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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES

1. Interruption volontaire de grossesse et contraception. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 9598).

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 9598)

Article 4 (suite) (p. 9598)

Amendements nos 64 de M. Delnatte et 3 deuxième rectific ation de la commission des affaires culturelles : Mmes Jacqueline Mathieu-Obadia, Martine LignièresCassou, rapporteure de la commission des affaires culturelles, la ministre, Danielle Bousquet, au nom de la délégation aux droits des femmes.

Sous-amendements à l'amendement no 3, deuxième rectification : Sous-amendement no 91 de Mme Boisseau : Mmes MarieThérèse Boisseau, la rapporteure, la ministre. - Rejet.

Sous-amendement no 112 de M. Charles : M. Philippe Nauche, Mmes la rapporteure, la ministre. - Adoption de l'amendement no 112 rectifié.

Les sous-amendements nos 92 de Mme Boisseau et 52 de Mme Boutin n'ont plus d'objet.

S ous-amendement no 53 corrigé de Mme Boutin :

Mmes Christine Boutin, la rapporteure, la ministre.

- Rejet.

Sous-amendements identiques nos 54 de Mme Boutin et 113 de M. Charles : Mmes Christine Boutin, la rapporteure, la ministre. - Rejet.

Sous-amendement no 93 corrigé de Mme Marie-Thérèse Boisseau : Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Sous-amendement no 94 de Mme Marie-Thérèse Boisseau :

M mes Marie-Thérèse Boisseau, la rapporteure, la ministre. - Rejet des amendements nos 93 corrigé et 94.

Rejet de l'amendement no 64 ; adoption de l'amendement no 3 deuxième rectification, modifié.

L'article 4 est ainsi rédigé.

Les amendements nos 32 rectifié de M. Accoyer, 65 de M. Delnatte et 33 de Mme Mathieu-Obadia n'ont plus d'objet.

Après l'article 4 (p. 9602)

Amendement no 21 de M. Charles : M. Philippe Nauche,

Mmes la rapporteure, la ministre. - Rejet.

Article 5 (p. 9602)

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Amendements de suppression nos 36 de Mme MathieuObadia, 37 de Mme Boutin et 95 de Mme Boisseau : Mmes Jacqueline Mathieu-Obadia, la rapporteure, Christine Boutin, la ministre. - Rejet.

Amendement no 78 de M. Mattei : M. Bernard Perrut,

Mmes la rapporteure, la ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 5.

Après l'article 5 (p. 9603)

Amendement no 27 de Mme Nicole Catala : Mmes Jacqueline Mathieu-Obadia, la rapporteure, la ministre. - Rejet.

Article 6 (p. 9603)

Mmes Marie-Thérèse Boisseau, Christine Boutin, M. Bernard Perrut.

Amendement de suppression no 38 de Mme Boutin :

Mmes Christine Boutin, la rapporteure, la ministre, Marie-Thérèse Boisseau, Bernadette Isaac-Sibille. - Rejet.

Amendement no 19 de M. Charles : M. Roger Franzoni,

Mmes la rapporteure, la ministre. - Rejet.

Amendement no 82 de M. Goulard : M. Bernard Perrut.

Amendement no 79 de M. Mattei : M. Bernard Perrut, Mmes la rapporteure, la ministre. - Rejet des amendements nos 82 et 79.

Amendement no 4 de la commission : Mmes la rapporteure, la ministre. - Adoption.

Amendement no 114 de la commission : Mmes la rapporteure, la ministre. - Adoption.

L'amendement no 14 de M. Nauche a été retiré.

Amendement no 127 de Mme Lignières-Cassou : M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles ; Mme la ministre. - Retrait.

Amendement no 96 de Mme Boisseau : Mmes Marie-Thérèse Boisseau, la rapporteure, la ministre. - Rejet.

Amendement nos 66 de M. Delnatte et 67 de M. Accoyer : Mmes Jacqueline Mathieu-Obadia, la rapporteure, la ministre. - Rejets.

Amendement no 97 de Mme Boisseau : Mmes Marie-Thérèse Boisseau, la rapporteure, la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 6 modifié.

Après l'article 6 (p. 9610)

Amendement no 80 de M. Mattei : M. Bernard Perrut,

M mes la rapporteure, la ministre, Marie-Thérèse Boisseau. - Rejet.

Article 7 (p. 9611)

M mes Marie-Thérèse Boisseau, Christine Boutin,

M. Bernard Perrut.

Amendement no 39 de Mme Boutin : Mmes Christine Boutin, la rapporteure, la ministre. - Rejet.

Amendement no 5 rectifié de la commission : Mmes la rapporteure, la ministre, Muguette Jacquaint. - Retrait.

Amendement no 83 de M. Mattei : Mmes Marie-Thérèse Boisseau, la rapporteure, Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Rejet.

Adoption de l'article 7.

Après l'article 7 (p. 9614)

Amendement no 61 de Mme Boutin : Mmes Christine Boutin, la rapporteure, la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 115 de la commission, avec le sousamendement no 131 du Gouvernement : Mmes la rapporteure, la secrétaire d'Etat, Marie-Thérèse Boisseau,


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Jacqueline Mathieu-Obadia, Muguette Jacquaint. - Adoption du sous-amendement no 131 rectifié et de l'amendement no 115 modifié.

Article 8 (p. 9615)

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Amendement no 98 de Mme Boisseau : Mmes Marie-Thérèse Boisseau, la rapporteure, la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Adoption de l'article 8.

Après l'article 8 (p. 9617)

Amendement no 6 de la commission, avec les sousamendements nos 24 de M. Charles et 15 de M. Nauche, et amendement nos 84 de M. Mattei, 31 de Mme de Panafieu et 99 de Mme Boisseau : Mmes la rapporteure, Danielle Bousquet, au nom de la délégation ; la secrétaire d'Etat, M. Bernard Perrut, Mme Jacqueline MathieuObadia. - Retrait du sous-amendement no

15. M. Roger Franzoni, Mmes la rapporteure, la secrétaire d'Etat, Christine Boutin, Marie-Thérèse Boisseau. - Rejet du sous-amendement no 24 ; adoption de l'amendement no 6 ; les amendements nos 84, 31 et 99 n'ont plus d'objet.

Article 9 (p. 9619)

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Amendement no 100 de Mme Boisseau : Mmes MarieThérèse Boisseau, la rapporteure, la secrétaire d'Etat. Rejet.

Amendement no 85 de M. Mattei : M. Bernard Perrut,

Mmes la rapporteure, la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Adoption de l'article 9.

Article 10. - Adoption (p. 9620)

Article 11 (p. 9620)

A mendements nos 116 de la commission et 22 de M. Charles : Mmes la rapporteure, la secrétaire d'Etat, M. Roger Franzoni, Mmes Christine Boutin, Muguette Jacquaint, Bernadette Isaac-Sibille. - Adoption de l'amendement no 116.

L'article 11 est ainsi rédigé.

L'amendement no 22 n'a plus d'objet, non plus que l'amendement no 101 de Mme Boisseau.

Après l'article 11 (p. 9623)

Amendement no 117 de la commission : Mmes la rapporteure, la secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 41 de Mme Boutin : Mme Christine Boutin, la rapporteure, la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Article 12 (p. 9624)

Mmes Marie-Thérèse Boisseau, Christine Boutin, Muguette Jacquaint.

Amendement no 40 de Mme Boutin : Mmes Christine Boutin, la rapporteure, la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 118 de la commission : Mmes la rapporteure, la secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 12 modifié.

Après l'article 12 (p. 9626)

Amendement no 13 de Mme Bousquet : Mmes Danielle Bousquet, au nom de la délégation ; la secrétaire d'Etat, Véronique Neiertz. - Adoption.

Article 13 (p. 9626)

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Amendement no 119 rectifié de la commission : Mmes la rapporteure, la secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 120 rectifié de la commission : Mmes la rapporteure, la secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 125 du Gouvernement : Mmes la secrétaire d'Etat, la rapporteure. - Adoption de l'amendement no 125 rectifié.

Adoption de l'article 13 modifié.

Article 14 (p. 9627)

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Amendement no 121 rectifié de la commission : Mmes la rapporteure, la secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 102 de Mme Boisseau : Mmes la rapporteure, la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Adoption de l'article 14 modifié.

Article 15. - Adoption (p. 9628)

Après l'article 15 (p. 9628)

Amendement no 103 de Mme Boisseau : Mmes MarieThérèse Boisseau, la rapporteure, la secétaire d'Etat.

- Rejet.

Amendement no 62 de Mme Boutin : Mmes Christine Boutin, la rapporteure, la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 63 de Mme Boutin : Mmes Christine Boutin, la rapporteure, la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Article 16 (p. 9630)

Mmes Marie-Thérèse Boisseau, Christine Boutin.

Adoption de l'article 16.

Après l'article 16 (p. 9631)

Amendements nos 124 du Gouvernement, 9 de la commission, avec les sous-amendements nos 109 et 111 de M. Estrosi, et amendements nos 105 rectifié de Mme Boisseau et 71 rectifié de M. Mattei : Mmes la secrétaire d'Etat, la rapporteure, Marie-Thérèse Boisseau, M. Bernard Perrut, Mmes Bernadette Isaac-Sibille, Jacqueline Mathieu-Obadia. - Adoption de l'amendement no 124 ; les amendements nos 9, 105 rectifié et 71 rectifié n'ont plus d'objet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 9633).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1

INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE ET CONTRACEPTION Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception (nos 2605, 2726).

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je demande la parole, madame la présidente.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, avant que nous ne reprenions nos débats sur l'IVG, je souhaite vous communiquer les très bons chiffres enregistrés au mois d'octobre en matière de chômage. Au cours de ce mois, celui-ci a continué à diminuer très fortement. Il y a eu 54 700 chômeurs de moins, c'est-à-dire à peu près la même baisse qu'en septembre. Cela s'est traduit par une diminution de 2,4 % du nombre des demandeurs d'emploi en fin de mois. En trois mois, le nombre des chômeurs a diminué de 122 000.

Le taux de chômage est passé en un an de 11 % à 9,4 %, ce qui place la France à la première place européenne pour le rythme de diminution du chômage, avec un taux de 1,6 % par an contre 1,2 % en Espagne, 0,8 % en Italie, 0,7 % au Royaume-Uni, 0,5 % en Allemagne et aux Pays-Bas. Vous voyez à ces chiffres que le rythme de diminution du chômage en France est trois fois plus élevé qu'en Allemagne ou qu'aux Pays-Bas.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Cela ne doit pas faire oublier que 10 % de la population française vivent encore sous le seuil de pauvreté !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il est également très encourageant de voir que toutes les catégories de chômage continuent à diminuer : celui des jeunes, comme celui de longue durée, et spécialement, celui de plus de deux ans. Depuis juin 1997, le nombre de chômeurs a diminué de 922 000. Nous nous approchons donc du million de chômeurs.

Telle est la bonne nouvelle que je voulais vous donner avant que nous ne reprenions nos débats.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Cela ne doit pas faire oublier que vous avez levé l'interdiction du travail de nuit des femmes ! Discussion des articles (suite)

Mme la présidente.

Hier soir, l'Assemblée a commencé la discussion des articles et s'est arrêtée, au sein de l'article 4, aux amendements nos 64 et 3 deuxième rectification.

Article 4 (suite)

M me la présidente.

Je rappelle les termes de l'article 4 : Art. 4. - A la fin du deuxième alinéa de l'article

L. 2212-4 du même code, il est ajouté la phrase suivante : "Si une femme est mineure non émancipée, et si elle exprime le désir de garder le secret à l'égard des titulaires de l'autorité parentale, ou de son représentant légal, elle doit être conseillée sur le choix de la personne majeure mentionnée à l'article L.

2212-7 susceptible de l'accompagner dans sa démarche." » Les amendements nos 64 et 3 deuxième rectification peuvent être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 64, présenté par M. Delnatte, est libellé comme suit :

« Rédiger ainsi l'article 4 :

« L'article L.

2212-4 est ainsi rédigé :

« Art. L.

2212-4. Une femme s'estimant placée dans la situation mentionnée à l'article L.

2212-1 doit, après la démarche prévue à l'article L.

2212-3, consulter un établissement d'information, de consultation ou de conseil familial, un centre de planification ou d'éducation familiale, un service social ou un autre organisme agréé qui doit lui délivrer une attestation de consultation. Lorsque la femme est mineure non émancipée, la consultation est faite par une équipe pluridisciplinaire composée d'un médecin, d'un psychologue et d'un travailleur social.

« Si elle exprime le désir de garder le secret à l'égard de l'autorité parentale ou de son représentant légal, un des membres de l'équipe pluridisciplinaire l'accompagnera dans sa démarche comme prévu à l'article L.

2212-7. »

L'amendement no 3 deuxième rectification, présenté par Mme Lignières-Cassou, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, M. Nauche, Mme Bousquet et les commissaires membres du groupe socialiste, est libellé comme suit :

« Rédiger ainsi l'article 4 :

« Art.

4. Les deux premiers alinéas de l'article L. 2212-4 du même code sont ainsi rédigés :

« Art. L. 2212-4. - Il est systématiquement proposé, avant et après chaque interruption volontaire de grossesse, à la femme majeure une consultation


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avec une personne ayant satisfait à une formation en conseil conjugal ou toute autre personne qualifiée dans un établissement d'information, de consultation ou de conseil familial, un centre de planification ou d'éducation familiale, un service social ou un autre organisme agréé. Cette consultation comporte un entretien particulier au cours duquel une assistance et des conseils appropriés à la situation de l'intéressée lui sont apportés.

« Pour la femme mineure non émancipée, cette consultation est obligatoire et l'organisme concerné doit lui délivrer une attestation de consultation. Si elle exprime le désir de garder le secret à l'égard des titulaires de l'autorité parentale, ou de son représentant légal, elle doit être conseillée sur le choix de la personne majeure mentionnée à l'article L.

2212-7 susceptible de l'accompagner dans sa démarche. »

La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, pour soutenir l'amendement no

64.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, nous sommes très heureux des chiffres concernant la diminution du chômage que vous venez de nous annoncer. Ceux-ci ne doivent toutefois pas faire oublier, comme l'a fait remarquer une de mes collègues, que 10 % de personnes en France vivent encore sous le seuil de pauvreté. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je le dis sans aucun sens polémique, croyez-moi. Je fais simplement remarquer qu'il est nécessaire de voir également progressivement diminuer ce taux. Mais je pense que nous partageons tous et toutes, ici, cette position.

J'en viens à l'amendement de notre collègue M. Delnatte qui propose une rédaction différente de l'article 4.

Une demande d'interruption de grossesse est toujours difficile et toujours synonyme d'échec, on l'a dit et redit hier. Pour les mineures, le problème est encore aggravé.

Elles sont particulièrement vulnérables car incapables, dans la plupart des cas, de comprendre l'ensemble de la procédure et de mesurer les conséquences de l'acte qu'elles projettent de faire.

Notre collègue pense que l'on pourrait prévoir, pour la jeune fille mineure non émancipée, une consultation auprès d'une équipe pluridisciplinaire composée d'un médecin, d'un psychologue et d'un travailleur social.

Nous pensons que c'est une excellente solution et nous espérons que vous partagerez notre point de vue.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Martine L ignières-Cassou, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no

64.

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

L'amendement a été repoussé par la commission.

M me Jacqueline Mathieu-Obadia.

Peut-on en connaître les raisons ?

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement, parce que le choix d'un adulte référent nous paraît la mesure adéquate à prendre pour accompagner cette adolescente dans une démarche évidemment difficile et examiner le moyen de renouer le dialogue avec ses parents.

Il ne s'agit pas de se substituer aux parents mais d'inciter l'adolescente à renouer le dialogue avec eux. Mais, quand elle ne le peut pas, et seulement dans ce cas-là, il est prévu qu'un ou une adulte puisse l'accompagner.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Une simple question : Mme la rapporteure et Mme la ministre croientelles vraiment qu'une seule personne adulte référente peut tenir lieu à la fois de conseil médical et de conseil psychologique ?

Mme la présidente.

Madame Mathieu-Obadia, l'amendement suivant étant soumis à une discussion commune, nous allons reprendre cette question.

La parole est à Mme la rapporteure, pour défendre l'amendement no

3.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Comme nous l'avons dit hier soir, nous avons estimé que l'entretien n'avait plus lieu d'être obligatoire pour les majeures.

Nous pensons, en effet, qu'une femme a son libre arbitre.

Mme Christine Boutin.

Libre arbitre non éclairé ! L'obscurantisme le plus total règne en la matière !

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Nous ne pouvons jamais imposer un entretien. La parole est libre.

Mais nous devons le proposer systématiquement et nous avons même prévu qu'il le soit avant et après une IVG.

L'amendement a également pour objet de reconnaître dans la loi le rôle des personnes qui travaillent dans le conseil conjugal.

En revanche, pour les mineures, nous maintenons le caractère obligatoire de l'entretien. Leur âge peut s'échelonner entre douze ans et dix-sept ans trois quart et c'est en pensant à celles qui ont douze ans que nous avons maintenu cette disposition. Il nous paraît nécessaire de discuter avec elle du choix de la personne qui les accompagnera.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Danielle Bousquet, au nom de la délégation aux droits des femmes.

Mme Danielle Bousquet, au nom de la délégation aux droits des femmes.

Sans revenir sur le fond, à savoir que c'est la femme qui décide si, oui ou non, elle souhaite avoir un entretien, je veux insister sur l'importance de cet amendement. Il correspond tout à fait aux recommandations de la délégation parlementaire aux droits des femmes. Lorsqu'une femme manifeste la volonté d'avoir un entretien, le rôle que joue la conseillère conjugale est extrêmement important par l'écoute qu'elle offre à la femme et l'aide qu'elle lui apporte dans l'explicitation de sa décision. C'est pour cette raison que nous insistons sur l'importance de la formation de cette personne et qu'il est précisé dans l'amendement que la consultation est prévue « avec une personne ayant satisfait à une formation en conseil conjugal ou toute autre personne qualifiée... ». Il doit en effet s'agir de professionnels suscep-

tibles d'apporter des conseils appropriés aux femmes en toute objectivité.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je serais très brève, puisque nous avons eu de longs débats hier sur cette question. Je partage totalement l'avis des rapporteures et suis donc favorable à l'amendement.

Mme la présidente.

Sur l'amendement no 3 deuxième rectification, je suis saisie d'une série de sous-amendements.


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Mme Boisseau a présenté un sous-amendement, no 91, ainsi rédigé :

« Avant le deuxième alinéa de l'amendement no 3 deuxième rectification, insérer l'alinéa suivant :

« Une femme s'estimant placée dans une situation m entionnée à l'article L.

2212-1 doit après la démarche prévue à l'article L.

2212-3 consulter un établissement d'information, de consultation ou de conseil familial, un centre de planification ou d'éducation familiale, un service social ou un autre organisme agréé qui doit lui délivrer une attestation de consultation. »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je vais défendre la position opposée à celle qui vient d'être exprimée, non pas pour le principe ni pour l'opposition en soi mais par conviction.

L'entretien préalable est extrêmement précieux et bénéfique et est, à un très faible pourcentage près, tout à fait accepté par les femmes, et même souhaité. Selon les enquêtes qui ont été réalisées, sur 400 femmes, seules 3 % ont refusé cet entretien préalable.

J'ai très peur que, s'il n'est pas obligatoire, il ne disparaisse très rapidement, ce qui serait infiniment dommageable pour les femmes.

L'amendement no 91 tend à rétablir le caractère obligatoire de cet entretien préalable. Encore une fois il ne s'agit pas d'une obligation pour l'obligation, mais d'une obligation au service des femmes, étant entendu que les personnes qui accueillent ces femmes en difficulté savent très bien, en présence d'une opposition fondamentale, adapter leur discours et peuvent passer rapidement si telle est la volonté de leur interlocutrice. Il s'agit de problèmes personnels qui doivent être traîtés au cas par cas. On a vu des femmes extrêment bloquées - et je parle d'expérience - qui, bien que ne disant rien, n'en écoutaient pas moins et même entendaient ce qui leur était dit et pour qui l'entretien a constitué une aide pour dénouer leurs problèmes.

Je souhaite donc pour les femmes que cet entretien retrouve son caractère obligatoire.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Tout à fait.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Avis défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no

91. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. Pierre-Christophe Baguet.

C'était pourtant un amendement d'humanité !

Mme la présidente.

M. Charles, Mmes Lignières-Cassou, Robin-Rodrigo, MM. Pontier, Tourret, Charasse, Defontaine, Franzoni, Honde, Nunzi, Rebillard, Rigal, Vernaudon, Warhouver, Nauche, Mme Bousquet et les membres du groupe socialiste appartenant à la commission des affaires culturelles, ont présenté un sousamendement, no 112, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le deuxième alinéa de l'amendement no 3 deuxième rectification :

« Art. L.

2212-4. Il est systématiquement proposé, avant et après l'interruption de grossesse, à la femme majeure une consultation avec une personne ayant satisfait à une formation qualifiante en conseil conjugal ou tout autre personne qualifiée dans un établissement d'information de consultation ou de conseil familial, un centre de planification ou d'éducation familiale, un service social ou un autre organisme agréé. Cette consultation comporte un entretien particulier au cours duquel une assistance ou des conseils appropriés à la situation de l'intéressée lui sont apportés. »

La parole est à M. Philippe Nauche.

M. Philippe Nauche.

Nous voulons insister sur le fait que l'entretien doit être fait par des professionnels qualifiés. C'est pourquoi nous souhaitons qu'il soit précisé que la personne chargée du conseil conjugal doit avoir satisfait à une formation qualifiante en conseil conjugal.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Avis favorable à la condition que le mot « volontaire » soit ajouté entre « interruption » et « de grossesse ». Il s'agit de corriger une erreur matérielle.

Mme la présidente.

Dont acte, madame la rapporteure.

Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement no 112 rectifié ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no 112 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, les sous-amendement nos 92 de Mme Boisseau et 52 de Mme Boutin n'ont plus d'objet.

Mme Boutin a présenté un sous-amendement, no 53 corrigé, ainsi rédigé :

« Compléter la dernière phrase de l'avant-dernier alinéa de l'amendement no 3 deuxième rectification par les mots : " en vue notamment de permettre à celle-ci de garder son enfant ". »

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Comme nous l'avons maintes fois dit hier, dans la discussion générale comme dans nos interventions sur les articles, si une vie peut être sauvée, il faut tout tenter pour qu'elle le soit. C'est pourquoi nous proposons de compléter l'avant-dernier alinéa par les mots : « en vue notamment de permettre à celle-ci » - à savoir la femme - « de garder son enfant ».

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Avis défavorable au sous-amendement.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis défavorable. Il faut aider toutes les femmes enceintes, celles qui veulent garder leur enfant comme celles qui ne le souhaitent pas.

Mme Christine Boutin.

Mais vous...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Toutes les femmes enceintes et non pas seulement une partie d'entre elles, madame !

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no 53 corrigé.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)


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Mme la présidente.

Je suis saisi de deux sousamendements identiques, nos 54 et 113.

Le sous-amendement no 54 est présenté par Mme Bout in ; le sous-amendement no 113 est présenté par M. Charles, Mme Robin-Rodrigo, MM. Pontier, Tourret, Charasse, Defontaine, Franzoni, Honde, Nunzi, Rebillard, Rigal, Vernaudon et Warhouver.

Ces sous-amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer le dernier alinéa de l'amendement no 3 deuxième rectification. »

La parole est à Mme Christine Boutin, pour soutenir le sous-amendement no

54.

Mme Christine Boutin.

Permettez-moi de faire remarquer tout d'abord que le ton supérieur que prend Mme le ministre est véritablement insupportable ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le sous-amendement no 54 tend à supprimer le dernier alinéa de l'amendement de la commission qui lui-mêmes upprime l'autorisation parentale pour l'IVG d'une mineure. Il est incohérent, d'un côté, de dénoncer la démission des parents et de prôner l'importance de leur responsabilité et, de l'autre côté, de supprimer la nécessité de leur consentement pour un acte aussi grave et douloureux.

L'article, tel que vous le présentez, madame la rapporteure, a pour conséquence de décrédibiliser l'autorité parentale.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Défavorable. Nous savons très bien que les parents ne sont pas démissionnaires mais nous savons également que les jeunes ne peuvent pas toujours obtenir leur consentement. Et elles ont besoin d'être accompagnées !

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis défavorable, bien entendu, puisque l'article 4 ne supprime nullement l'autorisation parentale pour les mineures. Il modifie seulement l'article L.

2212-4 qui fixe les règles relatives à l'entretien pré-IVG, ce qui est quand même différent.

Je vous ferai remarquer, madame Boutin, au risque de vous agacer à nouveau, que votre sous-amendement no 54 est contradictoire avec le sous-amendement no 53, comme si vous ne croyiez pas vous-même à ce que vous proposez.

Mme Christine Boutin.

Pas du tout !

Mme la présidente.

Je mets aux voix par un seul vote les sous-amendements nos 54 et 113.

(Ces sous-amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente.

Mme Boisseau a présenté un sousamendement, no 93 corrigé, ainsi rédigé :

« Dans l'avant-dernière phrase du dernier alinéa de l'amendement no 3, deuxième rectification, après les mots : "représentant légal,", insérer les mots : "la ou les personnes des organismes mentionnés au 1er alinéa devront s'efforcer, dans son intérêt, d'obtenir son consentement pour qu'il soient consultés et". »

Madame Boisseau, soutiendrez-vous en même temps votre sous-amendement no 94 ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

J'allais vous le proposer, madame la présidente.

Mme la présidente.

Ce sous-amendement est ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du dernier alinéa de l'amendement no 3, deuxième rectification, substituer aux mots : "susceptible de" les mots : "et qui doit". »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Ces sous-amendements ont tous deux pour but de renforcer la démarche visant à renouer des liens entre la mineure et ses parents, souvent distendus, il est vrai, reprendre contact avec eux et tenter d'obtenir l'autorisation parentale - à ne pas confondre avec l'autorité parentale - lorsque la question d'un avortement vient à se poser.

Je sais bien que l'autorisation parentale n'est pas remise en question dans le projet de loi ; c'est une bonne chose.

Reste que, dans la majeure partie des cas, les mineures sont confrontées à une situation de blocage, totalement isolées, coupées de leur milieu familial. Mais en discutant avec elles, en les entourant, en échangeant, il est possible de retisser les liens avec la famille.

On peut définir trois types de grossesse chez les mineures. Dans l'un de ces cas, c'est un appel au secours, une bouteille jetée à la mer. Ces jeunes filles, répétons-le, sont extrêmement seules. Il faut en premier lieu retisser autour d'elles le tissu social et en premier lieu tenter de renouer le lien avec la famille. C'est possible dans plus de 90 % des cas et c'est ce à quoi tendent mes deux sousamendements. Restent les cas limites, que nous verrons plus loin.

Mme Christine Boutin.

Très bien !

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements nos 93 corrigé et 94 ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Avis défavorable, dans la mesure où la rédaction proposée de l'article 6 répond parfaitement aux préoccupations de Mme Boisseau.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable au sous-amendement no 93 corrigé, l'article 6 prévoyant que la discussion avec la mineure sur la possibilité ou non d'obtenir le consentement parental relève de la responsabilité du médecin.

Le sous-amendement no 94 vise quant à lui à renforcer le caractère obligatoire de l'accompagnement du mineur par une personne de son choix. Je vous mets en garde contre le risque qu'il entraînerait sur le plan de la responsabilité juridique de l'accompagnant, en contradiction avec l'esprit de la loi. Nous aborderons ce point à l'article 6 ; je préciserai alors les conditions de responsabilité ou non de l'accompagnant.

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no 93 corrigé.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no

94. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

64. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 3 deuxième rectification, modifié par le sous-amendement no 112 rectifié.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)


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Mme la présidente.

En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.

Les amendements nos 32 rectifié de M. Accoyer, 65 de M. Delnatte et 33 de Mme Mathieu-Obadia n'ont plus d'objet.

Après l'article 4

Mme la présidente.

M. Charles, Mme Robin-Rodrigo, MM. Pontier, Tourret, Charasse, Defontaine, Franzoni, Honde, Nunzi, Rebillard, Rigal, Vernaudon et Warhouver ont présenté un amendement, no 21, ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« L'article L.

46 du code de la famille et de l'aide sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les collectivités locales et territoriales ne peuvent subventionner des établissements privés d'aide aux femmes en détresse non conventionnés par l'Etat. »

M. Philippe Nauche.

Cet amendement est défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Cet amendement a été repoussé par la commission. Sa rédaction laisse entendre qu'une tutelle peut être exercée sur une collectivité territoriale, ce qui n'est pas possible.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis que la rapporteure.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

21. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 5

Mme la présidente.

« Art. 5. A l'article L.

2212-5 du même code, les mots : "sauf au cas où le terme des dix semaines risquerait d'être dépassé, le médecin étant seul juge de l'opportunité de la décision" sont remplacés par les mots : "sauf dans le cas où le terme des douze semaines risquerait d'être dépassé". »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau, inscrite sur l'article 5.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je défends par la même occasion mon amendement de suppression. Nous l'avons dit à de nombreuses reprises : le groupe UDF est opposé à l'allongement du délai de dix à douze semaines, que nous considérons comme une fuite en avant. Mieux vaut commencer par régler tous les problèmes qui se posent, ce que permet la simple application de la loi Veil.

Ajoutons que cet article pose un problème médical majeur dans la mesure où il crée une interférence extrêmement inquiétante entre le diagnostic prénatal au niveau de la onzième semaine et le possible allongement du délai légal jusqu'à la douzième semaine.

Mme la présidente.

Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 36, 37 et 95.

L'amendement no 36 est présenté par Mmes MathieuObadia, Aurillac et M. Delnatte ; l'amendement no 37 est présenté par Mme Boutin ; l'amendement no 95 est présenté par Mme Boisseau et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et

M. Mattei.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 5. »

La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, pour soutenir l'amendement no

36.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

La loi Veil est une excellente loi qui donne toute satisfaction, pour peu qu'elle soit parfaitement appliquée, comme cela est inscrit dans le texte. Or c'est loin d'être le cas. Vous n'êtes pas obligatoirement en cause : c'est la faute de tous les gouvernements qui se sont succédé depuis qu'elle est entrée en application.

Relisez bien la loi Veil. Vous verrez que, pour peu que nous l'appliquions à la lettre, elle contient d'ores et déjà tous les dispositifs et procédures nécessaires pour diminuer le nombre excessif d'avortements que nous connaissons.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Avis défavorable, de même que sur les amendements nos 37 et 95.

Je ferai remarquer à leurs auteurs qu'en supprimant l'article 5 ils suppriment le principe selon lequel le médecin est le seul juge de l'opportunité de sa décision, ce qui me paraît grave.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Oh !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour soutenir l'amendement no

37.

Mme Christine Boutin.

L'objectif est évidemment le même que celui visé par Mme Mathieu-Obadia. Je propose de revenir au texte de la loi de 1975, qui me semble à tous égards meilleur que celui qui nous est proposé aujourd'hui, dans la mesure où toutes les informations et les conseils à l'adresse de la femme susceptible d'avorter, mais tout aussi bien de garder son enfant, privilégient la première orientation. De surcroît, rien n'est prévu pour véritablement garantir que les avortements s'effectueront dans de bonnes conditions.

M me la présidente.

L'amendement no 95 de Mme Boisseau a déjà été défendu.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

En effet.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements de suppression ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 36, 37 et 95.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente.

MM. Mattei, Perrut, Meylan, Proriol, Goasguen, Patriarche, Hellier, Rigaud, Lenoir, Nicolin, Herbillon et Lequiller ont présenté un amendement, no 78, ainsi rédigé :

« Dans l'article 5, substituer au nombre : "douze" le nombre : "dix". »

La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

Amendement de cohérence. Depuis le début de la discussion, nous nous sommes opposés à l'allongement de dix à douze semaines, pour une série de raisons qui tiennent en premier lieu au fait que la loi de 1975, pour peu qu'elle soit correctement appliquée, pourrait parfaitement conduire aux résultats attendus.

L'allongement du délai est plus une fuite en avant qu'un moyen de prendre les mesures qui s'imposent.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Avis évidemment défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Evidemment défavorable, puisque l'objet du projet de loi est précisément d'allonger le délai légal à douze semaines.

Mme la présidente.

Maintenez-vous votre amendement, monsieur Perrut ?

M. Bernard Perrut.

Oui !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

78. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Après l'article 5

Mme la présidente.

Mmes Catala, Mathieu-Obadia, Aurillac et M. André ont présenté un amendement, no 27, ainsi libellé :

« Après l'article 5, insérer l'article suivant :

« L'article L.

2212-5 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la femme a déposé sa confirmation écrite dans le délai légal de dix semaines, elle doit avoir accès à l'interruption volontaire de grossesse même si celle-ci intervient au-delà du délai légal. »

La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Nous connaissons tous, nous en avons longuement parlé, des cas de détresse liés à la longueur des procédures. Celles-ci sont si pesantes, et parfois le choix lui-même si difficile que, même lorsque l'intéressée est dès le départ déterminée à interrompre sa grossesse, elle se retrouve au final hors des limites légales.

Il était logique d'essayer devenir en aide à ces femmes, par simple esprit de compassion naturelle et de justice dans la mesure où les intéressées, alors qu'elles se sont présentées dans le délai légal, se voient tout à coup hors délai pour des raisons et des motifs qui ne sont pas de leur fait.

Aussi Mme Catala propose-t-elle à juste raison de faire en sorte que, dès lors que la femme est totalement décidée à demander une interruption volontaire de grossesse, elle puisse le confirmer par écrit alors qu'elle est encore dans le délai légal. Et si, par hasard, la longueur des procédures aboutissait à dépasser le délai de dix semaines, sa volonté devrait néanmoins être prise en compte, la date de la confirmation faisant foi. Cette disposition est d'une telle évidence et d'un tel bon sens qu'elle mérite à tout le moins d'être discutée et, je l'espère, acceptée.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Cet amendement a été rejeté par la commission, même si nous prenons acte du souci d'ouverture manifesté par Mme Catala. Reste que son but est de ne pas allonger les délais... (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Martin.

C'est incroyable !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Vous ne reculez devant aucune contradiction !

Mme la présidente.

Maintenez-vous cet amendement, madame Mathieu-Obadia ?

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Oui, madame la présidente.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

27. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 6

Mme la présidente.

« Art. 6. - L'article L. 2212-7 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 2212-7. - Si la femme est mineure non émancipée, le consentement de l'un des titulaires de l'autorité parentale ou, le cas échéant, du représentant légal est recueilli. Ce consentement est joint à la demande qu'elle présente au médecin en dehors de la présence de toute autre personne.

« Si la femme mineure non émancipée désire garder le secret, le médecin doit s'efforcer, dans son intérêt, d'obtenir son consentement pour que le ou les titulaires de l'autorité parentale ou, le cas échéant, le représentant légal soient consultés.

« Si la mineure ne veut pas effectuer cette démarche, ou si le consentement n'est pas obtenu, le médecin peut pratiquer l'interruption de grossesse à la demande de l'intéressée, présentée dans les conditions prévues au premier alinéa. Dans ce cas, la mineure se fait accompagner dans sa démarche par la personne majeure de son choix.

« En outre, il lui est proposé une deuxième consultation après l'intervention, ayant notamment pour but une nouvelle information sur la contraception. »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 6.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je suis plutôt d'accord avec la rédaction de l'article 6 qui maintient le principe de l'autorisation parentale pour les mineures. Il est vrai que, dans la plupart des pays européens, celle-ci n'est pas nécessaire. Nous la maintenons en France et c'est une bonne chose. L'intérêt de la mineure, comme certainement celui de notre société, commande de tout faire pour renouer les liens entre les adolescents et leurs familles et de renforcer ce qui à mes yeux reste la cellule de base, la pierre angulaire de notre société : la famille.

Au prix d'effort parfois considérables, car il arrive souvent que les mineures y soient au départ tout à fait opposées, on parvient dans nombre de cas à des résultats assez extraordinaires et à restaurer une relation entre les parents et les jeunes filles d'une qualité qu'ils n'avaient jamais connue auparavant.

Je suis tout à fait favorable au maintien de l'autorisation parentale. Cela dit, j'ai parfaitement conscience que, dans une minorité de cas - moins de 10 %, semble-t-il -, cette autorisation parentale est impossible à obtenir ; il arrive même qu'elle ne soit pas souhaitable, dans la mesure où elle risquerait d'entraîner des conséquences extrêmement préjudiciables pour l'avenir de l'enfant.

Tout dépendra de l'application de ce texte. J'ose espérer que ceux qui auront à le mettre en oeuvre s'y tiendront à la lettre : ils devront tout faire, en y mettant le


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maximum de générosité personnelle et d'attention à l'égard des mineures, pour renouer les liens avec les parents, mais également, lorsque ce n'est pas possible, faire preuve d'intelligence, l'intelligence du coeur, et savoir entourer la jeune fille de toute l'attention et de l'accompagnement nécessaire. Dans un cas comme dans l'autre, qu'il s'agisse des parents ou d'un référent adulte, le mineure devra pouvoir confier sa détresse et construire avec eux son avenir. J'ose en tout cas l'espérer.

Reste que le problème est extrêmement délicat ; sitôt que l'on prévoit des dérogations, on a toujours peur que l'essentiel ne disparaisse. Or l'essentiel, je le répète, c'est de permettre aux jeunes mineures en particulière difficulté de renouer avec leurs parents.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Madame la présidente, mes chers collègues, pourquoi donner une nouvelle fois un coup de canif au principe de l'autorité parentale ? On aura beau dire que cet article ne supprime pas la nécessité de l'autorisation parentale pour pratiquer un avortement sur les mineures, dans la mesure où il ne s'agit que d'une exception et que tout doit être mis en oeuvre pour favoriser le dialogue familial ; reste que cette exception est bel et bien prévue par la loi. Or force est de constater que ces exceptions légales se multiplient.

Nous connaissons pourtant l'importance symbolique que revêt la loi dans les esprits. Porter une atteinte, même minime, à l'autorité parentale la décrédibilise. Si la nécessité du consentement parental est supprimée pour les actes graves, l'effet de cet affichage politique et la compréhension qu'en auront les adolescents ne pourra que relativiser le rôle des parents. Le responsable politique aura beau les appeler à une plus grande responsabilité, ils perdront dans les esprits et les faits leur autorité. Le responsable politique doit au contraire renforcer l'autorité parentale et lui donner les moyens de mieux s'exercer.

Il n'est pas du rôle de l'Etat de remplacer les parents, mais bien de les soutenir dans leur tâche éducative. Ce n'est pas en remplaçant les parents sur un sujet aussi sensible que l'on aidera les jeunes en difficulté et que l'on favorisera le rôle de la famille, premier rempart contre l'exclusion. Aucune institution ne pourra assumer l'accompagnement dans la durée des parents, fussent-ils partiellement défaillants.

D'autres problèmes se posent à propos des tuteurs que vous nous proposez. Imagine-t-on sincèrement de pouvoir installer des tuteurs de remplacement sans entraîner une perte de confiance définitive du côté de la famille ? Quelles garanties d'objectivité et de légitimité apporteront les tuteurs issus d'associations qui militent pour l'avortement, au pire de sectes, et qui souvent considèrent qu'une mineure enceinte doit avorter ? Combien de temps durera le tutorat ? Jusqu'à la décision, pendant l'avortement, après l'avortement ? Comment faire prendre conscience aux parents de leurs responsabilités sur les actes de leur enfant mineur ? Comment envisager enfin les conséquences judiciaires qui en découlent pour les médecins en cas de complications éventuelles de l'avortement sous tutorat ? J'ai déjà eu l'occasion de dénoncer le fait que l'on prenne en otage certaines jeunes filles, justifiant cette non-autorisation parentale aux motifs que leurs parents d'origine étrangère pourraient attenter à leur vie. Je l'ai encore entendu hier. Croyez-vous vraiment que c'est ainsi que nous réussirons la politique d'intégration que nous appelons tous de nos voeux, sans provoquer de réactions violentes, notamment des fondamentalistes ? La solution du secret que vous nous proposez pour protéger une jeune fille de sa famille est une fausse solution. Un secret aussi lourd ne peut être gardé bien longtemps. Il ne pourra en aucun cas améliorer les relations familiales si elles sont déjà tendues, et les rendra même à coup sûr invivables.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

L'article 6 touche effectivement aux fondements de la vie en société, de l'autorité parentale, des relations dans la vie de la famille. Autant dire que l'exception que vous voulez introduire n'est pas sans conséquence.

Rappelons les mots utilisés à très juste titre par l'article du code civil qui fonde l'autorité parentale : sécurité, santé, moralité. Les parents ont à l'égard de leurs enfants droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation.

En ouvrant une brèche dans cet article du code civil, vous ouvrez une liberté nouvelle à un certain nombre de jeunes sans qu'aucune garantie soit apportée sur son usage. On peut le considérer comme une atteinte à la vie familiale, une atteinte également à la convention internationale des droits de l'enfant qui en plusieurs endroits fait état de ce souci de protection.

On peut éventuellement concevoir que, dans des cas d'extrême détresse où aucun lien parental ne peut être trouvé, on prévoie la prise en charge de la jeune fille.

Encore faut-il que, dans ces cas, nous fassions en sorte que l'exception ne devienne pas la règle et que la personne référente apporte toutes les garanties de moralité.

De toute façon, rien ne remplacera le rôle du père ou de la mère.

Il demeure qu'un problème de responsabilité se pose.

Si la jeune fille mineure n'assume pas elle-même cette responsabilité, qui l'assurera en cas d'acte difficile ou d'inconvénient majeur en matière de santé ?

Le groupe DL a déposé un amendement tendant à ce que le juge des enfants puisse, comme dans de nombreuses autres situations, jouer son rôle. La dérogation à l'autorité parentale prévue dans le code civil passe, en effet, par le juge des enfants.

Pourquoi donc ne pas faire en sorte que l'Etat prenne ses responsabilités ?

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 30 et 38.

L'amendement no 30 est présenté par M. Estrosi, l'amendement no 38 est présenté par Mme Boutin.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 6. »

L'amendement no 30 n'est pas défendu.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour soutenir l'amendement no

38.

Mme Christine Boutin.

J'estime avoir déjà défendu l'amendement no 38 dans mon intervention sur l'article, madame la présidente.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Je rappelle, car cet élément est souvent ignoré, que la loi de 1979 prévoit un double consentement : le consentement de l'un des deux parents et le consentement de la mineure, ces deux consentements étant placés sur un pied d'égalité.


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Par contre, cette loi n'a pas prévu la résolution du conflit entre ces deux consentements.

Il ne s'agit pas de mettre à bas le principe de l'autorité parentale mais, ainsi que l'a fort justement précisé Mme la ministre, de prévoir une dérogation pour résoudre un éventuel conflit quand la jeune ne peut pas obtenir ou pense qu'elle n'obtiendra pas le consentement de l'un des deux parents.

Aujourd'hui, une mineure a le droit de mener à terme une grossesse, y compris sans le consentement de ses parents. Est-ce pour autant une atteinte à l'autorité parentale ?

Mme Monique Collange.

Très bonne question !

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Est-ce le meilleur choix, quand on est parent, que d'obliger sa fille mineure à poursuivre sa grossesse si elle-même ne le désire pas ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Ce n'est pas ce qui a été dit !

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Est-ce là la conception que nous avons de l'autorité parentale ?

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il n'est évidemment pas question de revenir sur le principe de l'autorité parentale, mais il est souhaitable que, dans des cas exceptionnels où la mineure ne peut pas ou pense ne pas pouvoir obtenir l'autorisation de ses parents, de prévoir une dérogation et de faire en sorte que cette mineure ne soit pas laissée seule et puisse être accompagnée par un adulte qu'elle aura choisi.

L'adulte qui accompagne la mineure n'aura aucun des attributs de l'autorité parentale. Par conséquent, il ne pourra être tenu juridiquement pour responsable de la réalisation de l'interruption volontaire de grossesse décidée par la mineure de façon autonome. Le rôle de l'adulte référent consistera à soutenir et à accompagner l'adolescente dans sa démarche et, dans la mesure du possible, à examiner avec elle les moyens de nouer un dialogue, toujours souhaitable, avec les parents.

En résumé, la responsabilité de la personne qui accompagne la mineure ne se substitue en aucun cas à l'autorité parentale. Cette personne n'a aucune responsabilité dans la décision de l'IVG, ni même dans le consentement à cet IVG, l'acte d'accompagnement consistant en un conseil et en une présence. Il ne peut donc y avoir ni responsabilité civile ni responsabilité pénale du seul fait de cet accompagnement.

Mme la présidente.

La parole est à Mme MarieThérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je vous ai bien entendue, madame la ministre. Mais dans la mesure où il n'est pas possible de renouer avec les parents et où l'adulte accompagnant n'est en aucune manière responsable, ni civilement ni pénalement, qui est responsable s'il y a un problème à l'occasion de l'avortement ?

Mme la présidente.

La parole est à Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

J'ai également une question à poser à Mme la ministre sur la responsabilité.

Le médecin ne pouvant pratiquer l'IVG que s'il en a eu l'autorisation, qui est responsable en cas d'accident ? Je connais le cas d'une mineure qui est devenue stérile à la suite d'une opération car les parois de son utérus étaient collées. Qui est responsable dans un pareil cas ? La déchéance de l'autorité parentale, qui suppose une décision de justice, est très difficile à obtenir. Je le sais d'autant plus que je travaille très souvent sur la question au niveau de mon conseil général.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'ai répondu à cette question hier, par anticipation, et longuement. Mais peut-être Mme Isaac-Sibille n'était-elle pas présente. Je veux bien me répéter, mais je serai moins longue qu'hier : Mme Issac-Sibille pourra se reporter au Journal officiel.

Les règles de responsabilité sont absolument les mêmes que pour tout adulte. S'il y a une faute, c'est la responsabilité pour faute qui joue.

J'ai distingué le cas des hôpitaux publics de celui des cliniques privées. S'il n'y a pas faute, c'est l'établissement qui est jugé responsable. Dans le cas contraire, la difficulté sera résolue à travers l'indemnisation de l'aléa théra peutique, réforme à venir et d'ailleurs prévue. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Pour tous les actes médicaux, les règles générales de la responsabilité pour faute ou sans faute sont les mêmes. Il n'y a aucune raison de distinguer l'IVG des autres actes médicaux. Si vous « ciblez » l'IVG, c'est que vous avez d'autres choses en tête.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Mais non ! Il s'agit de mineures, voilà tout !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pour l'IVG, ce sont donc les règles de la responsabilité pour faute ou sans faute qui s'appliquent.

Nous avons le souci d'améliorer l'indemnisation de l'aléa thérapeutique. Un dispositif sera proposé pour tous les actes médicaux dans le projet de loi sur le droit des malades et la modernisation du système de santé, qui viendra en discussion au cours du premier semestre de l'année prochaine.

Il n'y a, je le répète, aucune raison de faire un sort particulier à l'IVG, à moins d'avoir des arrière-pensées.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

38. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Charles, Mme Robin-Rodrigo, MM. Pontier, Tourret, Charasse, Defontaine, Franzoni, Honde, Nunzi, Rebillard, Rigal, Vernaudon et Warhouver ont présenté un amendement, no 19, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article L. 2212-7 du code de la santé publique :

« Art. L. 2212-7. Toute femme est considérée comme émancipée pour tous les actes relatifs à la grossesse. »

La parole est à M. Roger Franzoni.

M. Roger Franzoni.

Cet amendement est pratiquement signé par tous les députés du PRG.

Dans la mesure où aucune précision n'est donnée dans le projet de loi quant à la responsabilité tant civile que pénale de la personne majeure accompagnant la mineure, il est préférable de ne pas y faire allusion.

En effet, si, dans la réalité, une personne majeure peut accompagner la jeune femme mineure dans sa démarche, il est tout à fait inutile d'en parler, puisque aucune disposition législative n'est prévue pour déterminer la responsa-


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bilité de cette personne. Le risque est de voir les parents ou la mineure elle-même intenter des recours contre la personne référente si des problèmes surviennent par la suite.

Il est plus sage d'adopter le principe déjà en vigueur dans de nombreux pays, à savoir considérer la mineure comme émancipée pour tous les actes relatifs à la grossesse. Au demeurant, la loi reconnaît déjà une émancipation de fait de la mineure pour sa vie sexuelle, mais elle la fait partir de l'accouchement.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Avis défavorable.

Parler de mineure, c'est parler de jeunes filles de douze ans comme de jeunes filles de dix-sept ans trois quarts.

Comme nous n'avons pas voulu créer « césure » au sein de cette catégorie en fixant une majorité autour de l'âge de quinze ou seize ans, il nous semble nécessaire de maintenir le principe de l'autorité et de l'autorisation parentales tout en prévoyant des dérogations quand cette autorisation ne peut être recueillie.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il n'est pas souhaitable de supprimer l'autorité et l'autorisation parentales. Au contraire, il faut chercher à obtenir l'accompagnement et le consentement des parents chaque fois que c'est possible et à maintenir le lien entre la mineure et ses parents. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi un système de dérogation pour les situations où l'autorisation parentale ne peut absolument pas être obtenue.

Je pense que ces cas seront peu nombreux car, très souvent, dans ce type de situation, les parents sont très près de leurs enfants.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

19. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Goulard et M. Goasguen ont présenté un amendement, no 82, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi les deuxième et avant-dernier alinéas du texte proposé pour l'article L. 2212-7 du code de la santé publique :

« Si la femme mineure non émancipée désire garder le secret, le médecin ainsi que les personnes habilitées de l'établissement de santé public ou privé satisfaisant aux dispositions de l'article L. 2322-1, procède à l'élaboration du dossier médical de la femme mineure désirant recourir à une interruption volontaire de grossesse sans autorisation parentale.

« Le même établissement privé ou public est habilité à saisir le juge pour enfant, afin qu'il statue en référé sur la demande d'interruption volontaire de grossesse exprimée par la femme mineure. Il transmet tous les éléments du dossier au juge, sans que les parents de l'intéressée soient, à aucun moment, consultés. »

La parole est à M. Bernard Perrut, pour soutenir cet amendement.

M. Bernard Perrut.

Si vous le voulez bien, madame la présidente, je défendrai en même temps l'amendement no 79. Les deux amendements visent un objectif relativement proche. L'amendement no 79 est cependant beaucoup plus complet.

Mme la présidente.

C'est entendu, monsieur Perrut.

Je suis en effet saisie d'un amendement no 79, présenté par MM. Mattei, Perrut, Meylan, Goasguen, Dominati, Hellier, Laffineur, Rigaud, Lenoir, Nicolin, Herbillon et Lequiller.

Cet amendement est ainsi libellé :

« Après les mots : " soient consultés ", rédiger ainsi la fin du deuxième alinéa et les deux derniers alinéas du texte proposé pour l'article L. 2212-7 du code de la santé publique :

« ou doit vérifier que cette démarche a été faite lors de l'entretien mentionné à l'article L. 2212-4.

« Si la mineure ne veut pas effectuer cette démarche, ou si le consentement n'est pas obtenu, l'établissement privé ou public satisfaisant aux conditions de l'article L. 2322-1 saisit le juge pour enfant afin qu'il statue en référé sur la demande d'une interruption de grossesse demandée par la femme mineure. Il transmet tous les éléments du dossier au juge pour enfant, sans que les parents intéressés soient, à aucun moment, consultés. Le juge habilite une personne adulte avec l'accord de la mineure pour l'accompagner dans sa démarche.

« En outre, une deuxième consultation doit être réalisée par le médecin après l'intervention, ayant notamment pour but une nouvelle information sur la contraception. »

Vous avez la parole, monsieur Perrut.

M. Bernard Perrut.

L'amendement no 82 prévoit l'intervention du juge des enfants. Celui-ci pourra être saisi par l'établissement public de santé qui aura à pratiquer l'interruption volontaire de grossesse. Il pourra décider d'une dérogation sur la base de l'article 375 du code civil.

Quant à l'amendement no 79, il est beaucoup plus complet. S'il fait lui aussi intervenir le juge des enfants, il comporte deux dispositions supplémentaires.

D'une part, le juge habilite la personne adulte, avec l'accord de la mineure, pour accompagner celle-ci dans sa démarche. C'est une garantie apportée à l'accompagnement. On ne peut donc craindre que n'importe quelle personne puisse inciter la mineure à accomplir des actes qu'elle ne souhaiterait pas accomplir.

D'autre part, le besoin d'entretien avec le médecin après l'intervention est pris en compte. En effet, il est essentiel que la mineure puisse de nouveau se confier, parler au médecin afin d'éviter qu'elle ne se retrouve un jour dans la même situation.

Il s'agit là de garanties supplémentaires.

Je rappelle que l'intervention du juge des enfants est dans la logique du fonctionnement même de nos institutions puisque ce juge est déjà, dans la pratique, conduit à donner son avis dans un certain nombre de procédures.

En l'occurrence, il pourrait être saisi par voie de référé, procédure relativement rapide et simple, afin d'éviter tout retard dans la réalisation de l'IVG.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 82 et 79 ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

La commission a rejeté ces deux amendements.

Pourquoi ?

La loi en vigueur n'a pas prévu la résolution du conflit de consentement entre la mineure et l'un de ses deux parents. Quand un tel conflit surgit, les juges des enfants sont déjà saisis.

M. Bernard Perrut.

Exact !


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Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Quand nous examinons les jugements rendus, nous nous rendons compte qu'ils sont contradictoires. Cela signifie que le recours au juge des enfants ne permettrait pas forcément de répondre à la demande de la mineure.

Au surplus, la procédure serait lourde.

En commission, l'un de nos collègues nous a précisé que, dans son département, les juges des enfants étaient rares et que les délais d'attente étaient importants.

Enfin, il ne nous a pas semblé nécessaire de judiciariser la démarche de la mineure.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ne pense pas non plus, comme je l'ai dit hier, qu'il faille judiciariser ce type de démarche.

Le juge des enfants est compétent, selon l'article 375 du code civil, « si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises ».

Lorsque ces conditions sont réunies, le juge des enfants doit, avant toute décision, entendre les parents et le mineur. Son intervention ne constituerait donc pas une solution puisque, quelles que soient ses décisions, les parents conserveraient l'autorité parentale sur leur enfant et en exerceraient tous les attributs, qui ne seraient d'ailleurs pas forcément inconciliables avec la décision du juge. Ce n'est pas au juge de se mettre à la place des parents : il doit au contraire tout mettre en oeuvre pour que les parents soient réinvestis dans leur rôle quand ils sont défaillants.

Il ne me semble donc pas qu'il faille attribuer au juge cette responsabilité. De surcroît, la procédure serait très lourde et elle provoquerait un traumatisme supplémentaire pour les mineures, ce qu'il faut éviter.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

82. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

79. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Mme Lignières-Cassou, rapporteure, a présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« Compléter le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L. 2212-7 du code de la santé publique par les mots : " ou doit vérifier que cette démarche a été faite lors de l'entretien mentionné à l'article L. 2212-4". »

La parole est à Mme la rapporteure.

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Nous avons voulu par cet amendement multiplier les occasions pour la mineure de discuter soit dans le cadre de l'entretien préalable, soit avec son médecin, du choix de l'adulte référent.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je suis d'accord. Il s'agit d'un bon amendement.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Mme Lignières-Cassou, rapporteure, a présenté un amendement, no 114, ainsi libellé :

« Après le mot " obtenu ", rédiger ainsi la fin de la première phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 2212-7 du code de la santé publique : ", l'interruption de grossesse ainsi que les soins qui lui sont liés peuvent être pratiqués à la demande de l'intéressée, présentée dans les conditions prévues au premier alinéa.

" » La parole est à Mme la rapporteure.

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Cet amendement tend à répondre aux interrogations de nombre de professionnels - médecins, anesthésistes, directeurs d'hôpitaux - et à les rassurer.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 114.

(L'amendement est adopté.)

M me la présidente.

L'amendement no 14 de M. Nauche a été retiré.

Mme Lignières-Cassou a présenté un amendement, no 127, ainsi rédigé :

« I. Après la première phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 2212-7 du code de la santé publique, insérer la phrase suivante : " La mineure est seule responsable de sa décision.

"

« II. En conséquence, supprimer les mots : " Dans ce cas, " au début de la dernière phrase du même alinéa. »

La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Madame la présidente, je laisserai à M. le président de la commission le soin de défendre cet amendement.

Mme la présidente.

La parole est à M. le président de l a commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour soutenir l'amendement no 127.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des a ffaires culturelles, familiales et sociales.

Madame la ministre, vous avez en partie répondu à l'interrogation à laquelle tend à répondre l'amendement, en indiquant qu'il ne peut y avoir de responsabilité civile ou pénale de l'accompagnateur.

L'amendement a pour but de poser le problème de la responsabilité tout en précisant que la mineure est seule responsable de sa décision. Je crois savoir que vous n'y serez pas favorable.

Cela dit, je considère, et un certain nombre de collègues considèrent avec moi que le problème est posé. Je veux bien admettre que nous ne trouvions pas la réponse adéquate lors de cette première lecture, mais je souhaiterais qu'on y réfléchisse car des questions ont été formulées en commission par des députés siégeant sur tous les bancs.

Ce que je souhaite, madame la ministre, c'est que nous puissions approfondir ce problème entre les deux lectures, au cas où vous ne seriez pas favorable à cet amendement, pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté en la matière.

Mme Christine Boutin et M. Pierre-Christophe Baguet.

Très bien !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

En effet, le rôle de l'accompagnateur n'est pas neutre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Absolument !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Il donne un conseil, il accompagne, avec toute la force qui caractérise ce mot. Ce n'est pas simplement un témoin.

Mme Christine Boutin.

Bien sûr !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est quelqu'un qui va parler, soutenir, éventuellement émettre une appréciation. C'est donc un problème délicat, diffic ile. Nous sommes tout à fait favorables à cette démarche, il n'y a pas la moindre ambiguïté là-dessus, mais une consultation plus approfondie serait utile. Cela dit, j'ai défendu cet amendement essentiellement pour poser le problème. Qu'il ne soit pas retenu ne me gêne pas en soi, dans la mesure où nous pourrons approfondir la réflexion entre les deux lectures.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Très bien !

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est, en effet, une question importante, monsieur le président, à laquelle j'ai d'ailleurs commencé à répondre tout à l'heure, au début de la discussion de l'article 6, car nous devons avoir des idées claires et précises en la matière.

Je ne suis pas favorable à cet amendement, parce que si nous décidions qu'en l'absence d'autorisation parentale la mineure sera seule responsable de sa décision, cela dégagerait les médecins d'une éventuelle responsabilité en cas d'accident. Nous ne pouvons pas faire cela. De toute façon, les dispositions de l'article 6 ne permettent pas d'engager la responsabilité du praticien autrement qu'en cas de faute. Il est très important de ne pas changer les règles de la responsabilité. Or, c'est ce que nous ferions si nous adoptions cet amendement. Certes, la personne qui accompagne joue un rôle important. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous prévoyons des dispositions qui permettront à la mineure d'avoir un large choix - j'ai approuvé les amendements de la commission en ce sens et au médecin de pouvoir prendre la décision au final.

Nous nous entourons donc de garanties.

C'est une question importante, mais voilà l'analyse juridique que j'en fais. De toute façon, nous devrons aller plus loin pour l'ensemble des actes médicaux et mieux indemniser l'aléa thérapeutique, mais nous le ferons dans le cadre du projet de loi sur le droit des malades et la modernisation du système de santé. Bien entendu, si nous avions d'autres indications juridiques au cours de la navette, nous aviserions. En attendant, le système prévu me paraît satisfaisant. Je vous le rappelle : non-responsabilité civile ou pénale de la personne qui accompagne elle peut certes avoir une grande influence, mais c'est le cas de toute personne amenée à intervenir dans les actes que commettent les mineurs - et pas de changement s'agissant de la responsabilité pour faute ou sans faute des médecins, sachant que nous travaillons à une meilleure indemnisation de l'aléa thérapeutique pour l'ensemble des actes médicaux.

Mme la présidente.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Madame la ministre, je vous l'ai bien dit d'entrée de jeu, cet amendement a essentiellement pour but de poser une question. Sa rédaction n'est pas satisfaisante, j'en ai parfaitement conscience. Je suis donc prêt à le retirer. Mais je veux être clair, et je crois que vous m'avez compris : nous ne posons pas là le problème de l'acte médical et de la responsabilité du médecin. Nous aurons l'occasion d'en débattre et d'approfondir le sujet lorsque nous aborderons la question de l'aléa thérapeutique dans le cadre de la loi de modernisation sociale. Ce n'est pas de cela que nous parlons.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Il faut bien distinguer !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Sur ce point d'ailleurs, je suit tout à fait d'accord avec l'interprétation que vous venez de donner. La question que nous posons est celle de l'éventuelle responsabilité civile ou pénale de l'accompagnateur. Vous me dites que vous y avez répondu. Je vous ai entendue, madame la ministre.

D'ailleurs, je vous écoute toujours d'une oreille attentive.

Pour autant, je ne considère pas que la réponse importante que vous avez faite soit de nature à apaiser totalement les inquiétudes qui se sont exprimées.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Très bien !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Et je ne m'exprime pas là en mon nom personnel. J'interviens parce que l'on m'a interrogé sur ce point en commission.

Je vais donc retirer cet amendement, mais je considère qu'il faut approfondir notre réflexion sur la question entre la première et la deuxième lecture, car des problèmes très difficiles de responsabilité civile ou pénale commencent à se poser.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Tout à fait !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Nous sommes dans un champ extrêmement évolutif et il importe, s'agissant de ce rôle d'accompagnateur auquel nous tenons beaucoup - sur ce point il n'y a pas la moindre hésitation -, que nous nous entourions de toutes les garanties en votant des dispositions qui offrent toute sécurité. C'est une demande que je fais au nom de ma commission, parce qu'il est de mon devoir de rendre compte de ses travaux.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je vous remercie, monsieur le président, de retirer cet amendement. Si j'ai évoqué la responsabilité du médecin, c'est parce que si nous adoptions cette rédaction, cela reviendrait à la supprimer. Or, il ne faut pas faire ça.

S'agissant de la responsabilité de l'accompagnant, je vous ai donné l'interprétation du Gouvernement. Naturellement, je ne vois aucun inconvénient, au contraire, je n'y vois même que des avantages, à ce que nous continuions à approfondir ce point durant la navette, comme vous le souhaitez. En effet, la jurisprudence est évolutive et, de toute façon, il sera intellectuellement et politiquement intéressant de creuser davantage encore la question.

La façon dont on définit le rôle de l'accompagnant est importante. Nous avons eu des débats approfondis sur ce sujet au Conseil d'Etat et je n'ai pas accepté tout à l'heure un amendement de l'opposition qui aurait justement eu pour effet d'accentuer le rôle de l'accompagnant, ce qu'il ne peut être question de faire, sinon on le ferait participer à la décision.

Nous avons là le bon équilibre. Les rédactions que nous proposons doivent à la fois être précises et ne pas modifier le système de responsabilité actuel du médecin, sachant que nous allons mieux indemniser l'aléa thérapeutique. Naturellement, nous devons encore prendre toutes les garanties pour être sûrs que l'interprétation que je vous livre sera bien celle des tribunaux lorsqu'ils seront saisis. Cela dit, nos discussions permettront certainement


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qu'il en soit ainsi, car les débats parlementaires comptent dans l'interprétation des tribunaux, et vous le savez très bien !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ce n'est pas par hasard que je pose ce genre de question, madame la ministre ! (Sourires.)

Mme la présidente.

L'amendement no 127 est retiré.

Mme Boisseau et M. Mattei ont présenté un amendement, no 96, ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 2212-7 du code de la santé publique, substituer aux mots : "se fait", les mots : "doit se faire". »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Cet amendement tend à rendre vraiment obligatoire l'accompagnement de la mineure - si possible par ses parents et, sinon, obligatoirement par un adulte. Il n'est pas question de la laisser porter seule une responsabilité trop lourde pour ses frêles épaules.

Reste le problème de la responsabilité, et je remercie beaucoup M. le président de la commission d'avoir posé à nouveau la question. C'est le premier débat de fond que nous avons depuis le début de la discussion de ce texte. Jusqu'à présent, c'était en quelque sorte un dialogue de sourds. Je remercie donc M. Le Garrec d'avoir posé ce problème de fond essentiel de la responsabilité en cas de non-intervention des parents auprès de la mineure.

Je souhaite qu'il puisse être travaillé et élucidé au cours de la deuxième lecture.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

L'amendement no 96 est redondant car, en droit, l'indicatif a une valeur impérative. La commission a donc rejeté cet amendement.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Le droit a bon dos !

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je suis contre cet amendement.

Madame Boisseau, je n'ai pas du tout eu l'impression de participer à un dialogue de sourds. En tout cas, moi, je vous ai écoutée avec beaucoup d'attention. Si vous n'avez pas voulu entendre les arguments de la majorité et du Gouvernement, c'est votre affaire. Je trouve au contraire que nous avons eu un vrai débat qui, à de rares exceptions près, n'est pas tombé dans la caricature.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Ça, c'est un autre problème !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce n'est pas un autre problème, madame ! On ne peut parler d'un dialogue de sourds s'agissant d'un débat qui se déroule de cette façon. C'est une appréciation déplacée.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Vous n'avez accepté aucun des arguments de l'opposition !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais si, madame, ne vous agacez pas ! J'ai apprécié l'intervention de M. Mattei, et je l'ai dit de la façon la plus nette.

Mais vous proposez des amendements qui ne sont pas acceptables.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

96. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements, nos 66 et 67, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 66, présenté par M. Delnatte et Mme Mathieu-Obadia, est ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article L.

2212-7 du code de la santé publique, substituer aux mots : "la personne majeure de son choix", les mots : "un membre qu'elle choisit au sein de l'équipe pluridisciplinaire prévue à l'article L.

2212-4". »

L'amendement no 67, présenté par M. Accoyer, Mme Aurillac, M. Estrosi et Mme Mathieu-Obadia, est ainsi rédigé :

« Compléter la dernière phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article L.

2212-7 du code de la santé publique par les mots : "qui figure sur une liste fixée par décret". »

La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, pour soutenir l'amendement no

66.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Suite à ce que nous venons d'entendre, je précise que nous suivons ce débat avec attention et que nous partons du principe que ce n'est plus un dialogue de sourds. Je remercie d'ailleurs beaucoup le président Le Garrec d'avoir soulevé un point extrêmement important, qui correspond exactement aux préoccupations évoquées en commission.

J'en viens à l'amendement no 66 que propose mon collègue Delnatte. Nous portons une grande attention à la qualité de l'accompagnant de la mineure. C'est pourquoi nous souhaitons qu'il puisse être choisi par elle toujours, mais au sein d'une équipe compétente, pluridisciplinaire, constituée d'un médecin, d'un psychologue et d'une personne de la société civile. Tout le monde y gagnera, et surtout la mineure, car cela sera de nature à renforcer sa sécurité.

Mme la présidente.

Pouvez-vous présenter également l'amendement no 67, madame Mathieu-Obada ?

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Oui, madame la présidente. C'est un amendement de coordination avec le précédent.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Avis défavorable. Dans un moment aussi difficile et douloureux, la mineure a vraiment besoin de s'appuyer sur une personne de son choix en qui elle a confiance.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ne suis pas favorable à l'amendement no 66, parce que la proposition de M. Delnatte limiterait considérablement le choix de la jeune fille.

Quant à l'amendement no 67, il aurait trois inconvénients. Il limiterait le choix de la jeune fille, comme celui de M. Delnatte, confierait l'accompagnement à des personnes éloignées de la jeune fille et compliquerait le dispositif, ce qui pourrait être source de contentieux.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

66. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

67. (L'amendement n'est pas adopté.)


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Mme la présidente.

Mme Boisseau a présenté un amendement, no 97, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé p our l'article L.

2212-7 du code de la santé publique :

« Après l'intervention, une deuxième consultation, ayant notamment pour but une nouvelle information sur la contraception, sera obligatoirement proposée aux mineures. »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Un entretien préalable à l'interruption de grossesse doit être obligatoire pour les mineures, nous sommes d'accord sur ce point. Mais il serait intéressant, dans l'intérêt de la mineure, de prévoir une seconde consultation obligatoire après l'intervention, pour l'informer sur la contraception et l'aider à construire son avenir en assurant son intégration scolaire et sociale.

Il est en effet fréquent que les mineures concernées par une interruption de grossesse soient en rupture grave, non seulement avec leur famille, mais aussi avec le milieu scolaire. Il y a donc tout un travail de reconstruction à faire. Je sais que le caractère obligatoire est toujours discutable, mais vous aurez compris dans quel sens je le propose. Il s'agit de poser le problème et de préserver l'intérêt de la mineure en l'accompagnant au mieux dans cette démarche, car elle est fragile.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Nous partageons votre préoccupation, madame Boisseau, bien sûr.

Il faut en effet accompagner la mineure jusqu'au bout, y compris après l'IVG. Toutefois, la commission a rejeté cet amendement car, sur le plan juridique, le mot « obligatoirement » n'ajoute rien.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'ai le plaisir de vous le dire, madame Boisseau : je suis favorable à votre amendement.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je vous en remercie, madame la ministre !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous voyez que je peux vous entendre ! (Sourires.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme la rapporteure.

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

La commission ne voyant, sur le fond, aucune objection à l'adoption de l'amendement de Mme Boisseau, nous l'acceptons également.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

97. (L'amendement est adopté.)

Mme Christine Boutin.

Très bien !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 6, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 6

Mme la présidente.

MM. Mattei, Perrut, Meylan, Goasguen, Dhersin, Hellier, Laffineur, Rigaud, Lenoir, Herbillon et Lecuyer ont présenté un amendement, no 80, ainsi libellé :

« Après l'article 6, insérer l'article suivant :

« Après l'article 371-5 du code civil, il est inséré un article 371-6 ainsi rédigé :

« Art. 371-6. - Par dérogation aux dispositions de l'article 371-2 du code civil, le mineur non émancipé peut accomplir seul les actes suivants :

« 1o Les actes conservatoires relatifs à la gestion de ses biens ;

« 2o Les actions en recherche de paternité ;

« 3o Recevoir une donation, au sens de l'article 902 du code civil ;

« 4o Demander à être entendu dans toute procédure le concernant ;

« 5o Demander à acquérir la nationalité française avant la date de sa majorité ;

« 6o Répudier ou demander à perdre la nationalité française dans les six mois précédant sa majorité ;

« 7o Exercer une profession à l'exception de celles pour lesquelles la loi requiert expressément l'autorisation des parents ;

« 8o Accomplir les actes de la vie courante tels que définis aux articles 389-3, alinéa 1, et 450 du code civil ;

« 9o Accoucher et reconnaître son enfant dans les conditions prévues aux articles 55 à 59 du code civil ou recourir à « l'accouchement sous X », tel que défini à l'article 341-1 du code civil ;

« 10o Recourir à la contraception d'urgence, dans les conditions prévues à l'article L.

5134-1 du code de la santé publique ;

« 11o Recourir à une interruption volontaire de grossesse dans les conditions prévues à l'article

L. 2212-7 du code de la santé publique. »

La parole est M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

L'intérêt de cet amendement est de rappeler l'importance de l'autorité parentale et de faire en sorte que toutes les exceptions qui se multiplient depuis un certain nombre d'années figurent très clairement dans le code civil et y soient regroupées, dans l'attente d'une réforme globale du droit de la famille ; celle-ci devrait justement permettre de mieux redéfinir ces blocs de responsabilité.

Il est important d'avoir une vision claire de l'autorité parentale : son contenu et ses limites, qui sont inscrites dans l'histoire de notre législation. La loi de 1979 a introduit dans la loi sur l'IVG la nécessité du consentement de la mineure enceinte, qui n'y figurait pas en 1975. De même, la loi de 1993 a abaissé de quinze à treize ans, dans le code civil, tous les âges auxquels l'enfant est appelé à donner son consentement personnel.

Aujourd'hui, vous avez souhaité aller plus loin dans ces exceptions. Nous ne sommes pas forcément d'accord avec vous mais, encore une fois, nous estimons nécessaire que le code civil les indique clairement.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

La commission a repoussé l'amendement no 80. L'exercice est intéressant quoique approximatif, notamment parce qu'il ne reprend pas les distinctions existant entre les différents mineurs dont nous parlions tout à l'heure - les petits et les grands.

Il faudra donc reprendre cet exercice lors de la révision du code de la famille.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ne suis pas favorable à cet amendement qui rompt l'équilibre voulu par le Gouvernement en matière d'interruption


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

volontaire de grossesse en mettant sur le même plan des actes que le mineur non émancipé peut accomplir seul de plein droit et, justement, l'interruption volontaire de grossesse. Or, en l'occurrence, l'objectif est bien de maintenir le principe du consentement des titulaires de l'autorité parentale et de ne prévoir qu'à titre subsidiaire l'impossibilité de le recueillir.

Par ailleurs, la portée de cet amendement excède l'objet du présent projet de loi en visant à constituer une liste, qui se veut exhaustive, des capacités juridiques du mineur non émancipé. Une telle démarche appelle en soi des réserves : nous risquerions des oublis ou une imparfaite transposition des normes. Cela mérite donc une discussion plus approfondie, probablement dans un autre cadre.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

M me Marie-Thérèse Boisseau.

Je voudrais saluer l'effort de M. Mattei et de M. Perrut pour rassembler les différentes dérogations en matière d'autorité parentale, afin qu'on y voie plus clair. Mais je suis également tout à fait d'accord avec les réserves exprimées par Mme la ministre.

Cela étant, cet amendement constitue une première tentative. Mme la rapporteure a dit qu'on reprendrait l'exercice lors de la révision du code de la famille. Est-ce que je peux considérer que c'est un engagement ? La démarche étant utile et intelligente, je souhaiterais qu'on la refasse le plus vite possible.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

80. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 7

Mme la présidente.

« Art. 7. L'article L.

2212-8 du même code est modifié ainsi qu'il suit :

« 1o Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Un médecin n'est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse mais il doit informer, sans délai, l'intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser c ette intervention selon les modalités prévues à l'article L.

2212-2. »

;

« 2o Les deux derniers alinéas sont abrogés. »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 7.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Cet article aborde les problèmes de clause de conscience, à propos de laquelle je pense qu'il n'y a pas de différences entre nous.

J'ai cru comprendre que la clause de conscience s'appréciait toujours à titre personnel. Le médecin qui ne veut pas faire d'avortement n'y est pas obligé.

Elle est également valable pour les organismes privés et, plus particulièrement, pour les organismes confessionnels.

En revanche, dans les organismes publics, la clause de conscience « saute ». Ceux-ci n'en ont pas moins l'obligation d'assurer le service de l'IVG. Un chef de service de gynéco-obstétrique peut, à titre personnel, ne pas faire d'IVG, mais il doit assurer l'accueil et la prise en charge de l'IVG dans son service.

J'espère que nous sommes bien d'accord là-dessus. Et je laisserai à Bernard Perrut le soin de défendre un amendement qui va dans ce sens : un médecin qui ne veut pas faire d'avortement à titre personnel devra donner à la femme tous les renseignements nécessaires afin qu'elle puisse trouver le service adéquat, sous peine d'engager sa responsabilité pénale.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Tout à l'heure je n'ai pas pu m'exprimer parce que l'amendement a été retiré par M. le p résident de la commission. Avant d'intervenir sur l'article 7, je veux donc remercier M. Le Garrec pour la façon dont il a posé le problème de la responsabilité du mineur. Car j'ai eu le sentiment, comme Mme Boisseau, que pour la première fois depuis le début de ce débat on le posait de façon objective et responsable et que l'on prenait en compte les enjeux de ce texte.

L'article 7, maintenant, modifie l'article L. 2212-8 du code de la santé publique sur la clause de conscience du médecin face à l'avortement et marque une nouvelle fois la volonté idéologique des partisans de ce texte. Il s'agit, ni plus ni moins, d'une révolution dans la pratique et le droit médical.

Le projet de loi prévoit que le médecin qui reçoit une femme enceinte exprimant un souhait d'avorter soit tenu de lui indiquer immédiatement ce refus de pratiquer une IVG et de lui communiquer la liste des praticiens susceptibles de réaliser une telle intervention.

En 1975, le problème de la clause de conscience s'était bien sûr posé. La rédaction de l'article actuellement en vigueur est beaucoup plus respectueuse du rôle du médecin, qui a le devoir d'être à l'écoute de sa patiente et de la conseiller utilement. Il ne peut, d'entrée de jeu, lui dire qu'il refuse tout avortement, en bloquant toute possibilité de conversation.

Une fois de plus, le Gouvernement met tout en oeuvre pour orienter la femme vers l'avortement plutôt que pour l'accompagner dans un choix réel.

Ce même article contraint un chef de service, dans un établissement public hospitalier, à organiser la prise en charge des avortements dans son service. Une telle disposition autoritaire est susceptible de mettre en cause la liberté de conscience et la liberté personnelle de l'intéressé, qui sont pourtant protégées par notre Constitution. Il ne peut être légitime de forcer quelqu'un à organiser un acte que sa conscience réprouve.

On s'achemine vers une chasse aux sorcières et une discrimination professionnelle vis-à-vis des obstétriciens attachés au respect de la vie, au moment où le corps médical exprime un malaise, voire un écoeurement, face à l'avortement banalisé.

Par ailleurs, et contrairement à ce qu'on lit dans l'exposé des motifs du projet, le texte actuel permet d'assurer la continuité du service public en vertu du dernier alinéa de l'article L. 2212-8 supprimé par le projet de loi.

La raison pour laquelle le Gouvernement est contraint de limiter la portée de la clause de conscience des médecins est très claire : les médecins ne veulent pas pratiquer l'avortement, les vacataires acceptant ce genre de mission se font rares. Reconnaissons que ce n'est pas très encourageant pour un médecin, qui a d'abord et avant tout vocation à soigner et à guérir.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

J'interviendrai sur l'article 7 et je donnerai quelques éléments sur l'amendement que nous présenterons dans quelques instants.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

Nous sommes attachés à la liberté de conscience des médecins et à cette clause de conscience, qui leur permet de refuser de pratiquer une IVG. Cet article le rappelle et le concrétise. Nous souhaiterions aussi que les médecins informent de leur refus la personne qu'ils ont en face d'eux sans pouvoir se soustraire à cette obligation.

C'est le sens de l'amendement que nous déposerons à l'article 7. Cet amendement vise à sanctionner le médecin qui se soustrairait à l'obligation d'informer la femme enceinte sur les unités fonctionnelles d'hospitalisation susceptibles de répondre à sa demande ; c'est une question de respect.

Mme la présidente.

Mme Boutin a présenté un amendement, no 39, ainsi rédigé :

« Supprimer les deuxième et avant-dernier alinéas de l'article 7. »

La parole est à Mme Christine Boutin.

M me Christine Boutin.

Cet amendement a été défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

La commission a repoussé cet amendement. Bien entendu, nous protégeons la conscience du médecin. Mais la mission de l'IVG étant une mission de service public, si un chef de service a en charge l'organisation des IVG, il ne peut imposer cette clause de conscience à ses collaborateurs.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ne suis pas favorable à cet amendement. Le médecin a naturellement le droit d'exprimer sa position et d'invoquer la clause de conscience, mais cela ne peut pas être à l'origine d'un délai supplémentaire pour la femme qui souhaite avoir recours à l'IVG.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

39. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Mme Lignières-Cassou, rapporteure, a présenté un amendement, no 5 rectifié, ainsi rédigé :

« Substituer au dernier alinéa (2o ) de l'article 7 les deux alinéas suivants :

« 2o A l'avant-dernier alinéa, les mots : "le service dans lequel" sont remplacés par les mots : "l'unité fonctionnelle dans laquelle".

« 3o Le dernier alinéa est supprimé. »

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Au cours des auditions de notre commission, les médecins ayant en charge les IVG nous ont dit que le service était bien assuré quand l'unité de base, l'unité fonctionnelle, l'unité d'orthogénie était identifiée et qu'y travaillaient des personnes volontaires et animées par un projet commun.

Cet amendement traduit la nécessité qu'il y a d'identifier une unité fonctionnelle pour qu'elle puisse bénéficier des moyens et du personnel volontaire en charge de cette tâche.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la rapporteure, cet amendement pose en effet une question importante.

Le Gouvernement souhaite abroger les deux derniers alinéas de l'article L.

2212-8 du code de la santé publique, dont les dispositions lui paraissent inutiles. En effet, dans les établissements de santé qui sont tenus d'assurer les interruptions de grossesse, le conseil d'administration doit organiser les IVG comme toute activité médicale. Cela est conforme au code de la santé publique qui fixe l'organisation médicale de droit commun des établissements publics de santé, laquelle est nécessairement constituée en unités fonctionnelles, services, départements, voire en structures libres.

Cet accueil des unités d'IVG dans les structures médicales hospitalières de droit commun ne fait pas obstacle à ce que ces unités conservent leur identité et restent dirigées par leurs responsables habituels. C'est la raison pour laquelle, pour être en mesure de surmonter toute difficulté, ce processus d'accueil fera l'objet d'un accompagnement national par une mission d'appui constituée à cet effet.

Vous aurez ainsi la réponse à la question que vous posez. Je préférerais donc que vous retiriez cet amendement.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Je vous ai bien écoutée, madame la ministre. Cela dit, je soutiens l'amendement no 5 rectifié, qui lève les interrogations que pourrait suscit er la suppression des deux derniers alinéas de l'article L. 2212-8 du code de la santé publique.

Nous le disons tous, l'interruption volontaire de grossesse est bien un acte médical, mais pas n'importe lequel.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la d émocratie française-Alliance.)

C'est un acte médical sérieux, par ses implications non seulement psychiques, mais aussi éthiques et philosophiques.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Tout à fait !

Mme Muguette Jacquaint.

Il nécessite une prise en compte personnalisée, soucieuse des garanties de sécurité, respectant la dignité des femmes et sauvegardant l'exercice de leur liberté.

C'est dire l'importance de la dimension médicale de cette pratique et la nécessité qu'il y a de mettre en place des structures spécifiques et des équipes pluridisciplinaires spécialisées. C'est dire aussi qu'il est légitime et respectable que la conscience du médecin soit interpellée par l'acte médical particulier que constitue l'IVG. Mais si la clause de conscience est légitime, en aucun cas son application ne doit faire obstacle à l'application de la loi !

M. Philippe Nauche.

Tout à fait !

Mme Muguette Jacquaint.

Elle ne peut être qu'individuelle. En ce sens, les modifications proposées par le projet nous agréent. Il en est ainsi de l'obligation, pour le m édecin souhaitant avoir recours à la clause de conscience, d'en d'informer sans délai la femme qui demande une IVG et de lui communiquer le nom des médecins susceptibles d'accéder à sa demande.

Néanmoins, la seconde modification tendant à supprimer les deux derniers alinéas de l'article L.

2218-8 nous interpelle. Si nous sommes acquis à l'idée qu'un chef de service ne puisse plus invoquer la clause de conscience pour ne pas organiser les IVG dans son propre service, nous craignons cependant que des difficultés viennent contrarier l'application de cette mesure. Cela pourrait desservir ce chef de service. Nous avons d'ailleurs rencontré des personnels appartenant à des structures bien


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précises qui nous ont fait part de leur inquiétude à ce sujet. Peut-être suis-je pessimiste, mais j'ai entendu les remarques de médecins et d'infirmières qui s'interrogent sur l'applicabilité de cette disposition.

Voilà pourquoi je soutiens cet amendement no 5 rectifié, qui, en maintenant dans le texte les deux alinéas susvisés, laisse au conseil d'administration de l'établissement une certaine autorité. On voit bien la nécessité de cette clause de conscience, mais il faut aussi affirmer fortement dans la loi qu'une personne doit pouvoir trouver un lieu où l'IVG sera pratiquée à sa demande.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je voudrais répondre à Mme Jacquaint qu'il est important que les centres d'IVG rentrent dans le droit commun de l'hôpital. Tel est notre objectif et il nous est, d'ailleurs, commun.

Mme Muguette Jacquaint.

Tout à fait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les modalités que nous adoptons ne sont pas neutres. Elles visent à garantir la qualité et la sécurité de la prise en charge. Si ces services sont totalement autonomes, ils présenteront moins de garanties - quelquefois pas du tout que s'ils sont liés à un plateau chirurgical auquel ils pourront avoir recours en cas de complications.

Puisqu'on allonge les délais, il faut vraiment prendre le maximum de garanties de sécurité. C'est la raison pour laquelle j'ai répondu précédemment à Mme LignièresCassou qu'il me paraissait nécessaire de ne pas dissocier ces unités fonctionnelles à l'intérieur même de l'hôpital.

P uisque nous sommes d'accord sur l'objectif à atteindre, il me semble préférable de procéder comme je l'ai indiqué. C'est pourquoi je souhaite que vous retiriez votre amendement. Faute de quoi, le Gouvernement n'y serait pas favorable.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la rapporteure.

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Nous comprenons bien que ces unités fonctionnelles doivent être rattachées à un service, ne serait-ce que pour avoir à proximité un bloc opératoire ou des moyens de transfusion. Néanmoins, en comparant les différents modes d'organisation des IVG dans le système hospitalier, nous avons constaté que les centres autonomes, quand ils sont animés par un personnel qui est volontaire et qui travaille sur un projet commun, avaient vraiment fait avancer les choses dans le cadre du service public. Ce sont eux qui ont diffusé le RU 486, ce sont eux qui favorisent aujourd'hui les interventions sous anesthésie locale plutôt que sous anesthésie générale. Il nous paraît donc important, madame le ministre, que ces unités-là puissent continuer à fonctionner à l'intérieur des services et en aient les moyens.

Je ne sais pas si Mme Jacquaint sera d'accord, mais, pour ma part, ayant bien entendu l'engagement que vous avez pris d'accompagner et même de renforcer cette démarche, notamment par une mission de suivi, et dans la mesure où nous pourrons, d'ici à la deuxième lecture, évaluer les premiers résultats de cette mission, je retire l'amendement de la commission.

Mme la présidente.

L'amendement no 5 rectifié est retiré.

M

M. Mattei, Perrut, Meylan, Mme Boisseau, MM. Goasguen, Hellier, Laffineur, Rigaud, Lenoir, Nicolin, Herbillon et Lequiller ont présenté un amendement, no 86, ainsi libellé :

« Compléter l'article 7 par les deux alinéas suivants :

« 3o Cet article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait de ne pas donner à la femme enceinte l'information prévue au 1o du présent article est assimilable à la mauvaise foi engageant la responsabilité p énale du médecin sur le fondement de l'article 223-6 du code pénal ».

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Cet amendement, que j'ai été heureuse de cosigner, renforce la liberté de choix de la femme. Nous avons déjà insisté lourdement et nous insisterons encore sur cette liberté de choix, notamment sur la nécessité d'informer les femmes enceintes en difficulté de la possibilité de garder leur enfant. Mais nous avons dit aussi qu'elles devaient être informées de la possibilité d'avorter. C'est l'esprit de cet amendement. Dans la mesure où un médecin - et c'est son droit - ne veut pas pratiquer lui-même l'avortement, il a le devoir, sous peine d'engager sa responsabilité pénale, d'informer la femme sur les services où elle pourra avorter. Cette précision me semble un complément très utile.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

La commission a rejeté cet amendement parce qu'il lui semble source de confusion. En effet, une femme doit ê tre informée par son médecin des risques qu'elle encourt, des conséquences de sa décision et du fait qu'il s'engage ou non à pratiquer l'IVG. Si le médecin ne donne pas cette dernière information, les sanctions sont déjà prévues.

Cet amendement mélange en fait le devoir d'information de la femme et la faute consistant à faire jouer la clause de conscience avec intention de nuire, amalgame qui, je le répète, pourrait être source de confusion.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no

83.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Le Gouvernement a proposé de renforcer l'obligation d'information qui pèse sur le médecin qui, au nom de la clause de conscience, ne souhaite pas pratiquer une interruption volontaire de grossesse. Il sera désormais tenu de communiquer à l'intéressée le nom des praticiens susceptibles de réaliser cette intervention.

Une telle obligation n'est pas, en l'état du texte, dépourvue de sanction, son non-respect étant susceptible d'engager la responsabilité civile et disciplinaire des médecins. Il paraît en revanche inapproprié d'organiser une responsabilité pénale ad hoc par référence à l'article 223-6 du code pénal, qui vise l'abstention volontaire de porter secours à une personne en péril. Les éléments constitutifs d'un tel délit, tant matériels qu'intentionnels, seraient en la matière très difficiles à réunir.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

83. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

Après l'article 7

M me la présidente.

Mme Boutin, MM. André, Baguet, Mme Bassot, MM. Loïc Bouvard, Bertrand, Briane, Caillaud, Chossy, Delattre, Deprez, Deniau, Dord, Dutreil, Foucher, Gantier, de Gastines, Gengenwin, Herr, Mme Idrac, MM. Jean-Baptiste, Kergueris, Laffineur, Landrain, Ligot, Christian Martin, MartinLalande, Micaux, Millon, Morange, Myard, Nicolin, Paecht, Préel, Quentin, Reymann, Rigaud, Rochebloine, de Villiers et Voisin ont présenté un amendement, no 61, ainsi libellé :

« Après l'article 7, insérer l'article suivant :

« Après l'article L. 2212-9 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 2219-9 bis ainsi rédigé :

« Art. L. 2212-9 bis. - A proximité de chaque établissement pratiquant des interruptions volontaires de grossesse, il est créé un service de consultation pour le suivi psychologique post-abortif. »

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

L'avortement se traduit souvent par une très grande souffrance qui peut se révéler après de nombreuses années. Il peut être à l'origine de divers troubles ou conflits psychologiques, tels que le chagrin, l'anxiété, l'agressivité, la colère contre soi, le médecin o u les autres, la culpabilité, la peur, la perte de confiance en soi ou le désespoir. Tous les témoignages le confirment et les médias s'en font de plus en plus souvent l'écho.

Néanmoins, cette souffrance demeure trop souvent un sujet tabou. Les femmes n'en sont pas prévenues et il n'existe aucun service pour les soutenir après leur avortement.

Cet amendement propose donc que soit créé un service de consultation pour le suivi psychologique après avortement, à proximité de chaque établissement pratiquant des avortements, et que toute femme enceinte en situation de détresse reçoive une information complète sur l'avortement et ses conséquences psychologiques.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

La commission a rejeté cet amendement, car nous avons déjà prévu, à l'article 4, qu'un entretien serait systématiquement proposé avant et après l'IVG. Nous répondons ainsi, madame Boutin, à votre préoccupation.

Quant à l'expression « suivi post-abortif », je préfère, encore une fois, ne pas la commenter.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Il existe déjà un dispositif de suivi et de conseil pour les femmes ayant eu une IVG.

Ce dispositif peut être insuffisant dans certains départements, je veux bien en convenir, et il doit alors y être remédié. Mais la législation actuelle impose déjà à chaque établissement pratiquant des IVG d'ouvrir un service de consultation pour le suivi psychologique postabortif.

L'adoption de l'amendement no 61 aboutirait à créer des doublons et perturberait le réseau existant.

Par ailleurs, il me semblerait regrettable de créer des structures limitées au suivi psychologique, alors que les femmes ont besoin, avant tout, de conseils en matière contraceptive. Vous retrouvez là mon souci majeur.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

61. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Mme Lignières-Cassou, rapporteure, a présenté un amendement, no 115, ainsi rédigé :

« Après l'article 7, insérer l'article suivant :

« L'article L.

2322-4 du code de la santé publique est abrogé. »

Sur cet amendement, le Gouvernement a présenté un sous-amendement, no 131, ainsi libellé :

« Compléter l'amendement no 115 par les mots : "et il est inséré, après le quatrième alinéa de l'article L.

2212-8 du même code, un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret fixe les installations autorisées dont les établissements de santé privés sont tenus de disposer lorsqu'ils souhaitent pratiquer des interruptions volontaires de grossesse. »

La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no 115.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Lors des auditions auxquelles nous avons procédé, plusieurs médecins nous ont dit combien le contingentement imposé aux établissements de santé privés entrave l'accès à l'IVG.

Aux termes d'un amendement adopté en novembre 1974, à l'initiative de Michel Debré, le nombre d'IVG pratiquées dans ces établissements ne peut en effet excéder le quart de l'ensemble des actes chirurgicaux qui y sont effectués. Le motif invoqué était le risque de créer des

« avortoirs ».

Il me semble qu'aujourd'hui nous avons dépassé ce climat de méfiance vis-à-vis du secteur privé et que nous aurions au contraire tout intérêt à édicter des règles claires de confiance, pour deux raisons : d'une part, l'usage de la méthode médicamenteuse, peu courant dans ces établissements, pourrait y être diffusé ; d'autre part, la nomenclature qui y est utilisée serait remise à plat.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat, pour soutenir le sous-amendement no 131 et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 115.

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

L'article L.

2322-4 du code de la santé publique prévoit effectivement que les établissements de santé privés ne peuvent pratiquer un nombre annuel d'IVG supérieur au quart du total des actes chirurgicaux et obstétricaux.

Dans la mise en oeuvre de la loi, les dérives que l'on pouvait craindre ne se sont pas vérifiées. Par ailleurs, on constate que la pratique des IVG dans les établissements privés contribue bien souvent à répondre aux besoins de la population.

Le Gouvernement a proposé dans son projet de loi que les IVG puissent désormais être pratiquées en ambulatoire, dans le cadre d'une convention liant un praticien à un établissement de santé. L'effet de cette disposition ne saurait être entravé par le quota imposé de 25 %. Il est donc souhaitable de supprimer ce quota en abrogeant l'article L.

2322-4.

Toutefois, l'abrogation de cet article par l'amendement de la commission a pour conséquence de supprimer, pour les établissements de santé privés qui réalisent des IVG, toute référence à la nécessité pour ces établissements de disposer d'installations autorisées en gynécologie obstétrique ou en chirurgie. Il convient donc de réintroduire c ette condition en créant un cinquième alinéa à l'article L.

2212-8 du code de la santé publique. C'est l'objet du sous-amendement no 131.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

La commission ne l'a pas examiné. Sur le fond, elle est favorable à la disposition proposée par le Gouvernement, mais souhaiterait qu'elle soit introduite dans un autre article du code de la santé publique, l'article L.

2322-1.

Je vous suggère donc, madame la secrétaire d'Etat, de rectifier votre sous-amendement no 131 en rédigeant ainsi l'alinéa de codification :

« Compléter l'amendement no 115 par les mots :

« L'article L.

2322-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé : » Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

D'accord.

Mme la présidente.

Le sous-amendement no 131 est ainsi rectifié.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je suis très favorable à la suppression du quota dans les établissements privés, pour deux raisons : d'une part, puisqu'il doit encore y avoir des IVG pendant un certain temps dans notre pays, il est effectivement souhaitable, madame la secrétaire d'Etat, qu'elles soient de plus en plus souvent pratiquées en ambulatoire ; d'autre part, le quota conduisait nécessairement à des sous-déclarations ou à des déclarations sous d'autres cotes.

En vous écoutant défendre votre sous-amendement, je me disais que votre démarche, même si je la comprends, ne faisait finalement que conforter la position que nous essayons de défendre depuis le début. Si nous en restions au délai de dix semaines pour l'avortement légal, qui serait ainsi réalisé avec des méthodes relativement simples et des moyens légers, nous n'aurions pas l'obligation d'alourdir les installations dans les établissements de santé qui veulent pratiquer des IVG. Voilà une raison de plus pour en rester à dix semaines.

M. Philippe Nauche.

Ces équipements sont déjà obligatoires, madame Boisseau.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Je suis contente, madame la secrétaire d'Etat, de vous avoir entendue dire le bien que vous pensez des établissements de santé privés. Vous savez très bien, pour assister régulièrement aux séances de questions d'actualité, à quel point ils ont eu, ces derniers mois, la sensation d'être rejetés, d'être écartés de toutes les attentions que le Gouvernement réservait aux établissements publics. Je suis donc très heureuse que l'on reconnaisse que ce sont des établissements de qualité...

M. Philippe Nauche.

Personne n'a dit le contraire !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

... et qu'ils participent eux aussi, avec toute leur compétence, au service public de santé.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

A mon tour de dire combien je suis favorable à l'amendement de la commission, car les praticiens que nous avons reçus ont été nombreux à regretter que ce quota de 25 % soit imposé aux cliniques privées.

Cela étant, je viens d'entendre que si nous ramenions le délai légal à dix semaines, il n'y aurait plus besoin d'investir dans de nouveaux équipements pour ces cliniques.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Du moins pas dans ce but !

Mme Muguette Jacquaint.

Moi, je pense que les femmes doivent avoir le choix - en accord, bien sûr, avec leur médecin - de l'établissement où elles veulent faire pratiquer une IVG. On dit que c'est un acte médical important. Eh bien, cet acte médical important doit pouvoir, comme tous les actes médicaux, bénéficier des installations modernes que le progrès permet. C'est pourquoi je suis également favorable au sous-amendement proposé par Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no 131 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 115, modifié par le sous-amendement no 131 rectifié.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Article 8

Mme la présidente.

« Art. 8. - L'intitulé du chapitre III du titre Ier du livre II de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« C HAPITRE

III

« Interruption de grossesse pratiquée pour motif médical » La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau, inscrite sur l'article.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Nous l'avons dit et redit, nous souhaitons pour de multiples raisons, des raisons graves, en rester au délai légal de dix semaines. Je n'y reviens pas, car je crois les avoir longuement et précisément exposées.

Mais nous avons bien conscience aussi que, vingt-cinq ans après la loi Veil qui a instauré ce délai, il reste quelque cinq mille femmes dans notre pays qui, pour moult raisons, dépassent les dix semaines. Aujourd'hui, ces femmes sont rejetées par les médecins et les structures hospitalières, qui leur disent : vous êtes hors la loi ! Heureusement, une grande majorité d'entre elles sont accueillies par les centres de planification et d'éducation familiales, auxquels je tiens à rendre hommage. Dans ces circonstances-là, ils sont, en quelque sorte, la béquille de la société, ce sont eux qui s'occupent d'envoyer ces femmes à l'étranger.

Or une société digne de ce nom doit assumer les problèmes qui se posent et ne pas se défausser sur les pays voisins. Moi qui suis allée à l'étranger rencontrer certaines de ces femmes, je peux vous assurer que je n'étais pas très fière de moi ni de mon pays. Alors qu'elles sont déjà en grande difficulté et n'ont souvent jamais quitté la France ou même leur département, elles se retrouvent du jour au lendemain propulsées à l'étranger sans aucun soutien. Et une fois l'interruption volontaire de grossesse pratiquée, on les renvoie en France et à leur solitude.

De plus, cela pose pour la plupart d'entre elles un énorme problème financier. Certains, ici, ont réagi vivement hier quand j'ai expliqué que des femmes étaient obligées de se prostituer pour trouver l'argent nécessaire pour aller avorter à l'étranger. J'en suis désolée, mais telle est bel et bien la triste réalité ! Et c'est vraiment inadmissible !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

Je souhaite donc que toutes ces femmes soient accueillies en France. Dans notre pays, on peut avorter légalement au-delà de dix semaines pour des raisons médicales, et jusqu'à la dernière heure avant l'accouchement naturel.

Il me semble indispensable que, à ces raisons médicales, nous ajoutions des raisons psychosociales. Les médecins réclament une telle disposition. Des jeunes en pleine santé arrivant à quinze semaines de grossesse peuvent en effet être conduites à avorter pour tout un ensemble de raisons psychologiques et sociales.

En la matière, les dispositions législatives doivent être claires. Or l'amendement de Mme la rapporteure sur le sujet ne l'est pas assez, à mon sens. Mais nous y reviendrons. Moi, je souhaiterais que l'on puisse avorter au-delà de dix semaines pour des raisons médicales, mais aussi psychosociales « d'une particulière gravité ». J'ai repris une formule consacrée que l'on retrouve notamment dans le code de la famille. Cette décision sera laissée à l'appréciation d'une équipe pluridisciplinaire. C'est une question d'humanité. Cet amendement permettrait de résoudre tous les problèmes qui se posent aujourd'hui en France s'agissant de l'avortement.

Mme la présidente.

Mme Boisseau, MM. Abelin, Barrot, Bernard, Bosson, Bur, Hillmeyer, Jean-Baptiste, Landrain, Maurice Leroy, Christian Martin, Méhaignerie, Menjucq, Paecht, Albertini, Mme Idrac, MM. Deprez, Gaillard, Hériaud, Kert, Leonetti, Ligot, Morisset, Paillé et Jégou ont présenté un amendement, no 98, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa de l'article 8 par les mots : "ou pour motif psychosocial d'une particulière gravité". »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je considère que je viens de défendre cet amendement.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

La commission a rejeté cet amendement. Dans le cadre de l'IVG pour motif de détresse, il est prévu par la loi Veil que la femme prend seule la décision d'interrompre sa grossesse. Dans le cadre de l'IMG - l'interruption médicale de grossesse -, ce sont les médecins qui statuent sur la demande de la femme. Or il me paraîtrait extrêmement dangereux que la loi organise le transfert de l'IVG vers l'IMG, car, à terme, nous fragiliserions le fondement même de la loi. Si, aujourd'hui, l'IMG remplaçait l'IVG pour les femmes enceintes de dix à douze semaines, demain, c'est l'IVG dans son ensemble qui serait remise en cause.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Mais non !

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

La commission a donc rejeté cet amendement.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

J'ajouterai une précision aux propos de la rapporteuse.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

La « rapporteure » !

Mme la présidente.

Nous n'allons pas nous battre sur ce point de détail ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Certes !

Mme la présidente.

L'évolution n'est pas achevée, ce qui excuse quelques fantaisies.

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Madame Boisseau, j'ai eu moi-même beaucoup de mal à dire Mme la rapporteuse.

C'est un grammairien qui m'a expliqué que c'était le mot de genre féminin le plus approprié à partir d'un verbe du 1er groupe - rapporter. Je respecte donc la grammaire.

Mais il est vrai que, culturellement, nous avons toutes et tous un certain nombre d'adaptations à accepter.

Revenons sur le fond du sujet. L'article L.

2213-1 du code de la santé publique prévoit actuellement la possibilité d'une interruption médicale de grossesse lorsqu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité, reconnue comme incurable au moment du diagnostic, ou lorsque la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme.

En cas de difficultés psychologiques graves et susceptibles d'être objectivées médicalement, la législation en vigueur apporte une réponse car il y a mise en péril de la santé de la femme dans un sens large, santé physique, santé mentale. En revanche, et cela gêne le Gouvernement, la référence à la détresse d'ordre social ne saurait être assimilée à une indication médicale de recours à l'interruption de grossesse.

Par ailleurs, il n'apparaît pas envisageable de demander à des médecins de se prononcer sur la recevabilité des demandes sociales des femmes.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Madame Lignières-Cassou, je n'ai pas compris votre réponse. Il me semblait pourtant avoir été claire. Aujourd'hui, l'interruption médicale de grossesse - thérapeutique devenue médicale est possible jusqu'à la veille de l'accouchement et ce sont les médecins qui décident. Mais à côté de ces cas médicaux, qui ne souffrent aucune discussion, d'autres situations doivent également être prises en compte. Dans une société qui se judiciarise, les médecins ont peur du juge.

Il faut donc leur proposer des outils clairs et précis dans la loi.

Comme je l'ai expliqué, certaines des 5 000 femmes qui doivent partir à l'étranger pour avorter sont confrontées à des problèmes psychologiques et sociaux souvent indissociables. C'est ce qui m'a conduite à proposer de prendre en compte les motifs psychosociaux dans le cadre du dispositif de la loi Veil prévu en matière d'IMG. Et pour aider la femme concernée à prendre la décision d'avorter - ce n'est pas le médecin qui décidera à sa place, madame la rapporteure -, je suggère de prévoir une équipe pluridisciplinaire comprenant des médecins, des sages-femmes, des psychologues, des conseillères conjugales et des membres du planning familial. J'anticipe sur un amendement à venir. Dans nombre de services, de telles équipes travaillent déjà ainsi avec beaucoup d'intelligence, de générosité, de dévouement et d'efficacité.

Pourquoi ne pas le prévoir dans la loi ? Cette procédure destinée à accompagner la prise de décision va tout à fait dans le sens de la pratique d'une médecine moderne de plus en plus complexe, médicalement, techniquement et socialement, puisqu'on ne peut pas faire l'économie de cette dernière dimension. En outre, les médecins appellent de leurs voeux ce travail en équipes pluridisciplinaires. Cela se fait tous les jours pour le diagnostic des cancers, le diagnostic prénatal, etc.

Enfin, je vous rappelle que la solution claire, spécifiquee t bien cadrée que je propose ne concerne que 5 000 femmes sur les 220 000 qui avortent chaque année.


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La formule de l'équipe pluridisciplinaire présentera en outre l'avantage d'offrir un accueil plus étoffé pour ces femmes en difficulté et un accompagnement au moment et au-delà de l'avortement.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

98. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Après l'article 8

Mme la présidente.

Je suis saisi de quatre amendements, nos 6, 84, 31 et 99, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 6, présenté par Mme Lignières-Cassou, rapporteure, est ainsi libellé :

« Après l'article 8, insérer l'article suivant :

« L'article L. 2213-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 2213-1. - L'interruption volontaire d'une grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou s'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic. Cette décision ne peut être prise qu'après que la réalité de l'une ou l'autre de ces situations a été appréciée par une commission pluridisciplinaire.

« Cette commission comprend au moins trois personnes qui sont une personne qualifiée, un médecin choisi par la femme concernée et un médecin responsable de service de gynécologie obstétrique.

Lorsque l'interruption de grossesse est envisagée au motif qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic prénatal, le deuxième médecin exerce son activité dans un centre de diagnostic prénatal pluridisciplinaire. Un décret en Conseil d'Etat précise la composition et les modalités de fonctionnement de cette commission.

« La femme concernée ou le couple peut, à sa demande, être entendu par la commission. »

Sur cet amendement, je suis saisie de deux sousamendements, nos 24 et 15.

Le sous-amendement no 24, présenté par M. Charles,

Mme Robin-Rodrigo, MM. Pontier, Tourret, Charasse, Defontaine, Franzoni, Honde, Nunzi, Rebillard, Rigal, Vernaudon et Warhouver, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'avant-dernier alinéa de l'amendement no 6 :

« Cette commission comprend au moins trois personnes qui sont un médecin choisi par la femme concernée et deux médecins de service de gynécologie obstétrique. Un décret en Conseil d'Etat précise la composition et les modalités de fonctionnement de cette commission. »

Le sous-amendement no 15, présenté par M. Nauche, Mmes Lignières-Cassou et Bousquet et les membres du groupe socialiste appartenant à la commission des affaires culturelles, est ainsi rédigé :

« Compléter la dernière phrase de l'avant-dernier alinéa de l'amendement no 6 par les mots : "y compris une procédure simplifiée en cas d'urgence absolue liée à l'état de santé de la femme". »

L'amendement no 84, présenté par MM. Mattei, Perrut, Goasguen, Dhersin, Hellier, Rigaud, Lenoir, Nicolin, Herbillon, Lequiller et Meylan est ainsi libellé :

« Après l'article 8, insérer l'article suivant :

« L'article L.

2213-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L. 2213-1. - L'interruption de la grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou s'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic. Cette décision ne peut être prise que de manière collégiale après que la réalité de l'une ou l'autre des situations ait été appréciée par une commission pluridisciplinaire.

« Cette commission comprend au moins trois personnes qui sont une personne qualifiée, deux médecins à savoir un médecin choisi par la femme concernée et un responsable de service de gynécologie obstétrique. Lorsque l'interruption volontaire de grossesse est envisagée pour motif psychiatrique, ce qui inclut la santé psychique de la femme, la menace de suicide ou de recours à une interruption de grossesse illégale et l'état de dépression mentale grave consécutive à un viol ou un inceste, l'avis de deux médecins experts psychiatres inscrits sur une liste d'experts près la Cour de cassation ou près d'une cour d'appel, est aussi nécessaire. Lorsque l'interruption de grossesse est envisagée au motif qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic prénatal, le deuxième médecin exerce son activité dans un centre de diagnostic prénatal pluridisciplinaire. Un décret en Conseil d'Etat précise la composition et les modalités de fonctionnement de cette commission.

« La femme concernée ou le couple doivent, sauf s'ils le refusent, être entendus par la commission. »

L'amendement no 31, présenté par Mme de Panafieu, M. Dubernard et M. Cazenave, est ainsi libellé :

« Après l'article 8, insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article L. 2213-1 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : "Elle peut également être pratiquée, à toute époque, dans le cas d'une détresse psychosociale grave constatée par un collège pluridisciplinaire composé d'un médecin et de professionnels qualifiés dont la composition est fixée par décret. »

L'amendement no 99, présenté par Mme Boisseau, MM. Abelin, Barrot, Bernard, Mme Idrac, MM. Bur, Hillmeyer, Jean-Baptiste, Landrain, Leroy, Deprez, Albertini, Gaillard, Kert, Leonetti, Ligot, Morisset, Paillé, Jégou, Martin, Méhaignerie et Paecht, est ainsi libellé :

« Après l'article 8, insérer l'article suivant :

« L'article L. 2213-1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La femme enceinte que son état place en situation psychosociale d'une particulière gravité peut demander une interruption volontaire de grossesse au-delà du délai légal de 10 semaines prévu à l'article 2212-1 jusqu'à la fin de la 22e semaine de grossesse. Dans ce cas, une équipe pluridisciplinaire, dont la composition est déterminée par décret en Conseil d'Etat, examine la demande de la femme en sa présence et l'aide à prendre la décision la plus adaptée à sa situation. »


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La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no

6.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Je laisse à ma collègue Danielle Bousquet le soin de présenter cet amendement.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Danièle Bousquet.

Mme Danielle Bousquet, au nom de la délégation aux droits des femmes.

La délégation parlementaire aux droits des femmes a procédé à de nombreuses auditions, notamment de médecins ayant pratiqué des IMG. Et ces derniers ont souvent insisté sur la difficulté que représentait la décision d'effectuer une IMG dans la mesure où cela dépassait leurs responsabilités professionnelles strictes et les amenait, en quelque sorte, à édicter des normes.

Par ailleurs, le fonctionnement particulièrement exemplaire des commissions pluridisciplinaires de diagnostic prénatal a été souligné, à chaque fois. Je rappelle que la décision de procéder à une IMG en raison de malformations foetales résulte d'une décision collégiale.

C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité établir le même type de procédure pour les IMG liées à la santé de la femme. Nous proposons donc d'instaurer une commission pluridisciplinaire afin de privilégier là aussi la collégialité. En outre, l'amendement prévoit que la f emme concernée et/ou le couple peuvent, à leur demande, être entendus par cette commission. Cela nous semble indispensable.

Enfin, cet amendement vise à mettre fin à l'intervention actuellement obligatoire d'un médecin inscrit sur la liste d'experts près la Cour de cassation ou d'une cour d'appel. Cela n'apparaît guère justifiable aujourd'hui. La femme devant subir une IMG ne saurait, en effet, être considérée comme potentiellement hors la loi. Nous souhaitons donc que la référence à des experts disparaisse de la loi.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Le dispositif proposé permet la mise en oeuvre d'une procédure collégiale à propos des deux situations permettant de recourir à une interruption médicale de grossesse : si la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, ou s'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité. Le Gouvernement soutient cette approche.

S'agissant des interruptions médicales de grossesse envisagées en raison d'une anomalie embryonnaire ou foetale, les nouvelles dispositions proposées complètent le dispositif fonctionnant actuellement dans le cadre des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal, dont les modalités sont fixées par le décret no 97-578 du 28 mai 1997.

Pour valider l'indication d'une interruption médicale de grossesse, la commission créée disposera des avis émis dans le cadre de la concertation pluridisciplinaire menée au sein des structures précitées qui rassemblent toutes les compétences cliniques et biologiques dans le domaine du diagnostic prénatal. En outre, l'un des médecins de la commission compétente pour statuer dans ce cas sera m embre du centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal.

Cette procédure sera également mise en place dans le cas du motif lié à la santé de la femme, et cette concertation, préalable à une décision difficile, nous paraît opportune.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Perrut, pour soutenir l'amendement no

84.

M. Bernard Perrut.

Cet amendement nous donne l'occasion de rappeler un certain nombre d'éléments auxquels nous sommes attachés.

T out d'abord, nous considérons que l'expression

« interruption de grossesse » est préférable à celle

« d'interruption volontaire de grossesse » qui risque d'engendrer une certaine confusion entre l'IVG et l'interruption de grossesse pour motif médical.

Cet amendement vise également à privilégier et à mieux organiser la collégialité, notamment en mettant en place une commission pluridisciplinaire.

Par ailleurs, cet amendement propose d'autoriser le recours à une interruption médicale de grossesse pour raisons psychiatriques, possibilité déjà reconnue par la jurisprudence, mais qu'il convient d'institutionnaliser et sans doute de mieux encadrer. Par motif psychiatrique, nous entendons la santé psychique de la femme, la menace de suicide ou de recours à une interruption de grossesse illégale et l'état de dépression mentale grave consécutive à un viol ou un inceste.

Enfin, nous estimons important de préciser que la femme ou le couple peuvent, s'ils le souhaitent, être entendus par la commission pluridisciplinaire.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, pour soutenir l'amendement no

31.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Nous maintenons que la loi Veil est une bonne loi et qu'il importe sur le plan des principes de limiter à dix semaines le délai permettant d'avorter, car c'est la période la plus sûre. Cela étant, des femmes peuvent se retrouver en état de détresse psychosociale grave. Les difficultés psychologiques et celles liées à un environnement social particulièrement dégradé sont parfois difficiles à dissocier, en effet. Nous demandons donc d'élargir les conditions d'accès à l'interruption médicale de grossesse aux femmes en situation de détresse pyschosociale grave ayant largement dépassé quelquefois les dix semaines de délai légal.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 84, 31 et 99 ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Sur l'amendement no 84, la commission a émis un avis défavorable. Que voulez-vous, même dans le cas d'une IMG, je ne peux pas admettre que l'interruption ne soit pas volontaire ! Il me paraît impensable qu'une interruption de grossesse puisse être décidée sans le consentement de la femme.

Deuxièmement, en substituant au terme « thérapeutique » celui, moins restrictif de « médical », nous avons cherché à donner une certaine souplesse au regard que les médecins peuvent porter sur la santé de la femme. Il me paraît donc extrêmement réducteur de ne retenir, comme vous le faites, que les seuls motifs d'ordre psychiatrique.

Troisièmement, nous avons souhaité assouplir la procédure en supprimant l'obligation de faire appel à un médecin expert auprès des tribunaux. N'hésitant pas à en rajouter, vous proposez, au contraire, de faire appel non pas à un, mais à deux experts ! Pour ces trois raisons, au nom de la commission, j'invite l'Assemblée à repousser ces amendements.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 84, 31 et 99 ?


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Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Je ne reviendrai pas sur la détresse psychosociale. Je me suis déjà exprimée à ce sujet. Concernant l'amendement no 84, je partage tout à fait l'avis de Mme la rapporteure.

Mme la présidente.

Nous en venons aux sous-amendements nos 24 et 15...

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Le sousamendement no 15 a été retiré en commission.

Mme la présidente.

Le sous-amendement no 15 est retiré.

La parole est à M. Roger Franzoni, pour soutenir le sous-amendement no

24.

M. Roger Franzoni.

La décision de pratiquer une IVG tardive appartient à la femme. Mais les dangers médicaux d'une telle opération doivent être évalués en proportionnalité par des médecins. L'intrusion de « personnalités qualifiées », représentants de courants de pensée ou de confessions, est illégitime et contrevient au principe républicain de laïcité.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Il n'a pas été adopté par la commission.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Le Gouvernement juge souhaitable de prévoir la possibilité, pour des non-médecins, tels un psychologue ou un membre du planning familial, de siéger dans la commission. Il n'est donc pas favorable à ce sous-amendement.

Mme la présidente.

Retirez-vous le sous-amendement no 24, monsieur Franzoni ?

M. Roger Franzoni.

Non, je le maintiens.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Comme j'ai eu déjà l'occasion de le dire, il ne s'agit pas pour moi de concilier des positions inconciliables. Et je maintiens naturellement mon opposition au principe de l'avortement. Cela étant, l'amendement proposé par la commission me semble intéressant. C'est si peu fréquent que cela méritait d'être souligné. ( Sourires.)

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Tout à fait.

Mme Christine Boutin.

Je sais, par expérience et par témoignage, que l'on peut subir bien des pressions lorsqu'on décide de mener sa grossesse à terme.

Je tiens à rappeler les termes de l'article L.

2213-1 du code de la santé publique, tel que la commission souhaite le rédiger, en reprenant en grande partie la formulation adoptée par la loi de 1975. En effet, peu de Français savent qu'il est aujourd'hui possible, pour des raisons médicales, d'avorter jusqu'au moment de la naissance.

« L'interruption volontaire de grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou s'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic. »

Je peux témoigner qu'il existe des femmes qui sont enceintes d'enfants porteurs de handicaps et qui souhaitent mener leur grossesse à terme.

Mme Muguette Jacquaint et Mme Martine LignièresCassou, rapporteure, et plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est leur droit !

Mme Christine Boutin.

Bien sûr, c'est leur droit. Mais la réalité est qu'elles sont soumises à des pressions très fortes destinées à les conduire à avorter. Une commission collégiale permettrait peut-être de respecter davantage la volonté de la femme.

Je vous l'assure, il est aujourd'hui très difficile, pour une femme enceinte d'un enfant susceptible de porter un handicap, de choisir de mener sa grossesse à terme, tant le regard médical, social et économique va à l'encontre de cette volonté.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

A la lumière de ce que vient de dire Mme Boutin, je voudrais signaler très amicalement à Bernard Perrut que je ne suis pas d'accord avec l'idée de substituer l'expression « interruption de grossesse » à celle d'« interruption volontaire de grossesse » dans le cas d'une interruption pour motifs médicaux. En effet, c'est un choix de la femme qui doit être assumé par elle-même, jusqu'au bout et quel que soit l'accompagnement. Je tiens donc beaucoup au terme « volontaire ».

Par ailleurs, j'ai déjà plaidé en faveur d'une équipe composée d'experts pluridisciplinaires. Elle va dans le sens de l'évolution de la médecine moderne, et c'est excellent.

Je suis également tout à fait d'accord pour faciliter la présence du couple dans la procédure.

En revanche, je considère que l'interruption médicale de grossesse ne résout en rien le problème des femmes qui dépassent le délai, même si notre assemblée finit, hélas, par le porter à douze semaines. Il reste toujours une population exclue du système et contrainte de se tourner vers l'étranger. C'est pourquoi je regrette infiniment que vous ne vouliez pas accepter ma proposition.

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no

24. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, les amendements nos 84, 31 et 99 tombent.

Article 9

Mme la présidente.

« Art. 9. A l'article L.

2213-2 du même code, les mots : "pour motif thérapeutique" sont remplacés par les mots : "pour motif médical". »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau, inscrite sur l'article 9.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

« Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage ». Il me paraît extrêmement important, dès lors que nous avons rouvert le dossier infiniment douloureux de l'avortement, que nous résolvions tous les problèmes qui se posent aujourd'hui dans notre pays. C'est pourquoi je me permets d'insister une nouvelle fois - et je le ferai encore - pour que soient pris en compte, dans le but de répondre à la situation des 5 000 femmes que j'évoquais tout à l'heure, des motifs psychosociaux à côté des motifs médicaux. Il ne s'agit d'ailleurs pas de n'importe quels motifs psychosociaux,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

seulement ceux d'une particulière gravité. C'est une formulation sans ambiguïté, qui respecte la liberté de jugement et la compétence de l'équipe pluridisciplinaire.

Ma démarche est extrêmement claire, précise et efficace. Elle nous permettrait de résoudre tous les cas d'avortement qui se présentent aujourd'hui en France.

Mme la présidente.

Mme Boisseau a présenté un amendement, no 100, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 9 par les mots : "ou pour motif psychosocial d'une particulière gravité". »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je pense qu'il n'est pas nécessaire que je me répète. Je considère qu'il est défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Cet amendement a été rejeté par la commission. Encore une fois, l'IMG n'est pas une alternative à l'IVG. Prenons garde, car en allant dans ce sens, nous risquerions de dénaturer la loi Veil. La commission dont nous avons voté le principe tout à l'heure bénéficiera d'une liberté d'appréciation sur chaque cas, et il ne nous appartient pas de légiférer sur ce point.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Même avis.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 100.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

MM. Mattei, Perrut, Meylan, Carré, Proriol, Goasguen, Patriarche, Nicolin, Hellier, Rigaud, Lenoir, Herbillon et Lequiller ont présenté un amendement, no 85, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 9 par le paragraphe suivant :

« II. Dans ce même article, les mots : "interruption volontaire de la grossesse" sont remplacés par les mots : "interruption de la grossesse". »

La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

Il s'agit d'un amendement de cohérence. Je voudrais répondre à ma collègue que, si nous a vons souhaité remplacer l'expression « interruption volontaire de grossesse » par « interruption de grossesse », ce n'est pas pour nier le caractère volontaire de l'IVG, ni pour minimiser la capacité de décision de la personne face à l'acte, mais pour éviter toute confusion entre l'IVG et l'interruption de grossesse pour motif médical.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Je maintiens l'avis négatif de la commission. Encore une fois, une interruption de grossesse ne peut pas être imposée à une femme.

Mme Muguette Jacquaint.

Tout à fait !

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

C'est à la suite de sa demande que les médecins prennent une décision dans le cadre de l'IMG. En aucun cas elle ne peut lui être imposée.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Madame la présidente, le Gouvernement est aussi très attaché à ce que figure l'adjectif : « volontaire ».

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

85. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Article 10

Mme la présidente.

« Art. 10. I. L'article L. 5135-1 du même code est modifié ainsi qu'il suit :

« 1o Les trois premiers alinéas sont abrogés ;

« 2o A l'alinéa maintenu, les mots : "lesdits appareils" sont remplacés par les mots : "des dispositifs médicaux utilisables pour une interruption volontaire de grossesse", et les mots : "comme commerçants patentés" sont supprimés.

« II. L'article L. 5435-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 5435-1. La vente, par les fabricants et négociants en appareils gynécologiques, de dispositifs médicaux utilisables pour une interruption volontaire de grossesse à des personnes n'appartenant pas au corps médical ou ne faisant pas elles-mêmes profession de vendre ces dispositifs, est punie de deux ans d'emprisonnement et de 200 000 francs d'amende.

« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables des infractions, définies au présent article, dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal. Elles encourent la peine d'amende suivant les modalités prévues à l'article 131-38 du code pénal.

« Les personnes physiques et les personnes morales encourent également les peines suivantes :

« 1o La confiscation des dispositifs médicaux saisis ;

« 2o L'interdiction d'exercer la profession ou l'activité à l'occasion de laquelle le délit a été commis, pour une durée qui ne peut excéder cinq ans. »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

J'y renonce.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

J'y renonce également.

Mme la présidente.

Eh bien, nous avançons ! (Sourires.) Je mets aux voix l'article 10.

(L'article 10 est adopté.)

Article 11

Mme la présidente.

« Art. 11. L'article 223-11 du code pénal est ainsi modifié :

« a) Au 1o , les mots : "pour un motif thérapeutique" sont remplacés par les mots : "pour un motif médical" ;

« b) Le 3o est complété par les mots : ", ou en dehors du cadre d'une convention conclue selon les modalités prévues à l'article L. 2212-2 du code de la santé publique". »

Je suis saisie de deux amendements, nos 116 et 22, pouvant être soumis à une discussion commune.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

L'amendement no 116, présenté par Mme LignièresCassou, rapporteure, Mme Robin-Rodrigo, MM. Charles, Nauche et Pontier, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 11 :

« I. L'article 223-11 du code pénal est supprimé.

« II. L'article L. 2222-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L. 2222-2 L'interruption de la grossesse d'autrui est punie de deux ans d'emprisonnement et de 200 000 francs dd'amende lorsqu'elle est pratiquée, en connaissance de cause, dans l'une des circonstances suivantes :

« 1o Après l'expiration du délai dans lequel elle est autorisée par la loi, sauf si elle est pratiquée pour un motif médical ;

« 2o Par une personne n'ayant pas la qualité de médecin ;

« 3o Dans un lieu autre qu'un établissement d'hospitalisation public ou qu'un établissement d'hospitalisation privé satisfaisant aux conditions prévues par la loi, ou en dehors du cadre d'une convention conclue selon les modalités prévues à l'article L. 2212-2.

« Cette infraction est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 francs d'amende si le coupable la pratique habituellement.

« La tentative des délits prévus au présent article est punie des mêmes peines. »

L'amendement no 22, présenté par M. Charles,

Mme Robin-Rodrigo, MM. Pontier, Tourret, Charasse, Defontaine, Franzoni, Honde, Nunzi, Rebillard, Rigal, Vernaudon et Warhouver, est libellé comme suit :

« Rédiger ainsi l'article 11 :

« Les articles 223-10 à 223-12 du code pénal sont supprimés. »

La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no 116.

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Nous entamons l'examen de plusieurs amendements ayant trait au code pénal.

Je rappelle qu'avant 1975 l'avortement était un délit régi par le décret-loi de 1939. En 1975, la loi a autorisé l'accès à l'IVG sous certaines conditions, inscrivant dans le code pénal les règles réprimant les pratiques illégales de l'IVG, regroupées dans le livre II, intitulé Des crimes et délits contre les personnes, et dans le titre consacré aux atteintes à la personne humaine.

T rois articles du code pénal concernent l'IVG : l'article 223-10, qui interdit de la pratiquer sans le consentement de l'intéressée - nous retrouvons là une partie de la discussion que nous avons eue tout à l'heure -, l'article 223-11, qui réprime les formes illégales de l'IVG, c'est-à-dire l'avortement effectué par une personne n'ayant pas la qualité de médecin, après l'expiration du délai ou dans un établissement de santé non agréé, et l'article 223-12, qui sanctionne toute personne fournissant à une femme les moyens de s'auto-avorter.

Nous avons eu, au sein de la commission, une longue discussion relative au positionnement de ces articles.

Nous avons conclu qu'il était incontestable de maintenir à sa place l'article 223-10, qui porte sur l'interdiction de pratiquer une IVG sans le consentement de l'intéressée. Il s'agit bien, en effet, d'un cas d'atteinte à l'intégrité de la personne humaine.

En revanche, pour suivre l'évolution que nous voyons poindre dans les différents codes techniques, il nous as emblé qu'il n'y avait pas lieu de maintenir les articles 223-11 et 223-12 dans le code pénal. Il conviendrait plutôt de les faire basculer, avec les sanctions afférentes, auxquelles nous ne touchons pas, dans le code de la santé publique, qui est le code technique correspondant à notre sujet.

En résumé, la commission vous propose de laisser dans le code pénal l'article 223-10, qui concerne bien une atteinte à l'intégrité de la personne, et de transférer dans le code technique approprié, c'est-à-dire le code de la santé publique, les deux autres articles 223-11 et 223-12.

De la même façon, l'article consacré au délit d'entrave, pour lequel nous proposons de renforcer les sanctions, sera maintenu dans le code de la santé publique.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Le terme « dépénaliser » a créé une certaine confusion.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Je ne l'ai pas employé.

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Certes. Je fais seulement allusion à un débat, long et nourri, qui s'est tenu jusqu'au sein même du Gouvernement. A ce jour, et au nom du Gouvernement, je ne peux soutenir cette analyse.

Mme la présidente.

La parole est à M. Roger Franzoni, pour soutenir l'amendement no

22.

M. Roger Franzoni.

Les auteurs de l'amendement que je soutiens demandent la suppression pure et simple des articles 223-10 à 223-12 du code pénal.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est la meilleure !

M. Roger Franzoni.

Il s'agit, en quelque sorte, de revenir au droit commun. Il serait temps ! Le code de la santé publique prévoit déjà les modalités dans lesquelles une interruption volontaire doit être exécutée. Il n'est pas nécessaire d'en faire une infraction spécifique dans le code pénal. Cela fait maintenant vingtcinq ans que la loi Veil sur l'avortement est appliquée.

En France, il est temps de dépénaliser cet acte car, bien que les dispositions du code pénal à ce propos soient tombées en désuétude, l'avortement doit être considéré maintenant comme une liberté et un droit pour les femmes, et non comme une dérogation à un délit. La suppression de ces articles n'empêche pas une protection entière de l'exercice dans lequel doivent s'inscrire les IVG dans les centres hospitaliers. Le code de la santé publique protège l'interruption volontaire de grossesse comme tout acte médical.

Actuellement le droit commun suffit. Il permet même à des enfants qui n'auraient pas dû naître de demander des dommages et intérêts à ceux qui n'ont pas pratiqué l'avortement.

Ainsi que cela a été souligné, il est normal que les mineures ne soient pas assimilées à des majeures. Il faut donc qu'elles soient accompagnées par les parents ou par une personne étrangère. Il n'en demeure pas moins que certaines d'entre elles, lorsqu'elles seront majeures, pourront regretter d'avoir avorté et assigner en dommages et intérêts ceux qui les avaient alors accompagnées.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 22 ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Cet amendement a été repoussé en commission parce que, je le répète, nous ne saurions en aucune façon accepter le


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t ransfert dans le code de la santé publique de l'article 223-10 du code pénal. Il concerne vraiment une atteinte à la personne, car le fait de pratiquer un avortement sans le consentement de la femme constitue incontestablement un crime. Il faut donc laisser cet article dans le code pénal.

En revanche, je n'ai aucun état d'âme pour transférer les articles 223-11 et 223-12 dans le code de la santé publique avec les sanctions qu'ils comportent.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Je reste sur la logique que j'ai exprimée tout à l'heure.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

L'amendement no 116 est fondamental. Nous sommes au coeur du débat et, compte tenu de la position du Gouvernement, je pourrais ne pas m'exprimer.

Ainsi que je l'ai déjà souligné, porter le délai maximal de dix à douze semaines ne change pas la nature des choses. Ce n'est d'ailleurs pas le véritable enjeu de la discussion. Celui-ci réside dans cet amendement. En effet, par cette proposition Mme Lignières-Cassou et ses collègues veulent modifier radicalement l'objectif de la loi de 1975 en dépénalisant une partie de l'avortement, alors que, jusqu'à présent, celui-ci relevait du code pénal. Sans en avoir l'air, cette proposition revient à instaurer un droit à l'avortement, qui n'existe pas aujourd'hui en France. (« Justement ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Dans le conflit entre deux intérêts - celui de la femme et celui de l'enfant à naître - cet amendement prend délibérément le parti de la femme au détriment de l'enfant à naître. Par sa position, qui semble surprendre les députés de la majorité, le Gouvernement a montré qu'il avait compris que nous étions au coeur du débat.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

La même discussion sur l'amendement proposé par notre rapporteure a déjà eu lieu en commission.

Ne soyons pas hypocrites : il s'agit bel et bien de reconnaître un véritable droit à l'interruption volontaire de grossesse. Il ne faut pas tergiverser : les femmes doivent pouvoir prendre librement la décision d'interrompre une grossesse.

Juqu'à présent la situation n'était pas claire. L'IVG pouvait être considérée comme une sorte de cadeau consenti aux femmes. Aujourd'hui, vingt-cinq ans après la loi Veil, il ne faut pas craindre d'affirmer que, quand une femme a décidé de ne pas mener une grossesse à terme, elle doit pouvoir l'interrompre sans risquer quelque sanction que ce soit.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Ne nous trompons pas de débat : je n'ai jamais employé le terme de dépénalisation parce qu'il est profondément impropre.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Alors pourquoi sortir ces articles du code pénal ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Je reconnais que cette discussion a une forte charge symbolique, mais il faudrait s'en affranchir pour examiner la lettre des textes proposés.

Or, je le répète, nous n'avons jamais proposé de dépénaliser l'avortement puisque le transfert de certains articles dans le code de la santé publique n'éliminera pas les sanctions actuellement prévues. Celles-ci seront maintenues, mais les articles 223-11 et 223-12, et rien que ceux-là, seront placés là où ils doivent figurer, c'est-à-di re dans le code de la santé publique, car nous estimons qu'ils relèvent d'un code technique et non du code pénal.

E n revanche nous laissons dans ce dernier l'article 223-10 qui concerne l'atteinte à l'intégrité de la personne, car effectuer une IVG contre le consentement de la femme est un crime.

Les deux articles visés seront donc transférés dans le code de la santé publique avec les sanctions qu'ils comportent, car une infraction demeure une infraction, quel que soit le code dans lequel elle est inscrite. Notre logique est d'ordre strictement technique. Ne mélangeons pas ce qui relève de l'intégrité de la personne et ce qui relève de la non-application de la loi.

Mme Muguette Jacquaint.

Tout à fait !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Madame la rapporteure, vous essayez avec talent d'expliquer l'inexplicable. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Raymonde Le Texier.

C'est pourtant clair !

Mme Christine Boutin.

Vous tentez en effet de faire croire que sortir l'IVG du code pénal ne constitue pas une dépénalisation. Si les mots ont encore un sens, tel est pourtant bien le cas ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Bien sûr que non ! L'acte incriminé restera une infraction !

Mme Christine Boutin.

En fait, vous satisfaisez ainsi une revendication des féministes. Elle est certes tout à fait respectable, mais assumez au moins votre responsabilité et dites clairement que vous dépénalisez l'IVG. Là réside la véritable réforme de fond de ce texte.

Mme Muguette Jacquaint.

Interrompre une grossesse n'est tout de même par un crime !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Je ne suis pas juriste de formation, mais deux éléments me troublent dans le texte que nous sommes en train d'élaborer, car nous modifions un peu trop allègrement la législation.

M. Le Garrec vient de me confirmer qu'allait être créé un groupe de travail sur l'autorité parentale et sur les possibilités de la retirer. Or, en la matière, nous avons adopté une mesure qui est vraiment limite.

En l'occurrence encore, nous allons, tranquillement, sans avoir consulté la commission des lois, faire passer du code pénal au code de la santé publique des dispositions extrêmement graves. En tant que législateurs, nous nous engageons sur des pentes dangereuses. Au-delà des aspects psychologiques et moraux, cette orientation, sans avoir consulté la commission des lois, me semble très grave.

Mme Marie-Thérèse Boisseau. Absolument ! Mme Bernadette Isaac-Sibille. J'ai défendu la motion de renvoi en commission de ce texte, notamment pour permettre la consultation de la commission des lois. Plus nous avançons dans le débat, plus cela me paraît indispensable.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

M me Marie-Thérèse Boisseau et Mme Jacqueline Mathieu-Obadia. Très bien ! Mme Christine Boutin. Tout à fait !

Mme la présidente.

Si vous le voulez bien, après la séance, j'interviendrai sur ce sujet. Permettez-moi seulement de souligner que l'on trouve beaucoup plus de droit pénal en dehors du code pénal qu'en son sein.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteur. Encore une fois - j'espère que ce sera la dernière -, je tiens à rappeler qu'une infraction est une infraction, quel que soit le code dans lequel elle se trouve ! Mme Raymonde Le Texier. Bien sûr ! Pas uniquement dans le code pénal !

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure. Relisez tous nos codes.

Mme Christine Boutin. Mais pourquoi enlevez-vous ces articles du code pénal ? Mme Jacqueline Mathieu-Obadia. Pourquoi changer ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure. Nous laissons dans le code pénal l'article L.

223-10 parce qu'il relève de l'atteinte à la personne.

Mme Conchita Lacuey. Bien sûr !

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure. En effet le fait de pratiquer une IVG sans le consentement de la personne est incontestablement un crime. Cela porte atteinte à l'intégrité de la personne. Si cette disposition doit donc figurer dans le code pénal, les autres, celles qui condamnent les pratiques illégales de la médecine, sont mieux à leur place dans le code technique idoine.

Mme Danielle Bousquet, au nom de la délégation aux droits des femmes. Et les actes en cause demeureront des infractions.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure. Absolument ! Ce sont des infractions.

Mme la présidente.

Il faudrait que plusieurs pénalistes puissent s'exprimer dans ce débat. (Sourires.)

Je mets aux voix l'amendement no 116.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, l'article 11 est ainsi rédigé.

L'amendement nos 22 n'a plus l'objet, non plus que l'amendement no 101 de Mme Boisseau.

Après l'article 11

Mme la présidente.

Mme Lignières-Cassou, rapporteure, a présenté un amendement, no 117, ainsi libellé :

« Après l'article 11, insérer l'article suivant :

« I. - L'article 223-12 du code pénal est supprimé.

« II. - Après l'article L.

2222-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L.

2222-4 ainsi rédigé :

« Art. L.

2222-4. - Le fait de fournir à la femme les moyens matériels de pratiquer une interruption de grossesse sur elle-même est puni de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amende. Ces peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 500 000 francs d'amende si l'infraction est commise de manière habituelle. En aucun cas, la femme ne peut être considérée comme complice de cet acte. »

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Il s'agit du même débat avec cet amendement qui vise la fourniture à une femme de moyens matériels pour lui permetre de pratiquer une IVG sur elle-même.

Nous proposons aussi de transférer l'article 223-12 du code pénal dans le code de la santé publique, sous forme d'un article L.

2222-4.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Le Gouvernement a la même position que celle que j'ai exprimée tout à l'heure : je ne peux approuver cette approche.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 117.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Comme sur l'amendement précédent je ne participe pas au vote car je ne dispose pas d'éléments suffisants pour me prononcer.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Mme Boutin a présenté un amendement, no 41, ainsi libellé :

« Après l'article 11, insérer l'article suivant :

« Après l'article 223-13 du code pénal, il est inséré un article 223-13-1 ainsi rédigé :

« Art. 223-13-1. - Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 francs d'amende le fait d'inciter, de contraindre ou de tenter de contraindre une femme enceinte à procéder à une interruption de grossesse :

« soit en exerçant des pressions morales, psychologiques ou financières ;

« soit en exerçant des menaces ou tout acte d'intimidation à l'encontre de la femme enceinte ou de son entourage. »

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. J'ose espérer que le Gouvernement nous apportera quelques explications complémentaires sur la position qu'il défend et qui vient d'être mise en échec, à deux reprises, par l'adoption des deux derniers amendements. Il a sans doute pris la mesure des dispositions proposées, mais il devra nous donner les raisons pour lesquelles il n'a pas soutenu ces amendements qui, je le répète, représentent le véritable changement, la réforme de fond en la matière. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Catherine Génisson. Vous avez raison, madame Boutin, mais nous assumons ! Mme Christine Boutin. L'amendement no 41 a pour objectif de sanctionner toutes les pressions exercées sur les femmes. Il est proposé de punir de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 francs d'amende le fait d'inciter, de contraindre ou de tenter de contraindre une femme enceinte à procéder à une interruption de grossesse, soit en exerçant des pressions morales, psychologiques ou financières ; soit en exerçant des menaces ou tout acte d'intimidation à l'encontre de la femme enceinte ou de son entourage. Il est en effet indispensable qu'une égalité soit respectée dans le choix de la femme, quel qu'il soit.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

Or, nous le savons, les femmes nous le disent : elles subissent des pressions morales, psychologiques, financières qui les conduisent à l'avortement. Toutes ces pressions doivent être réprimées afin que la liberté de décision de la femme soit pleinement respectée.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure. La commission a repoussé cet amendement en notant au passage qu'il reprenait un certain nombre des termes que nous avons introduits dans le délit d'entrave.

Mme Christine Boutin. Absolument !

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure. Sur le fond, il n'est pas justifiable.

De plus, je le répète, nous ne voulons pas que figurent dans le code pénal des dispositions qui ont davantage leur place dans le code de la santé publique.

Pour clore la discussion précédente, je rappelle à nos collègues que le délit d'usage de stupéfiants est inscrit dans le code de la santé publique, et non dans le code pénal.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Je partage tout à fait cet avis.

J'ajoute qu'en tout état de cause, l'article 223-10 du code pénal réprime déjà l'interruption de grossesse effectuée sans le consentement de l'intéressée par une peine de c inq ans d'emprisonnement et de 500 000 francs d'amende.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

41. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 12

Mme la présidente.

« Art. 12. Sont abrogés :

« l'article L.

2221-1 du code de la santé publique ;

« les articles 84 à 86 et l'article 89 du décret-loi du 29 juillet 1939 relatif à la famille et à la natalité françaises. »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 12.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Cet article propose l'abrogation de l'article L.

2221-1 dont le deuxième alinéa dispose : « La propagande ou la publicité, directes ou indirectes, par un moyen quelconque, concernant soit les établissements dans lesquels sont pratiquées les interruptions de grossesse, soit les médicaments, produits et objets ou méthodes destinés à procurer ou présentés comme destinés à procurer une interruption de grossesse, sauf dans les publications réservées aux médecins et aux pharmaciens, est punie des mêmes peines. »

La suppression, entre autres, de cette disposition permettra-t-elle, demain, la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, pour l'IVG ? Je souhaite vivement que cette interdiction soit bien confirmée dans la discussion et que, en ce qui concerne l'interruption volontaire de grossesse, il ne soit jamais question dans notre pays ni de propagande ni de publicité.

J'ai toujours défendu le point de vue selon lequel les interruptions de grossesse devaient être pratiquées de manière digne et relativement libre. Je suis également favorable - je le répète avec beaucoup de fermeté - à la diffusion de l'information à ce sujet. Jean-François Mattei et moi-même avons même déposé des amendements allant plus loin que ce que vous proposez en la matière.

Que des informations claires soient dispensées à propos de l'avortement oui, mais qu'en aucun cas on ne fasse en sa faveur de la propagande ou de la publicité, qu'elle soit directe ou indirecte. Il en va de la dignité de notre société.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

L'information n'a rien à voir avec la propagande !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Cet article propose de supprimer les sanctions pénales liées à la propagande et à la publicité pour l'avortement, au motif que la priorité doit être donnée à l'information des femmes, pour que celles-ci effectuent leurs démarches dans les meilleurs délais possibles et en toute connaissance de cause.

Si la rédaction de l'article L. 2221-1 actuellement en vigueur est pour le moins maladroite - le terme de propagande n'est sans doute pas très adapté -, je remarque, une fois de plus, que le projet de loi privilégie certaines informations par rapport à d'autres. En effet, l'article actuellement en vigueur n'interdit en rien l'information à donner aux femmes. Il sanctionne seulement toute publicité en faveur de l'avortement. Cela est normal, car son autorisation consacrerait la banalisation du recours à l'avortement, ce qui serait d'autant plus étonnant que n ous sommes d'accord, sur tous les bancs, pour reconnaître que le nombre des avortements est trop élevé dans notre pays. Malgré cela, toutes les orientations prises vont vers une facilitation du recours à l'avortement.

Or qui dit publicité dit promotion.

A une époque où la publicité pour le tabac est interdite, on comprend mal que l'on veuille faciliter la publicité pour l'avortement.

Mme Véronique Neiertz.

Ce n'est pas vrai !

Mme Christine Boutin.

Quoi ? C'est faux ?

Mme Véronique Neiertz.

Mettre sur le même plan l'IVG et la lutte contre le tabac ! Madame Boutin, vous allez tout de même un peu loin !

Mme Christine Boutin.

Pas du tout, madame. Ce n'est pas la peine de vous énerver, restez calme !

Mme Véronique Neiertz.

Il y a de quoi s'énerver en vous écoutant. Notre patience a des limites !

Mme Christine Boutin.

Vous n'étiez pas là, madame Neiertz, vous venez juste d'arriver. Ne m'obligez pas à le dire.

Mme Véronique Neiertz.

C'est vous qui n'étiez pas là !

Mme la présidente.

Laissez Mme Boutin s'exprimer.

Mme Christine Boutin.

Je suis là depuis le début. Je n'ai pas manqué une minute du débat, madame.

Mme la présidente.

Madame Boutin, poursuivez votre exposé.

Mme Christine Boutin.

Je le répète, alors que notre pays a, de façon sage, interdit la publicité pour le tabac, je trouve assez stupéfiant que l'on veuille aujourd'hui faciliter la publicité pour l'avortement, alors que tout le monde est d'accord pour dire que celui-ci est un échec et que la France en compte beaucoup trop : 220 000 sont pratiqués chaque année !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

Valider la notion de propagande en faveur de l'avortement, au risque d'encourager la publicité commerciale, est dangereux, surtout lorsqu'on la justifie par la notion de prévention des grossesses non désirées. Cela signifie que le Gouvernement, face à une grossesse imprévue ou difficile, entend promouvoir l'avortement plutôt que les aides à l'accueil de la vie. C'est tout l'inverse de la notion de prévention de l'avortement.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

De quelle loi sommes-nous en train de parler aujourd'hui ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

De la loi sur l'IVG !

Mme Muguette Jacquaint.

De la loi sur l'interruption volontaire de grossesse ! Dans la discussion, on a souhaité, et c'est juste, qu'il y ait une meilleure information sur la contraception et sur les moyens contraceptifs. Mais, excusez-moi, quand, au sujet d'une loi sur l'interruption volontaire de grossesse, on parle d'information, sur quoi celle-ci va-t-elle porter ? Pas sur la manière de planter les pots de fleurs ! Elle porte sur la loi.

Nous avons d'ailleurs reçu plusieurs personnes qui regrettaient que cette information ne soit pas donnée aux jeunes filles.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Nous le déplorons, madame.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Il faut une information, oui ! Une vraie !

Mme Muguette Jacquaint.

C'est ce que nous disons : il faut donner l'information. C'est bien ce qui est proposé, et pas autre chose. On donne une information sur l'interruption volontaire de grossesse.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Exactement !

Mme Muguette Jacquaint.

Il faut que les femmes sachent.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

De l'information, oui, mais pas autre chose. Cela va mieux en le disant.

Mme la présidente.

Mme Boutin a présenté un amendement, no 40, ainsi rédigé :

« Supprimer l'avant-dernier alinéa de l'article 12. »

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Cet amendement propose la suppression du deuxième alinéa de l'article 12.

L'article L.

2221-1 du code de la santé publique sanctionne la provocation à l'IVG et donc tout ce qui peut constituer une pression sur la femme enceinte pour l'inciter à avorter. Si la rédaction de cet article n'est sans doute pas très satisfaisante, il a néanmoins pour avantage de dénoncer les pressions qui peuvent être effectuées, et qui existent, sur les femmes.

Par respect de la liberté des femmes, ces pressions doivent plus que jamais être dénoncées.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Je veux tout d'abord, rassurer Mme Boutin, Mme Boisseau et tous ceux et toutes celles qui s'inquiètent de la suppression de ces articles de loi. L'article L.

2221-1 dont il est question, dans quel code est-il ? Il se trouve dans le code de la santé publique, et il porte bien sur des infractions.

Mme Christine Boutin.

Non ! Là n'est pas la question et vous le savez bien !

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Vous voyez bien qu'il n'est pas nécessaire qu'une disposition figure dans le code pénal pour qu'elle puisse punir des infractions.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Vous savez très bien que ce n'est pas la même chose !

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Vous en avez là un bel exemple, mesdames !

Mme Christine Boutin.

Non. L'argument est un peu léger !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Ce n'est pas une bonne démonstration !

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

J'espère clore ainsi la discussion de tout à l'heure et vous apporter une preuve que des infractions peuvent être prises en compte dans le code de la santé publique.

Mme Christine Boutin.

Posez la question à Mme Péry !

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

J'en viens à l'amendement.

L'article L. 2221-1 est un compromis de la loi de 1975.

Dans cette loi, l'avortement était toléré, mais, comme il souffrait un certain nombre d'infractions, cet article a été introduit pour condamner la publicité et la propagande.

Nous avons changé d'histoire ! Nous ne sommes plus dans le même contexte et nous constatons aujourd'hui que le maintien de cet article nuit à l'information des femmes et au travail minimum d'information des associations et même des médecins sur le contenu même de la loi.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Un exemple vous convaincra de la nécessité de supprimer ces dispositions. Le Gouvernement a mis en place des plates-formes téléphoniques dans chaque région pour informer les femmes sur les centres susceptibles de les accueillir en vue d'une IVG d'urgence. Alors que ces centres étaient prévus pour les mois d'été, parce qu'un problème d'accueil se posait, nous avons décidé, devant leur intérêt et leur efficacité, de les pérenniser. Ce faisant, nous pourrions être pénalisés du fait du code actuel.

Mme Martine Lignières-Cassou, rappporteure.

Tout à fait !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

40. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Mme Lignières-Cassou, rapporteure, a présenté un amendement, no 118, ainsi rédigé :

« Dans l'avant-dernier alinéa de l'article 12, substituer aux mots : "l'article L.

2221-1" les mots : "le chapitre Ier du titre II du livre II de la deuxième partie". »

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Il s'agit d'un amendement de pure forme.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Même avis que la commission.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 118.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 12, modifié par l'amendement no 118.

(L'article 12, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 12

Mme la présidente.

Mme Bousquet a présenté un amendement, no 13, ainsi libellé ;

« Après l'article 12, insérer l'article suivant :

« L'article L.

2223-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L.

2223-2. Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 200 000 francs d'amende le fait d'empêcher ou de tenter d'empêcher une interruption de grossesse ou les actes préalables prévus par les articles L.

2212-3 à L.

2212-8 :

« soit en perturbant de quelque manière que ce soit l'accès aux établissements mentionnés à l'article

L. 2212-2, la libre circulation des personnes à l'intérieur de ces établissements ou les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux ;

« soit en exerçant des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d'intimidation à l'encontre des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans ces établissements, des femmes venues y subir une interruption volontaire de grossesse ou de l'entourage de ces dernières. »

La parole est à Mme Danielle Bousquet.

Mme Danielle Bousquet, au nom de la délégation aux droits des femmes.

Cet amendement découle des recommandations de la délégation aux droits des femmes à la suite des auditions qu'elle a menées. Plusieurs associations et personnels d'établissements ont cité de nombreux cas de détournement de l'excellente loi que Mme Neiertz a fait adopter en 1993 sur le délit d'entrave. Cette loi est extrêmement utile, mais les commandos anti-IVG ont trouvé d'autres moyens de manifester, en particulier en exerçant t outes sortes de pressions inacceptables, notamment morales, sur les femmes qui souhaitent une IVG, et même sur l'entourage de ces femmes et sur les personnels médicaux qui exercent dans les hôpitaux et dans les cliniques.

Une clinique, que je ne citerai pas, a même dû cesser toute activité car il était devenu tellement difficile de pratiquer des IVG que les femmes n'y venaient plus et que plus aucun patient ne voulait y subir d'acte chirurgical.

Il faut donc élargir le périmètre de la loi que vous avez fait accepter, madame Neiertz. C'est l'objet de cet amendement.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Le Gouvernement soutient avec conviction cette proposition.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Véronique Neiertz.

Mme Véronique Neiertz.

Etant à l'origine de l'article du code de la santé publique qui a créé le délit d'entrave à l'IVG, je me félicite de la proposition qui est faite aujourd'hui de préciser les contours de ce délit.

Je voudrais rappeler l'historique qui m'a conduite à modifier la loi pour lutter contre l'action des commandos anti-IVG.

Lorsque la loi autorisant l'IVG a été adoptée en 1975, puis reconduite en 1979, nous étions dans un autre contexte. Les commandos anti-IVG n'existaient pas. Il y avait, certes, une opposition au droit à l'IVG pour les femmes, mais grande a été notre surprise de découvrir, vingt ans plus tard, l'organisation de la lutte anti-IVG sous forme de commandos, et de commandos exerçant une extrême violence contre les femmes et nuisant gravement, non seulement à l'application de la loi et au service public, mais à l'ordre public tout court.

Ces commandos ayant commencé à exercer leurs actions au début des années 90, nous avons cherché à lutter contre eux par la voie réglementaire. Cela n'a pas été possible.

Je n'ai pu agir par la voie législative que parce qu'était inscrite à l'ordre du jour parlementaire une réforme du code de la santé publique. Je n'ai pu faire intervenir la notion de délit d'entrave que dans ce code, à mon grand regret.

La majorité de l'Assemblée a ensuite changé et le nouveau gouvernement n'a pas poursuivi dans la voie utile de la lutte contre l'action des commandos anti-IVG pour garantir aux femmes l'accès à la contraception et à l'IVG.

J'ai même noté, lors de la discussion de la loi d'amnistie qui a suivi l'élection présidentielle de 1995, une volonté du gouvernement de l'époque d'amnistier l'action des commandos anti-IVG. Et il a fallu toute la tenacité de ceux et celles qui étaient opposés à l'amnistie de ces actions et aussi toute la persuasion du président de la commission des lois de l'époque, Pierre Mazeaud, qui agissait dans le souci de faire respecter l'ordre public peut-être nos motivations étaient-elles différentes mais, dans ce cas précis, elles se sont rejointes - pour que l'on refuse, en 1995, d'amnistier les délits qui avaient été condamnés par les tribunaux et qui commençaient tout juste à créer une jurisprudence.

Si l'on avait amnistié ces délits en 1995, toute cette jurisprudence et l'article même du code de la santé publique auraient été remis en cause et l'autorisation aurait été donnée par les pouvoirs publics aux commandos de continuer leurs bonnes actions...

Donc, je félicite la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée, la commission et leurs rapporteures du travail qu'elles ont fait et je me réjouis de voir prolonger, par la modification qui est proposée, une action qui s'est révélée utile mais qui aurait pu être paralysée et qui pourrait l'être encore. Elle se voit ainsi confortée par une volonté politique.

Nous ne sommes pas dans un débat technique et encore moins dans un débat juridique. Nous assumons t otalement la volonté politique de l'ensemble des membres de la commission et de l'ensemble des groupes de gauche qui siègent sur les bancs de cette assemblée.

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait ! Mme Véronique Neiertz. Et je suis heureuse de voir qu'au moins sur cet article, le Gouvernement se rallie à notre position.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

13. (L'amendement est adopté.)

Article 13

Mme la présidente.

« Art. 13. - I. - Le premier alinéa de l'article L.

2412-1 du code de la santé pubique est ainsi rédigé :

« Le titre Ier du livre II de la présente partie, à l'exception du dernier alinéa de l'article L.

2212-8, est applicable dans la collectivité territoriale de Mayotte, sous réserve des adaptations prévues à l'article L.

2412-2. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

« II. - L'article L.

2412-2 du même code est abrogé.

« III. - L'article L.

2412-3 du même code devient l'article L.

2412-2.

« IV. - L'article 723-2 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 723-2. - Le 3o de l'article 223-11 est rédigé comme suit :

« 3o Dans un lieu autre qu'un établissement d'hospitalisation public ou qu'un établissement d'hospitalisation privé satisfaisant aux conditions prévues par la réglementation applicable localement, ou en dehors du cadre d'une convention conclue en application de l'article L.

2212-2 du code de la santé publique. »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau, inscrite sur l'article 13.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

L'article 13 a essentiellement trait à la transposition des dispositions sur le projet de loi à l'île de Mayotte. Je m'en suis entretenue avec le député de cette collectivité territoriale. Il y est tout à fait favorable.

Mme la présidente.

Mme Lignières-Cassou, rapporteure, a présenté un amendement, no 119 rectifié, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du I de l'article 13, substituer au mot : "dernier", le mot : "quatrième". »

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Il s'agit d'un amendement de cohérence avec un amendement adopté par la commission à l'article 7.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Avis positif.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 119 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Mme Lignières-Cassou, rapporteure, un présenté un amendement, no 120 rectifié, ainsi rédigé :

« I. - Compléter le dernier alinéa du I de l'article 13 par la phrase suivante : "L'article L.

2222-2 est également applicable".

« II. - En conséquence, rédiger ainsi le IV de cet article :

« L'article 723-2 du code pénal est supprimé. »

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Compte tenu de l'adoption des précédents articles, nous proposons de supprimer l'article 723-2 du code pénal applicable à Mayotte. Les dispositions relatives à la pratique illégale de l'IVG doivent figurer désormais dans le code de la santé publique.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Je soutiens cet amendement.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 120 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 125, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 13 par le paragraphe suivant :

« V. Les articles 10 et 12 du présent texte sont applicables à la collectivité territoriale de Mayotte. »

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à l a formation professionnelle.

Nous proposons de compléter l'article 13 par le paragraphe suivant :

« V. Les articles 10 à 12 du présent texte sont applicables à la collectivité territoriale de Mayotte. »

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ? Ne serait-il pas préférable d'écrire « de la présente loi » plutôt que « du présent texte » ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Tout à fait. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Sur le fond, nous sommes d'accord, mais il vaudrait mieux en effet le rectifier pour écrire « de la présente loi ».

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 125, tel qu'il vient d'être rectifié.

(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 13, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 13, ainsi modifié, est adopté.)

Article 14

Mme la présidente.

« Art. 14. I. Les dispositions des articles L.

2212-1 et L.

2212-7 du code de la santé publique sont applicables dans les territoires d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.

« II. Le I de l'article 713-2 du code pénal est ainsi rédigé :

« I. Le 1o de l'article 223-11 est rédigé comme suit :

« 1o Après la fin de la douzième semaine de grossesse, sauf si elle est pratiquée pour un motif médical. »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau, inscrite sur l'article 14.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je défendrai en même temps l'amendement no 102. Dans celui-ci, je propose de ramener le délai d'intervention à dix semaines de grossesse et de rajouter, et c'est sur ce point que je veux insister, au motif médical déjà pris en compte, un « motif médical ou psychosocial d'une particulière gravité ». Cette mention me paraît particulièrement importante pour nos territoires d'outre-mer où l'avortement est encore plus fréquent qu'en métropole. A la Guadeloupe, par exemple, il y a une moyenne de quarante-quatre avortements pour cent naissances. Et nous connaissons tous les difficultés spécifiques aux territoires et aux départements d'outremer.

Bien sûr, il faudra là encore veiller à s'entourer d'une équipe pluridisciplinaire afin d'être en mesure de résoudre tous les problèmes des femmes qui se trouvent hors délai et qui souhaitent avorter.

Mme la présidente.

L'amendement no 25 n'est pas défendu.

M me Lignières-Cassou, rapporteure, Mme RobinRodrigo, MM. Charles, Nauche et Ponthier ont présenté un amendement, no 121 rectifié, ainsi libellé :

« I. Dans le I de l'article 14, substituer aux mots "et L.

2212-7" les mots : ", L.

2212-7 et L.

2222-2". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

« II. En conséquence, rédiger ainsi le II de cet article :

« L'article 713-2 du code pénal est supprimé. »

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Comme précédemment, cet amendement de cohérence vise à prendre en compte le fait que les dispositions relatives à la pratique illégale de l'IVG doivent figurer désormais dans le code de la santé publique et non plus dans le code pénal.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Même avis que la commission.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 121 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

L'amendement no 1 n'est pas défendu, non plus que l'amendement no

86. Mme Boisseau et M. Mattei ont présenté un amendement, no 102, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa du II de l'article 14 par les mots : "ou pour motif psychosocial d'une particulière gravité". »

Mme Boisseau s'est déjà exprimée sur ce point lors de son intervention sur l'article.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

L'amendement a été repoussé par la commission.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Même avis que la commission.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 102.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 14, modifié par l'amendement no 121 rectifié.

(L'article 14, ainsi modifié, est adopté.)

Article 15

Mme la présidente.

« Art. 15. - Le chapitre II du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est modifié ainsi qu'il suit :

« 1o L'intitulé du chapitre est ainsi rédigé :

« Prise en charge par l'Etat des dépenses exposées au titre de l'interruption volontaire de grossesse » ;

« 2o L'article L. 132-1 est modifié ainsi qu'il suit :

« a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'intégralité des dépenses exposées à l'occasion des interruptions volontaires de grossesse pratiquées dans les c onditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 2212-7 du code de la santé publique est prise en charge par l'Etat. »

« b) Le dernier alinéa est complété par un membre de phrase ainsi rédigé : ", et notamment les conditions permettant, pour les personnes visées à l'alinéa précédent, de respecter l'anonymat dans les procédures de prise en charge". »

Je mets aux voix l'article 15.

(L'article 15 est adopté.)

Après l'article 15

Mme la présidente.

Mme Boisseau a présenté un amendement, no 103, ainsi libellé :

« Après l'article 15, insérer l'article suivant :

« L'article L. 2212-10 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sur la base des déclarations mentionnées à l'alinéa précédent, un rapport annuel sera remis au Parlement faisant état de l'évolution statistique du nombre d'interruptions volontaires de grossesse et présentant une analyse de ces résultats. »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

L'INED, en liaison avec l'INSERM, est en charge du traitement statistique des données issues des déclarations faites par les médecins à la suite de chaque interruption volontaire de grossesse.

Force est de constater que les moyens mis à la disposition de l'INED sont insuffisants pour qu'il puisse remettre chaque année une analyse statistique permettant une vision d'ensemble. Les derniers chiffres disponibles sur l'IVG remontent - incroyable ! - à 1996 ! La suppression envisagée des bulletins statistiques risquerait d'affaiblir encore plus notre connaissance.

La prévention à laquelle nous sommes tous très attachés exige des outils d'évaluation fiables et réactualisées régulièrement.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Cet amendement a été repoussé par la commission. Ne croyez pas, madame Boisseau, que nous ne partageons pas votre souci, qui reprend d'ailleurs une des recommandations de la délégation aux droits des femmes,...

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Alors ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

... mais votre approche reste essentiellement d'ordre statistique a lors que c'est d'un suivi et d'une évaluation de l'ensemble de la loi que nous aurions besoin - conformément à l'idée que nous nous faisons du rôle du Parlement et singulièrement de la délégation. Au-delà même de la loi, et je reprends les propos tenus hier dans ce sens par plusieurs de mes collègues hier, nous devons pouvoir suivre les campagnes de contraception, apprécier l'amélioration de l'accès aux établissements de santé afin de parvenir à une analyse d'ensemble qui ne se limite pas à une étude statistique. Il est du reste à noter, madame Boisseau, mais c'est un détail, que les derniers chiffres de l'INSERM et de l'INED portent sur 1998 et non sur 1996.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Même avis.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 103.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

M me la présidente.

MM. René, André, Baguet,

Mmes Bassot, Boutin, MM. Bouvard, Bertrand, Briane, Caillaud, Chossy, Delattre, Deprez, Xavier Deniau, Dord, Dutreil, Foucher, Gantier, de Gastines, Gengenwin, H erre, Jean-Baptiste, Kergueris, Laffineur, Landrain, Ligot, Christian Martin, Martin-Lalande, Micaux, Millon, Morange, Myard, Nicolin, Paecht, Préel, Quentin, Reymann, Rigaud, Rochebloine, de Villiers et Michel Voisin, ont présenté un amendement, no 62, ainsi rédigé :

« Après l'article 15, insérer l'article suivant :

« Le Gouvernement dépose en annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, au plus tard le 15 octobre 2001, un rapport étudiant la possibilité de créer un fonds de prévention de l'interruption volontaire de grossesse destiné à subvenir aux besoins des associations et organismes agréés d'accompagnement des femmes enceintes en difficulté pour mener leur grossesse à terme et pour les aider à la naissance de l'enfant. »

La parole est à Mme Christine Boutin.

M me Christine Boutin.

Cet amendement tend à demander au Gouvernement de déposer, en annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale, un rapport étudiant la possibilité de créer un fonds de prévention de l'IVG, destiné à subvenir aux besoins des associations et organismes agréés d'accompagnement des femmes enceintes en difficulté pour mener leur grossesse à terme et pour les aider à la naissance de l'enfant.

Je ne me fais guère d'illusions sur l'avenir que vous réservez à cet amendement, dans la mesure où il s'inscrit dans la logique que nous avons essayé de décliner tout au long de ces débats : donner à la femme le maximum d'informations afin qu'elle puisse prendre la décision de poursuivre sa grossesse ou d'avorter en toute connaissance de cause. Malheureusement, le Gouvernement ne retient qu'une seule orientation. J'en veux pour preuve, sans esprit de provocation, la tournure qu'a prise la discussion sur le délit d'entrave, tel qu'il a été adopté tout à l'heure par la majorité de l'Assemblée nationale. Comme l'a fort bien remarqué Mme Lignières-Cassou, j'avais repris exactement les mêmes termes pour qualifier le délit commis par ceux qui empêcheraient les femmes de poursuivre leur grossesse. Cet amendement, dont le but était de punir les délits d'entrave à la poursuite de la grossesse, a été rejeté par la majorité tandis que celui qui visait le délit d'entrave à l'avortement a été adopté de façon théâtra le...

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Cet amendement a été repoussé par la commission pour deux raisons. La première est d'ordre juridique dans la mesure où la liste des annexes à la loi de financement de la sécurité sociale est fixée non par une loi simple, mais par la loi organique.

Sur le fond, et c'est la deuxième raison, nous n'avons pas la même conception que vous de la prévention.

Mme Christine Boutin.

Ça, c'est vrai !

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Pour nous, prévenir l'IVG, c'est développer l'information sur la contraception et l'éducation à la sexualité et à la vie.

C'est développer les recherches sur la contraception, tant féminine que masculine. C'est enfin développer des relations d'égalité entre les femmes et les hommes afin que les relations sexuelles reposent sur le respect de l'autre.

Mme Christine Boutin.

Aucune réponse sur le fonds de prévention !

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

J'ai eu l'occasion hier de m'expliquer longuement sur l'importance pour le Gouvernement de développer les campagnes d'information sur la contraception ; je n'y reviens pas. Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

62. (L'amendement n'est pas adopté.)

M me la présidente.

MM. René, André, Baguet,

Mmes Bassot, Boutin, MM. Loïc Bouvard, Bertrand, B riane, Caillaud, Chossy, Delattre, Deprez, Xavier Deniau, Dord, Dutreil, Foucher, Gantier, de Gastines, G engenwin, Heriaud, Herr, Jean-Baptiste, Kergueris, Laffineur, Landrain, Ligot, Christian Martin, MartinLalande, Micaux, Millon, Morange, Myard, Nicolin, Paecht, Préel, Quentin, Reymann, Rigaud, Rochebloine, de Villiers et Michel Voisin, ont présenté un amendement, no 63, ainsi rédigé :

« Après l'article 15, insérer l'article suivant :

« Le Gouvernement dépose en annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, au plus tard le 15 octobre 2001, un rapport étudiant les conditions de la création, sous l'égide du Premier ministre, d'un observatoire public sur la prévention de l'interruption volontaire de grossesse composé de membres d'associations et organismes d'accompagnement des femmes enceintes en difficulté pour mener leur grossesse à terme et pour les aider à la naissance de l'enfant.

« Ses objectifs seraient :

« de faire un bilan annuel sur l'évolution du nombre d'interruptions volontaires de grossesse, sur les raisons qui ont conduit les femmes à avorter, sur le suivi psychologique post-abortif et sur les conséquences psychologiques de l'avortement.

« d'évaluer les ressources publiques accordées aux associations et organismes d'aide aux femmes enceintes.

« de veiller à ce que le dossier guide d'information prévu à l'article L.

2212-3 2o du code de la santé publique soit actualisé annuellement et effectivement remis par les médecins aux femmes les sollicitant en vue d'une interruption volontaire de grossesse.

« de vérifier le contenu des publications faisant référence à l'interruption volontaire de grossesse. »

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Nous avons toutes et tous été d'accord pour reconnaître que nous manquions de données suffisamment précises sur la prévention de l'avortement et sur l'avortement proprement dit.

Mon amendement no 63 a pour objectif de proposer la création d'un observatoire public sur la prévention de l'avortement. Cet observatoire permettrait de dresser un bilan annuel sur l'évolution du nombre d'avortements, sur les raisons qui ont conduit les femmes à avorter, sur le suivi psychologique après avortement, sur les conséquences psychologiques de l'avortement, d'évaluer les ressources publiques accordées aux associations et organismes d'aide aux femmes enceintes et de vérifier le contenu des publications faisant référence à l'avortement.

La création d'un tel observatoire est d'intérêt public. Si nous avons une réelle volonté d'examiner l'évolution du nombre des avortements dans notre pays et les raisons


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

pour lesquelles les femmes y ont recours, nous devons tous être d'accord sur la création de cet observatoire public.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Madame la présidente, cet observatoire est un peu un poème à la Prévert... Une fois encore, force est de constater que nous ne partageons pas la même conception de la prévention.

Pour nous, la prévention de l'IVG, nous l'avons dit et redit pendant tout ce débat, passe par le développement de la contraception. Or vous n'en dites pas un mot dans votre amendement, ni sur le développement de l'information, ni sur le développement des méthodes. Nous le regrettons, car c'est à nos yeux la seule démarche efficace pour prévenir les IVG.

Sur le fond, hormis l'aspect « catalogue à la Prévert » de cet observatoire dont les multiples objectifs n'ont rien à voir avec la prévention, rappelons que l'INED et l'INSERM publient des statistiques annuelles.

Mme Christine Boutin.

Elles ne sont pas suffisantes, tout le monde le reconnaît !

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à l a formation professionnelle.

Mme Mathieu-Obadia m'avait demandé hier si je pouvais préciser l'intention du Gouvernement dans le domaine de l'évaluation des campagnes de contraception au regard de leurs implications au niveau des IVG. Le débat ne m'avait pas permis de répondre directement à cette question.

Dès 1999, Martine Aubry et moi-même avions à nouveau saisi l'INSERM en lui demandant d'effectuer dese nquêtes quantitatives régulières portant sur 7 000 femmes, afin de disposer d'une base fiable. Ces enquêtes devraient nous permettre année après année de mesurer l'impact de nos campagnes de contraception et leur influence sur le nombre d'IVG. Je puis donc dès aujourd'hui m'engager au nom du Gouvernement à présenter annuellement devant le Parlement un rapport retraçant l'évolution des IVG et les moyens d'action mis en oeuvre.

Mme Christine Boutin.

Très bien !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

63. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 16

Mme la présidente.

Je donne lecture de l'article 16 :

TITRE II

CONTRACEPTION

« Art. 16. A la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2311-4 du code de la santé publique, les mots : "sur prescription médicale" sont supprimés. »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau, inscrite sur l'article.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

L'article 16 vise à faire disparaître l'obligation de la prescription médicale dans les centres de planification pour la délivrance des contraceptifs hormonaux à des mineurs qui pouvaient déjà les y obtenir sans autorisation parentale. Cette disposition concourt à faciliter la délivrance des contraceptifs hormonaux aux mineurs.

Sur le principe, j'y suis évidemment favorable. La sexualité des adolescentes avant dix-huit ans est souvente spacée, brève, imprévue et malheureusement trop souvent non désirée ; la preuve en est que 50 à 60 % des premiers rapports ont lieu sans contraception.

Je reconnais que cet article rendra plus aisé l'accès à la contraception des mineurs. C'est une bonne chose. Permettez-moi toutefois une remarque : on table sur les centres de planification, mais ceux-ci sont loin d'être accessibles à tous les mineurs. Ils ne sont pas suffisamment nombreux, à tel point que l'on n'en trouve pas en milieu rural ou dans les petites villes.

Non seulement les centres de planification restent insuffisamment connus, mais puisque nous parlons de la contraception des mineures, il sont de surcroît peu pratiques, dans la mesure où leurs horaires d'ouverture coïncident avec ceux des écoles : en d'autres termes, il sont fermés au moment précisément où les mineurs pourraient les contacter.

Enfin, l'appellation même : « centre de planification et d'éducation familiale » n'a rien d'attractif pour les jeunes.

Alors que nous sommes en train de revoir la loi Veil, peut-être pourrions-nous la dépoussiérer quelque peu et donner à ces centres une « enseigne » plus moderne, plus parlante pour les jeunes, mais également pour les moins jeunes. Car si nombre de jeunes ne savent même pas qu'ils existent, bien des gens qui, eux, le savent, n'oseraient jamais y mettre les pieds...

Mme la présidente.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Je remercie Mme Péry pour le rapport annuel qu'elle s'est engagée à nous transmettre. Je souhaite que la présentation de ce rapport soit également l'occasion - mais peut-être est-ce prévu - d'évaluer le coût de l'avortement en France.

J'en reviens à l'article 16.

Jusqu'à présent, les politiques gouvernementales ont f avorisé la promotion de la contraception comme méthode de prévention de l'avortement, et elles continuent de le faire. Force est cependant de constater que c'est un échec : 220 000 IVG par an ces dernières années, soit un avortement pour trois naissances, et un indicateur conjoncturel de 0,55 avortement par femme. Notre taux d'avortement demeure fort alors que l'utilisation de la contraception est très répandue dans notre pays.

Henri Leridon écrivait dans la revue Echanges SantéSocial :

« Si l'on additionne les proportions d'utilisatrices de la pilule et du stérilet, la France détient le record mondial ». Claire Aubin et Hélène Gisserot constataient également dans un rapport pour l'ONU : « Au total, on peut estimer que l'utilisation des moyens contraceptifs a aujourd'hui pratiquement atteint son maximum absolu. »

La France est donc dans le peloton de tête des pays occidentaux pour l'utilisation de la contraception, mais elle se range également dans les pays qui comptent le plus grand nombre d'avortements par femme.

Ce qui fait dire à Chantal Blayo, de l'INED, dans un article paru en 1997 dans la revue Populations et Sociétés faisant le point sur l'avortement en France : « Le rôle de la contraception dans la lutte pour la baisse du nombre d'avortements est une illusion. Contraception et avortement ne s'opposent pas nécessairement. » Mme Lignières-

Cassou a du reste repris cette réflexion dans la discussion générale.


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Mme Blayo a d'ailleurs précisé au colloque à l'Assemblée, en mai dernier, que « militer en faveur d'une contraception de plus en plus maîtrisée, c'est militer en faveur de la naissance non programmée. Inciter les couples à une maîtrise toujours plus grande de leur reproduction a évidemment pour effet de les déterminer à ne pas accepter les échecs. »

Israël Nisand, dans son rapport, constatait de la même façon : « Même s'il existait une politique encore plus volontariste de prévention des grossesses non désirées, il persisterait toujours des demandes d'avortement, car les méthodes contraceptives ne sont ni parfaites, ni parfaitement utilisées et il y a toujours une réelle différence entre le désir de grossesse et le désir d'enfant. »

Tout cela ne fait que confirmer la nécessité de trouver une autre solution pour réduire le nombre d'avortements.

Une utilisation maximale de la contraception ne pourra donc jamais mettre un terme au recours à l'avortement.

Une action cherchant à prévenir les avortements doit donc étudier le phénomène du désir de grossesse et du désir d'enfant et tenter de les faire converger.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 16.

(L'article 16 est adopté.)

Après l'article 16

Mme la présidente.

Je suis saisie de quatre amendements, nos 124, 9, 105 rectifié et 71 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 124, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Après l'article 16, insérer l'article suivant :

« Après l'article L.

312-15 du code de l'éducation, sont insérés un intitulé et un article ainsi rédigés :

« Section 9

« L'éducation à la santé et à la sexualité

« Art. L.

312-16. - Une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les collèges et les lycées à raison d'au moins trois séances annuelles. Ces séances pourront associer les personnels contribuant à la mission de santé scolaire et des personnels des établissements mentionnés au premier alinéa de l'article L.

2212-4 du code de la santé publique ainsi que d'autres intervenants extérieurs conformément à l'article 9 du décret du 30 août 1985 sur les établissements publics locaux d'enseignement. »

L'amendement no 9, présenté par Mme Lignières-Cassou, rapporteure, Mme Boisseau, MM. Bur, Foucher, Menjucq et Préel, est ainsi libellé :

« Après l'article 16, insérer l'article suivant :

« Après l'article L.

2325-7 du code de la santé publique, il est inséré un article L.

2325-8 ainsi rédigé :

« Art. L.

2325-8. - Au moins trois séances annuelles d'information et d'éducation à la sexualité sont inscrites dans l'emploi du temps des élèves des écoles, des collèges et des lycées.

« Ces séances pourront associer les personnels des services de santé scolaire, ceux des établissements mentionnés au premier alinéa de l'article L.

2212-4 ainsi que des intervenants extérieurs. »

Sur cet amendement, M. Estrosi a présenté deux sousamendements.

Le sous-amendement no 109 est ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa de l'amendement no 9, substituer au mot : "trois", le mot : "six". ».

Le sous-amendement no 111 est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 9 par l'alinéa suivant :

« La formation initiale et la formation permanente d es professeurs des écoles, collèges et lycées comprennent un enseignement sur la sexualité dont le programme est déterminé par décret en Conseil d'Etat. »

L'amendement no 105 rectifié, présenté par Mme Boisseau et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, est ainsi libellé :

« Après l'article 16, insérer l'article suivant :

« L'article L.

2325-7 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Au moins trois séances annuelles d'information et d'éducation à la sexualité sont inscrites dans l'emploi du temps des élèves des écoles, des collèges et des lycées.

« Ces séances pourront associer les personnels des services de santé scolaire, ceux des établissements mentionnés au premier alinéa de l'article L.

2212-4, ainsi que des intervenants extérieurs. »

L'amendement no 71 rectifié, présenté par MM. Mattei, Perrut, Meylan, Carré, Proriol, Goasguen, Patriarche, Hellier, Clément, Rigaud, Lenoir, Nicolin, Herbillon et Lequiller, est ainsi rédigé :

« Après l'article 16, insérer les dispositions suivantes :

« Titre III

« De l'éducation sexuelle dans les établissements scolaires

« Art. 18 bis. - Un enseignement obligatoire assuré par un intervenant extérieur dont la compétence est définie par décret, portant sur l'éducation sexuelle est prévu dans les programmes scolaires dès le collège, par petits groupes d'âge homogènes. »

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat, pour soutenir l'amendement no 124.

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

L'objectif de l'article additionnel que le Gouvernement propose d'introduire par l'amendement no 124 est d'accroître les heures d'éducation à la sexualité et plus généralement d'éducation à la santé. C'est à ses yeux primordial. Des initiatives ont déjà été prises : la mise en place de séances d'éducation pour la santé à raison de vingt heures annuelles ou encore les rencontres éducatives sur la santé, qui sont l'occasion de développer plus largement au collège une information et une éducation à la sexualité auprès des élèves.

Cette disposition doit s'intégrer dans le code de l'éducation au même titre que l'ensemble des enseignements spécifiques.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no

9.

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

La commission, sur proposition de Mme Boisseau, a souhaité que trois séances annuelles au moins d'information soient inscrites dans l'emploi du temps des enfants à la fois dans les collèges, que dans les écoles et les lycées.

Cela dit, l'amendement no 124 proposé par le Gouvernement me paraît avoir plus de force que notre propre


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rédaction, à ceci près, c'est mon seul regret, qu'il ne fait pas référence aux écoles. Nous savons pourtant combien cette information est importante dans les écoles primaires : à travers la lutte contre la violence, l'apprentissage du respect de l'autre, c'est une forme d'éducation à la sexualité et à la vie.

Peut-être est-il impossible de mentionner les écoles ; quoi qu'il en soit, il est souhaitable et même nécessaire que cette éducation à la vie, qui passe par le respect de l'autre, y soit poursuivie et développée.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau, pour soutenir l'amendement no 105 rectifié.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je suis heureuse que l'amendement que j'avais déposé en commission ait été repris à la fois par Mmes les rapporteures et par Mme la secrétaire d'Etat.

En matière d'éducation à la sexualité dans notre pays,

« tout reste à faire », disait M. Neuwirth en 1967. Nous sommes en 2000 et je pourrais tenir les mêmes propos.

Cette éducation n'est pas l'affaire des parents. Au risque de paraître brutale, je dirai qu'ils sont très maladroits et qu'ils ne sont sans doute pas les mieux placés en ce domaine, génération après génération.

Elle n'est pas non plus l'affaire des professeurs.

Elle est l'affaire des « intervenants extérieurs » spécialisés que nous mentionnons dans nos différents amendem ents : médecins, infirmières, conseillères familiales, membres du planning familial - il ne s'agit pas de n'importe qui.

M'adressant à Mme Péry, j'affirmerai que l'éducation à la sexualité doit, pour être efficace, commencer dès le plus jeune âge, c'est-à-dire dès l'école, bien entendu sous une forme adaptée à l'âge des enfants.

Personnellement, je tiens à ce que l'on désigne précisément l'« enseignement primaire » ou l'« école » - je vois Mmes les rapporteures opiner du chef. En effet, je ne vois pas pourquoi on fragmenterait l'éducation à la sexualité.

Je voudrais faire état de témoignages que nous avons recueillis émanant de jeunes filles représentant les syndicats lycéens. Ces jeunes filles, âgées de dix-huit ans, étaient d'une étonnante maturité. Leurs témoignages rejoignent ceux que j'ai recueillis dans des classes à Fougères et selon lesquels les jeunes, qui ont une fascination pour les intervenants extérieurs, souhaitent aussi parler de sexualité entre eux. Ils sont favorables à une certaine éducation des jeunes par les jeunes.

J'insiste sur cet aspect des choses, d'autant que les intervenants extérieurs seraient tout à fait prêts à former des jeunes adolescents pour les accompagner dans la transmission des messages sur la sexualité à leurs camarades.

Une campagne a été lancée par le conseil général des Yvelines à la faveur de laquelle des jeunes s'adressent à des jeunes. Cette démarche renvoie, madame Péry, à la campagne « La contraception, à vous de choisir la vôtre », qui a eu lieu cette année.

Cela dit, je ne partage pas votre optimisme car j'ai entendu des jeunes responsables de centre de planning familial me dire que cette campagne n'avait pas atteint son but, qu'elle était passée inaperçue, qu'elle avait été trop soft, qu'elle n'avait pas « marqué », contrairement à celle pour la sécurité routière qui s'appuyait sur des photos de Raymond Depardon. Bref, que les personnes à qui elle s'adressait n'avaient pas pu - je cite Nathalie Bajos -

« se l'approprier ».

Si j'émets ces remarques et ces critiques, c'est dans un but constructif. Je reconnais cependant que cette campagne a eu le mérite d'exister - c'était la première depuis longtemps. Vous avez dit qu'il y en aurait d'autres dans les années à venir. J'ose espérer que vous ne resterez pas sur un sentiment d'autosatisfaction et que vous porterez sur cette campagne, avec moi et, surtout, avec les professionnels, un oeil critique, et que la prochaine sera plus adaptée aux cibles qu'elle veut atteindre.

J'ai l'air de sortir du sujet, mais ce n'est qu'une apparence. En effet, l'éducation à la sexualité en milieu scolaire doit délivrer un certain nombre de messages, que l'on doit retrouver au niveau des centres de planning familial comme sur les médias.

Lors de visites aux Pays-Bas, nous avons été très impressionnés par cet aspect des choses : les messages concernant la sexualité, extrêmement simples, clairs, répétitifs, sont beaucoup plus efficaces que dans notre pays latin, où ils vont encore dans tous les sens.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Perrut, pour soutenir l'amendement no 71 rectifié.

M. Bernard Perrut.

L'éducation sexuelle ne doit pas être dispensée n'importe comment. Je ne suis pas forcément convaincu que prévoir trois, quatre ou cinq séances dans l'année ait un sens car ce qui importe, c'est leur contenu. Elles doivent en outre être assurées par des intervenants extérieurs habilités, qui soient formés pour savoir, en étant proches des jeunes, faire passer le message.

L'éducation sexuelle doit se faire par petits groupes d'âges homogènes et non pas devant une classe où les élèves sont trop nombreux. Cela doit faciliter la compréhension du message et éventuellement le dialogue entre les jeunes.

Dans les classes, les âges et les préoccupations des élèves peuvent être différents. Pour être efficace, la démarche doit être plus précise et plus proche des jeunes.

S'il est bien de préciser que l'éducation sexuelle se fera dans les écoles primaires, les collèges et les lycées, il faudrait aussi songer aux autres lieux de formation, tels que les centres de formation d'apprentis,...

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Très bien !

M. Bernard Perrut.

... qui accueillent des jeunes qui peuvent avoir besoin de ce type d'éducation.

Elle pourrait également être dispensée au sein des missions locales, des PAIO - les permanences d'accueil, d'information et d'orientation -, des structures d'insertion, où des jeunes sont pris en charge pendant six, neuf ou douze mois. Dans ces lieux, on remet des jeunes en difficulté, qui ont perdu leurs repères, sur une nouvelle voie de vie, ne serait-ce qu'en les amenant à se lever pour aller chercher un emploi.

Je n'ai pu m'exprimer sur l'article 16, et je le regrette.

Je ne répéterai pas pour autant ce qui a déjà été dit, car si la répétition a ses vertus, elle a aussi ses limites.

Quoi qu'il en soit, il me semble que le fonctionnement des centres de planification ou d'éducation familiale doit rapidement être revu. Il serait également souhaitable de modifier leur nom, qui n'est pas très attirant pour des jeunes filles. Trouvez-leur donc un nom sympathique, qui corresponde davantage à ce que les jeunes attendent. Faisons-les fonctionner de manière différente, avec des horaires d'ouverture plus adaptés : des jeunes filles qui ont eu un problème un jour devraient pouvoir s'y rendre


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le lendemain matin avant d'aller au collège ou au lycée, entre sept heures et demie et huit heures, ou entre midi et deux heures de l'après-midi.

C'est ainsi que nous arriverons à faire évoluer les choses.

Par ailleurs, reconnaissons qu'en milieu rural parcourir trente kilomètres pour trouver un centre de planification familiale n'est guère facile.

Dans plusieurs villes de France, j'ai pu vérifier que nombre de jeunes filles ne peuvent dans la même journée suivre leurs cours et se rendre à un centre. Elles doivent choisir entre les deux.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Mme Bernadette Isaac-Sibille. Nous avons fait l'expérience dans le département du Rhône d'un centre de planification en milieu scolaire. Le personnel du centre se rend dans les écoles. Comme le disait Mme Boisseau, les élèves disposent ainsi d'un « lieu » pour se réunir et ils trouvent toujours quelqu'un à qui parler.

Nous pouvons vérifier que, là où existe cet échange permanent entre les centres de planification et les écoles, la violence au sein des établissements scolaires est beaucoup moins grande qu'ailleurs.

Il s'agit d'une initiative qu'il serait intéressant de développer.

Mme Raymonde Le Texier. Très bien ! Mme Véronique Neiertz. Vous avez raison, madame Isaac-Sibille !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

M me Jacqueline Mathieu-Obadia. De nombreuses expériences ont eu des résultats remarquables auprès des jeunes. Il serait opportun de les faire connaître en vue de leur éventuelle extension.

Mme la secrétaire d'Etat a parlé d'établissements

« publics ». Je suppose qu'elle incluait les établissements privés sous contrat d'association.

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Tout à fait !

Mme la présidente.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Si le mot « écoles » ne figure pas dans le texte, c'est simplement que les écoles ne font pas partie des établissements publics locaux d'enseignement. Néanmoins, je ne peux pas laisser penser q ue le Gouvernement ne se préoccuperait pas de commencer très en amont l'éducation sexuelle en milieu scolaire. J'ai saisi l'éducation nationale de ce sujet. Mon secrétariat d'Etat a d'ailleurs signé avec le ministre de l'éducation nationale une convention intitulée « Pour une éducation non sexiste et non violente dès l'école maternelle ».

Le personnel éducatif sera sensibilisé afin que, dans la tolérance des uns et des autres, dans le respect mutuel, nous puissions commencer très tôt cette éducation à la sexualité.

Quelques mots sur la campagne en faveur de la contraception.

J'ai donné tous les chiffres hier soir, mais c'était à une heure avancée et tout le monde n'était peut être pas présent. J'en rappellerai deux : d'après l'enquête qualitative que nous avons réalisée, sept personnes sur dix ont vu la campagne dans les médias, et celles qui l'ont le plus appréciée forment 75 % des quinze vingt-cinq ans.

Si je crois à l'efficacité de la prévention à travers de grandes campagnes de contraception, c'est surtout parce que celles-ci permettent sur le terrain une mobilisation de l'ensemble des réseaux et un travail en partenariat, ce qui me semble fondamental.

La campagne dont nous venons de parler durera toute l'année 2000.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 124.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, les amendements nos 9, 105 rectifié et 71 rectifié n'ont plus d'objet.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 2605, relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception : Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 2726) ; Mme Danielle Bousquet, rapporteure pour avis au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information no 2702) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, no 2753, relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale : M. Jean-Yves Caullet, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2755).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT