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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 12 DÉCEMBRE 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

1. Adoption d'une résolution en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 10097).

2. Saisine du Conseil constitutionnel (p. 10097).

3. Allocation d'autonomie pour les jeunes. - Discussion d'une proposition de loi (p. 10097).

M. Patrick Malavieille, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10102)

MM. Alain Bocquet, Pierre Cardo, Jean Le Garrec, François Vannson, Jean Pontier, Pierre-Christophe Baguet, Mme Marie-Hélène Aubert.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Mme la ministre déléguée.

Clôture de la discussion générale.

Article unique. - Adoption (p. 10114)

4. Ordre du jour des prochaines séances (p. 10114).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1 ADOPTION D'UNE RÉSOLUTION EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président.

J'informe l'Assemblée qu'en application de l'article 151-3, alinéa 2, du règlement, la résolution sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté (COM [2000] 319 final / no E 1520), adoptée par la commission de la p roduction et des échanges, est considérée comme définitive.

2 SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président.

J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre m'informant qu'en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante sénateurs ont saisi le Conseil constitutionnel d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

3 ALLOCATION D'AUTONOMIE

POUR LES JEUNES Discussion d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Alain Bocquet et plusieurs de ses collègues tendant à créer une allocation d'autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Patrick Malavieille, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, madame la ministre de la jeunesse et des sports, madame la ministre déléguée à la famille et à l'enfance, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui une proposition de loi, présentée à l'initiative du groupe communiste et apparentés, relative à la mise en place d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans.

Selon les pays européens, l'accès des jeunes à l'indépendance matérielle est très variable. Si les jeunes des pays anglo-saxons et nordiques accèdent rapidement à l'indépendance, ceux des pays méditerranéens y accèdent à un rythme beaucoup plus lent.

Nos jeunes concitoyens, s'ils sont relativement précoces pour occuper un logement différent de celui de leurs parents, le sont beaucoup moins pour avoir un travail stable et bénéficier de revenus autonomes. Ils doivent, en effet, faire appel à la solidarité familiale avant de pouvoir pleinement s'assumer financièrement.

Le premier rappport de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale met en évidence les difficultés auxquelles doivent faire face les jeunes. Il est, de ce point de vue, assez alarmant.

Depuis le début des années 90, la pauvreté des jeunes a augmenté plus vite que celle de la population moyenne, à tel point que les jeunes sont plus pauvres aujourd'hui que dans le années 70.

Ainsi, les phénomènes d'exclusion se sont renforcés.

C'est donc bien le maintien de la cohésion sociale qui est menacé.

La proposition de loi présentée par le groupe communiste et son président Alain Bocquet vise à y remédier et à améliorer les conditions de vie des jeunes en engageant une démarche en faveur de leur autonomie. Notons que cet engagement en faveur de l'autonomie des jeunes de seize à vingt-cinq ans est celui de l'ensemble de la majorité. Il figure parmi le objectifs contenus dans la déclaration commune adoptée lors du sommet de la gauche plurielle, le 7 novembre dernier.

La difficulté d'accès à l'autonomie est partagée par l'ensemble des jeunes, qu'ils soient victimes des phénomènes d'exclusion ou en phase d'intégration. C'est pourquoi la présente proposition vise l'ensemble des seize à vingt-cinq ans sans distinction.

Les jeunes sortant du système éducatif sans diplôme ont particulièrement du mal à accéder à l'indépendance.

Selon une étude réalisée pour l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, sur 146 000 jeunes ayant quitté le système éducatif en 1992 sans qualification, moins de la moitié est parvenue à une situation d'autonomie cinq ans plus tard. En revanche, 21 % d'entre eux sont des dépendants, c'est-à-dire exclus du marché du travail et dépendants de leurs parents pour leur logement comme pour leur subsistance. Et il n'est


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pas certain que cette situation soit en voie d'amélioration puisque, en effet, la baisse récente du chômage ne profite pas suffisamment aux non-diplômés.

Quand les moins de vingt-cinq ans entrent dans la vie active, leur situation n'est guère plus enviable, et ils doivent faire face à une aggravation de la précarité.

En janvier 1999, 30 % des quinze vingt-neuf ans en activité occupaient un emploi à durée limitée - contrat à durée déterminée, intérim, apprentissage ou emploi aidé , et, en mars 2000, ils étaient près d'un sur deux dans ce cas.

Quant au travail à temps partiel, qui a fortement progressé au cours des années 90, il concernait près de 20 % des jeunes en 1999.

Enfin, la baisse du chômage des moins de vingt-cinq ans s'est fortement appuyée sur le redémarrage de l'emploi à partir de l'autonme 1999.

J'ajouterai quelques mots sur la situation des étudiants.

La proportion des étudiants en situation de pauvreté chronique est estimée à 1,5 % par l'Observatoire de la vie étudiante, qui nuance cette observation en précisant que ce taux est certes en apparence peu élevé mais que « si les étudiants sont rarement très pauvres, c'est parce que les très pauvres deviennent rarement étudiants », ce qui renvoie au débat plus général de l'accès démocratique à l'enseignement supérieur.

Pour faire face à ces différentes situations, il existe de nombreux dispositifs, mais ils ne répondent pas toujours aux besoins d'autonomie. Une question se pose en effet : la logique des dispositifs actuels vise-t-elle réellement à favoriser la construction de l'autonomie personnelle et professionnelle ? Il y a, d'abord, les dispositifs traditionnels d'aide à l'emploi. Ceux de la formation en alternance, par exemple, qui sont censés répondre aux besoins des jeunes et qui sollicitent les entreprises par une baisse du coût de travail du jeune en échange d'une qualification. Or, trop nombreuses sont les entreprises qui profitent de l'effet d'aubaine de cette main-d'oeuvre à bas prix sans pour autant consacrer de réels moyens à la formation.

En revanche, le programme TRACE, qui a été mis en place en 1998 par la loi relative à la prévention et à la lutte contre les exclusions, contribue de manière positive à l'insertion des jeunes sur la marché du travail. Ces trajectoires d'accès à l'emploi des jeunes visent à organiser un parcours individualisé d'insertion professionnelle sur une période de dix-huit mois pour les jeunes sortis du système scolaire sans qualification ou qui ne peuvent accéder directement à un emploi ou à une formation qualifiante. Les résultats, jusqu'à ce jour, sont plutôt encourageants.

Des actions d'insertion sociale ou des aides ponctuelles peuvent également être mises en oeuvre, avec en particulier le concours des fonds départementaux d'aide aux jeunes - FAJ - financés à parité par l'Etat et les conseils généraux, qui délivrent des aides d'urgence en cas de difficultés matérielles particulières.

Le programme des emplois-jeunes, adopté par le Parlement avec le soutien de la majorité plurielle en 1997, constitue, lui aussi, un volet positif de l'aide à l'emploi des jeunes de moins de vingt-six ans. Raison de plus pour travailler à la pérennisation de ces emplois.

Pour ce qui est des étudiants, les bourses, qui sont des prestations versées sous conditions de ressources, constituent un moyen de rééquilibrer un dispositif d'aides qui, par le jeu des aides fiscales et des aides au logement, est largement antiredistributif.

Les mesures prises dans le cadre du plan social étudiant, décidé en 1998, ont pour objectif principal d'accroître le pourcentage d'étudiants aidés, tout en privilégiant les plus défavorisés d'entre eux. Il n'en demeure pas moins que ce dispositif pourrait être amélioré dans le sens d'une plus grande autonomie personnelle des étudiants.

En fait, l'ensemble des dispositifs existant en France, parce qu'ils sont caractérisés par leur cloisonnement, ne permettent pas d'apporter une réponse globale à la question de l'autonomie.

C'est pourquoi la proposition de loi qui a été déposée par le groupe communiste a un double objectif.

D'abord, elle vise à créer un droit nouveau : un droit individuel et universel à la formation - qu'il s'agisse de la formation initiale ou de la formation professionnelle et quel que soit le statut du jeune - par l'attribution d'une allocation autonomie.

Elle vise également à accompagner des projets. En effet, l'ouverture de droits entraînant des obligations, il s'agit de donner à chaque jeune les moyens de se construire une identité individuelle et sociale par l'accès à la formation en contrepartie d'un projet personnel.

Cette proposition de loi a pour effet de porter dès à présent le débat relatif à l'autonomie sur la place publique et de contribuer ainsi à l'ouverture d'un grand chantier, en vue des décisions qui pourraient être utilement annoncées lors de la prochaine conférence de la famille en juin 2001.

C'est pourquoi la commission a amendé ce texte afin de répondre à une nécessité immédiate : la mise en oeuvre de la concertation et de l'expérimentation.

En effet, la grande diversité des situations des jeunes et des dispositifs d'aide existants conduit à privilégier dans un premier temps, dans un souci d'efficacité, un travail préalable d'étude et de consultation.

L'analyse sommaire de la question de l'autonomie des jeunes met en lumière la complexité des enjeux, la variété des politiques publiques concernées, notamment dans les domaines de l'éducation, de la formation, de l'emploi, de la famille, de la fiscalité, de la politique et du logement, ainsi que la multiplicité des acteurs impliqués. Il est donc indispensable de se donner les moyens de la réflexion, de la concertation et de l'expérimentation afin de mieux définir l'équilibre et les contours de l'allocation envisagée.

Il est également nécessaire d'évaluer les dispositifs qui procurent, à l'heure actuelle, certaines ressources propres aux jeunes adultes.

C'est pourquoi il vous est proposé de mettre en place une commission nationale pour l'autonomie des jeunes. Chargée d'une mission de réflexion au sens large, cette commission devra, en s'appuyant sur les diverses études en cours ou à venir, dresser le bilan des dispositifs en vigueur, étudier les modalités de création d'une allocation d'autonomie et d'expérimentation.

Placée auprès du Premier ministre, cette commission aura, en outre, vocation, de par sa composition, qui fait une large part au mouvement social et associatif, et de par son mode de fonctionnement, à procéder à toutes les consultations nécessaires. Sont particulièrement attendus la contribution et le témoignage des jeunes représentés en son sein, ainsi que la participation du Conseil national de la jeunesse et des conseils départementaux de la jeunesse.

Ces conseils mis en place par voie réglementaire en janvier 1998, respectivement au niveau national et dans chaque département, par la ministre de la jeunesse et des sports, Mme Buffet, constituent de réels espaces de


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démocratie participative. Le Conseil national de la jeunesse, présidé par Mme la ministre et composé d'une centaine de jeunes, a en effet pour mission de formuler des avis sur toutes les questions relatives à la jeunesse. Il en va de même pour les conseils départementaux, placés sous l'autorité du préfet. Outre le fait qu'ils reçoivent ainsi une reconnaissance bien méritée de la part du législateur, ces conseils occupent donc une place naturelle dans le dispositif de la proposition de loi. Ils seront en particulier consultés dans les départements dans lesquels sera expérimentée l'allocation d'autonomie avant sa généralisation.

Le rapport remis par la Commission nationale pour l'autonomie des jeunes permettra d'éclairer le Parlement, qui devra être saisi de nouveau de la création de l'allocation d'autonomie.

C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de voter en faveur de la proposition de loi qui a été adoptée par la commission des affaires culturelles familiales et sociales.

La jeunesse est à la fois le moment où l'on subit le plus les conséquences de son milieu d'origine, mais aussi celui où l'on peut le plus s'en affranchir pour porter un projet de vie personnel. Il est donc temps de s'engager dans la voie tracée par cette proposition de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, avec la discussion de cette proposition de loi relative à la création d'une commission nationale pour l'autonomie des jeunes, nous abordons aujourd'hui la question de ceux que l'on appelait jadis les « grands enfants » et que l'on nomme aujourd'hui les « jeunes adultes », ce qui traduit à l'évidence une perception différente de cet âge aux frontières au demeurant incertaines, sans que je puisse vous garantir qu'il s'agit là d'une évidente clarification conceptuelle. Dans le langage courant, on ne s'embarrasse pas de précautions : on parle des « jeunes ». C'est plus simple, mais ça présente un inconvénient : ça sous-entend l'idée qu'un beau jour, on bascule dans l'âge adulte. Or, quand on y regarde de près, les choses ne se passent pas aussi nettement.

C'était le cas dans le temps, quand la fin des études, le premier emploi, le départ du domicile familial et le mariage, bientôt suivi de la naissance du premier enfant, se succédaient non seulement dans cet ordre, mais aussi à un rythme assez rapide, seulement suspendu par le service militaire pour les garçons. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. L'évolution des moeurs, l'allongement général de la scolarité, les mutations profondes de la famille contemporaine, notamment des relations parents-enfants, les transformations - moins heureuses durant les deux dernières décennies - du marché du travail : tout cela a bouleversé le scénario.

Dans un premier temps, on a pris acte du report et de la « désynchronisation » des étapes traditionnelles d'accès à l'âge adulte. On a donc parlé, à la fin des années 80, de

« l'allongement de la jeunesse ». Cela semblait le fin mot de l'histoire, apparemment confirmé par les chiffres actuels : 91 % des jeunes de quinze à dix-neuf ans sont aujourd'hui scolarisés et 46 % des jeunes entre vingt et vingt-quatre ans poursuivent leurs études ; report notable, à partir des années 70, de l'âge de la première maternité, qui frise maintenant, en moyenne, la trentaine ; prolongation de la cohabitation familiale jusqu'à l'âge moyen de vingt ans pour les filles et de vingt-deux ans pour les garçons - âge d'ailleurs stabilisé depuis 1992 et non, comme on l'entend parfois, en constante augmentation.

Aujourd'hui, nous assistons non pas à un simple étirement de la période juvénile, puisque les chercheurs raisonnent désormais sur une catégorie d'âge qui va de quinze à trente ans, ni à un simple recul des seuils mais à des remaniements plus complexes. Ainsi, l'ordre des étapes est interverti et, à l'âge des premières relations sexuelles, beaucoup de jeunes habitent encore chez leurs parents, tandis que d'autres ont un logement mais pas encore de travail.

Ces remaniements complexes remettent en cause la notion même de seuil selon laquelle une étape franchie le serait une bonne fois pour toutes.

Les situations sont devenues plus floues, les incertitudes statutaires et les périodes d'instabilité, notamment professionnelle, s'accompagnent, malgré les effets bénéfiques de la reprise sur l'emploi des jeunes et la mise en oeuvre de politiques qui soutiennent vigoureusement leur insertion, d'inégalités persistantes. Bref, des questions nouvelles apparaissent qui nous obligent, si nous voulons agir juste, à ajuster notre grille de lecture, nos catégories de pensées, nos représentations de la jeunesse.

Les modalités d'accès progressif à l'âge adulte tiennent c ompte du profond changement intervenu dans la famille, ou plutôt dans les familles, et dans le monde du travail. Il ne faut pas se tromper de perspective, sachant ce que cela signifie pour les jeunes et pour le pays.

La famille, chacun le sait, est aujourd'hui plurielle, moins patriarcale, moins autoritaire, moins conflictuelle qu'elle ne le fut - et elle est, pour cette raison d'ailleurs, plébiscitée par les jeunes. Elle est plus ouverte, plus tolérante et, quoi qu'il en soit, majoritairement solidaire. On estime à 100 milliards de francs le montant des transferts des ascendants vers les descendants, ce n'est pas rien.

Aujourd'hui, 30 % des jeunes qui prennent un logement autonome sont aidés financièrement par leurs parents. Ce sont principalement des étudiants, mais un jeune sur quatre continue d'être aidé par sa famille après la fin des études.

Les couples parentaux sont plus fragiles et c'est désormais l'axe de la filiation qui fonde en premier le lien familial. A ce titre, il mérite d'être renforcé et protégé, notamment en droit. Il convient également de prendre en compte le transfert entre grands-parents et petits-enfants.

Etre jeune, ce n'est pas seulement partager une culture, où le rap tend à occuper la place qui fut celle du rock, et prendre peu à peu son indépendance, c'est aussi et surtout s'inscrire dans l'ordre des générations, y trouver sa place pour mieux s'émanciper.

Du côté du monde du travail, les jeunes ont payé un lourd tribut au chômage qui a frappé tous les âges mais aujourd'hui ce sont les premiers bénéficiaires de l'amélioration de la situation de l'emploi. Leur chômage diminue plus vite que celui de l'ensemble de la population : entre mars 1997 et septembre 2000, le nombre des jeunes demandeurs d'emploi a baissé de 40 % contre 30 % pour la population totale. L'emploi des jeunes augmente également plus vite, 9 % contre 5 % pour l'ensemble de la population, et leur taux d'activité est lui aussi en hausse du fait notamment de la stabilisation de la scolarité à un niveau élevé et du développement de l'apprentissage. Le programme emplois-jeunes a permis à 280 000 jeunes de bénéficier d'une première expérience professionnelle inscrite dans la durée. En même temps, pour beaucoup


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d'entre eux, l'accès à l'emploi signifie non plus l'accès à un emploi stable, mais à de premiers emplois précaires, cela vient d'être rappelé. Il ne s'agit pas là d'un handicap spécifique dû à l'âge, mais plus vraisemblablement de l'expérimentation de nouvelles relations du travail appelées, malheureusement, à s'étendre, rançon de la prééminence de la logique économique et de la recherche de flexibilité par les entreprises.

Derniers arrivés sur le marché du travail, les jeunes sont les premiers à en vivre massivement les nouvelles règles du jeu. En ce sens, les jeunes ne font pas les frais des désagréments conjoncturels, ils ont sur la norme non pas un temps de retard, mais un temps d'avance, pour le meilleur et souvent pour le pire.

Leur situation actuelle met en évidence la nécessité de trouver, plus que des réparations ciblées, de nouvelles formes de régulations durables et de sécurisation des trajectoires professionnelles qui seraient valables pour tous.

Dans l'immédiat, l'expérience juvénile des formes d'emplois précaires explique, pour partie, ces allers et retours du domicile familial au logement autonome, qui concernent aujourd'hui 23 % des garçons de moins de trente ans et 18 % des filles du même âge. Ce sont les frontières mêmes de cet âge qui ont perdu leur netteté. Il nous faut donc, s'agissant des jeunes adultes, penser les sécurités nécessaires à leur parcours en ayant à l'esprit non pas les catégories d'hier mais les problèmes d'aujourd'hui, les libertés nouvelles, mais aussi les risques inédits au premier rang desquels les inégalités au sein d'une même génération. Vous avez très bien décrit, monsieur le rapporteur, les difficultés éprouvées notamment par les jeunes démunis de toute certification scolaire, de soutien familial, d'emploi ou de ressources. Nous devons avoir pour eux une autre ambition que l'expérience précoce du RMI et c'est l'objet de la proposition que nous examinons aujourd'hui.

L'allongement de la scolarité et l'élévation du niveau général de qualification constituent un atout indéniable pour aborder la société de la connaissance qui prend forme sous nos yeux et dans laquelle le Gouvernement engage ardemment les jeunes à prendre toute leur place.

Mais trop de jeunes quittent chaque année le système scolaire sans aucun diplôme. Ceux-là ont les plus grandes difficultés à tirer parti de l'évolution positive du marché du travail et risquent d'être durablement des exclus de la reprise, d'autant plus amers, voire désespérés que, pour les autres, les choses s'améliorent sous leurs yeux.

Les résultats obtenus par le programme TRACE sont encourageants, vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, puisque le nombre des bénéficiaires, qui était de 39 000 en 1999, devrait atteindre cette année le chiffre de 60 000. Le Gouvernement a également renforcé les moyens des fonds d'aide aux jeunes, eux aussi mis en place dans le cadre de la loi de lutte contre les exclusions et qui ont bénéficié à 100 000 jeunes en 1999. Je salue à cet égard le travail accompli par Marie-George Buffet.

Une étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère de l'emploi et de la solidarité vient à ce propos d'être communiquée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de votre assemblée. Les aides au logement ont été augmentées. Les jeunes sont directement concernés par la réforme de ces aides qui s'appliquera à partir du 1er janvier 2001 et pour laquelle la conférence de la famille de juin dernier a débloqué un montant de dépenses supplémentaires de 6,5 milliards de francs.

En amont de bien des misères juvéniles, il y a d'abord des familles. La pauvreté et la précarité les empêchent d'assumer comme elles le souhaiteraient leur tâche éducative ; des familles pauvres qui ne sont pas pour autant de pauvres familles ; des familles à consolider et à épauler, car le sort ultérieur de nombre de jeunes adultes dépend des efforts accomplis à temps en faveur de la famille et dans le respect de la dignité des personnes.

En amont, il y a aussi l'école, le droit de chacun à réussir sa scolarité, à y trouver des appuis nécessaires, le refus que les difficultés financières des parents décident du destin scolaire des enfants. C'est la fonction notamment des bourses, dont nous avons augmenté le nombre et amélioré le versement, des fonds sociaux collégiens et lycéens et du fonds social pour les cantines que j'ai créé dans le système scolaire. C'est le sens aussi de toutes les aides scolaires individuelles apportées aux élèves au bon moment, dès que les difficultés sont repérées. Car tout se tient et le jeune adulte est aussi le produit d'une histoire familiale.

Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, la situation des jeunes les plus marginalisés, ceux qui n'ont ni travail ni famille sur laquelle s'appuyer, ni logement stable, des jeunes isolés, qu'on dit en errance, et aux besoins desquels les dispositifs solidaires traditionnels correspondent mal, malgré l'augmentation des crédits - 2,5 milliards de francs en cinq ans - et des places d'accueil d'urgence.

La direction générale de l'action sociale a mis à la disposition des départements un outil qui a permis de mieux apprécier sur le terrain de l'entremêlement des causes qui conduisent à ces situations de rupture qui sont aussi des situations mouvantes, hétérogènes, exigeant en réalité des réponses non pas standardisées mais pratiquement sur mesure.

Ce sujet, ainsi d'ailleurs que la question de l'accueil des jeunes parents, pas toujours majeurs, ayant des enfants de moins de trois ans, fait actuellement l'objet des réflexions du groupe de travail « famille et pauvreté » que j'ai mis en place.

Accompagner plus efficacement les parcours de tous les jeunes qui cheminent vers l'âge adulte dans les conditions très différentes et parfois très difficiles, c'est aussi cela : s'efforcer de ménager à tous l'accès au droit commun, à commencer par celui de vivre pleinement sa jeunesse, et mobiliser pour ce faire les moyens adaptés aux situations vécues. C'est aussi tenir ferme les deux bouts de la chaîne que sont les droits individuels des jeunes adultes et ceux des familles qui les épaulent car, comme vous le savez, les solidarités privées sont d'autant plus vives que les solidarités publiques sont fortes, contrairement à ce que l'on entend dire, et à ce qu'imaginent ou feignent de croire les apôtres du « moins d'Etat », qui concrètement signifiait plus de difficultés et plus de solitude pour les familles.

Le Gouvernement a voulu tenir compte des conséquences, pour le budget des familles, de la présence de jeunes adultes sous leur toit, en portant l'âge limite de perception des allocations familiales de dix-huit à vingt ans, et à vingt et un ans pour les allocations logement, et en relevant le plafond du quotient familial, ce qui sera encore le cas l'an prochain, pour que les familles bénéficient de la baisse de l'impôt sur le revenu.

Beaucoup a été fait, donc, mais si nous sommes ici, c'est qu'il nous faut faire plus et mieux. Le Premier ministre a annoncé le 15 juin dernier, vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, que la question des jeunes adultes


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serait à l'ordre du jour de la prochaine conférence de la famille de juin 2001. Cette question, parce qu'elle est à l'intersection des profondes mutations que j'ai évoquées, devrait y être examinée dans toutes ses dimensions : présence sous le toit familial ou logement autonome, poursuite des études et insertion professionnelle.

Lionel Jospin a également indiqué que le problème des inégalités entre jeunes devrait y être traité - et je vois, monsieur le rapporteur, que nous partageons la même conviction -, de même que la dimension familiale pleinement prise en compte.

La question des jeunes adultes n'est pas sans lien avec celle de l'autorité et de la responsabilité parentale, également à l'ordre du jour de la prochaine conférence de la famille. Il nous faut à cet égard partager un souci de cohérence, qui recoupe notre volonté commune de prendre en compte des situations concrètes vécues par les jeunes, lesquelles ne sont pas les mêmes, je tiens à le dire, avant l'âge de la majorité légale, entre seize et dix-huit ans, ou après vingt ans, quand la tendance à la décohabitation familiale s'affirme.

La méthode du Gouvernement est, concernant les jeunes adultes, celle dont il est coutumier : diagnostic, discussion, décision. Et, pour commencer, bilan de l'existant. C'est d'ailleurs la première mission de la commission dont la création vous est proposée aujourd'hui.

Vous avez, monsieur le rapporteur, relevé que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 prévoyait le dépôt, par le Gouvernement, à l'occasion du débat sur le PLFSS 2001, d'un rapport sur les aides aux familles et aux jeunes adultes. Vous avez vous-même noté la grande diversité des aides en cause et le caractère largement interministériel du recensement effectué. J'ai donc voulu prendre le temps nécessaire et y associer tous les ministères concernés. Ce rapport est maintenant prêt. Le Gouvernement le remettra dans les prochains jours au Parlement.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Très bien !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Il prendra appui sur cette présentation exhaustive des dispositifs actuellement en vigueur pour éclairer les travaux préparatoires de la prochaine conférence de la famille.

M. Pierre Cardo.

On va enfin réfléchir !

M. François Vannson.

C'est extraordinaire ! (Sourires.)

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Comme chaque année, cette conférence est précédée d'une discussion avec tous les partenaires de la politique familiale, avec, au premier rang : l'UNAF, son président Hubert Brin, et toutes ses composantes, les partenaires syndicaux et sociaux, les fédérations de parents d'élèves, les associations de parents d'enfants handicapés, les familles rurales, les grandes associations caritatives. Bref, tous ces partenaires réunis dans la conférence de la famille éclairent les travaux interministériels, et la délégation interministérielle à la famille y consacre l'essentiel de son temps. C'est pourquoi le Gouvernement est tout à fait favorable à la proposition de loi qui est déposée par le groupe communiste.

M. Pierre Cardo.

Elle a été un peu tronquée !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Cette commission permettra de renforcer le cheminement du travail et les consultations pour aboutir, le Gouvernement l'espère, à des propositions qui rassemblent tous ceux qui partagent les préoccupations qui concernent les jeunes adultes.

Je l'ai dit, le Gouvernement a pour les jeunes les plus en difficulté une autre ambition que l'expérience précoce du RMI. La formation et l'emploi, c'est le cap à tenir quelles que soient les phases de transition et les situations intermédiaires aménagées.

M. Pierre Cardo.

Très bien !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

C'est aussi, je l'ai bien noté dans vos propos, la démarche préconisée pour le projet personnel de formation et d'accès à l'emploi, sur lequel la future commission pour l'autonomie des jeunes sera conduite à se pencher.

M. Pierre Cardo.

Bien.

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Je crois que cette mise à plat des aides existantes, leur confrontation avec les besoins actuels des jeunes et les caractéristiques de la période que nous vivons seront à tous égards salutaires pour les jeunes adultes, pour les familles et pour l'efficacité solidaire de l'action publique.

Je me réjouis qu'il soit prévu d'associer largement à cette réflexion collective les jeunes qui ont, eux aussi, voix au chapitre. Respect de la liberté des choix individuels, accompagnement lucide et déterminé des mutations actuelles, correction volontaire des inégalités, tels sont nos principes et les façons de faire que j'entends adopter.

L'Etat n'impose pas de modèle mais il peut reprendre à son compte ces fortes paroles de Victor Hugo : « L'idée exprimée est une responsabilité acceptée. Responsabilité entraîne solidarité. »

Sécuriser, ici et maintenant, les trajets des jeunes adultes en assurant à la fois l'inscription de tous dans une chaîne générationnelle solide, facteur d'émancipation, et l'aptitude de chacun à trouver à son rythme ses propres marques dans un monde qui change et une France qui avance, voilà l'objectif. Cela va au-delà de l'évolution de tel ou tel dispositif particulier. C'est inscrire l'actualisation des solidarités nécessaires dans un projet politique au coeur duquel les jeunes ne sont pas un problème, mais une partie active de la solution car ils nous poussent à regarder devant nous, non pas à prévoir l'avenir, mais à le permettre.

Ces jeunes adultes dont nous parlons aujourd'hui méritent autre chose que la crainte apeurée que demain ne leur soit pas favorable. A nous de les aider au plus près des situations qu'ils vivent. A nous d'assumer le choix d'investir pour l'avenir car la jeunesse est cette partie de nous-même qui devra affronter demain.

« L'avenir, disait Hannah Arendt, est comme une bombe bénéfique ou maléfique, au mécanisme d'horlogerie profondément enfoui mais dont le tic-tac raisonne dans le présent. » Elle ajoutait

: « Les jeunes générations sont, plus que les autres, celles qui entendent le bruit du tic-tac. » A nous de l'entendre aussi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

Monsieur le président, messieurs les députés, monsieur le rapporteur, je me contenterai, en quelques mots, après l'intervention de ma collègue, Mme Royal, de souligner l'importance de cette proposition de loi du groupe communiste, visant à créer une commission nationale pour l'autonomie des jeunes.

Dès les rencontres de la jeunesse en 1997, notamment lors de la rencontre nationale de Marly-le-Roi avec le Premier ministre et de nombreux ministres, les jeunes ont


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exprimé le besoin d'une allocation pour leur autonomie et leur indépendance. Après la mise en place des conseils, certains jeunes, lors de débats, ont manifesté le souhait que le RMI soit ouvert aux moins de vingt-cinq ans et une majorité a très nettement appelé à la création d'une allocation permettant de s'intégrer et de trouver un emploi.

Cette préoccupation ne s'accompagne nullement d'un rejet de la famille puisque, Mme Royal l'a rappelé, les dernières enquêtes qualitatives montrent que la famille est le premier modèle des jeunes aujourd'hui, avant Coluche ou le pasteur Martin Luther King qu'ils placent en deuxième et troisième position. Mais l'allongement des études, les périodes de très grande précarité et de chômage connues par des jeunes de la sortie de leurs études au premier emploi stable rendaient nécessaire cette allocation, à la fois pour les jeunes les plus touchés par les difficultés de la vie mais plus généralement pour l'ensemble des jeunes qui trouveront là le moyen d'acquérir une autonomie et de préparer l'avenir.

Le 12 mai, lors de la réunion officielle entre le Conseil national de la jeunesse et le Gouvernement en présence du Premier ministre, tout en mettant en valeur les réalisations, les emplois-jeunes, le programme TRACE, les mesures prises par M. Besson sur le logement, l'accès aux loisirs et sachant que la conférence de la famille travaillait sur cette question, les jeunes ont souhaité que la création de cette allocation soit remise à l'ordre du jour. Elle a également été évoquée, lors de la rencontre des 450 jeunes de l'Union européenne que j'ai organisé avant le Conseil formel « jeunesse », comme un moyen d'harmoniser la construction européenne par le haut, puisqu'une telle mesure existe déjà dans certains pays européens.

Votre proposition, monsieur le rapporteur, implique les conseils départementaux et le Conseil national de la jeunesse. Ces conseils, mis en place en 1998, ont trouvé aujourd'hui leur pleine efficacité. Ils sont venus travailler sur les projets de loi en cours d'élaboration, en liaison avec les commissions départementales d'accès à la citoyenneté et toute une série d'institutions. Je pense qu'ils seront prêts à répondre à votre appel car, depuis deux ans, ils oeuvrent avec beaucoup de sérieux, de rigueur et de passion et le sujet les intéressera.

J'insisterai sur un dernier point : le délai. L'attente de l'allocation « monte » depuis plusieurs années.

M. Pierre Cardo.

Surtout parce qu'on l'a promise !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Le rapport prévu devra être remis le 31 décembre 2001, ce qui sous-entend que le travail parlementaire le permette. Il devra rapidement déboucher sur des mesures concrètes pour répondre aux attentes des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet.

Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, la fenêtre d'initiative parlementaire est une occasion trop rare pour ne pas lui consacrer un texte de justice sociale qui garantisse, par sa spécificité, l'avenir de notre pays à travers celui de sa jeunesse. C'est pourquoi le groupe communiste a inscrit aujourd'hui une proposition de loi relative à la mise en place d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans. Après la sortie, le mois dernier, du premier rapport de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, lequel met en évidence la situation critique des jeunes, la discussion de cette proposition est pleinement justifiée.

Aujourd'hui, ce sont environ 600 000 jeunes de seize à vingt-cinq ans qui sont en grande difficulté. Le monde étudiant n'est pas non plus épargné : près de deux étudiants sur cent connaissent une situation de pauvreté persistante ou chronique, sans compter les inscrits qui ont rapidement abandonné leurs études en raison de difficultés matérielles insurmontables ni les 40 % obligés de se salarier pour poursuivre leurs études.

L'état des lieux a été dressé par notre rapporteur et par vous-même, mesdames les ministres. Il nous prouve l'urgence de prévoir un dispositif venant positivement en aide à la population visée. Nous sommes convaincus que le pari sur la jeunesse, qu'il nous faut gagner, doit passer par l'accès à l'autonomie, d'autant plus que la volonté des jeunes d'accéder à cette autonomie sous-tend une volonté de responsabilisation dont il faut bien donner les moyens.

Est-il acceptable que, dans notre pays, en raison de la déconnexion entre l'âge de la fin du versement des prestations familiales et celui de l'ouverture du droit au revenu minimum d'insertion, le passage à l'âge adulte soit rendu très difficile, voire destructeur dans certains cas ? Plus d'un quart des jeunes de seize à vingt-cinq ans n'étaient pas parvenus à l'indépendance en 1996. Leur nombre tend à augmenter avec les années. A notre époque, en effet, on est jeune plus longtemps avec l'allongement de la durée des études, les petits boulots, les emplois précaires, les emplois-jeunes, et la recherche de l'autonomie est souvent une gageure. Les parents doivent subvenir aux besoins de leurs enfants, parfois dans des situations conflictuelles, et on leur supprime les allocations familiales au moment où ils en ont le plus besoin.

Les jeunes aspirent à s'émanciper et à devenir des adultes pour participer pleinement à la construction de la société. Ce constat établi, quels critères doivent être rete nus pour déterminer l'autonomie ? D'après les différentes études, trois critères essentiels peuvent être combinés pour apprécier l'état adulte : l'occupation d'un emploi stable, l'autonomie financière et l'occupation d'un logement payé par la personne elle-même. En fait, l'indicateur le plus lisible reste celui de l'indépendance financière, qui est généralement la conséquence d'un emploi stable et la condition d'un logement personnel.

Ces dernières années, divers dispositifs ont été mis en place pour venir en aide à la classe d'âge dont nous parlons, mais il s'agit de réponses parcellaires et d'un empilement de droits manquant, selon nous, de lisibilité, qu'il s'agisse des contrats emplois-jeunes, dont les premiers doivent venir à expiration en 2002, ce qui pose toujours avec acuité la question de leur pérennisation par leur t ransformation en emplois stables, du programme TRACE ou des fonds d'aide aux jeunes. Cette liste n'est pas exhaustive. Pour plus d'informations, je vous renvoie au rapport de mon ami Patrick Malavieille, qui détaille tous les dispositifs existants.

Certains pensent que ces aides sont suffisantes. Or, si les différentes dispositifs se rejoignent pour assurer à la jeunesse un accès à l'indépendance et faciliter le passage à la vie active, ils ne se révèlent pas toujours satisfaisants pour garantir l'entrée dans la vie adulte. Vous le savez comme moi, outre les difficultés financières, ce passage est par nature difficile. C'est un moment de fragilité qui peut comporter de gros risques pour certaines catégories


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de jeunes. D'ailleurs, les premiers concernés ne s'y trompent pas lorsqu'ils reconnaissent que l'autonomie financière n'est pas une réponse en soi. C'est pourquoi ils revendiquent la reconnaissance d'un droit au logement, à la santé, à la culture, et la possibilité de faire des choix pour leur avenir.

L'attribution d'une allocation d'autonomie faciliterait, nous en sommes convaincus, ce passage délicat. Ce serait une manière utile de mettre aux intéressés le pied à l'étrier. Qui pourrait être contre, mis à part ceux, ici ou là, dont je devine les réticences et qui pourraient considérer l'allocation comme un encouragement à l'assistance ou à l'oisiveté ? Or il n'en est rien.

Tout d'abord, les jeunes que j'ai rencontrés et écoutés ne réclament pas un « RMI jeunes » qui, comme ils le reconnaissent eux-mêmes, les installerait dans une précarité durable qui les tirerait vers le bas. C'est aussi l'avis de toutes les associations de jeunesse réunies dans le collectif pour l'autonomie, qui regroupe dix-sept organisations.

Ensuite et surtout, une telle crainte traduit une méconnaissance de notre jeunesse qui, au jour le jour, sait faire preuve d'esprit d'initiatives et de volonté. D'ailleurs, elle a su démontrer, dans le cadre des emploisjeunes, qu'elle sait donner un sens à son activité et participer activement à la définition de nouveaux métiers correspondant à de véritables besoins sociaux.

Enfin, selon le dispositif que nous vous proposons d'adopter, mes chers collègues, l'attribution de cette allocation d'autonomie serait la contrepartie d'un projet de formation et d'accès à l'emploi. Elle serait centrée sur les moyens permettant aux jeunes d'envisager leur avenir concrètement. L'ensemble des jeunes serait concerné par ce dispositif, qui n'a pas pour vocation d'être catégoriel : il ne s'agit pas de faire une distinction entre les seize vingt-cinq ans, même s'il est vrai que les préoccupations des jeunes de seize ou dix-sept ans ne sont pas comparables à celles des jeunes adultes de vingt-quatre ou v ingt-cinq ans, le parti-pris étant de s'adresser à l'ensemble de cette classe d'âge sans autre préalable.

La seule et unique condition à l'allocation doit être un projet de formation et d'accès à un emploi choisi. Mais attention : on ne doit pas en faire un prétexte pour écarter ceux qui ne sont pas en capacité de se projeter dans l'avenir. Il faut au contraire qu'un accompagnement se mette en place pour aider ces derniers à bâtir un tel projet.

M. Pierre Cardo.

Tout cela nous renvoie au RMI !

M. Alain Bocquet.

Nul ne doit être exclu du dispositif, et encore moins ceux qui sont les plus fragiles et les plus isolés.

Parce que nous faisons le pari de la jeunesse, nous invitons chacune et chacun à ce débat qui, compte tenu de son enjeu, comme des limites inhérentes à ce type d'initiative parlementaire, doit être abordé de la façon la plus constructive qui soit.

Notre groupe ne dispose que d'une séance d'initiative parlementaire par an. Comme celle-ci se répartit en deux matinées de quatre heures chacune, nous disposons d'une très faible marge de manoeuvre puisqu'il nous faut proposer un texte susceptible d'être examiné dans ce laps de temps relativement court. Ce n'est malheureusement pas le seul obstacle : nous sommes également soumis au fameux article 40 de la Constitution, qui nous interdit de faire des propositions ayant pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique, mais je ne m'y attarderai pas car chacun connaît notre opinion sur la question.

C'est conscients de toutes ces limites que nous vous proposons d'aborder ce débat dans un but constructif en actant dès aujourd'hui le principe d'une allocation d'autonomie. C'est dans cette optique que la commission des affaires sociales a adopté, sur proposition de notre rapporteur, un amendement suggérant que la mise en place définitive d'une telle allocation soit précédée de la création d'une commission nationale pour l'autonomie des jeunes. Celle-ci serait chargée de dresser le bilan des dispositifs assurant les ressources propres aux jeunes de seize à vingt-cinq ans, d'étudier la création de cette allocation ainsi que les critères à prendre en compte pour son attribution et, enfin, de proposer la mise en place d'un dispositif expérimental en vue de sa généralisation.

La commission des affaires culturelles a en effet estimé que la mise en place d'une telle allocation devait être précédée d'une phase de conciliation et d'expérimentation.

Compte tenu de son importance, la question mérite d'être étudiée avec le plus grand sérieux avec l'ensemble des acteurs concernés afin que l'on puisse répondre aux interrrogations légitimes.

Toutefois, il ne faudrait pas que la création de cette commission soit un prétexte pour renvoyer aux calendes grecques la mise en place d'une allocation d'autonomie.

C'est pourquoi, mesdames les ministres, si la proposition de loi devait être adoptée par notre assemblée, ce dont je ne doute pas, connaissant la sagesse et le sens des responsabilités de mes collègues, je compte sur votre pouvoir de persuasion pour faire inscrire rapidement le texte à l'ordre du jour du Sénat. Il doit pouvoir être adopté définitivement le plus rapidement possible pour que la commission puisse se mettre au travail dans les plus brefs délais car la mise en place d'une allocation d'autonomie, qui est l'essence même de la proposition de loi, ne pourra intervenir qu'après la remise du rapport de ladite commission.

Comprenez bien notre souci : nous souhaitons que les jeunes puissent profiter rapidement d'une telle mesure. Il y a selon nous urgence, et je sais que vous partagez notre avis. Le sommet de la gauche plurielle n'a-t-il pas été l'occasion de rappeler la nécessité « de traiter l'urgence et notamment celle exprimée par les jeunes qui aspirent à une autonomie financière » ? Ce souhait ne doit pas rester lettre morte. Tel est l'objet de la proposition de loi.

Un dernier mot sur les conseils nationaux et départementaux de la jeunesse, qui seront pleinement impliqués dans la future commission.

Ces conseils, qui devraient trouver leur base légale dans la loi de modernisation sociale à venir, seront à la fois institutionnels et souples. Constituant le support d'une politique qui vise à favoriser la participation des jeunes à la vie publique du pays, ils devront - c'est indispensable - être partie prenante dans toutes les réflexions sur la mise en place d'une allocation d'autonomie.

Mes chers collègues, le groupe communiste et apparentés vous propose de voter un texte porteur de progrès social et d'espoir pour notre jeunesse, tant il est vrai qu'apporter des réponses concrètes aux aspirations fortes de notre jeunesse, c'est préparer l'avenir d'une nouvelle société. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Cardo.


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M. Pierre Cardo.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il nous est proposé aujourd'hui de débattre de l'éventuelle création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans.

Avant d'en venir au fond, je crois nécessaire, comme l'a fort bien réalisé le rapporteur, de faire le point sur la situation actuelle des jeunes et l'état des dispositifs. J'ai d'ailleurs tellement apprécié le contenu de son rapport, bien que nous n'en ayons disposé qu'hier soir, ce qui ne nous a laissé qu'un temps limité pour élaborer un discours cohérent, que je suivrai le même plan pour exposer mes commentaires.

Monsieur le rapporteur, vous écrivez dans votre introduction que « depuis le début des années 1990, la pauvreté des jeunes a augmenté plus vite que celle de la population moyenne ».

Il serait objectif de rappeler que, des années 1975 à 1990, c'est la pauvreté des adultes qui avait augmenté le plus car ces derniers ont été les premiers touchés par la crise pétrolière et la restructuration industrielle qui a suivi.

Les jeunes, surtout les moins qualifiés, ont été touchés à partir des années 90. Affirmer qu'ils étaient plus pauvres que dans les années 70, c'est-à-dire avant la crise, ne paraît en rien surprenant et n'est pas spécifique à la France.

Dans votre chapitre consacré au « difficile accès des jeunes à l'autonomie », vous abordez en premier lieu le

« handicap spécifique des jeunes non diplômés », soutenant que « l'accès à l'indépendance constitue en France une épreuve particulièrement difficile pour les jeunes qui sortent du système éducatif sans diplôme. »

Bravo ! (Sourires.) Mais pourquoi cet accès serait-il plus facile ailleurs ? Vous citez des chiffres : 27 % des jeunes sortis du système éducatif sont sans qualification, dont la majorité parvient à une situation d'autonomie cinq ans plus tard.

En revanche, 21 % d'entre eux sont exclus du marché du travail au bout de cinq ans.

Il s'agit de chiffres issus d'une étude de 1992. Je les respecte, mais les résultats pour les cinq ans en question ont été obtenus en 1997, c'est-à-dire à la fin de la crise et juste avant la reprise que nous observons. Depuis cette période, les choses se sont un peu améliorées.

Doit-on prendre une mesure d'ordre général quand il s'agit d'une partie de population dans une période de crise ? Ne serait-il pas plus approprié, pour ces périodes, de renforcer les moyens existants et d'éviter d'intervenir globalement alors qu'il faut cibler une population et une situation spécifiques ? Sans doute pour noircir un peu le tableau, vous ajoutez que 11 % des quinze vingt-neuf ans titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur étaient en 1999 au chômage, contre 35 % des jeunes actifs sans qualification.

Ces chiffres sont exacts, mais je m'interroge sur la cohérence des tranches d'âge et sur la validité de ce type de comparaison. Combien y a-t-il de jeunes diplômés de l'enseignement supérieur dans la tranche des quinze vingt ans ? Ensuite, je ne crois pas qu'il faille affirmer que la reprise n'a profité qu'aux diplômés. C'est à eux qu'elle a surtout profité, ce qui est un peu différent.

Enfin, je relève que, cette fois-ci, les entreprises ne sont pas mises en cause dans la sélection au niveau de l'embauche. Vous avez eu raison d'éviter cet argument car cette meilleure reprise à l'embauche constatée chez les plus diplômés a été largement renforcée pendant la période récente par les emplois-jeunes, que vous avez ouverts en les créant, en dépit de nos mises en garde, à tous les jeunes, y compris aux plus diplômés. Cela s'appelle de l'écrémage et je regrette que le service public, délégué ou non, y ait contribué.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Non !

M. Pierre Cardo.

Reportez-vous aux statistiques, monsieur Le Garrec ! Vous abordez en deuxième lieu le problème des

« jeunes en rupture privés de tout filet social ». Vous expliquez leur situation par le cloisonnement des dispositifs et tentez de justifier la future allocation par cet argument car, finalement, elle favoriserait le guichet unique.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait !

M. Pierre Cardo.

Oserai-je vous rappeler que Bertrand Schwartz avait, il y a dix-huit ans, créée les missions locales avec l'objectif de réaliser un guichet unique ? Plutôt que de créer un réseau au sein de ces missions locales pour faire en sorte qu'elles atteignent leur objectif, vous préféreriez créer un dispositif supplémentaire qui viendrait s'ajouter à l'empilement existant.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Non !

M. Pierre Cardo.

Mais si, puisque les anciens dispositifs ne seraient pas supprimés !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Vous considérez le problème comme résolu !

M. Pierre Cardo.

Ainsi donc, par l'effet magique de la loi, comme par miracle, le guichet unique serait créé !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais non !

M. Pierre Cardo.

Je vous rappelle que l'objectif des missions locales est exactement celui que réclame le Commissariat général du Plan,...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait !

M. Pierre Cardo.

... qui a proposé, ainsi que vous le rappelez dans votre rapport, la mise en place d'un filet de sécurité assorti d'un accompagnement social.

Voilà ce qu'on doit faire ! Cela existe déjà dans la loi, mais il manque une volonté politique appuyée par des moyens budgétaires.

En troisième lieu, vous affirmez que « l'entrée des jeunes dans la vie active demeure marquée par la précarité ». Vous constatez une aggravation de cette précarité.

A certains égards, votre constat est juste. Pour illustrer votre affirmation, vous rappelez qu'en janvier 1999, 30 % des quinze vingt-neuf ans occupaient un emploi à durée déterminée, alors qu'ils étaient 49,8 % en mars 2000.

D'abord, ces chiffres ne reflètent pas une aggravation de la précarité : simplement, ces jeunes sont plus nombreux à travailler, ce qui est un phénomène récent dont on ne se plaindra tout de même pas.

Ensuite, pourquoi considérer que l'apprentissage participe à l'aggravation de la précarité ? Voilà une façon étrange de présenter les choses et de valoriser la formation en alternance ! Par ailleurs, vaut-il mieux une précarité de l'emploi ou une pérennisation du chômage ? Quant aux emplois aidés, vu la réduction du nombre de CES pour les jeunes, il ne peut s'agir que des emploisjeunes dont vous vantez les mérites au début et à la fin


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de votre rapport. Il faudrait savoir : si ces emplois-jeunes aggravent la précarité, pourquoi les avoir créés ? Et si les périodes trop courtes de travail empêchent l'indemnisation du chômage des jeunes, l'employeur n'est peut-être pas le seul en cause. Une analyse plus fine du phénomène nous conduirait sans doute à réfléchir plus à l'adaptation du comportement du jeune face à une autorité qu'à la mise en oeuvre d'une indemnisation. C'est là la différence entre des solutions curatives et des solutions préventives.

Vous précisez au surplus que la logique des dispositifs existants ne répond pas aux besoins d'autonomie : « De nombreux dispositifs d'aide à la qualification et au premier emploi s'adressent prioritairement ou exclusivement aux jeunes. » Les emplois aidés concernaient, écrivez-vous,

40 % des jeunes actifs de seize à vingt-cinq ans à la fin de 1998.

« On peut se demander si la logique des dispositifs actuels vise réellement à favoriser la construction de l'autonomie personnelle et professionnelle » : c'est vous qui le dites.

C'est pourtant vous qui avez créé les TUC, les contrats emploi-solidarité et différents autres contrats permettant des emplois aidés. Vous avez voulu protéger, favoriser.

C'est louable mais, au final, vous avez peut-être affaibli et appauvri. C'est la différence entre l'autonomie et l'assistance. L'autonomie se développe en donnant à la personne les moyens d'augmenter sa motivation, sa compétence, sa volonté.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Là, je suis d'accord avec vous !

M. Pierre Cardo.

Elle n'a jamais été obtenue par un dispositif national d'aides changeant régulièrement et maintenant les personnes dans une situation de semiprécarité et de dépendance. Dans ce domaine, la précarité commence à l'école.

V ous écrivez dans le rapport que « le programme TRACE créé en 1998 par la loi relative à la prévention et à la lutte contre les exclusions qui vise à organiser un parcours individualisé d'insertion professionnelle sur une période de dix-huit mois pour les jeunes sortis du système scolaire sans qualification [...] répond dans son esprit à la nécessité d'accompagner les jeunes les plus en difficulté dans la voie de la conquête de leur autonomie. »

Toujours selon vous, l'appréciation portée sur ce programme par les jeunes et les acteurs est positive et je la partage. Les jeunes peuvent percevoir une rémunération et bénéficier d'un accompagnement social ou d'aides ponctuelles grâce au FAJ. Seulement, vous regrettez que les crédits de l'Etat - que vous avez votés - pour le programme TRACE aient fait l'objet d'un redéploiement budgétaire en cours d'année. Y aurait-il une incohérence au sein de la majorité dans sa volonté de lutter contre la précarité ? A moins que ce ne soit qu'une volonté à éclipses...

Vous considérez les emplois-jeunes comme globalement positifs, utiles à développer et à pérenniser. Vous avez sans doute raison. Mais réservez-les plutôt aux jeunes sans qualifications, comme cela vous avait été réclamé lors de leur création. Pérennisez-les donc, et vous ne dépenserez pas plus, tout en luttant réellement contre l'exclusion des jeunes les moins qualifiés.

Or, qu'avez-vous fait sur le terrain ? Lequel d'entre vous en tant qu'élu local a réellement joué le jeu, au lieu de procéder à l'« écrémage » dont je parlais tout à l'heure ? On peut s'interroger sur les effets pervers d'une loi a priori positive.

Je ne reprendrai pas votre démonstration sur la pauvreté étudiante. Les bourses sont inadaptées dans leur mode de distribution et dans leurs montants. L'allocation d'études a été sous-utilisée en raison de l'incapacité des rectorats à appréhender la demande d'autonomie des étudiants - avez-vous écrit. Alors, adaptez, augmentez les moyens, réformez ! Pas besoin d'une nouvelle loi pour cela ! Prévoyez que les bourses puissent accompagner les étudiants au-delà de la fin de leurs études. Mais attention, cela ne doit pas aller jusqu'à créer cette allocation d'autonomie.

Vous arrivez à la conclusion que le cloisonnement, généré par des dispositifs successifs inadaptés et insuffisants, trouvera une solution dans un nouveau dispositif - pas encore bien étudié : il n'y a qu'à regarder le texte susceptible de donner une nouvelle chance à ceux qui ont quitté précocement le système scolaire.

Ainsi, plus on quitterait tôt, le système scolaire, plus on aurait de droits ! Le raisonnement est impressionnant.

Nombre de gamins des quartiers, ne maîtriseront ni français, ni calcul, se demandent déjà, en sixième, ce qu'ils font à l'école. Imaginez la catastrophe qui en résultera si on leur explique que s'ils continuent comme cela, à seize ans, ils toucheront plus que celui qui travaille pour réussir ses examens ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais non !

M. Pierre Cardo.

J'exagère...

M. Patrick Malavieille, rapporteur.

Eh oui !

M. Pierre Cardo.

On ne peut pas préjuger l'interprétation que feront les intéressés de ce dispositif. Mais c'est leur interprétation qui compte, ce n'est pas la nôtre.

Des effets pervers sont toujours à craindre. Dans l'environnement de ces jeunes, il est souvent question d'argent facile. Je crains donc le pire.

Et je ne voudrais pas être un acteur social chargé de gérer au quotidien le futur droit en question. La violence, que l'on contient déjà difficilement avec ce que l'on qualifie parfois de « racket institutionnel », va s'amplifier.

Pour ma part, je me refuse à porter une telle responsabilité.

Ce dispositif sera tout de suite interprété et détourné par une minorité qui grandira, hélas ! en nombre et en violence. En tout cas, c'est ma crainte. Je prends à témoin tous ceux qui, chaque jour, sont face à ces jeunes, certes en difficulté, mais aussi difficiles. Rapidement, on ne maîtrisera plus le système.

Ce projet, c'est une véritable bombe à retardement pour notre société. Certains, dans la commission, l'ont d'ailleurs vu ou pressenti. D'où la prudence du rapporteur et des commissaires.

Vous avez immédiatement trouvé la parade : en mettant en oeuvre la concertation et l'expérimentation, et en créant quelques nouveaux comités « Théodule ». Ce qui, en langage socialiste, est la traduction littérale de « botter en touche ».

A votre place, j'aurais eu plus de courage et je me serais contenté de réformer le programme TRACE, le FAJ, les missions locales, les emplois-jeunes, les bourses et les rectorats. Surtout, j'aurais refusé le principe d'une allocation d'autonomie qui ressemble un peu trop à un cachemisère - misère des institutions de la République qui n'arrivent plus à exercer leurs missions de prévention et d'éducation, projetant ainsi une partie de nos jeunes dans un avenir sans espoir.


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Cette allocation me fait trop penser à une « allocation dépendance ». Un pays qui n'a que cette ambition pour sa jeunesse est véritablement un pays sans courage, sans ambition et sans avenir, une République de vieux dépassés par leur temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec.

Monsieur Cardo, vous m'avez habitué à plus de mesure. Je reconnais que votre référence aux missions locales de Bertrand Schwartz était positive. Pour le reste, en vous écoutant, je pensais au philosophe chinois Lao-Tseu qui disait que le sage regarde l'avenir et que le fou se couvre la tête de cendres en craignant toujours le pire. Bien entendu, monsieur Cardo, quand je parle de « fou », j'ai recours à une licence poétique...

Mesdames les ministres, la création - prévue par la proposition de loi présentée par le groupe communiste et adoptée par la commission des affaires culturelles - d'une commission visant à étudier les conditions de mise en place d'une allocation d'autonomie correspond non seulement à une nécessité, mais aussi à la complexité des situations vécues par la jeunesse.

Après l'excellent travail de notre rapporteur,...

M. Pierre Cardo.

C'est vrai !

M. Jean Le Garrec.

... je me contenterai de faire cinq remarques, avant de conclure.

Première remarque, d'une banalité affligeante : l'aspiration des jeunes à l'autonomie est une loi de la vie. Mais, jusqu'à ces dernières années, on trouvait naturel qu'elle se fasse dans la dureté. Il ne faut pas habiller le passé de rose. Reportez-vous à la littérature du

XIXe et du XXe siècle, qui est une littérature de l'apprentissage ; je pense à Jules Vallès, à Daudet et à bien d'autres auteurs.

Aujourd'hui, notre société est plus exigeante, plus soucieuse d'éviter la cassure sociale, mais aussi plus porteuse d'incertitudes - c'est là sa caractéristique. Elle éprouve par ailleurs une sorte de crainte et une certaine crispation face à une jeunesse qui, souvent, lui échappe. Poser comme premier principe celui de l'autonomie de la jeunesse est une exigence qui nous amène à nous poser beaucoup de questions et à essayer d'y répondre en tenant compte de la situation.

Deuxième remarque et autre caractéristique : dans la société complexe qui est la nôtre, le rapport au travail est en totale mutation. C'est pourquoi il est nécessaire de réfléchir aux chemins très différenciés qui peuvent mener à l'insertion sociale, le travail en étant encore la voie d'accès privilégiée, même si ce n'est pas la seule.

Nombre de jeunes suivent des parcours extrêmement difficultueux et complexes - nous aurons l'occasion d'en discuter la semaine prochaine -, alternant petits boulots, périodes de chômage ou de précarité. Et la montée du chômage a créé des comportements tout à fait discutables chez les employeurs, comportements qui appellent de notre part une véritable révolution. En France, nous détenons le taux record de chômage chez les moins de vingtc inq ans, et celui de l'inactivité des plus de cinquante-cinq ans.

Il nous faut prendre en compte cette situation et passer d'une position défensive, qui fut celle de tous les gouvernements de ces vingt dernières années, quelle que soit d'ailleurs leur appartenance politique à une position extrêmement offensive.

Cette véritable révolution culturelle, nous devons la faire non seulement par rapport aux entreprises, par rapport au travail, mais aussi par rapport à tout le système d e formation : orientation, formation permanente, apprentissage... Tout cela nous interroge énormément ! La loi contre les exclusions et le programme TRACE sont de bons exemples et constituent incontestablement des mesures positives. Mais le rapport de suivi de Mme Mignon en montre bien les difficultés d'application, en dépit d'éléments fort intéressants. Notre rapporteur insiste sur ces difficultés : cloisonnement du dispositif, isolement, rigidité administrative - certes corrigée par l'intervention des CCAS, des administrations ou des associations -, multiplication des guichets - Dieu sait si nous essayons de nous battre sur ce terrain - et enfin, paradoxalement, non-consommation des moyens existants : dans certains départements, les FAJ, par exemple, ne sont même pas utilisés.

On le voit bien, une véritable révolution culturelle reste à accomplir. C'est difficile, parce que vingt à vingtcinq ans de montée continue du chômage induisent des positionnements et des attitudes qu'il faut remettre en cause. C'est vrai pour l'ensemble des acteurs politiques, c'est vrai pour l'ensemble des acteurs sociaux, c'est particulièrement vrai pour les entreprises. Et nous avons le devoir de nous poser des questions.

Troisième remarque : les inégalités entre les jeunes seront de moins en moins acceptables. En consultant les statistiques - j'y recourrai peu, elles figurent d'ailleurs dans l'excellent rapport de M. Malavieille -, on constate que 60 000 jeunes sortent sans formation et qu'au départ de la formation initiale, il y a des conduites d'échec. Cela n'est pas acceptable. Là aussi, il est nécessaire de nous poser des questions, si dures soient-elles. En cela, la démarche suivie m'apparaît extrêmement positive : bilan de ce qui a été fait de bien, mais aussi remise en question et mesure des difficultés.

Quatrième remarque : la pauvreté étudiante, qui n'est pas nouvelle, et qui a été soulignée dans les rapports Dauriac et Grignon, est de plus en plus difficile à accepter. On a fait l'effort d'élargir le champ de la formation étudiante et les études sont de plus en plus longues et complexes. A la suite d'un échec, certains jeunes se réorientent vers une filière plus adaptée. D'autres, de plus en plus nombreux, interrompent leur cursus pour se lancer dans des « petits boulots », afin de faire face à des difficultés familiales ou au manque de moyens de leur famille.

On arrive à cette situation paradoxale où des jeunes de plus de vingt-cinq ans, poursuivant leurs études, choisissent de plus en plus souvent le RMI comme moyen de faire face à des difficultés purement matérielles. Or tel n'était pas l'objectif du RMI. Voilà des questions fortes auxquelles nous avons le devoir de répondre.

Enfin, et c'est probablement le point le plus important du débat : le refus d'une logique d'assistance.

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Tout à fait ! M. Jean Le Garrec. C'est d'ailleurs intentionnellement que j'ai cité le cas de ces jeunes de plus de vingt-cinq bénéficiant du RMI.

Le fait de privilégier une logique d'insertion traduit une volonté de solidarité entre les générations. C'est l'élé ment fondamental de notre démarche et de notre réflexion.

Cette logique d'insertion implique accompagnement et suivi. C'est probablement ce qui est le plus difficile à faire, nous le savons tous pour être, sur le terrain, au


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contact des réalités. Nous connaissons d'ailleurs le rôle joué en ce domaine par les structures sociales comme les CCAS.

Il est plus facile d'ouvrir un guichet que d'accompagner.

M. Pierre Cardo.

Certes !

M. Jean Le Garrec.

M. Malavielle l'a d'ailleurs dit, monsieur Malavieille. C'est le point fort sur lequel nous allons devoir discuter, mesdames les ministres. Je sais que la commission et le Gouvernement en sont d'accord.

Le Mouvement des jeunes socialistes qui, comme tout mouvement de jeunesse, travaille sur ce thème, estime qu'il faut aujourd'hui prendre en compte et rendre possible l'aspiration de la jeunesse à l'autonomie : une autonomie matérielle, certes, mais surtout une autonomie de projet. Le mot « projet » est fondamental. Ses projets peuvent d'ailleurs être très différents selon la volonté de chacun ou la nature sociale. Mais, pour le mener à bien, il faut évidemment des moyens. Il ne s'agit pas d'additionner des moyens à d'autres. Il convient de mettre à plat ces moyens et de voir si l'allocation d'autonomie sera le meilleur guide et constituera le meilleur accompagnement.

L'affirmation d'un projet suppose également le respect de son auteur, ce qui n'est pas toujours le cas.

M. Pierre Cardo.

Comme avec le contrat d'insertion...

M. Jean Le Garrec.

Elle implique écoute, ce n'est pas toujours facile, responsabilisation et suivi individualisé. Je n'insiste pas sur le mot « écoute » par hasard. Chacun d'entre nous sait que, même à travers le langage, la culture et les différentes approches des problèmes, celle-ci ne coule pas de source, ce qui génère ruptures, donc incompréhensions. Le langage est probablement d'ailleurs le « meilleur » vecteur de ces ruptures, donc de ces incompréhensions ; c'est un facteur tout à fait nouveau, qui caractérise nos sociétés.

En conclusion, je me félicite de l'initiative prise par le groupe communiste et son président, M. Bocquet.

Des travaux existent, auxquels vous vous êtes référée, madame la ministre déléguée. Vous avez même indiqué que vous transmettriez dans les jours à venir des informations très précises au Parlement. C'est une base d'appui tout à fait importante. Les partis de la gauche plurielle ont manifesté une volonté politique en adoptant le principe d'une allocation d'autonomie.

Ce qu'il faut maintenant, c'est que cette commission, placée près du Premier ministre, tout en étant suffisamment large pour permettre à chacun de s'exprimer, aboutisse à des résultats très précis et réponde à des questi ons pour lesquelles aucun d'entre nous ne peut dire qu'il détient la réponse définitive.

M. Pierre Cardo.

Dommage...

M. Jean Le Garrec.

L'individualisation de l'allocation, c'est quelque chose que nos administrations, quel que soit leur dévouement, ne savent pas faire ! Il est plus facile de gérer un guichet que de gérer une méthode, nous le savons tous.

La nature de l'opérateur - qui fera ? qui suivra ? - et la manière de prendre en compte le projet - son appréciation, son niveau et sa durée -, voilà les questions de fond. Je le répète, cela ne coule pas de source. Ecoute, intelligence et volonté politique sont nécessaires. La volonté existe, il faut la mettre en oeuvre et le plus vite possible la soumettre à expérimentation. Mais, pour cela, il faut savoir comment cela se passe sur le terrain et en tirer des conclusions.

En définitive, le problème posé correspond à une exigence légitime, non seulement des jeunes - qui en sont porteurs -, mais aussi de notre société. Cela implique une volonté ; cela implique de privilégier la souplesse, la créat ivité, l'adaptation. Je suis persuadé, mesdames les ministres, que nous pouvons, sur ce terrain et avec l'ensemble de votre majorité, travailler avec efficacité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, aider les jeunes à s'insérer de manière durable dans la vie active est, pour tous les élus, une tâche prioritaire et même, serais-je tenté de dire, naturelle.

Pour réaliser cet objectif, il faut l'inscrire, à mon sens, dans une double perspective. La première consiste à prendre en compte l'état réel de la conjoncture économique. La seconde suppose de se projeter dans l'avenir à partir de bases statistiques, économiques et politiques sérieuses.

Les mesures de façade ne se sont jamais révélées de bonne politique ; toutes, sans exception, ont échoué. Elles n'ont jamais permis d'ouvrir les vrais débats, de poser les bonnes questions et de prendre les décisions adéquates.

Les Français attendent autre chose et ils ont raison.

C'est pourquoi on peut s'inquiéter de la création d'une commission nationale pour l'autonomie des jeunes. En effet, selon le dispositif voté par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, il s'agit de mettre en place, une fois encore, une nouvelle structure. Placée sous l'autorité du Premier ministre, elle complétera la myriade d'organismes, groupes de réflexion ou comités d'observation déjà existants.

M. Pierre Cardo.

Qui déresponsabilisent l'Assemblée !

M. François Vannson.

Certes.

Ce qui tend à laisser croire qu'il en sera ainsi, c'est notamment le fait qu'aucun budget n'est alloué à cette commission. Cette absence de financement a pour résultat prévisible et immédiat de limiter ses pouvoirs puisque sa capacité d'accomplir sa tâche est d'entrée de jeu entravée.

Ce manque de moyens financiers lui est d'autant plus préjudiciable que cette tâche est assez vaste. Elle consiste à travailler en même temps dans cinq directions bien déterminées : dresser le bilan des dispositifs assurant les ressources propres des jeunes de seize à vingt-cinq ans ; étudier la création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes ; proposer la mise en place d'un dispositif expérimental dans les départements ; consulter le Conseil national de la jeunesse ; enfin, remettre un rapport sur toutes ces questions d'ici au 31 décembre 2001. Cela fait beaucoup pour une commission sans budget ! Incontestablement, les jeunes doivent être soutenus, je le rappelle avec force du haut de cette tribune, et pas seulement lorsqu'ils arrivent au terme de leur cursus scolaire.

Ils doivent l'être bien avant, c'est-à-dire tout au long de leur scolarité. C'est une condition essentielle à remplir si l'on veut qu'ils trouvent au plus vite et dans les meilleures conditions possibles un emploi définitif.

Une étude récente, d'octobre 2000, réalisée par l'INSEE, révèle que d'une façon générale les entreprises ont davantage recruté sur contrat à durée déterminée au cours des années 90. Dans le secteur privé, la part des emplois de courte durée - CDD, intérim et emplois aidés - est


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passée de 7 % en 1991 à 12 % en 2000. Par ailleurs, le secteur public emploie de plus en plus de contractuels et de vacataires : 459 000 contrats aidés dans le secteur non marchand fin 1998, contre 250 000 fin 1991. Parmi les personnes arrivées dans les entreprises il y a moins d'un an, la part de contrats temporaires est de 49 % pour les jeunes qui sont depuis cinq ans sur le marché du travail.

C'est dire s'il faut agir tôt, donc en aval de la sortie de la scolarité. Et ce n'est pas une commission qui sera en mesure de redresser durablement cette situation.

Certes, la France connaît aujourd'hui une reprise économique, et nous pouvons tous nous en réjouir. Pour l'année prochaine, les enquêtes de conjoncture évaluent la croissance entre 2,5 % et 2,9 %, ce qui n'est pas négligeable. Il semble que le cauchemar des années 90 s'éloigne enfin de nous. Alors que, durant la période 1993-1997, quatre jeunes sur dix occupaient un emploi au mois de mars de l'année suivant leur sortie de formation initiale, cette proportion est passée à près de 50 % en mars 1998 et à plus de 60 % en mars 2000.

En revanche, il n'en est pas de même pour les chômeurs de cinquante ans et plus. Ils connaissent, plus que les jeunes, de grandes difficultés à réintégrer le groupe des actifs. Idem pour les femmes, surtout pour celles qui élèvent seules leurs enfants.

Cela ne veut pas dire pour autant que tout aille bien pour les jeunes. Ceux qui ont bénéficié des emploisjeunes, notamment, s'inquiètent de plus en plus de leur sortie du dispositif. Le Gouvernement aurait dû tenir compte de nos recommandations lors de la discussion de ce texte, de manière à mieux préparer leur entrée sur le marché du travail en leur donnant une réelle formation pendant ces cinq années. Plus que jamais, un véritable accompagnement est nécessaire pendant les études. Qu'elles soient courtes ou longues, les jeunes de seize à vingt-cinq ans doivent trouver au plus tôt un emploi à durée indéterminée. Il ne s'agit donc pas d'attendre la fin de leur cursus scolaire pour leur proposer d'éventuelles solutions ou pour s'inquiéter de leur avenir.

Ainsi, le développement systématique de la formation en alternance et de l'apprentissage leur serait incontestablement plus profitable. On sait aujourd'hui que l'alternance est un véritable tremplin professionnel pour les jeunes. Il est dommage que le Gouvernement ne se soit pas engagé de façon plus prononcée en faveur du développement de l'apprentissage. Ce dernier doit être une v éritable filière professionnelle, aussi qualifiante et reconnue que les filières dites classiques.

Déjà, en 1999, vous avez recentré les aides vers les jeunes les moins qualifiés. Cette mesure est regrettable.

Elle ne va pas dans le sens de la valorisation de l'apprentissage. Cette année, le projet initial de budget du travail prévoyait de supprimer la prime destinée aux apprentis pour les entreprises de plus de dix salariés. Cette mesure était maladroite, puisqu'elle portait directement atteinte au développement de l'apprentissage. Elle l'était d'autant plus que, dans de nombreux secteurs d'activité, les entreprises sont confrontées à un manque de main-d'oeuvre qualifiée. Cette disposition était enfin injuste pour les jeunes, car la complexité de son application était dissuasive pour les petites entreprises susceptibles d'embaucher.

La suppression de cet article a été demandée sur tous les bancs de l'hémicycle. Le Rassemblement pour la République avait d'ailleurs déposé un amendement dans ce sens. Nous avons été, fort heureusement, entendus.

Un autre moyen efficace pour l'insertion des jeunes dans le monde du travail consisterait à tisser un lien beaucoup plus étroit entre l'école, qu'elle dispense d'un enseignement généraliste ou professionnel, et les entreprises. Il ne s'agit pas seulement de renforcer leurs relations, mais bien plus de mettre les enseignements scolaires au diapason des besoins des entreprises.

Cette mise en adéquation présenterait à mon sens deux avantages : éviter le désarroi des jeunes de seize à vingtcinq ans qui constatent que leur formation ne correspond pas aux attentes des entreprises ; permettre à ceux qui ont déjà un dessein professionnel de trouver les bons interlocuteurs pour le réaliser. Les uns et les autres tireront profit de cette situation, puisque l'un trouvera un travail qui lui correspond, tandis que l'autre enrichira la société où il entrera en faisant aboutir son projet ; elle n'en sera que plus dynamique.

Enfin, il est également fondamental de soutenir les jeunes qui ont la chance de suivre des études supérieures.

La seule multiplication des bourses universitaires n'est pas une solution satisfaisante. Il faut évidemment en augmenter le nombre afin qu'un maximum d'étudiants puissent en profiter, mais cela ne suffit pas. Il faut aussi inciter les étudiants à effectuer des stages dans les entreprises dès la première année de DEUG. Ces stages doivent être pris en compte dans le programme universitaire et doivent être l'une des conditions de l'obtention du diplôme.

Dans le même ordre d'idées, il importe de susciter l'émulation au sein même des laboratoires de recherche, ainsi que pour la vente de leurs projets aux entreprises.

Pour ce faire, les seules filières scientifiques ne doivent pas être privilégiées. C'est l'ensemble de l'enseignement supérieur qui est concerné par ce projet, des sciences humaines à la biologie, en passant par le droit et la philosophie.

Les difficultés d'insertion des jeunes dans la vie active sont connues. Des solutions existent. C'est d'une volonté politique que nous avons besoin aujourd'hui et non d'une nouvelle commission sans véritables moyens.

La commission nationale pour l'autonomie des jeunes ne répond pas à toutes ces attentes. C'est pourquoi le g roupe du Rassemblement pour la République s'abstiendra.

M. Pierre Cardo et M. Pierre-Christophe Baguet.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Jean Pontier.

M. Jean Pontier.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, effectivement, la reprise économique est là. Avec le récent yo-yo du dollar et les effets de la hausse du pétrole, elle n'est pas tout à fait aussi soutenue qu'on pouvait l'espérer. Néanmoins, de prévisions en rectifications, la plupart des experts s'accordent à dire que le taux de croissance se situera autour de 3 % en 2000 comme en 2001. Mais ils ajoutent qu'il devrait se maintenir au moins à ce niveau pendant plusieurs années pour aller au plein-emploi.

Effectivement, grâce à la reprise et à la politique volontariste du Gouvernement, le taux de chômage décline régulièrement et peut encore régresser. Mais il faut être ambitieux et réformateur, car rien n'est acquis. Il reste aujourd'hui un volant important de chômeurs : 2,2 millions selon les estimations les plus récentes, soit 9,4 % de la population active, même si certains bons esprits, aussi résignés que pragmatiques, pensent que subsistera toujours un chômage résiduel incompressible, que d'aucuns


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portent cyniquement jusqu'à 10 % ! Un taux de 5 % pourrait être un objectif d'étape selon le rapporteur du Conseil d'analyse économique ; un taux de 2,8 % si l'on se réfère à la méthode de Maastricht, soit la moyenne des trois meilleures performances européennes.

Effectivement, avec la reprise, nombre de chefs d'entreprise ne parviennent pas à trouver les personnels formés qu'ils voudraient embaucher. Dans l'artisanat, les compagnons et les jeunes apprentis sont souvent découragés par les conditions de travail qui leur sont imposées. C'est particulièrement vrai pour les métiers de bouche et de service. C'est vrai aussi dans les métiers du bâtiment, pour les activités de dépannage. Tout cela invite à développer une politique de l'offre venant compléter celle de la demande et à lutter contre les trappes à inactivité.

Effectivement, pour avoir culturellement dévalorisé pendant près de trente ans la formation manuelle au bénéfice des emplois du tertiaire, on en est maintenant à envisager, notamment du côté du MEDEF, une reprise de l'immigration. Qui, en effet, parmi les inactifs, voudrait encore récolter les fruits et légumes ? Désormais, point de salut pour les exploitants agricoles de la vallée du Rhône sans la venue massive dans les vergers et les vignobles de la main-d'oeuvre marocaine ! Effectivement, les bénéfices des grandes sociétés s'accroissent et elles servent grassement leurs actionnaires, sans que diminue pour autant le nombre des exclus. On constate au contraire que se renforcent leurs difficultés à sortir du ghetto socio-économique, où prennent toujours plus d'ampleur, touchant par ricochet les jeunes, les cortèges de l'assistance et ceux de l'économie parallèle liée au business : recels et trafics en tout genre, délinquance juvénile.

Pour tenter de faire pièce à ce marasme socioéconomique qui affecte plus particulièrement les jeunes, il nous est proposé de créer par la loi une allocation d'autonomie pour les seize à vingt-cinq ans. C'est une idée généreuse à laquelle je souscris spontanément, néanmoins sous certaines réserves.

Cette allocation soulagera certainement les familles, en particulier les plus nécessiteuses, et permettra aux jeunes de mieux supporter le coût de leurs études, voire de prendre un peu de champ par rapport à leur entourage, ou de bénéficier d'une seconde chance. Et il n'est pas douteux qu'une telle aide sera appréciée à sa juste valeur et dans toute sa mesure.

Toutefois, le principe de sa généralisation entre la fin de la scolarité obligatoire, à seize ans, et l'ouverture des droits au RMI, à vingt-cinq ans, poserait problème.

M. Pierre Cardo.

Eh oui !

M. Jean Pontier.

Serait-ce une extension du revenu minimum d'insertion ?

M. Pierre Cardo.

C'est toute la question !

M. Jean Pontier.

Autrement dit, serions-nous en train d'instituer un RMI à deux vitesses, en même temps qu'une discrimination entre les jeunes ? Entre ceux qui auraient un projet de formation, d'insertion professionnelle ou de création d'entreprise à mettre en oeuvre et ceux - toujours les mêmes - les plus déstructurés, les plus désocialisés, qui ne seraient pas en état de former quelque projet que ce soit ni de s'inscrire dans une quelconque sphère d'apprentissage scolaire ou professionnel.

Pour avoir vécu, un temps, dans les institutions publiques d'éducation surveillée, les problèmes afférents aux gratifications mensuelles servies par le CNASEA aux mineurs et jeunes majeurs stagiaires de la formation professionnelle, je sais, hélas ! quels sont les effets pervers des meilleurs systèmes d'aide généralisée. L'on y passe très vite de la possibilité d'aide à l'obligation de ce qui est dû, comme du devoir de se former au droit exclusif à une rémunération. Pour y introduire un peu d'équité, il faut, croyez-moi, beaucoup de pédagogie et autant de suivi individualisé, sur le plan tant administratif qu'éducatif.

La tâche n'est pas facile mais elle n'est certainement pas impossible. Si ce n'est que l'évolution du RMI - d'où a disparu, chacun ici le sait, le devoir d'insertion - n'incite guère à étendre la logique indemnitaire à la tranche des seize vingt-cinq ans, fût-elle la plus délaissée dans les aides de l'Etat. Aussi louable que soit l'intention de celles et ceux qui ont proposé cette allocation, il ne faudrait pas que ce type de « béquillage » soit exempt d'une exigence d'intégration, comme d'évaluation et de contrôle.

Si le coeur commande à la nation d'être généreuse avec sa jeunesse, conformément d'ailleurs aux engagements pris par la majorité plurielle en novembre dernier, afin de garantir aux jeunes un véritable avenir, la réalité me conduit, devant l'imprécision et la non-évaluation du dispositif de distribution de l'allocation d'autonomie aux seize vingt-cinq ans, à souhaiter, comme nous tous, pour y voir clair, la création d'une commission interministérielle transversale aux services chargés de la jeunesse. Elle aurait pour tâche d'explorer les méandres de la mise en place du dispositif prévu par la proposition de loi et d'en affiner les effets. Bien évidemment, je serai, en tant que de besoin, disponible pour participer à cette commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Cardo.

Eh bien voilà !

M. François Vannson.

C'est une offre de service !

M. le président.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Monsieur le président, m esdames les ministres, mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd'hui à débattre d'une proposition de loi tendant à créer une allocation d'autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans. En fait, tel était l'objet initial de la proposition de loi avant son passage en commission des affaires culturelles, mercredi dernier.

Certes, c'est le rôle d'une commission d'amender les projets et les propositions de loi mais, à ce point, c'est assez rare. En effet, la commission a tout bonnement supprimé le dispositif proposé par le groupe communiste ; la méthode est pour le moins radicale. La majorité ne m'a jamais semblé aussi plurielle ! Il est donc question non plus d'allocation d'autonomie mais de création d'une commission nationale pour l'autonomie des jeunes placée auprès du Premier ministre.

Serait-ce un enterrement de première classe ? En tout cas, cela y ressemble tant le dispositif proposé est particulièrement lourd. Cela étant, un tel revirement ne m'étonne pas car la création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes a tout de la fausse bonne idée.

Cette proposition, en effet, porte en elle le risque m ajeur d'amplifier les phénomènes qu'elle souhaite combattre. Il ne faut pas confondre aide et assistance. La sociologie de la famille d'aujourd'hui n'a plus grand-chose à voir avec le schéma issu de mai 68 qui voulait que les parents et les enfants soient en opposition. En l'an 2000 -


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et toutes les études sociologiques le montrent - les jeunes restent de plus en plus longtemps chez leurs parents, en grande partie parce qu'ils y sont bien. Je rejoins sur ce point la ministre déléguée à la famille. Cette proposition de loi m'apparaît donc en décalage avec la réalité. La tendance actuelle voudrait en effet qu'on aide d'abord les familles pour permettre à celles-ci d'aider leurs enfants.

M. Pierre Cardo.

Eh oui !

M. Pierre-Christophe Baguet.

C'est plus porteur pour les « grands adolescents » ou les « jeunes adultes », tous les psychologues le confirment. De plus, on ne peut pas, d'un côté, expliquer que la famille est le meilleur rempart contre la délinquance et, de l'autre, dire, comme vous le faites dans l'exposé des motifs de la proposition de loi, que « des milliers de jeune se retrouvent sans aide extérieure et sous dépendance complète de leur famille » sans chercher à maintenir ce lien familial.

M. Pierre Cardo.

Très bien !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Franchement, est-ce véritablement un mal, quand on a seize ans, d'être encore sous l'autorité de sa famille ?

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ce n'est pas le problème !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Je pense que non, et de nombreux jeunes sont heureusement bien dans leur famille.

M. Patrick Malavieille, rapporteur.

Nous n'avons pas dit le contraire !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Le récent rapport de l'Observatoire de la pauvreté précise, en conclusion de son chapitre « Pauvreté et exclusion des jeunes », que « les jeunes qui cumulent échec scolaire et rupture familiale connaissent des parcours chaotiques débouchant parfois sur des formes de grande marginalité et de déviance ».

Par ailleurs, je crains que la création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes, tout en faisant éclater un peu plus les familles, ne mette en danger certains jeunes eux-mêmes en déresponsabilisant les parents. Cette autonomie financière ne constituera-t-elle pas, en effet, une bonne raison pour certains parents de ne plus aider leurs enfants ? Il faut y penser car cela peut malheureusement se produire.

M. Pierre Cardo.

C'est bien vu !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Reconnaissons aussi cependant que des jeunes souffrent.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ah ! Tout de même !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Certains d'entre eux sont exclus du cocon familial dès leur majorité sans aide ni revenu.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Eh oui !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Monsieur le président, il y a là un vrai problème. En votant cette proposition de loi, nous allons remettre en cause la structure familiale et le lien de la famille. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais non !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Mais si, monsieur le président ! Il y a évidemment un risque !

M. Pierre Cardo.

L'allocation d'autonomie pourra avoir cette conséquence, en effet !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Exactement ! Vous ne pouvez donc pas me répondre, monsieur le président, que ce ne sera jamais le cas. Et il est donc de notre devoir de législateur d'attirer votre attention sur ce point.

M. François Vannson.

Absolument !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Certains jeunes sont exclus du cocon familial dès leur majorité sans aide, ni revenus. On le sait très bien, même si peu d'études ont été effectuées sur le sujet et si peu de chiffres crédibles sont à notre disposition. C'est pourquoi il faut d'abord établir un diagnostic préalable sur la situation des jeunes et recenser tous les problèmes rencontrés. A cet égard, je partage l'objectif premier de la future commission nationale pour l'autonomie des jeunes qui vise précisément à dresser un état des lieux de la situation des jeunes et des aides qui leur sont apportées. Mais surtout, ne créons pas une usine à gaz indépendante de plus. Sachons travailler ensemble. La présence de la CNAF, qui réfléchit depuis longtemps sur ce sujet, me paraît ainsi tout à fait indispensable.

M. Patrick Malavieille, rapporteur.

C'est prévu !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Son rôle au sein de la nouvelle instance doit être prépondérant, car c'est elle qui connaît le mieux les familles de ce pays.

En mars prochain, le Conseil économique et social va aussi traiter du sujet des grands jeunes. Hubert Brin, président de l'UNAF et membre du CES, sera le rapporteur de cet avis. Nous attendons avec impatience ses conclusions. Il faut en effet que nous puissions appuyer notre réflexion et nos propositions sur des études solides qui fassent référence.

Il est certain que la société doit aider les jeunes à accéder à l'indépendance, mais elle ne doit pas pour autant les mettre en situation de se précariser. Elle doit, au contraire, les protéger de ces situations si dramatiques.

Plusieurs pistes de travail doivent être explorées à cette fin. La loi famille de 1994, par exemple, proposait de prolonger le versement des allocations familiales jusqu'à vingt-deux ans. C'était une très bonne chose. Mais votre gouvernement a décidé de ne pas appliquer cette loi, pour de prétendues raisons financières, alors pourtant que nous savons tous que la branche famille est excédentaire.

C'est bien dommage.

Par ailleurs, les écoles de la deuxième chance, créées en avril-mai 1998 dans le cadre d'un programme européen, mais qui sont réellement financées par les collectivités locales comme à Marseille, constituent une initiative intéressante. Le Gouvernement devrait s'engager davantage dans le développement de ce réseau qui semble répondre à de véritables attentes de certains jeunes.

Dans l'exposé des motifs de la proposition de loi, il est également fait allusion aux bourses d'études. La France est, malheureusement, très en retard sur ce plan. Il faut entièrement repenser notre système de bourse afin de le rendre plus cohérent. Peut-être faudrait-il revaloriser leur montant et supprimer le contingentement de certaines d'entre elles ? Leur attribution permettrait de prendre en compte la situation propre de chaque jeune. Il faudrait encore étendre et réétudier la gestion et l'accessibilité des bourses à tous ceux qui suivent des formations manuelles ou en alternance. Il importe de revaloriser ces secteurs en les rendant encore plus attrayants et plus accessibles.


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Chacun le sait, l'indépendance des jeunes passe avant tout par leur insertion dans la vie professionnelle. Dans cet esprit, l'accompagnement personnalisé, et plus précisément l'accompagnement personnalisé avec appui social, donne des résultats qui pourraient être améliorés. Les divers programmes déjà mis en place, comme TRACE, ne doivent pas s'arrêter en chemin. Du reste, face à la volonté du groupe communiste de créer encore autre chose pour aider les jeunes à s'insérer dans le monde professionnel, on peut se demander si les résultats de ces programmes sont si satisfaisants. En tout cas, il ne faut pas que, par principe, la dernière idée chasse à tout prix la précédente ! La course à la modernité ou à la démagogie n'est pas de mise dans un secteur aussi douloureux.

Je rappelle que le programme TRACE n'a même pas deux ans. D'ailleurs, son application a été décalée sur les années 1999, 2000 et 2001, car sa mise en route s'est avérée quelque peu laborieuse. Aujourd'hui, il doit se développer. Ce ne sont ni les bonnes volontés, ni la mobilisation des missions locales qui manquent, mais les moyens, car le suivi individualisé est dévoreur de temps et de personnel, tout le monde en convient. Reste à savoir ce que voulons-nous vraiment. En la matière, le Gouvernement ne doit pas mesurer chichement son soutien. Alors commençons par développer ce qui existe. Et tirons-en le bilan avant d'enterrer ce qui pourrait peutêtre devenir demain un succès.

Enfin, il importe de souligner que des pénuries de main-d'oeuvre commencent à apparaître dans certains secteurs de notre économie : l'informatique, aéronautique, bâtiment, notamment. Dans ce contexte, il ne sera pas supportable de conserver un taux de chômage important chez les jeunes. Notre pays a le devoir de les former très sérieusement et de les orienter vers les secteurs porteurs.

Toutes ces actions, mesdames les ministres, me semblent - et de loin - préférables à un « RMI jeunes ». Je suis contre cette idée qui apparaît ici ou là. Penser qu'un jeune pourrait commencer sa vie d'adulte en percevant une allocation de la collectivité nationale m'attriste profondément. Plus grave, je pense qu'une telle allocation peut être le début d'une spirale d'échec et mener tout droit à l'assistance et au désespoir.

En revanche, la société a le devoir de ne pas abandonner les plus fragiles de ses membres et, principalement, les jeunes.

Nous devons donc réfléchir très sérieusement à toutes ces questions. Notre responsabilité, en tant que législateur, est très grande. A la question : « Quelle place souhaitons-nous pour les jeunes dans la société, mais aussi dans leur famille ? », j'ai envie de répondre, la meilleure.

Donnons-leur tous les moyens pour leur permettre de l'atteindre, en toute liberté, en toute conscience et en parfaite harmonie avec eux-mêmes, leur famille, leurs proches et la société.

C'est dans cet esprit que le groupe UDF, inquiet des effets pervers d'une telle disposition, aurait voté contre la proposition de loi du groupe communiste. Il s'abstiendra sur le texte proposé par le rapporteur.

M. Pierre Cardo.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Monsieur le président, mesdames les ministes, mes chers collègues, je commencerai par me réjouir, au nom des députés Verts, qu'un texte dont le titre et l'exposé des motifs mentionnent la nécessité d'une contribution financière des pouvoirs publics destinée à assurer aux jeunes un revenu d'autonomie soit enfin examiné.

Un peu de chemin a donc été parcouru depuis que mon collègue Jean-Michel Marchand vous sollicitait sur cette question à l'automne 1998, alors que les jeunes se mobilisaient pour demander un revenu d'autonomie, et que moi-même j'essuyais sur ce point une fin de nonrecevoir de la part de Martine Aubry. On m'avait reproché de vouloir faire de nos jeunes des « assistés ». C'est là b ien méconnaître la pensée écologiste fondée, au contraire, sur l'autonomie et la responsabilisation de chacun.

Les Verts, rappelons-le, demandent que soit mis en place, en tenant compte des ressources, un revenu d'autonomie pour tous les jeunes, qui restent de plus en plus longtemps dans leur famille de manière contrainte, qui peinent à financer leurs études, qui ont du mal à trouver un premier emploi, et qui, bien sûr, sont exclus du RMI puisque celui-ci n'est attribué qu'à partir de vingt-cinq ans. Il s'agit donc bien d'établir une véritable égalité des chances et de montrer quelle est notre conception de la place des jeunes dans la société.

Nous sommes bien d'accord pour parler d'« allocation d'autonomie » et non de simple extension du RMI. En effet, l'esprit est tout autre : il est question non pas de réinsérer mais d'apporter un soutien à un jeune pour lui permettre de démarrer sa vie et de formuler un projet.

Cependant, le titre n'est pas tout. Nous constatons trop souvent que des formules sont reprises et vidées de leur substance.

C'est sans doute sur le contenu de cette autonomie que les Verts, qui portent cette revendication depuis longtemps, se distinguent d'autres formations politiques en affirmant qu'exiger une « contrepartie » en termes de

« projet » n'a pas beaucoup de sens quand on à seize ans et qu'on habite chez ses parents. La question est presque philosophique et touche à la façon dont notre société considère sa jeunesse en l'an 2000. Le revenu pourrait éventuellement n'être versé qu'à partir de dix-huit ans au lieu de seize, mais il se place sur le même plan que le droit de vote. C'est un élément de la prise d'autonomie d'un jeune, qui ne doit donc pas le faire glisser dans une nouvelle dépendance, celle d'un organisme chargé de

« vérifier son projet ».

La proposition qui nous était initialement soumise ne contenant pas beaucoup de substance - elle ne prévoyait notamment aucun montant -, il s'agissait de voter un chèque en blanc, dont on peut d'ailleurs se demander s'il est provisionné, étant donné que cette disposition n'a pas été envisagée dans la loi de finances. Aussi, je ne sais pas s'il faut nous réjouir ou nous plaindre de l'amendement du rapporteur qui renvoie à plus tard - pas aux calendes greques, j'espère ! - la mise en place de cette allocation, et prévoit de commencer par un périmètre pilote.

Cela vaut peut-être mieux. Nous pouvons ainsi espérer que les fonds seront alloués dans la prochaine loi de finances. N'oublions pas que cet important dispositif doit être étendu et global pour être significatif, et qu'il n'a pas vocation à s'empiler sur d'autres dispositifs. C'est tout l'ensemble qu'il nous faut repenser. Dès lors, les fonds devront être substantiels.

Pour notre part, nous suivrons tout cela de très près.

Nous espérons bien être très sérieusement associés au travail qui va s'engager, que ce soit par l'intermédiaire des parlementaires, de jeunes ou d'économistes avec lesquels nous sommes en contact. Je rappelle d'ailleurs que cette


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question figure dans l'accord conclu le 7 novembre entre les différentes formations de la majorité et au terme duquel une telle disposition doit être mise en place dans les deux ans. C'est pour nous un point fondamental.

En conclusion, je dirai que nous éprouvons une certaine déception en constatant que cette formidable idée est réduite aujourd'hui à la création d'un groupe de travail, d'un comité de pilotage. Nous aurions pu faire beaucoup mieux. Malgré cette déception et cette amertume, nous voterons la présente proposition de loi car elle va dans le bon sens. Nous regrettons toutefois qu'elle ne donne pas lieu à un débat beaucoup plus large sur la façon dont nous considérons les jeunes aujourd'hui dans notre société en abordant tous les aspects de cette question - économiques, sociaux, philosophes, éthiques, liens entre générations. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Après m'être exprimé au nom du groupe socialiste, je me dois d'intervenir en tant que président de la commission, qui a mené sur le sujet une réflexion de qualité.

En fait, mes chers collègues, en mettant l'accent sur la complexité du problème, Mme Aubert a justifié la nécessité de créer une instance de réflexion pour déterminer les contours exacts de l'action que nous voulons engager. Il ne faut donc pas parler de « déception ». On voit bien que, si nous ne voulons pas simplement ajouter un nouveau dispositif et nous en tenir à une approche de guichet, il faut bien cerner la méthode et l'action à mener. A cet égard, je me félicite que le groupe communiste ait perçu très clairement cette nécessité. Mais je m'aperçois que notre démarche n'a pas été bien comprise par tous.

J'ajoute, madame Aubert, que si la pensée écologique prend en compte les notions d'« autonomie » et de « responsabilité », elle n'est pas la seule.

M. Pierre Cardo.

Ce n'est pas non plus le monopole de la gauche !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Les Verts ne peuvent pas s'attribuer des valeurs que nous sommes nombreux à véhiculer, depuis très longtemps parfois.

Pourquoi seize ans, madame Aubert ? Tout simplement parce que des situations de rupture peuvent, hélas ! survenir dès cet âge-là et qu'il nous appartient de le prendre en compte.

M. Baguet et M. Pontier ont parlé de « RMI jeunes » : répétons-le - les ministres et le rapporteur l'ont déjà dit très clairement - nous refusons ce concept.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Très bien !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ne nous engageons donc pas dans de faux débats !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Vous, d'accord, mais les communistes ?

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Nous refusons le principe de l'assistance pour privilégier celui de l'insertion.

M. Pierre Cardo.

On avait dit ça aussi quand on a créé le RMI mais ce n'est pas ce qui s'est passé !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je sais tout cela aussi bien que vous. J'ai suffisamment travaillé sur toutes ces questions pour savoir que, au fil du temps, face à la complexité des situations, certains dispositifs ne parviennent pas à atteindre exactement le but proposé.

M. Pierre Cardo.

Eh oui !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est un constat. Je n'en tire pas de jugements de valeur, et je ne regrette pas ce qui a été fait. Le RMI a contribué en effet à éviter une fracture sociale.

M. Marcel Rogemont.

Exactement !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais il est évident que le dispositif a perdu ce qui faisait sa conception philosophique originale, que je partageais totalement. C'est pourquoi il faut poser différemment ce genre de problèmes et, comme l'ont dit M. le rapporteur et M. Bocquet, mener une réflexion qui permette d'éviter de retomber dans les travers que nous connaissons actuellement.

Monsieur Baguet, ayons tout de même l'honnêteté de reconnaître - et ce n'est pas Mme la ministre de la famille qui, dans toutes ses interventions, souligne avec une très grande justesse le rôle de la famille qui me démentira - qu'il est question, dans cette démarche, non pas de remettre en cause le rôle déterminant de la famille mais simplement de prendre en compte une situation d'une autre nature. Et ce n'est pas par hasard si j'évoquais Vallès, Le Bachelier, et ensuite Le Révolté

M. Pierre-Christophe Baguet.

Il était les deux !

M. Alain Bocquet.

La révolte n'est pas toujours négative !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Voulons-nous l'étudiant inséré ou le révolté ?

M. Patrick Braouezec.

S'il est bachelier et révolté, c'est encore mieux !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Voilà la question qui se pose à nous, d'autant que nous comptons désormais plus de deux millions d'étudiants. C'est un phénomène auquel nous devons faire face.

Et il ne me gêne pas de mettre, comme Victor Hugo,

« un bonnet rouge au vieux dictionnaire », mon cher collègue. (Sourires.) Dans ce domaine-là, je ne serai pas pris en défaut.

Monsieur Pontier, je connais le rôle que vous jouez, nous avons d'ailleurs eu l'occasion de nous rendre sur le terrain. Je comprends donc vos interrogations, mais vous voyez bien qu'il ne s'agit pas - et pourtant le mot ne me fait pas peur - de générosité. Au travers de ce projet d'accompagnement et de suivi, c'est une volonté politique que nous exprimons. Je mesure très bien que cette démarche est la plus dure qui soit. Nous savons qu'il est parfois nécessaire de mettre en place une aide, mais nous savons aussi les ruptures qui se produisent quand on se limite à des politiques de guichet. Je veux souligner au passage le rôle extrêmement important que jouent les CCAS en matière d'accompagnement. Telle est exactement la démarche proposée par le texte du groupe communiste et par son rapporteur.

C'est maintenant au tour du Gouvernement, et je me tourne vers lui, de nous dire qu'il mettra en place cette commission le plus rapidement possible. Elle doit être suffisamment large pour qu'y participent les jeunes, naturellement, mais aussi les associations relevant du mouve-


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ment familial, comme l'Union nationale des associations familiales, les organisations syndicales, les animateurs politiques et les élus, qui ont aussi, ô combien ! leur mot à dire.

C'est à travers une telle démarche que nous espérons répondre à des problèmes, qu'il est urgent de résoudre, mais qui sont complexes. Et sans avoir le droit à l'erreur.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Mesdames et messieurs les députés, je retiens d'abord trois idées fortes, qui me paraissent émerger de la discussion générale.

Première idée, le refus d'une logique d'assistance. Cette idée affirmée encore à l'instant par le président Le Garrec, est partagée par le président Bocquet, elle a aussi été soulignée par votre rapporteur et par plusieurs intervenants.

Je considère donc que cet objectif constitue une base consensuelle qui rejoint les orientations du Gouvernement en général, et de la ministre de l'emploi et de la solidarité, Elisabeth Guigou, en particulier.

Deuxième idée, l'intérêt de la méthode proposée. Jer emercie votre assemblée et notamment le groupe communiste d'avoir contribué à approfondir et à mettre en place un dispositif qui permettra d'affiner les analyses et de compléter le bilan, au-delà des mesures existantes qui, comme l'ont relevé à l'instant plusieurs orateurs, apportent déjà de bonnes réponses, même si des difficultés perdurent et si de nombreux jeunes échappent au filet de sécurité.

Troisième idée, le souci d'avancer vite, pour répondre au besoin d'autonomie des jeunes. Je dois donc rappeler ici, au nom du Gouvernement, que la conférence de la famille pourra, dès juin prochain, apporter des réponses.

Je voudrais également souligner que le rapport que le Gouvernement devait remettre au Parlement, sur les aides aux familles ayant en charge de jeunes adultes, est mis en distribution dès aujourd'hui - je viens de le découvrir dans le « feuilleton ». Les services de l'Assemblée ont été particulièrement rapides, puisque j'ai parlé tout à l'heure d'un dépôt dans les prochains jours. Je me réjouis de la portée symbolique de cette coïncidence : elle donne plus d'ampleur à notre débat.

Monsieur le président Bocquet, vous avez reconnu les efforts faits à travers les emplois-jeunes, le programme TRACE ou les fonds d'aide aux jeunes. Vous avez à juste titre relevé le caractère éclaté des aides et la persistance de certaines difficultés. Vous avez appelé à un travail de bilan et de mise à plat des différentes aides. Tout cela permettra en effet d'avancer au-delà du constat que vous dressez. J'ai pris bonne note aussi de votre remarque, à savoir que les jeunes n'étaient pas demandeurs du RMI.

S'agissant du dispositif d'autonomie lui-même, j'ai souligné que le travail de réflexion et de concertation suggéré par le rapporteur ne constituait qu'une première étape. Le diagnostic que nous élaborerons ensemble, nous permettra de décider du meilleur levier à actionner pour répondre aux besoins des jeunes, tout en tenant compte de l'ensemble des difficultés que vous avez évoquées.

Malgré vos critiques portant sur les statistiques, vous avez, monsieur Cardo, reconnu l'intérêt des différents programmes gouvernementaux - TRACE, emplois-jeunes, et autres dispositifs existants.

Toutefois, contrairement à ce que la caricature à laquelle vous vous êtes livré voudrait faire croire, nous avons, pour les jeunes, une autre ambition que la dépendance et le RMI. Je regrette que vous ne m'ayez pas écoutée plus attentivement.

M. Marcel Rogemont.

Vous avez compris, monsieur Cardo ?

M. Pierre Cardo.

On se croirait à l'école ! (Sourires.)

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Monsieur le président Le Garrec, je salue votre approche à la fois pragmatique et visionnaire du sujet. Vous l'avez affirmé très fortement, le principe d'autonomie est une exigence centrale pour un projet autonome. Il faut passer d'une position défensive à une position offensive - parce que la question des inégalités entre les jeunes est une question politique majeure - en privilégiant l'insertion, et non l'assistance, autour des valeurs de respect, d'écoute, de responsabilisation. Vous avez souhaité que nous aboutissions à des décisions précises répondant à une exigence légitime. Je sais pouvoir compter sur votre engagement et sur le travail de la commission que vous présidez pour appuyer le Gouvernement dans ce sens.

Monsieur François Vannson, vos critiques auraient eu sans doute plus de portée si vous les aviez accompagnées de propositions.

M. François Vannson.

J'en ai fait quelques-unes. Vous ne m'avez pas bien écouté.

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Monsieur Jean Pontier, vous avez proposé de créer une commission pour créer la commission. Comme je viens de le dire, le Gouvernement souhaite aller vite. C'est pourquoi il ne pourra pas retenir votre suggestion.

Monsieur Baguet, vous avez, à juste titre, insisté sur le rôle de la famille tout comme je l'ai fait longuement tout à l'heure. En ce qui concerne la participation de la Caisse nationale d'allocations familiales que vous avez évoquée, elle est par définition associée à la préparation de la conférence de la famille, puisque c'est devant son conseil d'administration que je présente les orientations du Gouvernement. L'UNAF et son président, M. Brin, que j'ai cité également, sont les interlocuteurs prioritaires de cette démarche. Ils sont étroitement associés au processus préparatoire et il n'y a aucune raison pour que cela change.

S'agissant de la loi de 1994, je rappelle que le Gouvernement que vous souteniez n'avait pas prévu son financement. A l'inverse, nous avons déjà prolongé les allocations familiales jusqu'à vingt ans et les allocations logement jusqu'à vingt et un ans.

M. Marcel Rogemont.

Tout à fait !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Je n'ai pas voulu aller plus loin parce que, précisément, je souhaitais que soit ouvert le débat sur le jeune adulte.

Décider dans la précipitation d'étendre ou de reporter indéfiniment les prestations familiales ne me semble pas correspondre à la complexité du problème. Parallèlement,


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nous avons remis en place une politique familiale ambitieuse, puisque la dernière conférence de la famille a décidé d'affecter plus de 10,5 milliards de francs au service des familles.

M. Marcel Rogemont.

Il est opportun de le rappeler !

Mme la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

Le débat est donc ouvert désormais et il s'étend bien audelà des seules prestations familiales.

Madame Aubert, je vous demande de ne pas éprouver d'amertume, puisque le sujet avance, le débat continue, personne n'en est propriétaire.

Cette dernière intervention est d'ailleurs pour moi l'occasion de remercier très chaleureusement votre assemblée pour sa contribution importante au processus de décision que je souhaite le plus solide, le plus rapide et le plus adapté possible aux attentes des jeunes.

Ensemble, nous pourrons alors répondre à leur besoin d'autonomie tout en nous écartant de toute démagogie, de toute mesure simplificatrice ou de tout empiétement sur les droits individuels des jeunes et sur les droits fondamentaux de leur famille. Rien ne doit affaiblir les solidarités familiales.

Mais le coeur du problème, ce sont les inégalités entre les familles et la façon dont elles peuvent ou non transmettre à leurs enfants une solidité intérieure qui leur permettra de devenir des adultes autonomes. Nous leur devons donc une politique de solidarité et de justice sociale. C'est ce qui nous rassemble aujourd'hui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La discussion générale est close.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, l'article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Article unique

« Article unique . - « Il est créé une commission nationale pour l'autonomie des jeunes, placée auprès du Premier ministre. Cette commission, dont la composition est arrêtée par voie réglementaire, comprend des parlementaires, des élus locaux, des représentants de l'Etat, des organisations représentatives des employeurs et des salariés, d'associations de chômeurs, des mutuelles, de la Caisse nationale des allocations familiales, du Conseil national de la jeunesse, des organisations représentatives des étudiants et des lycéens, des fédérations de parents d'élèves et des personnalités qualifiées.

« Cette commission a pour missions :

« de faire le bilan des dispositifs assurant des ressources propres aux jeunes de seize à vingt-cinq ans ;

« d'étudier la création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans, ainsi que les critères de son attribution sur la base notamment d'un projet personnel de formation et d'accès à l'emploi ;

« de proposer la mise en place d'un dispositif expérimental dans plusieurs départements, après consultation des conseils départementaux de la jeunesse, et dont l'évaluation servira de base à ses travaux et à la généralisation de ce principe.

« Elle consulte le Conseil national de la jeunesse précité.

« Elle remettra son rapport au Premier ministre avant le 31 décembre 2001. Ce rapport est transmis au Parlement. »

L'amendement no 1 de M. Julien Dray n'est pas défendu.

Avant de mettre aux voix l'article unique de la proposition de loi, j'indique à l'Assemblée que, conformément aux conclusions de la commission, son titre est ainsi rédigé : « Proposition de loi relative à la mise en place d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de seize à vingt cinq ans ».

Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.

(L'article unique de la proposition de loi est adopté.)

4

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, no 2612, tendant à la création d'une agence française de sécurité sanitaire environnementale : M. André Aschieri, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 2783).

A vingt et une heures, troisième séance publique : E ventuellement, suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports.

Mme Odile Saugues, rapporteure (rapport no 2785).

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures dix.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT