page 08540page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. CLAUDE GAILLARD

1. Loi de finances pour 2001 (deuxième partie).

Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 8541).

OUTRE-MER M. François d'Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les départements d'outre-mer.

M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les départements d'outre-mer.

M. Philippe Auberger, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les territoires d'outre-mer.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les territoires d'outre-mer.

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour l'outre-mer.

MM. Henry Jean-Baptiste, Emile Vernaudon, Pierre Petit, François Asensi, Michel Tamaya, Dominique Bussereau, Gérard Grignon, Mme Huguette Bello,

MM. Philippe Chaulet, Ernest Moutoussamy, Daniel Marsin, André Thien Ah Koon.

Rappel au règlement (p. 8563)

M.

Henry Jean-Baptiste.

Reprise de la discussion (p. 8563)

M.

Elie Hoarau.

Suspension et reprise de la séance (p. 8563)

MM. Anicet Turinay, Léo Andy, Alfred Marie-Jeanne, Léon Bertrand.

Renvoi de la suite de la discussion budgétaire à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 8567).


page précédente page 08541page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. CLAUDE GAILLARD,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2001

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2585 et 2624).

OUTRE-MER

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan pour les départements d'outre-mer.

M. François d'Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2001 fixe le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer à 6,8 milliards de francs en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, ce qui représente une hausse de 7 % par rapport à l'année précédente. Contrairement au pic de l'année dernière où les crédits destinés aux DOM avaient augmenté de 13,8 %, ils retrouveront l'année prochaine le rythme de progression qui était le leur précédemment. Ce ralentissement est tout relatif puisque le budget des DOM est l'un des plus dynamiques, puisque les crédits du budget général ne croissent que de 1,8 %.

Avant de nous lancer dans le vif du sujet, il convient de regretter, ce n'est pas très nouveau, le caractère fortement éclaté de la discussion budgétaire sur les départements d'outre-mer.

Cet éclatement est lié au fait que les DOM relèvent au minimum de trois ministères différents. Une présentation des crédits en ordre dispersé n'aidera donc pas beaucoup à la transparence budgétaire qui fait souvent figure d'arlésienne dans cette enceinte. Seulement 10 % des crédits réservés aux DOM transitent en effet par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

Les 7 milliards de francs sur lesquels porte notre débat de ce matin n'offrent donc qu'une vision tronquée de la réalité des aides budgétaires et fiscales de l'Etat vers l'outre-mer. En effet, la totalité de l'effort budgétaire en faveur des DOM représente en réalité 45,2 milliards de francs, sans parler des dépenses fiscales prises en charge par Bercy dans le cadre du dispositif de défiscalisation et qui représenteront un montant supplémentaire de 10 milliards de francs en 2001.

En réalité, la politique en direction des DOM coûte beaucoup plus cher, il convient de le rappeler. Notre propos n'est pas de savoir s'il s'agit d'un bon budget parce qu'il est en augmentation, mais s'il donne des résultats sur le terrain. Or force est de constater que l'économie des DOM continue à stagner en dépit des milliards de francs injectés chaque année.

Les crédits en faveur des départements d'outre-mer s'inscrivent également dans une perspective particulière : la loi d'orientation pour l'outre-mer. Les ratés de la préparation du projet de loi, l'avalanche des niches fiscales en faveur de l'emploi font que l'Etat devra encore verser près de 30 milliards de francs sur sept ans. On le voit, l'Etat a du mal à enrayer, à stabiliser même la croissance des dépenses publiques destinées à l'outre-mer. Cette action procède davantage du saupoudrage que d'une politique cohérente.

En revanche, malgré une nouvelle augmentation substantielle des crédits, la volonté politique ne semble pas à la hauteur des enjeux. Ainsi, si ce rapport est avant tout budgétaire, il est impossible de ne pas y aborder l'ensemble des maux qui gangrènent les DOM et qui sont complètement laissés de côté par la loi d'orientation.

La recrudescence de l'immigration clandestine, la montée en puissance de la criminalité organisée, le trafic de drogues, l'impuissance de la justice, l'incurie du système pénitentiaire local sont autant de maux qui font des départements d'outre-mer des zones franches du droit alors que se développent parallèlement des économies souterraines fort lucratives.

En mettant bout à bout subventions et défiscalisations, les DOM sont sous constante perfusion. Ainsi l'ensemble des collectivités locales des départements d'outre-mer souffre, à de rares et souvent brèves exceptions près, d'une dépendance croissante des dotations de l'Etat, d'une part écrasante des dépenses de personnel parmi les dépenses de fonctionnement, et d'une faiblesse chronique de l'investissement. Les dépenses de personnel seront d'ailleurs accentuées si l'on prend en compte le projet de bidépartementalisation de la Réunion, encore non chiffré par le ministère, mais qui ressemble fort à une absurdité administrative.

M. Henry Jean-Baptiste.

Absolument !

M. François d'Aubert, rapporteur spécial.

Elle aboutira en effet à créer un nouveau pôle administratif dans le sud du pays alors que population et élus locaux sont plutôt hostiles à cette réforme.

Si le coût de la fonction publique atteint en métropole 406 francs par habitant, il en représente plus du double dans les départements d'outre-mer.

B ien que les productions agricoles des Antilles - banane, canne à sucre, rhum - soient relativement sinistrées, les départements d'outre-mer demeurent à


page précédente page 08542page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

l'écart de la dynamique de croissance connue en métropole. Le taux de chômage, encore élevé - entre 29 et 35 % de la population active - ne s'inverse pas.

Les départements d'outre-mer connaissent un déluge de crédits d'origine diverse, qui représentent, bon an, mal an, 57,5 milliards de francs, répartis entre les trois ministères, le dispositif de défiscalisation et les aides communautaires. Reste à savoir si les réalisations ont été à la mesure des efforts budgétaires.

Il semble que l'effort de l'Etat se borne à un traitement social du chômage qu'il accentue avec la création de nouveaux contrats aidés. La pérennité d'un chômage élevé et la fait qu'une fraction importante de la population bénéficie du RMI laissent à penser que la situation économique est loin de s'améliorer.

Après des débuts laborieux, la loi d'orientation prévoit une pléiade de crédits pour assurer au mieux l'avenir de l'outre-mer, mais en omettant des réformes indispensables.

La situation de l'emploi est très mauvaise dans les départements d'outre-mer. Alors que le taux de chômage atteignait en métropole 11,2 % en 1999 - il s'est encore amélioré depuis - les départements d'outre-mer connaissaient un taux de chômage compris entre 29 % et 35 % de la population active. Ce chiffre doit néanmoins être relativisé étant donné l'importance du travail au noir. Le rapport Fragonard de 1999 dénonçait à ce sujet « des services de contrôle démobilisés et des parquets frileux ».

Rien n'a été entamé pour remédier à cette situation.

L'emploi est la grande priorité de la loi d'orientation.

Elle prévoit notamment des systèmes d'exonérations de charges sociales pour les entreprises et des primes spécifiques à la création d'emplois pour un montant de 4 à 5 milliards de francs par an, ce qui représente entre 30 et 35 milliards de francs pendant sept ans.

Par ailleurs, le FEDOM, pris en charge par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, va être mis à forte contribution pour financer les priorités sociales de la loi d'orientation.

Ses crédits augmenteront de 26 % pour le financement de nouveaux emplois solidarité, d'emplois jeunes.

La question du RMI revêt une particulière acuité dans les départements d'outre-mer. Quand 16 % de la population locale pointent au RMI, il est loisible de parler d'économie d'assistance. La progression des bénéficiaires du RMI laisse d'ailleurs entrevoir un système largement fraudé. En effet, alors que le nombre d'allocataires diminue de 1,7 % en métropole, il augmente de 3,1 % dans les départements d'outre-mer. Le rapport Fragonard laissait entrevoir le caractère lacunaire des contrôles comme source élevée des fraudes au RMI. Une grande majorité des bénéficiaires exercent en réalité une ou plusieurs activités non déclarées. Ainsi le RMI constitue une sorte de rente, parfois indûment perçue. On aurait pu imaginer que la contrepartie à l'alignement du RMI dans les DOM serait un meilleur contrôle des bénéficiaires et une stricte sanction des fraudes en la matière, mais la loi d'orientation a omis cette question et laisse perdurer avec complaisance un système laxiste et sans contrôle.

La grande nouveauté prévue dans la loi d'orientation pour l'outre-mer est donc l'alignement du RMI versé dans les DOM sur le RMI métropolitain. Jusqu'à présent, le barème du RMI applicable dans les DOM était égal à 80 % du montant fixé en métropole. Ce type d'alignement, lié à la faiblesse relative du pouvoir d'achat dans les départements d'outre-mer, va accentuer les dérives existantes, telles que la progression anarchique du nombre de bénéficiaires et un certain gaspillage des fonds publics.

La situation du logement est toujours préoccupante. La pression démographique, confirmée par les résultats du dernier recensement, les difficultés liées à la viabilisation foncière, les ressources modestes des ménages et la situation financière délicate des collectivités locales constituent une sorte de cocktail de la crise du logement et de l'explosion sociale.

Le parc de logement est relativement réduit, ce qui provoque une inflation des loyers également nourrie par certains dispositifs comme les surrémunérations de la fonction publique, en particulier pour les fonctionnaires m étropolitains qui travaillent dans les départements d'outre-mer. Il est à peine croyable qu'un loyer à la Réunion dépasse le niveau d'un loyer de la région parisienne.

Dire que le logement est l'un des favoris du budget des départements d'outre-mer procède d'une illusion d'optique. En effet, l'augmentation des crédits destinés à la ligne budgétaire unique, la LBU, ne viendra que compenser la suppression progressive de la créance de proratisation qui accompagne l'alignement gradueldu RMI et dont une partie était consacrée au logement.

Enfin, la loi d'orientation, ainsi que le budget des départements d'outre-mer passent sous silence l'impuissance de l'Etat à remédier aux trafics de drogue, à l'immigration clandestine et à certaines pratiques financières douteuses. De nombreux problèmes sont en effet laissés en suspens.

Aujourd'hui, la justice est quasiment impuissante face au développement de la délinquance et de l'insécurité outre-mer. Les Antilles, situées au coeur des filières du trafic de cocaïne, tendent à devenir un lieu de consommation de drogue, en particulier de crack, drogue dure qui cause des ravages. Entre 1998 et 1999, les volumes de cocaïne saisis ont augmenté de 30 %. Dans l'ensemble des DOM, la consommation de drogue a également progressé de 30 %. Il est particulièrement inquiétant que les Antilles et la Guyane surtout, constituent une plaque tournante du trafic de drogue en direction de l'Europe.

L'immigration clandestine croise évidemment la route des trafics et tend à échapper à tout contrôle dans les DOM. La Guadeloupe, la Martinique et, surtout, la G uyane, sont très touchées. A Saint-Martin, sur 3 5 000 habitants, 8 000 sont étrangers, auxquels s'ajoutent 2 000 clandestins.

Il est incontestable que l'immigration clandestine prend de l'ampleur et s'étend à l'ensemble des DOM. Il est donc urgent de mettre tous les moyens nécessaires à la disposition des forces de l'ordre afin de la combattre. Elle alimente souvent les trafics, le climat d'insécurité dans les îles et les difficultés financières des collectivités locales, liées à la prise en charge sanitaire et sociale de ces populations généralement insolvables.

Quant à la criminalité organisée, elle progresse de près de 33 % d'une année sur l'autre. La gravité des délits croît également dans les DOM. A Cayenne, le nombre de cambriolages a doublé en un an.

La justice paraît aujourd'hui incapable de faire appliquer correctement les lois de la République. L'état du système pénitentiaire et les facilités à s'évader n'aident pas à prendre la justice au sérieux. En Guyane, les dysfonctionnements de la justice atteignent des sommets : sur 1 200 jugements rendus en correctionnelle, une vingtaine seulement ont été enregistrés et exécutée.


page précédente page 08543page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Quant à la gestion des fonds publics, certains scandales financiers donnent à penser qu'il existe de graves irrégularités. La mystérieuse disparition du fonds de garantie de la société de développement régional Antilles-Guyane, qui porte sur un montant de 4 milliards de francs, ou la gestion calamiteuse de l'office de tourisme de la Guadeloupe sur l'attribution de certains marchés, ou l'attitude des dirigeants du Crédit martiniquais dans sa débâcle financière et dans la détention d'un milliard de francs de créances douteuses sont des signes pour le moins inquiétants, et malheureusement assez généralement passés sous silence.

Les irrégularités constatées et l'impuissance relative de la justice dans les DOM ne doivent pas laisser la place au fatalisme. Il faut au contraire rétablir l'Etat de droit républicain dans les îles.

On le voit bien : la politique en faveur des départements d'outre-mer ne peut se limiter à déverser des crédits ou à délivrer des exonérations fiscales, sans que l'on prenne en compte l'efficacité de ces dispositifs, et sans que l'on s'attaque aux problèmes de criminalité organisée et de malversations qui gangrènent les DOM, car il s'agit de pratiques courantes, alors que la justice, faute de moyens, est impuissante. Autant de domaines dans lesquels des efforts devront être consentis au cours des prochaines années, monsieur le secrétaire d'Etat.

La commission des finances, malgré l'avis négatif de son rapporteur, a adopté le budget de l'outre-mer, en particulier, celui des départements d'outre-mer.

M. le président.

Je demande à chacun de bien vouloir respecter son temps de parole, car la liste des inscrits est longue. Nous pourrions ainsi gérer la discussion dans de bonnes conditions et de ne pas interrompre les derniers intervenants.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les départements d'outre-mer.

M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'année qui s'achève sera marquée, dans les départements d'outremer, par l'ampleur des réformes menées en matières institutionnelle, économique et sociale.

L'adoption définitive, en principe ce soir, de la loi d'orientation pour l'outre-mer, la réforme du dispositif d'aide fiscale à l'investissement, la mise en place d'un nouveau statut pour Mayotte, témoignent de la volonté, non seulement du Gouvernement et de sa majorité, mais aussi de l'ensemble de nos compatriotes des départements d'outre-mer et de leurs représentants, d'adapter et de moderniser le cadre dans lequel évoluent aujourd'hui les départements et collectivités territoriales d'outre-mer.

De la même façon, le projet de budget dont nous engageons la discussion ce matin démontre combien le Gouvernement se préoccupe de l'outre-mer. Avec une progression de près de 7 %, 6,94 % pour être précis, les crédits pour 2001 du secrétariat d'Etat à l'outre-mer bénéficient de l'une des plus fortes augmentations en pourcentage dans le projet de loi de finances pour 2001.

Néanmoins, comme une politique ne s'apprécie pas seulement, ni d'ailleurs réellement, à un instant précis, je tiens à souligner que, au cours des quatre exercices de 1998 à 2001 le budget de l'outre-mer aura connu une progression de près de 40 %, ce qui traduit concrètement le caractère prioritaire des actions mises en oeuvre pour l'outre-mer.

Ces actions découlent des choix opérés. A cet égard, le budget anticipe comme il se doit les mesures prévues par le projet de loi d'orientation qui lui incombent, les autres figurant dans les crédits d'autres départements ministériels.

Cela explique d'ailleurs en partie l'augmentation globale de ce budget, qui va s'élever à près de 7 milliards de francs.

Les priorités qui découlent des situations que nous connaissons et de la volonté politique de les prendre en compte sont, bien entendu, les actions que nous devons mener dans le domaine de l'emploi, de l'insertion, du logement, mais traduisent aussi le rôle croissant du secrétariat d'Etat dans l'accompagnement de l'action sociale et dans le développement de la politique culturelle.

Les récentes signatures des contrats de plan, donnant des obligations à l'Etat, sont traduites dans ce budget par des financements incombant à l'Etat. Faut-il rappeler les préoccupations particulières que nous devons prendre en compte dans toute la politique que nous conduisons pour l'outre-mer ? Bien entendu, en premier lieu, nous sommes toujours interpellés par les taux de chômage dont souffrent les départements d'outre-mer, mais nous devons aussi saluer le dynamisme dont ils font preuve en matière de création d'emplois et d'activité, avec un taux supérieur à la moyenne nationale, la situation du chômage découlant en partie de la situation démographique très différente que nous connaissons outre-mer.

M. Henry Jean-Baptiste.

Très bien !

M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis.

Aussi, ne devons-nous pas nous laisser aller aux idées reçues. Il n'y a pas de fatalité frappant nos compatriotes d'outre-mer.

Ce sont des hommes et des femmes largement entreprenants, doués de beaucoup d'énergie et de créativité, nous devons adapter les moyens une situation particulière, qui ne doit pas être considérée comme inéluctable, bien au contraire ! Ces moyens font partie des réformes entreprises, que ce soit dans la loi d'orientation ou dans la loi de finances.

La loi d'orientation et la réforme de l'as de fiscale à l'investissement misent sur ce dynamisme économique et p roposent aux entreprises et aux entrepreneurs des mesures d'une ampleur inégalée. Elles s'accompagnent d'actions de solidarité destinées aux plus démunis, telles que l'alignement du niveau du RMI sur le niveau métropolitain. Elles ont également l'originalité, et même l'obligationde ne pas dissocier l'économie des considérations d'ordre institutionnel.

Le projet de finances pour 2001 qu'il nous est proposé d'examiner aujourd'hui traduit fidèlement les choix opérés par le législateur, car le secrétariat d'Etat se voit doté des moyens d'intervention nécessaires aux actions de grande ambition prévues dans la loi d'orientation.

L'urgence qui s'attache à ces mesures est réelle. L'amélioration, timide pour le moment, de la situation économ ique observée dans les départements d'outre-mer contraste avec un climat social qui demeure toujours difficile et qui doit être apaisé pour permettre un bien meilleur développement.

Je n'ai pas souhaité, dans cette intervention, faire état d'un grand nombre de données chiffrées. D'autres s'en sont déjà chargés et s'en chargeront, M. le secrétaire


page précédente page 08544page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

d'Etat nous a parfaitement présenté son budget la semaine dernière en commission, et je pense que nous allons de nouveau l'entendre sur cette question. Je tiens d'ailleurs à souligner l'excellent climat relationnel que M. Paul a su d'entrée établir entre lui, ses collaborateurs et tous ceux qui travaillent ici à l'Assemblée pour la prise en compte de l'outre-mer.

Je veux tout de même énoncer un chiffre avant de conclure. Nous savons que les crédits affectés au secrétariat d'Etat à l'outre-mer ne reflètent que très partiellement l'action de l'Etat outre-mer. L'ensemble des dotations affectées au secrétariat d'Etat n'occupe en fait qu'une place modeste par rapport à celle de ministères contributeurs tels que le ministère de l'éducation nationale - encore récemment, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez présenté avec M. le ministre de l'éducation nationale la réflexion en cours en ce domaine -, mais aussi le ministère de l'emploi et de la solidarité, celui de l'intérieur et de nombreux autres.

Quand on examine l'ensemble des moyens en faveur des départements et collectivités d'outre-mer, on se rend compte alors que les actions du secrétariat d'Etat représentent 11 % de l'effort de la nation. Il faut donc pratiquement multiplier par dix le budget de votre secrétariat d'Etat pour apprécier les moyens mis en oeuvre en faveur du développement de l'outre-mer.

Pour toutes ces raisons et pour d'autres que vous trouverez dans mon rapport, la commission des lois, qui a examiné votre budget, propose à notre assemblée de l'adopter, en souhaitant que tous les espoirs que nous mettons dans la politique ambitieuse que nous conduisons soient accompagnés des réussites que nos compatriotes de l'outre-mer méritent et qu'ils sauront saisir pour prendre en charge leur avenir. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les territoires d'outre-mer.

M. Philippe Auberger, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, incontestablement, le budget de l'outre-mer p rogresse cette année, de 6,94 % très exactement, l'ensemble des crédits passant de 6 373 millions à 6 815 millions. Pour les territoires d'outre-mer, les crédits ordinaires et les crédits de paiement s'élèvent à 1 380 millions de francs et les autorisations de programme progressent de près de 100 millions de francs.

Les moyens consacrés à l'outre-mer, administration centrale et services déconcentrés, sont évalués à 655 millions de francs, dont 556 millions pour le personnel.

Hors emplois du service militaire adapté, les emplois budgétaires passent de 2 153 à 2 172, soit dix-neuf emplois supplémentaires, et soixante-dix-sept emplois sont transformés.

Je bornerai mes observations à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie, Victor Brial parlera de Wallis-et-Futuna.

En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, dans les service de l'Etat, on note d'abord la création de soixante et un emplois de fonctionnaires d'Etat, en contrepartie de la suppression d'emplois d'agents territoriaux, cinq postes supplémentaires étant créés. Il y a aussi une revalorisation des crédits de fonctionnement et d'équipement dans le cadre du transfert des compétences.

Ce sont surtout les effets administratifs du changement institutionnel qui doivent retenir notre attention : les accords de Nouméa du 5 mai 1998 et la loi organique du 19 mars 1999.

A la suite d'un transfert de compétences pour le commerce extérieur, l'inspection du travail, l'enseignement primaire public, la jeunesse et les sports, le service des mines et de l'énergie, il est provisionné au titre de la dotation globale de compensation un crédit de 10,7 millions de francs en 2001.

La dotation globale de fonctionnement est versée aux provinces depuis l'année dernière. Dans le budget 2000, elle était essentiellement financée par des transferts du budget de l'emploi et de la solidarité au titre de la santé, de l'aide aux personnes âgées et des personnes handicapées, et du budget de l'enseignement scolaire - enseignement primaire public et dotation spécifique collège. En 2001, il est prévu un montant de 407 millions de francs, en progression de 3,4 % comme la DGF métropolitaine.

Enfin, une dotation globale de construction et d'équipement des collèges est créée, elle atteint 52,8 millions de francs.

Les contrats de développement viennent d'être mis en place et vont entraîner un engagement de l'Etat de 2 218 milliards de francs, dont 1,6 milliard de francs au budget de l'outre-mer.

On constate donc que de gros efforts sont réalisés pour la Nouvelle-Calédonie, dans le respect strict des engagements pris en 1998.

Ce qui motive quelques observations, c'est d'abord la c onjoncture économique. Elle est satisfaisante, avec notamment le redressement du cours du nickel, mais la fréquentation touristique est à la baisse, et pose notamment le problème de la desserte aérienne du territoire. Il y a également les effets de la crise économique au Japon.

L'année dernière, j'avais orienté mon rapport sur le problème des mines. Certaines observations avaient été faites sur le problème de l'échange des terrains pour la mise en valeur du Koniambo, 1 milliard de francs d'indemnité ayant été versés par l'Etat à la SNL et à ERAMET, via l'Agence française de développement. Ces observations viennent d'ailleurs d'être confirmées par un récent rapport de la Cour des comptes demandé par le président de notre Assemblée.

Depuis, 1 milliard de francs ont été inscrits au collectif de la fin de l'année 1999 pour permettre l'achat par les provinces d'une participation de 5,6 % dans ERAMET et de 30 % dans la SLN. Cet accord a néanmoins été très long à être appliqué. Il a fallu attendre sept mois après le vote du collectif pour mettre en place la fameuse STCPI, la Société territoriale calédonienne de participation industrielle, qui recueille ces participations, alors qu'on nous annonçait que c'était imminent. Cet accord est d'ailleurs assez compliqué puisqu'il distingue la participation en capital et la distribution des dividendes.

Néanmoins, une question subsiste. La province du Nord, via la SMSP, qui n'a qu'une expérience métallurgique et une surface financière limitées, pourra-t-elle poursuivre le projet du Koniambo et suivre les projets de développement de la SLN, d'autant plus que le projet Inco dans le sud, à Goro, se développe normalement et qu'un quatrième projet apparaît, celui du consortium Ballande Phelps.

En ce qui concerne la Polynésie, nous aurons surtout consacré notre temps cette année à l'examen de la convention du 25 juillet 1996, qui prévoit le maintien des flux financiers - recettes de nature douanière et


page précédente page 08545page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

dépenses ayant un impact sur le territoire - qui résultaient de l'activité du centre d'expérimentation nucléaire du Pacifique.

L'Etat s'est engagé, à hauteur de 990 millions de francs. Les crédits correspondants sont inscrits au chapitre 66-50, article 21, du budget de la défense, cela représente actuellement un flux d'opérations de l'ordre de 600 à 650 millions de francs pour le fonds de reconversion économique du Pacifique.

Je me suis rendu sur le territoire du 15 au 23 juillet dernier pour examiner précisément l'utilisation des crédits de ce fonds, et j'ai pu constater que 1 312 millions étaient déjà engagés à ce titre. Une commission mixte

Etat-territoire a été mise en place et le statut du délégué à la reconversion est en train d'être clarifié. Jusqu'à présent, c'était assez bizarroïde.

Les dépenses à ce titre concernent essentiellement l'aide à l'emploi, pour 275 millions de francs, le logement social, pour 440 millions de francs, la construction d'un port en eau profonde à Uturoa, pour 185 millions de francs, et une route dans une des îles des Marquises, pour 109 millions de francs.

Les principales observations qu'on peut faire, et qui sont importantes compte tenu de l'ampleur des crédits, c'est d'abord qu'il n'y a pas d'études préalables des effets économiques de la dépense. Il y a simplement un effort d'évaluation en cours pour l'aide à l'emploi et le logement social. Dans ces conditions, il est difficile de dire si les investissements atteindront bien leurs objectifs en matière économique et permettront une reconversion effective du territoire.

Par ailleurs, il y a une certaine hésitation sur le taux de subvention des opérations. S'il est vrai que les collectivités locales n'ont pas les moyens de participer financièrement à ces opérations, qui sont lourdes, le territoire devrait pouvoir s'engager de façon significative et le taux limite de 80 % de subventionnement par l'Etat paraît devoir être maintenu.

Devrait également être mieux assurée la coordination entre le territoire et les communes sur ces projets. C'est le territoire qui a la maîtrise d'ouvrage, mais il ne peut pas réaliser ces projets sans un accord plein et entier des communes. Or cela ne semble pas être le cas, notamment en ce qui concerne le port en eau profonde d'Uturoa.

Le territoire a tendance à tirer la couverture à lui, si j'ose dire, en faisant croire qu'il est à l'origine de ces ressources et qu'il est entièrement maître de leur utilisation.

Il semble que ce soit un abus. Il serait hautement souhaitable qu'il y ait une information correcte à ce sujet, y compris sur les chantiers, et l'Etat devrait y veiller.

Enfin, la chambre régionale des comptes n'est pas encore véritablement opérationnelle. Elle a été créée, comme vous le savez, par la loi organique de 1999. Elle devrait très rapidement se mettre au travail et examiner notamment ces opérations et la passation des marchés correspondants.

En conclusion, il faut reconnaître que, aussi bien pour la Nouvelle-Calédonie que pour la Polynésie, l'Etat français fait de gros effort pour la mise en valeur de ces territoires, leur équipement, leur développement économique, et assure les fonctions essentielles. En outre, l'avenir de l'aide fiscale à l'investissement, ex-loi Pons, vient d'être assuré pour les cinq prochaines années en vertu d'une disposition votée dans la première partie de la loi de finances pour 2001, dans des conditions satisfaisantes pour les pays et territoires d'outre-mer, qui pourront assez largement en profiter, notamment en ce qui concerne les investissements hôteliers.

Dans ces conditions, la commission des finances, à la majorité, a approuvé ce projet de budget. (Applaudissements sur de nombreux bancs).

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République pour les territoires d'outre-mer.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, monsieur le sécrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vais essayer d'être bref, moi aussi, pour ne pas paraphraser le rapport.

Comme il vient d'être dit, l'effort de l'Etat en faveur des territoires d'outre-mer est considérable. Il ne saurait, bien entendu, se résumer à votre seul budget, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque les dépenses inscrites au titre du secrétariat d'Etat représentent environ 1,38 milliard de francs pour cette année, comme d'ailleurs à peu près pour l'an 2000, puisque la progression est de 0,4 %, alors que l'ensemble de l'effort financier et budgétaire de l'Etat est en hausse de 0,75 % et représente un montant de 11,5 milliards à peu de choses près.

Le fait que ces crédits soient extrêmement importants montre bien que l'Etat poursuit son effort en faveur des territoires, honore ses engagements et permet, notamment en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, que les contrats en cours soient honorés et se mettent en oeuvre. Cela vient d'être souligné également par Philippe Auberger.

Je voudrais néanmoins faire une remarque sur la difficulté que nous éprouvons tous chaque année à faire des comparaisons et à suivre l'effort de l'Etat, parce que cet effort est réparti entre de très nombreux ministères, mais également parce que les agrégats présentés dans les documents qui sont à notre disposition ont été modifiés. Evidemment, les comparaisons d'année en année se trouvent un peu compliquées.

L'élément essentiel qu'il faut retirer de l'analyse de votre budget en ce qui concerne les TOM, c'est que les contrats sont honorés, c'est l'essentiel, et que l'évolution de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie se poursuit avec l'aide de l'Etat.

En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, l'effort de développement est porté par les provinces et le territoire, et il faut prêter une grande attention à ce que l'ensemble des provinces puissent se développer de manière harmonieuse. Quand on regarde la répartition de l'effort public, c'est bien ce qui se produit, mais il ne faut pas relâcher notre attention, notamment en ce qui concerne la capacité des hommes, pour suivre l'effort réalisé en termes de formation, pour que les provinces disposent d'un encadrement compétent, leur permettant de mettre en oeuvre avec la plus grande efficacité les moyens mis à leur disposition.

En ce qui concerne la Polynésie, je rejoindrai en partie l'analyse qui vient d'être faite par Philippe Auberger. Le territoire n'est pas seul en Polynésie. Le territoire est une entité composée d'archipels très variés, très divers. Dans cette même assemblée, il n'y a pas si longtemps, quand nous parlions du mode de scrutin pour l'élection à l'assemblée territoriale, cette diversité nous était rappelée avec force.


page précédente page 08546page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Cette diversité est portée également par les communes de Polynésie, qui doivent être des acteurs à part entière du développement local. De ce point de vue, je pense qu'aussi bien au niveau de leur organisation que de leur mode de représentation, ou de leur financement, nous avons tout à gagner à ce que ces communes se renforcent, et prennent toute leur place dans le dispositif comme partenaires du territoire, pour mettre en oeuvre les moyens publics d'une manière harmonieuse, avec l'accord de la population.

S'agissant tout particulièrement de la Polynésie, l'effort considérable de l'Etat qui fait suite à la cessation des activités du CEP doit s'accompagner d'une évaluation permanente de la pertinence des investissements et d'un contrôle des modalités selon lesquelles les crédits sont mis en oeuvre. Le contrôle n'est nullement un signe de défiance, il peut au contraire nourrir la confiance dans les rapports entre le territoire, les communes et l'Etat, et je pense que nous avons des progrès à faire en cette matière.

Il faut poursuivre cet effort de contrôle et d'évaluation.

M. Henry Jean-Baptiste.

Très bien !

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis.

Un mot enfin, concernant le plus petit des territoires du Pacifique, ou du moins des territoires peuplés : Wallis-etFutuna. Là, comme ailleurs, en ce qui concerne la mise en oeuvre des crédits de l'Etat, il y a un régime de contrat avec l'Etat, régime qui fonctionne. En revanche, sur le plan institutionnel, alors que la Nouvelle-Calédonie poursuit son processus, et alors que la Polynésie française, si elle a vu son processus s'interrompre pour des raisons conjoncturelles, a néanmoins acquis une très large autonomie, avec un statut revisité et modernisé, Wallis-etFutuna continue de vivre sous un statut fort ancien.

Votre prédécesseur, monsieur le secrétaire d'Etat, avait fait une ouverture en suggérant qu'un groupe de travail puisse réfléchir localement, à partir des conceptions et des réflexions des élus de Wallis-et-Futuna. Cela n'a pas, pour l'instant, produit les effets qu'on pouvait attendre.

Je souligne par ailleurs que la question des rapports entre le territoire de Wallis et la Nouvelle-Calédonie est au coeur des préoccupations des habitants de Wallis-etFutuna, mais également des habitants de la NouvelleCalédonie originaires de cet archipel.

Telles sont les trois remarques particulières que je voulais faire sur les trois principaux territoires concernés par ce budget, en soulignant, encore une fois, l'importance des moyens de l'Etat, qui donnent à ces territoires la possibilité de s'inscrire dans leur univers géographique, en développant, comme leur statut le leur permet, des relations dans le Pacifique. C'est là quelque chose de très important.

Il nous faut bien comprendre que si, par rapport à l'augmentation considérable de l'ensemble des crédits de votre secrétariat d'Etat, celle des crédits concernant les territoires d'outre-mer est plus modeste, c'est tout simplement parce que, depuis de nombreuses années et conformément aux contrats qui ont été passés avec l'Etat, l'effort consenti se situe à un niveau extrêmement élevé.

Cet effort se maintient, et il faudra le poursuivre, avec toujours le souci d'évaluer et de contrôler.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henry Jean-Baptiste.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour l'outre-mer.

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le secrétaire d'Etat, au moment où s'engage la discussion du budget de l'outre-mer pour 2001, je voudrais rendre hommage à votre prédécesseur, et aussi à la manière dont vous avez assumé votre responsabilité. Je pense en particulier au fait que la loi d'orientation, dont nous attendons avec impatience la promulgation, n'a connu aucun retard du fait du changement de responsable à la rue Oudinot.

L'an dernier, à la même époque, nous étions devront des chantiers ouverts dont nous ne savions pas s'ils seraient menés à terme. Il y avait la discussion sur les fonds structurels européens et leur évolution par rapport à l'objectif 1 dont bénéficient les départements d'outremer, aujourd'hui régions ultra-périphériques. Il y avait la détermination des crédits des contrats de Plan Etatrégions, ou Etat-départements. Il y avait la discussion de la loi d'orientation. Il y avait l'incertitude les dispositions de la loi de finances concernant ce que l'on appelait communément la loi Pons.

Ces chantiers ont été menés à bien. Dans la première partie de la loi de finances que nous avons votée, un article 12 a déterminé les conditions du nouveau dispositif de défiscalisation. Et j'ai noté que les socioprofessionnels, qui avaient été des ardents défenseurs du dispositif précédent et avaient montré de manière constante leur inquiétude face à l'orientation que prenait le débat sur le devenir du dispositif de défiscalisation, ont manifesté, à quelques exceptions près, leur satisfaction devant le nouveau dispositif. Je voudrais seulement souligner l'inquiétude qui demeure chez les opérateurs de défiscalisation quant aux difficultés qu'ils vont rencontrer pour mener à bien les opérations de petite défiscalisation, compte tenu des nouvelles dispositions de la loi.

Monsieur le secrétaire d'Etat, l'examen du budget de l'outre-mer pour 2001 s'inscrit dans un contexte particulier, puisque dans quelques heures la loi d'orientation sera votée. Cette loi est attendue avec impatience, pour l'ensemble de ses dispositions. Et s'il est vrai que nous n'allons pas, au détour d'un avis budgétaire, faire un récapitulatif de ces dispositions, nous voudrions souligner combien la cohérence de la politique gouvernementale apparaît nettement entre les dispositions budgétaires proposées et cette loi d'orientation. En particulier, la réduction de la créance de proratisation, dans le but d'une réalisation attendue et nécessaire de l'égalité du RMI dans les meilleurs délais, figure dans ce projet de budget, 250 millions de francs venant compenser la diminution de la créance de proratisation pour sa partie consacrée au logement. Il y a également une compensation pour la partie consacrée aux agences d'insertion. Vous avez également, au titre des dispositions prévues par la loi d'orientation, le financement du fonds d'échange sportif et culturel, ainsi que le financement du fonds de coopération régionale. A cet égard, je voudrais souligner que la population de Mayotte revendique légitimement le bénéfice de cette dernière disposition.

M. Henry Jean-Baptiste.

Très bien !

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis.

S'il est un territoire de la République où les problèmes de la relation avec les voisins dans le cadre de la coopération régionale vont se poser avec acuité dans les années qui viennent, c'est bien Mayotte.

M. Henry Jean-Baptiste.

C'est pour cela qu'il faut appliquer le fonds de coopération régionale, comme je vous l'avais demandé, monsieur le secrétaire d'Etat.


page précédente page 08547page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis.

Monsieur le secrétaire d'Etat, dans votre projet de budget, nous retiendrons bien entendu l'effort consacré au fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer. Le FEDOM résume l'intégralité des interventions de votre ministère pour aider au développement de l'emploi, qu'il s'agisse des emplois du secteur marchand, ou des emplois de l'économie alternative, comme on l'appelle quelquefois.

On ne peut pas ne pas souligner l'ampleur que prend aujourd'hui le FEDOM, on ne peut pas ne pas souligner qu'entre les contrats emploi-solidarité, les contrats d'insertion par l'activité, les contrats de retour à l'emploi et le nouveau dispositif d'emplois-jeunes, ce sont des dizaines et des dizaines de milliers de chômeurs, jeunes pour la plupart, qui retrouvent un petit espoir.

Bien sûr, on ne dira pas qu'avec cela tout est réglé.

Mais je tiens à préciser ici que le dynamisme économique de nos départements d'outre-mer devrait faire des envieux parmi un certain nombre de nos collègues représentant certaines régions françaises.

M. Henry Jean-Baptiste.

Très juste !

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis.

Et ils devraient s'abstenir de jeter la pierre à nos populations, de nous faire croire qu'elles se complaisent dans l'assistance. Pourquoi ce qui est le droit en métropole serait l'assistance dans les départements et territoires d'outre-mer ? Pourquoi cette insulte permanente aux populations les plus pauvres de nos pays ? La fraude, elle, n'existerait que dans les départements d'outre-mer, et pas en métropole. Et parce que quelques dérives ont été découvertes ici ou là, on dira : eh bien, prenons le temps pour réaliser l'égalité du RMI ! Cela n'est pas acceptable, monsieur le secrétaire d'Etat. Vous le savez, les populations de nos départements attendent une nouvelle avancée vers la réalisation de l'égalité du RMI.

Si nous vous donnons acte que le financement d'une première étape de rattrapage est prévu dans votre budget, nous tenons à dire avec force que cet effort doit être rapidement complété. Nous ne saurions laisser se maintenir au-delà de cette législature cette inégalité sociale qui perdure maintenant depuis 1988.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais aborder maintenant un problème qui reste comme une épine profondément enfoncée dans le pied de nos populations : il s'agit d'une injustice sociale inacceptable, je veux parler de la situation des travailleurs communaux des départements d'outre-mer. Nous avons entendu hier, lors d'une réunion de travail avec le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, M. Sapin, que 10 000 travailleurs des collectivités territoriales métropolitains étaient en situation de précarité, 10 000 pour 60 millions d'habitants. A la Réunion, ils sont 13 000 pour 700 000 habitants ! Est-il admissible, mes chers collègues, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'un employé communal d'une grande commune de l'Est - mais c'est le cas d'un grand nombre de Réunionnais -, récemment nommé régisseur des cantines, puisse vous montrer sa feuille de paie avec 5 617 francs ? Et comment admettre qu'au gré de tel ou tel maire, des travailleurs d'une ancienneté infiniment moindre puissent, eux, être titularisés avec 9 000 ou 10 000 francs de rémunération ? Cette injustice doit cesser. Nous déposons un amendement au projet de loi Sapin, monsieur le secrétaire d'Etat. Nous vous demandons de l'examiner avec attention. Faites en sorte qu'il ne nous soit pas opposé un refus, parce que personne ne comprendra que le Gouvernement ne contribue pas, à sa manière et en dialogue avec nous, à la solution de ce problème.

S'agissant du territoire de Mayotte, je voudrais souligner l'avancée institutionnelle intervenue dans la dernière période et qui répondait, partiellement au moins, à l'attente des populations.

M. Henry Jean-Baptiste.

Partiellement !

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis.

Nous espérons que cela va conduire, et je crois que cela commence déjà à apparaître dans les décisions budgétaires, à un effort significatif de l'Etat pour le rattrapage d'un certain nombre de retards, retards que tout le monde souligne.

Cette avancée institutionnelle aura une conséquence : les contradictions vont s'accentuer entre les populations de Mayotte et celles des trois îles des Comores qui l'environnent. Nous éviterons de graves problèmes si le Gouvernement porte une attention particulière à l'aide qu'il peut apporter aux autres îles dans le cadre de sa politique de coopération.

M. Henry Jean-Baptiste.

Très juste !

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis.

Quant à la Nouvelle-Calédonie, malgré une économie encore trop dépendante du nickel, elle a connu une situation économique favorable en 1999 et 2000, notamment en raison de la hausse du cours du nickel, qui a doublé entre décembre 1998 et décembre 1999. Les grands projets économiques laissent quelque espoir de voir ce secteur d'activité se développer encore. Dans l'ensemble, une certaine sérénité s'est installée, qui va sans doute aider à la solution des problèmes politiques qui restent sous-jacents.

S'agissant de la Polynésie, nos rapporteurs ont souligné l'effort accompli, et je n'y reviendrai pas. J'ajouterai seulement que ces efforts resteraient vains si la communauté nationale, avec les outils qui sont les siens, n'était pas d'une grande vigilance sur l'utilisation des fonds et sur le f onctionnement démocratique des institutions. Nous aurons l'occasion d'en reparler, mais il fallait le dire.

Mettre des sous, c'est bien sûr la responsabilité de la nation, mais celle-ci doit également veiller à ce que ces fonds soient utilisés au mieux, c'est-à-dire pour le mieuxêtre des populations, lequel passe par le développement économique par la stabilité des institutions, par la vie démocratique réelle, et non par diverses formes de trafics qui faussent quotidiennement le débat démocratique.

M. le président.

Monsieur le rapporteur pour avis...

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je voulais, pour terminer, vous dire que loi d'orientation et budget vont de pair cette année. Nous vous donnons acte des dispositions que vous nous proposez, et la commission de la production et des échanges a donné un avis favorable, que je transmets à notre assemblée, pour que le budget de votre ministère soit adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Je remercie l'ensemble des rapporteurs d'avoir fait l'effort de respecter globalement leur temps de parole.

La parole est à M. Henry Jean-Baptiste.

M. Henry Jean-Baptiste.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il est clair, depuis longtemps, que l'examen du projet de loi de finances aujourd'hui soumis à notre assemblée va au-delà, bien au-delà du vote - quelque peu rituel - des crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.


page précédente page 08548page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Certes, ce budget de 6,8 milliards de francs - en progression de 6,94 % par rapport à l'exercice précédent ne représente, chacun le sait, que 11 % à 12 % environ des crédits publics destinés à nos départements, territoires et collectivités d'outre-mer. Mais nous savons aussi, par une expérience déjà ancienne, que ces moyens d'intervention du secrétariat d'Etat à l'outre-mer lui permettent d'exercer, quoi qu'en pensent certains, une fonction utile d'impulsion et de coordination, d'entraînement et de complément au niveau interministériel ou à l'occasion de l'exercice parfois délicat, souvent laborieux, des arbitrages financiers.

Mais surtout, la discussion et le vote de ce projet de loi de finances sont devenus l'occasion, encore trop rare, d'une réflexion d'ensemble sur la situation et les perspectives de l'outre-mer français comme sur nos priorités respectives.

Il est vrai que le Parlement examine aujourd'hui même, dans notre assemblée, en dernière lecture, la loi d'orientation applicable aux DOM et à Saint-Pierre-etMiquelon, et que nous serons saisis, dans quelques semaines, nous dit-on, du projet de loi statutaire créant la

« collectivité départementale » de Mayotte. Il apparaît ainsi que l'on s'achemine dans l'outre-mer vers une « évol ution institutionnelle différenciée » répondant aux besoins conjugués d'identité et de responsabilité locales, comme à la diversité de nos aspirations et de nos projets.

Cette évolution est à mon avis tout à fait légitime.

Encore faut-il - et je tiens à le dire au nom de l'UDF que le fameux pacte républicain, fait de disciplines collectives autant que de droits et de devoirs individuels, soit admis et respecté par tous comme une exigence fondamentale.

Ce pacte républicain est aussi à nos yeux, la garantie la plus sûre d'une solidarité nationale bien comprise et non à fonds perdus, comme certains le disent. En effet, malgré toutes nos spécificités, réelles ou supposées, l'outremer reste confronté aux mêmes défis du développement.

Les enjeux sont à peu près identiques : emploi, éducation, formation professionnelle, accès à la modernité.

C'est en fonction de ces contraintes, de ces attentes et des impatiences qui en résultent localement, qu'il faut apprécier la politique budgétaire du Gouvernement et répondre aux questions posées par ce projet de loi de finances. Comment améliorer en termes de développement, l'efficacité de la dépense publique, dont nous connaissons tous le rôle moteur dans les économies d'outre-mer ? Comment cette loi de finances peut-elle accompagner les évolutions institutionnelles en cours ? Il a été question ces temps derniers de l'avenir institut ionnel de Mayotte. Les problèmes statutaires de Mayotte, on l'a dit, seront très prochainement évoqués devant le Parlement. C'est pourquoi je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, sur ce premier budget que vous nous présentez, m'en tenir à une approche pragmatiquee t concrète des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. C'est dans cet esprit que je ferai simplement trois observations assorties de plusieurs suggestions.

L'une de vos premières décisions, monsieur le secrétaire d'Etat, a consisté à modifier très sensiblement, et je m'en réjouis, le montant des crédits de construction et d'équipement des établissements scolaires du deuxième degré à Mayotte. Vous avez en effet annoncé lors d'une conférence de presse avec le ministre de l'éducation qu'à la dotation initiale de 500 millions de francs s'ajoutent une dotation exceptionnelle de 681 millions pour cinq ans.

Par cette décision, la ligne de crédits a plus que doublé.

Ce n'est donc pas simplement une de ces rallonges de crédits dont nous avons tous l'habitude. Il s'agit du domaine de l'éducation, que la présentation de votre budget considère à juste titre comme « une priorité marquée », et dont les besoins sont évalués à partir de statistiques démographiques à peu près sûres et sans surprise.

Tous les élus mahorais se sont félicités de cette mesure de réajustement que nous avions fortement réclamée et dont le mérite revient également, je tiens à la dire, au travail des administrations locales ainsi qu'à une mission dépêchée sur place, de Paris, par l'éducation nationale.

Votre décision - bienvenue, je le répète - ne sera évidemment pas sans incidences sur les prochains budgets, mais, d'ores et déjà, elle permet de dénoncer et de mettre en cause implicitement une pratique fréquente, que nous déplorons à Mayotte, de sous-évaluation de nos besoins et de nos retards et, par conséquent, des rattrapages nécessaires.

C hacun comprend là-bas que de tels rattrapages doivent s'inscrire dans la durée, mais je crois qu'il serait temps, monsieur le secrétaire d'Etat, de renoncer à ces sous-estimations quasi systématiques qui créent sur place de multiples distorsions, engendrant des malentendus, tout en retardant un peu plus la recherche des solutions.

Je tiens à souligner que, cette année, pour la première fois, la quasi-totalité des jeunes Mahorais est scolarisée, alors que le taux de scolarisation n'était que de 20 % en 1976. C'est dire que cet effort était bienvenu et qu'il donne d'ores et déjà dans ce domaine des résultats probants.

L'autre impératif, que je me borne à rappeler, concerne la régulation de la dépense publique et, très précisément, la régularité des délégations de crédits, laquelle est pré férable aux ruptures et aux « à-coups » de flux financiers qui pénalisent lourdement les entreprises mahoraises. Ces dernières connaissent aujourd'hui des risques graves de débrayage et de licenciement. C'est d'ailleurs pourquoi je considère qu'il est urgent de prendre des mesures permettant de relancer l'activité, notamment dans le BTP.

Ma deuxième observation sur ce budget pour 2001 est de portée plus générale. Elle concerne la LBU, qui, depuis 1986, regroupe tous les financements destinés au logement et qui permet la mise en oeuvre d'une véritable politique de l'habitat.

A l'origine, la LBU était l'application au cas particulier du ministère de l'équipement et du logement d'une politique générale visant à impliquer les ministères techniques d ans les actions de développement des collectivités d'outre-mer. Depuis 1994, la gestion de ces crédits a été enlevée au ministère de l'équipement pour être confiée au budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, et plus précisément au chapitre 65-01, qui affiche, pour 2001, une augmentation de plus de 20 % en autorisations de programme, ce dont je me réjouis.

J'ai eu l'occasion, à cette même tribune, de souhaiter que, pour assurer une gestion rationnelle et dynamique de ces crédits, le secrétariat à l'outre-mer décide de reconstituer cette capacité d'expertise technique, financière et foncière que nous trouvions autrefois au ministère de l'équipement et du logement.

Je réitère cette suggestion avec d'autant plus de force que la mise en oeuvre et la gestion de la LBU doivent aujourd'hui franchir une étape nouvelle dans le sens de la décentralisation des programmes de construction de logements. Cette proposition m'est inspirée directement par ma longue expérience à la tête de la société immobilière de Mayotte. Il est en effet devenu urgent de mieux


page précédente page 08549page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

prendre en compte les problématiques locales dans la politique du logement et de l'habitat. Certes, les besoins quantitatifs restent forts, notamment à Mayotte à cause de la pression démographique, mais ils se posent de plus en plus en termes de qualité du logement, de confort de l'habitat.

De même, il est plus que jamais nécessaire, pour d'évidentes raisons d'équilibre socio-économique, de mieux associer les petits artisans mahorais à l'activité du secteur du BTP.

Il faut, par conséquent, j'y insiste, introduire dans la programmation des crédits de la LBU une large décentralisation : au secrétariat d'Etat, la répartition inter-DOM ou entre les territoires ; aux élus et aux services locaux, l'orientation des crédits et l'adaptation des programmes, suivant les besoins en catégories de logements et aménagements divers. La présence outre-mer de conseils départementaux ou territoriaux de l'habitat, doit nous permettre de poursuivre une telle expérimentation.

Enfin, ma dernière observation porte sur les crédits d'aide à l'emploi et à la formation professionnelle.

Les moyens budgétaires du FEDOM connaissent, pour 2001, une augmentation de 25 %, afin d'assurer la mise en oeuvre de la loi d'orientation. Le problème, c'est que cette loi et le FEDOM ne s'appliquent qu'aux DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon, mais pas à Mayotte.

De fait, les crédits d'aide à la formation et à l'emploi, qui, autrefois, nous étaient directement délégués par la direction générale de l'emploi et de la formation professionnelle, ont été transférés au budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer. Je ne suis pas sûr que Mayotte ait beaucoup gagné à ce transfert qui s'accompagne, pour nous, d'une déperdition de crédits sur laquelle j'appelle votre attention.

Ainsi, sauf erreur de ma part, le volume des crédits transférés cette année au secrétariat d'Etat est inférieur à celui que nous avions obtenu l'an dernier « en direct », si j'ose dire, du ministère de l'équipement et du logement.

Il convient donc d'opérer des redressements, d'autant que tous les responsables mahorais considèrent la formation p rofessionnelle comme une absolue nécessité pour Mayotte.

Dans l'exposé des motifs de la loi de finances, vous parlez d'accompagner par le budget les évolutions statutaires en cours à Mayotte. J'ai eu, monsieur le secrétaire d'Etat, l'occasion de vous le dire, notamment en commission des lois, mais vous ne m'avez pas répondu, que la mesure d'accompagnement la plus significative pour Mayotte serait, sans aucun doute, de nous doter d'un chapitre budgétaire regroupant dans ses articles des objectifs et des moyens par trop dispersés et qui, de ce fait, rendent peu lisible l'effort budgétaire dont nous bénéficions. Souvenez-vous que c'est la voie qui avait été choisie il y a quelques années pour la Nouvelle-Calédonie et que nous avions tous approuvée. Ainsi, s'inscrirait dans la durée pour Mayotte les engagements résultant de la consultation populaire du 2 juillet et, en particulier, la création d'un fonds de développement.

En conclusion, Mayotte connaît depuis une vingtaine d'années de profondes transformations qu'il s'agit, plus que jamais, d'orienter au mieux des intérêts du plus grand nombre.

Il faut à Mayotte une claire vision d'avenir s'exprimant d'abord dans un véritable plan de développement économique et social dont la priorité irait à la valeur ajoutée locale, essentiellement produite par l'agriculture, l'artisanat et le tourisme. Sinon, on reproduira passivement le même schéma import-export, « import-substitution », qui, depuis un demi-siècle, a montré toutes ses limites dans l'outre-mer français.

Le même volontarisme doit prévaloir dans l'ordre institutionnel : la collectivité départementale de Mayotte doit, à notre avis, franchir une étape au cours de la prochaine décennie en s'engageant résolument dans la perspective de la « départementalisation adaptée » qui demeure, chacun le sait bien, la plus sûre garantie de sécurité et de progrès de la population mahoraise.

Mais il faut, dès à présent, répondre aux cas d'urgence sociale liés aux inévitables mutations de cette société longtemps marquée par la tradition. Les élus mahorais, qui n'entendent pas pour autant, ils vous l'ont dit, s'abandonner aux trompeuses facilités de l'assistanat, ont, depuis longtemps, adopté un règlement territorial d'action sociale qu'il faut rapidement améliorer et compléter, en particulier au bénéfice des personnes âgées, des handicapés, de l'enfance ou des familles en difficulté.

Ainsi, monsieur le secrétaire d'Etat, beaucoup de questions demeurent posées, qui sont à la mesure des attentes de la population et surtout des multiples promesses qui lui ont été prodiguées. Vos réponses détermineront le vote du groupe UDF. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Emile Vernaudon.

M. Emile Vernaudon.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, iaorana

Dans le projet de loi de finances pour 2001, le Gouvernement manifeste incontestablement sa volonté de maintenir un partenariat étroit et une véritable politique de développement économique et social à l'égard des collectivités territoriales de l'outre-mer, quelle que soit leur évolution institutionnelle spécifique.

Cette volonté gouvernementale est conforme à l'esprit même du préambule de la Constitution, qui donne à la France la mission d'accompagner les efforts de développement des peuples d'outre-mer dont elle a la charge.

Dans le budget pour 2001 du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, qui est en progression de 6,94 % par rapport à la loi de finances de l'an 2000, les autorisations de programme consacrées aux pays et territoires d'outre-mer sont en hausse, passant de 433 millions à 528 millions de francs français. Les priorités vont au financement des mesures prévues par la loi d'orientation pour l'outre-mer : emploi, insertion et logement.

Je voterai donc avec conviction votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, car ce qui compte avant tout, c'est le développement durable dans le respect de l'homme et de son environnement.

L'examen du budget de l'outre-mer - et ce quelques semaines à peine après votre première visite dans nos îles, monsieur le secrétaire d'Etat - est l'occasion annuelle d'analyser, devant la représentation nationale, les aspects non seulement économiques et budgétaires mais également politiques et institutionnels du territoire de la Polynésie française.

A cet égard, le partenariat Etat-territoire se traduit non seulement pas les conventions passées avec les ministères techniques, mais aussi et surtout par le « contrat de développement » auquel s'ajoute la « convention pour le renforcement de l'autonomie économique » permettant d'assurer pendant dix ans à la Polynésie française le maintien d'un flux financier annuel de 990 millions de francs français.


page précédente page 08550page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Force est de constater que, sans ces crédits de l'Etat, la reconversion économique de la Polynésie est aléatoire.

Tout Polynésien le sait pertinemment, même lorsque le président du gouvernement du territoire ne cesse de montrer son autosatisfaction et de faire l'éloge des actions de son gouvernement.

Or, lorsque l'on voit le président-sénateur refuser de signer le second volet du contrat de développement 2000-2003 sous prétexte, selon lui, que l'Etat n'assume pas ses responsabilités, on ne peut qu'être effaré par ce comportement irresponsable.

Le partenariat, c'est, avant tout, le dialogue et le respect mutuel, même si les points de vues divergent. Vous nous avez rassurés, monsieur le secrétaire d'Etat, lorsque vous avez répliqué au président du gouvernement que :

« l'Etat n'est pas un guichet de financement mais un véritable partenaire dans le développement économique et social du territoire ».

Par ailleurs, je suis d'accord avec M. le rapporteur spécial lorsqu'il estime qu'« il serait préférable, dans toute la mesure du possible, de subordonner l'engagement des opérations à une étude préalable des effets économiques du programme et de vérifier ensuite que les réalisations atteignent les objectifs initiaux ».

Et je ne peux m'empêcher de pointer du doigt l'un des plus importants chantiers de l'après-CEP, financé par le fonds de reconversion. Je veux parler du futur complexe hospitalier - baptisé « hôpital Jacques-Chirac » par le président du gouvernement local - dont le coût de réalisation est passé, en moins de deux ans, de 10 milliards de francs Pacifique à plus de 32 milliards de francs Pacifique, soit à près de 1,8 milliard de francs français ! Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, de prendre le temps nécessaire pour examiner d'une manière approfondie le dossier technique de ce projet. De toute façon, la cérémonie de pose de la première pierre a été reportée

Je tiens également à féliciter le Gouvernement car il a eu le courage de remplacer la loi Pons de défiscalisation, qui s'est caractérisée par des abus répétés, par une nouvelle loi de soutien fiscal aux investissements en outremer, plus juste et plus transparente, qui met désormais en avant le critère prioritaire de l'emploi et accentue le contrôle a posteriori des opérations défiscalisées.

Dans l'esprit de la loi Paul, je demande qu'une étude approfondie soit engagée pour connaître, tant en termes d'emploi que sur le plan économique et financier, les réelles retombées pour la Polynésie qu'ont pu générer les deux paquebots de croisière Renaissance , qui battent pavillon libérien et pour lesquels le président du gouvernement s'est impliqué personnellement afin qu'ils bénéficient du régime de défiscalisation attaché à la loi Pons.

On est en droit de se demander si les retombées économiques n'ont pas profité à une très infime minorité liée au pouvoir en place.

Ce qui est en jeu ici, comme pour d'autres opérations, c'est le contrôle de l'utilisation des deniers publics et le respect de l'Etat de droit et des libertés. Je veux parler précisément du palais présidentiel, dont le coût final reste mystérieux mais dont le coût de fonctionnement est comparable à celui de l'Elysée, de la compagnie aérienne Air Tahiti Nui, qui survit uniquement grâce à l'injection massive de fonds publics territoriaux, et de la télévision TNTV créée également sur fonds publics.

« Qui paie contrôle ! » disait un Premier ministre aux Polynésiens il y a quelques années. L'installation, en votre présence, monsieur le secrétaire d'Etat, d'une chambre territoriale des comptes, consacrée exclusivement à la Polynésie française, répond à cet impératif de contrôle d es comptes du territoire, des établissements publics et des communes.

Comment en effet établir des relations de confiance mutuelle et de partenariat entre l'Etat et le territoire si des soupçons graves pèsent sur l'utilisation des fonds publics ? J'ai demandé que l'Etat exerce pleinement le contrôle de légalité en Polynésie, n'en déplaise au président du gouvernement, qui, pour atteindre ses objectifs, confond trop souvent vitesse et précipitation, au mépris des règles de droit en vigueur.

Le statut d'autonomie du territoire doit permettre le contrôle des actes individuels du président du gouvernement et des ses ministres. A ce propos, je tiens à dénoncer vigoureusement cette anomalie du statut d'autonomie de la Polynésie qui ne donne à l'Etat et à son représentant sur le territoire que le contrôle a posteriori des actes collégiaux du gouvernement et non celui des actes individuels du président du gouvernement et de ses ministres.

Cette absence de contrôle a permis notamment au président du gouvernement de recruter, comme bon lui semble, de nombreux agents politiques, dont plusieurs ne sont autres que des emplois fictifs. Une enquête judiciaire est en cours pour déterminer le nombre de ces emplois fictifs et l'importance des sommes détournées.

Pour ce qui est des dérives et des menaces sur les libertés publiques, je suis dans l'obligation de dénoncer une nouvelle fois la création du GIP, groupement d'intervention de la présidence. Notre collègue Alain Tourret l'a constaté lui-même lors de son voyage en Polynésie et il a eu le courage de dénoncer publiquement les dérives d'une telle organisation qui s'apparente beaucoup à celle d'une milice présidentielle ! En réponse à ces critiques, le président du gouvernement n'a pas hésiter à traiter notre collègue de « député étranger », déniant ainsi à tout parlementaire de la République le droit d'analyser et de critiquer la situation politique et institutionnelle de la Polynésie française.

Celle-ci est considérée par le président-sénateur de la Polynésie comme sa chasse gardée ou plutôt comme son fonds de commerce.

En définitive, on aboutit à un paradoxe : l'Etat laisse faire, au nom de la défense de la présence française dans le Pacifique sud, un potentat local qui n'a de cessse de rejeter l'Etat français, ses institutions et ses règles.

Des actions en justice ont déjà permis d'obtenir des condamnations pénales sévères du président de gouvernement pour certains de ses actes répréhensibles qui ont pu être mis en évidence. Selon certaines analyses juridiques, il devrait être déjà radié des listes électorales. Pour les Polynésiens, il est important que la justice soit la même pour tous.

Cette situation a engendré en Polynésie, vous avez pu le constater, monsieur le secrétaire d'Etat, un malaise profond de la société polynésienne, celui d'avoir à la tête du territoire une personnalité qui a manqué totalement aux devoirs de probité et d'honnêteté que les Polynésiens sont en droit d'attendre de tous ceux qui ont la charge des affaires publiques du pays. Je ne m'en réjouis pas car c'est une situation triste dont toute la Polynésie subit le préjudice moral et politique.

Se prévalant de « hautes protections parisiennes », le président du gouvernement revendique l'impunité, mais, finalement, la véritable sanction serait celle du corps électoral polynésien.


page précédente page 08551page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

La réforme électorale portant sur une nouvelle répartition des sièges de l'assemblée territoriale est désormais une nécessité absolue pour le respect de l'équité démocratique en Polynésie française. Tous les partis politiques, en Polynésie comme au plan national, en ont convenu.

Ma proposition de loi de mars 1999 a été adoptée en première lecture. Elle autorise enfin ce rééquilibrage des sièges de conseillers territoriaux, sans compromettre pour autant la représentation normale des archipels éloignés au sein de l'assemblée de la Polynésie. Cette urgence s'impose, à quelques mois à peine des échéances électorales prévues en mai 2001. Il y va de la démocratie en Polynésie.

Enfin, j'attire votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le délai très court, de deux mois, entre les élections municipales et territoriales de 2001, qui oblige les partis politiques à mener une double campagne coûteuse, en peu de temps, sur un territoire aussi vaste que l'Europe occidentale. La logique voudrait que l'on puisse organiser simultanément les élections municipales et territoriales, en mai 2001.

Enfin, je me fais l'interprète des fonctionnaires de l'éducation nationale qui m'ont exprimé, par l'intermédiaire de leurs représentants syndicaux, leur inquiétude quant à l'accession des instituteurs du corps CEAPF dans le corps des professeurs des écoles. L'objectif étant l'intégration, d'ici à 2007, des 1 847 instituteurs de catégorie B dans le corps des professeurs des écoles, le contingent d'instituteurs figurant sur la liste annuelle doit être de 260, et non de 22, comme c'est le cas aujourd'hui.

Monsieur le secrétaire d'Etat, les Polynésiens veulent le changement, car ils ont pris conscience de la nécessité de tourner une page de leur histoire, celle de la rente atomique et des risques pour la santé et l'environnement qui lui sont inhérents. Mais ils veulent aussi avoir la certitude que la France sera toujours à leurs côtés pour les accompagner vers leur destin naturel et, surtout, pour garantir l'état de droit. La Polynésie et la France doivent poursuivre ensemble leur marche sur la voie du progrès, de l'amitié et de la solidarité.

Mauru'uru e iarana ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

Les premiers orateurs, l'un, de l'opposition, l'autre, de la majorité, ont tous deux largement dépassé leur temps de parole. Je souhaiterais que les prochains intervenants fassent un effort, quels que soient leur passion et leur enthousiasme, pour essayer de respecter le temps qui leur est imparti. Merci d'avance aux uns et aux autres.

M. Pierre Petit.

Monsieur le président, il faudrait surtout penser à ceux qui ne disposent que de cinq minutes pour s'exprimer...

M. le président.

La distribution des temps de parole relève davantage des groupes que de la présidence, monsieur Petit. Vous avez la parole.

M. Pierre Petit.

Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'applaudis, même si c'est avec quelques réserves, à la progression des crédits affectés au budget de l'outre-mer, car j'y retrouve avec satisfaction des mesures que nous avions préconisées.

Cependant, malgré cet effet d'optique, on est rapidement saisi par la désillusion et la déception : votre budget n'est adossé à aucun projet politique lisible. Il ne s'agit pas, monsieur le secrétaire d'Etat, d'un réquisitoire contre votre action, dont nous ne connaissons encore que les orientations ; il ne s'agit pas non plus de faire de la mendicité et de quémander une augmentation des crédits réservés à la Martinique ; il s'agit véritablement d'un appel à l'endroit du gouvernement de la France pour une nouvelle approche des problèmes de la Martinique et, plus globalement, de l'outre-mer.

Monsieur le secrétaire d'Etat, face aux difficultés que nous rencontrons, les uns et les autres, dans la gestion quotidienne des problèmes de nos régions respectives, il me vient une question : quel est réellement votre dessein pour la Martinique ? Le mode de traitement global et uniforme des DOM est désormais inadapté. Chaque île, chaque région est mue par sa propre histoire, son propre environnement, son propre peuplement et une dynamique socioculturelle fondamentalement spécifique. Votre gouvernement s'obstine à vouloir traiter de la même manière la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Réunion - avec des exceptions, évidemment, quand cela vous arrange, comme dans le cas du congrès.

Cette attitude est précisément symbolisée par votre projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, qui ne fait pas l'unanimité chez nous et qui, en définitive, ne règle pas les problèmes et n'ouvre aucune perspective d'avenir.

Le Gouvernement n'a pas intégré le fait que la Martinique doit se doter d'un projet élaboré localement et approuvé par les populations. Notre souhait, aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, est de ne pas subir la mutation de notre société, mais de l'éclairer, de la programmer, de l'accompagner, de la maîtriser.

La Martinique est une société jeune qui a subi, en moins d'un siècle, deux chocs psychologiques, sociologiques et culturels de grande importance. D'abord, la départementalisation sans adaptation nous a apporté la solidarité de la nation et un niveau de vie sans équivalent dans les petites Antilles - je le reconnais pour pouvoir dire autre chose. Et puis la mondialisation nous impose ses normes, brise nos moeurs et coutumes, fragilise davantage nos économies, de façon brutale.

Parallèlement, la croissance tant vantée en France métropolitaine n'a pas atteint nos rives et le décollage économique se fait attendre.

Sans jouer les Cassandre, mais en étant réaliste, craignons que, demain, le désespoir jusqu'ici contenu des 52 000 chômeurs de la Martinique et le malaise de plus en plus perceptible de notre jeunesse ne nous obligent à réagir dans l'urgence plutôt qu'à agir de façon concertée.

Tout compte fait, les Martiniquais et Martiniquaises ne sont pas des frondeurs, ils ne rejettent pas la France. Ils aspirent à mieux vivre en France et en Europe. Nous voulons sortir d'une relation fondée sur la distribution de crédits, pour parvenir à une étape de dignité et de responsabilité. Nous voulons pouvoir identifier de manière précise le détenteur des leviers de commande de l'action publique.

Le mouvement politique que je préside, Osons oser,r evendique cette nouvelle organisation des pouvoirs locaux, la mise en oeuvre d'un projet durable et l'adoption, avec l'Etat, d'un plan de financement des orientations et des actions retenues.

Nous voulons établir, avec la République, un nouveau contrat de confiance et de développement. La Martinique est à un carrefour de son évolution. Il nous appartient de lui redonner espoir en inventant cette nouvelle dynamique économique.

Il est urgent de réfléchir aux moyens d'accompagner notre société dans l'épreuve, avec son cortège de malheurs : drogue, mendicité, prostitution.


page précédente page 08552page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

La Martinique est confrontée à une montée sans cesse croissante de la toxicomanie. Ce fléau touche toutes les couches sociales. Les services de police et de douane connaissent parfaitement la provenance et le cheminement de la drogue, mais ne disposent pas de moyens suffisants pour organiser efficacement la surveillance d'un territoire de quatre-vingt kilomètres de long et trente de large, dans lequel vivent 385 000 habitants.

Mme Christiane Taubira-Delannon.

Que devrions-nous dire, en Guyane ! (Sourires.)

M. Pierre Petit.

Mais on peut éradiquer ce fléau, nous vous demandons de déclarer prioritaire la lutte contre la toxicomanie dans les DOM et de renforcer les moyens des services spécialisés, non seulement pour la prévention, mais encore pour le traitement médical. Car vous savez que toxicomanie et développement ne font pas bon ménage.

Par ailleurs, le secteur de l'économie sociale occupe une place très importante dans le fonctionnement de la société martiniquaise et, plus généralement, dans l'outremer. Pourtant, les associations sont accablées et paralysées par le poids des charges sociales. Il faut faire examiner la question de la réduction, voire de l'exonération des charges sociales pour les associations, notamment celles qui interviennent dans les secteurs de la formation professionnelle et de la santé.

Enfin, nous venons de créer un comité de bassin d'emploi dans le nord de la Martinique, afin de mettre en oeuvre une dynamique destinée à faciliter le développement d'activités nouvelles, pour pallier la crise de l'ananas, qui a laissé 250 travailleurs saisonniers sur la touche. Les moyens mis à notre disposition ne seront pas suffisants. Nous vous demandons qu'ils soient répartis sur deux ou trois années supplémentaires.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais que vous fassiez comprendre au Gouvernement que les DOM ont besoin de confiance, de stabilité et de responsabilité pour entrer dans l'ère du développement et sortir définitivement d'une ambiance d'assistanat.

A cet égard, reporter l'évolution des institutions à l'horizon de 2004, c'est faire fi de l'urgence et ne pas comprendre qu'il se fait de plus en plus tard. Parmi les parlementaires actuels, il en est un qui, jadis, a été menotté, puis embastillé à Fresnes pendant dix-huit mois, simplement parce qu'il demandait une décentralisation et un changement institutionnel. Les temps ont certes changé, nous ne risquons plus la prison, mais nous sommes manifestement toujours soumis aux caprices du calendrier électoral de l'Hexagone.

Pour finir, je citerai Aimé Césaire, qui avait déjà raison de lancer en 1947 : « Quand donc cesseras-tu d'être le jouet sombre au carnaval des autres ». (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi.

Monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de budget est en progression sensible ; les députés communistes s'en félicitent et ils le voteront.

C es engagements financiers traduisent une action volontariste pour remédier à la crise économique et sociale qui sévit dans les territoires du bout du monde et dont le caractère permanent est confirmé chaque année par les rapports de l'IEDOM.

Jusqu'à présent, les mesures prises n'ont pas été à la hauteur des attentes des populations locales. Certes, la politique de transferts financiers a permis d'améliorer les conditions de vie des populations ultramarines, d'installer des infrastructures performantes et d'assurer la présence de services publics, mais les économies de ces sociétés, dominées par des relations de dépendance de type colonial, se caractérisent encore par la faiblesse des capacités productives et une surconsommation importante de produits importés. La montée du chômage, surtout chez les jeunes, et le développement des phénomènes d'exclusion sont les signes des problèmes rencontrés pour amorcer un développement durable.

La mondialisation et la libéralisation galopante placent les économies d'outre-mer dans une situation de plus en plus instable. La filière agricole emblématique cannesucre-rhum, ou encore celle de la banane, subissent des crises à répétion.

Les producteurs antillais sont de plus en plus menacés par les multinationales américaines implantées en Amérique centrale. Les conditions dans lesquelles ces firmes obtiennent les coûts les plus bas ne sont toujours pas conformes aux règles sociales de l'Organisation internationale du travail.

Monsieur le secrétaire d'Etat, la réévaluation de l'aide compensatoire accordée aux producteurs locaux est indispensable pour garantir un avenir à l'exportation bananière.

Pour la production sucrière, vous devez obtenir, auprès de vos collègues de l'Union européenne, le maintien du système des quotas et la garantie des prix.

Il faut répondre aux impatiences et aux inquiétudes des populations en soutenant un nouveau type de développement. A cet égard, votre budget, véritable instrument d'intervention en faveur d'un développement durable, reflète des choix ambitieux et ouvre des horizons prometteurs pour relever les défis économiques, sociaux, culturels et institutionnels.

En matière d'emploi, il dégage 2 640 milliards de francs de crédits, en faveur du fonds pour l'emploi dans les DOM, soit une augmentation de 25,6 % par rapport au dernier budget.

En matière de développement économique, il amplifie l'effort en faveur des nouveaux contrats de plan : l'investissement bénéficiera de la forte progression du FIDES et du FIDOM.

En outre, un nouveau régime d'aide fiscale à l'investissement vient remplacer la mesure de défiscalisation introduite par la loi Pons en 1986. Dénoncé à de multiples reprises et prolongé par la loi de finances 1998, ce système a surtout bénéficié aux contribuables de la tranche la plus élevée de l'impôt, souvent peu scrupuleux d'un développement harmonieux des économies locales. Il a généré des phénomènes de surinvestissement et des opérations frauduleuses. Le nouveau mécanisme qui voit aujourd'hui le jour devra donc faire l'objet d'un suivi attentif de notre assemblée.

Les crédits consacrés à l'action culturelle et sociale sont en progression.

S'agissant du logement social, 250 millions de francs sont dégagés pour compenser la diminution de la créance de proratisation résultant de l'alignement, sans doute trop lent, du niveau du RMI des départements d'outre-mer sur celui de la métropole.

Cependant, les besoins restent immenses en raison de la pression démographique, des risques climatiques et de la croissance urbaine. Une politique de soutien à la


page précédente page 08553page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

construction de logements sociaux, à la rénovation du parc immobilier et à la résorption de l'habitat insalubre doit être poursuivie avec d'autant plus de vigueur que la révolution urbaine, à l'oeuvre depuis les années 50, génère des besoins de plus en plus importants. En effet, la transformation radicale des modes de vie et des équilibres écologiques provoquée par cette rapide urbanisation représente un enjeu majeur pour les collectivités locales et l'Etat, dont l'action doit être amplifiée au cours des prochaines années.

D'une façon générale, les crédits que vous présentez, monsieur le secrétaire d'Etat, sont à la hauteur des engagements pris dans le cadre du projet de la loi d'orientation.

Pour autant, je regrette l'absence d'une vision globale des crédits consacrés à chaque département d'outre-mer.

Par exemple, dans le domaine de l'éducation, avec votre collègue Jack Lang, vous avez récemment pris des mesures, pour améliorer le fonctionnement du système éducatif et renforcer l'égalité des chances d'accès au savoir entre l'outre-mer et la métropole. Si ces efforts doivent se poursuivre à long terme, je souhaite qu'ils soient plus visibles lors de la discussion budgétaire - comme ceux accomplis en faveur de la culture ou de la justice - pour chaque département d'outre-mer.

Ainsi, les DOM-TOM sont à la recherche d'un nouveau modèle.

Les voies du développement passent par un renforcement des relations avec les pays voisins qui tienne compte des données géopolitiques et des spécificités de chaque espace d'outre-mer. Comme vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, lors de votre audition devant la commission des lois, la présidence française de l'Union européenne a permis d'avancer l'idée d'un statut de « régions ultrapériphériques » pour les DOM.

Même s'il ne faut pas négliger l'aide de l'Europe, apportée notamment au travers des fonds structurels, la démarche d'intégration régionale risque d'être difficile à engager pour les DOM, trop longtemps confinés dans une relation exclusive avec la métropole. La crise de la banane démontre clairement qu'il faut mettre en place des garde-fous.

Il en va de même pour les territoires du Pacifique ; les capacités d'insertion de ces espaces dans un contexte mondial ouvert et concurrentiel restent des plus aléatoires.

Le nouveau modèle à rechercher passe également par des aménagements institutionnels. Plus que jamais, il faut rompre avec un traitement uniforme de ces territoires et inventer de nouveaux statuts, plus proches des réalités locales.

Les relations entre la métropole et l'outre-mer ont subi des transformations depuis la période de la décolonisation. Ce fut le cas avec la départementalisation, en 1946, avec la régionalisation, en 1983, avec l'autonomie élargie de la Nouvelle-Calédonie, susceptible de conduire à son indépendance en 1998, ou bien encore avec la transformation de la Polynésie française en pays d'outre-mer.

Aujourd'hui, l'Etat doit se montrer capable d'envisager des relations différentes avec ses espaces d'outre-mer. A W allis-et-Futuna, il faut relancer le dialogue entre l'assemblée territoriale, le représentant du Gouvernement et les autorités coutumières. A Mayotte, le projet de transformation de l'archipel en collectivité territoriale, approuvé par la population locale en juillet 2000, peut enfin être mis en place.

Comme le rappelle souvent mon collègue Ernest Moutoussamy, « les DOM ont besoin de statuts progressistes, adaptés aux exigences d'un monde nouveau, correspondant à l'image d'une République fidèle aux droits de l'homme et aux droits des peuples ». Un lien profond nous unit aux peuples d'outre-mer. Ils symbolisent aussi notre diversité, en littérature, sport et musique, où ils font preuve d'une grande vitalité dans le paysage métropolitain, notamment au travers de l'engagement associatif, dans tous nos quartiers. Je tenais ici à leur rendre un hommage tout particulier.

Prenant acte de l'attribution de moyens importants pour relever les principaux défis du développement de l'outre-mer, le groupe communiste votera donc vos crédits, monsieur le secrétaire d'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Tamaya.

M. Michel Tamaya.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je me réjouis que votre arrivée au secrétariat d'Etat à l'outre-mer coïncide avec une volonté particulière de permettre aux DOM de valoriser pleinement les atouts et potentiels dont ils disposent, même si votre prédécesseur Jean-Jack Queyranne avait déjà ouvert la voie.

Le boom législatif auquel nous assistons depuis quelques mois, avec le projet de loi d'orientation, les mesures de défiscalisation incluses dans la première partie de la loi de finances pour 2001 et, enfin, le projet de budget de l'outre-mer, est d'autant plus opportun que tous les DOM semblent connaître une évolution simultanée, trop lente, certes, mais positive, de leur situation économique et sociale.

A la Réunion, les secteurs du BTP et de l'industrie se portent bien et enregistrent un regain d'activité. La tendance favorable de la consommation des ménages, observée depuis la mi-1999, se maintient.

Surtout, n'assiste-t-on pas enfin à un recul du chômage ? Pour l'essentiel, la baisse de 4,6 % en glissement annuel enregistrée à la fin du mois de mars est imputable à une diminution de 8,3 % du nombre de chômeurs de longue durée.

Le chômage des jeunes, notamment, connaît une décrue légèrement supérieure à la moyenne, qui s'explique, pour partie, par la mise en place de contrats emplois-jeunes. Cette tendance à la baisse est corroborée par l'évolution du nombre d'allocataires des ASSEDIC, qui diminue pour le deuxième mois consécutif en glissement annuel : moins 2,5 % au 30 juin.

Bien sûr, monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne devons pas oublier le taux de chômage, qui reste le plus élevé de France et de tout l'outre-mer, avec près de 38 % à comparer avec les 9,5 % de taux de chômage métropolitain. Nous ne devons pas oublier non plus la grande proportion de chômeurs de longue durée, qui reste préoccupante, ni les 50 000 foyers qui bénéficient du RMI.

Mais c'est malgré tout dans un contexte économique confiant que les nouvelles mesures pour l'outre-mer pourront s'appliquer.

Au titre de ces nouvelles mesures, je citerai en tout premier lieu la loi d'orientation. Celle-ci a été votée en première lecture à l'Assemblée en mai 2000 et nous l'examinerons cet après-midi en dernière lecture. Elle s'est voulue à juste titre ambitieuse, et je m'en félicite.

Comme vous le disiez, monsieur le secrétaire d'Etat, l'objectif était bien d'« inscrire les DOM dans un véri-


page précédente page 08554page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

table pacte de croissance et de solidarité en s'attaquant, plus que jamais, au chômage et à l'exclusion qu'ils connaissent depuis trop longtemps ».

Au titre des mesures visant à combattre l'exclusion, nous devons tout d'abord citer le projet initiative jeunes (PIJ). Ce projet permettra d'accorder une aide de 50 000 francs par projet à chaque jeune de moins de trente ans qui créera une entreprise ou poursuivra une formation professionnelle.

Par ailleurs, il convient de citer le congé-solidarité, dont le but est de mettre en place un système de préretraite contre embauche de jeunes en CDI. Cette mesure sera financée jusqu'à 60 % de son coût par l'Etat. Par ailleurs, les bénéficiaires de minima sociaux pourront, pendant deux ans, cumuler l'ARA avec les revenus tirés d'une activité rémunérée.

Est également mise en place une exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite de 1,3 fois le SMIC au profit de toutes les entreprises de moins de onze salariés, avec le maintien de l'avantage de manière dégressive si ces entreprises viennent à excéder ce seuil. Il s'agit là d'une mesure sans précédent dans ses implications, que vient compléter un projet de budget innovant et ambitieux.

Je dirai également un mot du nouveau dispositif de soutien fiscal aux investissements, qui participe à la fois d'une plus grande justice fiscale et d'une plus grande efficacité économique. D'ailleurs, cette « loi Paul » fait l'unanimité du monde économique dans l'outre-mer et singulièrement à la Réunion, où peu de voix discordantes se sont manifestées.

La présentation de la première partie du projet de loi de finances pour 2001 a justement donné au Gouvernement l'occasion de respecter son engagement de modifier la loi Pons. Un nouveau dispositif est prévu jusqu'en 2006. Sont but est de revenir à une philosophie plus progressiste de l'impôt, au moyen d'une réduction d'impôts égale à 50 % du montant de l'investissement. Surtout, le point fort réside dans l'exigence qu'au minimum 60 % de l'avantage fiscal accordé soient rétrocédés aux entreprises d'outre-mer.

Quant aux petites entreprises des DOM, qui ne disposent pas de revenus suffisants pour investir et bénéficier de la défiscalisation, un crédit d'impôt de 50 % non plafonné leur sera accordé et le solde éventuel pourra être reporté sur leur impôt durant les quatre années suivantes.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le budget de l'outre-mer pour 2001, qui sera le premier budget d'application de la loi d'orientation, est de 6,81 milliards de francs, soit une hausse de près de 7 %. Il bénéficie donc, et je m'en réjouis, de l'une des plus fortes progressions parmi tous les ministères, ce qui illustre bien l'effort de l'Etat en direction de l'outre-mer, comme l'ont d'ailleurs souligné plusieurs intervenants.

Mais ce budget, bien qu'important et en augmentation sensible, ne représente qu'une partie de l'effort financier engagé en direction de l'outre-mer. C'est pourquoi je souhaiterais qu'à terme, en plus des « bleus du PLFDOM », nous puissions disposer de données sur l'effort accompli par chaque ministère, dans un souci de transparence et de lisibilité, et pour mieux appréhender le niveau global de la solidarité nationale.

Premier budget d'application de la loi d'orientation, le budget de l'outre-mer prévoit une dotation de 325 millions de francs, dont 290 millions iront au FEDOM pour financer de nouvelles mesures en faveur de l'emploi et de l'insertion. Précisément, ce seront près de 90 000 mesures destinées à lutter contre le chômage et l'exclusion, dont 3 000 nouveaux emplois-jeunes, 10 000 PIJ, 3 000 départs en pré-retraite contre embauche et 35 000 contrats emploi-solidarité, qui seront ainsi directement financées par le FEDOM. Cela démontre clairement que l'engagement du Gouvernement en faveur de l'emploi dans les DOM ne faiblit pas.

A côté des mesures en faveur de l'emploi, il convient également de souligner l'effort particulier qui a été fait dans ce projet de budget en direction du logement. Ene ffet, étant donné la situation démographique que connaissent les DOM, il est essentiel qu'une politique d'aide au logement soit fortement encouragée par le Gouvernement. La population des DOM a augmenté de près de 230 000 habitants en dix ans, la Réunion absorbant à elle seule plus de la moitié de cet accroissement total. Or, justement, le logement représente le deuxième poste budgétaire du secrétariat à l'outre-mer. Ainsi, plus de 16 000 logements devraient être construits ou réhabilités en 2001.

Monsieur le secrétaire d'Etat, au risque de me répéter, le projet de budget pour l'outre-mer que vous présentez aujourd'hui est bon, en ce sens qu'il permettra une application immédiate de la loi d'orientation, qui a suscité un immense espoir dans les DOM. Cela dit, il conviendra d'être particulièrement vigilant quant à la rapidité avec laquelle seront pris les décrets d'application.

Je souhaiterais rappeler plusieurs mesures qui me tiennent à coeur et, d'abord, les moyens qui permettront de réaliser une meilleure égalité sociale. La loi d'orientation a prévu un alignement du RMI sur les bases métropolitaines, suite aux engagements qu'avait pris le Premier ministre à ce sujet. J'ai été particulièrement heureux, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous entendre dire que le délai de trois ans était un maximum. J'espère fermement que cet alignement interviendra le plus rapidement possible. Vous disiez d'ailleurs, ce matin même, dans une interview donnée à un grand quotidien de la Réunion, que le processus allait s'accélérer. Je ne peux que m'en féliciter.

Mon deuxième cheval de bataille, monsieur le secrétaire d'Etat, concerne le statut de nos employés commun aux. En effet, comme vous le savez, les DOM connaissent une situation spécifique du fait de l'importance du nombre des agents des collectivités locales qui ne sont pas titulaires de la fonction publique territoriale.

Ils sont 13 000 dans ce cas à la Réunion ! Je souhaite vivement qu'une solution rapide soit apportée à ce douloureux problème. A ce titre, je me montrerai attentif aux réponses qui seront données par le ministre de la fonction publique, M. Sapin, dans son projet de loi sur la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique territoriale.

La question est aussi de savoir comment encourager et développer la créativité de l'outre-mer. Je fais ici allusion à la coopération régionale. Comment accroître et mieux coordonner les moyens consacrés au développement de la coopération ? S'agissant, enfin, du secteur de la pêche, je souhaiterais être sûr que vous mesurez bien l'enjeu que représente l'attribution de quotas de pêche pour le développement économique de la Réunion. Nous sommes en ce moment dans l'attente d'un arbitrage sur ce sujet et cette situation particulièrement inconfortable a des conséquences négatives pour l'économie locale.


page précédente page 08555page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Monsieur le secrétaire d'Etat, j'émettrai un vote favorable sur ce budget des DOM, parce ce que je pense qu'il est à la hauteur des attentes légitimes des populations d'outre-mer, dans le sens notamment où il permettra une application dans les faits de la loi d'orientation. Cependant, je ne doute pas que vous garderez en mémoire les préoccupations dont je viens de faire état. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Bussereau.

M. Dominique Bussereau.

Le groupe Démocratie libérale considère l'outre-mer comme une chance pour notre pays. Et c'est sous cet angle qu'il faut examiner ce budget. L'outre-mer permet à la France d'être présente sur l'ensemble des océans et montre sa capacité à gérer une société multiculturelle, multi-ethnique, en dépassant parfois mieux qu'en métropole les problèmes liés au racisme au quotidien. La société multiculturelle de l'outre-mer français est donc bien une chance pour notre pays et, en métropole, nous pourrions d'ailleurs parfois nous inspirer des comportements de nos compatriotes ultra-marins.

Malheureusement, cette affirmation de principe à laquelle je crois profondément, cette croyance très forte dans l'outre-mer français, est polluée par certains éléments qui se traduisent au niveau de la vie quotidienne. Nos rapporteurs de la commission des finances, Philippe Auberger et François d'Aubert, ont évoqué plusieurs questions.

C ertaines dérives sont choquantes au regard de l'éthique républicaine. Je pense à ce douloureux problème de la surrémunération. Et je sais bien, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'à l'approche de 2002, quelle que soit votre bonne volonté, je ne peux attendre de vous que vous preniez des mesures courageuses en la matière. Pourtant, ce serait bien nécessaire. Nous avons encore récemment entendu, mon collègue René Dosière et moi-même, lors d'une mission de la commission des lois en Nouvelle-Calédonie, le trésorier-payeur général de ce territoire, où vous étiez également il y a peu de temps, nous dire qu'il était de plus en plus souvent amené à verser dess urretraites à des fonctionnaires métropolitains qui, comme par hasard, découvraient que le bon endroit pour passer leur retraite aux frais du contribuable était la Nouvelle-Calédonie, même s'ils n'y avaient jamais servi. Je me tourne vers mes collègues ultra-marins qui le savent mieux que moi : ce type de comportement est en train de se développer. Or, c'est une dérive complète de la logique qui avait conduit aux surrémunérations. Je vous ai d'ailleurs interrogé sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat, en commission des lois.

Mais d'autres points posent problème, notamment cette économie « grise », ce travail clandestin, qui pollue la vie et l'organisation économique des départements et territoires d'outre-mer. De plus, nos collègues ultramarins vivent malheureusement au quotidien l'accroissement de l'insécurité à laquelle la justice, les forces de police et de gendarmerie n'apportent souvent qu'une réponse insuffisante pour des raisons qui tiennent, certes, à leurs effectifs, mais aussi à la difficulté réelle des missions.

Je profiterai des quelques instants qui me restent, le temps de parole dévolu à mon groupe étant bref, pour vous parler de la situation dans quatre points du globe.

S'agissant de la Réunion, d'abord, j'en suis navré pour mes collègues qui sont attachés à leur département, mais je tiens à vous rappeler que notre groupe est farouchement opposé à la bidépartementalisation, ce qui implique d'ailleurs un vote négatif sur la loi d'orientation.

M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis.

C'est l'arrière-garde !

M. Dominique Bussereau.

En effet, la bidépartementalisation illustre parfaitement la méthode Jospin dans toute sa maladresse : on prétend résoudre un vrai problème économique et social, celui du sous-développement économique du Sud, de l'aménagement du territoire de toute une partie de l'île de la Réunion, en lui apportant une réponse administrative. On va ainsi mettre un préfet à la place d'un sous-préfet, instaurer une deuxième DDE, une deuxième DDA,...

Mme Huguette Bello.

Et alors !

M. Dominique Bussereau.

... un service des anciens combattants, etc. Cela correspond à la logique socialiste : on apporte une réponse administrative à un problème politique, économique et social. Cela nous semble une très mauvaise façon de procéder.

S'agissant de l'avenir de Mayotte, si chère à notre collègue Henry Jean-Baptiste, j'exprimerai une inquiétude.

L'évolution statutaire a fait l'objet d'un vote des Mahorais. En raison de la faiblesse de notre présence diplomatique dans la zone des Comores, Mayotte se trouve confrontée aux difficultés des îles proches et je n'ai pas le sentiment que le Quai d'Orsay, plus généralement le gouvernement français, ait une vision exacte de ce qu'il faudrait faire dans cette zone des Comores. On ne peut en effet résoudre les difficultés propres à Mayotte sans tenir compte de celles d'Anjouan et de Moroni.

L'avenir de Wallis-et-Futuna m'inspire une autre inquiétude, que Victor Brial exprimera sans doute aussi.

Entre la Polynésie française, qui est dans sa logique postcentre d'expérimentation du Pacifique et profite de concours importants de l'Etat, et la Nouvelle-Calédonie française, qui est dans sa logique de développement postaccords de Nouméa et de Matignon avec un fort investissement de l'Etat, Wallis-et-Futuna donne le sentiment d'être l'oublié de la République. Un vrai problème se posera d'ailleurs le jour où s'appliquera la partie à mes yeux la plus contestable des accords de Nouméa, à savoir la « calédonisation » des emplois. Ce jour là, en effet, quid des travailleurs wallisiens, particulièrement nombreux en Nouvelle-Calédonie ? Donc en l'absence d'une sorte de plan Marshall, d'un projet de développement économique et social pour Wallis-et-Futuna, où vous êtes allé récemment, monsieur le secrétaire d'Etat, nous connaîtrons un jour une vraie difficulté politique et ce territoire jusqu'à présent paisible pourrait ne pas le rester.

Enfin, je terminerai par la Nouvelle-Calédonie. Malgré l'usine à gaz que constitue la loi organique faisant suite aux accords de Nouméa, les choses suivent leur cours. Je regrette, pour ma part, l'absence d'une position plus ferme pour affirmer la présence de la Nouvelle-Calédonie dans la zone euro. On ne peut en effet à la fois vouloir que la Nouvelle-Calédonie soit porteuse de projets de développement économique internationaux - l'usine du Nord, celle du Sud -, qu'elle soit dans le Pacifique à proximité du continent australien et, en même temps, garder ce franc CFP qui représente, à mes yeux, une absurdité et sera d'ailleurs un jour un obstacle au développement de la Nouvelle-Calédonie. J'aimerais donc avoir des précisions de la part du Gouvernement sur ce point.


page précédente page 08556page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Par ailleurs, on ne peut reprocher aux autorités de Nouvelle-Calédonie de vouloir mettre en place un dispositif de desserte aérienne par leur propre compagnie. Je ne crois pas qu'elles veuillent faire du nationalisme de pavillon aérien. Il y a un vrai problème de désengagement d'Air France, mais le pari économique que prend le territoire de Nouvelle-Calédonie, celui d'Aircalin, n'est pas un pari facile. Je souhaite donc que le Gouvernement et la compagnie, encore nationale, Air France appuient ce projet risqué de développement car, s'il échouait, ce serait dommage pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Telles sont les quelques réflexions du groupe Démocratie libérale sur l'outre-mer, auquel nous croyons profondément, qui est un atout extraordinaire pour notre pays et pour l'ensemble de l'Union européenne. Malheureusement, monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne lui consacrez ni la politique, ni les crédits qu'il mérite. Nous serons donc au regret de ne pas voter votre budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Gérard Grignon.

M. Gérard Grignon.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne m'étendrai pas sur votre budget puisque tout, ou presque, a été déjà dit dessus. Je n'ai donc rien à ajouter, d'autant que nous reparlerons plus tard dans la journée du projet de loi d'orientation. Je voudrais simplement profiter de ces quelques minutes qui me sont imparties pour attirer votre attention sur des questions plus spécifiques à SaintPierre-et-Miquelon.

Je ne m'étendrai pas sur le nouveau dispositif de défiscalisation que le Gouvernement propose, mais ce dispositif ne peut constituer, dans son état actuel, un effort particulier pour Saint-Pierre-et-Miquelon. En effet, même si le taux de la réduction d'impôt est porté de 50 % à 60 %, cela ne peut constituer un levier économique suffisant.

Tout comme pour la loi Pons, du fait de l'autonomie fiscale de la collectivité territoriale, les investissements directs des sociétés soumises à l'IS y sont impossibles.

Une meilleure efficacité du texte pour Saint-Pierre-etMiquelon passerait, par exemple, par une amélioration du système d'agrément avec un pouvoir décisionnel donné au directeur des services fiscaux jusqu'à un seuil déterminé, ce qui est le cas dans les DOM, mais pas dans les territoires fiscalement autonomes où c'est toujours et uniquement Bercy qui prend la décision, et par l'extension des secteurs éligibles à ceux des activités de transformation et d'exportation des produits issus de l'agriculture et de la pêche.

Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il n'est pas possible de résoudre la question de l'investissement direct dans les territoires fiscalement autonomes par un article de la loi de finances, puisque justement la fiscalité nationale ne s'y applique pas. Mais ne pourrait-on pas trouver des solutions s'inspirant de systèmes existant déjà en métropole comme ceux du bénéfice mondial ou du bénéfice consolidé, qui s'appliquent, avec l'agrément du ministre, à quelques grands groupes financiers et industriels et permettent la prise en compte des résultats, n otamment des pertes à l'étranger ? Ne pouvant m'étendre davantage sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous adresserai une note à ce sujet, afin de tenter de rendre ce texte plus performant dans les territoires fiscalement autonomes, et en particulier à Saint-Pierre-etMiquelon.

Le deuxième point sur lequel je tiens à attirer votre attention concerne l'érosion considérable du pouvoir d'achat des retraités du secteur privé, compte tenu de l'augmentation très importante du coût de la vie dans l'archipel.

Le coût de la vie à Saint-Pierre-et-Miquelon est tributaire du coût très élevé du transport des marchandises et des transports en général, des fluctuations des dollars américain et canadien en forte hausse, de la très forte augmentation des hydrocarbures. Comme chacun le sait, il est absolument nécessaire de se chauffer à Saint-Pierreet-Miquelon et, au prix actuel du litre de fioul domestique, un seul mois de chauffage représente les deux tiers de la pension d'une personne retraitée vivant seule et percevant le minimum vieillesse. Que lui reste-t-il pour subsister ? Or la majorité des retraités du secteur privé ne perçoivent que le minimum vieillesse, puisque la loi établissant un régime d'assurance vieillesse ne date que de juillet 1987. Cette loi de 1987, dans ses articles 13 et 35, prévoit la revalorisation d'office des retraites au niveau de celles de métropole, ainsi qu'une possibilité de revalorisation supplémentaire en cas d'évolution supérieure du coût de la vie dans l'archipel, mais sur décision conjointe des ministres de la santé et du budget. Or l'indice des prix à la consommation a augmenté de 23,58 % de 1992 à juin 2000, de 12,98 % de 1997 à juin 2000, et bien audelà depuis, à la suite de l'augmentation du prix du fioul domestique.

Je vous ai déjà saisi de cette question, monsieur le secrétaire d'Etat, de même que Mme Guigou, dans une question écrite. Je trouve en effet scandaleux qu'on ne concrétise pas un réajustement demandé par la Caisse de prévoyance sociale depuis juillet 1998 et qu'on laisse simplement entendre de manière informelle qu'une augmentation de 3 % pourrait être envisagée, ce que je considère indigne voire insultant à l'égard des vieux travailleurs. Je compte sur votre intervention efficace, pour régler cette question, apparemment bloquée depuis près de deux ans aux ministères du budget et de la santé.

D'autre part, si la vie est chère dans l'archipel, elle l'est pour tous les retraités. Or les pensionnés de l'ENIM, les agents des collectivités locales et les agents hospitaliers ne bénéficient pas de la majoration de 40 % de leur pension.

Je ne peux donc que regretter que certains amendements que j'ai déposés récemment dans le cadre de la loi d'orientation n'aient pas été repris par le Gouvernement, l'un d'entre eux concernant quelques fonctionnaires que j'estime avoir été trompés et floués par l'Etat à l'époque où ils furent conduits à faire le choix du passage de la fonction publique de l'Etat au statut d'agent des collectivités territoriales et hospitalières.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite également appeler votre attention sur un dossier qui me semble fondamental pour l'avenir de l'archipel, celui de l'exploitation des hydrocarbures. Savez-vous, mes chers collègues, qu'en France métropolitaine et d'outre-mer, n'importe quel groupe pétrolier peut, dans le cadre d'une exploitation off shore , extraire notre gaz ou notre pétrole sans payer de redevance à l'Etat ? Et cela depuis la suppression de ces redevances par un amendement déposé fin 1992 au projet de loi de finances pour 1993, modifiant l'article 31 du code minier qui les établissait. La France est ainsi devenue le seul pays au monde où ce type de redevance n'existe pas. Partout ailleurs, il est perçu par les états propriétaires 30 à 88 % du prix du baril de pétrole brut. Mais peut-être à l'époque existait-il des intérêts que


page précédente page 08557page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

j'ignore ou avait-on occulté l'existence de l'outre-mer français ? Saint-Pierre-et-Miquelon est pourtant situé en plein centre de réserves d'hydrocarbures dont le potentiel est estimé à plus de 50 % de la totalité des réserves de l'Europe, fait connu des Canadiens depuis le début des années 70.

Les parlementaires de l'archipel ont réussi à rectifier le tir, par un amendement à la loi de finances pour 1999 établissant une redevance en zone économique exclusive autour de Saint-Pierre-et-Miquelon, seul endroit, par conséquent, dans toute la France métropolitaine et d'outre-mer, où une telle redevance existe. Suite à d'importants travaux de recherche menés depuis trois ans par les sociétés associées, Gulf Canada, Mobil Canada et Exxon, le premier puits sera foré au début de l'année prochaine.

Vous savez, monsieur le secrétaire d'Etat, toute l'importance que j'attache à ce dossier tant pour les recettes budgétaires qu'il doit apporter dans quelques années que p our ses répercussions sur l'activité économique et l'emploi dans l'archipel. Mais vous savez également que l'article 27 du statut de Saint-Pierre-et-Miquelon, conformément à l'article 49 de la loi du 4 janvier 1993, dispose

« L'Etat concède à la collectivité territoriale, selon un cahier des charges approuvé par décret en Conseil d'Etat pris après avis du conseil général, l'exercice des compétences en matière d'exploration et d'exploitation des ressources naturelles, biologiques et non biologiques du fond de la mer, de son sous-sol et des eaux surjacentes. » Il

devient donc impératif que ce cahier des charges, nécessaire pour la signature des permis d'exploration ainsi que pour l'attribution des concessions, soit rédigé très rapidement.

Par ailleurs, il me semble tout aussi impératif que la partie française obtienne, en préalable au traité d'unitisation, la réciprocité en matière de desserte des platesformes, c'est-à-dire la possibilité pour un navire basé à S aint-Pierre-et-Miquelon et battant pavillon français d'avitailler les plates-formes situées en zone canadienne, ce qui est actuellement impossible du fait de l'Atlantique Accord, alors qu'un navire canadien peut parfaitement desservir une plate-forme canadienne située en zone économique exclusive française.

Je veux également vous dire combien les activités de pêche et la transformation des produits de la mer comptent historiquement et économiquement à SaintPierre-et-Miquelon. Ce secteur a renoué récemment avec le dynamisme économique grâce à la création de trois nouvelles sociétés, à l'initiative d'investisseurs locaux exploitant des produits nouveaux. Nul doute que les dispositions de la loi d'orientation donneront à ces entreprises un bol d'oxygène, ainsi que l'encouragement qu'elles méritent.

Compte tenu de l'impact sur l'emploi local de l'activité d'Archipel SA, il est nécessaire de maintenir la subvention d'équilibre tant que les quotas resteront au niveau actuel.

Mais il nous faudrait, bien sûr, de meilleurs quotas.

A ce sujet, monsieur le secrétaire d'Etat, je considère qu'il est inacceptable pour le Gouvernement français que, dans le cadre des négociations bilatérales, le Canada impose d'entrée comme incontournables les avis du Conseil consultatif des ressources halieutiques en matière de TAC, c'est-à-dire de quotas, alors que cet organisme scientifique n'est absolument pas référencé dans l'accord franco-canadien de décembre 1994. Dans ces conditions, quelle signification peuvent bien avoir les négociations annuelles dans le cadre du Conseil consultatif francocanadien ? De même, il est anormal que les Canadiens demandent à un petit pêcheur artisan de payer un droit de pêche identique à celui imposé à la grande pêche industrielle canadienne pour pratiquer la pêche au thon, activité tout à fait marginale dans l'archipel. Je note également que la Communauté européenne refuse, depuis 1997, de restituer à l'archipel un quota de 270 tonnes de carrelet obtenu dans le cadre de l'OPANO grâce aux antériorités de pêche des chalutiers de l'archipel, refus contraire à la décision 91/482 de la Commission qui dispose que la Communauté doit favoriser, par les PTOM, l'accès aux ressources halieutiques en haute mer. Sans doute le moment est-il venu de profiter de la présidence française pour régler définitivement cette question.

Un mot également sur les difficultés budgétaires de la collectivité territoriale.

D'abord, elles ne datent pas d'hier, puisqu'un rapport des services du ministère des finances, datant de 1995, indiquait d'ores et déjà : « Dès 1990, voire avant, il aurait été visible, si le budget avait été analysé, que la collecti v ité était déjà en difficulté puisque le résultat d'exploitation ne couvrait pas ou à peine la charge des emprunts. »

Ensuite, elles ne sont pas le fait de la majorité qui a présidé la collectivité de 1994 à mars 2000, puisque tous les rapports établis par les différents inspecteurs des finances chargés par le Gouvernement de missions d'audit du budget ont établi que la gestion de ces années-là était sérieuse et responsable. Une seule phrase du rapport Limodin, rapport récent puisqu'il date de septembre 1999, le démontre : « La collectivité territoriale a connu de 1994 à 1998 un très net redressement financier, qui s'est traduit par la possibilité de continuer à investir sans mettre en péril l'équilibre financier global. Il s'agit là de la traduction dans les faits d'une politique de gestion qui prend le contre-pied des errements antérieurs. » Je ne

peux donc, monsieur le secrétaire d'Etat, laisser dire ce qui se dit aujourd'hui, parce que c'est injuste et faux.

Ce qui est vrai, c'est qu'il y a toujours eu de réelles difficultés budgétaires et qu'elles se sont aggravées depuis l'obligation imposée à la collectivité territoriale, à partir de 1994, d'assumer une part trop élevée du financement d e la nouvelle infrastructure aéroportuaire, près de 100 millions de francs, alors que le marché avait été signé trois semaines avant l'arrivée de la nouvelle majorité. Il n'y a pas de miracle. Si, en 1994, la dette de la collectivité territoriale était de près de 60 millions de francs, avec une marge d'autofinancement courante nulle, voire négative, six ans après, cette dette en capital atteint obligatoirement 160 millions de francs. Dès novembre 1994, je disais d'ailleurs à cette même tribune, à propos du financement de la piste aéroportuaire, que la participation excessive qui nous était demandée aboutirait « au déséquilibre budgétaire de la collectivité territoriale pour de longues années et compromettrait définitivement toute volonté de diversification ». En 1995, toujours à cette même tribune, je précisais que « s'engager dans cette voie serait budgétairement suicidaire ».

Les difficultés budgétaires de la collectivité territoriale ne sont donc pas nouvelles et, quelle que soit l'équipe qui la gère, les solutions passent d'abord par une gestion saine et responsable, qui devrait être complétée, à mon sens, par une démarche politique ferme auprès de la Commission européenne afin qu'elle compense le manque à gagner de la collectivité territoriale au titre des opérations de mise en libre pratique à partir de juillet 1999. En effet, l'enquête effectuée n'a établi aucune illégalité, et pour cause. La Commission, dans son projet OCEANS,


page précédente page 08558page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

rétablit même une aide aux opérateurs en modifiant la décision 91/4. Quant à l'Etat, il doit prendre en charge tout ou partie de la dette imposée, à partir de 1994, à l'exécutif en place.

M. le président.

Merci d'en venir à votre conclusion, monsieur Grignon.

M. Gérard Grignon.

J'en ai terminé, monsieur le président.

Monsieur le secrétaire d'Etat, j'espère vous avoir sensibilisé à ces questions spécifiques à Saint-Pierre-et-Miquelon. J'écouterai donc attentivement et avec espoir les réponses ou les réflexions qu'elles vous inspireront.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, parler cette année du budget de l'outre-mer, c'est aussi parler de la loi d'orientation puisque ce budget est la traduction en termes financiers de la mise en oeuvre, dès 2001, de la plupart des mesures inscrites dans ce texte. Il s'agit donc, selon nous, du premier budget d'une nouvelle étape.

L'emploi est le maître-mot de la loi d'orientation. Il n'est donc pas surprenant que les sommes qui lui sont consacrées en fassent le premier poste de ce budget. Leur forte augmentation mérite toutefois que l'on s'y arrête.

Ces crédits concernent les dispositifs de droit commun, notamment les emplois-jeunes, qui ont contribué à ne pas aggraver encore un peu plus le taux de chômage.

Mais lorsque plus d'un jeune sur deux n'a pas d'emploi, ils ne peuvent suffire. D'où la création de mesures spécifiques qui traduisent la volonté du Gouvernement de voir le chômage baisser durablement dans les départements d'outre-mer. Aux jeunes, dont l'entrée dans la vie active est particulièrement problématique, le projet initiativejeunes et le congé-solidarité devraient fournir de nouvelles perspectives. Mais apprécier au plus juste les efforts déployés en faveur de l'emploi suppose que l'on évoque, même, si elles figurent dans le budget du ministère de l'emploi, les sommes prévues pour les exonérations de charges sociales, qui vont plus que tripler.

Quand les taux de chômage sont aussi durablement élevés, les situations d'exclusion, avec leur cortège de drames et de souffrances ne sont pas rares. Les solidarités familiales ou amicales ne suffisent pas à y remédier, ni même si elles les atténuent, les mesures issues de la loi de lutte contre les exclusions. C'est pourquoi ces mesures vont être renforcées par un nouveau dispositif, celui-là propre à l'outre-mer. En prévoyant le cumul légal d'une activité et d'une indemnité, l'allocation de retour à l'activité a pour objectif de limiter le nombre de personnes totalement et définitivement exclues du monde du travail.

Ce budget nous renseigne aussi en partie sur l'alignement du RMI. Vous connaissez, monsieur le secrétaire d'Etat, notre position à ce sujet. Nous notons que le délai maximal de cet alignement est de trois ans. L'examen des sommes consacrées au logement laisse apparaître que la première augmentation du RMI dans les départements d'outre-mer se fera en 2001. Le processus d'égalisation est donc à nouveau enclenché. Nous aimerions toutefois en savoir un peu plus sur le calendrier qui conduira à l'égalité.

Ces différentes mesures, qui concilient développement économique et avancées sociales, s'appliqueront en outre dans un contexte marqué par d'importants transferts de compétences, et donc par un accès accru aux responsabilités. Le succès de cette nouvelle politique dépendra, par conséquent, de la capacité de tous à se mobiliser et à mettre en oeuvre tous les moyens proposés dans la loi d'orientation, mais aussi à l'échelon local ou au niveau européen.

A cet égard, je voudrais, monsieur le secrétaire d'Etat, a ppeler votre attention sur une proposition de la Commission européenne consistant à diminuer du quart de ses ressources la dotation du POSÉIDOM agricole. En tant que présidente de l'intergroupe parlementaire de l'outre-mer, j'ai alerté le Président de la République, président en exercice de l'Union, ainsi que le Premier ministre, sur les risques que l'adoption d'une telle proposition, déjà entérinée en première lecture par le Conseil, risque de faire courir à l'agriculture d'outre-mer. Au moment où la France assure la présidence de l'Union européenne, nous comptons sur la vigilance du Gouvernement pour éviter que ne se renouvellent de telles initiatives.

Comme nous l'avons souligné à maintes reprises, ce budget et, au-delà, la loi d'orientation proposent de réelles perspectives.

Faut-il prétendre que la loi d'orientation a atteint son point de perfection ? Que le Parlement l'ayant adoptée, la Réunion va redevenir l'« île d'Eden », ainsi que la baptisèrent les navigateurs portugais du

XVIIe siècle ? Assurément pas ! Mais en ouvrant la voie du développement et en créant celle de la responsabilité, elle inaugure une ère nouvelle qui suscite, comme à l'orée de chaque grande étape, espoir et inquiétude.

Après la liberté, après l'égalité, nous accédons à la responsabilité. Rarement, et sans doute jamais, des mesures et des moyens aussi importants n'ont existé à la Réunion.

L'adoption et l'application de la loi d'orientation interviennent au moment même où entrent en vigueur le contrat de plan Etat-région, le plan de développement régional avec l'Union européenne, mais aussi le nouveau dispositif de soutien fiscal à l'investissement. La combinaison de ces différents dispositifs fait que les conditions sont à présent réunies pour élaborer et mettre en oeuvre une stratégie de développement.

C'est cette voie qui s'ouvre aujourd'hui aux Réunionnais. C'est cette tâche qui nous attend tous. Et c'est par notre capacité à mobiliser les moyens, à imaginer les articulations les plus efficaces, à concilier solutions inédites et remèdes moins novateurs que nous répondrons aux défis du développement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe Chaulet.

M. Philippe Chaulet.

Monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi que le faisait observer hier encore M. Michel Sapin devant notre commission, pour dire qu'un budget est bon, on ne le juge pas uniquement à son taux de croissance. D'ailleurs, comme c'est le cas depuis plusieurs années, votre budget pour 2001 ne doit son augm entation qu'à des transferts de crédits provenant d'autres ministères, et il représente si peu pour les investissements et le développement de l'outre-mer que je préfère sincèrement discuter, ce matin, de la partie économique de la loi d'orientation. Mais, pour ma part, je le dis ouvertement, car il ne faut pas tout mélanger, comme


page précédente page 08559page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

l'ont fait certains de nos collègues qui, prétextant l'examen de vos crédits, ont essentiellement parlé de la loi d'orientation.

Parmi les principales dispositions économiques figure l'article 12 de la première partie du projet de loi de finances, votée en première lecture par notre assemblée.

Cet article 12 réforme entièrement le dispositif de la loi Pons. Depuis ce matin, j'entends tout le monde dire que c'est merveilleux. Moi je pense le contraire. A chacun sa manière de voir.

La loi Pons, vos prédécesseurs avaient commencé à la tuer. Ils avaient mis en place la « tunnellisation ». On parlait alors de certains excès. Peut-être, mais, que je sache, le Club Med, ou d'autres bateaux portant le nom d'hommes célèbres, ont bien obtenu l'agrément, et ce n'étaient pas toujours des gens de mon bord qui étaient alors aux responsabilités.

Aujourd'hui, vous revenez sur les décisions antérieures.

Même en la modifiant, vous avez repris la loi Pons. Alors que vos amis l'avaient tant critiquée et avaient entrepris de la démantibuler, vous avez été obligés de la réhabiliter, pour rétablir un principe d'incitation fiscale dont vous admettez maintenant la nécessité.

Seulement, parce qu'elle s'inscrit dans une perspective dirigiste et administrée, l'aide à l'investissement que vous avez intégrée à la loi de finances pour 2001 ne soulève pas en Guadeloupe, contrairement à ce que vous affirmez, un enthousiasme extraordinaire. En effet, si l'on peut observer quelques petits aspects positifs pour les petites entreprises ou le logement social, il faut cependant regretter un système de plafonnement de l'avantage fiscal qui ne va pas rendre le tour de table facile à organiser. Au contraire, ce sera terriblement complexe, et je pense qu'il y aura plutôt un effet de désincitation. De plus, le maintien de la tunnellisation vient aggraver cet inconvénient, d'autant que le système d'agrément par le seul ministère des finances reste en vigueur.

En somme, monsieur le secrétaire d'Etat, le nouveau dispositif se caractérise par l'étroitesse de son champ d'application, par une réduction de la portée de la mesure incitative, par l'absence d'un dispositif de drainage de l'épargne locale et par un impact limité qui ne permettra pas de renforcer les fonds propres des PME.

Pour reprendre les propos de personnes directement concernées par l'utilisation de ce dispositif fiscal, « l'esprit de doctrine l'emporte de toute évidence sur toute autre considération ».

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous le savez, je ne voterai point votre budget. Je souhaiterais néanmoins attirer votre attention sur deux points concernant les départements d'outre-mer dans le projet de loi de finances pour 2001. Le premier porte sur la suppression de l'aide à l'embauche pour les apprentis dans les entreprises de plus de onze salariés, au motif que la reprise économique a largement contribué à la diminution du chômage des jeunes. Si de telles économies budgétaires peuvent se justifier pour le territoire hexagonal, on ne peut assurément pas affirmer que le chômage des jeunes recule durablement dans nos départements. Je vous demande donc votre appui pour exclure du champ d'application de l'article 57 du projet de loi de finances les départements d'outre-mer.

En second lieu, il semblerait que le dispositif des aides aux contrats de qualification devrait être supprimé par décret : je souhaiterais obtenir de votre part que cette mesure ne concernera pas les départements d'outre-mer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Ernest Moutoussamy.

M. Ernest Moutoussamy.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce budget de l'outre-mer marqué par une augmentation intéressante de près de 7 % et classé, à ce titre, au 3e rang des ministères, après ceux de la ville et de l'environnement, traduit la volonté politique de transformer la loi d'orientation en levier pour la construction de l'outre-mer et la rénovation du pacte républicain.

Accompagné, d'une part, par le budget du ministère de l'emploi qui prévoit des crédits pour l'exonération des 3,5 milliards de charges sociales patronales de la loi d'orientation et, d'autre part, par l'article 12 de la loi de finances mettant en place un nouveau dispositif d'aide fiscale à l'investissement, ce budget devrait faire reculer l'assistanat et le chômage et permettre aux petites entreprises de reconquérir le tissu économique au profit de l'emploi et de la production de richesses.

Cependant cette année encore, j'exprimerai à cette tribune le regret de ne pas avoir une lisibilité et un débat sur le volume global des crédits budgétaires de l'Etat consacrés à l'outre-mer. Il est de plus en plus insupportable pour nous, parlementaires d'outre-mer, de discuter et de voter uniquement le budget de l'outre-mer qui ne représente que 10 % des interventions de l'Etat en laissant dans l'anonymat les 90 % de crédits qui intéressent la santé, la ville, l'emploi, la justice, l'éducation nationale, l'agriculture, par exemple. Nous devons sortir de cet archaïsme. Avec la réforme de l'ordonnance de 1959, viendra peut-être le temps où la discussion du budget de l'outre-mer portera sur toute la politique menée en outremer.

M. Henry Jean-Baptiste.

Très bien !

M. Ernest Moutoussamy.

En attendant, monsieur le secrétaire d'Etat, je salue l'initiative que vous avez prise récemment de tenir une conférence de presse commune avec M. le ministre de l'éducation nationale. Cette première vous donna l'occasion de confirmer que la priorité du Gouvernement est de doter l'outre-mer d'un projet éducatif fort et novateur, pour élever le niveau de qualification de nos jeunes.

Bien entendu, il eût été souhaitable qu'une réunion de cette nature se tienne aussi avec les parlementaires dans le cadre de l'intergroupe outre-mer, par exemple. Dans cette logique, ne pourrait-on pas prochainement envisager, avec le ministère de Mme Guigou, une conférence sur l'emploi afin d'arrêter une stratégie globale de lutte contre le chômage, qui prenne en compte tous les dispositifs actuels mais aussi l'économie sociale et solidaire et une plus juste redistribution des fruits de la croissance ? S'agissant du chômage, la Guadeloupe était fin 1999 le seul département d'outre-mer où le fléau n'avait pas commencé à reculer. Il eût été intéressant, monsieur le secrétaire d'Etat, d'analyser les causes de cette situation atypique. Un diagnostic approfondi en surprendrait vraisemblablement plus d'un quant à la volonté de certains de voir la politique de la gauche plurielle réussir en Guadeloupe.

Par ailleurs, dans un contexte marqué par le contrat de plan Etat-région, par le DOCUP, par l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, par la loi d'orientation, il paraît utile de rendre lisibles et cohérentes nos principales perspec-


page précédente page 08560page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

tives. Il en est ainsi de notre place dans l'Union européenne, de façon à définir et à mieux cerner le concept de région ultrapériphérique.

Cela m'amène à vous interroger sur le POSEIDOM, pour lequel on parle d'une baisse des moyens, sur la libéralisation des droits et des contingents des productions en provenance des pays les moins avancés, sur l'avenir du sucre et de la filière canne avec l'usine sucrière de MarieGalante et le projet guyanais, et, enfin, sur le dossier de la banane. Bref, monsieur le secrétaire d'Etat, quel est l'avenir de l'outre-mer au sein de l'Union européenne ? Que peut-on attendre de la présidence française de l'Union ? S'agissant du FEDOM, dont le champ de compétence s'élargit désormais aux mesures de la loi d'orientation en faveur de l'emploi et de l'insertion, vous serait-il possible de nous préciser selon quelles modalités et avec quelle logistique il interviendra, notamment pour les projets initiatives-jeunes, pour les départs en préretraite et pour les allocations de retour à l'activité ? En insistant pour une mise en application rapide de ces différents dispositifs, nous voulons maintenir l'immense espoir suscité par la loi d'orientation et inscrire n otre département dans une logique de croissance durable, portée par un cadre statutaire adapté, démocratiquement choisi par notre peuple.

Avant de terminer, je voudrais attirer votre attention sur la forte poussée de la délinquance et de l'insécurité en Guadeloupe. Le trafic et la consommation de drogues, l'immigration clandestine, la violence, les scandales financiers - par exemple la disparition du fonds de garantie de la SODERAG - exigent des moyens renforcés pour la police et la justice, afin que l'Etat assure pleinement le respect de la loi et la protection des citoyens.

En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, nous voterons ce budget, qui ne confond la politique ni avec la magie, ni avec les promesses démagogiques de telle ou telle déclaration. Il met en oeuvre une forte solidarité nationale de façon digne, active et progressiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Daniel Marsin.

M. Daniel Marsin.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis le projet de budget pour 1998, le Gouvernement a toujours affiché ses priorités : l'emploi, le soutien à l'économie, la solidarité. Et, joignant en quelque sorte le geste à la parole, il a, à chaque fois, présenté des dotations budgétaires de nature à satisfaire ces priorités : 7 % d'augmentation en 1999, 13,6 % en 2000. Nous, parlementaires d'outremer, avons toujours applaudi l'effort budgétaire ainsi consenti, même si, à chaque fois, nous avons insisté aussi sur la nécessité d'avoir un vrai débat d'orientation budg étaire. C'est d'ailleurs de cette revendication qu'a découlé le grand débat du 23 octobre 1998, qui luimême a été suivi par la mission Lise-Tamaya, pour aboutir enfin à la loi d'orientation pour l'outre-mer.

Cette loi a été l'occasion, pour la représentation nation ale, d'une discussion extrêmement fouillée. Et en résumé, face à la situation économique obérée, aux handicaps structurels de nos départements, au chômage, à la précarité, à la désespérance des chômeurs, et surtout des jeunes, face à nos aspirations à plus de responsabilités, un certain nombre d'orientations fortes ont été dégagées tout au long des débats, qui ont duré le temps qu'il fallait - leur conclusion est prévue ce soir.

De fait, des mesures audacieuses ont été prévues dans ce texte. Certes, certains nous ont dit - et ce matin encore - qu'une loi d'orientation était trop vague, et qu'une loi de programmation eût été plus adaptée. Je considère quant à moi que jamais des orientations n'ont été aussi claires. Jamais un budget ne s'est autant appuyé sur des orientations aussi précisément définies par le débat parlementaire. Ces orientations, qui seront votées ce soir même, je l'espère, donnent tout son sens à votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat.

Bien sûr, comme tout le monde, je me réjouis qu'avec 6,8 milliards de francs ce budget augmente de 6,17 %, à contours constants. Je ne partage donc pas du tout l'avis des orateurs qui prétendent que cette augmentation est artificielle et qu'il s'agit en fait de transferts. Il est bel et bien question d'une augmentation de 6,17 %, qui est à rapprocher, d'ailleurs, de la progression de 1,7 % du budget général.

Je voudrais aussi souligner, pour m'en réjouir, même si, comme d'autres collègues, j'aurais effectivement préféré que nous puissions en débattre, que l'ensemble de l'effort budgétaire national consenti en faveur de l'outre-mer augmente de 10 % pour atteindre 50 milliards.

Au-delà des chiffres, je me félicite surtout que ce budget prévoie les moyens nécessaires pour mettre en oeuvre la loi d'orientation. Je le rappelle, celle-ci a acté clairement que la lutte pour l'emploi et la dignité de l'homme passe d'abord par le développement économique et donc la nécessité de rendre solvables les entreprises existantes.

Le budget du ministère de l'emploi et de la solidarité a pris ainsi en compte les mesures visant à alléger les charges sociales, à hauteur de 3,5 milliards, et les crédits destinés à financer les primes à la création d'emplois et l'aide fiscale à l'investissement.

Nous avions également l'objectif de favoriser l'insertion et l'initiative chez les jeunes. Or, monsieur le secrétaire d'Etat, on retrouve dans votre budget la traduction de ceso rientations avec précisément la budgétisation des 10 000 projets initiatives jeunes, qu'il s'agisse de reprises ou de créations d'entreprises ou encore de formations et des 900 emplois de volontaires au titre du service militaire adapté.

Nous souhaitions encore susciter la sortie du chômage : ce budget prévoit les sommes nécessaires pour permettre trois mille départs à la retraite contre l'embauche de jeunes. J'espère que les départements et les régions accompagneront comme ils le doivent cette mesure. Notons encore que vous financez 10 000 allocations de retour à l'activité.

La loi d'orientation a également acté la nécessité de poursuivre, voire d'accentuer, l'effort en faveur du logement. Avec 950 millions de francs de crédits de paiement, soit une augmentation de 3,5 %, le pari est tenu, d'autant que vous aviez pris l'engagement, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire en sorte que l'augmentation du RMI et la baisse de la créance de proratisation qui en découle n'entraînent pas une baisse des crédits nécessaires à la poursuite de la politique du logement.

La loi d'orientation reconnaît aussi clairement - les débats ont été soutenus sur cette question - la nécessité de valoriser et de promouvoir la culture dans nos régions : 12 millions sont prévus pour favoriser précisément les échanges culturels entre nos régions et la métropole et nos régions au sein de leur environnement.

La loi d'orientation posait encore le principe d'une plus forte implication des DOM dans la coopération régionale. Eh bien, contrairement à ce qui a pu être


page précédente page 08561page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

observé dans le passé, il ne s'agit plus seulement de mots, mais d'une réalité puisque 20 millions de francs ont été mobilisés pour les fonds de coopération régionale.

Enfin, votre budget montre clairement les moyens que l'Etat entend engager pour la mise en oeuvre des contrats de plan. Comme tout un chacun, j'ai noté en effet que les crédits de paiement au titre du FIDOM augmentent de 15 % et les autorisations de programme, de 55 %. Monsieur le secrétaire d'Etat, cette concordance stricte entre les orientations que nous avons définies et ce projet de budget montre que vous avez tenu parole, ce dont je ne peux que me réjouir. Ainsi, la loi d'orientation va pouvoir déboucher sur des mesures concrètes. J'aspire à une publication rapide des décrets d'application afin que les crédits prévus ne restent pas inutilisés.

Pour que ce budget soit opérationnel et prenne tout son sens, il faut également que les acteurs locaux se mobilisent. J'invite donc de cette tribune mes collègues élus dans les collectivités territoriales et mes compatriotes à se saisir de toutes ces mesures pour impulser une réelle dynamique de développement économique et durable.

Monsieur le sécrétaire d'Etat, je voterai ce budget qui répond à nos attentes à court terme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et vert.)

M. le président.

La parole est à M. André Thien Ah Koon.

M. André Thien Ah Koon.

Monsieur le président, monsieur le sécrétaire d'Etat à l'outre-mer, au regard des défis auxquels est confrontée la Réunion, avec 40 % de chômeurs, et 60 000 Rmistes, nous sommes frappés par l'insuffisance des moyens et les lacunes de votre budget.

Certes, à l'exception du congrès qui annonce la séparation entre la France et ses départements d'outre-mer, et sous réserve de l'alignement du RMI, la loi d'orientation marque une avancée importante dans les domaines économique et institutionnel, et je m'en félicite.

Cependant, ce budget n'est pas totalement à la hauteur des enjeux. Pensez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, que les mesures soient suffisantes pour apporter un peu p lus d'espoir aux 100 000 chômeurs et aux 60 000 Rmistes réunionnais ? Depuis cinquante-cinq ans, date de la départementalisation, nous nous heurtons chaque année à une fatalité qui repose sur l'affirmation de grands principes, pratiquement jamais suivie d'effets et de mesures.

Compte tenu du temps qui m'est imparti, je préfère, à quelques semaines de l'application de la loi d'orientation, faire le point sur certains dossiers qui ont été oubliés par la loi d'orientation et sur lesquels votre budget ne s'est pas prononcé.

Après trois siècles de colonisation et cinquante-cinq ans de départementalisation, il n'est pas normal que les Réunionnaises et les Réunionnais soient toujours en quête d'égalité, sociale, économique et institutionnelle. Ils ont toujours voulu affirmer leur identité de Français, partout, mais surtout dans l'océan Indien, où ils sont les dignes et fiers représentants de la France et de l'Europe.

Ils attendent de vous, monsieur le secrétaire d'Etat, des décisions majeures qui leur permettent de prendre rendezvous avec leur histoire, leur avenir et leur destin.

Nous sommes des citoyens français et nous faisons partie de la nation française. A ce titre, j'insiste sur notre droit à une totale égalité, par respect pour la mémoire des nôtres qui se sont installés sur l'île avec la France, depuis plus de trois cent cinquante ans, et qui ont connu l'histoire de l'esclavage, de la colonisation et des deux guerres mondiales.

Nous ne transigerons donc jamais sur notre citoyenneté française car nous faisons partie par notre histoire et notre éducation de l'histoire de France.

Ainsi, rien dans les principes de notre République, rien dans les principes fondamentaux de la Constitution n'autorise qui que ce soit à s'arroger le droit de traiter de façon discriminatoire - une fois de plus - les descendants français de l'esclavage en leur refusant l'alignement immédiat du RMI.

De cette façon, vous aggravez encore les erreurs de l'histoire au lieu de les réparer.

Si nous sommes véritablement un département français, rien ne justifie un RMI diminué de 20 % par rapport à la métropole. En récidivant dans cette discrimination, vous allez à l'encontre des principes de justice et d'égalité qui sont le socle démocratique de notre pays.

Je ne me reconnais pas, monsieur le secrétaire d'Etat, dans cette patrie des droits de l'homme-là.

L'alignement immédiat du RMI est devenu pour les Réunionnais le symbole de leur citoyenneté française.

N'écoutez pas, monsieur le secrétaire d'Etat, ceux qui ignorent nos conditions de vie, qui nous insultent dans la presse et dans certains ministères pour faire accréditer l'idée que les mères de famille créoles de la Réunion seraient des paresseuses, des assistées et des bonnes à rien.

Je dirai à nos mères de famille : soyez fières de vous, de ce que vous avez vécu et assumé pour élever et éduquer nos enfants. Le courage et les sacrifices ne vous ont jamais manqué, malgré toutes sortes d'injustices qui sont encore plus insupportables lorsqu'elles sont pratiquées par l'Etat.

Au nom du respect de notre citoyenneté française et en pensant à nos familles, je vous demande solennellement, monsieur le secrétaire d'Etat, l'alignement immédiat du RMI et de toutes les autres lois sociales.

Enfin, toujours sur le plan social, notre pays se grandirait en rendant justice à nos 12 000 journaliers communaux qui ont été oubliés par l'Etat et par la loi d'orientation.

Personne ici, ne peut contester à ces hommes et à ces femmes compétents et consciencieux le droit à être titularisés, car il s'agit bien, là encore, d'un droit. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne pouvez pas oublier une fois de plus la question des communes et de leur personnel. La loi Sapin, que le Gouvernement prépare sur la résorption de la précarité dans la fonction publique, doit donner une réponse définitive à ce problème.

Je voudrais maintenant aborder les questions économiques : la priorité des priorités, pour nous, reste le combat pour la création d'emplois durables.

Là encore, monsieur le secrétaire d'Etat, je crois que le Gouvernement aurait dû aller plus loin. Je pense surtout aux concepts modernes et novateurs d'entreprise franche, de port franc, et de secteur offshore, qui n'ont toujours pas été examinés par nos responsables nationaux, alors que nos élus consulaires, nos organisations socioprofessionnelles et les partis politiques locaux réclament unanimement ces mesures d'urgence.

L'avenir économique de la Réunion passe par la reconnaissance d'un statut d'île franche - pour que notre île puisse jouer pleinement son rôle de porte d'entrée de l'Europe dans l'océan Indien. C'est toute la Réunion qui


page précédente page 08562page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

doit être érigée en île franche avec comme stratégie la francisation des produits en vue de leur exportation sur le territoire européen.

Dans le concert de la mondialisation du commerce, notre île, en tant que plate-forme d'échanges européenne, serait beaucoup plus attractive pour les industries et entreprises nationales et étrangères, puisqu'elles auraient la certitude de pouvoir vendre en Europe les produits semi-finis importés.

L'entreprise franche est une vision moderne de l'économie, comme c'est le cas à l'île Maurice. C'est l'une des grandes réponses au défi de l'emploi, et je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, de lancer une étude sur la réalisation d'un tel projet.

Mais l'un des principaux dangers qui désorganise l'économie des départements d'outre-mer, ce sont les monopoles. Le Gouvernement a fait un premier pas très important en limitant, à mon initiative, l'implantation et l'extension à la Réunion des grandes et moyennes surfaces dans le secteur alimentaire. Mais cela n'est pas suffisant.

Conformément à la loi sur les régulations économiques, les départements d'outre-mer ont plus que jamais besoin d'une grande loi sur la lutte contre toutes les formes de monopoles, pas seulement dans le secteur alimentaire, mais aussi dans les secteurs du transport aérien, des communications téléphoniques, des carburants et des matériaux stratégiques de construction tels que le ciment.

A la Réunion, le défi du

XXIe siècle est d'assurer dans tous les domaines un équilibre des forces en présence. Et seule la loi peut le faire.

Reste enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, et vous ne serez pas surpris que je lui consacre une bonne partie de mon intervention, à évoquer l'égalité institutionnelle et le deuxième département.

Dans la loi d'orientation tant attendue par nos concitoyens d'outre-mer, l'égalité institutionnelle poursuit sa route. Le deuxième département a été préconisé par le Président de la République, le Gouvernement, les députés de la Réunion, unanimes, et pratiquement tous les hommes politiques, notamment Jean-Paul Virapoullé, Margie Sudre et Jean-Luc Poudroux.

Je suis consterné de découvrir que l'UDF de Jean-Paul Virapoullé affiche à Paris, à l'insu des Réunionnais, des positions autonomistes pour la Réunion, préférant le congrès au deuxième département.

M. Henry Jean-Baptiste.

Arrêtez !

M. André Thien Ah Koon.

Je ne comprends toujours pas comment l'UDF de Jean-Paul Virapoullé préconise l'évolution statutaire de la Réunion vers l'autonomie en refusant aux Réunionnais la même organisation administrative que les métropolitains.

M. Henry Jean-Baptiste.

C'est malséant.

M. André Thien Ah Koon.

L'UDF, téléguidée et manipulée par Jean-Paul Virapoullé dans une stratégie de largage institutionnel et de rupture entre la Réunion et la France, mène le combat contre le second département pour nous pousser, à plus ou moins long terme, vers le congrès, l'autonomie et l'indépendance.

Cette stratégie de l'UDF au niveau national est une erreur politique majeure, car elle remet en question notre attachement à la France. En réalité, l'UDF veut nous proposer l'autonomie au motif inavoué que nous coûterions trop cher à la France.

Il est vrai que, jadis, une personnalité éminente de l'UDF a même dit que la France entretenait des danseuses ! Mais ces danseuses étaient en haillons, monsieur le secrétaire d'Etat ! Et cinquante-cinq après la départementalisation, elles en sont encore à combattre pour l'égalité ! En effet, l'UDF, par la voie de son représentant national, a répété ici à plusieurs reprises qu'elle est contre le deuxième département, pour ne pas figer l'évolution statutaire de la Réunion vers l'autonomie, voire vers l'indépendance.

Ce qui prouve - et l'UDF l'admet - que c'est bien le deuxième département qui fixe définitivement notre appartenance à la France.

Je pense aux futures générations et à nos enfants dont les chances de vivre sur une terre paisible, à jamais française, deviennent incontournables et définitives avec le second département. Je place cette exigence de notre appartenance à la France au-delà de toute autre considération, y compris au-dessus des clivages politiques. Car les Réunionais ne doivent pas payer le prix des ambitions de quelques personnes avides de pouvoir. Nous savons tous qu'avec l'autonomie, c'est l'insécurité sociale avec la certitude d'une baisse des allocations familiales, des allocations aux personnes handicapées et aux personnes à la retraite et même du RMI.

Le second département est au contraire synonyme de sécurité institutionnelle renforcée, d'alignement sur le droit commun national avec la création d'une région pluridépartementale comme partout en France. Le second département, c'est aussi une porte ouverte sur la création d'une véritable région française de l'océan indien qui doit regrouper les deux départements réunionnais, la collectivité départementale de Mayotte, les îles Eparses et les Terres australes et antarctiques françaises.

M. Henry Jean-Baptiste.

Il se rattrape !

M. André Thien Ah Koon.

Ainsi sera définitivement bouclée l'évolution institutionnelle et administrative des îles françaises de l'océan Indien assurant à notre pays sa place dans cette partie du monde et un rôle majeur dans un espace stratégique, économique et maritime important pour l'avenir.

M. le président.

Merci de bien vouloir conclure.

M. André Thien Ah Koon.

Concrètement et pour conclure, monsieur le président, le second département c'est également un rééquilibrage du territoire en matière d'équipements publics et d'emplois pour faire face à l'avenir. C'est un outil au service de la décentralisation et de la démocratie locale.

Avec le second département, les habitants du sud auront la possibilité de gérer leur budget, de concrétiser leurs projets et d'avoir des administrations et un conseil général plus proche d'eux. En un mot, ils auront un outil de développement pour se faire entendre lors des prochains débats budgétaires.

Je voudrais enfin féliciter tous ceux qui adhèrent à l'intégration définitive de la Réunion à la France par la création du second département.

Monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le président, mes chers collègues, ne manquons pas le tournant dans l'histoire administrative et institutionnelle de la Réunion, aussi décisif que la départementalisation de 1946. Je ne doute pas un seul instant que l'histoire et l'avenir donnent raison au Président de la République, au Gouvernement, aux députés et aux élus qui ont défendu avant toute chose la place de la population réunionnaise de la France. Je vous remercie pour votre attention.

M. Anicet Turinay.

Très bien !


page précédente page 08563page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Rappel au règlement

M. Henry Jean-Baptiste.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

Oui, mon cher collègue, vous estimez avoir été mis en cause, comme lors de la discussion du projet de loi d'orientation sur l'outre-mer. Le hasard a voulu que je préside il y a quinze jours et j'ai alors entendu des propos semblables. Je vais vous donner la parole en vous demandant d'être bref afin de garder la convivialité et la qualité de nos débats.

M. Henry Jean-Baptiste.

Je ne peux pas laisser passer des attaques personnelles contre Jean-Paul Virapoullé qui a laissé le souvenir d'un excellent député. On peut avoir des oppositions sur le plan idéologique ou sur tel ou tel projet, mais je ne crois pas bon, dans cette enceinte, de nous livrer à de violentes mais dérisoires mises en cause personnelles. Je le regrette d'autant plus que, pour le reste, j'entretiens d'excellents rapports avec M. Thien Ah Koon. J'espère qu'un jour, il se rattrapera vis-à-vis de Jean-Paul Virapoullé.

Reprise de la discussion

M. le président.

La parole est à M. Elie Hoarau.

M. Elie Hoarau.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la loi d'orientation qui sera adoptée dans quelques heures maintenant fixe les grandes directions en vue du développement économique, social et culturel des départements d'outre-mer dans les années à venir. Si l'Etat ne s'engageait pas financièrement, cette loi aurait pu apparaître comme un simple exercice de style. Or, le budget de l'outre-mer que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d'Etat, est incontestablement une première réponse à ceux qui, d'emblée, avaient vu dans ce projet de loi un exercice purement formel.

Le budget contribue également à trancher le débat entre les partisans d'une loi d'orientation et ceux d'une loi de programme puisque nous avons, à la fois, les perspective avec la loi d'orientation et les financements correspondants avec ce projet de budget.

Les innovations prévues dans la loi d'orientation, comme celles destinées aux jeunes, les PIJ ou comme l'allocation de retour à l'activité, l'ARA, l'alignement du RMI que nous souhaiterions voir se réaliser, monsieur le secrétaire d'Etat, vous le savez le plus rapidement possible, ou encore le dispositif de congé de solidarité ou enfin l'aide à la coopération internationale avec l'instauration du fonds de coopération régionale, toutes ces initiatives trouvent leur traduction financière dans ce budget.

Cela représente, pour le budget de l'outre-mer que nous examinons, 500 millions de francs supplémentaires inscrits au titre de nouveaux moyens. A ces 500 millions de francs, il convient d'ajouter quelque 5 milliards prévus au budget de deux autres ministères, celui de l'économie et des finances pour la défiscalisation et celui de l'emploi et de la solidarité pour les exonérations de charges sociales qui bénéficient aux PME-PMI, aux artisans, aux travailleurs indépendants, aux commerçants, aux agriculteurs, aux pêcheurs, etc.

De plus, c'est dans ce contexte qu'entreront en application les nouveaux contrats de plan Etat-région et la troisième génération des plans de développement régionaux, les PDR 3, qui vont représenter, pour les sept années à venir, plusieurs dizaines de milliards de francs.

Pour toutes ces raisons, nous considérons que ce budget marque un tournant, une étape nouvelle dans le développement de nos pays.

Nous l'affirmons d'autant plus que la loi d'orientation prévoit des compétences supplémentaires par des transferts de pouvoir de l'Etat aux forces vives du pays qui seront sollicitées pour des responsabilités accrues. C'est dans ce sens que la réforme administrative est préconisée pour la Réunion avec la création d'un deuxième département et l'installation d'un congrès dans les terres australes et antartiques françaises.

Ces avancées ne doivent cependant pas faire oublier, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'un certain nombre de travailleurs attendent que soient résolus les problèmes liés à leur situation. Je pense en particulier, comme certains de nos collègues, à la grande majorité du personnel communal des départements d'outre-mer qui sont toujours en attente d'un statut. Il est, de mon point de vue, temps d'ouvrir un grand chantier concernant l'avenir de leurs professions. Je pense aussi aux vieux travailleurs agricoles et aux vieux pêcheurs qui doivent se contenter d'une retraite dérisoire après une vie de travail souvent difficile, aux jeunes en contrats emplois-jeunes, inquiets pour l'avenir, et aux menaces que l'OCM fait peser sur les quotas sucriers, tel que la Commission européenne l'a rendu public au début du mois dernier à Bruxelles. Je pense enfin aux armateurs réunionnais en attente d'une solution définitive quant à l'attribution des quotas de l'égine.

Tous ces problèmes doivent aussi trouver une solution, dans le cadre de ce budget, bien sûr, mais aussi dans celui des contrats de plan, des PDR, de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam. Un projet d'avenir et de développement durable pour nos pays doit être le plus global et le plus cohérent possible. Il faut donc qu'il prenne en compte l'ensemble de ces problèmes au même titre que ceux qui ont été traités par la loi d'orientation.

Dans cette perspective et dans cette attente, monsieur le secrétaire d'Etat, je voterai le budget que vous nous présentez, comme le feront d'ailleurs, ils vous l'ont dit, nos collègues Claude Hoarau et Huguette Bello. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue quelques instants.

(La séance, suspendue à douze heures, est reprise à douze heures dix minutes.)

M. le président.

La séance est reprise.

La parole est à M. Anicet Turinay.

M. Anicet Turinay.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous avez annoncé un budget en forte augmentation.

C'est vrai, mais il doit être analysé à la lumière du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, puisque certains crédits servant à financer les mesures de ce nouveau dispositif législatif pour l'outre-mer y sont déjà inscrits.

Votre budget, en conformité avec le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer dont le volet économique rencontre une satisfaction unanime, a pour priorités l'emploi et le logement dans les DOM. Nous sommes donc dans la suite logique de la loi de juillet 1994 et nous approuvons.

Toutefois, à l'instar de tout progrès constaté dans les DOM, il importe surtout de prendre en considération les nombreux retards accumulés dans tous les domaines pour


page précédente page 08564page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

bien mesurer l'ampleur de l'effort que doit fournir l'Etat dans des départements où les difficultés se présentent avec beaucoup plus d'acuité qu'ailleurs.

M onsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi cette loi d'orientation pour l'outre-mer, malgré l'urgence annoncée, se fait-elle toujours attendre ? Est-ce dans un souci d'efficacité, ou d'économie dans le temps ? En fait s'il n'avait fallu traiter que des dispositions économiques, le texte aurait été voté depuis le mois de juin dernier. La difficulté réside, en effet, dans le volet institutionnel qui sera probablement sanctionné.

Le nouveau dispositif relatif à la défiscalisation a reçu l'approbation de la plupart des responsables d'entreprises.

Nous pourrions aujourd'hui nous féliciter, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir apporté des solutions aux problèmes primordiaux de nos départements. Malheureusement, il en reste à résoudre et non des moindres.

Compte tenu de la modicité des ressources des collectivités locales, comment devons-nous réagir devant les demandes pressantes des personnels communaux non titulaires qui profitent de cette période stratégique préélectorale pour nous rappeler à leur bon souvenir ? Quelles dispositions devons nous prendre pour les CES en fin de contrat qui vont grossir la masse des chômeurs ? Que deviendront les emplois-jeunes à l'issue des cinq ans ? Aujourd'hui, ils se syndiquent dans mon département et revendiquent le droit à des emplois vraiment nouveaux, durables et innovants.

Notre jeunesse s'indigne, de plus en plus, et réclame davantage d'attention. Elle attend plus de formations adaptées au marché de l'emploi. Certains ont déjà compris qu'il valait mieux tenter leur chance ailleurs, essayer, par exemple, la coopération régionale que nous appelons de nos voeux. Toutefois, les échanges, dans notre environnement géographique, permettant la transmission du savoir-faire français dans la Caraïbe, voire aux

Etats-Unis, ne peuvent se faire uniquement en français. Je vous rappelle donc l'urgente nécessité d'instituer la maîtrise d'une langue étrangère dans nos écoles primaires, écoles qui sont encore trop peu nombreuses pour accueillir nos enfants. Faut-il, une fois de plus, rappeler l'insuffisance, la vétusté et la non-conformité des établissements scolaires dans le primaire qui n'ont cessé de s'aggraver depuis la disparition de la ligne budgétaire afférente ? L'insatisfaction de la jeunesse entraîne aujourd'hui une forte croissance de l'insécurité à la Martinique. Les vols à main armée, au cours des six premiers mois de l'année, ont augmenté de 257 % par rapport au premier semestre de 1999. Il nous faut des moyens humains supplémentaires afin de lutter très vivement contre cette délinquance qui, malheureusement, a déjà entraîné mort d'homme dans mon département.

Les études supérieures peuvent désormais être dispensées en Antilles-Guyane, mais les moyens pour les assurer nous font cruellement défaut. Je pense notamment à la formation de médecins par l'UFR médicale des AntillesGuyane. En effet, le conseil d'administration du CHU de Fort-de-France a constaté que, quinze ans après la création de l'UFR médicale des Antilles-Guyane, moins d'un poste hospitalo-universitaire a été créé par an et qu'à quatre reprises, il n'y a eu aucune création.

Pourtant, la première année de médecine mise en place depuis deux ans est un réel succès : dix-sept étudiants en médecine ont été reçus au concours 2000 et, sur les douze reçus en 1999, onze ont d'ores et déjà réussi leur passage en troisième année à Bordeaux.

M. Philippe Auberger.

Très bien !

M. Anicet Turinay.

Les jeunes hésitent à se former dans nos principaux secteurs d'activité, que sont le tourisme et l'agriculture.

Le tourisme de la Martinique n'est plus compétitif par rapport à celui de bien d'autres pays de la Caraïbe, et cette activité connaît une baisse de fréquentation de la clientèle.

L'agriculture est un domaine de plus en plus fragilisé tant par l'Organisation mondiale du commerce que par la politique agricole européenne. Les propositions de la Commission européenne visant à accorder à tous les produits des pays les moins avancés un accès en franchise de droits et de quotas au marché communautaire, d'une part, et, d'autre part, la diminution d'un quart des ressources du budget du POSEIDOM pour 2001, ne laissent augurer que le pire pour l'avenir de nos principales productions agricoles.

Il m'est difficile, monsieur le secrétaire d'Etat, dans le temps qui m'est imparti...

M. le président.

Vous l'avez dépassé.

M. Anicet Turinay.

J'en ai fini, monsieur le président.

Il m'est difficile, dis je, de brosser un tableau complet de la situation, mais je tiens, pour terminer, à appeler votre attention sur deux sujets préoccupants à la Martinique et à propos desquels nous souhaiterions obtenir des mesures apaisantes.

Il s'agit, en premier lieu, de l'application de la CMU.

La loi, en fixant un plafond de 3 500 francs pour en bénéficier, a créé une nouvelle catégorie d'exclus, notamment chez les personnes âgées bénéficiaires du minimum vieillesse.

En second lieu, l'Atlas des risques, qui vient d'arriver, comporte un certain nombre d'inexactitudes, tant au niveau de l'échelle des documents que sur les risques à étudier, d'où l'application brutale et maladroite de règlements qui font aujourd'hui que l'acte de construire est devenu un événement périlleux.

Comme je l'ai indiqué au début de mon intervention, monsieur le secrétaire d'Etat, nombreux sont les problèmes de l'outre-mer qui demeurent sans un embryon de solution et pour lesquels nos populations et nous-mêmes attendons des réponses. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Léo Andy.

M. Léo Andy.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je le dis d'emblée : le projet de budget de l'outre-mer pour 2001 mérite notre adhésion pour trois raisons.

D'abord parce qu'il atteste, une nouvelle fois, de l'engagement de ce gouvernement en faveur de nos régions ultrapériphériques, lequel se traduit par une hausse de 40 % des crédits budgétaires sur quatre exercices successifs, dont près de 7 % pour l'an prochain.

Ensuite, parce qu'il intègre le financement des mesures contenues dans la loi d'orientation, ce qui confirme que cette loi entrera en application dès janvier 2001, conformément à ce que vous nous aviez déclaré, monsieur le secrétaire d'Etat, ici même, le 11 octobre dernier.

Enfin, parce qu'il intervient en appui d'une politique en faveur de l'emploi, de l'insertion et du logement, qui sont, de toute évidence, les domaines prioritaires chez nous.


page précédente page 08565page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

J'accueille ainsi avec grande satisfaction la dotation spécifique de 325 millions de francs dans votre budget qui financera des mesures nouvelles concernant les projets initiatives jeunes, les départs en préretraite contre embauche de jeunes, les allocations de retour à l'activité ainsi que les primes à la création d'emploi.

En prenant en compte la reconduction des mesures d'insertion existantes, ce sont 88 000 mesures pour l'emploi et l'insertion qui seront financés par le FEDOM, dont les dotations augmentent de 25 %. A cet égard, je dois vous faire part des préoccupations des Guadeloupéens, bénéficiaires des emplois-jeunes, qui souhaiteraient rapidement leur pérennisation dans leurs postes par des mesures appropriées.

Les 3,5 milliards de francs inscrits au budget du ministère de l'emploi et de la solidarité pour financer l'abaissement du coût de travail, prévu par la loi d'orientation, constituent un levier majeur pour relancer l'emploi.

Par ailleurs, le nouveau dispositif d'aide fiscale à l'investissement, introduit par l'article 12 de la loi de finances pour 2001, permettra une meilleure efficacité de l'investissement outre-mer et bénéficiera notamment aux très petites et moyennes entreprises qui constituent l'essentiel du tissu économique dans les DOM.

C'est dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que la lecture de votre budget ne peut en aucune manière être dissociée de la politique globale, cohérente et efficace que le Gouvernement a définie, en étroite concertation avec les forces vives de l'outre-mer, et qui a été traduite dans la loi d'orientation dont les volets économique, social et culturel sont unanimement salués chez nous.

A cet égard, je me félicite que la baisse du montant de la créance de proratisation affectée à la ligne budgétaire unique, soit pleinement compensée, même si je regrette que ce soit en autorisations de programmes et non en crédits de paiement.

Autre élément de satisfaction, la dotation des quatre fonds de coopération régionale, au bénéfice des quatre DOM, ainsi que du fonds de la promotion des échanges éducatifs, sportifs et culturels entre les DOM, avec leur environnement régional, et la métropole.

Il est vrai cependant que votre budget n'est qu'une infime partie des dotations affectées outre-mer par le biais des autres ministères, sur lesquelles nous regrettons, comme toujours, de ne disposer que de si peu d'informations. D'ailleurs, le « jaune » n'est pas toujours disponible aujourd'hui ! Par ailleurs, je voudrais attirer votre attention sur certaines évolutions en cours au niveau communautaire, qui sont de nature à menacer le développement, voire le maintien de certains secteurs les plus sensibles dans les DOM.

C'est ainsi que le projet de budget pour 2001 du POSEIDOM, déjà entériné en première lecture par le Conseil, prévoit une baisse notable des crédits par rapport à l'an dernier. Cela me paraît d'autant plus incompréhensible et inacceptable que l'impact des mesures POSEIDOM est unanimement reconnu comme salutaire pour les régions ultra-périphériques et que la Commission a pris l'engagement, dans le cadre de son rapport sur l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, d'accorder une a ttention particulière aux questions budgétaires des régions ultra-périphériques. Il me paraît impératif que le Gouvernement obtienne la reconduction des mesures existantes, voire la mise en place de nouvelles, avec des moyens financiers adéquats.

Pour ce qui est du dossier de la banane, le feu vert a été donné à la Commission pour négocier la réforme du régime d'importation, sur la base de la formule dite du

« premier arrivé premier servi » pendant une période transitoire, et ensuite selon un système purement tarifaire.

Cette réforme du volet externe de l'OCM banane n'est pas accompagnée de propositions de modification du volet interne. Or la survie de la production antillaise dépendra, dans le cadre de cette réforme, de la révision du régime d'aides. Seule l'acceptation du principe d'une revalorisation de la recette forfaitaire de référence est de nature à faire face au sur-approvisionnement du marché et à la chute des cours qui résulteront inévitablement de cette réforme.

Or, monsieur le secrétaire d'Etat, le dossier banane n'est pas inscrit dans le calendrier des travaux sous la présidence française, qui se termine en décembre prochain. Il y a peu de chance qu'il le soit sous les présidences suivantes, suédoise et belge, car ces pays sont peu sensibilisés à cette question. C'est pourquoi je demande qu'il soit évoqué au sommet de Nice. Sans un résultat tangible dans ce domaine, l'activité bananière en Guadeloupe et en Martinique, déjà sous perfusion, court le risque de disparaître à court terme, risque d'autant plus réel qu'il est question de supprimer, à compter du 1er janvier 2001, contingents et droits de douane appliqués à l'entrée du marché communautaire sur les produits exportés par les quarante-huit pays qualifiés de « pays les moins avancés », les PMA. Pour trois productions concernant les DOM, dont la banane, la suppression, à titre exceptionnel, est prévue au 1er janvier 2004, avec une réduction progressive à partir du 1er janvier de l'an prochain.

Tout en étant conscient de la nécessité d'instaurer des mesures d'aide au développement des PMA, j'estime indispensable d'introduire dans le texte réglementaire des clauses de sauvegarde en faveur des produits les plus sensibles des départements d'outre-mer, comme cela a été le cas pour la Réunion dans le cadre de l'accord de libreéchange entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud.

En terminant, je soulèverai deux autres problèmes.

Le premier concerne la dégradation du pouvoir d'achat des retraités, qui touche l'ensemble de nos compatriotes, certes, mais qui frappe avec plus d'acuité les domiens, compte tenu du coût élevé de la vie chez nous. Comme vous le savez, le nombre de retraités du secteur privé percevant approximativement 3 600 francs par mois, et quelquefois moins, est très élevé en Guadeloupe. Au cours des vingt dernières années, ils ont perdu entre 17 % et 22 % de leur pouvoir d'achat, en raison des changements dans le mode de calcul de leur retraite et des prélèvement au titre de la CSG et la CRDS. Ayant cotisé toute leur vie, ils comprennent mal qu'ils ne puissent bénéficier eux aussi des fruits de la croissance. Et malheur à ce retraité célibataire qui décide d'épouser une retraitée. Il s'aperçoi t tout de suite que sa prestation est automatiquement divisée par deux. L'explication donnée par la caisse générale de la sécurité sociale est que cette prestation est soumise à un plafond de revenu fixé à 6 226 francs bruts pour un ménage. Pourquoi ne pas augmenter ce plafond au niveau du SMIC, qui se situe actuellement à 7 101 francs ? A cet égard, je me félicite de la revalorisation de 2,2 % des pensions de retraite à partir du 1er janvier, de l'exonération partielle de la CSG et de la CRDS pour les retraités non imposables et de la hausse du minimum vieillesse à 3 653 francs pour une personne seule, qui sont prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais nous restons toujours loin du compte, et je ne puis qu'insister sur les difficultés que rencontrent dans leur vie


page précédente page 08566page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

quotidienne mes compatriotes âgés ne disposant que de cette somme pour vivre, que je reçois quotidiennement dans ma permanence.

S'agissant du principe de l'égalité des droits entre métropolitains et domiens, je dois vous faire part de certains manquements dans le domaine de la prime d'éloignement, que l'article 12 bis du projet de loi d'orientation vient de supprimer, ou dans le cas des congés bonifiés, manquements dénoncés par les syndicats de fonctionnaires d'outre-mer.

Ainsi, la notion de « centre des intérêts moraux et matériels », définie par l'avis du Conseil d'Etat datant de 1981, est de plus en plus fréquemment utilisée par les administrations métropolitaines, notamment les collectivités territoriales, pour refuser son droit au domien travaillant dans l'Hexagone. Censé avoir transféré son « centre » et donc sa résidence habituelle, il n'a pas droit à la prime d'éloignement. Et lorsque, en dépit des obstacles, il réussit à retourner chez lui, on estime qu'il a retrouvé le centre qu'il avait quitté. Il s'agit donc de rapprochement et non point d'éloignement.

Le droit aux congés bonifiés est également de plus en plus déconsidéré en fonction de ce critère. Or il semblerait que les métropolitains installés outre-mer n'y sont pas soumis. Il y a là manifestement une discrimination qu'il convient de supprimer.

La solution idéale serait que les domiens souhaitant rester au pays puissent y trouver un emploi correspondant à leur niveau de compétence, une forme de « préférence locale » à l'embauche, à égalité de compétence, mais il faudra évidemment franchir un obstacle constitutionnel.

Cependant, en reprenant vos termes, monsieur le secrétaire d'Etat, je dirai qu'avec le « nouveau cap sans point d'arrivée », dessiné par la loi d'orientation, rien ne devrait plus être du domaine de l'impensable.

Pour terminer, il convient de souligner que les problèmes multiformes des DOM restent toujours astronomiques, qu'aucun budget, quelles que soient ses qualités, ne peut les régler comme par un coup de baguette magique, mais reconnaissons qu'avec cet effort budgétaire, avec les engagements du dispositif socio-économique si ambitieux de la loi d'orientation et des nouv eaux contrats de plan, l'outre-mer bénéficie d'instruments inédits pour se lancer sur le chemin d'un développement équilibré et durable. C'est la raison pour laquelle je voterai ce projet de budget.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Alfred MarieJeanne.

M. Alfred Marie-Jeanne.

Un bon budget, monsieur le secrétaire d'Etat, doit tenir le plus grand compte de la réalité, si l'objectif visé est d'y remédier durablement dans le temps.

Sans projeter une ombre de plus au tableau, l'a-t-on véritablement apprécié à sa juste couleur ? Le doute est permis.

En Martinique, c'est le chiffre du chômage, qui culmine toujours à plus de 45 000 en août 2000, représentant encore 27 % de la population active. C'est aussi 28 178 personnes émargeant au revenu minimum d'insertion, chiffre en hausse de 6,1 % en glissement annuel.

C'est la mortalité des entreprises, le chiffre passant à 1 100 en 1998, chiffre exorbitant, sans compter les cinquante-huit redressements opérés.

C'est la disparition, tour à tour, de la société de développement régional des Antilles-Guyane, de la société de gestion des fonds de garantie d'outre-mer, et du réescompte, lié surtout aux activités de production.

Un bon budget, face à un bilan aussi « krabik », aussi calamiteux, se devait de faciliter l'accès au crédit, en vue de financer en priorité les investissements productifs.

Est-ce la voie empruntée ? Ce n'est pas le cas, car le développement durable et solidaire tant souhaité est tributaire de cette modalité d'accès, car on constate une baisse inexorable des concours aux entreprises pour financer leur équipement, leurs infrastructures et leur exploitation, car les fonds de garantie restant aujourd'hui sont peu performants et n'intègrent pas une stratégie globale de financement, car las tructure de crédits actuelle donne l'avantage à la consommation et à la spéculation, car les financements externes ne s'adressent qu'aux gros investisseurs.

Un bon budget ne peut plus continuer à prévoir de simples transpositions ou des annulations de dispositifs arrêtés pour la France.

C'est un décret qui prévoit la suppression des aides aux contrats de qualification.

C'est la recentralisation des finances des collectivités territoriales opérée petit à petit, cantonnant l'élu dans le rôle de redistributeur de dotations allouées. Ce faisant, c'est accroître encore la dépendance. Or, s'il est un domaine qu'il faut rétrocéder, c'est bien celui-là. Il faut rétrocéder à la fois pouvoirs et recettes fiscales généré es par le territoire.

C'est encore la position de la direction du Trésor, qui estime que la création d'un opérateur financier, dont l'objectif premier est de proposer des mécanismes spécifiques d'ingénierie financière aux très petites entreprises, ne constitue pas une solution adaptée à l'accès aux crédits.

Une telle position, si elle était maintenue, rendrait pratiquement inopérant le Document unique de programmation Martinique dans son volet d'accompagnement des TPE.

Un bon budget doit mettre en synergie toutes les énergies, et non essayer de contrecarrer les initiatives prises au plan régional.

C'est une délibération annulée au motif qu'elle contenait des mesures incitatives à l'exportation des produits martiniquais.

En conclusion, même le principe d'une rétrocession d'une partie importante de l'avantage fiscal au profit de l'exploitant ou de l'entreprise outre-mer me laisse perplexe, car il présuppose une overdose de philanthropie à laquelle j'hésite à croire.

Concernant, enfin, le dispositif instauré au profit des très petites entreprises, son efficacité demeure aléatoire, tant il est vrai que l'absence de marge de manoeuvre financière préalable entraînera ipso facto sa non-application.

Certes, il faut reconnaître que des mesures multiples ont été prises. Reste cependant à se demander si elles sont toutes bien adaptées à la conjoncture.

Pour moi, quels que soient leur importance et leur montant, non négligeables, ces mesures ne sauraient, à elles seules, constituer la réponse globale aux problèmes de la Martinique, car il est irréel de penser que les institutions sont neutres et, partant, qu'elles ne jouent aucun rôle sur l'efficience de la vie économique, d'où, monsieur


page précédente page 08567page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

le secrétaire d'Etat, l'urgence qu'il y a à ériger le socle d'une nouvelle politique. C'est une question cruciale à laquelle il est vain de se dérober plus longtemps.

M. Pierre Petit.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Léon Bertrand.

M. Léon Bertrand.

Monsieur le secrétaire d'Etat, moment privilégié de l'activité parlementaire, l'examen des budgets, s'il ne permet pas d'influer sur leur contenu, nous permet au moins de nous exprimer pour faire entendre la voix de nos populations.

Votre budget pour 2001 affiche une progression de près de 7 %, ce qui peut être considéré comme satisfaisant si l'on tient compte aussi des avantages que promettent tout à la fois le contrat de plan Etat-région, le DOCUP, la loi d'orientation et la réactualisation de la loi de défiscalisation. Ce sont autant d'instruments qu'il faudra savoir coordonner et, surtout, mettre en oeuvre.

Depuis longtemps, l'outre-mer n'avait pas bénéficié d'une telle conjonction d'outils pour orienter son destin vers un seul objectif : son développement économique.

Monsieur le secrétaire d'Etat, « c'est au rendez-vous des actes que l'on voit les hommes ». C'est une maxime personnelle.

Dans un esprit partenarial, le Gouvernement réclame sans cesse aux élus de lui faire des propositions, mais que deviennent-elles ensuite ? Ne voyant rien venir, les élus s'interrogent, puis en viennent à se dire que, si le Gouvernement dote l'outre-mer de moyens, il hésite souvent à s'engager politiquement sur le terrain.

J'en veux pour preuve deux exemples économiques qui, à mon sens, sont liés et qui concernent la Guyane : le spatial et le projet sucrier.

Dès ma première intervention à cette tribune, en 1988, j'avais demandé que le spatial, fleuron technologique européen, ne soit pas considéré comme le seul pivot de l'activité économique de la Guyane, car, au-delà de l'aspect scientifique, il reste avant tout une affaire commerciale où la concurrence est de plus en plus redoutable. De plus, qu'on le veuille ou non, tôt ou tard, le marché sera appelé à stagner. Ainsi, le ralentissement des activités spatiales provoquera à coup sûr celui des autres activités induites.

Pourquoi ne pas soutenir alors, dans l'intention de diversifier l'économie de la Guyane, et donc de la protéger, le projet sucrier que je défends depuis plusieurs années et qui, pour satisfaire des intérêts extérieurs à la Guyane, est contrecarré, alors que les avis des experts et des élus sont tous favorables ? Ce dossier nécessite un engagement politique pour être mis en oeuvre. Je vous demande de le prendre aujourd'hui.

Quand c'est nécessaire, le Gouvernement sait prendre des décisions rapides, même sans attendre les avis ou conseils des experts. Le Premier ministre vient de nous le prouver dans cette malencontreuse affaire de la vache folle.

Il faut agir ! La Guyane est la région de France qui compte le plus de jeunes. Quel exemple ces jeunes ont-ils quotidiennement ? Revendications sectorielles, grèves à répétition - parfois sans souci du service public - pour obtenir quelquefois le dû, mais plus souvent le surplus, sans conscience des difficultés économiques engendrées et de la gêne occasionnée aux usagers. La jeunesse a besoin d'un modèle. Donnons-lui celui d'un monde où chacun trouvera sa place selon ses mérites et ses besoins et non en l'exigeant par le chantage et la violence.

Il y a peu de temps, un hebdomadaire national soulignait que le Gouvernement, par le biais de subventions diverses, cherchait à acheter la paix sociale et même la paix politique. Je ne crois pas que la problématique soit aussi simple, mais l'on peut s'interroger, faute de savoir si l'action gouvernementale résulte d'une tactique à courte vue ou d'une vision à long terme qui n'a pas été annoncée.

Si la France a une véritable ambition pour l'outre-mer, pourquoi ne pas le faire savoir franchement ? La Guyane a besoin de connaître de quoi sera fait son avenir. Y aura-t-il du travail pour le plus grand nombre, des centres de santé dans les communes les plus enclavées, le téléphone, des points d'eau potable, des écoles, des routes ? A ce propos, celle devant relier Maripasoula à SaintLaurent est toujours dans les cartons. La volonté politique de l'Etat n'est pas clairement affirmée en la matière et, pourtant, la récente grève d'Air Guyane vient de démontrer, s'il en était besoin, la nécessité de désenclaver les populations de Saint-Georges, de Maripasoula et de Sal.

Tout se passe comme si l'Etat ne réagissait pas ou tardait à le faire, et ce que l'on peut considérer alors comme un manque d'écoute favorise l'audience des indépendantistes et discrédite les élus qui croient encore en la République et qui sont les relais indispensables entre l'Etat et le peuple.

Nous avons un objectif, nous avons des moyens, il faut maintenant une véritable ambition.

Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut avoir envie d'agir pour l'outre-mer. Il faut anticiper et non subir les événements. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

Mes chers collègues, je vous indique que la commission des lois se réunira cet après-midi à quatorze heures quarante-cinq pour l'examen des amendements au projet de loi d'orientation pour l'outre-mer.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001, no 2585 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2624).

Intérieur (nouvelle procédure) : Sécurité : M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 31 du rapport no 2624). Police : M. Louis Mermaz, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (tome II de l'avis no 2628).


page précédente page 08568

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 2000

Sécurité civile : M. Jean-Antoine Léonetti, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République (tome III de l'avis no 2628). Collectivités locales : M. Gérard Saumade, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 32 du rapport no 2624) ; M. René Dosière, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (tome IV de l'avis no 2628).

Outre-mer (suite) : M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges (tome XVI de l'avis no 2629). Départements d'outre-mer : M. François d'Aubert, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 35 du rapport no 2624) ; M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (tome VII de l'avis no 2628). Pays et territoires d'outre-mer : M. Philippe Auberger, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 36 du rapport no 2624) ; M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législatione t de l'administration générale de la République (tome VIII de l'avis no 2628).

Discussion, en lecture définitive, du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, no 2690 : M. Jérôme Lambert, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2697).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT