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ASSEMBLÉE NATIONALE 1re SÉANCE DU 16 MAI 2001
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A la Sorbonne, mes maîtres - un modéré, Renouvin,
qui avait perdu un bras à la guerre de 14, et un autre,
proche du parti communiste Mathiez - mont appris que,
depuis 1793, depuis Saint-Just, la France était une et
indivisible.
M. Georges Sarre. Très bien !
M. Charles Ehrmann. Je suis parti, comme beaucoup à
la guerre en 1939, pour empêcher Hitler et Mussolini de
dépecer la France. Pour la France une et indivisible, je
suis entré dans la Résistance et jai fait partie du comité
insurrectionnel qui a délivré Nice le 28 août 1944 avec
les FTP, ardents patriotes. Jai écrit dans le journal
communiste Le Patriote, car nous étions tous unis contre
lenvahisseur. Et jai enseigné trente-huit ans au lycée
Masséna, à 4 950 élèves auxquels jai appris à aimer la
France.
Ensuite, je dois le dire, jai du sang corse dans les
veines. (Sourires).
M. Bernard Outin. Ah ! malheureux ! Nul nest parfait !
M. Charles Ehrmann. Je le dois à un douanier corse,
Gaspari, qui avait été envoyé à Sarreguemines, ville fron-
tière de Moselle entre la France et lAllemagne. Sa fille,
ma grand-mère Gaspari, était une véritable Corse, et il
paraît que jai un peu hérité de son caractère. (Sourires.)
M. Bernard Outin. Cest donc ça !
M. Charles Ehrmann. Pour son souvenir, je suis allé en
Corse dès 1926, avec la Ligue maritime coloniale ; jai
fait Bastia-Ajaccio en chemin de fer. Jai couché au lycée
Fesch à Ajaccio et jy suis retourné plusieurs fois. Jaime
son histoire, je suis prof : le Premier consul, Napoléon Ier,
Napoléon III, qui a fait de Paris la plus belle ville du
monde et a tant développé léconomie. Jaime beaucoup
les glorieux combattants de la guerre de 14, dont jai vu
les monuments en allant en Corse, et ceux qui ont fait
que la Corse a été le premier département français délivré
en 1943.
Jai toujours connu beaucoup de Corses, plus nom-
breux en dehors de lîle quà lintérieur. Dans lancien
empire colonial, partout où vous alliez, il y avait des
Corses. Larmée était belle sil y avait de bons adjudants
corses. Dans la politique, dans lenseignement, tous
aimaient et aiment toujours la Corse, emblème de la
France.
Son avenir est dans le tourisme - Nice était pauvre en
1860, le tourisme la rendue prospère. La Corse, qui a le
même climat et le même relief que la Côte dAzur, peut,
tout en respectant lenvironnement, accueillir facilement
4 à 5 millions de touristes, au lieu des 2 millions quelle
reçoit actuellement, si elle abandonne la violence et
retrouve la sécurité, la paix, qui apporteront les capitaux
dont elle a besoin pour son économie, et la sérénité pour
la très grande majorité des Corses, qui veulent rester
français.
A tous ceux qui disent : « La violence est notre straté-
gie depuis plus de trente ans », déminentes personnalités
ont déjà répondu. « On ne peut aller au-delà du raison-
nable », a dit Valéry Giscard-dEstaing. « On ne peut
accorder la primauté à la bombe », a dit Chevènement,
« La France ne peut pas capituler devant la violence », a
dit Max Gallo.
Accepter les accords de Matignon, cest donner de
limportance aux forces centrifuges régionales, toujours
latentes dans les pays grands par la superficie comme la
France : le pays Basque, la Bretagne, la Savoie, lAlsace.
Cette dernière, qui a changé cinq fois de nationalité de
1870 à 1945, a évidemment des spécificités, mais elle est
plus française que jamais. Chaque année, je retourne
quatre ou cinq fois à Strasbourg, au Conseil de lEurope,
et mes amis me disent : « Faut-il faire des attentats pour
obtenir davantage de décentralisation ? » Ils ajoutent :
« Nous sommes trop français pour faire cela ! »
La Corse a besoin de la France, la France a besoin de
la Corse pour être plus forte dans lEurope.
Jai voté contre la loi Joxe et mon cur votera contre
les accords de Matignon. (Applaudissements sur les bancs
du groupe Démocratie libérale et Indépendants, sur quelques
bancs du groupe du Rassemblement pour la République et
des groupes de lUnion pour la démocratie fran-
çaise - Alliance, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe
Radical, Citoyen et Vert.)
Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière,
M. René Dosière. Avec larticle 1er, nous sommes au
cur du processus de décentralisation. Jai entendu quel-
ques décentralisateurs du lendemain nous donner des
leçons, à nous, décentralisateurs de la veille. Gaston
Defferre sourirait de lévolution des esprits, lui qui a
combattu dans cet hémicycle contre toute la droite pour
cette grande loi de liberté des communes, des départe-
ments et des régions, pendant lété 1982.
La décentralisation consiste en un transfert de compé-
tences et des moyens matériels, humains et financiers cor-
respondants. Cest ce que nous avons fait régulièrement
depuis 1982, en conformité avec une proposition de loi
que les députés socialistes avaient déposée en 1979.
Le texte dont nous discutons comporte un tel transfert
de compétences et de moyens financiers. Mais cela ne
suffit pas. En effet, les députés socialistes le disaient en
1979 : « La prolifération, dans tous les domaines de la vie
sociale, dune réglementation nationale à la fois compli-
quée, tatillonne et souvent contradictoire, constitue un
des ressorts les plus profonds de la centralisation. Cette
façon duniformiser par la règle, jusque dans les moindres
détails, tous les comportements sociaux et toutes les inter-
ventions des collectivités locales sur lensemble du terri-
toire national est une des manifestations les plus insup-
portables de notre centralisme étatique. Cest la négation
de toute initiative locale, de tout droit à la différence et à
lexpérimentation. Les élus locaux étouffent sous le poids
de règles, décrets, arrêtés, circulaires auxquels ils sont sou-
mis. Pour eux, ce nest même plus Courteline, cest
Kafka. »
M. François Fillon. Ça na pas changé !
M. René Dosière. Voilà pourquoi les socialistes propo-
saient de limiter, dune façon générale, le pouvoir régle-
mentaire de lEtat. Je dois saluer Jean-Yves Le Drian, un
des signataires de cette proposition,...
M. Pierre Lellouche. Qui date de vingt ans !
M. René Dosière. ... ainsi que Jean-Pierre Chevène-
ment, qui avait lui aussi signé ce texte. Il avait dautant
plus de mérite que tous les socialistes ne lavaient pas
fait : je pense en particulier à mon ami Maurice Brugnon,
pour qui ces propositions étaient beaucoup trop révolu-
tionnaires et allaient trop loin.
Nous navons pas pu réaliser cela dans les textes de
1982. Il faudra bien y revenir et, pour ce faire, il faudra
une modification constitutionnelle que, dailleurs, la pro-
position socialiste prévoyait déjà.
Cette modification constitutionnelle, nous y avons pro-
cédé pour la Nouvelle-Calédonie, qui est la seule collecti-
vité française à disposer dun pouvoir législatif dans les