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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE Mme

NICOLE CATALA

1. Loi de finances pour 2001 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 8469).

ENSEIGNEMENT

SCOLAIRE (suite) (p. 8469)

M.

Bernard Birsinger, Mme Martine David,

MM. Pierre Lequiller, Etienne Pinte, Camille Darsières, Gérard Voisin, Mme Christiane Taubira-Delannon,

MM. Philippe Duron, Jean-Pierre Pernot, Julien Dray.

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale.

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué chargé de l'enseignement professionnel.

Réponses de M. le ministre aux questions de : MM. Ernest

M outoussamy, Patrick Leroy, Bernard Birsinger,

Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Bernard Madrelle,

Mmes Christiane Taubira-Delannon, Huguette Bello,

M. André Schneider.

ÉDUCATION NATIONALE I. - Enseignement scolaire

Etat B

Titres III et IV. - Adoption (p. 8487)

Etat C

Titres V et VI. - Adoption (p. 8487)

Renvoi de la suite de la discussion budgétaire à une prochaine séance.

Mme la présidente.

2. Dépôt d'un rapport (p. 8488).

3. Dépôt d'un avis (p. 8488).

4. Ordre du jour des prochaines séances (p. 8488).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2001

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2585, 2624).

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE (suite)

Mme la présidente.

Nous reprenons l'examen des crédits du ministère de l'éducation nationale concernant l'enseignement scolaire.

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion.

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Madame la présidente, monsieur le ministre de l'éducation nationale, monsieur le ministre délégué à l'enseignement professionnel, mes chers collègues, tout comme Bernard Outin cet après-midi, je note avec satisfaction que ce projet de budget comporte des créations nettes d'emplois. En ce sens, il constitue une rupture avec le dogme du gel de l'emploi public et marque une prise en compte des luttes menées dans l'éducation nationale par les personnels, les élèves et leurs parents.

Cependant, il mériterait de s'inscrire dans une vision à plus long terme. En effet, il n'apparaît pas - ou insuffisamment, en tout cas - comme la première étape du plan pluriannuel promis par le Premier ministre.

Un tel plan, voulu par tous les acteurs de l'école, fera que la question des moyens ne posera plus seulement en termes de renforcement de l'encadrement des élèves ; il permettra que les moyens dégagés soient mis en cohérence avec un véritable projet de transformation de l'école, que le groupe communiste appelle de ses voeux.

Plusieurs études récentes menées par des chercheurs de l'Institut national de la démographie montrent, sans sousestimer les effets de l'allongement général des scolarités, la persistance de la ségrégation sociale à l'école.

Comment faire reculer les inégalités dans l'accès au savoir ? La réponse à cette question me paraît fondamentale, car l'échec et la sélection scolaires ne sont pas le résultat de dysfonctionnements de notre système scolaire, mais en sont des éléments structurels. L'échec scolaire ne renvoie pas à des « handicaps », à des « manques », dont les causes seraient à rechercher d'abord dans les caractéristiques individuelles des jeunes concernés, il n'est pas à la marge. C'est le révélateur d'un système éducatif profondément écartelé entre sa mission de transmission des connaissances, de transmission d'une culture, et son héritage élitiste, sa fonction de sélection.

Quand on parle d'accès au savoir, on parle bien sûr du contenu des enseignements, qui n'est pas directement lié au débat budgétaire, mais aussi du fonctionnement de l'institution scolaire, et donc des moyens mis en oeuvre pour faciliter l'accès au savoir pour tous. La gratuité scolaire totale et un fonctionnement plus démocratique de l'institution scolaire appellent des moyens nouveaux ; c'est pourquoi je me permets de faire des propositions très concrètes en ce domaine.

En matière de gratuité, les parents d'élèves, notamment la FCPE, mènent depuis plusieurs mois une campagne. Il faut d'ailleurs souligner à ce sujet une première prise en compte de leurs revendications, puisque les crédits instaurant la gratuité du carnet de correspondance ont été inscrits dans ce projet de budget ; c'est une bonne chose mais ce n'est pas suffisant. Certains achats grèvent lourdement le budget des familles : je pense notamment aux manuels scolaires des lycéens, à tous les supports pédagogiques rendus obligatoires dans le cadre des enseignements, ou encore aux équipements pour les élèves de l'enseignement professionnel.

Certaines communes et certaines régions prennent déjà en charge financièrement l'achat des manuels scolaires pour les lycéens. Il me semble que de telles mesures devraient être généralisées à l'ensemble du territoire et que l'Etat devrait prendre en charge ces frais. L'achat des équipements pour les élèves de l'enseignement professionnel est d'autant plus lourd à supporter qu'il frappe essentiellement les familles modestes ; la gratuité totale de ces équipements devrait donc être de mise, car il s'agit là d'outils obligatoires.

Prendre des mesures de gratuité dans le cadre de ce budget, ce serait faire un premier pas vers un projet plus global d'action contre les inégalités à l'école. Pourquoi ne pas instaurer un taux de TVA à 5,5 % pour les fournitures scolaires ? Par ailleurs, je veux relayer ici une proposition du parti communiste relative à la création d'un fonds d'action contre les inégalités, qui pourrait comporter trois volets : Un volet social visant à réduire les inégalités de façon concrète, consistant à refondre le système des bourses et celui de l'aide sociale, à assurer la gratuité scolaire totale et mettre en oeuvre un plan de rattrapage pour les établissements sous-dotés ; Un volet éducatif tendant à favoriser une réflexion d'ensemble sur le système éducatif apprécié à la lumière des mécanismes créateurs d'inégalités, visant ainsi à renforcer le professionnalisme des enseignants et à lancer un programme national de recherche sur les inégalités ;


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Un troisième volet enfin, que nous qualifions de volet démocratique, destiné à développer les possibilités d'intervention des citoyens sur les questions éducatives en prenant en charge le « coût de la démocratie », en créant un statut de délégué - je pense notamment aux parents d'élèves et aux lycéens -, en améliorant l'information publique sur l'école et en développant des services d'accueil, d'orientation et de conseil.

Ce fonds pourrait bénéficier d'un financement faisant principalement appel à la contribution de l'Etat, mais aussi à celle des collectivités locales, des entreprises et de l'Union européenne.

Telles sont les propositions que je voulais faire au nom du groupe communiste, afin que nous nous attaquions dès aujourd'hui aux inégalités dans l'accès au savoir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Martine David.

Mme Martine David.

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'enseignement professionnel offre aujourd'hui deux visages contradictoires : d'une part, il constitue un enseignement performant, de grande qualité et fiable, puisqu'il débouche presque assurément sur un emploi ; d'autre part, il a encore trop souvent, pour les familles et pour les jeunes, l'image d'un enseignement de relégation ; tout au plus s'agit-il alors d'un choix par défaut.

Ainsi, au moment où les employeurs éprouvent les plus grandes difficultés à recruter dans certains secteurs, c'est sur l'enseignement professionnel que se répercute le plus brutalement la baisse démographique générale des élèves du secondaire.

Un terme résume assez bien tous les défis qui sont posés à l'enseignement professionnel, celui d'ouverture : ouverture sur les autres types et les autres niveaux de formation, ouverture sur le monde économique et le monde du travail, avec des diplômes, des formations et des débouchés qui soient clairement identifiables.

Il est vrai, et vous l'avez d'ailleurs dit récemment, monsieur le ministre, qu'un des premiers obstacles face au choix d'un cursus est le sentiment que, quel que soit le goût ou le talent de l'élève, il ne lui sera plus possible de poursuivre une progression vers les plus hauts niveaux de qualification. Même s'il est vrai qu'on peut aujourd'hui commencer par un CAP et finir ingénieur, il est incontestable qu'un tel parcours reste exceptionnel et est parsemé de nombreux obstacles.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Tout à fait !

Mme Martine David.

L'idée est donc d'offrir des passerelles claires, facilement identifiables, entre les différentes voies et les différents niveaux de formation.

Mais, à terme, l'objectif doit être qu'il n'y ait plus de BEP sans ouverture sur un bac pro dans la même spécialité, puis d'un bac pro vers l'enseignement supérieur, jusq u'à la toute nouvelle licence professionnelle, par exemple. Il paraît d'ailleurs souhaitable que cette continuité ait une traduction physique avec, dans les mêmes enceintes scolaires, l'existence d'enseignements technologiques et professionnels. L'exemple de certains établissements semble à cet égard concluant.

Dans le même souci de continuité, il est impératif que l'enseignement professionnel réponde mieux aux besoins du secteur économique en garantissant aux employeurs potentiels un niveau de formation de haute qualité - c'est le cas aujourd'hui -, mais aussi en proposant une offre adaptée aux métiers pour lesquels une demande existe.

Or la politique gouvernementale, les mesures en faveur de l'emploi et la conjoncture favorable ont créé les conditions d'une forte relance économique. Si bien que nous nous retrouvons aujourd'hui dans une situation que l'on n'aurait pas osé imaginer il y a encore quelques années : des secteurs d'activité comme le BTP doivent faire face à une pénurie de main-d'oeuvre.

Mettre en concordance cette demande et le potentiel de l'enseignement professionnel, tel est aujourd'hui le défi à relever. Le monde économique est très demandeur et il est prêt à accompagner la création de formations nouvelles adaptées aux métiers qui émergent, à des processus de production de plus en plus complexes.

Il faut évoquer, enfin, la nécessaire refonte des dénominations des diplômes. On trouve encore trop d'intitulés abscons ou vieillots, qui ne contribuent ni au prestige ni à la clarté des formations proposées. Cette opacité des intitulés participe à la mauvaise image de l'enseignement professionnel.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Très peu !

Mme Martine David.

Elle accroît sans doute le sentiment d'échec ou de relégation des jeunes, qui ne peuvent clairement s'identifier à une formation, ni au métier a uquel elle se rapporte, et donc bénéficier de la reconnaissance sociale qui lui est attachée.

Avec vous, monsieur le ministre, nous sommes nombreux sur ces bancs à attacher une très grande importance à l'enseignement professionnel,...

M. Jean-Pierre Baeumler.

Une large majorité !

M. André Schneider.

C'est vrai !

Mme Martine David.

... car il incarne ce qui est à la base de notre vision du système éducatif : la confiance dans les potentialités de chacun et la mise en oeuvre par l'Etat des moyens d'une véritable égalité des chances.

L'égalité des chances, cela doit se traduire par la possibilité pour les jeunes, quelle que soit leur origine sociale, d'acquérir des diplômes et d'accéder aux plus hauts niveaux de qualification.

L'égalité des chances, ce doit être aussi un enseignement professionnel connu et reconnu, offrant des formations crédibles et donc appréciées tant par les élèves et les parents que par les milieux économiques.

L'égalité des chances veut enfin que l'enseignement professionnel ne soit pas une filière à part, reléguée hors du temps et de toutes les contingences.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Très juste !

Mme Martine David.

Ces trois axes sont à l'évidence essentiels. Ils font l'objet, je le sais, de toute votre attention, monsieur le ministre, et ont déjà donné lieu à des mesures concrètes. Cependant, d'autres décisions doivent intervenir. Je souhaite donc que vous précisiez les é chéances que vous vous fixez dans ces différents domaines.

En conclusion, je rappelle que, dès votre nomination, nous avons pleinement mesuré votre volonté de faire de l'enseignement professionnel une filière de la réussite.

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Très bien !

Mme Martine David.

Soyez assuré de notre soutien inconditionnel pour atteindre cet objectif ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)


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M. Jean-Pierre Baeumler.

Quel enthousiasme, quelle énergie !

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller.

Monsieur le ministre, ainsi que René Couanau, Bruno Bourg-Broc et Claude Goasguen l'ont dit, nous ne pouvons pas juger votre politique au travers de la seule vision comptable qu'en donne ce projet de budget.

Il est d'ailleurs pour le moins étonnant - et ce n'est pas un grief qui s'adresse à vous personnellement, car c'est une tradition dans notre pays - que le premier budget de la nation fasse l'objet d'une discussion aussi brève et que la politique de l'éducation s'apprécie essentiellement au travers de chiffres,...

M. Yves Durand, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Je vous rappelle tout de même qu'il s'agit d'une discussion budgétaire !

M. Pierre Lequiller.

... c'est-à-dire en fonction du nombre de postes créés ou de l'importance des crédits alloués, et aussi peu par rapport au fond, c'est-à-dire par rapport à l'évaluation, la qualité de notre enseignement et aux réformes à opérer.

Alors que l'éducation des enfants et des jeunes, c'est la transmission des connaissances et la préparation de ces jeunes à la vie, alors que l'enjeu du système, c'est l'ascension sociale, vous insistez, vous, sur l'effort financier consenti. Comme si cela suffisait ! On parle des moyens plutôt que du contenu des réformes.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Pas du tout !

M. Pierre Lequiller.

Ce n'est pas nouveau, me direzvous. Déjà, il y a quelques années, j'avais souhaité que s'engage, à l'occation de l'examen du budget, un grand débat sur la qualité de l'enseignement dispensé, sur les objectifs à atteindre.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Du temps de Bayrou, sans doute ! (Sourires.)

M. Pierre Lequiller.

Non, du temps de M. Jospin ! Je suis mille fois d'accord avec Claude Goasgen : il est étrange que le débat sur la pédagogie et l'enseignement soit confisqué par les spécialistes, par les syndicats, par les initiés, alors qu'il devrait être ouvert à toute la population, et notamment, bien sûr, aux parlementaires.

Du coup, de budget en augmentation en budget en augmentation, de plan nouveau en plan nouveau, on constate que la fossé se creuse entre l'école, le système éducatif, et les parents. Des enquêtes récentes, dont celle effectuée par CSA et commentée par M. Lang pour le magazine Challenges, sont à cet égard édifiantes : pour les parents comme pour les enseignants, l'école n'est plus égalitaire et joue de moins en moins son rôle d'ascenseur social ; le nombre d'illettrés à l'entrée en sixième est insupportable ; la violence scolaire est alarmante ; la liberté de choix des parents est entravée ; la centralisation est étouffante et l'autonomie des établissements insuffisante.

La gravité des enseignements de ces enquêtes devrait nous inciter à la réforme plutôt qu'à l'immobilisme. Ne faudait-il pas engager un grand débat sur la pédagogie, sur le contenu de l'enseignement, quand 68 % des ouvriers pensent que l'école prépare mal à la vie active, quand 51 % des parents estiment que l'école ne tient pas compte des évolutions de la société ?

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement technique.

Mais c'est faux !

M. Pierre Lequiller.

L'autonomie des établissements est u ne exigence, avec ses corollaires : avancement au mérite,...

M. Jean-Pierre Baeumler.

Vous en avez parlé au

SNES ?

M. Pierre Lequiller.

... implication de l'établissement dans la notation comme dans l'affectation des enseignants ; 84 % des parents et 60 % des enseignants y sont favorables. Faut-il continuer, monsieur Durand, à sacraliser le dogme de la carte scolaire...

M. Yves Durand, rapporteur pour avis.

Oui !

M. Pierre Lequiller.

... quand 80 % des parents aspirent à la liberté de choix ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Lisez donc les résultats de ce sondage : 52 % des enseignants partagent aussi ce sentiment !

Mme Martine David.

On ne gouverne pas avec les sondages !

M. Pierre Lequiller.

Certes, mais il faut en tenir compte. Pour en avoir discuté dans des pays européens voisins, en Allemagne, en Espagne, en Belgique,...

M. le ministre délégué à l'enseignement technique.

Pays où la situation n'est pas toujours excellente !

M. Pierre Lequiller.

... je peux vous dire que la carte scolaire, considérée par vous comme une source d'égalité, y est vue au contraire comme une injustice sociale puisqu'elle lie la scolarité au domicile, et dès lors contrarie le brassage social, monsieur Durand. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Bernard Outin.

Ah bon ?

M. Yves Durand, rapporteur pour avis.

Voyez-vous ça !

M. Pierre Lequiller.

En Bavière, les collectivités locales aident précisément les enfants des familles défavorisées à étudier dans l'établissement de leur choix.

Ne faut-il pas s'attaquer au problème des rythmes scolaires, beaucoup trop lourds pour les élèves,...

M. Jean-Pierre Baeumler.

C'est vrai !

M. Pierre Lequiller.

... quand une majorité des parents comme des enseignants sont favorables à une réduction des heures de cours hebdomadaires, liée à un allongement de l'année scolaire ? Ne faut-il pas alléger le contenu de l'enseignement, pour le concentrer sur les connaissances de base, indispensables aux enfants, et venir ainsi à bout des lacunes graves constatées dans certaines matières à l'entrée en sixième ? Les parents d'élèves et les enseignants précisent avec beaucoup de bon sens ces matières prioritaires : le français, les langues étrangères, les mathématiques, l'informatique.

Toutes les enquêtes d'opinion sont convergentes. La première préoccupation des parents est la sécurité, et 67 % d'entre eux estiment qu'elle n'est pas assurée dans nos établissements. L'inquiétude est telle, dans l'opinion publique, que nous n'avons pas le droit, dans cet hémicycle, de limiter notre discussion aux seuls chiffres du budget et d'éviter le débat sur le fonctionnement et l'avenir de notre système éducatif.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Rien ne l'interdit !

M. Pierre Lequiller.

C'est pourquoi j'ouvre la discussion !


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Sans pour autant accomplir les réformes nécessaires, et avec une maladresse un peu trop fréquente, votre prédécesseur, monsieur le ministre, avait néanmoins eu le mérite d'aborder certains de ces sujets tabous. Dans toute l'Europe, en Grande-Bretagne, en Espagne, en Italie, en Allemagne, la réforme de l'éducation est au coeur du débat, au coeur des campagnes électorales,...

M. le ministre délégué à l'enseignement technique.

Forcément : l'éducation n'y va pas très bien !

M. Pierre Lequiller.

... et, les enquêtes le montrent, il y a, dans l'opinion française, une forte aspiration à une telle réforme.

Comme le dit le sociologue François Dubet,...

M. Jean-Pierre Baeumler.

Bonne référence !

M. Pierre Lequiller.

... « dans une société où l'accès à l'emploi est conditionné par les diplômes, les parents attendent de l'école qu'elle soit plus efficace, ouverte aux demandes sociales et moins injuste ».

M. Yves Durand, rapporteur pour avis.

Lisez-le jusqu'au bout !

M. Pierre Lequiller.

Alors qu'il y a tant à entreprendre, vous semblez avoir choisi la prudence. Ouvrons le débat sur la réforme. Ouvrons le débat sur les sujets que j'ai évoqués : la décentralisation - le problème a déjà été partiellement posé par la commission Mauroy -, l'autonomie des établissements, la confiance envers les chefs d'établissement, l'affectation des enseignants, la notation au mérite, l'allégement des programmes, la modification des rythmes scolaires pour l'enfant, l'assouplissement de la carte scolaire, l'ouverture de l'école sur son environnement, la lutte contre l'illettrisme.

Mme Martine David.

Concluez ! En voilà assez !

M. Pierre Lequiller.

Les réformes nécessitent de l'habileté, mais vous n'en manquez pas, monsieur le ministre.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Il l'avoue !

M. Pierre Lequiller.

Elles nécessitent aussi courage et audace face au conservatisme et au corporatisme qui, nous le savons, sont très puissants dans notre pays. Nous n'adhérons pas à votre démarche parce que nous n'y sentons pas cette volonté de réforme à laquelle le monde scolaire aspire de plus en plus clairement, comme j'ai essayé de le montrer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Etienne Pinte.

M. Etienne Pinte.

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous entretiendrai du financement de l'enseignement musical dispensé dans nos établissements scolaires, et en particulier des cours de musique à horaires aménagés dans les écoles primaires, les collèges et les lycées. J'avais déjà saisi vos prédécesse urs de ce sujet, monsieur le ministre de l'éducation, mais sans jamais obtenir de réponse sur le fond.

De quoi s'agit-il ? Trente-quatre villes possèdent un conservatoire national de région et, dans un très grand nombre d'entre elles, l'Etat, en l'occurrence le ministère de l'éducation nationale, a décidé, avec l'accord des municipalités, de créer des cours de musique à horaires aménagés, avec pour objectif de mener les jeunes au bac F11.

Jusque-là, tout semble parfait, mais les difficultés commencent. En effet, l'Etat laisse à la charge des collectivités locales, et singulièrement des communes, la totalité des rémunérations des professeurs. Face à cette situation, que font les communes, pour lesquelles le poids des transferts de charges devient insupportable ? Elles instituent des droits d'inscription et de scolarité. Plus de la moitié d'entre elles, 19 sur 34, se sont résignées à cette mauvaise solution, de surcroît illégale depuis cette année.

En effet, par décision du 3 décembre 1999, le tribunal administratif de Versailles a décidé que de tels droits d'inscription et de scolarité ne peuvent être demandés aux parents.

Parmi les 19 mauvais élèves, toutes les sensibilités politiques sont représentées : Angers, Aubervilliers, Besançon, Boulogne-Billancourt, Caen, Lille,...

M. Yves Durand, rapporteur pour avis.

Lille !

M. Etienne Pinte.

... Lyon, Nantes, Nancy, Rennes, Strasbourg, Toulouse, et j'en passe. Comme quoi personne n'a le monopole des turpitudes, ni de la vertu.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Ni du choeur ! (Sourires.)

M. Etienne Pinte.

Je rappelle que les classes de musique à horaires aménagés font partie du cursus normal de l'enseignement dès lors qu'elles sont offertes par l'Etat et choisies par les parents d'élèves ; elles doivent donc être gratuites. Elles sont intégrées dans les écoles, collèges et lycées de l'enseignement général ; les rémunérations des professeurs doivent par conséquent être financées par l'Etat.

Il y a lieu de préciser que les départements qui apportaient une certaine contribution à ces classes l'ont supprimée et que les régions estiment elles aussi que c'est à l'Etat d'en assumer la responsabilité et le financement.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Et la décentralisation ?

M. Etienne Pinte.

Que ferons-nous si vous ne nous donnez pas tout de suite, dès ce budget, des signes forts garantissant l'engagement financier de l'Etat ? Je le répète, il s'agit de payer des enseignants et, jusqu'à preuve du contraire, c'est à l'Etat de le faire.

M. Bruno Bourg-Broc.

Exact !

M. Etienne Pinte.

Nous serons donc malheureusement contraints d'éteindre progressivement la filière des cours de musique à horaires aménagés, à partir de la prochaine rentrée scolaire, en commençant par supprimer les cours préparatoires à horaires aménagés dans les écoles primaires. Car il précise que tous ces cours coûtent à notre ville plus de 5 millions de francs, soit plus de deux points d'impôts, et que le coût moyen d'un élève est supérieur à 20 000 francs par an.

J'ose espérer que nous ne serons pas acculés à cette extrémité. L'avenir des classes à horaires aménagées et de toute la filière musicale en milieu scolaire est entre vos mains, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Camille Darsières.

M. Camille Darsières.

Monsieur le ministre, je commencerai par répéter ce que j'avais déjà dit à votre p rédécesseur, l'an dernier à la même époque : les 259 écoles primaires des 34 communes de la Martinique souffrent d'une grande misère. Je soulignerai aussi la lourdeur budgétaire de l'entretien d'établissements dont certains ont plus cinquante ans.

En 2001, à Fort-de-France, 9 millions seront consacrés aux travaux de réparation et 1,5 million aux travaux de sécurité et de mise aux normes. C'est que le coût des tra-


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vaux du bâtiment, outre-mer, est, à cause des frais d'approche, bien plus élevé qu'en métropole. L'an dernier, 14 millions ont été investis dans le chef-lieu et, cette année, 15 millions l'ont été dans la petite commune de Sainte-Luce pour la construction de maternelles. Les communes, qui sont déjà exsangues, mériteraient d'être aidées.

Cela dit, il faut reconnaître que le budget de l'enseignement primaire est en augmentation dans des secteurs où les enseignants martiniquais sollicitaient une amplification des efforts de l'Etat : augmentation de 2,3 millions des crédits pour les technologies nouvelles, de 9,5 millions pour l'équipement à caractère éducatif et social, de 18,89 millions pour l'aide aux actions éducatives et innovantes. La conjonction des crédits inscrits et de la mobilisation acquise du corps enseignant permet de penser qu'on pourra répondre à l'attente de la population scolaire.

Les syndicats de la Martinique ont établi, depuis mai 1993, un projet pédagogique qui part d'une réalité : les Antilles sont une plaque tournante dans le trafic des stupéfiants et ce fléau est aggravé par le chômage, qui frappe 29 % de la population active. Ce double phénomène est générateur, observe L'Enseignant , « de délinquance, de marginalité, de prostitution, d'oisiveté, de libération sexuelle effrénée » ; il constate même que « certains jeunes parents sont déjà eux-mêmes des proies faciles pour ces nombreux désordres ». Tous ces maux marinent dans le terreau asphyxiant d'une société qui consomme la production des autres bien plus qu'elle ne produit elle-même. Et le projet pédagogique conclut :

« Le système éducatif doit tout faire pour, dès la maternelle, apprendre aux enfants à produire. » Cela conduit à

une quadruple réflexion, qui ne prétend pas épuiser le sujet.

Il faut donner leur chance à toutes les couches sociales martiniquaises, en commençant par créer, autant que possible, un poste d'assistante sociale dans chaque établissement situé en zone prioritaire, et un poste pour deux établissements dans le reste de l'académie, puis en recourant à la langue natale des enfants défavorisés, le créole, pour que tous puissent mieux appréhender les programmes.

L'émulation sera accentuée, ce qui contribuera à vaincre l'échec scolaire, de dix points plus élevé qu'en métropole.

La langue régionale devenant un outil pédagogique, il faudra éviter, contrairement à ce qui est le cas ici et là, que les maternelles soient tenues par des professeurs non créolophones.

Il convient également de préparer les jeunes Martiniquais à profiter de leur environnement caribéen. A cet effet, il faut, dès le primaire, initier l'élève à deux langues au moins parlées par nos voisins, l'anglais et l'espagnol, de sorte que nos jeunes puissent accéder plus tard à l'université de West Indies, institution créée en 1948 et regroupant treize pays de la Caraïbe. Par conséquent, il faut créer des postes d'enseignants pour ces langues, dès le primaire.

Il faut aussi lutter très tôt afin d'éviter un mauvais choix de l'enfant, contre le préjugé selon lequel les lycées classiques seraient les seuls vrais lycées assurant une promotion sociale, montrer l'aspect professionnalisant des lycées professionnels, voire des lycées « polytechniques », suggérés par les syndicats, qui regrouperaient, pour une même branche d'activité, un large éventail de formations, du CAP au BTS. Dans cette perspective, il convient de mettre en place une « pédagogie de la communication, de la rencontre avec les parents », les enseignants suggérant de l'instaurer « dans une nouvelle approche des conseils d'école ».

Enfin, il convient de former aux technologies nouvelles, en faisant réellement entrer l'informatique dans l'école. Chez nous, c'est un échec, dû pour beaucoup aux performances des cambrioleurs (Sourires.)

Il faut remédier d'urgence à cette situation. Observant que nos PME et nos PMI se sont précipitées, dès son apparition, sur l'outil informatique, les enseignants constatent « la rupture entre la culture à l'école et celle de la vie courante, diminuant [...]les chances de l'enfant de s'intégrer dans un monde de plus en plus technologique ».

Utiliser le créole dans les classes primaires, préparer le jeune Martiniquais à échanger avec la Caraïbe, valoriser très tôt les lycées professionnalisants, former aux technologies nouvelles : c'est le prix à payer pour un réel développement de ma région.

En théorie, le budget, qui permet ces actions, est bon.

Dans la pratique, il le sera, pour parodier un inspecteur de l'éducation nationale martiniquais, lorsque « l'organisation de l'enseignement sera plus couplée avec la société globale, plus adaptée aux besoins économiques martiniquais, plus axée sur la promotion culturelle de l'homme martiniquais ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Voisin.

M. Gérard Voisin.

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce budget semble celui de la surenchère et des effets d'annonce, avec force crédits supplémentaires, mais certains regretteront leur saupoudrage et l'absence de priorité claire pour notre système éducatif.

Or, s'il est un domaine où l'on attend du qualitatif plutôt que du quantitatif, c'est bien l'école. Tout le monde a conscience que la lutte contre l'échec scolaire, les inégalités et la violence dans les établissements ne se fera pas seulement à coup de postes, ...

M. Yves Durand, rapporteur pour avis.

Ça aide quand même !

M. Gérard Voisin.

... mais à travers un débat sur les principes et les objectifs de notre système scolaire, débat qui n'a pas sa place dans votre politique.

Du moins peut-on espérer que l'augmentation annoncée des effectifs mettra fin aux difficultés constatées sur le terrain : classes surchargées, enseignants absents et non remplacés, vacances de postes de directeur d'école... On peut toutefois en douter, car, trop souvent, les lourdeurs et les lenteurs administratives empêchent l'affectation en temps utile d'un professeur remplaçant.

Votre prédécesseur a fait la preuve que l'absentéisme du corps enseignant est un sujet tabou. Il faut dresser un état des lieux précis et prendre toutes les mesures pour que les élèves ne soient plus livrés à eux-mêmes, sans enseignant en face d'eux. A cet effet, il est nécessaire de déconcentrer la gestion du personnel au plus près du terrain et de renforcer l'autonomie des rectorats et des inspections d'académie.

S'agissant des directeurs d'école, que comptez-vous faire, monsieur le ministre ? Rien n'apparaît à ce sujet dans votre budget. Vous connaissez pourtant l'ampleur du problème : 4 505 postes de directeur d'école étaient vacants à la dernière rentrée scolaire, dont 58 dans le département de Saône-et-Loire. C'est intolérable !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Ces directeurs d'école insistent sur les aberrations du recrutement : de jeunes professeurs pris sur les listes complémentaires sont envoyés directement sur le terrain, sans formation et dans de fort mauvaises conditions.

Dans le même temps, les établissements accueillent plus de 60 000 aides-éducateurs, recrutés dans le cadre des emplois-jeunes, pour la rémunération desquels des sommes colossales ont été dépensées et dont les attributions ne sont pas clairement définies. Or leurs perspectives professionnelles sont inquiétantes - un rapport du Sénat vient de le montrer - car le volet formation du plan emplois-jeunes a été totalement négligé. C'est un véritable gâchis humain et financier, une non-valorisation de la dépense publique. N'aurait-on pas pu consacrer cet argent à former de bons professeurs et instituteurs, y compris parmi ces emplois-jeunes ? L'éducation physique et sportive à l'école est le parent pauvre des programmes, faute de personnels et d'équipements. Nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer ce problème lors de l'examen de la loi sur les activités physiques et sportives. Il faudrait un effort significatif pour pourvoir les emplois vacants et résorber la précarité. Le vivier est là, car la filière STAPS connaît un grand succès, mais le nombre de postes ouverts au concours n'augmente pas suffisamment.

Concernant l'introduction des nouvelles technologies à l'école, vous annoncez un effort supplémentaire de 90 millions de francs pour les moyens pédagogiques. Les enseignants se plaignent en ce qui concerne leur propre formation et il faut que ces crédits contribuent à améliorer la situation. Par ailleurs, il manque encore beaucoup d'ordinateurs dans les écoles et, jusqu'à présent, ce sont les collectivités locales qui ont fourni l'essentiel de l'effort d'équipement.

Il est par ailleurs temps de combler notre retard en matière d'apprentissage des langues étrangères à l'école primaire. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quelles sont concrètement vos propositions sur ce point ? Comment seront utilisés les nouveaux moyens financiers ? Pouvez-vous nous garantir que chaque établissement pourra mettre en oeuvre cette nouvelle orientation pédagogique et, si oui, de quelle manière, avec quel personnel et pour combien d'heures ? Au niveau de ma commune, je suis prêt à apporter un soutien financier et logistique.

J'ai organisé une réunion avec des représentants de l'inspection académique, des directeurs d'école et des élus. Je d ois malheureusement constater encore une fois le manque d'empressement de l'éducation nationale à honorer ses effets d'annonce, et nous nous sentons obligés de pallier ses carences.

En revanche, s'il est un domaine où la participation des collectivités est fortement sollicitée par les directeurs d'école, c'est pour le recrutement toujours plus important d'agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles les ATSEM. Les tâches de ces personnels évoluent de plus en plus vers une intervention au sein des classes en soutien de l'instituteur. Cela ne relève-t-il pas de la compétence de l'éducation nationale ? Ces personnels jouent un rôle essentiel pour l'intégration des élèves handicapés en primaire. Nous, les maires, sommes très attachés à la scolarisation des handicapés et nous essayons de les accompagner au mieux. Malheureusement, cet effort n'est que peu relayé au niveau du secondaire, où élèves et parents sont confrontés à des difficultés d'accès insurmontables. Que comptez-vous faire à ce sujet, monsieur le ministre ? J'évoquerai maintenant le problème de la violence à l'école. J'ai lu avec intérêt le document de presse relatif à l'installation d'un comité national de lutte contre la violence à l'école. Pour ma part, j'insisterai sur le travail à accomplir dès l'école primaire et, sur le renforcement des p ouvoirs de sanction des dirigeants d'établissement.

Claude Goasguen a parlé avec force et a demandé une tolérance zéro. Je le rejoins totalement et je regrette presque la disparition des censeurs dans les lycées. Vous évoquez une implication plus forte des collectivités locales. J'y suis totalement favorable, en particulier au niveau des communes. Les maires connaissent bien leurs établissements et ont un rôle évident à jouer mais vous devez nous dire précisément ce que vous attendez de nous et ce que vous tolérerez.

Je regrette enfin que nous n'ayons pas plus souvent l'occasion de parler de l'école dans cette enceinte. Ne mériterait-elle pas un grand débat d'orientation ? En attendant, le groupe Démocratie libérale et Indépendants ne votera pas ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Christiane Taubira-Delannon.

M me Christiane Taubira-Delannon.

Monsieur le ministre, continuons le voyage commencé à la Martinique et descendons vers l'Amazonie ! La Guyane compte 54 000 élèves pour une population estimée à 157 000 personnes. Je dis « estimée » parce que la clandestinité ne se mesure pas et que les enfants de parents en situation irrégulière ont droit à l'école, seul moyen de les sortir de la marge où règnent la délinquance, l'incivilité et toutes les formes de désespérance.

La population scolaire a crû de 15 % en trois ans, ce qui est colossal. Certes, l'Etat a consenti des efforts conséquents puisqu'il a augmenté les effectifs enseignants de 12 % dans l'ensemble de l'outre-mer pour la période de 1997 à 2000, soit 807 postes pour la Guyane et 236 nouveaux postes pour la rentrée 2000. Pourtant, à cette même rentrée, 60 postes étaient signalés vacants et, deux mois et demi plus tard, dix le sont encore. Par ailleurs, 200 élèves de troisième et de seconde n'ont pas trouvé de place en lycée professionnel et certains ont été admis en SEGPA sans passer par la commission spéciale, ce qui n'est pas conforme à la procédure.

Et ce n'est pas le seul accommodement avec la pénurie.

La scolarisation en maternelle régresse. Quatre écoles attendues à la rentrée n'ont pas été livrées. Afin de compenser le manque de places en école élémentaire, des classes maternelles sont reconverties en CP pour accueillir des enfants qui ont atteint l'âge de la scolarité obligatoire.

Dans les communes de l'intérieur, certains villages éloignés n'ont aucune structure d'enseignement. L'école étant la principale forme de socialisation des enfants et certaines enquêtes établissant une corrélation entre l'échec scolaire et l'admission tardive à l'école, nous nous préparons à des statistiques plutôt déprimantes et, plus grave encore, à des situations humaines difficiles, coûteuses et périlleuses pour la cohésion sociale.

Pour clore ces funestes présages, je rappellerai deux indicateurs très éloquents. C'est en Guyane qu'il y a le plus grand nombre d'adultes sans diplôme : 43,3 %. Ce chiffre résume impitoyablement l'efficience des politiques éducatives passées. Mais c'est également la Guyane qui détient le record outre-mer du plus fort pourcentage d'adultes diplômés de l'enseignement supérieur, et cela


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sans université de plein exercice. Imaginez ce qu'il en sera lorsque, enfin, une organisation adaptée et dynamique sera mise au service de cette volonté d'apprendre et de réussir ! Vous comprendrez dès lors ma curiosité frénétique à vous demander si la cellule interministérielle d'assistance à maîtrise d'ouvrage, que vous avez mise en place avec mission d'élaborer un plan d'action pour le pôle universitaire guyanais, s'est vu fixer un calendrier. En effet, vous attendiez la réunion des ministres de l'Union européenne, de l'Amérique latine et de la Caraïbe, qui a eu lieu début novembre. L'IUFM de Guyane sera-t-il rattaché à ce pôle universitaire ? Il ne s'agit pas d'une simple formalité, car c'est le cadre dans lequel s'exercera la politique de recrutement des maîtres à former. La question est bien celle de la définition et de la décision des profils et des flux de maîtres qu'il convient de former, en compatibilité avec les besoins propres de la société guyanaise.

Des aménagements ponctuels ont eu lieu ces dernières années. On avait envisagé un recrutement local au niveau du DEUG complété par un certificat préparatoire afin de sédentariser le corps enseignant.

Par ailleurs, nous aimerions connaître les résultats de la mission que votre prédécesseur avait confiée à un directeur-adjoint de l'IUFM, mission accompagnée, semblet-il, d'une dotation de 800 000 francs.

Depuis quatre ans, les moyens n'ont cessé de croître, mais on a l'impression que l'effort gouvernemental s'essoufle à courir après une situation extrêmement mouvante par son ampleur et sa nature. C'est que la politique éducative ne peut s'extraire d'une réalité sociale marquée par la pluriethnicité et le multilinguisme, et traversée par des problématiques identitaires disjointes, voire parfois antagonistes.

Je vais vous faire une confidence inattendue. Savezvous ce que j'aime le plus dans mon apparence physique ?... C'est sa brutale vérité ! Il suffit de me voir et de m'entendre pour admettre que la vocation interculturelle de l'enseignement doit, à l'évidence, devenir un objectif majeur. Il ne s'agit pas pour moi de rejeter le passé, de le condamner sans nuance, notamment cet enseignement universel en surplomb dont parle Walser. C'est en effet cet enseignement universel qui m'a révélé que mes ancêtres étaient gaulois. Je n'aurais pas deviné cette ascendance en me mirant dans l'eau d'un lac. (Rires.)

Mais cet enseignement m'a aussi permis de découvrir des poésies sublimes, des engagements magnifiques, des destins absolus. Il ne m'a pas instruite des ambiguïtés de la révolution de 1789 à l'égard des colonies et de l'esclavage, mais il m'a préparée à aimer la Commune et à vibrer au Chant des Partisans.

J'aurais également aimé apprendre l'épopée de Shaka, ancêtre de Mandela, même si l'un est zoulou et l'autre xhosa. J'aurais voulu saisir la source des talents de la reine Zinga. J'aurais aimé rêvasser à la grandeur de Félix Eboué.

Pendant longtemps, j'ai cru que le monde était lisse et beau et que je n'y serais admise qu'au détriment de moimême. Je souhaite que les générations actuelles ne connaissent pas le stress de cette expérience. Je veux croire que les conseils d'éducation prévus à l'article 18 bis de la loi d'orientation pour l'outre-mer y veilleront. Mais la nostalgie n'est plus ce qu'elle était ; elle n'est pas non plus la bonne énergie pour ce débat.

J'en reviens à vos réformes, monsieur le ministre.

L'amélioration de l'acquisition des savoirs fondamentaux suggère une priorité à l'expression orale dès la maternelle pour les enfants qui auront la chance d'y être admis.

Donner aux élèves de l'école élémentaire la capacité et le goût de lire suppose que l'accès au support éducatif et culturel soit fortement amélioré. C'est l'un des enjeux de l'alignement du prix du livre en Guyane. La participation des médiateurs culturels au renforcement de l'éducation artistique et culturelle est également essentielle.

Ces enjeux sont importants et je suis sûre que vos réponses ne seront pas des fuites. Permettez-moi une incartade : An nou fé manneuv anvan tro ta baré nou. Je me demande si vous ne prendriez pas autant de plaisir à explorer le créole que j'en prends à m'exprimer en français. Et dans ce cas, pour vous transcrire, les plumes de nos sténographes, sans qui nos paroles ne seraient que du vent, danseraient sans doute le kasé-kô, le songué, le kalawachi. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Duron.

M. Philippe Duron.

Est-il encore possible de s'exprimer après Mme Taubira-Delannon ? Est-il possible d'évoquer des réalités aussi prosaïques et techniques que la modification du régime indemnitaire des professeurs stagiaires des IUFM ou les conséquences financières de l'appel à la liste complémentaire du concours de professeur des écoles ?

M. Claude Goasguen.

Rabat-joie ! (Sourires.)

M. Philippe Duron.

Monsieur le ministre, votre budget est à la hauteur des enjeux de l'école, même l'opposition l'a souligné. Le gouvernement auquel vous appartenez a, depuis juin 1997, fait de l'éducation nationale sa priorité.

Il a eu le souci de doter le système éducatif de personnels de qualité en nombre suffisant. Le projet de budget pour 2001 est le reflet de cet effort pour renforcer le nombre d'enseignants « devant les élèves » ainsi que les moyens d'encadrement de nos établissements scolaires.

Ce sont au total 12 819 emplois nouveaux qui intégreront les établissements ou les instituts de formation des maîtres, lesquels forment aujourd'hui la grande majorité des enseignants du premier et du second degré.

Grâce à des mesures récentes, vous contribuez à améliorer les conditions d'exercice de ce beau et difficile métier, je pense notamment à la modification du régime indemnitaire des professeurs stagiaires d'IUFM.

Toutefois, la nécessité, que nous comprenons bien, de faire appel à la liste complémentaire du concours de professeur des écoles a des conséquences budgétaires sur lesquelles je souhaite attirer votre attention.

L'une des avancées notables pour les débuts de carrière tient dans la redéfinition du mode de calcul des indemnités de stage, qui permet aux jeunes professeurs d'être traités avec une parfaite égalité entre eux, quelle que soit leur situation personnelle ou matrimoniale.

En effet, les stagiaires de l'IUFM, lorsqu'ils effectuent leurs stages de pratique accompagnée, en responsabilité ou en entreprise, peuvent percevoir des indemnités de stage à condition qu'ils soient en situation de déplacement par rapport à leur lieu de résidence administrative ou personnelle. Ces indemnités sont servies sous forme de taux de base. Elles sont dégressives dans le temps et dépendent des conditions d'accueil du stagiaire, de son hébergement et du coût de sa restauration.

C'est un arrêté du 31 décembre 1999 qui fixe le régime de ces indemnités et s'applique depuis le 1er janvier 2000. Vous avez modifié cet arrêté le 22 septembre 2000 et il convient d'en tirer les conséquences au niveau budgétaire. L'arrêté du 6 septembre 1978 qui s'ap-


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pliquait précédemment faisait la distinction entre les stagiaires mariés et les célibataires, les premiers ayant un régime plus favorable. Dans un souci d'équité, le nouvel arrêté du 31 décembre 1999 a supprimé cette distinction et a aligné tous les stagiaires sur le régime le plus favorable, ce dont nous nous félicitons.

Dans mon département du Calvados et dans le reste de l'académie de Caen, où plus de 80 % des stagiaires sont célibataires, ce changement de réglementation implique une augmentation très importante du chapitre consacré aux rétributions. Mais cette constatation vaut pour l'ensemble des académies, sans qu'il soit possible de faire le décompte systématique de tous les personnels dans cette situation.

A cela est venue s'ajouter une revalorisation substantielle de ladite indemnité, qui a eu pour effet d'augmenter de 42 % le total des dédommagements versés aux stagiaires. Ainsi, pour le seul IUFM de Basse-Normandie, le budget « indemnités », qui s'élevait en 1999 à un peu plus de 1,2 million de francs, a atteint en 2000 près de 1,8 million de francs, soit 42 % d'augmentation.

De plus, l'arrêté du 22 septembre 2000 a supprimé l'article 7 de l'arrêté du 31 décembre 1999 qui disposait :

« Lorsqu'un stage tendant à assurer de façon alternée une même formation se déroule en plusieurs sessions, il convient de retenir pour le calcul des indemnités la durée correspondant à l'ensemble des sessions. » La suppression

de cet article revient, pour les stagiaires des IUFM, à mettre un terme à toute dégressivité dans le calcul des indemnités, et elle augmentera vraisemblablement de 30 % le montant des sommes à payer.

A côté de ces changements de réglementation, il convient de prendre en compte, à la rentrée 2000, un événement conjoncturel : l'entrée en formation de professeurs des écoles issus des listes complémentaires du concours de 1999 et envoyés sur le terrain cette année.

A l'IUFM de Basse-Normandie, ils sont cinquante-neuf.

En tant que stagiaires, ils ont un régime particulier : ce sont d'anciens « agents de l'Etat ». Les indemnités totales qu'ils peuvent percevoir sont de 14 000 francs par an environ.

Pour l'IUFM de Basse-Normandie, cela veut dire qu'en 2001 il faudra inscrire au budget plus de 3 millions de francs pour les seules indemnités de stage, soit une augmentation de plus de 150 % en deux ans.

Or le calcul de la dotation est effectué par le ministère sur la base des effectifs de l'année précédente, ce qui ne reflétera pas la réalité du terrain en 2000-2001, car les effectifs des professeurs des écoles stagiaires ont augmenté de plus de 30 %. Pour la seule année 2000, les IUFM de France ont dépensé 32 millions supplémentaires en indemnités de stage. Pour l'année 2001, ce sont près de 60 millions de francs qui risquent d'être nécessaires tant l'appel à la liste complémentaire des professeurs des écoles a été important.

Interrogé par les représentants des directeurs d'IUFM sur les solutions qu'il comptait apporter à ce problème, le ministère a déclaré qu'il ne disposait d'aucun moyen supplémentaire pour 2000 et 2001.

Monsieur le ministre, nous souhaiterions savoir comment vous envisagez, dans le cadre du budget de 2001, le financement de ces importantes augmentations liées au changement de réglementation découlant du décret du 22 septembre 2000, ainsi que la prise en compte d'effectifs plus nombreux. Il s'agit d'effets budgétaires de décisions dont, avec le groupe socialiste, je me félicite et qui s'inscrivent dans un contexte de recrutement très positif.

D'ailleurs, comme l'a bien souligné Jacques Guyard, rapporteur spécial de la commission des finances,...

M. Jean-Pierre Pernot.

Excellent rapporteur !

M. Philippe Duron.

En effet ! ...

vous avez donné desr éponses structurelles à ce problème en créant 4 125 emplois de professeur-stagiaire. C'est pourquoi, malgré certaines réserves, je voterai ce budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Quelle surprise !

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Pierre Pernot.

M. Jean-Pierre Pernot.

Monsieur le ministre, le projet de budget de l'enseignement scolaire pour 2001 répond à nos préoccupations et permettra de porter vos projets.

L'augmentation de ce budget marque indiscutablement la volonté du Gouvernement, la vôtre, de doter l'éducation de moyens nouveaux pour répondre à nos objectifs : un enseignement de qualité pour tous en réduisant les inégalités sociales dans notre système éducatif et la résorp tion des inégalités les plus marquées entre académies.

J'aborderai la question de la gestion des ressources. Je souhaite appeler votre attention sur l'analyse juste des besoins et la bonne répartition des moyens. Le quantitatif ne peut répondre qu'à l'exigence d'un enseignement pratiqué avec pour objectif le qualitatif. A ce titre, la part du budget affecté aux administrations déconcentrées augmente. On ne peut que s'en féliciter, car c'est là qu'on applique la bonne répartition. Cela montre l'attention que vous portez aux analyses de terrain.

Parallèlement, le rôle des partenaires locaux, acteurs de l'éducation, est tout aussi important. Les comités départementaux de l'éducation nationale, - les CDEN - sont ainsi les lieux privilégiés d'analyse des besoins et des orientations à définir. On peut mesurer le résultat de leur action sur le terrain.

Concrètement, la carte scolaire est une première réponse qui tient compte des disparités locales par la mise en oeuvre de mesures de discrimination positive fondées sur les handicaps, je pense aux ZEP, aux REP, aux plans de prévention contre la violence scolaire.

Toutefois - et c'est une proposition que je fais -, la prise en compte des réalités locales devrait, par une approche territoriale, conduire à un réel fonctionnement des établissements en réseau. En complément, il faut s'attacher à favoriser les projets éducatifs locaux, et non plus seulement à atténuer les handicaps. Il importe pour cela de poursuivre et de dynamiser la politique d'innovation pédagogique, dont je sais qu'elle vous est chère.

Cependant, la mise en oeuvre de cette politique impose que l'environnement éducatif soit le meilleur possible, qu'il s'agisse des enseignants ou du personnel d'encadrement et de service. Cela implique une bonne définition des postes, une juste affectation des ressources, un recrutement adapté, un travail des enseignants en équipe, une gestion des remplacements par anticipation sur toute l'année scolaire, une formation en temps voulu et adaptée aux nouvelles exigences de notre société.

L'encadrement dans les établissements est très important et contribue grandement à la qualité de l'enseignement. A cet égard, la création de 1 330 emplois d'IATOSS est un signe encourageant. Il faudra poursuivre en ce sens, d'autant que la diminution des CES est d'ores et déjà programmée.


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Ainsi que je l'ai indiqué, la bonne gestion des remplacements dans l'enseignement primaire et dans le second degré est impérative. Certes, les cellules de crise mises en place dans les rectorats en période de rentrée scolaire sont efficaces. Mais il serait souhaitable d'améliorer le dispositif et de le rendre performant tout au long de l'année scolaire afin d'assurer la prévision, l'anticipation des moyens et la pérennité du dispositif.

Par ailleurs, la santé est un élément essentiel qui concourt aussi à favoriser un environnement éducatif de qualité et l'égalité des chances. A cet égard, je salue les nouvelles dispositions budgétaires tendant à créer pour la rentrée 2000 50 emplois de médecin et 150 postes d'infirmière.

De plus, pour relancer la politique en faveur des élèves scolarisés dans les ZEP, le budget prévoit la création de cent emplois d'assistante sociale.

Monsieur le ministre, vous l'aurez compris, nous soutenons sans réserve le budget que vous nous proposez.

M. René Couanau et Mme Bernadette Isaac-Sibille.

C'était sans ambiguïté, en effet !

M. Jean-Pierre Pernot.

Nous serons toutefois très attentifs à son exécution. Pour confirmer la crédibilité justifiée de ce budget aux yeux des représentants des enseignants et des parents d'élèves, il convient en effet de veiller à la bonne affectation des moyens. La création récente du haut conseil de l'évaluation de l'école devra permettre d'en mesurer l'impact. Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur moi comme sur le groupe socialiste pour être le relais d'une politique et d'un budget auxquels nous adhérons avec force et conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray.

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l'occasion d'un budget on discute évidemment de sous, mais aussi de l'utilisation de ces sous. Or, avec un budget en hausse, il importe de réfléchir à la façon dont les crédits supplémentaires von t être utilisés. Je voudrais à ce propos revenir sur trois points. Certes, ils pourront sembler mineurs au regard des grandes questions scolaires et ils ne donneront pas lieu à des controverses théologiques, mais il me paraît important de les aborder.

Je tiens tout d'abord à souligner que, lorsqu'on parle de violence, il faut aussi considérer la violence que l'institution exerce à l'égard des enfants. Or je constate que, en dépit des remarques qui ont pu être faites sur ce thème dans le passé, rien n'a évolué à l'éducation nationale. Prenons l'exemple des cartables : les enfants continuent à porter des cartables bien trop lourds pour eux, jusqu'à dix kilos pour un élève de sixième ! Puisque nous disposons aujourd'hui de masses budgétaires importantes, pourquoi ne pas prévoir des casiers dans les établissements scolaires ? Les enfants pourraient y laisser leurs livres. Nous pourrions aussi engager des discussions avec les régions pour parvenir à la gratuité de tous les livres dans tous les collèges ; cela permettrait une utilisation multiple des livres et allégerait le poids des cartables. Cette première piste, qui peut sembler modeste, serait de nature à redonner un peu de liberté aux enfants.

Deuxième point : les cantines - on en parle beaucoup en ce moment - et l'alimentation scolaire. Si on veut une école ouverte et moderne, il faut aussi répondre aux préoccupations des enfants au sein de l'institution scolaire. Or il n'y a aucune éducation à la nutrition. En ma qualité de vice-président de la région Ile-de-France, je vous propose donc de mettre en place un partenariat nouveau sur ces problèmes, avec une véritable éducation à la nutrition dans les écoles. Nous pourrions ainsi prévoir d'afficher dans toutes les salles de classe des tableaux indiquant la valeur énergétique des aliments et expliquant aux enfants ce qu'il est bon ou non de manger. La crise de la vache folle, avec ses conséquences sur les cantines, peut nous donner l'occasion de faire évoluer l'éducation nationale sur ces questions.

J'en arrive à ce qui est malheureusement aujourd'hui la principale préoccupation du député que je suis, je veux parler de la montée de la violence à l'école. Vendredi dernier, une bande a encore fait irruption dans un lycée de ma circonscription pour se venger, après un incident qui était survenu quelques heures auparavant dans une cité voisine.

La question de la violence scolaire - interne à l'établissement ou rapportée - est devenue très importante.

Certes, vous avez créé le comité national contre la violence, mais il faut aller beaucoup plus loin. En Ile-deFrance, profitant de l'élection des délégués de lycéens, nous avons mis en place un dispositif visant à désigner des correspondants anti-violence. Le dernier bilan que nous avons fait le montre, il faut instaurer dans chaque établissement une cellule anti-violence à laquelle doivent être associés les parents, les enseignants et les élèves.

J'insiste sur ce point, on ne pourra pas lutter contre les phénomènes de violence au sein de l'institution scolaire si les jeunes ne sont pas étroitement associés à cette bataille, qui ne saurait se résumer dans la multiplication des dispositifs de sécurité à l'entrée des établissements - syst èmes vidéo aujourd'hui, cartes informatisées demain. La fuite en avant qui consiste à filtrer les entrées ne peut régler les questions de fond. Nous ne gagnerons la bataille contre la violence que si la communauté scolaire est mobilisée, que si les jeunes sont responsabilisés et s'il existe des relais dans chaque établissement. Un guide donnant des informations sur l'ensemble des problèmes auxquels sont souvent confrontés les élèves - racket, violence etc. pourrait aussi être distribué dans tous les lycées.

Il est essentiel d'agir si nous ne voulons pas que l'angoisse qui sévit dans certaines régions se propage dans tout le pays. D'ores et déjà, les établissements sont classés non plus simplement en fonction de leurs résultats, mais aussi selon le degré de violence auquel les enfants sont exposés dans leurs murs.

Tels sont les quelques points que je souhaitais évoquer.

Monsieur le ministre, votre budget est en hausse. Vous avez obtenu des engagements importants. Faites en sorte que l'éducation nationale ne puisse plus être comparée au tonneau des Danaïdes. Il ne suffit pas d'accroître les moyens budgétaires : c'est sur le terrain que les choses doivent changer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, ne pouvant revenir sur chacun des sujets évoqués, je regrouperai les interventions autour de quelques thèmes.

Pour les questions plus particulières, j'écrirai aux députés concernés.

Pour les uns, l'éducation nationale regorgerait de postes, de moyens, de crédits, jusqu'à l'apoplexie. Pour les autres - plutôt hors de cet hémicycle -, elle en manque toujours. Pour une majorité d'entre vous, cepen-


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dant, et je veux les en remercier, l'éducation nationale mérite d'être pleinement soutenue et encouragée par la nation, le Gouvernement et le Parlement.

Le droit qu'a chaque enfant et chaque jeune de ce pays d'accéder à une éducation de qualité qui pourra être mieux garantie et affirmée à travers un mouvement de transformation, lequel doit nécessairement être accompagné d'un minimum de moyens complémentaires en personnels et en crédits, est un devoir absolu et impérieux pour notre pays s'il veut gagner la bataille de l'intelligence et améliorer sans cesse la connaissance. A cette fin, nous devons soutenir les professeurs, les éducateurs et les maîtres.

A cet égard, ayez à l'esprit, mesdames, messieurs les députés, que, chaque fois que tel ou tel d'entre vous - mais ma remarque concerne aussi les observateurs et les commentateurs - dénonce sans nuance ou présente l'éducation nationale comme un monstre étrange, coupable de tous les maux, responsable de toutes les difficultés, et, du coup, redevable de toutes les solutions, il met en vérité profondément en cause le travail accompli jour après jour, et parfois nuit après nuit, par nos maîtres, nos éducateurs et nos professeurs, partout à travers la France.

Lorsque j'entends ces procès, moins contre le Gouvernement que contre un système, je ressens une sorte de tristesse et de souffrance, et je me dis que ces femmes et ces hommes ne méritent pas cela.

En même temps, ceux qui portent de pareilles critiques sont bien conscients des contradictions dans lesquelles ils s'enferment en tenant de tels propos. Je ne citerai pas de nom pour ne pas engager de polémique à cette heure tardive. Dans l'ensemble, je me réjouis d'ailleurs de la qualité et de la sérénité de nos échanges. En écoutant l'un d'entre vous, toutefois, je me suis demandé si nous étions dans le même monde. Sa description de la situation, c'était Apocalypse Now ! Rien ne trouvait grâce à ses yeux : é chec quasiment généralisé des élèves, incapacité à apprendre les langues vivantes, sans compter les difficultés que rencontrent ici ou là les chefs d'établissement. Mais, tout en l'écoutant prononcer son réquisitoire et, de façon sous-jacente, revendiquer des changements, je faisais des comptes - je ne suis peut-être pas très fort en calcul, mais quand même ! (Sourires) - et les postes s'additionnaient : 2 000 postes, 4 000 postes, 10 000 postes. Bref, celui qui avait commencé son intervention en dénonçant l'excès de moyens était en train de fabriquer une sorte de machine à créer des postes, machine qui, par une alchimie incroyable, serait capable de transformer le plomb en or.

(Sourires.)

S'agissant d'un domaine qui concerne le savoir, l'intelligence, la recherche, la culture, nous devons absolument éviter, même si nous sommes des hommes politiques, ou plutôt parce que nous sommes des hommes politiques, de tenir un langage qui ne serait pas celui de la sérénité, du sérieux et de la responsabilité. Et je reconnais encore une fois qu'à l'exception d'une ou deux interventions, dont je préfère ne pas citer les auteurs, c'est plutôt cet esprit qui l'a emporté, Dieu merci ! Avant de répondre précisément à quelques-unes de vos questions je tiens à dire que, personnellement - mais c'est également, me semble-t-il, le sentiment du ministre délég ué à l'enseignement professionnel et de tous les membres du Gouvernement, je suis fier et heureux d'appartenir à un gouvernement dirigé par un Premier ministre qui a eu à coeur, à contre-courant des tendances dominantes en Europe et dans le monde, de donner à nos maîtres les moyens d'accomplir pleinement leur belle mission. C'est indispensable si nous voulons que notre pays continue à mieux former, à mieux éduquer, à mieux cultiver, à mieux préparer les jeunes à affronter l'avenir, cet avenir plein de promesses. En effet, le monde se transforme, les connaissances scientifiques progressent, les nouvelles technologies se développent, la croissance est de retour. Et le mouvement que nous engageons collectivement vise justement, par le progrès de l'esprit, à concourir au progrès de notre pays et de son économie.

J'en viens à vos questions. Vos rapporteurs, M. Guyard et M. Durand, mais aussi MM. Outin, Couanau et Voisin ont évoqué la situation des directeurs d'école. Nul ne conteste l'importance de leur mission. Nul ne conteste non plus que celle-ci se soit parfois beaucoup alourdie.

Pour ne froisser personne, je me garderai de revenir sur la façon dont cette question a été traitée, ou plutôt mal traitée, au gré des budgets et des non-décisions, au cours des quinze dernières années. Cela a abouti à des disparités, à des inégalités, voire à des iniquités. Ici on décharge un directeur, là, au contraire, il est accablé de travail. J'ai essayé de comprendre pourquoi nous en étions arrivés à une telle situation. Celle-ci tient en particulier au fait que des règles nationales strictes n'ont pas été fixées assez clairement dans la répartition des postes à travers la France ; j'entends y remédier.

Comme beaucoup d'entre vous, je crois à la fois à la nécessité d'une impulsion au niveau national et à la déconcentration, voire parfois à la décentralisation. Mais ces deux dernières ne sont possibles que si des règles nationales claires et nettes ont été définies.

Le dossier des directeurs d'école a été pris en main, pour la première fois depuis longtemps, et je suis reconnaissant au directeur de l'enseignement scolaire, M. de Gaudemar, d'avoir réuni un groupe de travail et d'y avoir associé les différentes organisations professionnelles.

Au cours des prochains jours, mon directeur de cabinet animera une table ronde, des rencontres, des négociations, pour tenter de dégager des solutions raisonnables, graduelles. J'espère que le bon sens et la sagesse l'emporteront de part et d'autre, et que nous saurons trouver une solution acceptable par tous, par l'Etat comme par les intéressés.

M. Durand et M. Birsinger ont évoqué le problème de la gratuité. Là encore, la situation est complexe, contradictoire, inégale sur l'ensemble du territoire national.

Certaines régions, celle dont je suis l'élu, la région Centre, ou la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, par exemple, ont décidé d'établir la gratuité des manuels scol aires dans l'enseignement secondaire ; d'autres s'y refusent. Ici, on prend en charge telle dépense de premier équipement, ailleurs pas.

Indépendamment des obligations que l'Etat assume déjà en tant que tel - les manuels des collèges représentent, à échéances régulières, une dépense de plusieurs centaines de millions - et des autres mesures qu'il a été appelé à prendre sur le plan social, pour les bourses, pour les indemnités de rentrée, vous avez décidé, sur notre proposition, au printemps dernier, d'accepter la gratuité des cahiers de correspondance des collèges, et M. Birsinger a bien voulu le rappeler.

Mais nous reconnaissons qu'il y a des situations insatisfaisantes parce que contradictoires et, je le répète, inégales. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé au recteur Bernard Toulemonde, qui a occupé d'importantes fonctions à la tête du ministère de l'éducation nationale, de bien vouloir animer un groupe de travail. Il a rencontré les organisations de parents, les organisations


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d'enseignants, les différents responsables, des élus de toutes tendances, de toutes collectivités, régions, départements, communes. Il me remettra ses propositions dans une dizaine de jours. Nous essaierons ensuite de parvenir à un minimum - espérons un maximum - d'harmonisation entre les positions des uns et des autres. L'Etat, naturellement, apportera sa pierre, mais il faudra faire en sorte que, progressivement, dans le respect de l'autonomie des collectivités locales, la préoccupation d'une école publique gratuite puisse l'emporter sur toute autre considération.

Voilà ce que je voulais dire sur la gratuité, à laquelle j'attache, personnellement, une grande importance.

Vos rapporteurs ainsi que M. Couanau et M. Birsinger - veuillez m'excuser de ne pas citer tous les orateurs ont évoqué le plan pluriannuel annoncé par le Premier ministre au mois de mars dernier. J'ai lu ici ou là qu'on avait pu douter qu'il y donne suite. Le Premier ministre est tout de même connu - chacun, quelle que soit son appartenance politique, l'admettra - pour respecter ses engagements pris. Celui-ci aussi sera tenu. Nous sommes en train de mettre au point ce document, et nous serons, dans les prochains jours, en mesure de le rendre public.

Dès demain, s'ils le veulent bien, je me permettrai de rencontrer vos rapporteurs et les responsables politiques de l'Assemblée qui souhaiteront en discuter avec nous, avant d'arrêter définitivement le contenu de ce plan.

Je ne doute pas que les approbations comme les critiques seront du même type que celles concernant le budget de 2001. Pour les uns, il faudrait être encore plus ambitieux et pour les autres trop, décidément beaucoup trop est consenti.

Au-delà des chiffres, il y a, si j'ose dire, deux plans en un : à la fois un plan de création d'emplois sur trois ans et plus encore, un plan de programmation des recrutements pour l'avenir.

Tout en respectant pleinement votre liberté d'appréciation, je vous demande, mesdames, messieurs les députés, de bien vouloir considérer que la décision qui a été prise, sans précédent dans notre pays et sans équivalent dans un autre pays d'Europe, vaut autant par les moyens qui seront dégagés que par sa signification politique, symbolique et morale.

Ce plan, expression d'une volonté nationale, nous engagera collectivement dans une réflexion permanente sur le futur de notre éducation nationale, futur qui, nous le savons, comportera toute une série de changements.

Vous avez, au fil de vos interventions, évoqué le renouvellement des générations, les nouvelles technologies et d'autres éléments. Bref, afin de maîtriser au mieux le futur, il faut le préparer. Autant que le contenu de ce plan, c'est, je le répète, l'attitude d'esprit qu'il induira qui importe. Nous ne devons pas, en effet, nous contenter de gérer les choses mois après mois, année après année, mais nous obliger sans cesse à nous interroger sur les conséquences de nos décisions pour les générations futures, pour ceux qui auront vingt ans dans cinq, six ou huit ans. Tout responsable politique doit avoir cette nécessité présente à l'esprit. Pierre Mendès France, admiré par beaucoup, quelle que soit leur appartenance politique, ne disait pas autre chose : « Chaque fois que je m'interroge sur une décision à prendre, politique, économique, culturelle, diplomatique, je me pose la question : quelles seront les conséquences pour ceux qui auront dix-huit ou vingt ans dans quelques années ? ». Nous sommes prêts à vous rencontrer, les uns et les autres, pour vous fournir les dernières informations sur ce plan pluriannuel, et d'abord, bien sûr, les rapporteurs de vos commissions.

M. Goasguen, dont j'ai apprécié la qualité intellectuelle de l'intervention, même si nos conclusions ne sont pas nécessairement identiques sur tous les points, a notamment évoqué la question de l'évaluation de notre système d'éducation, sujet du présent et de l'avenir. Même si nous avons accompli des progrès dans le passé, et si le ministère de l'éducation nationale a plutôt encouragé les expertises, les analyses et les recherches, nous devons être plus exigeants et plus ambitieux encore. Puisqu'un débat permanent sur l'école est, à juste titre, réclamé, jouons cartes sur table ! Nous sommes dans une démocratie adulte et civilisée, où toutes les données doivent être mises à la disposition de tout le monde. Fini le temps du secret, des documents que l'on cache sous la table ! C'est la raison pour laquelle je veux, en liaison avec tous les groupes de cette assemblée, entreprendre un travail exemplaire sur l'évaluation de notre système d'éducation.

Dès mercredi, vous l'avez rappelé, monsieur Goasguen, nous mettrons en place un haut conseil de l'évaluation, qui sera composé de personnalités de diverses origines, d'experts nationaux et internationaux. Il va de soi que cette institution sera indépendante et fonctionnera en toute transparence.

De même, je souhaite que le comité d'évaluation des universités puisse, à l'avenir, agir avec une célérité, une pugnacité et une ouverture à tous les courants de pensée beaucoup plus grandes que par le passé. C'est en tout état de cause la mission de son nouveau président au besoin, nous l'élargirons.

Le système actuel d'évaluation des universités françaises est insatisfaisant, je le dis très franchement. Il n'y a aucune raison de ne pas se montrer plus inventifs et plus audacieux. Peut-être même qu'un jour, je ne l'exclus pas, nous devrons avoir le courage de nos amis suédois, qui ont osé soumettre leur système universitaire à un comité m ajoritairement composé d'experts internationaux.

Encore faut-il qu'il y ait un accord idéologique, au sens noble du terme, entre les experts sur les critères à retenir pour évaluer un système d'enseignement. Ceux-ci ne sont pas nécessairement les mêmes en Grande-Bretagne, en France ou dans les pays nordiques. Je ne suis d'ailleurs pas convaincu que les critères retenus par l'OCDE conviendraient à un pays comme le nôtre.

M. Jean-Luc Mélanchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel.

Tout à fait !

M. le ministre de l'éducation nationale.

Un sujet non moins important a été évoqué par plusieurs d'entre vous, dont MM. Goasguen et Julien Dray : celui de la violence scolaire.

Je crois que nous sommes d'accord avec cette idée, que je ne cesserai de réaffirmer - et je me réjouis que cela ait été affirmé ici avec dignité et force : la violence doit être mise hors la loi ; elle n'a pas droit de cité dans l'école.

En même temps, nous savons parfaitement que l'école ne peut pas, à elle seule, tout résoudre. La violence est parfois celle de la société, de ses injustices sociales, de ses affrontements, ses rebellions, ses révoltes. Elle a parfois aussi sa source dans le comportement des adultes euxmêmes,...

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Tout à fait !

M. le ministre de l'éducation nationale.

... qui ne donnent pas toujours le meilleur exemple du respect de lar ègle commune : occupation de bâtiments publics, destruction de tel ou tel bien privé. Et je ne parle pas de


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cette autre forme de violence, hélas ancienne mais qui s'est peut-être aggravée, propagée par certains organes de presse ou certaines chaînes de télévision.

La violence cerne en quelque sorte l'école. Mais même si elle est présente ici ou là dans la société, il faut pouvoir la vaincre et l'éradiquer. Nous ne pouvons en effet pas accepter qu'elle pénètre à l'intérieur des établissements scolaires.

Vous le savez, il n'existe pas de solution « mathématique ». Il ne suffit pas, malheureusement, d'appuyer sur un bouton pour régler la question. J'ai cependant la conviction, avec Jean-Luc Mélenchon, qu'il n'y a aucune fatalité à ce phénomène. Mais, en tout état de cause, il ne saurait y avoir aucune acceptation, d'aucune sorte, de quelque acte d'agressivité ou de violence que ce soit ! Des mesures ont déjà été prises, et d'autres le seront.

Permettez-moi de dire, et cela renvoie au fond de notre débat et à la transformation profonde du collège et de l'école que j'entends entreprendre au cours des prochains mois, la pédagogie, si elle est assurée selon des règles adaptées au monde d'aujourd'hui et avec une exigence sans cesse réaffirmée, est le premier remède antiviolence.

Redonner à un enfant la confiance en lui-même, lui permettre de trouver en lui ce petit feu qui couve en chaque enfant est à cet égard primordial. Il n'est pas facile de trouver le chemin. C'est d'ailleurs le métier, très difficile, des pédagogues que de faire apparaître cette lueur grâce à laquelle un enfant peut avancer, progresser et renoncer à toute forme de violence.

Toute une série d'autres mesures sont à prendre. Le Comité national de lutte contre la violence à l'école que nous avons mis en place n'est pas un club de réflexion, c'est un organisme destiné à l'action. Nous en avons confié la présidence à une personnalité, Mme Sonia Henrich, qui a, sur le terrain, dans les Bouches-du-Rhône, prouvé par ses actes qu'elle avait éradiqué la violence, grâce à des expériences pédagogiques intéressantes.

Je me suis moi-même rendu sur place, dans plusieurs établissements, de même que Jean-Luc Mélenchon. Ce travail a été et continue à être une réussite.

Au sein de ce comité, nous avons nommé non des bureaucrates ou des apparatchiks, mais des personnalités qui ont prouvé leur capacité à agir dans ce domaine : un procureur de la République, pas n'importe lequel, un commissaire de police, pas n'importe lequel non plus, des éducateurs ainsi que des élus. A ce propos, je remercie M. Julien Dray de bien vouloir en faire partie puisqu'il a engagé en Ile-de-France une action exemplaire, si bien que nous avons conclu un accord avec le conseil régional, et nous sommes d'ailleurs prêts à faire de même avec d'autres régions. Je pense tout particulièrement à l'expérience qu'il a évoquée concernant l'implantation de correspondants jeunes dans les lycées. C'est un point très important de l'action qu'il a conçue ; nous la soutenons et nous continuerons à le faire ; j'espère qu'elle portera ses fruits. Nous avons associé à ce comité un autre de vos collègues, M. Pierre Cardo qui, lui aussi, a, dans sa commune, fait reculer diverses formes d'injustice et de violence.

Je tenais à apporter ces précisions, car, sur un tel sujet, il faut autant que possible éviter de cultiver les fantasmes, les angoisses et les peurs, qui peuvent s'expliquer malgré tout. En tant qu'hommes politiques responsables, nous avons le devoir de regarder les choses en face, vous l'avez dit, monsieur Goasguen, et vous aussi, monsieur Dray.

Nous avons surtout le devoir de trouver les remèdes et les thérapeutiques adaptés. Nous informerons la représentation nationale au fur et à mesure de l'avancement de ce travail collectif.

Je m'en voudrais de ne pas dire un mot à M. Pinte.

Nous avons souvent dialogué ensemble dans le passé.

Nous avons à maintes reprises échangé des impressions sur des sujets touchant à la culture et j'ai encore en mémoire toutes les questions qu'il m'a posées et auxquelles j'ai essayé de trouver des réponses.

Sur le point qu'il a soulevé, je préfère très franchement répondre pour l'instant par une litote, car je n'aime pas faire des promesses que je ne suis pas sûr de pouvoir tenir. Je dirai qu'il n'a pas tort. Nous devons absolument trouver une solution pour les classes musicales à horaires aménagés, au moins pour les élèves qui atteignent le niveau du baccalauréat. Je ne veux pas en dire plus ce soir et j'ai déjà soumis cette question à mes collaborateurs.

Comme vous le savez, nous préparons un plan pour donner aux arts, à la culture et à l'éveil de la sensibilité une place très importante de l'école au lycée. Mme Catherine Tasca et moi-même l'annoncerons dans quelques semaines et nos deux ministères travaillent en étroite collaboration sur ce sujet.

Je ne vais pas vous parler chiffres et j'espère que vous m'en serez reconnaissants ; vos rapporteurs l'ont fait mieux que jaurais pu le faire. Parmi les originalités de ce budget, il faut souligner non seulement les créations d'emplois, qui marquent une rupture avec les dernières années et concernent les instituteurs et les professeurs d'enseignement secondaire mais aussi les personnels IATOS, mais aussi les crédits pédagogiques et les crédits d'innovation qui sont prévus. Si ma mémoire est bonne, ce sont 230 millions de francs que nous allons consacrer au financement du plan, qui se développera sur plusieurs années. C'est une première ! Je pense, monsieur Pinte, qu'on peut essayer de trouver quelques centimes, quelques francs, quelques centaines de francs, un peu plus même (Sourires),...

M. René Couanau.

C'est à espérer !

M. le ministre de l'éducation nationale.

... pour soutenir les actions excellentes que vous avez évoquées, et vous permettre de poursuivre l'expérience d'avant-garde que vous avez lancée il y a de nombreuses années et je tiens à vous féliciter.

Je ne peux pas plus que vous, mesdames, messieurs, rivaliser en charme et en sens poétique avec Mme Taubira-Delannon. Nous avons siégé ensemble dans de nombreux comités et commissions et j'ai toujours apprécié son engagement personnel pour les questions concernant la Guyane ainsi que d'autres sujets. Que puis-je lui dire en quelques mots ? Je ne les prononcerai d'ailleurs pas en créole ni dans aucune des quinze langues parlées en Guyane.

Nous avons souhaité que le pôle universitaire de la Guyane soit un pôle d'excellence, articulé avec les pays voisins, notamment avec le Brésil, sur des thèmes de recherche intéressant à la fois l'économie de la Guyane et celle de cette partie du monde ; je pense par exemple à la biodiversité.

La question devra être réglée dans le même esprit, en liaison avec M. Christian Paul, dans l'ensemble des départements et territoires d'outre-mer.


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Le pôle de Guyane va se mettre en place. La cellule interministérielle dont nous avons annoncé la création et sur laquelle vous m'avez interrogé s'organise : M. Bernard Fontaine va quitter mon cabinet pour la diriger et l'animer.

Trop longtemps, je l'admets, on a eu tendance, à Paris, comme cela arrive toujours dans un système ultracentralisé, enfermés que nous étions dans nos cénacles, à faire relever de la même mouvance des pays comme la Martinique ou la Guadeloupe, qui ont leur singularité et leur originalité, et la Guyane.

Nous ne pouvons pas, d'un seul coup d'un seul, décréter, comme vous le souhaitez, l'autonomie immédiate de l'IUFM ou d'autres institutions de la Guyane. Pour l'université, nous devons aussi ménager des transitions. Cela dit, vous avez raison : nous devons progressivement assurer le plein épanouissement de ces structures. Je ne fixerai pas de calendrier car je ne veux pas qu'on me l'oppose plus tard, mais je considère que la direction que vous indiquez est la bonne.

De même, vous avez entièrement raison sur un autre point. Malgré tout le respect que je porte à la recherche spatiale et aux centres scientifiques de haute qualité, l'éducation nationale en Guyane n'est pas réservée aux enfants des familles du centre spatial de Kourou, mais elle s'adresse à l'ensemble des petits Guyanais. J'y veillerai avec le maximum d'attention.

J'ai également pris note de toutes les observations très justes faites par Camille Darsières, mais je ne pourrai sans doute pas résoudre tous les problèmes qu'il a évoqués.

Ou alors, il faudra une négociation plus complète avec le ministère de l'intérieur. Par exemple, je n'ai pas la possibilité d'intervenir de façon directe sur la construction des écoles. Mais nous pourrons trouver des solutions dans le cadre d'une renégociation globale commune aux départements de la Martinique et de la Guadeloupe. Je n'oublie pas les autres problèmes que vous avez soulevés, monsieur le député, et je vous promets d'y prêter attention.

Tels sont les points que je souhaitais évoquer à ce stade de la discussion. Jean-Luc Mélenchon vous répondra sur les thèmes qui relèvent plus particulièrement de sa compétence. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel.

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, vos rapporteurs et plusieurs orateurso nt évoqué l'enseignement professionnel, conscients, comme chacun de vous, que cet enseignement concerne la moitié d'une classe d'âge. Si l'on additionne les élèves qui étudient dans les lycées d'enseignement professionnel et ceux qui suivent l'apprentissage ; nous n'en avons pas toujours une claire conscience.

Au bout du compte, ceux-ci constituent un contingent de sept millions d'ouvriers, huit millions d'employés, cinq millions de professions intermédiaires, soit au total vingt millions de personnes, représentant 80 % de la population active, qui, comme on dit, « font leur métier ».

Plutôt que d'insister sur la qualité de l'enseignement professionnel à la suite de Jack Lang, je rappellerai que c'est ce système qui a permis à notre patrie d'être la quatrième puissance économique du monde et le deuxième pays pour les exportations par tête. Pour parvenir à ce résultat, il a fallu que l'enseignement soit donné, et bien donné, qu'il soit reçu, et bien reçu ; ne perdons jamais cette évidence de vue.

Il est vrai qu'il y a beaucoup de routines dans notre enseignement mais j'ai tendance à penser que celles-ci sont souvent salvatrices. En effet, cet ordre d'enseignement, moins qu'un autre encore, ne peut vivre dans la transe permanente, les bouleversements et l'agitation quotidienne. Nous devons user du temps qui passe pour accomplir le devoir qui nous est assigné de conserver les savoir-faire professionnels et de les renouveler autant qu'il est nécessaire.

Votre rapporteur, M. Jacques Guyard, et Mme Martine David après M. Goasguen, l'autre jour en commission, ont souligné la baisse inquiétante des effectifs. C'est en effet une question préoccupante. Les causes en sont connues. Les plus profondes sont historiques. Depuis les notes de Diderot dans L'Encyclopédie , l'estime due aux arts mécaniques n'a guère fait de progrès. Plus prosaïquement, ces causes sont à rechercher dans la suppression, à mon avis pas très bien pensée, des quatrième et troisième technologiques sans aucune formule de substitution. Elles résident également dans la légèreté avec laquelle, à un moment donné, on a décidé que le CAP n'était plus le diplôme requis par la production.

M. Bernard Schreiner.

Eh oui !

M. le ministre de l'éducation nationale.

Belle erreur ! Sans oublier la précipitation avec laquelle nous avons sacralisé, au-delà du raisonnable, même si cette voie d'enseignement a son importance, l'apprentissage : celui-ci permettait en effet en même temps de régler hypocritement la question du statut social du jeune en formation.

Tout cela a joué. Mais ni Jack Lang ni moi-même ne pouvons croire que l'ensemble de ces causes soient responsables du fait que, d'une manière surprenante, et pour la première fois depuis deux ans, les trois quarts de la baisse démographique constatée dans le second degré sont répercutés sur l'enseignement professionnel. Nous craignons que certains effets - que nous appellerons pour l'heure de système -, n'expliquent une répercussion aussi systématique.

Très simplement, nous avons pensé commencer à répondre, dans l'intérêt du pays, au problème posé en essayant d'élargir l'offre de formation professionnelle aux jeunes. C'est dans cet esprit que nous nous proposons d'établir ce que nous avons appelé, un peu brutalement, un entretien de plan de carrière dès l'âge de quinze ans, c'est-à-dire un an avant la fin de l'obligation scolaire.

Pourquoi à ce moment ? Parce que nous n'accepterions pas que se règle hypocritement le problème de l'hétérogénéité des classes d'âge à l'intérieur des cours par le dé part de l'école à seize ans pour le marché du travail. Or, aujourd'hui, la pression est telle que les jeunes partent non seulement quand ils ont seize ans au collège, mais même en cours de formation au lycée professionnel.

Nous ne saurions accepter qu'un égalitarisme formel débouche sur l'inégalité la plus cruelle qui soit, celle consistant à partir au travail sans formation.

Cinq académies ont accepté de lancer, dès cette année, une expérience dans ce domaine. Le protocole d'expérimentation prévoira plusieurs canaux dans chacune de ces académies pour essayer de discerner la méthode la plus performante en vue d'améliorer l'offre et de la rendre efficace, autrement dit pour ouvrir des débouchés sur de l'emploi stable et sûr. C'est une première réponse.

Une deuxième réponse consiste à partir des préoccupations exprimées par les parents, même si nous ne croyons pas que ce soit par leur seul libre choix conscient que l'on aboutisse à la baisse des effectifs mentionnés plus


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haut. Un premier élément à prendre en compte est celui de la fluidité. Réglons tout de suite une querelle qui, à mon avis, n'a pas lieu d'être mais qui revient souvent dans les discussions. L'enseignement professionnel, qu'il soit délivré au niveau secondaire ou au niveau supérieur, est une interface entre le monde de la production et celui des savoirs. Pour que celle-ci fonctionne et soit bien perçue par les familles, il faut que chaque famille qui confie un jeune à l'enseignement professionnel sache que ce jeune, s'il en a le mérite, le talent et l'envie, ira le plus loin possible. Garantir la fluidité est donc une exigence démocratique élémentaire. Par conséquent, plus de BEP sans « bac pro » au bout !

Mme Martine David.

Bien sûr ! M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel.

Je crois bien que j'indique là un remède. Jack Lang et moi-même sommes déterminés à faire en sorte qu'il en soit de même dans tous les lycées.

La notion de fluidité intègre le fait que, dans le lycée professionnel, est aussi dispensée de la formation continue. Des expériences nombreuses existent déjà, qui montrent que l'on peut réunir dans une même classe à la fois des jeunes et des personnes en formation continue.

La présence d'adultes à l'intérieur des établissements est un facteur de détente dans les relations entre les jeunes et le monde des adultes, que ce soient les adultes en formation continue ou les enseignants. En même temps, elle leur donne de l'ambition et la volonté d'aboutir. Le fait de voir une personne d'un autre âge venir acquérir le savoir que le jeune cherche lui-même à acquérir, à tel ou tel niveau de formation, est en effet stimulant.

Le deuxième thème que je voudrais aborder et sur lequel je vous donne de nouveau raison, est celui de la lisibilité. Nous sommes un certain nombre ici à bien le connaître. Les milieux sociaux qui font appel à l'enseignement professionnel pour favoriser la promotion de leurs enfants n'ont pas une claire conscience de l'ambition à laquelle leurs enfants peuvent prétendre, non plus que des plans de carrière qui s'offrent à eux. Cette conscience, cette culture, reste à acquérir. L'illisibilité du système est un obstacle à sa compréhension et un facteur de discrimination.

Enfin, pour les pédagogues, c'est un sujet - de colère car, lorsqu'on dispense un enseignement à un jeune, il faut qu'il puisse intérioriser la valeur de l'utilité sociale du métier qu'il apprend. Cela fait partie du processus de construction de soi. Dites-moi quelle raison absurde a bien pu nous conduire à appeler ce que vous et moi aurions appelé un CAP de boucher, CAP de « préparateur en produits carnés », avec option A pour les bovins, option B pour les ovins et option C pour les caprins ? Et à quoi peut bien correspondre le CAP de « maintenance en cellules aéronefs » ? Pourquoi parler de CAP en

« matériaux souples » pour parler des métiers de la mode ? (Sourires.)

Nous en sourions, mais avouons que, pour ce qui est de la construction de soi par l'intériorisation de l'utilité sociale d'un métier, nous sommes loin du compte ! Au demeurant, la lisibilité est une exigence de cohérence des formations professionnelles dans notre enseignement tant secondaire que supérieur. C'est la raison pour laquelle Jack Lang et moi-même avons voulu, pour montrer l'exemple, que les licences professionnelles soient toutes reclassées d'après la nomenclature des métiers, et non pas seulement d'après le titre de l'établissement qui les décerne, afin que le jeune qui est dans le secondaire puisse se projeter dans l'avenir, en voyant que sa formation et son métier continuent dans le supérieur, et que, l'on peut toujours avancer, toujours progresser dans la voie qu'on a choisie.

Concernant la crédibilité de nos diplômes, il ne faut pas forcément croire tout ce qui se dit à ce sujet.

Combien de fois entendons-nous affirmer, d'une manière assez inacceptable d'ailleurs, que l'école ne connaît pas l'entreprise ? Je crains que ceux qui le disent ne connaissent rien à l'école, car il n'y a pas un diplôme professionnel dans ce pays dont le contenu ne soit élaboré en relation avec les professionnels, à travers les CPC, l es commissions professionnelles consultatives, qui mettent au point les référentiels de ces diplômes. Pour trois diplômes seulement - mais je me fais toujours prendre en défaut, car chaque fois on en trouve un autre, - la définition du référentiel date de plus de cinq ans, ce qui signifie que tous les autres sont parfaitement adaptés aux métiers du moment.

Par un hasard du calendrier se réunit demain le comité i nterprofessionnel consultatif. Nous allons réunir l'ensemble des CPC et discuter des nouvelles formations à créer, notamment dans le domaine des services ; voilà pour la crédibilité.

Quelques mots sur notre vision de l'avenir. Elle c onsiste notamment à lier ces trois objectifs, afin d'encourager la synergie de tout ce qui contribue à développer la voie des métiers. Trouver dans un même établissement - comme cela se produit déjà -, à la fois la voie technologique et la voie professionnelle, voilà le meilleur système de synergie permettant de passer de l'enseignement à débouché immédiatement professionnel à celui qui permet d'embrayer sur l'enseignement supérieur.

Mme Martine David.

Tout à fait ! M. le ministre délégué à l'enseignement professionnel.

Voilà comment nous trouverons les meilleures articulations, les meilleures passerelles, les meilleures marches.

Installer dans ces établissements un centre public de formation pour les apprentis, un BTS et, comme on vient de le faire à Albi, une licence professionnelle, tel est le modèle de lycée des métiers que nous voulons promouvoir. Il en existe déjà plusieurs prototypes, pratiquement un par département. C'est la bonne formule, celle qui permet de redonner toute sa dynamique à cet ordre d'enseignement.

Quelques mots enfin sur la violence. Jack Lang et moimême ne pouvons pas faire moins que de dire qu'au bout du compte, la clé, c'est toujours la pédagogie. Partout où ont été mis en place des systèmes permettant de prendre en compte la diversité des élèves, diversité d'éveil ou diversité de niveau de formation - je pense en particulier aux CAP modulables -, le niveau de violence dans l'établissement s'est littéralement effondré. Rien ne vaut, en effet, comme l'a dit Jack Lang, le sentiment de la réussite personnelle pour se réconcilier avec le monde, les adultes et le système qui organise cette réussite. Je crois que c'est dans cette direction que nous devrons sans cesse nous diriger, sans frilosité, en ayant conscience que nos enseignants sont toujours disponibles pour de nouveaux progrès pédagogiques, en particulier dans l'enseignement professionnel.

J'attends beaucoup, pour ma part, de la création des comités de la vie lycéenne, lesquels sont désormais élus au suffrage universel. Nous sommes le seul pays d'Europe à procéder de cette manière. Ces comités constituent le meilleur apprentissage pour nos jeunes de la vie collective, de la citoyenneté et de la démocratie, et la meilleure


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d es incitations pour qu'ils prennent eux-mêmes en compte la coproduction de leur système d'enseignement.

Et je dois dire que les premiers résultats que nous observons sont extrêmement encourageants dans ce domaine.

J'aurais bien d'autres sujets à développer, mais je crains que à cette heure tardive, on ne le supporte pas. (Sourires.) C'est pourquoi je m'arrêterai là.

La représentation nationale peut compter sur les enseignants de l'enseignement professionnel pour aller toujours de l'avant. Ne croyez pas qu'ils soient étouffés par les routines et par l'ennui. C'est tout le contraire. Ils vont de l'avant. Ils ont de l'espoir. Ils méritent d'être encouragés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

Nous en arrivons aux questions.

Nous commençons par le groupe communiste.

La parole est à M. Ernest Moutoussamy.

M. Ernest Moutoussamy.

Monsieur le ministre, lors de la conférence de presse commune que vous avez tenue le 18 octobre dernier avec M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, et qui fut une première du genre, vous avez clairement affirmé que la priorité du Gouvernement était de doter l'outre-mer d'un projet éducatif fort et novateur afin d'élever le niveau de qualification de nos jeunes.

Après le plan pluriannuel de développement lancé en 1997, nous souscrivons aux grandes orientations que vous avez retenues et qui permettent de prendre en compte les identités régionales, de répondre aux défis démographiques et sociaux et de favoriser le rayonnement de l'outre-mer en tant que pôle d'attraction régional.

L'augmentation constante de nos effectifs scolaires crée un pressant besoin en établissements. Ainsi, dans la commune de Saint-François, dont je suis le maire, la population s'est accrue de 33 % entre les deux recensements, ce qui m'oblige à créer, dès la prochaine rentrée scolaire, une nouvelle école maternelle de cinq classes.

P ouvez-vous, à titre exceptionnel, apporter aux communes d'outre-mer une aide à la construction d'établissements scolaires ?

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. le ministre de l'éducation nationale.

Monsieur le député, j'ai déjà eu l'occasion de répondre sur ce sujet à votre collègue M. Darsières.

La loi est ainsi faite que le ministère de l'éducation nationale n'a pas compétence pour financer les constructions scolaires. Celles-ci relèvent, comme vous le savez, des communes pour les écoles primaires, des départements pour les collèges et des régions pour les lycées.

Néanmoins, dans le cadre des contrats de plan conclus avec les régions d'outre-mer, une enveloppe a été dégagée, au titre du ministère de l'intérieur, qui devrait soulager dans une certaine mesure les communes qui en ont le plus besoin ; il est vrai que la situation actuelle peut être ressentie comme une injustice par les collectivités qui sont en grande difficulté.

Par ailleurs, il me revient en mémoire que M. Bartolone a obtenu, pour les communes rattachées à des ensembles urbains relevant de la politique de la ville, un crédit exceptionnel de 200 millions de francs. Ce financement devrait, là encore, permettre de donner un coup de main aux collectivités qui en ont le plus besoin.

Voilà deux portes - le ministère de l'intérieur et le ministère de la ville - auxquelles vous pouvez frapper. Ne manquez pas de m'alerter si besoin est, afin que je puisse vous servir de médiateur auprès de l'un ou l'autre de mes collègues.

Mme la présidente.

La parole est à M. Patrick Leroy.

M. Patrick Leroy.

Ma question porte sur la scolarisation des enfants âgés de moins de trois ans et sur celle des enfants handicapés.

Faute de place dans les écoles maternelles, 35 % seulement des enfants de deux ans sont scolarisés. Les parents sont contraints de confier la garde et l'éducation de leurs enfants à d'autres structures. Pourtant, toutes les études témoignent que l'entrée précoce en école maternelle, malgré des conditions de fonctionnement difficiles et des classes surchargées, représente, sur le plan de l'acquisition des connaissances, un bénéfice sensible pour tous les enfants. La généralisation de l'accueil des enfants de deux ans en maternelle, annoncée et affirmée par M. le Premier ministre, va-t-elle enfin se concrétiser ? Autre grave problème : la non-scolarisation des enfants handicapés. Comme l'affirme le groupement pour l'insertion des personnes handicapées physiques, la structure scolaire traditionnelle est le meilleur moyen pour l'enfant handicapé de préparer sa future intégration dans la société, et pour ses camarades valides de découvrir la solidarité.

Evidemment, la nature et le degré du handicap doivent être pris en considération et ces enfants ne peuvent tous être intégrés dans un milieu scolaire ordinaire. Il conviendrait cependant, avant de les orienter vers un établissement spécialisé, d'envisager systématiquement la possibilité de l'inscription individuelle dans une classe ordinaire, ou de l'intégration collective dans une classe spéciale implantée dans un établissement scolaire classique.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour développer et améliorer le fonctionnement des classes d'intégration scolaire, les CLIS, dans les écoles maternelles et primaires, et des unités pédagogiques d'intégration, les UPI, dans le secondaire, ainsi que pour former les 7 000 enseignants affectés à l'éducation des élèves en difficulté, aujourd'hui non spécialisés ?

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale.

Monsieur le député, vous me posez en fait deux questions, même si elles sont liées : celle de la scolarisation à deux ans en école maternelle, et celle, plus spécifique, de l'intégration des enfants handicapés.

Sur la première, il convient d'apprécier le chemin déjà parcouru pour mesurer avec plus d'objectivité celui qui reste à accomplir.

En une dizaine d'année, un énorme progrès a été réalisé dans la mesure où la scolarisation des enfants de trois ans est désormais assurée à quasiment 100 %. Il aura fallu créer 10 000 ou 15 000 postes supplémentaires pour atteindre cet objectif, c'est chose faite aujourd'hui.

La scolarisation à deux ans n'est réalisée que sur 35 à 40 % du territoire national, avec du reste de très fortes variations, que je n'ai pas encore réussi à comprendre, selon les régions. Ainsi, dans le Nord, vous êtes très en avance...

M. Patrick Leroy.

Absolument !

M. le ministre de l'éducation nationale.

... tout comme en Bretagne. A l'inverse, il est des endroits où la proportion stagne.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Cela dit, peut-être le savez-vous, lorsqu'on veut scolariser à deux ans, il faut procéder avec précaution. La question est en effet très controversée. Certains pédagogues ou médecins vont même jusqu'à contester l'efficacité de la préscolarisation si elle n'est pas accompagnée de conditions d'accueil adaptées à cet âge. D'autres pays préfèrent la formule du jardin d'enfants hors l'école.

Je laisse le débat ouvert. Quoi qu'il en soit, si nous devons progresser dans cette direction, il nous faut assurer de bonnes conditions d'accueil, adaptées aux enfants de deux ans. Et naturellement, comme on ne peut pas tout faire d'un seul coup, nous entendons commencer en mettant l'accent sur les écoles maternelles des zones qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire des zones d'éducation prioritaires.

N'oublions pas qu'un plan pluriannuel de trois ans - ou de cinq pour les recrutements -, ou toute autre programmation qui viendra, lui succéder, suppose que l'on accepte, quand bien même on aimerait que tout soit transformé dans la minute, un minimum de progressivité pour peu que les objectifs soient clairement affirmés.

Pour ce qui est de l'intégration des enfants handicapés, nous avons rattrapé une partie de notre retard, mais reconnaissons que nous sommes encore loin du niveau d'excellence de nos amis scandinaves, à cet égard exemplaires. Ainsi que vous le savez, nous sommes en pleine application du plan dit Handiscol. Le Premier ministre s'y est personnellement engagé. Un crédit de près de 60 millions - 57 millions exactement - a été prévu dans le projet de loi de finances. La semaine dernière, j'ai réuni avec Mme Gillot les directeurs de l'action sociale de chaque département et les inspecteurs d'académie - c'était une première. Pendant toute une journée, nous avons cherché, dans le cadre d'ateliers, la meilleure façon de nous épauler pour favoriser l'intégration des enfants handicapés.

Faut-il aller jusqu'à un accueil à 100 % en milieu scolaire ? La question mérite d'être posée. Je ne suis pas un spécialiste, mais on estime que 20 % au moins de ces enfants ne pourront jamais s'intégrer dans une école dite

« normale » et exigent des soins particuliers. Il est également important d'assurer la présence de l'école hors les murs et d'apporter à ces enfants un soutien spécifique.

Quoi qu'il en soit, je me sens personnellement engagé dans l'action entreprise et j'espère que nous allons l'amplifier. Il n'est pas normal qu'un grand pays, aussi riche et civilisé que le nôtre, ne fasse pas aussi bien que les pays scandinaves.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Le projet de budget pour 2001 prévoit, il faut le noter, des créations en nombre fortement accru de postes de personnels médico-sociaux. C'est p articulièrement vrai pour les médecins : cinquante postes, soit plus que le total des trois années précédentes.

La création de dix postes seulement l'année dernière avait provoqué, on s'en souvient, un véritable tollé parmi les médecins scolaires. Depuis l'arrivée de la gauche au gouvernement, de nouveaux postes d'infirmières et d'assistantes sociales ont été inscrits à chaque budget, ce qui n'avait pas été le cas sous les gouvernements de droite. Il faut y voir le résultat d'une forte mobilisation des personnels, des parents d'élèves, sans oublier les enfants euxmêmes : le Parlement des enfants avait adopté, en 1997, une proposition de loi réclamant la présence d'une infirmière par groupe scolaire, pour soigner les petits bobos, mais également pour écouter ce que peuvent dire les jeunes à l'école.

A Drancy et à Bobigny, où le nombre de postes d'infirmières a plus que doublé, on peut mesurer les effets de la présence d'une infirmière là où il n'y en avait pas jusqu'alors, qui se traduit par des résultats positifs dans les bilans scolaires. Plus intéressant peut-être : la mise en place d'un système dans lequel l'infirmière travaille en même temps dans un collège et dans l'école primaire qui l'alimente permet un suivi des enfants sur le long terme.

Malheureusement, trop d'établissements scolaires ne comptent encore ni infirmière ni assistante sociale, trop d'enfants ne voient jamais le médecin scolaire. Une étude récemment publiée par l'INSERM montre que les programmes préventifs sont plus efficaces dans les catégories sociales supérieures que dans les classes sociales défavorisées. Ce constat impose, de l'avis des chercheurs, de repenser les actions de prévention et d'en mesurer ultérieurement les effets en termes de réduction des inégalités, et pas seulement en termes d'efficacité globale. Ils soulignent par ailleurs la faiblesse du débat que suscite cette question dans notre pays.

La proposition de loi sur la contraception d'urgence, actuellement en instance au Sénat, repose bien sur l'idée que la proximité reste un élément essentiel si l'on veut assurer de la manière la plus efficace l'accès des adolescents à ce type de contraceptif.

Tous les enfants et la quasi-totalité des adolescents sont à l'école. Celle-ci reste le lieu privilégié de la préventio n en matière de santé publique. Il est donc urgent de définir un plan pluriannuel de création de postes d'infirmières, de médecins, d'assistantes sociales, de secrétaires médico-sociales, indispensable à la mise en oeuvre d'un véritable projet de prévention en matière de santé publique. Quelles dispositions entendez-vous prendre en ce sens ?

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale.

Monsieur le député, je vous remercie de citer les exemples de Drancy et de Bobigny, qui prouvent qu'un effort public, dès lors qu'il s'inscrit dans une politique, porte ses fruits. C'est un encouragement pour les pouvoirs publics à essayer de faire mieux. Je vous remercie également d'avoir rappelé que, depuis trois ans, notre pays a très sensiblement accru - près de 1 800 postes supplémentaires - son effort en termes de recrutement d'assistantes sociales ou d'infirmières. Cet effort s'intensifie encore dans le budget qui vous est présenté avec la création, pour la première fois depuis dix ans, d'une cinquantaine de postes de médecins scolaires.

Mais il ne suffit pas de dégager des moyens ; il nous faut également élaborer une politique de la santé à l'école.

Je profite de votre question pour indiquer que trois circulaires paraîtront dans les prochains jours, qui préciseront certaines orientations dont nous avions débattu durant la dernière période, dans quelques domaines clés : la prévention des troubles d'apprentissage du langage, conformément à ce que j'avais indiqué au mois de juin dernier, les nouvelles mesures sur la contraception d'urgence, le renforcement de l'éducation à la santé, la prévention des violences sexuelles et la maltraitance, la prévention des conduites à risques.

Ainsi que vous le dites vous-même, l'effort budgétaire doit s'accompagner d'une démarche volontaire et systématique sur l'ensemble du territoire national.

Mme la présidente.

Nous en venons au groupe UDF.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

La parole est à Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Mens sana in corpore sano, prônaient les Romains. Comme il est loin le temps où Sieyès et Lakanal proposaient un texte disposant qu'« un officier du district visite dans les quatre saisons de l'année toutes les écoles nationales, examine tous les enfants et indique en général et en particulier les règles propres à fortifier leur santé » ! Monsieur le ministre, la santé morale et physique des jeunes Français est en grand danger : 1 000 adolescents se suicident chaque année, dont 70 % de sexe masculin. On dénombre 45 000 tentatives de suicide chez les jeunes de quinze à vingt ans. Où en est la détection de la maltraitance de soi-même ? La commission d'enquête parlementaire sur les droits de l'enfant présidée par M. Fabius avait souligné l'urgence de l'amélioration de la santé scolaire.

Le conseil général du Rhône, en partenariat avec l'académie de Lyon, a lancé une expérience pilote de santé scolaire tout à fait concluante, que Mme Royal connaît bien puisqu'elle en a longuement parlé dans une brochure du ministère. Or, brutalement, cette opération a été stoppée, sans même que le conseil général ait été prévenu.

Depuis, seul le silence répond à notre appel. Et pourtant, nous entendons poursuivre cette action.

Quand décentraliserez-vous cette compétence aux académie en déconcentrant les moyens ? Les besoins sont aussi grands dans les villes qu'à la campagne. Quand donnerez-vous à chaque académie une autonomie et des moyens lui permettant de répondre aux besoins locaux ? Ne pensez-vous pas que les académies peuvent parfaitement travailler avec les conseils généraux, qui ont déjà la charge de la santé des enfants jusqu'à six ans et assurent la prévention dans les collèges ? Enfin, est-il normal que les enseignants n'aient pas une visite médicale obligatoire par an, et que seule une visite à l'embauche soit requise, alors qu'ils sont en contact permanent avec leurs élèves ?

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale.

Madame Isaac-Sibille, je ne serai pas très long puisque j'ai déjà répondu par anticipation à votre question en répondant à l'un de vos collègues. J'ai déjà souligné l'effort qui a été accompli. Ni l'heure ni l'atmosphère ne se prêtent à une quelconque polémique.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Je ne faisais pas de polémique !

M. le ministre de l'éducation nationale.

Certes, mais si un effort semblable à celui engagé depuis trois ans avait été systématiquement encouragé dans le passé, nous disposerions aujourd'hui d'un système meilleur.

Cela dit, nous sommes en fonction et nous devons continuer. Les crédits qui vous sont soumis marquent une nouvelle avancée. J'espère donc que vous examinerez avec faveur ce budget qui, cette année encore, comme depuis trois ans, est favorable au développement des personnels médicaux.

Quant à Bron et Lyon, il n'y a aucune raison pour que l'expérience pionnière qui y a été imaginée s'interrompe, d'autant que les efforts de l'Etat dans cette académie - et nous en reparlerons avec le recteur, si vous voulez - sont particulièrement importants. J'espère que les renseignements dont vous faites état ne sont pas fondés...

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Si, hélas !

M. le ministre de l'éducation nationale.

... et que nous pourrons continuer cette expérience.

Mme la présidente.

Nous passons au groupe socialiste.

La parole est à M. Bernard Madrelle.

M. Bernard Madrelle.

Monsieur le ministre, au moment de la discussion des crédits budgétaires, et alors que le Gouvernement réaffirme sa volonté de doter l'éducation nationale de moyens prioritaires, je crois important de poser le problème de l'inadaptation du mode de calcul pour la répartition des postes budgétaires entre les départements. En effet, il s'avère que ce mode de calcul a des conséquences négatives, notamment dans le département de la Gironde qui, comme vous le savez, est le plus étendu de France.

Les départements sont en effet répartis en plusieurs groupes. Le premier correspond à des secteurs très urbanisés, le dernier à des secteurs très ruraux. Le département de la Gironde figure dans un groupe plutôt urbain et est considéré comme le département le plus urbain de l'académie, alors que la Gironde a la population rurale la plus importante.

A ce mode de calcul destiné à la répartition des moyens budgétaires, il convient d'ajouter le nombre d'enseignants pour cent élèves, qui permet de comparer les départements entre eux. A la rentrée de septembre 1999 - je n'ai pas le chiffre de la rentrée 2000 -, la Gironde avait un pourcentage de 4,94, ce qui place ce département au 97e rang sur 100.

Ce mauvais classement a des incidences graves pour la mise en place des expérimentations pédagogiques, notamment dans les zones d'éducation prioritaires.

A cause de cette iniquité affectant le mode de répartition des postes et des difficultés budgétaires qu'elle entraîne, le département de la Gironde ne peut mettre en oeuvre les priorités de politique éducative définies par le ministère de l'éducation nationale.

C'est ainsi qu'il se retrouve au dernier rang pour le remplacement des maîtres, la décharge des directeurs d'école, la formation continue et les actions spécifiques : il n'a pas les moyens de mettre en place des instituteurs animateurs en informatique et des instituteurs déchargés pour l'enseignement des langues vivantes.

Pour rattraper la moyenne nationale, il faudrait de nombreux postes supplémentaires qui permettraient aux enseignants girondins de lancer ces expérimentations pédagogiques.

Monsieur le ministre, vous connaissez comme moi la détermination et des chefs d'établissement et des enseignants des ZEP qui travaillent en équipe avec la volonté d'articuler tous les dispositifs mis en place pour, d'une part, réduire les inégalités de départ et, d'autre part, décliner tous les champs d'action possibles dans le cadre du contrat de réussite. Il serait très regrettable de les priver plus longtemps des moyens indispensables à cette tâche.

C'est pourquoi je vous demande, pour la Gironde et pour tous les départements injustement pénalisés par ce mode de calcul, d'envisager sa révision dans le sens d'un meilleur ajustement à l'évolution démographique.

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale.

Monsieur le député, vous plaidez avec efficacité pour votre département.

Avec le directeur de l'enseignement scolaire, nous avons essayé d'affiner les critères nationaux afin de les adapter au mieux à la diversité des situations locales.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Dans un esprit d'équité, nous allons tenter, progressivement, de mettre un terme à certaines disparités.

Néanmoins, et je le dis avec fermeté, en même temps que je prends cet engagement, notre devoir collectif de responsables politiques est d'expliquer que les réajustements que nous programmons ne pourront pas se réaliser en un seul jour.

D'ailleurs, la Gironde, qui mérite en effet un meilleur taux d'encadrement, a bénéficié, au cours des dix années écoulées, d'efforts qui ne sont pas négligeables, même si son taux de référence n'est pas le meilleur de France.

Par conséquent, en application des critères nationaux, la situation de la Gironde pourra être améliorée petit à petit, par comparaison avec les autres départements. Nous avancerons méthodiquement, patiemment et obstinément.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Christiane Taubira-Delannon.

M me Christiane Taubira-Delannon.

Monsieur le ministre, vous avez prévu un plan de développement des bibliothèques et des centres de documentation. Je pense que ces structures garantiront l'égalité d'accès à la lecture et à la littérature, je dirai même aux littératures, plus efficacement que l'alignement du prix du livre outre-mer.

J'ai d'ailleurs demandé au secrétaire d'Etat à l'outremer que la mission interministérielle, qu'il a chargée de mesurer les conséquences de l'alignement du prix du livre, se préoccupe aussi de l'insuffisance d'espaces culturels - bibliothèques, médiathèques - en Guyane particulièrement.

Dans ce plan de développement, une clef de répartition ou une ventilation permet-elle de savoir ce qui revient à l'outre-mer en général, et à la Guyane, en particulier ? Malgré l'heure tardive, je voudrais que vous ressentiez bien toute la ferveur que je mets dans cette question, car je sais à quel point la littérature peut être source à la fois d'éveil et de bonheur.

Mme la présidente.

Sans doute ne serez-vous pas insensible à cet appel, monsieur le ministre...

M. le ministre de l'éducation nationale.

Madame la députée, comme les autres, les départements d'outre-mer ont bénéficié de l'effort que nous avions décidé dans le cadre du collectif budgétaire du printemps dernier, en faveur de l'équipement en bibliothèques, centres documentaires et centres de documentation et d'information.

Il nous faut vérifier si cette mesure nationale a été effectivement appliquée à la Guyane - je n'ai aucune raison d'en douter -, et je vous en ferai part par écrit.

Par ailleurs, comme je l'ai indiqué tout à l'heure les contrats de plan Etat-région comportent un volet relatif à l'aide de l'Etat pour la construction d'écoles ou d'établissements du second degré. Evidemment, ces crédits peuvent aussi concerner des éléments architecturaux de BCD ou de CDI.

L es départements d'outre-mer devaient également bénéficier des mesures que j'ai proposées, dans le cadre du collectif, en faveur des nouvelles technologies pour l'enseignement. Là encore, je vais vérifier ce qu'il en a été de leur application dans votre département.

Mme la présidente.

Nous arrivons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello.

Monsieur le ministre, c'est avec beaucoup d'attention que les Réunionnais ont suivi la conférence de presse sur les perspectives éducatives pour l'outre-mer que vous avez tenue, le 18 octobre dernier, en compagnie du secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Je souhaite revenir sur deux des nombreux points qui y ont été abordés.

D'abord, la création d'un CAPES de créole a été accueillie avec intérêt ; elle s'inscrit dans la logique de l'application dans les départements d'outre-mer de la loi Deixonne sur l'enseignement des langues régionales. Je voudrais simplement attirer votre attention sur les modalités de mise en oeuvre de cette décision à la Réunion.

Contrairement à ce qui se passe aux Antilles, la licence correspondante n'existe pas à l'université de la Réunion.

Il est donc urgent, si l'on souhaite que le déroulement de ce nouveau concours ne prenne pas de retard, que cette formation puisse être mise en place dès la prochaine rentrée universitaire. Une maquette a déjà été remise au responsable de la faculté des lettres.

Le deuxième point concerne le plan de rattrapage que le Gouvernement a lancé dès 1997 et qui a déjà permis la création de plus de 1 300 postes à la Réunion. Avec une progression de presque dix points du taux de réussite au baccalauréat général, le résultat est loin d'être négatif et il conforte les choix initiaux du Gouvernement. Mais il ne peut faire oublier que l'objectif visé, à savoir la lutte contre les retards de scolarisation et l'échec scolaire, n'est pas encore atteint. Quelques indicateurs significatifs en témoignent : presque 40 % des jeunes scolarisés quittent encore le système éducatif sans aucun diplôme ; le taux de réussite au baccalauréat reste inférieur de six points à celui de la métropole. Quant à la préscolarisation des enfants de deux ans, elle est de 13,6 %, soit trois fois moins qu'en métropole. L'objectif de 30 %, fixé par le plan de 1997, est donc loin d'être atteint ; aucun poste n'a d'ailleurs été créé à cet effet.

Dans les collèges, le pourcentage d'enfants réputés en grande difficulté n'a pas varié. Enfin, la publication, ces derniers jours, des chiffres sur l'évaluation des enfants de sixième révèle que le score moyen d'un élève de la Réunion est nettement plus faible que celui de son camarade scolarisé en métropole.

Le plan de rattrapage lancé en 1997 répondait à une réelle nécessité. Mais réduire sensiblement les écarts entre les performances du système éducatif en métropole et à la Réunion exige de poursuivre les efforts engagés.

Nous souhaitons donc qu'une réévaluation de cette première phase, en fonction des acquis et des besoins de notre académie, puisse être engagée dès cette année. Une telle mesure est indispensable si l'on ne souhaite pas aggraver les écarts entre les taux d'encadrement.

Nous nous félicitons que, pour la première fois en France, la baisse du nombre des élèves scolarisés s'accompagne d'une augmentation des effectifs des personnels de l'éducation nationale. Nous voulons toutefois souligner que, pour ce qui concerne la Réunion, l'augmentation de la population scolaire est telle que l'accroissement des effectifs de l'éducation nationale reste toujours insuffisant.

A cet égard, j'aimerais connaître la politique du Gouvernement pour deux catégories de personnels : d'une part, les personnels enseignants non titulaires, particulièrement nombreux dans notre académie, et d'autre part, les aides-éducateurs - ils sont 2000 à la Réunion -, qui voient avec inquiétude leur contrat arriver à échéance.

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale.

Madame la députée, le projet de maquette pour la licence de créole sera examiné par la direction de l'enseignement supérieur.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

S'il répond aux critères et aux normes des licences, il n'y a aucune raison qu'il ne soit pas habilité. Personnellement, je souhaite, avec le secrétaire d'Etat à l'outre-mer,

M. Christian Paul, que nous puissions mettre en place, partout où c'est possible, le CAPES de créole. Bien entendu, nous devons faire en sorte que la Réunion puisse délivrer la licence dans des conditions de qualité.

En ce qui concerne le rattrapage du taux d'ancadrement dans les établissements de la Réunion, sachez que le principe qui nous gouverne est celui de l'équité entre la métropole et les départements d'outre-mer. L'effort déjà engagé sera donc poursuivi.

De même, les règles que nous allons adopter ce soir, complétées par la loi sur la résorption de la précarité que vous aurez à examiner, s'appliqueront pleinement dans votre département, ainsi que les mesures que nous serons appelés à prendre lorsque le Gouvernement aura délibéré sur l'avenir des aides éducateurs. Il n'y a donc aucune raison que la Réunion soit frappée d'une discrimination qui la tiendrait à l'écart des mesures nationales déjà prises ou en passe de l'être.

Mme la présidente.

Nous passons au groupe RPR, et à la dernière question.

La parole est à M. André Schneider.

M. André Schneider.

J'ai effectivement le redoutable honneur d'être le dernier intervenant. Il est donc à craindre que ma question n'ait déjà été posée par plusieurs de mes collègues ; elle porte sur les directeurs d'école et d'établissement du second degré.

Monsieur le ministre, dans les écoles du premier degré, le mécontentement des directeurs s'accentue de jour en jour. Vous l'avez dit vous-même, leur tâche est de plus en plus difficile. Leur responsabilité vis-à-vis de la hiérarchie, des parents d'élèves et des collectivités locales devient de plus en plus pesante. A la lourdeur des tâches administratives s'ajoute celle des heures de classe, car les décharges sont insuffisantes. Sans oublier que les directeurs doivent

« gérer » la violence à l'école.

Le malaise est profond et bien ancré : 4 500 directions vacantes cette année sur l'ensemble du territoire et, pour ne citer que mon département, le Bas-Rhin, 33 directions vacantes en maternelle, 59 en élémentaire. Le constat est grave.

J'avais déjà appelé, lors de l'examen du budget de l'enseignement scolaire de 1998, l'attention de votre prédécesseur sur ce problème. Les décharges et bonifications indiciaires des directeurs d'école du premier degré ne sont pas suffisamment attractives. En conséquence, on constate une diminution des candidatures et une désaffection croissante des personnels en place.

Aujourd'hui, devant l'urgence de la situation, vous avez constitué un groupe de travail sous la houlette de M. de Gaudemar, que je connais bien et dont je salue les compétences, afin qu'il vous fasse des propositions.

Certes, l'intention est louable, mais la carence en postes budgétaires que l'on peut constater dans le projet de budget pour 2001, pourtant en augmentation de près de 9 milliards de francs, ne laisse que bien peu d'espoir, car on ne pourra en aucun cas améliorer les décharges de direction.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Vous êtes d'un pessimisme excessif !

M. André Schneider.

Pour ce qui est des personnels de direction du second degré, le constat est largement identique. En outre, dans ces établissements, le problème de la violence prend parfois des aspects dramatiques.

Qu'en est-il de la mise en oeuvre du protocole d'accord relatif aux personnels de direction du second degré, qui devait être signé suite au rapport du recteur Blanchet ? Monsieur le ministre, quelles mesures d'urgence entendez-vous prendre en faveur des personnels de direction du premier et du second degré, afin de stopper l'hémorragie de candidatures et de donner aux courageux qui acceptent encore d'assumer ces fonctions des conditions d'exercice dignes et qui seraient à la hauteur des responsabilités qu'ils doivent assumer ?

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale.

Monsieur le député, j'ai déjà évoqué ce sujet, en répondant à p lusieurs de vos collègues.

La question n'est pas tout à fait la même pour les directeurs d'établissement du premier degré et pour ceux de second degré. Pour ces derniers, je dois signer jeudi prochain un protocole avec les organisations professionnelles concernées. La loi de finances, que vous allez peut-être voter dans un instant, comprend d'ailleurs des mesures particulières pour les personnels de direction - je crois même qu'elles figurent parmi les plus importantes mesures catégorielles de ce budget pour 2001, qui compte aussi quelques mesures pour les personnels ATOS. Si vous estimez qu'il faut les soutenir, ne manquez pas de voter ce budget ! (Sourires.)

M. Patrick Leroy.

Il ne peut pas faire autrement !

M. le ministre de l'éducation nationale.

Quant aux directeurs d'école, je vous ai déjà répondu. Cette question fait l'objet d'une négociation qui va s'ouvrir dans les prochains jours.

Mme la présidente.

Nous avons terminé les questions.

E

DUCATION NATIONALE

I. Enseignement scolaire

Mme la présidente.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Education nationale » : « I. - Enseignement scolaire ».

ÉTAT B Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III : 17 944 290 999 francs ;

« Titre IV : 845 164 652 francs. »

ÉTAT C Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles) TITRE V. INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 626 250 000 francs ;

« Crédits de paiement : 390 000 000 francs. »

TITRE VI. SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 160 540 000 francs ;

« Crédits de paiement : 83 780 000 francs. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 2000

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix le titre III.

(Le titre III est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix le titre IV.

(Le titre IV est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

Mme la présidente.

Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'éducation nationale concernant l'enseignement scolaire.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à une prochaine séance.

Mes chers collègues, je rappelle que la séance de demain matin a été supprimée en raison de la cérémonie qui aura lieu à la mémoire du président Jacques ChabanDelmas en l'église Saint-Louis-des-Invalides.

2 DÉPÔT D'UN RAPPORT

Mme la présidente.

J'ai reçu, le 13 novembre 2000, de M. Jérôme Lambert un rapport, no 2697, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en vue de la lecture définitive du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer (no 2690).

3 DÉPÔT D'UN AVIS

Mme la présidente.

J'ai reçu, le 13 novembre 2000, de Mme Nicole Feidt un avis, no 2698, présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur la proposition de loi, modifiée par le Sénat, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (no 2604).

4 ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente.

Mardi 14 novembre 2000, à quinze heures, première séance publique : Questions au Gouvernement.

A vingt et une heures, deuxième séance publique : Fixation de l'ordre du jour ; Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (no 2585) : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2624).

C ommunication ; lignes 40 et 41 de l'état E ; article 46 : M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 10 du rapport no 2624) ; M. Didier Mathus, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome IV de l'avis no 2625).

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

CONVOCATION RECTIFIÉE DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS La conférence, constituée conformément à l'article 48 dur èglement, précédemment convoquée pour le mardi 14 novembre 2000, à 10 heures, dans les salons de la Présidence, est avancée au mardi 14 novembre 2000, à 9 h 30.

Prix du numéro : 0,64 - 4,20 F Imprimerie, 26, rue Desaix, Paris (15e ). - Le préfet, Directeur des Journaux officiels : Jean-Paul BOLUFER 103000860-001100