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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 29 NOVEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES

1. Interruption volontaire de grossesse et contraception. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 9559).

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION (p. 9563)

Motion de renvoi en commission de M. Philippe DousteB lazy : Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Philippe Nauche, Mmes Jacqueline Mathieu-Obadia, Marie-Thérèse Boisseau, Muguette Jacquaint, M. Bernard Perrut. Rejet.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 9568)

Avant l'article 1er (p. 9568)

Amendement no 17 de M. Charles : M. Bernard Charles. Retrait.

Amendement no 55 de Mme Boutin : Mmes Christine Boutin, Martine Lignières-Cassou, rapporteure de la commission des affaires culturelles ; la secrétaire d'Etat à la santé,

M. Bernard Accoyer, Mme Hélène Mignon. - Rejet.

Amendement no 56 de Mme Boutin, avec le sous-amendement no 110 de M. Christian Estrosi : Mmes Christine Boutin, la rapporteure, la secrétaire d'Etat à la santé, MM. Christian Estrosi, Bernard Accoyer, Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes. - Rejet du sousamendement et de l'amendement.

Article 1er (p. 9572)

M. Jacques Myard, Mme Marie-Thérèse Boisseau.

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M mes Martine Aurillac, Christine Boutin, Françoise de Panafieu, M. Bernard Perrut.

Amendements de suppression nos 34 de Mme Mathieu-Obadia, 45 de Mme Boutin, 72 de M. Mattei et 89 de Mme Boisseau : Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, M. le président, Mme Christine Boutin, M. Bernard Perrut, Mmes la rapporteure, la secrétaire d'Etat à la santé. Rejet.

Adoption de l'article 1er

Article 2 (p. 9577)

Mmes Marie-Thérèse Boisseau, Jacqueline Mathieu-Obadia, MM. Pierre Cohen, Christian Estrosi, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Bernard Accoyer.

Amendements de suppression nos 35 de Mme Mathieu-Obadia, 46 de Mme Boutin, 73 de M. Mattei et 90 de Mme Boisseau : Mmes Marie-Thérèse Boisseau, Christine Boutin, la rapporteure, la secrétaire d'Etat à la santé. Rejet.

Adoption de l'article 2.

Après l'article 2 (p. 9582)

Amendement no 74 de M. Mattei : M. Bernard Perrut, Mmes la rapporteure, la secrétaire d'Etat à la santé. Rejet.

Article 3 (p. 9582)

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

A mendement de suppression no 47 de Mme Boutin : Mmes Christine Boutin, la rapporteure, la secrétaire d'Etat à la santé. - Rejet.

Adoption de l'article 3.

Après l'article 3 (p. 9583)

Amendement no 2 rectifié de la commission des affaires c ulturelles, avec les sous-amendements nos 48 de Mme Boutin, 108 de Mme Boisseau, 49 et 50 de Mme Boutin et 23 de M. Bernard Charles, et amendements nos 75 de M. Jean-François Mattei, 59, 57, 60 et 58 de Mme Boutin : Mmes la rapporteure, Christine Boutin, la secrétaire d'Etat à la santé. - Rejet du sousamendement no

48. Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. le président, Mmes la rapporteure, la secrétaire d'Etat à la santé. - Rejet du sous-amendement no 108.

Mmes Christine Boutin, la rapporteure, la secrétaire d'Etat à la santé. - Rejet des sous-amendements nos 49 et 50.

M. Bernard Charles. - Retrait du sous-amendement no

23. M. Bernard Perrut, Mmes la rapporteure, la secrétaire d'Etat à la santé, Christine Boutin, M. Bernard Accoyer. Adoption de l'amendement no 2 rectifié ; les amendements nos 75, 59, 57, 60 et 58 n'ont plus d'objet.

Article 4 (p. 9588)

Mmes Christine Boutin, Marie-Thérèse Boisseau, MM. Bernard Accoyer, Christian Estrosi.

Amendements de suppression nos 18 de M. Charles, 51 de Mme Boutin et 77 de M. Mattei : M. Bernard Charles, Mme Christine Boutin, M. Bernard Perrut, Mmes la rapporteure, la secrétaire d'Etat à la santé. - Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Dépôt d'une proposition de loi organique (p. 9591).

3. Dépôt de propositions de loi (p. 9591).

4. Dépôt de rapports (p. 9591).

5. Dépôt d'un rapport sur une proposition de résolution (p. 9592).

6. Dépôt d'un avis (p. 9592).

7. Ordre du jour des prochaines séances (p. 9592).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.)

1

INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE ET CONTRACEPTION Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception (nos 2605, 2702).

Cet après-midi, l'Assemblée a entendu les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la présidente, je me contenterai de quelques remarques. La discussion générale a été de qualité et les interventions - dont quelques-unes très remarquables, comme celle de Martine Lignières-Cassou - ont permis aux orateurs de dire avec sincérité ce que chacun pensait de ce projet.

Plusieurs intervenants ont insisté sur l'importance de la prévention, notamment Mme Bello et Mme Boisseau, mais j'en oublie certainement. Je voudrais rappeler qu'avant de proposer ce projet de loi le Gouvernement a justement porté d'abord ses efforts sur la prévention, et notamment sur la contraception, pour inscrire celle-ci comme une priorité absolue. C'était déjà la priorité de la gauche en 1982, au moment de la campagne lancée par Y vette Roudy. D'ailleurs, on s'en souvient encore, puisque, jusqu'à notre campagne récente, il n'y en a pas eu d'autre, ce qui est bien dommage.

Notez donc, mesdames, messieurs de l'opposition, que depuis cette date, aucun gouvernement...

Mme Christine Boutin.

Aucun !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Aucun gouvernement depuis 1981 !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Précisément ! Je crois que nous portons une responsabilité collective dans le fait de ne pas avoir suffisamment insisté sur la prévention. Car nous savons à quel point ces campagnes d'information collectives sont importantes. D'ailleurs, Nicole Péry, dans un instant, apportera des précisions sur la campagne que nous avons lancée, qu'elle a elle-même suivie et qu'elle suit encore de très près.

Il est dommage, en effet, que la campagne lancée par notre gouvernement l'année dernière ait été la seule du genre. Elle sera reprise cette année et poursuivie dans l'avenir.

C'est pourquoi, madame Boisseau, quand, dans le même mouvement, vous nous reprochez de ne pas avoir fait de prévention, tout en critiquant un projet de loi qui prévoit des dispositions nouvelles sur la contraception, j'avoue ne plus très bien comprendre. La contraception est une forme de prévention.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Ce n'est pas la seule ! Mme Marie-Thérèse Boisseau. Nous avons demandé une loi programme !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Une loi programme, d'accord, mais il y a les mots et il y a les actes. Les plans que nous lançons, ce sont des actes.

De plus, vous savez très bien que tout ne peut pas se faire par voie législative.

Ce n'est pas une loi qui permettra de parler d'éducation sexuelle dans les écoles et dans les lycées.

M. Bernard Charles.

Tout à fait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il faut garder le sens des réalités. Tout ne peut pas relever de la loi. Ce que nous faisons avec ce projet, c'est mettre à jour l'excellente loi Neuwith, pour faciliter la contraception.

La prévention implique une intervention très en amont, centrée sur les jeunes, car, comme l'ont rappelé Danielle Bousquet et Martine Lignières-Cassou, nous ne résoudrons pas ce problème tant que la société tout entière ne saura pas parler avec le ton qu'il faut de la sexualité des jeunes. Nous devons, grâce à un débat collectif, trouver la façon d'aborder ces problèmes. Cela passe certainement par une action au niveau local, très près du terrain. Cela comprend les écoles, bien entendu, mais là, il faut faire appel à des interventions extérieures, parce qu'il est vrai que ce n'est pas pour les parents ni pour les enseignants qu'il est le plus facile d'aborder ces questions, même s'ils doivent s'y efforcer. Des tiers, formés à ces problèmes, sachant parler aux jeunes, seront probablement mieux à même de le faire. Nous avons commencé à mettre en place ce type de dispositif, et nous allons continuer.

Le Gouvernement a d'ailleurs déposé un amendement en vue d'assurer, tout au long du cursus scolaire, dans les collèges et les lycées, trois séances annuelles d'information et d'éducation à la sexualité, tant il est évident que, là comme ailleurs, l'école peut valoriser la responsabilité.

La mise en place de la contraception du lendemain est également un progrès dans le domaine de la prévention de l'interruption volontaire de grossesse. A cet égard, je rappelle qu'un des facteurs expliquant en grande partie le taux particulièrement faible d'IVG aux Pays-Bas est la mise en place, dans ce pays, depuis de très nombreuses années, de la contraception du lendemain, accompagnée d'une politique d'information très accentuée.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est autre chose !


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Mme Christine Boutin.

Il y a d'autres facteurs !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Sans doute, mais c'est un élément important, et nous savons très bien que, sur ces questions de société, il n'y a jamais un seul élément qui joue ; encore faut-il pouvoir utiliser les palettes qui sont à notre disposition. Nous avons, en 1999, accordé une subvention de 1,2 million de francs à la Confédération nationale du Mouvement français pour le planning familial - 1,4 million cette année. Je crois que, indépendamment de ce que nous faisons dans la loi, il est essentiel de soutenir très concrètement une telle association, dont nous connaissons le travail gigantesque, à vrai dire irremplaçable, qu'elle a accompli depuis maintenant des années et des années, et qu'elle poursuit avec des moyens réduits, au point que le planning familial n'est pas présent partout - ainsi, Nicole Péry m'a indiqué que ce n'était plus le cas dans son département.

En ce qui concerne les conditions de l'interruption volontaire de grossesse, je ferai plusieurs observations.

D'abord, il est prioritaire de renforcer les moyens d'accueillir, d'informer, d'aider, de conseiller et d'accompagner les femmes. Cela doit être et sera l'une de mes priorités absolues. Mais, pour ce faire, il faut renforcer les équipes hospitalières qui prennent en charge les IVG.

Madame Robin-Rodrigo, madame Muguette Jacquaint, tout en approuvant le projet du Gouvernement vous avez déploré le manque de moyens consacrés à cette prise en charge. Pourtant, depuis trois ans, nous nous efforçons de les accroître : ainsi que je l'ai souligné ce matin, nous avons inscrit 12 millions dans le budget 2000 et 15 millions dans le budget 2001. Cela représente une augmentation substantielle et cet effort sera poursuivi. Des moyens nouveaux ont également été mis en place depuis juin dernier avec la création de quinze postes de médecin, de 4 000 vacations médicales et non médicales. En matière d'accroissement des moyens nous sommes donc sur la bonne voie et nous continuerons.

Plusieurs intervenantes ont abordé la question de l'autonomie de la femme. Oui, chaque femme a le droit d'être mère quand elle le décide et si elle le décide. Tel est le droit qu'a créé la loi de 1975 dont aucun intervenant extérieur ne peut empêcher l'exercice. J'approuve tous les propos qui ont été tenus en ce sens.

Je suis évidemment d'accord avec Philippe Nauche quand il souligne que les femmes ont le droit de choisir.

D'ailleurs, « Choisir » était le nom de l'une des plus célèbres associations parmi celles qui ont mené ce combat. Chacun se souvient de Gisèle Halimi et de sa lutte. Le devoir des pouvoirs publics est donc d'aider les femmes dans ce choix.

A ce propos, madame Boutin, je réfute votre assertion par laquelle vous prétendez que nous menons uniquement une politique de facilitation de l'IVG et que nous ne faisons rien pour offrir une alternative. Au contraire !

Mme Christine Boutin.

Que faites-vous ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je viens de vous le dire : toute la politique de prévention.

Mme Christine Boutin.

Non, cela n'a rien à voir avec le choix ! Le problème n'est pas là !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le problème est que Mme Boutin est opposée à la liberté pour les femmes de choisir. Il est là, fondamental, massif.

Mme Danièle Bousquet.

Absolument !

Mme Christine Boutin.

Excitez-vous ! Allez-y !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non, si j'avais voulu m'exciter contre vous, j'aurais trouvé d'autres occasions l'année dernière. Or je ne l'ai jamais fait.

M. Jean-Pierre Blazy.

Ce n'est pas utile !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ne vais pas commencer maintenant, même si cela vous ferait probablement très plaisir.

Mme Danièle Bousquet.

Absolument !

Mme Christine Boutin.

Pas du tout ! C'est bien vous qui vous excitez, moi je reste très calme !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cela mettrait probablement trop en valeur certaines de vos idées.

Vous êtes donc contre.

Mme Christine Boutin.

Je l'ai dit !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est votre droit.

Mme Christine Boutin.

Merci de m'y autoriser !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

En revanche, vous n'êtes pas fondée à prétendre que nous ne proposons aucune alternative...

Mme Christine Boutin.

Je le maintiens !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... puisque nous insistons justement sur la prévention et sur la contraception. Encore faut-il avoir le courage de dire ce qu'est une vraie alternative à l'IVG.

Mme Christine Boutin.

Je proposerai des amendements. On verra ce que vous en ferez !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il subsistera en effet toujours des situations dans lesquelles ni la contraception ni aucun autre type de prévention ne pourront rien.

Je souhaite faire en sorte que les femmes puissent continuer, plus que jamais, à exercer ce droit qui leur est conféré par la loi.

Mme Christine Boutin.

Plus que jamais ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Des interruptions médicales de grossesse pourront toujours avoir lieu, mais sûrement pas pour remplacer l'interruption volontaire de grossesse. En effet, si l'on peut admettre qu'une intervention médicale soit effectuée audelà du délai légal, elle ne saurait être décidée pour contourner cette limite.

En réalité, le délai légal fonde le choix de la femme d'avoir ou non un enfant à ce moment-là et l'autonomie de la décision de la femme ne souffre pas de contrôle extérieur.

Cela étant, j'approuve évidemment les mesures relatives à l'accompagnement, à l'écoute, au conseil, à l'assistance des femmes en détresse parce qu'il est toujours difficile de prendre une décision de ce genre. Encore faut-il y consacrer les moyens correspondants.

S'agissant des mineures, je ne comprends pas comment on peut accepter le début du commencement de l'idée selon laquelle elles se mettraient en danger et seraient dans des situations dramatiques simplement parce qu'elles ne pourraient ni s'appuyer sur leurs parents ni dialoguer avec eux. Dans de tels cas, en effet, il appartient à la société de les aider.


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A cet égard, il faut aussi savoir sortir de l'abstraction du terme, car ces mineures sont parfois de toute jeunes filles de treize ou quatorze ans, en fait des enfants. Or je ne pense pas qu'il puisse y avoir de détresse plus grande, de sentiment de solitude plus aigu que celui d'une enfant qui ne peut pas trouver dans sa propre famille l'assistance à laquelle elle a droit. Si la société ne devait pas intervenir dans de telles circonstances, je ne sais pas, mesdames, messieurs, ce que nous ferions ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Il ne s'agit pas de nier l'autorité parentale. Je l'ai d'ailleurs défendue dans mes fonctions antérieures parce que je crois qu'un ou une enfant a droit à ses deux parents.

Or j'estime que, dans notre société, on enlève trop facilement les enfants aux parents, surtout quand ceux-ci sont pauvres.

En l'occurrence, la question est tout autre : elle est celle de la sécurité, de la santé, de l'avenir, tout simplement, de ces jeunes. Si, pour une raison ou pour une autre, leurs familles ne peuvent pas les assister ou les accompagner dans de telles situations, il faut trouver une autre forme d'accompagnement, sans pour autant les livrer à des mécanismes techniques et inhumains, à des procédures automatiques. Ce n'est d'ailleurs pas ce que prévoit le projet de loi.

Ma troisième remarque portera sur les risques d'eugénisme.

J'admets certes volontiers qu'il faut être vigilant en ce domaine car les progrès technologiques font planer ce risque partout dans notre société.

M. Jean-Marc Nudant.

C'est bien vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Néanmoins, il est excessif de brandir cet épouvantail pour nier le droit des femmes à décider pour elles-mêmes. Heureusement, vous avez été nombreux à souligner combien les femmes étaient responsables, surtout s'agissant d'une décision comme celle-là qui les concerne au plus profond d'elles-mêmes. S'il ne faut donc pas nier le risque d'eugénisme, il convient de ne pas l'utiliser dans le but visé par certains.

D'ailleurs le recours à cet argument pour refuser ce choix aux femmes me met mal à l'aise. En effet ce n'est certainement, dans le domaine en discussion que les risques d'eugénisme sont les plus grands. Nous savons bien, en effet, que quand une femme décide d'avorter n'hésitons pas à employer ce mot, car il traduit bien ce que les femmes ressentent - ce n'est jamais de gaieté de coeur, Marisol Touraine l'a très bien souligné.

Je remercie tous les députés, toutes les députées qui ont participé à ce débat, parce qu'aucune des interventions n'a été médiocre, même si certaines d'entre elles ont exprimé des positions qui ne sont pas les miennes. Il est d'ailleurs normal que, dans un tel débat, chacune et chacun réagisse en fonction de son vécu et de ses émotions.

J e tiens à saluer particulièment Mme Catala, Mme Bachelot, Mme Ameline, qui ont indiqué, avec courage, parce qu'elles sont dans l'opposition, qu'elles voteraient ce projet de loi. Quelques hommes de l'opposition ont dit qu'ils attendraient l'issue de ce débat pour se prononcer. J'espère qu'ils feront preuve du même courage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Marc Nudant.

Ce n'est pas une question de courage, mais de conscience !

Mme la présidente.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

En fait il n'était pas prévu que j'intervienne, mais Elisabeth Guigou a souhaité que je porte témoignage sur la campagne en faveur de la contraception, ce que je fais bien volontiers.

Quand, en 1998, Martine Aubry et moi-même avons travaillé sur une approche globale de ces sujets fondamentaux que sont la contraception et l'IVG, nous avons souhaité une campagne de fond et de longue durée. Tel aura été le cas tout au long de cette année 2000.

Nous avons appuyé cette action sur plusieurs ministères, dont ceux de l'éducation nationale et de la jeunesse et des sports, ainsi que sur tous les services déconcentrés et sur les réseaux associatifs, nos partenaires sur le terrain.

Pour avoir, de région en région, consulté, évalué, dialogué avec l'ensemble de ces partenaires, je puis vous assurer - et vous pouvez le vérifier sur le terrain - qu'ils reconnaissent tous que cette campagne sur la contraception a permi un nouveau dynamisme sur ces sujets et un travail collégial.

Pourtant certains avaient émis des doutes sur l'efficacité de cette campagne. C'est pourquoi Martine Aubry et moi-même avons demandé à BVA un sondage et une enquête qualitative sur la façon dont les Français et les Françaises avaient perçu cette campagne, notamment les spots télévisés et les messages à la radio. Certes la durée de diffusion - trois semaines - a peut-être été trop courte mais ils sont passés à des horaires de grande écoute.

En réalité ils ont été appréciés, puisque, selon cette évaluation, sept Français et Françaises sur dix disent s'en souvenir, trois mois après. De plus 91 % d'entre eux les ont jugé compréhensibles et utiles. Voilà une première réponse à l'interogation sur l'efficacité de cette camapagne.

Au-delà de cette campagne de spots télévisés et de messages à la radio, nous avons tenu, justement parce que nous voulions une campagne sur la durée, à nous appuyer sur un outil tout simple. Nous avons donc fait réaliser un guide de poche, véritable outil d'information, unanimement apprécié sur le terrain. Douze millions d'exemplaires ont été distribués sur l'ensemble du territoire, grâce aux réseaux et aux partenariats que nous avons su créer.

Le financement de cette campagne a bénéficié de 20 millions de francs de crédits. Or, lorsqu'on été opérés les arbitrages quant à la hauteur de ce financement en 1999, mon budget des droits des femmes ne s'élevait qu'à 80 millions de francs. C'est donc sur un autre budget, celui de la communication, que nous avons pu dégager le financement nécessaire.

J'ai bien écouté vos interventions, mesdames, messieurs les députés et je partage complètement votre exigence d'une action de fond qui devienne pérenne, d'une campagne d'information annuelle. En effet, chaque année, une nouvelle classe d'âge s'éveille à la sexualité. Or tous nos jeunes, année après année, ont droit à une information complète.

J'ai donc demandé au Premier ministre de bien vouloir soutenir cette démarche et l'arbitrage a été rendu au mois de juillet : 20 millions de francs ont été fléchés, pour 2001, sur une nouvelle campagne de fond. J'ai bon espoir que cela continuera si la démocratie nous maintient dans la majorité. Cela étant, nul ne comprendrait que, sur un


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tel sujet, une éventuelle alternance empêche une telle campagne de devenir pérenne, annuelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Mesdames, messieurs les députés, il importe que nous reprenions vraiment le sens de ce projet de loi, comme l'ont fait Elisabeht Guigou et Nicole Péry. Je veux avant tout souligner qu'il est fondé sur la confiance en l'homme, en l'occurrence sur la confiance en la femme.

M. Jacques Myard.

C'est un paradoxe !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Pas du tout ! En effet, la fracture qui traverse nos débats sépare ceux qui veulent, de manière inconditionnelle, s'opposer au projet de loi que nous présentons, parce que l'allongement du délai autorisant le recours à l'IVG les dérange et leur permet d'avoir un argument, et ceux qui, faisant confiance à la sagesse des femmes et des hommes de notre pays, savent les entendre et comprendre l'évolution de leurs demandes.

Cette défiance à l'égard des femmes et des hommes qui, au sein d'un couple ou quand le couple se sépare, décident qu'ils ne peuvent assumer un projet parental, a pris, dans certaines interventions, - Elisabeth Guigou l'a bien montré - des tournures absolument choquantes.

Ainsi, comment parler de convenances personnelles face à un acte qui contredit presque toujours l'histoire que la femme aurait voulu vivre ? Il faut n'avoir jamais été confronté à cette situation pour soupçonner de telles arrière-pensées chez celles et ceux qui sont le dos au mur et qui décident de ce recours, de ce renoncement ou de cette libération. Le législateur n'a ni à juger du contexte ni à imposer son appréciation personnelle dans une telle décision.

M. Mattei et Mme Catala ont évoqué le malaise profond de certains obstétriciens et échographistes obstétricaux confrontés à des demandes d'interruption volontaire de grossesse, notamment lorsqu'elles sont tardives. Nous pouvons, bien évidemment, les comprendre et nous sommes attentifs à leurs réticences. Il est en effet compréhensible que des professionnels qui ont choisi pour métier de mettre des enfants au monde puissent être gênés face à une telle démarche. Néanmoins, les arguments développés en conséquence ne sont pas justes.

M. Mattei nous a expliqué, avec force détails, qu'une interruption volontaire de grossesse à dix semaines et une autre à douze semaines n'étaient en rien comparables.

M. Jean-Marc Nudant.

Ce n'est pas du tout la même chose !

M. Jacques Myard.

C'est la vérité !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Sa démonstration peut contrarier l'image que nous avons de cette intervention et j'avoue que j'ai été troublée par un tel argument. N'étant pas médecin, je me suis donc renseignée auprès de praticiens qui pratiquent quotidiennement des IVG.

En fonction de leurs témoignages, je peux donc vous assurer qu'une interruption volontaire de grossesse à huit, à dix ou à douze semaines, met en jeu les mêmes gestes médicaux, les mêmes gestes chirurgicaux. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Monique Collange.

Evidemment !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Vous n'êtes pas médecin !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Désormais, l'aspiration peut se faire de la même manière, parce que les médicaments ont beaucoup évolué.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Non, pas du tout !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Mais si, madame Mathieu-Obadia !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Je ne me mêle pas d'éducation, ne vous mêlez pas de médecine !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Aujourd'hui, l'utilisation du Cytotec favorise la dilatation d u col, laquelle permet la même aspiration à huit semaines, à dix semaines ou à douze semaines. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Myard.

Elle n'y connaît rien !

Mme Monique Collange.

Parlez de ce que vous connaissez, monsieur Myard !

Mme Raymonde Le Texier.

Qu'est-ce que M. Myard peut connaître de la dilatation de l'utérus ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Cessons de mettre en avant des images qui font peur et dont le but est d'évoquer des choses hallucinantes.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Cela vous gêne !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Bien sûr, quand on absorbe le contenu d'un utérus, il y a fractionnement, parce qu'il y a une muqueuse et d'autres éléments, mais cela n'a rien à voir avec un découpage, avec un fractionnement tel qu'on peut l'imaginer. Je ne souhaite pas que l'on reste fixé sur des images de cette nature. Quiconque prendra la peine de se renseigner auprès de ceux qui pratiquent régulièrement ces interventions saura qu'il n'y a pas de différence entre huit, dix et douze semaines. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M me Marie-Thérèse Boisseau.

Les gynécologues apprécieront !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Vous ne savez pas ce que vous dites !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Il n'est bien entendu pas question d'obliger quiconque à pratiquer un acte qu'il ne souhaite pas faire. D'autres médecins existent, sensibles à la demande des femmes venues les voir, et prêts à y répondre. Eh bien, nous saurons organiser la pratique professionnelle de ces médecins, nous appuyer sur leur mission et sur leur vocation.

Mme Yvette Roudy.

Très bien !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

M. Rouger a très clairement déclaré qu'il ne se sentait pas le droit, en tant que médecin, de décider à la place de celle qui venait le voir et qu'il se devait de mettre sa technique au service de ce qu'elle lui demandait.


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Mme Monique Collange.

Très bien ! C'est un bon médecin !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Laissons à chacun la liberté de choisir comment être le mieux conforme à ses convictions.

La loi Veil procédait d'un esprit d'ouverture, respectueux de la liberté de conscience et d'action de chacun.

C'est dans cette voie que nous nous inscrivons encore aujourd'hui, à l'inverse de ceux qui campent sur leur immobilisme. Nous devons adapter la loi aux évolutions de notre société, aux pratiques médicales aujourd'hui disponibles.

Mme Boisseau a souligné que nous ne pouvions pas nous contenter d'une réponse partielle, qui ne permettra de faire face aux situations de détresse sociale auxquelles sont confrontées les femmes que jusqu'à douze semaines.

Or j'ai la conviction que, grâce à cet allongement et aux mesures complémentaires que nous avons déjà prises pour faciliter l'accès à l'IVG, nous devrions pouvoir éviter un très grand nombre d'interruptions volontaires de grossesse demandées tardivement.

En effet, nos efforts conjugués vont diminuer la pression qui existe aujourd'hui sur les plateaux techniques capables d'accueillir les interruptions volontaires de grossesse. Les moyens supplémentaires alloués dès cette année - quinze équivalents temps plein de médecin, quinze équivalents temps plein de non-médecin et plus de 4 000 vacations médicales -...

M. Bernard Accoyer.

Cela fait quarante vacations par département, c'est-à-dire trois par mois !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

... ont déjà considérablement changé l'activité dans les centres d'interruption volontaire de grossesse. Nous allons y consacrer d'autres moyens en 2001.

Elisabeth Guigou a déjà cité les 15 millions de francs qui seront consacrés l'année prochaine à la campagne d'information.

La facilitation de l'accès à l'IVG médicamenteuse, que l'on pourra pratiquer demain en ville dans le cadre d'un réseau étroitement lié à l'hôpital, allégera aussi les pl ateaux techniques. Tel devrait également être l'impact de la politique en faveur de la contraception en général, de la contraception d'urgence en particulier.

Tous ces éléments vont se conjuguer avec l'allongement du délai pour faire en sorte que le recours à l'IVG ne soit plus retardé au-delà de ce que souhaite la femme qui a librement décidé d'avorter.

Telles sont les remarques que je voulais formuler en ma qualité de responsable de la santé et des pratiques médicales. Il ne faut pas évoquer des arguments qui n'ont rien à voir dans ce débat pour essayer de le détourner de son fond et de son objectif, c'est-à-dire garantir aux femmes d'aujourd'hui le droit à disposer librement de leur corps. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à Mme Bernadette Issac-Sibille, pour une durée qui ne peut exéder une heure trente. (Exclamation sur les bancs du groupe socialiste.)

M me Bernadette Isaac-Sibille.

Rassurez-vous, mes c hers collègues. Mon intervention sera de trentecinq minutes à peu près ! (Sourires.)

M. Marcel Rogemont.

Merci !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

C'est bien !

M. Jean-Pierre Blazy.

Nous gagnons une heure !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission, il y a erreur non pas sur la personne mais sur la loi... Nous étions invités à discuter d'une loi présentée par Mme Aubry au nom de M. le Premier ministre. Cette loi modifiait celle de Mme Veil pour allonger le délai légal de l'avortement et parler de la contraception, et nous allons discuter sur une loi complètement transformée par Mme la rapporteure et la majorité de la commission des affaires sociales, qui traite de ces problèmes mais de beaucoup d'autres aussi importants qui ne figurent pas dans la première loi de Mme Aubry.

Si nous voulons que notre travail à l'Assemblée nationale soit pris au sérieux par nos concitoyens, il faut qu'il soit sérieux. Or sur un texte majeur pour notre société et éminemment complexe, sur lequel les avis scientifiques divergent, la discussion a été très rapide, sans vrai débat ni véritable réunion de travail. Le compte rendu de la première commission en témoigne. Celle qui s'est tenue hier a été plus approfondie. Qui plus est, le Gouvernement a cru bon d'imposer une procédure d'urgence qui va de facto limiter les possibilités de débattre...

M. Jean-Marc Nudant.

Une fois de plus !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

... alors que cette question si importante aurait nécessité que l'on en fasse un problème de santé publique à travers la France, comme les états généraux de la santé.

Pourquoi la commission des affaires sociales n'a-t-elle pas pu, comme la délégation aux droits des femmes - ce dont je la félicite - auditionner tous les experts ou personnes spécialistes de ces questions pour avoir leur avis ? Nous aurions pu travailler dans l'écoute les uns des autres, enrichissant notre pensée les uns par les autres.

Mais avant de vous expliquer tous les motifs qui me font demander, au nom de l'UDF, le renvoi en commission, je voudrais vous lire quelques lignes qui correspondent exactement à l'état d'esprit avec lequel nous devrions étudier en profondeur cette question de l'IVG et qui mettrait son étude à la hauteur juridique souhaitable pour un problème de société qui nous concerne tous :

« Le droit naît d'une profonde exigence humaine qui est présente en tous les hommes et qui ne peut se révéler étrangère ou marginale à aucun d'entre eux ; il s'agit de l'existence de justice qui est la réalisation d'un ordre équilibré des relations interpersonnelles et sociales aptes à garantir qu'à chacun soit donné ce qui lui revient et qu'à personne ne soit ôté ce qui lui appartient. Un droit qui se détache des fondements anthropologiques et moraux porte en lui de nombreux dangers car il soumet les décisions au pur arbitraire des personnes qui l'édictent, ne tenant pas compte de la dignité insigne de chaque être humain. C'est le bien commun qui est en jeu, qui dépasse la somme des biens particuliers. »

Mais revenons au projet de loi.

La commission n'a pas pu bénéficier de l'avis du CCNE, arrivé deux jours avant la discussion de la loi. Les trois groupes de l'opposition ont été à l'origine de la sai-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 29 NOVEMBRE 2000

sine du comité d'éthique dans un courrier adressé à la présidence de l'Assemblée nationale le 4 octobre. Le 5 octobre, le président Forni saisissait M. Didier Sicart, président du CCNE et lui demandait de remettre cet avis au plus tard le 10 octobre. Or ce comité, en raison d'une procédure normale de renouvellement de ses membres, n'a pu eu les moyens de travailler dans les meilleures conditions. Ils ont malgré tout constitué un groupe de travail pour remédier à cette situation. Lundi 27, nous avons reçu la réponse du CCNE qui déclare que le

« risque d'une dérive eugénique évoqué n'est pas fondé ».

Il n'a cependant pas pu émettre d'avis sur les nouveaux articles introduits par les amendements de la commission puisqu'il ne les connaissait pas. La commission a donc manqué d'un avis sérieux sur un sujet qui appelle le maximum de concertation.

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Madame !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

De plus, pourquoi la commission des lois n'a-t-elle pas été saisie alors que certaines dispositions modifient de façon importante le code civil ?

M. Jean-Marc Nudant.

C'est scandaleux !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Nous aimerions avoir l'avis de cette commission.

Maintenant que nous possédons l'avis du CCNE, et après avoir saisi la commission des lois, la commission des affaires sociales devrait pouvoir se réunir à nouveau pour étudier ce projet avec ce nouvel éclairage tout à fait i ntéressant. C'est la première raison du renvoi en commission.

La deuxième raison est relative à la façon dont s'est passé l'examen du texte en commission : il a abouti à modifier de fond en comble l'équilibre de la loi Veil et sa logique...

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

... alors que Mme le rapporteur prétend qu'elle veut simplement « réajuster ».

Mme Yvette Roudy.

Moderniser !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Ainsi, des amendements ont supprimé toutes les références à l'aide aux femmes enceintes désirant poursuivre leur grossesse figurant dans le dossier guide. Les femmes, quelles qu'elles soient, doivent savoir que la société peut les aider par un soutien moral et matériel.

Est-ce vraiment respecter la liberté de la femme que de lui refuser de connaître les informations nécessaires à un choix difficile ? Christine Boutin a raison de dire que « ce postulat revient à dénier à la femme son libre arbitre ».

Chacune et chacun sur ces bancs s'accordent pour considérer l'IVG comme un échec de notre société et une souffrance. Ces amendements ne feront qu'accentuer la difficulté de la décision.

Mme Monique Collange.

La souffrance, c'est quand l'IVG se passe dans de mauvaises conditions !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

L'INSERM déclare :

« Une IVG n'est jamais un acte banal ou un acte vécu comme anodin... »

Est-ce vraiment sérieux de dire, comme l'a fait Mme le rapporteur, que c'est faire pression sur une femme de lui dire qu'elle pourra « donner » à adopter son enfant à une famille qui pourra le faire grandir puisqu'elle ne le peut pas et ne le souhaite pas ?

Mme Monique Collange.

N'importe quoi !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

La loi Veil avait posé en préambule le respect de toute vie. C'est pourquoi elle avait instauré un certain nombre de mesures destinées à aider les femmes en difficulté à poursuivre leur grossesse si elles le souhaitaient. Vous avez supprimé ces références à l'accueil de la vie. C'est un choix purement idéologique.

Je me réjouis d'ailleurs de ce que Mme le ministre ait annoncé tout à l'heure une subvention très importante au planning familial...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

Mme Yvette Roudy.

Très bien !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

... qui fait un travail considérable et qui permet à des femmes en difficulté de mieux vivre leur IVG.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Mais si je fais la même demande pour les associations qui aident les femmes en difficultés à avoir leur enfant, puis-je espérer avoir une subvention, même moitié moins élevée ?

Mme Yvette Roudy.

Ça dépend s'il y a des femmes qui en ont besoin ou non !

M. Bernard Charles.

On n'a jamais dit le contraire !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Ça existe !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Je pose la questsion.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

L'allocation de parent isolé est de 3 500 francs par mois.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Alors pourquoi le planning familial a-t-il une subvention en plus ? C'est bien idéologique ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Yvette Roudy.

Parce ce qu'il y a beaucoup de femmes qui s'adressent à lui !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Mais nous n'allons pas rester sur ce point.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Non !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Par ailleurs, force est de constater l'absence de consensus sur des sujets très graves qui transcendent les courants politiques : la suppression de l'obligation de l'entretien préalable ; le choix du référent quand la jeune mineure ne veut pas ou ne peut pas en parler à ses parents - où sera la responsabilité ? -, et l'introduction dans la loi, par un simple amendement, du problème de la stérilisation.

La suppression de l'entretien obligatoire proposé par Mme le rapporteur est extrêmement grave. On en a déjà longuement parlé mais je veux quand même en dire quelques mots. Cette suppression n'était pas dans la première loi proposée par Mme Aubry

Mme Yvette Roudy.

C'était il y a ving-cinq ans !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Je ne parle pas de la loi Veil, madame Roudy, mais de la loi Aubry. L'entretien obligatoire est souvent un moment important où la femme peut s'exprimer librement, dire tout ce qu'elle ressent, faire le point.

Mme Monique Collange.

Ce n'est pas vrai ! C'est pour la déstabiliser !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 29 NOVEMBRE 2000

M. Bernard Charles.

On la culpabilise, c'est tout ce qu'on fait !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

C'est la meilleure façon pour elle de prendre sa décision, car elle le fait en connaissance de cause, sans pression extérieure, et cela peut l'aider à dénouer des situations très compliquées et par là même à retrouver sa liberté pour faire ses choix.

Plutôt que de supprimer le caractère obligatoire de l'entretien, il conviendrait d'améliorer la formation des personnes chargées de l'assurer.

Il est important aussi d'expliquer les différentes formes que peut prendre une IVG. Ce n'est pas anodin : quand quelque chose ne va pas, il ne faut pas le supprimer, mais essayer de l'améliorer.

M. Bernard Charles.

Bravo ! (Sourires.)

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Autre question importante, le choix du référent désigné par la jeune mineure.

Il s'agit d'un sujet extrêmement délicat qui nécessite impérativement un renvoi en commission surtout après la très récente décision de la Cour de cassation.

En cas d'accident grave au cours d'une IVG effectuée sur une mineure qui n'a pas eu le consentement parental, qui sera responsable ? Lorsqu'un mineur part en vacances en camp ou en colonie de vacances, on exige du parent une délégation parentale au cas où il y aurait une jambe cassée à réparer ou une appendicite d'urgence à opérer. Ne croyez-vous pas qu'il serait normal d'en demander une aux parents lorsqu'il s'agit d'un acte aussi grave ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Charles.

C'est l'inverse du système qui est proposé !

M. Jacques Myard.

Mme Isaac-Sibille a tout à fait raison !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Comment et de quel droit l'Etat peut-il se substituer à l'autorité parentale...

Mme Yvette Roudy.

Quand elle est défaillante, elle est défaillante !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

... lorsque les parents n'ont pas été destitués de leurs droits de parents par une décision de justice ? Cette dernière est seule à pouvoir le faire. Dans des circonstances graves qui peuvent empêcher la jeune femme d'en parler à ses parents ou à son tuteur légal...

Mme Muguette Jacquaint.

Il s'agit forcément de circonstances graves. Quand on se fait piquer par une guêpe, on n'a pas peur d'en parler à ses parents !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

... elle doit saisir uniquement le juge des enfants qui fera ce qu'il doit faire.

C'est justement une situation qui pourrait être abordée au cours de l'entretien préalable obligatoire, que vous avez tout de même maintenu pour les mineures.

M. Jean-Pierre Blazy.

Tout de même !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

N'acceptons pas de donner à des personnes des responsabilités qu'elles ne sont pas autorisées à prendre. Comment ne pas relever l'incohérence du Gouvernement sur ce point ? D'un côté Mme Royal, à juste raison, s'active pour redonner un sens à l'autorité parentale en organisant des journées de travail tout à fait intéressantes sur ce sujet.

Mme Monique Collange.

L'un n'empêche pas l'autre.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

De l'autre côté, cette loi s'arroge un pouvoir qu'elle n'a pas en négligeant l'autorité parentale. La question a été débattue longuement hier soir en commission et Mme la rapporteure s'est retrouvée bien seule pour défendre sa position.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Ah bon ?

Mme Yvette Roudy.

Maintenant, elle n'est pas seule.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Elle nous a dit qu'une solution juridique serait trouvée. J'espère qu'elle l'a été.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Elle l'a été.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Mais nous ne l'avons pas aujourd'hui.

La dernière raison qui nécessite un renvoi en commission concerne la stérilisation, sujet introduit dans la loi par un simple article additionnel du rapporteur après l'article 18. C'est un sujet extrêmement grave. La stérilisation aujourd'hui peut être condamnée au titre d'une mutilation du corps humain.

Mme Monique Collange.

N'importe quoi !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Ce sujet extrêmement sensible mérite une large discussion et devrait faire, avec la contraception, le sujet d'une loi qui prenne ces deux sujets dans toutes leurs dimensions : il faudrait y parler de tous les moyens de contraception, y compris les méthodes naturelles (Sourires sur plusieurs bancs du groupe socialiste) et faire une très large prévention.

Comme le fait très bien le président Charles pour les lois sur la bioéthique, il faudrait consulter des spécialistes des questions de la stérilisation et non pas se servir d'un amendement pour créer un nouveau régime juridique.

M. Bernard Accoyer.

Ça, c'est vrai.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Où est le respect des droits de la personne humaine ? On se le demande surtout quand, avant de se faire stériliser, un homme demanderait de faire congeler son sperme au cas où il en aurait besoin plus tard. Où va notre société ? Il était très tard hier quand la discussion a commencé, et nous ne pouvons pas en rester là.

M. Bernard Accoyer.

Encore le travail de nuit des femmes !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Ces trois questions extrêmement importantes méritent à elles seules un nouvel examen en commission des affaires sociales, parce que, une fois de plus, ce sont des vrais problèmes de santé publique qui devraient être débattus au niveau national.

Je voudrais, pour terminer, parler des lacunes importantes de ce texte, qu'il convient de combler.

On ne peut que s'étonner de l'absence quasi totale dans ce texte de mesures concernant la prévention de l'IVG. C'est quand même un comble alors que tout le monde admet que c'est une souffrance qui quelquefois ne guérit jamais. Nous pouvons tous citer des cas vécus par des personnes qui, bien qu'ayant eu plusieurs enfants après cet événement, le gardent toujours dans un coin de leur coeur.

La prévention commence dès le plus jeune âge. L'éducation d'un enfant doit être l'éducation du respect de soimême, de son corps et de celui des autres, ce qui est le meilleur remède contre la violence.

Mme Monique Denise.

Votre intervention est un ramassis de généralités.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 29 NOVEMBRE 2000

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Ce n'est qu'après avoir appris ce respect qu'il pourra plus tard en comprendre le fonctionnement.

L'éducation sexuelle devrait être une éducation à l'amour. Il est étonnant que, dans le très long texte de M. Lang, lors de sa conférence de presse sur l'éducation sexuelle dans les établissements scolaires, qui est un document de quarante-sept pages, pas une seule fois le mot

« amour » ne soit mentionné. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Si cela ne vous ennuie pas, moi cela m'ennuie beaucoup pour les jeunes.

Il faut rendre les adolescents responsables de leur vie sexuelle comme de tous leurs comportements.

Mme Monique Collange.

L'amour, pas la guerre !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

L'éducation à la responsabilité se fait dans tous les domaines, à tous les stades de la vie. Une circulaire prévoit, à partir de la quatrième, des heures d'éducation sexuelle. C'est très insuffisant. Il faut surtout prévoir de pouvoir répondre à toutes les questions des jeunes dès qu'ils se les posent. Chaque enfant réagit différemment et il faut avoir un projet individuel. On le voit lors des enquêtes faites dans les collèges. Ces réponses doivent être vraies et de qualité, d'où la nécessit é d'une bonne médecine scolaire.

De plus, il serait nécessaire de mettre au point des programmes d'éducation et de soutien à la fonction parentale. Dès la fin de l'adolescence, on devrait apprendre à être parent.

Devant les difficultés de la société moderne, les parents sont souvent fortement perturbés et souvent démunis : ils demandent de l'aide. On le voit bien dans les collèges : quand un jeune passe en conseil de discipline, les parents sont complètement atterrés par ce que viennent de faire leurs enfants.

Toutes ces mesures sont des mesures préventives de l'IVG et il faut les prendre en compte.

Une dernière lacune importante dans ce texte est l'absence totale de référence à l'autre responsable de la grossesse : l'homme.

M. Jean-Pierre Blazy.

C'est une vérité !

Mme Monique Collange.

Souvent, il est parti !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

On parle sans cesse actuellement de la parentalité, de l'absence ou de l'existence de projet parental pour un embryon. Je note à ce sujet que, si vous estimez qu'un embryon sur lequel on n'a pas de projet parental n'est pas quelque chose de vivant, c'est donc que le projet parental existe.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Personne n'a dit le contraire !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Pourquoi ne pas envisager, avant l'IVG, la présence du père lors d'un entretien avec la conseillère conjugale, par exemple ?

Mme Yvette Roudy.

On ne s'intéresse pas au père ici !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Cela paraîtrait utile pour le présent et indispensable pour le futur quand on pense au traumatisme et à la souffrance de la femme.

On ne parle de l'homme que lorsqu'il s'agit de stérilisation ou de congélation du sperme. A la place d'un homme, je me sentirais vraiment humilié d'être réduit au seul rôle de reproducteur.

M. Jean-Marc Nudant.

Nous le sommes !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Enfin, on a transféré avec beaucoup de légèreté dans le code de la santé publique des articles qui se trouvaient dans le code pénal.

Je ne suis pas sûre que les pénalistes l'accepteront.

L'avortement doit-il être considéré comme un droit pour les femmes...

Mme Yvette Roudy.

Oui !

Mme Monique Denise.

Absolument !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

... ou la constatation d'un échec ? Il ne faut pas confondre information avec propagande et publicité.

Mme Yvette Roudy.

Ça, c'est vrai.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Toutes ces graves questions sont d'ordre juridique...

Mme Yvette Roudy.

Absolument.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

... et il importe que le Parlement, dont c'est le rôle, apporte une solution juridique, même si elle est difficile à trouver, comme les discussions d'hier soir à la commission l'ont prouvé.

Pour toutes les réflexions qu'il reste à mener sur les problèmes qui ne sont pas réglés, pour les lacunes à combler dans cette loi, je vous demande, chers collègues, au nom des femmes qui pourraient être victimes de ce texte, d'adopter cette motion de renvoi en commission.

Ainsi, nous pourrons parfaire le texte grâce à nos échanges. Le dialogue est encore indispensable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

Ni Mmes les ministres, ni M. le président de la commission, ni Mme la rapporteure ne souhaitent prendre la parole.

M. Jacques Myard.

Ils sont d'accord. Ils vont donc voter la motion.

Mme la présidente.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Philippe Nauche, pour le groupe socialiste.

M. Philippe Nauche.

La motion de renvoi en commission est, au fond, un exercice obligé pour l'opposition, nous l'avons bien compris, Mme Isaac-Sibille cherchait moins à obtenir réellement le renvoi en commission qu'à exprimer son opposition à ce texte.

Ainsi, vous avez soutenu, madame, que la discussion n'avait pas eu lieu, tout en faisant à maintes reprises allusion aux débats qui se sont tenus en commission. De la même façon, vous avez contesté la validité de l'avis du Conseil consultatif national d'éthique au motif que sa composition posait problème. Aurai-je la cruauté de vous rappeler que si le Conseil consultatif national d'éthique a eu quelques difficultés à se réunir,...

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Faute de textes !

M. Philippe Nauche.

... c'est parce qu'il a dû attendre pendant plusieurs mois que le Président de la République veuille bien désigner ses derniers membres afin de compléter sa composition ? Vous condamnez ensuite ce que vous appelez le bouleversement de l'équilibre de la loi Veil, évoquant les modifications apportées au dossier guide. J'ai le sentiment que, ce faisant, vous confondez ce qui relève à notre sens du


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droit de toute femme à exprimer son droit et ce qui relève de la politique familiale de notre pays. Mme la secrétaire d'Etat n'a pourtant pas manqué de rappeler l'existence de l'allocation de parent isolé et de toutes les autres mesures sociales destinées à accompagner les femmes enceintes qui désirent garder leur enfant. Mais l'amalgame auquel vous vous livrez n'a, à mes yeux, pas de raison d'être.

Ensuite, contrairement à ce que vous affirmez, il n'a jamais été question de supprimer l'entretien préalable dans les amendements de la commmission, mais seulement son caractère obligatoire. Tout au contraire, l'entretien préalable doit être systématiquement proposé et amélioré dans la façon dont il sera conduit.

Sur les questions liées à l'autorité parentale, vous exprimez, ce qui est parfaitement votre droit, votre refus de laisser la mineure prendre sa décision en se passant de l'autorisation parentale lorsque celle-ci ne peut pas être obtenue. J'y vois pour ma part une contradiction évidente, dans la mesure où une mineure enceinte est considérée de fait comme émancipée dès lors qu'elle désire poursuivre sa grossesse, mais totalement incapable de prendre une décision dès lors qu'elle opterait pour l'IVG ! Où est la cohérence ? Enfin, vos allusions à « l'homme reproducteur »,...

M. Jean-Pierre Blazy.

Humiliant !

M. Philippe Nauche.

... comme votre mise en parallèle de l'IVG et de la délinquance dans les lycées sont autant d'amalgames...

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Je n'ai jamais dit cela !

M. Philippe Nauche.

... qui montrent toute la différence de philosophie entre ceux qui, dans la continuité d'une loi Veil qui demande à être modernisée, défendent le droit de la femme à décider par elle-même, et ceux qui considèrent qu'elle n'a pas son mot à dire dans la maîtrise de son parcours de vie.

Le débat a bien eu lieu en commission, cette question a fait l'objet pendant un an d'un travail approfondi de la Délégation aux droits de la femme, les excellents rapports de Mmes Lignières-Cassou et Bousquet montrent bien la réalité et la richesse des discussions : c'est pourquoi, je vous invite, mes chers collègues, au nom du groupe socialiste, à repousser cette motion de renvoi en commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, pour le groupe RPR.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Je ne partage évidemment pas la position de mon collègue et confrère ; tout au contraire, je crois que Mme Isaac-Sibille a fort bien fait de demander ce renvoi en commission.

M. Jean-Pierre Blazy.

Surprenant !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Au départ, si je me souviens bien, il était question d'actualiser la loi Veil.

N'était-ce pas le principe même de ce projet, madame la rapporteure ? Or, comme Mme Isaac-Sibille l'a très bien dit, la loi Veil en sort pratiquement dénaturée.

Mme Yvette Roudy.

Allons !

M. Bernard Accoyer.

Et les amendements de la majorité ne font qu'aggraver cette dénaturation !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

On ne garde qu'une seule chose : l'interruption volontaire de grossesse. Toutes les conditions qu'avait posées à l'époque Mme Veil, particulièrement mesurées, réfléchies...

M. Marcel Rogemont.

C'était en 1975 !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

... ont peu à peu disparu. Qu'il y ait une idéologie de votre côté, je peux le comprendre. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Après tout, c'est tout à fait normal. Mais ce que j'admets pour vous, il est tout aussi normal que vous l'admettiez pour nous.

M. Marcel Rogemont.

Vous étiez contre la loi Veil !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Que votre idéologie transparaisse, passe encore, mais qu'elle finisse par effacer des pans entiers d'une loi que vous prétendez simplement vouloir actualiser, je trouve que c'est un peu beaucoup ! Vous écartez délibérément l'ensemble du corps médical, alléguant de telles contrevérités que j'en suis encore toute stupéfaite ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Je parle des propos tenus par la secrétaire d'Etat tout à l'heure, à tous égards ahurissants.

Vous écartez le corps médical, disais-je, vous écartez tout ce que la loi Veil contenait sur l'accueil à la vie, ...

Mme Danièle Bousquet.

La loi Veil est une loi sur l'avortement, pas sur l'accueil à la vie !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

... cette sensation, cette certitude qu'il fallait d'abord accueillir la souffrance des femmes, accueillir d'abord la vie, et ensuite, mais seulement ensuite, proposer une interruption volontaire de grossesse. Il y a là à mon sens, plus qu'un malentendu, un véritable dévoiement. Voilà pourquoi je suis tout à fait d'accord avec Mme Isaac-Sibille pour demander le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau, pour le groupe UDF.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je continuerai dans le même sens que Mme Mathieu-Obadia...

M. Marcel Rogemont.

Evidemment !

Mme Catherine Picard.

Quelle catastrophe !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Permettez ! Je trouve infiniment regrettable que nous ne respections pas davantage les femmes enceintes en difficulté.

Les respecter, c'est-à-dire les considérer dans leur globalité, appréhender l'ensemble de leurs difficultés et leur proposer un choix. Voilà ce qu'était exactement l'esprit de la loi Veil : donner le choix entre la poursuite de la grossesse avec un accompagnement économique, psychologique et social, ou l'avortement.

Mme Béatrice Marre.

Ce n'est pas ce que vous disiez à l'époque. Vous ne l'avez pas votée, la loi Veil !

Mme Yvette Roudy.

Vous n'avez rien compris à la loi Veil !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Ce premier pan, vous l'occultez et c'est infiniment regrettable. Vous partez du postulat, totalement faux, que les femmes, sitôt qu'elles arrivent au stade du premier entretien, ont déjà décidé d'avorter. Ce n'est pas toujours le cas, loin de là. Si certaines sont déjà totalement déterminées, et je respecte leur démarche, d'autres ne le sont pas. C'est une sonnette d'alarme que je tire en vous demandant instamment de reconsidérer votre position et faire en sorte que nous puissions revoir ce projet de loi en commission, comme Mme Isaac-Sibille le demande à très juste raison. Consi-


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dérez, je vous en prie, le cas des femmes en difficulté, mais prêtes, pour peu qu'elles soient accompagnées, à garder leur enfant. « Quand j'ai évité un avortement, disait le docteur Nizand, j'ai gagné le salaire d'une année. »

Pensez-y, mesdames et messieurs de la majorité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. la présidente.

Pour le groupe communiste, la parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Conchita Lacuey.

Enfin quelqu'un de sensé !

Mme Yvette Roudy.

Un peu d'oxygène !

Mme Muguette Jacquaint.

A écouter le débat, on sent bien que tout le monde est d'accord pour faire évoluer la loi Veil. Et vingt-cinq ans après il faut bien la modifier en profondeur, compte tenu de ce qu'est devenue la situation aujourd'hui. Si l'on se contentait de changer un point par-ci, une virgule par-là, ce ne serait pas la peine d'y passer la soirée, la nuit et demain ! J'entends dire qu'on ne prend pas en compte le corps médical, qu'on n'entend pas les associations. Pourtant, je le répète, la délégation aux droits des femmes, dont je suis membre, a multiplié les auditions d'associations, du corps médical, de spécialistes.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Mais pas la commission !

Mme Muguette Jacquaint.

En commission, on nous a présenté des amendements, nous les avons discuté. N'allez donc pas dire que nous n'avons pas travaillé, réfléchi, élaboré, même si, je le reconnais, il y encore beaucoup à faire.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Ah ! Merci, madame Jacquaint !

Mme Muguette Jacquaint.

Vous pouvez ne pas être d'accord, c'est votre droit. Mais n'allez pas chercher de prétexte en affirmant que rien n'a été fait jusqu'à présent pour prendre au sérieux l'interruption volontaire de grossesse et la contraception !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Je n'ai pas dit cela !

Mme Muguette Jacquaint.

J'en entend beaucoup sur vos bancs qui se réclament de la loi Veil. A l'époque, vous n'étiez pas tous ici, mais moi, je suivais les débats.

Dois-je vous rappeler que, s'il n'y avait pas eu la gauche, la loi Veil n'aurait pas été votée ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Alors ne faites pas semblant de la regretter : pas plus que vous ne vouliez de la loi Veil, vous ne voulez aujourd'hui qu'elle évolue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Bernard Perrut.

Notre collègue Bernadette IsaacSibille a développé plusieurs points qui tous justifient le renvoi en commission. Je retiendrai plus spécialement ceux qu'elle a développés en premier lieu.

Pourquoi la commission des lois n'a-t-elle pas été saisie de cette modification importante, de nature juridique, qui touche au statut même de membres de notre société, je veux parler de ce problème de responsabilité que nous avons évoqué hier en commission des affaires sociales ? Il aurait été bon, me semble-t-il que la commission des lois, puisse à tout le moins donner son avis, dans la mesure où, vous-mêmes le reconnaissez, il s'agit de modifications juridiques importantes.

La commission des affaires sociales a examiné les amendements, avez-vous dit, madame Jacquaint. Encore heureux ! C'était la moindre des choses... Mais n'aurait-il pas fallu qu'elle entende également des experts...

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Exactement !

Mme Béatrice Marre.

Nous l'avons fait ! Ce n'est pas parce que vous n'étiez pas là que cela n'a pas eu lieu !

M. Bernard Perrut.

... procède à des auditions afin d'éviter tout malentendu entre nous, selon que nous évoquons la position de tel médecin ou tel spécialiste ? Il aurait été bon que nous soyons tous réunis,...

Mme Catherine Picard et M. Marcel Rogemont.

Il fallait venir !

M. Bernard Perrut.

... quels que soient les bancs auxquels nous appartenons, dans le cadre de cette commission afin d'écouter les spécialistes représentatifs de tous ces problèmes.

Mme Isaac-Sibille a également soulevé plusieurs problèmes qui touchent à l'équilibre même de cette loi. Car cette loi est peut-être une loi de certitudes et vos certitudes touchent peut-être avant tout à l'interruption volontaire de grossesse, au détriment de toute la politique d'accompagnement à la vie...

M. Marcel Rogemont.

Pourquoi ne l'avez-vous pas mise en place ?

M. Bernard Perrut.

... ou aux personnes en difficulté et que nous nous devons de soutenir.

Autant de motifs, me semble-t-il, qui justifient le renvoi de ce projet de loi en commission pour un examen plus approfondi, pour un meilleur équilibre, dans l'intérêt de toutes les femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

Discussion des articles

Mme la présidente.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Avant l'article 1er

Mme la présidente.

M. Charles, Mme Robin-Rodrigo, MM. Pontier, Tourret, Charasse, Defontaine, Franzoni, Honde, Nunzi, Rebillard, Rigal, Vernaudon, et Warhouver ont présenté un amendement, no 17, ainsi rédigé : Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'article premier de la loi no 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse et l'article L.

2211-1 du code de la santé publique sont abrogés. ».

La parole est à M. Bernard Charles.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 29 NOVEMBRE 2000

M. Bernard Charles.

Je retire cet amendement.

Mme la présidente.

L'amendement no 17 est retiré.

Mme Boutin, MM. René André, Baguet, Bassot, Loïc Bouvard, Bertrand, Briane, Caillaud, Chossy, Delattre, Deprez, Deniau, Dord, Dutreil, Foucher, Gantier, de G astines, Gengenwin, Herr, Jean-Baptiste, Kergueris, Laffineur, Landrain, Ligot, Christian Martin, MartinLalande, Micaux, Millon, Morange, Myard, Nicolin, Paecht, Préel, Quentin, Reymann, Rigaud, Rochebloine, de Villiers et Michel Voisin ont présenté un amendement, no 55, ainsi rédigé :

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Après l'article L.

2211-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L.

2211-1 bis ainsi rédigé :

« Art.

L. 2211-1 bis. - Le droit de toute femme enceinte à mener à terme sa grossesse doit être respecté. Aucune femme ne doit avoir à recourir à une interruption volontaire de grossesse pour des raisons économiques ou professionnelles.

« Aucune pression psychologique ou financière ne doit être exercée sur une femme enceinte pour l'inciter à recourir à une interruption volontaire de grossesse, y compris en cas d'une forte probabilité de maladie grave et incurable pour l'enfant à naître. »

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

J'ai présenté cet amendement avec quarante-deux de mes collègues.

Il est essentiel de prendre conscience des raisons qui incitent les femmes à avorter. Le professeur Nisand, à qui vous aviez demandé de rédiger un rapport, indique que

« des grossesses trop rapprochées, un état de santé déficient, un logement trop exigu pour accueillir un enfant de plus, une instabilité du couple ou une instabilité financière - mari, concubin ou femme elle-même en voie de licenciement, au chômage ou RMI comme seul revenu - sont les principales causes de demandes d'avortement ».

On ne peut que regretter de constater que dans un pays développé comme la France un grand nombre des causes évoquées sont d'ordre économique : chômage, peur du licenciement, logement, etc. S'y ajoutent des raisons psychologiques, notamment pour les femmes seules, qui souffrent du regard porté par la société sur leur grossesse, qui se retrouvent isolées à un moment où elles sont plus faibles, où elles ont besoin d'être entourées. Les femmes craignent également de ne pouvoir offrir un avenir stable à leur enfant ou de ne pas être suffisamment disponibles et prêtes pour l'accueillir. Les difficultés qu'elles ont pour concilier - « articuler », a-t-on dit hier - leur vie familiale et leur vie professionnelle les font hésiter à mener leur grossesse à terme.

Toute initiative visant à harmoniser, à mieux équilibrer les conditions de travail des femmes et à changer le regard des entreprises sur les femmes enceintes contribuera à développer une société plus accueillante pour la femme enceinte.

L a pression sociale, conjugale ou familiale peut conduire les femmes à se résigner à avorter malgré elles.

C'est la raison d'être de mon amendement no 55 qui propose d'insérer, dans les principes généraux concernant l'avortement, un article posant le principe qu'aucune pression ne saurait être exercée sur la femme enceinte pour l'inciter à recourir à l'IVG.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la rapporteure, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no

55.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Avis défavorable, bien entendu.

M. Christian Martin.

Pourquoi « bien entendu » ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Si nous avions un article fondateur à écrire au début de cette loi, ce serait : « Toute femme a le droit de choisir sa maternité, soit de la poursuivre, soit de l'interrompre, et cette femme prend sa décision en toute responsabilité. »

La femme, tout comme l'homme, d'ailleurs, est certes soumise aux pressions de son environnement, et ce pour tous les actes de la vie, du plus banal au plus fondamental. Quand nous, femmes, parlons de cela, nous disons que nous concilions nos rôles, nos rôles de femme, de mère, d'épouse, de salariée. Nous sommes même devenues les championnes de la concertation et cet exercice quotidien, à mon sens, renforce nos capacités d'appréciation des situations ! Vous dépréciez sacrément les femmes, madame Boutin, lorsque vous les croyez capables, sous la pression, de perdre leur libre arbitre devant un acte aussi fondamental !

Mme Christine Boutin.

Elles le disent elles-mêmes !

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Moi, madame, je fais confiance aux femmes dans leur capacité de choix. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Il est évident qu'une femme a le droit de mener sa grossesse à terme. C'est établi, c'est la liberté de tout un chacun, c'est l'objectif poursuivi par le projet de loi : il se borne à renforcer un droit et à en garantir les conditions d'exercice. Cela n'a jamais constitué ni une incitation ni une obligation. Il n'y a donc vraiment pas lieu de prendre ces précautions.

Quant à la deuxième affirmation de votre amendement, selon laquelle aucune femme ne doit avoir à recourir à une IVG pour des raisons économiques ou professionnelles, elle n'a aucune valeur opératoire dans la mesure où seule l'intéressée est à même de juger si sa situation économique, professionnelle, affective, psychologique lui permet de poursuivre ou non sa grossesse. Il s'agit d'un droit individuel, imprescriptible.

La dernière affirmation enfin, qui laisse entendre qu'un médecin userait de pressions psychologiques au motif qu'il aurait révélé la présence d'une maladie grave ou d'un risque, n'a pas davantage de valeur juridique. Aussi le Gouvernement propose-t-il de rejeter cet amendement.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Je regrette l'excès de certaines interventions. Je n'ai pour ma part pas cosigné cet amendement, mais j'y vois une intention autrement plus généreuse que ce que laissent supposer les réponses de notre rapporteure ou de Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. A les entendre, cet amendement viserait à restreindre la possibilité des femmes à recourir à l'IVG.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 29 NOVEMBRE 2000

En fait, j'y perçois surtout une volonté d'aider les femmes enceintes confrontées à des situations qu'il me paraîtrait particulièrement intéressant de fouiller, de nature sociale, financière, ou encore liées aux conditions de logement.

C'est certainement un angle d'observation différent du problème majeur que nous examinons ensemble aujourd'hui. Il serait particulièrement heureux que l'on travaille de façon constructive, sans a priori ou prise de position préalable, sans prêter aux uns ou aux autres je ne sais quelle intention manichéenne.

Je crois qu'il serait intéressant de lire les amendements, et en particulier un certain nombre d'amendements de l'opposition, sous cet angle. Celui-ci ne restreint en rien l'accès à l'IVG, il est destiné à aider la femme qui souhaite poursuivre sa grossesse mais qui se sent dans l'incapacité humaine ou matérielle de mener à bien la plus belle entreprise qu'une femme puisse conduire.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Hélène Mignon.

M me Hélène Mignon.

J'ai l'impression qu'on se trompe de texte de loi.

M. Marcel Rogemont.

Exactement !

Mme Hélène Mignon.

Lorsqu'une femme veut garder son enfant, c'est vers d'autres structures qu'elle va se tourner...

M. Jacques Myard.

Lesquelles ?

Mme Hélène Mignon.

... et certainement mais pas vers le centre de planification ou vers quelqu'un qui pratique des interruptions volontaires de grossesse.

M me Christine Boutin.

Vers quelles structures va-t-elle ?

Mme Hélène Mignon.

Il y a des services sociaux, il y a l'aide au logement. J'avoue que je ne comprends pas très bien.

Quant à interdire toute pression psychologique pour inciter une femme enceinte à recourir à une interruption volontaire de grossesse, y compris en cas de forte probabilité de maladie grave et incurable pour l'enfant à naître, nous sommes à un autre niveau. Ce serait une interruption médicale de grossesse et nous ne sommes pas du tout dans ce cadre. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Bernard Charles.

Tout à fait !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

55. (L'amendement n'est pas adopté.)

M me la présidente.

Mme Boutin, M. André,

M. Baguet, Mme Bassot, MM. Loïc Bouvard, Bertrand, Briane, Caillaud, Chossy, Deprez, Delattre, Deniau, Dord, Dutreil, Foucher, Gantier, de Gastines, Gengenwin, Hériaud, Herr, Mme Idrac, MM. Jean-Baptiste, Kerguéris, Laffineur, Landrain, Ligot, Christian Martin, Martin-Lalande, Micaux, Millon, Morange, Myard, Nicolin, Paecht, Préel, Quentin, Reymann, Rigaud, Rochebloine, de Villiers, Michel Voisin ont présenté un amendement no 56, ainsi libellé :

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Après l'article L.

2211-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L.

2211-3 ainsi rédigé :

« Art.

L. 2211-3. - Toute femme enceinte en situation de détresse doit recevoir une information complète sur l'interruption volontaire de grossesse et ses conséquences médicales et psychologiques, ainsi que sur toutes les solutions proposées concernant :

« les aides matérielles précises auxquelles elle aura droit compte tenu de sa situation ;

« l'hébergement d'urgence ;

« la possibilité d'un suivi psychologique pendant la grossesse, après un avortement, ou après la naissance ;

« la possibilité de confier son enfant à l'adoption, sans toutefois qu'aucune pression en faveur de l'adoption ne soit exercée pendant la grossesse. »

Sur cet amendement, M. Estrosi a présenté un sousamendement, no 110, ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 56 par les deux alinéas suivants :

« Chaque année, une grande campagne d'information doit avoir lieu sous la coordination des services de l'Etat, par l'intermédiaire de l'ensemble des moyens de diffusion de l'information, sur la contraception. »

« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application de cet article. »

La parole est à Mme Christine Boutin, pour soutenir l'amendement no

56.

Mme Christine Boutin.

Cet amendement, comme tous ceux que je défendrai, est cosigné par quarante-deux parlementaires.

Mme Béatrice Marre.

Vous voulez dire qu'il y en a 250 qui ne l'ont pas signé ?

Mme Christine Boutin.

Il est particulièrement important puisque Mme la rapporteure nous a proposé de supprimer un certain nombre d'informations préalables à l'avortement et que la commission a accepté.

Le dossier-guide prévoit une assez bonne information mais, comme l'ont constaté différents experts, il n'est pas toujours donné et l'information qu'il contient n'est pas toujours actualisée. Je pourrais vous lire, en particulier, mais je vous en ferai grâce, des extraits du rapport Nisand.

La mauvaise information des femmes enceintes sur leurs droits et l'aide qu'elles peuvent obtenir ne contribue pas à modérer la pression exercée sur celles qui sont en difficulté, à les tranquilliser et à leur faciliter la conduite d'une grossesse à terme. Une femme enceinte a besoin d'être rassurée sur les moyens matériels, financiers et psychologiques dont elle dispose pour mener à terme sa grossesse et créer un foyer accueillant pour son enfant.

La loi doit donc remédier à cette absence d'informations.

Toute femme enceinte en situation de difficulté et de fragilité doit recevoir une information complète sur l'avortement et ses conséquences, notamment psychologiques, ainsi que sur toutes les solutions proposées : aide matérielle, hébergement d'urgence, suivi psychologique, aide éducative à l'accueil de l'enfant, possibilité de confier son enfant à l'adoption, sans qu'aucune pression en faveur de l'adoption soit exercée pendant la grossesse.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 29 NOVEMBRE 2000

Mme Muguette Jacquaint.

Et l'abandon, ce n'est pas traumatisant ?

M. Pierre Cohen.

C'est incroyable !

Mme Christine Boutin.

Cette information est tellement importante qu'il convient d'en faire un principe général et de la placer dans le code de la santé publique dans la partie sur les principes généraux, même si les informations à donner sont précisées dans le guide.

Il est très important de faire de l'information un principe général du droit afin que la femme puisse, en toute connaissance de cause, prendre la décision soit d'aller vers l'avortement, soit de garder son enfant.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Rejet, et j'ajouterai simplement un mot à ce qu'ont dit mes collègues. Pour ma part, je ne proposerai jamais à une femme qui désire interrompre une grossesse d'abandonner l'enfant à la naissance. Cette solution est proprement inhumaine...

Mme Muguette Jacquaint.

Bien sûr !

M. Pierre Cohen.

C'est honteux !

Mme Christine Boutin.

Vous le direz aux femmes qui ne peuvent pas avoir d'enfant ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Marcel Rogemont.

Cela n'a rien à voir !

Mme la présidente.

Veuillez laisser Mme la rapporteure s'exprimer !

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Si une IVG est souvent un acte douloureux pour une femme, nous savons aussi la souffrance d'une femme contrainte d'abandonner un enfant à la naissance.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait !

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Aussi, je ne substituerai pas une souffrance à une autre, une culpabilité à une autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Rejet.

Mme la présidente.

La parole est à M. Christian Estrosi pour soutenir le sous-amendement no 110.

M. Christian Estrosi.

Depuis plus de vingt ans, immuablement, nous voyons le nombre d'IVG annuelles demeurer le même, et même progresser.

Mme Yvette Roudy.

C'est faux ! Il diminue depuis le début !

M. Christian Estrosi.

Au moment où s'engage ce débat, et en dépit de son utilité, on peut imaginer que, quelque part, ce sera aussi une espèce de communication négative, venant de surplus après le débat sur la contraception d'urgence.

Je crois que nous serions bien avisés de prendre toutes les mesures nécessaires pour organiser la prévention, qui n'a pas été assurée jusqu'à présent. L'éducation nationale n'a pas joué tout son rôle. Organisons cette prévention par voie législative puisque nous n'y sommes pas parvenus ces dernières années par la voie traditionnelle.

Je propose donc d'imposer une grande campagne d'information chaque année pour que personne n'ait à recourir dans les années à venir à cette législation.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Bien que ce sous-amendement n'ait pas été examiné par la commission, je suis contrainte de le rejeter, d'autant qu'il modifie un amendement auquel nous sommes défavorables.

M. Marcel Rogemont.

C'est surtout ça !

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Il est faux de dire qu'il n'y a pas eu de campagne d'information depuis vingt ans, il y en a eu une au mois de janvier dernier et le Gouvernement a pris l'engagement de le réitérer chaque année. Ce sous-amendement n'a donc pas lieu d'être et j'en demande le rejet.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Encore ?

M. Bernard Accoyer.

Là encore, j'ai été vraiment surpris par la vigueur de la réponse apportée par notre rapporteure.

L'amendement no 56, même s'il témoigne d'une position - mais il est normal qu'il y ait des positions différentes et c'est même souhaitable - prévoit tout simplement le droit à l'information.

Nous vous entendons beaucoup parler de droits, et c'est une très bonne chose, mais le premier des droits, c'est celui de savoir, et la pire des injustices dans notre pays, pour l'accès aux soins, dans des situations où on doit pouvoir se tourner vers des structures, des institutions, s'agissant qui plus est d'une démarche particulièrement douloureuse et pénible, celle de l'IVG, c'est l'inégal ité culturelle, l'inégalité de l'accès au savoir, à l'information : que puis-je faire, comment dois-je le faire, où dois-je aller ?

Mme Muguette Jacquaint.

Non, ce n'est pas un problème d'information !

M. Bernard Accoyer.

Il me semble donc que cet amendement aurait mérité un débat plus serein, sans a priori

Quant au sous-amendement de Christian Estrosi, il est vrai, madame la secrétaire d'Etat à la santé, que nous ne pouvons guère être fiers des campagnes de prévention qui sont conduites en France.

Quand on regarde ce qui se passe dans tous les grands pays comparables au nôtre en matière d'éducation à la santé, de campagne d'information sur la contraception, ou d'éducation sexuelle, et même, hélas, en matière de maîtrise de certaines épidémies, et je pense au sida,...

Mme Raymonde Le Texier.

Ne mélangeons pas tout !

M. Bernard Accoyer.

... il faut bien reconnaître que l'action de votre ministère n'est guère brillante et qu'il conviendrait d'accorder plus d'attention à ces problèmes et même la priorité.

Mme la présidente.

Je vous redonne la parole, monsieur Estrosi, mais pour une minute !

M. Christian Estrosi.

Mme la secrétaire d'Etat aurait pu faire preuve de plus de modestie pour parler des campagnes qu'elle mène pour l'information et la communica-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 29 NOVEMBRE 2000

tion, car, en réalité, elle a tout simplement revendiqué son propre échec ! Si c'était un succès, ça se saurait (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Patrick Delnatte.

Oui, et Mme Roudy l'a dit ellemême !

M. Christian Estrosi.

... et vous n'annonceriez pas aujourd'hui les chiffres que vous annoncez.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes.

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Pardonnez-moi de prendre encore quelques instants de votre temps, mais certains d'entre vous n'étaient peut-être pas présents lorsque je me suis exprimée.

M. Bernard Accoyer.

Nous étions là ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à formation professionnelle.

Pour la première fois depuis 1982, une très grande campagne d'information sur la c ontraception se déroule tout au long de cette année 2000.

J'ai montré tout à l'heure le guide de poche : douze millions d'exemplaires ont été distribués sur l'ensemble du territoire, à travers un partenariat que le ministère de l'emploi construit avec d'autres ministères, comme l'éducation nationale, la jeunesse et les sports, mais aussi avec l'ensemble des services déconcentrés et l'ensemble du réseau associatif. C'est parce que nous avons pu travailler en partenariat que cette campagne a été un succès. Allez dans vos circonscriptions, et vous le constaterez. J'essaie moi-même de faire un suivi le plus sérieux possible de cette campagne, et les retours sont extrêmement positifs.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas arrivé dans ma circonscription !

M. Christian Estrosi.

Ni dans la mienne ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Cela a coûté 20 millions de francs.

Je suis tout à fait d'accord sur la nécessité d'une campagne annuelle.

M. Bernard Accoyer.

C'est ce que nous disons, madame la secrétaire d'Etat ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, le Premier ministre a arbitré et, dans le budget 2001, 20 millions de francs sont à nouveau fléchés pour la campagne sur la contraception de l'année prochaine.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas grand-chose à côté de ce que vous avez donné à l'Humanité ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Marcel Rogemont.

Vous, vous n'avez pas donné grand-chose à l'humanité ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

C'est un sujet qui me tient très à coeur. Celles et ceux d'entre vous qui s'y intéressent savent très bien que c'est une action de fond, permanente, qui mobilise toute mon énergie.

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no 110.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

56. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

Mme la présidente.

Je donne lecture de l'article 1er :

TITRE Ier

INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE

« Art.

1er L'intitulé du chapitre II du titre Ier du livre II de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« C HAPITRE II

« Interruption pratiquée avant la fin de la douzième semaine de grossesse » Plusieurs orateurs sont inscrits au cet article.

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

Je crois que nul ne peut, sur l'avortement, réagir à l'emporte-pièce, et surtout à travers des slogans. Lorsque ce projet de loi est arrivé sur mon bureau, je me suis bien gardé d'avoir une position tranchée et j'ai essayé de comprendre de quoi il retournait.

J'ai consulté un certain nombre de médecins et d'associations, et je me suis rapidement aperçu que ce projet, je le regrette, était hors sujet.

Selon les chiffres présentés par les rapporteures et le G ouvernement, 220 000 avortements sont pratiqués chaque année dans notre pays. C'est pratiquement un record en Europe. Ce chiffre me paraît scandaleusement élevé alors qu'il existe des moyens de contraception très divers et accessibles. Malheureusement, de très nombreuses femmes en sont encore réduites à avorter alors même qu'il y avait d'autres méthodes.

Le Gouvernement, pour résoudre cette question grave, nous propose d'allonger de dix à douze semaines le délai légal pour avorter. Il restera encore 3 000 cas, dites-vous vous-même....

Mme Danièle Bousquet.

Mais non !

M. Jacques Myard.

... et, à l'évidence, l'effet de seuil sera toujours présent.

Dans ces conditions, je me demande si votre démarche n'est pas idéologique et si vous ne vous trompez pas de projet.

La réalité est que nous devons agir aujourd'hui par tous les moyens possibles, et je me réjouis qu'il y ait des campagnes d'information, même si, personnellement, je n'en ai pas eu directement connaissance. Il est vrai que j'ai déjà élevé mes enfants. Il n'en demeure pas moins que c'est en matière de prévention que nous devons agir, car ce chiffre de 220 000 avortements est proprement incroyable dans un pays dans lequel il existe tous les moyens mis à disposition, remboursés par la plupart.

J'ajoute que le problème éthique, que ce soit à dix semaines ou à douze, est le même.

Dès lors, le seul risque, et cela a été souligné à juste titre par de nombreux orateurs de l'opposition, est, à travers l'échographie - je ne dis pas que ce sera la démarche de toutes les femmes - un risque d'eugénisme. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 29 NOVEMBRE 2000

Mme Yvette Roudy.

C'est de Villiers qui le disait !

M. Jacques Myard.

Même le professeur Nizand, vous le savez, vous l'a dit. Vous ne pouvez pas simplement dire : « Oh ! », vous devez regarder la réalité en face.

Mme Yvette Roudy.

On la regarde !

M. Jacques Myard.

Il y a aussi dans votre projet, à l'évidence, quelque chose qui trouble, au-delà des clivages politiques, tous les Français et toutes les Françaises, c'est le problème des mineures.

Oh, je sais qu'il n'est pas facile, dans certains cas, d'instaurer un dialogue serein entre des adolescents et des parents et je suis d'accord qu'un tiers, un adulte référent, peut aider grandement les choses. Je ne pense pas qu'il faille pour autant ignorer la famille. Je souhaite que les parents soient toujours informés, même en présence d'un tiers référent, pour faciliter les choses.

Mme Raymonde Le Texier.

Parfois, c'est mettre la jeune fille en danger.

M. Jacques Myard.

Vous ne renforcez pas la cellule familiale, vous ne renforcez pas la responsabilité des parents, vous les déresponsabilisez un peu plus et encore davantage. Vous voulez que nous légiférions sur des cas qui restent, heureusement, des cas uniques. Ce n'est pas ainsi que nous devons agir. L'exclusion des parents constitue, à mes yeux, une faute.

Mme Raymonde Le Texier.

Nous n'avons jamais parlé de cela ! Ce n'est pas dans la loi.

M. Jacques Myard.

C'est écrit noir sur blanc. Relisez votre texte.

Et puis, il est manifeste qu'il faut des enfants en France.

Mme Marie-Françoise Clergeau.

La natalité augmente !

M. Jacques Myard.

Le projet ne dit rien à ce sujet et c'est une véritable aberration. Il est urgent de mettre en place des moyens pour accueillir les enfants, nous en avons tous besoin, les familles en ont besoin, et je regrette profondément que vous vous en soyez tenus à des symboles et que vous ne traitiez pas les problèmes au fond.

Mme Raymonde Le Texier.

Lamentable ! Egal à luimême !

Mme la présidente.

La parole est à Mme MarieThérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

L'article 1er a trait à l'allongement de dix à douze semaines du délai légal pour l'IVG.

Je rappelle les chiffres dramatiques que nous avons tous évoqués plus ou moins, mais qu'il me paraît important de rappeler. En moyenne, chaque femme en France serait confrontée au cours de sa vie à une grossesse non prévue, et une sur deux à une IVG. On parle de 220 000 avortements par an en France, mais avons-nous bien pris en compte les quotas à respecter dans les établissements privés, qui font passer les avortements surnuméraires en actes chirurgicaux, pouvons-nous compter ce qu'il y a dans les poubelles ou dans les vide-ordures ? Par conséquent, 220 000 IVG par an, c'est certainement un chiffre de base...

M. Bernard Accoyer.

C'est bien plus !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

... et j'ai peur que le vrai chiffre soit supérieur.

Tout cela pour dire qu'il y a peut-être mieux à faire que d'allonger le délai légal, à commencer par assurer une meilleure contraception.

Les échecs de la contraception ne sont pas tous évitables, mais on peut faire en sorte qu'ils soient moins nombreux. Les actions envisageables concernent surtout l'amélioration du contexte de prescription qui devrait permettre aux femmes de vraiment choisir elles-mêmes une méthode adaptée à leur mode de vie et à leur sexualité.

M. Marcel Rogemont.

Nous sommes d'accord !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Plus l'offre sera diversifiée en matière de contraception, incluant notamment la stérilisation, moins il y aura d'échecs.

La formation des prescripteurs aux enjeux psychologiques et sociaux de la contraception et de l'IVG s'avère d'autre part indispensable. Chez les jeunes - je me répète, mais c'est important -, l'accès à l'information contraceptive passe d'abord par une reconnaissance sociale de leur sexualité. On peut espérer aussi qu'un accès plus facile à la contraception, notamment à la contraception d'urgence, permettra de réduire chez eux le nombre de rapports sexuels non protégés.

Nous avons bien du travail à accomplir en matière de contraception. Nous en avons également beaucoup pour permettre une meilleure accessibilité à l'IVG. Nous avons encore fort à faire, comme disait Mme Aubry, « pour améliorer la mise en oeuvre effective des acquis de la loi de 1975 ». « Il est absolument anormal, ajoutait-elle, que l'accès à l'IVG reste encore souvent pour les femmes de notre pays une course d'obstacles. »

Les femmes, en règle générale, s'alertent tôt, mais les délais de rendez-vous dans les hôpitaux sont trop longs, particulièrement en été, et conduisent certaines d'entre elles à subir des IVG plus lourdes car que plus tardives.

Le rapport du professeur Nisand parle du « contingentement systématique » du nombre d'IVG, du refus par certaines structures d'accueillir des femmes qui ont déjà eu une IVG ou qui ne résident pas dans la ville ou le département, de la discontinuité du service public pendant la période estivale, de l'insuffisance de personnel qualifié, qui devrait être « mieux réparti sur toutes les structures hospitalières ». Le docteur Aubény évoque, pour sa part, la résistance manifeste à l'IVG de certains patrons obstétriciens qui choisissent des attachés euxmêmes opposés à cet acte. Elle dénonce aussi le détournement des vacations.

Le professeur Nisand conclut qu'il existe, pour le service public, une obligation de résultat, qui doit être sanctionnée par une analyse qualitative réalisée par l'ANAES.

Cela ne met pas en cause la clause de conscience personnelle, mais seulement la clause de conscience du service public. Quelle que soit leur position personnelle, les chefs de service ne doivent pas interdire à leurs adjoints de pratiquer des IVG. Le professeur Broussart de Valence insiste sur la nécessité de l'adhésion du personnel au projet, et le docteur Aubény, très pragmatique, avec d'autres de ses collègues, sur la nécessité d'améliorer le statut des vacataires. Dans de nombreux services, les médecins qui pratiquent des IVG sont dévalorisés et mal payés et, de ce fait, de plus en plus difficiles à trouver. Une vacation rapporte 260 francs par matinée, mais une IVG médicamenteuse, qui demande une surveillance médicale de trois heures, n'est payée que 150 francs.

L'allongement du délai ne va pas non plus dans le sens de l'évolution de la société et des techniques. Les femmes avortent de plus en plus tôt : environ 80 % à huit


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semaines de grossesse. En Hollande, elles avortent dans des délais encore plus courts. Demain, l'IVG médicamenteuse, sur laquelle nous reviendrons, va se développer.

A terme, on pense qu'elle constituera 30 % des actes.

Déjà, en Suède, dans certaines structures hospitalières, elle peut se pratiquer à hauteur de 70 %. Je vous rappelle que cette forme d'IVG doit se pratiquer avant le quarante-neuvième jour de grossesse. Tout milite en faveur, non d'un allongement du délai, mais au contraire de sa diminution, pour que la femme prenne sa décision et passe à l'acte.

Je voudrais encore une fois, après l'avoir fait moultes fois en commission mais sans avoir jamais obtenu de réponse, vous demander pourquoi vous avez fait le choix de douze semaines. Tout le monde s'accorde à dire que les chiffres donnés par le planning familial sont les bons.

Environ 40 % de femmes - deux sur dix - sont entre dix et douze semaines. Le professeur Nisand, qui parlait de 80 %, a précisé que ce chiffre ne concernait en fait que l'Alsace.

P ourquoi, dans ces conditions, s'arrêter à douze semaines ? Pourquoi ne pas aller plus loin ? Vous légiférez pour 1 % des femmes qui avortent,...

M. Jacques Myard.

Eh oui !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

... et laissez sur le carreau, sans solution, les femmes les plus démunies, celles qui sont au-delà de quatorze semaines.

Pour toutes ces raisons, il me semble totalement inutile de porter le délai de dix à douze semaines. J'exposerai plus tard, madame la présidente, la question de la réticence des médecins, qui constitue un autre argument.

(M. Raymond Forni remplace Mme Christine Lazerges au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M. le président.

La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac.

L'article 1er , qualifié par notre rapporteure de fondateur, me paraît assez représentatif de la démarche dogmatique du Gouvernement. Lorsqu'une loi est mal appliquée, on en fait une autre.

Depuis l'adoption des lois Neuwirth et Veil, utiles et courageuses, on sait qu'il est pratiqué chaque année en France environ 220 000 avortements volontaires, soit un a vortement pour 3,5 naissances. Cette statistique démontre que, contrairement à l'intention du législateur de 1975, deux mesures d'accompagnement de la législation de l'IVG fonctionnent très mal : d'une part, l'information de la population - pas seulement des femmes, car ce débat concerne aussi les hommes, notamment les adolescents et les jeunes adultes - sur la maîtrise responsable de leur sexualité, dont fait partie la contraception humaine ; d'autre part, un soutien psychologique, moral et financier aux femmes qui sont enceintes sans l'avoir souhaité, et qui doivent pouvoir choisir librement entre l'acceptation de la vie et l'IVG, avec un véritable entretien, un vrai suivi de chaque cas.

Car, enfin, n'est-ce pas manquer quelque peu de courage - et c'est un euphémisme - que de se décharger sur une loi d'ordre quantitatif - dix à douze semaines - de notre incapacité à soulager les véritables détresses ? Certaines femmes qui ont avorté, abandonnées par leur mari ou leur compagnon, ou rejetées par leur famille si c'étaient de très jeunes filles, n'ont pu surmonter leur désespoir. La quarantaine passée, il leur arrive de regretter l'enfant qu'elles n'ont pas eu, car les circonstances d'une vie instable et trop dure ne leur ont pas permis d'en avoir un autre.

Vous faites donc une loi pour « résoudre », dites-vous, le cas des 5 000 femmes qui interrompent leur grossesse au-delà des dix semaines prévues par la loi. Sur ces 5 000, 2 000 avortent entre dix et douze semaines, 3 000 au-delà.

Ce sont souvent les plus démunies, celles qui n'ont pas bénéficié d'une orientation ou d'une information suffisante. Faudra-t-il dans deux ans, porter le délai à quinze ou vingt semaines pour coller à la triste réalité ? La réalité, c'est que votre texte est une mauvaise réponse à un vrai problème.

S'il est en effet anormal que de très nombreuses femmes soient contraintes de partir pour l'étranger mettre un terme à une grossesse non désirée, la moitié ont déjà dépassé ce délai de douze semaines. La prolongation du délai va conduire à retarder d'autant la difficile prise de décision des femmes et laisser de côté celles qui l'ont dépassé.

On nous dit qu'il n'y a à cela aucune contre-indication m édicale. Vous savez bien, pourtant, qu'aspirer un embryon ou extraire un foetus déjà presque solide avec une tête et des membres (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste), ce n'est pas la même chose, et que les risques ne sont pas les mêmes pour la femme, que la responsabilité n'est pas identique pour les médecins qui, dans leur très grande majorité, rejettent l'idée de la prolongation.

Il est clair que les questions que vous posez et que je me pose, comme femme et comme mère, ne sont pas résolues par cette loi. Il faut abréger les délais d'attente administratifs et techniques, pour les femmes qui se posent, à temps pour avorter légalement, la question de l'IVG. Nous avons sur ce point déposé un amendement.

Pour d'autres, l'avortement médical est une sortie dès lors qu'une indication médicale, avec toutes ses incidences psychologiques, est constatée par une instance qualifiée.

Nous avons, là aussi, déposé des amendements.

En présentant sa loi, Mme Simone Veil disait qu'un avortement est le signe d'un échec. C'est toujours un drame.

M. Jacques Myard.

Eh oui !

Mme Martine Aurillac.

Le rôle du législateur est de permettre que les femmes, seules devant leur décision, et qui connaissent déjà de telles difficultés, puissent décider sans se heurter à des obstacles qui ne leur sont pas imputables, et qui réduisent à quelques heures chaotiques le délai raisonnable fixé par le législateur de 1975. Il faut aussi dégager les moyens matériels et financiers, notamment dans le secteur hospitalier, pour une meilleure application de la réglementation actuelle. Il faut enfin que notre société organise l'accueil de la vie et se donne les moyens de lutter contre la solitude et l'abandon.

Ce débat rejoint tous ceux, rudes pour nos consciences, que suscitent l'évolution des sciences et des techniques et leur impact sur l'humanité. Sur ces thèmes à haute charge éthique, on aurait pu rêver qu'un libre débat, serein, s'instaure, sans caricature et sans clivage partisan. L'opposition a fait en sorte qu'il en soit ainsi. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Mais je voudrais dire ma perplexité devant la belle unanimité de la majorité. Un débat d'une telle gravité, du point de vue scientifique, médical, psychologique, social et moral, méritait, me semble-t-il, mieux qu'un texte de circonstance et,


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pourquoi ne pas le dire franchement, quelque peu électoraliste. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Mme Aurillac, votre temps de parole est terminé. Veuillez conclure, s'il vous plaît.

Mme Martine Aurillac.

En ce qui me concerne, aux fausses certitudes, je préférerai toujours le doute. Quelques collègues de l'opposition, dont je respecte parfaitement la démarche et les interrogations, voteront sans doute ce texte. Pour ma part, je ne pourrai le voter, car il ne répond pas plus aux situations de réelle détresse qui sont invoquées qu'aux carences de notre société face à ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Marcel Rogemont.

Vous n'avez pas voté non plus en 1975 !

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Les articles 1er et 2 visent à prolonger les délais légaux pour les IVG, en cas de détresse, de dix à douze semaines. Que les choses soient claires : que l'interruption de grossesse se pratique au bout de dix, de douze ou de vingt-deux semaines après la conception, ou même juste avant la naissance, comme aux Etats-Unis, c'est toujours une atteinte à la vie. Quels que soient les délais, il est porté atteinte à ce principe.

Quels que soient nos choix politiques et notre position dans l'hémicycle, nous avons tous et toutes été d'accord pour reconnaître que, après vingt-cinq ans d'application de la loi de 1975, il y avait trop d'avortements en France.

Face à ce constat d'échec, le Gouvernement propose d'allonger les délais. J'avoue avoir le plus grand mal à comprendre la logique d'un tel raisonnement. D'un côté, on dit qu'il y a trop d'avortements ; de l'autre, on facilite l'accès à l'interruption de grossesse par l'allongement des délais.

On explique par ailleurs que la France doit aligner sa législation en la matière sur celles des différents pays européens. Or, cinq sur quinze, seulement, sont à douze semaines. Si chaque pays se tient ce raisonnement, tous finiront par allonger les délais d'une, de deux, voire de trois semaines. La France a bien une attitude suiviste.

Je ne suis pas médecin, mais, comme tous mes collègues, j'ai consulté des obstétriciens. Tous s'accordent à redouter...

M. Marcel Rogemont.

Ceux que vous avez consultés !

Mme Christine Boutin.

... des complications - je suis surprise que vous le contestiez.

Ce ne sont d'ailleurs pas seulement les médecins que j'ai consultés qui s'expriment ainsi. Mme Aubry ellemême, dans son discours devant le comité de pilotage, le 14 septembre dernier, affirmait que le risque de survenue de complications augmente proportionnellement avec l'âge de la gestation.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Bien sûr, on n'a jamais dit le contraire !

Mme Christine Boutin.

Vous reconnaissez donc la réalité de ce risque supplémentaire ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Chers collègues, le débat mérite que nous nous écoutions tous avec attention, quels que soient les arguments avancés.

Mme Christine Boutin.

Merci, monsieur le président.

M. le président.

Je le dis à ceux qui sont inscrits sur l'article : ce n'est pas parce qu'on se répète qu'on est forcément plus crédible. Nous avons déjà eu une discussion générale. Je souhaite que l'on s'en tienne au commentaire des articles examinés. Mais je ne disais pas cela à votre attention, madame Boutin.

M. Jacques Myard.

M. le président ne se répète pas !

M. le président.

Cela m'éviterait, en effet, de me répéter, monsieur Myard.

Madame Boutin, vous avez la parole.

Mme Christine Boutin.

Je concluais, monsieur le président et j'ai terminé mon intervention.

M. le président.

La parole est à Mme Françoise de Panafieu.

Mme Françoise de Panafieu.

Avant de parler sur l'article, je voudrais apporter un petit correctif aux propos qu'a tenus tout à l'heure Mme Guigou en conclusion de son exposé. Elle a en effet remercié les députés de l'opposition qui, a-t-elle dit, auraient le courage de voter son texte. Je voudrais simplement rappeler que ce débat dépasse de beaucoup les clivages gauche-droite. Le courage ne consiste pas à voter ce texte. Il ne consiste d'ailleurs pas non plus à le rejeter. Il consiste simplement, et quel que soit le vote que chacun émettra, à rester fidèle à ses convictions, sans céder à la facilité, ni au fanatisme, ni au sectarisme. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le professeur Jean-Michel Dubernard, Richard Cazenave et moi-même, nous considérons que porter le délai de dix à douze semaines, c'est apporter une mauvaise réponse à un vrai problème.

M. Bernard Charles.

Ce n'est pas l'article 1er !

M me Françoise de Panafieu.

Il eût mieux valu commencer par appliquer correctement la loi Veil et s'en donner les moyens. Or, nous avons, en France - c'est vrai pour la gauche comme pour la droite - le chic de voter des textes et de ne jamais ou rarement nous donner les moyens de vraiment les appliquer.

M. Jacques Myard.

C'est malheureusement vrai !

Mme Françoise de Panafieu.

Votre projet de loi ne fait que repousser de deux semaines la prise de décision et ne règle pas la situation des très nombreuses femmes qui ont dépassé le délai des douze semaines. Elles sont, chaque année 5 000 à partir pour l'étranger, et 3 000 d'entre elles - les deux tiers - ont déjà dépassé le délai des douze semaines. En outre, au-delà de la dixième semaine, la pratique médico-chirurgicale semble s'alourdir et les risques de complications augmentent. C'est ce que disent nombre de professeurs de médecine ou d'échographistes.

Ainsi, mes collègues et moi-même proposons d'élargir les conditions d'accès à l'interruption médicale de grossesse en prenant en compte la détresse psycho-sociale grave. Les demandes seraient examinées au cas par cas par un collège pluridisciplinaire composé d'un médecin, d'un professionnel de santé, d'un psychologue, d'un travailleur social. Des centres de référence, constitués au sein des services de gynécologie ou d'orthogénie des hôpitaux et


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composés de personnels volontaires, accueilleraient, accompagneraient ces femmes et pratiqueraient les interventions.

Pour permettre une prise en charge rapide sur tout le territoire, un centre de référence serait obligatoirement organisé dans chaque département. Ainsi, une solution médicalisée pourrait être proposée aux femmes en grande détresse qui, aujourd'hui, sont obligées de se rendre à l'étranger pour y subir des opérations pratiquées dans des conditions sanitaires incertaines, et qui continueront de le faire si la seule réponse apportée à leur problème est l'allongement de dix à douze semaines du délai légal.

Cette proposition ne remettrait donc pas en cause l'équilibre de la loi Veil entre l'IVG et l'IMG. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

Nous nous sommes déjà beaucoup exprimés cet après-midi sur ce sujet et je ne parlerai que brièvement de l'article 1er , qui tend à allonger le délai légal de dix à douze semaines. Certes, si on les interrogeait dans la rue, sans doute nombre de nos concitoyens estimeraient-ils que ce passage de dix à douze semaines n'est pas une mauvaise chose et j'aurais pu partager cet avis si je ne m'étais pas renseigné auprès des établissements qui pratiquent l'interruption volontaire de grossesse, auprès de médecins, d'obstétriciens, des personnes directement concernées.

Aujourd'hui, en effet, cette mesure semble davantage un faux-fuyant qu'un vrai remède à la situation que nous connaissons. La loi de 1975, qui était déjà prévue pour répondre aux cas de détresse, a montré toutes ses limites et le nombre d'avortements est aujourd'hui très élevé.

Sur le terrain, dans les hôpitaux, on constate que la loi ne s'applique pas dans les conditions normales. Allonger le délai de dix à douze semaines n'est pas une solution.

Ce qu'il faut, c'est prendre les mesures nécessaires pour que toutes les femmes qui le souhaitent puissent avorter déjà dans le délai prévu par la loi de 1975. Pour cela, il faut mobiliser des moyens humains et des moyens matériels.

D'ailleurs, j'ai été frappé de constater que certains professionnels s'opposaient à l'allongement du délai. Le président du collège français d'échogaphie foetale lui-même, donc une personnalité respectable, étayait, dans un article récent intitulé « N'allongez pas le délai de l'IVG », sa position. J'ai ainsi mieux compris pourquoi la solution ne résidait pas dans l'allongement du délai mais bien dans les moyens qu'il fallait débloquer pour appliquer la loi.

Et ce sentiment a été renforcé à la lecture d'un article de l'Association nationale des centres d'interruption de grossesse et de contraception. A l'occasion des journées régionales d'études organisées par cette association, un signal d'alarme était lancé : les 857 établissements français, publics au privés, qui pratiquent l'IVG connaissent des problèmes, même si ceux-ci sont plus graves dans les établissements publics. Il était fait état du manque de motivation, et même de la crainte que les IVG ne puissent plus être pratiquées.

Pour toutes ces raisons, madame la secrétaire d'Etat, chers collègues, je crois qu'il faut peut-être renoncer à cet allongement de dix à douze semaines, en tout cas prendre toutes les mesures pour que la loi de 1975, qu'il ne s'agit pas aujourd'hui de remettre en cause, soit correctement appliquée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Les explications données sur l'article 1er nous permettrons sans doute d'examiner plus rapidement les amendements de suppression de cet article.

Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 34, 45, 72 et 89.

L'amendement no 34 est présenté par Mme MathieuObadia, Mme Aurillac et M. Delnatte ; l'amendement no 45 est présenté par Mme Boutin ; l'amendement no 72 est présenté par MM. Mattei, Perrut, Meylan, Proriol, Hellier, Gatignol, Goasguen, Patriarche, Clément, Lenoir, Nicolin, Rigaud, Herbillon et Lequiller ; l'amendement no 89 est présenté Mme Boisseau, les membres du groupe Union démocratie française-alliance et M. Mattei.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 1er »

La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, pour soutenir l'amendement no

34.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Il s'agit donc d'un amendement de suppression. Je crois profondément, et je remercie Françoise de Panafieu de l'avoir dit, que le clivage ne se fait pas entre la droite et la gauche,...

Mme Béatrice Marre.

Un peu quand même !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

... entre ceux qui décident de proposer cette loi et de la voter, et nous qui la refuserions. Non, le clivage se fait de personne à personne, face à sa propre conscience. Et c'est en accord avec ma propre conscience que je dis que ces deux semaines sont des semaines fatidiques.

Il y a quelques jours, j'ai entendu à la radio une émission intitulée « Ces deux semaines qui changent tout ».

C'est vrai, ces deux semaines changent tout. Elles changent la loi Veil, c'est évident, mais elles changent infiniment plus de choses en profondeur qu'il n'y paraît à première vue. Je le répète, et je continuerai à le faire non seulement parce que je suis une femme, parce que, ayant assuré des cours d'éducation sexuelle dans les écoles, je sais que certains jeunes ignorent tout, mais surtout parce que je suis médecin.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Et alors ?

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Ne pratiquant pas moi-même des IVG, j'ai interrogé des confrères, des hommes et des femmes qui pratiquent ces interventions, pour avoir leur opinion sur ce texte.

Mme Odette Casanova.

On n'a pas dû demander aux mêmes !

M me Jacqueline Mathieu-Obadia.

Ils m'ont tous répété ce qui nous avait déjà été dit lors des auditio ns.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Mais non !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Vous n'étiez pas présente pendant les auditions, madame la secrétaire d'Etat. Alors ne dites pas non !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Mais j'ai lu le rapport de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Mme la rapporteure peut témoigner. Certains médecins...


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Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Certains !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

... nous ont fait part de leur crainte de voir des collègues refuser de pratiquer des IVG à douze semaines. Il est vrai qu'une chose est de les faire à dix semaines, une autre est de les faire à douze semaines.

Je ne développerai pas maintenant les différences qui existent entre ces deux actions, mais je suis prête à le faire plus tard si nécessaire.

Telles sont, en tout cas, certaines des raisons qui me font demander la suppression de l'article 1er

M. le président.

N'ayant pas présidé le début du débat, je voudrais m'assurer que tout le monde a bien reçu le rapport du Comité national d'éthique. (« Nous l'avons ! » sur tous les bancs.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est une bonne question, monsieur le président.

M. Bernard Accoyer.

Nous l'avons reçu in extremis !

M. le président.

Permettez-moi de vous préciser, cher monsieur, que le comité a été sollicité dans les vingtquatre heures qui ont suivi la demande formulée par les groupes de l'opposition et que je ne suis pas responsable du fait que la réponse m'ait été adressée il y a quelques heures seulement.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Il était bon de le préciser, en effet.

M. Bernard Accoyer.

Je voulais simplement dire que nous nous étonnions que le Gouvernement n'ait point saisi lui-même le comité.

M. le président.

Ah, je n'avais pas compris, monsieur Accoyer.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour défendre l'amendement no

45.

Mme Christine Boutin.

Il est défendu, monsieur le président.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Perrut, pour défendre l'amendement no

72.

M. Bernard Perrut.

Il est défendu.

M. le président.

Je considère que l'amendement no 89 est défendu.

Quel est l'avis de la commission sur ces quatre amendements ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

La commission a rejeté ces amendements, monsieur le président. Je crois que tout a déjà été dit, et je ne pense pas utile de rouvrir le débat.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 34, 45, 72 et 89.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er

(L'article 1er est adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art. 2. - Dans la seconde phrase de l'article L.

2212-1 du code de la santé publique, les mots :

« avant la fin de la dixième semaine de grossesse » sont remplacés par les mots : « avant la fin de la douxième semaine de grossesse ».

Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

J'y renonce.

M. le président.

Voilà un homme raisonnable !

M. Jacques Myard.

Attendez ce que je vais dire après !

M. le président.

Madame Marie-Thérèse Boisseau, suivez donc l'exemple de M. Myard, puisque vous qui vous êtes déjà expliquée - je vous ai écoutée à la té lévision dans la discussion générale.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

J'aimerais quand même intervenir, si vous le permettez, parce que j'ai encore quelque chose à dire.

M. le président.

Je vous en prie, madame.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je propose, avec un certain nombre de mes collègues, la suppression de l'article 2.

Nous nous opposons en effet au passage de dix à douze semaines et je voudrais invoquer une raison supplémentaire à celles déjà données tout à l'heure, et il s'agit de la position des médecins. On peut toujours arguer de la liberté des femmes, encore faut-il que les médecins suivent. Allonger le délai à douze semaines sans s'assurer d'une certaine participation médicale est dangereux. Je ne dis pas que tous les médecins sont réticents, car je ne les ai pas tous contactés.

M. Marcel Rogemont.

Ne généralisez pas, alors !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Simplement, je dis qu'un nombre certain de médecins, et non des moindres,s ont extrêmement réticents sur cet allongement de deux semaines. Il y a ceux qui répugnent à changer de technique car, je suis désolée de le répéter, la technique appliquée pour une IVG à douze semaines de grossesse n'est pas la même que celle utilisée à dix semaines.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Mais si !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

N'étant pas moi-même médecin, je laisserai parler un médecin, en l'occurrence le docteur Frydman. Il fait vraiment une différence entre dix et douze semaines. Jusqu'à dix semaines, l'embryon n'est qu'une masse gélatineuse. A partir de dix semaines, avec des variations individuelles parce qu'il n'y a pas de continuité parfaite dans l'évolution, une ossification progressive s'opère. Dès lors, les techniques utilisées sont complètement différentes.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Mais non !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je le cite : « Vous n'utilisez plus l'aspiration et vous devez introduire des instruments chirurgicaux - des pinces - pour sortir l'embryon et l'évacuer progressivement de l'utérus. C'est un geste que l'on peut charger d'idéologie, banaliser ou, au contraire, monter en épingle, mais, incontestablement, c'est un changement, parce que de dix à douze semaines de grossesse, un phénomène d'ossification est en cours.

On ne peut plus avoir recours à l'aspiration simple, on est souvent obligé de compléter la technique d'aspiration. » Ce sont les propos de M. Frydman.

Deuxième remarque : les médecins considèrent également, c'est presque une lapalissade, que plus la grossesse est récente, moins il y a de complications.

M. Marcel Rogemont.

Des médecins, pas les médecins !


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Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Et plus la grossesse est avancée, plus les risques de complication sont importants.

C'est malheureusement logique. Je ne cite pas des présidents d'association, mais des médecins qui pratiquent des avortements tous les jours.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Non ! M. Frydman ne pratique pas d'IVG !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Des médecins qui pratiquent aussi des diagnostics prénataux.

Troisième réflexion, l'interférence entre l'interruption de grossesse si l'on passe à douze semaines et le premier diagnostic foetal. Le problème est spécifique à la France.

Nous sommes en effet le seul pays au monde actuellement à effectuer, de façon systématique, une première échographie à la onzième semaine et plus de 90 % des femmes en bénéficient.

M. Marcel Rogemont.

Parce qu'en Allemagne, on ne peut pas le faire ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

En Hollande, il n'y a pas de dépistage échographique.

M. Jacques Myard.

C'est exact !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

En Angleterre, il y a une variabilité des attitudes selon les structures de consultation. Et ils travaillent plutôt avec des marqueurs sériques. Aux Etats-Unis, on a pratiqué, dans les années 1993-1994, une première échographie à ce stade de la grossesse sur 50 000 patientes. Mais la configuration hospitalière américaine est telle que ces échographies ne sont pas rentables. En Allemagne, on ne fait pratiquement rien avant la vingtième semaine. En Italie, la disparité est extrêmement importante entre public et privé et les échographies ne sont pas sytématiques.

Nous sommes donc le seul pays au monde à réaliser une première échographie à la onzième semaine.

M. Marcel Rogemont et M. Bernard Charles.

Et alors !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Cette échographie n'est pas un simple geste technique, c'est un engagement très fort.

M. le président.

Madame Boisseau, pardonnez-moi, mais votre temps de parole est épuisé.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Monsieur le président, j'ai droit à cinq minutes.

M. le président.

Exactement, mais elles sont écoulées.

Je vous demande donc de conclure.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Non, monsieur le président, je ne conclus pas, parce que le problème est important. Je poursuivrai, si vous le permettez, mon explication en défendant mon amendement.

M. le président.

Très volontiers, madame ! Nous respectons ainsi les dispositions de notre règlement.

La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Monsieur le président, puis-je céder mon temps de parole à Mme Boisseau afin qu'elle puisse continuer son explication ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Non, madame ! Pardonnez-moi d'être un peu directif, mais ou vous utilisez votre temps de parole ou il est perdu !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Mais je n'aurais pas pris, la parole ensuite, monsieur le président !

M. le président.

J'ai bien compris et c'est un geste qui vous honore, madame Mathieu-Obadia. Mais nous n'allons pas entrer dans ce petit jeu.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Ce n'est pas un jeu !

M. le président.

Le petit jeu qui consiste à bafouer les dispositions de notre règlement.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Je n'aurais pas osé faire quoi que ce soit sans votre permission, monsieur le président.

M. Bernard Accoyer.

C'était une suggestion.

M. le président.

Merci, madame Mathieu-Obadia ! Mais, puisque vous vouliez céder votre temps de parole, j'en déduis que vous n'avez rien à dire ! (Sourires.)

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Pas du tout.

Tout à l'heure, Mme Péry nous a dit qu'elle reviendrait nous parler de l'expérience qu'elle souhaite conduire en matière d'information. Je la crois sincère et tout à fait désireuse de réussir ces grandes campagnes dont elle nous a parlé. Simplement, je voudrais savoir si elle compte - elle n'est pas obligée de répondre ce soir - demander des résultats chiffrés.

M. Marcel Rogemont.

Cela n'a rien à voir !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Il serait intéressant de savoir si, oui ou non, de telles campagnes débouchent sur des résultats. Elles sont en effet difficiles. Un livret ne se comprend pas toujours, mais peut-être celui-ci sera-t-il plus accessible. Si le nombre des IVG diminue ne serait-ce que de 10 000 ou 15 000 grâce à cette campagne, je suis prête à revoir ma position. Actuellement, il est vrai que je doute de l'utilité des campagnes qui sont menées.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

J'y renonce, monsieur le président.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord souligner l'excellent travail préparatoire qui a été réalisé en amont de ce projet de loi par la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale et dire ma fierté de participer depuis ce matin à un débat de très grande qualité.

Les auditions de professionnels, d'associations, de spécialistes, permettent en effet d'aborder ce texte avec toute la sérénité nécessaire pour soutenir la modernisation des lois Neuwirth et Veil et nous confortent dans le combat, qui revêt toujours un caractère idéologique, mené par les femmes pour disposer de leur corps et maîtriser leur fécondité.

Vingt-cinq ans après l'adoption de la loi Veil, force est d e constater qu'elle a constitué une avancée pour l'ensemble de la société. Cependant, il paraît aujourd'hui l égitime de vouloir corriger les dysfonctionnements notoires de son application et d'adapter la législation pour répondre aux besoins tant en matière d'IVG qu'en matière de prévention et d'information sur la contraception.

L'article 2 porte à douze semaines le délai légal pour pratiquer une IVG.

Comme vous le savez, ce délai nous place encore endessous de la moyenne européenne, qui est de quatorze semaines, des législations de pays voisins comme les


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Pays-Bas et l'Angleterre, qui autorisent respectivement la pratique de l'IVG jusqu'à vingt-deux semaines et vingtquatre semaines, et de la norme de l'OMS, qui fixe le seuil de viabilité à vingt-deux semaines.

C ompte tenu de nos connaissances, le seuil de douze semaines constitue une réponse plus adaptée à la détresse des femmes en situation de grossesse non désirée.

Il devrait permettre de régler en grande partie le problème des dépassements.

A l'instar de ce qui se pratique chez la plupart de nos voisins européens, l'allongement du délai ne pose pas de problème d'éthique, car il n'est pas susceptible d'augmenter le nombre d'IVG et de mettre la société en péril.

L'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, de son côté, confirme que les risques médicaux restent très faibles.

Repousser l'échéance, c'est prendre en compte la détresse humaine et sociale de près de 5 000 femmes et jeunes filles qui, ne trouvant plus de solution en France, sont obligées d'aller à l'étranger, de suivre un parcours difficile et de vivre cette épreuve dans la clandestinité et la culpabilité, avec, pour couronner le tout, une sélection par l'argent.

Que dire de celles qui, confrontées à la non-reconnaissance, dans le cadre familial, de leur vie sexuelle, connaissent des problèmes d'abord pour accéder à la contraception, ensuite, par voie de conséquence, à l'IVG ? Il s'agit donc de prendre en compte la situation de toutes les femmes, y compris les plus fragiles, alors que ce sont celles-là mêmes qui ont parfois des difficultés à accepter la réalité et qui mettent du temps à effectuer leur choix.

La décision de l'avortement est difficile à prendre, car il n'est pas vécu comme un acte banal, mais comme un acte responsable. De plus, même si la décision est en dernier ressort celle de la femme, l'homme ou le jeune homme doit avoir sa place et prendre sa part de responsabilité.

Mme Christine Boutin.

Très bien !

M. Pierre Cohen.

L'IVG demeure l'ultime réponse à l'impossibilité, pour une femme, quelle qu'en soit la raison, de mener à terme sa grossesse. Parler alors de dérive eugéniste et de spectre d'IVG « consumériste », c'est méconnaître la réalité et manquer de confiance en la femme, et, surtout, c'est ignorer que ce phénomène ne se confirme pas dans les pays où les délais sont plus longs.

Ce constat est la traduction d'une situation qu'il faut faire évoluer, à savoir : l'insuffisance de l'information sur la contraception et la sexualité, en particulier auprès des jeunes ; des délais trop courts ; l'utilisation de la clause de conscience des médecins ; mais aussi le manque de soutien aux adultes dans leur rôle de parents. D'aucuns s'accordent en effet à reconnaître qu'il existe bien un lien de cause à effet entre éducation à la contraception et baisse des IVG.

Le plan d'éducation à la sexualité dans les établissements scolaires constitue, à ce titre, une mesure particulièrement adaptée, car sans information ni éducation sexuelle il n'est pas envisageable de diminuer le nombre de grossesses non désirées.

L'adaptation de l'offre contraceptive, sa totale gratuité, l'implication plus forte des hommes dans le problème de la contraception apparaissent aussi comme des pistes susceptibles de faire évoluer le droit des femmes à disposer de leur corps.

Le chemin semble encore long à parcourir, car, si le débat d'aujourd'hui est moins passionnel qu'en 1975 ou à connotation moins religieuse, force est de constater que les vieux démons ne sont pas morts. L'obscurantisme et l'ordre moral sévissent encore et nous devons être suffisamment nombreux et forts pour les combattre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jacques Myard.

C'est à gauche que se situe l'obscurantisme !

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

La solution qui consiste à allonger le délai légal de l'interruption volontaire de grossesse de dix à douze semaines ne me semble pas bonne, non pas en raison de l'aspect éthique, qui dépend de la conscience de chaque individu, même si le Comité national d'éthique ne voit pas d'obstacle majeur à cet allongement, non pas non plus en raison d'une modification de l'intervention médicale, les spécialistes eux-mêmes ne s'accordant pas sur le point de savoir si une IVG pratiquée à douze semaines est dangereuse ou non.

Non, je crois que si l'allongement de ce délai n'est pas une bonne mesure, c'est du point de vue du résultat escompté. En effet, par l'allongement de ce délai, on estime que seuls 40 % des cas seront résolus. Il reste donc une large majorité - 60 % des femmes - qui ne trouvera pas de solution et qui restera sur le bord du chemin. Le peu d'effets de cette mesure devrait, à lui seul, inciter à plus de clairvoyance.

Certains objecteront qu'il vaut mieux régler quelques cas, fussent-ils une minorité, plutôt que de ne rien faire.

Argument un peu facile. Je considère, pour ma part, qu'il vaut mieux les régler tous ou tout du moins la plus grande partie d'entre eux plutôt que de laisser des jeunes filles en état de grande détresse.

Mme Muguette Jacquaint.

Quelle surprise !

M. Christian Estrosi.

Car, avant de réfléchir à une augmentation du délai légal, peut-être eût-il fallu d'abord et surtout s'interroger sur les causes du dépassement de ce délai.

J'en vois, pour ma part, principalement deux.

La première est le manque d'information.

M. Jacques Myard.

Total !

M. Christian Estrosi.

Aujourd'hui, les adolescents ne connaissent que très peu de choses sur la sexualité, sur leur sexualité, et je veux parler, bien sûr, des risques. J'ai été frappé, en discutant avec des mineurs, de constater que leur information en la matière est quasiment nulle.

Ils ne savent pas ce qu'est une IVG, où on la pratique et comment. Ils ne connaissent pas leurs droits. J'appartiens à plusieurs conseils d'administration de lycée. Je sais que des lycéennes arrivent en terminale sans avoir reçu une heure d'éducation sexuelle. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous souriez, mais c'est pourtant votre responsabilité.

Mme Muguette Jacquaint.

C'est le fait que vous le découvriez qui nous fait sourire.

M. Christian Estrosi.

Cela vous amuse ? C'est aussi votre responsabilité ! C'est là, je crois, le véritable échec des lois Veil et Neuwirth. Je suis convaincu que leur modernisation réside avant tout dans la prévention de l'avortement par une meilleure information.


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Mme Béatrice Marre.

C'est bien ce que l'on dit !

M. Christian Estrosi.

La contraception est intimement liée à l'information. Les chiffres sont édifiants : 60 % des femmes demandant une IVG ne connaissent pas la contraception d'urgence, 60 % des premiers rapports sexuels se font sans contraception et 70 % des adolescentes n'ont eu recours à aucune contraception dans les trois mois précédant l'IVG. C'est un constat sans appel.

La seconde raison de mon opposition tient à la mauv aise organisation des services administratifs et au manque de moyens dont dispose notre service public.

Le vrai enjeu du débat sur l'allongement du délai légal n'est pas éthique. Nous en sommes bien d'accord, ne nous faisons pas de faux procès d'intention. Il ne porte pas non plus sur le nombre de cas qui seront résolus puisque ceux-ci ne représenteront que 40 %, contrairement aux affirmations de Mme Aubry qui annonçait 80 %. D'ailleurs, dans cette logique, pourquoi ne pas aller jusqu'à quatorze, seize, voire vingt-deux semaines ? Non, le vrai enjeu, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est le droit à l'information des jeunes et leur éducation. Et c'est parce que vous prenez le problème à contresens que je suis contre l'allongement que vous proposez.

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mesdames les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, une interruption de grossesse n'est en rien une solution de facilité résultant d'une recherche de confort. Il s'agit bien d'un acte grave et réfléchi accompli en vertu du droit justement reconnu aux femmes de disposer d'un libre choix face à un événement imprévu engageant leur vie de façon irréversible.

Il est toujours douloureux pour les femmes qui doivent se résoudre à cette décision face à une grossesse non désiré e. M. le professeur Didier Sicard, chef de service de médecine interne à l'hôpital Cochin et président du Comité consultatif national d'éthique, indiquait devant la délégation aux droits des femmes que « c'est une situation relativement banale que des grossesses soient découvertes tardivement après dix semaines. S'y ajoute le cas des femmes vivant dans les milieux défavorisés ou des mineures qui, lors d'une première grossesse, ignorent la signification d'une aménorrhée ».

Le délai actuel de dix semaines apparaît donc bien court lorsque la grossesse est révélée tardivement à la femme.

Par ailleurs, on ne peut continuer à accepter d'envoyer chaque année des milliers de femmes à l'étranger. Ces femmes basculent, contre leur gré, dans l'illégalité et éprouvent bien souvent des difficultés à obtenir les renseignements dont elles ont besoin pour se diriger vers des établissements privés étrangers. En outre, il leur est parfois difficile de réunir l'argent nécessaire, le voyage et la prise en charge sur place étant souvent coûteux.

Soulignons enfin que le délai légal est actuellement plus court en France que dans les autres pays européens où il est en moyenne de douze semaines.

Qui sont ces femmes qui partent à l'étranger ? Des femmes qui croyaient avoir eu leurs règles et ne se savaient donc pas enceintes ; des femmes ayant des cycles irréguliers et pour lesquelles un autre diagnostic a été posé lors d'une consultation médicale, car il est beaucoup plus fréquent qu'on ne pourrait l'imaginer que des médecins ne pensent pas au test de grossesse lorsqu'une femme vient consulter pour une aménorrhée, surtout après quarante ans ; des femmes dont le conjoint ou compagnon décide de rompre à la suite de l'annonce de la grossesse, parfois même lorsque cette grossesse avait été planifiée par le couple ; des femmes qui ne sont pas informées des démarches, des délais ou des lieux où se pratiquent les

IVG ; des femmes qui, bien qu'ayant accompli les démarches dans les délais légaux, se voient annoncer que ces délais sont dépassés lors du rendez-vous fixé à l'hôp ital ; des femmes qui ont été violées, parfois dans le milieu familial et qui du fait des attitudes et des mentalités face à cette agression, la vivent dans la honte et le secret ; des femmes rencontrant des difficultés : chômage, décès, pressions familiales, dépression, incertitude ; des mineures pour qui l'on sait que la grossesse est parfois vécue dans l'ignorance, la culpabilité, l'isolement et le secret, notamment vis-à-vis de la famille et de l'institution scolaire ; des femmes qui, lors de leur demande d'IVG, sont confrontées dans le milieu médical à des attitudes culpabilisantes qui prolongent le temps de réflexion, insistent longuement sur les risques ; des femmes pour qui la grossesse est liée à une situation psycho-affective dominée par l'insécurité et la dépendance ou chez qui il existe comme chez tout être humain des comportements irrationnels non maîtrisés.

Dans tous les cas, ces femmes ont pris leur décision et avorteront. Nous le savons tous. Ne faisons pas preuve d'hypocrisie et ne menons pas de faux débats en invoquant des risques médicaux ou d'eugénisme qui ont été démentis lors des auditions réalisées par la délégation parlementaire aux droits des femmes. En passant de dix à douze semaines, nous permettons à la majorité de ces femmes de rester dans la légalité.

Préférer l'immobilisme, au prétexte que tous les cas ne seraient pas réglés aujourd'hui, pénaliserait encore plus ces femmes. A mon sens, prolonger la durée légale, c'est tout simplement respecter le libre choix des femmes et permettre une plus grande justice sociale. Cette disposition constitue donc une avancée significative, à laquelle je souscris pleinement.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Sans revenir sur ce qui a déjà été dit...

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Ça va être difficile !

M. Bernard Accoyer.

... je résumerai mon opposition à l'article 2 en montrant que certains points auraient dû être résolus différemment.

Ce projet de loi trahit chez le Gouvernement le souci d'agir ostentatoirement plutôt que d'agir efficacement. Et c'est bien là tout le problème.

Les articles 1er et 2 seraient, selon les termes de Mme la rapporteure, des articles « fondateurs ». Mais, madame, c'est la loi Veil qui est véritablement fondatrice et vos propositions qui cherchent à s'y rattacher sont des modifications. Si une analyse attentive du texte résultant des modifications apportées par les amendements retenus par la commission le montre, il y a bien un changement radical de l'esprit de la loi de 1975. C'est que vous tenez un double langage.

La méthode du Gouvernement fait une nouvelle fois de l'exception la loi. Partant de la situation particulièrement douloureuse et difficile de quelques milliers de femmes, on change l'un des textes les plus importants de notre législation.

En réalité, c'est tout simplement l'échec de l'application de la loi Veil qui motive ce texte. En vingt-cinq ans, les gouvernements successifs - et nous le concédons


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volontiers, quelle que soit leur appartenance politique ont été incapables d'apporter aux femmes l'accompagnement pourtant très soigneusement prévu par la loi, qui était destinée à réduire le recours à l'avortement. Or, aujourd'hui, avec environ 220 000 avortements officiciellement dénombrés chaque année, la France détient malheureusement un bien triste record. Il y a à l'évidence un défaut d'information qu'il eût fallu chercher à corriger.

Le problème des délais qui contribue à accroître le nombre de femmes ayant dépassé les dix semaines légales serait relativement simple à régler. La commission a fait quelques propositions en ce sens, comme la suppression du quota de 25 % d'actes concernant les interruptions volontaires de grossesse auquel sont assujettis les établissements de soins privés. Cela aurait d'ailleurs pu être fait depuis longtemps, tout le monde en conviendra.

Il faudrait également remédier aux paralysies administratives dues au manque de personnel dans les hôpitaux publics, notamment dans les services spécialisés pratiquant les IVG. Je pense en particulier à la pénurie d'anesthésistes dans ces services.

Et puis, ne croyez-vous pas, mes chers collègues, qu'il eût été plus sage que nous soyons mieux formés, nous parlementaires, quelle que soit notre origine professionnelle ? Ces textes sont difficiles, ils nous amènent à rencontrer des experts qui, tout en se contredisant, manipulent des expressions ou des images qui nous impressionnent, qui touchent à nos émotions les plus profondes.

Il eût été préférable que le Gouvernement respecte le calendrier qui voulait, monsieur le président, que l'on révise la loi bioéthique il y a déjà plus de deux ans, comme cette loi le prévoyait d'ailleurs elle-même.

Mme Muguette Jacquaint.

Cela n'a rien à voir !

M. Bernard Accoyer.

Il aurait ainsi permis au Parlement de mieux appréhender la situation sur laquelle on nous demande aujourd'hui de nous prononcer même si des zones d'ombre subsistent, y compris pour ceux qui connaissent le mieux ces problèmes.

Enfin, il me semble malheureux que l'on n'attende pas d'évaluer le résultat d'initiatives qui ont été adoptées dans l'urgence pour modifier une certaines nombre de campagnes d'information sur la sexualité et la contraception.

Je vous rappellerai, madame le secrétaire d'Etat à la santé, même si c'est un raccourci peut-être un peu provocateur, que l'on vient de légiférer sur la contraception d'urgence, et que tout ce qui a été fait en la matière, c'est une campagne sur la contraception menée elle-même dans l'urgence, parce que rien n'avait été fait auparavant.

Ce qui résume tout cela, c'est l'absence de consultation, dans des délais corrects, du Comité national consultatif d'éthique. Bref, sur la méthode, il y a beaucoup à dire. Sur le fond, c'est un autre problème, nous y reviendrons. Voilà pourquoi, jugeant que cet article 2 ne répond pas aux problèmes posés, je ne le voterai pas.

Mme Muguette Jacquaint.

Ils s'abritent derrière la méthode pour refuser le fond !

M. le président.

Je suis saisi de quatre amendements identiques nos 35, 46, 73 et 90.

L'amendement no 35 est présenté par Mmes MathieuObadia et Aurillac et M. Delnatte ; Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 2. »

Tous ces amendements ont pour objet la suppression d'un article dont nous venons de parler longuement.

Est-il nécessaire d'ajouter des précisions ? Vous souhaitez défendre votre amendement, madame Boisseau ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Oui, monsieur le président.

Je propose donc, par cet amendement no 90, la suppression de l'article 2 pour différentes raisons qui ont déjà été exposées, mais aussi et surtout pour une dernière raison, qui est certainement pour moi la plus importante : l'allongement du délai légal à douze semaines va dramatiquement interférer avec la première échographie foetale.

C'est encore une fois, un problème spécifique à la France, seul pays au monde à pratiquer, à la onzième semaine de grossesse et de façon systématique, une première échographie. Cette dernière n'est pas un simple geste technique, mais un engagement très fort, pour le médecin comme pour les parents. Deux facteurs sont à prendre en considération : l'incertitude et l'obligation d'information.

S'agissant de l'incertitude, on a parfois des surprises.

On est amené à identifier, lors de la première échographie, des signes d'appel, c'est-à-dire des éléments non nécessairement pathologiques mais qui signalent un risque potentiel. Ainsi, la très médiatisée hyperclarté nucale indique un risque accru - un risque seulement - de trisomie 21, qui n'est pas curable, ou de malformations cardiaques, souvent parfaitement curables, mais il peut aussi bien s'agir d'une image parasite qui va se résorber plus tard, au cours de la grossesse, si celle-ci se poursuit.

S'agissant de l'information, doit-on annoncer à la mère une malformation de son enfant que l'on sait pouvoir traiter à la naissance ou des formations potentiellement pathogènes dont beaucoup vont régresser par la suite ? La récente décision de la Cour de cassation fragilise encore ce genre de situation dejà très délicate. Admettre que la faute est d'avoir mal informé, même si cette faute n'est pas la cause du dommage créé, conduit tout droit les médecins à une obligation de garantie. Ils seront logiquement amenés, pour se protéger, à surinformer et à suggérer une interruption de grossesse au vu de la plus petite anomalie et les parents seront conduits à l'accepter pour éviter que leur enfant, éventuellement handicapé, ne se retourne contre eux.

M. Bernard Charles.

Mais non !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Cette conjonction de l'allongement du délai et du premier diagnostic prénatal v a conduire immanquablement à un nouveau type d'avortements, des avortements préventifs. Une interruption de grossesse pour une anomalie mineure ou curable est triste. Mais que penser quand elle sera décidée sur un avis erroné ou une information incomplète ou transitoire ? Vous en porterez la responsabilité pour avoir allongé le délai légal de quinze jours. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Nous sommes dans une spirale. Nous ne pouvons refuser le progrès ; la loi doit l'accompagner, non le freiner.

Or, déjà, un certain nombre de spécialistes de la médicine foetale envisagent de repousser la première échographie à la treizième semaine, ce qui serait infiniment regrettable.

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour soutenir l'amendement no

46.

Mme Christine Boutin.

Monsieur le président, je voudrais simplement m'assurer qu'il sera bien indiqué au Journal officiel que j'ai déposé un amendement de suppression.


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M. le président.

Bien sûr, madame. Je viens d'appeler les amendements de suppression de l'article no 35, 46, 73 et 90.

Mme Christine Boutin.

En ce cas, comme Mme Boisseau a excellemment défendu son amendement qui est identique au mien, je considère qu'il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

La commission les a rejetés. Tout a été dit.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 35, 46, 73 et 90.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

L'amendement no 26 n'est pas défendu.

Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Après l'article 2

M. le président.

MM. Mattei, Perrut, Meylan, Carré, Proriol, Goasguer, Patriarche, Hellier, Rigaud, Lenoir, Nicolin, Herbillon, Lequiller et Mme Ameline ont présenté un amendement, no 74, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« L'article L.

2212-1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dès lors que la femme enceinte a sollicité un recours à une interruption volontaire de grossesse, dans des conditions définies par décret, auprès du médecin d'un établissement de santé public ou privé satisfaisant aux dispositions de l'article L.

2322-1, dans le délai légal fixé à l'article L.

2212-1 du code de la santé publique, l'interruption volontaire de grossesse pourra avoir lieu après le délai légal, si le report de cette intervention est indépendant de sa volonté. »

La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

Le but de cet amendement est d'éviter de faire supporter aux femmes les conséquences désastreuses de dispositions législatives dont l'application est impossible en termes de délai. Il part d'un constat qui a pu être fait dans un certain nombre de centres, où des femmes venues dans les premières semaines de leur grossesse pour demander une IVG n'ont pu être accueillies dans la limite du délai légal, en raison d'une trop longue attente.

Il conviendrait, par une procédure déterminée par décret, de faire procéder à un enregistrement par écrit des demandes de recours à l'IVG. De cette façon, dès lors que la loi n'aurait pas pu être appliquée, le délai pourrait être prolongé de quelques jours. Nous remédions ainsi à une carence de la loi de 1975.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Cet amendement a été repoussé par la commission, car il ne répond pas aux besoins des femmes dont la grossesse est révélée aux alentours de la dixième semaine.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

74. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 3

M. le président.

Article 3. Au second alinéa de l'article L.

2212-2 du même code, après les mots : « satisfaisant aux dispositions de l'article L.

2322-1 », sont insérés les mots : « ou, dans le cadre d'une convention conclue entre le praticien et un tel établissement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ».

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau, premier orateur inscrit sur l'article.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

L'article 3 vise à modifier l'article L.

2212-2 du code de la santé publique pour permettre la prise en compte des progrès réalisés ou à venir dans les techniques d'interruption de grossesse ou de l'évolution des pratiques de soins que ces progrès induisent. Ainsi apparaît-il important de ne pas interdire que les IVG puissent un jour être prises en charge, au moins pour partie, en médecine ambulatoire dans le cadre de réseaux de soins étroitement liés par voie conventionnelle à un établissement de santé.

Des différents témoignages recueillis, il apparaît clairement que plus une IVG est pratiquée tôt, moins elle est traumatisante pour la femme. Aussi, toutes les méthodes qui concourent à raccourcir les délais sont-elles une bonne chose. Aujourd'hui, seulement 30 % des femmes ont recours à une IVG médicamenteuse. A terme, nous pourrions atteindre un niveau plus important comme c'est le cas en Suède. Cette méthode pourrait être pratiquée sans hospitalisation, et cela sans accroître le risque médical.

Mais si l'avortement médicamenteux présente des avantages, certaines - et parfois une majorité - des femmes consultées ont exprimé des réticences psychologiques à y recourir. Elles souhaitent, pour l'instant, être prises en charge en milieu hospitalier. Il faudra très certainement leur laisser le temps de se faire à l'idée d'une médecine ambulatoire en ce domaine. Les experts de l'ANAES vont dans ce sens. Ils recommandent en effet de garantir la sécurité sanitaire à la femme en lui permettant de contacter à tout moment un médecin compétent et un centre médical référent.

Les médicaments actuellement disponibles dans les pharmacies hospitalières, comme le RU 486, devraient pouvoir être achetés dans les pharmacies de ville pour que les gynécologues du secteur libéral ou les médecins puissent prendre en charge les IVG les plus précoces.

Cette démarche présenterait trois avantages immédiats : les patientes seraient encouragées à agir rapidement, le coût ambulatoire serait moins élevé et la qualité de la prise en charge, au travers d'un contact personnalisé avec un médecin, serait améliorée. L'IVG ambulatoire devrait, à terme, se développer.

En dernier lieu, je souhaiterais soumettre au Gouvernement l'interrogation de Mme Chantal Blayo, universitaire et spécialiste des données démographiques, concernant les difficultés qui pourraient être créées pour le suivi et l'analyse statistisque des IVG ambulatoires. C'est, si j'ose dire, le revers de la médaille.

M. le président.

Mme Boutin a présenté un amendement, no 47, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 3. »


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Son exposé sommaire recoupe les explications qui viennent de nous être données.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

En effet, monsieur le président.

Je me contenterai de vous lire un extrait d'un article du d octeur Michel Cohen-Boulakia qui, à propos du RU 486...

M. le président.

Madame Boutin, dès que vous annoncez une lecture, j'ai peur ! (Sourires.)

Mme Christine Boutin.

Vous ne devriez pas avoir peur, car j'ai de bonnes lectures.

M. le président.

La dernière fois, c'était la Bible !

Alors, très franchement...

(Rires.)

Mme Christine Boutin.

Mais la Bible est une bonne lecture, monsieur le président.

M. le président.

Certes !

M. Alain Néri.

C'est peu long !

Mme Christine Boutin.

Dites-le aussi à M. Hage, qui lui aussi lit la Bible !

(Sourires.)

Je ne reprendrai pas l'excellente présentation faite par Mme Boisseau, même si j'arrive personnellement à une conclusion différente s'agissant du développement de l'IVG ambulatoire.

Le docteur Michel Cohen-Boulakia écrit, à propos de la femme prenant la pilule abortive : « Dans le cas du RU, c'est elle qui décide de s'avorter. Nous ne sommes alors que des « huissiers gynécologues » qui donnons les trois pilules qu'elle porte à la bouche. Le bras séculier, c'est la femme. La décision active est au bout de son bras, entre le pouce et l'index qui saisit ces pilules. La femme a la totalité décisionnelle. C'est peut-être trop pour certaines. »

Je demande donc la suppression de l'article 3. Ces femmes, qui sont en difficulté et en situation de fragilité, ne doivent pas être abandonnées, seules, sans entourage et sans accompagnement.

Mme Muguette Jacquaint.

Vous devez en faire, des cauchemars !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Cet amendement a été repoussé par la commission. Nous estimons - ce sera l'objet d'un amendement suivant - que pour la méthode aussi, la femme a le choix.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Il ne s'agit pas de banaliser l'acte, mais bien de faciliter l'accès des femmes aux différentes méthodes existantes, médicales comme chirurgicales et, surtout, de favoriser la précocité de l'acte. Pour autant, la prise en charge de la femme dans le cadre d'un réseau garantit la sécurité de cette prise en charge. La convention qui sera établie entre le praticien de ville et l'établissement de santé fixera les modalités de fonctionnement du réseau. L'article 3 permet de prendre en compte les progrès réalisés ou à venir dans les techniques d'IVG et les pratiques de soins.

Remarquez que nous actualisons un texte qui date de vingt-cinq ans. On ne va pas recommencer dans deux ans. Il est important de ne pas interdire que les IVG puissent un jour être prises en charge en médecine ambulatoire, dans le cadre des réseaux de soins étroitement liés par voie conventionnelle à un établissement de santé, afin de garantir la sécurité sanitaire.

Le Gouvernement propose donc le rejet de cet amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

47. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Après l'article 3

M. le président.

Je suis saisi de six amendements nos 2 rectifié, 75, 59, 57, 60 et 58, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 2 rectifié, présenté par Mme Lignières-Cassou, rapporteure, est ainsi libellé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« L'article L.

2212-3 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L.

2212-3. - Le médecin sollicité par une femme en vue de l'interruption de sa grossesse doit, dès la première visite, informer celle-ci des méthodes médicales et chirurgicales d'interruption de grossesse et des risques et des effets secondaires potentiels.

« Il doit lui remettre un dossier-guide, mis à jour au moins une fois par an, comportant notamment ler appel des dispositions des articles 2212-1 et 2212-2, la liste et les adresses des organismes mentionnés à l'article 2212-4 et des établissements où sont effectuées des interruptions volontaires de la grossesse.

« Les directions départementales des affaires sanitaires et sociales assurent la réalisation et la diffusion des dossiers-guides destinés aux médecins. »

Sur cet amendement, je suis saisi de cinq sousamendement nos 48, 108, 49, 50 et 23.

Le sous-amendement no 48, présenté par Mme Boutin, est ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa de l'amendement no 2 rectifié, après les mots : "risques", insérer les mots : "médicaux et post-abortifs". »

Le sous-amendement no 108, présenté par Mme Boisseau et M. Bur, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'avant-dernier alinéa de l'amendement no 2 rectifié :

« Il doit lui remettre un dossier-guide, mis à jour au moins une fois par an, comportant notamment ler appel des dispositions des articles L.

2212-1,

L. 2212-2 et L.

2211-1, ainsi que des dispositions de l'article 1112-1 qui limite l'interruption de grossesse aux cas où la femme enceinte se trouve placée par son état dans une situation de détresse. Ce dossierguide doit par ailleurs comporter l'énumération des droits, aides et avantages garantis par la loi aux familles, aux mères, célibataires ou non, et à leurs enfants, ainsi que des possibilités offertes par l'adoption d'un enfant à naître, la liste et les adresses des organismes mentionnés à l'article L.

2212-4 ainsi que celle des associations et organismes susceptibles d'apporter une aide morale ou matérielle aux intéressées, et des établissements où sont effectuées des interruptions volontaires de la grossesse. »

Le sous-amendement no 49, présenté par Mme Boutin, est ainsi rédigé :

« Dans l'avant-dernier alinéa de l'amendement no 2 rectifié, après la référence : "2212-2", insérer les mots : "la liste des associations et organismes d'ac-


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compagnement des femmes enceintes en difficulté afin de les aider à mener leur grossesse à terme puis après la naissance de l'enfant". »

Le sous-amendement no 50, présenté par Mme Boutin, est ainsi rédigé :

« Compléter l'avant-dernier alinéa de l'amendement no 2 rectifié par la phrase suivante : « Le dossier-guide devra également contenir un tableau lui permettant de calculer facilement le montant des aides financières dont elle pourra bénéficier pendant la grossesse et à la naissance de l'enfant. »

Le sous-amendement no 23, présenté par M. Charles,

Mme Robin-Rodrigo, MM. Pontier, Tourret, Charasse, Defontaine, Franzoni, Honde, Nunzi, Rebillard, Rigal, Vernaudon et Warhouver, est ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de cet amendement, substituer aux mots : "Les directions départementales des affaires sanitaires et sociales assurent", les mots : "La direction générale des affaires sanitaires et sociales assure". »

L'amendement no 75, présenté par MM. Mattei, Perrut, Meylan, Carré, Proriol, Goasguen, Rigaud, Hellier, Lenoir, Nicolin, Herbillon et Lecuyer, est ainsi libellé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« Les troisième à dernier alinéas de l'article L.

2212-3 du code de la santé publique sont remplacés par sept alinéas ainsi rédigés :

« 2o Expliquer et commenter les éléments d'un dossier-guide qui est remis à la femme et mis à jour au moins une fois par an, comportant notamment :

« a) Le rappel des dispositions de l'article L.

2211-1 ainsi que des dispositions de l'article L.

2212-1 qui limite l'interruption de la grossesse au cas où la femme enceinte se trouve placée par son état dans une situation de détresse ;

« b) L'énumération des droits, aides et avantages garantis par la loi aux familles, aux mères, célibataires ou non, et à leurs enfants, ainsi que des possibilités offertes par l'adoption d'un enfant à naître ;

« c) La liste et les adresses des organismes mentionnés à l'article L.

2212-4, ainsi que des associations et organismes susceptibles d'apporter une aide morale ou matérielle aux intéressés ;

« d) La liste et les adresses des établissements où sont effectuées des interruptions volontaires de la grossesse ;

« e) Les méthodes de contraception qu'elle peut utiliser et les moyens d'y recourir.

« Un arrêté précise dans quelles conditions les directions départementales des affaires sanitaires et sociales assurent la réalisation et la diffusion des dossiers-guides destinés à être remis et expliqués aux femmes par les médecins. »

L'amendement no 59, présenté par Mme Boutin, MM. René André, Baguet, Mme Bassot, MM. Loïc Bouv ard, Bertrand, Briane, Caillaud, Chossy, Delattre, Deprez, Xavier Deniau, Dord, Dutreil, Foucher, Gantier, de Gastines, Gengenwin, Herr, Mme Idrac, MM. JeanBaptiste, Kerguéris, Laffineur, Landrain, Ligot, Christian

M artin, Martin-Lalande, Micaux, Millon, Morange,

M yard, Nicolin, Paecht, Preel, Quentin, Reymann, Rigaud, Rochebloine, de Villiers, Michel Voisin, est ainsi rédigé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« Le cinquième alinéa b de l'article L.

2212-3 du code de la santé publique est complété par les mots : "ainsi qu'un tableau lui permettant de calculer le montant des aides financières dont elle pourra bénéficier". »

L'amendement no 57, présenté par Mme Boutin, MM. René André, Baguet, Mme Bassot, MM. Loïc Bouv ard, Bertrand, Briane, Caillaud, Chossy, Delattre, Deprez, Xavier Deniau, Dord, Dutreil, Foucher, Gantier, de Gastines, Gengenwin, Herr, Mme Idrac, MM. JeanBaptiste, Kerguéris, Laffineur, Landrain, Ligot, Christian

M artin, Martin-Lalande, Micaux, Millon, Morange,

M yard, Nicolin, Paecht, Preel, Quentin, Reymann, Rigaud, Rochebloine, de Villiers, Michel Voisin, est ainsi libellé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« Le sixième alinéa c de l'article L.

2212-3 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« La liste et les adresses des organismes visés à l'article L.

2212-4, ainsi que des lieux d'accueil et des centres d'hébergement d'urgence, des associations et organismes d'accompagnement des femmes enceintes en difficulté afin de les aider à mener leur g rossesse à terme puis après la naissance de l'enfant. »

L'amendement no 60, présenté par Mme Boutin, MM. René André, Baguet, Mme Bassot, MM. Loïc Bouv ard, Bertrand, Briane, Caillaud, Chossy, Delattre, Deprez, Xavier Deniau, Dord, Dutreil, Foucher, Gantier, de Gastines, Gengenwin, Herr, Mme Idrac, MM. JeanBaptiste, Kerguéris, Laffineur, Landrain, Ligot, Christian

M artin, Martin-Lalande, Micaux, Millon, Morange,

M yard, Nicolin, Paecht, Preel, Quentin, Reymann, Rigaud, Rochebloine, de Villiers, Michel Voisin, est ainsi libellé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« L'article L.

2212-3 du code de la santé publique, est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 3o Lui remettre le répertoire départemental des aides économiques, des lieux d'accueil et d'hébergem ent, des associations et organismes dédiés à l'accompagnement des grossesses difficiles. »

L'amendement no 58, présenté par Mme Boutin, MM. René André, Baguet, Mme Bassot, MM. Loïc Bouv ard, Bertrand, Briane, Caillaud, Chossy, Delattre, Deprez, Xavier Deniau, Dord, Dutreil, Foucher, Gantier, de Gastines, Gengenwin, Herr, Mme Idrac, MM. JeanBaptiste, Kerguéris, Laffineur, Landrain, Ligot, Christian

M artin, Martin-Lalande, Menjucq, Micaux, Millon, Morange, Myard, Nicolin, Paecht, Preel, Quentin, Reymann, Rigaud, Rochebloine, de Villiers, Michel Voisin, est ainsi libellé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« Après l'article L.

2212-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L.

2212-3 bis ainsi rédigé :

« Art. L.

2212-3 bis . - Un répertoire départemental des aides économiques, des lieux d'accueil et d'hébergement des associations et organismes dédiés à l'accompagnement des grossesses difficiles est créé dans chaque département à l'initiative du service d'aide sociale du conseil général. Il doit être disponible dans tous les établissements dans lesquels sont


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pratiquées des interruptions volontaires de grossesse, dans les centres de consultation ou de conseil familial et dans les centres de planification ou d'éducation familiale. »

La parole est à Mme la rapporteure - dont l'esprit de synthèse est bien connu - pour soutenir l'amendement no 2 rectifié.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Par cet amendement, nous avons souhaité réaffirmer le rôle du médecin qui se doit de donner à la femme une information loyale, claire et appropriée - selon les recommandations de l'ANAES sur l'information des patients - non seulement sur l'acte lui-même, ses conséquences, mais aussi sur les choix thérapeutiques.

Nous avons également reformulé le contenu du dossier-guide afin de lui donner un caractère impartial. Nous avons souhaité qu'il ne comporte des informations que sur l'IVG, le cadre législatif, les établissements ainsi que la liste des organismes qui sont susceptibles d'accompagner et d'aider les femmes si elles en sentent la nécessité.

M. Bernard Accoyer.

Seuls les gens cultivés pourront le lire !

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour soutenir le sous-amendement no

48.

Mme Christine Boutin.

Ce premier sous-amendement apporte une réponse importante, sur laquelle je pense que nous pourrions être tous d'accord.

Au bout des vingt-cinq années d'application de la loi Veil, il est apparu qu'après les pressions et les souffrances subies au moment de l'avortement, les femmes peuvent présenter ce que l'on appelle le syndrome post-abortif : Les articles sur ce sujet sont très nombreux. Monsieur le président, je ne vous en ferai pas la lecture, et citerai simplement quelques phrases, prises au hasard dans la revue Santé magazine : « Ce n'est que bien après, lors d'une psychothérapie que je me suis rendu compte que tout était lié entre mon avortement et mes difficultés psychologiques ». « Si l'IVG s'accompagne d'un échec du couple, elle sera moins bien vécue. De même, si elle est réalisée à contrecoeur, par exemple, pour des raisons économiques ou encore si la femme n'a pas été bien informée avant ».

Je pourrais vous lire également un passage d'un courrier paru dans le journal Elle : « J'ai avorté en 1996 parce que mon compagnon n'était pas prêt à assumer un enfant ! » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) Ecoutez, mesdames...

Mme Muguette Jacquaint.

On l'a dit, que c'était un traumatisme !

Mme Christine Boutin.

Donc, vous êtes d'accord pour inscrire...

Mme Muguette Jacquaint.

Il faut le mettre dans le dossier-guide, pour les culpabiliser un peu plus ?

Mme Christine Boutin.

Il n'y a plus rien dans le dossier-guide.

M. le président.

Pas de discussions particulières !

Mme Christine Boutin.

Il est tout de même curieux que lorsqu'on lit des choses objectives, qui ne viennent pas de livres auxquels vous avez fait allusion, mais de Elle, de Femme actuelle ...

Mme Raymonde Le Texier.

Elle à l'Assemblée !

M me Christine Boutin.

Ce sont des articles qui existent !

M. le président.

Mes chers collègues...

Mme Christine Boutin.

Tenez, voulez-vous que je vous lise un passage de L'Humanité ? (Exclamations sur divers bancs.)

Mme Catherine Picard.

C'est déjà mieux !

M. Michel Hunault.

C'est une révélation : Mme Boutin lit L'Humanité ! (Sourires.)

Mme Christine Boutin.

Je pourrais lire des articles extraits de toute la presse ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Raymonde Le Texier.

Publiés dans Gala ?

Mme Christine Boutin.

Non, justement pas dans Gala, madame Le Texier.

M. le président.

Mes chers collègues, je n'ai pas le sentiment que Mme Boutin dise des choses choquantes en cet instant.

Mme Christine Boutin.

Merci, monsieur le président.

Je proposais simplement à l'Assemblée nationale que la prise en compte du syndrome post-abortif soit inscrite dans le texte de la loi pour que la femme soit suivie psychologiquement après l'avortement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Bien entendu, rejet de la commission. Je m'abstiendrai de commenter le terme « post-abortif ».

M. Bernard Accoyer.

Pourquoi « bien entendu » ?

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

48. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau, pour défendre le sous-amendement no 108.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est un sous-amendement d'importance, car l'amendement no 2 rectifié de Mme la rapporteure dénature complètement l'esprit de la loi Veil.

M. Bernard Accoyer.

C'est exact !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est aussi clair que cela ! Encore une fois, je crois pouvoir parler au nom de toute l'opposition dans la mesure où nous nous sommes exprimés les uns et les autres à ce sujet.

Vis-à-vis de femmes enceintes en difficulté, voire en grande détresse, la moindre des choses est de respecter leur histoire, leur liberté et donc leur choix. Je suis extrêmement choquée que vous éliminiez du projet de loi tout ce qui peut permettre à une femme de garder son enfant.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Ce n'est pas l'objet de ce texte !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Madame la rapporteure, vous parlez de « méthode impartiale », mais c'est tout l'inverse. Votre attitude est extrêmement partiale et idéologique.

M. Bernard Charles.

Mais non !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je sais très bien que dans un certain nombre de cas extrêmement difficiles, les femmes arrivent au premier entretien en ayant déjà


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décidé d'avorter. On le sait. Je respecte ce choix ; je ne juge pas. Mais ce n'est pas le cas de toutes les femmes. Il y a des femmes en grande détresse qui n'ont pas pris leur décision à l'avance et que vous allez orienter par une telle disposition.

M. Bernard Charles.

Mais non !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est absolument inadmissible ! Je propose donc que l'on rétablisse certaines dispositions de la loi Veil. Dans le fameux dossier-guide que l'on remet aux femmes en difficulté, il convient de maintenir celles qui peuvent leur permettre de garder leur enfant : aides économiques, accompagnements psychologiques et sociaux. Il convient aussi d'y inclure tous les renseignements leur permettant d'avorter de manière décente dans des structures appropriées.

M. le président.

Madame Boisseau, je me permettrai de vous corriger légèrement. Je ne crois pas que vous puissiez vous exprimer au nom de toute l'opposition, car j'ai entendu, à l'occasion du débat général, qu'un certain nombre de ses membres s'apprêtaient à voter ce texte. Il est déjà suffisamment difficile de s'exprimer pour soimême sans que l'on s'approprie la voix de ceux qui ont souhaité se différencier par rapport à un groupe politique, quel qu'il soit, dans un sens ou dans l'autre.

M. Marcel Rogemont.

Très bien !

M. le président.

Je tiens à le dire, par souci de vérité.

M. Bernard Accoyer.

Mme Boisseau s'est exprimée au nom de toute l'opposition sur un point particulier !

M. le président.

Madame Boisseau, s'il y a un malentendu, dissipons-le !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Si vous le permettez, monsieur le président, je précise ma pensée. Il n'est pas question pour moi de m'exprimer au nom de toute l'opposition sur l'ensemble du texte. Je sais qu'il y a des positions divergentes et je les respecte. Mais je m'exprimais sur un point extrêmement précis,...

M. Bernard Accoyer.

Voilà !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

... à savoir le choix qui doit être laissé aux femmes enceintes entre poursuivre leur grossesse ou avorter.

Mme Muguette Jacquaint.

Mais on est tous d'accord !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je connais les témoignages donnés en ce sens par mes collègues ici présents ce soir. Je ne crois donc pas avoir extrapolé ni caricaturé leur pensée.

M. le président.

Cela n'enlève rien à la remarque que je formulais concernant la difficulté à s'exprimer sur un sujet aussi difficile.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Ce sousamendement a été rejeté par la commission. Nous sommes tous d'accord pour laisser une femme poursuivre sa grossesse.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Alors, prouvez-le dans le texte !

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Mais nous pensons qu'un dossier-guide sur l'IVG porte sur l'IVG. Il doit être impartial et ne peut être confondu avec le dossier-guide d'une caisse d'allocations familiales - ces dossiers-guides sont par ailleurs excellents.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 108.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour défendre le sous-amendement no

49.

Mme Christine Boutin.

Je défendrai en même temps le sous-amendement no 49 et le sous-amendement no 50, car ils ont le même objet.

Ce qui y est proposé est en complète contradiction avec la position de Mme Lignières-Cassou qui souhaite que le dossier-guide porte uniquement sur la description de l'avortement et rien d'autre.

Mme la rapporteure estime qu'une femme qui vient voir un médecin a clairement décidé d'avorter. Or nous savons tous que c'est une décision difficile à prendre.

Une femme enceinte est en situation de fragilité. On est toujours en état de fragilité quand on est enceinte. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Muguette Jacquaint.

Pas toujours ! Moi, je n'étais pas en état de fragilité !

Mme Christine Boutin.

Elle peut être aussi dans l'interrogation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mais calmez-vous !

M. le président.

Mes chers collègues !

M. Michel Hunault.

C'est l'honneur de notre assemblée que chacun puisse s'exprimer !

M. le président.

C'est ce que j'ai dit tout à l'heure...

juste avant que vous n'arriviez !

Mme Christine Boutin.

On est souvent en état de fragilité quand on est enceinte...

Mme Muguette Jacquaint.

Mais pourquoi serait-on en état de fragilité quand on est enceinte ?

M. le président.

Ce n'est pas un dialogue entre Mme Jacquaint et Mme Boutin ! (Sourires.)

M. Alain Néri et M. Bernard Charles.

Mme Jacquaint a raison !

M. le président.

Peut-être, mais cela n'empêche pas qu'elle n'a pas le droit d'interpeller Mme Boutin de cette manière.

Mme Christine Boutin.

A la différence de ce qu'exprime Mme Martine Lignières-Cassou, et sans doute un certain nombre de ses collègues, je pense qu'une femme, quand elle vient voir un médecin parce qu'elle est enceinte, n'a pas obligatoirement décidé de façon définitive d'avorter. Il convient qu'elle puisse prendre une décision éclairée.

M. Marcel Rogemont.

Là, d'accord !

Mme Christine Boutin.

Cette notion de décision éclairée, vous y êtes très attaché, mon cher collègue Charles.

Nous en avons parlé très fréquemment s'agissant de bioéthique. Je suis étonnée que, sur un sujet aussi important nous ne mettions pas les femmes, qui sont en général en difficulté - du moins celles que nous visons ici -, en situation de prendre une décision éclairée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 29 NOVEMBRE 2000

Bien sûr, il s'agit d'une interruption volontaire de grossesse. Mais, pour que cette décision soit prise en toute responsabilité, il faut qu'elle ait été éclairée et que soie nt donnés à la femme les arguments qui lui permettront de faire son choix ainsi que toutes les informations qui lui permettraient de poursuivre sa grossesse. C'est ce qu'avait prévu la loi de 1975. Vous prenez aujourd'hui le parti de ne donner des informations que sur une seule des voies offertes.

Dans ces deux sous-amendements, nos 49 et 50, je propose donc que le dossier-guide contienne un tableau permettant de calculer facilement le montant des aides financières dont la femme pourra bénéficier pendant la grossesse et à la naissance de l'enfant, ainsi que la liste des associations et organismes d'accompagnement des femmes enceintes en difficulté afin, qu'elle puisse mener sa grossesse à terme, puis être aidée après la naissance de l'enfant.

M. le président.

Que répondez-vous, madame la rapporteure, à cet argement que je résumerai ainsi : « Que la lumière soit ! » ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Je crois que tout a été dit. Je ne peux que confirmer le rejet de la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

49. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

50. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Charles, pour soutenir le sous-amendement no

23.

M. Bernard Charles.

Je souhaite que ce dossier-guide soit harmonisé au niveau du territoire. On m'a garanti qu'il y aurait un dossier-guide type dans la circulaire et qu'une adaptation aurait lieu au niveau départemental.

Certaines informations, sur les structures, par exemple, ne peuvent pas être données au niveau national. J'en ai pris acte en commission. Je tenais à le dire publiquement. Et je retire cet amendement.

M. le président.

Le sous-amendement no 23 est retiré.

La parole est à M. Bernard Perrut, pour soutenir l'amendement no

75.

M. Bernard Perrut.

Cet amendement no 75 concerne lui aussi l'information des femmes susceptibles de solliciter l'IVG : non seulement le contenu du dossier-guide, avec l'énumération des droits, des aides et des avantages qui doivent être exposés clairement, mais surtout, un élément nouveau, à savoir les explications et les commentaires du dossier-guide par les médecins.

La remise du dossier-guide n'est pas suffisante car certaines femmes n'ont pas forcément la capacité de lire ou bien de comprendre son contenu.

Il convient donc de les accompagner dès cette étape.

De nombreux médecins ont pu constater que des personnes éprouvent des difficultés, et on en saisit les raisons, à comprendre très clairement le document qui leur est remis.

Cet amendement répond au souci de mieux informer la femme qui doit comprendre ce qui va se passer et connaître ses droits.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Contre.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Même avis.

M. le président.

La parole est à Mme Boutin pour défendre les amendements nos 59, 57, 60 et 58.

Mme Christine Boutin.

Il est important que les femmes qui hésitent entre la poursuite de leur grossesse et le choix de l'avortement soient informées au mieux. C'est pourquoi nous souhaitons voir figurer dans le dossierguide remis par le médecin à la femme venue le consulter en vue d'une IVG certaines informations supplémentaires.

L'amendement no 59 vise à introduire un tableau permettant de calculer le montant des aides financières dont elle pourrait bénéficier.

L'amendement no 57 tend à y ajouter une liste des lieux d'accueil, des centres d'hébergement d'urgence et des associations et organismes d'accompagnement des femmes enceintes en difficulté, ainsi que leurs adresses, afin de l'aider pendant sa grossesse, puis après la naissance de l'enfant.

L'amendement no 60 vise à compléter ces informations par un répertoire départemental des aides économiques, des lieux d'accueil et d'hébergement, et des associations et organismes dédiés à l'accompagnement des grossesses difficiles.

Enfin, l'amendement no 58 tend à permettre que toute femme enceinte en difficulté puisse être orientée vers des services d'aides, des lieux d'accueil et des centres d'hébergement d'urgence.

Je le répète, les prises de position du Gouvernement en faveur d'une information sélective traduisent manifestement une vision très réductrice de la liberté des femmes.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Monsieur le président, tout cela a été largement commenté. Amendements rejetés.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Même avis.

M. le président.

Nous en revenons à l'amendement no 2 rectifié.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Je voterai contre cet amendement de la commission. Il est en effet de ceux qui dénaturent l'esprit même de la loi de 1975, en retournant en réalité les priorités que le texte souhaitait établir en faveur des femmes.

La loi de 1975 présentait l'avortement comme une solution ultime, à laquelle les femmes avaient librement accès selon leur choix personnel. Elle avait au préalable offert un droit, un droit véritable, au sens complet du terme, à l'information et à l'accès à des solutions de prévention du drame et de l'échec que constitue toujours l'avortement.

Les amendements de la commission, et en particulier de sa rapporteure, - l'amendement no 2 rectifié constituant le coeur du problème - ont porté atteinte à l'esprit même de la loi Veil. Est-ce volontaire, ou non ? Dans ce dernier cas, il faut y réfléchir.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 29 NOVEMBRE 2000

Le droit le plus fondamental des femmes est celui de connaître, de savoir, d'appréhender les conséquences personnelles, physiques, bien entendu mais également psychologiques d'une IVG. Et, dans ce domaine, l'échange humain, l'accès à l'information, surtout quand des raisons culturelles ou autres les rendent difficiles, devraient être une priorité absolue.

On parle souvent des droits dans cet hémicycle, mais je trouve que l'on néglige par trop l'inégal accès à la connaissance des droits. Or, nous sommes précisément dans ce cas. Et c'est pourquoi l'amendement devrait non seulement prévoir que soient mentionnées dans le dossierguide les données que vous souhaitez voir retirées, mais également multiplier les possibilités de contacts humains.

Car, dans une telle situation, qui est le plus souvent une situation de détresse, les femmes ont besoin de ce contact humain qu'offre un psychologue, un professionnel ou un médecin, avec qui un échange, un transfert d'anxiété auront lieu. C'est également une prévention aux troubles psychologiques qui, bien souvent, émaillent les suites des avortements.

Cet amendement nous paraît donc particulièrement inopportun.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 2 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, les amendements nos 59, 57, 60 et 58 tombent.

Article 4

M. le président.

« Art. 4. - A la fin du deuxième alinéa de l'article L.

2212-4 du même code, il est ajouté la phrase suivante :

« Si une femme est mineure non émancipée, et si elle exprime le désir de garder le secret à l'égard des titulaires de l'autorité parentale, ou de son représentant légal, elle doit être conseillée sur le choix de la personne majeure mentionnée à l'article L.

2212-7 susceptible de l'accompagner dans sa démarche. »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 4.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

L'amendement no 3, 2e rectification, adopté par la commission sur cet article, a pour objectif de réécrire l'article L.

2212-4 du code de santé publique et de rendre facultatif, ni plus ni moins, l'entretien préalable à l'IVG.

Il démasque la philosophie qui sous-tend le projet de loi dont nous discutons. Au-delà du problème de l'allongement des délais, il s'agit bien davantage du regard que nous portons sur la femme enceinte et sur l'avenir de l'enfant qu'elle porte.

Dans ses explications données en commission, Mme la rapporteure partait du postulat que toute femme enceinte entamant une démarche d'IVG avait fait un choix définitif et ne reviendrait plus jamais sur sa décision. J'affirme le contraire.

Je me permets d'insister sur le fait qu'une femme enceinte est fragile et qu'elle peut subir des pressions ou se heurter à l'indifférence de son entourage. Il est vrai que l'entretien préalable est souvent réduit à un simple enregistrement de la demande d'avortement, alors qu'il devrait être un lieu d'écoute et de parole. Prévu comme l'occasion d'une réflexion, il a été transformé en préparation à l'avortement.

La période de la grossesse est une période d'interrogation et de remise en question, même chez une femme qui a décidé de garder son enfant. Celle qui hésite à le garder n'aura pas seulement besoin d'une simple écoute, ni même d'un éclairage sur ses droits. Car elle peut, au fond d'elle-même, craindre de se poser trop de questions et vouloir les éviter. L'entretien préalable rendu facultatif ne lui donne plus la chance de réfléchir calmement.

Plutôt que de le rendre facultatif, il serait bien plus nécessaire de réformer la façon dont il est mené, afin d'en faire une étape indispensable, un véritable lieu d'écoute et d'information. Tout à l'heure, Mme Roudy, lors d'un débat radiodiffusé qui nous opposait toutes les deux, soulignait le caractère indispensable de l'existence de tels lieux. Or vous proposez tout simplement de les supprimer.

L'enjeu de l'entretien devrait être de déceler l'ambivalence qu'éprouvent de nombreuses femmes à l'égard de l'avortement, de leur permettre de faire surgir de l'inconscient leur désir profond, sans se contenter de rester à la surface, de discerner les pressions de l'entourage et de la société, souvent subies et rarement acceptées.

Nous devons tout faire pour donner à la femme la possibilité de garder son enfant. Or l'amendement de la commission fait exactement le contraire : elle met tout en oeuvre pour que les femmes ne puissent à aucun moment changer d'avis. C'est à se demander si les politiques ne misent pas sur l'échec que représente l'avortement.

Quand bien même l'entretien préalable ne permettrait qu'à une femme sur mille de garder son enfant, il faudrait le maintenir.

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je partage l'avis de Mme Boutin. Il y aura probablement peu de femmes qui exprimeront au cours de l'entretien préalable leur désir de garder l'enfant, mais même s'il n'y en a qu'une pour mille, cela en vaut la peine.

Il existe une autre raison de juger dangereuse la décision de supprimer l'obligation de cet entretien. Les enquêtes montrent que sur 400 avortements, quatre femmes refusent l'entretien, soit 1 %. Quand on insiste un peu, il est accepté et les femmes reconnaissent son utilité. Encore une fois, nous sommes en train de légiférer à la marge, et cela me paraît regrettable. L'entretien préalable, de l'avis de tout le monde, est extrêmement important. Or, dans un grand nombre de cas, s'il n'est plus rendu obligatoire, il disparaîtra.

Au-delà du choix, il me paraît important de bien distinguer l'entretien social de l'entretien psychologique, ce dernier étant essentiel. Parler, c'est tourner la page.

L'avortement dont on n'a pas parlé laisse des traces. Il est fréquent que des femmes stériles sans raison médicale finissent par avouer un avortement.

Chez les mineures, il y a toujours une histoire avec la famille qui doit être dite : divorce, difficultés avec la mère. En l'absence d'un entretien obligatoire, on renvoie les gens à leur solitude. Même s'ils ne parlent pas, ils entendent. Le problème, ce n'est pas l'enfant ou l'avortement, mais que la femme retrouve ses points de repère.

Toutes ces réflexions reposent sur le témoignage de personnes qui s'occupent de mener des entretiens préalables. Quand une femme a décidé qu'elle ne veut pas garder son enfant, elle ne le gardera pas. Mais il faut aider les femmes à être sûres de leur décision. L'entretien est souvent nécessaire afin que les femmes s'expliquent


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leur décision à elles-mêmes. Il peut éviter des dépressions constatées chez les femmes qui n'ont pas pris le temps de la réflexion. « De qui est cet enfant que je porte ? » est un questionnement essentiel.

Je terminerai par le témoignage d'une conseillère conjugale qui dit la même chose sous une autre forme, mais il me semble important d'insister sur ce point.

« L'entretien préalable représente un moment important pour la femme, qui y trouve un lieu de parole à propos de ce qui lui arrive. Lors de ce dialogue, la femme peut essayer de donner un sens à cet événement et trouver les moyens de l'intégrer dans son histoire de couple, dans son histoire de femme. L'essentiel, dans cet entretien, est que la parole de la femme soit respectée, que le partage de ces événements intimes lui permette de faire confiance à des personnes qui sauront l'écouter et ne pas la laisser dans sa solitude. L'entretien préalable permet également de donner des informations sur les différentes pratiques possibles de l'IVG. La femme doit - devrait pourvoir choisir la méthode qui lui paraît la mieux adaptée. »

Mes chers collègues, de tels témoignages, qui sont le fruit de l'expérience, me paraissent infiniment respectables. Ils vont tous dans le sens du maintien - dans l'intérêt des femmes - de l'entretien préalable obligatoire.

Mme Christine Boutin.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

J'interviendrai à l'occasion de l'examen des amendements.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

J'y renonce.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Je suis particulièrement surpris que la commission ait décidé de supprimer le caractère systématique de l'entretien préalable à une IVG. Il ne vous échappera pas, madame la secrétaire d'Etat à la santé, qu'une telle attitude conduit à mettre à part un acte médical qui, de surcroît, risque de devenir un acte chirurgical si le délai passe de dix à douze semaines. Car ce serait le seul acte de ce genre à n'être assorti d'aucun entretien préalable.

Or, par rapport aux autres actes médicaux ou chirurgicaux, l'avortement a quelque chose de plus ; il touche à l'essence même de la vie, au plus intime de la féminité. Il est donc traumatisant par définition, sans même parler des risques médicaux qu'il représente. C'est un véritable orage psychologique qui s'abat sur la femme.

Nous savons tous que, lorsque quelqu'un est confronté à des circonstances perturbantes ou traumatisantes - et tel est bien le cas d'un avortement -, il se crée un besoin de parole. L'absence de réponse à ce besoin peut malheureusement assez souvent entraîner de lourdes conséquences psychologiques. A l'occasion des cette épreuve, des psychopathies sous-jacentes peuvent déboucher sur une décompensation, alors qu'un entretien avait permis de les dépister et de prescrire un accompagnement, une prise en charge.

Loin d'être une atteinte au droit, cet entretien, par son caractère systématique, participe de la prévention sanitaire. D'autant plus que la femme a le droit de ne pas s'exprimer, même si, la plupart du temps, un échange a lieu.

Je serais très surpris que le Gouvernement émette un avis favorable à cet amendement, dans la mesure où cela constituerait une attitude totalement inverse à ce qu'il prescrit dans les circulaires qu'il adresse aux médecins et chirurgiens qui sont sous sa tutelle.

M. le président.

La parole est à monsieur Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Cet article, qui renvoie pour partie à l'article 6, ne vise rien de moins qu'à autoriser une jeune fille, qualifiée de « femme mineure non émancipée », - formulation qui revêt par ailleurs une certaine contradiction - à se passer de l'autorisation de ses parents ou de son représentant légal pour subir une interruption volontaire de grossesse.

Ce texte dangereux ouvre la porte à toutes les dérives.

Les parents ont, aux termes du code civil, des droits et devoirs de garde, de surveillance et d'éducation. Ils sont les premiers protecteurs de l'enfant mineur, qui, je vous le rappelle, est frappé d'incapacité juridique. Or qu'est-ce qui représente au mieux ses droits et ses devoirs sinon l'autorité parentale ? Et qu'est-ce que l'autorité parentale, sinon la possibilité de faire le meilleur choix pour ses enfants ? Former des citoyens responsables, guider les enfants vers leur vie d'adulte, voilà le rôle des parents.

Comment peut-on imaginer que, demain, nos enfants puissent se passer des avis ou recommandations de leurs parents pour des actes aussi importants ?

M. Bernard Charles.

N'importe quoi !

M. Christian Estrosi.

Quels signes va-t-on donner à nos enfants si nous les autorisons à faire tout et n'importe quoi, sans nous en référer ? Est-ce en rognant sur les droits et devoirs des parents que vous entendez les aider, comme l'exige pourtant la convention de sauvegarde des droits de l'enfant ? Car ce qui est en cause, c'est bel et bien la relation entre parents et enfants. Certes, les conflits de générations sont fréquents, la communication n'est pas toujours très bonne, mais dans la plus grande partie des cas, le dialogue est possible.

Bien sûr, certaines situations sont dramatiques et il faut les prendre en compte de la meilleure façon possible.

Il est des cas où toute discussion s'avère impossible. Ces cas, il nous appartient de les régler, mais pas en rognant sur l'autorité parentale.

La loi de 1975 prévoyait expressément le consentement d'un et non pas des deux titulaires de l'autorité parentale.

M. Bernard Charles.

Cela n'a pas marché !

M. Christian Estrosi.

Ce double consentement de la mineure et d'un représentant légal n'a pour autre objectif que de protéger la mineure contre un acte dont elle ne pourrait mesurer la portée. Le fait de devoir et de pouvoir décider seule d'une IVG peut s'avérer extrêmement lourd à porter, car on doit assumer seul l'acte et ses conséquences psychologiques. Pourquoi ne pas envisager de pallier le défaut de consentement des parents par une décision du juge des enfants,...

Mme Catherine Génisson.

Ce serait très humain !

M. Christian Estrosi.

... comme lui en donne possibilité l'article 375 du code civil, même si une telle application ne serait pas sans poser de problèmes pratiques ? Subir une interruption volontaire de grossesse constitue déjà une véritable douleur pour la jeune fille qui va la vivre. Toute sa vie, elle subira des conséquences morales graves. Beaucoup ont du mal à s'en remettre. Cette grave décision conditionnera sa vie de femme.


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Lors des débats sur la loi du 31 décembre 1979, vous alléguiez déjà le fait que le consentement des parents pourrait constituer une épreuve psychologique supplémentaire et inciter des mineures à dissimuler leur état et à recourir à des avortements clandestins. Or c'est exactement ce résultat que vous aller atteindre en supprimant le consentement parental. N'ajoutez pas à cette culpabilité celle d'avoir eu à mentir à ses parents.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements identiques nos 18, 51 et 77.

L'amendement no 18 est présenté par M. Charles,

Mme Robin-Rodrigo, MM. Pontier, Tourret, Charasse, Defontaine, Franzoni, Honde, Nunzi, Rebillard, Rigal, Vernaudon et Warhouver ; l'amendement no 51 est présenté par Mme Boutin ; l'amendement no 77 est présenté par MM. Mattei, Perrut, Meylan, Goasguen, Dhensin, Dominati, Hellier, Laffineur, Rigaud, Lenoir, Herbillon et Lequiller.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 4. »

La parole est à M. Bernard Charles, pour soutenir l'amendement no

18.

M. Bernard Charles.

Je me situe totalement à l'opposé des analyses de Mme Boisseau et de M. Estrosi.

Je crois que les femmes sont libres parce qu'elles sont femmes indépendamment du point de savoir si elles sont majeures ou non, et nous n'acceptons pas que l'on puisse contraindre une mineure à mener une grossesse à terme.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Qui le prétend ?

M. Christian Estrosi.

Je n'ai jamais dit ça !

M. Bernard Charles.

Nous devons admettre l'émancipation de la mineure pour tous les actes relatifs à la grossesse, comme la loi le prévoit déjà pour tous les actes relatifs à l'accouchement.

Certes, les entretiens pré et post-IVG doivent être renforcés. Nous ne voulons pas attaquer la famille dont nous reconnaissons l'importance, mais nous tenons à affirmer la liberté des femmes à disposer de leur corps.

Par ailleurs, la loi ne comporte aucune précision quant à la responsabilité tant civile que pénale de la personne majeure accompagnant la mineure. Nous estimons donc qu'il est préférable de ne pas faire allusion à cette personne majeure dans le texte. Certes, du point de vue social, je comprends très bien cette démarche, mais si, dans la réalité, aucune disposition législative n'est prévue pour fixer la responsabilité de la personne majeure qui accompagne la jeune femme mineure, il faut craindre que, compte tenu du glissement actuel vers le juridisme à outrance, des parents ou la mineure elle-même n'en viennent à intenter des recours contre cette personne référente en cas de problème ultérieur. Cet aspect de la situation a été très largement évoqué en commission car il pose problème.

Telles sont les deux raisons qui m'ont conduit à présenter cet amendement.

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin pour défendre l'amendement no

51.

Mme Christine Boutin.

Ayant déjà présenté mes arguments, je me bornerai à revenir sur l'explication que nous a donnée M. Charles. Elle avait certes une apparence de très grande cohérence, puisqu'il a souligné qu'il fallait accorder aux mineures les mêmes droits pour l'avortement que pour l'accouchement, en particulier l'émancipation. On pourrait entendre ce raisonnement, mais encore faudrait-il que l'avortement et la poursuite de la grossesse soient mis aussi sur un pied d'égalité pour toutes les autres dispositions ! Il me semble très étonnant qu'il n'en soit pas ainsi et c'est pourquoi je tenais à souligner cete incohérence.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Perrut pour soutenir l'amendement no

77.

M. Bernard Perrut.

La défense de cet amendement de suppression me permet de revenir sur l'importance de l'article 4 qui prévoit notamment l'accompagnement de la mineure par une personne se substituant à l'autorité parentale. En effet, cela soulève bien des difficultés. Je constate d'ailleurs que M. Charles, qui a participé hier aux travaux de la commission, a lui aussi, beaucoup réfléchi au problème de la responsabilité.

A cet égard, nous avons déposé un amendement, que nous examinerons plus tard, pour définir la responsabilité civile et pénale de la personne qui se substituera à l'autorité parentale. En effet, tous les problèmes ne sont pas résolus.

Chacun sait qu'un article du code civil confie l'autorité parentale aux parents qui exercent cette autorité morale pour la sécurité, la préservation de la santé de leurs enfants et dans d'autres domaines encore. Or, dès lors que les parents ne l'assument plus et quelle que soit l'argumentation que l'on développe, qui l'assume à leur place en cas de difficultés ? Même si vous supprimez cet article ou la référence à la personne accompagnante, vous ne réglez pas le problème de la responsabilité en cas de difficultés liées à l'IVG d'une mineure.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Cet article 4 a ouvert deux débats : l'un sur l'entretien préalable, l'autre sur les mineures. Le débat central sur les mineures devant être abordé au cours de l'examen de l'article 6, je me bornerai, même si les deux sont liés, à traiter de l'entretien préalable.

En ce qui concerne les majeures - et je crois, monsieur Charles, que nous sommes d'accord sur ce point - nous proposons la suppression de son caractère obligatoire car, là encore, c'est bien le libre arbitre de la femme qui est en jeu.

M. Bernard Accoyer.

Et sa santé ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Cependant, nous estimons nécessaire que soit mise en place une écoute et qu'un entretien soit systématiquement proposé, avant comme après l'IVG. Je dis bien proposé et non imposé, car la parole ne peut être que libre.

Pour ce qui est des mineures, il nous a semblé en revanche nécessaire - et c'est sur ce point que nous divergeons avec M. Charles - de maintenir le caractère obligatoire de l'entretien car, comme l'a fort justement rappelé Mme la ministre, il peut s'agir aussi bien de très jeunes filles de douze ou treize ans que de grandes mineures de plus de dix-sept. Pour aider d'aussi jeunes filles à effectuer le meilleur choix quant à l'accompagnant qui va les épauler dans cette épreuve, il nous a semblé nécessaire que cet entretien préalable ait lieu.

Mon avis est donc défavorable à l'amendement no 18, que la commission a d'ailleurs repoussé.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Il est également défavorable. Mais je veux revenir sur un argument qu'a développé M. Accoyer à propos de l'entre-


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tien préalable en disant qu'il faudrait le maintenir en raison des obligations d'information sanitaire qui sont faites aujourd'hui aux praticiens.

Or, dans l'article de loi L.

2212-4 du code de la santé publique, il s'agit non d'un entretien à caractère sanitaire mais d'un entretien à caractère social, puisqu'il est écrit qu'il faut : « consulter un établissement d'information, de consultation ou de conseil familial, un centre de planification ou d'éducation familiale, un service social ou un autre organisme agréé qui doit lui délivrer une attestation de consultation ». Il n'est donc nullement question de dispenser à la patiente des informations sur la pratique chirurgicale ou médicale qui va lui être proposée.

En conséquence, la suppression de l'entretien visé n'entraîne nullement la suppression de l'information sanitaire que le praticien devra donner à la patiente.

M. le président.

Nous ne parlons pas de cela, madame, de la secrétaire d'Etat !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Si ! M. Accoyer l'a évoqué.

M. le président.

Certes, mais à propos de l'amendement précédent. Pour l'instant, nous en sommes à la suppression de l'article 4, qui prévoit que la mineure est accompagnée.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

J'ai aussi compris que M. Accoyer intervenait contre la suppression de l'obligation de l'entretien.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 18, 51 et 77.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

M. le président.

J'ai reçu, le 28 novembre 2000, de M. Gérard Gouzes, une proposition de loi organique relative à la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.

Cette proposition de loi organique, no 2757, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

3 DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 29 novembre 2000, de M. Georges Sarre et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi tendant à inscrire dans la loi le principe de la gratuité des formules de chèque.

Cette proposition de loi, no 2767, est renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 29 novembre 2000, de M. Alain Ferry, une proposition de loi visant à dispenser de plein droit du service national les titulaires d'un contrat de travail.

Cette proposition de loi, no 2768, est renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 29 novembre 2000, de M. Pierre Albertini, une proposition de loi tendant à améliorer la sécurité des locataires dans les ensembles immobiliers à usage d'habitation.

Cette proposition de loi, no 2769, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 29 novembre 2000, de M. Lionnel Luca, une proposition de loi visant à limiter la surpopulation des chiens et chats en France.

Cette proposition de loi, no 2770, est renvoyée à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 29 novembre 2000, de M. André Santini, une proposition de loi visant à placer sous l'autorité du maire une police territoriale regroupant les effectifs des unités à vocation territoriale de la police nationale et de la police municipale.

Cette proposition de loi, no 2771, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

4 DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 29 novembre 2000, de M. Jacques Godfrain, un rapport, no 2758, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la R épublique française et le Gouvernement de la République togolaise (no 1317).

J'ai reçu, le 29 novembre 2000, de Mme Bernadette Isaac-Sibille, un rapport, no 2759, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile entre la République française et la République socialiste du Vietnam (no 2489).

J'ai reçu, le 29 novembre 2000, de M. Pierre Brana, un rapport, no 2760, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'adhésion de la République française à la convention internationale d'assistance mutuelle administrative en vue de prévenir, de rechercher et de réprimer les infractions douanières (ensemble 11 annexes) (no 2175).

J'ai reçu, le 29 novembre 2000, de M. Paul Dhaille, un rapport, no 2761, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'adhésion du Gouvernement de la République française à la convention internationale de 1989 sur l'assistance (no 2174).

J'ai reçu, le 29 novembre 2000, de M. Charles Ehrmann, un rapport, no 2762, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur : le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation des amendements à la convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution (no 2419) ;


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le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation des amendements au protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution d'origine tellurique (no 2420) ; le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée (ensemble 3 annexes adoptées à Monaco le 24 novembre 1996 no 2421) ; le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation des amendements au protocole relatif à la prévention de la pollution de la mer Méditerranée par les opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs (no 2422).

J'ai reçu, le 29 novembre 2000, de M. Patrick Delnatte, un rapport, no 2763, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur les propositions de loi : de MM. Bernard Accoyer, Jean-Louis Debré et Patrick Delnatte, relative à la conduite automobile sous l'emprise de stupéfiants (no 2148) ; de M. Jean-Pierre Foucher et plusieurs de ses collègues, visant à réprimer la conduite automobile sous l'emprise de produits stupéfiants (no 367).

J'ai reçu, le 29 novembre 2000, de M. Jacques Floch, un rapport, no 2766, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur le projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire (no 2691).

J'ai reçu, le 29 novembre 2000, de M. Jean-Yves Caullet, un rapport, no 2772, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique destinée à améliorer l'équité des élections à l' assemblée de la Polynésie française.

5 DÉPÔT D'UN RAPPORT

SUR UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président.

J'ai reçu, le 29 novembre 2000, de M. François Brottes, un rapport, no 2765, fait au nom de la commission de la production et des échanges, sur la proposition de résolution de M. Didier Boulaud, rapporteur de la délégation pour l'Union européenne, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive no 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté (COM [2000] 319 final/no E 1520) (no 2695).

6 DÉPÔT D'UN AVIS

M. le président.

J'ai reçu, le 29 novembre 2000, de M. François Lamy un avis, no 2764, présenté au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2000 (no 2704).

7

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à neuf heures, première séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 2605, relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception : Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 2726) ; Mme Danielle Bousquet, rapporteure pour avis, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information no 2702).

A quinze heures, deuxième séance publique : Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la première séance ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, no 2753, relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale : M. Jean-Yves Caullet, rapporteur, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2755).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance : La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 30 novembre 2000, à zéro heure quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

E R R A T U

M Au compte rendu intégral de la 2e séance du 14 novembre 2000 (Journal officiel , Débats de l'Assemblée nationale, no 87, du 15 novembre 2000) Page 8518, 2e colonne, 5e alinéa, 14e ligne : Au lieu de :

« à vingt-trois heures, », Lire :

« avant vingt-trois heures, ».

TEXTE SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmission

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, le texte suivant : Communication du 28 novembre 2000 No E 1611. - Proposition de directive du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres (COM [2000] 578 final).