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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE Mme

NICOLE CATALA

1. Interruption volontaire de grossesse et contraception. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 9638).

DISCUSSION

DES ARTICLES (suite) (p. 9638)

Article 17 (p. 9638)

Amendement no 42 de Mme Boutin: Mmes Christine Boutin, Martine Lignières-Cassou, rapporteure de la commission des affaires culturelles ; Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. - Rejet.

Amendements identiques nos 10 de la commission des affaires culturelles et 104 de Mme Boisseau : Mmes MarieThérèse Boisseau, la rapporteure, la secrétaire d'Etat. Retrait de l'amendement no 104.

Mme la rapporteure. - Retrait de l'amendement no

10. Adoption de l'article 17.

Après l'article 17 (p. 9640)

Amendement no 43 de Mme Boutin : Mmes Christine Boutin, la rapporteure, la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Article 18. - Adoption (p. 9640)

Après l'article 18 (p. 9640)

Amendement no 11, deuxième rectification, de la commission, avec les sous-amendements nos 129 du Gouvernement, 69 de M. Mattei, 123 corrigé de Mme Clergeau et 70 de M. Mattei, et amendement no 88 de M. Mattei : Mme la rapporteure, M. Philippe Nauche, Mmes las ecrétaire d'Etat, Christine Boutin, Marie-Thérèse Boisseau, Danielle Bousquet, au nom de la délégation aux droits des femmes. - Retrait de l'amendement no 123 corrigé.

Mmes la rapporteure, Marie-Thérèse Boisseau, Christine Boutin, la secrétaire d'Etat. - Adoption du sous-amendement no 129 ; rejet des sous-amendements nos 69 et 70 rectifié.

Mmes Marie-Thérèse Boisseau, la rapporteure, la secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement no 11 deuxième rectification modifié ; l'amendement no 88 n'a plus d'objet.

Amendements nos 130, deuxième correction, du Gouvernement et 12, deuxième rectification, de la commission, avec le sous-amendement no 68 de M. Mattei, et amendement no 44 de Mme Boutin : Mmes la secrétaire d'Etat, l a rapporteure. - Retrait de l'amendement no 12, deuxième rectification ; le sous-amendement no 68 n'a plus d'objet.

Mmes Christine Boutin, la rapporteure, la secrétaire d'Etat, Marie-Thérèse Boisseau, MM. Philippe Nauche, Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Sous-amendement no 133 de Mme Lignières-Cassou à l'amendement no 130, deuxième correction : Mmes MarieThérèse Boisseau, la secrétaire d'Etat. - Adoption du sous-amendement no 133 et de l'amendement no 130, deuxième correction modifié ; l'amendement no 44 n'a plus d'objet.

Amendement no 87 de M. Mattei : Mmes Christine Boutin, l a rapporteure, Marie-Thérèse Boisseau, la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 126 du Gouvernement : Mmes la secrétaire d'Etat, la rapporteure. - Retrait.

Mme la secrétaire d'Etat.

Renvoi des explications de vote et du vote sur l'ensemble du projet de loi à une prochaine séance.

Suspension et reprise de la séance (p. 9649)

2. E mploi précaire et recrutement dans la fonction publique. - Discussion d'un projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence (p. 9649).

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur de la commission des lois.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 9653)

MM. Bernard Derosier, Georges Tron, Jean Vila, Dominique Paillé, Mme Marie-Hélène Aubert,

M.

Pierre Cardo, Mme Nicole Feidt,

MM. Claude Hoarau, Léo Andy, Christian Bourquin.

Clôture de la discussion générale.

M. le ministre.

Suspension et reprise de la séance (p. 9665)

DISCUSSION

DES ARTICLES (p. 9665)

Article 1er (p. 9665)

Amendement no 72 de M. Paillé : MM. Georges Tron, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 19 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 59 de M. Vila : M. Jean Vila.

Amendement no 60 de M. Vila : MM. Jean Vila, le rapporteur, le ministre, Georges Tron, Pierre Cardo. - Rejet des amendements nos 59 et 60.

Amendement no 61 de M. Vila : MM. Jean Vila, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 71 de M. Paillé : MM. Pierre Cardo, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 20 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 62 de M. Vila : MM. Jean Vila, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 (p. 9669)

Amendements nos 21 de la commission et 70 de M. Paillé : MM. le rapporteur, Pierre Cardo, le ministre. - Adoption de l'amendement no 21 ; l'amendement no 70 n'a plus d'objet.


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Amendement no 22 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 69 de M. Paillé : MM. Pierre Cardo, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 2 modifié.

Après l'article 2 (p. 9670)

Amendement no 13 rectifié du Gouvernement : MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption.

Article 3 (p. 9671)

Amendement no 63 de M. Vila : MM. Jean Vila, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 23 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 64 de M. Vila : MM. Jean Vila, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 3 modifié.

Article 4 (p. 9672)

Amendement no 42 de M. Dolez : MM. Bernard Derosier, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 79 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 43 de M. Dolez : MM. Bernard Derosier, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 4 modifié.

Après l'article 4 (p. 9673)

Amendement no 44 de M. Baert : MM. Bernard Derosier, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Article 5 (p. 9674)

Amendement no 49 de M. Bourquin : MM. Christian Bourquin, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 78 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 5 modifié.

Après l'article 5 (p. 9674)

Amendement no 24 rectifié de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 65 de M. Vila : MM. Jean Vila, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 5 bis. - Adoption (p. 9675)

Après l'article 5 bis (p. 9675)

Amendement no 68 de M. Gengenwin : MM. Pierre Cardo, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 5 ter (p. 9676)

MM. Jean-Yves Le Déaut, Georges Tron.

Amendement no 25 de la commission, avec le sousamendement no 51 de M. Bataille : MM. le rapporteur, R ené Mangin, Pierre Cardo, Christian Bataille, le ministre, Georges Tron, Jean-Yves Le Déaut. - Adoption du sous-amendement no 51 rectifié et de l'amendement no 25 corrigé et modifié.

L'article 5 ter est ainsi rédigé.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 9680).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE ET CONTRACEPTION Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception (nos 2605, 2726).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente.

Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'article 17.

Article 17

Mme la présidente.

« Art. 17. L'article L.

5134-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L.

5134-1. I. Le consentement des titulaires de l'autorité parentale ou, le cas échéant, du représentant légal, n'est pas requis pour la prescription, la délivrance ou l'administration de contraceptifs aux personnes mineures.

« II. Les contraceptifs intra-utérins ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale et uniquement en pharmacie ou dans les centres de planification ou d'éducation familiale mentionnés à l'article L.

2311-4. Les sages-femmes sont habilitées à prescrire les diaphragmes, les capes, ainsi que les contraceptifs locaux. La première pose du diaphragme ou de la cape doit être faite par un médecin ou une sage-femme.

« L'insertion des contraceptifs intra-utérins ne peut être pratiquée que par un médecin. Elle est faite, soit au lieu d'exercice du médecin, soit dans un établissement de santé ou dans un centre de soins agréé. »

Mme Boutin a présenté un amendement, no 42, ainsi rédigé :

« Supprimer le I du texte proposé pour l'article L.

5134-1 du code de la santé publique. »

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

L'article 17 prévoit de passer outre le consentement des titulaires de l'autorité parentale ou, le cas échéant, du représentant légal, pour la prescription, la délivrance ou l'administration de contraceptifs aux personnes mineures. Outre qu'il y a là une atteinte à l'autorité parentale je ne reprendrai pas tous les arguments que nous avons déjà eu l'occasion de développer en ce sens ; dans la plupart des cas l'utilisation des contraceptifs pose des problèmes médicaux, notamment hormonaux. Il serait donc contraire à l'intérêt des jeunes de pouvoir prendre ce genre de produits sans contrôle médical ou pharmaceutique.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Martine L ignières-Cassou, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no

42.

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Cette question a été tranchée avant-hier avec le vote de la p roposition de loi sur la contraception d'urgence.

Mme Boutin exprime là une position semblable à celle qui était la sienne il y a deux jours, mais cet amendement a été repoussé par la commission.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no

42.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

42. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 10 et 104.

L'amendement no 10 est présenté par Mme LignièresCassou, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, Mme Boisseau, MM. Bur, Foucher, Menjucq et Préel ; l'amendement no 104 est présenté par Mme Boisseau, MM. Baguet, Jacques Barrot, Bernard, Bosson, Mme Boutin, MM. Briane, Bur, Caillaud, de Courson, Foucher, Hillmeyer, Jean-Baptiste, Landrain, Maurice Leroy, Christian Martin, Méhaignerie, Menjucq, Morin, Plagnol, Paecht, Mmes Idrac et IsaacS ibille, MM. Albertini, Chossy, Deprez, Gaillard, Hériaud, Kert, Leonetti, Morisset, Paillé, de Robien et Jégou.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Substituer à la première phrase du premier alinéa du II du texte proposé pour l'article L.

5134-1 du code de la santé publique, les deux phrases suivantes :

« Les contraceptifs hormonaux et intra-utérins ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale.

Les contraceptifs intra-utérins sont uniquement délivrés en pharmacie ou dans les centres de planificat ion ou d'éducation familiale mentionnés à l'article L.

2311-4. »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je remercie la commission d'avoir repris l'amendement que j'avais déposé. Il me paraît en effet important de conserver l'obligation de prescription médicale pour les contraceptifs hormonaux, et pas seulement pour les contraceptifs intra-utérins.

Certes, c'est une arme à double tranchant dans la mesure où, pour éviter l'avortement, il faut faciliter l'accès à la contraception, mais c'est souvent à l'occasion d'un renouvellement d'ordonnance pour un contraceptif hormonal que le médecin, le gynécologue, procède à des examens de dépistage de cancers féminins et qu'il peut tranquillement aborder avec la femme les questions de prévention.

C'est aussi l'occasion de vérifier que le contraceptif choisi est le plus adapté.

Je n'ignore pas les critères retenus par la directive européenne 92/26/CEE du 31 mars 1992 en matière de prescription médicale. Toutefois, je pense que supprimer ce rendez-vous, souvent annuel, avec son médecin serait dommageable pour les femmes. D'ailleurs, je crois en avoir convaincu l'ensemble de la commission.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la rapporteure.

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Nous demandons au Gouvernement de nous rassurer. Nous savons bien que les contraceptifs hormonaux sont des médicaments et qu'ils ne sont donc soumis à prescription médicale que s'ils peuvent avoir des effets nocifs. D'ailleurs, à part le Norlevo, qui ne présente pas de contreindication, aucun contraceptif hormonal n'est en vente libre. Néanmoins, la crainte exprimée par Mme Boisseau, que nous sommes nombreux à partager, concerne l'avenir.

Si d'autres contraceptifs sont exonérés de l'obligation de prescription médicale, ne risque-t-on pas de mettre à mal notre politique de prévention ? C'est en effet à l'occasion de la visite médicale que sont dépistées certaines maladies sexuellement transmissibles ou des cancers du col de l'utérus.

Mme Véronique Neiertz.

Tout à fait !

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Nous attendons donc, madame la secrétaire d'Etat, que vous nous rassuriez sur ce point.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Comme vous l'avez dit, madame la rapporteure, les c ontraceptifs hormonaux sont incontestablement des médicaments. A ce titre, ils sont soumis à la législation des substances vénéneuses. Les critères d'inscription sur les listes I et II des substances vénéneuses sont clairement définis par l'article L. 5132-6 du code de la santé publique, conformément à la directive européenne du 31 mars 1992 concernant la classification en matière de médicaments à usage humain.

En France, les décisions conduisant à soumettre un médicament quel qu'il soit à prescription médicale obligatoire ou à l'en exonérer sont prises au cas par cas en fonction de ses caractéristiques pharmacologiques et de ses conditions d'utilisation. Ces décisions sont prises par le ministre, sur proposition du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, autrefois Agence du médicament.

Je vous rappelle que la loi Neuwirth, qui a introduit la possibilité de prescrire des contraceptifs hormonaux, date de 1967, époque à laquelle il n'y avait pas de politique du médicament. Il était donc normal que le statut des contraceptifs hormonaux soit précisé dans la loi pour qu'ils ne restent pas dans la clandestinité et que les médecins puissent les prescrire aux femmes le souhaitant.

Depuis 1993, nous disposons d'une agence du médicament, qui a la responsabilité d'évaluer les effets des produits, de déterminer s'ils peuvent être ou non dangereux pour la santé et de décider si leurs effets secondaires justifient une prescription médicale obligatoire.

Les contraceptifs hormonaux entrent dans le cadre de cette politique du médicament décidée en 1993 et n'ont donc plus à faire l'objet d'une législation particulière. Il n'y a aucune raison pour qu'ils soient soumis à un régime juridique différent, dès lors que le régime juridique de droit commun permet d'obtenir le résultat escompté. Les eul contraceptif hormonal délivré aujourd'hui sans ordonnance est le Norlevo, parce qu'il a été jugé sans danger pour la santé, c'est-à-dire sans effets secondaires.

Peut-être y en aura-t-il d'autres dans l'avenir, mais c'est l'Agence qui le dira.

L'objectif de l'article 17 est de faire entrer les contraceptifs hormonaux dans le droit commun du médicament. Cela dit, tous les contraceptifs hormonaux actuellement autorisés, à l'exception du contraceptif d'urgence, sont inscrits sur la liste des substances vénéneuses et sont donc, de ce fait, soumis à l'obligation de prescription médicale. La nouvelle rédaction proposée pour l'article L. 5134-1 du code de la santé publique ne changera donc rien.

Telles sont les raisons pour lesquelles il n'y a pas lieu de maintenir, dans le code de la santé publique, l'obligation de prescription médicale pour la délivrance des contraceptifs hormonaux.

En revanche, il convient de maintenir des dispositions législatives spécifiques pour les contraceptifs intra-utérins, qui sont des dispositifs médicaux et ne relèvent pas du droit du médicament.

Pour dissiper votre inquiétude au regard des visites de prévention, sachez que nous développons une politique de santé publique visant à donner un statut à la consultation de prévention et d'éducation pour la santé. La consultation d'un médecin pour obtenir un conseil ou un soutien en termes d'éducation à la santé se justifie d'ellemême. Il n'y a pas lieu de s'appuyer sur une prescription médicale pour consulter un médecin.

J'espère, par ces arguments, vous avoir convaincus de l'intérêt de réintégrer les contraceptifs hormonaux dans le droit commun.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

M me Marie-Thérèse Boisseau.

Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, pour cette explication. Si les contraceptifs hormonaux sont bien soumis au régime des médicaments - cela m'avait échappé -, donc soumis à prescription obligatoire, je retire l'amendement no 104.

Mme la présidente.

L'amendement no 104 est donc retiré.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

L'amendement no 10 également.

Mme la présidente.

L'amendement no 10 est retiré.

Je mets aux voix l'article 17.

(L'article 17 est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

Après l'article 17

Mme la présidente.

Mme Boutin a présenté un amendement, no 43, ainsi rédigé :

« Après l'article 17, insérer l'article suivant :

« Toute information gouvernementale sur les méthodes de contraception devra être exhaustive. »

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

A l'occasion de ce débat, Mme Péry nous a parlé de la volonté du Gouvernement de développer la politique d'information sur la contraception et nous ne pouvons qu'en être satisfaits. Cependant, les campagnes de contraception évacuent systématiquement certaines méthodes dites naturelles. La dernière campagne n'y a fait qu'une seule allusion pour indiquer que la méthode Ogino ne marchait pas. Une fois pour toutes, je voudrais dire clairement que cette méthode, qui était utilisée par nos grands-mères, n'est plus jamais conseillée. En revanche, il existe des méthodes récentes que les études réalisées qualifient de plus en plus fiables, notamment la méthode Billings, d'auto-observation, et les tests urinaires par ordinateur de poche.

Selon une étude publiée dans la revue Contraception, fertilité et sexualité de 1998, sur 626 couples utilisant une méthode naturelle, il y a eu 1,13 % de grossesses non prévues lorsque la méthode était bien appliquée et 6,47 % lorsqu'elle était mal appliquée. Une autre étude, publiée cette année dans un journal européen sur la contraception et la santé reproductive, montre que 43 % des grossesses non prévues sont intervenues malgré l'utilisation de préservatifs, 23 % sous pilule et 4 % seulement à la suite du recours à une méthode naturelle. Ces chiffres suffisent pour resituer le débat sur la fiabilité des méthodes naturelles. On peut dès lors se demander pourquoi ces méthodes sont occultées. Ce n'est pas le choix de toutes les femmes, mais la dernière campagne s'intitulait bien :

« Contraception, à vous de choisir la vôtre ». Pour que les femmes puissent vraiment choisir, encore faut-il qu'elles soient complètement informées. Certaines d'entre elles ne supportent pas la pilule et ces méthodes naturelles pourraient être une solution pour elles. Elles ne doivent pas être passées sous silence. Je propose donc qu'il soit précisé dans la loi que « Toute information gouvernementale sur les méthodes de contraception devra être exhaustive », pour que les méthodes naturelles ne soient pas systématiquement éliminées.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

La commission a repoussé cet amendement, qui nous renvoie une trentaine d'années en arrière.

Mme Christine Boutin.

Pas du tout ! Tous les écologistes sont d'accord ! Posez-leur la question ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

43. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 18

Mme la présidente.

« Art. 18. - L'article L. 5434-2 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 5434-2. - Le fait de délivrer des contraceptifs mentionnés à l'article L. 5134-1 en infraction aux dispositions du premier alinéa du II dudit article et du 1o de l'article L. 5134-3 est puni de six mois d'emprisonnement et de 50 000 francs d'amende. »

Je mets aux voix l'article 18.

(L'article 18 est adopté.)

Après l'article 18

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements, nos 11 deuxième rectification, et 88, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 11 deuxième rectification, présenté par Mme Lignières-Cassou, rapporteure, et M. Nauche, est ainsi libellé :

« Après l'article 18, insérer l'article suivant :

« Après l'article L. 1132-5 du code de la santé publique, sont insérés un intitulé et un article ainsi rédigés :

«

TITRE IV

« STÉRILISATION VOLONTAIRE

« Art. L. 1141-1. - Toute personne majeure peut demander à bénéficier d'une ligature des trompes ou des canaux déférents dans un but contraceptif.

« Cet acte chirurgical ne peut être pratiqué que dans un établissement de santé et après une consultation auprès d'un médecin gynécologue, obstétricien ou urologue selon le cas.

« Ce médecin doit au cours de la première consultation :

« informer la personne des risques médicaux qu'elle encourt et des conséquences de l'intervention ;

« lui remettre un dossier d'information écrit.

« Il ne peut être procédé à l'intervention qu'à l'issue d'un délai de réflexion de deux mois après la première consultation médicale et après une confirmation écrite par la personne concernée de sa volonté de subir une intervention.

« Un médecin n'est jamais tenu de pratiquer cet acte à visée contraceptive mais il doit informer l'intéressé de son refus dès la première consultation. »

Sur cet amendement, je suis saisie de quatre sousamendements, nos 129, 69, 123 corrigé et 70.

Le sous-amendement no 129, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Substituer aux cinq premiers alinéas de l'amendement no 11, deuxième rectification, les cinq alinéas suivants :

« Après l'article L. 2122-5 du code de la santé publique, sont insérés un intitulé et un article ainsi rédigé :

« C HAPITRE

III

« Stérilisation à visée contraceptive

« Art. L. 2123-1. - La ligature des trompes ou des canaux déférents ne peut être pratiquée que si la personne intéressée a exprimé une volonté libre, motivée et délibérée en considération d'une information claire et complète sur ses conséquences.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

« Cet acte chirurgical ne peut être pratiqué que dans un établissement de santé et après une consultation auprès d'un médecin. »

Le sous-amendement no 69, présenté par MM. Mattei, Perrut, Meylan et Mme Boisseau, MM. Goasguen, Dhersin, Lenoir, Hellier, Laffineur, Rigaud, Nicolin et Herbillan, est ainsi rédigé :

« Compléter le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 1141-1 du code de la santé publique par les mots suivants : ", conformément à l'article 16-3 du code civil". »

Le sous-amendement no 123 corrigé, présenté par Mme Clergeau, est ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L. 1141-1 du code de la santé publique, supprimer les mots : "gynécologue, obstétricien ou urologue selon le cas". »

Le sous-amendement no 70, présenté par MM. Mattei, Perrut, Meylan, Mme Boisseau, MM. Goasguen, Dhersin, Lenoir, Hellier, Laffineur, Rigaud, Nicolin et Herbillon, est ainsi rédigé :

« Compléter le quatrième alinéa du texte proposé pour l'article L. 1141-1 du code de la santé publique par les mots : "notamment une stérilité à c aractère généralement définitif ; et informer l'homme de la possibilité de prélèvement et de cryoconservation de son sperme ;". »

L'amendement no 88, présenté par MM. Mattei, Perrut, Meylan, Mme Boisseau, MM. Goasguen, Dhersin, Rigaud, Hellier, Laffineur, Lenoir, Nicolin et Herbillon, est ainsi libellé :

« Après l'article 18, insérer l'article suivant :

« Avant l'article L.

2121-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 2120-1 ainsi rédigé :

« Art. L.

2120-1. Toute personne majeure peut demander à bénéficier d'une ligature des trompes ou des canaux déférents dans un but contraceptif, conformément à l'article 16-3 du code civil.

« Cet acte chirurgical ne peut être pratiqué que dans un établissement de santé, et après une consultation auprès d'un médecin gynécologique, obstétricien ou urologue selon le cas.

« Ce médecin doit, au cours de sa première consultation :

« informer la personne des risques médicaux qu'elle encourt et des conséquences de l'intervention, notamment une stérilité à caractère généralement définitif ;

« informer l'homme de la possibilité de prélèvement et de cryoconservation de son sperme ;

« lui remettre un dossier d'information écrit.

« Il ne peut être procédé à l'intervention qu'à l'issue d'un délai de réflexion de deux mois après la première consultation médicale et après une confirmation écrite par la personne concernée de sa volonté de subir une intervention.

« Un médecin n'est jamais tenu de pratiquer cet acte à visée contraceptive, mais il doit informer l'intéressé de son refus dès la première consultation. »

La parole est à Mme la rapporteure, pour défendre l'amendement no 11, deuxième rectification.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Je laisserai à Philippe Nauche le soin de développer l'argumentaire de cet amendement. Je m'en tiendrai à une simple remarque de principe. La stérilisation volontaire renvoie chacun d'entre nous à des convictions personnelles, souvent fortes, et toutes légitimes. Cependant, ce n'est pas sur la base de nos convictions personnelles que nous devons légiférer, mais sur celles de la santé publique et du libre choix des personnes.

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Nauche.

M. Philippe Nauche.

On enregistre chaque année, en France, entre 25 000 et 30 000 actes de stérilisation volontaire à but contraceptif, concernant surtout des femmes. Ces actes se pratiquent dans un contexte légal et réglementaire très flou, la législation se limitant pour l'essentiel au problème de la mutilation volontaire.

L es stérilisations volontaires sont donc pratiquées aujourd'hui en dehors d'un cadre légal, et parfois dans des conditions qui, pour le délai de réflexion et l'exigence d'un consentement éclairé, ne sont pas totalement satisfaisantes. C'est souvent à l'occasion d'une autre intervention chirurgicale ou d'une coelioscopie que l'on propose à la patiente une ligature des trompes, au mieux quinze jours avant, au pire la veille au soir, en lui disant :

« Si vous êtes d'accord, madame, n'oubliez pas, demain matin, de faire signer votre mari. » Cela montre à l'évi-

dence que certaines pratiques de stérilisation peuvent poser des problèmes d'éthique et de conscience.

Selon l'INED et l'INSERM, il peut aussi se produire c'est un problème que nous verrons à l'occasion d'un autre amendement - que les stérilisations volontaires soient pratiquées sans que l'on se soit assuré du total consentement de la femme ou sans qu'on l'ait précisément informée, en particulier lorsqu'il s'agit de femmes en grande difficulté psychologique ou sociale. Là aussi, il est nécessaire d'introduire un peu d'éthique.

L'amendement de la commission définit un cadre légal, en prévoyant une consultation obligatoire et un délai de réflexion suffisant pour permettre aux personnes demandant une stérilisation, une fois informées par le médecin sur les conséquences de l'intervention, et en particulier sur le fait qu'elle est le plus souvent non réversible, de prendre leur décision en totale connaissance de cause. Je suis convaincu que ce dispositif légal serait un vrai progrès pour notre société.

De plus, comme nous estimons tous qu'il y a trop d'interruptions volontaires de grossesse dans notre pays, la stérilisation volontaire, ainsi encadrée, serait sans doute un des moyens d'en diminuer le nombre, en permettant aux femmes, aux hommes et aux couples qui le souhaitent de recourir à cette méthode de contraception dans de meilleures conditions.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 11 et soutenir le sous-amendement no 129.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Je tiens d'abord à remercier Philippe Nauche d'avoir su, par le sérieux et la qualité de son argumentaire, éclairer la commission, le Gouvernement et l'Assemblée sur le problème de la stérilisation volontaire.

Cet amendement n'entre pas, à proprement parler, dans le champ du projet présenté par le Gouvernement, puisque celui-ci concerne l'allongement du délai de recours à une interruption volontaire de grossesse et la situation particulière des mineures. Cependant, comme il est probable que nous ne reviendrons pas de sitôt sur une loi touchant à ces domaines, et comme les députés se


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font le relais d'une réelle demande d'encadrement de cette pratique, mieux vaut saisir l'occasion que nous offre ce débat.

Le Gouvernement comprend donc le souci des auteurs de cet amendement qui vise à encadrer le recours à la stérilisation volontaire - j'insiste bien sur l'adjectif - qu'elle soit masculine ou féminine. Néanmoins, il a présenté un sous-amendement pour s'assurer que cet acte ne pourra être pratiqué « que si la personne intéressée a exprimé une volonté, libre, motivée et délibérée en considération d'une information claire et complète sur ses conséquences ».

Ce sous-amendement vise d'abord à codifier cette disposition dans une autre partie du code de la santé publique, consacrée aux actions de prévention.

Le Gouvernement souhaite par ailleurs mettre en évidence le seul fondement d'une telle intervention, à savoir, j'y insiste, un choix libre, éclairé et motivé de la personne intéressée. La réalisation de ces trois conditions s'appuie sur une consultation préalable, sur une information donnée par le médecin, enfin sur un délai de réflexion.

Ainsi précisée, la rédaction de cet amendement, qui a vocation à régir entièrement les conditions de l'intervention, évite tout risque de contestation de celle-ci au nom de l'article 16-3 du code civil, en vertu duquel « il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ».

Cet article du code civil a été considéré par le Conseil constitutionnel comme « tendant à assurer le respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ». Il serait particulièrement malvenu qu'il puisse continuer à être interprété comme de nature à fragiliser la légalité de la ligature des trompes ou des canaux déférents. Le respect d'un choix conscient et assumé en matière de maîtrise de la fécondité, arrêté dans l e cadre des garanties apportées par l'amendement, notamment le délai de réflexion, constitue bien une marque éminente du respect dû à la dignité de la personne intéressée.

Enfin, il est certainement souhaitable que la consultation préalable soit réalisée par un médecin qualifié en gynécologie, en obstétrique ou en urologie, notamment pour détecter une éventuelle contre-indication médicale qui peut exister en dehors de la connaissance du demandeur. Cependant, la précision sur la qualification du médecin compétent pour réaliser ce type de consultation ne relève pas de la loi mais ressortit aux bonnes pratiques, d'une part, et au respect du code de déontologie, d'autre part. L'article 70 du code de déontologie médicale précise en effet que « tout médecin est en principe habilité à pratiquer tous les actes de diagnostic, de prévention et de traitement. Mais il ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, entreprendre ou poursuivre des soins, ni formuler des prescriptions dans des domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience et les moyens dont il dispose. Ainsi, qu'il s'agisse par exemple de la procréation médicale assistée ou de l'interruption volontaire de grossesse, la qualification des médecins réalisant les consultations préalables n'est pas précisée. Il leur appartient de vérifier eux-mêmes qu'ils ont les connaissance adaptées à la pratique à laquelle ils vont s'adonner. Le sousamendement supprime donc la référence à la qualification du médecin chargé de la consultation préalable.

Compte tenu de ces précisions, je suis personnellement favorable à l'amendement de la commission ainsi sousamendé. L'avis du Gouvernement étant de s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée.

Mme la présidente.

La parole est à Mme MarieThérèse Boisseau, pour soutenir le sous-amendement no

69.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Il me paraît important de préciser que l'intervention est bien conforme à l'article 16-3 du code civil. C'est l'objet du sousamendement no

69. Si vous le voulez bien, madame la présidente, je soutiendrai également le sous-amendement no

70.

Mme la présidente.

Je vous en prie.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Il convient de bien préciser que les conséquences de l'intervention sont « notamment une stérilité à caractère généralement définitif ».

Chez l'homme, la stérilité est définitive, la vasectomie n'étant pas réversible. Quant à la ligature des trompes, malgré un taux de réversibilité relativement élevé, de l'ordre de 60 %, voire plus selon certains auteurs, les effets secondaires sont tels que les femmes doivent savoir qu'elles risquent elles aussi d'être stériles à vie.

La seconde précision qui me paraît importante est qu'il convient d'informer l'homme qu'il a la possibilité, avant la vasectomie, de faire procéder au prélèvement et à la cryo-conservation de son sperme.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Danielle Bousquet, pour défendre le sous-amendement no 123 corrigé.

Mme Danielle Bousquet, au nom de la délégation aux droits des femmes.

Comme l'a indiqué Mme la secrétaire d'Etat, la qualification du médecin ne relève pas de la loi, mais ressortit aux bonnes pratiques, et ne doit donc pas être précisée dans le texte. Cela étant, le sous-amendement de Mme Clergeau est satisfait par celui du Gouvernement et je considère qu'il tombe.

Le sous-amendement no 123 corrigé est donc retiré au profit du sous-amendement no 129.

Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des sous-amendements ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Sur la rédaction proposée par le sous-amendement no 129 du Gouvernement, nous sommes tout à fait d'accord, même s'il nous faudra rediscuter, entre les deux lectures, de l'endroit où il convient d'insérer ces nouvelles dispositions dans le code de la santé publique. Pour l'instant, elles viendraient compléter celles relatives aux entretiens prénuptiaux... Peut-être pourrait-on créer un titre consacré à la contraception, puisque les articles qui la concernent figurent aujourd'hui entre les abrasifs et les insecticides.

(Sourires.)

En ce qui concerne le sous-amendement no 70, présenté par M. Mattei et défendu par Mme Boisseau, nous sommes d'accord, sur le fond, et c'est sans doute l'essentiel. Mais nous risquons, en inscrivant dans la loi cette démarche d'information sur le prélèvement et la conservation du sperme, de « dater » un texte sur lequel je ne suis pas sûre que nous revenions très souvent. Les techniques médicales évoluent et celles qui s'appliquent aujourd'hui ne s'appliqueront pas forcément demain.

M. François Goulard. Il suffit de trouver une formule plus générale et de rectifier le sous-amendement.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure. A trop encadrer, je crains que nous n'ayons, à terme, une vision réductrice. Je ne suis donc pas favorable, pour des raisons de forme, à ce sous-amendement.


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Mes réserves se trouvent renforcées par le fait que nous insistons tous sur la nécessité d'informer les femmes sur le caractère difficilement réversible de la ligature des trompes, et les hommes sur le caractère totalement irréversible de la vasectomie. Il est clair que ces informations doivent être données dès la première visite médicale prévue dans l'amendement.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau. L'analyse de Mme la rapporteure m'incite à faire une réflexion d'ordre général.

J'avais dit d'emblée que toutes nos mesures sur la contraception relevaient du bricolage. Vous estimez, madame la secrétaire d'Etat, que la stérilisation est hors sujet dans une loi relative à l'IVG, mais vous oubliez que cette loi traite aussi de la contraception. Nous sommes donc bien dans le sujet.

Ce bricolage, je suis la première à le regretter, car je souhaite, peut-être allons-nous y arriver, une bonne loi sur la contraception, qui rassemble toutes les mesures que nous avons votées hier, que nous votons aujourd'hui, que nous proposerons demain. N'oublions pas que les lois sont des outils que nous mettons au service de la société ; elles doivent donc être le plus claires et le plus lisibles possible. Or, aujourd'hui, on ne sait plus du tout où on en est.

En ce qui concerne nos propositions, madame la rapporteure, j'observe d'abord que vous ne m'avez pas répondu sur le sous-amendement no 69, par lequel je propose, avec le professeur Mattei, d'inscrire dans la loi une référence, qui me paraît utile, à l'article 16-3 du code civil.

Quant au sous-amendement no 70, je répète qu'il est important d'informer la personne que la conséquence de l'intervention est une stérilité « à caractère généralement définitif ». Je trouve la formule bien choisie, et je le dis d'autant plus volontiers qu'elle n'est pas de moi.

Par ailleurs, je reconnais que la vérité d'aujourd'hui ne sera peut-être plus la vérité dans dix ans. Mais c'est aux lois de s'adapter aux progrès scientifiques. Si vous trouvez que la formulation « informer l'homme de la possibilité de prélèvement et de cryoconservation de son sperme » est trop précise, on peut tout simplement écrire : « informer l'homme des techniques possibles de conservation de son sperme ». Voilà ce que je vous propose.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Madame la présidente, la procédure est complexe, et je voudrais savoir si l'adoption de l'amendement de la commission fera tomber l'amendement du Gouvernement, auquel cas je m'exprimerais maintenant.

Mme la présidente.

Non, madame Boutin, il n'est pas en discussion commune et il sera examiné.

Mme Christine Boutin.

Alors, je prendrai la parole quand vous l'appellerez.

Mme la présidente.

Madame la secrétaire d'Etat, que pensez-vous des sous-amendements nos 69 et 70 ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Je souscris aux observations de Mme la rapporteure sur la nécessité de réunir dans un même titre du code de la santé publique les articles sur la contraception, l'interruption volontaire de grossesse et la stérilisation qui y sont disséminés. En effet, si j'ai dit, madame Boisseau, que l'amendement de la commission n'entrait pas à proprement parler dans le champ du projet gouvernemental, je n'en ai pas nié l'intérêt et je m'y suis déclaré favorable.

Je conviens donc qu'il est nécessaire de rassembler l'ensemble de ces dispositions. Et je consultais justement mes collaborateurs pour savoir si ce travail pouvait être mené à bien avec la commission entre les deux lectures.

J'aimerais en effet que ce débat s'achève à la satisfaction de tous et que, dans ce domaine, nous ayons bien marqué l'année 2000.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Nous sommes à votre disposition, madame.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Je le sais bien, monsieur le président. C'est toujours avec grand plaisir que le Gouvernement travaille avec la commission.

Sur le sous-amendement no 69, je suis désolée de dire qu'il n'est pas conforme à l'objectif que nous nous sommes fixé puisque le rattachement de cet acte chirurgical à l'article 16-3 du code civil reviendrait à le conditionner à une nécessité médicale ou thérapeutique, alors que nous souhaitons au contraire le faire dépendre d'un libre choix, éclairé, motivé et encadré par la procédure que nous avons définie d'un commun accord.

Je propose donc le rejet du sous-amendement no 69, ainsi d'ailleurs que du sous-amendement no 70 pour les raisons que Mme la rapporteure a très clairement exposées.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Et que pensez-vous du sous-amendement corrigé ?

Mme la présidente.

Quel sous-amendement corrigé, madame Boisseau ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Madame la présidente, pour répondre aux observations de Mme la rapporteure, il faudrait rédiger ainsi le deuxième membre de phrase proposé par le sous-amendement no 70 : « et informer l'homme de la possibilité de prélèvement et de conservation de son sperme », en supprimant la mention de cryoconservation. En effet, Mme la rapporteure avait l'impression que cela datait trop les techniques.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement no 70 ainsi rectifié ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Il est évident que, dans la procédure d'information, qui doit être claire, loyale et appropriée, seront mis en évidence tant le caractère irréversible de la stérilité masculine que la possibilité de prélèvement et de conservation du sperme. Ce sous-amendement me paraît donc inutile.

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no 129.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no

69. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no 70 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau, pour soutenir l'amendement no

88.


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Mme Marie-Thérèse Boisseau.

En fait, cet amendement reprend les propositions qui figuraient dans nos sous-amendements. Les arguments étant les mêmes, je ne les répète pas, même si je suis toujours très convaincue de l'utilité de ces ajouts.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Ipso facto, la commission est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Même avis.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 11, deuxième rectification, modifié par le sousamendement no 129.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, l'amendement no 88 tombe.

Je suis saisie de trois amendements, nos 130 deuxième correction, 12 deuxième rectification et 44, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 130 deuxième correction, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Après l'article 18, insérer l'article suivant :

« Après l'article L. 2123-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 2123-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 2123-2. - La ligature des trompes ou des canaux déférents à visée contraceptive ne peut être pratiquée sur une personne mineure. Elle ne peut être pratiquée sur une personne handicapée mentale, majeure sous tutelle, que lorsqu'il existe une contreindication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée de les mettre en oeuvre efficacement.

« Si la personne concernée est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision, son consentement doit être systématiquement recherché et pris en compte après que lui a été donnée une information adaptée à son degré de compréhension.

« L'intervention est subordonnée à une décision du juge des tutelles qui se prononce après avoir entendu toute personne dont l'audition lui paraît utile et après avoir recueilli l'avis d'un comité d'experts.

« Ce comité composé notamment de personnes qualifiées sur le plan médical et de représentants d'associations de handicapés apprécie la justification médicale de l'intervention, ses risques ainsi que les conséquences normalement prévisibles sur les plans physique et psychologique.

« Un décret en Conseil d'Etat définit les conditions d'application du présent article. »

L'amendement no 12 deuxième rectification, présenté par Mme Lignières-Cassou, rapporteure, et M. Nauche, est ainsi libellé :

« Après l'article 18, insérer l'article suivant :

« Après l'article L. 1141-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1141-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 1141-2. - La ligature des trompes ou des canaux déférents à visée contraceptive ne peut être pratiquée sur une personne mineure. Elle ne peut être pratiquée sur une personne handicapée mentale, majeure sous tutelle, que lorsqu'il existe une contreindication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée de les mettre en oeuvre efficacement.

« L'avis de la personne concernée doit dans toute la mesure du possible être recherché et pris en compte après que lui a été donnée une information adaptée à son degré de compréhension.

« L'intervention ne peut être pratiquée que sur avis favorable d'un comité régional d'experts et après que le président du tribunal de grande instance ou un magistrat désigné par lui a contrôlé que les conditions susmentionnées sont respectées.

« Ce comité, dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat, apprécie la justification médicale de l'intervention, ses risques ainsi que ses conséquences normalement prévisibles sur les plans physique et psychologique. Les avis défavorables de ce comité n'ont pas l'obligation d'être motivés. »

Sur cet amendement, MM. Mattei, Perrut, Meylan et Mme Boisseau ont présenté un sous-amendement, no 68, ainsi rédigé :

« Dans l'avant-dernier alinéa de l'amendement no 12, deuxième rectification, après les mots : "comité régional d'experts", insérer les mots : "qui devra avoir entendu les parents ou le représentant légal de la personne concernée". »

L'amendement no 44, présenté par Mme Boutin, est ainsi libellé :

« Après l'article 18, insérer l'article suivant :

« Avant l'article L. 2121-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 2120-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 2120-2. La ligature des trompes ou des canaux déférents à visée contraceptive ne peut être pratiquée ni sur une personne mineure ni sur une personne handicapée mentale, majeure sous tutelle. »

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat, pour soutenir l'amendement no 130, deuxième correction.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Cet amendement a pour objet, après l'article L. 2123-1 du code de la santé publique, d'insérer un article L. 2123-2 ainsi rédigé : « La ligature des trompes ou des canaux déférents à visée contraceptive... ».

Mme la présidente.

Madame la secrétaire d'Etat, chacun de nous a le texte. Il n'est donc pas nécessaire de le lire.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Il me semble important que l'on sache de quoi l'on parle.

« La ligature des trompes ou des canaux déférents à visée contraceptive, disais-je, ne peut être pratiquée sur une personne mineure. Elle ne peut être pratiquée sur une personne handicapée mentale, majeure sous tutelle, que lorsqu'il existe une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée de les mettre en oeuvre efficacement. »

Mme la présidente.

Nous disposons de ce texte, madame la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Me permettez-vous de le dire quand même, madame la présidente, ou cela vous ennuie-t-il ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

« Si la personne concernée est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision, son consentement doit être systématiquement recherché et pris en compte après que lui a été donnée une information adaptée à son degré de compréhension.

« L'intervention est subordonnée à une décision du juge des tutelles qui se prononce après avoir entendu toute personne dont l'audition lui paraît utile et après avoir recueilli l'avis d'un comité d'experts.

« Ce comité, composé notamment de personnes qualifiées sur le plan médical et de représentants d'associations de handicapés, apprécie la justification médicale de l'intervention, ses risques ainsi que les conséquences normalement prévisibles sur les plans physique et psychologique.

« Un décret en Conseil d'Etat défini les conditions d'application du présent article. »

Donc, par ce texte, le Gouvernement souhaite sousamender l'amendement no 12 de la commission, d'abord parce qu'il faut harmoniser la codification avec celle de l'article L. 2123-1 déjà créé.

Par ailleurs, il convient de mieux encadrer la stérilisation des incapables majeurs afin que cet acte soit pratiqué dans le respect de l'éthique.

Enfin, il est souhaitable que le garant des conditions dans lesquelles la décision est prise soit le juge des tutelles et que la composition du comité comprenne à la fois des personnes qualifiées sur le plan médical ainsi que des représentants des associations de handicapés.

Mme la présidente.

Madame la secrétaire d'Etat, je vous fais observer avec déférence qu'il s'agit d'un amendement qui se suffit à lui-même et non d'un sousamendement à l'amendement no 12, lequel est distinct. Si l'amendement du Gouvernement était adopté, l'amendement no 12 tomberait.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Tout à fait !

Mme la présidente.

La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter l'amendement no 12, deuxième rectification.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Nous retirons cet amendement au profit de celui du Gouvernement, qui nous satisfait pleinement.

Mme la présidente.

L'amendement no 12, deuxième rectification. En conséquence, le sous-amendement no 68 tombe.

Mme Christine Boutin.

Dommage !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Christine Boutin pour défendre l'amendement no

44.

Mme Christine Boutin.

Depuis quelques minutes, nous évoquons le problème délicat de l'encadrement de la stérilisation. Je suis donc étonnée que nous abordions cette discussion sans nous poser la question des conséquences de la stérilisation.

En l'occurrence, il s'agit de permettre la stérilisation des adultes tout en l'interdisant pour les mineurs et en l'autorisant pour les personnes handicapées mentales majeures sous tutelle, sans que leur consentement soit indispensable. Or, je vous avoue très simplement et sincèrement que je suis très mal à l'aise face à cette reconnaissance de la stérilisation pour plusieurs raisons.

D'abord la stérilisation chez l'homme et chez la femme est une opération difficile, souvent irréversible, qui suppose une intervention chirurgicale très lourde chez la femme et très délicate chez l'homme. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Alors que ses résultats ne sont pas fiables du tout, la stérilisation constitue un renoncement quasi définitif à sa fécondité. Nous devons donc nous poser la question de savoir comment une stérilité volontaire peut être vécue psychologiquement. La spécificité de la question éthique soulevée par la stérilisation tient au fait qu'elle supprime une fonction qui ne peut être comprise comme étant simplement physiologique.

Certes, en tant que fonction biologique, la capacité de procréer n'est pas indispensable à la survie de chaque individu, bien qu'elle le soit pour celle de l'espèce. Néanmoins dans sa dimension anthropologique, la capacité de procréer met en jeu, pour chaque personne, d'autres aspects proprement humains de son existence : le sentiment d'être dans le monde par son corps et d'y avoir sa place, la possibilité de s'exprimer comme être sexué et de nouer des relations procréatrices avec autrui, la faculté de s'inscrire dans une alliance et de prolonger sa lignée, la possibilité d'assumer dans un réseau de relations et sur un plan existentiel, interpersonnel et social toutes les conséquences de sa vie sexuelle.

Ces enjeux humains sont si importants qu'aucune société n'a jusqu'à présent laissé à la seule volonté individuelle la maîtrise des conduites sexuelles et procréatrices.

Si je peux comprendre certains des arguments avancés, j'estime, parce que les cas limites sont toujours très révélateurs de l'esprit d'une société, scandaleux que l'on puisse envisager la stérilisation pour les personnes handicapées sans leur consentement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Véronique Neiertz.

C'est une caricature !

Mme Christine Boutin.

C'est la raison pour laquelle je demande que la ligature des trompes ou des canaux déférents à visée contraceptive ne puisse être pratiquée ni sur une personne mineure ni sur une personne handicapée mentale majeure sous tutelle.

Mme Muguette Jacquaint.

C'est ce qui a été dit !

Mme Nicole Bricq.

Cela figure dans le texte !

Mme Véronique Neiertz.

C'est exactement ce qu'on demande !

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

En ce qui concerne les personnes mineures, le texte que nous allons voter est extrêmement clair : il n'autorise pas leur stérilisation.

Mme Christine Boutin.

Sauf si... !

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Quant aux personnes handicapées mentales, nous leur reconnaissons d'abord un droit à la sexualité.

Mme Christine Boutin.

Merci pour elles !

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Ensuite, leur stérilisation volontaire ne sera qu'un recours ultime, si l'utilisation d'une méthode contraceptive ordinaire n'est pas possible.

Mme Christine Boutin.

Ce n'est pas acceptable !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Nous avons donc prévu des verrous, qui devraient empêcher l'apparition en France de pratiques que l'on a pu voir dans d'autres pays. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe

socialiste.)

Mme Christine Boutin.

Espérons-le ! Je n'ai d'ailleurs jamais mis en doute vos intentions à cet égard !

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Je répète que le Gouvernement souhaite encadrer très sérieusement la stérilisation à visée contraceptive, y compris celle des personnes handicapées, qui ont aussi le droit d'avoir une vie sexuelle sans conséquences. Or, pour leur en ouvrir l'accès, il faut que ces personnes aient la possibilité de s'expliquer, quand elles le peuvent, ou que cette intervention soit programmée avec un encadrement éthique qui garantira leur liberté de choix et le respect de leur dignité.

L'événement qui s'est produit récemment dans un CAT a bien montré que lorsqu'une procédure de ce type est mise en oeuvre, avec un encadrement éthique responsable, cela ne pose pas de problème, même s'il peut parfois y avoir une mauvaise interprétation.

J e propose donc le rejet de l'amendement de Mme Boutin.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je pense effectivement - et je m'exprime avec beaucoup de précaution et d'émotion - que, dans certains cas, la stérilisation des personnes handicapées mentales est une bonne solution, à condition que l'on s'entoure d'un maximum de garanties.

J'aurais aimé - tel était l'objet de notre sous-amendement no 68, qui est tombé - que l'audition des parents soit explicitement prévue par le texte. Certes, l'amendement du Gouvernement prévoit que le juge des tutelles se prononcera après avoir entendu toute personne dont l'audition lui paraîtra utile et j'espère que les parents en font partie. Toutefois, il serait préférable de les citer.

Cette demande correspond à un souhait profond de l'UNAPEI. Ce serait sans doute le plus efficace des verrous contre toute dérive.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

J'ai bien entendu les réponses qui m'ont été apportées, mais je maintiens que l'adoption de cet amendement qui autorise la stérilisation sans consentement des personnes handicapées porterait véritablement atteinte aux droits de l'homme. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Véronique Neiertz.

N'exagérez pas !

Mme Nicole Bricq.

Lisez l'amendement !

Mme Muguette Jacquaint.

Cela ne sera pas autorisé dans n'importe quelles conditions. Soyez un peu de bonne foi !

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Nauche.

M. Philippe Nauche.

En la matière, il convient de tenir compte de la réalité. Ainsi, le rapport publié cette année sous l'égide de l'INSERM et de l'INED indique : « Des interventions stérilisantes, par ligature ou amputation, sans information et consentement de l'intéressé et sans motif thérapeutique, se produisent dans notre pays. Il s'agit de la stérilisation, sur demande d'un tiers, de personnes, le plus souvent des femmes, vulnérables du fait d'un handicap physique, mental, économique et social. »

Il poursuit : « En revanche, la stérilisation à leur insu et sans motif thérapeutique de personnes vulnérables, pourtant aussi clairement en contradiction avec l'état actuel du droit, bénéficie, dans les milieux concernés, d'une certaine tolérance, parce que la suppression de la fécondité de personnes perçues comme incapables d'élever des enfants semble une démarche logique et, de ce fait, pour certains, une démarche thérapeutique. »

En effet, des stérilisations à visée contraceptive sur des personnes handicapées sont déjà pratiquées aujourd'hui en France, sans aucun encadrement, sans aucune garantie éthique. Il est donc absolument nécessaire de mettre en place un encadrement permettant de respecter les droits fondamentaux de la personne handicapée.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le président de l a commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des a ffaires culturelles, familiales et sociales.

M. Philippe Nauche a parfaitement posé le problème. Je comprends très bien qu'il faille respecter la personne et faire en sorte que de telles interventions ne puissent être effectuées que dans des cas exceptionnels, en s'entourant de toutes les garanties. A cet égard, madame la ministre, il serait judicieux d'accepter la suggestion de Mme Boisseau.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Je vais la reprendre.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ce serait une bonne chose.

En tout cas, il vaut mieux poser le problème, encadrer cette possibilité avec beaucoup de précaution, beaucoup de rigueur, au lieu de laisser perdurer la situation fort justement évoquée par M. Nauche, car elle est la pire de toutes. Nous allons au moins bâtir un environnement solide, avec le maximum de précautions.

M. Pierre-Christophe Baguet.

C'est plutôt un minimum ! Il faut prévoir la consultation des parents.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la rapporteure.

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

M. Nauche et M. le président de la commission viennent de répondre à Mme Boutin.

Par ailleurs, je souhaite reprendre la suggestion de Mme Boisseau. Je propose donc de sous-amender l'amendement du Gouvernement, en rédigeant ainsi le début de son quatrième alinéa : « L'intervention est subordonnée à une décision du juge des tutelles qui se prononce après avoir entendu les parents ou le représentant légal de la personne concernée et... » le reste étant sans changement.

Cela vous convient-il, madame Boisseau ?

Mme la présidente.

Je donne lecture de ce sousamendement, qui portera le numéro 133, présenté par

Mme Lignières-Cassou, rapporteure.

« Dans le quatrième alinéa de l'amendement no 130 deuxième correction, après les mots : "après avoir entendu", insérer les mots : "les parents ou le représentant légal de la personne concernée ainsi que". »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Pourquoi « ainsi que » ?

Mme la présidente.

Pour éviter la répétition du « et ».

C'est une question de style, pas de fond.

M me Marie-Thérèse Boisseau.

Pardonnez-moi, madame la présidente, mais nous pourrions peut-être trouver une formulation plus élégante et moins répétitive... »

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Nous verrons.

M. Philippe Nauche.

En deuxième lecture !

Mme la présidente.

Ce sera peut-être possible plus tard.

Le Gouvernement accepte-t-il ce sous-amendement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Tout à fait, madame la présidente.

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no 133.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 130, deuxième correction, modifié par le sousamendement no 133.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, l'amendement no 44 tombe.

MM. Mattei, Perrut, Mme Bassot, MM. Dominati, Meylan, Carré, Proriol, Goasguen, Sarlot, Hellier, Clément, Rigaud, Roasa, Lenoir, Nicolin, Herbillon et Leguiller ont présenté un amendement, no 87, ainsi libellé :

« Après l'article 18, insérer les dispositions suivantes :

«

TITRE

III

«

DROITS DE LA FEMME ENCEINTE EN DIFFICULTÉ

« Art. 18 bis . Il est inséré, après le chapitre III du titre Ier du livre Ier du code de la santé publique, un chapitre IV ainsi rédigé :

« C HAPITRE IV

« Droits de la femme enceinte

« Art. L.

1113-11. Le droit de toute femme enceinte à mener à terme sa grossesse doit être respecté.

« Aucune femme ne doit avoir à recourir à une interruption volontaire de grossesse pour des raisons économiques ou professionnelles.

« Aucune pression psychologique ou financière ne doit être exercée sur une femme enceinte pour l'inciter à recourir à une interruption volontaire de grossesse.

« Art. L.

1113-12. Toute femme enceinte en situation de détresse doit recevoir une information complète sur l'interruption volontaire de grossesse et ses conséquences médicales et psychologiques, ainsi que sur toutes les solutions proposées concernant :

« les aides matérielles précises auxquelles elle aura droit compte tenu de sa situation ;

« l'hébergement d'urgence ;

« la possibilité d'un suivi psychologique pendant la grossesse, après un avortement ou après la naissance ;

« la possibilité de confier son enfant à l'adoption, sans toutefois qu'aucune pression en faveur de l'adoption ne soit exercée pendant la grossesse.

« Art. 18 ter. Après l'article L.

2212-3 du code de la santé publique, il est inséré un article

L. 2212-3 bis ainsi rédigé :

« Art. L.

2212-3 bis. Dans chaque département, il est créé à l'initiative du service d'aide sociale du conseil général, un répertoire départemental des aides économiques, des lieux d'accueil et d'hébergem ent, des associations et organismes dédiés à l'accompagnement des grossesses difficiles. Il doit être disponible dans tous les établissements dans lesquels sont pratiquées les interruptions volontaires de grossesse, dans les centres de consultation ou de conseil familial et dans les centres de planification ou d'éducation familiale. »

« Art. 18 quater. I. Le sixième alinéa c de l'article L.

2212-3 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« c) La liste et les adresses des organismes visés à l'article L.

2212-4, ainsi que des lieux d'accueil et des centres d'hébergement d'urgence, des associations et organismes d'accompagnement susceptibles d'apporter une aide morale ou matérielle aux femmes enceintes en difficulté.

« II. L'article L.

2212-3 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 3o Lui remettre le répertoire départemental des aides économiques, des lieux d'accueil et d'hébergem ent, des associations et organismes dédiés à l'accompagnement des femmes enceintes en difficulté. »

« Art. 18 quinquies. Après l'article L.

2212-9 du code de la santé publique, il est inséré un article

L. 2212-9 bis ainsi rédigé :

« Art. L.

2212-9 bis. Il est créé un service de consultations pour le suivi psychologique postabortif, sous l'autorité de l'établissement de santé, public ou privé, satisfaisant aux dispositions de l'article L.

2322-1. »

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Je m'associe totalement à cet amendement proposé par M. Mattei et plusieurs de ses collègues, dans la mesure où il reprend les dispositions d'une de mes propositions de loi qui avait été cosignée par plus de quarante-cinq parlementaires. Nous avons déjà eu l'occasion de l'évoquer pendant les débats, il s'agit d'insérer un titre III intitulé : « Droits de la femme enceinte en difficulté ». Y sont prévues toutes les dispositions de nature à permettre à la femme enceinte d'être véritablement informée, assortie de plusieurs mesures d'accompagnement pour le cas où elle désire mener sa grossesse jusqu'à son terme.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

La commission a repoussé cet amendement. Nous avons d'ailleurs été surprises de constater que son véritable auteur est Mme Boutin, alors qu'elle n'en est pas signataire... M. Mattei a intégralement « pompé » (Sourires.) pardon : repris - la proposition de loi de sa collègue sur la question.


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Mme la présidente.

Madame la rapporteure, nous ne sommes pas chargés de mener des actions en recherche de paternité ou de maternité dans cette enceinte. (Sourires.)

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

M me Marie-Thérèse Boisseau.

C'est dommage, madame la présidente, car je comptais justement continuer sur ce mode... En fait, la véritable mère de toutes ces propositions, c'était encore la loi Veil. Je comprends tout à fait que Mme Boutin et M. Mattei aient repris, sur le fond, ces dispositions à mes yeux essentielles. Je suis heureuse que nous finissions sur cet amendement, même si je suis désolée à l'idée qu'il sera rejeté, comme les précédents. Une fois de plus, votre nouvelle loi sur l'IVG dénature totalement la loi Veil, fondée sur le respect de la femme enceinte en difficulté et sur sa liberté de choisir entre garder son enfant ou avorter, et non sur une liberté entre avorter ou avorter.

Mme Nicole Bricq.

Vous ne l'aviez pas votée, la loi Veil !

Mme Nicole Feidt.

C'est sans doute pour cela que Mme Veil a été si maltraitée lors des débats !

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

L'avis du Gouvernement est le même que celui de la commission. Cet amendement rassemble plusieurs propositions déjà exprimées au cours de la discussion et que nous avons rejetées parce qu'elles ne trouvaient pas leur place dans ce texte. Il témoigne en tout cas de la pugnacité de ses inspirateurs... On peut d'autant plus le regretter que, sur l'article précédent, nous avions réussi à trouver un accord. Vous me voyez désolée d'en demander le rejet, mais il ne correspond pas à l'esprit de la loi dont nous venons de débattre longuement.

Mme Christine Boutin.

C'est sûr ! Pas plus que la loi Veil !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

87. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 126, ainsi rédigé :

« Après l'article 18, insérer l'article suivant :

« I. L'article 17 est applicable dans la collectivité territoriale de Mayotte.

« II. Il est inséré, après l'article L.

5511-7 du code de la santé publique, un article L.

5511-7-1 ainsi rédigé :

« Art. L.

5511-7-1. A l'article L.

5134-1, les mots : "mentionnés à l'article L.

2311-4" ne s'appliquent pas à la collectivité territoriale de Mayotte.

« III. L'article L.

5514-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L.

5514-2. Le fait de délivrer des contraceptifs mentionnés à l'article L.

5134-3 en infraction aux dispositions du premier alinéa du II dudit article, du 1o de l'article L.

5134-3 et de l'article

L. 5511-13 est puni de six mois d'emprisonnement et de 50 000 F d'amende. »

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Cet amendement a pour objet d'étendre les dispositions du présent projet de loi relatives à la contraception à la collectivité territoriale de Mayotte. Les dispositions applicables localement seront alors identiques à celles qui sont en vigueur en métropole.

Mme la présidente.

Ne devrait-il pas s'agir d'un amendement rectifié ?

M me Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Non, mais d'un amendement qu'il faudrait rectifier, madame la présidente...

Mme la présidente.

Est-ce à dire que vous proposez une rectification, madame la rapporteure ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Plusieurs, madame la présidente. L'alinéa I ne nous pose aucun problème. En revanche, l'alinéa II comporte des références qui ne sont pas tout à fait exactes et nous ne pouvons pas le voter en l'état. De même, à l'alinéa III, la première référence à l'article L.

5134-3 est erronnée : il s'agit en fait de l'article L.

5134-1. Enfin, il convient de lire « en infraction » et non « et infraction ». Ne serait-il pas possible de retravailler cet amendement et de le revoir en deuxième lecture ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Cela me paraît utile !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est le moins que l'on puisse dire !

Mme la présidente.

Le Gouvernement le retire-t-il ?

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Ce n'est pas ce que je demande, madame la présidente. Peut-être pourrions-nous le voter sous ces réserves de forme et le retravailler ensuite.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Exactement !

Mme la présidente.

Il me semble tout de même gênant d'adopter un texte non conforme, vous-même venez de le dire, à la législation en vigueur, particulièrement l'alinéa II, madame la rapporteure.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est le bouquet final !

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure.

Madame la présidente, je propose de retenir le I et de supprimer le II, le III devenant le II moyennant les corrections que j'ai indiquées : référence à l'article L.

5134-1 et remplacement de « et infraction » par « en infraction ».

Mme la présidente.

Madame la secrétaire d'Etat, acceptez-vous cette double rectification ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Non, madame la présidente. Il s'agit de questions très techniques et très compliquées. Je préfère retirer l'amendement no 126 et le retravailler afin de le représenter en deuxième lecture.

Mme la présidente.

C'est certainement la sagesse...

L'amendement no 126 est retiré.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames les rapporteures, mesdames et messieurs les députés, vous allez bientôt voter une loi attendue par de nombreuses femmes, mais aussi de nombreux hommes, qui trouvaient révoltante la situation de certaines femmes contraintes de partir à l'étranger pour devoir avorter.

L'évocation de cette situation me replonge, je vous l'avoue, et de nombreuses femmes ici présentes avec moi, plus de vingt-cinq ans en arrière, à l'époque où nous dénoncions déjà la situation de tant de femmes poussées


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à aller chercher hors de France, et souvent dans des conditions inacceptables, l'acte auquel la législation française de l'époque en France leur interdisait tout accès.

Vous avez été nombreuses à rappeler combien ce fut la grandeur du Parlement en 1975, sous l'impulsion décisive de Simone Veil, de voter la loi autorisant l'interruption volontaire de grossesse. Nous voudrions associer à cet hommage le travail des milliers de femmes qui, au sein d'associations décidées, avaient contribué à ce vote.

Ce sont ces mêmes femmes, souvent en compagnie de leurs filles, qui viennent nous dire aujourd'hui que la situation n'est plus acceptable, qu'il faut la changer, l'améliorer, en modifiant sur trois points importants la loi de 1975.

En portant de dix à douze semaines le délai de recours à l'interruption volontaire de grossesse, nous n'avons en rien modifié l'esprit de la loi Veil. Nous l'avons modernisée, rendue plus efficace, plus humaine aussi en la faisant bénéficier des progrès de la pharmacologie et des pratiques médicales.

Nous nous réjouissons que nous nous soyons retrouvés assez largement réunis pour voter le texte que le Gouvernement avait proposé.

Je tiens à remercier les membres de la commission qui, par leur contribution et leurs amendements, l'ont amélioré sur plusieurs points. Je voudrais aussi remercier les députés qui, au-delà de leur engagement politique, ont choisi de voter pour le progrès et la confiance.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Oh là là !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

La confiance, madame Boisseau : c'est le mot que j'avais utilisé au tout début de mon propos liminaire, c'est celui par lequel je voudrais terminer cette dernière intervention.

Confiance en l'homme, confiance dans les femmes qui savent trop la peine, la détresse, la souffrance de celle qui doit renoncer à une grossesse pour ne pas utiliser cet acte dans un sens différent de celui qu'il a naturellement. Au nom de toutes les femmes de notre pays, nous tenons à remercier le Parlement de sa confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

Nous avons achevé l'examen des articles.

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi auraient lieu mardi 5 décembre 2000, après les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente.)

Mme la présidente.

La séance est reprise.

2

EMPLOI PRÉCAIRE ET RECRUTEMENT DANS LA FONCTION PUBLIQUE Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale (nos 2753, 2755).

La parole est à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, compte tenu de la qualité du rapport de la commission des lois, reflet de celle des travaux qui ont précédé ce débat, je m'attacherai principalement à inscrire ce projet dans la perspective globale de la politique du Gouvernement en matière d'emplois publics. Le projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique n'est certes pas le premier du genre. Depuis une cinquantaine d'années, l'Etat a été conduit, sous des formes diverses, à mettre en oeuvre une quinzaine de plans de titularisation selon des modalités qui pouvaient varier et sur des champs plus ou moins larges.

Le dernier, issu de la loi du 16 décembre 1996, mettait en place pour une durée de quatre ans des concours réservés pour l'essentiel aux agents non titulaires maîtres auxiliaires ou relevant du premier corps de la catégorie C.

C e plan a permis la titularisation de plus de 50 000 agents, ce qui représente la moitié des effectifs recensés en début de plan.

D'ici à la fin de cette année, nous aurons titularisé sur les quatre ans, 85 % des agents concernés de la fonction publique de l'Etat, mais moins de 20 % l'auront été dans la fonction publique territoriale. L'ampleur de la précarité dans celle-ci nécessite donc des mécanismes adaptés.

Le plan précédent contenait, dès sa mise en place - et les débats de l'époque le montrent bien - deux insuffisances majeures.

La première insuffisance tient au dispositif de résorption lui-même, beaucoup trop restrictif pour prétendre réduire substantiellement la précarité. Il était, d'abord, b eaucoup trop restrictif dans son champ puisqu'il excluait, par exemple, pour la fonction publique de l'Etat des agents exerçant des emplois de catégories B et A non enseignants, les agents recrutés après la signature de l'accord et même les agents à temps partiel recrutés trop peu de temps avant la signature de l'accord. Le dispositif était beaucoup trop restrictif, ensuite, dans sa mise en oeuvre, puisque, de fait, les agents titularisés l'ont été sans réelle prise en compte de leurs compétences et de leur carrière antérieure, les concours organisés dans la fonction publique territoriale ont été trop peu nombreux et, pour l'administration de l'Etat, les modalités budgétaires nécessaires à une bonne application n'ont pas été prises au moment de l'accord.

En effet, en prévoyant prioritairement, dès la signature de l'accord précédent, le recrutement sur les emplois vacants ou gelés et, résiduellement, l'utilisation des crédits


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utilisés pour la rémunération des non-titulaires, le Gouvernement de l'époque avait évidemment restreint, pour la durée de l'accord, le nombre d'emplois ouverts au titre des concours réservés. Il a ainsi bloqué les capacités de recrutement des ministères, alors que se profilait déjà le bouleversement démographique des prochaines années. Il a laissé se renouveler la précarité ou encouragé son renouvellement.

Car c'est là que se situe la deuxième insuffisance majeure du précédent plan.

Inscrit dans le cadre d'une politique de l'emploi public à courte vue, ce dispositif ne se donnait aucun moyen de réduire durablement la précarité. Il atténuait provisoirement les symptômes, mais ne soignait pas le mal. Il intervenait dans un contexte où les salaires de la fonction publique étaient gelés pour l'année 1996, six mois après la crise sociale de novembre et décembre 1995, et un peu comme une sorte de compensation à un discours sur la diminution de l'emploi public, dont on perçoit bien aujourd'hui qu'il n'était largement que de l'affichage.

Celui qui regarde, en effet, les effectifs des ministères civils depuis vingt ans et compare l'évolution des effectifs budgétaires avec l'évolution des effectifs réels voit bien que les effectifs réels évoluent d'une manière relativement autonome par rapport aux décisions budgétaires. Il voit que dans les périodes où les décisions budgétaires ont été les plus restrictives, les progressions en effectifs réels ont été particulièrement fortes. Ainsi pour 1994, la loi de f inances ne prévoyait que 2 475 créations nettes d'emplois, alors que les effectifs réels ont progressé, en équivalent temps plein, de 10 459 emplois.

Il y a donc loin des effets d'annonce aux réalités. Il y a loin aussi du vote démocratique des parlementaires à la réalité en matière d'emplois publics. Il me semble qu'il faut remédier de manière claire et durable à ce que j'appellerai une forme de grossièreté comptable et démocratique.

M. Pierre Cardo.

On verra ça ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Le Gouvernement s'est engagé avec méthode, monsieur le député, et par le dialogue, dans l'amélioration de la transparence, dans la modernisation et la gestion prévisionnelle et donc dans le renforcement de la démocratie grâce à une information plus complète du Parlement, j'y viendrai dans un instant, et à la mise à sa disposition d'outils de décision plus efficaces.

L'Observatoire de l'emploi public créé par le décret du 13 juillet 2000, installé le 18 septembre dernier, et auquel deux parlementaires, un député et un sénateur, participent, est l'un des outils de cette modernisation et de cette gestion prévisionnelle. Cet observatoire permettra notamment de mieux connaître les effectifs et d'anticiper le bouleversement démographique que va connaître la fonction publique dans les dix à quinze prochaines années.

Plus généralement, nous ne devons plus mettre en place de dispositif exceptionnel de titularisation des agents en situation de précarité sans prévoir, dans le même temps, les réformes durables qui empêcheront la reconstitution de cette précarité, c'est-à-dire le recrutement de nouveaux contractuels aux lieu et place de ceux que nous avons titularisés.

Mon souhait est donc d'en finir avec cette forme de précarité. C'est une obligation sociale. C'est aussi un impératif de bonne gestion et je crois que le projet de loi préparé par le Gouvernement le permet. Le projet de loi de finances pour 2001 que vous avez examiné en première lecture prévoit plus de 5 000 postes créés budgétairement - mais pas en effectifs réels puisque les personnes existent - à partir des crédits de vacation et des crédits d'heures supplémentaires. C'est là un gage de réussite du plan qui vous est présenté.

Le projet de loi que vous examinez aujourd'hui reprend à la fois, dans son volet correctif, la résorption, et dans son volet préventif, la modernisation du recrutement, les termes de l'accord du 10 juillet dernier, avec une fidélité remarquée par les organisations syndicales lors des concertations institutionnelles préalables au dépôt du projet de loi.

Au-delà du résultat lui-même, six organisations sur sept, représentant plus des trois quarts des agents de la fonction publique, ont signé l'accord. Je voudrais, à cette occasion, souligner la qualité du dialogue social que nous avons eu notamment sur des sujets dont nous savons tous qu'ils peuvent susciter quelques réserves, par exemple certains aspects dans les procédures de recrutement. J'y vois l'indication de la possibilité de nouer des accords équilibrés faisant leur juste place, d'une part, aux revendications immédiates - ce qui ne les empêche pas d'être souvent légitimes - et, d'autre part, à une vision de plus long terme des enjeux de l'emploi public.

Je crois donc important de garder à l'esprit l'équilibre que représente cet accord et qui est préservé et mis en oeuvre dans le projet du Gouvernement.

La lecture de la majorité sénatoriale me semble avoir déplacé cet équilibre dans le mauvais sens, celui qui freine la résorption, d'une part, et encourage la précarité, d'autre part. Le Sénat freine la résorption puisqu'il a porté de deux à quatre mois au cours de l'année précédant la signature de l'accord la durée de la période de présence requise pour pouvoir bénéficier du dispositif.

Le Sénat justifie le durcissement de cette modalité de l'accord par le souci de vérifier la solidité du lien entre l'agent et l'administration. Pourtant, cette solidité me paraît bien attestée par la condition d'ancienneté de trois ans sur les huit dernières années. J'observe d'ailleurs que la loi Perben ne comportait pas une telle mesure, mais seulement la justification de la présence à la date de l'accord, ce qui, je l'ai déjà dit, a produit un effet de seuil regrettable en excluant de manière artificielle, et donc inexplicable, un nombre important d'agents du bénéfice de l'accord. Je souhaite que l'Assemblée, comme le propose la commission des lois, revienne à la durée de deux mois prévue par le projet de loi.

Le Sénat a déplacé l'équilibre du projet sur un second point en conservant des possibilités de développer à nouveau la précarité dans certains domaines. Il a en effet supprimé du projet du Gouvernement la disposition mettant fin à l'autorisation, pour les communes de moins de 2 000 habitants, de recruter des contractuels sur des emplois permanents à temps non complet. Nous savons que plus de la moitié des agents contractuels de catégorie C ont été recrutés en vertu de cette disposition. Or, depuis 1987, date de la loi Galland qui autorise cette souplesse dans les recrutements, les cadres d'emploi de titulaire ont tous été publiés, et les conditions dans lesquelles les emplois permanents à temps non complet peuvent être pourvus ont été assouplies. La possibilité de recruter sans concours en catégorie C a été décidée et des possibilités de mise à disposition de titulaires à temps non complet par les centres de gestion ont été développées. Je souhaite donc que la mesure proposée par le Gouvernement soit reprise, car elle constitue un levier


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décisif pour la réduction de la précarité et une garantie de sécurité pour les salariés - et non pas une rigidité supplé mentaire lors des recrutements.

J'ajoute, en annexe à cette question, que le Gouvernement donne son accord à l'assouplissement des règles régissant depuis 1936 le cumul d'emplois public et privé.

Il a déposé un amendement allant en ce sens, qui modifie le texte du Sénat pour l'élargir à l'ensemble de la fonction publique, conformément au principe d'égalité entre les agents et de parité entre les trois fonctions publiques, principe qui est déjà la règle en matière de rémunération et que je souhaite pouvoir appliquer en matière de conditions de travail, et notamment de temps de travail.

Réduire la précarité, c'est aussi prévoir et organiser les recrutements qui permettent aux administrations et aux collectivités de disposer des ressources humaines nécessaires à leur fonctionnement dans des délais raisonnables.

Réduire la précarité, c'est encore prévoir que l'accès à la fonction publique sera adapté et attractif pour les agents non titulaires recrutés dans le cadre de la loi. C'est dans cette perspective que se situent les dispositions du titre II qui, largement communes aux trois fonctions publiques, concernent la modernisation des concours. Dans les dix années qui viennent, l'administration doit s'adapter non seulement, parfois, à de nouvelles missions, mais surtout, dans l'ensemble de ses compétences, à une nouvelle approche de l'exercice de ses missions, plus proche de l'usager, et prenant en compte le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Les modes de vie évoluent, les carrières sont de moins en moins linéaires et monoprofessionnelles. Les jeunes ont totalement assimilé la mobilité comme une composante de leur évolution de carrière.

Dans le même temps, 40 à 50 % des fonctionnaires, selon les secteurs et les corps, vont partir à la retraite dans les dix à douze ans et devront être remplacés. Il nous faut donc revoir les modes de recrutement et de gestion des carrières des agents des administrations publiques. Le texte que je vous propose prévoit ainsi l'extension du troisième concours à l'ensemble des corps pour lesquels un tel mode de recrutement s'avérerait pertinent. Cette démarche, déjà mise en oeuvre dans les écoles d'administration générale, ENA ou IRA, permettra le recrutement de personnes ayant de fortes compétences de terrain, qui compléteront heureusement celles des lauréats des concours plus traditionnels. Il s'agit également d'élargir la possibilité d'ouvrir des concours sur titre et d'instaurer un principe de validation de l'expérience et des acquis professionnels pour l'accès aux concours.

Ces dispositions, complétées par une simplification des procédures et, pour la fonction publique de l'Etat, par une nouvelle étape dans la déconcentration de l'organisation des concours, permettront de rendre plus accessibles, aux contractuels que l'administration est, en tout état de cause, amenée à recruter ponctuellement, les voies ordinaires de recrutement et de titularisation et devraient, pour l'avenir, limiter le renouvellement de situations de précarité. Ces dispositions contribueront également à attirer les compétences dont l'Etat aura massivement besoin dans les années à venir par d'autres moyens que le recours prolongé à des agents contractuels.

Le projet de loi prévoit enfin, pour la fonction publique territoriale, quelques dispositions pratiques permettant de progresser dans la gestion prévisionnelle des effectifs qui relèvent soit des centres de gestion pour les collectivités qui sont affiliées, soit des collectivités ellesmêmes. Les enjeux, pour la fonction publique territoriale, de la gestion prévisionnelle recouvrent à la fois la recherche optimale des compétences nécessaires à l'exercice de leurs missions et le contenu des formations pour adapter en permanence les ressources humaines aux exigences du service public local. Les efforts de tous les acteurs sont donc nécessaires pour parvenir à cet objectif.

Cela signifie que le CNFPT doit assumer complètement ses missions de formation et d'anticipation des métiers territoriaux. Cela signifie également - c'est du moins ce que propose le projet de loi - que les centres de gestion renforcent la bonne connaissance des emplois à pourvoir dans leur ressort territorial en initiant une concertation annuelle pour élaborer, avec les collectivités non affiliées et le CNFPT, une synthèse des besoins et des évolutionse n matière d'emploi des collectivités. Cette faculté ouverte par le projet de loi est une occasion offerte à toutes les collectivités et dont, pour ma part, je souhaite qu'elles se saisissent.

J'en viens maintenant à l'article 15 du projet de loi relatif au temps de travail dans les collectivités territoriales. Aucun texte - ni législatif ni a fortiori réglementaire - n'établit jusqu'ici de règles en matière de temps de travail dans la fonction publique territoriale.

C'est sur la jurisprudence que se fondent les normes en la matière. La réforme de l'aménagement et la réduction du temps de travail, organisée dans le cadre de la loi du 19 janvier 2000 pour les entreprises, dans le cadre du décret du 25 août 2000 pour la fonction publique de l'Etat, est l'occasion d'établir un cadre de principes homogènes pour l'ensemble des salariés et, plus particulièrement, pour les agents de la fonction publique.

C'est l'esprit de l'article 15 proposé dans ce projet de loi qui permet la mise en cohérence de la fonction publique de l'Etat et de la fonction publique territoriale, tout en respectant scrupuleusement le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, en ce qu'il leur confie le soin de fixer toute dérogation ou adaptation nécessaire.

Enfin, s'agissant de la fonction publique hospitalière, une disposition semblable sera également présentée au vote du Parlement. Les établissements publics de santé et les établissements sociaux et médico-sociaux sont régis, en la matière, par l'ordonnance du 26 mars 1982 qu'il conviendra donc d'abroger. Par ailleurs, la ministre de l'emploi et de la solidarité n'a pu, avant ce débat, réunir les organisations syndicales représentatives pour parler de ce sujet. Plutôt que de précipiter l'introduction de dispositions en cours de procédure parlementaire, le Gouvernement préfère introduire les dispositions relatives au temps de travail dans la fonction hospitalière dans le projet de loi de modernisation sociale qui vous sera présenté au début de l'année 2001.

Je sais, mesdames, messieurs les députés, que la déclaration d'urgence peut apparaître comme une brusquerie.

Elle était malheureusement nécessaire pour assurer la continuité entre la précédente loi et le nouveau dispositif.

Toute solution qui aurait abouti à une discontinuité risquait de faire de l'année 2001 une année blanche pour la résorption de la précarité et, donc, de léser les agents concernés. Je remercie d'autant plus les parlementaires, les administrateurs et les services de l'Assemblée et de la commission des lois d'avoir travaillé avec efficacité et clairvoyance dans les délais très contraignants qui étaient fixés.

Le texte sur lequel vous allez vous prononcer traduit clairement la volonté du Gouvernement, qui a fait de la réduction de la précarité dans la société tout entière l' un


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des objectifs prioritaires de sa politique. Le Gouvernement montre l'exemple et commence par s'appliquer à lui-même les mesures propres à atteindre cet objectif.

M. Pierre Cardo.

Il aurait fallu qu'il aille plus loin ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Le texte constitue aussi le signe de sa détermination à poursuivre, dans les mois qui viennent et pour l'ensemble des salariés, dans la même direction. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Yves Caullet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. le ministre vient d'exposer, avec clarté et précision, le contexte général dans lequel s'inscrit le projet de loi déjà examiné par le Sénat et dont nous débattons aujourd'hui. Je ne répéterai donc pas - en moins bien et en moins clair - les propos du représentant du Gouvernement, et ne vous infligerai pas plus une redite du rapport dont vous avez tous pu prendre connaissance avec attention, dans ses moindres détails.

Je me contenterai de souligner que ce projet de loi ne prétend pas régler une fois pour toutes l'ensemble des questions concernant la fonction publique, et qu'il ne vise pas non plus à titulariser tous les agents qui, de près ou de loin, concourent à l'exercice de missions de service public. D'aucuns peuvent trouver que son objectif est limité : il a, en tout cas, l'ambition de l'atteindre de manière efficace. Il consiste à la fois à résorber la précarité, qui est un mal endémique dans notre fonction publique, et, surtout, à éviter de recourir à cette solution de facilité en l'absence d'une gestion prévisionnelle des effectifs des fonctions publiques.

Au fil des années, en effet, nous voyons se reconstituer des effectifs de vacataires, de contractuels, qui illustrent combien il est difficile d'adapter les moyens humains des fonctions publiques à l'évolution de leurs missions.

Cette évolution est liée à plusieurs facteurs. Le facteur démographique est évident. En matière d'enseignement, notamment, l'augmentation du nombre d'élèves et d'étudiants entraîne naturellement une évolution nécessaire des effectifs d'enseignants. Par ailleurs, les techniques se modifient. Certaines, qui n'existaient pas hier, doivent désormais être mises en oeuvre et à la disposition de nos concitoyens. On note encore une évolution des procédures, une évolution de l'attente de nos concitoyens, qui demandent que le service soit plus rapide et plus efficace, et une évolution du corps du droit - dont nous sommes tous responsables ici - que nous simplifions chaque jour, que nous allégeons, que nous rendons plus rapide, plus clair et plus transparent, mais qui néanmoins, de temps en temps, par un miracle toujours renouvelé, engendre souvent des procédures de terrain un peu plus compliquées qu'hier. (Sourires.)

Toutes ces évolutions conduisent nécessairement à une sorte de révolution permanente dans la réflexion sur l'adéquation entre les missions du service public et les moyens qu'on lui accorde. Cependant, nous sommes, je crois, durablement sortis d'un affrontement dogmatique entre le toujours plus et le toujours moins en matière de moyens du service public, qu'il s'agisse d'effectifs ou de moyens budgétaires. La création de l'observatoire en atteste : nous sommes désormais dans le domaine du pragmatisme, de l'évaluation, de l'évolution et de l'adaptation.

Monsieur le ministre, vous avez rappelé les réussites et les échecs, les succès et les limites du précédent dispositif de résorption de l'emploi précaire, la loi Perben. On peut, certes, le critiquer, comme souvent à cette tribune, mais il me paraît plus objectif de constater que, avec les meilleures intentions du monde, l'objectif visé, malgré sa modestie, n'a pas été totalement atteint. Il manquait en effet une politique globale en matière de recrutement et de gestion des effectifs, qui aurait permis d'éviter que ne se reconstitue la difficulté que la loi Perben était censée résoudre.

Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, votre projet de loi est fondé sur un accord négocié et signé par six des sept organisations représentatives. Je veux témoigner, pour avoir reçu l'ensemble de ces organisations syndicales, qu'elles aient ou non signé in fine l'accord résultant des négociations, que toutes ont souligné auprès de moi que le texte proposé au Parlement était fidèle à cet accord. Ne l'oublions pas, car, sous prétexte d'améliorer le texte, d'en élargir la cible, la tentation peut être grande d'y ajouter des diverticules qui déséquilibreraient l'accord global, ce qui, compte tenu de la diversité des situations à l'intérieur même de la fonction publique de l'Etat, mais aussi entre les fonctions publiques, pourrait avoir des effets pervers sur l'égalité de traitement due à l'ensemble de la fonction publique.

Le Sénat, qui a été saisi de ce texte avant l'Assemblée nationale, y a apporté plusieurs modifications, dont trois méritent d'être soulignées en ce qu'elles touchent, de manière diverse mais fondamentale, à l'esprit même du projet. Vous avez cité, monsieur le ministre, l'allongement à quatre mois de la durée d'ancienneté requise.

Nous aurons l'occasion, sur proposition de la commission des lois, de discuter un amendement visant à revenir à la rédaction initiale du projet de loi. En effet, les arguments présentés par le Sénat semblent largement satisfaits par l'ensemble du dispositif prévu et ne nécessitent pas qu'on élargisse la condition d'ancienneté, ce qui adresserait en quelque sorte un message de fermeture à ceux qui attendent une amélioration de leur situation sans apporter aux employeurs une réelle amélioration en matière de gestion.

Vous avez également signalé le souci du Sénat de simplifier la vie des petites collectivités de moins de 2 000 habitants en leur permettant le retour à une souplesse héritée du passé en matière de recrutement de contractuels.

M. Georges Tron.

Une souplesse tout court !

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

On peut être sensible à ce souci : il ne doit pas pour autant conduire à la reconstitution d'une précarité que nous essayons par ailleurs de résorber. Là encore, si l'on veut bien prendre en compte l'ensemble des dispositions qui concernent ces collectivités dans le projet de loi, on remarquera que les souplesses apportées sont suffisantes et qu'il n'est pas besoin de revenir à cette facilité. Nous sommes favorables à la souplesse, mais avec des outils adaptés. Ils existent déjà ou sont créés par la loi. Il n'est pas besoin de casser la porte pour entrer dans la maison. L'ouvrir suffit.

En ce qui concerne la réduction et l'aménagement du temps de travail dans les collectivités locales, le Sénat a, à juste titre, attiré l'attention sur la nécessité de respecter le principe de libre administration des collectivités locales. Il n'est dans l'esprit de personne, que ce soit dans cet hémi-


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cycle ou au Gouvernement, et encore moins dans celui de M. le ministre de la fonction publique, de revenir sur ce principe.

M. Pierre Cardo.

Néanmoins...

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Néanmoins, il doit être encadré par le rappel des règles qui assurent la parité entre les différentes fonctions publiques et qui fixent clairement les conditions dans lesquelles on réduit et aménage le temps de travail dans la fonction publique territoriale. Il ne s'agit pas de formuler un voeu pieux, mais d'édicter une règle susceptible d'encadrer les démarches.

M. Pierre Cardo.

Cela ne relève pas de la loi, mais d'un décret en Conseil d'Etat !

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Il sera également proposé de préciser que les accords conclus antérieurement à la promulgation de la loi sont confortés et entérinés par elle, dans la mesure où ils pourraient s'avérer plus favorables aux règles qu'elle édicte.

Après l'examen du texte dans des délais rapides mais avec une attention soutenue, la commission des lois proposera quelques améliorations visant à éviter que les effets de seuil, inévitables dans un tel texte, soient les moins brutaux possible. Seuils il doit y avoir, seuils il y aura.

Néanmoins, nous devons faire en sorte que ces seuils ne c réent pas des iniquités qui ne seraient pas compréhensibles.

La discussion du présent texte offre l'occasion d'examiner des situations héritées du passé et dont le règlement passe, à juste titre, par voie législative. Je pense que chacun aura à coeur de reconnaître que les propositions que nous ferons à l'Assemblée en la matière sont à la fois efficaces et raisonnables, qu'elles n'ouvrent pas largement la porte à des mesures inconsidérées mais que, au contraire, elles tirent les enseignements de situations qui ne doivent pas perdurer et qui méritent d'être réglées sans faire subir de préjudices aux personnes concernées.

Pour conclure, monsieur le ministre, je dirai que ce projet de loi, même s'il n'aborde qu'une partie de l'enjeu que constituent la modernisation et l'adaptation de la fonction publique, est un point essentiel du dispositif. Il est, je le crois, le symbole qu'il est possible dans les trois fonctions publiques, de conjuguer à la fois la sécurité des p ersonnels et l'adaptabilité et la modernisation des services.

Cette modernisation retient notre attention tous les jours, qu'il s'agisse des moyens et des techniques que nous devons mettre à la disposition des services de l'Etat, de ceux des collectivités locales ou de la fonction publique hospitalière, ou qu'il s'agisse de l'effort permanent que nous devons faire en tant que législateurs pour que les lois que nous votons ne viennent pas sempiternellement alourdir la charge de ceux qui doivent les appliquer sur le terrain.

M. Georges Tron.

Très juste !

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Modernisation et simplification vont de pair.

Nous devons également renforcer la mobilisation de l'ensemble des personnels en leur rappelant que l'excellence est la vocation du service public, cette excellence devant être soutenue par les pouvoirs publics, par le Gouvernement, par la majorité qui soutient ce dernier et par l'Assemblée nationale.

C'est pour cette raison que la commission des lois a soutenu le projet de loi qui lui était présenté, tout en y apportant quelques améliorations. C'est également pour cette raison que la majorité approuvera le texte et vous soutiendra, monsieur le ministre, dans la poursuite de l'action que vous avez engagée pour améliorer la fonction publique et pour préparer son avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Discussion générale

Mme la présidente.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Bernard Derosier.

M. Bernard Derosier.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dispositions du projet de loi présenté par le Gouvernement et déjà voté par le Sénat me semblent recevoir une approbation très large.

Dans la mesure où elles permettent de régler un problème observé et décrié par beaucoup, elles conviennent, dans leur ensemble, à la majorité des acteurs de la fonction publique, en particulier aux représentants des organisations syndicales représentatives.

Rien de surprenant à cela. Ces dispositions permettront en effet la mise en oeuvre d'un protocole d'accord que le ministre a signé au nom du Gouvernement avec pas moins de six organisations syndicales sur sept.

Je veux saluer cette réussite, et je me réjouis de la qualité du dialogue social dans la fonction publique.

J'évoquais à l'instant le vote du projet de loi par le Sénat. Une fois n'étant pas coutume, je me plais à souligner que nos collègues sénateurs ont fait un bon travail législatif, si ce n'est qu'ils ont porté de deux mois à quatre mois la durée d'ancienneté requise.

P eu de divergences fondamentales sont apparues, puisque nous avons une préoccupation commune concernant la fonction publique territoriale. En l'absence de cadre juridique particulier, la libre administration des collectivités territoriales prévaut.

Cela étant, la loi va désormais fixer un cadre et créer une obligation en même temps qu'une charge nouvelle p our ces dernières. Les dispositions de la loi du 2 mars 1982 qui prévoient une compensation de l'accroissement des charges d'une collectivité territoriale devraient donc s'appliquer. Mais peut-être s'agit-il d'un sujet qui fâche, monsieur le ministre ! Le nouveau dispositif de résorption de l'emploi précaire dans les trois fonctions publiques est ambitieux ; plus ambitieux, c'est vrai, que les précédentes mesures décidées en 1996 pour la mise en oeuvre de l'accord Perb en, mesures dont les effets prendront fin le 16 décembre 2000.

Ainsi, le nombre des agents non titulaires qui seront bientôt concernés par les dispositions relatives à la résorption de l'emploi précaire sera bien plus élevé qu'en 1996 : 100 000 contre 55 000 en 1996.

Les mesures relatives à la modernisation de l'emploi public annoncent, quant à elles, une plus grande ouverture des concours, l'amélioration de l'organisation de ces derniers et d'autres évolutions de nature à empêcher la reconstitution de la précarité.

Pourtant, il s'agit de nouveau d'un projet de loi destiné à instaurer un dispositif provisoire et dérogatoire.

Nous faudra-t-il décider tous les cinq ans de mesures identiques ? Vous avez évoqué, monsieur le ministre, devant nos collègues du Sénat, une quinzaine de plans de titularisation depuis cinquante ans ! Sommes-nous condamnés à ce que de telles mesures soient présentées régulièrement à l'examen du Parlement ?


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Le moment est sûrement venu de rechercher des solutions de fond. Je pense, pour ma part, que cela passe par une mise à plat du statut de la fonction publique.

M. Pierre Cardo.

Ah !

M. Bernard Derosier.

Autrement dit, ce statut est-il satisfaisant au regard de l'évolution parfois rapide des besoins des administrations et de la nécessité d'y répondre t out aussi rapidement ? Permet-il de répondre aux attentes de nos concitoyens usagers des services publics ?

M. Pierre Cardo.

Pas toujours !

M. Bernard Derosier.

Le statut de la fonction publique est-il à ce point immuable qu'on ne puisse imaginer de discuter de mesures d'une tout autre portée, des mesures qui caractériseraient mieux encore la volonté du Gouvernement de moderniser les administrations et de dynamiser la gestion de leurs agents qui en sont les premiers acteurs ? Depuis 1997, le Premier ministre et son gouvernement ont engagé un processus sans équivalent, il me semble, de modernisation de l'Etat.

Récemment nous avons entrepris de moderniser les procédures budgétaires en entreprenant une modification législative de l'ordonnance de 1959.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Excellente initiative !

M. Bernard Derosier.

La réforme de la gestion des ressources humaines de l'Etat et des collectivités territoriales est un autre chantier. Ce projet de loi y participe.

Cependant, je souhaite pour le statut de la fonction publique une véritable évolution culturelle. Il n'est pas question d'une révolution, mais d'une prise de conscience à encourager.

Depuis 1982, le contexte de la décentralisation et de la déconcentration des missions de l'Etat justifie une adaptation de la gestion de la fonction publique.

La résorption de la précarité et la gestion prévisionnelle de l'emploi public, dans la perspective du départ à la retraite d'un nombre considérable d'agents publics dans les prochaines années, voilà assurément deux enjeux auxquels il nous faut répondre avec ambition.

Mais la modernisation de la fonction publique ne peut se résumer à l'application des seules mesures de ce projet de loi. Les services publics et les administrations qui les portent ont l'obligation d'évoluer au rythme de notre société.

Si des besoins ne sont pas satisfaits aujourd'hui, c'est trop souvent parce que le statut de la fonction publique et son interprétation ne permettent pas le recrutement des agents publics nécessaires pour y répondre.

La création d'emplois-jeunes dans certains services de l'Etat et dans les collectivités territoriales a permis de satisfaire de nouveaux besoins. Encore sera-t-il nécessaire d'imaginer rapidement la pérennisation de ces emplois.

Le principe du concours pour le recrutement dans la fonction publique doit rester l'un des fondamentaux du statut. Néanmoins, il faut y associer des mesures d'une plus grande souplesse. Les demandes de service des citoyens évoluent vite, les besoins des administrations pour y répondre aussi. Le recrutement d'agents pour des durées limitées n'a donc rien d'illégitime.

M. Pierre Cardo.

C'est vrai !

M. Bernard Derosier.

Pour illustrer mon propos, je prendrai l'exemple des quartiers dits en difficulté. Ils n'ont pas vocation à le rester éternellement. Pourtant, il faut que les agents de l'Etat ou des collectivités territoriales, investis de missions spécifiques, puissent intervenir efficacement, et cela tant que le quartier considéré est jugé en difficulté.

M. Pierre Cardo.

Eh oui !

M. Bernard Derosier.

Tout en préservant le caractère exceptionnel du recours aux agents contractuels, la situation de ces agents publics appelle des mesures favorisant la pérennisation de leurs emplois.

M. Pierre Cardo.

Eh oui !

M. Bernard Derosier.

C'est pourquoi j'adhère à l'ensemble des mesures du projet de loi qui ont pour objet d'améliorer l'organisation des concours.

M. Pierre Cardo.

Cela ne règlera pas tout !

M. Bernard Derosier.

Il semble cependant indispensable de développer davantage la régionalisation de certains concours. Ce serait un gage supplémentaire de la souplesse à laquelle aspirent notamment les exécutifs des collectivités locales.

Je ne souhaite pas cette souplesse pour encourager une nouvelle forme de précarité, que l'on entreprend de résorber par ailleurs. Du reste, je désire qu'elle soit bien encadrée, notamment pour qu'elle ne soit pas sous l'influence d'un contrôle de légalité exercé par les préfets et leurs se rvices, un contrôle de légalité à géométrie variable selon les départements.

L'évolution culturelle consisterait également à supprimer les rigidités qui conduisent, par exemple, l'Etat à conserver la gestion de certains personnels alors que la réforme de la décentralisation de 1982 et des années suivantes encourage le transfert de cette responsabilité vers les exécutifs des collectivités locales. Je pense en particulier aux agents chargés de l'entretien des lycées ou des collèges, établissements scolaires dont les régions ou les départements ont pourtant la responsabilité. Ce ne sont plus des agents de l'Etat qui assurent l'entretien des écoles maternelles ou élémentaires. L'efficacité voudrait que les départements gèrent les agents chargés de l'entretien des collèges et que les régions gèrent ceux chargés de l'entretien des lycées.

L'évolution culturelle, ce serait encore l'encouragement à la mobilité entre les différentes fonctions publiques, confortée par la reconnaissance d'un parcours professionnel des contractuels sur divers emplois publics. Un amendement permettra, je l'espère, d'établir cette reconnaissance pour les agents des communes « repris » par les établissements de coopération intercommunale.

La prise en compte des spécificités des collectivités territoriales s'impose également. Je pense à la situation des assistants des vice-présidents des conseils régionaux ou généraux, contestée par les préfets dans les régions et dans les départements. Je vous ai saisi à ce propos, monsieur le ministre, comme j'avais saisi votre prédécesseur. L'importance du problème posé justifie sans doute une longue étude,...

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Jusqu'aux prochaines élections !

M. Bernard Derosier.

... ce qui doit expliquer que je n'aie pas encore reçu de réponse.

Je pense enfin aux modalités de recrutement des administrateurs territoriaux, qui, si j'en crois votre réponse du 18 juillet dernier, sont à l'étude d'un groupe de travail présidé par M. Lebreton, président du conseil général des Côtes-d'Armor, groupe de travail dont vous m'annonciez les propositions pour le second semestre de cette année.


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M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Nous sommes encore dans le second semestre !

M. Bernard Derosier.

Le projet de loi examiné aujourd'hui, compte tenu de son objet, ne peut résoudre tous ces problèmes. Ce n'est pas une raison suffisante pour ne pas les traiter.

L'évolution culturelle que je souhaite pour notre fonction publique ne nécessite pas toujours la modification de nos lois et de nos règlements.

J'en appelle à votre soutien, monsieur le ministre. Vous me direz s'il nous est acquis. En tout cas, celui du groupe socialiste vous est acquis dans le combat que vous menez pour la rénovation et l'amélioration de la fonction publique. (Applaudissement sur les bancs du groupe socialiste.) M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Merci !

Mme la présidente.

La parole est à M. Georges Tron.

M. Georges Tron.

Quelques jours après avoir discuté ici même du budget de la fonction publique, nous nous retrouvons, monsieur le ministre, pour examiner le projet de loi sur la résorption de l'emploi précaire dans les administrations de l'Etat, dans celles de la fonction publique territoriale, et dans l'hôpital.

Autant vous le dire d'emblée, monsieur le ministre, les objectifs que vous poursuivez dans ce domaine sont d'autant plus louables qu'ils manifestent de votre part une volonté de vous inscrire dans la continuité d'une politique qui, dès la loi Perben de 1996, qui en consistue une étape, cherche à corriger une incohérence au sein de notre administration.

Pour des raisons qui ne tiennent en aucun cas à des carences dans son dispositif mais plutôt à l'absence d'organisation des concours qu'elle avait envisagés, la loi Perben, disons-le franchement, n'a pas eu les effets escomptés. Force est de reconnaître que le nombre d'emplois précaires reste à peu près le même aujourd'hui que ce qu'il était il y a quatre ans. Les chiffres dont nous disposons à ce sujet attestent notamment que 10 % des agents de l'Etat et environ 25 % de ceux de la fonction publique territoriale ne sont pas titulaires.

Par conséquent, monsieur le ministre, nous souscrivons sans beaucoup de difficultés, je vous l'ai déjà indiqué, au projet de loi que nous nous proposez ou, pour être plus précis, au texte tel qu'il a été amendé sur quelques points par le Sénat et dont nous pensons qu'il en est ressorti amélioré.

Mais avant de me livrer à un examen rapide des principales dispositions de votre projet, je souhaiterais souligner à nouveau, comme je l'ai fait il y a quelques jours lors de l'examen du budget de la fonction publique, le caractère un peu paradoxal de la démarche qui est la vôtre dans ce contexte.

Premièrement, le projet de loi lui-même et l'étude d'impact sont à nos yeux trop imprécis quant à leur conséquences sur les finances publiques. Qu'il me soit permis de rappeler ici que 43 % des crédits du budget de l'Etat sont absorbés par les dépenses de la fonction publique, alors même que le déficit budgétaire de notre pays, malgré des rentrées fiscales très substantielles, ne se résorbe pas.

Une occultation de cet impact financier ne fait que nous conforter dans notre conviction selon laquelle la politique budgétaire du Gouvernement navigue un peu au fil de l'eau. Au demeurant, l'échec des négociations salariales, le 21 novembre dernier, montre que, compte tenu des marges de manoeuvre extrêmement faibles dont vous disposez - et ce malgré, je le répète, des rentrées fis cales très importantes - et quels que soient les discours entendus ici ou là, l'accession des fonctionnaires à la répartition des fruits de la croissance n'est pas en réalité pour vous une priorité. Du reste, comment cela pourrait-il l'être, puisque nous sommes dans un contexte d'arrêt de la résorption de déficit budgétaire de l'Etat ? Permettez-moi d'ailleurs de vous dire, monsieur le ministre, que, quels que soient le ton aimable de vos réponses et leur contenu substantiel quant au fond, vous ne m'avez pas répondu sur ce point lors de nos discussions précédentes.

De même - et c'est le deuxième paradoxe -, comment ne pas relever l'incohérence qu'il y a, au moment même où vous mettez en place l'Observatoire de l'emploi public destiné à mettre en oeuvre une politique de gestion prévisionnelle des effectifs, à annoncer, comme l'ont fait plusieurs ministres, des embauches ? C'est, d'une part, contraire à tous nos engagements européens et, d'autre part, tout à fait prématuré compte tenu des imprécisions que vous avouez vous-même concernant les effectifs actuels de l'administration de l'Etat.

Pour que mon propos soit clair - et je pense qu'il ne sera pas déformé si je m'en réfère au ton cordial qui a caractérisé les échanges qui ont eu lieu en commission des lois -, je tiens à préciser les choses. Je ne dis pas que ces embauches ou ces projets d'embauches sont injustifés ce qui désarmorcera toute critique caricaturale que l'on pourrait faire à l'encontre de mon intervention -, mais je souligne qu'il est tout à fait incohérent d'annoncer aujourd'hui plusieurs dizaines de milliers d'embauches, alors même que vous n'êtes pas en mesure, monsieur le ministre, de nous indiquer le nombre exact des fonctionnaires et que vous mettez en place un outil intelligent qui vous permettra de disposer des données indispensables pour conduire une politique cohérente en matière de fonction publique d'Etat.

Ces remarques préliminaires étant faites, je dirai que le présent projet de loi me semble aller dans la bonne direction.

Le titre Ier fixe des conditions plus simples pour résorber l'emploi précaire. Dans la lignée du protocole d'accord qui a été conclu le 10 juillet 2000 pour une durée de cinq ans, il vise notamment à titulariser par concours réservés les agents non titulaires qui exercent depuis plu-s ieurs années, par renouvellement successif de leur contrat, des fonctions normalement dévolues à des titulaires.

Il nous paraît que les conditions inscrites dans votre texte pour bénéficier de ces dispositions sont mesurées.

Telle est la raison pour laquelle - et je l'ai dit en commission -, nous considérons que l'allongement de deux à quatre mois de la durée d'ancienneté requise dans l'année de référence pour les agents non titulaires ne s'imposait pas. A cet égard, les conditions d'ancienneté de trois ans d'équivalent temps plein au cours des huit années précédant l'inscription aux opérations de recrutement paraissent apporter des garanties suffisantes du sérieux et de la motivation des candidats.

Il faudra cependant veiller, monsieur le ministre, à préserver la sélectivité de ces concours - et ce n'est pas à vous que je vais dire cela -, afin de ne pas pénaliser les lauréats des concours externes et internes traditionnels.

M. Pierre Cardo.

Eh oui !


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M. Georges Tron.

Par ailleurs, nous sommes favorables aux procédures de reconnaissance des acquis professionnels inscrites dans le texte et renforcées par la commission des lois, car elles permettront de régler des situations ; sans cela, il risquerait de demeurer des poches d'incohérence dans notre administration - je pense en particulier au cas des agents anciens ne bénéficiant pas des diplômes nécessaires pour se présenter aux concours.

Dans le même ordre d'idées, le règlement des problèmes propres à la fonction publique territoriale par des dispositions adéquates allant parfois jusqu'à la titularisation sur titre recueille notre accord.

Permettez-moi cependant de m'étonner de l'imprécision du texte gouvernemental sur l'avenir des emplois aidés et en particulier les emplois-jeunes. Nous n'avons pas manqué d'exprimer en son temps, c'est-à-dire au moment du vote de la loi sur les emplois-jeunes, les difficultés qui se poseraient à la sortie de ce dispositif ; or nous sommes quasiment arrivés au terme de celui-ci.

Ce n'est pas la multiplication des procédures de concertation que vous mettez en place qui risque de changer grand-chose, surtout dans la mesure où il semble que le volet formation de ces emplois-jeunes a été trop souvent défaillant.

Le titre II, quant à lui, vise à moderniser les procédures de recrutement dans la fonction publique afin que ne soit pas reconstitué un volant d'emplois précaires. A ce titre, la mise en place de différents groupes de travail, y compris au sein de l'Observatoire de l'emploi public, nous apparaît moins probante que les mesures, sans doute encore un peu insuffisantes, visant à renforcer le rôle des centres de gestion.

L'équilibre trouvé au Sénat nous apparaît cependant, dans ses grandes lignes, satisfaisant. La poursuite de la déconcentration des concours et des affectations, le renforcement du caractère professionnel de certains concours ou la reconnaissance d'acquis professionnels pour intégrer la fonction publique peuvent en effet améliorer les procédures de recrutement.

Un point cependant mérite d'être discuté car le désaccord entre nous persiste même si j'emploierai pour l'évoquer des termes aussi mesurés que M. le rapporteur tout à l'heure - pour exprimer une opinion inverse -, je veux parler de la mesure qui vise à interdire à nouveau aux collectivités de moins de 2 000 habitants d'embaucher des emplois non titulaires à temps non complet.

Cette disposition relève manifestement d'une vision un peu étriquée de notre tissu communal dont la diversité est tout entière symbolisée par le seul fait que 32 000 des 36 000 communes que compte la France ont moins de 2 000 habitants. Vous ne pouvez pas être insensible, monsieur le ministre, aux difficultés auxquelles vont se trouver confrontés les maires de ces petites communes qui ont l'habitude de se faire aider par deux ou trois collaborateurs occasionnels. Les députés de zones rurales présents sur tous les bancs de cette assemblée seront certainement, eux aussi, attentifs à ce point.

Faciliter le cumul entre un emploi privé et ces emplois publics à temps partiel d'une part, ou affirmer que l'interdiction ne s'appliquera pas aux personnels déjà en place d'autre part ne constitue, à nos yeux, en aucun cas, un contrepoids aux effets pervers d'une telle décision.

C'est déjà ce manque de nuance qui prévalait dans le texte original du Gouvernement au sujet de la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale évoquée, au titre III. Il n'était pas concevable de dessaisir l'autorité communale de ses prérogatives en matière d'organisation du fonctionnement de son administration, et puisque tel n'est plus le cas, le rapporteur l'a rappelé luimême, nous devrons veiller, durant la discussion qui va s'ouvrir, à ne pas revenir, pour des raisons prétendument sémantiques, sur l'amélioration à laquelle est parvenu le Sénat. A moins que le Gouvernement ne considère que le principe de libre administration des collectivités locales est devenu lettre morte, ce que je ne crois pas.

En dernier lieu, monsieur le ministre, je voudrais souligner l'importance, même si ce n'est pas le point le plus marquant de ce texte, que revêt à mes yeux l'amendement du Sénat qui permet de clarifier les règles d'organisation des élections locales. Dans le tourbillon démagogique auquel nombre de gourvernements de ces vingt dernières années, toutes tendances confondues, n'ont pas su échapper, le Parlement a mis en place, pour des raisons au demeurant parfaitement légitimes et compréhensibles initialement, un carcan juridique auquel les experts les plus affûtés ne comprennent désormais plus grandchose. Il est temps que le Parlement se ressaisisse et qu'il accepte enfin de définir lui-même les règles pour faire fonctionner notre démocratie en dehors des coups de butoir de la conjoncture médiatique.

En conclusion, monsieur le ministre, le groupe RPR attend avec impatience de voir si la majorité et le Gouvernement examineront avec un esprit ouvert les quelques rares amendements correspondant aux questions que je viens d'évoquer. Il se déterminera alors sur ce texte mais, vous l'avez compris, son vote pourrait tout à fait être positif.

M. Pierre Cardo.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

En préambule, monsieur le ministre, je veux dire que, si je peux comprendre l'urgence du présent projet de loi, je regrette la précipitation avec laquelle ce texte nous est soumis. Ainsi le rapport vient-il tout juste de nous être donné.

C'est seulement quelques jours après l'adoption par notre assemblée du budget de la fonction publique pour 2001 que nous sommes appelés à examiner un projet de loi relatif à la résorption de la précarité dans la fonction publique. Plutôt que de partir d'une enveloppe budgétaire déterminée pour procéder aux réparations, nous aurions souhaité partir d'une réelle évaluation des besoins pour envisager les moyens de les satisfaire.

Cela étant, personne ne peut contester la nécessité d'une résorption de la précarité dans la fonction publique, et surtout pas les fonctionnaires qui expriment quotidiennement leur aspiration à rompre avec une logique qui conduit à ce qu'un emploi soit désormais l'exception, et la précarité la règle.

En effet, malgré l'espoir qu'avait fait naître la loi dite Perben dont les principes avaient été annoncés dans les protocoles d'accord des 14 mai et 16 juillet 1996, protocoles d'ailleurs signés par six organisations syndicales sur sept, les résultats n'ont pas été à la hauteur des enjeux.

D ans la fonction publique territoriale, sur les 50 000 agents pouvant prétendre à l'application du dispositif, seuls 8 522 d'entre eux ont pu être titularisés et 30 000 personnes ont été intégrées dans la fonction publique d'Etat sur les 50 000 candidats potentiels.

Nous ne pouvons cependant pas nous étonner de la faiblesse de ces résultats si l'on se souvient les réductions drastiques et insupportables des effectifs de la fonction publique qui accompagnaient alors la politique de casse des services publics. Pour mémoire, le budget de 1997 affichait la suppression de 6 000 postes !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

Je ne m'étendrai pas, mais force est de constater qu'aujourd'hui les données chiffrées de la précarité, même si elles sont à manier avec prudence, restent globalement inchangées avec une réalité très spécifique pour ce qui concerne la fonction publique territoriale.

En attendant la réalisation d'études statistiques plus précises, grâce notamment à la création, en juillet dernier, de l'Observatoire de l'emploi public, ce qui frappe aujourd'hui, c'est l'importance du phénomène.

Dans ces conditions, personne ne peut s'étonner qu'une majorité des organisations syndicales de la fonction publique aient conclu avec le Gouvernement, le 10 juillet dernier, un protocole d'accord portant sur la résorption de l'emploi précaire et la modernisation du recrutement dans la fonction publique. Protocole qui se trouve concrétisé par le présent projet.

Cependant, monsieur le ministre, vous savez mieux que personne que l'apposition de signatures au bas d'un protocole ne se traduit pas forcément par un enthousiasme béat mais plus par une volonté d'accompagner un processus qui devrait permettre de répondre aux engagements que vous avez pris.

Vous avez fait le choix de la transparence, de la modernisation, de la gestion prévisionnelle et de l'amélioration du recrutement pour la fonction publique, afin de promouvoir un Etat plus efficace, capable d'accomplir ses missions et de répondre aux attentes des usagers.

M ais la concrétisation de changements profonds implique naturellement des moyens conséquents. Or les crédits qui nous ont été présentés pour l'année à venir restent très insuffisants pour mener à bien cette réforme.

Sans compter la réduction du temps de travail, avec les créations d'emplois qu'elle induit, le nécessaire renouvellement des effectifs du fait du départ à la retraite de 43 % des agents dans les douze prochaines années, la pérennisation des emplois-jeunes, etc.

Et que dire de la revalorisation des salaires ? Si les négociations se sont enfin ouvertes, nous ne pouvons pas dire que la majoration que vous avez décidée, monsieur le ministre, et qui correspond à une hausse de 0,5 % du point d'indice, ait reçu l'assentiment des syndicats qui ont considéré cette première séance comme un « faux départ ».

Rappeler ce contexte nous permet d'appréhender en toute connaissance de cause le projet de loi qui nous est soumis. Sans conteste, les dispositions contenues ouvrent un champ d'application beaucoup plus large que le dispositif mis en oeuvre précédemment.

Si nous nous félicitons de ces progrès, que l'on doit aussi et avant tout aux luttes, il n'en demeure pas moins que le nombre de précaires exclus de ce dispositif s'avère être encore trop important.

Nous nous interrogeons sur la non-prise en compte des agents précaires des établissements publics industriels et commerciaux, de La Poste, de France Télécom, des associations para-administratives, même si pour ces dernières, des modifications ont été apportées.

Pour ne prendre que l'exemple de La Poste, ce sont près de 80 000 contractuels qui se trouvent ainsi exclus alors qu'une grande majorité d'entre eux exercent les mêmes fonctions et ont les mêmes obligations que les fonctionnaires.

Quant aux emplois-jeunes, il ne ressort rien de très concret. Pourtant, l'objectif tendant à garantir un débouché professionnel à chacun de ces très nombreux jeunes est partagé par nous tous. Employés sous contrat de droit privé, ils n'ont pas choisi ! Et ils ont démontré l'utilité de leurs missions au sein du service public.

La solution n'est-elle pas à chercher dans une égalité de traitement dans l'accès aux carrières de la fonction publique, dans la création de nouveaux corps et la reconnaissance de nouvelles qualifications ? Par ailleurs, comment les collectivités territoriales pourraient-elles envisager de résorber la précarité d'un certain nombre d'emplois sans une augmentation importante de la DGF ? La faiblesse de leurs moyens actuels permettrat-elle de faire face à la transformation des contrats emploi-solidarité et des contrats emplois consolidés ? Je ne le pense pas. Comment ce projet, qui a vocation à résorber la précarité, pourrait-il ne pas s'appliquer aux plus précaires d'entre eux ? Un autre point sur lequel je souhaitais attirer l'attention concerne les possibilités d'intégration dans la fonction publique.

Si nous sommes attachés à la spécificité de la fonction publique, à son statut et à ses modalités de recrutement, sous la forme de concours notamment, dans bien des cas, l'examen professionnel peut être une procédure appropriée notamment dans les secteurs où n'existent pas de cadres d'emploi ou encore dès que l'on peut tenir compte de la validation des acquis professionnels.

M. Pierre Cardo.

C'est plein de bon sens !

M. Jean Vila.

J'ai reçu des agents de plusieurs villes qui exercent depuis de nombreuses années des missions de service public, mais qui, chaque année, doivent supporter l'attente d'un renouvellement de contrat à durée déterminée des autorités préfectorales. Cette situation est insupportable pour ces personnels, mais, en plus, je comprends que, pour nombre d'entre eux, le concours proposé pour leur titularisation reste une modalité assez mal adaptée. Je souhaiterais que l'on réfléchisse à ce problème.

Pour conclure mon propos, sans avoir épuisé ce vaste sujet, je dirai simplement que si ce projet de loi sur la résorption de la précarité dans la fonction publique est attendu par un grand nombre de ceux qui ont fait le choix du service public, je doute que les moyens suffisants aient été envisagés pour satisfaire sa légitime reconnaissance.

M. Pierre Cardo.

Eh oui !

M. Jean Vila.

En l'état, les députés communistes et apparentés s'abstiendront, à moins que certains des amendements qui vont vous être proposés ne soient acceptés.

M. René Mangin.

On marchande ?

M. Pierre Cardo.

Il a presque fait mon discours !

Mme la présidente.

La parole est à M. Dominique Paillé.

M. Dominique Paillé.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est toujours regrettable d'avoir à légiférer dans l'urgence, même si le projet de loi que nous examinons aujourd'hui répond à une nécessité incontestable, dès lors qu'il s'agit de tenter de mettre fin à des situations d'inégalités entre agents publics, inégalités non justifiées par des différences de situation ou par l'intérêt général.

Avant d'en venir à la présentation résumée des amendements que nous défendrons dans la discussion et d'aborder la question des 35 heures dans la fonction publique territoriale, je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur quelques points préalables.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

D'abord, je veux souligner que l'objectif, louable, der ésorption de l'emploi précaire dans les fonctions publiques ne met pas fin au recrutement de nontitulaires, ce qui serait d'ailleurs à la fois aberrant et irréaliste. Dès lors, l'ouverture de nouvelles voies de titularisation ne saurait décharger le Gouvernement de la responsabilité d'offrir à ces non-titulaires, qui ont vocation à demeurer, un minimum de stabilité et toutes les garanties en termes de protection et droits sociaux comme de formation. Autrement dit, les efforts affichés en matière de résorption de la précarité ne doivent pas masquer une dégradation des conditions d'emploi des non-titulaires.

D'autant que de nombreux personnels ne sont pas concernés par le champ d'application du présent projet de loi, notamment ceux qui sont employés par des établissements publics industriels et commerciaux,tels que La P oste, mais aussi les 230 000 contrats aidés et 80 000 emplois-jeunes dans le secteur public.

Ensuite, je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur la situation des agents exerçant en dehors du territoire national. Cette question est soulevée de manière récurrente sur les bancs du Parlement, au point que la loi du 12 avril 2000 a prévu qu'un rapport devrait lui être présenté dans un délai d'un an. Il importe, monsieur le ministre, que ce rapport prévoie des voies de titularisation adaptées pour ces personnels. Parallèlement, il faudrait que le débat, sans cesse esquivé, concernant les maîtres auxiliaires étrangers soit, une fois pour toutes, abordé et tranché et que leur soit notamment attribuée la possibilité de leur appliquer un statut d'enseignant associé, qui existe déjà dans le secondaire.

Enfin, je souhaite que le Gouvernement précise les conditions d'application du présent projet de loi en outre-mer, notamment au regard de ses incidences financières. La problématique spécifique des départements d'outre-mer doit, en effet, être prise en compte. Elle tient, d'une part, à la part très importante des nontitulaires dans les collectivités locales des DOM, puisqu'ils représentent en moyenne les deux tiers de leurs personnels, soit deux fois plus qu'en métropole, d'autre part, à la sur-rémunération des fonctionnaires dans ces collectivités, dont les non-titulaires ne bénéficient pas. Si cette sur-rémunération leur était étendue lors de leur titularisation, cela entraînerait un alourdissement des charges des collectivités dans une mesure telle qu'elles ne sauraient, seules, y faire face.

J'en viens maintenant aux amendements que je défendrai tout à l'heure pour en préciser brièvement les enjeux ; ils sont au nombre de trois.

Le premier enjeu, c'est de vous faire rappeler les engagements pris par le Gouvernement dans le cadre du protocole d'accord concernant la transformation en emplois budgétaires des crédits affectés à la prise en charge des non-titulaires, et surtout d'obtenir l'assurance que vous les tiendrez.

Le deuxième enjeu des amendements que nous avons déposés est de nous assurer que l'accès aux concours réservés et aux examens professionnels ne reste pas seulement théorique pour de nombreux agents non titulaires recrutés à temps partiel parmi les plus anciens.

Enfin, le troisième enjeu est de reconnaître aux agents des collectivités territoriales relevant du droit privé leur véritable droit constitutionnel à la détermination de leurs conditions de travail, conformément aux principes fondamentaux de la démocratie sociale.

M. Pierre Cardo.

Très bien !

M. Dominique Paillé.

Quant aux 35 heures dans la fonction publique territoriale, il ne saurait y être procédé dans les termes du projet de loi initial, qui se contente d'imposer le principe de la parité et de renvoyer le tout au pouvoir réglementaire. Un tel blanc-seing donné au Gouvernement méconnaît les principes constitutionnels de libre administration des collectivités locales et de la c ompétence du législateur sur ces questions. Cette conception du rôle du Parlement est d'autant plus étonnante que le passage aux 35 heures dans le secteur privé a montré l'importance d'un débat national sur ce sujet.

M. Pierre Cardo.

C'est du jacobinisme !

M. Dominique Paillé.

Tout à fait ! Encore une fois ! De plus, renvoyer à un décret les modalités de la réduction et de l'aménagement du temps de travail dans la fonction publique territoriale revient à assimiler l'Etat employeur unique aux 60 000 employeurs locaux, au mépris de la diversité de ceux-ci et de la souplesse de gestion qui doit leur être impérativement reconnue. Au demeurant, les collectivités locales n'ont pas attendu pour réduire et aménager le temps de travail de leurs agents, selon des modalités qui respectent les réalités locales et les c ontraintes du service public auxquelles elles sont confrontées en fonction des sujétions et strates démographiques qu'elles peuvent avoir à assumer.

Les principes de parité et d'unité de la fonction publique ne doivent pas conduire à méconnaître les spécificités de la fonction publique territoriale. C'est un point sur lequel nous ne transigerons pas. Enfin, dans le secteur privé, la réduction du temps de travail coûte 100 milliards de francs par an au contribuable, la moitié du déficit de l'Etat. Le passage aux 35 heures d'une administration dont la masse salariale croît de 20 milliards de francs par an pulvérisera - c'est un pronostic qu'on peut faire sans crainte - de très loin le montant que je viens d'indiquer.

A cet égard, seule la libre fixation du temps de travail des agents par les collectivités locales garantira que le coût financier du passage aux 35 heures sera proportionné aux ressources des collectivités et à leurs véritables besoins en termes de service public.

M. Pierre Cardo.

Ça...

M. Dominique Paillé.

Pour finir, je voudrais replacer ce projet de loi dans le contexte plus large de l'action gouvernementale pour souligner les insuffisances de la nécessaire modernisation de la fonction publique, sujet qui va finir par être tabou tant il a été évoqué, par vous, sans jamais être traduit dans les faits.

Présenté comme un outil de modernisation et de réforme du secteur public, il n'en est qu'une timide amorce, très éloignée de la réforme d'ensemble qui serait nécessaire pour garantir une véritable souplesse des recrut ements et des carrières. Quelques exemples en témoignent : Le parcours professionnel reste pensé de manière trop rigide et uniforme ; Les freins à la mobilité interne comme le manque de passerelles entre les fonctions publiques et d'ouverture de celles-ci sur le secteur privé sont évidents ; Enfin, l'insuffisante ouverture de la fonction publique territoriale s'apparente encore trop à un véritable carcan imposé à ces mêmes collectivités.

A u-delà, la démarche gouvernementale pèche par manque d'ambition, d'une part, de cohérence, d'autre part.


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Quant à l'ambition, elle ne saurait être satisfaite par la seule création d'un observatoire de l'emploi public ou par les mesures annoncées lors du dernier comité interministériel sur la réforme de l'Etat.

Quant à la cohérence, elles est totalement impossible à saisir entre la renonciation au principe du gel des emplois publics, qui n'était d'ailleurs pas respecté dans les faits, grâce à différents artifices budgétaires, la question non traitée de l'avenir des emplois aidés ou des emplois jeunes, les perspectives cumulées de l'application des 35 heures d'ici à 2002 et des négociations salariales alors même que l'exploitation des charges de pensions est programmée et attendu depuis longtemps.

La voie d'avenir, monsieur le ministre, n'est certainement pas dans la défense du dogme d'unicité du statut, justifiée au nom de l'efficacité du service public, mais au prix d'une confusion avec le statut de ceux qui l'assurent, parfois au détriment du service lui-même.

Etant moi-même haut fonctionnaire de l'Etat, je me permets de m'exprimer en ces termes et je crois parler en connaissance de cause.

L'évolution essentielle se joue ailleurs, dans la redéfinition des modalités et dans la clarification des missions respectives de l'Etat, des collectivités locales et des acteurs privés, au service de l'intérêt général, dans le respect du principe d'égalité, mais aussi dans celui de la diversité des situations locales et de l'esprit d'initiative.

A cet égard, la légitimité des statuts dépend fondamentalement de leur capacité d'adaptation à la nouvelle donne, à la fois technique - les nouvelles technologies -, économique - la mondialisation -, et sociologique - je pense au degré d'exigence croissant des usagers tant en termes de niveau de prestation qu'en termes de rapport qualité-prix. Or elle est aujourd'hui manifestement ébranlée par la lourdeur et la rigidité, qui constituent des freins à toute réforme structurelle pour promouvoir les valeurs d'efficience et d'efficacité comme de responsabilisation.

Les revendications des syndicats auxquelles vous êtes en ce moment confronté et qui sont compréhensibles du fait du manque de clarté de l'action et du débat publics en ce domaine, ont d'ailleurs elles-mêmes contribué à fragiliser la raison d'être des statuts, en cherchant à cumuler les avantages du statut du droit public avec ceux du droit privé, chaque fois que ce dernier paraissait plus avantageux. Il en est ainsi du droit syndical, du droit de grève et du droit à la négociation collective.

Or, dans le même temps, fonctionnaires et syndicats continuent de voir dans le statut le dernier signe tangible de l'existence du service public. Pour eux, l'équation est la suivante : défense du statut égale défense du service public.

Dans ce contexte, l'urgence est d'admettre et de faire admettre qu'une remise en cause de la gestion actuelle des personnels de la fonction publique ne se confond pas avec une amputation de l'offre de service publics ni avec une renonciation de la puissance publique à assumer ses missions essentielles.

Cela implique de mener une réflexion sur la notion de travail au service du public et sur l'adéquation du statut aux objectifs de ce même service public, pour mieux répondre aux attentes des citoyens comme aux aspirations des agents. Cela passe par la redéfinition tant du champ des services publics que de leurs modalités d'exécution, afin de préserver l'intérêt général, garanti notamment par la règle de la capacité et du mérite, le principe de l'égalité devant la loi, l'exigence de l'impartialité ou les limitations du droit de grève, et afin d'offrir de réelles perspectives de carrières à ceux qui travaillent au service du public.

Nous en sommes à vrai dire très loin et je ne sens pas poindre chez vous la moindre des volontés politiques pouvant aller en ce sens. Je le regrette profondément.

A défaut, le retard de la France par rapport aux autres d émocraties en matière de gestion et de fonction publiques ne fera que se creuser, alors que la plupart d'entre elles se sont lancées dans de profondes réformes, menées au nom de quatre constantes : l'abandon progressif des règles spécifiques de la fonction publique au profit de l'application du droit commun du travail ; la distinction entre les fonctions d'état-major et les fonctions de gestion, qui sont des fonctions de mise en oeuvre ; le passage d'une logique de contrôle à une logique de responsabilité ; la déconcentration de la gestion, voire la contractualisation des politiques publiques.

Monsieur le ministre, regardez les réformes menées à l'étranger ! Ces expériences ont été dans la plupart des cas concluantes. La politique du Gouvernement devrait s'en inspirer largement, mais force est de constater que celle-ci contraste singulièrement avec tout cela, en laissant entier le problème de l'explosion des pensions et en n'utilisant pas le contexte démographique pour mener une véritable modernisation du secteur public.

Décentralisation, responsabilisation, contrôles d'efficience : autant de pistes qu'il nous semble indispensable d'emprunter pour réformer la fonction publique française et nous mettre à l'heure européenne. Malheureusement, je ne vois dans le gouvernement auquel vous appartenez poindre ni courage ni volonté en ce domaine. Je crains que vous ne souhaitiez pas réellement remettre en question le modèle français, que l'on nous présente comme prestigieux, comme ayant valeur de référence et dont plus personne ne s'inspire aujourd'hui à l'étranger. Je le regrette car j'ai, à titre personnel, la légitime fierté, que vous partagez sans doute, d'appartenir à la fonction publique, et c'est parce que je suis fier d'y appartenir que j'aimerais bien la voir évoluer dans le sens qu'impose la modernisation de l'Etat, des collectivités locales et de la vie démocratique.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans les engagements pris par le Gouvernement de lutter contre les exclusions et contre les discriminations sociales.

Réduire l'emploi précaire dans la fonction publique participe de cette même volonté, mais relève malheureusement de travaux un peu trop répétitifs dans notre assemblée.

Pourtant, intégrer des personnels et les sortir ainsi d'un statut précaire en s'appuyant sur l'expérience professionnelle est un acte de reconnaissance que se devait de faire la fonction publique. L'Etat peut en effet difficilement donner des leçons au secteur privé en laissant perdurer certaines situations inacceptables pour lesquelles nous, parlementaires, sommes régulièrement sollicités sur le terrain.

Mettre en oeuvre d'autres formes de recrutement, qui prennent en compte l'expérience acquise tout au long des années de pratique et qui accréditent l'idée que l'expérience acquise renforce les savoirs formels, est une ouverture pour nombre de personnels de la fonction publique qui ne sont pas en mesure d'accéder aux divers concours.


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Nous ne pouvons donc que nous féliciter que des per-s onnels à statut précaire - contractuels, vacataires, CDD -, qui enchaînent, depuis bien trop d'années pour certains, des contrats à durée limitée entrecoupés de période de chômage, puissent enfin trouver une situation stable et améliorer de surcroît leur pouvoir d'achat.

Cependant, nous souhaiterions attirer votre attention, monsieur le ministre, sur plusieurs points, concernant essentiellement l'éducation nationale.

Ainsi, certains maîtres auxiliaires de l'éducation nationale pourront se présenter aux concours réservés, mais ils ne pourront pas avoir accès aux examens professionnels si l'on continue à se reférer à la loi Perben, qui exige titres et diplômes pour se présenter aux concours. Dans ces conditions, votre proposition de prendre en compte l'expérience acquise risque de n'avoir aucun effet.

Par ailleurs, ne sont pas concernés par votre projet les p ersonnels non titulaires d'origine étrangère, hors Communauté européenne, qui enseignent dans notre pays, qui souhaitent y rester et dont nous avons absolument besoin, ce qui sera de plus en plus vrai. Il doit être possible de leur proposer un statut de professeur associé, comme cela se fait dans l'enseignement supérieur.

En tout état de cause, la situation des personnels étrangers ne peut être sans cesse renvoyée à d'autres instances ni totalement occultée.

Les contrats emploi-solidarité, pourtant massivement utilisés dans les hôpitaux et les établissements scolaires, ne sont pas non plus directement concernés. Pour l'instant, les perspectives proposées sont beaucoup trop limitées et totalement décourageantes.

Par ailleurs, les modalités de calcul de l'ancienneté pour les concours et examens professionnels ne favorisent pas ceux qui exercent de façon très précaire - temps partiel, remplacement, vacataires à deux cents heures par an.

C'est pourquoi nous proposons que tout temps partiel excédant le mi-temps soit comptabilisé comme un temps plein, le restant comptant pour deux tiers de temps, comme cela se fait dans la fonction publique territoriale.

Si le réemploi des auxiliaires ne semble plus poser de gros problèmes, la diminution du chômage y étant sans doute pour quelque chose, la situation extrêmement précaire de certains est absolument intolérable. En effet, comment admettre l'idée que quelqu'un puisse se voir embauché pendant dix mois de l'année et renvoyé vers le chômage pour les deux mois qui restent ? Comment admettre que cela se reproduise chaque année ? Les non-titulaires attendent beaucoup des dispositions du projet de loi pour se voir ouvrir des droits à la protection sociale, à la formation continue, à la possibilité d'être réellement défendus.

Monsieur le ministre, aurez-vous complètement les moyens de vos légitimes ambitions ? On ne peut qu'être inquiet à ce sujet car votre budget de 2001, certes en progression, ne vous permettra sans doute pas un plan de résorption aussi rapide et aussi complet que celui qui est attendu sur le terrain. On ne pourrait se contenter de mesures qui compenseraient simplement les départs en retraite.

En conclusion, je dirai que le projet de loi reste, en dépit de ses lacunes, porteur d'espoir pour beaucoup, pour tous ceux et toutes celles qui, au service de la fonction publique, souhaitent l'intégrer parce qu'ils y sont très attachés. Ils l'ont montré en acceptant d'y travailler souvent dans des conditions très difficiles, parce que les titulaires les refuseraient eux-mêmes. Quel paradoxe ! Les députés Verts voteront donc ce texte, qui constitue indéniablement un progrès et soutiendront les amendements visant à l'améliorer et à le compléter.

M. Claude Hoarau.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi a trois objectifs : résorber l'emploi précaire en prenant la suite de la loi Perben, moderniser les procédures de recrutement pour éviter la régénération systématique de l'emploi précaire, encadrer la réduction et l'aménagement du temps du travail dans les collectivités locales.

Aux deux premiers objectifs, le groupe Démocratie libérale ne peut être que favorable, sous réserve de quelques remarques que je me permettrai de développer puisque je fais partie de l'opposition. (Sourires.)

Sur le troisième, mon groupe partage l'avis unanime de la commission des lois du Sénat et non celui de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Mon groupe approuve la sagesse du Sénat, qui considère qu'en raison de la procédure d'urgence déclarée par le Gouvernement, les députés n'ont disposé que de peu de temps pour prendre connaissance des travaux des sénateurs et pour amender correctement un texte qui eût mérité un débat plus approfondi. En fait, le projet de loi pose à mon avis plus de problèmes par ce qu'il ne contient pas plutôt que par ce qu'il apporte.

Je m'explique.

Je prendrai l'exemple de la fonction publique territoriale.

Globalement, le texte, tel qu'il est construit, permettra de résorber une bonne partie des contractuels dans les cinq ans qui viennent. Mais pour autant, va-t-il permettre de mieux répondre aux besoins des collectivités territoriales, c'est-à-dire aux services publics de proximité ? Il me semble qu'il aurait dû, pour ce faire, modifier profondément le statut même de la fonction publique territoriale pour l'adapter aux territoires, à savoir aux besoins des populations. Or ce n'est pas le cas et cela ne va dans le sens ni de la résorption de la précarité ni du recrutement de personnels adaptés sur des postes ayant ou non un cadre d'emploi dans la fonction publique.

Considérons le cas d'un poste vacant d'assistante sociale dans un CCAS de quartier difficile. Ce poste vacant, parfois depuis plusieurs années, nécessiterait pour être pourvu une rémunération et un statut supérieurs à ceux de la catégorie B à laquelle il est théoriquement rattaché. Le maire devra donc, pour attirer les candidatures, demander l'autorisation au préfet de recruter un contractuel mieux payé que le cadre B de la fonction publique.

Si le préfet refuse, ce dont il a tout à fait le droit puisque le cadre d'emploi existe, le poste restera vacant et le service au public ne sera pas assuré. Si le préfet accepte, cela fera un emploi précaire pour une fonction qui mérite un salaire plus élevé que la normale, et l'emploi restera précaire.

Je regrette que ce projet de loi si positif et si urgent ne permette pas d'apporter une réponse plus simple à ce type de problème. Mais cela nécessiterait un dépoussiérage important du statut de la fonction publique. La preuve en est que nombre de questions nous arrivent du terrain par le biais du net ou par courrier - comme à v ous, je suppose -, démontrant que l'amélioration concernant les personnels contractuels pose d'autres problèmes, ne seraient-ce que des problèmes d'égalité de traitement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

Un fonctionnaire de la catégorie B ayant suivi une formation, au CNET par exemple, pour accéder à la catégorie A devra passer des concours internes nettement moins accessibles, semble-t-il, que ceux qui sont ouverts aux contractuels pour leur titularisation dans le cadre du texte qui nous est soumis.

Il y a bien là un traitement potentiellement inégalitaire des intéressés qu'un projet de loi voté on ne sait pourquoi à la va-vite n'aurait pas dû négliger.

Un autre problème que je voudrais évoquer concerne un aspect un peu hypocrite du texte.

Quand on m'a proposé d'être le porte-parole de mon groupe, j'ai été heureux car je me suis dit que l'on allait enfin sortir du flou qui existe au niveau de l'Etat et des collectivités locales ainsi que dans la fonction publique hospitalière. Le Gouvernement supprime la précarité dans la fonction publique - c'est en tout cas sa volonté - et fera sans doute mieux que la loi Perben. Il supprimera donc les CES et les CEC abusivement utilisés partout.

Je rappelle que, au cours de la discussion de la loi sur les exclusions, Mme Aubry m'avait à nouveau précisé que les CES, voire les CEC, devraient dorénavant être utilisés exclusivement pour les personnes les plus en difficulté, les plus éloignées de l'emploi, car il s'agissait d'emplois d'insertion ou, plus précisément, de réinsertion, et qu'elle y veillerait. Certes, elle ne peut plus le faire aujourd'hui.

Mais si le principe de la continuité de l'Etat est toujours valable, surtout sous le même gouvernement, il me paraît nécessaire d'insister sur ce point.

Sur le terrain, dans les collectivités locales, les collèges, les hôpitaux et les administrations, qu'observons-nous chaque année ? Le renouvellement systématique de ces contrats, par définition précaires, dans la durée et dans leur niveau de rémunération. Concernent-ils des personnes très éloignées de l'emploi ? Ce n'est pas le cas pour la plupart d'entre eux, et vous le savez bien.

Ces fonctions ont-elles été créées pour permettre à ces personnes de se rapprocher de l'emploi ? Non. Elles ont été créées parce qu'il y avait des besoins en personnel non satisfaits pour remplir des fonctions souvent peu qualifiées, et que les moyens budgétaires ne permettaient pas d'y répondre autrement.

Ainsi, pour l'exercice 2001 qui s'annonce, dans les Yvelines où je gère le plan départemental d'insertion pour les RMIstes, la DDTE, qui gère les emplois aidés, dont les CES et les CEC, m'a annoncé une réduction de 40 % des CES. Y a-t-il eu une baisse de 40 % des RMIstes d ans le département ? Sûrement pas. Mais comme l'ensemble des CES est financé par la direction du travail et non par les administrations ou les collectivités qui les utilisent, que l'enveloppe globale a été réduite, que l'on ne peut supprimer tous les CES qui sont aujourd'hui indispensables dans les collectivités et les administrations, ce sont les personnes vraiment en difficulté qui se voient prioritairement privées d'une chance de réinsertion.

Cette situation est difficilement acceptable. Pourquoi votre projet de loi ne remet-il pas les choses en ordre alors qu'il vise à résorber l'emploi précaire ? Il aurait pu, par exemple, imposer que cette masse des CES et CEC, quand elle est constante depuis quelques années, entre dans le budget de l'institution employeur et permette une titularisation des intéressés.

Vous me direz peut-être que sont concernées des fonctions peu qualifiées. Mais alors pourquoi ne pas ouvrir le vrai débat : la recréation de la catégorie D des fonctionnaires ? C'est la suppression de cette catégorie qui autorise aujourd'hui cette précarité peu acceptable.

Quand je pense que, dans le privé, vous condamnez la précarité sous toutes ses formes, qu'il s'agisse de l'abus des CDD ou de l'intérim, et que cette précarité est toujours possible dans la fonction publique, je ne puis être d'accord, ni en tant qu'élu national, ni en tant qu'élu local. Il me paraît en effet un peu trop simple de condamner la précarité dans le privé en la jugeant immorale, et de la magnifier dans le public sous couvert d'insertion en expliquant qu'elle est une chance pour les intéressés.

Demandez leur avis aux intéressés et, si vous avez encore un doute, vous serez édifiés ! Je pourrais aussi faire un exposé intéressant sur le statut des emplois-jeunes, auxquels nombre de collègues ont fait allusion avant moi. Je me contenterai de signaler que leur développement massif et récent n'a pas contribué à réduire l'emploi précaire dans la fonction publique.

Certes, ils sont mieux rémunérés et plus stables que les CES et les CEC. Mais oserai-je rappeler l'esprit qui a présidé à leur création ? Mme Aubry n'avait-elle pas précisé qu'il faudrait prévoir leur solvabilisation dans les cinq ans ? Cela signifierait pour l'éducation nationale, qui est par définition gratuite et qui n'a donc pas de marché, que la dépense publique devrait à terme, si leur fonction était nécessaire - et elle paraît l'être -, installer les titulair es de ces emplois dans un statut normal de l'éducation nationale par des créations de filières et de postes.

Je n'ai pas cru trouver cette réponse dans votre texte, laquelle, il est vrai, exigerait des engagements budgétaires.

Pour finir mon exposé rapide sur la loi expresse qui nous est soumise, j'aborderai le problème de la réduction et de l'aménagement du temps de travail dans la fonction publique territoriale.

Dans sa grande sagesse, le Sénat a considéré qu'il appartenait aux collectivités territoriales de fixer les règles en tenant compte de la spécificité des missions exercées par elles. En cela, il a suivi les orientations données par le Gouvernement quant à la nécessité d'adapter la réponse publique aux territoires et aux populations, de rapprocher la décision du terrain et de définir la réponse publique en concertation avec ceux qu'elle concerne.

La commission des lois de notre assemblée a choisi une autre voie, consistant à définir d'en haut ce qui sera appliqué et vécu en bas, puisqu'elle a tout renvoyé à un décret en Conseil d'Etat.

Ne pourrait-on arrêter de faire porter au Conseil d'Etat le chapeau de ce jacobinisme incroyablement présent chez des partisans aussi farouches de la décentralisation ? N'y a-t-il pas déjà assez de textes qui encadrent le temps de travail et les droits sociaux pour éviter tout excès de la part des collectivités ? Notre niveau national a-t-il si peu confiance dans les exécutifs locaux et les syndicats de fonctionnaires que notre assemblée doive se sentir obligée de leur imposer un cadre supplémentaire plutôt que de les mobiliser sur une politique contractuelle ? Certes, comme je l'ai affirmé au début de mon intervention, votre projet de loi apporte des réponses à la précarité dans la fonction publique, et c'est un bien. Mais il néglige sa nécessaire adaptation à certaines réalités locales ainsi que la situation des quelque 310 000 emplois précaires aidés.

En outre, il donne l'impression, renforcée par la procédure d'urgence, d'avoir été élaboré à la hâte pour prolon ger simplement la loi Perben. Les intentions affichées par


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le Gouvernement pour la lutte contre la précarité et une meilleure adaptation des réponses publiques aux territoires ne se retrouvent pas réellement dans ce texte.

Aussi, bien qu'il soit plutôt favorable au projet de loi en raison du grand nombre de réponses que celui-ci apporte à la précarité, le groupe Démocratie libérale n'en émet pas moins des réserves, compte tenu des problèmes qui ne sont pas traités. Nous attendons de connaître le sort qui sera réservé à certains amendements pour déterminer notre position finale.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Nicole Feidt.

Mme Nicole Feidt.

Il est temps, monsieur le ministre, d'améliorer, dans les différentes administrations, la situation des agents recrutés pour une durée déterminée.

L'accord passé avec six organisations syndicales portant sur la résorption de l'emploi précaire, à l'issue des discussions que vous avez menées, aboutit à ce projet et je tiens à vous en féliciter.

Lors de l'examen du budget, vous avez annoncé votre volonté de conserver aux services publics leur vocation sociale, à l'égard des agents comme des usagers. Les efforts consentis pour les crédits sociaux interministériels et la modernisation de l'Etat sont en réelle progression.

Le projet de loi de finances prévoit une augmentation des effectifs ainsi que des créations résultant de la mise en oeuvre de la résorption de l'emploi précaire. Aux grands projets, les grands moyens ! Le protocole qui a fait l'objet du projet de loi concerne de nombreuses personnes. Je veux seulement aborder ici la situation des femmes dans la fonction publique et celle de certains employés de collectivités territoriales. La situation des femmes et leur statut ont fait l'objet de l'excellent rapport de Mme Colmou.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Absolument !

Mme Nicole Feidt.

Il relève que, si le statut général de la fonction publique garantit l'égal accès aux emplois publics, il ne met pas l'accent sur les emplois supérieurs.

Où sont les femmes ? Elles ne sont pas nombreuses aux postes de direction dans la fonction publique. Vous me répondrez peut-être que ce n'est pas la question aujourd'hui, mais ce sont tout de même elles qui occupent la plupart des emplois les moins rémunérés, les plus précaires.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

C'est vrai !

Mme Nicole Feidt.

Non seulement les emplois supérieurs ne sont pas occupés dans les mêmes proportions par les hommes et les femmes, mais les emplois de catégorie C et D et les emplois précaires sont le lot de ces dernières.

Concernant le recrutement, le manque de prévision des besoins de l'administration a un effet néfaste. C'est l'une des raisons du recours trop fréquent à des agents contractuels. Et ce sont bien souvent des jeunes femmes, qui abandonnent des études devenues trop chères ou trop longues pour leurs moyens, qui occupent ces postes. De même, une femme qui a cessé son activité professionnelle pour quelques années et souhaite passer des concours pour reprendre un emploi de la fonction publique ne se voit pas reconnaître d'acquis professionnels. J'ai bien entendu que nous allions remédier à cela, mais c'est l'ensemble de la situation des femmes qu'il faut examiner pour procéder à un rééquilibrage avec celle des hommes.

La mise en place d'une gestion de ressources humaines moderne peut valoriser les carrières. Elle est préconisée depuis longtemps dans différents rapports de réflexion sur la modernisation de l'appareil administratif. Cela mettra probablement un terme à la grande opacité qui couvre les critères de sélection et qui n'est pas favorable aux femmes en ce qui concerne les promotions au choix, les nominations sur les listes d'aptitude. J'en déduis qu'à l'heure actuelle, il n'y a pas égalité des chances entre les hommes et les femmes dans la fonction publique en général.

Je sais, monsieur le ministre, que vous voulez remédier à cet état de fait et profiter du projet de gestion prévisionnelle des emplois pour ce faire. Ce projet de loi, apporte également des solutions aux situations précaires dans les collectivités territoriales, dont je me réjouis. Pour remplir les missions qui sont de leur compétence, suite au transfert de compétences dû à la décentralisation, ces collectivités territoriales recourent à des associations. Il est temps de mettre fin à des situations qui ne sont saines ni pour les employés ni pour l'administration qui les emploie.

Il est temps que les assistants sociaux, les psychologues, les sages-femmes, les secrétaires médico-sociales, les personnels administratifs, qui ont rempli, tout au long de leur carrière, une mission de service public, accèdent enfin à une situation administrative normale. Tel est l'objet de l'article 5 ter.

C'est aussi cela la modernisation, ou la vision modernisée du service public qui assume ses missions et ne se défausse pas de ses compétences sur des structures associatives. Nous comptons beaucoup sur l'application de cette loi pour réduire la précarité et les inégalités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Claude Hoarau.

M. Claude Hoarau.

Monsieur le ministre, intervenant dans cette discussion au nom du groupe Radical, Citoyen et Vert, j'indique d'entrée de jeu que les députés du parti communiste réunionnais, qui font partie de ce groupe, voteront votre projet de loi. Après le débat au Sénat, la discussion de ce texte par notre assemblée ne laisse pas indifférents les travailleurs des collectivités territoriales de la Réunion, en particulier les travailleurs communaux qui vivent une situation de précarité insupportable.

Mes chers collègues, vous qui êtes nombreux à assumer des fonctions de maire, pourriez-vous imaginer que votre personnel communal soit à 75 % ou 80 % en situation de précarité totale sans garantie d'emploi, sans protection face aux mesures disciplinaires, autoritaires, sans progression des salaires en fonction de l'évolution du grade, et de l'ancienneté ? Tel travailleur payé au SMIC depuis trente ans, peut ainsi être licencié d'un jour à l'autre s'il a l'imprudence de ne plus faire acte d'allégeance au maire.

A la Réunion, 13 000 personnes sont dans cette situation.

Depuis quelques années, certains maires ont signé, avec les organisations syndicales regroupées en intersyndicale, un protocole d'accord qui prévoit dans un premier temps, l'intégration des personnels dans des cadres d'emploi, avec les garanties que confère un statut de la fonction publique territoriale. Ce protocole prévoit que les rémunérations seront celles de la fonction publique territoriale métropolitaine. C'est un premier pas. Encore faut-il souligner que certains maires ne l'ont pas encore franchi.

Mais comment ignorer que les 20 % de titulaires ont, eux, une rémunération qui est celle de la métropole majorée d'un index de 1,53, comme c'est le cas de la fonction publique d'Etat ? Se référant à un avis du


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Conseil d'Etat, le Gouvernement semble recommander que ces personnels soient titulaires avec la rémunération métropolitaine et sans indexation.

Monsieur le ministre, dans une même administration des travailleurs accomplissant les mêmes tâches, ayant à peu près la même compétence et souvent une ancienneté comparable, ont des salaires de 6 500 francs pour les uns, de 10 000 à 11 000 francs pour les autres. Peut-on laisser perdurer une telle situation ? Ce Gouvernement sera-t-il celui qui légalise l'injustice, ou celui qui la met au jour et oeuvre à la réduire ? L'Asssociation des maires de la Réunion souhaite que les discussions s'ouvrent avec le Gouvernement et avec les syndicats pour qu'une solution juste soit élaborée et mise en oeuvre, à pas mesurés, mais avec une réelle volonté de rétablir un minimum de justice dans ce domaine.

Le Gouvernement confirme-t-il que les maires peuvent t itulariser, dès à présent les travailleurs journaliers c ommunaux, avec la rémunération de la fonction publique territoriale métropolitaine ? Le Gouvernement envisage-t-il de rendre obligatoire la signature du protocole par les maires qui ne l'ont pas encore fait ? Le Gouvernement peut-il confirmer que ces salaires bénéficient d'une indexation qui n'est pas forcément, à l'heure actuelle, celle de la fonction publique d'Etat ? Enfin, le Gouvernement est-il disposé à engager un dialogue entre l'Association des maires de la Réunion et les organisations syndicales de fonctionnaires de l'Etat et des collectivités pour que soit donnée aux travailleurs communaux une perspective faite de plus de justice et d'équité, avec comme objectif, à terme, une indexation c omparable des rémunérations des deux fonctions publiques ? Vous mesurez, monsieur le ministre, l'attente qui est celle de ces travailleurs et de leur famille.

Mme la présidente.

La parole est à M. Léo Andy.

M. Léo Andy.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi sur la résorption de la précarité dans la fonction publique, qui prendra le relai de la loi Perben, représente une avancée incontestable. Son champ est en effet plus vaste, puisqu'il concerne les trois catégories A, B et C, de la fonction publique et qu'il assouplit les critères d'accès au dispositif de titularisation.

La Guadeloupe, où le problème des agents contractuels dans les trois fonctions publiques se pose de manière aiguë, est particulièrement concernée. En effet, selon les chiffres provisoires que j'ai pu obtenir de l'INSEE à la date du 31 décembre 1999, dans ce département, sur 19 424 agents de l'Etat, tous ministères et établissements publics confondus, 4 362 étaient non titulaires, soit près de 20 %.

Cette moyenne recouvre de grandes disparités entre administrations et au sein des administrations. Ainsi, l'éducation nationale compte globalement un peu plus de 10 % des non-titulaires, mais les services académiques et rectoraux en ont plus de 20 %. La palme est détenue par la rubrique « préfecture », distincte de la rubrique préfecture des DOM, où l'intégralité des quarante-deux postes sont occupés par des non-titulaires, dont certains totalisent parfois trente-cinq années d'ancienneté.

S'agissant de la fonction publique territoriale, les statistiques parcellaires ne permettent pas d'avoir une vision d'ensemble. Mais le rapport de l'inspection générale de l'administration du ministère de l'intérieur concernant la situation des agents non titulaires des DOM, publié en 1995, donne les chiffres suivants : la proportion moyenne pour l'effectif des communes est de 64,5 % ; elle est de 74 % pour la région et de 57 % pour le département. Cependant, pour la majorité de ces agents, la prime de vie chère, d'ores et déjà perçue, ne constitue pas un frein à la titularisation.

Pour la fonction publique hospitalière, le nombre d'agents non titulaires reste incommunicable. Je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître le chiffre exact d'agents non titulaires en Guadeloupe qui ont bénéficié du dispositif Perben. Par ailleurs, vous avez estimé à 100 000 le nombre d'agents concernés par votre projet.

J'aimerais en connaître leur nombre en Guadeloupe.

L'assouplissement des conditions nécessaires pour la titularisation est certes une avancée par rapport à la loi Perben, mais il laisse de côté le cas de tous les salariés recrutés sous « contrats aidés » tels que les contrats emploi-solidarité ou les emplois-jeunes.

Comme vous le savez, dans les départements d'outremer, compte tenu des handicaps structurels qui freinent la création d'emploi dans le secteur privé, le dispositif de l'emploi aidé est très largement utilisé pour absorber le chômage des jeunes, qui diminue pour la troisième année consécutive, en partie grâce à la mise en place dese mplois-jeunes. Ainsi, en Guadeloupe, les contrats emploi-solidarité ont représenté 21,6 % des offres recensées en 1999 et 44 % des aides à l'emploi. Il me semble, monsieur le ministre, qu'ils doivent pouvoir, au même titre et dans les mêmes conditions, accéder aux concours et examens professionnels des cadres d'emplois existants et à venir. C'est une question de justice sociale et d'égalité des chances.

Nous espérons que l'importance des mesures votées dans la loi d'orientation pour renforcer la compétitivité des entreprises domiennes et pour créer des emplois dans le secteur privé diminuera d'autant le nombre de contrats aidés. Mais en attendant, il est de notre devoir de trouver une solution durable à la précarité engendrée par ces derniers.

Enfin, monsieur le ministre, je relève avec satisfaction votre décision de déconcentrer l'organisation des concours dont certains, comme le CAPES, contraignent actuellement les jeunes Guadeloupéens désireux d'y participer à s'expatrier en métropole avec tous les inconvénients sociaux, économiques et psychologiques que cela représente. Cela constitue incontestablement une entorse au principe de l'égalité entre les candidats.

De même, il convient d'éviter les situations aberrantes et pénalisantes comme celle de l'année dernière : l'épreuve d'admissibilité au CAPES réservé de philosophie de l'académie de la Guadeloupe s'est déroulée à Paris du 19 au 21 février 1999, et l'épreuve d'admission le 26 février alors que, parallèlement, les épreuves du CAPES interne de philosophie étaient fixées les 23 et 24 février, en Guadeloupe. Ce quasi-chevauchement des dates n'a pas permis aux candidats venus en métropole pour le concours réservé de se présenter au concours interne. Ainsi, dans les faits, ils n'ont pu bénéficier des dispositions réglementaires qui prévoient la possibilité de participer aux deux concours, ce qui crée une discrimination insupportable. Nous espérons qu'avec votre projet de loi ces situations ne seront plus, désormais, qu'un mauvais souvenir.

Monsieur le ministre, je me réjouis des dispositions contenues dans votre texte pour résorber la précarité de l'emploi dans la fonction publique, tout en souhaitant que d'autres mesures soient rapidement envisagées pour


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que personne ne reste sur le bord de la route. Je voterai votre projet de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Christian Bourquin, dernier orateur inscrit.

M. Christian Bourquin.

Un projet de loi sur la résorption de la précarité dans la fonction publique n'est pas un texte sur la fonction publique en général, vous l'avez rappelé dans votre propos introductif, monsieur le ministre, et nous en sommes tous bien conscients. Pourtant, la tentation est grande pour les députés de faire l'amalgame.

En France, 10 % des emplois sont précaires, contre 2 % en 1980. Cela traduit un dérapage. La loi Perben de 1996 a été longuement évoquée à cette tribune, mais elle n'a pas été totalement efficace pour résorber la précarité, qui concerne aujourd'hui au moins 100 000 personnes dans la fonction publique en général.

P ermettez-moi d'évoquer maintenant les avancées nécessaires dans la fonction publique territoriale, domaine que je connais tout particulièrement et auquel je m'intéresse à titre personnel. Cette fonction publique territoriale, c'est 1 600 000 agents et - c'est là sa particularité 6 0 000 employeurs : maires, SIVOM, établissements intercommunaux, conseils généraux et conseils régionaux.

La situation est très différente lorsque l'Etat est le seul employeur. En outre, on recense aujourd'hui plus de 270 métiers dans la fonction publique territoriale, au lieu de 250 il y a de cela à peine trois ans. C'est dire l'évolution qu'a connue ce secteur et la difficulté qu'il y a à s'en occuper.

Au-delà de la résorption de l'emploi précaire, point central du projet de loi, je voudrais insister sur la nécessité de s'attaquer également aux causes, aux dysfonctionnements, aux mécanismes qui engendrent la précarité, du moins aux risques de reconstitution de l'emploi précaire.

Par mon propos, je voudrais vous alerter sur un point : la nécessité de planifier le recrutement massif prévu pour les dix à douze ans à venir, dû au fait que 35 à 40 % des agents de la fonction publique, en particulier territoriale, vont partir à la retraite. Si on ne planifie pas, on connaîtra la pénurie des recrutements. C'est un autre schéma que celui qu'on a connu jusqu'à présent. Cela peut étonner, mais c'est ainsi. Or qui dit pénurie dans le cadre statutaire ouvre la voie à la contractualisation, et donc à la précarité.

Quelle est la situation selon les catégories d'emplois ? Pour le cadre C, il n'y a pas de problème, ni au niveau municipal ni au niveau départemental, car le recrutement est direct dans la fonction publique territoriale. Il s'agit d'ailleurs d'une situation très atypique puisque, dans les autres fonctions publiques, les agents du cadre C sont recrutés par concours.

Par contre, un problème réel se pose pour les agents des catégories B et A, dont le recrutement se fait exclusivement par concours. Il y a donc lieu de réguler l'ouverture des postes. Et la difficulté, c'est que l'on a affaire à 60 000 interlocuteurs. Il faut donc prévoir et organiser, c'est vous qui l'avez dit, monsieur le ministre. Il faut une politique cohérente et maîtrisée. Il faut planifier, et il est important de définir le niveau de pertinence pour cette planification, comme vous l'avez fait à l'échelon national en créant un observatoire cet été.

De l'avis de tous les observateurs et de tous les experts, c'est le niveau régional, au sens géographique, qui apparaît le plus pertinent. Régional, parce que la formation l'est déjà avec le CNFPT. Régional, parce que les concours des cadres A et B sont au moins régionaux ou interdépartementaux, via le CNFPT et les centres de gestion, notamment pour la catégorie B. Régional, parce que le besoin de mobilité ne peut s'exprimer départementalement, ce cadre étant trop étriqué.

L'esprit de mon propos, sur ce sujet précis, est qu'il faudrait créer une coordination de l'ensemble des acteurs du recrutement, qui pourrait prendre la forme de ce que j'appellerai une « conférence régionale pour l'emploi », lieu informel de coordination, d'ailleurs préconisé par le rapport Mauroy.

Ce lieu informel de coordination et d'échange d'informations entre tous les acteurs - CNFPT, centres de gestion des départements de la région concernée, collectivités non affiliées - pourrait ouvrir la voie à une planification et donc à une gestion prévisionnelle de l'emploi public des collectivités territoriales. C'est d'ailleurs le sens de l'amendement que je propose à l'article 13-2.

L'objectif, clairement identifié, est, je le rappelle, de s'attaquer à un des mécanismes qui produisent de la précarité.

Mais il y a d'autres mécanismes à repérer. C'est pourquoi je vous propose un autre amendement visant à assouplir les délais de validité des concours en les portant de deux à trois ans. Trois ans, ce n'est pas parfait. Il y a quelques années, c'était cinq ans. Mais on ne peut contineur avec la méthode des « reçus-collés ». Dans certaines filières, un délai de deux ans est beaucoup trop court et il est d'autant plus nécessaire d'y remédier que, dans la fonction publique en général, la fonction publique d'Etat, un concours est pratiquement valable à vie.

Telle sera, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma contribution à notre réflexion et aux avancées de cette loi. Nous sommes tous bien conscients que nous n'échapperons pas à un grand débat sur la fonction publique territoriale, sur la décentralisation au vu des propositions du rapport Mauroy, et aussi - j'y suis très attaché - sur la formation et le CNFPT. Ce débat, je souhaite que nous l'ayons le plus tôt possible.

Mais j'ai une certitude : en votant cette loi, nous ferons avancer la fonction publique en général, la fonction publique territoriale en particulier, et surtout le service public. Au nom de tous les personnels à qui cette loi est destinée, je dis un grand merci à ceux qui la voteront.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Mesdames, messieurs les députés, je veux d'abord vous remercier de votre participation à cette discussion générale. Nous allons dans quelques instants aborder l'examen des amendements, qui me permettra de répondre précisément et concrètement aux nombreuses questions que vous m'avez posées. Je ne vais donc pas me lancer maintenant dans des explications qui ne pourraient que faire double emploi avec celles que je vous donnerai à cette occasion.

Je comprends que plusieurs d'entre vous aient regretté de devoir travailler aussi rapidement sur ce texte, et je veux vous dire combien j'en suis désolé. Mais regardez la chronologie : au mois de juillet, je signais un accord ; au mois de septembre, les conseils supérieurs concernés délibéraient positivement ; au mois d'octobre, le conseil des ministres adoptait le projet ; au début du mois de novembre, le Sénat était saisi et, à la fin novembre, l'Assemblée nationale l'est à son tour.


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Ces délais sont bien sûr très serrés, mais vous savez que le plan précédent prend fin le 16 décembre. Il était donc absolument nécessaire d'assurer la continuité, même si beaucoup de dispositions s'inscrivent dans l'approfondissement et même souvent dans la nouveauté par rapport au texte antérieur.

Craignant de ne pouvoir le faire dans la discussion des amendements, je m'adresserai dès à présent à M. Hoarau et à M. Andy, qui se sont fait l'écho des préoccupations légitimement très fortes exprimées dans les départements d'outre-mer sur le problème de la précarité. Ils le savent, le texte que je souhaite voir adopter répond en grande partie, sur le principe, à ces préoccupations puisqu'il ouvre la possibilité de titularisations, mais au libre choix des collectivités territoriales.

Dans les départements d'outre-mer, et tout particulièrement à la Réunion, les modalités de rémunération des fonctionnaires titulaires, qui diffèrent de celles de la métropole, entraînent un surcoût pour ces collectivités. Il s'agit donc d'un problème de moyens, quand elles souhaitent exercer leur libre choix ou quand elles doivent faire face à des obligations législatives.

Ce problème se pose aussi à la Guadeloupe. Je vous ferai parvenir dans quelques jours, monsieur Andy, des réponses précises à vos questions précises sur le nombre de personnes qui étaient concernées par le précédent plan et de celles qui le seront éventuellement par celui-ci.

A la Réunion surtout, la question du dialogue entre les responsables locaux et les organisations syndicales est décisive. Quand l'Etat peut aider à ce dialogue, il le fait localement ou même nationalement. De nombreuses rencontres ont eu lieu ces derniers temps. Elles sont sur le point d'aboutir. Je souhaite que chacun fasse l'effort nécessaire pour mettre fin à des situations de précarité massive qui ne sont bonnes ni pour les collectivités territoriales, ni pour les personnes concernées.

Voilà, madame la présidente, les quelques réflexions que je souhaitais livrer à l'Assemblée à ce stade du débat.

Avant que nous n'abordions l'examen des articles, je vous demanderai de bien vouloir m'accorder une suspension de quelques minutes.

Mme la présidente.

Bien volontiers, monsieur le ministre.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures quarante.)

Mme la présidente.

La séance est reprise.

Discussion des articles

Mme la présidente.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9 du règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Article 1er

Mme la présidente.

Je donne lecture de l'article 1er :

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES A LA RÉSORPTION DE L'EMPLOI PRÉCAIRE C HAPITRE Ier Dispositions concernant la fonction publique de l'Etat

« Art. 1er . - I. - Par dérogation à l'article 19 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, et sous réserve des dispositions de l'article 2 ci-dessous, peuvent être ouverts, pour une durée maximum de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, des concours réservés aux candidats remplissant les conditions suivantes :

« 1o Justifier avoir eu, pendant au moins quatre mois au cours de la période de douze mois précédant la date du 10 juillet 2000, la qualité d'agent non titulaire de droit public de l'Etat ou des établissements publics locaux d'enseignement, recruté à titre temporaire et ayant exercé des missions dévolues aux agents titulaires ;

« 2o Avoir été, durant la période de quatre mois définie au 1o , en fonctions ou avoir bénéficié d'un congé en application du décret pris sur le fondement de l'article 7 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 précitée ;

« 3o Justifier, au plus tard à la date de nomination dans le corps, des titres ou diplômes requis des candidats au concours externe d'accès au corps concerné ou, pour l'accès aux corps d'enseignement des disciplines technologiques et professionnelles, des candidats au concours interne. Les candidats peuvent obtenir la reconnaissance de leur expérience professionnelle en équivalence des conditions de titres ou diplômes requises pour se présenter aux concours prévus par le présent article. Un décret en Conseil d'Etat précise la durée de l'expérience professionnelle prise en compte en fonction de la nature et du niveau des titres ou diplômes requis.

« 4o Justifier, au plus tard à la date de clôture des inscriptions au concours, d'une durée de services publics effectifs au moins égale à trois ans d'équivalent temps plein au cours des huit dernières années.

« II. - Peuvent également être ouverts, pendant une durée maximum de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi, des concours réservés aux candidats, recrutés à titre temporaire et ayant exercé des missions dévolues aux agents titulaires, qui satisfont aux conditions fixées aux 2o , 3o et 4o du I et remplissent l'une des conditions suivantes :

« justifier avoir eu, pendant la période définie au 1o du I, la qualité d'agent non titulaire de droit public des établissements publics de l'Etat, autres que les établissements publics locaux d'enseignement et que ceux à caractère industriel et commercial, mentionnés à l'article 2 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

« justifier avoir eu, pendant la même période, la qualité d'agent non titulaire des établissements d'enseignement figurant sur la liste prévue à l'article 3 de la loi no 90-588 du 6 juillet 1990 portant création de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

« Les fonctions exercées par les intéressés doivent correspondre à des emplois autres que ceux mentionnés à l'article 3 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 précitée ou que ceux prévus par toute autre disposition législative excluant l'application du principe énoncé à l'article 3 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 précitée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

« III. - Les concours réservés prévus aux I et II sont organisés pour l'accès à des corps de fonctionnaires dont les statuts particuliers prévoient un recrutement par la voie externe. En outre, les corps d'accueil de catégorie A concernés sont ceux mentionnés à l'article 80 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 précitée.

« Pendant une durée maximum de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi, l'accès des candidats remplissant les conditions fixées au I aux corps des fonctionnaires de l'Etat classés dans la catégorie C prévue à l'article 29 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut se faire, sans préjudice des dispositions prévues à l'article 12 ci-dessous, par la voie d'examens professionnels, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat.

« Les candidats ne peuvent se présenter qu'aux concours ou examens professionnels prévus par le présent article donnant accès aux corps de fonctionnaires dont les missions, telles qu'elles sont définies par les statuts particuliers desdits corps, relèvent d'un niveau de catégorie au plus égal à celui des fonctions qu'ils ont exercées pendant une durée de trois ans au cours de la période de huit ans prévue au 4o du I. »

M. Paillé a présenté un amendement, no 72, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du I de l'article 1er , après les mots : "à compter de la date de publication de la présente loi", insérer les mots : "sur des emplois vacants ou des emplois créés par les lois de finances, notamment par transformation des supports budgétaires affectés à la prise en charge des agents non titulaires". »

Cet amendement est-il défendu ?

M. Georges Tron.

Oui, madame la présidente.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j'émettrai un avis défavorable, car les modalités de financement des postes relèvent de la loi de finances. Bien entendu, ce sujet a été évoqué dans le protocole du mois de juillet et le Gouvernement s'est engagé à prendre des dispositions pour la transformation des supports budgétaires, mais elles ne peuvent être abordées dans le présent projet de loi.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Cet amendement touche à une question que M. Paillé a évoquée dans la discussion générale, mais sa traduction juridique dans ce texte ne serait pas opportune car un tel sujet doit être traité par la loi de finances et non par des dispositions législatives pérennes.

Je tiens néanmoins à indiquer à M. Paillé - là où il est, il m'entendra (Sourires) - que l'une des grandes différences entre les moyens pris pour l'application du plan Perben et ceux destinés à la mise en oeuvre de celui-ci réside dans notre volonté de faire en sorte que les titularisations se fassent, le plus possible, par transformation des dotations destinées à payer des vacataires et des contractuels, en crédits finançant de postes budgétaires. Cela nous semble la meilleure manière d'éviter la reconstitution de la précarité. En effet, si les administrations ne disposent plus des crédits pour payer des vacataires, elles ne peuvent plus les embaucher. Inversement la création de postes permettra des titularisations.

A titre d'exemple, le projet de loi de finances pour 2001 prévoit la création de 5 000 postes dans ce but et je crois pouvoir vous dire que, dans les années qui viennent, la tendance sera d'opérer deux tiers des titularisations par transformation de crédits en postes budgétaires.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

72. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Caullet, rapporteur, a présenté un amendement, no 19, ainsi rédigé :

« I. - Dans le deuxième alinéa (1o ) du I de l'article 1er , substituer au nombre : "quatre", le nombre : "deux".

« II. - En conséquence, dans le troisième alinéa (2o ) du I de cet article, substituer au nombre : "quatre", le nombre : "deux". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Ainsi que je l'ai indiqué dans mon exposé, il s'agit de revenir au texte initial du Gouvernement prévoyant que, dans la période considérée, la condition de présence, requise pour les agents publics contractuels susceptibles d'être titularisés dans la fonction publique d'Etat, est de deux mois, au lieu de quatre comme le prévoit le texte du Sénat. D'autres conditions permettent de répondre aux préoccupations qui ont conduit ce dernier à allonger ce délai.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Favorable !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

19. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

MM. Vila, Billard, Gerin et les membres du groupe communiste, ont présenté un amendement, no 59, ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa (1o ) du I de l'article 1er , après les mots : "de droit public", insérer les mots : "ou de droit privé". »

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Cet amendement pose une question à laquelle j'aimerais obtenir une réponse précise : que vont devenir les jeunes qui souhaitent être intégrés dans la fonction publique si on ne leur offre pas les mêmes conditions que celles prévues dans l'article 1er ? En effet, ils sont actuellement employés sous contrat de droit privé. Je vous rappelle d'ailleurs que lors de l'examen du projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes, mon groupe n'avait pas caché son hostilité à cette solution, mais, en 1999, on nous avait répondu qu'il n'y avait pas de problème. Or ils vont être exclus de fait parce qu'ils ne sont pas sous contrat de droit public alors qu'ils exercent une activité d'intérêt général.

Faut-il aller vers la reconnaissance ou vers la qualification d'un nouveau corps dans la fonction publique ? Pourquoi pas, mais je souhaiterais connaître votre engagement sur ces questions, monsieur le ministre.

Mme la présidente.

Monsieur Vila, peut-être pourriezvous ajouter à cette présentation celle de l'amendement suivant, no 60, qui propose la même solution pour les contrats aidés ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

M. Jean Vila.

Volontiers.

Mme la présidente.

MM. Vila, Billard, Gerin et les membres du groupe communiste, ont en effet également présenté l'amendement no 60, qui est ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa (1o ) de l'article 1er , après les mots : "de droit public", insérer les mots : "ou de contrats aidés". »

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Il s'agit, par cet amendement, d'intégrer au dispositif les personnels embauchés sous contrats aidés au titre des aides à l'emploi. Nous souhaitons, par souci de justice sociale et d'égalité des chances, que tous ces personnels puissent, au même titre et dans les mêmes conditions, accéder aux concours et examens professionnels des cadres d'emploi existants et à venir.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Ces deux amendements n'ont pas été examinés par la commission.

Bien que je partage les préoccupations de leurs auteurs concernant à la fois les emplois-jeunes et les contrats aidés, j'émets un avis défavorable pour des raisons de forme puisqu'ils dépassent le cadre du protocole sur l'équilibre duquel est bâti le projet de loi dont nous débattons.

Cela étant, je sais, monsieur le ministre, que le protocole a prévu la mise en place d'un groupe de travail sur les emplois-jeunes. Cependant, faisant référence à des propos tenus à la tribune par des membres de l'opposition, je souhaite aussi qu'il y ait une certaine vigilance dynamique à propos des contrats aidés, afin qu'ils remplissent bien leur objet. S'ils doivent éventuellement déboucher sur un accès à la fonction publique, cela ne doit pas pour autant créer d'iniquités entre ceux qui en auraient bénéficié et d'autres qui voudraient accéder à la fonction publique, soit par la voie interne, soit directement.

J'espère aussi que le groupe de travail sur les emploisjeunes débouchera sur des solutions positives et prospectives favorables à ces jeunes.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Cette intervention sur les amendements présentés par M. Vila me permettra aussi de répondre à certaines questions posées dans la discussion générale, notamment par M. Cardo.

Je souligne d'abord qu'aucun des deux cas visés par ces amendements n'est traité dans le protocole d'accord signé avec les organisations syndicales, même si plusieurs d'entre elles avaient souhaité que ces questions soient abordées et réglées dans ce cadre. Cela ne signifie pas pour autant que nous n'avons pas à en parler ce soir.

En ce qui concerne les emplois-jeunes, vous savez que le Gouvernement travaille actuellement à la mise au point d'un dispositif permettant de sortir progressivement de cette formule tout en portant une attention particulière à l'avenir des jeunes filles et des jeunes garçons qui les occupent. Il convient notamment de les préparer, par la formation et par l'ouverture de possibilités d'accès à des concours, à entrer dans la fonction publique s'ils le souhaitent, tout en réfléchissant aussi à la question du devenir des fonctions qu'ils remplissent. Je pense en particulier au système éducatif, puisque les emplois-jeunes sont nombreux dans l'éducation nationale, où ils ont fait apparaître des besoins nouveaux dont il serait difficile de ne plus tenir compte à l'avenir.

Des propositions seront prochainement présentées à ce sujet par le Gouvernement, qui essaiera d'apporter des réponses que je crois précises et concrètes aux préoccupations exprimées.

J'en viens aux contrats dits aidés : CES et CEC.

M. Pierre Cardo.

Les emplois-jeunes sont aussi des emplois aidés.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Certes, mais ils l'ont été dans un cadre particulier et pour une catégorie de population spécifique : les jeunes, ceux-ci remplissant ainsi souvent, dans l'éducation nationale, par exemple, des fonctions de jeunes que l'on verrait mal être exercées par un emploi-moins jeune, par un emploi un petit peu vieux, voire par un emploi-vieux.

(Sourires.)

Dans une cour d'école, les intéressés ont comme caractéristique d'être en quelque sorte les grands frères ou les grandes soeurs de ceux qui y sont. On ne joue pas exactement le même rôle lorsqu'on a un âge plus élevé, ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas s'attacher à l'avenir de ceux et celles qui occupent ces postes.

Cela étant, la question des CES et des CEC a été abordée au cours des discussions avec les organisations syndicales. Je puis donc vous indiquer que, si vous en êtes d'accord, nous allons supprimer l'obligation de concours pour l'embauche de titulaires de la catégorie la plus basse, la catégorie C qui recouvre surtout des emplois correspondant aux qualifications des intéressés.

Ainsi, tant dans les collectivités territoriales où cette possibilité existe déjà que dans la fonction publique d'Etat où elle va être ouverte, sera offerte une certaine souplesse particulièrement bien adaptée aux situations des femmes ou des hommes qui remplissent aujourd'hui ces emplois.

Par ce biais, ils pourraient pérenniser leurs fonctions et leur présence dans la fonction publique.

Telle est, monsieur le député Vila, la solution qui me paraît la mieux adaptée, et telle est la réponse que je me permets de vous donner.

Mme la présidente.

La parole est M. Georges Tron.

M. Georges Tron.

Je voulais m'exprimer contre l'amendement de M. Vila, non pas que je ne partage pas les inquiétudes qu'il a évoquées, mais il aurait été un peu rapide de ne traiter le problème des emplois-jeunes et des emplois aidés que par le seul biais d'un amendement à ce texte.

J'ai bien entendu vos explications, monsieur le ministre. Nous aurons donc l'occasion de reparler et des emplois-jeunes et des emplois aidés, puisque vous les distinguez, ce que je comprends. Je tiens tout de même à préciser que nous ne pourrons pas nous satisfaire, même si c'est un élément de réponse, de vos propos sur la suppression des concours pour la catégorie C qui peut effectivement ouvrir un moyen d'intégration dans la fonction publique. En effet, cette décision aura des conséquences, surtout s'agissant des emplois-jeunes.

D'ores et déjà, dans nos collectivités, puisque nous sommes presque tous des élus locaux, plusieurs syndicats nous ont fait part de leurs inquiétudes. Ils craignent que cette intégration ne porte préjudice au déroulement de la carrière de tous les autres.

Le problème à régler est très vaste, très complet, très précis. Il faudra faire preuve de beaucoup de vigilance, afin que les fonctionnaires déjà en place ne soient pas pénalisés.

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Cardo.


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M. Pierre Cardo.

Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que, par définition, les emplois-jeunes sont faits pour des jeunes. J'entends bien, mais les CEC, eux, ne concernent que les adultes et les CES intéressent toutes les tranches d'âge.

Lors de la création de ce type de contrat aidé, car les emplois-jeunes en sont tout de même bien qu'ils soient de droit privé. En effet, leurs bénéficiaires ont essentiellement été embauchés pour exercer des fonctions de service public ou de service public délégué.

J'ai toujours été un peu surpris, compte tenu de mon expérience des quartiers, que l'on considère que seuls les grands frères, donc des jeunes, étaient aptes à assurer la médiation sur le terrain, cette nouvelle exigence de notre société dont on a ressenti le besoin dans l'éducation nationale et dans d'autres secteurs associatifs. On a donc créé les emplois-jeunes pour développer le lien social et réduire les tensions.

Je dirais même que cela me sidère, car ce choix recèle bien des dangers. On connaît le rôle exorbitant que jouent certains jeunes dans un grand nombre de secteurs, notamment dans les quartiers. Or on le renforce en reconnaissant, par la mise en place des emplois-jeunes, qu'eux seuls peuvent exercer une telle fonction. Cela m'a toujours choqué.

Par ailleurs, lors de leur création, on a demandé aux communes qui voulaient utiliser des emplois-jeunes de bien prévoir leur avenir et de penser à leur solvabilisation.

A mon sens, cela ne saurait signifier seulement qu'on va leur permettre, par le biais de concours ou par d'autres voies, d'intégrer enfin la fonction publique. Heureusement qu'ils en ont le droit ! Cela ne me surprend pas. En revanche, quid de leur création et de leur maintien ? Depuis leur création, de nouvelles fonctions ont été générées dans les fonctions publiques d'Etat, territoriale ou hospitalière. Si elles sont devenues incontournables, pourquoi ne sont-elles pas reconnues comme des fonctions à par entière ? Et pourquoi se pose-t-on uniquement la question de savoir comment les intéressés pourront un jour intégrer la fonction publique, sans s'interroger préalablement sur la budgétisation de ces emplois dans le cadre où ils se situent, c'est-à-dire sur l'augmentation des budgets des fonctions publiques d'Etat, territoriale ou hospitalière, afin de pérenniser ces postes qui ne pourront pas disparaître demain puisqu'on se rend bien compte qu'ils sont désormais indispensables ? Je ne suis donc pas vraiment satisfait par ce texte qui, voulant lutter contre la précarité - ce qui est fort bien -, n'envisage la pérennisation des contrats aidés, qu'ils soient CES ou emplois-jeunes, que par le biais des budgets sociaux. Il vaudrait mieux considérer qu'il appartiendra à chaque structure qui les a recrutés de mettre en oeuvre, à un moment donné, les moyens de les maintenir puis dans une deuxième étape, de définir le cadre d'emploi.

Pour l'instant, rien n'est entrepris en ce sens et j'ai l'impression que l'on marche à côté du problème parce qu'on ne veut pas reconnaître la raison pour laquelle on les a créés et considérer qu'ils exercent des fonctions pérennes déjà reconnues. Il est évidemment plus facile d'utiliser des budgets de la direction du travail, des crédits d'insertion pour justifier le fait que l'on sous-paye des personnes qui ont souvent des qualifications supérieures aux emplois qu'elles occupent. Dans la mesure où on parle de réinsertion, cela excuse tout ! J'estime au contraire que l'on n'a pas à excuser ce genre de comportement et que la fonction publique devrait revaloriser et reconnaître ces postes en les traitant autrement.

Mme la présidente.

Monsieur Vila, maintenez-vous vos deux amendements ?

M. Jean Vila.

Oui.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

59. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

60. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

MM. Vila, Billard, Gerin et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 61, ainsi rédigé :

« Dans la deuxième alinéa (1o ) du I de l'article 1er , substituer aux mots : "de l'Etat ou des établissements publics locaux d'enseignement", les mots : "de droit privé de l'Etat ou des établissements publics locaux d'enseignement ou des établissements publics à caractère industriel et commercial". »

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Avec cet amendement, vous l'avez compris, monsieur le ministre, nous demandons que soit pris en compte, pour l'application du dispositif en discussion, les non-titulaires de droit privé et de droit public au sein des établissements publics à caractère industriel et commercial, notamment La Poste.

En effet, l'effectif en activité dans les services de La Poste exprime, si besoin était, une tendance certaine à la précarisation du travail. Nous ne pouvons comprendre que, a priori, les agents concernés soient exclus de l'application des mesures proposées par ce texte. En effet, rien ne justifie cette mise à l'écart, d'autant que, dans le cadre de l'accord sur la réduction du temps de travail à La Poste, il est prévu que 50 % du personnel contractuel exercera ses fonctions à temps complet.

Il existe peut-être d'autres justifications à ce refus, mais je suis au regret de dire, monsieur le ministre, que la réponse que vous avez formulée au Sénat le 22 novembre ne m'a pas convaincu. Que six organisations syndicales sur sept aient signé le protocole d'accord est un fait, mais il est douteux que ces mêmes signataires n'aient pas eu le souci de la situation des postiers, comme vous l'avez laissé entendre. J'ai d'ailleurs reçu les syndicats à ce sujet.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Cet amendement n'a pas été non plus examiné par la commission, mais, à titre personnel, j'émets un avis défavorable pour des raisons de champ d'application du protocole.

Je sais bien que l'on va retrouver fréquemment cet argument, mais je l'ai pris comme thème général de la présentation du texte et je m'en tiens là.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Même avis, pour les mêmes raisons, mais je ne voudrais surtout pas qu'il subsiste la moindre ambiguïté, monsieur Vila : ce n'est pas parce qu'une disposition n'est pas dans le protocole d'accord qu'aucune organisation syndicale n'a appelé l'attention sur elle ni demandé qu'elle y figure. Mais, à l'issue d'une négociation de cette


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nature, l'accord se fait sur un texte, que chacun considère comme équilibré même s'il ne correspond pas à l'idéal que toutes les organisations syndicales auraient souhaité atteindre.

Je peux donc vous assurer que plusieurs d'entre elles ont évoqué la situation des postiers. Néanmoins, le texte visé ne concerne pas les établissements publics industriels et commerciaux. C'est la raison pour laquelle il ne prend pas La Poste en compte.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

61. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

L'amendement no 38 n'est pas défendu.

M. Paillé a présenté un amendement, no 71, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa (4o ) du I de l'article 1er par la phrase suivante :

« Pour l'appréciation de cette dernière condition, les périodes de travail à temps non complet correspondent à une durée égale ou supérieure au mitemps sont assimilées à des périodes de temps plein, les autres périodes de travail à temps non complet sont assimilées aux trois quarts du temps plein. »

La parole est à M. Pierre Cardo, pour présenter cet amendement.

M. Pierre Cardo.

Cet amendement propose de préciser le mode de calcul de la durée de travail au sein de services publics dont doivent justifier les candidats aux concours réservés.

En effet, dans certains secteurs, notamment dans l'enseignement, les conditions imposées aux agents non titulaires recrutés à temps partiel, tels que les vacataires recrutés sur 200 heures à l'année, ne leur permettront que très difficilement de remplir les conditions d'ancienneté prévues par la loi. L'accès aux concours réservés resterait donc, pour ces derniers, largement théorique, alors même qu'ils auront participé pendant plusieurs années au service public.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. En revanche, l'amendement no 38 dont nous n'avons pas discuté et qui portait sur le même objet l'a été. Il a d'ailleurs été repoussé par la commission au motif que l'élargissement général des conditions de calcul de l'ancienneté par alignement sur une modalité extrêmement particulière relative à l'enseignement présentait des difficultés. En effet, chacun a pu constater que le dispositif proposé avait un caractère extrêmement particulier et qu'il était difficile d'en envisager l'extension à l'ensemble des fonctions publiques, sauf à élargir considérablement la base de l'accord.

C'est pour cette raison que je reporte sur cet amendement l'avis défavorable émis par la commission.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Même avis.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

71. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Caullet, rapporteur, a présenté un amendement, no 20, ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa du II de l'article 1er , après les mots : "la période", insérer les mots : "de deux mois". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement de coordination ramenant également à deux mois, au lieu de quatre mois comme l'a souhaité le Sénat, la durée de présence durant la période considérée.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

20. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

MM. Vila, Billard, Gerin et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 62, ainsi libellé :

« Après les mots : "d'agent non titulaire de droit public", rédiger ainsi la fin du deuxième alinéa du II de l'article 1er : "ou de droit privé ou de contrats a idés des établissements publics mentionnés à l'article 2 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ainsi que des établissements publics à caractère industriel ou commercial, ou d'agent non-titulaire des établissements d'enseignement figurant sur la liste prévue à l'article 3 de la loi no 90-588 du 6 juillet 1990 portant création de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, assurant des missions de service public dévolues aux agents titulaires". »

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Compte tenu du sort réservé à notre précédent amendement, je le retire.

Mme la présidente.

L'amendement no 62 est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par les amendementes adoptés.

(L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente.

L'amendement no 39 portant article additionnel après l'article 1er n'est pas défendu.

Article 2

Mme la présidente.

« Art. 2. Pendant une durée maximum de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi, les candidats qui remplissaient les conditions fixées aux articles 1er et 2 de la loi no 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statuaire et qui exerçaient des fonctions autres que celles du niveau de la catégorie C peuvent accéder à un corps de fonctionnaires, par voie d'examen professionnel, selon les modalités définies par décret en Conseil d'Etat. Toutefois, pour l'application du présent article, les conditions fixées aux articles 1er et 2 de la loi no 96-1093 du 16 décembre 1996 précitée s'apprécient à la date du 16 décembre 2000.

« Les candidats mentionnés à l'alinéa précédent doivent en outre remplir les conditions suivantes :

« 1o Satisfaire aux conditions fixées aux 1o et 2o du I de l'article 1er de la présente loi ;

« 2o Justifier d'une durée de services publics effectifs complémentaire qui sera fixée par décret en Conseil d'Etat. »

Je suis saisie de deux amendements, nos 21 et 70, pouvant être soumis à une discussion commune.


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L'amendement no 21, présenté par M. Caullet, rapporteur, est ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 2, substituer aux mots : "aux articles 1er et 2", les mots : "aux 1o , 2o , 3o et 5o de l'article 1er et à l'article 2". »

L'amendement no 70, présenté par M. Paillé, est ainsi rédigé :

« I. Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 2, après le mot : "statuaire", insérer les mots : "à l'exclusion des conditions de titres fixées au 4o de l'article 1 de ladite loi".

« II. En conséquence, compléter l'avant-dernier alinéa (1o ) par les mots : "et justifier des titres et diplômes requis prévus au 3o du I de l'article 1er de la présente loi, dans les conditions précisées au dit article". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

21.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Cet amendement vise à lever une difficulté soulignée notamment par Mme Aubert dans la discussion générale. En effet, les conditions d'ancienneté imposées par la loi Perben auraient empêché ces maîtres auxiliaires de bénéficier du dispositif et d'intégrer la fonction publique. Il s'agit donc de leur permettre de faire valider leurs acquis professionnels.

Il y avait une cohérence puisque le dispositif prévu souhaitait les intégrer mais une condition générale les en écartait. C'est donc une adaptation pour permettre à ces maîtres auxiliaires, dits MA 3, de rentrer dans le dispositif en validant leurs acquis professionnels par des examens professionnels.

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Cardo, pour défendre l'amendement no

70.

M. Pierre Cardo.

Il est défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Avis favorable sur l'amendement no 21 qui, sauf erreur de ma part, doit en grande partie donner satisf action aux auteurs de l'amendement no 70. Ce complément fort bien venu précise utilement le projet de loi et se situe très exactement dans l'esprit du protocole que nous avons signé avec les organisations syndicales.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

21. (L'amendement est adopté.)

M me la présidente.

En conséquence, l'amendement no 70 tombe.

M. Caullet, rapporteur, a présenté un amendement, no 22, ainsi rédigé :

« Dans le troisième alinéa (1o ) de l'article 2, substituer aux mots : "et 2o ", les mots : "2o et 3o ". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Amendement de conséquence.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

22. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 40 et 69.

L'amendement no 40 est présenté par MM. Marchand, Aschieri, Mme Aubert, MM. Cochet et Mamère ; l'amendement no 69 est présenté par M. Paillé.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans le dernier alinéa (2o ) de l'article 2, supprimer le mot : "effectifs". »

L'amendement no 40 n'est pas défendu.

L'amendement no 69 est-il défendu ?

M. Pierre Cardo.

Il l'est.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Avis défavorable, dans la mesure où la suppression de la référence à des services effectifs conduirait à une généralisation excessive qui nuirait à l'équilibre du texte.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Même avis.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

69. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

L'amendement no 41 n'est pas défendu.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 2

Mme la présidente.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 13 rectifié ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Les agents non titulaires mentionnés aux articles 1er et 2 de la présente loi, qui participent aux missions du service public de formation continue, ainsi que de formation et d'insertion professionnelles, dont les activités sont transférées à un groupement d'intérêt public constitué en application de l'article

L. 423-1 du code de l'éducation conservent le bénéfice des dispositions prévues auxdits articles. Les services accomplis par les intéressés après le transfert des activités sont retenus pour le calcul des conditions d'ancienneté prévues aux 1o et 4o de l'article 1er et de l'article 2 de la présente loi. »

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Cet amendement est un peu de même nature que celui qui a été précédemment adopté à l'initiative de la commission des lois, en ce qu'il s'inscrit parfaitement dans l'esprit du protocole d'accord.

Le but est de garantir, afin d'éviter toute difficulté d'application ultérieure, que les agents exerçant actuellement leurs activités dans des services de formation continue, notamment les GRETA, pourront bénéficier des dispoitions de la présente loi lorsque les missions accomplies par ces services seront confiées aux groupements d'intérêt public constitués en application de la loi du 10 juillet 1989.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

La commission avait émis un avis favorable sur l'amendement originel... Il ne peut qu'être plus favorable encore dans la mesure où il devient encore meilleur, une fois rectifié.

Mme la présidente.

Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes ! (Sourires.)

Je mets aux voix l'amendement no 13 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Article 3

Mme la présidente.

je donne lecture de l'article 3 : C HAPITRE II Dispositions concernant la fonction publique territoriale

« Art. 3. - Par dérogation à l'article 36 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, et pour une durée maximum de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi, les agents non titulaires des collectivités territoriales ou des établissements publics en relevant exerçant des fonctions correspondant à celles définies par les statuts particuliers des cadres d'emplois peuvent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, être nommés dans un cadre d'emplois de la fonction publique territoriale, selon les modalités fixées aux articles 4 et 5 ci-dessous, sous réserve qu'ils remplissent les conditions suivantes :

« 1o Justifier avoir eu, pendant au moins quatre mois au cours des douze mois précédant la date du 10 juillet 2000, la qualité d'agent non titulaire recruté en application de l'article 3 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ;

« 2o Avoir été, durant la période définie au 1o en fonctions ou avoir bénéficié d'un congé en application du décret pris pour l'application de l'article 136 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ;

« 3o justifier, au plus tard à la date de la proposition de nomination dans le cadre d'emplois pour les agents relevant de l'article 4, ou au plus tard à la date de la clôture des inscriptions aux concours pour les agents relevant de l'article 5, des titres ou diplômes requis des candidats au concours externe d'accès au cadre d'emplois concerné. Les intéressés peuvent obtenir la reconnaissance de leur expérience professionnelle en équivalence des conditions de titres ou diplômes requises pour se présenter aux concours prévus par le présent article. Un décret en Conseil d'Etat précise la durée de l'expérience professionnelle prise en compte en fonction de la nature et du niveau et des titres ou diplômes requis ;

« 4o Justifier, au plus tard à la date de la proposition de nomination dans le cadre d'emplois pour les agents relevant de l'article 4 ou au plus tard à la date de la clôture des inscriptions aux concours pour les agents relevant de l'article 5 d'une durée de services publics effectifs au moins égale à trois ans d'équivalent temps plein au cours des huit dernières années.

« Pour l'appréciation de cette dernière condition, les périodes de travail à temps non complet correspondant à une durée supérieure ou égale au mi-temps sont assimilées à des périodes à temps plein, les autres périodes de travail à temps non complet sont assimilées aux trois quarts du temps plein.

« Les cadres d'emplois ou, le cas échéant, les grades ou spécialités concernés par les dispositions du présent chapitre sont ceux au profit desquels sont intervenues des mesures statutaires prévues par le protocole d'accord du 9 février 1990 sur la rénovation de la grille des classifications et des rémunérations des trois fonctions publiques, ainsi que ceux relevant des dispositions de la loi no 961093 du 16 décembre 1996 précitée.» MM. Vila, Billard, Gerin et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 63, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article 3, substituer aux mots : "correspondant à celles définies par les statuts particuliers des cadres d'emplois", les mots : "exercées dans le cadre des missions permanentes du service public ". »

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Cet amendement permettrait d'élargir les conditions générales de titularisation des agents non titulaires des collectivités territoriales ou des établissements publics aux agents exerçant des fonctions dans le cadre des missions permanentes du service public mais qui ne correspondent peut-être pas aux fonctions définies par les statuts particuliers des cadres d'emplois.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

La commission n'a pas pu examiner cet amendement. Le problème est réel, mais, à titre personnel, je crois qu'il trouverait davantage sa solution dans une réflexion sur les cadres d'emploi, tirant les conséquences des évolutions constatées par les collectivités. Il est du reste à noter que la situation des intéressés n'est pas rendue plus défavorable, dans la mesure où ils peuvent continuer à être employés dans les mêmes conditions, sachant qu'il ne peut être fait appel à des titulaires.

Cela dit, le problème, je le répète, est réel. Peut-être M. le ministre pourra-t-il nous donner des indications complémentaires...

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Le critère des missions statutaires des cadres d'emplois est en effet inséparable de celui relatif à l'organisation des premiers concours de droit commun, qui fonde l'architecture d'ensemble du processus de titularisation dans la fonction publique territoriale.

Sa suppression, comme le propose cet amendement, apparaît donc en contradiction avec l'une des dispositions majeures du protocole du 10 juillet 2000 pour ce qui concerne la titularisation dans la fonction publique territoriale. On peut du reste s'interroger d'ailleurs sur les conséquences et l'applicabilité d'un tel amendement : les agents exerçant des missions ne correspondant pas à celle d'un cadre d'emploi existant ne pourraient par définition pas être titularisés en qualité de fonctionnaires.

Au demeurant, ce cas de figure est un de ceux pour lesquels la loi autorise le recours à des agents non titulaires, ce qui de fait le place hors du champ envisagé par le présent projet de loi.

Mme la présidente.

Maintenez-vous votre amendement, monsieur Vila ?

M. Jean Vila.

Oui, madame la présidente.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

63. (L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

Mme la présidente.

M. Caullet, rapporteur, a présenté un amendement, no 23, ainsi rédigé :

« I. Dans le deuxième alinéa (1o ) de l'article 3, substituer au mot : "quatre", le mot : "deux".

« II. En conséquence dans le troisième alinéa (2o ) de cet article, après les mots : "la période", insérer les mots : "de deux mois. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Retour au texte initial du projet de loi.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

23. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

MM. Vila, Billard, Gerin et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 64, ainsi rédigé :

« I. Dans la première phrase du quatrième alin éa (3o ) de l'article 3, après les mots : "aux concours", insérer les mots : "ou aux examens professionnels".

« II. En conséquence, procéder à la même insertion dans le cinquième alinéa (4o ) de cet article. »

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Cet amendement se propose d'ouvrir plus largement les possibilités d'intégration dans la fonction publique en prévoyant, outre l'ouverture de concours réservés, la mise en place d'examens professionnels.

J'ai déjà rappelé lors de la discussion générale la faiblesse des résultats du dispositif Perben ; je n'y reviens pas.

Dans la fonction publique territoriale, la situation est encore plus contrastée. Nous sommes pour notre part attachés à la spécificité de la fonction publique, à son sta tut, à ses modalités de recrutement sous la forme de concours. Mais, dans bien des cas, l'examen professionnel peut être une procédure appropriée, notamment dans les secteurs dans lesquels n'existent pas des cadres d'emplois ou dès lors que l'on tient compte de la validation des acquis professionnels. Il convient bien entendu de rester vigilant quant à l'application d'un tel principe. Aussi la mise en oeuvre de telles procédures doit-elle associer les représentants des personnels et l'ensemble des commissions paritaires dont le rôle est d'examiner la carrières des personnels. Nous ne devions pas craindre une telle ouverture pour des agents qui ont fait montre de leurs compétences dans l'exercice de leurs missions de service public.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

La commission n'a pas pu examiner cet amendement. Le problème évoqué par M. Vila, comme d'ailleurs tous ceux qu'il a soulevés, est tout à fait pertinent. Mais, pour l'essentiel, il suffit de vérifier que l'organisation des concours, qui, à ma connaissance, sera précisée par décret, ne jouera pas au détriment de gens dont le principal atout reste leur expérience professionnelle de service public, et qui se retrouveraient dans l'incapacité de faire valoir leurs compétences.

Vous visez le cas où des concours seraient conçus de telle sorte qu'ils en viendraient à dissuader certains personnels de s'y présenter, leur interdisant de fait d'intégrer la fonction publique. La solution, à mes yeux, passe davantage par l'adaptation des concours à ces situations, qu'il convient de garantir, que par l'ouverture que vous proposez. Vous-même reconnaissez les difficultés que celle-ci soulève au regard du principe de l'accès par concours à la fonction publique, que, pour ma part, j'entends défendre. Avis défavorable, sous réserve des précisions que pourra apporter M. le ministre.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Je suis favorable à la reconnaissance des acquis professionnels, tant il est vrai que des agents, en tant que contractuels ou vacataires, peuvent parfaitement, dans leur travail, avoir prouvé leurs compétences. Cela dit, j'entends rester très attentif à l'équilibre qui doit présider à l'intégration dans la fonction publique, le principe de base restant celui du concours. L'instauration d'une procédure supplémentaire d'examen professionnel ne pourrait que nuire à cet équilibre que le Gouvernement souhaite garantir entre l'objectif de résorption de l'emploi précaire et le respect du principe du concours en tant que voie d'accès de droit commun aux cadres d'emplois de la f onction publique territoriale. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

64. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 3, modifié par l'amendement no

23. (L'article 3, ainsi modifié, est adopté.).

Article 4

Mme la présidente.

« Art. 4. Les agents non titulaires remplissant les conditions énumérées à l'article 3 et qui ont été recrutés arpès le 27 janvier 1984 peuvent accéder par voie d'intégration directe au cadre d'emplois d ont les fonctions correspondent à celles au titre desquelles ils ont été recrutés et qu'ils ont exercées pendant la durée prévue au 4o de l'article 3, dans la collectivité ou l'établissement dans lequel ils sont affectés, sous réserve de remplir l'une des conditions suivantes :

« 1o Avoir été recrutés avant la date d'ouverture du premier concours d'accès audit cadre d'emplois organisé, dans le ressort de l'autorité organisatrice dont ils relèvent, en application des dispositions de l'article 36 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ;

« 2o Ou avoir été recrutés au plus tard le 14 mai 1996, lorsque, à la date de leur recrutement, les fonctions qu'ils exercaient correspondaient à celles définies par le statut particulier d'un cadre d'emplois pour lequel un seul concours a été organisé, dans le ressort de l'autorité organisatrice dont ils relèvent, en application des dispositions de l'article 36 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée.

« Les agents concernés par les dispositions du présent article disposent d'un délai de douze mois à compter de la notification de la proposition qui leur est faite pour se prononcer sur celle-ci. »

M. Dolez a présenté un amendement, no 42, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article 4, supprimer les mots : "dans la collectivité ou l'établissement dans lequel ils sont affectés". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

L'amendement est-il défendu ?

M. Bernard Derosier.

Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Non examiné ; à titre personnel, avis défavorable. Cet amendement tendrait à calculer la durée des services effectifs en prenant en compte l'ensemble des employeurs du contractuel, quand bien même celui-ci aurait été employé à titre précaire. Cette préoccupation est compréhensible ; nous en reparlerons d'ailleurs à l'occasion d'un autre amendement.

Le problème est que votre proposition méconnaît le fait qu'il n'est pas possible de savoir pour quelles raisons les contrats successifs ont été interrompus. Il peut s'agir de raisons de droit, comme l'impossibilité de reconduire le contrat ; mais il peut également s'agir de motifs d'une tout autre nature, à tel point qu'il pourrait être difficile de parler d'expérience acquise...

Pour cette raison, et parce que nous réaborderons plus loin ce problème sous une forme qui, elle, ne devrait pas poser de problèmes, j'émettrai un avis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Défavorable, pour les mêmes raisons.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Derosier.

M. Bernard Derosier.

Le rapporteur vient de donner son point de vue personnel. Je ne le partage pas, et pas davantage l'avis du Gouvernement, au demeurant sibyllin...

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Je ne suis pas sibyllin !

M. Bernard Derosier.

... mais identique. On peut avoir affaire à des collaborateurs de collectivités qui remplissent toutes les conditions, à ceci près qu'ils n'ont pas exercé leurs fonctions dans la même collectivité. L'objet de l'amendement de Marc Dolez est précisément de supprimer cette référence.

Et si vous craignez d'intégrer par ce biais des individus qui auraient tué père et mère, rappelons qu'ils sont tenus de fournir un extrait de casier judiciaire... La morale est donc sauve, et même le droit ! C'est la raison pour laquelle je persiste à défendre cet amendement.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

42. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Caullet, rapporteur, a présenté un amendement, no 79, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article 4, après les m ots : "ou l'établissement", insérer le mot : "public". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Amendement rédactionnel.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

79. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Dolez a présenté un amendement, no 43, ainsi rédigé :

« Compléter l'avant-dernier alinéa (2o ) de l'article 4 par la phrase suivante : "Il peut être tenu compte pour apprécier la condition d'ancienneté mentionnée au 4o de l'article 3 de la durée des contrats effectués pour le compte de la collectivité ou de l'établissement précédents." » La parole est à M. Bernard Derosier.

M. Bernard Derosier.

Il est défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Toujours non examiné, mais l'avis est cette fois-ci favorable - toujours à titre personnel, bien entendu ! L'objectif est de prendre en compte la durée des contrats passés avec la précédente collectivité. Compte tenu des durées d'ancienneté requises par le dispositif, cela suffit largement à régler l'ensemble des situations, d'autant que nous examinerons tout à l'heure d'autres dispositions qui permettront de n'exclure personne, hormis de rares parcours, très « pointillistes », caractérisés par une multitude de contrats passés avec divers employeurs pour des durées extrêmement courtes, et qui, pour le coup, poseraient problème. Mais en prenant l'employeur précédent, et moyennant les dispositions complémentaires que nous examinerons tout à l'heure, personne ne devrait être mis à l'écart.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Je m'en remets à la sagesse de M. Dolez, de M. Derosier, de M. votre rapporteur et de votre assemblée !

M. Pierre Cardo.

C'est chinois ! (Sourires.)

Mme la présidente.

Merci pour cette confiance ! Je mets aux voix l'amendement no

43. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 4

Mme la présidente.

M. Baert a présenté un amendement, no 44, ainsi rédigé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Dans le cas prévu à l'article L.

5125-21 du code général des collectivités territoriales, les agents non titulaires du syndicat de communes préexistant concernés se voient ouvrir la possibilité d'intégration directe prévue à l'article 4, quel que soit leur cadre d'emploi. »

La parole est à M. Bernard Derosier.

M. Bernard Derosier.

L'amendement est défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Non examiné par la commission. Il semble que les dispositions prévues par cet article additionnel existent déjà dans le droit en vigueur.

Si tel est bien le cas, il n'y a pas de raison...

M. Pierre Cardo.

Il semble ou il ne semble pas ? Il n'y aura pas de deuxième lecture !

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Je répète que je n'ai pas pu examiner cet amendement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

M. Pierre Cardo.

Il n'y a qu'à le voter. Cela ne coûte rien !

Mme la présidente.

Attendons l'avis du Gouvernement, monsieur Cardo...

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

A mon avis, il n'a pas de raison d'être, en ce sens qu'il est possible, dans le cas visé, de terminer le contrat. Voilà pourquoi j'ai pensé qu'il n'était pas utile de retenir cet amendement. Cela étant, la sagesse de l'Assemblée étant immense...

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

J'y suis défavorable, non pas que je sois indifférent au problème posé, mais parce que la rédaction de cet amendement, excessivement large, recouvre beaucoup plus de situations que celles auxquelles M. Baert souhaite remédier. Or l'article 38 de la loi du 12 juillet 1999 sur le renforcement de la coopération intercommunale prévoit précisément des réponses à ces situations très spéci fiques. Il n'est donc pas besoin d'adopter un amendement à la portée très large pour régler un problème particulier, qui trouve, comme l'indiquait votre rapporteur, sa solution dans le droit actuel.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Derosier.

M. Bernard Derosier.

Je retire cet amendement.

Mme la présidente.

L'amendement no 44 est retiré.

Article 5

Mme la présidente.

« Art. 5. Les agents non titulaires remplissant les conditions énumérées à l'article 3 et qui ont été recrutés après le 14 mai 1996 peuvent se présenter à des concours réservés, organisés pendant une période de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi à condition d'exercer, à la date de leur recrutement, des fonctions qui correspondent à celles définies par les statuts particuliers des cadres d'emplois pour lesquels un seul concours a été organisé, dans le ressort de l'autorité organisatrice dont ils relèvent, en application des dispositions de l'article 36 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée.

« Les intéressés doivent avoir exercé les fonctions définies au premier alinéa pendant la durée prévue au 4e de l'article 3 de la présente loi.

« Les concours réservés donnent lieu à l'établissement de listes d'aptitude classant par ordre alphabétique les candidats déclarés aptes par le jury.

« L'inscription sur une liste d'aptitude ne vaut pas recrutement.

« Tout candidat déclaré apte depuis moins de deux ans peut être nommé dans un des cadres d'emplois auxquels le concours réservé donne accès, dans les conditions fixées par la dernière phrase du quatrième alinéa de l'article 44 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, nonobstant le délai mentionné au premier alinéa de l'article 3. »

M. Bourquin a présenté un amendement no 49, ainsi libellé :

« Après le troisième alinéa de l'article 5, insérer les deux alinéas suivants :

« Le quatrième alinéa de l'article 44 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est ainsi rédigé :

« Toute personne déclarée apte depuis moins de trois ans ou si celui-ci est intervenu au-delà de ce délai, depuis le dernier concours peut être nommée dans un des emplois auxquels le concours correspondant donne accès ; la personne déclarée apte ne bénéficie de ce droit la deuxième et la troisième année que sous réserve d'avoir fait connaître son intention d'être maintenue sur ces listes au terme de l'année suivant son inscription initiale et au terme de la deuxième année. Le décompte de cette période de trois ans est suspendu le cas échéant durant l'accomplissement des obligations du service national et en cas de congé parental ou de maternité. »

La parole est à M. Christian Bourquin.

M. Christian Bourquin.

Cet amendement vise à porter de deux à trois ans le délai de validité des concours dans la fonction publique territoriale. Ainsi que je l'ai signalé à la tribune, nous l'avions ramené de cinq ans à deux ans.

C'est extrêmement court, notamment pour la catégorie A ou encore certains concours très spécifiques.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Non examiné, mais avis favorable. Cette proposition semble effectivement de nature à permettre une plus grande souplesse et concourt par voie de conséquence à résorber la précarité. Précisons que cela n'empêchera pas d'organiser des concours sans attendre que les listes d'aptitude soient épuisées. Il ne faudrait pas que cette disposition serve de prétexte à retarder l'organisation de concours. Mais il n'y a aucune raison que ce soit le cas.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Sagesse.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 49. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Caullet, rapporteur, a présenté un amendement, no 78, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa de l'article 5 par les mots : "de la présente loi". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Amendement rédactionnel.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

La modestie du rapporteur est tout à son honneur. C'est en fait un amendement fondamental, auquel le Gouvernement donne un avis favorable. (Sourires.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

78. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 5, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 5

Mme la présidente.

M. Caullet, rapporteur, a présenté un amendement, no 24 rectifié, ainsi rédigé :

« Après l'article 5, insérer l'article suivant :

« Pour les agents non titulaires recrutés dans une commune pour exercer des fonctions correspondant à celles définies par le statut particulier d'un cadre


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

d'emploi et qui sont affectés dans un établissement public de coopération intercommunale, en raison d'un transfert de compétences de la commune vers cet établissement public, à des fonctions correspondant au même cadre d'emplois, les conditions requises aux articles 3 à 5 s'apprécient sans préjudice de ce changement d'affectation. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

J'ai déjà évoqué lors de la présentation de mon rapport la nécessité d'éviter certains effets malencontreux qui pourraient naître de l'élan que connaît l'intercommunalité. En effet, la constitution d'une structure intercommunale, ou l'extension de ses compétences, peut amener certains personnels à changer d'employeur en suivant, en quelque sorte, le transfert de compétence de leur commune vers la structure intercommunale en question. Auquel cas, il serait particulièrement inique de ne pas prendre en compte l'ancienneté qu'ils avaient acquise dans le même métier, avant que la structure intercommunale ne prenne en charge cette compétence. Tel est le sens de cet amendement.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 24 réctifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

MM. Vila, Billard, Gerin et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 65, ainsi rédigé :

« Après l'article 5, insérer l'article suivant :

« Les agents non titulaires remplissant les conditions énumérées à l'article 3 de la présente loi et qui ont été recrutés au plus tôt trois ans avant la promulgation de la présente loi peuvent se présenter aux examens professionnels des cadres d'emplois dont les fonctions correspondent à celles au titre duquel ils ont été recrutés.

« Les conditions de nomination et de classement dans chacun des cadres d'emplois des agents bénéficiant des dispositions prévues aux articles 3 et 4 cidessus ainsi que de celles du présent article sont celles prévues par les statuts particuliers desdits cadres d'emplois pour les lauréats des concours internes sous réserve de dispositions particulières concernant la durée des stages fixée par décret en Conseil d'Etat. »

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Cet amendement complète notre précédent amendement en ce qu'il pose les modalités selon lesquelles doit se dérouler la procédure d'examen professionnel.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

En fait, bien que cet amendement n'ait pas été examiné par la commission, nous en avons déjà discuté dans la mesure où il s'agit de retenir la procédure d'examen professionnel comme mode de titularisation possible. C'est donc le même débat que celui que nous avons eu tout à l'heure. Voilà pourquoi j'ai le même avis défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Défavorable. C'est un amendement de conséquence de l'amendement no 63, que votre assemblée a déjà repoussé.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

65. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 5 bis

Mme la présidente.

« Art. 5 bis Les conditions de nomination et de classement dans chacun des cadres d'emplois des agents bénéficiant des dispositions prévues aux articles 3 à 5 sont celles prévues par les statuts particuliers desdits cadres d'emplois pour les lauréats des concours internes ou, lorsque l'accès au cadre d'emplois ne s'effectue pas par la voie de concours internes, celles prévues pour les lauréats des autres concours mentionnés à l'article 36 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ou pour les candidats recrutés dans les conditions prévues au d de l'article 38 de ladite loi, sous réserve de dispositions particulières concernant la durée des stages, fixées par décret en Conseil d'Etat. »

Je mets aux voix l'article 5 bis

(L'article 5 bis est adopté.)

Après l'article 5 bis

Mme la présidente.

MM. Gengenwin, Hillmeyer et Paillé ont présenté un amendement, no 68, ainsi rédigé :

« Après l'article 5 bis , insérer l'article suivant :

« I. Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 32 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, après les mots : "cinquante agents", sont insérés les mots : "titulaires ou non titulaires de droit public".

« II. Le sixième alinéa du même article est complété par les mots : "par l'ensemble des agents de la collectivité ou de l'établissement, quel que soit leur statut, de droit public ou de droit privé, dès lors qu'ils ont été recrutés pour une durée supérieure à trois mois pour répondre à un besoin autre que saisonnier ou occasionnel". »

La parole est à M. Pierre Cardo, pour soutenir cet amendement.

M. Pierre Cardo.

Cet amendement a pour objectif de permettre aux CES, CEC et emplois-jeunes d'intervenir dans la désignation des représentants du personnel au sein des comités techniques paritaires.

Après tout, ces organes traitent de leur condition et discutent notamment des conventions conclues entre l'Etat et les collectivités territoriales. En fait, ces contractuels, au motif qu'il s'agit de contrats aidés et qu'ils n'entrent pas dans le cadre de la fonction publique territoriale, n'ont aucune représentation réelle. Et pourtant, si l'on s'en réfère à des textes connus, à commencer par la Constitution de 1946 : « Tout travailleur participe par l'intermédiaire de ses délégués à la détermination des conditions de travail », on pourrait en déduire que ces contrats, même s'ils sont quelque peu en marge de la fonction publique, par le fait qu'ils y exercent des missions, devraient bénéficier des mêmes avantages que les autres.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Cet amendement, qui n'a pas non plus été examiné par la commission, traite de deux types de problèmes.


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D'abord, la création de CTP adaptés à chaque type de personnel relevant aujourd'hui des centres de gestion est possible explicitement dans le droit actuel. Cette partie de l'amendement est donc satisfaite.

Pour la deuxième, je partage votre préoccupation légitime : que ces personnels bénéficient d'une véritable représentation. Toutefois nous sommes là hors du champ du texte sur la précarité.

Par conséquent, à titre personnel, j'émets un avis défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Sur la deuxième préoccupation, celle dont le rapporteur a dit, à juste titre, qu'elle était hors du champ de la loi, je voudrais apporter quelques précisions à

M. Cardo.

Je pense qu'il est bien conscient que cette proposition est dérogatoire par rapport aux principes en vigueur quant à la représentation aux instances paritaires. Si on l'acceptait pour la fonction publique territoriale, il faudrait aussi le faire pour la fonction publique de l'Etat et, éventuellement, pour la fonction publique hospitalière, par souci d'égalité.

Je ne peux donner un avis favorable à cet amendement qui constituerait un bouleversement considérable pour nos collectivités - je parle en connaissance de cause - et ajouterait de la complexité à leur gestion.

Cela dit, lorsqu'il existe un comité technique paritaire, rien ne les empêche d'associer à la concertation, d'une manière ou d'une autre, des représentants de ces emploisjeunes ou de ces emplois aidés, afin qu'ils se sentent bien dans la collectivité. Au reste, très souvent, les représentants du personnel dans les comités techniques paritaires se font les porte-parole de leurs revendications, parce qu'ils ont à coeur de parler aussi des problèmes rencontrés par ces catégories de personnels.

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo.

Je vous remercie, monsieur le ministre, pour vos explications que je comprends bien, mais le problème méritait d'être soulevé.

Et j'essaie d'être logique avec moi-même. Je prétends et je crois que vous partagez mon opinion - qu'un grand nombre de CES, de CEC et d'emplois-jeunes remplissent depuis longtemps des fonctions qui devraient être rattachées à la fonction publique, d'Etat ou territoriale, qu'en réalité, il s'agit de faux emplois aidés, de faux emplois d'insertion ou de réinsertion, mais de véritables emplois, financés autrement.

Par conséquent, il est injuste qu'ils soient traités différemment des autres et que, pour l'instant ils restent sur des strapontins parce qu'on n'a pas trouvé d'autre solut ion budgétaire et statutaire poure ux. J'estimais qu'au moins, ils devaient être, pour ce qui est de la représentation syndicale, considérés de la même façon que les autres personnels.

Cela étant, le jour où le problème des emplois aidés sera enfin abordé clairement dans le cadre d'une réforme de la fonction publique - voilà pourquoi je parlais tout à l'heure de dépoussiérage - ce genre de question ne se posera plus.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

C'est exact : le jour où on aura réglé le problème, il n'y aura plus de problème ! (Sourires.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

68. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 5 ter

Mme la présidente.

« Art. 5 ter. - La dernière phrase du premier alinéa de l'article 63 de la loi no 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale est ainsi rédigée :

« Par dérogation au troisième alinéa de l'article 3 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, ces personnels peuvent bénéficier d'un contrat à durée indéterminée. »

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, inscrit sur l'article.

M. Jean-Yves Le Déaut.

L'article 5 ter et surtout l'amendement de notre collègue Jean-Yves Caullet, qui en propose une autre rédaction au nom de la commission des lois, permet de résoudre une difficulté majeure à laquelle un certain nombre de collectivités locales sont confrontées : il s'agit d'assurer, dans des conditions satisfaisantes, la réintégration, au sein d'une collectivité publique, d'agents qui appartiennent à une association de droit privé et qui assurent des missions de service public pour le compte de celle-ci.

Le cadre juridique actuel, cela a été dit au Sénat comme à l'Assemblée nationale, n'est pas satisfaisant.

D'abord, les modalités de nomination après concours ne sont pas du tout attractives, puisque l'ancienneté dans le secteur privé, auquel leur situation est assimilée, n'est pas, ou très peu, prise en compte - un maximum de quatre années est possible dans la filière sociale, ce qui, pour des agents ayant quinze, vingt ou vingt-cinq ans d'ancienneté, est injuste et démoralisant.

Ensuite, le seul dispositif juridique qui existe actuellement, à savoir l'article 63 de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, n'offre d'autre possibilité que de proposer des contrats à durée déterminée, prenant mal en compte l'expérience professionnelle.

Le département de Meurthe-et-Moselle est particulièrement concerné par l'évolution législative qui est proposée ici. L'association de gestion des personnels privés des affaires sanitaires et sociales, l'AGEPPASS, a été créée en 1984, et compte encore quelque 300 agents. A la suite d'un contrôle effectué par la chambre régionale des comptes de Lorraine, en juillet 1999, la réintégration des agents au sein du conseil général de Meurthe-et-Moselle est donc devenue une priorité.

La chambre régionale des comptes nous demandait de faire cesser les dysfonctionnements caractéristiques d'une gestion de fait.

La loi en vigueur ne permettait pas de régler ce problème puisqu'une personne de droit privé n'est pas assimilable à une personne non titulaire de la fonction publique.

En ma qualité de parlementaire et de vice-président du conseil général, avec l'appui de Nicole Feidt, de René Mangin, de Jean-Jacques Denis et de Jean-Paul Durieux, ainsi que du président du conseil général Michel Dinet, j'ai engagé un certain nombre d'actions, depuis un an.

Nous avons notamment rencontré Catherine Tasca quand elle était présidente de la commission des lois, puis Bernard Roman, enfin le ministre de la fonction publique que je tiens à remercier pour l'appui qu'il nous a apporté pour régler un problème qu'un autre ministre de la fonction publique, entre 1993 et 1995, n'avait pas su résoudre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 2000

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Il faut bien qu'il y ait quelques différences !

M. Jean-Yves Le Déaut.

Cet amendement nous satisfait. La disposition avait déjà été appliquée dans la fonction publique hospitalière et élargie à d'autres.

La mesure que nous défendons autorise le recrutement dérogatoire d'agents de droit privé de l'association dissoute, en agents non titulaires de droit public, au sein des collectivités qui reprennent en gestion l'activité antérieurement exercée par l'association.

Une double garantie est également posée dans ce texte, en termes de conservation de la rémunération antérieure, d'une part, et du régime de retraite et de prévoyance, d'autre part.

Ce texte est donc satisfaisant et juste.

M. Georges Tron.

Pour la Meurthe-et-Moselle !

M. Jean-Yves Le Déaut.

Il permet de résoudre convenablement des situations particulièrement difficiles, tout en assurant le retour à la légalité du fonctionnement des collectivités au sein desquelles des associations assuraient des missions de service public réputées non délégables.

Enfin, il convient de noter que le champ d'application de cette mesure reste limité, ce qui évite de déséquilibrer l'architecture générale de la fonction publique. Il se limite notamment aux agents en fonction lors de la promulgation de la loi introduisant la mesure faisant l'objet du présent dispositif, et aux départements et à leurs établissements publics qui ont en charge les compétences d'actions sociale ou médico-sociale ou, dans l'amendement de Jean-Yves Caullet, de compétences un peu plus larges.

Cette régularisation est tout à l'honneur du gouvernement Jospin. Il était paradoxal en effet qu'un président de conseil général puisse être accusé de gestion de fait, pour une année précise, en raison de problèmes qui perdurent depuis une quinzaine d'années ! Grâce à la compréhension du Gouvernement, nous évitions de précariser des personnes qui oeuvrent au quotidien dans le domaine social.

Nous avons notamment rencontré Catherine Tasca quand elle était présidente de la commission des lois, puis B ernard Roman, enfin, le ministre de la fonction publique que je tiens à remercier pour l'appui qu'il nous a apporté pour régler un problème qu'un autre ministre de la fonction publique, entre 1993 et 1995, n'avait pas su résoudre.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Il faut bien qu'il y ait quelques différences !

M. Jean-Yves Le Déaut.

Cet amendement nous satisfait. La disposition avait déjà été appliquée dans la fonction publique hospitalière et élargie à d'autres.

La mesure que nous défendons autorise le recrutement dérogatoire d'agents de droit privé de l'association dissoute, en agents non titulaires de droit public, au sein des collectivités qui reprennent en gestion l'activité antérieurement exercée par l'association.

Une double garantie est également posée dans ce texte, en termes de conservation de la rémunération antérieure, d'une part, et du régime de retraite et de prévoyance, d'autre part.

Ce texte est donc satisfaisant et juste.

M. Georges Tron, Pour la Meurthe-et-Moselle !

M. Jean-Yves Le Déaut.

Il permet de résoudre convenablement des situations particulièrement difficiles, tout en assurant le retour à la légalité du fonctionnement des collectivités au sein desquelles des associations assuraient des missions de service public réputées non délégables.

Enfin, il convient de noter que le champ d'application de cette mesure reste limité, ce qui évite de déséquilibrer l'architecture générale de la fonction publique. Il se limite notamment aux agents en fonction lors de la promulgation de la loi introduisant la mesure faisant l'objet du présent dispositif, et aux départements et à leurs établissements publics qui ont en charge les compétences d'action sociale ou médico-sociale ou, dans l'amendement de Jean-Yves Caullet, de compétences un peu plus larges.

Cette régularisation est tout à l'honneur du Gouvernement Jospin. Il était paradoxal en effet qu'un président de conseil général puisse être accusé de gestion de fait, pour une année précise, en raison de problèmes qui perdurent depuis une quinzaine d'années ! Grâce à la compréhension du Gouvernement, nous éviterons de précariser des personnes qui oeuvrent au quotidien dans le domaine social.

Mme la présidente.

La parole est à M. Georges Tron.

M. Georges Tron.

Monsieur le ministre, pour être franc, je n'ai pas d'opposition de principe à cet amendement. Mais je trouve les explications données par notre collègue un peu confuses et le champ d'application du texte un peu limité géographiquement. Je ferai donc deux remarques et poserai une question.

D'abord - monsieur le rapporteur, ne prenez pas cela p our une attaque personnelle - la rédaction de l'article 5 ter que propose l'amendement no 25 est illisible, sauf peut-être pour le ministre de la fonction publique qui a une toute particulière compétence en la matière, que chacun lui reconnaît. Mais ce n'est pas le cas pour les gens « normaux ». Ne pourrait-on s'efforcer d'être clair ? Mes chers collègues, lisez-donc l'article 5 ter, ou au moins son premier paragraphe et reconnaissez honnêtement qu'on ne peut rien y comprendre.

Par ailleurs, je trouve curieux que dans un texte tendant à une titularisation massive, on instaure un statut de non-titulaire. Car c'est bien de cela qu'il s'agit : une sorte de statut de contractuel à durée indéterminée.

N'y voyez pas une critique de votre intervention, monsieur Le Déaut, car je me place davantage sur le terrain de la forme que sur celui du fond.

Enfin, je me demande si introduire ce type de contrats dans la fonction publique ne va pas générer des inégalités, puisqu'on conservera à ces personnels leur dernière rémunération - laquelle ne correspond pas forcément à la grille de la fonction publique.

M. Jean-Yves Le Déaut.

L'inégalité existe déjà aujourd'hui !

Mme la présidente.

M. Caullet, rapporteur, a présenté un amendement no 25, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 5 ter :

« Les personnels employés à la date de promulgation de la présente loi par une association, qui a été créée ou qui a succédé par évolution statutaire, transformation ou reprise d'activité à une association qui avait été créée avant le 31 décembre de l'année au titre de laquelle les transferts de compétences prévus par les lois no 82-213 du 2 mars 1982 modifiée relative aux droits et libertés des communes, dépar-


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tements et régions et no 83-8 du 7 janvier 1983 modifiée relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat complétée par la loi no 83-663 du 22 juillet 1983 ont pris effet dans le domaine d'activité dont relève cette association et dont l'objet et les moyens sont transférés dans leur intégralité à une collectivité territoriale, à un établissement public de coopération intercommunale ou à un syndicat mixte, peuvent être recrutés par cette collectivité ou cet établissement, en qualité d'agent non titulaire, pour la gestion d'un service public administratif.

« Les agents non titulaires ainsi recrutés peuvent conserver le bénéfice des stipulations de leur contrat de travail antérieur lorsqu'elles ne dérogent pas aux dispositions légales et réglementaires régissant les agents non titulaires de la fonction publique territoriale. Toutefois, ils peuvent conserver le bénéfice de leur contrat à durée indéterminée ainsi que celui de la rémunération perçue au titre de leur contrat de travail antérieur et de leur régime de retraite complémentaire et de prévoyance.

« Par dérogation à l'article L.

122-9 du code du travail, les personnes recrutées dans les conditions fixées aux alinéas précédents ne perçoivent pas d'indemnités au titre du licenciement lié à la dissolution de l'association. »

Sur cet amendement, M. Bataille a présenté un sousamendement, no 51, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'amendement no 25, substituer aux mots : "employés à la date de promulgation de la présente loi par", les mots : "bénéficiant d'un contrat de travail à durée indéterminée avec". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

25.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Au cours de l'examen du projet de loi, nous avons constaté l'existence de situations héritées du passé : des structures associatives créées avant les transferts de compétences aux collectivités territoriales employaient des personnels, sous forme de contrats à durée indéterminée. Les compétences ayant été transférées depuis lors, la stricte application des textes a urait voulu que ces personnels continuent à être employés sur contrats à durée déterminée quand c'était possible dans le cadre du droit commun. Pour eux, qui avaient rempli des missions de service public pendant des années, cela revenait à une précarisation.

Nous avons voulu y remédier précisément dans cette loi, qui pose clairement comme principe de ne pas nuire et de ne pas dégrader les situations existantes.

Pour ce qui est de la complexité de la rédaction, elle ne fait que traduire, j'en suis désolé, mes difficultés à m'exprimer dans notre belle langue ! Il me semble toutefois que si elle est pesante, elle n'en est pas moins claire et qu'elle permet de résoudre d'une manière globale - ce qui est l'objectif du législateur - des difficultés qui, sinon, auraient dû l'être par des dispositions ad hoc et séparées.

Voilà qui aurait nui, à mon avis, à la clarté de la loi. Car clarté ne veut pas dire nécessairement simplicité. La matière est complexe, et le malheureux rédacteur de cet amendement n'y peut rien ! Outre qu'elle est complexe, ma rédaction se révèle maladroite. Je propose, madame la présidente, que, à la septième ligne, les mots : « complétée par la loi no 83663 » soient remplacés - tout simplement ! - par les mots : « et par la loi no 83-663 ». Je sais que M. Tron me saura gré de ce progrès, même minime.

Mme la présidente.

L'amendement no 25 est ainsi corrigé.

La parole est à M. René Mangin.

M. René Mangin.

L'amendement permet de mettre fin à une trop longue histoire pour certains départements dont la Meurthe-et-Moselle, certes, mais aussi le Rhône.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Et d'autres !

M. René Mangin.

En effet, d'autres départements sont confrontés aux mêmes problèmes.

Après les lois de décentralisation de 1982, les collectivités territoriales, les EPCI et les syndicats mixtes ont fait participer des associations à des activités de service public.

Ainsi, notre département a repris les missions et les compétences de l'AGEPPASS, association que Jean-Yves Le Déaut vient d'évoquer, qui oeuvrait dans le domaine médico-social. La chambre régionale des comptes d'Epinal a, à juste titre, jugé cette pratique comme étant une forme de gestion de fait.

A ce jour, certaines structures associatives ont été utilisées pour déléguer des services ne pouvant être assurés que par la collectivité territoriale elle-même, détournant ainsi les règles de la comptabilité publique et contournant les principes de droit administratif.

Confrontées aux mises en cause des juridictions financières régionales, héritant de situations créées des anné es auparavant, certains exécutifs doivent donc réintégrer au sein de leur collectivité territoriale des activités délégué es abusivement à des associations.

De plus, comme le rappelait notre collègue Renar, au Sénat, ces salariés, pour la plupart, n'ont pas fait le choix de travailler dans une association plutôt que dans le public. En Meurthe-et-Moselle, beaucoup n'avaient pas le choix. Certains, venant d'autres départements pour suivre leur conjoint, ont été dans l'obligation de démissionner du service public. D'autres qui postulaient à la DDASS se sont vu embauchés par une association délégataire de service public.

J'ajoute que l'article 63 de la loi sur l'intercommunalité, que nous avons votée l'an passé, ne répond malheureusement pas à ces attentes. Le dispositif que notre rapporteur propose permet précisément d'apporter une solution pour les salariés actuellement en fonction. Cette proposition est de nature à accompagner la volonté des élus locaux et répond à l'angoisse de nombreux salariés.

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo.

Comme je m'interrogeais en commission sur cet amendement, le rapporteur m'a répondu d'une façon qui m'a paru extrêmement claire, puisqu'il a synthétisé en une courte phrase un amendement d'au moins vingt-cinq lignes, dont la première phrase en compte à elle seule dix ! Je ne vous en infligerai pas la lecture.

Mais j'avoue que j'ai du mal à tout comprendre. Résumons : il est question de gens qui, employés dans une structure associative, à laquelle est en quelque sorte déléguée une mission de service public, finissent par y obtenir un contrat à durée indéterminée. Récupérés, d'une faç on ou d'une autre, par exemple par une municipalité, ils sont censés devenir contractuels, donc, par définition, sous contrat à durée déterminée. Puisqu'on ne peut pas les titulariser d'office dans la fonction publique.

L'amendement a donc pour vocation d'éviter à ces personnes en quelque sorte de perdre un avantage et de sombrer dans la précarité. Il crée pour cela une nouvelle


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r ace de contractuels, les contractuels à durée indéterminée ! (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) Mais il faut s'interroger : pourquoi utiliser des contractuels ? Ce n'est pas seulement parce qu'ils n'ont pas pu passer le concours ; c'est aussi parce que leurs salaires n'entrent pas dans les grilles de la fonction publique. Et les gens qui viennent du tissu associatif, la plupart du temps, même s'ils sont titulaires d'un contrat à durée indéterminée, sont dans une situation de précarité par rapport à la fonction publique, on le sait bien. Il est en effet plus facile aujourd'hui, pour un employeur qui sait utiliser le droit du travail, de rompre un contrat à durée indéterminée que de rompre un contrat à durée déterminée.

Vous avez, je le comprends fort bien, le souci de conserver à ces gens, qui étaient à durée indéterminée, u n avantage acquis. Mais, en même temps, ils ont aussi l'avantage du contractuel, c'est-à-dire qu'ils sont hors des grilles de la fonction publique et perçoivent des salaires qui, la plupart du temps, sont plus élevés. Cet amendement ne créerait-il pas une catégorie de personnes qui auraient à la fois le beurre et l'argent du beurre ? Sans doute nombre d'entre eux ne pourront ou ne voudront pas intégrer la fonction publique traditionnelle parce que leur salaire sera plus élevé que celui qui est prévu pour le cadre d'emploi qu'ils pourraient occuper. Ne sommesnous pas d'une certaine façon, en train de créer un traitement inégalitaire, et un problème pour l'avenir ?

Mme la présidente.

Avant de demander l'avis du Gouvernement, il serait bon d'entendre M. Bataille.

La parole est à M. Christian Bataille, pour présenter le sous-amendement no

51.

M. Christian Bataille.

Ce sous-amendement vise à prendre en compte le cas de personnes qui, tout en étant employées, peuvent ne pas être en fonction effective, par exemple en congé sabbatique, à la date citée dans le texte.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement no 51 ?

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur.

Ce sous-amendement n'a pas été examiné par la commission et, tel qu'il est rédigé, j'y suis défavorable. Mais, s'il s'agit simplement de remplacer le mot « employés » par l'expression « bénéficiant d'un contrat de travail », la suite - « à la date de promulgation de la présente loi » - restant inchangée, l'amélioration rédactionnelle me paraît tout à fait acceptable.

On nous reproche de prévoir une catégorie qui, le jour même de sa création, est déjà en voie d'extinction, puisqu'elle englobe des gens qui sont depuis longtemps dans une situation définie à une date précise. Ce n'est pas une ouverture, c'est un règlement particulier.

Mme la présidente.

La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille.

Je me rallie à la formulation proposée par le rapporteur pour le sous-amendement que j'avais initialement proposé.

Mme la présidente.

Le sous-amendement no 51 est donc rectifié.

J'en donne lecture :

« Dans le premier alinéa de l'amendement no 25 corrigé, substituer aux mots : "employés à la date de promulgation de la présente loi par", les mots : "bénéficiant d'un contrat de travail à la date de promulgation de la présente loi avec". »

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo.

On crée donc une race en voie d'extinction et un précédent. Vous admettez que, dans la catégorie des contractuels, puisse exister une sous-catégorie particulière qui disparaîtra bientôt, le « contractuel à durée indéterminée ». Vous avez prévu le cas de figure des associations ou des structures associatives qui ont été créées avant la décentralisation ou sa mise en oeuvre.

Mais ce statut de contractuel à durée indéterminée est nettement plus avantageux que celui de contractuel à durée déterminée.

M. Georges Tron. C'est évident !

M. Pierre Cardo.

On n'arrivera jamais à supprimer totalement la précarité dans la fonction publique. Régulièrement, tous les cinq ans, il faut refaire une loi...

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Non, c'est fini, maintenant !

M. Bernard Derosier.

C'est la dernière !

M. Pierre Cardo.

... et on ne s'arrêtera sûrement pas demain. Nombreuses sont les associations qui ont plus ou moins vocation à être un service public délégué : celles qui font de l'animation pour une commune, par exemple, ou celles qui s'occupent du sport en lieu et place des offices municipaux de sport. Comment éviter, demain, des demandes de création immédiate de « contrats à durée déterminée indéterminée » - si je peux recourir à cette appellation contradictoire ? Vous avez eu raison de fixer la limite à 1983. Mais, je l'ai dit en commission, les transferts seront nombreux et on vous demandera de les intégrer. Aussi, je tiens à vous mettre en garde : ce n'est pas une race en voie de disparition que vous créez...

M. Bernard Derosier.

Il vaut mieux parler d'espèce que de race !

M. Pierre Cardo.

... mais une race qui est appelée à proliférer.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 25 corrigé et sur le sous-amendement no 51 rectifié ? M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Depuis ma nomination au poste de ministre de la fonction publique, j'ai été à plusieurs reprises saisi par des parlementaires de tous les départements. Au Sénat, en particulier, des représentants du département du Rhône, notamment M. Mercier, ont attiré mon attention sur des situations localisées mais singulièrement injustes. A situations singulièrement injustes, dispositions techniquement complexes. C'est ce qui explique les difficultés de rédaction et de lecture auxquelles nous nous heurtons. Nous mettons en place un système dérogatoire : comme vous l'avez dit, pour faire face à une grande injustice, nous sommes obligés de créer une petite inégalité.

M. Jean-Yves Le Déaut.

Bravo ! M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Pour ce qui est du sous-amendement no 51 de M. Bataille, dès lors qu'il est rectifié comme il a été dit, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée, de même que pour l'amendement no 25 corrigé.

Mme la présidente.

La parole est à M. Georges Tron, pour répondre au Gouvernement.

M. Georges Tron.

Notre débat est important à plusieurs titres. Il ne s'agit pas de contrarier nos collègues, j'ai bien compris quelles étaient leurs intentions. Avec son


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h abileté coutumière, M. le ministre nous a fait comprendre que cette mesure est totalement apolitique.

Je reprends cette balle au bond : je ne changerais pas un mot de ce que j'ai dit si M. Mercier s'exprimait à la place de M. Le Déaut.

Il n'en reste pas moins que cette rédaction est absolument illisible - ce qui est secondaire - et que - on l'a bien compris, tous nos collègues l'ayant expliqué très clairement - d'autres transferts de compétences s'opéreront dans les années à venir, d'autres demandes de même nature seront inévitablement présentées. Vous avez parlé, monsieur le ministre, d'une grande injustice et d'une petite inégalité. Il ne s'agit pas de petites inégalités, mais de savoir si vous créez une nouvelle catégorie dans la fonction publique. Il est d'ailleurs assez paradoxal de prévoir une telle mesure dans un texte qui vise à résorber l'emploi précaire : n'est-ce pas, par définition, l'emploi contractuel ? Vous ne semblez pas mesurer que vous ouvrez en grand des portes par lesquelles vont s'engouffrer des dizaines de demandes de même nature.

Monsieur Le Déaut, je ne conteste pas le bien-fondé de votre demande locale.

M. Jean-Yves Le Déaut.

Merci !

M. Georges Tron.

Mais nous sommes ici avec le député de Meurthe-et-Moselle, non avec le vice-président du conseil général.

Avec cette mesure, on crée la possibilité de remettre un peu de précarité et beaucoup d'injustice dans la fonction publique, alors que le dispositif que vous avez présenté à la tribune vise très explicitement l'inverse. Ce n'est pas seulement illogique, mais mal écrit et dangereux.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut.

Peut-être auriez-vous raison, monsieur Tron, si l'on disposait de systèmes permettant d'intégrer la fonction publique par le biais de concours adaptés qui tiendraient compte de la totalité de l'ancienneté.

M. Georges Tron. C'est votre amendement !

M. Jean-Yves Le Déaut.

Mais ce n'est pas le modèle qui nous inspire, ce ne sont pas les cas qui nous préoccupent dans plusieurs départements : les raisons de salaire ne comptent pas ici ; il s'agit de résoudre un problème qui s'est présenté de plus en plus, quelle que soit l'appartenance politique de ceux qui y étaient confrontés, nos collègues du Sénat appartenaient à tous les groupes politiques. La solution trouvée par la commission des lois et par le ministre me paraît bonne.

M. Georges Tron.

Légiférez pour l'avenir !

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no 51 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 25 corrigé, modifié par le sous-amendement no 51 rectifié.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, l'article 5 ter est ainsi rédigé.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

Mme la présidente.

Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique : Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, no 2753, relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2755).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT