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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE LEQUILLER

1. Loi de finances pour 2001 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 8703).

FONCTION PUBLIQUE ET RÉFORME DE L'ÉTAT M. Jean Vila, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis de la commission des lois.

MM. Patrice Carvalho, Dominique Paillé, Jean-Yves Caullet, Georges Tron, Dominique Bussereau, Bernard Birsinger, François Baroin.

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Réponses de M. le ministre aux questions de : Mme Nicole B ricq, M. Michel Tamaya, Mme Nicole Feidt, MM. Robert Pandraud, Georges Tron, Robert Gaïa, Jérôme Lambert.

Les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat seront appelés à la suite de l'examen des crédits des services généraux du Premier ministre.

Après l'article 61 (p. 8724)

Amendement no 177 du Gouvernement : MM. le ministre, le rapporteur spécial, Georges Tron. - Adoption.

Renvoi de la suite de la discussion budgétaire à la prochaine séance.

2. Epargne salariale. - Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire (p. 8725).

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 8725).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE LEQUILLER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2001

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (nos 2585, 2624).

FONCTION PUBLIQUE ET RÉFORME DE L'ÉTAT

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jean Vila, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, chers collègues, parce qu'il rompt avec le dogme du gel de l'emploi public et parce qu'ile nregistre une croissance des crédits spécifiquement consacrés à la fonction publique, le projet de budget pour 2001 répond à plusieurs des préoccupations exprimées par votre rapporteur au cours des dernières années.

Force est de reconnaître qu'il correspond mieux aux discours généraux des ministres successifs, et même du premier d'entre eux, sur la nécessité de renforcer le service public. Si la satisfaction est réelle, elle n'est néanmoins pas totale.

En premier lieu, les 18 150 créations d'emplois budgétaires, pour bienvenues qu'elles soient, ne sauraient épuiser les besoins exprimés par nos compatriotes. D'ailleurs, seulement la moitié d'entre elles augmenteront vérit ablement les moyens humains de l'administration.

L'autre moitié n'aura pas d'effet sur les effectifs vraiment présents, puisqu'elle correspond, d'une part, à la consolidation des surnombres autorisés au ministère de l'éducation nationale, et, d'autre part, à la mise en oeuvre du nouveau dispositif de résorption de l'emploi précaire. Ces créations restent donc insuffisantes pour mener à bien l'aménagement et la réduction du temps de travail dans la fonction publique, ainsi que l'augmentation des effectifs qui doit en résulter, et pour poursuivre une politique active de résorption de l'emploi précaire et de consolidation des emploi-jeunes.

En deuxième lieu, le projet de budget ne comporte pas les crédits nécessaires à une évolution satisfaisante des rémunérations des fonctionnaires qui leur permettrait de bénéficier des fruits de la croissance. Les informations parues dans la presse sur les intentions du Gouvernement, avant l'ouverture des négociations salariales, ne laissent pas d'inquiéter, tant elles témoignent de son souci de sacrifier à un nouveau dogme, celui de la maîtrise des finances publiques exigée par l'Union économique et monétaire.

En troisième et dernier lieu, si les crédits spécifiquement consacrés à la fonction publique augmentent de plus de 8 % en 2001, soit de près de 110 millions de francs, il n'en demeure pas moins que cette progression reste insuffisante pour consolider en totalité l'enveloppe exceptionnelle consacrée à l'action sociale en vertu de l'accord salarial de 1998. Ainsi, une politique pourtant indispensable et appréciée reste injustement fragilisée.

J'en viens aux dépenses de personnel dans le projet de budget pour 2001. Le principal facteur d'évolution des crédits de personnel pour 2001 réside dans les créations d'emploi prévues et dans les diverses mesures catégorielles concernant les fonctionnaires. Une mesure nouvelle de 3 020 millions de francs vient s'ajouter aux 230 millions de francs inscrits au chapitre 31-94 du budget des charges communes de 2000, à titre de provision destinée à couvrir les ajustements complémentaires des rémunérations publiques pouvant intervenir en 2001.

Il est clair que cette provision n'a qu'une faible signification. Etant donné qu'une augmentation de 1 % de la valeur du point génère un coût d'environ 6,3 milliards de francs pour le budget de l'Etat, cette provision permettrait de faire face à une augmentation inférieure à 0,5 % pour les deux années 2000 et 2001. Je ne peux que regretter que le projet de budget ne provisionne donc que très imparfaitement le résultat des négociations salariales dans la fonction publique, sur la suite à donner à l'accord dont l'application s'est achevée fin 1999.

La presse se fait, depuis quelques jours, l'écho des discussions au sein même du Gouvernement sur la nature et l'étendue des propositions salariales qui seront faites aux organisations syndicales dans le cadre des négociations prévues pour la fin du mois de novembre. Ces indiscrétions ne laissent pas de m'inquiéter.

Le ministère de l'économie raisonne en termes de variation de la masse salariale et non pas d'augmentation des traitements en niveau. Ce faisant, il estime que le pouvoir d'achat des fonctionnaires est garanti non seulement par les mesures générales d'augmentation, mais également par les mesures catégorielles, les mesures individuelles résultant, pour l'essentiel, de l'avancement, et le GVT.


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Cette référence au passé, même le plus récent, n'est pas acceptable non plus. Votre rapporteur estime qu'il n'y a aucune raison que les fonctionnaires ne bénéficient pas des fruits de la croissance retrouvée. Il importe désormais de vous prendre au mot, car vous avez déclaré à plusieurs reprises, monsieur le ministre, que 2000 ne serait pas

« une année blanche ».

Par ailleurs, je plaide pour le maintien du caractère autonome des négociations salariales. En matière de rémunérations, qu'il s'agisse des traitements de base ou du régime indemnitaire, votre rapporteur spécial ne saurait trop insister sur la nécessité de la concertation et de la négociation. A cet égard, l'initiative de certains de nos collègues élus d'outre-mer de supprimer la prime d'éloignement paraît malheureuse. En effet, une telle disposition, dont on peut certes débattre du bien-fondé, serait trop lourde de conséquence pour être prise sans concertation préalable avec les principaux intéressés.

S'agissant des effectifs, depuis qu'il occupe ses fonctions, votre rapporteur spécial a sans relâche dénoncé le dogme du gel des effectifs de la fonction publique, auquel le Gouvernement avait malheureusement sacrifié au cours des premières années de cette législature.

La résorption de l'emploi précaire doit être accélérée.

En dépit de la titularisation de près de 30 000 agents, l'effectif d'agents non titulaires employés par l'Etat était supérieur en 1998 à son niveau de 1996.

Constatant cette situation, le Gouvernement a, le 10 juillet 2000, signé avec six des sept organisations syndicales représentatives des personnels des trois fonctions publiques un protocole d'accord portant sur la résorption de l'emploi précaire et la modernisation du recrutement dans la fonction publique. Ce protocole, d'une durée d'application de cinq ans, prévoit un dispositif de recrutement plus large et plus adapté à la structure actuelle de l'emploi précaire et des mesures visant à mettre en oeuvre une gestion prévisionnelle des effectifs et à améliorer les modalités et les procédures habituelles de recrutement.

Ces mesures paraissent d'autant plus opportunes que la fonction publique sera, dans les dix années qui viennent, confrontée à un renouvellement massif de ses effectifs et que les recrutements devront à la fois être efficaces et répondre aux besoins des administrations et des citoyens.

Le Gouvernement, en concertation avec les organisations syndicales, s'attache donc à trouver les moyens de résoudre cette question par une meilleure gestion de l'emploi public, et notamment par la mise en oeuvre d'une nouvelle gestion prévisionnelle des effectifs.

Le congé de fin d'activité doit être pérennisé. Dans mes deux premiers rapports, je demandais la pérennisation d'un dispositif apprécié et favorable à l'emploi des jeunes. Certes, il a été prolongé à trois reprises, mais il est regrettable que cela n'ait été chaque fois que pour un an et que cela n'ait jamais figuré dans les projets de loi de finances initiaux. Votre rapporteur spécial regrette que cette prolongation ne porte pas sur une période plus longue, afin de permettre aux personnes entrées très jeunes dans la fonction publique de partir avant l'âge de la retraite.

Etant donné les recrutements opérés au cours des dernières décennies, le nombre de fonctionnaires ayant commencé à travailler à seize ou vingt ans et demi - conditions d'âge et de durée de cotisations exigées - ne peut qu'aller en s'amenuisant, conduisant ainsi à une extinction naturelle du dispositif.

Sur la mise en oeuvre des 35 heures, votre rapporteur spécial partage naturellement les craintes exprimées par les organisations syndicales. Surtout, il s'inquiète que la réduction du temps de travail ne soit pas accompagnée d'engagements clairs sur les créations d'emplois qui sont indispensables pour la mener à bien. De ce point de vue, il n'y a aucune raison que la fonction publique ne soit pas traitée de la même façon que le secteur privé. En ce domaine, comme dans celui des rémunérations, je suis convaincu que l'Etat doit donner l'exemple.

L es crédits de la fonction publique s'élèvent à 1 466,2 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, ce qui témoigne d'une forte augmentation par rapport à 2000 - plus 8,05 %. S'agissant de l'exécution des crédits en 1999 et 2000, globalement, les taux de consommation des crédits apparaissent satisfaisants. Ils atteignent, en effet, 94,8 % pour les actions de formation, de perfectionnement et de modernisation, 99,8 % pour l'action sociale interministérielle et 100 % pour les subventions aux écoles ou au Centre des études européennes de Strasbourg.

L'exécution du budget 2000 est marquée par l'ouverture de 148,4 millions de francs par la première loi de finances rectificative. Ces crédits ont été inscrits sur les trois chapitres suivants :

« Action sociale interministérielle » à hauteur de 24 millions de francs, au titre de l'octroi d'une aide et d'un prêt spécifique, ainsi que d'un prêt à l'accession à la propriété , aux agents affectés dans une zone urbaine sensible ;

« Actions de formation, de perfectionnement, d'insertion et de modernisation dans la fonction publique » à hauteur de 50 millions de francs, au titre de la mise en place de formations spécifiques dispensées à ces mêmes agents ;

« Equipements : actions interministérielles » à hauteur de 74,4 millions de francs, au titre du renforcement de l'effort de réservation de logements sociaux.

J'en viens à l'action sociale interministérielle. Les crédits d'action sociale connaîtront une progression en 2001, puisqu'ils passeront de 775 à 856 millions de francs.

Malgré cela votre rapporteur spécial ne peut que constater qu'ils ne retrouveront pas leur niveau de 1999 - 890 millions de francs -, l'enveloppe exceptionnelle de 230 millions de francs accordée en 1998 et 1999, conformément à l'accord salarial de février 1998, n'étant que partiellement consolidée.

J'ai entendu, dans le cadre de la préparation de mon rapport, l'ensemble des organisations syndicales de la fonction publique. Comme elles, je regrette le retard avec lequel les négociations salariales sont engagées et insiste sur la nécessité de faire en sorte que l'année 2000 ne soit pas une « année blanche » pour la fonction publique.

De même, il importe que la revalorisation des traitements du bas de la grille indiciaire, aujourd'hui en dessous du SMIC, fasse l'objet d'un effort particulier, afin que les plus bas salaires dans la fonction publique s'éloignent durablement du niveau du SMIC.

Enfin, il convient d'insister sur le fait que les créations d'emplois prévues par le présent projet de loi de finances, pour satisfaisantes qu'elles soient, n'épuisent pas, loin de là, les nécessités de la sauvegarde du service public et de la satisfaction des attentes exprimées par nos concitoyens.

D'une part, les créations prévues ne concernent pas les services de l'équipement et les services financiers, qui ont payé un lourd tribut au gel des emplois publics au cours des dernières années, alors que l'évolution de leurs missions nécessiterait un effort tout particulier.


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D'autre part, ces créations restent insuffisantes pour faire face aux besoins nés de la mise en oeuvre des 35 heures dont l'une des justifications essentielles, y compris dans la fonction publique, doit être la création d'emplois pour poursuivre une politique active de résorption des emplois précaires et prévoir la pérennisation, à l'issue de leur contrat de cinq ans, des emplois-jeunes.

Pour toutes ces raisons, votre rapporteur ne pourra voter ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République.

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le ministre, j'essaierai de vous mettre un peu de baume au coeur après ce que vient de dire M. le rapporteur spécial.

Sur le plan des chiffres, votre budget est bon, c'est indéniable. Il augmente en effet de 8 %. Les crédits de l'action sociale interministérielle, en particulier, enregistrent une hausse de plus de 10 %, ce qui permettra une action efficace.

Par ailleurs, votre budget est en rupture avec le dogme du gel ou de la stabilisation des créations d'emplois. Pour 2001, 10 112 emplois supplémentaires sont en effet prévus dans les importants ministères que sont ceux de l'éducation nationale, de la justice, de l'intérieur et de l'environnement. Nous nous en félicitons. De même, nous ne pouvons que nous féliciter de votre volonté de résorber l'emploi précaire. Le protocole signé le 10 juillet 2000 prévoit un plan de résorption sur cinq ans tenant compte non seulement des contrats aidés, mais également des emplois-jeunes, qui arriveront à échéance en 2002.

En outre, deux chantiers importants vous attendent, monsieur le ministre. Le premier concerne les modalités de mise en oeuvre des 35 heures dans la fonction publique, définies par le décret du 25 août 2000 ; le second, la reconduction de l'accord salarial du 10 février 1998. Je pense d'ailleurs qu'il eût été préférable de discuter de cet accord salarial en début d'année et non pas maintenant, alors qu'il ne reste plus grand-chose à distribuer. Les négociations que vous aurez à mener seront beaucoup plus délicates, pour ne pas dire beaucoup plus difficiles qu'elles ne l'auraient été en début d'année. Mais votre ministère est avant tout un ministère d'impulsion, comme aimait à le rappeler votre prédécesseur.

Vous avez voulu faire en sorte que votre action ministérielle favorise un Etat moderne, transparent et efficace.

Et vous avez raison. Cela dit, le Gouvernement a reçu une volée de bois vert, c'est le moins que l'on puisse dire, avec la parution d'une série de rapports, en particulier celui de la Cour des comptes du début de l'année qui a parlé de gestion opaque, complexe, incompréhensible et a stigmatisé, sous la signature de son premier président, M. Joxe, l'action menée par l'Etat depuis plusieurs années.

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

C'était avant que je sois là !

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis.

La Cour des comptes s'est essentiellement penchée sur le problème des rémunérations accessoires caractérisées par une opacité presque totale. Au ministère des finances, par exemple, qui devrait pourtant montrer l'exemple, il existe près de quarante primes accessoires, qui n'ont aucune base légale, hormis deux ou trois, et représentent 40 % des rémunérations, il faut le savoir. En outre, aucun arrêté n'a été publié s'agissant de ces primes. Il y a donc des possibilités de rétroactivité. Monsieur le ministre, vous nous avez dit que, dans votre volonté de transparence, vous étiez en train de procéder à des régularisations afin de mettre un terme à ces déficiences qui sont absolument anormales. Je vous en donne acte.

Cela étant, il faut souligner qu'en ce qui concerne le ministère des finances, rien n'a été fait. De surcroît, le dernier rapport de la Cour des comptes indique que certaines catégories, les plus favorisées parmi les hauts fonctionnaires, se délivrent des possibilités de non-paiement de l'impôt. J'ai lu avec stupéfaction que les trésoriers payeurs généraux qui font partie de la catégorie A et touchent en moyenne, 1,25 million par an - ce n'est déjà pas si mal - se sont voté la possibilité de défiscaliser jusqu'à 27 % de leur rémunération en application d'une possibilité de forfaitiser des frais. On se demande de quels frais il s'agit, alors même qu'ils sont tous payés sur les budgets mis à leur disposition. Ce n'est pas montrer l'exemple quand on fait partie de la catégorie la plus favorisée de la nation ! Monsieur le ministre, la fonction publique doit être un modèle. En matière de parité entre les hommes et les femmes dans la haute fonction publique, on en est loin, même si il y a eu des progrès. Ces progrès sont incontestables, puisque la part des femmes est passée à 13 % environ.

Mme Nicole Feidt.

Ce n'est pas assez !

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis.

En effet, c'est même ridiculement bas.

Ces progrès sont essentiellement dus aux directeurs d'administration centrale ; ils sont nuls s'agissant des recteurs, des ambassadeurs et des préfets. Des efforts sont donc à faire. Il est absolument nécessaire de parvenir à une certaine parité entre les hommes et les femmes dans la haute fonction publique. Certes, il y a le comité de pilotage et les plans pluriannuels. Mais, monsieur le ministre, il vous appartiendra d'être extrêmement vigilant car la situation française est inadmissible.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Vous pouvez compter sur moi !

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis.

J'insisterai maintenant sur la situation faite aux personnes handicapées dans la fonction publique. C'est déjà un désastre dans la vie que d'être handicapé. Si, en plus, l'Etat ne donne pas l'exemple en matière d'emploi... C'est scandaleux ! 6 % des emplois sont réservés aux handicapés dans la fonction publique, et, en réalité, ils en occupent 3,1 %.

La fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière font un peu mieux que la fonction publique de l'Etat, qui est à la traîne.

Monsieur le ministre, je vous demande de prévoir des sanctions financières à l'encontre des ministères récalcitrants. Elles pourraient prendre deux formes : gel des crédits de fonctionnement, gel des emplois non pourvus.

Nous avons un devoir de solidarité vis-à-vis des plus handicapés d'entre nous, et c'est à l'Etat de montrer l'exemple.

Monsieur le ministre, vous vous êtes attaché à la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences. Vous avez raison, c'est l'un des grands enjeux de ces prochaines années. Sur les dix à quinze ans qui viennent, plus de la moitié des fonctionnaires devront être remplacés. Il faut donc prévoir. A cet égard, la créa-


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tion d'un observatoire de l'emploi public par le décret du 13 juillet 2000 était une bonne chose. Il faudra par ailleurs accroître la mobilité. Celle-ci est inexistante entre les fonctions publiques ; et le détachement européen est tout aussi inexistant.

Les cumuls d'activités doivent faire l'objet d'une véritable réflexion. Le rapport du Conseil d'Etat du 27 mai 1999 est très sévère à cet égard. En effet, il est totalemen t anormal que les personnes qui occupent un emploi de fonctionnaire consacrent 10 % de leur temps à cet emploi et le reste à d'autres activités ! Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Conseil d'Etat. Dès lors, des solutions doivent absolument être trouvées et le Gouvernement doit proposer des projets de loi.

La situation des agents publics exerçant un mandat politique doit également faire l'objet d'une réflexion. Il est anormal qu'il y ait deux situations vis-à-vis de l'élection : celle des fonctionnaires et celle de ceux qui ne le sont pas. M. Chevènement, alors ministre de l'intérieur, avait eu des mots très sévères à ce sujet.

Il faut également mieux sanctionner les résultats. Le sytème de notation est totalement obsolète et la notion d e pouvoir disciplinaire n'existe plus. Comment comprendre en effet que 300 000 salariés ont été licenciés pour motif réel et sérieux en application de l'article L. 12214-4 du code du travail alors que 19 agents publics seulement l'ont été sur un total de 1,6 million de fonctionn aires ? Ce n'est pas satisfaisant et cela perturbe l'ensemble des services qui ont à supporter des personnes incompétentes. L'ensemble des syndicats que j'ai pu interroger sont très conscients du problème.

J'ai déjà évoqué la transparence des rémunérations en particulier pour ce qui concerne les primes, et je souhaite revenir sur ce point à propos des cabinets ministériels et du cabinet de la présidence de la République. Il est totalement anormal que le système actuel puisse perdurer.

Voilà 300 à 400 personnes qui jouent un rôle éminent au sein de l'Etat et qui continuent de bénéficier d'un système de rémunération opaque, pour ne pas dire plus. La lettre que M. le premier président de la Cour des comptes a adressée au Premier ministre au mois de février 1998 est accablante à cet égard puisqu'on y lit : « Le système est incontrôlable et se traduit de ce fait par un écart constant et dommageable entre l'affichage de principes de rigueur et une réalité beaucoup plus malléable. La dissociation permanente entre le droit et le fait ne peut être tolérée. »

Une réflexion s'impose. Un changement aussi. C'est possible. Il y a, dans nos mairies, des directeurs de cabinet, qui sont rémunérés sur la base de 90 % du salaire le plus élevé de la municipalité. Il y avait ici, dans notre propre maison, l'Assemblée nationale, il y a une quinzaine d'années, des méthodes aussi opaques, avec des remises d'enveloppes de billets tous les mois, par les chefs de cabinet. C'est totalement anormal ! Comment peut-on expliquer à des personnes qui viennent nous voir pour des redressements fiscaux pour 1 000 ou 2 000 francs que la fine fleur de l'Etat continue d'obtenir des liasses de billets, évidemment non déclarés ? Monsieur le ministre, un système transparent peut parfaitement être mis en place. Le Gouvernement a exprimé sa volonté de fonder la direction des affaires de l'Etat sur des principes éthiques.

Monsieur le ministre, au vu de ces observations, j'estime que votre budget est bon. Naturellement, je le voterai, mais je suivrai avec la plus grande attention l'impulsion que vous lui donnerez.

M. le président.

Dans la discussion, la parole est à

M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho.

Monsieur le ministre, la présentation qui vient d'être faite du budget de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, ainsi que les engagements que vous prenez pour l'avenir en ce domaine, semblent confirmer les orientations que vous vous fixiez, le 24 août, dans une tribune libre d'un quotidien du soir.

Votre objectif est de promouvoir un Etat plus transparent et plus efficace, capable d'accomplir ses missions de service public et de répondre aux attentes des usagers.

Vous vous engagez ainsi à réformer les règles budgétaires de l'Etat et à mettre en place une gestion prévisionnelle des effectifs de fonctionnaires.

Qui ne pourrait souscrire à cet objectif ? Va-t-on enfin sortir de l'actuelle logique de gestion comptable de l'emploi public et s'engager vers la reconnaissance des agents, considérés non pas comme une « charge » mais comme un investissement ? Ce serait pour le moins une orientation nouvelle, aux formes encore imprécises mais nécessairement attendue avec une impatience certaine par les usagers, bien sûr, mais aussi par les personnels qui aspirent à travailler dans des conditions dignes du service public.

Parce qu'il doit faire face, dans l'urgence, en cas de circonstances exceptionnelles - telles celles de décembre 1999 - ou simplement au quotidien pour satisfaire les besoins collectifs et individuels, le service public a montré l'importance de son rôle en termes d'adaptabilité, d'efficacité, de continuité territoriale, d'égalité de traitement.

A l'équipement, à l'ONF, dans les services de sécurité, à l'éducation nationale, dans les établissements hospitaliers, les municipalités, à EDF, à la SNCF, à France Télé com, les personnels, malgré le dénigrement systématique dont ils sont l'objet, assument pleinement la mission de service public dont ils sont investis et, souvent, dans des conditions difficiles.

P ar vos déclarations, monsieur le ministre, vous reconnaissez qu'un changement profond est nécessaire si l'on veut obtenir des résultats probants, sauf à « louper le marché » par manque de financement. Les crédits proposés pour 2001 nous autorisent-ils à penser que nous sommes engagés dans cette voie ? Sont-ils de nature à répondre aux insuffisances des moyens en matériel, en personnels, en structures de proximité, à répondre aux attentes des usagers et aux aspirations des personnels ? Vous savez combien la politique de l'emploi dans la fonction publique est cruciale pour les députés communistes ; elle constitue en effet un des éléments essentiels du développement des services publics.

L'annonce de 18 510 créations d'emplois budgétaires marque sans aucun doute une rupture avec la logique de suppression d'emplois publics, qui a fait beaucoup de dégâts ces dernières années, notamment en 1996 avec la suppression de 5 600 d'entre eux. Mais si nous nous félicitons de cette mesure, nous gardons à l'esprit que plus de la moitié de ces créations restera sans effet sur les effectifs réels : elles serviront, d'une part, à la consolidation des postes en surnombre autorisés au ministère de l'éducation nationale et, d'autre part, à la mise en oeuvre du dispositif de résorption des emplois précaires.

Certes, les créations de postes dont bénéficient les ministères qui correspondent aux priorités affichées par le Gouvernement : l'enseignement scolaire et supérieur, la justice et l'intérieur, ne sont pas négligeables, d'autant qu'elles s'ajoutent à celles enregistrées l'an passé. Nous


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souhaitons que cette évolution s'inscrive dans un processus à long terme car nous sommes loin du compte dans ces secteurs où les retards sont énormes - je pense notamment à la justice - et les besoins immenses.

En revanche, nous regrettons, comme les autres années, que certains services, tels l'équipement et les services financiers, restent les oubliés de cette tendance.

Nous nous interrogeons sur le point de savoir comment on pourra appliquer la réduction du temps de travail dans la fonction publique sans aborder la question pourtant incontournable de l'emploi.

Comment pourrions-nous prétendre faire progresser le service public sans créer des emplois utiles, efficaces, stables, permettant de compenser la réduction du temps de travail, d'améliorer encore les conditions de vie et de travail des personnels ? Ce serait un leurre de penser pouvoir aller dans le sens du progrès social sans tenir compte de ces grandes questions.

Les dispositions du décret du 29 août 2000 ne nous rassurent pas dans la mesure où elles ne font pas de l'emploi l'objectif central de la réduction du temps de travail dans la fonction publique. Les effectifs proposés confirment d'ailleurs cette orientation.

Concernant le plan de résorption de la précarité que nous examinerons très prochainement, je ne reviendrai pas sur les données chiffrées du rapport de notre collègue Jean Vila. Je me limiterai à quelques remarques.

Sans conteste, le champ des agents visés va au-delà de l'accord dit Perben de 1996. Nous nous en félicitons, d'autant que des mesures visant à mettre en oeuvre une gestion prévisionnelle des effectifs et à améliorer les modalités et les procédures habituelles de recrutement semblent accompagner ce protocole.

L es dispositions prévues seront-elles suffisamment dynamiques et « anticipatrices » pour assurer le remplacement des départs massifs à la retraite qui interviendront rapidement puisque 43 % des personnels peuvent y prétendre d'ici à 2010 ? Cette parenthèse refermée, je souhaitais vous entretenir monsieur le ministre, des lacunes du projet sur la précarité. Celles-ci tiennent essentiellement à l'exclusion de nombreuses catégories de personnels, à l'application du dispositif et, surtout, à la faiblesse du texte s'agissant de l'emploi précaire. Mais je ne développe pas, nous aurons l'occasion d'y revenir avant la fin de l'année.

Un mot cependant sur le devenir des emplois-jeunes.

En mai dernier, devant le Conseil national de la jeunesse, le Premier ministre s'était engagé à demander à ses ministres de faire des propositions pour assurer la pérennisation des 276 000 emplois-jeunes.

Sous contrat de droit privé, les jeunes concernés semblent être, exclus de fait du plan de résorption de la précarité, leur devenir étant renvoyé à un groupe de travail ultérieur. Pourtant, ils ont fait la démonstration de l'utilité des missions de service public qu'ils assument.

Que va-t-on faire de ces jeunes ? Que deviendront leurs missions ? La réponse ne passe-t-elle pas forcément par l'emploi public ? Il faudrait prévoir une évolution statutaire impliquant la création d'emplois ou de corps nouveaux et la reconnaissance des qualifications.

Concernant les salaires, il ne nous semble pas que ce budget rompe franchement avec l'idée de rationaliser les dépenses publiques. Pourtant, les fonctionnaires ont assumé leur part de rigueur, comme en témoigne la baisse de leur pouvoir d'achat. L'ensemble des organisations syndicales que nous avons reçues n'ont pas caché leur mécontentement et surtout leur crainte, malgré l'ouverture des négociations le 21 novembre, de devoir, au cours de l'année 2000, courir après un petit rattrapage sans ambition.

Alors que la croissance est à l'ordre du jour, le minimum de traitement brut dans la fonction publique vient de passer au-dessous du SMIC.

La valeur du point d'indice a perdu 9,80 % sur l'indice INSEE depuis 1983. Or qui est concerné par la valeur du point de la fonction publique ? Les 5,1 millions d'actifs dans la fonction publique, soit un quart de la population salariée et, de manière induite, les 4 millions de retraités.

Rien dans le budget ne permet d'envisager une revalorisation du minimum de rémunération, ni une progression du pouvoir d'achat, ni une réforme de la grille et la reconnaissance de qualifications, pas plus qu'une intégration des primes dans la rémunération préservant l'unicité de la grille.

Cette situation ne nous satisfait pas ! Je me permets d'appeler votre attention sur l'inégalité de traitement entre hommes et femmes, en matière de pension de réversion du régime spécial des fonctionnaires découlant de l'application l'article L.

50 du code des pensions.

Dans sa réponse à la question écrite posée par mon ami Claude Billard. parue au Journal officiel du 31 janvier 2000, votre prédécesseur reconnaissait que l'égalité entre hommes et femmes constituait une règle fondamentale du droit communautaire et qu'à ce titre elle devait être prise en compte dans la législation française.

C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, dans le cadre de notre débat budgétaire, s'il peut être envisagé d'inscrire la question du financement - avec effet rétroactif - des pensions et de rendre caduc l'article

L. 50 du code des pensions.

Concernant les travailleurs handicapés dans la fonction p ublique, les dernières statistiques connues, datant de 1997, laissent apparaître que 65 800 personnes seulement bénéficient de la loi en matière d'emploi de handicapé, deux tiers d'hommes et un tiers de femmes. Au total, la proportion des travailleurs handicapés dans la fonction publique est de 3,06 %. Dix ans après l'adoption de la loi, ce résultat illustre un échec. S'agit-il d'une inadaptation des voies de recrutement ? C'est un problème réel, auquel nous sommes confrontés chaque année et qui nécessite de revoir la politique menée en ce domaine.

Qu'il me soit également permis d'évoquer les congés de fin d'activité dont nous revendiquons la pérennisation depuis trois ans. Cette année encore, nous sommes dans l'expectative. Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que ce dispositif sera prorogé en 2001 ? Voici les quelques remarques que je voulais développer et qui conduisent les députés communistes à s'abstenir sur ce budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Paillé.

M. Dominique Paillé.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai écouté avec une attention toute particulière les observations de M. Tourret.

Je les partage totalement, bien que je ne parvienne pas à la même conclusion que lui.

Lorsque vous avez été nommé au poste que vous occupez, monsieur le ministre, j'ai nourri, sans doute en raison des excellentes relations que nous entretenons


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depuis de nombreuses années, l'espoir profond de vous voir mener la réforme de la fonction publique - tous azimuts : Etat et collectivités locales - à laquelle je suis très fier d'appartenir ; j'attends une telle réforme depuis de très nombreuses années.

Malheureusement, à l'examen du projet de budget pour 2001 et des tendances lourdes de la politique gouvernementale en ce domaine, je dois constater qu'il n'en est rien. 2001 sera une nouvelle occasion gâchée.

Ce n'est pas, en effet, le budget que vous nous présentez qui permettra un début de concrétisation de la modernisation, pourtant indispensable, de la fonction publique.

Vous avez, je vous en donne acte, affirmé récemment encore votre volonté réformatrice. Après avoir finalement installé l'Observatoire de l'emploi public, le 29 septembre dernier, et à la suite du dernier comité interministériel pour la réforme de l'Etat tenu le 12 octobre, vous avez annoncé un certain nombre de mesures sur lesquelles un large consensus aurait pu se dégager : institution dans tous les ministères, pour 2002, d'un plan de gestion prévisionnelle des effectifs ; suppression des freins statutaires à la mobilité ; transparence des offres d'emplois dans une bourse interministérielle en ligne à compter de l'année prochaine ; généralisation du contrôle de gestion dans l'administration d'ici à 2003.

Mais, parallèlement, vous portez fatalement atteinte à votre propre crédibilité car, plutôt que de vous cantonner à geler les effectifs en attendant que toutes ces mesures soient mises en place et vous dotent de véritables outils pour une gestion efficace des effectifs, vous vous lancez pour 2001 dans une politique de création nette de plus de 11 000 emplois nouveaux dans les services de l'Etat et des établissements publics.

Ce comportement quasischizophrénique est triplement dommageable.

Il l'est d'abord, je l'ai dit, pour votre propre crédibilité.

Peut-être pouvez-vous vous en accommoder. Si c'est le cas, je le regretterais, car je crois que celui qui veut véritablement réformer commence par avoir en main tous les éléments d'analyse pour bien mesurer la situation avant que de décider. Cette situation une fois connue, elle doit, dans la plus grande transparence et par respect démocratique, être clairement présentée devant le Parlement, en vue de décider avec lui des mesures concrètes de réforme à mettre en place.

Or nous en sommes loin. Je ferai référence, comme d'autres, à la Cour des comptes. Elle a pu conclure qu'à 300 000 postes près, le Parlement était informé du nombre des fonctionnaires dans ce pays... et elle a fait, M. Tourret l'a rappelé, les mêmes observations en ce qui concerne les rémunérations. Transparence, transparence, c'est une obligation avant toute réforme nouvelle ! Cette politique est également dommageable pour le service public et l'intérêt général car, plus vous tarderez à moderniser la fonction publique, plus il sera difficile de le faire. Dans un grand nombre de domaines, nos concitoyens attendent, et leur impatience croît à juste titre lorsqu'ils mesurent le fossé toujours plus grand qui sépare les discours des actes. Vous avez une mission première, monsieur le ministre, c'est de prouver aux Français combien la fonction publique est importante pour leur bien-être quotidien. Ils n'en sont pas tous, tant s'en faut, aujourd'hui convaincus.

Au contraire, ils savent que tout recrutement public se traduira demain par des hausses des impôts et des prélèvements obligatoires. Ils attendent donc des gains de productivité, des mesures d'efficacité, des systèmes performants d'évaluation, et non pas des recrutements, parfois justifiés dans certains domaines ou certains secteurs, mais qui ne sont pas compensés par des compressions d'effectifs inutiles dans d'autres. S'ils disent « oui » aux infirmiers supplémentaires, ils disent « non » à l'entretien de bataillons pléthoriques, aux finances par exemple.

Enfin, cette politique est dommageable pour les fonctionnaires eux-mêmes, car ils savent bien que l'enveloppe consacrée à leur rémunération a des limites et qu'elle ne sera jamais extensible à souhait. Demain, monsieur le ministre, vous serez contraint d'appliquer les 35 heures.

Comment les financerez-vous, si ce n'est en touchant aux augmentations salariales ou au déroulement des carrières ? La fonction publique a besoin de reconnaissance. Elle l'obtiendra par la qualité de son organisation, je l'ai dit, par la mesure de l'efficacité de son travail, mais aussi par une rémunération justifiée de ses membres. La crise des vocations, notamment dans la haute fonction publique, devrait résonner aux oreilles du Gouvernement comme un signal d'alarme.

Monsieur le ministre, je suis votre parcours avec intérêt. Dans une interview du 7 novembre au journal La Croix, à la question qui vous était posée sur ce que pourrait faire concrètement le ministre de la fonction publique dans des administrations régaliennes comme la justice, la police ou les finances, là où souvent les rapports avec les citoyens ne sont pas bons, vous avez répondu : « Je ne gère pas ces personnels, mais j'impulse un état d'esprit, une manière de faire qu'ensuite chaque ministre met en place. Dans le passé, le rôle du ministre de la fonction publique pouvait n'être qu'incantatoire.

J'ai le sentiment que, désormais, chaque ministre a une meilleure appréhension de la gestion dynamique des dossiers ».

J'ai le regret de constater que votre budget ne réflète pas vraiment ce nouvel état d'esprit, c'est le moins que l'on puisse dire ! En créant de nouveaux emplois qu'il faudra bien financer demain par de nouveaux prélèvements, il reste dans la plus pure des traditions comportementales de la gauche.

Sans doute avez-vous cédé aux pressions électoralistes de vos amis ou alliés. Je sais pourtant, encore une fois, les grandes qualités dont vous pouvez faire preuve, notamment pour résister à ce type de pressions. Je regrette que vous ne les ayez pas exprimées.

Vous aviez, avec ce projet de budget, l'occasion unique d'engager réellement, compte tenu de la situation économique, la réforme en profondeur et la modernisation souhaitées par tous de la fonction publique. Vous ne vous êtes pas engagé sur cette voie. Pour 2001, votre budget reste loin des aspirations des Français et de nos propres attentes. Je crains que, pour 2002, ce ne soit encore pire.

Il s'agira d'une loi de finances d'année électorale et chacun aura compris, sans plus de commentaires, qu'elle sera au mieux celle de l'immobilisme, au pire celle des largesses aveugles.

L'année 2001 est donc une occasion manquée et, avec elle, c'est l'ensemble de la législature 1997-2002 qui aura été pour la fonction publique la période d'une formidable frustration. Pour ces raisons, vous l'aurez compris, malgré les espoirs que vous avez portés, l'UDF ne votera pas votre budget.

(M. Georges Tron applaudit.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'intervention que nous venons d'entendre montre à quel point le discours sur les


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enjeux de la fonction publique peut prendre un tour idéologique. Le ton patelin et l'apparence d'objectivité ne parviennent pas à masquer l'évidence que certains, parmi nous, situent la gestion à terme de la fonction publique dans un contexte purement électoral.

M. François Baroin.

Quel culot !

M. Georges Tron.

Ça, au moins, ce n'est pas patelin !

M. Jean-Yves Caullet.

Paroles d'experts !

M. Georges Tron.

C'est vous qui avez la parole !

M. Jean-Yves Caullet.

Monsieur le ministre, c'est une banalité de le rappeler, l'examen du budget de la fonction publique nous donne chaque année l'occasion de parler de l'ensemble de la fonction publique et des dépenses qui y sont afférentes. Cette année tout particulièrement, compte tenu des orientations retenues par le Gouvernement pour une gestion dynamique à terme de la fonction publique de l'Etat et des autres fonctions publiques, il nous faut réfléchir sur les enjeux de ce débat.

La fonction publique, ce n'est pas simplement un budget. C'est aussi un service, des services essentiels qui doivent être rendus à nos concitoyens. Or les besoins de nos concitoyens évoluent, en même temps que les instruments techniques ou législatifs dont nous disposons pour y répondre. Aussi la fonction publique doit-elle s'adapter, non pas au nom de considérations comptables ou budgétaires, mais pour de simples raisons d'efficacité, son objectif essentiel étant de répondre aux attentes des Français. Cela doit se faire de manière dynamique, tout en respectant les personnels de la fonction publique, qui méritent considération.

Votre budget, monsieur le ministre, s'inscrit très précisément dans cette perspective.

Pour relever un tel défi, il faut en effet commencer par connaître et prévoir ; c'est bien ce qu'a fait le Gouvernement en installant l'Observatoire de la fonction publique.

Il faut ensuite savoir adapter, former et recruter, et ce budget insiste sur l'importance de la formation initiale des fonctionnaires, notamment ceux recrutés par les instituts régionaux d'administration.

Il faut enfin moderniser. Je sais que c'est votre souci, mais permettez-moi d'insister sur l'apport fondamental que les technologies de l'information et de la communication, que je me refuse désormais à appeler « nouvelles », p euvent représenter pour les services publics. Elles doivent leur permettre de mieux répondre aux besoins, avec des moyens plus adaptés, et d'opérer des redéploiements en termes de compétences et de fonctions dans l'ensemble de la fonction publique.

Je ne pense pas qu'il soit raisonnable d'en appeler à je ne sais quel « grand soir », à je ne sais quelle réforme tellurique de la fonction publique. Il faut au contraire s'inscrire dans la durée, dans la prévision, dans l'adaptation.

C'est ce que vous faites, c'est ce que fait le Gouvernement, c'est ce que fera la majorité de la gauche plurielle, qui soutient l'action du Gouvernement, en votant votre budget.

Après la création de l'observatoire, la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans la fonction publique sera, là comme ailleurs, l'occasion de repenser l'organisation du fonctionnement, en l'occurrence celle des services au public, dans le cadre des négociations en cours concernant la rémunération des fonctionnaires. Ces négociations, monsieur le ministre, doivent être conduites dans un esprit de justice. M. Tourret, avec une vigueur parfois excessive, a dénoncé l'extrême variété des situations au sein de la fonction publique. On a coutume de parler de « la » rémunération des fonctionnaires, mais il est vrai qu'ils ont des niveaux de vie très différents. Audelà de leur simple traitement, divers compléments, comme le complément familial, leur sont versés proportionnellement à leur indice, alors qu'ils devraient plutôt être évalués en fonction de leur pouvoir d'achat.

Par ailleurs, et j'aurai bientôt l'occasion d'en reparler à cette même tribune, la lutte contre la précarité dans la fonction publique est en marche. Le texte va être débattu au Sénat. La modernisation du recrutement de la fonction publique est également essentielle pour répondre à ses besoins d'adaptation. Nous devons prendre en compte de nouvelles compétences, de nouvelles expériences.

Ce sont là, monsieur le ministre, des priorités de long terme, qui doivent être conjuguées dans un souci de cohérence. Votre projet de budget reflète ce souci. C'est pourquoi, avec le groupe socialiste, je le voterai. C'est pourquoi je continuerai à soutenir l'action de l'Etat, qui doit s'inscrire dans la durée.

M. le président.

La parole est à M. Georges Tron.

M. Georges Tron.

Monsieur le ministre, si j'étais tenté - mais je ne le suis pas - de prendre un ton patelin, j'aurais maintenant de bonnes raisons d'y renoncer et de m'adresser à vous directement. Tout en prenant la précaution de préciser - je ne sais si cela va vous rassurer, vous inquiéter ou simplement vous indifférer - que mes propos s'adressent bien entendu au Gouvernement, et non à votre personne.

Si j'use d'un langage aussi direct, c'est que le groupe RPR est proprement stupéfait de ce budget. Car il nous donne l'occasion de faire le point sur la politique de la fonction publique et, en particulier, sur deux ou trois choses qui nous paraissent préoccupantes et même, je le répète, stupéfiantes.

Auparavant, qu'il me soit permis de vous adresser une demande. Faites-moi la grâce, même si c'est un exercice auquel vous vous livrez fréquemment lors des questions d'actualité, de ne pas tomber dans la caricature en essayant de faire accroire que nos propos seraient destinés à culpabiliser les fonctionnaires. Mais j'en viens au fond.

Premier regret, nous nous trouvons dans une situation économique générale qui, jusqu'à présent, dans ce débat, n'a pas été mentionnée une seule fois. Ce n'est pourtant pas totalement inintéressant.

De tous les pays ayant une économie comparable, la France est celui qui a la fonction publique la plus développée, la plus lourde : 25 %, à peu près, de la population active.

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

C'est excellent !

M. Georges Tron.

Je ne dis pas le contraire, mon cher collègue. J'ai indiqué que je ne portais pas de jugement de valeur à ce sujet. Mais, ayant bien à l'esprit ce taux de 25 %, on a le choix entre, monsieur le ministre, deux façons d'aborder le dossier de la fonction publique. L'une consiste à dire de façon un peu systématique : on recrute, on embauche ! L'autre consiste à se demander comment on peut améliorer la qualité du service rendu à l'usager - c'est d'ailleurs l'un de vos objectifs - et comment on peut moderniser la fonction publique dans son ensemble.

Toujours est-il que nous avons une fonction publique très développée, beaucoup plus nombreuse que chez nos partenaires. Vous faites non de la tête, monsieur le ministre, mais je vous répète qu'elle représente 25 % de


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la population active chez nous, contre 13,2 % en moyenne dans les pays du G 7. Donc la réponse est oui, très concrètement.

De plus, nous sommes, en France, dans un contexte économique particulier. L'actualité récente, celle d'hier notamment, est là pour le démontrer. De tous les pays comparables, le nôtre est celui où les taux de prélèvements sont les plus lourds et où, en même temps, le déficit est le plus élevé.

Il est donc légitime, sans encourir les foudres de je ne sais quel discours caricatural, de s'interroger pour savoir si, oui ou non, une vraie politique de la fonction publique peut être mise en place, sans tomber dans le travers de l'embauche systématique et sans tomber dans le travers opposé - que j'ai toujours évité - consistant, de façon tout aussi irréfléchie, à demander moins de fonctionnaires pour le principe. Oui, on est en droit de s'interroger à ce sujet.

Alors, que constate-t-on ? Eh bien, et c'est le premier motif de notre stupéfaction, on constate que le Gouvernement ne prend absolument pas acte de cette situation générale. Le projet de loi de finances pour 2001 prévoit en effet la création, grosso modo , de 20 000 emplois, dont plus de 11 000 seront des emplois nouveaux, ces créations nettes étant concentrées, pour presque 90 %, sur quatre budgets : l'enseignement scolaire, l'enseignement supérieur, la justice et l'intérieur.

M onsieur le ministre, 20 000 emplois de plus, 20 000 emplois nouveaux dans ce budget, cela ne peut pas ne pas être mis en exergue au regard de l'impératif que le Gouvernement de M. Jospin s'est fixé, ou dit s'être fixé, en matière de maîtrise des dépenses publiques ! D'un côté, M. Fabius nous explique qu'il prépare le plan 2002-2004 de maîtrise des dépenses publiques et soutient, par définition, qu'il faut rester sur des positions raisonnables. De l'autre, ce budget prévoit, tout de go, 20 000 créations d'emplois. Comment ne pas être stupéfait de cette contradiction ? Et comment, monsieur le ministre, expliquer de votre part une telle attitude ? Car c'est bien vous qui, dans cet article du 24 août déjà cité ce matin, avez fait l'apologie de la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences. Ce qui a d'ailleurs donné lieu à l'installation, le 19 septembre dernier, de l'Observatoire de l'emploi public. Dans la logique de votre démarche, il fallait d'abord dresser l'état des effectifs de l'administration puis, dans un second temps, en déduire les mesures qui s'imposaient en matière de recrutement, de formation et de mobilité interne des fonctionnaires. Il y avait là une démarche intellectuelle que l'on pouvait suivre, que l'on pouvait comprendre.

Mais ce n'est pas du tout cela que l'on constate.

L'observatoire à peine installé, c'est parti ! On ne contrôle plus rien ! La preuve, on ne la trouve pas seulement dans le budget pour 2001. La preuve, c'est aussi un ministre qui nous l'a donnée, en l'occurrence M. Jack Lang, lorsqu'il nous a annoncé hier qu'il allait, tout de go lui aussi, créer près de 32 000 emplois nouveaux à l'éducation nationale entre 2001 et 2004, dont 17 000 créations nettes.

La vérité, monsieur le ministre, c'est que, malgré vos intentions affichées de mettre un peu d'ordre, un peu de transparence dans les emplois publics, malgré l'installation de l'observatoire, tout repart aussitôt dans tous les sens ! Sans compter que l'on entend, à propos des emploisjeunes, des choses bien différentes. Pour les emploisjeunes, de même que pour les fonctionnaires en général, il ne s'agit pas d'être pour ou contre, il s'agit de savoir précisément ce que l'on veut. On entend Jack Lang, toujours lui, nous indiquer qu'il souhaite pérenniser les 65 000 emplois-jeunes de l'éducation nationale. Vous ne semblez pas d'accord, mais c'est bien ce qui était écrit dans les journaux d'hier soir. Evidemment, M. Fabius s'exprimait différemment dans Le Monde puisqu'il déclarait : « Quant aux emplois-jeunes, ils ont été une très bonne initiative. Pour autant, il n'a jamais été prévu qu'ils deviennent des emplois permanents de fonctionnaires. » Et pour conclure son topo à ce sujet, il précisait

même : « Puisque l'emploi s'améliore, il existe davantage d'opportunités permettant aux jeunes de trouver leur place dans l'économie. »

Tout ça pour dire quoi ? Pour dire que, d'un côté, il y a les bonnes intentions et, de l'autre, la réalité. Or la réalité, c'est que vous ne sortez pas de cette espèce de propension naturelle qui consiste à embaucher pour embaucher. Et me référant aux propos de l'orateur précédent, je comprends que l'on puisse dire qu'il y a forcément des dessous électoralistes.

Un mot maintenant sur la loi relative à la résorption de la précarité, que nous allons discuter dans quelques semaines. Si l'on s'en tient à vos intentions, je suis prêt à vous suivre, car vos intentions sont bonnes. Mais si votre démarche est aussi contournée que dans les autres domaines que je viens d'évoquer, alors, votre loi ne servira pas à grand-chose. D'ailleurs, vous soulignez vousmême dans l'exposé des motifs que, sur les années 1997, 1998 et 1999, on n'est pas parvenu à résorber le volant d'emplois précaires. Cela veut bien dire qu'il y a un risque.

Après les embauches, qu'en est-il de la politique salariale dans la fonction publique ? A l'évidence, elle va faire les frais du relâchement que je viens de décrire. Nous sommes aujourd'hui le 16 novembre, et je reconnais que la présentation de ce budget ne tombe pas très bien pour vous puisque, dans cinq jours, vous allez commencer la négociation salariale. Dans ces conditions, quel est, au juste, le sens de notre débat ? Si vous aviez quelque chose à annoncer, n'aurait-il pas fallu le faire, précisément, dans le projet de budget ? Autrement dit, est-ce qu'on se moque du Parlement ? Ce serait le cas, en effet, si, à l'issue des négociations que vous entamerez le 21 novembre, vous décidiez de débloquer plus que l'enveloppe de 3,2 milliards de francs, correspondant à une revalorisation de 0,5 % de la masse salariale, prévue dans le projet de loi de finances pour 2001. Ainsi, vous plaidez pour le droit à la transparence, mais vous en excluez le Parlement. Si vous allez au-delà de 0,5 % sans son aval, cela veut dire, en effet, que vous le mettez littéralement de côté.

Seconde hypothèse : vous vous en tenez à ce volant.

Mais est-ce bien honnête à l'égard des fonctionnaires ? La discussion qui s'engage peut leur laisser penser, en effet - d'ailleurs, c'est ainsi qu'ils l'interprètent - que vous disposez d'une marge de manoeuvre. Alors, monsieur le ministre, qui aujourd'hui a droit à un discours qui n'est pas transparent, les parlementaires ou les partenaires sociaux ? C'est une vraie question.

Un mot à présent sur les 35 heures qui pèsent, bien entendu, sur la fonction publique et sur la façon dont on va aborder le débat salarial. On sait dans quelles conditions le Gouvernement a imposé les 35 heures dans les ecteur privé. Prônera-t-il la même conception de

« modération salariale » dans la fonction publique ? Autrement dit, monsieur le ministre, l'échange emplois contre salaires est-il également applicable à la fonction publique ?


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Un mot pour terminer sur un dossier qui n'est pas traité une seule fois dans ce budget : les retraites dans la fonction publique. Ainsi que cela a été rappelé par plusieurs de mes collègues, 600 000 fonctionnaires vont partir à la retraite d'ici à 2010. Cela ne manquera pas de poser un certain nombre de problèmes, notamment financiers.

Or la durée de cotisation des fonctionnaires reste plus courte que celle des salariés du privé : 37,5 années. Par a illeurs, et c'est le plus préoccupant, les carrières publiques ont tendance à se raccourcir puisque, en 1999, 54 % des retraités du public n'avaient pas 37,5 années de cotisations, bonifications comprises. Lorsqu'on sait, en outre, qu'il y a des limites d'âge chez certaines catégories de fonctionnaires, qui prennent forme d'une obligation et non pas d'un droit, en particulier entre cinquante-cinq et soixante-cinq ans, je souhaiterais que vous m'indiquiez - si tant est que vous preniez une décision dans ce domaine comment vous comptez vous sortir d'un dossier aussi épineux. En tout état de cause, monsieur le ministre, et cela a été souligné par notre collèque Alain Tourret, rien n'a été tiré du rapport de la Cour des comptes du début de l'année, ni de celui du commissariat général du Plan qui p récise pourtant très explicitement que la fonction publique n'a pas besoin d'embauches nouvelles. En fait, et Dominique Paillé l'a dit, nous avons le triste sentiment que ce budget est celui des occasions perdues. Dans ces conditions, vous ne serez pas surpris que le groupe du Rassemblement pour la République ne le vote pas.

M. Dominique Bussereau.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Dominique Bussereau.

M. Dominique Bussereau.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord rendre hommage au rapporteur de la commission des lois qui a eu le mérite de ne pas pratiquer la langue de bois comme c'est souvent le cas ; moi-même, j'ai été parfois amené à le faire, par discipline politique, alors que j'occupais la même fonction.

Monsieur le ministre, nous examinons aujourd'hui un budget « nouvelle formule », car vous inaugurez, cette année, une nouvelle présentation des crédits. Ce n'est pas un mal. En effet, nous n'avons de cesse dans cet hémicycle de fustiger la procédure budgétaire actuelle qui ne donne pas véritablement l'occasion au Parlement de savoir ce qu'il vote. Dans le domaine de la fonction publique, c'était à la limite de la caricature. Ainsi, la présentation traditionnelle qui se limitait aux emplois budgétaires proprement dits ne permettait pas de se rendre compte de l'évolution globale des effectifs financés par l'Etat.

Donc, pour la première fois, et c'est bien, nous disposons d'un tableau mettant en évidence l'évolution des effectifs nouveaux autorisés en 2001, tant dans les services de l'Etat que dans ses établissements publics. L'effort est louable, certes. Je ne suis pas sûr, néanmoins, monsieur le ministre, qu'il nous permette de mettre le doigt sur certaines pratiques qui ont été dénoncées par le rapport de la Cour des comptes en janvier 2000. Ce rapport précise ce que tout le monde savait ou devinait déjà. Il a en particulier révélé au grand jour les nombreuses pratiques qui permettent à l'administration de s'affranchir du cadre juridique et budgétaire fixé par le Parlement comme les ouvertures d'emplois croisées entre ministères - merveille de l'esprit imaginatif de la haute fonction publique française - les transferts d'emplois en cours d'année ou encore les mises à disposition et autres détachements. Il reste donc beaucoup de chemin à faire pour vous-même et vos successeurs avant de rendre le budget de l'Etat transparent.

S'agissant du budget de la fonction publique, je note cependant un frémissement dans la volonté de changer les choses. Reprenant le classique bâton de pèlerin des ministres de la fonction publique, vous vous relancez dans l'aventure de la réforme de l'Etat. Le programme est vaste et je ne suis pas sûr malheureusement que votre budget vous permettra de relever un tel défi.

Il y a bientôt un mois, vous nous avez annoncé les principes de cette réforme qui devrait tendre, selon vous, à rendre l'administration plus souple, plus attractive et qui devrait surtout viser à mettre en oeuvre une véritable gestion de l'emploi public. Tout cela montre votre bonne volonté. Malheureusement, nous ne trouvons aucune traduction budgétaire de ces bonnes intentions. Votre budget va même en sens contraire. Il témoigne non seulement de l'abandon complet du gel des effectifs - c'est clairement un budget expansionniste - mais il est également le reflet de l'incapacité de l'Etat à anticiper et à gérer les départs à la retraite, à anticiper l'application des 35 heures ou à valoriser ses hauts fonctionnaires, j'y reviendrai en conclusion.

Parallèlement - et Georges Tron l'a précisé excellemment à l'instant -, les salaires de la fonction publique à eux seuls réduisent à néant toute velléité de maîtrise des dépenses publiques. On voit bien le bras de fer qui s'engage avec Bercy. Et monsieur le ministre, même si vous n'êtes pas ministre d'Etat, vous en sortirez sûrement vainqueur. A quelques mois des élections, en effet, on imagine bien qui, de la rigueur budgétaire ou de l'ouverture politique vers un électorat traditionnellement acquis, l'emportera dans les arbitrages. Votre budget met donc fin au gel de l'emploi public. Finalement, vous n'aurez pas trop longtemps résisté à la tentation du « toujours plus de fonctionnaires ».

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

Très bien !

M. Dominique Bussereau.

D'un revers de main, vous balayez l'objectif de 1997 de stabilisation de l'emploi public. Pas moins de 11 237 emplois nouveaux sont créés dans les services de l'Etat et ses établissements publics. De même, vous prévoyez l'inscription de 4 020 emplois titulaires susceptibles d'accueillir les agents non titulaires, lauréats des concours ouverts au titre de la résorption de la précarité.

Au total, ce ne sont donc pas moins de 20 000 fonctionnaires de plus pour 2001, avec une conséquence directe sur le plan budgétaire : les dépenses de fonctionnement augmenteront de 2 % alors que celles concernant les investissements reculeront malheureusement de 3,5 %. En termes de réduction des effectifs - et celle-ci est nécessaire dans un pays moderne comme le nôtre on a vu de meilleures copies ! Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d'Etat - il est vrai toutefois qu'aujourd'hui on s'intéresse moins au Plan qu'il y a quelques années - que le rapport du Commissariat général du Plan de mars 2000 contestait l'opportunité d'une hausse des effectifs de la fonction publique. En effet, le simple fait de stabiliser les effectifs, ce que vous ne faites pas, entraînera déjà un surcoût budgétaire annuel de 115 milliards de francs. On n'avait jamais vu cela depuis l'époque Rocard. Certes, me direz-vous, vous étiez dans le gouvernement de Michel Rocard et, aujourd'hui, vous vous inscrivez en quelque sorte dans la même ligne.


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M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Non, j'étais alors assis au banc de la commission !

M. Dominique Bussereau.

Eh bien, le changement de place a alourdi considérablement les charges de l'Etat.

(Sourires.) Et vous vous gardez bien de rappeler que la France est le plus mauvais élève de l'OCDE en matière de maîtrise des effectifs publics.

M. Jean Vila, rapporteur spécial. C'est le meilleur élève ! M. Dominique Bussereau. Oui, pour ceux qui vivent de cela politiquement ! Entre 1988 et 1998, pendant que le Canada, les EtatsUnis et le Royaume-Uni réduisaient leurs effectifs de 10 à 20 %, la Suède, social-démocrate, de 42 %,...

M. Jean Vila, rapporteur spécial. On voit ce que cela donne ! M. Dominique Bussereau. ... ceux de la France ont augmenté de 10 % pour atteindre 25 % de la population active - c'est du jamais vu - et absorber près de 44 % du budget de notre pays.

S'il ne s'agissait que d'un problème d'effectifs, on pourrait dire que vous êtes un mauvais élève, mais que vous n'êtes pas encore tout à fait au fond de la classe et près du radiateur...

M. Jérôme Lambert. C'est la meilleure place ! (Sourires.) M. Dominique Bussereau. Mais vous y ajoutez la question des salaires. Déjà, votre prédécesseur avait acheté la paix salariale et la paix politique avec l'accord de 1998 qui prévoyait une augmentation annuelle de 1,3 % en deux ans. Aujourd'hui, les agents de l'Etat ont bénéficié d'un surplus de plus de 1 % alors que l'inflation n'est prévue que de 1,5 % sur deux ans.

Par ailleurs, outre les primes non imposables ou le cumul d'emplois, les fonctionnaires d'outre-mer appellent des remarques particulières. J'attire ainsi votre attention, monsieur le ministre - et hier j'en ai aussi parlé à Christian Paul - sur une bizarrerie qu'Alain Touret connaît bien. Après la surrémunération des fonctionnaires en service - la commission des lois l'a vérifié l'an passé lors d'une de ses missions - qui pose déjà des problèmes d'éthique républicaine, apparaît à présent la surrénumé ration des retraités de la fonction publique. En effet, ceux qui viennent s'installer dans des départements ou des territoires d'outre-mer bénéficient d'une retraite plus importante, peu importe qu'il y aient servi ou non l'Etat.

Le trésorier-payeur général de Nouvelle-Calédonie nous a indiqué à René Dosière et moi-même qu'il voyait arriver à Nouméa des fonctionnaires retraités de Troyes ou d'ailleurs qui choisissaient de s'installer dans ce territoire d'outre-mer, sans doute parce qu'ils trouvent le climat sympathique, mais aussi parce qu'ils bénéficient d'une surrémunération. Monsieur le ministre, pourriez-vous sur ce point m'apporter la réponse précise que ne m'a pas donnée Christian Paul ? Il y a là un problème de dérive de l'éthique.

S'agissant toujours de coût, je rappelle qu'agir sur le point de la fonction publique coûte très cher : 1 % de hausse équivaut à une dépense supplémentaire de 6,7 milliards de francs pour un résultat très timide sur la fiche de paie des fonctionnaires. Alors je vous repose la même question que Georges Tron : comment, avec seulement quelque 3 milliards...

M. Georges Tron. 3,2 milliards de francs ! M. Dominique Bussereau. ... allez-vous pouvoir couvrir les ajustements des rémunérations publiques ? Cela représente une augmentation de 0,5 % de la valeur pour 2001.

Les arbitrages risquent d'être tendus avec le ministre des finances.

Un mot sur le problème de la gestion de l'emploi public par l'Etat. A l'horizon 2040, les trois quarts des fonctionnaires auront pris leur retraite, ce qui représente un besoin de financement compris entre 255 et 280 milliards de francs. Comment allez-vous organiser ce redéploiement ? Allez-vous simplement augmenter les effectifs poste par poste, ce qui serait simple mais un peu démagogique. Ou bien allez-vous réorganiser l'administration ? Un dernier mot sur la haute fonction publique qui, vous le savez, est en crise. Les effectifs de hauts fonctionnaires en position normale d'activité ont massivement diminué au cours des vingt dernières années, passant de 72 % des effectifs totaux en 1982 à 60 % en 1998. Sur la même période, le pourcentage des hauts fonctionnaires en disponibilité dans le secteur privé ou ayant définitivement quitté l'administration a fait plus que doubler, passant de 6 % des effectifs en 1982 à 15 % en 1998.

Monsieur le ministre, ces chiffres révèlent l'incapacité de l'Etat de gérer les carrières des hauts fonctionnaires.

Ceux-ci se plaignent d'un écart croissant de rémunération avec le privé - jusqu'à 40 % -, du blocage des carrières surtout lorsque les hasards ou la qualité du classement de l'ENA les a fait sortir à une mauvaise place -, de l'absence de mobilité interne, d'objectifs clairs, de responsabilités, et d'un fonctionnement basé devantage sur les procédures que sur les projets.

A ce propos, je suis choqué, comme d'ailleurs nombre de nos collègues sur différents bancs de cette assemblée - et nous reviendrons plus solennellement sur ce point dans les séances de question -, que la nouvelle directrice de l'ENA soit candidate aux élections municipales dans la capitale. Si elle l'avait été dans un petit village de cinquante habitants de ma circonscription, au moins le contexte n'aurait pas été politique. Tel n'est pas le cas à Paris. Jamais un dirigeant de l'ENA n'avait encore pris une telle décision qui me semble nuire à l'éthique de la direction de l'Ecole et à l'éthique même de la formation de nos hauts fonctionnaires.

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis. C'est une femme charmante ! M. Dominique Bussereau. Ce ne sont pas les qualités de cette femme, que je ne connais pas, que je mets en cause, c'est sa candidature.

Pour toutes ces raisons, et sans mettre en cause votre talent que je connais et apprécie, le groupe Démocratie libérale ne votera pas votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite évoquer la question des salaires dans les fonctions publiques.

Depuis onze mois, en effet, aucune revalorisation n'est intervenue dans le traitement des fonctionnaires, et le minimum de traitement brut dans la fonction publique vient de passer au-dessous du SMIC. Cette situation ne peut rester en l'état. Je le rappelle, ce sont un peu plus de 5,1 millions d'actifs et 4 millions de retraités qui sont concernés par la revalorisation du point. Si la gauche plurielle veut avancer dans le débat sur la redistribution des fruits de la croissance et promouvoir une croissance parta-


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gée, il est urgent qu'elle apporte des réponses claires en termes tant de rémunération que d'emplois. Et j'espère que les négociations qui vont s'ouvrir la semaine prochaine déboucheront vite sur des accords positifs.

Au-delà de ces données préoccupantes mais conjoncturelles, la question des salaires pose également celle de l'avenir des services publics à la française. Ceux-ci constituent un des piliers, un des vecteurs du progrès social dans notre pays. Or force est de constater une détérioration de leur état, de leur efficacité. A cet égard, je veux souligner que nos collègues de droite ont une large part de responsabilité dans cette affaire. En 1996, en effet, ils ne se sont pas contentés de ne pas augmenter le salaire des fonctionnaires, ils ont aussi supprimé plusieurs milliers d'emplois. C'est aussi à ce retard qu'il faut s'attaquer aujourd'hui.

Trouvez-vous normal qu'un agent technique touche 6 400 francs net par mois après trente années de service ? Pour ma part, je trouve cela inadmissible du point de vue non seulement de la très importante question du pouvoir d'achat, mais aussi de la reconnaissance sociale du travail effectué par ces salariés, travail indispensable à l'administration de notre société et à la qualité du service attendu par les usagers. La fierté de ces femmes et de ces hommes en « prend un coup », la justice sociale devient moins lisible et la frustration s'accroît. Comment ne pas y voir un mouvement qui érode les bases mêmes de notre pacte social ? C'est pour ces raisons qu'il convient de décider au plus vite d'une nette augmentation des rémunérations des employés des fonctions publiques. Je rappelle que sur les trois dernières années le PIB a progressé de 9,5 %. L'augmentation du point indiciaire doit s'en rapprocher.

Ce que je dis pour les plus bas salaires de la fonction publique vaut pour les cadres. En ce qui concerne, par exemple, la fonction publique territoriale, je suis très inquiet de la différence d'évolution des salaires entre le public et le privé à compétence professionnelle égale. J'ai en tête l'exemple d'une commune que je connais bien, où un cadre touchant 15 000 francs - ce qui constitue une rémunération plus que correcte dans une municipalité s'est vu offir par une entreprise privée un salaire de 35 000 francs.

M. François Baroin.

C'est rare !

M. Bernard Birsinger.

Face à de telles différences, comment voulez-vous empêcher la fuite des compétences vers le privé ou vers les collectivités territoriales les plus riches ? Cette question est essentielle car les collectivités ont besoin de recruter des agents compétents pour rendre aux usagers un service public de qualité.

Dans le débat sur les salaires, je souhaiterais évoquer une tendance inquiétante. Il s'agit de la part croissante qu'occupent les diverses primes dans les rémunérations des agents publics. Ainsi, dans la fonction publique de l'Etat, en 1982 elles représentaient en moyenne 11,8 % du traitement, contre 18 % environ aujourd'hui. Dans la fonction publique hospitalière, le taux moyen atteint 30 % et jusqu'à 40 % pour les aides-soignants. Au-delà du déficit que ces primes constituent pour les déroulements de carrière et le calcul des retraites, je souhaite attirer votre attention sur le caractère inégalitaire qu'elles revêtent, notamment pour les bas salaires, lorsque dans une même collectivité certains agents y ont droit, et d'autres pas. Je pense, par exemple, aux problèmes soulevés par l'instauration de l'injuste indemnité d'exercice de missions des préfectures.

J'ai évoqué certains des problèmes qui grèvent l'efficacité des services publics français. Il me semble que la meilleure façon d'en venir à bout est d'engager une vérit able politique de revalorisation des salaires. Cela implique, notamment, d'en attribuer les moyens aux collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, je note avec satisfaction votre volonté affichée d'avancer sur toute une série de défis évoqué par Patrice Carvalho - installation d'un observatoire de l'emploi public, plan de résorption de la précarité. L'annonce, récemment, de mesures importantes rompt avec le dogme du gel des emplois publics. Ces chantiers sont indissociables des efforts que nous attendons sur les salaires. Ils impliquent tous une priorité plus affirmée sur les salaires, l'emploi, la formation. Nous veillerons à ce que ces intentions aboutissent et nous sommes prêts à y travailler avec vous.

En attendant, et parce que sur toutes ces questions le présent budget n'apporte pas de réponse satisfaisante, les députés communistes ne le voteront pas.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Baroin.

M. François Baroin.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le meilleur des avocats ne saurait plaider contre une évidence : je reconnais donc bien volontiers qu'il fait plus de soleil à Nouméa qu'à Troyes ! (Sourires.) Je suis cependant disposé à inviter l'ensemble de mes collègues dans cette bonne ville de Troyes, afin qu'ils puissent constater que la raison essentielle qui incite à choisir la Nouvelle-Calédonie plutôt que la belle terre de l'Aube tient moins au climat qu'aux avantages fiscaux proposés.

Cela étant, Dominique Bussereau a rappelé avec beaucoup de bonheur, de brio et de pertinence nombre d'arguments que je souhaite également développer devant vous.

Au moment où la discussion budgétaire s'arrête sur vos crédits, monsieur le ministre, on ne peut manquer de s'interroger sur une question centrale de l'action gouvernementale : existe-t-il aujourd'hui dans ce pays une véritable volonté politique de réformer la fonction publique et l'Etat ? On peut certes s'abriter derrière Bercy, qui semble d'ailleurs très malheureux depuis quelques jours, puisque M. Fabius se répand lui aussi dans la presse pour exprimer quelques états d'âme. On peut aussi, à tort de mon point de vue, considérer, comme Jack Lang, qu'un bon budget est un budget en augmentation, en particulier pour les effectifs. Je pense résolument le contraire.

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

Il y a trop d'enseignants peut-être ?

M. François Baroin.

Je suis convaincu, monsieur le ministre, que, dans votre for intérieur, tel est également votre avis, et que vous estimez qu'un bon budget est un budget qui propose aux acteurs essentiels du secteur, en l'occurrence les fonctionnaires, des perspectives de carrière, des possibilités d'évolution et d'adaptation, des facilités ; un budget qui lutte contre la précarité dans la fonct ion publique, qu'elle soit d'Etat, territoriale ou hospitalière ; un budget qui comporte un certain nombre de dispositifs, juridiques et techniques, mais surtout un budget qui a une âme, un corps. Or rien de tout cela ne figure dans celui que vous nous proposez.

L'interrogation que j'ai reprise au début de ce propos est pourtant essentielle tant la prise en compte de la fonction publique dans le cadre de l'action de votre gouvernement et de son avenir conditionne, pour une large part,


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l'évolution et l'adaptation de notre pays aux grands défis des années qui viennent. Et ce n'est pas vous faire injure que de vous proposer de sortir des clichés du « toujoursplus », ou du « toujours-moins » de fonctionnaires, pour aborder avec sérieux et responsabilité la question au fond.

En réalité un meilleur traitement des fonctionnaires, à tous égards, est une condition impérative pour une meilleure efficacité des agents de l'Etat au service du public.

Or que constatons-nous aujourd'hui ? D'une part, on observe que les dépenses liées à la fonction publique continuent d'augmenter pour atteindre 675 milliards de francs, soit désormais plus de 40 % du budget de l'Etat, alors que, d'autre part, comme l'ont souligné de nombreuses études - et cela a été rappelé par des intervenants précédents -, notamment le rapport de la Cour des comptes présidée par Pierre Joxe, lequel ne saurait être suspecté d'être proche des bancs de l'opposition parlementaire, on ne dispose pas, en retour, d'un cadre légal redéfini, apportant une véritable clarification s'agissant des dépenses engagées.

Ainsi, à tous les niveaux, on reste toujours très évasif sur les effectifs eux-mêmes. Aussi incroyable que cela puisse paraître, l'Etat, vous le savez, n'est pas capable de donner le nombre exact de ceux qui travaillent pour lui.

On marche sur la tête ! Les citoyens ne le savent pas, mais on en est là. Dans ces conditions, comment offrir aux intéressés, dans une gestion des ressources humaines adaptée à la situation individuelle de chacun, les moyens de se réaliser dans leur choix de servir l'intérêt général, le service du public, l'Etat et, en quelque sorte, la nation ? Il en résulte une absence de volonté qui apparaît très clairement, dans votre projet de budget et cette sorte de léthargie provoque chez la plupart des agents publics un véritable découragement dont on ne mesure pas assez les conséquences. Nombre d'entre eux sont démotivés par le poids des inerties ; comment ne pas les comprendre ? Les membres des grands corps sont attirés par le privé - cela a été rappelé avec beaucoup de réalisme par Georges Tron et Dominique Bussereau - et l'on attend toujours la réforme du statut de la fonction publique. Pourtant, j'en suis convaincu, une autre politique est possible vis-àvis des fonctionnaires. Il conviendrait notamment de profiter du départ en retraite de 50 % des agents d'ici à 2012 - conséquence inexorable de la bosse démographique - dont plus de 80 % des cadres, pour initier de nouvelles pratiques et revaloriser les conditions de travail de nos fonctionnaires.

Aujourd'hui les agents ne supportent plus le caporalisme d'un autre âge qui règne encore dans de nombreux services, l'immobilisme face aux innovations, qu'elles soient techniques, informatiques ou sociales, la lenteur avec laquelle telle ou telle structure s'adapte, l'absence de courage pour remettre en cause des strates devenues inutiles en raison de l'évolution des besoins en matière de service public. Maintenues au fil des années, ces dernières grèvent d'ailleurs de façon spectaculaire le budget de la France en la matière, sans que personne n'ose s'attaquer à ce problème. Vous n'avez pas de politique dans ce domaine et ce projet de budget n'apporte aucune réponse aux problèmes posés par l'opacité des comptes et par la rigidité des statuts qui interdit la mise en oeuvre de toute dynamique.

Pourquoi taire également la question de l'application des 35 heures dans la fonction publique d'Etat, qui devrait coûter 100 milliards de francs par an ? Etait-ce véritablement une priorité compte tenu de l'incapacité de la mettre en oeuvre par négociation ? N'aurait-il pas mieux valu offrir d'autres perspectives ou d'autres solutions ? Je crois profondément que nous ne ferons pas l'économie d'une politique volontariste de revalorisation de la fonction publique. Il faut assurer non pas moins ou plus d'Etat mais « mieux d'Etat ». Des agents publics mieux considérés - j'insiste sur cette dimension humaine et personnelle - améliorent nécessairement leurs services et la satisfaction des usagers. Il ne sert à rien de continuer à saupoudrer ; on le voit bien avec le budget de l'éducation nationale, par exemple, dont les crédits ne cessent d'augmenter depuis dix ans sans qu'aucune solution ne soit vraiment apportée aux problèmes. Plusieurs membres de votre majorité ont d'ailleurs eux-mêmes reconnu que l'éducation nationale devrait pouvoir faire face à effectifs constants aux défis qu'elle doit affronter.

A cet égard j'ai entendu ce matin à la radio la secrétaire d'Etat au budget qui était bien en peine d'expliquer pourquoi était proposée une augmentation spectaculaire des effectifs alors que la démographie des étudiants et des jeunes enfants baissait. Il y a incontestablement un effet de ciseau et il m'étonnerait que vous trouviez un jour des arguments pour nous convaincre, car je ne suis pas sûr que Descartes puisse y retrouver ses petits.

Au lieu de procéder comme il conviendrait, on annonce 17 000 emplois supplémentaires sur trois ans.

Ce hiatus sera l'un des abcès de fixation au cours des prochains mois et l'un des éléments de contradiction de votre attitude.

Force est donc de constater que la réforme de l'Etat n'est pas aujourd'hui la priorité de ce gouvernement. J'en suis désolé pour vous, monsieur le ministre. La gestion des effectifs est indigente, je pèse mon mot. L'Etat, employeur lui-même, ignore jusqu'au nombre de ses agents, et le rapport Charpin, en son temps, avait mis en garde contre les aberrations d'un recrutement à l'identique.

Dans l'intérêt du pays, monsieur le ministre, vous aurez peut-être un jour le courage, appuyé par votre Premier ministre, de faire face à ces défis. Ce n'est pas le cas dans le budget que vous nous proposez aujourd'hui, et c'est la raison pour laquelle je m'associerai à ceux qui le contestent.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, tout ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat est placé devant une situation un peu contradictoire : il défend devant vous le plus petit budget qu'un ministre ait à présenter au Parlement - 1 422 million de francs, c'est-à-dire trois fois moins que celui dont l'ancien président de la région Centre avait la responsabilité -, mais il est interrogé sur le plus gros budget qu'on puisse imaginer dans le cadre de celui de la nation : 724 milliards de francs, c'est-à-dire plus de 42 % de ce budget.

Le ministre doit donc à la fois faire preuve de modestie s'agissant de ses crédits et avoir la possibilité de répondre politiquement sur des sujets beaucoup plus vastes qui l'intéressent comme ils vous intéressent.


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Je tiens d'abord à vous remercier, messieurs - puisque jusqu'à présent seuls des hommes sont intervenus, mais je sais que des femmes s'exprimeront au cours des questions - pour l'ensemble de vos interventions. Je suis évidemment très sensible, comme chacun peut l'être, aux compliments d'où qu'ils viennent, et j'écoute toujours avec attention les critiques qu'elles émanent des bancs de la majorité ou de ceux de l'opposition. Sans abuser de mon temps de parole, par respect pour le Parlement, je vais vous donner, librement et sans trop me référer à des notes écrites, quelques éléments de réponse et de débat.

Ce budget a suffisamment été commenté et décrit par les rapporteurs pour que je n'aie pas besoin de revenir sur les chiffres.

Si je devais ne prendre en considération que le critère habituellement retenu dans ce domaine - mais, monsieur Baroin, je suis de ceux qui considèrent que ce n'est pas le seul bon critère -...

M. François Baroin.

Très bien ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... c'est-à-dire le taux d'augmentation des crédits, ou celui du nombre des emplois, je ne pourrais qu'être satisfait. En effet avec un taux d'augmentation des crédits de 8 %, j'ai l'un des plus beaux budgets de ce point de vue, et, avec 5 % d'accroissement du nombre des emplois, je suis l'un des ministres qui bénéficient du plus fort pourcentage de hausse, même si cela ne correspond qu'à six créations d'emploi ! (Sourires.)

Cela étant, il faut pousser l'examen plus avant et regarder le contenu du budget pour savoir à quels objets seront consacrés les 1 422 million de francs.

A cet égard chacun a d'ores et déjà pu constater que nous avions surtout deux grandes priorités.

La première concerne les actions sociales interministérielles. Dans ce domaine il convient de souligner la très forte augmentation des crédits au logement car cette question est cruciale, en particulier dans les zones urbaines, pour les jeunes fonctionnaires lors de leur première affectation. Les aider à la résoudre est un devoir de solidarité.

Tel est également le cas en ce qui concerne les crèches.

En effet si l'on veut accroître la place des femmes dans la fonction publique, notamment dans la haute fonction publique, il est absolument fondamental de développer l'accueil des petits et des tout petits enfants pour permettre à chacune et à chacun de faire face à ses obligations tant familiales que professionnelles.

Mme Nicole Bricq.

Très bien ! C'est un souci louable ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

La seconde grande priorité est la formation dont la ligne budgétaire est celle qui augmente le plus dans le budget que je vous présente, ce qui n'est pas sans relation avec ma volonté de modernistion et de réforme de l'Etat. La hausse atteint ainsi 35 % avec deux axes privilégiés pour l'année prochaine et les suivantes.

Le premier est l'utilisation à bon escient et dans de bonnes conditions des techniques d'information et de communication que l'on ne devrait plus qualifier de nouvelles dans notre société. Chaque fonctionnaire devrait en effet avoir très rapidement sur son bureau l'outil qui lui permettra de travailler et recevoir la formation correspondante.

Le second axe, qui est aussi en rapport très étroit avec la réforme, est la formation des personnels à l'analyse de la qualité de leur gestion. Il s'agit de leur donner la capacité de se fixer des objectifs et de juger, tout au long de l'année et en fin d'exercice, la qualité des résultats qu'ils ont obtenus. Cette culture du résultat, en termes de qualité du service rendu aux usagers, devra être développée de plus en plus dans notre fonction publique, à tous les niveaux, et inculquée à ceux qui dirigent comme à ceux qui appliquent.

Par ailleurs les crédits du fonds pour la réforme de l'Etat, auquel je tiens beaucoup et auquel vous êtes souvent attachés en tant qu'élus d'un territoire, sont maintenus à 109 millions. Nous avons eu un peu de mal à utiliser ce même montant au cours de cette année. Le maintien à un niveau identique pour l'année prochaine montre que nous souhaitons que les initiatives prises tant par des services de l'Etat que par des collectivités territoriales puissent être soutenues, qu'il s'agisse d'investissement ou de fonctionnement. Je pense aux maisons de service public, d'une manière générale, ainsi qu'à l'installation des services d'information territoriaux, les SIT, qui sont des intranets au niveau d'un département et qui perm ettent à des services très différents de travailler ensemble, de procéder à des échanges afin d'éviter de refaire ce qu'un autre service a déjà fait, qu'il s'agisse de collecte d'informations ou de traitement de dossiers. Il s'agit d'une modernisation importante.

Après ces quelques remarques que je voulais formuler sur les crédits qui me sont propres, j'en viens aux interrogations sur la fonction publique, d'une manière générale, c'est-à-dire sur ces crédits qui représentent plus de 42 % du budget de l'Etat.

En ce qui concerne d'abord, la question du nombre des fonctionnaires, je ne ferais l'injure à personne ici - même si divers propos tenus à l'extérieur de cet hémicycle pourraient m'inciter à penser le contraire - de croire que, pour certains, réforme signifie diminution du nombre des fonctionnaires. Je l'entends trop souvent, comme j'entends trop souvent que nous ne voudrions pas réformer l'Etat puisque nous ne diminuons pas le nombre des fonctionnaires !

M. Bernard Birsinger.

C'est la droite qui dit ça ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Cette question ne me paraît pas être la bonne pour juger d'une volonté de réforme dans ce domaine.

M. Georges Tron.

Vous avez tort ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Je ne suis un théologien ni du plus de fonctionnaires...

M. Georges Tron.

Votre dogme ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... ni du moins de fonctionnaires. Il convient d'examiner la situation secteur par secteur.

Puisque vous avez cité l'éducation nationale, monsieur Baroin, je vais vous donner quelques explications sur la question du nombre des fonctionnaires en son sein.

Si, pour maintenir ou améliorer la qualité du service rendu sur tout le territoire français par l'éducation nationale, y compris dans les campagnes profondes de l'Aube, monsieur Baroin, il faut davantage de fonctionnaires, nous devons les embaucher.

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

Il n'en veut pas ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Si, pour assurer plus de sécurité sur l'ensemble du territoire national, il faut davantage de policiers, nous devons les embaucher.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 2000

M. Georges Tron.

Vous n'êtes pas en meeting ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Si, pour mettre en oeuvre telle ou telle réforme de la justice, utile et votée sur tous les bancs, afin que cette dernière soit plus rapide et plus juste, il faut davantage de magistrats et de greffiers, nous devons les embaucher.

Pour autant, je ne considère pas que l'augmentation du nombre des fonctionnaires soit un objectif en soi. Je ne peux donc pas davantage accepter que certains considèrent que sa diminution soit en quelque sorte le thermomètre de la réforme de l'Etat. Il faut surtout assurer le bon nombre aux bons endroits et surtout, mesdames, messieurs, pour demain, le nombre suffisant de recrutement et de fonctionnaires sur les postes existants.

Dans cinq ans, le nouveau ministre de la fonction publique qui se présentera devant les députés, peut-être devant les mêmes ici,...

M. François Baroin.

Dans un an ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... quelle que soit sa couleur politique,...

M. François Baroin.

C'était une taquinerie ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... sera interrogée non plus sur le point de savoir s'il faut plus ou moins de fonctionnaires, mais sur la manière dont il procédera pour compenser les départs massifs à la retraite, des années suivantes, par des recrutements qui soient à la hauteur des postes existants afin de faire face à l'ensemble des besoins.

M. Georges Tron.

A quoi sert l'observatoire ?

Mme Nicole Bricq.

Il faut remplacer ceux qui partent à la retraite ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

La question des flux et des recrutements, évoquée par le ministre de l'éducation nationale en présentant son plan pluriannuel, est aujourd'hui primordiale.

Les chiffres cités à cet égard sont objectifs. Ils résultent d'une analyse démographique. Chacun les connaît et chacun sait que, dans certains corps, 30 à 50 % des fonctionnaires vont partir à la retraite dans les dix à quinze ans qui viennent. Quand on sait qu'il faut quatre ans, cinq ans, voire sept ans s'agissant d'un professeur d'université, pour former un jeune à ces fonctions, on comprend que nous devons prendre dès maintenant - comme vient de le faire le ministre de l'éducation nationale - les décisions nécessaires pour que nos successeurs puissent faire face à leurs obligations et pour motiver suffisamment de jeunes à entrer dans la fonction publique.

Il faut cesser de répéter que les fonctionnaires sont trop nombreux, quitte à déclarer ensuite aux portes des écoles ou dans les quartiers qu'il n'y a pas assez de postes !

M. Georges Tron.

A quoi sert l'observatoire ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

L'observatoire de l'emploi public, - je remercie ceux qui ont salué sa création - doit nous permettre de répondre à une question dont je comprends, parce que je réagis également ainsi, qu'elle vous paraisse insupportable.

M. Georges Tron.

Non ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Il s'agit de savoir combien de personnes travaillent aujourd'hui pour l'Etat. Il est en effet totalement anormal que nul ne soit en mesure de répondre à cette interrogation ! Certes, les statistiques permettent de savoir, avec deux ans de retard, le nombre des fonctionnaires qui étaient en activité à un moment donné puisqu'il suffit de faire le récolement des fiches de paie. Mais il faut aller au-delà et j'espère que l'observatoire de l'emploi public nous permettra de savoir avec exactitude combien d'agents - et pas seulement de fonctionnaires - travaillent pour l'Etat, pour les collectivités territoriales, pour les hôpitaux.

Sur cette base précise, nous pourrons alors répondre aux préoccupations de la Cour des comptes et nous projeter dans les années à venir en mettant en place la gestion prévisionnelle des effectifs. Certes il ne s'agira pas d'une réforme spectaculaire de nature à faire vibrer les foules à l'extérieur de l'Assemblée ; j'ai déjà du mal à intéresser dans cet hémicycle ! (Sourires.) Pourtant, c'est par la mise en place d'un mécanisme strict et ordonné de gestion prévisionnelle dans chaque ministère, avec une cellule de coordination au niveau du mien, que nous pourrons assurer la satisfaction des besoins de demain en postes et en agents, notamment en formant rapidement les jeunes pour occuper les emplois en question.

M. Georges Tron.

Il ne faut pas lancer les embauches tout de suite ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

C'est absolument indispensable et même décisif.

C'est ce que le Gouvernement a décidé. C'est ce que chacun des ministres va faire, et le ministre de l'éducation nationale d'ailleurs vient de le faire.

M. Georges Tron.

Ça ne tient pas la route ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Comme vous le savez, pour avoir lu attentivement, les uns et les autres, le compte rendu du comité interministériel pour la réforme de l'Etat, ce dont je vous remercie, le Gouvernement a décidé que, pour la loi de finances pour 2003, celle dont on commence à discuter dans les ministères à compter du 1er janvier 2002, nous procéderons non pas, comme c'est l'habitude, sur la base d'une comparaison par rapport aux inscriptions dans la loi de finances précédente mais à partir d'une analyse des flux en vue d'une gestion prévisionnelle. Les questions que nous nous poserons seront, non plus « Y a-t-il plus ou moins d'inscriptions par rapport à la loi de finances de l'année dernière ? » mais « De combien de recrutements ai-je besoin en 2003...

M. Georges Tron.

Voilà ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... et comment faire pour avoir le nombre de personnels nécessaire pour assurer l'équilibre ? »

M. Georges Tron.

Voilà ! Mais il ne faut pas annoncer les embauches tout de suite ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

C'est une des décisions importantes qui ont été prises au CIRE du 23 octobre dernier. Et nous sommes en train de la mettre en place dans chacun des ministères.

Ce sera le seul moyen de répondre au grand enjeu des années à venir : avoir les bons fonctionnaires aux bons endroits sur les bons emplois.

M. Bernard Birsinger.

Il faudra aussi les payer plus ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

J'ai entendu ce que vous avez dit, les uns et les autres, sur la question des rémunérations ...

M. Georges Tron.

Non, monsieur le ministre, vous n'avez pas entendu les uns et les autres parce que vous ne répondez qu'aux uns !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 2000

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... et c'est le point sur lequel je vais maintenant intervenir...

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

Parce que les fonctionnaires gagnent trop, monsieur Tron ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... lorsque le rapporteur et M. Tron auront terminé leur conversation personnelle. Excusez-moi, monsieur le président, de parler à votre place. Je l'ai occupée trop longtemps pour m'en abstraire totalement aujourd'hui.

Je parlerai d'abord des rémunérations accessoires, qui, pour accessoires qu'elles soient appelées, ne donnent pas lieu à un débat accessoire, n'est-ce pas, monsieur le raporteur pour avis ? Je partage l'analyse qu'ont faite les rapporteurs et qui est faite depuis des années par la Cour des comptes : le versement des rémunérations accessoires aux fonctionnaires, les primes, doit se faire dans la transparence. Comme vous le savez, il a été décidé à la fin de l'année dernière de faire en sorte que toutes les rémunérations accessoires, de tous les fonctionnaires, à quelque niveau qu'ils soient, soient désormais fondées sur des textes de natures juridiques différentes - arrêtés, décrets qui précisent clairement quels sont les fonctionnaires qui y ont droit, à quel taux et dans quelles conditions.

Mme Nicole Bricq.

C'est un progrès ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Depuis que je suis à ce ministère, les textes à caractère réglementaire, - arrêtés ou décrets - que j' ai signés, étaient principalement de cette nature. Vous savez que je les cosigne tous : le ministre compétent en la matière est le ministre de la fonction publique. Je puis vous dire que le progrès est considérable et je souhaite avec vous, monsieur le rapporteur, que le ministère des finances publie l'ensemble des textes en question, ce qui devrait être fait d'ici à la fin de l'année.

Nous progressons dans un domaine où aucun progrès n'a été enregistré pendant des années. Je pense que tout le monde ici saura le reconnaître et s'en réjouira. Progressons encore afin de permettre, dans les mois qui viennent, une transparence totale.

Il en va de même des rémunérations des membres de cabinet, qui faisaient l'objet, jusqu'à présent, d'une somme globale de « points cabinet », ou de « postes de cabinet ». Beaucoup d'entre vous savent de quoi je veux parler, pour avoir dirigé un cabinet ou pour y avoir appartenu, et parfois les deux - successivement bien sûr, pas cumulativement.

(Sourires.)

La transparence est donc une priorité aujourd'hui.

Quant à l'utilisation des fonds secrets, monsieur le rapporteur, c'est une question que vous pouvez éventuellement poser au Premier ministre et au Président de la République, mais à laquelle il ne m'appartient pas de répondre.

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis.

La question leur a été posée, mais ils ne m'ont pas répondu ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

S'agissant des rémunérations elles-mêmes, je me trouve, certains d'entre vous l'ont aimablement relevé, devant une contradiction. Il m'est à l'évidence difficile de vous dire aujourd'hui, ce que le Gouvernement fera alors qu'il va engager une négociation.

Je suis toujours partagé entre le respect absolu que je dois à la représentation nationale, qui me pousse à l'informer le plus possible de ce que je souhaite faire ...

M. Georges Tron.

Ce n'est pas la question !

Mme Nicole Bricq et M. Jean Vila, rapporteur spécial.

Si ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... et le respect que je dois aussi aux organisations syndicales avec lesquelles je vais engager une négociation.

M. Georges Tron.

Ce n'est pas la question. Où est l'argent ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Cette contradiction, je la ressens continuellement et c'est elle qui me conduit aujourd'hui - ce dont je vous prie de bien vouloir m'excuser - à ne rien dévoiler sur le contenu précis des discussions que je vais engager. Mais je vous exposerai brièvement l'état d'esprit dans lequel j'engage ces négociations.

Premièrement, l'accord intervenu pour 1998-1999 s'est révélé, grâce à une baisse plus forte de l'inflation que prévu, puisque tout le monde s'accorde pour reconnaître qu'il y a eu un gain de pouvoir d'achat sur les années 1997, 1998 et 1999 supérieur à 1 %. Un certain nombre d'éléments relatifs à l'application de cet accord restent en débat avec les organisations syndicales, et je souhaite qu'ils soient résolus avant que nous n'engagions les négociations pour les années 2000, 2001 et éventuellement 2002.

Deuxièmement : il est légitime que l'ensemble des fonctionnaires et de leurs représentants attachent beaucoup d'importance à la question salariale. Celle-ci est toujours au coeur des discussions entre un employeur - et j'en suis un, avec deux millions et quelques employés - et ses salariés. Ce qui est vrai dans une entreprise l'est également dans une collectivité territoriale, et au sein de l'Etat. Même lorsque l'on discute d'autres éléments accessoires de la rémunération, la question salariale est toujours au coeur du dialogue social. Elle doit donc être considérée comme incontournable, et on doit avoir de la considération pour ceux qui ont des revendications dans ce domaine, parce qu'elles sont parfaitement légitimes.

Troisième remarque, qui a été faite par tous les orateurs : quand on discute sur une masse de 700 et quelques milliards, toute augmentation, aussi légitime soitelle, a un impact considérable. Personne ne peut s'abstraire de ce constat. Il s'agit non pas d'une contrainte mais d'une réalité. Aucun ministre, pas même celui de la fonction publique, ne doit abstraire de sa réflexion l'obligation qu'il a de maintenir les équilibres budgétaires et de favoriser les évolutions nécessaires pour l'avenir. Je pense en particulier à la diminution des déficits, qui est indispensable au bon fonctionnement de notre économie et de notre société.

M. Georges Tron.

Déficits qui ne diminuent pas ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Ils diminuent, vous le savez, avec une régularité absolue, qui permettra à notre pays de tenir parfaitement ses engagements...

M. Georges Tron.

L'Europe ne dit pas la même chose !

Mme Nicole Feidt.

Arrêtez ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... et de n'avoir de conseil à recevoir de personne, ni d'un organisme international, ni de vous-même, monsieur le député.

Tel est l'état d'esprit dans lequel ces négociations vont s'engager.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 2000

Je souhaite qu'elles se déroulent à la fois de la manière le plus directe possible, parce que, d'un côté comme de l'autre, nous avons des choses à nous dire, et que ces choses ne sont pas toujours agréables, et avec la ferme volonté de les réussir, c'est-à-dire d'aboutir à ce que, pour les années qui viennent, les responsables du budget de la France comme les fonctionnaires voient clairement vers quoi ils vont en matière de rémunérations, et quel sera le poids de celles-ci pour la nation. Je souhaite que cela soit fait dans la clarté, et j'espère que nous pourrons réussir à trouver un accord comme mon prédécesseur et les organisations syndicales y étaient parvenus pour les années 1998 et 1999.

Je ferai maintenant quelques commentaires sur des sujets qui, sans être accessoires, ont quand même moins de poids que les 700 milliards du budget.

La question des 35 heures est souvent revenue dans les interventions et je vous en remercie. Je résumerai ma position à ce sujet. Va-t-on laisser une catégorie de Français à l'écart de ce que nous présentons à la majorité comme l'un des grands objectifs, comme l'une des grandes réformes pour l'ensemble de notre société ? Cette réforme, en effet, ne concerne pas seulement l'organisation du travail, et n'aura pas simplement des conséquences pour l'emploi. C'est aussi une sorte de réforme de société, profonde, qui porte sur le partage entre le temps de travail et le temps libre et l'utilisation de ce dernier, et induit un mouvement absolument décisif, dans notre pays comme dans beaucoup d'autres pays européens et de pays développés ? Non, on ne va pas les laisser à l'écart ! C'est la raison pour laquelle, à la même date que pour les entreprises françaises, le 1er janvier 2002, l'ensemble des administrations françaises, l'Etat, les collectivités territoriales pour qui la réforme n'était pas encore prévue, et la fonction publique hospitalière passeront aux 35 heures.

Suivant quelle démarche ? Celle que j'ai résumée, avec l'aide d'un certain nombre de bons spécialistes du sujet, dans un petit opuscule que j'ai déjà adressé à l'ensemble des membres de la commission des lois, et que je pourrai diffuser plus largement si vous le souhaitez. Sans entrer dans les détails, j'indique que j'ai voulu, dans cet opuscule, décrire l'état d'esprit du Gouvernement quant à la manière de mettre en place ces 35 heures et sur ce que nous souhaitons qu'elles soient : un avantage social pour les personnes qui doit se traduire par une amélioration du service rendu aux usagers. L'application des 35 heures dans les fonctions publiques ne se fera pas sur le dos des usagers !

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

Très bien ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Et le tout, mesdames, messieurs les députés, dans un contexte de stabilité des effectifs.

M. Georges Tron.

Ah ! Ah ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Vous me direz que c'est difficile à réaliser.

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

Très difficile ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Nous le ferons ! M. Tourret et beaucoup d'autres orateurs, en particulier féminins, ont posé des questions touchant à la place des femmes dans la haute fonction publique. Cette préoccupation avait d'ailleurs déjà été exprimée lors de l'examen de la proposition de loi Génisson. Celle-ci va prochainement revenir en discussion devant votre assemblée. Nous pourrons en reparler à cette occasion.

Il est vrai que les chiffres sont en eux-mêmes aberrants.

Alors que 56 % de femmes travaillent dans les services de l'Etat, l'armée mise à part, 13 % seulement occupent des postes de direction et ce taux descend dans les départements, pour les postes de direction déconcentrés, à 7 %.

Il y a là une situation anormale, contre laquelle il faut que nous essayons d'agir. Agir ne veut pas dire changer le droit - ce dernier est strictement égalitaire - mais certainement changer certains comportements dans l'appréciation des qualités des uns et des autres. Il nous faudra principalement agir sur le recrutement même car, c'est dès l'origine que le décalage se crée, le nombre de femmes qui se présentent aux concours de la haute fonction publique restant encore faible. Je pense qu'il faudra pour cela agir au sein des grandes écoles de l'Etat.

Il faudra agir en faveur des handicapés également, sans vouloir faire de rapprochement entre les deux catégories, mais c'est vous-même, monsieur le rapporteur, qui les avez évoquées l'une après l'autre. Je trouve, comme vous, anormal que l'objectif qui est fixé par la loi pour les entreprises privées, à savoir que 6 % des embauches soient réservées à des handicapés, ne soit pas respecté au sein des administrations, en particulier celles qui sont placées sous l'autorité des ministres du Gouvernement. Je souhaite, je vous l'ai déjà dit, pouvoir, avec les organisations syndicales, parallèlement ou conjointement aux négociations salariales, aboutir à l'élaboration d'un accord entre les organisations syndicales et l'Etat à ce sujet. Il s'agit là aussi d'un enjeu de société.

Il est vrai que, dans certains secteurs de la fonction publique ce n'est pas facile. L'accueil d'un professeur handicapé dans une classe, par exemple, pose des difficultés. Il faut trouver des solutions qui soient réalistes, concrètes, et qui concernent des métiers pouvant être exercés par des handicapés. L'embauche d'un handicapé dans la police pose un problème bien réel. Tous les métiers de la fonction publique ne sont pas susceptibles d'accueillir un plus grand nombre d'handicapés. Mais nous devons faire des progrès dans ce domaine. Je souhaite que nous puissions ensemble y parvenir.

Je terminerai, mesdames, messieurs les députés, par la réforme de l'Etat à laquelle j'attache beaucoup d'importance. Je sais que je m'exprime après beaucoup d'autres orateurs qui ont affirmé leur foi dans cette réforme et que, à force d'en parler, le scepticisme l'emporte sur l'appréciation objective des actes de chacun. Mais, pour moi, cette réforme est fondamentale et ce pour une raison simple : je crois - et peut-être est-ce qui fait la différence par rapport à d'autres -, à la place d'un Etat dans la société française, je crois à l'exercice d'un intérêt général. Mais je sais aussi que, face à la permanence de certaines fonctions de l'Etat, comme celles relevant de la sécurité ou de l'éducation, de nouvelles fonctions apparaissent qu'il faut savoir assumer tandis que d'autres sont appelées à avoir une importance moindre demain. Cette évolution, cette adaptation aux nouvelles missions, qui se présentent à nous, comme la sécurité environnementale et la sécurité alimentaire, rendent nécessaires une certaine souplesse, une certaine capacité de réaction de la part de l'administration et de l'Etat qu'on ne trouvait pas hier et qu'on ne trouve pas encore toujours aujourd'hui.

V ous réclamez plus d'autonomie financière ! La réforme de l'ordonnance de 1959...

Mme Nicole Bricq.

Exactement !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 2000

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... que vous allez examiner à votre demande dans cette enceinte est tout à fait justifiée pour revaloriser le rôle du Parlement...

Mme Nicole Bricq.

C'est fondamental ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... et rendre plus transparents les débats qui s'y déroulent et aura des conséquences considérables sur la manière dont on dépense l'argent.

Mme Nicole Bricq.

Absolument ! C'est fondamental ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

La manière dont vous votez le budget a en effet des conséquences sur la façon dont est ensuite dépensé l'argent dans chacun des ministères et dans chacune des administrations. Plus d'autonomie signifie plus de capacité à se fixer des objectifs et à rendre ensuite compte des résultats et plus de possibilités pour faire valoir les qualités individuelles de tel ou tel dirigeant, ou de tel ou tel agent.

Cela permettra aussi de conférer au service de l'intérêt général un attrait renforcé aux yeux des jeunes, attrait qui aujourd'hui leur échappe peut-être.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en arrivons aux questions.

Pour le groupe socialiste, la parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq.

Avant de poser ma question, je veux remercier le ministre d'avoir évoqué la réforme de l'ordonnance de 1959. En tant que membre de la commission chargée de son examen, je peux vous dire qu'elle se réunit chaque jeudi matin. Aujourd'hui, nous auditionnons le Premier président de la Cour des comptes et un ancien ministre du budget.

Je regrette que nos collègues de l'opposition qui réclamaient une meilleure lisibilité des emplois publics aient quitté l'hémicycle. Cette réforme de l'ordonnance devrait justement permettre cette lisibilité. Si nous y parvenons - je rappelle que c'est un travail parlementaire - nous aurons opéré une véritable révolution silencieuse dans les moeurs et les pratiques de l'Etat.

Ma question, monsieur le ministre, est justifiée par ce que je ressens, et je ne suis pas la seule, comme une double injustice, à la fois spatiale et sociale : je veux parler des différences qui existent dans l'établissement de l'indemnité de résidence des fonctionnaires. Comme une étude de l'IAURIF l'a mis en évidence, on s'aperçoit en effet que les inégalités spatiales - c'est-à-dire l'éloignement - que ce soit dans des quartiers difficiles ou dans des communes rurales, recoupent les inégalités sociales.

Or, l'article 9 du décret du 24 octobre 1985, qui fixe les principes de l'indemnité de résidence, dispose qu'elle est allouée aux agents de l'Etat en fonction du taux fixé suivant des zones territoriales d'abattement de salaires.

Comme vous le savez, il existe trois zones d'abattement.

Paris, les départements des Hauts-de-Seine, du Val-deMarne et de la Seine-Saint-Denis font partie de la zone d'abattement zéro, où l'indemnité de résidence est la plus importante. Et j'ai pu constater que la ville de Meaux, que je représente en tant que députée de la circonscription où elle se trouve, est la seule ville d'Ile-de-France de plus de 30 000 habitants qui soit classée dans la deuxième zone d'abattement, en grande couronne parisienne. Les soixante-dix-neuf autres villes de plus de 30 000 habitants d'Ile-de-France font toutes parties de la zone d'abattement zéro. Je souhaite donc savoir si le recensement de 1999 sera prochainement pris en considération afin de modifier les zones d'indemnité de résidence et de mettre fin à cette aberration.

Par ailleurs, j'ai appris que cette indemnité de résidence prend en compte, dans une variation de 1 à 3 %, le niveau indiciaire. Ainsi, plus le niveau indiciaire est élevé, plus importante est ce que je pourrais qualifier, même si cela ne s'applique pas à des emplois publics, cette rémunération indirecte.

Mon collègue Jean-Yves Caullet, lors de son intervention à la tribune, a indiqué qu'il en allait de même pour le complément familial.

Il me semble donc vraiment nécessaire de réfléchir à une réorganisation ou peut-être à une refonte de ce décret afin de mettre fin à l'inégalité spatiale et sociale que j'ai relevée.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Madame la députée, le classement en trois zones de communes, vous l'avez décrit, donne lieu à l'attribution de l'indemnité de résidence. Ce classement a été institué après la guerre pour prendre en compte le surcoût du logement dû aux dégâts qu'elle avait occasionnés.

L'indemnité de résidence, qui est donc le fruit de l'histoire, ne correspond pas vraiment aux différentiels des coûts d'aujourd'hui.

Le classement des communes évolue en fonction des regroupements en agglomérations effectués par l'INSEE à chaque recensement. A la suite du dernier d'entre eux, des reclassements sont actuellement en cours d'études pour tenir compte de la continuité des tissus urbains, et donc de l'égalité des situations.

Comme vous, je suis bien conscient de l'insuffisance des reclassements actuels, dès lors qu'ils ne permettent pas de réviser les situations héritées d'une histoire déjà très ancienne. Mes services examinent donc, dès maintenant, les conditions dans lesquelles le dispositif de l'indemnité de résidence pourrait être modernisé.

M. le président.

La parole est à M. Michel Tamaya.

M. Michel Tamaya.

Monsieur le ministre, à l'occasion de la présentation du budget de votre ministère, je souhaiterais évoquer une question qui me tient tout particulièrement à coeur. Il s'agit de la situation préoccupante du personnel communal.

Comme vous le savez très certainement, le dossier relatif au traitement des fonctionnaires dans les DOM est particulièrement problématique, surtout à la Réunion. La spécificité de la situation des DOM est due à l'importance du nombre des agents des collectivités locales qui ne sont pas titulaires de la fonction publique territoriale.

Ils sont 13 000 dans ce cas à la Réunion ! Je souhaite vraiment qu'une solution rapide soit apportée à ce douloureux problème car l'absence de statut suscite l'inquiétude légitime de ces personnels, entraînant un climat social tendu.

J'avais déjà évoqué ce dossier avec M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Après réflexion, il est apparu que la mise en place d'une commission, chargée de l'étudier, sous la tutelle des deux ministères, celui de la fonction publique et celui de l'outre-mer, serait la meilleure des solutions.

Monsieur le ministre, je suis persuadé que vous êtes conscient de la nécessité de trouver au plus vite une solution pour aligner la situation de la fonction publique


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 2000

d'outre-mer sur celle de la métropole. Dans cette optique, je souhaiterais recueillir votre avis sur la mise en place d'une telle commission.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Monsieur le député, tous ici, nous connaissons bien, mais vous mieux que tout autre, cette question. Elle n'est pas nouvelle mais elle est particulièrement délicate à la Réunion. En effet, le différentiel de rémunérations - 53 % - est une spécificité réunionnaise, même si le problème peut se poser dans d'autres départements d'outre-mer, mais avec des conséquences moindres.

Ce n'est pas tant une question de statut, monsieur le député. La loi dont nous aurons bientôt à discuter - je pense que vous aurez à coeur de participer à ces débats - car je la présenterai devant votre assemblée dans quelques jours -, permet de trouver une solution à cet égard, puisqu'elle ouvre la possibilité de titulariser ces personnels. C'est plutôt une question budgétaire. En effet, la titularisation signifie une rémunération supérieure de 53 %. Les chiffres sont éloquents : titulariser, du jour au lendemain, dans les conditions actuelles, tous les personnels contractuels coûterait aux communes de la Réunion 650 millions par an, c'est-à-dire plus que la DGF qui leur est versée. On voit bien que c'est une question de coût.

Vous avez fait allusion au travail réalisé au niveau national et aux discussions que vous et certains de vos collègues avez eues avec les secrétaires d'Etat à l'outremer, successivement M. Queyranne et M. Paul. Ils sont très attentifs à ce problème et ils ont souhaité que je vous réponde aujourd'hui comme je le fais. Je crois savoir que, le 23 octobre dernier, a eu lieu une réunion importante à la préfecture entre des représentants du secrétariat d'Etat à l'outre-mer et l'ensemble des maires de la Réunion, pour essayer de mettre en route une démarche positive et expliciter les mesures prévues par le projet de loi sur la résorption de la précarité dans la fonction publique. Cette réunion, me dit-on, a permis à de nombreux maires de donner leur accord à la démarche proposée. Le préfet est chargé de veiller à la cohérence de l'ensemble des mesures prises par les collectivités locales à la Réunion. C'est une démarche progressive qu'ont retenue les maires de l'île, je crois qu'elle est bonne. Elle repose sur un accord local passé avec les organisations syndicales, et elle a l'aval de l'Etat et de ses représentants sur place.

Je ne sais pas si la création d'une commission est la meilleure réponse. En tout cas, un suivi attentif et périodique de l'application du protocole d'accord et des suites données aux discussions du 23 octobre est nécessaire.

C'est pourquoi je vous donne mon accord, et avec moi le secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, pour qu'une réunion se tienne, chaque année, à Paris, rassemblant des parlementaires et le président de l'association départementale des maires, afin de faire le point sur l'évolution de la situation - dans un sens positif - pour les agents des collectivités locales des DOM.

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Feidt.

Mme Nicole Feidt.

Monsieur le ministre, ma question présente le double intérêt d'avoir trait à la fois à la fonc tion publique et la réforme de l'Etat, et au projet de loi sur la résorption de la précarité dans la fonction publique - ce qui va vous mettre en forme pour ces prochains travaux...

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Ne me trouvez-vous pas en forme ? (Sourires.)

Mme Nicole Feidt.

Pour se réformer, l'Etat a besoin de s'appuyer sur ses agents car la réforme de l'Etat est avant tout leur affaire. Ce sont eux qui, au quotidien, vivent les dysfonctionnements de l'administration. Mais pour s'appuyer sur eux, encore faut-il en connaître le nombre, la situation et les compétences. Une meilleure connaissance de l'emploi public est donc indispensable avant toute réforme sérieuse de l'administration. C'est, en effet, en étant transparent aujourd'hui que l'on sera efficace demain.

Il est donc urgent de connaître plus finement notre fonction publique. Je ne citerai pas tous les chiffres dont je dispose, mais si, effectivement, 45 % des agents de l'Etat, soit plus de 800 000 fonctionnaires civils, doivent partir à la retraite d'ici à 2012, il faut absolument engager une réflexion rapidement. Du reste, c'est en partie pour prévenir cette hémorragie que votre budget prévoit la création d'environ 11 000 nouveaux emplois dans les services des ministères et des établissements publics de l'Etat.

Pour améliorer la connaissance et la gestion des ressources humaines de l'Etat, et éventuellement l'adapter, vous avez procédé à l'installation, monsieur le ministre, d'un observatoire de l'emploi public, le 19 septembre dernier. On vient d'évoquer cette initiative, surtout pour la décrier. En ce qui me concerne, je tiens à vous en féliciter car il faut mettre fin aux déclarations sur l'opacité du nombre des fonctionnaires et l'hypocrisie des effectifs budgétaires votés chaque année par le Parlement. Il faut connaître le nombre des agents et en prévoir l'évolution.

Les agents de l'Etat sont au service de l'intérêt général.

Or, l'intérêt général est nécessairement contingent et év olutif : les besoins, auxquels nos concitoyens attendent que les services publics répondent, changent. Il faut pouvoir anticiper les réponses à apporter à de nouveaux besoins ou aux changements quantitatif et qualitatif de certains besoins, donc les moyens, notamment en termes d'effectifs et de compétences. Le manque de prévision des besoins est, en effet, une des raisons du recours trop fréquent à des agents contractuels, donc une des causes de la précarité dans la fonction publique, précarité à laquelle le Gouvernement souhaite remédier grâce au projet de loi qui nous sera soumis à la fin du mois.

La gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences est la clef d'une adaptation programmée de l'administration à l'évolution de ses missions et à l'attente des usagers. Elle peut être aussi, monsieur le ministre, l'occasion de progresser en matière d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Vous avez annoncé, il y a un mois, lors du dernier comité interministériel pour la réforme de l'Etat...

M. le président.

Posez votre question, madame Feidt.

Mme Nicole Feidt.

... la mise en place dans chaque ministère, d'ici à l'an 2002, d'un plan de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences.

Comment et sur quelles bases ce plan sera-t-il préparé ? Les agents seront-ils associés à son élaboration ? Quelles sont les mesures concrètes que l'on peut espérer à court et à moyen termes ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Je serais bref car j'ai consacré une partie de mon intervention à la tribune à ce sujet, répondant en partie par avance aux questions que vous venez de me poser.

La gestion prévisionnelle des emplois obéit à trois impératifs.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 2000

C'est d'abord un devoir de vérité pour aujourd'hui car il nous faut connaître exactement la situation ; d'où la nécessité de l'Observatoire de l'emploi public pour mieux cerner la réalité de la fonction publique d'Etat, mais aussi territoriale et hospitalière.

C'est un devoir d'efficacité pour la résorption de la précarité. En effet, on justifie souvent l'embauche d'un contractuel par la nécessité de pourvoir un poste qui n'est occupé par aucun titulaire, pour une raison qui tient aux mouvements, à l'affectation ou aux départs à la retraite.

Ainsi, on ne peut laisser une classe sans professeur. Il s'agit donc d'une des « bonnes raisons » de recourir au travail précaire, raisons qu'il faut supprimer grâce à une meilleure gestion prévisionnelle.

Enfin, c'est un devoir de préparation de l'avenir. Les chiffres de départs à la retraite font désormais l'objet d'analyses assez précises dans la presse, ce qui devrait aboutir à une prise de conscience de l'enjeu considérable que constitue le renouvellement des générations. Ils nous obligent à mettre en place des plans de gestion prévisionnelle des effectifs très efficaces.

Vous me demandez ce qui est fait concrètement, audelà de la création de l'Observatoire de l'emploi public, qui était absolument nécessaire. Eh bien, chaque ministère doit mettre en place, - certains l'ont déjà fait, tels le ministère de l'intérieur ou le ministère de l'éducation n ationale - une cellule « gestion prévisionnelle des emplois ». J'ai moi-même créé auprès de mon administration un groupe chargé d'accompagner à la mise en place de cette gestion prévisionnelle.

Enfin, les organisations syndicales, très attentives, bien entendu, à cette question, pour toutes les raisons que je viens de dire, participent à un groupe de travail paritaire au sein de mon ministère qui suit, pas à pas, les progrès de cette gestion prévisionnelle et qui nous permet de préparer l'avenir.

M. le président.

Nous passons au groupe du Rassemblement pour la République.

La parole est à M. Robert Pandraud.

M. Robert Pandraud.

Vous êtes, monsieur le ministre, peut-être le dixième ministre de la fonction publique que je questionne. Et j'ai toujours quelque peu l'impression de tirer sur le pianiste ! (Sourires.)

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Certains pianistes jouent bien, d'autres mal !

M. Robert Pandraud.

En effet, vous êtres obligé de faire de l'équilibrisme entre le ministère des finances et les ministères gestionnaires, et je conçois que cela ne soit pas toujours facile.

J'aimerais d'abord savoir s'il vous serait possible de confier à l'Observatoire - de l'existence duquel je me félicite - une étude précise du coût des concours et des recrutements dans la fonction publique. Une telle étude est peut-être déjà en cours, voire publiée. Le nombre de fonctionnaires qui passent leurs heures de service - ne vous faites pas d'illusion ! - à corriger les copies des concours des catégories C, D ou B, auxquels les candidats sont très nombreux, est incalculable. Je suis persuadé qu'une meilleure organisation des concours nous permettrait de dégager des effectifs relativement importants de fonctionnaires ! Deuxième problème, vous nous avez dit que personne ne pouvait raisonnablement s'opposer à la création de postes de magistrats. C'est vrai. Mais ne pourriez-vous pas chercher aussi à savoir combien d'heures les magistrats passent à participer aux multiples commissions administratives, non juridictionnelles, qui se réunissent dans chaque département ? Ceux de mon département font en ce moment la grève de leur participation à ces commissions. Cela n'empêche pas la terre de tourner ! Il serait donc tout à fait envisageable de les y remplacer par des fonctionnaires en retraite, moyennant de petites vacations, afin qu'ils puissent se consacrer à leur mission, qui est avant tout juridictionnelle.

Tous ces petits problèmes me paraissent faciles à résoudre.

Il est un autre sujet qui nous importe beaucoup et que

M me Bricq a évoqué. Nous votons des créations d'emploi. Fort bien ! Mais les postes ainsi créés ne deviennent effectifs qu'après de multiples procédures visa du contrôle financier, ouverture des concours, affectation. En fait, nous travaillons pour dans deux ans. Si bien qu'il arrive souvent que, pendant deux ans, les retraités ne soient pas remplacés, ce qui n'est pas sans poser de problèmes, et justifie encore le recours à des emplois précaires. Ne faudrait-il pas prévoir un volant de

« crédits élèves » ou de « crédits concours » afin de mieux ajuster les remplacements à la vie réelle ? Par ailleurs, j'ai appris par la presse que vous alliez attribuer des bourses importantes aux étudiants qui préparent l'Ecole nationale d'administration. Dieu sait si je m'en réjouis. Ce n'est pas une innovation, puisque j'en ai moi-même bénéficié, en mon temps ; les bourses du service public étaient d'ailleurs, à l'époque, les plus confortables de l'enseignement supérieur. C'est sans doute pour cette raison que je suis entré à l'ENA...

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis.

Ce dont tout le monde se félicite !

M. Robert Pandraud.

Mais lorsque vous nous dites que ces bourses sont désormais réservées aux instituts d'études politiques de province, je ne comprends plus. Le niveau de vie des étudiants de la région parisienne serait-il si élevé qu'ils n'auraient plus besoin de bourses ? Peut-être pensez-vous qu'avec quelques meilleurs étudiants en province, vous aurez de meilleurs résultats aux concours.

Vous savez bien, monsieur le ministre, que ce qui fait la force de l'Institut d'études politiques de Paris, c'est la réunion dans son corps professoral de professeurs de l'enseignement supérieur et de hauts fonctionnaires. Ces hauts fonctionnaires, vous les aurez très difficilement en province où, s'ils sont responsables de services déconcentrés, ils sont souvent très occupés, quelquefois par leur travail, quelquefois par des manifestations mondaines, et donc moins disposés que les membres des grands corps à donner des cours à des étudiants. J'ai peur que vous ne développiez une inégalité au détriment de la région parisienne, dont vous savez bien, en ayant été un élu, qu'elle pose beaucoup de problèmes, et ce pour un maigre résultat.

Enfin, j'aimerais vous poser une dernière question : dans le cadre de la réforme de l'Etat, quand allez-vous supprimer le Commissariat général au Plan ? (M. le ministre s'esclaffe.)

Survivance de la période de reconstruction, il absorbe un grand nombre de hauts fonctionnaires.

On y a même abouti à ce résultat prodigieux que l'on paie très cher des fonctionnaires qui critiquent publiquement l'action de tous les gouvernements, quels qu'ils soient !

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis.

C'est la perestroïka en marche !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 2000

M. Robert Pandraud.

De tels organismes, qui ont certes rendu de grands services après la Libération, sont devenus totalement obsolètes.

Mme Nicole Bricq.

Ce n'est pas vrai !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Vous me posez, en fait, beaucoup de questions, monsieur Pandraud.

Pour ce qui concerne les deux premières, vous avez vous-même dit que c'était « incalculable ». Je ne sais pas non plus comment le calculer.

Quant à la dernière, relative au Commissariat au Plan, je ne voudrais pas priver l'opposition de rapports celle-ci comme toute autre - et d'instruments qui lui permettent, en toute objectivité, de critiquer le Gouvernement - celui-ci comme tout autre...

M. Robert Pandraud.

Nous avons ceux du Conseil économique et social ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Pour ce qui est des aides apportées aux candidats élèves à l'Etat, voici ma réponse.

Une des critiques que l'on a faite, et que l'on fait encore à l'ENA - et la lecture des statistiques montre qu'elle est justifiée - est qu'elle compte principalement des élèves issus de milieux parisiens et plutôt aisés.

Tout ce qui permettra aux enfants issus de milieux moins aisés ou issus de province d'accéder à l'ENA ira dans le bon sens, et je crois que nul ici ne peut critiquer des mesures permettant d'atteindre cet objectif difficile.

Il y a deux types d'aides. Des aides sont accordées par l'ENA pour aider les étudiants boursiers à préparer le concours dans les meilleures conditions. Elles sont versées aux étudiants, quel que soit le centre de préparation, à Paris ou en province. Vingt-quatre aides ont ainsi été accordées, dont une à un étudiant de l'IEP de Paris, pour 1999-2000. Par ailleurs, le ministère de l'éducation nationale accorde des bourses à des étudiants ayant obtenu les mentions « très bien » ou « bien » au bac pour leur permettre de préparer l'ENA ou l'ENM. Ces bourses sont réparties dans chaque académie par le recteur. Une convention entre l'ENA et l'éducation nationale a ainsi attribué un contingent spécifique pour les IEP de province.

Vous voyez que le dispositif global n'exclut pas l'Institut d'études politiques de Paris, même si le fait que nos élites soient moins parisiennes et moins souvent issues des milieux aisés est un objectif que nous devons tous partager.

Mme Nicole Bricq.

Il n'y a pas que Paris, il y a toute la banlieue !

M. Robert Pandraud.

Vous pensez que les étudiants parisiens sont aisés et font du parisianisme ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Pas du tout !

M. Robert Pandraud.

Allez voir en banlieue tout de même !

Mme Nicole Bricq.

Exactement !

M. le président.

La parole est à M. Georges Tron, pour une question brève.

M. Georges Tron.

Une question extrêmement brève, monsieur le ministre, et merci de me permettre de la poser, puisque ce n'était pas prévu.

Je voudrais simplement que vous me confirmiez que le gel des embauches dans la fonction publique était bien inscrit dans le mémorandum remis par le Gouvernement aux instances européennes en début d'année, en février je crois. Je peux même vous donner une précision, puisque je vois à votre visage que la réponse va être plutôt non, et je vais bien écouter votre réponse. Il me semble bien que, peu après, le Premier ministre a pris la parole dans l'hémicycle aux environs du 25 mars pour nous expliquer que le gel de l'emploi public n'était pas un dogme intangible.

Pouvez-vous me confirmer ou m'infirmer que c'était bien inscrit dans le mémorandum transmis à Bruxelles ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Vous me posez la question de manière inopinée et je ne voudrais pas vous donner une réponse trop catégorique sans me reporter aux textes.

Il me semble que des engagements ont été pris, ce qui est naturel, sur l'évolution globale des masses salariales consacrées par le Gouvernement français à la rémunération des fonctionnaires, qu'il s'agisse de niveau - combien ils sont payés ? - ou de quantité - de combien de fonctionnaires avons-nous besoin ? Ces engagements seront respectés. Quand on raisonne sur 724 milliards de francs, la moitié du budget, c'est une d épense qu'il faut savoir maîtriser de la meilleure manière.

Par contre, je crois qu'aucun engagement précis n'a été pris sur le nombre d'emplois, parce qu'il appartient à chacun des gouvernements de faire des arbitrages entre salaires et emplois, etc.

Bref, nous avons pris l'engagement de maîtriser l'évolution des masses et nous le respecterons parce que c'est nécessaire, mais pas d'engagement plus précis. Les gouvernements sont souverains, et il faut respecter les arbitrages que chacun d'entre eux peut rendre.

M. Georges Tron.

Merci beaucoup !

M. le président.

Nous revenons au groupe socialiste.

La parole est à M. Robert Gaïa.

M. Robert Gaïa.

Monsieur le président, je voudrais associer, si vous me le permettez, Jacques Floch à ma question.

Monsieur le ministre, je voudrais intervenir sur un contentieux administratif qui dure depuis plus de cinquante-cinq ans. Il concerne la reconstitution de carrière des fonctionnaires d'Afrique du Nord qui se sont engagés lors de la dernière guerre mondiale.

A la Libération, l'ordonnance de 1945 avait exclu une telle possibilité pour les fonctionnaires d'Afrique du Nord, alors que c'était prévu pour les fonctionnaires de la France métropolitaine. Cet oubli a été en partie réparé par l'ordonnance du 7 janvier 1959 pour les seuls fonctionnaires ayant servi en Tunisie, et c'est le Gouvernement de Pierre Mauroy qui, en 1982, a rétabli le principe d'égalité en levant la forclusion pour un an et en étendant cette possibilité à tous les fonctionnaires d'Afrique du Nord, d'Algérie, de Tunisie et du Maroc.

Ces dispositions restant inappliquées, le législateur, en 1987, a ouvert un nouveau délai d'un an pour permettre à ces fonctionnaires et à leurs ayants cause d'ouvrir leur droit à reconstitution de carrière.

N ous avons la preuve aujourd'hui qu'un certain nombre de ministères, dont celui de la défense, n'ont pas informé leurs retraités de cette possibilité. C'est là un vrai dysfonctionnement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 2000

Ces anciens fonctionnaires, qui servaient l'Etat ou les collectivités territoriales avant 1940, n'ont pas hésité à participer aux campagnes de Tunisie, d'Italie, à la libération de la Corse, aux débarquements en Provence, en Normandie, à la libération de la France et à participer à la défaite des troupes nazies. Ils ont aujourd'hui au minimum soixante-quinze ans, et il est regrettable que, soixante ans après ces événements, le droit à réparation et le devoir de mémoire ne puissent prévaloir sur de simples arguties administratives.

Avec mon collègue Jacques Floch et au nom du groupe socialiste, nous avions déposé une proposition de loi visant à lever la forclusion. D'autres groupes parlementaires avaient déposé des PPL similaires. Le sénateur Picheral en a déposé une au nom du groupe socialiste au Sénat, et un conseiller du Premier ministre lui a répondu par courrier en date du 8 août 2000 que ce délicat problème pourrait trouver une solution dans le cadre de la procédure budgétaire.

Aussi, avec mon collègue Jacques Floch, nous avons d éposé un amendement au budget de la fonction publique, amendement visant à lever la forclusion et auquel nous a été opposé l'article 40, ce qui est normal.

Dans notre naïveté... Ne nous enlevez pas notre naïveté, monsieur le ministre ! (Sourires.) Elle va de pair avec notre volonté de faire de la politique autrement, et nous tenons à la garder ! Nous pensions donc, naïvement, que le Gouvernement allait lever le gage ou reprendre l'amendement à son compte, comme ça a été le cas lors de l'examen du budget des anciens combattants concernant la levée de la forclusion pour les anciens combattants de nos anciennes colonies.

Monsieur le ministre, je ne veux surtout pas opposer le ministre de la fonction publique que vous êtes au ministre des anciens combattants, l'un assurant le devoir de mémoire, la justice, répondant à l'iniquité, et l'autre étant cantonné dans des contingences administratives qui l'empêcheraient d'avoir l'élan du coeur.

Le problème est global et on doit essayer de mettre un terme à cette situation inique, en répondant tardivement au préjudice moral et matériel subi par ceux qui ont participé à la reconquête de notre pays. On ne peut plus se permettre de jouer la montre. Que ce soit en deuxième lecture ou au moment du collectif, quelle solution pouvez-vous nous proposer si vous en avez une ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Monsieur le député, je ne voudrais pas qu'on oppose l'élan du coeur, que nous partageons tous,...

M. Robert Gaïa.

Absolument ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... avec l'élan de l'administration, dont je ne suis pas le seul à devoir vérifier la qualité.

Je ne vais pas vous donner entièrement satisfaction, en tout cas pas aujourd'hui.

Le préjudice de carrière subi par des fonctionnaires ayant quitté leur emploi pour participer aux campagnes, que ce soit en Afrique du Nord, en Italie ou en France, est effectivement très important. Vous avez parlé de devoir moral et je partage tout à fait ce point de vue.

Le Gouvernement de Pierre Mauroy a étendu la mesure de réparation aux fonctionnaires ayant servi en Afrique du Nord. Grâce à la procédure engagée en 1982, il y a eu énormément de régularisations. En 1987, une deuxième ouverture a permis encore un gros paquet de régularisations et, si mes informations sont bonnes, il reste quelques dizaines de cas. Ce n'est pas parce qu'il y en a très peu qu'il ne faut pas y prêter attention mais le chiffre a considérablement diminué par rapport à plusieurs milliers de fonctionnaires envers lesquels nous avions un devoir moral.

Je vous propose qu'on examine si ces dizaines de cas peuvent être éventuellement régularisés du point de vue administratif et que, dans le cas contraire, soient examinées d'autres possibilités dans le débat budgétaire, mais je ne suis pas autorisé à vous en dire plus.

M. le président.

La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert.

Monsieur le ministre, les ministres européens en charge de la fonction publique et de l'administration se sont réunis tout récemment à Strasbourg. Pouvez-vous nous dire si ces responsables européens, réunis sous votre présidence, ont bien le souci de préserver les caractères originaux des services publics de nos différents pays européens ? Pouvez-vous nous indiquer si, au niveau européen, on peut espérer voir prendre en compte la nécessité d'une politique ambitieuse des services publics, alors même que, à entendre certains discours, l'Europe aurait plutôt tendance à inquiéter ceux qui, en France, sont attachés aux spécificités de nos services publics ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Monsieur le député, merci pour cette question.

J'ai effectivement réuni, avec beaucoup de plaisir, l'ensemble des ministres de la fonction publique et des réformes administratives - la dénomination varie d'un

Etat à l'autre -, pour que nous puissions avoir une appréhension commune des problèmes posés et des solutions possibles, mais que les choses soient très claires : la gestion d'une fonction publique ou la réforme d'un Etat ne sont pas d'ordre communautaire. Cela ne fait pas partie des traités et nous n'avons pas à mener ensemble des actions, sous une autorité communautaire qui s'imposerait à chacun d'entre nous.

Certains aspects, comme l'égalité hommes-femmes ou la place des handicapés, font partie de directives communautaires qu'il appartient à chaque administration de respecter, mais, globalement, chacun est souverain dans la gestion de sa fonction publique. C'est le cas pour les arbitrages budgétaires, et j'en ai d'ailleurs dit un mot à M. Tron tout à l'heure, c'est le cas aussi en termes d'organisation.

Les Etats européens se sont créés suivant des modèles très différents. Les différences sont grandes entre un Etat très centralisé qui se décentralise, comme la France, et des

Etats qui se sont créés autour de fédérations très puissantes, entre des Etats qui ont des fonctions publiques - au sens où nous l'entendons en France, mais la France n'est pas seule à l'entendre ainsi -, très puissantes, et d'autres, comme la Suède, qui considèrent qu'ils n'ont pas de fonctionnaires, alors que le nombre des agents travaillant pour l'intérêt général y est plus élevé encore q ue chez nous,...

M. Bernard Roman, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Oui !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 2000

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... ce qui prouve d'ailleurs que les comparaisons sont très difficiles à établir, monsieur Tron, et qu'il ne faut pas les faire de manière trop catégorique. Ces différences doivent être respectées.

Il n'empêche qu'il se pose des problèmes de même nature. Les solutions ne seront peut-être pas identiques, mais il est utile d'échanger entre nous, par exemple, sur ce que peut changer l'introduction massive des nouvelles techniques d'information et de communication dans le service à l'usager ou dans le travail interne aux administrations. Chacune des administrations a les mêmes outils à sa disposition, les mêmes objectifs, et nous pouvons nous interroger sur les différences, sur les qualités des uns et des autres afin de nous en inspirer.

Il faut respecter la souveraineté, mais savoir aussi discuter, débattre, pour nous enrichir des qualités des autres, et, éventuellement, dans certains cas, faire valoir auprès des autres les qualités de notre administration, dont nous n'avons pas à rougir.

M. le président.

Nous en avons terminé avec les questions.

Les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat seront appelés à la suite de l'examen des crédits des services généraux du Premier ministre.

Après l'article 61

M. le président.

En accord avec la commission des finances, je vais maintenant appeler un amendement du G ouvernement portant article additionnel après l'article 61.

Cet amendement, no 177, est ainsi rédigé :

« Après l'article 61, insérer l'intitulé et l'article suivants :

« Services du Premier ministre

« I. Au premier alinéa de l'article 12 de la loi no 96-1093 du 13 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire, les mots : "pour une période allant du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000" sont remplacés par les mots : "pour une période allant du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2001".

« II. Dans le dernier alinéa de l'article 14 et dans les articles 31 et 42 de la même loi, l'année "2000" est remplacée par l'année "2001". »

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Cet amendement, qui porte reconduction du CFA pour l'année 2001, répond très directement à des interrogations formulées par certains d'entre vous et à un désir très largement exprimé au sein de la fonction publique.

Le congé de fin d'activité permet aux agents titulaires ou non titulaires, âgés d'au moins cinquante-huit ans, ou âgés d'au moins cinquante-six ans et justifiant de quarante années de cotisation et de quinze années de services militaires ou civils effectifs, de bénéficier d'un départ anticipé à la retraite.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois.

Très bien ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Le CFA correspond, dans la fonction publique, à ce qu'est l'ARPE dans le privé, et il me paraît très important de maintenir le parallélisme.

Mme Nicole Bricq.

Cela s'impose, en effet.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Monsieur le rapporteur, vous m'avez suggéré de pérenniser ce dispositif au lieu de le reconduire d'année en année, D'ailleurs, vu les prévisions démographiques, le CFA comme l'ARPE vont progressivement perdre de l'intérêt. Je comprends cette préoccupation, mais, tant qu'on ne sait pas exactement où on en est avec l'ARPE - et cela dépend des partenaires sociaux, on l'a vu dans le cadre de l'accord UNEDIC -, je ne souhaite pas mettre en place un dispositif définitif pour les fonctions publiques de l'Etat, hospitalière et des collectivités locales.

Cet amendement traduit un engagement que j'avais pris devant les organisations syndicales, à la demande d'un grand nombre d'entre vous, et c'est avec plaisir que je vous propose de le voter.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois.

Excellent !

Mme Nicole Bricq.

Très bon amendement ! Nous le voterons !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

Cet amendement n'a pas été examiné par la commission, mais je pense qu'elle aurait émis un avis favorable à son adoption. En tout cas, à titre personnel, j'y suis très favorable.

Cependant, et bien que vous y ayez répondu en partie, je voudrais vous poser les questions que j'ai abordées dans mon rapport et dans mon discours de présentation.

Pourquoi cette quatrième prolongation, comme les précédentes, ne figurait-elle pas dans le projet de loi initial ? Pourquoi faut-il, en quelque sorte, vous prier pour avoir une telle disposition ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Parce que j'aime être prié.

(Sourires.)

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis.

Ce n'est pas très laïque ! (Sourires.)

M. Jérôme Lambert.

C'est la force du Parlement !

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

Pourquoi cette quatrième prolongation ne porte-t-elle, comme les précédentes, que sur une seule année, alors qu'il est plus que probable que vous serez amené à déposer un amendement analogue l'année prochaine ? Je pense qu'il est préférable de pérenniser le CFA une fois pour toutes. Cela pourrait d'ailleurs inciter les partenaires sociaux du privé à faire de même.

Il s'agit d'un dispositif apprécié par les fonctionnaires et favorable à l'embauche des jeunes, ce qui est évidemment très positif. En outre, les bénéficiaires potentiels ne doivent pas être si nombreux que cette pérennisation soit de nature à menacer l'équilibre du budget. Pouvez-vous nous donner des chiffres précis à ce sujet ? P ar ailleurs, le nombre de fonctionnaires ayant commencé à travailler suffisamment jeunes pour prétendre au CFA ne peut que se réduire au fil des ans, si bien que le dispositif connaîtra une extinction naturelle.

Bref, à titre personnel, je suis favorable à l'adoption de cet amendement, même si je regrette qu'il ne concerne que l'année 2001.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Je ne reviens pas sur les raisons pour lesquelles c e dispositif vous est proposé uniquement pour l'année 2001, même si je comprends bien que le raisonnement pourrait être réversible.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 2000

Je n'ai pas compris que tel était l'état d'esprit des partenaires sociaux et, si cette disposition n'a pas été inscrite dès le départ dans le projet de loi de finances, c'est que des débats étaient en cours entre partenaires sociaux et que nous avons attendu qu'ils soient terminés avant d'introduire une disposition parallèle au sein de la fonction publique.

S'agissant des chiffres, le nombre de départs en CFA a été en 1999 de 10 683 pour l'Etat, de 1 233 pour la fonction publique hospitalière et de 4 880 pour la fonction publique territoriale. Ces départs engendrent un c oût, en termes de revenus de remplacement, de 1 787 millions pour la fonction publique territoriale,...

Mme Nicole Bricq.

Ce n'est pas rien ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

... ce qui n'est pas négligeable, et de 734 millions pour les autres fonctions publiques. Tels sont les chiffres pour l'année que nous connaissons, l'année 1999, l'année 2000 étant en cours.

Si je vous présente cet amendement aujourd'hui, ce n'est pas seulement parce qu'un vote du Parlement est nécessaire, c'est aussi pour que les fonctionnaires intéressés puissent se préparer et que les administrations puissent gérer dès maintenant leurs dossiers, pour une entrée en application effective au 1er janvier prochain.

M. le président.

La parole est à M. Georges Tron.

M. Georges Tron.

Monsieur le ministre, nous prenons connaissance, comme l'a dit le rapporteur, de cet amendement, qui n'a pas été examiné par la commission. Cela dit, ce n'est pas vraiment un problème. Et puis je vous ai posé une question qui n'était pas prévue non plus ; j'aurais donc mauvaise grâce à me choquer de quoi que ce soit. (Sourires.)

Je voudrais cependant vous faire une remarque et vous poser à nouveau une question.

Je vous ai interrogé tout à l'heure sur le problème des retraites et nous voilà, par cet amendement, au coeur même du sujet. Je ne reviens pas, car vous le savez aussi bien et si ce n'est mieux que moi, sur le côté particulièrement aigu du problème des retraites dans la fonction publique et, si ce dispositif est plutôt apprécié et appréciable, il ne faudrait pas pour autant que le reconduire aboutisse à ne prendre aucune mesure dans ce domaine.

On ne va pas relancer le débat maintenant, nous sommes peu nombreux et il mérite une large audience.

Mme Nicole Bricq.

Cela n'a rien à voir !

M. Georges Tron.

Les chiffres, vous les connaissez comme moi, et je voudrais émettre une réserve de principe, non pas sur le dispositif lui-même, mais sur le fait que ce ne doit pas être une façon de renvoyer aux calendes grecques ce débat sur les retraites des fonctionnaires, ceux de l'Etat en particulier.

Ma question, à laquelle vous avez d'ailleurs en partie répondu, porte sur le montant consacré au dispositif CFA.

La fourchette varie de 1,7 ou 1,8 milliard de francs ce sont les chiffres que vous venez de nous indiquer - à 3 milliards de francs. Sans doute cette somme de 3 milliards de francs inclut-elle la fonction publique d'Etat, la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

En effet.

M. Georges Tron.

La question que je me pose, la commission des finances n'ayant pas eu l'occasion d'en discuter, c'est de savoir si la somme de 1,7 milliard est intégrée dans le budget ou si elle viendra en déduction de la marge de manoeuvre de 3,2 milliards que vous pourriez être amené à utiliser dans les futures discussions salariales.

M. Bernard Roman, président de la commission.

Il est malin !

M. Georges Tron.

Si tel était le cas, cette réserve s'élèverait non plus à 3,2 milliards mais à 3,2 milliards moins 1,7 milliard, soit précisément 1,5 milliard. Dans ce cas, l'augmentation possible des rémunérations ne serait plus de 0,5 % mais de 0,2 % ou 0,25 %. Dans ces conditions, je ne peux que réitérer les réserves dont je vous ai fait part tout à l'heure.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Je confirme vos calculs, monsieur le député.

Simplement, le coût sera intégré dans le budget à venir, il n'est pas à prendre sur la réserve à laquelle vous faites allusion. Heureusement pour moi ! (Sourires.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 177.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Nous avons terminé l'examen des crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

2 ÉPARGNE SALARIALE Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 9 novembre 2000

« Monsieur le président,

« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi sur l'épargne salariale, l'actionnariat salarié et l'épargne retraite.

« Je vous serai obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.

« J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001, no 2585 ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 2000

M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2624).

Logement (nouvelle procédure) : M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 25 du rapport no 2624) ; Logement et urbanisme : M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges (tome XI de l'avis no 2629) ; Industrie, Poste et télécommunications : Industrie : M. Michel Destot, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 13 du rapport no 2624) ; M. Claude Billard, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges (tome VI de l'avis no 2629) ; Postes et télécommunications : M. Edmond Hervé, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 15 du rapport no 2624) ; M. François Brottes, rapporteur pour avis au nom de l a commission de la production et des échanges (tome VIII de l'avis no 2629).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures dix.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT