la nécessité de porter les bibliothèques universitaires françaises au niveau de celles des pays comparables aux plans économique et scienti que, dans un monde qui accorde une place croissante à la diffusion de l'information scienti que et technique. L'émergence des ressources documentaires électroniques renforce par ailleurs le rôle de ces bibliothèques, auxquelles il revient d'évaluer et de sélectionner une information multiforme et de former les usagers.

14. M. Jean-Jacques Filleul souhaite connaître les moyens supplémentaires, dans le projet de loi de nances 2001 de l'enseignement supérieur, que le Gouvernement entend accorder aux universités pour répondre aux demandes croissantes d'ouverture de licences professionnelles. En effet, les licences professionnelles, créées par un arrêté en date du 17 novembre 1999 et mises en place à la rentrée universitaire 2000, connaissent un véritable su ccès auprès des universités et des étudiants. Ce sont près de 500 projets qui ont été proposés, dont plus de 150 ont été r etenus. Ces licences couvrent une large palette des secteurs professionnels du domaine de la production agricole ou industrielle, du secteur tertiaire (gestion, commerce) ou du « tiers secteur » (carrières sanitaires et sociales, métiers culturels...). Ainsi, prè s de trois mille étudiants vont débuter cette nouvelle formation qui vise à l'insertion immédiate dans l'emploi. En Indre-et-Loire, pour la licence marketing et nouvelles technologies, l'institut universitaire de technologie a recensé 165 demandes pour 28 places disponibles, ce qui montre l'attrait pour ces formations. A n de démarrer les projets à la rentrée 2000, le ministère a débloqué u ne subvention de 80 000 francs pour chaque licence ouverte. Cependant, les effectifs des licences professionnelles, recrutés plus tardivement que les autres étudiants, ne sont pas inclus dans les effectifs 2000 qui permettent de xer les moyens budgétaires de fonctionnement pédagogiques et d'heures complémentaires des établissements. A n de ne pas mettre en péril l'équilibre budgétaire des université s, il serait nécessaire de prévoir un réajustement des effectifs réel s au cours des mois de mars et avril. Aussi demande-t-il à M. le ministre délégué chargé de l'enseignement professionnel s'il est prévu dans le projet de budget 2001 des compléments de subventions a n de nancer la poursuite du cycle de formation et d'encourager ainsi la création de nouvelles licences dans les années à venir.

Réponse. L'accueil de plus de 4 000 étudiants dans les 195 licences professionnelles ouvertes à la rentrée 2000 est un moment déterminant dans le remarquable mouvement de professionnalisation des parcours de formation qu'a engagé l'enseignement supérieur français depuis plusieurs années. Le ministre de l'éducation nationale et le ministre délégué à l'enseignemen t professionnel sont très attachés à cette professionnalisation car ils sont convaincus qu'elle est tout à la fois une condition essentielle de la démocratisation de l'université française, une solide garantie de l'insertion des jeunes dans l'emploi et une réponse adaptée aux besoins économiques du pays. La licence professionnelle montre clairement que professionnalisation n'est pas synonyme d'hyperspécialisation, bien au contraire. Toutes les licences professionnelles


page précédente page 08463page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

offrent non seulement une spécialisation qui assure un haut niveau de quali cation, mais aussi des enseignements transversaux exigeants et variés qui garantissent l'adaptabilité dans l'exercice futur des métiers en évolution, tout en confortant la mission générale d'émancipation par la connaissance que porte l'éducation nationale. Cette exigence de contenu pluridisciplinaire des licences professionnelles traduit l'af rmation croissante des métiers comme de véritables « sciences pratiques » mettant en même temps en jeu savoir, savoir-faire et savoir-être. Pour que tous, étudiants, parent s, enseignants et salariés, puissent identi er rapidement et clairement les débouchés des nouveaux diplômes, le ministre délégué auprès de Jack Lang a tenu à ce que chacune des 195 licences professionnelles soit explicitement rattachée à une des 30 familles de métiers que couvre cette nouvelle formation. Jean-Luc Melenchon veut que cet effort de lisibilité, défendu dans l'ensemble de l'ensei gnement professionnel, permette à ceux qui s'y inscrivent, de toutes conditions et origines, d'accéder également à cette formation qui sera une véritable occasion de promotion professionnelle.

Par la diversité des publics auxquels elles s'adressent (titulaires de DUT, BTS, DEUG ou actifs en formation continue) et la variété des établissements qui les préparent (universités, IUT, lycé es professionnels et technologiques, écoles d'ingénieurs, CNAM), les licences professionnelles sont aussi une formidable matrice de uidité pour l'enseignement professionnel. Bien qu'elles constituent indéniablement un des horizons les plus élevés de la quali cation pour l'ensemble de ceux qui ont choisi la voie des métiers, les licences professionnelles sont articulées avec l'ensemble de l'offre de formation des établissements de manière à rendre possible une poursuite d'études. La licence professionnelle contribue aussi fortement à la uidité des parcours en intégrant, dès sa conception, l'utilisation de la validation des acquis professionnels pour favoriser l'accueil de personnes au titre de la formation continue. Toutes les compétences concernées de l'enseignement supérieur et d'importants moyens de l'éducation nationale ont en n été déployés pour asseoir la crédibilité de ce nouveau diplôme dès son lancement.

Le caractère volontairement sélectif de la procédure d'habilitation d es ouvertures de la rentrée 2000 (195 habilitations sur plus de 500 projets présentés) garantit le haut niveau de quali cation que doit apporter cette formation. Dans la construction des référentiels des nouveaux diplômes, le partenariat systématique avec les secteurs professionnels concernés ainsi que le travail du comité de suivi national donnent aussi une solide garantie d'accès à l'emploi.

De plus, la nouvelle formation s'inscrit dans le cadre de l'harmonisation européenne de l'enseignement supérieur, ce qui assurera sa reconnaissance au-delà de nos frontières. Comme le rappelle M. le député Jean-Jacques Filleul, la crédibilité du nouveau diplô me dépend aussi fortement de l'ampleur comme de la qualité des moyens qui sont affectés à sa préparation. Pour assurer cette indi spensable qualité des enseignements en préservant l'équilibre budgétaire des universités, les deux ministres ont décidé que les moyens affectés aux établissements au titre des élèves inscrits dans les licences professionnelles seraient équivalents à ceux des IUT.

Les licences professionnelles béné cieront donc d'une dépense horaire par étudiant et d'un forfait de fonctionnement situés au plus haut de l'échelle de répartition des moyens. Cette nouvelle répartition des moyens ne peut toutefois se mettre en oeuvre que progressivement, notamment parce que les effectifs d'étudiants accueillis dans les différentes sections de licence professionnelle ne sont pas encore parfaitement connus. Pour accompagner les ouvertures de la rentrée 2000, le ministère de l'éducation nationale a donc décidé de verser une subvention complémentaire de lancement de 80 000 francs par licence, soit près de 16 millions de francs au total. Grâce à l'augmentation des crédits inscrits au PLF 2001 en faveur des subventions de fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur (chapitre 36-11), cette aide nancière spéci que pourra être poursuivie à la rentrée 2001. Elle sera adaptée et éventuellement renforcée en fonction des besoins constatés dans les établissements et en fonction de l'état d'avanc ement de la nouvelle répartition des crédits. Par sa construction rigoureuse comme par son nancement adapté et conséquent, la licence professionnelle conforte la lisibilité, la crédibilité et la uidité de l'enseignement professionnel. C'est en avançant dans ces trois exigences que la grande voie éducative des métiers, dont JeanLuc Melenchon a la responsabilité auprès du ministre de l'éducation nationale, pourra continuer à se développer pour le plus grand bien des jeunes et de notre pays.

15. Mme Geneviève Perrin-Gaillard souhaite interroger, dans le cadre de l'examen du budget de l'enseignement supérieur pour 2001, M. le ministre de l'éducation nationale sur les mesures budgétaires à même de favoriser la mise en place d'un espace européen de l'enseignement supérieur. Deux aspects, relevés dans son rapport pour avis sur ce budget en 2000, sont l'objet d'interrogations. Elle lui demande dans quelle mesure la diversité des aides nancières en faveur d'une mobilité européenne ont pu être coordonnées, et surtout quels moyens budgétaires nouveaux ont été dégagés a n de permettre à un nombre accru d'étudiants d'en béné cier, dans un montant adapté au coût de la vie de certains pays. Elle souhaite savoir, par ailleurs dans quelle mesure le budget 2001 de l'enseignement supérieur inclut un nancement de l'enseignement des langues à l'université ; si la rénovation engagée des premier et second cycles universitaires prévoit la pratique obligatoire d'une langue vivante en DEUG ; quels personnels nouveaux ont ainsi été budgétisés a n de mettre en oeuvre cet enseignement de telle sorte qu'il ne soit pas un enseignement « au rabais », mais bien davantage un élément de formation supérieure de qualité facilitant la mobilité et les échanges européens. En n, les moyens budgétaires n'étant pas les facteurs uniques de construction de cet espace européen de l'enseignement supérieur, elle lui demande si une ré exion a été engagée sur la possibilité d'enseigner une partie des cours dans une langue étrangère (l'anglais principalement). Cet effort participerait à faire de l' enseignement d'une langue étrangère une formation de qualité et inciterait de nombreux étudiants étrangers (extra-européens notamment) à trouver l'accroche, aujourd'hui manquante, pour suivre des études universitaires en France.

Réponse. Dans le cadre de sa déclaration sur les orientations de la présidence française de l'Union européenne, le Premier ministre a annoncé le 9 mai 2000 « une démarche permettant de lever les obstacles qui demeurent encore à la mobilité des étudiants. L'objectif pourrait être de multiplier par dix, en cinq ans, le nombre d'étudiants en mobilité ». La coordination des aides nancières en faveur d'une mobilité européenne est le principal objet de la création par arrêté du 21 août 2000 du groupement d'intérêt public dénommé agence Socrates/Leonardo da Vinci.

L'objet du groupement est de promouvoir et mettre en oeuvre des programmes communautaires relatifs à l'éducation et à la formation professionnelle initiale et continue sur l'ensemble du territoire national ; de mettre en réseau des systèmes d'éducation et de formation existants ; de mettre en commun des ressources nécessaires à l'animation et à la réalisation des objectifs des programmes communautaires ; de gérer les fonds dévolus à ces missions ; de veiller à l'articulation et à la cohérence des programmes communautaires avec les politiques nationales de l'éducation, de la formation et de l'emploi. S'agissant du nancement, le ministère complète depuis 1990 l'aide communautaire à hauteur de 10 MF.

Pour 2000, ce complément a été porté à 20 MF et il est envis agé de l'augmenter en 2001. L'apprentissage des langues vivantes : l'augmentation des crédits de fonctionnement des établissements (+ 121 MF) prévu au projet de loi de nances pour 2001 doit faciliter l'accompagnement de la politique d'enseignement des langues, à l'exemple du développement des laboratoires de langues, et la mise en oeuvre à titre expérimental du certi cat de compétences en langues pour l'enseignement supérieur (CLES) créé par arrêté du 22 mai 2000. Concernant les personnels nouveaux, les besoins d'enseignement en langues sont inclus dans les créations d'emplois prévues dans le projet de loi de nances 2001. Six cents emplois d'enseignants-chercheurs ou équivalents sont prévus. Ces créations vont permettre aux établissements d'enseignement supérieur de dégager une marge de manoeuvre accrue pour développer des enseignements nouveaux à l'occasion de leurs demandes de publication de postes au recrutement. S'agissant de la possibilité de dispenser des enseignements en langues étrangères dans les universités, chaque établissement, en fonction des axes annoncés dans le cadre de la politique contractuelle, est libre d'ouvrir des lières dites « bilingues » appuyées sur les lières « traditionnelles ». Ces formations bilingues sont appelées à connaître un essor important dans les années à venir.

16. M. Jean-Pierre Baeumler appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur le rôle joué par le plan social étudiant dans l'amélioration des conditions de vie des étudiants. Le plan social étudiant était destiné à créer les co nditions d'une meilleure reconnaissance de la place des étudiants dans la société et à leur apporter les bases d'une plus grande indépend ance matérielle. Le plan social étudiant élargissait dans un premier temps le nombre des allocations d'études et des béné ciaires des bourses par un relèvement du plafond de ressources et augmentait le montant des aides maximum. Le deuxième volet du plan social


page précédente page 08464page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

étudiant visait à la promotion de l'autonomie et de la citoyenneté étudiante. En n, le plan prévoyait une amélioration des conditions de vie étudiante, notamment en augmentant le nombre de constructions et de rénovations des logements sociaux à destination étudiante et en harmonisant dans le domaine des transports les réductions tarifaires. Il lui demande donc deux ans après la mise en place du plan social étudiant s'il est possible d'établir un premier bilan de ce plan et si celui-ci a permis de mieux corriger les inégalités existant entre les étudiants et d'augmenter l'ouver ture de l'enseignement supérieur aux bacheliers d'origine modeste.

Réponse. Depuis la rentrée universitaire 1998, le ministère de l'éducation a mis en oeuvre, en concertation avec les organisations étudiantes, un plan social étudiant dont l'objectif est d'améliorer signi cativement, de manière qualitative et quantitative, les conditions de vie étudiante. Ce plan s'est déjà traduit par de nombreuses mesures. Relèvement des plafonds de ressources des bourses d'enseignement supérieur, ce qui a permis à un plus grand nombre d'étudiants de recevoir une aide maximale qui ne pouvait leur être accordée précédemment ; augmentation des taux des bourses ; création d'une bourse à taux zéro, qui se traduit par une exonération des droits d'inscription et de la cotisation à la sécu rité sociale étudiante ; mise en place d'une bourse couvrant le premier et le second cycles pour permettre aux étudiants connaissant des dif cultés dans leurs études (redoublement, etc.) de conserver une aide nancière ; introduction d'un dispositif d'allocations d'études, depuis la rentrée universitaire 1999, pour répondre aux dif cultés que pouvaient rencontrer des étudiants confrontés à des situations personnelles ne leur permettant pas de se voir attribuer une bourse dans le cadre du dispositif de droit commun ; pour renforcer la démocratisation de l'enseignement supérieur et du recrutement des grandes écoles, des bourses de mérite ont été mises en place a n d'orienter les étudiants méritants issus de milieux modestes vers des concours qu'ils n'auraient pas spontanément pensé à préparer et de leur donner les moyens matériels et moraux d'entreprendre un cursus long. A la rentrée 2001, ce sont 800 bourses qui seront réparties d'un montant de 40 005 francs. L'objectif nal, qui sera atteint à la rentrée 2001, est d'aider 30 % des étudiants, soit 500 000 d'entre eux, et de parvenir à une hausse de 15 % du niveau moyen des aides par rapport à 1998. L'hébergement : la question du logement des étudiants est essentielle et des efforts importants seront faits pour accroître les capacités d'hébergement des CROUS et pour réhabiliter les cités universitaires. Les opérations inscrites dans le plan U3M représentent un effort de 2,5 milliards de francs en faveur du logement étudiant (1,48 milliard pour la réhabilitation et 980 millions pour les constructions neuves). Les projets inscrits dans le cadre du plan U3M permettront de rénover plus de chambres que précédemment et d'augmenter les capacités d'accueil dans les académies sous-dotées ; c'est le cas tout particulièrement de Paris et de Créteil. Là encore l'effort accompli est important, 2 000 nouveaux logements seront construits à Paris et 3 000 nouveaux logements seront construits à Créteil. Les transports à coûts réduits pour les étudiants : dès la rentrée 1998, l'Etat a mis en place, en collaboration avec la région Ile-de-France, une carte annuelle étudiante. Ce titre annuel permet à tous les étudiants âgés de moins de 26 ans de voyager avec 40 % de réduction par rapport au tarif actuel (tarif carte orange). En 1999-2000, 250 000 étudiants ont béné cié de ce titre de transport, ce qui correspond à une augmentation de 31,3 % par rapport à l'année 1998-1999. Le ministère de l'éducation nationale participe au nancement de ce dispositif pour un montant de 75 millions de francs (année universitaire 2000-2001).

17. M. Camille Darsières souligne à M. le ministre de l'éducation nationale les particularités de l'université des Antilles et de la Guyane, notamment celles liées à l'éclatement géographique des pôles d'enseignement. Les distances et le coût des transports représentent un véritable handicap pour la qualité de l'enseignement supérieur outre-mer. C'est pourquoi il lui demande quelles mesures il entend prendre, dans le budget 2001, pour répondre à ces problèmes et notamment s'il entend créer une lig ne budgétaire spéci que aux départements d'outre-mer prenant en compte les spéci cités des universités outre-mer et rendant ainsi plus lisibles les actions entreprises pour y répondre.

Réponse. Lors de la procédure de contractualisation conduite avec les établissements d'enseignement supérieur des départements d'outre-mer, le ministère veille tout particulièrement à tenir compte des spéci cités de ces établissements. Le contrat de l'université des Antilles-Guyane a été signé le 24 septembre 1999 et prévoit un nancement total de 67 092 000 francs pour la période quadriennale 1998-2001. Dans ce nancement est prévue une dotation liée à la prise en compte des surcoûts occasionnés par l'éloignement des différents sites de l'établissement d'un montant pour quatre ans de 6 400 000 francs. Par ailleurs, la dotation générale de fonctionnement (36-11-10) attribuée selon les normes Sanremo a été maintenue pour l'année 2000 à son niveau de 1999 (soit un rapport de 1,27 entre la dotation réelle et la dotation théorique pour une moyenne de 0,97 pour l'ensemble des universités) alors que l'application stricte des critères aurait donné un chiffre inférieur. Dans ces conditions, a n de préserver la souplesse de l'ensemble du dispositif, la création d'une ligne budgétaire spé ci que aux départements d'outre-mer ne paraît pas utile.

18. M. Claude Goasguen attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur le système des prêts universitaires et la relation entre les universités et le monde économique. Il apparaît que de plus en plus d'étudiants rencontrent des dif cultés matérielles dans la poursuite de leurs études. Certes, le système de bourse continue à être amélioré, mais celui-ci, s'il aide les é tudiants dans leurs études, les place en position d'assistés par rappor t aux subsides de l'Etat. Le système de bourse s'adresse principalement aux personnes en dif culté ou permet la valorisation d'un travail exceptionnel. Il n'est donc pas ouvert à l'ensemble des étudiants, sauf, bien évidemment, à entrer dans une logique quantitative qui consisterait à accorder des bourses à tout le monde. Cela apparaît peu raisonnable et peu souhaitable. Ne serait-il pas temps de ré échir à un système de prêt étudiant, sur le modèle de ce qui existe déjà dans certains pays européens et nord-américains ? La mise en place d'un système contractuel entre l'Etat et les banques permettrait d'offrir aux étudiants des prêts à taux boni é, de même que l'Etat pourrait servir de caution aux étudiants des milieux les plus défavorisés, dans un certain nombre de domaines.

Cette intervention indirecte de l'Etat présente deux avantages indéniables. D'une part, l'étudiant est davantage responsabilisé au cours de ses études, puisqu'il n'est plus assisté par l'Etat. D'autre part, le développement de prêts-placements étudiants conduit à une meilleure interaction entre le secteur universitaire et le secteur économique. En n, concernant les craintes bien souvent exprimées d'une inégalité entre les étudiants selon le choix de leur lière, on peut objecter que les enquêtes récemment menées en Amérique du nord on montré que le système de prêt étudiant mis en place concerne l'ensemble des étudiants, y compris ceux en lières littéraires ou en sciences humaines. Un souf e nouveau et une nouvelle philosophie pourraient ainsi être insuf és aux universités.

L'enseignement supérieur ne doit plus être perçu par les étudia nts comme la simple continuation de l'enseignement scolaire, mais plutôt comme une plate-forme de préformation professionnelle et une passerelle vers l'insertion dans la société. Il s'interroge donc sur les initiatives prises dans ce domaine par le ministère. Une ré exion sur l'intégration de l'étudiant dans son milieu économique est indispensable. Il lui demande si une expérimentation en ce sens peut-être amorcée, à l'image de ce qui existe dans certains conseils régionaux.

Réponse. Un système de prêts bancaires garantis par l'Etat alloués sur critères sociaux et universitaires a déjà été expérimenté en 1991-1992 et en 1992-1993. Dans la pratique, ce nouveau système de prêts s'est avéré peu adapté à la demande des é tudiants en raison de la complexité de la procédure et des taux d'intérêt r etenus par les banques. Il n'a donc pas été reconduit depuis l'année universitaire 1992-1993. En revanche des prêts d'honneur peuvent être accordés aux étudiants français non boursiers. Exempts d'i ntérêt, remboursables au plus tard dix ans après la n des études, ils sont attribués par un comité académique spécialisé dans la l imite des crédits prévus à cet effet et selon la situation sociale du ca ndidat. Les crédits inscrits en loi de nances initiales à la section enseignement supérieur du budget du ministère du l'éducation nationale (chapitre 43-71) pour les prêts d'honneur s'élèven t à 26 millions de francs en 2000 auxquels s'ajoutent les remboursements des étudiants (21 millions de francs en 1999). Pour l'année universitaire 1999-2000, plus de 3 000 prêts d'honneur ont pu être consentis d'un montant moyen proche de 13 000 francs.

19. M. Pierre Lequiller attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur le développement de l'apprentissage des langues vivantes dans l'enseignement supérieur et sur l'harmon isation des systèmes d'enseignement supérieur en Europe.

L'apprentissage des sciences et des langues vivantes à l'école primaire est un des objectifs af ché dans votre budget sur l'enseignement scolaire. Pour cela, une ligne budgétaire de 60 millions de francs est prévue. Ainsi, en 2001, l'enseignement d'une langue en


page précédente page 08465

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

CM 1 devrait être généralisé. En ce qui concerne l'enseignement supérieur, si les crédits de fonctionnement sont en croissance, rien n'est précisé en ce qui concerne l'apprentissage des langues vivantes et notamment le développement des laboratoires de langues. Il s'interroge donc sur les initiatives prises dans ce domaine. Le renforcement ou l'apprentissage des langues vivantes est un élément indispensable dans l'enseignement supérieur. Ainsi, il n'est pas dans l'intérêt des étudiants, une fois dans l'enseign ement supérieur, de perdre leurs acquis linguistiques. Par ailleurs, les lières littéraires et linguistiques se plaignent souvent d'un système de répartition des moyens accordés qui privilégie les form ations professionnalisées, qui occupent une place croissante dans le paysage universitaire, et ce alors que les effectifs globaux de l'enseignement supérieur se stabilisent. Ne serait-il pas temps de ré échir à un système de répartition des moyens plus transparent et plus équitable ? En n, le stade des déclarations d'intentions doit être dépassé en ce qui concerne l'harmonisation des systèmes d'enseignement supérieur ainsi que le problème de l'équivalence des diplômes au niveau européen. Des efforts considérables sont néc essaires en faveur de la mobilité des étudiants, mais aussi en faveur du contenu des enseignements, seuls gages du succès et de l'ef cacité de cette harmonisation. Il avait été annoncé, lors de la xation des orientations de la présidence française de l'Union européenne, qu'une ré exion sur les obstacles demeurant à la mobilité des étudiants, des enseignants et des chercheurs en Europe, serait menée.

L'objectif posé étant de multiplier par dix, en cinq ans, le nombre d'étudiants en mobilité qui s'élève actuellement à 17 0000 étudiants français par an. Il lui demande ce qu'il en est de cette ré exion et de l'élaboration, au niveau européen, du plan d'action pour la mobilité.

Réponse. L'apprentissage des langues : la maîtrise d'une ou plusieurs langues vivantes est devenue aujourd'hui un enjeu pour la mobilité des étudiants et une meilleure insertion professionnelle.

De nombreuses initiatives ont été prises ces dernières années a n de développer l'apprentissage des langues vivantes dans l'enseignement supérieur, et de permettre une harmonisation des méthodes pédagogiques au sein de l'Union européenne. Le certi cat de compétence en langues pour l'enseignement supérieur (CLES) cré é le 22 mai 2000 (JO du 15 juin 2000) répond lui aussi à cette attente. Ce certi cat, qui comporte 3 niveaux, a pour objet de valider les compétences acquises dans une ou plusieurs langues pour les étudiants. Indépendant des diplômes de spécialité, ce certi cat leur sera délivré avec la mention du niveau correspondant. A terme, cette certi cation doit devenir obligatoire pour tous ceux qui entreprennent ou reprennent des études. Le CLES n'exige pas de pré-requis. Un étudiant peut donc s'y présenter à tout momen t de son parcours dès qu'il s'estime prêt. Il n'y a pas de préparati on i mposée. Cependant, des dispositifs pédagogiques spéci ques seront élaborés par les établissements, faisant appel tout particulièrement aux nouvelles technologies et à l'autoformation guidée

Le CLES est actuellement mis en place à titre expérimental, dans les établissements qui en ont fait la demande. Ainsi dans le cadre de la politique contractuelle, 5 pôles ont été retenus pour le lan cement à la rentrée 2000 de l'expérimentation, en vue d'une première certi cation des étudiants inscrits au CLES, à la session 2001 (Aix-Marseille, Bordeaux, Paris I, VI et IX, Rennes et Strasbourg).

Par ailleurs, les projets de contrat prévoient également un accroissement des moyens dans les départements de langues et en particulier la création de nouveaux laboratoires de langues. L'harmonisation des systèmes européens d'enseignement supérieur : renforcer la mobilité européenne des étudiants est un enjeu majeur. Il n'y a que 200 000 étudiants européens sur 12 millions qui effectuent chaque année des études dans un autre pays que le leur. La première condition à remplir, pour favoriser la mobilité, c'est, pour la France, d'atteindre une véritable lisibilité des parcours et des diplômes. Cet objectif se traduira de plusieurs façons différentes . Il s'agira d'abord de conforter le dispositif d'harmonisation européenne des diplômes, ce qu'on appelle, en France, le 3/5/8. Ainsi, la licence professionnelle et le mastaire s'inscrivent dans la construction d'une architecture commune de référence des formations et des diplômes au niveau européen. Des initiatives seront prises prochainement en ce qui concerne les IUP, les écoles de commerce et de gestion. Il conviendra de simpli er les nomenclatures de façon à ce que les étudiants français et étrangers ne se perdent pas dans le maquis de dénominations de diplômes. Pour bâtir l'espace européen de l'Enseignement supérieur, dans la prolongation du processus enclenché en 1998-99 à la Sorbonne et à Bologne, 43 mesures sont en préparation ; elles seront soumises pour adoption au sommet des chefs d'État et de gouvernement de Nice. L'ECTS (Système européen de transferts d'unité de cours capitalisable) sera beaucoup plus répandu. Des dispositifs existent déjà, ils seront généralisés. Ainsi l'Université franco-a llemande délivre maintenant de véritables cursus intégrés et compte dé jà 3 500 doubles-diplômes. L'Université franco-italienne s'est également engagée sur cette voie. Il s'agit de démocratiser les séjours à l'étranger, de valoriser et de développer toutes les formes de co nancement (régions, notamment), d'imaginer de nouvelles formes de mobilité : c'est ainsi qu'ont été mises en place cette année des Universités européennes d'été qui ont accueilli, sur 12 sites, 850 étudiants et 50 enseignants étrangers. L'initiative sera reprise l'année prochaine.

20. M. Maurice Ligot attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la reconnaissance par l'Etat de l'ESIAME (Ecole supérieure pour l'innovation et l'action vers les métiers de l'entreprise), située à Cholet, dans le Maine-et-Loi re. Dès 1997, c'est-à-dire, après cinq années de fonctionnement, la direction a déposé un dossier de reconnaissance. Aucune réponse of cielle n'a été donnée à ce jour. Le directeur et le secrétai re général de l'ESSCA, à laquelle l'ESIAME est rattachée, ont rencontré le 26 octobre 1999 une collaboratrice de son ministère. Le dossier a été, à nouveau, réactualisé le 7 janvier 2000 et i l leur fut indiqué qu'un expert serait désigné pour valider et saisir le Cons eil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), ce qui n'a pas eu lieu. Cette situation de grande incertitude est, d'abord, préjudiciable pour l'école car beaucoup de candidats étudiants hésitent à s'inscrire dans un établissement qui ne jouit pas de la reconnaissance de l'Etat. D'autre part, faute de reconnaissance par l'Etat, les parents d'étudiants risquent d'avoir des doutes sur la qualité de l'enseignement proposé et s'inquiètent du coû t des études demandé, alors que la qualité de cet enseignement est reconnue par les entreprises. Pour appuyer la demande de l'établissement, il lui a écrit le 19 juin dernier. Et la réponse, qu'elle lui a adressée, était négative. Il est à nouveau intervenu aupr ès d'elle le 4 octobre dernier en précisant que ce n'est pas parce qu'un établissement d'enseignement supérieur est de dimension modeste, implanté dans une ville moyenne, centre d'un bassin industriel de premier plan, qu'il ne correspond pas à un besoin et qu'il n'est pas de bonne qualité ! Il se réfère, à l'inverse, à l'adage anglo-saxon : « small is beautiful ». Il pose à nouveau sa question : quand le ministère de l'éducation nationale accordera-t-il la reconnaissance de l'Etat à un établissement soutenu par les collectivités territoriales : ville, département, région ; présentant toutes les caractéristiques d'une formation de qualité pour les jeunes ét udiants et répondant aux besoins d'un bassin d'emplois.

Réponse. La demande de reconnaissance par l'Etat de l'école supérieure pour l'innovation et l'action vers les métiers de l'entreprise (ESIAME), sise à Cholet, fait l'objet d'une nouvelle experti se, après une première évaluation dont les conclusions étaient ré servées. Les résultats de cette deuxième expertise, communiqués depuis au directeur de l'école, ne permettent pas de donner une suite favorable à la demande présentée en raison des insuf sances constatées : quali cation du corps professoral et contenus de formation en-deçà du niveau attendu pour une formation organisée sur trois années d'études supérieures, stagnation des effectifs de l'école depuis sa création. La direction de l'école pourra, à t erme, former une nouvelle demande de reconnaissance si les points faibles soulignés par le rapport d'expertise ont fait l'objet d'une réelle amélioration.