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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Questions au Gouvernement (p. 9868).

ÉLECTIONS LÉGISLATIVES EN CÔTE D'IVOIRE (p. 9868)

MM. René Mangin, Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

VIOLENCES INTRAFAMILIALES (p. 9868)

Mmes Christine Lazerges, Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

AMÉNAGEMENT DU TEMPS DE TRAVAIL À LA SÉCURITÉ SOCIALE (p. 9869)

M. Pascal Terrasse, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

DROIT DE LA FAMILLE (p. 9870)

M. Jacques Heuclin, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

FINANCEMENT DES CLUBS SPORTIFS PROFESSIONNELS (p. 9871)

M. Guy Drut, Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

RÉPRESSION DE LA CONDUITE SOUS L'EMPIRE DES STUPÉFIANTS (p. 9872)

MM. Alain Cousin, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE (p. 9873)

MM. Jean-Yves Besselat, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

POLITIQUE DE L'EMPLOI (p. 9873)

MM. Pierre Méhaignerie, Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

LUTTE CONTRE LE SIDA (p. 9875)

M. Guy Teissier, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

PRIME POUR LES CHÔMEURS (p. 9876)

M. Jean-Claude Sandrier, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

LUTTE CONTRE LE SIDA (p. 9877)

M. Roger Meï, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

TÉLÉVISION NUMÉRIQUE HERTZIENNE (p. 9878)

M. Robert Honde, Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication.

2. Ordre du jour de l'Assemblée (p. 9878).

Suspension et reprise de la séance (p. 9878)

PRÉSIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES

3. Archéologie préventive. Discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi (p. 9878).

M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

M. Marcel Rogemont, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 9880)

Exception d'irrecevabilité de M. Jean-François Mattei :

M M. François Goulard, Serge Blisko, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

QUESTION PRÉALABLE (p. 9883)

Question préalable de M. Jean-Louis Debré : MM. Jacques Pélissard, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 9886)

MM. Aloyse Warhouver, Christian Kert, Serge Blisko, François Goulard, Christian Cuvilliez, Bernard Schreiner, Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Clôture de la discussion générale.

MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 9893)

Article 1er (p. 9893)

Amendement no 2 de la commission des affaires culturelles : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Bernard Schreiner. - Adoption.

L'article 1er est ainsi rédigé.

Article 1er bis (p. 9893)

Amendement no 3 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

L'article 1er bis est ainsi rédigé.

Article 1er ter (p. 9894)

Amendement no 4 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 5 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 1er ter modifié.

Article 1er quater (p. 9894)

Amendement de suppression no 6 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Jacques Pélissard. - Adoption.

L'article 1er quater est supprimé.

Article 2 (p. 9895)

Amendement no 7 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 8 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 2 modifié.

Article 2 bis (p. 9895)

Le Sénat a supprimé cet article.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

Amendement no 9 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

L'article 2 bis est rétabli et se trouve ainsi rédigé.

Article 2 ter A. - Adoption (p. 9896)

Article 2 ter (p. 9896)

Amendement no 10 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 11 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. Adoption.

Adoption de l'article 2 ter modifié.

Article 4 (p. 9896)

Amendement no 12 rectifié de la commission, avec les sousa mendements nos 26 du Gouvernement et 25 de M. Outin : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, J acques Pélissard, Bernard Schreiner, Serge Blisko. Rejet du sous-amendement no

26.

M M. Christian Cuvilliez, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. Adoption du sous-amendement no 25 et de l'amendement no 12 rectifié et modifié.

Amendement no 13 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Bernard Schreiner, Jacques Pélissard. Adoption.

Amendement no 24 de M. Outin : MM. Christian Cuvilliez, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. Rejet.

Amendement no 14 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Jacques Pélissard. Adoption.

Amendement no 15 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. Adoption.

Amendement no 16 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. Adoption.

Amendement no 17 rectifié de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. Adoption.

Amendement no 1 du Gouvernement : MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. Adoption.

Adoption de l'article 4 modifié.

Article 4 bis (p. 9900)

Amendement no 18 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. Adoption.

Adoption de l'article 4 bis modifié.

Article 5 (p. 9901)

Amendement no 19 rectifié de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. Adoption.

Adoption de l'article 5 modifié.

Article 5 bis. Adoption (p. 9901)

Article 5 ter (p. 9901)

Le Sénat a supprimé cet article.

Amendement no 20 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. Adoption.

L'article 5 ter est rétabli et se trouve ainsi rédigé.

Après l'article 5 ter (p. 9902)

Amendement no 21 de la commission : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. Retrait.

Amendement no 21 repris par M. Pélissard. Rejet.

Article 5 quater (p. 9903)

Amendement de suppression no 22 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. Adoption.

L'article 5 quater est supprimé.

Article 6 (p. 9903)

Amendement no 23 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. Adoption.

L'article 6 est ainsi rédigé.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 9903)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances.

4. Fin de la mission d'un député (p. 9903).

5. Transposition par ordonnances des directives communautaires. Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire (p. 9903).

6. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 9904).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par les questions du groupe socialiste.

ÉLECTIONS LÉGISLATIVES EN CÔTE D'IVOIRE

M. le président.

La parole est à M. René Mangin.

M. René Mangin.

Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères. A la veille des élections législatives du 10 décembre, la Cour suprême de la Côte d'Ivoire a invalidé la candidature d'Alassane Ouattara, président du Rassemblement des Républicains, parti qui incarne depuis plusieurs années, avec le Front populaire ivoirien, l'aspiration démocratique du peuple ivoirien.

La Côte d'Ivoire vit, depuis hier, en état d'urgence. Les p artisans du candidat empêché ont manifesté un mécontentement d'autant plus vif qu'Alassane Ouattara avait été interdit de candidature aux élections présidentielles. Des affrontements ont opposé des Ivoiriens de différentes tendances politiques. Plusieurs dizaines de personnes ont été tuées.

Les Nations unies et l'Union européenne viennent d'annoncer le retrait de leurs observateurs, considérant que la consultation avait perdu toute légitimité faute d'enjeux. L'éventualité d'un report a été évoqué. Celui-c i permettrait d'apaiser les esprits. Il aurait le mérite de remettre le processus électoral sur les rails de la normalité démocratique.

La France a accompagné, ces dernières années, les évolutions démocratiques souhaitées par une majorité d'Ivoiriens. Ces évolutions ne vont pas de soi. Elles sont difficiles et parfois même chaotiques. Afin d'éviter une aggravation de la situation, monsieur le ministre, comment la France envisage-t-elle d'aider le Président Laurent Gbagbo à remettre sur la bonne voie un processus der éconciliation nationale toujours aussi nécessaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Monsieur le député, la situation en Côte d'Ivoire est bien telle que vous l'avez décrite.

La décision de la Cour suprême écartant la candidature d'Alassane Ouattara aux élections législatives a, en effet, déclenché un enchaînement de violences - je rappelle que cette décision a été prise au motif que sa nationalité ivoirienne serait insuffisamment démontrée. Ces violences se sont concentrées pour l'essentiel à Abidjan. Elles se sont déjà traduites par plusieurs dizaines de morts, un nombre indéterminé de blessés et d'importants dégâts matériels.

Elles ont surtout libéré, à un degré jamais atteint en Côte d'Ivoire, les mauvais démons des clivages ethniques et religieux.

La France a immédiatement déploré ce qui est une amputation du choix des Ivoiriens, alors même que ces élections législatives doivent être l'occasion de démontrer que la Côte d'Ivoire mène à bien un processus démocratique engagé dans des conditions difficiles par les élections présidentielles.

C'est d'autant plus important, nous l'avons rappelé, que du bon déroulement de ces élections dépendrait la reprise de la coopération française, celle de la coopération européenne, mais aussi celle des institutions financières internationales, dont la Côte d'Ivoire a un urgent besoin.

Depuis hier, des négociations ont été engagées entre les représentants du RDR, Rassemblement des Républicains, et le Gouvernement pour rechercher une solution. La France, évidemment, appuie une telle démarche et le président de l'OUA est intervenu dans le même sens. Nous avons fait passer à tous les acteurs ivoiriens, et en tout p remier lieu au Président Gbagbo, ce message de recherche d'une solution pour sortir de cette situation.

Telle est l'attitude de la France au moment où la Côte d 'Ivoire traverse une passe singulièrement difficile.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

VIOLENCES INTRAFAMILIALES

M. le président.

La parole est à Mme Christine Lazerges.

Mme Christine Lazerges.

Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Il est un sujet d'une perpétuelle actualité : les violences intrafamiliales et, plus particulièrement, les violences faites aux femmes.

Le chiffre noir de cette criminalité est élevé, mais nous savons très mal estimer la réalité de la délinquance intrafamiliale ou des violences sur les lieux de travail.

Vos services, madame la secrétaire d'Etat, ont donc eu raison de rendre possible, en 2000, avec plusieurs partenaires, la réalisation d'une enquête auprès de quelque 7 000 femmes âgées de vingt à soixante ans, qui a été confiée à l'Institut démographique de l'université Paris-I.

Au vu du travail de recherche qui vient de vous être remis, pensez-vous disposer désormais d'une représentation plus précise de la réalité du phénomène dans l'ensemble des couches de la population, une représentation qui nous permette - car c'est ce qui est important de construire une politique de prévention des violences physiques et psychologiques faites aux femmes ? Nous d evons dire haut et fort que ces violences sont insupportables.


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Ne pensez-vous pas, en outre, madame la secrétaire d'Etat, qu'à l'image du réseau national d'information, d'écoute et d'accompagnement des parents, que votre gouvernement met en place avec des partenaires associatifs et institutionnels, il est plus qu'urgent que notre pays se dote d'un réseau de lieux de médiation familiale et sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Madame la députée, il est des sujets que notre société n'aime pas regarder en face.

Après des millénaires de rapports de force, les violences subies par les femmes sont encore l'un de ceux-là.

Nous en avons débattu et vous avez adopté, mesdames, messieurs les députés, des mesures législatives visant à la parité en politique, à l'égalité professionnelle et au renforcement du droit en matière de contraception et d'IVG. Nous ne pouvions pas nous taire sur les violences.

M. le président.

Pardonnez-moi de vous interrompre, madame la secrétaire d'Etat.

Mes chers collègues, veuillez cesser vos conversations particulières, car Mme Péry parle dans un brouhaha insupportable.

M. Thierry Mariani.

Elle lit si mal !

M. le président.

Poursuivez, madame la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Les chiffres les plus divers circulaient, mais jamais une enquête scientifique nationale sur l'ensemble des violences subies dans la vie privée, dans les lieux publics et sur les lieux de travail - harcèlement moral et harcèlement sexuel - n'avait été menée.

C'est aujourd'hui chose faite. Après dix-huit mois de travail, une équipe de chercheurs de l'institut démographique de l'université Paris I Sorbonne m'a commenté, ce matin, les principaux résultats de l'enquête que j'avais commandée et qui a été réalisée, en effet, auprès de 7 000 femmes âgées de vingt à soixante ans.

Dans le temps qui m'est imparti, je ne peux vous rendre compte que de deux ou trois résultats particulièrement notable.

M. le président.

Deux ou trois seulement, madame ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mesdames, messieurs les députés, la majorité des violences atteint les femmes dans leur vie privée. Au cours des douze derniers mois, plus d'un million et demi d'entre elles ont été confrontées dans leur vie de couple à des situations de violences : injures répétées, paroles systématiques de dévalorisation, agressions physiques, agressions sexuelles.

M. Gilbert Meyer.

Que la secrétaire d'Etat fasse distribuer son papier aux parlementaires ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Ces femmes appartiennent à tous les milieux. Fait étonnant, le chiffre est toujours de 10 %, qu'elles soient cadres supérieurs, qu'elles exercent des professions intermédiaires, qu'elles soient ouvrières ou femmes au foyer. Deux situations sont aggravantes : être confrontée à une situation de chômage ou être étudiante.

Mesdames, messieurs les députés, depuis deux ans, j'essaie de mener des actions de terrain pour que la parole se libère et je noue, avec tous mes collègues du Gouvernement, des partenariats afin que notre action soit globale.

J'aurai l'occasion, auprès d'Elisabeth Guigou, le 25 janvier, de développer ces actions lors des assises contres les violences annoncées le 8 mars dernier par le Premier ministre.

M. Lucien Degauchy.

Et gnagnagna et gnagnagna ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mes derniers mots (« Ah ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépend ants.) Messieurs, franchement, votre comportement illustre trop bien le sujet que j'évoque ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mes derniers mots expliqueront le ruban blanc que je porte : il est le symbole d'une campagne lancée par les trois institutions de l'Union européenne - Commission, Parlement européen, conseil des ministres, représentés par trois femmes : une Grecque, une Suédoise et une Française - pour que, tous ensemble, nous puissions lutter contre les violences subies par les femmes dans nos quinze pays et sur l'ensemble des continents.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Odette Grzegrzulka.

L'attitude de la droite est inqualifiable ! AMÉNAGEMENT DU TEMPS DE TRAVAIL À LA SÉCURITÉ SOCIALE

M. le président.

La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse.

Je trouve l'attitude de la droite, lorsqu'une femme prend la parole dans cet hémicycle, de plus en plus exécrable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Depuis près d'un an, des négociations portant sur la réduction et sur l'aménagement du temps de travail se sont engagées au sein des organismes de sécurité sociale et d es caisses d'allocations familiales. Ces négociations étaient jusqu'alors conduites par les partenaires sociaux représentés au sein d'un organisme central de gestion, l'UCANSS. A deux reprises, les représentants du MEDEF, assurant la présidence de cet organisme, ont stoppé toute négociation en démissionnant, d'ailleurs, de leurs fonctions. (« Heureusement ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Cette situation de blocage n'est pas sans conséquence sur les personnels qui souhaitent voir les négociations reprendre dans les meilleurs délais. Elle a aussi un impact particulièrement fort sur les assurés sociaux qui, dans certaines régions françaises, il faut bien le reconnaître, attendent plusieurs semaines avant d'obtenir leurs remboursements ou de bénéficier de diverses prestations.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

L'aménagement et la réduction du temps de travail doivent s'accompagner d'une amélioration du service public rendue aux usagers. Or, pour le moment, il n'en est rien, car l'interruption des négociations ne le permet pas.

Quelle suite, madame la ministre, entendez-vous donner à ce dossier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, avant de vous répondre, je veux dire à quel point je suis, moi aussi, choquée du peu d'attention portée à la réponse de Nicole Péry sur cette importante question des violences faites aux femmes. Et je remarque que c'est une fois de plus du côté droit de l'hémicycle que l'on a manifesté sa désapprobation et son rejet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous invite à retrouver votre calme ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Allez-y ! Criez ! (Vives protestations sur les mêmes bancs.)

De nombreux députés du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est scandaleux !

M. le président.

Mes chers collègues, l'objectivité me pousse à dire que l'attention était aussi peu marquée d'un côté que de l'autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est faux !

M. le président.

Je souhaite que vous retrouviez votre calme pour écouter la réponse.

Poursuivez, madame la ministre. (Brouhaha persistant sur les mêmes bancs.)

La même objectivité va me conduire à constater qu'il y a davantage de bruit de ce côté-ci ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je vais maintenant répondre à l'importante question de M. Terrasse qui concerne les 180 000 agents de la sécurité sociale. Elle mérite aussi un peu de votre attention.

L es représentants du patronat ont décidé, le 27 novembre, de démissionner du conseil d'administration de l'UCANSS, l'Union des caisses nationales de sécurité sociale, au motif qu'il n'était pas possible de parvenir à un accord sur les 35 heures à la sécurité sociale.

C'est au sein de cet organisme que la négociation sur la réduction du temps de travail doit être menée car il a, pour le régime général, la responsabilité de la gestion de la convention collective des personnels. Les partenaires sociaux, gestionnaires des caisses de sécurité sociale, y assument le rôle d'employeurs. C'est à eux et aux syndicats de mener, comme ailleurs, la négociation sur les 35 heures.

Celle-ci piétine depuis deux ans. Durant des mois, entre mars et septembre 1999, le président de l'UCANSS a pratiqué la politique de la chaise vide. Ce n'est que le 21 septembre 1999 qu'un nouveau président a été élu à la tête du conseil d'administration de cet organisme. Les discussions sur les 35 heures ont alors repris mais elles se sont conclues par le départ du MEDEF, qui signait l'échec des négociations.

Je déplore profondément cet échec qui est d'autant plus incompréhensible que les négociations avaient bien progressé et que beaucoup considéraient que l'accord était à portée de main, comme pour les régimes complémentaires de retraite, ARCCO et AGIRC.

Le départ du MEDEF cause une déception profonde aux 180 000 agents du régime général de sécurité sociale et des réponses rapides doivent être trouvées. Qu'allonsnous faire ? D'abord tirer les conséquences de ce départ sur le fonctionnement de l'UCANSS et restaurer un organisme efficace de gestion de la convention collective des personnels. Ensuite, nous mettrons en oeuvre, selon un calendrier défini et qui sera tenu, les 35 heures à la sécurité sociale. J'entamerai, dans les prochains jours, la consultation de l'ensemble des partenaires concernés. Au-delà de la composition du conseil d'administration, il faudra aborder la question fondamentale des relations sociales à la sécurité sociale.

Sur les 35 heures, nous agirons vite. L'Etat et les caisses nationales prendront leurs responsabilités pour répondre à la très forte attente des personnels sur ce sujet.

Cette attente ne sera pas déçue. Le bon service aux usagers demande, en effet, des relations sociales constructives à la sécurité sociale comme ailleurs, les 35 heures sont un vecteur de progrès permettant d'améliorer à la fois les conditions de travail des personnels et le service rendu aux usagers. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

DROIT DE LA FAMILLE

M. le président.

La parole est à M. Jacques Heuclin.

M. Jacques Heuclin.

Ma question, qui s'adresse à

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance, concerne les adaptations du droit aux évolutions actuelles des structures familiales.

Madame la ministre, alors que s'est tenue à Paris, sous votre présidence et avec votre efficacité habituelle (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) la première journée européenne de l'enfance... Je vois que le problème de l'enfance sensibilise autant que celui des femmes nos collègues de droite ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Thierry Mariani.

Provocation permanente !

M. le président.

Mes chers collègues, je vous en prie !

M. Jacques Heuclin.

... on constate, madame la ministre, qu'il subsiste dans notre pays des inégalités entre les enfants, suivant qu'ils sont nés dans ou hors mariage. C'est peut-être ça d'ailleurs qui attire déjà les foudres de la part de certains bancs !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

Cette différence se matérialise lors de la délivrance des livrets de famille. En effet, le livret de famille mentionne si les enfants sont issus d'un couple marié ou non et, de ce fait, opère une distinction entre « enfant légitime » ou

« enfant naturel », même lorsque le père des enfants les a préalablement reconnus.

A ce jour, ce sont pourtant près de 4 millions de Françaises et de Français qui vivent dans le cadre de l'union libre, et près de 50 000 d'entre eux ont souscrit un PACS. Les uns comme les autres sont ou seront parents d'enfants.

Sera-t-il donc possible, dans le cadre de la réforme du code de la famille, de donner à ces enfants, nés de parents concubins ou pacsés, et reconnus par leur père, le même droit à la légitimité que les enfants nés dans le mariage, en supprimant cette distinction, afin que les uns comme les autres puissent être déclarés enfants légitimes ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance, pour une brève réponse, s'il vous plaît.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Monsieur le député, le problème que vous évoquez est loin d'être marginal, puisque quatre enfants sur d ix naissent de couples non mariés. Cela fait 300 000 enfants par an, 92 % des pères ayant reconnu l'enfant.

Le droit de la famille et la politique familiale doivent donc accompagner cette évolution, et nous allons le faire dans deux directions. Du côté des enfants, la réforme du droit de la famille supprimera toutes les inégalités qui restent - elles sont peu nombreuses - entre les enfants légitimes et les autres, en particulier dans le domaine des droits de succession. Du côté des parents, il faut prendre des mesures concrètes pour renforcer l'autorité parentale conjointe, car trop de pères doivent justifier de leur responsabilité parentale auprès des institutions, alors même qu'ils ont reconnu leur enfant.

J'ai fait de la question de la parité parentale le coeur de la politique familiale, et différentes décisions seront prises dans la continuité de ce que j'avais fait à l'éducation nationale, en demandant aux établissements scolaires d'envoyer les bulletins de notes aux deux parents quand ils sont séparés ou divorcés, parce que les deux parents gardent très clairement l'autorité et la responsabilité parentales.

Les familles sont un lieu de liberté mais aussi d'appartenance et, de ce point de vue, il est urgent, tout en respectant les libertés nouvelles acquises, de renforcer, pour les enfants, la sécurité des liens de filiation et, pour l es parents, l'autorité et la responsabilité parentales conjointes. Il faut également aider les couples à surmonter, voire à prévenir les crises qu'ils traversent, pour que les droits des enfants soient mieux protégés et les préjudices qu'ils subissent mieux accompagnés. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons au groupe du Rassemblement pour la République.

FINANCEMENT DES CLUBS SPORTIFS PROFESSIONNELS

M. le président.

La parole est à M. Guy Drut.

M. Guy Drut.

Ma question, qui s'adresse à Mme la ministre de la jeunesse et des sports, porte sur le financement des clubs sportifs professionnels.

En décembre 1999 et en janvier 2000, lors des dernières discussions sur ce sujet, votre majorité et vousmême, madame, vous êtes farouchement opposées à ce que ces clubs puissent faire appel à des sources de financement privées, allant par là-même à contre-courant de ce qui se fait chez nos principaux voisins européens. Pour compenser le manque à gagner, vous avez en conséquence rétabli l'autorisation pour ces clubs de bénéficier des subventions des collectivités locales, allant, là aussi, à contrecourant de la pratique européenne.

Qu'en est-il aujourd'hui ? Ces clubs sont tout de même dans une situation difficile puisqu'ils ne peuvent pas faire appel à certaines formes de financement privé mais ne peuvent pas non plus faire appel légalement aux subventions des collectivités locales, puisque les décrets ne sont pas encore parus.

C'est d'autant plus étonnant que vous aviez réclamé l'urgence, chacun s'en souvient, pour l'examen de ces dispositions. D'ailleurs, quand on demande aux élus de se presser pour examiner un texte, on pourrait également attendre de l'administration qu'elle en fasse tout autant ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cette remarque est d'ailleurs valable quels que soient les gouvernements ! (Rires sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

N otre interrogation est double aujourd'hui. La Commission européenne, qui, on le sait, voit tout cela d'un mauvais oeil, a-t-elle donné formellement son accord pour le rétablissement des subventions des collectivités locales ? Par ailleurs, il se dit que l'on n'aurait même pour commencé à rédiger le décret concernant plus particulièrement la définition des SASP, sociétés anonymes sportives professionnelles. Alors, qu'en est-il, madame la ministre ? Nous attendons des précisions. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

Monsieur le député, les clubs sportifs professionnels ont tout le loisir d'obtenir des fonds privés, car le sport a besoin de moyens publics et de moyens privés, mais j'ai voulu maintenir les subventions publiques parce qu'on ne pourrait pas autrement demander aux clubs de remplir une mission de service public. Il faut garder un lien avec le financement public.

J'ai fixé un niveau plafond pour ce financement et j'ai demandé qu'il serve notamment, par exemple, à la formation des jeunes.

M. Gérard Bapt.

Très bien !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Le décret est à l'examen de la Commission européenne, notamment de la DGTEC, la direction à la concurrence, depuis plusieurs mois. Le débat a été très difficile au départ. La Commission européenne considérait que subventionner la formation des jeunes, c'était ajouter de la valeur ajoutée, que cela relevait du secteur marchand, et qu'on ne pouvait donc donner de l'argent public. Nous n'en sommes plus là. Je pense très sérieusement qu'un décret sera adopté et que nous serons totalement opérationnels pour 2001.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

Q uant aux autres décrets, notamment ceux qui concernent les sociétés et le rapport entre les associations et ces sociétés, ils sont en cours d'examen au Conseil d'Etat. Ils sont donc rédigés et seront, je pense, adoptés d'ici à la fin de l'année. Nous serons donc en ordre de marche pour le sport professionnel au début de 2001.

M. Marc Dolez.

Très bien !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Si, comme je le pense, le conseil de Nice, où s'est rendu le Premier ministre, ce qui explique son absence, adopte en annexe à ses conclusions la déclaration sur la reconnaissance de la spécificité du sport qui a été adoptée par les quinze ministres de l'Union européenne, nous aurons tous les atouts entre les mains pour dire à la Commission qu'il faut respecter cette activité humaine et ne pas la traiter comme une marchandise. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

RÉPRESSION DE LA CONDUITE

SOUS L'EMPRISE DE STUPE FIANTS

M. le président.

La parole est à M. Alain Cousin.

M. Alain Cousin.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Pour le groupe RPR, la sécurité routière est évidemment une priorité, mais ce n'est manifestement pas le cas de votre gouvernement.

Hier, nous vous avons soumis, en association avec nos collègues de l'opposition, une proposition de loi de nos excellents collègues Bernard Accoyer et Patrick Delnatte visant à réprimer la conduite sous l'emprise de stupéfiants. Ce texte aurait enfin permis de donner aux forces de l'ordre les moyens d'agir et de dépister la consommation de stupéfiants, laquelle est mise en cause dans 10 à 15 % des accidents de la route.

Votre gouvernement et votre majorité ont purement - et sèchement, allais-je dire - refusé d'examiner la question au motif tout d'abord que les études épidémiologiques sur le lien existant entre la consommation de drogue et les comportements à risque n'est pas suffisamment établi.

(« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Vous nous aviez déjà opposé cet argument il y a un an : il était déjà discutable et il n'est pas plus recevable aujourd'hui.

Vous nous objectez par ailleurs le manque de fiabilité et le coût des tests de dépistage...

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je n'ai jamais dit ça !

M. Alain Cousin.

... alors que vous savez parfaitement qu'avec une réelle volonté politique, nous pourrions disposer très rapidement de tests fiables et abordables.

Monsieur le Premier ministre, vous n'ignorez donc pas que votre position est pour le moins indéfendable. Chacun sait qu'elle est idéologique.

M. Jean Auclair.

Merci Voynet !

M. Alain Cousin.

Les Français, et notamment les familles des victimes, ne comprennent pas votre acharnement à ne pas vouloir légiférer sur ce sujet, alors que l'on connaît les conséquences tragiques de l'usage de la drogue au volant.

M onsieur le Premier ministre, pourquoi attendre encore ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le député, le Gouvernement a fait de la sécurité routière la grande cause nationale de l'année 2000.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Charles Cova.

Justement ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du l ogement.

Les décisions prises depuis trois ans commencent à porter leurs fruits puisque, sur les quatre derniers mois notamment, nous assistons à une réduction très sensible, et la baisse par rapport à l'année dernière est pratiquement identique à celle que nous avons connue en 1992 par rapport à 1991, 1992 étant l'année où nous avons eu de très bons résultats. Mais c'est fragile et nous menons le combat sur tous les fronts : changement de comportement et prévention - avec le ministre de l'éducation nationale Jack Lang, nous éduquons les enfants dès le plus jeune âge pour faire évoluer les choses - mais aussi sanction et répression lorsque les gens ne respectent pas les règles du jeu.

Quant au dépistage, notre Gouvernement a pris la mesure de la question puisque, à la suite du Livre blanc de 1995 - cette date devrait donner à réfléchir à tout le monde - et de la directive de 1996, la loi votée l'an dernier permet d'effectuer un dépistage systématique sur tous les conducteurs concernés par des accidents mortels.

Nous aurons ainsi, dans les deux ans à venir, une étude portant sur 12 000 cas. Cela nous permettra de prendre alors les décisions utiles (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République), et de voir notamment ce qu'on peut faire en matière de sanction et de réglementation.

M. Thierry Mariani.

Combien de morts faudra-t-il ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Vous m'avez attaqué, monsieur Cousin, en prétendant que le Gouvernement ne prenait pas en compte ce problème !

M. Thierry Mariani.

C'est vrai.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je ne souhaite pas polémiquer, je veux seulement vous dire, avec le moins d'outrance possible, que vous n'avez tenu aucun comité interministériel sur la sécurité routière entre 1993 et 1997...

M. Gilbert Meyer.

Vous l'avez déjà dit ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

... alors que nous en avons tenu trois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Quel laxisme ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Vous avez supprimé ou affecté à d'autres fonctions les unités des forces de l'ordre, spécialisées dans la sécurité routière (Protestations sur les mêmes bancs), ce qui a conduit à une baisse du nombre de contrôles entre 1993 et 1997.

(Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Jean Auclair.

C'est scandaleux de parler ainsi !

M. le président.

Monsieur Auclair, calmez-vous !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Nous avons reconstitué ces unités en créant 450 postes, et nous avons renforcé les contrôles. Vous avez baissé le budget de la sécurité routière. Nous l'avons augmenté de 50 % depuis 1997. Votre groupe n'a pas voté la loi de 1999 sous prétexte qu'il la jugeait trop répressive, ...

M. René André.

On parle du hachisch, pas d'autre chose ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

... contrairement d'ailleurs à vos collègues du Sénat qui, eux, l'ont approuvée.

Je crois, mesdames, messieurs les députés de droite, que le renoncement et le laxisme dont vous avez fait preuve durant cette période (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ont aussi entraîné une aggravation du nombre d'accidents et de tués sur les routes de France, comme nous l'avons constaté en 1998.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Franck Borotra.

Réponse grotesque !

POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Yves Besselat.

M. Jean-Yves Besselat.

Monsieur le Premier ministre, depuis plusieurs semaines, nous vous interpellons sur la politique énergétique de votre gouvernement,...

M. Philippe Auberger.

Il n'en a pas.

M. Jean-Yves Besselat.

... ou plutôt sur l'absence de politique.

Certains membres de votre majorité, et non des moindres, la qualifient d'ailleurs de « brouillonne », un des députés socialistes qui vous soutiennent parlant encre du volet le plus faible de la politique gouvernementale.

M. Philippe Auberger.

Ce n'est pas peu dire !

M. François Goulard.

C'est Bataille ?

M. Jean-Yves Besselat.

« Brouillonne », c'est le moins que l'on en puisse dire ! Votre politique l'est en effet. Je ne prends aujourd'hui que le seul exemple de Gaz de France, je pourrais aussi parler de l'immobilisme de votre politique électronucléaire.

S'agissant du gaz, alors que la directive européenne sur le marché est entrée en vigueur en France depuis le 10 août dernier, elle n'a toujours pas été adoptée par le Parlement. Bruxelles s'impatiente et menace de traduire GDF devant la Cour de justice de Luxembourg, en faisant peser sur cette entreprise nationale le risque d'une astreinte de 100 000 francs par jour.

Non seulement le Gouvernement traîne sur la transposition de cette directive, tout comme il a tardé pour la transposition de la directive électricité, en prenant plus d'une année de retard, mais, de surcroît, il se révèle incapable d'organiser l'indispensable ouverture du capital.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous donner des précisions sur le calendrier d'action de votre Gouvernement ? Et allez-vous enfin doter Gaz de France d'un statut qui lui permette d'affronter un marché d'énergie très concurrentiel et de se développer sur un marchéeuropéen en pleine évolution ? L'ouverture du capital ne permettrait-elle pas d'ailleurs à GDF de maîtriser davantage la hausse du prix du gaz qui inquiète tous nos concitoyens ? Monsieur le Premier ministre, cette question intéresse tous les Français. Elle est posée au nom des groupes RPR, UDF et DL.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, j'ai déjà eu l'occasion de répondre la semaine dernière à une question analogue.

La politique énergétique du Gouvernement, contrairement d'ailleurs à d'autres, est claire : elle repose sur un équilibre entre les différentes formes d'énergie. Elle est décidée et déterminée à faire toute leur place aux énergi es nouvelles renouvelables...

M. Franck Borotra.

Arrêtez votre baratin !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... comme nous venons d'ailleurs de le faire accepter par nos partenaires européens, hier, lorsque nous avons adopté un projet de directive, qui sera ensuite, je l'espère, adopté par le Parlement européen, concernant un développement volontaire et très déterminé des énergies nouvelles renouvelables.

M. Franck Borotra.

Arrêtez !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Elle est équilibrée parce que, M. Borotra le sait bien, elle laisse toute sa place au pôle essentiel que représente l'énergie électronucléaire.

En ce qui concerne le gaz, qui est aussi une forme d'énergie fossile extrêmement importante, que le Gouvernement souhaite encourager, la directive qui s'applique depuis le 10 août est effectivement entrée dans les faits en France. Depuis le 10 août, Gaz de France pratique une ouverture du marché telle que le prévoit la directive, que j'avais d'ailleurs négociée en octobre 1997, et toutes les conditions sont réunies concrètement pour que les clients éligibles puissent faire appel aux producteurs de leur choix dans les limites fixées par la directive.

Notre priorité est donc bien claire ; nous voulons transposer dans les textes de loi au premier semestre 2001 la directive Gaz de France, dont, je le répète, toutes les dispositions sont d'ores et déjà concrètement appliquées, et nous voulons favoriser le passage vers l'amont gazier de Gaz de France car il est nécessaire que cette entreprise soit aujourd'hui productrice de gaz. Elle produit aujourd'hui environ 5 % du gaz qu'elle distribue. Elle doit produire de manière beaucoup plus significative. Le Gouvernement s'emploie à trouver les meilleurs moyens pour faire de cette grande entreprise publique, qui va le rester, une entreprise de pointe dans le concert européen des entreprises gazières.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

POLITIQUE DE L'EMPLOI

M. le président.

La parole est à Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie.

Monsieur le président, je voudrais dire à M. Gayssot que j'ai participé moi-même, entre 1993 et 1995, sous la présidence de M. Balladur, à deux comités interministériels sur la sécurité routière.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Menteur, Gayssot !

M. Pierre Méhaignerie.

Faire du débat sur la sécurité routière une question partisane me paraît vraiment déplacé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Le rapport publié hier par le conseil d'analyse économique que vous avez mis en place est particulièrement digne d'intérêt : il dresse un constat et il préconise un changement de stratégie en matière de politique de l'emploi, si l'on veut voir la France passer en dessous de 8 % de taux de chômage au cours des prochaines années.

M. René Mangin.

Nous sommes déjà en dessous de 10 % !

M. Pierre Méhaignerie.

D'abord, le constat. Deux éléments du constat appellent le Gouvernement à l'humilité.

Le premier, c'est que le taux de chômage en France reste l'un des plus élevés d'Europe, alors que six des quinze pays de l'Union européenne ont déjà un taux inférieur à 5 %.

M. Jean-Pierre Dufau.

Qui l'a fait baisser ? Pas vous !

M. Pierre Méhaignerie.

Le seconde, c'est que, comme la rapport le démontre clairement, les allégements de cotisations sur les bas salaires réalisés entre 1993 et 1997 ont largement participé à la création d'emplois au cours des dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Pierre Dufau.

Pourquoi avoir dissous alors ?

M. Pierre Méhaignerie.

Quant aux mesures préconisées, permettez-moi de les citer rapidement.

Le rapport demande un assouplissement dans l'application des 35 heures, dispositif qu'aucun gouvernement européen ne s'est hasardé à adopter.

(« Absolument ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il demande aussi de laisser aux salariés la liberté de choisir entre le paiement d'heures supplémentaires et le repos compensateur.

M. Pierre Lellouche.

Très bien !

M. Pierre Méhaignerie.

Il remet en question le double SMIC. Il demande, en matière de taxation du capital, de réduire l'écart qui pénalise l'économie française et qui constitue pour cette dernière un handicap important pour les prochaines années.

(« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Or nombre de ces mesures ont été rejetées par votre gouvernement.

M. le président.

Monsieur Méhaignerie, posez votre question.

M. Michel Hunault.

C'est intéressant, monsieur le président !

M. Pierre Méhaignerie.

Alors, monsieur le Premier ministre, que vous déclariez à Grenoble que vous n'aviez pas de raison de changer de politique, la publication de ce rapport va-t-elle vous inciter à opérer les changements nécessaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, le rapport du conseil d'analyse économique, organisme qui siège auprès du Premier ministre, a été établi par des personnalités indépendantes. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Vannson.

C'est bien ça votre problème ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ces personnalités indépendantes, en particulier l'auteur principal de ce rapport M. Pisani-Ferry,...

M. Pierre Lellouche.

Qui appartenait au cabinet de Strauss-Kahn ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... concluent à tout à fait autre chose que le donne à croire le résumé que vous en dressez.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je reconnais, monsieur Méhaignerie, que c'est un gros rapport et que peut-être vous n'avez pas eu le temps de le lire. (Protestations sur les mêmes bancs. - Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Lucien Degauchy.

Allez , on a encore mal lu ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais moi qui l'ai lu, je puis vous dire que, bien évidemment, il n'appelle en aucun cas à un changement de stratégie. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ce rapport commence par souligner que la situation obtenue en matière d'emploi est tout à fait exceptionnelle, que, depuis trois ans, 1,6 million d'emplois ont été créés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste) et que ce n'est pas le fait du hasard.

M. Gilbert Meyer.

En tout cas, ce n'est pas dû aux 35 heures ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ensuite, ce rapport expose les raisons pour lesquelles, à son avis, des progrès ont eu lieu. Il insiste sur un certain nombre de points - et, pour ma part, j'y suis extrêmement sensible - liés à la fois à la politique de la demande et à celle de l'offre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

Il souligne, avec raison, qu'il faut continuer à réduire régulièrement les déficits,...

M. Bernard Deflesselles.

Vous n'en prenez pas le chemin ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... poursuivre une politique monétaire favorable à la croissance,...

M. Gilbert Meyer.

Nous sommes à l'opposé ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... et faire le maximum - et nous nous y employons - pour assurer le retour à l'emploi des salariés les moins qualifiés. Ce rapport rend ainsi hommage aux mesures que nous avons prises pour alléger les charges pesant en particulier sur ces derniers.

M. Charles Cova.

Vous avez fait faire deux rapports ? Un pour la gauche et un autre pour la droite ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ce rapport demande également un redéploiement des dépenses de l'emploi vers la formation.

Enfin, il conclut, et c'est la logique principale de ce rapport, en précisant que pour qu'une économie avance bien et ait en perspective le plein emploi, elle doit avancer sur ses deux jambes, c'est-à-dire en s'appuyant à la fois sur une demande soutenue et une politique de l'offre équilibrée.

Bref, monsieur le député, ce rapport propose non un changement de cap mais un approfondissement de la politique menée.

Je vous remercie de nous avoir rendu hommage au travers de votre question. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

LUTTE CONTRE LE SIDA

M. le président.

La parole est à M. Guy Teissier.

M. Guy Teissier.

Je pose ma question au nom de l'ensemble des groupes de l'opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud.

Quelle tendance de l'UDF ?

M. Guy Teissier.

Elle s'adresse, compte tenu de la gravité du sujet, à M. le Premier ministre, et ce malgré son absence.

Depuis quelques années, quand on interroge les responsables sanitaires sur l'évolution du sida en France, on obtient toujours la même réponse : les nouvelles contaminations seraient de l'ordre de 5 000 à 6 000 par an.

Lorsque l'on insiste pour connaître l'origine de ce chiffre, on n'obtient pas de réponse ; c'est le flou total. Ainsi, vingt ans après le début de l'épidémie du VIH en France, la surveillance de l'infecion n'a jamais été aussi déficiente.

Les autorités sanitaires, en raison d'une grève administrative des médecins inspecteurs de la DDASS entre 1998 et 2000 - personnels que, soit dit en passant, vous n'avez pas su gérer -, sont dans l'impossibilité de transmettre des données statistiques précises, d'indiquer si la multiplication des situations à risque est marginale ou inquiétante, de décrire les effets induits par le bouleversement thérapeutique, dans l'impossiblité, enfin, de conduire au plus près des politiques de prévention.

Je citerai les propos d'une personnalité qui fera l'unanimité : le président du conseil national du sida, le professeur Gastaut. Il disait récemment : « Toutes les études sont arrêtées. On ne retrouve rien sans connaître le nombre de sidas déclarés, sans études spécifiques, et on est toujours en attente de la mise en place de déclarations obligatoires de séropositivité ».

Face à cette politique de santé publique des plus critiquables, nous sommes, mes chers collègues, en train d'assister à un changement de comportement sexuel très préoccupant et à voir fleurir sur des sites Internet des annonces terribles, alarmantes pour les parents que nous sommes, du type : « séropositif cherche séronégatif pour contamination ».

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Parce que le sida ne fait plus peur, notamment aux jeunes entre quinze et vingt ans, parce que certains ont oeuvré laborieusement à sa démystification, parce que la trithérapie est comprise aujourd'hui comme un moyen de guérison, les conduites dangereuses sont en train de se multiplier.

J'ai bien entendu hier la réponse de Mme Gillot à une question de notre collègue Catherine Génisson. (« La question ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

J'entends aussi les aboyeurs qui ne semblent pas faire grand cas de ce drame mondial. (Protestations sur les mêmes bancs.)

Et c'était eux, tout à l'heure, qui voulaient nous donner des leçons ! Les quelques rares campagnes qui ont été menées étaient mal ciblées. Pis, depuis quelques années, il y une diminution de l'effort financier qu'avaient entrepris les précédents gouvernements. Sachez, mes chers collègues, que, dans le budget pour 2001, la ligne budgétaire sida MST est passée de 524 millions à 435 millions, soit une baisse de 27 %.

M. le président.

Monsieur Teissier, je ne méconnais pas l'importance du sujet, mais pouvez-vous poser votre question ?

M. Guy Teissier.

Monsieur le Premier ministre, faites en sorte que votre inaction dans la lutte contre le sida ne soit pas le prélude à un nouveau scandale de la santé publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, pour une réponse qui sera brève.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

J'aurai l'occasion de revenir sur le sujet, monsieur le président. Les nouvelles contaminations dont vous faites état, monsieur le député, sont connues des pouvoirs publics : la grève des médecins-inspecteurs ne les a pas empêchés d'être informés de l'évolution des contaminations. Les chiffres ont d'ailleurs été rendus publics la semaine dernière par l'Institut de veille sanitaire et ils nous ont permis, en concertation étroite avec les associations, de développer une nouvelle stratégie de prévention de cette terrible maladie.

M. Thierry Mariani.

Cette « terrible maladie » ? Laquelle ?

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Le sida !

M. Thierry Mariani.

Quelle stratégie ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Le VIH sida continue à provoquer des contaminations, alors même que nous enregistrons des progrès en matière de thérapeutique, une amélioration de la santé des malades et un allongement de leur durée de vie.

Nous allons travailler étroitement avec les associations pour lutter contre le relâchement des comportements préventifs, qui est certes le fait de populations assez marginales, mais qui est de nature à nous inquiéter.

Ajouté à la recrudescence des maladies sexuellement transmissibles, ce relâchement nous montre que nous devons relancer la politique de prévention, relancer la campagne d'utilisation des préservatifs, masculins et féminins,...

M. Guy Teissier.

Faites-le !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

... et surtout mettre l'accent sur l'éducation à la santé, sur l'éducation sexuelle, laquelle doit prendre en considération tous les risques liés à une sexualité non protégée, qui vont de la grossesse non désirée à la maladie sexuellement transmissible et au sida.

Monsieur le député, le Gouvernement est tout à fait conscient des risques entraînés par ce relâchement des comportements.

M. Thierry Mariani.

Vous diminuez les crédits !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Pour ce qui est de la diminution de l'effort financier, je m'inscris en faux.

M. Guy Teissier.

Ce sont les chiffres du budget !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Les subventions consacrées aux associations s'élèvent à 500 millions de francs et sont en augmentation de 1,5 % par rapport à l'an dernier. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

En revanche ce qui diminue considérablement, ce sont les dons privés et le bénévolat, ce dont se plaignent les associations. Pourtant, nous avons grandement besoin d'elles pour relayer les actions en proximité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe communiste.

PRIME POUR LES CHO

MEURS

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, mes chers collègues, en un an, le chômage a de nouveau reculé de 16,9 % : l'action du Gouvernement pour favoriser la demande, les 35 heures et les emplois-jeunes y ont contribué. Mais au moment où les plus grandes entreprises françaises, les compagnies pétrolières en tête, annoncent pour les six premiers mois de l'année 2000 autant de profits que durant toute l'année 1999, il devient urgent d'annoncer des mesures fortes en faveur des plus démunis : les chômeurs, celles et ceux qui touchent les minima sociaux, celles et ceux qu'on appelle les travailleurs pauvres, c'est-à-dire les personnes qui gagnent moins de 3 500 francs par mois.

Au moment où viennent d'ouvrir les restaurants du coeur, nous ne pouvons plus accepter, dans un pays riche comme le nôtre, que la richesse insolente des uns cohabite avec la détresse des autres.

M. Maxime Gremetz.

Très juste !

M. Jean-Claude Sandrier.

Alors même que le PARE, imposé par le MEDEF et rejeté par les syndicats majoritaires, sera une nouvelle machine à exclure, nous vous demandons, madame la ministre, d'accorder une prime de 3 000 francs pour les chômeurs, afin qu'ils puissent bénéficier avec leurs enfants, avec leur famille, des fêtes de fin d'année, et d'augmenter de façon substantielle les minima sociaux, le SMIC et les retraites les plus basses.

Il ne s'agit pas simplement de justice sociale - ce qui suffirait à justifier notre demande -, il s'agit aussi d'efficacité économique, tant il est vrai qu'aucune comparaison n'est possible entre le caractère nuisible de l'argent qui spécule, de la recherche permanente du profit maximum qui mène à la maladie de la vache folle et à la catastrophe de l' Erika, et le caractère utile d'un argent destiné à une consommation vitale et immédiate, et donc injectée dans l'économie et l'emploi.

Madame la ministre, nos concitoyens les plus malheureux, les plus en difficulté, attendent avec impatience des décisions du Gouvernement. Pouvez-vous les annoncer à la représentation nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, vous appelez l'attention de l'Assemblée nationale...

M. Lucien Degauchy.

Non, celle du Gouvernement !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... sur la situation à laquelle sont confrontées les personnes qui n'ont pas encore retrouvé du travail, les femmes seules qui se débattent tous les jours dans des difficultés terribles, les 80 000 jeunes qui n'ont ni toit ni ressources, les travailleurs pauvres qui vivent l'angoisse du quotidien.

Et vous soulignez, à juste titre, le contraste entre une société riche, des fortunes insolentes, des gaspillages éhontés et la situation de ces personnes que nous devons absolument sortir des difficultés dans lesquelles elles se débattent.

Je rappellerai d'abord, monsieur le député, ce qu'a fait ce gouvernement avec le soutien de la majorité en faveur de ces catégories défavorisées. Nous avons, grâce à une politique économique adaptée, donné l'absolue priorité à la lutte contre le chômage : bientôt un million de personnes auront retrouvé du travail dans notre pays. De plus, la baisse du chômage a profité à toutes les catégories et surtout aux chômeurs de longue durée qui sont, nous le savons, ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi. Je veux aussi rappeler que, depuis 1997, nous avons fortement revalorisé le RMI et l'allocation de solidarité spécifique, cette dernière ayant augmenté de 13 %. Je tiens également à préciser que la convention UNEDIC prévoit la fin de la dégressivité des allocations de chômage, ce qui, je crois, constitue un progrès, même si l'on aurait pu espérer encore mieux en ce domaine. J'indique encore que, depuis quinze jours, c'est-à-dire depuis que vous avez voté cette mesure, les titulaires des allocations de chômage sont exonérés de la contribution de solidarité.

Pour ce qui est des titulaires des minima sociaux, ils doivent pouvoir participer, comme vous venez de le dire, aux fêtes de fin d'année. L'année dernière, le Gouvernement leur a accordé une prime de 1 000 francs. Cette année, j'ai d'ores et déjà annoncé une revalorisation du minimum vieillesse et de l'allocation adulte handicapé. Je


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souhaite que les bénéficiaires du RMI et des allocations de solidarité puissent, eux aussi, voir leur pouvoir d'achat augmenter. Le Gouvernement doit prendre incessamment des décisions. Sachez qu'elles seront dictées par la volonté d'augmenter le pouvoir d'achat des chômeurs et de faire reculer la pauvreté dans notre pays.

Quant au SMIC, car il y a aussi des travailleurs pauvres, vous savez que son pouvoir d'achat a augmenté depuis 1997 deux fois plus qu'entre 1993 et 1997,...

M. Maxime Gremetz.

Et baissé avant !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et que la réduction de la CSG,...

M. Maxime Gremetz.

Arrêtez !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... adoptée par votre assemblée il y a quinze jours dans le cadre du PLFSS,...

M. Maxime Gremetz.

Ce n'est pas vrai ! Regardez les chiffres !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... équivaudra à une augmentation équivalente à un treizième mois entre maintenant et 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

LUTTE CONTRE LE SIDA

M. le président.

La parole est à M. Roger Meï.

M. Roger Meï.

Madame la secrétaire d'Etat à la santé, ma question concerne également le sida, mais je vais vous la poser de façon positive car le sida, lui, ne fait pas de politique ! L'an dernier, au mois de décembre, je lançais un avertissement : 12 % des Français croyaient que l'on pouvait guérir du sida. Aujourd'hui, le nombre des décès en France a certes connu un net ralentissement grâce aux trithérapies, mais on enregistre aussi de nouveaux cas de sida par suite d'une baisse de la vigilance en matière de prévention. Ce relâchement a des conséquences graves et se traduit par une recrudescence des demandes d'accueil dans les maisons de soins palliatifs, dont une que je connais bien puisqu'elle est installée dans ma commune.

En France, le nombre de personnes ayant contracté la maladie continue d'augmenter d'environ 5 à 6 % par an.

Dans le monde, 35 millions de personnes sont infectées, l'Afrique étant le continent le plus touché. La plupart des malades n'ont pas les moyens d'accéder aux traitements de base. Malgré les promesses du congrès mondial contre le sida qui s'est tenu à Durban, force est de constater que rien n'a changé. Le coût moyen d'une trithérapie est de 3 000 francs, et ce après que certains laboratoires pharmaceutiques ont consenti des concessions. Nous ne pouvons accepter une telle situation.

Pourtant, la solution existe et elle est toute simple : elle consisterait à utiliser des médicaments génériques. La fabrication et la diffusion de médicaments génériques par les pays du Sud capables de les produire permettraient de soigner des millions de personnes. Cependant, comme vous le savez, cela n'est pas possible à cause des nouvelles règles fixées par les trusts pharmaceutiques dans le cadre des accords de l'OMC sur les brevets. Si les brevets servent aux seuls malades solvables, alors les brevets sont criminels ! Madame la secrétaire d'Etat, quelles dispositions le Gouvernement compte-t-il prendre afin de relancer la politique de prévention en France et quelles actions entend-t-il engager avec d'autres pays pour abolir la propriété intellectuelle lorsqu'elle tue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

Je vous remercie d'être aussi nombreux à poser des questions sur cette terrible maladie qu'est le sida. Elle constitue une menace grave pour la population française, mais aussi pour les populations à travers le monde puisque le nombre des malades atteint plusieurs dizaines de millions et que beaucoup n'ont pas les moyens de se soigner.

L'excès d'optimisme provoqué par les progrès thérapeutiques, le recul de la crainte par rapport au sida, le relâchement des comportements de prévention imposent un réveil de la conscience collective. Les informations qui ont été rendues publiques la semaine dernière font état d'une recrudescence des maladies sexuellement transmissibles, d'une méconnaissance sérologique de 50 % des personnes qui ont déclaré un sida l'année dernière, d'un nombre trop important de nouvelles contaminations. Il faut le rappeler, le sida est toujours présent, et cette maladie rend la vie extrêmement difficile, elle est même encore mortelle dans notre pays.

J'ai donc décidé d'engager un nouveau programme d'information.

L'information doit être omniprésente, récurrente, diversifiée. Elle doit assurer une éducation concertée en direction des jeunes - mais pas seulement - sur l'accès aux outils de prévention que sont les préservatifs masculins et féminins, sur la relance du dépistage et l'amélioration de l'accès aux soins et de la prise en charge sociale et médico-sociale des malades. Tels sont les principes qui fondent la nouvelle stratégie de prévention que je compte adopter avec les associations et que j'ai annoncée le 1er décembre dernier.

Par ailleurs, au niveau international, et sans compter les 100 millions de crédits publics consacrés cette année au fonds de solidarité thérapeutique international, la France soutient fortement la Commission européenne dans la concrétisation des résolutions qui ont caractérisé la table ronde organisée le 28 septembre dernier autour de l'Onusida et de l'OMS avec les représentants de l'industrie pharmaceutique. En effet, pour lutter solidairement conte les maladies infectieuses, dont le sida, nous devons obtenir la participation des industries pharmaceutiques. Cette lutte déterminée passe effectivement par la garantie pour les pays touchés d'accéder aux soins, aux traitements et aux médicaments qui sont, nous le savons, beaucoup trop chers pour les pays pauvres.

L'annonce de l'industrie pharmaceutique au printemps dernier de baisser ses prix doit se concrétiser. Le 28 septembre dernier, les représentants de l'industrie pharmaceutique ont évoqué pour la première fois l'hypothèse d'une double tarification, face à la pression du générique, qui permettrait de rendre les médicaments accessibles dans les pays pauvres. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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M. le président.

Nous en venons à la question du groupe Radical, Citoyen et Vert.

TÉLÉVISION NUMÉRIQUE HERTZIENNE

M. le président.

La parole est à M. Robert Honde.

M. Robert Honde.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication. Le 18 décembre, l'offre en matière de télévision s'enrichira d'une nouvelle chaîne, qui a pour nom TF6. Deux groupes de communication, TF1 et Métropole Télévision, ont conclu une alliance qui s'inscrit dans de grandes manoeuvres engagées autour du réseau numérique hertzien. Trente-six nouvelles chaînes pourraient être proposées à l'échéance de deux ans. Cette association entre deux opérateurs privés semble avoir un but : éviter une concurrence frontale. Le service public pourrait, de son côté, via France Télévision, disposer de six chaînes nouvelles, douze si l'on raisonne en termes de pôle public.

Madame la ministre, quelle réponse comptez-vous donner à la demande de financement du service public, qui s'élève à un milliard de francs ? Comment organiserezvous l'accès à ces programmes ? Seront-ils accessibles gratuitement ou seront-ils payants, en totalité ou seulement pour partie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le député, vous vous interrogez sur l'avenir de la télévision numérique hertzienne. C'est un vrai sujet, car l'enjeu culturel et technologique est important. D'ailleurs votre collègue M. Mathus organisait ici-même, hier, un colloque sur ce thème.

Le Gouvernement a choisi d'apporter tout son soutien à la télévision numérique hertzienne et la récente loi sur l'audiovisuel est largement consacrée au développement du numérique terrestre. La nouvelle offre, portant environ sur trente-six canaux, devra accorder une place privilégiée à l'offre de programmes gratuits sans pour autant interdire le développement de programmes payants. Il reviendra au CSA d'établir, en fonction des candidatures qui lui seront adressées, un juste équilibre entre programmes gratuits et programmes payants.

Quant au service public, qui jouira d'une attribution prioritaire conformément aux termes mêmes de la loi, il présente actuellement, France Télévision et Arte France réunis, à son actionnaire, l'Etat, un certain nombre de projets parmi lesquels il va nous falloir choisir avec l'objectif de constituer une première offre gratuite forte.

Nous étudions ces projets avec les entreprises sur la base des enjeux éditoriaux et des données économiques. Les choix définitifs seront inscrits dans les contrats d'objectifs et de moyens que les chaînes signeront avec l'Etat dès le premier trimestre 2001.

Quant au milliard que vous évoquez, il représente l'engagement qu'a pris le Gouvernement d'apporter à France Télévision un capital qui sera consacré aux investissements nécessaires pour le déploiement de ces projets.

L'affectation de ces nouveaux moyens interviendra lorsque les projets eux-mêmes seront mis en oeuvre, c'està-dire en 2002. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions d'actualité.

2

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président.

L'ordre du jour des séances que l'assemblée tiendra du mardi 19 au jeudi 21 décembre 2000 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

Par ailleurs, la conférence des présidents a décidé d'organiser, aux lieu et place de la séance de questions orales sans débat du mardi 19 décembre matin, une séance de questions orales avec débat sur l'avenir des institutions.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Christine Lazerges.)

PRE SIDENCE DE Mme CHRISTINE LAZERGES,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est reprise.

3 ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE Discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi

Mme la présidente.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 10 novembre 2000

« Monsieur le président,

« J'ai été informé que la commission mixte paritaire n'a pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'archéologie préventive.

« J'ai l'honneur de vous faire connaître que le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture du texte.

« Je vous prie d'agréer, Monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de ce projet de loi (nos 2620, 2743).

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi sur l'archéo-


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logie préventive revient devant votre assemblée après l'échec, le 10 novembre dernier, de la commission mixte paritaire.

Nul ne conteste l'intérêt de légiférer sur l'archéologie préventive. Croyez bien que je regrette qu'aucun accord n'ait pu être trouvé entre l'Assemblée nationale et le Sénat, car chacun s'accorde à considérer qu'il est nécessaire et urgent de donner un cadre juridique et financier à un tel sujet. Nous aurions pu faire l'économie de nouvelles lectures d'un texte que tous, élus, aménageurs et archéologues, attendent désormais avec impatience.

M. Aloyse Warhouver.

Absolument ! M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Il reste donc au Gouvernement à prendre acte de ce désaccord, sachant qu'il trouve principalement son explication dans l'appréciation, divergente, qu'ont les deux assemblées de la manière de gérer le service public de l'archéologie et, plus globalement, la recherche scientifique.

Comme je l'ai dit devant le Sénat le 5 octobre dernier, ce projet de loi avait trouvé globalement son équilibre dans la version que vous aviez adoptée en seconde lecture. Il répondait, si j'ose m'exprimer ainsi, au cahier des charges que le Gouvernement avait arrêté et que votre assemblée, grâce au travail de sa commission des affaires culturelles, et plus particulièrement de son rapporteur, M. Marcel Rogemont, avait largement contribué à améliorer. Je rappelle, à cet égard, que l'objectif fixé n'est pas un simple toilettage des pratiques existantes. L'ambition qui nous porte est celle d'une véritable refondation de la discipline. Il s'agit de lui donner une légitimité scientifique qu'elle n'a pas toujours eue. Il s'agit d'intégrer l'archéologie préventive aux procédures attachées à l'amé nagement des villes et des campagnes.

Dans cette perspective, le projet de loi tel que vous l'aviez adopté se donnait les moyens des ambitions affichées, d'abord en réaffirmant le rôle prépondérant de l'Etat à qui il revient de concilier les exigences souvent contradictoires de la protection du patrimoine archéologique et les nécessités de l'aménagement du territoire.

Cette exigence de protection du patrimoine archéologique se traduisait par la mise en place d'outils et de procédures adaptés. Je pense, en particulier, au renforcement des pouvoirs de prescription des services de l'Etat - DRAC, services régionaux de l'archéologie - qui doivent pouvoir exiger la réalisation d'un diagnostic préalable rendu nécessaire par des projets de travaux susceptibles de porter atteinte au patrimoine archéologique. De plus, les services de l'Etat auront la possibilité de prendre les mesures de conservation qu'impose l'intérêt scientifique ou patrimonial du site, de prescrire les mesures techniques permettant d'éviter ou de réduire le geste destructeur ou, si aucune autre solution n'est envisageable, d'ordonner la réalisation d'une fouille préventive.

Il s'agissait également de garantir la qualité scientifique des opérations préventives. La création d'un établissement public administratif, doté d'un conseil scientifique indépendant, chargé, de manière exclusive, de la réalisation des opérations préventives et de l'exploitation scientifique de leurs résultats et ce en association, chaque fois que nécessaire ou possible, avec les organismes publics développant une activité de recherche en archéologie CNRS, universités -, ainsi qu'avec les services archéologiques des collectivités locales, répondait parfaitement à cette préoccupation.

Il en était de même pour ce qui concerne l'intégration des personnels de l'établissement public aux réseaux de la recherche grâce à la mise en place d'unités associées regroupant, selon des modalités à inventer et sur des thèmes suffisamment larges pour intégrer l'ensemble des champs chronologiques, les institutions scientifiques et les chercheurs intéressés par cette discipline.

Enfin, en facilitant l'étude des objets mobiliers par l'instauration d'un droit de garde pour une durée de cinq années au profit de l'établissement public, le projet de loi donnait toute garantie quant aux possibilités de réaliser, après l'opération de terrain, une véritable exploitation scientifique de leur résultat.

I l convenait, enfin, de sécuriser les aménageurs, d'abord en améliorant leur information grâce à l'établissement et à la mise à jour de la carte archéologique de la France par les services de l'Etat, en collaboration avec les organismes de recherche et les services archéologiques des collectivités locales.

En outre, les modalités de calcul des redevances, fondées sur des données objectives et vérifiables par tous, comprennent des mécanismes d'exonération et de plaf onnement évitant de pénaliser les programmes de constructions à usage d'habitation, encouragés par ailleurs par le Gouvernement.

Toujours pour répondre à cette même préoccupation, la mise en place de dispositifs de conventionnement avec l'opérateur archéologique illustrait le souci de ne pas pénaliser les aménageurs par des délais d'intervention incontrôlables.

J'ajoute, pour conclure cette énumération, qu'il s'agissait aussi de sortir « par le haut » de la situation actuelle en régularisant la situation de l'Association française des fouilles archéologiques - AFAN - en remettant ses actifs à l'établissement public et en transférant ses personnels au nouvel organisme. Le Sénat n'a pas cru devoir vous suivre dans la voie ainsi tracée. Il vous incombe donc de remettre ce texte en ordre.

J'ai ainsi pris connaissance, en m'en félicitant, des amendements déposés par votre commission des affaires culturelles. La plupart d'entre eux tendent en effet à revenir au texte que vous aviez adopté lors de votre séance du 23 mai consacrée à la deuxième lecture de ce projet de loi. Ils ne pourront recevoir qu'un avis favorable de ma part, à l'exception toutefois de ceux, peu nombreux, auxquels le Gouvernement s'était montré défavorable. Bien entendu, je serai particulièrement attentif aux amendements déposés par votre commission dès lors qu'ils visent à améliorer ce projet de loi sans le dénaturer.

Je souhaite qu'à l'issue de nos travaux de ce soir, nous puissions disposer d'un texte qui soit à la mesure de l'ambition que nous avons de développer une discipline fondamentale pour la connaissance de notre passé. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Aloyse Warhouver.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Marcel Rogemont, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous abordons la troisième lecture de ce projet de loi.

Point n'est besoin de revenir dessus dans le détail. Rappelons seulement que la loi de 1941 organise ce que l'on peut appeler l'archéologie programmée. Rappelons que le


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développement urbain, les grandes infrastructures ont fait exploser cette loi, notamment le régime de la découverte fortuite, et l'essentiel des interventions en archéologie s'effectue aujourd'hui dans l'urgence. Rappelons que l'organisation de l'archéologie d'urgence est aujourd'hui dans l'impasse et qu'il est de notre responsabilité de donner corps à l'archéologie préventive. Rappelons encore que personne, ni dans cette assemblée ni au Sénat, ne remet en cause la nécessité de fortifier l'archéologie et de la doter d'un cadre juridique stable pour son organisation et son action. Voilà quel était le contexte lors de la commission mixte paritaire.

Malheureusement, malgré cette analyse commune, la réunion en CMP n'a pas permis de déboucher sur un texte unique, tant les points de vue des deux assemblées étaient divergents. Le Sénat et l'Assemblée nationale ont en effet une vision différente de l'archéologie préventive, donc de son organisation. Le Sénat propose un établissement public industriel et commercial dont la seule fonction serait de récupérer le personnel actuel de l'AFAN et qui interviendrait dans un contexte concurrentiel. Or, nous le savons bien, la concurrence n'existe pas et les pays qui ont fait un tel choix se trouvent confrontés à la mise en oeuvre d'une myriade de solutions guère plus brillantes que celle de l'AFAN. Une pluralité d'intervenants en concurrence permettrait peut-être de régler la question des fouilles les plus rentables, mais certainement pas celle des fouilles menées dans les petites communes, sauf à brader l'exigence intellectuelle qui préside à l'acte archéologique.

La seule exception à la libre concurrence proposée par le Sénat concerne les services archéologiques des collectivités territoriales, un peu comme s'il fallait protéger de la concurrence les services archéologiques de sa commune et, au-delà, laisser chacun s'organiser librement. C'est pratiquement une municipalisation rampante de l'archéologie et de son coût que nous propose le Sénat. Je rappelle que le coût de l'archéologie est de l'ordre de 700 millions de francs et que cette charge supplémentaire serait alors répartie de façon aléatoire et inégale sur les finances de certaines communes. Bref, selon que l'on occupe un espace intéressant ou pas du point de vue des fouilles archéologiques, le Sénat semble préconiser à chacun de se libérer de la contrainte archéologique comme il le pourra.

Ainsi, pas à pas, les dispositions apparemment techniques successivement proposées par le Sénat font sortir l'archéologie préventive de l'espace scientifique pour la f aire entrer dans l'espace marchand concurrentiel.

L'Assemblée nationale entend au contraire affirmer le principe d'une archéologie préventive totalement intégrée à l'espace scientifique.

Nous affirmons que le diagnostic, comme la fouille, représente un ensemble de tâches non détachables de l'acte scientifique. Et c'est parce que l'archéologie préventive est pleinement inscrite dans l'espace scientifique qu'une organisation marchande de son fonctionnement n'est pas souhaitable. Seule une organisation publique garantira des conditions satisfaisantes à l'exercice proprement scientifique que constituent les diagnostics et les fouilles.

Il revient à l'Etat d'assumer sa responsabilité en exerçant un pouvoir de préconisation, tant technique que financier, puisque c'est lui qui fixe la redevance, de nomination des scientifiques en charge de cette mission, de contrôle et de l'exécution du travail effectué. Il lui revient aussi de déléguer à un organisme public une forte responsabilité pour assumer les actes archéologiques afin que, en tout lieu de notre pays et pour tout temps, dans la transparence et avec une prévisibilité accrue, il soit permis à un donneur d'ordre public ou privé d'être libéré de la contrainte archéologique dans les plus brefs délais.

Seule une telle responsabilité, confiée à un organisme public, permet l'égal traitement de chacun où qu'il soit sur le territoire. Seule une telle responsabilité, confiée à un organisme public, permet, grâce à la mise en place d'une redevance, une certaine mutualisation du coût de l'archéologie. Seule une telle responsabilité, confiée à un organisme public, permet d'exonérer de la redevance les logements sociaux et les logements construits pour soimême.

Face à cette forte responsabilité, l'établissement public se voit confier des droits exclusifs. Mais ces droits exclusifs n'entament pas la nécessité, rappelée par la loi, de faire vivre l'ensemble des acteurs de l'archéologie, qu'ilss oient associatifs ou universitaires, qu'il s'agisse du CNRS, des services archéologiques des communes ou des collectivités territoriales, des bureaux d'étude ou d'autres secteurs. Il importe de donner sa place à chacun, notamment aux services archéologiqes des collectivités territoriales agréés par l'Etat.

Voilà le fondement du différend entre le Sénat et notre assemblée. Chacun comprend que la commission mixte paritaire n'ait pu aboutir.

Cependant, il est clair que notre assemblée se doit d'être attentive aux travaux du Sénat. Pointant une question ici, proposant une solution là, ce dernier a enrichi la réflexion collective. Alors, dans un paysage clairement défini, mais dans un esprit d'ouverture, je propose à notre sagacité, et au gré des articles du projet de loi, le résultat des travaux de notre commission.

Pendant des heures, auditions et travail collectif ont mobilisé non seulement les membres de la commission, mais aussi vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, nos collaborateurs et les vôtres, autant de personnes dont je tiens à saluer la disponibilité et la compétence. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Exception d'irrecevabilité

Mme la présidente.

J'ai reçu de M. Jean-François Mattei et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lors d'une précédente lecture, notre excellent rapporteur, dans une envolée lyrique, concluait son propos en affirmant en substance : « Désormais, l'archéologie préventive deviendra citoyenne. » Forte déclaration

! Malgré tout, ce n'est faire injure à personne que de dire, sans mésestimer l'intérêt de l'archéologie pour l'histoire, pour la recherche, pour la conservation de vestiges utiles à la science et à la connaissance par le plus large public de ce qui fut le passé de notre pays, que le texte qui nous est à nouveau soumis est d'une importance toute relative, tant par le nombre de personnes concernées que par ses enjeux économiques.

Nous aurions pu, mes chers collègues, faire l'économie de cette nouvelle lecture, comme de la motion de procédure que je vous présente. J'ajoute, à titre très personnel, qu'ayant veillé assez tard pour cause de projet de loi habilitant le Gouvernement à recourir aux ordonnances, j'aurais apprécié d'être de repos aujourd'hui...


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M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Il ne tient qu'à vous !

M. François Goulard.

Néanmoins, ce texte viole plusieurs principes. Or ceux-ci valent quelquefois plus que l'extension des textes qu'ils sous-tendent.

Je dois vous dire, sans excès, sans emphase, que je suis réellement choqué par le texte que vous nous proposez depuis quelques mois. Résumons la situation : existait, d'assez longue date, l'Association française des fouilles archéologiques nationales, qui était ce qu'on appelle, dans le discours très convenu de la Cour des comptes, un

« errement critiquable ». L'administration, croyant bien faire, avait eu recours à un expédient, pour répondre à certains besoins, elle avait créé une association, embauché des salariés, sans se soucier d'ailleurs forcément de leur avenir, en les dotant d'un statut par essence précaire.

Il est assez fréquent de voir l'administration ne pas se soucier des conséquences, à terme, de sa propre conduite.

En l'occurrence, il convenait qu'un jour ou l'autre un terme soit mis à cette mauvaise solution. Et pour ce faire, vous avez choisi une solution de facilité, encore plus mauvaise que la précédente : le monopole.

Vous avez voulu créer un établissement public, doté d'un monopole et reprenant les salariés de l'association.

C'est très bien pour les salariés, et je m'en réjouis, mais c'est très mauvais au regard des principes. En effet, peutêtre sans vous en rendre compte, vous avez enfreint des principes de nature constitutionnelle. Et c'est ce sur quoi je voudrais maintenant m'étendre - très brièvement, je vous rassure tout de suite.

Je précise que si je défends cette exception d'irrecevabilité, c'est parce que nous avons l'intention de déposer - si nous trouvons soixante signataires - un recours devant le Conseil constitutionnel. Il n'eût pas été convenable de déposer ce recours sans avoir au préalable, en séance publique, proposé à nos collègues de renvoyer ce projet pour cause de contradiction avec notre loi fondamentale.

Premier point : votre texte entretient une confusion critiquable sur la nature de l'établissement que vous créez.

Celui-ci est à la fois administratif, et industriel et commercial : administratif pour les fonctions de contrôle, industriel et commercial pour les fonctions d'exécution.

Vous lui transférez des compétences qui sont de nature strictement administrative, tout en lui confiant le travail qui est aujourd'hui exécuté par des entreprises commerciales - même si celles-ci sont peu nombreuses. Ainsi, vous lui assignez une double vocation. Et c'est la loi qui tranche, s'agissant de la nature de cet établissement public. Ce point peut encourir la censure du juge constitutionnel, qui réserve au règlement la qualification de la nature des établissements publics. Mais ce n'est pas fondamental.

Le point le plus contestable, c'est l'établissement d'un monopole. Le monopole n'est pas en soi contraire à la Constitution ; aucune de ses dispositions ne l'interdit. A contrario, notre ordre juridique s'est accommodé et s'accommode toujours de monopoles. Mais encore faut-il qu'ils répondent à un objectif. C'est le cas dans certains secteurs industriels et commerciaux ; on parle alors de

« monopoles naturels ». En l'occurrence, le monopole n'est en rien justifié.

Il n'est pas préexistant. Jusqu'à présent, l'activité était exercée à la fois par des associations, dont l'AFAN, par des entreprises privées et par des collectivités locales. Il n'y avait pas de monopole. Vous en créez un, sans aucune nécessité. C'est à mon avis contraire à la Constitution et à l'application que peut en faire aujourd'hui le juge constitutionnel. Il y a cinquante ans, sa position aurait peut-être été différente. Mais créer aujourd'hui un tel monopole, sans qu'aucune raison positive ne le justifie, je le répète, anticonstitutionnel.

Une telle création est également contraire aux traités européens, qui s'imposent au législateur de manière incontestable. Les articles 86 et 90 du traité fondateur de l'Union européenne qui ont trait à la libre concurrence interdisent ces monopoles, sauf exceptions expressément prévues. Le principe de libre concurrence prévaut et, dans la mesure où ce principe préexistait à la création de l'établissement public monopolistique, vous vous trouvez en contradiction avec les traités européens.

Conséquence directe de l'établissement du monopole, vous portez atteinte à la liberté d'entreprendre, qui est protégée constitutionnellement. Son affirmation la plus solennelle remonte au 16 janvier 1982, lorsque le juge constitutionnel avait été chargé d'examiner les lois de nationalisation. Je ne vois pas ce qui peut vous permettre d'attenter à cette liberté dans un domaine comme celui-là, d'autant qu'elle préexistait à la loi. Il y a là un motif extrêmement solide d'annulation.

L'archéologie préventive n'était pas le monopole de l'association AFAN. Elle était exercée par des entreprises privées, et par certaines collectivités locales qui avaient développé des services d'archéologie préventive. En créant un monopole au profit d'un établissement public en matière d'archéologie préventive, vous allez empêcher les collectivités locales de maintenir les services qu'elles avaient créés. En ce sens, vous violez un autre principe constitutionnel qui est le principe de libre administration des collectivités locales.

M. Serge Blisko.

Oh, là là !

M. François Goulard.

Ce principe figure à l'article 72, alinéa 2 : « Les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi ». Et le juge constitutionnel s'est appuyé dessus, à de très nombreuses reprises, pour censurer des dispositions législatives.

Dans la mesure où, antérieurement à la loi, des collectivités exerçaient cette activité, qu'elles ne peuvent plus le faire qu'avec l'accord de l'établissement public auquel vous avez conféré un monopole, vous portez atteinte à cette libre administration. C'est un motif d'inconstitutionnalité.

Vous portez également atteinte au droit de propriété, qui figure à l'article XVII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ».

Peu d'entreprises sont concernées. Mais en droit - sinon en fait, puisque vous nous avez dit dans des lectures précédentes que l'établissement public pouvait déléguer, « sous-traiter » certaine tâches - vous les privez d'exercer leur activité. Vous les rayez d'un trait de plume - la plume du législateur - malencontreux. C'est une atteinte évidente au droit de propriété sans indemnisation juste et préalable.

Encore une fois, quelques entreprises seulement sont concernées. Mais la force des principes s'impose. Il suffirait d'une seule entreprise pour que le principe fût violé.

Et, en l'occurrence, il l'est.

Vous portez ensuite atteinte à la liberté d'association.

Des associations exerçaient et exerçent cette activité d'archéologie préventive. Le monopole fait que vous avez


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désormais la possibilité de vous y opposer. Or vous ne pouvez pas, par la seule volonté du législateur, empêcher, voire encadrer la liberté d'association que le juge constitutionnel a incorporée, en 1971, dans notre bloc de constitutionnalité.

Autre point, que je n'avais pas évoqué lors des lectures précédentes ; votre projet de loi porte atteinte, et c'est très grave sur un plan juridique, à la liberté d'expression.

Le monopole d'activité que vous conférez à l'établissement public s'étend en effet à la diffusion scientifique des résultats et à l'exploitation scientifique des données.

La France a signé - et ratifié - la Déclaration universelle des droits de l'homme et il ne peut pas y avoir de restriction à la liberté d'expression. Or, selon moi, sur ce dernier point, votre texte lui porte atteinte.

Il y a quelques instants, monsieur le rapporteur, vous avez justifié l'exclusion de certains acteurs et l'instauration d'un monopole par le fait que l'archéologie relevait de la science. Ce que vous avez dit est purement et simplement monstrueux - et je pèse mes mots ! La science n'est pas un monopole de l'Etat. Il l'était en Union soviétique et ça a donné Lyssenko et quelques autres désordres. En France, la science est libre. Elle appartient aux individus.

Par ailleurs, vous violez par deux fois l'article 34 de la Constitution.

D'abord, parce que vous organisez la reprise des engagements de l'association, ce qui va d'ailleurs dans la logique de votre démarche. En droit, je considère que cela relève d'une loi de finances, en application de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique, et non d'un loi ordinaire.

Ensuite, parce que, malgré les amendements adoptés en première lecture, vous conférez à l'établissement public le pouvoir de déterminer ses ressources. C'est empiéter sur la compétence - exclusive - du législateur en matière de détermination des impositions de toute nature. L'attribution de ce pouvoir fiscal ou quasi fiscal est donc contraire à l'article 34 de la Constitution.

Au niveau strictement juridique, les motifs sont assez nombreux pour m'amener à penser que le juge constitutionnel accueillera favorablement notre recours.

Au niveau administratif, la méthode est très mauvaise.

Il y a trente ou quarante ans, il était concevable de créer de tels établissements publics. Aujourd'hui, c'est complètement suranné. Que l'Etat se préoccupe de certaines fonctions fondamentales, qu'il exerce des contrôles et qu'il s'assure que l'archéologie préventive est exercée dans des conditions satisfaisantes, c'est normal et nous en sommes tous d'accord. Mais qu'il confère un monopole à un établissement public pour le faire, c'est totalement hors d'époque, hors de propos. Cela relève d'une erreur manifeste dans l'administration des moyens de l'Etat.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Serge Blisko, pour une explication de vote.

M. Serge Blisko.

J'ai écouté avec beaucoup d'attention M. Goulard. J'ai été frappé de la façon dont il a pu décrire le projet de loi que M. le ministre nous a présenté tout à l'heure. Tant de forfaits ont été prêtés à la fois au Gouvernement et au rapporteur ! Je n'ai pourtant pas retrouvé, dans les propos de ce dernier, une telle volonté de bafouer la liberté d'association, la liberté d'entreprendre, le code de la propriété, la liberté d'expression, et la libre administration des collectivités locales.

Si tel était le cas, notre émotion eût été bien plus forte ! Le Sénat lui-même, qui n'était en rien d'accord avec le texte présenté à l'Assemblée nationale - d'où l'échec de la commission mixte paritaire -, a reconnu à l'Etat le devoir d'organiser l'archéologie préventive mieux qu'elle ne l'était jusqu'à présent.

Vous avez décrit avec justesse les errements de l'AFAN, organisme datant de 1973 et relevant d'une construction juridique et financière hasardeuse. A la suite d'un simple échange de lettres entre le ministère de la culture et le ministère de la finance, cette association loi de 1901 s'était vu déléguer une partie du travail qui incombe à une administration.

Mais de là à se lancer dans une description terrifiante...

Je me demande, monsieur Goulard, quelle lecture vous avez du projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui en troisième lecture. J'aurais été alarmé si ce projet de loi avait prévu de supprimer les services archéologiques des collectivités locales municipaux ou départementaux. Or il n'en est pas question. J'aurais été alarmé si le projet de loi que vous dénoncez avait prévu d'empêcher les quelques rares - vous l'avez reconnu - entreprises concurrentielles d'effectuer des fouilles. Or ce n'est pas le cas.

M. François Goulard.

Il le peut !

M. Serge Blisko.

J'aurais été alarmé, en dernier lieu, si on l'avait interdit aux associations loi de 1901, héritières des sociétés savantes du XIXe siècle, des sociétés d'antiquaires. Mais il n'en est rien.

Ces trois catégories d'intervenants sont les bienvenues dans le projet de loi, monsieur Goulard, et je regrette que, visiblement, nous n'ayons pas su vous convaincre.

Nous espérons encore y parvenir avant la fin de ce débat, car il faut tout de même, pardonnez-moi de vous le dire, garder les pieds sur terre.

Il ne s'agit pas, j'y insiste, d'entraver les initiatives des collectivités locales. Quand des grandes villes ou des cités de moindre importance ont un riche patrimoine archéologique et historique ou quand elles sont bâties sur des sites d'un grand intérêt et souhaitent valoriser ce patrimoine, nous nous félicitons qu'elles puissent recruter et faire travailler des archéologues. Nous nous félicitons de même que les associations et les entreprises privées puissent y contribuer.

Alors, il faut être sérieux et ne pas verser dans la caricature. Relisez le projet de loi et vous reconnaîtrez qu'on n'y trouve aucune disposition qui soit de nature à bafouer les principes de la libre concurrence ou de la libre administration des collectivités locales. Certes, les divergences qui sont apparues d'emblée entre la majorité et l'opposition demeurent en troisième lecture. Cela n'a rien de surprenant, car il s'agit d'une différence de conception sur ce qu'on peut attendre de l'Etat en matière d'organisation de la recherche et de diagnostic archéologique. Mais M. Rogemont a souligné à juste titre toute l'importance de la précision de ce diagnostic, à la fois pour la préservation de notre mémoire et pour la protection des intérêts des aménageurs, qu'ils soient publics ou privés.

Je terminerai, mes chers collègues, en vous demandant tout simplement de repousser l'exception d'irrecevabilité défendue par M. Goulard, pour que nous puissions passer enfin à l'examen, dans la sérénité, des articles du projet de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)


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Mme la présidente.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Dans son intervention, M. Goulard a développé des arguments qui n'avaient pas encore été invoqués lors des deux premières lectures au Sénat et à l'Assemblée.

M. François Goulard.

Mais si ! M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Vous dites, monsieur le député, que l'importance de cette loi est toute relative.

M. François Goulard.

Elle est moins importante que d'autres ! M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Vous me permettrez de ne pas vous suivre sur ce terrain. C'est peut-être notre débat qui est quelque peu relatif. Le Gouvernement l'avait abordé en considérant que nous aboutirions à un accord très large puisqu'il semblait admis que le projet de loi représentait une avancée indéniable par rapport à la situation actuelle.

Or vous affirmez aujourd'hui qu'il se traduirait au contraire par une aggravation.

M. Claude Goasguen.

C'est vrai ! M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

J'avoue que c'est la première fois que j'entends cet argument. Vous avez évidemment le droit de le formuler mais, jusqu'alors, l'ensemble des orateurs de la majorité au Sénat ou de l'opposition ici même avaient salué le pas en avant qu'allait permettre la création de l'établissement public en redressant la situation préjudiciable à tous qui prévalait avec l'AFAN.

Selon les termes même du Conseil constitutionnel, monsieur Goulard, « la liberté d'entreprendre est un droit qui n'a une portée ni générale ni absolue et qui ne peut exister que dans le cadre d'une réglementation instituée par la loi. » A ce titre, le législateur peut, sauf dénatura-

tion, lui apporter des limites justifiées par des motifs d'intérêt général. La création d'un monopole est notamment admise lorsque des contraintes de service public sont mises à la charge de l'entreprise bénéficiaire du monopole, afin de lui assurer, compte tenu de ces contraintes, les conditions d'un équilibre économique. »

Il n'y a pas de monopole, je le précise bien, sur l'exploitation des résultats. Le projet de loi pose au contraire le principe de l'association, chaque fois que c'est nécessaire, de l'établissement public avec les institutions de recherche et les services archéologiques des collectivités territoriales.

Ce projet de loi, monsieur Goulard, ne ressemble donc, ni de près ni de loin, à un texte à la soviétique.

M. François Goulard.

C'est vous qui le dites... Je n'ai pas été injurieux ! M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Il vise au contraire à démocratiser et à clarifier la situation, en associant très largement tous les intéressés, toutes les institutions, à la mise en oeuvre des résultats de la recherche. Je ne pense pas, très franchement, que votre argumentation soit recevable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Personne ne demande plus la parole ? Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

Mme la présidente.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'honneur me revient de soutenir la question préalable déposée par le groupe RPR.

L'annonce de la présentation devant le Parlement d'un projet de loi relatif à l'archéologie préventive était de nature à justifier sur tous les bancs un accueil bienveillant. La nécessité d'une révision de la loi de 1941, la fameuse loi Carcopino, apparaissait évidente à tous, de même qu'était réelle l'attente d'une réflexion approfondie sur l'archéologie dans sa globalité.

Or, monsieur le secrétaire d'Etat, enfermé dans votre conception un peu surannée des modalités d'action de l'Etat, vous nous proposez un texte sans perspectives d'avenir, anémié par une vision désuète, un texte de circonstance et de commodité, qui ne fonde pas de façon pérenne le développement de l'archéologie préventive.

Sur la forme, ce projet de loi, malgré son cheminement essoufflé depuis le conseil des ministres du 5 mai 1999, n'a donné lieu à aucune étude d'impact financier, à aucune concertation véritable, en particulier avec les archéologues municipaux.

Sur le fond, il vise à régler les conflits du ministère de la culture avec les personnels de l'AFAN et à couper court aux procédures engagées par des aménageurs qui refusent de payer la prise en charge des fouilles préventives, mais il n'aborde pas les vraies questions, qui sont celles de l'organisation. En revanche, il crée un monopole qui ne s'impose pas et qui renvoie à des considérations idéologiques d'un autre temps. Votre loi porte en germe un nombre considérable de contentieux relatifs aux délais contractuels et au calcul de la redevance. Elle propose enfin un financement inapproprié, rigide et inégalitaire.

Dans ce contexte, face à un projet bancal, malgré certains apports du travail législatif dus en particulier à notre rapporteur, j'ai plaisir à le souligner, convient-il de délibérer ? Non, certainement non, compte tenu des lacunes de ce projet et des dangers qu'il recèle.

Je prendrai simplement deux exemples.

Le premier concerne la mise en place d'un monopole, déjà évoqué par François Goulard. La logique du texte consiste en effet à remplacer une association, l'AFAN, qui prétendait à un monopole de fait, par un établissement public qui, lui, serait bénéficiaire d'un monopole de droit. Quel progrès ! A cet égard, le projet prend radicalement le contrepied de décisions ou d'avis autorisés. Nous pouvons en juger ensemble, d'abord avec l'avis rendu le 18 mai 1998 par le Conseil de la concurrence, saisi à l'époque par le ministre de la culture pour apprécier la compatibilité de la situation de l'AFAN avec le droit français et le droit européen. Le Conseil de la concurrence écrivait en effet :

« Conférer des droits exclusifs, voire un monopole, pour l'ensemble des opérations de fouilles n'apparaît ni indispensable ni nécessaire pour l'exécution de cette mission particulière. »

S'agissant du droit européen, si nous nous référons aux articles 86 et 90 du traité de Rome, nous parvenons aux mêmes conclusions. L'activité d'opérateur de fouilles ne


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donnant lieu à aucune situation de monopole dans les autres pays européens, pourquoi l'affecter, en France, d'un monopole ? Dès lors que les fouilles s'analysent, aux termes de l'article 86, comme une activité économique, le monopole organisé par le projet de loi tombe sous le coup de l'interdiction édictée par le traité.

U ne récente communication interprétative de la commission sur les concessions, publiée le 29 avril 2000, donc depuis la deuxième lecture, a d'ailleurs rappelé solennellement l'interdiction d'octroyer des droits exclusifs en dehors des règles du traité. Cette commission considère que « sont contraires aux règles du traité et au principe d'égalité de traitement des dispositions réservant des contrats publics aux seules sociétés dans lesquelles l'Etat ou le secteur public détient, de façon directe ou indirecte, une participation majoritaire ». Telle serait bien la situation si votre dispositif était adopté.

Au-delà de ces décisions ou avis juridictionnels, nous disposons aussi d'avis politiques, et j'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous les considérerez avec bienveillance quand je citerai leurs auteurs. Ainsi, le rapport sur la décentralisation récemment remis au Gouvernement par M. Mauroy comporte une proposition no 29 qui tend à « transférer aux départements l'inventaire du patrimoine », dont fait partie l'archéologie sous toutes ses formes : cartes archéologiques, fouilles préventives. Le rapport prospectif de M. Mauroy préconisée donc avec pertinence un transfert aux départements, alors que le texte que nous examinons prévoit, au contraire, centralisation étatique et monopole.

Un autre avis intéressant émane de M. Vaillant. Lors d'un voyage en Corse, le ministre de l'intérieur s'exprimait ainsi : « Il nous paraît naturel de reconnaître à la collectivité territoriale la capacité de définir la politique culturelle en Corse. Cette compétence implique de nouveaux transferts pouvant concerner l'inventaire, l'archéologie ». Existerait-il, monsieur le secrétaire d'Etat, une archéologie métropolitaine et une archéologie insulaire ? Ainsi, au lieu de viser à la création d'un monopole d'intervention au profit d'un établissement public, il convient à mon sens d'orienter l'archéologie préventive selon deux axes forts.

Le premier est l'affirmation d'un principe de liberté pour les intervenants dans l'exécution des fouilles archéol ogiques, qu'il s'agisse des archéologues territoriaux, m unicipaux ou départementaux, des chercheurs du CNRS, des associations agréées ou qui pourraient l'être, ou encore du secteur privé. Il existe en Italie des coopératives d'archéologues, en Espagne des cabinets libéraux, en Angleterre et en Allemagne des entreprises du secteur privé. Dans le cadre européen, ces intervenants divers pourraient assumer des fouilles en France ; votre texte les en écarte.

Mais la liberté des intervenants doit se conjuguer, bien sûr, avec le contrôle qui, lui, ressortit à la compétence de l'Etat. Ce contrôle doit être assuré par les services régionaux de l'archéologie, dont le renforcement s'avère nécessaire pour assurer l'application de la réglementation.

Deuxième axe fort : l'incitation à la création et au développement de services territoriaux, dans la « perspective corse » évoquée par M. le ministre de l'intérieur.

Les services d'archéologie municipaux ou départementaux ont permis la mise en place concrète de l'archéologie, en particulier dans les sites urbains. Ils s'impliquent dans de nombreuses actions en multipliant les p artenariats scientifiques et institutionnels dans les domaines de l'éducation, de l'économie, du social et du culturel.

Assurés par les archéologues municipaux, le suivi quotidien et la prévision, s'agissant des permis de construire, des plans d'occupation des sols ou des ZAC, ont contribué à éviter des retards dans les chantiers, tout en maintenant les coûts dans les limites des besoins réels de l'intervention archéologique. Je vais vous lire, mes chers collègues, ce qu'écrit le directeur du centre archéologique de Seclin à propos des équipes archéologiques des collectivités locales : « Il est clair que la constitution d'un monopole excluant ces structures de la pratique de l'archéologie, en liaison avec les travaux d'aménagement du territoire, ne manquera pas de priver l'archéologie française d'importantes ressources humaines, scientifiques et matérielles. »

Parce qu'il crée un monopole, le projet de loi ne répond pas aux objectifs que je viens de définir. Mais, audelà de ce monopole dangereux, paralysant et désuet que vous mettez en place, votre texte, monsieur le secrétaire d'Etat, présente un deuxième inconvénient majeur, qui tient au caractère irréaliste et même illégal des redevances prévues.

Les formules successives de calcul des redevances sont approximatives. Jamais on n'avait vu se succéder dans un même texte trois modes différents de calcul. Entre la première mouture du Gouvernement, adoptée en conseil des ministres le 5 mai 1999, et la rédaction d'aujourd'hui, deux modes de calcul différents ont été proposés à l'Assemblée en première puis en deuxième lecture, et un troisième l'a été enfin au Sénat. Ce flou révèle l'insuff isante préparation du texte, qui se traduit par trois défauts majeurs.

Tout d'abord, ces redevances sont illégales dans leur assiette. Ainsi, et ce n'est qu'un exemple, l'article 4 du projet de loi, en exonérant du paiement de la redevance les constructions de logements réalisées par une personne physique pour elle-même, introduit une inégalité manifeste entre les citoyens devant les charges publiques. En effet, ceux qui achètent un terrain pour bâtir puis font construire leur habitation par un promoteur ou par une entreprise sont exonérés de la redevance. Par contre, ceux qui achètent à un promoteur une maison individuelle, déjà construite dans un village ou dans un lotissement, y sont assujettis. Il y a donc une rupture manifeste du principe d'égalité.

Deuxième défaut de ce système : la redevance est d'un coût démesuré pour les aménageurs publics, communes ou départements, et privés, les entreprises. Prenons l'exemple des carriers. Pour un hectare de fouilles en site stratifié, avec un mètre de couche archéologique et un mètre de terre stérile, c'est-à-dire de découverte, la redevance sera de 706,80 francs par mètre carré. Pour un hectare de carrière, cela fait 7 068 000 francs. Si, ô miracle, le site n'est pas stratifié, l'addition sera de 482 221 francs. Quand on sait, monsieur le secrétaire d'Etat, que le chiffre d'affaires réalisable sur un hectare de carrière avec un gisement exploitable sur quatre mètres de profondeur est d'environ 2 millions de francs, on constate que, même au taux inférieur, le quart du chiffre d'affaires potentiel est largement atteint par la redevance au titre des fouilles préventives.

M. François Goulard.

C'est déraisonnable !

M. Jacques Pélissard.

Totalement déraisonnable, en effet.

Troisième défaut, enfin, l'application des redevances sera extrêmement délicate. Certains éléments de calcul portent en eux-mêmes tous les risques de contentieux. Il


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en est ainsi du nombre de structures à l'hectare. Quid de ce nombre de structures, de l'épaisseur des niveaux stériles, de la notion même de structure complexe ou de structure archéologique stratifiée ? En retenant des termes aussi flous, nous allons encombrer les juridictions administratives. De plus, comment articuler, s'agissant du calcul de la redevance, les portions de parcelles sur le même site, les unes étant stratifiées, les autres ne l'étant point ? Autre point délicat de ce calcul : l'établissement public aura non seulement le monopole des fouilles, mais aussi celui des sondages qui conditionnent le calcul de la redevance prévue à l'article 4. C'est le problème des fameuses variables. En première lecture, il y en avait une seule, la variable N. S'y sont ajoutées depuis la variable NS, puis la variable NC. Or la détermination de ces variables - importantes dans le calcul puisque, dans l'exemple des carrières, elles peuvent faire passer la redevance de 482 000 francs à 7 millions de francs à l'hectare - sera de la compétence de l'EPA. Le même établissement public sera à la fois le prescripteur et le percepteur des redevances.

Enfin, dernier exemple, un amendement de la commission tend à écrire dans l'article 2 - et c'est un progrès que : « Pour l'exécution de sa mission, l'établissement public associe les services archéologiques... ». On nous dit

que cet « associe » a valeur d'impératif. Mais quelle est l'intensité de cet impératif ? S'agira-t-il d'une association ? D'une délégation ? Selon quelles modalités techniques et financières s'effectuera-t-elle ? Le texte est muet sur ce point.

Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le système proposé risque d'être incontrôlable et injuste.

Voici, sur ces deux thèmes, monopole et surfiscalisation du service, les erreurs et les lacunes de votre projet de loi, par ailleurs insuffisant s'agissant de la prise en compte du statut des objets découverts, du financement de leur conservation et de leur restauration.

Ce texte manque de cohérence et d'ambition. Reconnu aux yeux de tous comme étant une irremplaçable source d'information pour retracer l'histoire de notre société, l'archéologie préventive avait enfin l'occasion d'être dotée d'une législation novatrice, porteuse d'avenir. Vous nous proposez une loi de pure circonstance, qui justifie cette question préalable déposée par le groupe RPR. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

D'abord, je veux vous féliciter, monsieur le secrétaire d'Etat. L'article 4, qui prévoit la définition des bases de la redevance a beaucoup été critiqué. Or je note qu'un de nos collègues n'a aucune difficulté à appliquer les différentes formules. Il nous a ainsi indiqué que la taxe serait de 706 francs au mètre carré et le montant de la fouille de 482 221 francs à l'hectare.

M. Jacques Pélissard.

Mais je n'ai pas osé rappeler la formule qui permettait d'arriver à ce résultat !

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Peu importe. Je vous remercie surtout de l'avoir appliquée. (Sourires.)

Cela montre bien que les acteurs économiques sauront à quoi s'en tenir : c'est inscrit dans la loi.

Deux observations plus sérieuses, à présent. La première porte sur l'horizon juridique et notamment européen, qui gouverne nos travaux. La convention de Malte, qui a été signée par la France en 1992 et transposée dans le droit français en 1994 - la plupart des pays de l'Union européenne l'ont aussi inscrite dans leur propre législation interne - rend possible une organisation publique de l'archéologie préventive.

En second lieu, je ferai observer à notre collègue Pélissard qu'aux termes de l'article 91, alinéa 4, de notre règlement, la question préalable vise à montrer qu'il n'y a pas lieu à débattre d'un texte, le sujet étant sans utilité pour le pays. Or tout son propos a témoigné du contraire. Je le remercie donc pour son intervention. Et ce n'est pas parce qu'on est minoritaire qu'il faut refuser le débat.

Mme la présidente.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Je veux d'abord remercier M. le rapporteur pour son soutien actif au projet.

Monsieur Pélissard, je suis étonné par votre argumentation car je sais que vous êtes épris de rigueur. Vous déplorez que nous passions d'un monopole de fait à un monopole de droit. Or cette clarification devrait au contraire vous satisfaire et vous devriez nous soutenir publiquement dans l'effort que nous avons entrepris.

M. Serge Blisko.

Un vieux jacobin comme lui ! (Sourires.) M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Surtout, vous avez critiqué ce projet de loi, en prétendant qu'il ne correspondait pas à l'esprit d écentralisateur du Gouvernement et qu'il était en contradiction avec les propos du Premier ministre ou le rapport de la commission Mauroy. Or ces arguments ne me paraissent pas recevables. Lorsque vous évoquez le transfert, de l'inventaire, par exemple, je vous signale que dans le rapport de la commission Mauroy, l'archéologie n'est pas évoquée. Du reste, l'inventaire n'étant fondé sur aucun texte législatif, il est absolument intransférable.

Par ailleurs, vous avez utilisé dans votre argumentation le cas de la Corse, en prenant appui sur la future loi dont vous serez amenés à débattre ici. Or, dans l'état actuel de ce texte, il n'est nullement question d'un transfert des autorisations de fouilles vers la collectivité territoriale corse.

Au cours de mes nombreux déplacements dans nos régions, j'ai pu constater que les élus et les responsables des services archéologiques territoriaux comprenaient fort bien le projet de loi et sa proposition d'association. Je ne me suis malheureusement pas encore rendu dans votre ville de Lons-le-Saunier.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Une très belle ville ! (Sourires.) M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

En tout cas, aujourd'hui, seule une petite centaine de localités dans une trentaine de départements disposent d'un service archéologique. Et parmi ces services, nombreux sont ceux qui ne comportent qu'une seule personne. Il faut donc, comme nous l'avons fait, traiter le sujet en termes de partenariat. Votre approche, en revanche, ne me semble pas acceptable. J'ajouterai que nous avons proposé au Sénat de donner une définition plus précise de l'association que nous souhaitons entre les services territoriaux et l'établissement public. Mais la majorité sénatoriale a refusé cette disposition, considérant que c'était prématuré.

Mme la présidente.

Personne ne demande plus la parole ?...


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Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Aloyse Warhouver.

M. Aloyse Warhouver.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, ce texte relatif à l'archéologie préventive est très attendu par toutes les petites communes qui sont aujourd'hui dans l'impossibil ité de financer les fouilles préventives. Elles s'en remettent à notre décision de créer un établissement public administratif doté de moyens financiers afin de parvenir à une mutualisation des dépenses concernant les travaux liés à l'examen des sols susceptibles d'être urbanisés ou viabilisés.

Nous en arrivons cet après-midi, au terme de nos discussions. Je me limiterai donc à trois considérations, qui tiennent plus des voeux, en cette période de fin d'année, que d'une demande de modification du texte.

La première concerne les destinations des découvertes archéologiques. Lors des travaux relatifs à la mise à deux fois deux voies de la RN 4 entre Paris et Strasbourg - travaux qui ont mis au jour d'importants sites archéologiques, dont un cimetière mérovingien avec chapelle, sarcophages, etc, -, j'ai pu observer quel pouvait être le destin des découvertes. Les maires auraient souhaité la sauvegarde d'un des sites pour son intérêt historique et donc touristique. Mais après les fouilles, les scientifiques ont donné le feu vert aux bulldozers, qui ont effacé la m émoire du sol, après prélèvement, bien sûr, des richesses. Monsieur le secrétaire d'Etat, faut-il uniquement effectuer des fouilles pour établir des cartes archéologiques ? Ne conviendrait-il pas de sauver, ici et là, des sites uniques, quitte à faire riper un tracé de route, fût-il autoroutier ? Ma deuxième réflexion concerne la communication au public des résultats des fouilles. Lors desdits travaux, j'ai noté que les scientifiques étaient très hermétiques. Malgré l'insistance des maires, en effet, une seule journée « portes ouvertes » a été organisée. Et encore n'a-t-elle été médiatisée qu'après coup, ce qui fait que le public n'a rien vu ou très peu - des richesses mises au jour. Or ce sont les contribuables qui financent ces travaux. En retour, ils devraient donc pouvoir bénéficier de l'apport culturel de ces fouilles, surtout lorsque les engins de chantiers finissent par cannibaliser les vestiges historiques.

Troisième considération, enfin, il est urgent de mettre en oeuvre ce projet de loi et d'instituer notamment l'établissement public administratif. A cet égard, je m'associe pleinement aux observations du rapporteur. A titre d'illustration, je citerai le cas d'une commune de six cents habitants, Himling, fort désireuse de créer un lotissement communal et qui se trouve bloquée depuis deux ans par la richesse archéologique du site. Le coût des fouilles à la charge de la commune s'élève à 1,5 million de francs, à répercuter sur quinze lots à bâtir, soit un surcoût de 100 000 francs par lot, sachant que le mètre carré viabilisé revient à 150 francs, y ajouter 100 francs ramène le prix à 250 francs le mètre carré en milieu rural. A ce prix-là, les candidats à la construction trouvent des terrains en ville et quittent rapidement le milieu rural.

En conclusion, je dirai oui à la création de l'établissement public administratif le plus rapidement possible et aux modalités de financement en formant le voeu, encore une fois, que la collectivité fasse un meilleur usage de la mémoire du sol dont nous tirons nos racines.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert.

Monsieur le secrétaire d'Etat, lors des deux premières lectures de ce texte, les trois groupes de l'opposition avaient souligné comme vous - mais pour des motifs différents - la nécessité d'actualiser la législa tion et de réorganiser en profondeur l'archéologie dite

« préventive ». Sans doute avons-nous divergé sur les méthodes.

L'absence de concertation dans la préparation du projet de loi - je le dis avec d'autant plus de respect à votre égard que vous n'étiez pas là à ce moment - et l'inexistence indéniable d'un consensus de la communauté archéologique sur la création d'un véritable monopole d'Etat au bénéfice de l'établissement public avaient contraint le Gouvernement à bâcler la rédaction de son projet de loi, laissant probablement au Parlement le soin de l'améliorer au fil des lectures. Cette amélioration aurait été sans doute possible si la raison l'avait emporté, ce qui aurait incité la commission mixte paritaire à adopter un texte commun.

Malheureusement, l'échec de cette commission nous fait reculer de manière importante. Dans ce contexte pour le moins défavorable à l'avenir de l'archéologie française, je tiens à souligner le travail effectué par le Sénat qui a su enclencher ce processus de concertation auquel M. le rapporteur faisait référence, en évitant de focaliser le débat sur les problèmes de l'AFAN, de sa légalisation par la création de l'établissement public et de son mode de financement.

En fait, nous sommes là en présence de deux logiques.

L'introduction d'une pluralité d'acteurs dans le secteur de l'archéologie préventive assouplissant le monopole légal institué au profit du futur établissement public répondait de façon tout à fait satisfaisante à l'une des principales critiques formulées par l'opposition au cours des deux premières lectures du texte. La réalité est au pluralisme, monsieur le secrétaire d'Etat, et vous ne pourrez pas l'arrêter d'un trait de plume. L'archéologie préventive ne doit pas s'enfermer dans un carcan légal dans lequel devrait s'exercer la conduite de toutes les interventions archéologiques.

Face à cela, ce que nous avons appelé le retour en force de l'archéologie d'Etat et d'un certain jacobinisme continue de nous apparaître de votre part, monsieur le secrétaire d'Etat, comme une véritable obsession idéologique. Je ne suis pas convaincu d'ailleurs que la création d'un tel monopole étatique soit du goût des instances européennes qui seront très certainement saisies. - François Goulard l'a montré.

Pour notre part, nous sommes très attachés à ce que l'on peut appeler une « archéologie de proximité », car on ne peut tourner résolument le dos à toute idée décentralisatrice, au détriment de plusieurs centaines d'archéologues à travers nos régions qui auront le malheur de ne pas entrer dans le moule un peu simpliste que votre texte est en train de leur imposer.

Je ne reviendrai pas sur le fait que la maîtrise du risque archéologique passe par des mécanismes de publicité élargie. Je n'épiloguerai pas longuement sur la nécessité de constituer des interfaces entre les collectivités locales et l'établissement public. Je constate simplement qu'aucune étude d'impact sérieuse n'a été produite qui permette


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d'évaluer le coût du risque archéologique, tant pour l'Etat que pour les collectivités locales. En ce domaine, il faut bien l'avouer, nous naviguons tous un peu à vue.

Un mot à présent sur les dispositions financières, sur l esquelles nous étions déjà largement intervenus auparavant.

S'agissant de la redevance due par les opérateurs pour les constructions d'habitations neuves, relevons simplement que son montant paraît trop élevé aux professionnels pour répondre aux exigences du marché.

Par ailleurs, l'exonération de paiement de la redevance pour les constructions de logements réalisés par une personne physique pour elle-même nous paraît introduire une inégalité manifeste des citoyens devant les charges publiques. Il semblerait plus convenable d'exonérer de lar edevance d'archéologie préventive l'ensemble des constructions de logements, et ce quel que soit leur mode de réalisation.

Enfin, dans l'hypothèse où un aménageur renonce à ses travaux d'exploitation - nous avons eu sur ce point de nombreux débats en commission - votre texte, plutôt que de prévoir le principe d'exonération de la redevance, retient celui de son remboursement à condition que ces travaux de diagnostic ou de fouilles n'aient pas été engagés par l'établissement public.

Or, vous le savez, les montants des redevances demandés risquent d'être importants, et il paraît pour le moins inopportun que l'on oblige le redevable d'abord à payer, puis éventuellement à se faire rembourser alors même que la réalisation de la condition de remboursement dépend, non pas de lui, mais du tiers bénéficiaire de la redevance.

La simplicité, nous semble-t-il, voudrait que l'on passe à un régime d'exonération pur et simple.

Monsieur le secrétaire d'Etat, toutes ces questions ont été largement abordées lors des deux premières lectures de ce texte. Les porte-parole des trois groupes de l'opposition ont un peu le sentiment d'énoncer des évidences. En leur nom, je ne peux que regretter que vous sembliez systématiquement refuser d'en tenir compte. Pour toutes ces raisons, le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance ne votera pas le texte que vous nous proposez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous arrivons presque à la fin d'un long processus de dix mois, et même davantage si l'on prend en compte la date à laquelle le texte a été présenté par le Gouvernement, en mai 1999. La qualité des travaux menés sur ce thème - c'est la troisième fois que nous en discutons ici - y compris en CMP, montre que nous avons bien argumenté sur le sujet.

Chacun garde à l'esprit les difficultés qu'a connues l'archéologie préventive qui était, il faut le dire, jusque dans les années 70, un peu le parent pauvre de l'archéologie française. Chacun d'entre nous se souvient - la notion d'archéologie préventive est même née à cette occasion - de la découverte inopinée d'un vaste chantier au coeur de Marseille en 1967 et des difficultés rencontrées alors pour sauver ces vestiges. Il était donc temps que le Parlement se saisisse de ce dossier et offre à l'archéologie préventive un cadre juridique approprié.

Au fil de nos travaux et des nombreuses auditions au cours desquelles nous avons entendu l'ensemble des acteurs, nous avons réussi à trouver un équilibre de nature à satisfaire les différentes parties et à offrir les garanties indispensables à ceux qui travaillent à la recherche de notre patrimoine national. En effet, il s'agit aussi d'un devoir de mémoire, le devoir de rechercher puis de préserver les témoignages physiques de notre histoire commune. C'est avec cet objectif affiché que nous étions arrivés, le 23 février dernier, à l'élaboration d'un texte équilibré.

Adopté par notre assemblée, ce projet de loi nous revient aujourd'hui du Sénat pour une nouvelle lecture.

C'est avec plaisir que nous avons constaté, malgré tout, des convergences d'analyse entre les deux assemblées sur certains des problèmes en cause.

Ainsi, sur la question centrale de la reconnaissance d'un cadre juridique adapté à l'archéologie préventive, le Sénat a rejoint l'Assemblée nationale dans sa volonté affichée de protéger à la fois la profession et le patrimoine.

De plus, le texte, tel qu'il nous revient, affiche clairement la volonté, qui était aussi la nôtre, d'associer à ce processus l'ensemble des acteurs : l'Etat, les collectivités locales, les organismes de recherche et les associations loi 1901 d'archéologues, comme nous l'a rappelé une nouvelle fois

M. Rogemont car il doit beaucoup rassurer.

Néanmoins, vous le savez, des désaccords subsistent, le plus important touchant à la création d'un établissement public que le Gouvernement et le groupe socialiste voulaient substituer à la structure associative de l'AFAN, qualifiée de monstre administratif. Nous nous étions majoritairement accordés, en février dernier, sur la création d'un établissement public à caractère administratif.

Pourquoi retenir ce type d'établissement plutôt qu'un autre ? La mise en concurrence des opérateurs, qui aurait été dans la logique de l'avis du conseil de la concurrence, sur lequel vous vous étiez fondés dans des discussions précédentes, avait rapidement été écartée à la fois po ur des raisons économiques, car ces appels d'offre auraient retardé les opérations archéologiques donc, par extension, les travaux d'aménagement, et renchéri les coûts dus à l'attente qu'a évoqué M. Warhouver ; et aussi parce qu'elle écartait complètement les considérations scientifiques du processus. S'il est vrai, comme cela a été souligné, que l'on ne saurait admettre un monopole de la science, il ne faut pas pour autant exclure toute considération scientifique sous prétexte que nous sommes dans un domaine qui n'est pas strictement scientifique.

Restait alors à choisir entre un établissement public administratif et un établissement public à caractère industriel et commercial.

Considérant que l'archéologie et la préservation du patrimoine national « se rattachent aux prérogatives de la puissance publique », comme l'a souligné le rapport, fondateur de cette loi, de MM. Demoule, Pêcheur et Poignant, et attachés depuis toujours à ne pas faire de notre patrimoine un simple objet commercial - c'est un aspect incontournable -, nous avions écarté l'hypothèse d'un établissement public à caractère industriel et commercial pour lui préférer la création d'un établissement public à caractère administratif.

Je me demande pourquoi les sénateurs ont réagi aussi fort au mot

« administratif ». Cette réaction ne procèdet-elle pas d'un certain dogmatisme ? En fait on évoque une trop grande rigidité, un manque de réactivité et la lenteur des établissements publics à caractère administratif. Telle n'est pas notre vision ni de ce type d'établisse-


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ment ni de l'administration en général. Toutes ces remarques relèvent davantage du cliché que d'une véritable argumentation. C'est pourquoi, faute d'avoir été convaincu par nos éminents collègues du Sénat, nous revenons à notre projet initial.

Nous voulions également insister et nous insistons à nouveau sur l'importance et sur l'urgence de dresser une carte archéologique complète de la France. Vous savez que, en la matière, nous sommes en retard. Des articles que le rapporteur a cités, tant en commission que dans cette enceinte, montrent qu'il est urgent de l'établir et de la communiquer à ceux qui en ont besoin : les maires et les aménageurs. Même si je n'aime pas beaucoup cette expression, il faut en effet prévenir les aménageurs des zones de risques archéologiques et de celles qui doivent être préservées.

En conclusion, permettez-moi, mes chers collègues, de saluer encore une fois le travail de notre rapporteur, de la commission et du Gouvernement qui nous a entendus.

Certains ont certes déploré les changements apportés plusieurs fois dans le mode de calcul, mais il fallait bien tenir compte des remarques journalières sur un sujet aussi difficile.

Dans l'hémicycle, nous ne sommes pas des arithméticiens nés. Nous avons donc besoin d'aide lorsqu'il faut inscrire dans la loi des formules compliquées qui tiennent compte à la fois de la surface à traiter, de la profondeur à atteindre, du degré de complexité des opérations, ainsi que de la nature de l'opérateur. En effet on ne saurait traiter de la même façon une grosse promotion immobilière et un constructeur de lotissement, qu'il soit privé ou public. Cela explique qu'il ait fallu moduler et apporter des aménagements. Chaque fois nous avons ainsi amélioré la version précédente, avec votre aide, mes chers collègues.

Compte tenu des ultimes améliorations apportées, de la qualité du débat et des garanties offertes à tous les opérateurs, le groupe socialiste votera résolument pour ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Je vais m'exprimer extrêmement brièvement, madame la présidente, pour ne pas lasser, voire agacer mes collègues de la majorité.

M. Serge Blisko.

Vous nous agacez, mais vous ne nous lassez jamais !

M. François Goulard.

Au-delà des aspects juridiques que j'ai développés tout à l'heure, il convient de prendre en compte des considérations pratiques. A cet égard, nous savons, en notre qualité d'élus locaux, de quoi il s'agit.

Nous admettons évidemment la nécessité de protéger les vestiges et de procéder aux fouilles. Néanmoins nous voulons faire comprendre qu'il faut concilier cette obligation historique et scientifique avec la bonne avancée des projets, de quelque ordre qu'ils soient, dans nos cités ou dans nos campagnes. Cette question pratique est en effet déterminante pour l'efficacité. A ce propos, vous me permettrez de souligner qu'un établissement public est en général lourd, lent et cher.

M. Serge Blisko.

Vous vous répétez !

M. François Goulard.

D'ailleurs notre collègue Jacques Pélissard a bien mis en évidence la hauteur des coûts. En effet, les tarifs que vous envisagez sont hors de proportion avec les possibilités contributives de beaucoup d'opérateurs, ce qui aboutira au blocage de projets, l'exemple des carrières étant tout à fait éloquent. Cela sera un obstacle pratique à la réalisation de projets à cause du mode de financement et des tarifs que vous envisagez.

La lenteur et la lourdeur ne sont pas davantage constestables. Or rien, dans votre projet, n'indique que cette préoccupation ait été vraiment prise en compte.

Je crains que la mise en oeuvre de ce texte n'ait le grave inconvénient de retarder encore et de renchérir tous l es projets d'équipement dont nous avons besoin.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous examinons ce soir le texte relatif à l'archéologie préventive, pour le parfaire - si cela est encore possible - après avoir tenté vainement une démarche de rapprochement avec le Sénat au sein de la commission mixte paritaire.

Nous sommes tous d'accord pour reconnaître qu'il faut mettre fin à la fiction juridique dans laquelle baignait l'archéologie préventive, repositionner la responsabilité de la puissance publique, revaloriser le rôle des collectivités territoriales, redonner à la recherche toute sa place. En revanche, les contradictions s'aiguisent quand il s'agit de quantifier le périmètre d'action de la puissance publique.

A cet égard, l'archéologie n'est pas le seul domaine dans lequel le problème se pose. En effet des cris s'élèvent pour dénoncer la mise en place d'un prétendu monopole public.

Ainsi le Sénat a conservé cette démarche, restrictive à nos yeux, qui positionne l'exercice de l'archéologie préventive principalement sous l'angle de la dimension économique voire concurrentielle et marchande. Il semble ne pas vouloir tenir compte d'une réalité incontournable : l'Etat est comptable de la consommation du sous-sol archéologique dont la rareté, le rythme de destruction et, surtout, le caractère non renouvelable imposent un contrôle de la puissance publique.

Il ne faut pas oublier, en effet, qu'il s'agit d'un bien commun que nous devons transmettre aux générations futures et que l'obligation de préserver le caractère scientifique de cette discipline implique des droits exclusifs à l'établissement.

Continuer à parler de monopole en faisant une espèce d'amalgame avec des monopoles bien réels qui sévissent dans d'autres domaines, correspond à un abus de langage.

Il s'agit en réalité d'un domaine dans lequel l'organisation, la coordination, la cohérence et la répartition des moyens sont à l'origine d'une nouvelle définition.

Notre groupe attendait des choix politiques fermes dans ce domaine. A notre grande satisfaction, tel fut et tel est encore le cas. Je partage donc les propos de notre rapporteur, Marcel Rogemont, selon lequel il faut agir vite, mettre en place une structure permanente intervenant sur l'ensemble du territoire et innover en matière financière par l'application d'une redevance qui permettra une meilleure prévision des coûts.

Le choix d'un régime de concurrence aurait posé de sérieux problèmes d'aménagement en raison de la grande diversité de l'intérêt archéologique des fouilles : seules les plus intéressantes d'un point de vue économique risquaient d'être privilégiées.

L'atout de ce projet de loi est de mettre en place une collégialité dans la prise de décision.


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Tout en posant le principe de droits exclusifs pour l'établissement public, le projet de loi offre la possibilité à des personnes morales de réaliser des fouilles - il n'y a donc pas monopole - au travers d'une convention avec l'établissement public, à condition, bien entendu, que ces personnes morales soient, elles aussi, dotées de services archéologiques, donc de compétences, afin d'éviter la floraison de pseudo-associations d'archéologie qui pourraient être des officines discrètes de promoteurs mal intentionnés.

Nous avons donc, d'un côté, la volonté d'implanter une référence forte, représentée par l'établissement public, et, de l'autre, une dynamique reposant sur le partenariat et la mise en oeuvre d'une responsabilité partagée. Ne pas voir cela, ou faire semblant de ne pas le voir, c'est occulter complètement l'originalité du texte.

Quant à la coopération avec les collectivités, elle sera renforcée, d'autant que le projet de loi a prévu un dispositif d'exonérations en leur faveur.

Plus nous évoluerons dans le cadre d'une responsabilité partagée, d'une volonté d'expertise des projets d'aménagement, plus l'archéologie sera préventive, plus les coûts pour tout le monde, aménageurs compris, seront réduits.

C'est ce contexte que l'EPA aura la charge de faire vivre, celui de l'intérêt général.

Que ce texte dérange quelques promoteurs, et que ceux-ci soient défendus ici, on peut le comprendre. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Pélissard.

Tout de même !

M. François Goulard.

Cela est vraiment déplacé ! Ce n'est pas sérieux !

M. Christian Cuvilliez.

Sil ne s'agissait que de l'archéologie préventive, je vous ferais peut-être un mauvais procès, mais il ne s'agit pas que de cela, vous le savez bien, monsieur Goulard. Cela concerne bien d'autres questions que nous avons en débat.

M. Jacques Pélissard.

C'est un procès d'intention !

M. Christian Cuvilliez.

Nous ne pouvons pas nier que des efforts ont été réalisés pour prendre en compte la réalité de la dimension économique, notamment dans la recherche des calculs pour définir la redevance « diagnostic et fouille ».

Je tiens également à rappeler, car mon collègue Bernard Outin, l'a souligné dès la première lecture, que les coûts pour les promoteurs - et c'est ce qui les intéresse -s eront d'autant plus faibles qu'ils adopteront une démarche de prévention dans la conception et dans la mise en oeuvre de leurs projets d'aménagement afin que seule, le cas échéant, la redevance « diagnostic » soit activée. C'est pourquoi nous avons amendé le texte pour donner à la redevance « fouille » un caractère dissuasif.

Pour cette nouvelle et dernière lecture, nous souhaitons que le travail de notre assemblée approfondisse deux points : le plafonnement et les lotissements. Je n'insisterai guère car nous défendrons des amendements sur ces sujets.

Monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons travaillé ensemble pour tenir compte au maximum des réalités concrètes et faire en sorte que la redevance soit la plus équilibrée possible. Dans cet esprit, le plafonnement de la redevance nous semble dangereux. En effet, il n'incitera pas les promoteurs à rechercher et à proposer des solutions techniques afin d'éviter de détruire les niveaux archéologiques. Il nous semble même porteur d'effets pervers sur lesquels nous reviendrons.

Je veux également appeler votre attention sur la question des lotissements.

Faut-il appliquer la redevance au premier aménageur qui achète une surface destinée à recevoir des lotissements ou à chaque acquéreur de chaque parcelle ? Alors que, dans le premier cas, il n'y aurait pas d'exonérations de redevance, cela serait possible dans le deuxième.

Ces deux exemples me permettent d'insister auprès de vous tous, quant à l'attitude que nous devons avoir sur tout mécanisme qui reviendrait à diminuer le rendement de la redevance : dans mon premier exemple, le rendement de la redevance serait touché ; dans le deuxième, nous augmenterions le champ des exonérations. Faut-il entrer dans cette logique ? Au bout du compte, nous risquerions de fragiliser l'établissement public, surtout dans son autonomie financière, avant même qu'il n'ait été porté sur les fonts baptismaux.

Si un compromis ne pouvait être trouvé lors de cette dernière lecture sur la question du plafonnement, apparaîtrait la nécessité d'un engagement du Gouvernement sur des subventions budgétaires correspondantes.

En termes d'engagements, il en va de même pour les exonérations de redevance. Je souhaite que leur remboursement soit effectué avec la plus grande rigueur, à chaque loi de finances, dans leur totalité, chaque année, avec la plus totale transparence. Voilà aussi pourquoi il faut veiller à ne pas élargir le champ des redevances avant d'en avoir mesuré toutes les conséquences.

Ce texte est, pour une très large part, l'expression de la contribution des personnels de l'archéologie publique dans leur diversité, chacun ayant tenté d'apporter sa contribution à une définition générale et collective. Je tiens d'ailleurs à souligner l'importance du travail réalisé depuis le dépôt du projet initial et l'écoute qui a prévalu tout au long de ces débats. Le texte commence à tendre désormais vers un bon équilibre et il est essentiel qu'il soit soutenu par des choix politiques forts, notamment quant à la responsabilité de la puissance publique.

Pour terminer je tiens à rappeler que plus l'archéologie sera préventive, plus les coûts seront réduits pour tous.

Cela participe d'une certaine citoyenneté, en tout cas, à nos yeux, du respect de l'intérêt général, quand élus, responsables politiques, aménageurs, citoyens, parce qu'ils ont la volonté de protéger un bien commun, construisent ensemble de nouvelles pratiques. Nous approuverons donc ce texte.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Je vous remercie.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Schreiner.

M. Bernard Schreiner.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'archéologie préventive attend depuis longtemps une réforme. Il est en effet devenu primordial, aujourd'hui, de conférer une véritable assise juridique à la préservation du patrimoine historique, qu'il soit caché dans le sol ou repose au fond des eaux.

Par le dépôt de ce projet de loi que nous examinons pour la troisième fois, vous auriez pu répondre aux attentes des donneurs d'ordre public et privé de la communauté scientique. Malheureusement, l'ensemble des mesures que vous nous présentez une nouvelle fois, aujourd'hui, sont plus que décevantes ; elles sont incohérentes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

En réalité, ce dispositif apparaît contraire au bon sens.

Il contrevient à la réglementation européenne et, enfin, il est si obscur, qu'il sera extrêmement préjudiciable pour les collectivités locales ainsi que pour les aménageurs privés particuliers.

Ces mesures me paraissent être contraires au bon sens puisque, au lieu de suivre l'avis du conseil de la concurrence du 19 mai 1998 qui estime que « l'exécution des fouilles archéologiques constitue une activité de nature économique qui est aujourd'hui exercée par divers opérateurs et que l'initiative privée n'est pas défaillante dans ce secteur », vous créez un véritable monopole. Vous avez parlé de monopole de fait, mais, à mon avis, le monopole de droit ne vaut guère mieux.

M. François Goulard.

Tout à fait !

M. Bernard Schreiner.

Bien entendu, nul ne veut contester la compétence et la responsabilité de l'Etat pour protéger le patrimoine archéologique, considéré par la France comme une source de la mémoire collective et comme un instrument d'étude historique et scientifique depuis que notre pays a ratifié la convention de Malte en 1992. Cependant, nous aurions préféré, comme la majorité sénatoriale, que l'archéologie préventive ne soit pas gérée par un établissement public administratif et, surtout, qu'il n'exécute pas lui-même les fouilles.

Partant de ce constat, nous nous attendions au respect de la réglementation européenne en matière de droit de la concurrence et abus de position dominante. Bien au contraire, vous avez le choix de l'administratif, de l'exclusif et du monopole de fait ou de droit dont, finalement, la nationalisation de l'AFAN est la conséquence logique.

Il aurait été plus judicieux de réfléchir à la mise en place d'un dispositif qui permette de distinguer les fonctions de contrôle, de prescription, d'autorisation, de vérification des évaluations et des résultats, de celles de fouilles à proprement parler. A l'inverse, vous confondez les attributions car l'Etat occupe tout à la fois les fonctions de juge et de partie !

M. François Goulard.

Très juste !

M. Bernard Schreiner.

La France va ainsi devenir le seul pays européen à disposer d'un opérateur unique de fouilles. En effet les associations ou les entreprises privées ne seront que très rarement sollicitées par le futur établissement public, comme elles ne le sont d'ailleurs pas par l'AFAN qui exerce déjà cette position de monopole.

M. François Goulard.

Excellente remarque.

M. Bernard Schreiner.

En optant pour cette vision jacobine et centralisatrice, nous pensions au moins que vous alliez vous rallier à une position solidaire et rationnelle. Il n'en est rien ! Vous allez pénaliser lourdement les collectivités locales.

A ce propos, je voudrais rappeler à mon éminent collègue que l'aménagement des lotissements n'est pas seulement l'affaire des promoteurs, c'est une vue de l'esprit !

M. Christian Cuvilliez.

Je vous le concède !

M. Bernard Schreiner.

Dans un département où les communes rurales sont nombreuses, les lotisseurs sont les maires et les conseils municipaux. Et les lotissements ne sont alors nullement des opérations « financièrement rentables » ; au contraire, comme les maires doivent respecter la réglementation, le lotissement doit se solder par une opération blanche. Il n'est donc pas question pour une collectivité de faire des bénéfices et ce soupçon est tout à fait injuste à l'égard de nos collègues élus locaux.

M. Christian Cuvilliez.

Il faut discriminer les sites, vous avez raison !

Mme la présidente.

Messieurs n'engagez pas de dialogue ! Continuez, monsieur Schreiner.

M. Bernard Schreiner.

Votre dispositif, monsieur le secrétaire d'Etat, pose de véritables problèmes de solidarité. Vous allez, en effet, contraindre les lotisseurs à reporter le coût des opérations d'archéologie préventive sur le prix des parcelles, ce qui aura pour conséquence d'augmenter le coût du logement ou du pavillon individuel.

Trouvez-vous normal qu'un petit village doivent supporter, seul, un coût d'opérations parfois très élevé ? Ne pensez-vous pas que ce coût va se répercuter sur le prix du terrain ? Or celui-ci est acquis souvent par des couples ou des personnes aux revenus modestes.

Trouvez-vous normal que la région, le département, la nation même dans son ensemble, qui profitent du résultat des fouilles, n'apportent pas leur aide afin que la solidarité s'exerce et que le coût se répercute sur l'ensemble des contribuables au lieu de peser seulement sur celui qui construit sa maison avec les fruits de son travail.

Ne pensez-vous pas que les études réalisées par les scientifiques apportent une meilleure connaissance de l'histoire régionale et nationale, et non pas seulement de l'histoire locale ? Ici, comme chez nos voisins allemands, italiens, espagnols, la solidarité régionale, territoriale et nationale devrait s'imposer.

Vous allez nous rétorquer que l'archéologie préventive ne fait l'objet d'aucune directive européenne ou réglementation communautaire et que son régime juridique est variable selon les Etats. Ainsi, le problème finalement reste moins le choix opéré que la cohérence de celui-ci.

Or si la directive européenne ne l'interdit pas, elle autorise d'autres solutions que celle que vous avez choisie, en particulier celle qui mettrait en jeu la solidarité.

Je constate que votre texte est pour le moins incohérent. Vous créez un monopole de l'Etat central en oubliant volontairement le principe de solidarité qui devrait prévaloir en la matière.

Je citerai l'exemple d'un chantier de construction d'un bassin de rétention des pluies d'orage dans ma petite ville, au nord de Strasbourg, pour lequel le coût des fouilles préventives et des mesures d'accompagnement s'élevait à 2,5 millions, pour une réalisation de l'ordre de 6 à 7 millions de francs. La collectivité locale a décidé de lancer un appel d'offres comme elle y est obligée lorsque le marché dépasse 300 000 francs.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

C'est normal !

M. Bernard Schreiner.

Elle n'a obtenu aucune réponse, ni de l'AFAN ni d'autres sociétés. Au reste, le cahier des charges rédigé par l'AFAN était plus qu'obscur.

En définitive, nous serons obligés de traiter par convention, ce qui, pour une somme pareille, va à l'encontre du code des marchés publics.

Qui, finalement, va payer la note ? Qui sera pénalisé par les lourdeurs administratives ? Ce seront les contribuables de la commune, même si c'est par le biais de la redevance d'assainissement.

Volontairement, vous avez également introduit une sorte de flou sur le paiement de la redevance, notamment celle qui a trait aux diagnostics, en expliquant que cet amendement « d'imprécision » - ce sont les termes utilisés par son auteur - se justifiait par la nature des opérations.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

Ce manque flagrant de transparence va sans aucun doute compliquer le travail des aménageurs, et je pèse mes mots.

M. Serge Blisko.

Vous voulez revenir en arrière ?

M. Bernard Schreiner.

En conclusion, s'il est vrai que nous souhaitions ardemment une réforme de l'archéologie préventive, nous ne voulions en aucune manière qu'elle intervienne au détriment des collectivités locales et donc de nos concitoyens, qui vont devoir en endurer, seuls, les incohérences. Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe du RPR que je représente votera contre ce projet de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler, pour le groupe socialiste.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il y a déjà dix mois que le Parlement a engagé l'examen du projet de loi sur l'archéologie préventive, lequel a été adopté il y a un an et demi en conseil des ministres.

Même si le temps législatif est un temps long, personne ne regrettera de voir enfin ce texte arriver à son terme. Depuis les années soixante, les opérations de sauvetage se sont multipliées, y compris avec le concours de l'Etat, sans que l'intervention de celui-ci soit légitime d'un point de vue juridique.

Le financement et la légitimité de l'AFAN en tant qu'opérateur public, fort d'un quasi-monopole, ont suscité le débat. Aujourd'hui, après avoir établi un large consensus sur l'ensemble de ce texte, nous allons enfin donner une base légale à l'archéologie préventive.

Le travail que nous avons conduit a été guidé par l'idée de ne jamais sacrifier les intérêts majeurs de ce dossier qui restent d'ordre scientifique et culturel.

Si les considérations économiques ne peuvent être ignorées, elles seront désormais replacées dans la sphère de la transparence. Nous avons élaboré un dispositif plus lisible, qui assurera un traitement équitable des aménageurs devant les charges publiques.

Ce texte n'a d'autre objectif que de concilier les impératifs du développement économique et social et ceux liés à notre passé collectif. Pour le remplir, l'Etat doit conserver un rôle majeur. A ce titre, nous souhaitons qu'il puisse voir ses prérogatives renforcées pour ce qui est de la désignation du responsable scientifique.

S'il convenait de reconnaître pleinement le rôle de l'établissement public qui doit être créé pour l'exécution des fouilles archéologiques, nous n'en avons pas moins eu le souci de ne pas négliger les services archéologiques des collectivités territoriales, quelque peu oubliés dans le texte du Gouvernement. L'Assemblée a tenu à reconnaître la centaine de collectivités qui s'est dotée des services archéologiques, services souvent complémentaires des missions qui sont aujourd'hui assurées par l'AFAN.

Mais, c'est probablement sur la création d'un établissement public chargé de la recherche en archéologie préventive, que le débat s'est focalisé. Si le Sénat n'en a pas remis en cause le principe, il a, en revanche, contesté les modes de gestion, préférant notamment un établissement public industriel et commercial à l'établissement public administratif que nous voulons instituer.

Nous réaffirmons notre attachement aux prérogatives de la puissance publique et, par conséquent, à la nature des activités confiées à l'établissement public. Ce nouvel établissement aura vocation à intervenir sur l'ensemble de notre territoire. Il rendra publics ses travaux de recherche q ui ne pourront faire l'objet d'une quelconque commercialisation ; autant de bonnes raisons pour confirmer sa qualification d'établissement public à caractère administratif.

Je n'aurais pas fait le tour complet de la question si je n'évoquais le système de financement. Conformément à la nature des activités dévolues au nouvel établissement, telles que je les ai rappelées, ce budget reposera sur les contributions des aménageurs qui ne s'acquitteront pas d'un service mais bien d'une redevance à caractère fiscal.

Enfin, pour terminer, permettez-moi d'évoquer la question des découvertes fortuites à caractère immobilier.

Le régime juridique du mobilier archéologique découvert lors de recherches préventives pose également un problème de constitutionnalité, s'agissant notamment du droit de propriété. On peut cependant s'en tenir aux principes posés par la loi de 1941.

La question se pose en d'autres termes pour les découvertes de nature immobilière. Le cas de la grotte Chauvet, découverte en Ardèche, et, dans une moindre mesure, celui de la grotte Cosquer, révèlent les insuffisances de la législation de 1941.

J'entends dire, notamment au Sénat, que nous légiférons sur des événements rarissimes. D'une part, c'est faux, parce que l'on sait que les prospections spéléologiques sont de plus en plus nombreuses et que les découvertes pourraient donc être de plus en plus fréquentes.

D'autre part, pour avoir entendu les inventeurs de la grotte Chauvet, je puis vous affirmer que le risque est grand de voir de nouvelles découvertes non dévoilées par ceux qui en sont à l'origine, notamment pour éviter de plonger dans un parcours judiciaire infernal qui s'est soldé, dans le cas de la grotte Chauvet, par six procès devant diverses juridictions et surtout par un mépris et une négation totale du mérite qui revient à ses inventeurs.

L'amendement déposé par Pascal Terrasse a dû être revu par la Chancellerie pour être mis en conformité avec le code civil et le droit de la propriété. Il s'agit de rétablir un équilibre entre le propriétaire et l'inventeur qui permet à la collectivité nationale d'inscrire à son patrimoine un joyau culturel supplémentaire.

L'amendement tel qu'il a pu être reformulé, c'est-à-dire en respectant l'article 40 de la Constitution, pose le principe d'un droit à profit pour les inventeurs de vestiges archéologiques à caractère immobilier. En ce sens, il me satisfait pleinement puisqu'il répond au souci de voir les inventeurs considérés avec justice et équité.

Cet article additionnel après l'article 5 témoigne de notre volonté d'élaborer un dispositif complet et surtout propre à combler les nombreux vides juridiques.

L es éléments nouveaux contenus dans ce projet confèrent de nombreuses garanties en matière d'archéologie préventive : objectivité et transparence dans la détermination du montant des redevances, maîtrise des délais de réalisation des sondages, diagnostics et fouilles, prise en compte des services territoriaux d'archéologie, confirmation du rôle dévolu à l'établissement public dont le lien avec l'Etat et les aménageurs sera garanti.

Ce texte est nécessaire parce qu'il en va de l'égalité de traitement entre aménageurs devant les charges publiques et, surtout, de l'avenir du traitement de notre passé collectif qui pourra ainsi être restitué dans les meilleures conditions et sans altérer les impératifs de développement économique.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

Mme la présidente.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Je voudrais répondre aux orateurs et remercier ceux d'entre eux qui ont apporté leur soutien au projet de loi.

Monsieur Warhouver, j'ai été très sensible à votre intérêt pour le patrimoine archéologique et à votre souci de restituer aux citoyens la mémoire du sol par une large médiatisation des recherches. Je veux souligner les efforts déployés récemment par l'Etat pour utiliser mieux les nouveaux médias et je suis heureux de vous annoncer la prochaine mise en ligne systématique sur Internet des résultats de toutes les fouilles archéologiques, préventives ou non.

M. Serge Blisko et M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Très bien ! M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Quant à la conservation des vestiges rares ou insignes, elle est systématiquement envisagée, mais le développement économique et social du territoire impose, c'est vrai, dans certains cas, des sacrifices patrimoniaux. Du reste, la meilleure conservation est celle des gisements in situ, qui s'effectue en amont des projets d'aménagement ; d'où l'importance du diagnostic dont les résultats doivent permettre, le cas échéant, de modifier ou de déplacer les aménagements.

Monsieur Kert, vous avez été un peu plus sévère à l'égard du projet de loi, notamment sur le pluralisme.

Sachez que les droits exclusifs, en aucun cas, n'y porteront atteinte. Chaque fois que cela sera possible, nous ferons appel aux services agréés des collectivités locales. Et la possibilité de faire appel à des organismes de droit privé, sous forme d'appel d'offres notamment, est explicitement prévue par le projet tel qu'il a été adopté en seconde lecture par l'Assemblée nationale.

J'en viens aux problèmes de financement. Vous avez plaidé, monsieur Kert, pour des exonérations moins sélectives, ce qui est quelque peu contradictoire avec des propos tenus par certains de vos collègues de l'opposition.

En effet, dans le même temps, M. Goulard trouvait les projets trop chers et M. Schreiner plaidait pour une plus grande solidarité et presque pour une nationalisation de l'archéologie ! Notre projet, lui, est fondé sur la mutualisation.

M. Serge Blisko.

Absolument ! M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Il représente déjà un grand pas par rapport à un financement au coup par coup, à un paiement à l'acte qui, certes, serait moins cher mais serait à l'opposé de toute solidarité.

Notre projet répond en partie aux questions que vous avez posées, monsieur le député. Mais vous attendiez des réponses qui étaient en totale contradiction avec les interventions de certains de vos collègues de l'opposition qui, trouvant les sommes en cause trop élevées, plaidaient pour un paiement au coup par coup.

Monsieur Blisko, je vous remercie pour vos propos particulièrement clairs à propos de l'établissement public administratif. Vous avez démontré, si cela était encore nécessaire, la pertinence du choix proposé par le Gouvernement, celui d'un établissement public, choix qui manifeste sa volonté d'ancrer l'archéologie préventive dans la sphère publique.

Monsieur Cuvilliez, je vous remercie d'avoir, par votre contribution, réaffirmé les principes qui ont présidé à l'élaboration de ce projet de loi. En ce qui concerne le plafonnement de la redevance, vous avez déposé un amendement sur lequel nous reviendrons tout à l'heure.

Vous vous êtes inquiété de l'équilibre financier de l'établissement public, à cause notamment des exonérations prévues par le projet de loi. Souvenez-vous que l'article 3 du projet de loi, voté en termes identiques par les deux assemblées dès la première lecture, prévoit le principe du subventionnement par l'Etat. Cependant, l'Etat n'interviendra que pour assurer l'équilibre financier global de l'établissement et non pour compenser automatiquement, au cas par cas, les exonérations.

Enfin, madame Guinchard-Kunstler, je vous remercie pour votre intervention : elle résume parfaitement la logique qui a conduit le Gouvernement à cette réforme.

S'agissant de l'établissement public, de son financement par la redevance et de sa nature juridique, vos propos ont bien montré que les solutions retenues par cette assemblée sont les plus judicieuses. Je voudrais surtout saluer, une fois de plus, le travail que vous avez accompli avec M. Terrasse pour la résolution amiable des contentieux qui opposaient les inventeurs et l'Etat dans l'affaire de la grotte Chauvet-Pont-d'Arc. M. Terrasse restera également celui qui aura été à l'origine de l'évolution de la législation relative aux droits des inventeurs des vestiges archéologiques immobiliers. Et je tiens à l'en féliciter par votre intermédiaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

On l'a bien vu dans l'intervention de mes collègues, derrière la question de l'archéologie préventive se profile celle des fouilles. C'est pourquoi je tiens à rappeler que l'archéologie préventive fait partie de l'archéologie en général et que la première obligation qui est faite à toute personne agissant dans ce domaine est de protéger les vestiges et de les conserver en l'état. Ce n'est qu'exceptionnellement qu'on en arrive aux fouilles. Il ne faudrait pas que, de discussions en débats, on finisse par oublier l'objectif premier de l'archéologie préventive : conserver le patrimoine en l'état pour les générations futures. Sur ce point, il faut être très clair.

Parlons du coût. Hier, qui payait ? Les donneurs d'ordres. Demain, qui paiera ? Les donneurs d'ordres.

C'est très clair et il n'y a pas de miracle. Si ce ne sont pas les donneurs d'ordres, qui va payer les 700, 800 ou 900 millions qui intéressent l'archéologie préventive ? On nous explique qu'on va par exemple imposer à un carrier un coût énorme. Et alors ? Tant mieux si le coût empêche toute réalisation. L'objectif premier de l'archéologie préventive, ce n'est pas de faire des fouilles et le projet de loi permet justement au carrier de prévoir.

Avant de dépenser de l'argent pour acheter un terrain, il va pouvoir s'exonérer du risque archéologique.

M. Bernard Schreiner. C'est vrai !

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Premièrement, préserver, deuxièmement, donner la possibilité aux donneurs d'ordres de prévoir. L'archéologie préventive, c'est d'abord conserver avant de faire des fouilles.

M. Schreiner a donné un exemple et je l'en remercie.

Sa petite commune a fait un appel d'offres et personne n'a répondu. Justement, monsieur Schreiner ! Parce qu'il a des droits exclusifs, un établissement public sera obligé de faire les fouilles dans votre commune, avec une redevance décrite à l'article 4, et M. Pélissard, qui est juste à côté de vous, pourra vous expliquer comment la calculer.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

Au bout du compte, et je remercie Serge Blisko pour ses propos, je crois honnêtement que le travail réalisé sur le projet de loi permet d'aboutir à un équilibre entre tous les intervenants et toutes les personnes concernées par l'archéologie.

M. Serge Blisko.

Très bien ! Discussion des articles

Mme la présidente.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique, dans le texte du Sénat.

Article 1er

Mme la présidente.

« Art. 1er . - L'archéologie préventive, partie intégrante de l'archéologie, relève de missions de service public. Elle a pour objet d'assurer la détection, la préservation ou la sauvegarde par l'étude scientifique du patrimoine archéologique lorsqu'il est menacé par des travaux publics ou privés d'aménagement. Chaque opération d'archéologie préventive donne lieu à un rapport qui fait apparaître son coût et son intérêt scientifique et patrimonial. Ce document est adressé au représentant de l'Etat dans la région, au maire de la commune sur le territoire de laquelle elle s'est déroulée et à l'aménageur concerné. »

M. Marcel Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 2, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 1er :

« L'archéologie préventive, qui relève de missions de service public, est partie intégrante de l'archéologie. Elle est régie par les principes applicables à toute recherche scientifique. Elle a pour objet d'assurer, à terre et sous les eaux, dans les délais appropriés, la détection, la conservation ou la sauvegarde par l'étude scientifique, des éléments du patrimoine archéologique affectés ou susceptibles d'être affectés par les travaux publics ou privés concourant à l'aménagement. Elle a également pour objet l'interprétation et la diffusion des résultats obtenus. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Cet amendement tend à rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, en ajoutant, dans les missions de l'archéologie préventive, l'interprétation des résultats.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Favorable.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Schreiner.

M. Bernard Schreiner.

Je suis défavorable à cet amendement, car le texte du Sénat précise les devoirs de l'Etat de façon bien plus nette.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, l'article 1er est ainsi rétabli.

Article 1er bis

Mme la présidente.

« Art. 1er bis . - L'Etat est responsable de la protection du patrimoine archéologique.

« A ce titre, il veille à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social. Il garantit la diffusion des résultats de la recherche archéologique.

« Lorsque des travaux sont susceptibles de porter atteinte, en raison de leur localisation ou de leur nature, au patrimoine archéologique, l'autorité administrative, après avis de l'instance consultative compétente, prend les mesures nécessaires à sa sauvegarde.

« L'autorité administrative peut ordonner la réalisation de sondages ou de diagnostics. Elle en fixe la durée, qui ne peut excéder un mois. A l'issue de ces opérations, elle peut prescrire des fouilles dont la durée ne peut excéder six mois. Ces délais sont prolongés par décision motivée si la protection du patrimoine archéologique l'exige.

« Dans un délai de deux mois à compter de la décision notifiant l'obigation de réaliser les opérations prévues à l'alinéa précédent, l'autorité administrative désigne le res ponsable de ces opérations archéologiques et détermine, en accord avec ce dernier et la personne qui exécute les travaux visés au troisième alinéa, la date à laquelle elles seront engagées. Si les opérations prescrites n'ont pas été engagées à cette date ou ne sont pas achevées à l'issue des délais prévus à l'alinéa précédent, il peut être procé dé aux travaux visés au troisième alinéa, sauf si la personne qui les exécute est responsable de ces retards.

« Les opérations archéologiques et leur exploitation scientifique sont réalisées conformément aux prescriptions établies par l'autorité administrative et sous sa surveillance.

« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. Il précise notamment les délais à l'expiration desquels l'autorité administrative est réputée avoir émis un avis favorable à l'exécution des travaux visés au troisième alinéa. Il fixe la composition, les attributions et le mode de fonctionnement des instances consultatives prévues au troisième alinéa. »

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 3, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 1er bis :

« L'Etat veille à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social. Il prescrit les mesures visant à la détection, à la conservation ou à la sauvegarde par l'étude scientifique du patrimoine archéologique, désigne le responsable scientifique de toute opération d'archéologie préventive et assure les missions de contrôle et d'évaluation de ces opérations.

« Les prescriptions de l'Etat concernant les diagnostics et les opérations de fouilles d'archéologie préventive sont délivrées dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat.

« Pour l'exercice de ses missions, l'Etat peut consulter des organismes scientifiques créés par décret en Conseil d'Etat et compétents pour examiner toute mesure relative à l'étude scientifique du patrimoine archéologique et à son inventaire, à la publication et à la diffusion des résultats de la recherche, ainsi qu'à la protection, à la conservation et à la mise en valeur de ce patrimoine. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Il s'agit encore de revenir au texte adopté en deuxième lecture, qui définit bien le rôle de l'Etat, sous réserve de deux modifications.

Cela dit, on parle souvent de l'établissement public, mais la plus grande responsabilité en matière d'archéologie préventive, c'est l'Etat qui l'assume !

M. Bernard Schreiner.

Heureusement !

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Les deux modifications apportées nous semblent très intéressantes. Les délais sont importants et renvoyer à un décret en Conseil d'Etat est une bonne solution.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, l'article 1er bis est ainsi rédigé.

Article 1er ter

Mme la présidente.

« Art. 1er ter . - Avec le concours des établissements publics ayant des activités de recherche archéologique et des collectivités territoriales, l'Etat dresse et met à jour la carte archéologique nationale. Elle rassemble et ordonne pour l'ensemble du territoire national les données archéologiques disponibles.

« Les mesures prises par l'Etat en application de l'article 1er bis s'appuient notamment sur les informations qu'elle contient.

« Sous réserve des exigences liées à la préservation du patrimoine archéologique, des extraits en sont communiqués par l'Etat à toute personne qui en fait la demande dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« Supprimer le deuxième alinéa de l'article 1er ter »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Cet amendement porte sur la carte archéologique. La précision apportée par le Sénat est parfaitement inutile.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 5, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 1er ter :

« Les autorités compétentes pour délivrer les autorisations de travaux ont communication d'extraits de ce document et peuvent les communiquer à toute personne qui en fait la demande. Un décret détermine les conditions de communication de ces extraits ainsi que les modalités de communication de la carte archéologique par l'Etat, sous réserve des exigences liées à la préservation du patrimoine archéologique, à toute personne qui en fait la demande. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Il s'agit de revenir au texte de l'Assemblée nationale, en ajoutant que le décret d'application prévoira également les modalités de communication de la carte archéologique par l'Etat, ce qui répond à quelques interrogations.

Nous voulons que l'Etat et les responsables qui donnent les certificats ou permis de construire, les autorités compétentes en matière d'urbanisme puissent donner des informations sur la carte archéologique.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 1er ter , modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er ter , ainsi modifié, est adopté.)

Article 1er quater

Mme la présidente.

« Art. 1er quater . - Les services archéologiques des collectivités territoriales sont organisés et financés par celles-ci. Leur activité est soumise au contrôle technique de l'Etat dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

« Lorsqu'une collectivité territoriale dispose d'un service archéologique, ce service participe de plein droit, si elle en fait la demande, aux opérations archéologiques réalisées sur son territoire.

« Sont exonérés en tout ou partie du paiement de la redevance prévue à l'article 4 les travaux réalisés par la collectivité territoriale pour elle-même lorsque celle-ci dispose d'un service archéologique. L'exonération est fixée au prorata de la réalisation par la collectivité des opérat ions archéologiques prescrites en application de l'article 1er bis »

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 6, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 1er quater »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Cet article concerne les services archéologiques des collectivités territoriales, visés à d'autres endroits du texte.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Je veux insister sur ce point. Il suffit que le texte organise la place et le rôle des collectivités territoriales sans qu'il soit besoin de consacrer un article spécifique à ces dispositions, d'ailleurs très discutables, puisqu'elles leur conféraient sur leur territoire un véritable monopole local.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard.

Après certains progrès par rapport à la première mouture, nous allons voir maintenant apparaître le verbe associer. C'est le flou total. Nous n'avons aucune indication juridique, technique, financière. Si l'établissement public « associe » les services du bout des lèvres, sur une prestation très modeste, quel sera


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

le vrai rôle des collectivités territoriales et de leurs archéologues municipaux ? Ce texte est parfaitement insuffisant pour définir l'association.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, l'article 1er quater est supprimé.

Article 2

Mme la présidente.

« Art. 2. - Il est créé un établissement public national à caractère industriel et commercial, chargé de la recherche en archéologie préventive. Cet établissement exécute des sondages, diagnostics et opérations de fouilles archéologiques conformément aux décisions et aux prescriptions imposées par l'Etat et sous la surveillance de ses services en application de la loi du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques et de la présente loi. Pour l'exécution de sa mission, il peut s'associer par voie de convention à d'autres personnes morales dotées de services de recherche archéologique.

« L'établissement public assure dans les mêmes conditions l'exploitation scientifique de ses activités et la diffusion de leurs résultats, notamment dans le cadre de conventions de coopération conclues avec les établissements publics de recherche ou d'enseignement supérieur.

Il concourt à l'enseignement, à la diffusion culturelle et à la valorisation de l'archéologie.

« L'établissement public est administré par un conseil d'administration. Le président du conseil d'administration est nommé par décret.

« Le conseil d'administration comprend, outre son président, des représentants de l'Etat, des personnalités qualifiées, des représentants des organismes et établissements publics de recherche et d'enseignement supérieur dans le domaine de la recherche archéologique, des représentants des collectivités territoriales et des personnes publiques et privées concernées par l'archéologie préventive, ainsi que des représentants élus du personnel. Les attributions et le mode de fonctionnement de l'établissement public ainsi que la composition de son conseil d'administration sont précisés par décret.

« Le conseil d'administration est assisté par un conseil scientifique.

« Les biens, droits et obligations de l'association dénommée Association pour les fouilles archéologiques nationales sont dévolus à l'établissement public dans des conditions fixées par décret. »

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 7, ainsi rédigé :

« Substituer au premier alinéa de l'article 2 les deux alinéas suivants :

« Les diagnostics et opérations de fouille d'archéologie préventive sont confiés à un établissement public national à caractère administratif.

« Celui-ci les exécute conformément aux décisions et aux prescriptions imposées par l'Etat et sous la surveillance de ses représentants, en application des dispositions de la loi du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques, de la loi no 89-874 du 1er décembre 1989 relative aux biens culturels maritimes et de la présente loi. Pour l'exécution de sa mission, l'établissement public associe les services archéologiques des collectivités territoriales et des autres personnes morales de droit public ; il peut faire appel, par voie de convention, à d'autres personnes morales, françaises ou étrangères, dotées de services de recherche archéologique. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

L'article 2 est destiné à définir les responsabilités de l'établissement public.

Quand il est écrit que l'établissement public « associe » les services archéologiques des collectivités territoriales, monsieur Pélissard...

M. Jacques Pélissard.

Cela ne veut rien dire !

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

... c'est impératif !

M. Jacques Pélissard.

Selon quelles modalités ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Les modalités seront précisées par décret. Par ailleurs, l'établissement public a un conseil d'administration au sein duquel les collectivités territoriales sont représentées.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 8, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 2 :

« Les emplois permanents de l'établissement public sont pourvus par des agents contractuels. Le statut des personnels de l'établissement public est régi par le décret en Conseil d'Etat pris en application de l'article 7 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et par un décret particulier. Les biens, droits et obligations de l'association dénommée Association pour les fouilles archéologiques nationales sont dévolus à l'établissement public dans des conditions fixées par décret. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Retour à la case départ.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Favorable !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 2 bis

Mme la présidente.

Le Sénat a supprimé l'article 2 bis

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 9, ainsi rédigé :

« Rétablir l'article 2 bis dans le texte suivant :

« Une convention conclue entre la personne projetant d'exécuter des travaux et l'établissement public définit les délais de réalisation des diagnostics et des


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

opérations de fouille, les conditions d'accès aux terrains et les conditions de fourniture de matériels, d'équipements et des moyens nécessaires à leur mise en oeuvre. Cette convention détermine également les conséquences pour les parties du dépassement des délais fixés. Les délais fixés par la convention courent à compter de la mise à disposition des terrains dans des conditions permettant d'effectuer les opérations archéologiques.

« Faute d'un accord entre les parties sur les délais de réalisation des diagnostics et des opérations de fouilles, la durée de réalisation est fixée, à la demande de la partie la plus diligente, par l'Etat, qui peut consulter les organismes scientifiques mentionnés à l'article 1er bis de la présente loi. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Cet amendement traite notamment des conventions qui lieront l'établissement public et le donneur d'ordre. Nous rétablissons le texte adopté en deuxième lecture sur la fixation des délais, en ajoutant une précision. Si les deux parties n'arrivent pas à se mettre d'accord, la partie la plus diligente peut interpeller l'Etat, qui fixera les délais. Le donneur d'ordre public ou privé peut donc faire appel à l'Etat pour fixer la durée de réalisation des opérations.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Le Gouvernement partage l'avis de la commission. Les procédures doivent être les plus rapides possible et la précision apportée est très importante.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, l'article 2 bis est ainsi rétabli.

Article 2 ter A

Mme la présidente.

« Art. 2 ter A. - La durée nécessaire à la réalisation des diagnostics et des opérations de fouille interrompt la durée de l'autorisation administrative d'exploitation de carrière. »

Je mets aux voix l'article 2 ter A. (L'article 2 ter A est adopté.)

Article 2 ter

Mme la présidente.

« Art. 2 ter. - Le mobilier archéologique issu des opérations d'archéologie préventive est confié à l'Etat le temps nécessaire à son étude scientifique. Au terme de ce délai, qui ne peut excéder cinq ans, la propriété de ce mobilier est régie par les dispositions de l'article 11 de la loi du 27 septembre 1941 précitée.

« Les vestiges mobiliers dont l'Etat ou les collectivités t erritoriales sont propriétaires sont, sauf exception motivée, déposés par priorité dans le musée classé ou contrôlé le plus proche du lieu de découverte. »

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 10, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 2 ter, substituer aux mots : "à l'Etat" les mots : ", sous le contrôle des services de l'Etat, à l'établissement public". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Retour au texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 11, ainsi rédigé :

« Supprimer le dernier alinéa de l'article 2 ter. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Cet amendements upprime une disposition ajoutée par le Sénat en deuxième lecture qui dispose que les vestiges mobiliers appartenant à l'Etat ou à une collectivité territoriale sont déposés en priorité dans le musée classé ou contrôlé le plus proche du lieu de découverte et qui n'a pas lieu d'être.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Nous partageons l'avis de la commission. Comme je l'ai dit devant le Sénat, cette disposition, proposée par M. Renar, dans le dessein de territorialiser le plus possible la démarche, est impraticable. Elle va même à l'encontre de ce qu'il souhaitait lui-même.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

11. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 2 ter, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 2 ter, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4

Mme la présidente.

« Art. 4. - I. - Les redevances d'archéologie préventive sont dues par les personnes publiques ou privées qui exécutent des travaux définis au troisième alinéa de l'article 1er bis et qui sont soumis à autorisation préalable en application du code de l'urbanisme ou donnent lieu à étude d'impact en application de la loi no 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature et de la loi no 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ou, dans les cas des autres types d'affouillements, à déclaration administrative préalable selon les modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. En cas de réalisation des travaux par lots, le redevable reste la personne publique ou privée qui réalise ou fait réaliser le projet d'aménagement.

« II. - Le montant de la redevance est arrêté par décision de l'établissement public sur le fondement des prescriptions de l'Etat qui en constituent le fait générateur.

Ce montant est établi sur la base :

« 1o Pour les opérations de diagnostics archéologiques, de la formule R (en francs par mètre carré) = T/320 ;

« 2o Pour les opérations de fouille, sur le fondement des diagnostics :

« a) De la formule R (en francs par mètre carré) = T (H + H'/7) pour les sites archéologiques stratifiés, H représentant la hauteur moyenne en mètres de la couche


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

archéologique et H' la hauteur moyenne en mètres des stériles affectées par la réalisation de travaux publics ou privés d'aménagement ;

« b) De la formule R (en francs par mètre carrés) = T (N/2000 + H'/30) pour les ensembles de structures archéologiques non stratifiées. La variable N représente le nombre de structures archéologiques à l'hectare évalué par les sondages et diagnostics. Lorsque ces derniers révèlent la présence de structures archéologiques complexes, le montant de la redevance est établi sur la base de la formule R (en francs par mètre carré) = T (N/200 + H'/30).

« Un site est dit stratifié lorsqu'il présente une accumulation sédimentaire ou une superposition de structures simples ou complexes comportant des éléments du patrimoine archéologique.

« Pour les constructions affectées de manière prépondérante à l'habitation, la valeur du 2o est plafonnée à T/3 S, S représentant la surface hors oeuvre nette totale du projet de construction. Toutefois, dans le cas du a du 2o , la redevance est en outre due pour la hauteur et la surface qui excèdent celles nécessaires pour satisfaire aux normes prévues par les documents d'urbanisme.

« Dans le cas visé au 1o , la formule s'applique à la surface soumise à l'emprise au sol des travaux et aménagements projetés portant atteinte au sous-sol. Dans les cas visés au 2o , la formule s'applique à la surface soumise à l'emprise des fouilles.

« La variable T est égale à 620. Son montant est indexé sur l'indice du coût de la construction.

« II bis Sont exonérés de la redevance d'archéologie préventive les travaux relatifs aux logements à usage locatif construits ou améliorés avec le concours financier de l'Etat en application des 3o et 5o de l'article L.

351-2 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les constructions de logements réalisées par une personne physique pour elle-même.

« Ouvre droit à une réduction du montant de la redevance la prise en charge par le redevable des opérations archéologiques prescrites en application de l'article 1er bis

De même, la fourniture par la personne redevable de matériels, d'équipements et des moyens nécessaires à leur réalisation ouvre droit à une réduction qui est plafonnée dans le cas visé au a du 2o du II, à T H'/7 et, dans le cas visé au b du 2o du II, à T H'/30.

« Lorsque les travaux définis au I ne sont pas réalisés par le redevable, les redevances de diagnostics et de fouilles sont remboursées par l'établissement si les opérations archéologiques afférentes à ces redevances n'ont pas été engagées, déduction faite des frais d'établissement et de recouvrement de la redevance.

« III et IV. - Non modifiés. »

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 12 rectifié, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le I de l'article 4 :

« I. - Les redevances d'archéologie préventive sont dues par les personnes publiques ou privées projetant d'exécuter des travaux qui sont soumis à autorisation préalable en application du code de l'urban isme ou donnent lieu à étude d'impact en application du code de l'environnement ou qui concernent une zone d'aménagement concerté non soumise à étude d'impact au sens de ce même code ou, dans les cas des autres types d'affouillements, qui sont soumis à déclaration administrative préalable selon les modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, et pour lesquels les prescriptions prévues à l'article 1er bis rendent nécessaire l'intervention de l'établissement public afin de détecter et sauvegarder le patrimoine archéologique dans les conditions définies par la présente loi.

« Pour un lotissement ou une zone d'aménagement concerté, la personne publique ou privée qui réalise ou fait réaliser le projet d'aménagement est débitrice, pour l'ensemble du projet d'aménagement, des redevances de diagnostic et, sans préjudice des exonérations prévues au II bis , des redevances de fouilles. »

Sur cet amendement, je suis saisi de deux sousamendements.

Le sous-amendement no 26, présenté par le Gouvernement, est ainsi rédigé :

« A la fin du dernier alinéa de l'amendement no 12 rectifié, supprimer les mots : "et, sans préjudice des exonérations prévues au II bis, des redevances de fouilles". »

Le sous-amendement no 25, présenté par M. Outin et les membres du groupe communiste est ainsi rédigé :

« A la fin du dernier alinéa de l'amendement no 12 rectifié, substituer aux mots : ", sans préjudice des exonérations prévues au II bis, des redevances de fouilles", les mots : "de fouilles sans préjudice des exonérations prévues au II bis ". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 12 rectifié.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

C'est un amendement important puisque l'article 4 concerne la redevance.

Je propose de rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, sous réserve de deux modifications : nous prévoyons que la redevance est également due pour les ZAC non soumises à étude d'impact c'était un oubli de notre part - et nous précisons que, dans les cas où les travaux concernent des lotissements ou des zones d'aménagement concerté, l'aménageur est redevable, pour l'ensemble du projet d'aménagement, de la redevance de diagnostic, afin de libérer le terrain qu'il aménage du risque archéologique, et de la redevance de fouilles, nonobstant le bénéfice des exonérations prévues, afin d'assurer une mutualisation du coût des fouilles entre toutes les parcelles et l'unité des opérations scientifiques dans l'espace et dans le temps.

Mme la présidente.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amend ement no 12 rectifié et soutenir le sous-amendement no

26. M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

On peut accepter que le lotisseur ou l'aménageur, dans les cas visés par cet alinéa, supporte les redevances relatives aux opérations de diagnostic en tenant compte de l'intégralité du terrain sur lequel des aménagements sont projetés.

En revanche, l'aménageur ne sait pas forcément à l'avance ce qui va être construit sur les parcelles qu'il aménage, et il ne décide pas. Il est donc difficilement envisageable de le soumettre à l'obligation de payer des redevances de fouilles dont la réalité est encore inconnue et même incertaine, car elle est conditionnée par les travaux qui seront réalisés et que l'on ne connaît pas forcément à ce stade des projets considérés.

Pour ces motifs, le Gouvernement désire sous-amender l'amendement adopté par votre commission.


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Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement no 26 ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

La commission n'a pas eu à l'examiner et je le regrette un peu. C'est dommage, mais je ne peux donner qu'un avis personnel.

Aujourd'hui, le lotisseur paie, et je ne vois pas pourquoi il ne paierait pas demain. Par ailleurs, imaginons qu'un lotisseur, après avoir fait pratiquer un diagnostic qui conclut à la nécessité de fouiller, vende une parcelle à une personne publique ou privée, puis une autre parcelle dix ans après. C'est improbable mais on ne sait jamais.

Comment fera-t-on les fouilles ? On aura les pieds d'une tombe et on attendra dix ans pour dégager la tête ? Ce n'est pas possible ! On ne peut dans ce domaine fonctionner par tranches. Il y a une unité scientifique à respecter ! C'est pourquoi je suis défavorable au sous-amendement no 26. Je préfère que les choses se passent demain comme elles se passaient hier.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard.

Moi, je me demande si on ne pourrait pas pour une fois conserver la formule du Sénat car, dans votre amendement, monsieur le rapporteur, deux choses me gênent.

Il est prévu que les redevances d'archéologie préventive sont dues par les personnes publiques ou privées projetant d'exécuter les travaux : mais, si les travaux n'ont pas lieu, il n'est pas normal de faire payer l'aménageur. Le Sénat proposait que les redevances soient dues par les personnes qui exécutent des travaux définis au troisième alinéa de l'article 1er bis . C'est bien la réalisation des travaux qui entraîne le financement des opérations de diagnostic, ce n'est pas un simple projet, qui peut toujours ne pas être suivi d'effet.

Par ailleurs, les redevances sont maintenant dues par les personnes publiques ou privées projetant d'exécuter des travaux qui concernent une zone d'aménagement concerté non soumise à l'étude d'impact. Dans 90 % des cas, les ZAC sont portées par les collectivités publiques, les communes en général. Vous leur ajoutez une charge de plus, automatique...

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

C'est ce qui existe aujourd'hui !

M. Jacques Pélissard.

... sans possibilité d'y échapper.

Dès qu'il y a une ZAC, il y a une opération de diagnostic, même si l'on se trouve dans une zone qui ne requiert pas ce type d'opération.

Vous renchérissez donc le coût des opérations d'aménagement. Cela me paraît vraiment pénalisant pour les communes !

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Schreiner.

M. Bernard Schreiner.

A partir du moment où on réalise un lotissement, monsieur le rapporteur, avant de pouvoir vendre le moindre terrain, il faut avoir une autorisation préalable. Les fouilles concernant les réseaux doivent pouvoir être faites. Votre explication ne tient donc pas la route ! Si un lotisseur aménage un terrain pour vendre des lots, il l'aménage entièrement et il mutualise.

Mme la présidente.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko.

Le sous-amendement que M. le secrétaire d'Etat nous a présenté, outre le fait qu'il arrive tardivement, ce qui nous oblige à réfléchir vite, pose tout de même problème.

A mon sens, il déséquilibre le texte proposé de commission. Celui-ci est équilibré, puisqu'on enlève une part de risque, et je rappelle que le diagnostic est là pour éclairer. Pourquoi, tout d'un coup, enlever la responsabilité et le coût de la fouille ? Si le diagnostic est « catastrophique » tout s'arrête et l'aménageur n'a pas non plus à payer les fouilles.

Je pense donc que nous pouvons, en vous rassurant, monsieur le secrétaire d'Etat, ne pas voter ce sousamendement.

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no

26. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Christian Cuvilliez, pour soutenir le sous-amendement no

25.

M. Christian Cuvilliez.

Amendement défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Ce sous-amendement n'a pas été examiné par la commission, mais, après l'avoir lu, je pense qu'il faut l'adopter. C'est en tout état de cause ce que je préconise car le sous-amendement améliore le texte adopté par la commission.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Le Gouvernement est défavorable à ce sous-amendement. Il me semble que ce texte conduirait à instaurer le même régime - M. le rapporteur ne se trompe pas - que celui que tend à instituer l'amendement de la commission envers lequel le Gouvernement a déjà manifesté son désaccord.

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no

25. (Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 12 rectifié, modifié par le sous-amendement no

25. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente.

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 13, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le cinquième alinéa (b) du II de l'article 4 :

« b) De la formule R (en francs par mètre carré) = T I (1/450)(Ns/10 + Nc) + H'/30 J pour les ensembles de structures archéologiques non stratifiées. Les variables Ns et Nc représentent le nombre à l'hectare de structures archéologiques respectivement simples et complexes évalué par le diag nostic. Une structure archéologique est dite complexe lorsqu'elle est composée de plusieurs éléments de nature différentes et que son étude fait appel à des méthodes et techniques diversifiées d'investigation scientifique. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Auparavant, je tiens à répondre à Jacques Pélissard sur la redevance diagnostic.

Je crois que le Sénat se trompe dans son analyse en laissant entendre que cette redevance ne devrait être exigible qu'au moment de la réalisation des travaux. Pour-


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quoi se trompe-t-il ? Tout simplement parce que, sur le plan économique, un donneur d'ordre, public ou privé, a intérêt à prévoir le plus longtemps possible à l'avance, c'est-à-dire dès le moment où il a l'idée d'un projet, qu'il devra faire un diagnostic, et donc qu'il devra s'acquitter de la redevance diagnostic. Dès lors, ayant la connaissance du risque archéologique lié au terrain sur lequel il veut travailler, il sait ce qu'il lui reste à faire, et il doit prendre ses responsabilités : soit il achète le terrain pour faire une opération, soit il ne l'achète pas.

Je tiens à rassurer Jacques Pélissard. Le texte qui a été adopté est vraiment, je le crois, le meilleur sur le plan économique.

L'amendement no 13 vise à rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture en ce qui concerne la formule de calcul du montant de la redevance pour les ensembles de structures archéologiques non stratifiées.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Je tiens à préciser que, malgré le rejet de son sous-amendement no 26, le Gouvernement n'était pas défavorable à l'amendement no 12 rectifié dont la rédaction lui paraissait bien meilleure que celle du Sénat.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement no 13 car le taux dissuasif proposé par le Sénat n'aurait pas pu être appliqué dans la pratique, même si cela relevait d'une intention louable.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Schreiner.

M. Bernard Schreiner.

La formule proposée par l'amendement ne peut que décourager ceux qui auraient envie d'entreprendre quoi que ce soit. Qui évaluera le nombre prévisionnel de structures archéologiques simples, de structures archéologiques complexes ?

M. Jacques Pélissard.

L'établissement public !

M. Bernard Schreiner.

Qui va payer au départ ? Avec une telle formule, vous risquez, dans le cas d'une petite ville, de décourager les meilleures volontés, désireuses d'assurer le développement économique d'une ZAC de cinq ou dix hectares.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard.

Là, nous sommes dans l'incertitude totale, mais je n'en fais pas grief au rapporteur.

Qu'est-ce qu'une « structure archéologique complexe » ? Dans ma ville, on a fait des fouilles - et j'invite M. le secrétaire d'Etat à venir en voir les résultats, il ne sera pas déçu - et, dans un ancien fossé, il a été trouvé des m orceaux de sandales en cuir, des morceaux de bois et des morceaux de ferrailles, donc des morceaux de trois matières différentes : dès lors, il s'agit d'une structure archéologique complexe et le prix majoré de la redevance doit s'appliquer.

Cette situation floue est porteuse de tous les contentieux. Il y a aura des discussions à n'en plus finir pour savoir si l'on est en présence d'une archéologie complexe ou d'une archéologie simple. Les discussions seront byzantines. Cela va être infernal.

M. Christian Kert.

C'est une usine à gaz !

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Je tiens à rappeler de façon très nette que ce n'est pas l'établissement public administratif qui fixe la redevance, mais l'Etat.

M. Bernard Schreiner.

Le résultat est le même ! Vous allez décourager les meilleures volontés !

Mme la présidente.

Mes chers collègues, je vous invite à discuter hors de l'hémicycle de la formule applicable.

Je mets aux voix l'amendement no

13. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Outin et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 24, ainsi rédigé :

« Supprimer la première phrase du septième alinéa du II de l'article 4. »

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Amendement défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

La commission n'a pas examiné l'amendement, mais comme elle s'était prononcée contre un amendement identique en deuxième lecture, elle donne de nouveau un avis défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

24. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 14, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du II de l'article 4, substituer au mot : "portant", les mots : "susceptibles de porter". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

C'est un amendement de précision rédactionnelle.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Il me semble que la précision allait de soi, mais j'y suis tout de même favorable.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard.

Il s'agit d'un amendement d'imprécision et non de précision ! A partir du moment où l'on substitue au mot « portant » les mots « susceptibles de porter », on va, de fait, élargir l'assiette de la redevance.

Prenons le cas d'un terrain de 1 000 mètres carrés avec un coefficient d'occupation au sol de 0,50, terrain sur lequel on ne sait pas au départ où vont être implantés les bâtiments. Eh bien, dans ce cas, la redevance va porter sur l'ensemble de l'assiette. Il s'agit donc d'une formule destinée à « maximiser » la recette au-delà de toute implication d'urbanisme.

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Si la personne en question ne sait pas où elle va implanter les bâtiments, il vaut mieux fouiller partout. C'est évident ! Il s'agit en fait de permettre au donneur d'ordre, public ou privé, de connaître le plus en amont possible le risque archéologique et d'agir en conséquence.

Mme la présidente.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.


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M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Monsieur Pélissard, votre explication est intéressante, mais le texte prévoit le cas que vous avez évoqué.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 15, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du II bis de l'article 4, après les mots : "de l'habitation", insérer les mots : "au prorata de la surface hors oeuvre nette effectivement destinée à cet usage". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Cet amendement vise à encadrer le dispositif d'exonération de la redevance d'archéologie préventive prévu pour les constructions de logements sociaux.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

15. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 16, ainsi rédigé :

« Après le premier alinéa du II bis de l'article 4, insérer l'alinéa suivant :

« Sont exonérés du paiement de la redevance, sur décision de l'établissement public, les travaux d'aménagement exécutés par une collectivité territoriale pour elle-même, lorsque cette collectivité est dotée d'un service archéologique agréé par l'Etat dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat et qu'elle réalise, à la demande de l'établissement p ublic, les opérations archéologiques prescrites.

L'exonération est fixé au prorata de la réalisation par la collectivité territoriale desdites opérations. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Il s'agit de préciser que l'exonération d'une redevance au profit d'une collectivité territoriale ne peut se faire que lorsque cette dernière réalise directement des fouilles pour elle-même et pas pour le compte d'autrui.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Le Gouvernement est d'accord avec l'amendement car les précisions qu'il apporte sont nécessaires. En effet, on ne peut être exonéré que de ce que l'on doit. Les collectivités territoriales ne seront débitrices de la redevance que lorsqu'elles seront maîtres d'oeuvre des travaux.

M. Jacques Pélissard.

Et d'ouvrage ! M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Pour les autres cas, si elles interviennent en association avec l'établissement public sur des fouilles concernant des travaux conduits par des tiers, elles ne seront pas redevable et n'auront pas à être exonérées. Dans ce cas, le redevable sera l'aménageur concerné, qui s'acquittera de la redevance auprès de l'établissement public, ce dernier réglant à la collectivité territoriale le montant de la prestation qu'elle accomplit. Il n'y a rien à dire à ce sujet dans la loi. Cela relève du droit commun conventionnel.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

16. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 17 rectifié, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'avant-dernier alinéa du II bis de l'article 4 :

« La fourniture par la personne redevable de matériels, d'équipements et des moyens nécessaires à leur mise en oeuvre ouvre droit à une réduction du montant de la redevance. La réduction est plafonnée à T H'/7 dans le cas mentionné au a du 2o du II et à T H'/30 dans le cas mentionné au b du 2o du II. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Cet amendement tend à rétablir le texte adopté l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 17 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 1, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le III de l'article 4 :

« Les redevances sont recouvrées par l'agent comptable de l'établissement public selon les règles applicables au recouvrement des créances des établissements publics nationaux à caractère administratif. »

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

La rédaction actuelle du projet prévoit que le recouvrement de la redevance est effectué selon les modalités applicables au recouvrement des créances de l'Etat étrangères à l'impôt, au domaine, aux amendes et autres condamnations pécuniaires - il s'agit des articles 80 et suivants du décret du 29 décembre 1962. S'agissant d'un établissement public national, il est préférable d'appliquer les dispositions prévues par ce même décret pour ce type d'établissement : articles 163 et suivants de ce décret. Cette malfaçon doit être réparée. Tel est l'objet de l'amendement.

M. Serge Blisko.

Amendement honorable !

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4 bis

Mme la présidente.

« Art. 4 bis . - Les contestations relatives à la détermination de la redevance d'archéologie préventive peuvent être examinées, sur demande du rede-


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vable, par une commission administrative présidée par un membre du Conseil d'Etat. Cette commission est composée, outre son président, en nombre égal de représentants de l'Etat, des collectivités territoriales et des personnes effectuant des travaux visés par le premier alinéa du I de l'article 4 ainsi que de personnalités qualifiées.

« L'avis de la commission est notifié aux parties.

« La composition de la commission, les modalités de sa saisine et la procédure applicable sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. »

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 18, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le premier alinéa de l'article 4 bis :

« Les contestations relatives à la détermination de la redevance d'archéologie préventive sont examinées, sur demande du redevable, par une commission administrative présidée par un membre du Conseil d'Etat et composée, en nombre égal, de représentants de l'Etat, des collectivités territoriales et des personnes publiques et privées concernées par l'archéologie préventive, ainsi que de personnalités qualifiées. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Cet amendement tend à rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture. Il s'agit de mettre en place les modalités d'une contestation possible de la redevance ou d'un examen de questions touchant aux relations entre les donneurs d'ordre et l'établissement public. Je rassure donc mes collègues, il existe un voie de recours gracieux.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

18. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 4 bis , modifié par l'amendement no

18. (L'article 4 bis, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

Mme la présidente.

« Art. 5. - I à III. - Non modifiés. »

« IV. - Supprimé. »

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 19 rectifié, ainsi rédigé :

« Rétablir le IV de l'article 5 dans le texte suivant :

« IV. - Le premier alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'environnement est complété par les mots :

« ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Il s'agit de rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 19 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 5, modifié par l'amendement no 19 rectifié.

(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5 bis

Mme la présidente.

« Art. 5 bis. - I. - Le début de l'article 11 de la loi du 27 septembre 1941 précitée est ainsi rédigé :

« Le mobilier archéologique issu des fouilles est confié à l'Etat pendant le délai nécessaire à son étude scientifique. Au terme de ce délai, qui ne peut excéder cinq ans, la propriété... (Le reste sans changement.) »

« II. - Le début du deuxième alinéa de l'article 16 de la même loi est ainsi rédigé :

« Les découvertes de caractère mobilier faites fortuitement sont confiées à l'Etat pendant le délai nécessaire à leur étude scientifique. Au terme de ce délai, qui ne peut excéder cinq ans, leur propriété demeure réglée par...

(Le reste sans changement.) »

Je mets aux voix l'article 5 bis

(L'article 5 bis, est adopté.)

Article 5 ter

Mme la présidente.

Le Sénat a supprimé l'article 5 ter

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 20, ainsi libellé :

« Rétablir l'article 5 ter dans le texte suivant :

« Il est inséré, après l'article 18 de la loi du 27 septembre 1941 précitée, un article 18-1 ainsi rédigé :

« Art. 18-1. - S'agissant des vestiges archéologiques immobiliers, il est fait exception aux dispositions de l'article 552 du code civil.

« L'Etat verse au propriétaire du fonds où est situé le vestige une indemnité destinée à compenser le dommage qui peut lui être occasionné pour accéder audit vestige. A défaut d'accord amiable, l'action en indemnité est portée devant le juge judiciaire.

« Lorsque le vestige est découvert fortuitement et qu'il donne lieu à une exploitation, la personne qui assure cette exploitation verse à l'inventeur une indemnité forfaitaire ou, à défaut, intéresse ce dernier au résultat de l'exploitation du vestige. L'indemnité forfaitaire et l'intéressement sont caculés en relation avec l'intérêt archéologique de la découverte et dans des limites et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Il s'agit de l'amendement dit « grotte Chauvet », évoqué par Mme Paulette Guinchard-Kunstler dans son intervention. Il tend à rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

En première lecture, afin d'éviter l'application de l'article 40, nous avions demandé au Gouvernement de nous proposer un texte sur le sujet. Ce texte, qui nous a été proposé en deuxième lecture, a été adopté par l'Assemblée. Actuellement, rien ne nous permet de dire qu'il faille le changer.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Je me suis longuement expliqué devant le Sénat sur ce texte pour tenter de convaincre la Haute Assemblée, je n'y reviendrai pas. On peut se reporter à mes propos qui figurent au Journal officiel des débats de la séance du 5 octobre 2000 : ils répondaient point par p oint aux inquiétudes du rapporteur du Sénat,

M. Legendre.

Je crois maintenant, comme votre commission, votre rapporteur et M. Terrasse qu'il faut aller de l'avant. Et même si l'application de ce texte devait faire naître un jour une difficulté, il faut prendre le pari de la faculté d'adaptation des hommes, et au pire des capacités d'appréciation des tribunaux.

Quoi qu'il en soit, le bilan d'application prévu par l'article 6 portera aussi sur cette disposition si nécessaire.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

20. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, l'article 5 ter est ainsi rétabli.

Après l'article 5 ter

M me la présidente.

M. Rogemont, rapporteur, M. Blisko et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 21, ainsi rédigé :

« Après l'article 5 ter , insérer l'article suivant :

« Les agents de l'association pour les fouilles archéologiques nationales affectés à des missions de la carte archéologique nationale ont accès aux concours internes permettant d'occuper notamment les fonctions de même nature dans les services de l'Etat. Ces agents doivent réunir les conditions suivantes :

« 1) Etre en fonction à la date de promulgation de la présente loi ;

« 2) Avoir accompli, à la date de dépôt de leur candidature, des services effectifs d'une durée équivalente à trois ans au moins à temps complet à la réalisation des missions visées au premier alinéa du présent article ;

« 3) Remplir les conditions énumérées à l'article 5 du titre Ier du statut général des fonctionnaires. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Je laisse à M. Blisko le soin de défendre l'amendement.

Mme la présidente.

Monsieur Blisko, vous avez la parole.

M. Serge Blisko.

Il s'agit de permettre aux agents de l'AFAN qui ne sont pas des archéologues de terrain mais qui travaillent dans les services du ministère de la culture à des missions de cartographie ou d'informatique - missions qui se sont beaucoup développées - d'avoir accès aux concours internes des corps de fonctionnaires correspondant à ces missions. Il ne faut pas qu'ils soient les laissés-pour-compte d'une dévolution de personnels de l'AFAN à l'établissement public, qui risque d'être pour le moins compliquée. Ils doivent pouvoir, après avoir passé un concours, intégrer le cadre des fonctionnaires du ministère de la culture.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

L'avis de la commission est favorable. Actuellement, soixante-dix personnes de l'AFAN travaillent à la réalisation de la carte archéologique. Le Gouvernement nous a annoncé la création de trente-cinq postes pour la carte archéologique au budget 2001 et celle de trente-cinq autres postes dans le budget 2002. Il est normal que les agents qui travaillent actuellement à l'établissement de cette carte soient appelés à remplir ces postes dans le cadre habituel des règles des concours.

M. Aloyse Warhouver.

Proposition très sage !

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décent ralisation culturelle.

L'amendement proposé par la commission et par M. Blisko aurait pour effet d'autoriser des personnels de l'AFAN sous statut de droit privé à accéder aux concours internes réservés aux personnels de la fonction publique de l'Etat.

Une telle possibilité, régulièrement revendiquée pour d'autres catégories de personnels, a toujours été refusée par le Gouvernement, y compris dans le cadre de la loi sur la résorption de la précarité que le Parlement examine en ce moment.

De plus, l'amendement conduit à valider l'ancienneté du service fait sous statut de droit privé, ce qui crée en réalité au profit des personnels de l'AFAN des conditions d'accès à ces concours plus favorables que celles réservées aux agents de l'Etat.

Vous comprendrez donc qu'on ne puisse ici faire une exception au principe de la réservation de l'accès aux concours internes de la fonction publique aux seuls agents de la fonction publique.

En revanche, je vous précise que des concours externes pour un total de trente-cinq places vont être ouverts en 2001 donnant accès à quatre postes d'ingénieur de recherche, dix-huit postes d'ingénieur d'études et treize postes d'assistant-ingénieur. Ces concours seront destinés à pourvoir les postes affectés à la carte archéologique et auxquels les salariés de l'AFAN sont tout spécialement encouragés à se présenter. Si la possibilité en est donnée b udgétairement par le Parlement, d'autres concours seront également organisés en 2002.

Je rappelle enfin que le projet de loi que vous examinez prévoit la reprise par l'établissement public des contrats de travail en cours des personnels de l'AFAN, y compris à titre dérogatoire, sous forme de contrats à durée indéterminée.

L'avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement n'entraîne donc, pour les salariés de l'AFAN, aucune précarisation de leur situation.

M. Serge Blisko.

Merci de ces précisions.

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

C'est un peu à regret que je me propose de retirer cet amendement.

M. Jacques Pélissard.

Je le reprends !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 21, repris par M. Pélissard.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

Article 5 quater

M me la présidente.

« Article 5 quater - Après l'article 15 de la loi du 27 septembre 1941 précitée, il est inséré un article 15-1 ainsi rédigé : Art. 15-1. - Lorsque des vestiges archéologiques de caractère immobilier sont découverts fortuitement et qu'ils donnent lieu à une exploitation commerciale, la personne qui assure cette dernière verse à l'inventeur une indemnité forfaitaire à titre de récompense. Cette indemnité forfaitaire est calculée selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. »

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 22, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 5 quater »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Amendement de coordination.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

22. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, l'article 5 quater est supprimé.

Article 6

Mme la présidente.

« Art. 6. - A compter du 1er octobre 2003, le Gouvernement présente au Parlement un rapport bisannuel sur l'exécution de la présente loi.

« Ce rapport établit le bilan des opérations d'archéologie préventive. Il rend compte de l'état d'avancement de la réalisation de la carte archéologique nationale.

« Il retrace la situation financière de l'établissement public prévu à l'article 2 et indique le produit des redevances d'archéologie préventive constaté au titre de l'exercice précédent et évalué pour l'exercice en cours.

« Il indique le nombre et les motifs des contestations portées devant la commission prévue à l'article 4 bis et précise le sort réservé aux avis de cette commission. »

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 23, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 6 :

« Le Gouvernement présentera au Parlement, avant le 31 décembre 2003, un rapport sur l'exécution de la présente loi. Ce rapport présentera notamment :

« - un bilan des opérations d'archéologie préventive réalisées ;

« - l'état d'avancement de la réalisation de la carte archéologique nationale ;

« - la situation financière de l'établissement public prévu à l'article 2 ;

« - le nombre et les motifs des contestations portées devant la commission prévue à l'article 4 bis ainsi que les sorts réservés aux avis de cette commission. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Cet amendement propose de remplacer le rapport biannuel prévu par le Sénat par un seul et unique rapport qui permettra de faire un bilan complet de la mise en oeuvre de la réforme au bout de trois années.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

Après s'en être remis à la sagesse lors des lectures précédentes, le Gouvernement s'engage cette fois-ci davantage car il considère que la rédaction proposée est à la bonne formule.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

23. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, l'article 6 est ainsi rédigé.

Vote sur l'ensemble

Mme la présidente.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Madame la présidente...

Mme la présidente.

Monsieur Migaud ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... au nom de la commission des finances, je demande que la séance de ce soir ne commence qu'à vingt et une heure trente.

Mme la présidente.

J'allais l'annoncer ! 4 FIN DE LA MISSION D'UN DÉPUTÉ

Mme la présidente.

Par lettre du 4 décembre 2000, M. le Premier ministre m'a informée que la mission temporaire précédemment confiée à M. Thierry Carcenac, député du Tarn, avait pris fin le 5 décembre 2000.

5 TRANSPOSITION PAR ORDONNANCES DE DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire

Mme la présidente.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 6 décembre 2000

« Monsieur le président,

« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 2000

commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.

« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.

« J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.

« Veuillez agréer, Monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

6

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

Mme la présidente.

Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique : Discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000, no 2704 : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2775, tomes I et II) ; M. François Lamy, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis no 2764).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ORDRE DU JOUR ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS (Réunion du mercredi 6 décembre 2000) L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 19 décembre au jeudi 21 décembre 2000 inclus a été ainsi fixé : Mardi 19 décembre 2000 : Le matin, à 9 heures : Questions orales avec débat sur l'avenir des institutions.

L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Discussion des propositions de lois organiques : de M. Georges Sarre relative à l'antériorité de l'élection présidentielle par rapport à l'élection législative (no 2602) ; de M. Bernard Charles visant à modifier l'article L.O.

121 du code électoral en vue de la concomitance de l'élection présidentielle et des élections lé gislatives (no 2665) ; de M. Raymond Barre modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale (no 2741) ; de M. Hervé de Charette relative à l'organisation des élections pré sidentielles et législatives (no 2756) ; de M. Gérard Gouzes relative à la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale (no 2757) et de MM. Jean-Marc Ayrault, François Hollande, Raymond Forni, Bernard Roman modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale (no 2773).

Mercredi 20 décembre 2000 : Le matin, à 9 heures : Suite de l'ordre du jour de la veille.

L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement sur des thèmes européens, et le soir, à 21 heures : Discussion, en lecture définitive, du projet de loi de finances pour 2001.

Eventuellement, discussion, en lecture définitive, du projet de loi relatif à l'archéologie préventive.

Eventuellement, discussion, en lecture définitive, du projet de loi relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'Eta t, et portant modification du code de l'aviation civile.

Jeudi 21 décembre 2000 : Le matin, à 9 heures : Discussion, soit sur rapport de la commission mixte paritaire, soit en nouvelle lecture, du projet de loi de finances rectificative pour 2000.

L'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures : Discussion, en lecture définitive, de la proposition de loi relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises.

Eventuellement, discussion, en lecture définitive, du projet de loi relatif à l'archéologie préventive.

Eventuellement, discussion, en lecture définitive, du projet de loi relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'Eta t, et portant modification du code de l'aviation civile.

Discussion, en lecture définitive, du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.

Discussion, en lecture définitive, du projet de loi de finances rectificative pour 2000.