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mis en distribution
le                  2000
No  2390
ASSEMBLÉE  NATIONALE
CONSTITUTION  DU  4  OCTOBRE  1958
ONZIÈME  LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 mai 2000.
DÉCLARATION
DU GOUVERNEMENT
sur le débat d’orientation budgétaire,
par M. Laurent FABIUS,
ministre de l’économie et des finances,

            Finances publiques.
                    Monsieur le président,
                    Mesdames, Messieurs les députés,
        Je suis heureux que ce débat réunisse un public nombreux et choisi.
        Nous voici donc au début de cette semaine budgétaire de printemps, semaine qui comportera différentes séquences : aujourd’hui, nous allons discuter du débat d’orientation budgétaire ; demain, Mme Florence Parly, secrétaire d’Etat au budget, vous présentera le collectif budgétaire ; après-demain, enfin, vous aurez à vous prononcer sur la loi de règlement du budget de 1998.
        S’agissant du débat d’orientation budgétaire, traditionnellement, il ne se conclut pas par un vote, ce qui ne signifie nullement qu’il soit sans intérêt. Cette procédure, qui a débuté il y a de cela cinq ans, a été améliorée en 1997, année où on a pu commencer à parler d’une véritable stratégie des finances publiques. A cette occasion, il s’agit, pour le Gouvernement, de vous exposer ses grandes orientations, de vous écouter et de dialoguer avec vous, afin de préparer le débat budgétaire proprement dit, celui de l’automne.
        Je veux d’emblée remercier les membres de la commission des finances, qui travaillent avec beaucoup d’ardeur sur ces sujets, ainsi que les députés qui sont présents dans cet hémicycle en dépit des sollications extérieures, et vous dire le plaisir que j’ai à participer à cette discussion.
        J’aborde cette discussion budgétaire avec à l’esprit trois mots clefs : croissance, constance et transparence. C’est sous ce triple signe que je placerai mon propos, qui sera complété ultérieurement par des réponses à vos interventions.
        Croissance, car - et je pense que personne ne le contestera, puisque vous êtes tous des spécialistes - les chiffres actuels attestent que nous connaissons la meilleure séquence économique depuis ving-cinq ans. A cet égard, je voudrais, comme je l’ai fait à l’occasion de la préparation de ce débat, citer des chiffres concernant, outre cette année ou l’année prochaine, une période un peu plus longue qui permet de voir de quoi il s’agit réellement.
        Je prendrai d’abord la grandeur la plus caractéristique, celle de l’évolution du produit intérieur brut : cette évolution a été de 1,9 % en 1997, de 3,1 % en 1998 - c’est-à-dire sous cette majorité -, de 2,9 % en 1999, et elle devrait atteindre 3,6 % en 2000 et 3 % en 2001. Cela signifie que, sur la période 1998-2001, nous allons incontestablement enregistrer la meilleure séquence depuis vingt-cinq ans, ce qui rompt avec la période précédente pour des raisons sur lesquelles je reviendrai rapidement.
        Ces résultats sont d’autant plus remarquables qu’ils tranchent avec ceux que nous avions enregistrés auparavant et qu’ils s’accompagnent d’un faible taux d’inflation puisque, même s’il convient de faire attention dans tel ou tel domaine, les observateurs impartiaux nous confirment que la France ne court pas de risque inflationniste important prévisible. Donc, pour le « PIB », comme on dit, les choses vont bien !
        Il en est de même - et c’est extrêmement important pour toutes celles et tous ceux qui sont attachés à la justice sociale - pour le pouvoir d’achat global. Celui-ci a enregistré une hausse de 0,2 % en 1996 - ce qui n’était pas beaucoup -, de 1,6 % en 1997, de 2,5 % en 1998, de 2,6 % en 1999, et cette hausse devrait s’élever à 2,7 % en 2000 et à 3 % en 2001.
        Ces chiffres méritent tout de même d’être médités quand on se demande, à juste titre, comment est utilisé la croissance, à quoi elle sert. Je le répète, l’augmentation du pouvoir d’achat global, laquelle est d’ailleurs liée à l’amélioration de l’emploi, devrait atteindre 2,7 %, en 2000 et 3 % en 2001.
        En ce qui concerne les investissements des entreprises - élément souvent passé sous silence mais qui détermine tout de même nos capacités d’emploi dans le futur -, nous avons malheureusement connu en 1996 une évolution négative de moins 0,8 %. En 1997, il y a eu une certaine inflexion positive qui s’est traduite par une hausse de 0,4 %. Puis, les trois années suivantes, nous changeons complètement de dimension : hausse de 7,9 % en 1998, de 7,6 % en 1999 et, normalement, de 7,2 % en 2000. Pour l’an prochain, il est prévu une hausse de 5,7 %. Ces chiffres montrent bien qu’il y a une rupture et traduisent le souci que nous avons - souci que, je crois, vous partagerez tous -, de préparer l’avenir.
        Sans être trop long, je voudrais ajouter deux séries de chiffres concernant la balance commerciale et l’emploi.
        En ce qui concerne la balance commerciale, donnée évidemment très importante, l’excédent était, avant 1997, inférieur ou égal à 50 milliards de francs par an. Après cette date, il a été en général supérieur à 100 milliards. Il convient de garder ces chiffres à l’esprit.
        Enfin, j’en viens au dernier élément, qui est la conséquence de tout cela, car il n’y a pas plus de miracle en ce domaine que dans les autres, le glissement annuel en matière d’emploi, qui était, en 1996, de plus 18 000 emplois - chiffre qui, tout en n’étant pas négatif, était tout de même assez faible -, s’est élevé à plus 208 000 emplois en 1997, plus 280 000 en 1998, plus 374 000 en 1999 et devrait atteindre plus 400 000 en 2000. Pour l’année 2001, les spécialistes sont partagés : pour certains, le glissement annuel en matière d’emploi devrait s’élever à plus 250 000 emplois, car les créations d’emplois liées à la réduction de la durée du travail seraient moindres que ce qu’elles sont actuellement, le premier mouvement ayant été extrêmement fort ; pour d’autres, le chiffre des créations d’emplois devrait être aussi élevé que celui de l’an 2000.
        Toujours est-il, mesdames et messieurs les députés - et c’est cela qui importe -, que nous allons abattre le « mur » des deux millions de chômeurs. Si nous parvenons à franchir ce seuil psychologique, ce sera extrêmement important puisque, au début de la législature, le nombre des chômeurs était nettement supérieur à trois millions.
        Quand on examine quelle est la situation chez nos voisins - et c’est une contre-épreuve à laquelle il faut toujours procéder car il ne s’agit pas de regarder une situation uniquement dans l’absolu, il faut la voir aussi de façon relative -, nous nous apercevons que, au cours de la période 1998-2001, nous devrions être, par rapport aux quatre plus grands pays de l’Union européenne, parmi les meilleurs, mais que nous devrions également avoir, et je le dis sans faire de l’autosatisfaction, la plus forte croissance. Pour ces quatre années, la progression devrait être de 8,4 % en Italie, de 8,9 % en Allemagne, de 9,3 % en Grande-Bretagne et de 12,7 % en France. Tels sont les chiffres officiels transmis par l’Union européenne.
        Ces chiffres, bien entendu présents dans votre esprit, mais rarement réunis, nous permettent de dire - et chacun et chacune devra s’en féliciter - que nous avons la meilleure séquence économique depuis vingt-cinq ans. D’ailleurs, les Français ne s’y trompent pas, puisque, pour la première fois depuis un quart de siècle, ils ont aussi, nous indique-t-on, un meilleur moral. Et quand on sait l’importance de la psychologie dans l’économie, il faut s’en féliciter. En particulier pour les personnes, encore trop nombreuses, qui se trouvent en difficulté.
        En tenant de tels propos, je ne veux évidemment en aucun cas porter je ne sais quel jugement autosatisfait qui n’a pas lieu d’être. Mais vous reconnaîtrez aussi qu’il n’y a pas non plus lieu de pratiquer l’auto-flagellation, d’autant que nous observons, nous qui sommes très familiers de la vie politique, que cette pratique consiste en général à se flageller sur la poitrine d’autrui ! Il ne s’agit donc pas de cela, et je suis le premier à reconnaître qu’il reste encore beaucoup de travail à accomplir.
        J’aborderai maintenant quelques points particuliers du domaine économique, financier et social.
        En matière d’emploi, nous avons beaucoup progressé. Il faut s’en féliciter et en féliciter les Français qui, grâce à leur action, ont permis ces résultats. Mais en même temps nous savons tous qu’il subsiste, pour être un peu schématique, deux grands problèmes auxquels nous sommes déjà confrontés ou auxquels nous serons confrontés !
        D’abord, une pénurie de main-d’œuvre commence à apparaître dans certains secteurs et pourrait se développer en particulier dans les secteurs très qualifiés. Nous devons être capables de faire face aux offres d’emplois non satisfaites.
        En second lieu, nous risquons de rencontrer des difficultés assez sérieuses en rapport avec la situation des populations non qualifiées. En effet, nous savons tous que les emplois disponibles sont de plus en plus fréquemment caractérisés une certaine technicité. Le temps n’est plus où une entreprise avait besoin de quelqu’un pour faire l’appoint. Désormais, il faut une qualification. Or nous savons très bien que, jusqu’à présent, nous n’avons pas fait preuve d’excellence dans cette matière qui consiste à assurer une qualification à des personnes qui n’en ont pas reçue en raison du déroulement de leur vie. Et comme nos compatriotes entendent en permanence chanter l’amélioration de la situation économique et celle des résultats sociaux, une telle situation est d’autant plus insupportable pour ceux d’entre eux qui sont en difficulté ! En outre, cela pose toute une série de problèmes sociaux et de problèmes urbains que vous rencontrez dans vos circonscriptions.
        Bref, autant je me félicite de l’amélioration extrêmement sensible de la situation de l’emploi, autant je souligne qu’il va falloir aborder de front les deux types de problèmes que posent, d’une part, le manque de personnels très qualifiés et, d’autre part, le nombre des personnes qui, au contraire, n’ont absolument aucune qualification.
        De même, cette croissance ne servirait à rien si elle n’était pas mise au service d’un objectif de solidarité sociale. Car - et cela peut être constaté dans la plupart des circonscriptions -, il y a encore des personnes, des secteurs ou des professions déshérités voire abandonnés. Et lorsqu’on leur dit « mais cela va mieux », les intéressés nous répondent : « Au plan général, peut-être, mais pour nous, qu’est-ce que cela change ? » C’est pourquoi il faut, non seulement pour des raisons politiques, mais aussi pour des raisons de cohésion sociale, être capable d’apporter des réponses précises aux personnes concernées, qui se comptent encore par centaines de milliers.
        Cela dit, des progrès doivent également être accomplis en matière éducative, culturelle ou même territoriale, car notre conception de la société est telle que chacun, où qu’il se trouve sur le sol de France, doit pouvoir avoir une chance de réussir.
        Nous avons également des problèmes à régler en matière d’ouverture européenne, de modernisation, de créativité ou de finances publiques.
        Bref, ce n’est pas parce que les choses se sont nettement améliorées, qu’il ne reste pas de progrès à accomplir. Cela dit, si nous avions connu un grand échec, les membres de l’opposition auraient considéré, à juste titre, que nous en aurions été assez largement responsables. Je leur demande donc, ne serait-ce que par esprit de justice, de nous reconnaître au moins une toute petite part de responsabilité dans le succès que nous sommes heureux de constater.
        L’explication de cette nouvelle donne économique est pour partie internationale : elle se trouve dans le développement qui se produit - et nous en sommes tous heureux - en de nombreuses parties du monde. Elle est aussi liée à ce que l’on appelle la nouvelle croissance.
        Je lisais l’autre jour - et je fais volontiers mienne cette explication - qu’au fond, la révolution technologique qui est en train de se produire - capital plus travail plus information - était un véritable choc pétrolier à l’envers.
        Lors du choc pétrolier, il y a un peu plus de vingt ans, la hausse des prix de l’énergie avait provoqué une poussée inflationniste, que l’on comprend, et avait sérieusement ralenti la croissance. Par un mécanisme inverse, la révolution technologique permet la diffusion de technologies nouvelles, baisse les prix de l’information et favorise la croissance. Cela explique, pour une part - les développements internationaux interviennent également -, que nous connaissions un cycle que je considère comme positif, et probablement pour assez longtemps, si des stupidités ne sont pas commises au plan international. Ainsi, - j’espère que je ne serai pas démenti par les faits - la croissance générale devrait être durable, sauf circonstances exceptionnelles difficiles à prévoir.
        Ces résultats, s’ils sont pour partie liés à des donnes internationales, sont aussi la conséquence de choix opérés par ce Gouvernement.
        En effet, sauf à ce que votre propre mandat ne soit pas justifié, une relation existe entre les choix politiques qui sont faits et les résultats économiques qui sont constatés. Nous avons eu l’épreuve et la contre-épreuve.
        Ainsi, sans être cruel, ni sur ce point ni sur les autres, je rappellerai que dans les années 1994-1995, alors qu’une reprise était amorcée, tous les économistes le savent, elle avait été stoppée dès l’été 1995 par une politique restrictive et d’augmentation des impôts qui, de fait, a abouti à amputer, peut-être même à tuer, les possibilités de croissance de l’époque. Et les spécialistes, rétroactivement, indiquent qu’en 1997 la production des salariés et des entreprises était inférieure de 240 milliards de francs à ce qui aurait pu être réellement produit.
        Nous sommes sans doute nombreux dans cette assemblée à considérer que la croissance, si elle ne se décrète pas, peut se détruire, se construire ou s’entretenir. Je pense que cette équipe gouvernementale a fait les choix qui convenaient. Quand on regarde les premières décisions qui ont été prises en 1997 et 1998, et qui ont été poursuivies par la suite, réveil de la demande intérieure, consommation, emplois-jeunes, augmentation d’un certain nombre d’allocations, basculement des cotisations maladie des salariés sur la CSG, réduction des déficits publics qui a permis une baisse des taux d’intérêt, choix très important confirmé de notre qualification pour l’euro, j’y reviendrai en conclusion, élément tout à fait déterminant qui a permis la neutralisation des crises asiatique et russe, prélèvement sur la trésorerie des entreprises mais aucun prélèvement sur les ménages de sorte que la confiance et la consommation qui va avec n’ont pas été amputées, on s’aperçoit que si des observations de détail peuvent être formulées, il n’y a pas eu de grave erreur de politique économique et que les choix effectués ont été efficients.
        Cela me permet de considérer que l’environnement général de croissance va se prolonger. Il reste, bien sûr, des difficultés à surmonter mais, en maintenant les choix que nous avons faits, nous devrions pouvoir présenter aux Français pour l’an prochain des résultats satisfaisants.
        J’en viens ainsi à la deuxième partie de mon propos. Après avoir parlé de la croissance, je vais essayer d’expliquer en quoi notre projet manifeste une constance dans les choix qui sont les nôtres.
        Premier élément de constance : la maîtrise des dépenses. Un chiffre résume le choix du Gouvernement, confirmé par la lettre de cadrage que le Premier ministre a envoyée aux ministres et que j’ai demandé - j’espère que cela a été fait - d’adresser aux membres de la commission des finances.
        Le chiffre retenu dans cette lettre de cadrage - et repris, bien sûr, dans notre texte - est une progression de 0,3 % en volume du budget de l’Etat, soit, compte tenu de l’inflation prévue, 1,2 % en valeur. Ce chiffre doit être rapproché de celui de 0 % qui avait été retenu l’an dernier.
        Deux observations opposées nous sont adressées - peut-être seront-elles exprimées dans ce débat - : les uns trouvent que 0,3 %, c’est tout de même beaucoup et nous reprochent d’être laxistes ; les autres considèrent que 0,3 %, ce n’est pas grand-chose et qu’il sera très difficile de s’y tenir.
        Pourquoi sommes-nous arrivés à ce choix ? Je rappelle, à celles et ceux qui voudraient comparer la prévision de 0,3 % pour l’an prochain et le 0 % en volume de l’an dernier, que ce résultat avait été obtenu grâce à l’allégement de la charge de la dette, lui-même lié à la diminution des taux d’intérêt.
        Cette année, nous nous situons dans une problématique différente puisque nous anticipons, pour l’année prochaine, un alourdissement de la charge de la dette de 7 milliards de francs.
        La prévision de 0,3 % en volume prévue pour l’année 2001 n’est en aucun cas synonyme de laxisme par rapport à nos prévisions de l’année précédente. Et je voudrais à cet instant expliquer la stratégie budgétaire du gouvernement de Lionel Jospin. Elle n’a pas changé depuis 1997-1998.
        Notre stratégie est fondée sur un objectif d’évolution de la dépense publique qui est fixé indépendamment de la conjoncture puisqu’il est établi sur un rythme pluriannuel.
        Pourquoi procédons-nous ainsi ? Parce que nous considérons qu’un tel encadrement confère à notre politique des finances publiques un rôle de stabilisation de l’activité.
        En cas de conjoncture plus favorable, le surcroît de recettes peut être affecté de différentes façons, notamment par le collectif - abaissement d’impôts, résorption de déficit... Cela permet un rétablissement automatique et évite le risque de surchauffe de l’économie.
        En revanche, si - ce qu’à Dieu ne plaise - un ralentissement est constaté, il peut dans une large mesure être compensé par le maintien du montant des dépenses publiques et par un infléchissement du rythme de réduction des déficits publics.
        La politique des finances publiques est donc construite pour laisser jouer ce que les économistes appellent les « stabilisateurs automatiques ». Nous continuons à l’appliquer pour l’année 2001.
        Mais l’un des grands problèmes, et les personnalités ici présentes qui ont participé à la gestion des finances publiques le savent, ce n’est pas simplement la prévision, c’est l’exécution des dépenses publiques.
        Les gouvernements successifs ont imaginé de nombreuses séries de formules. Il y a eu, je ne sais plus quel était le Premier ministre à l’époque, le Fonds d’action conjoncturelle, puis toute une série de fonds de régulation. La conjoncture peut évoluer en cours d’année, des ministères peuvent connaître des insuffisances ou des dérapages. Si on attend la fin de l’année pour réagir, c’est trop tard !
        Pour pallier cet inconvénient, un de mes prédécesseurs, M. Strauss-Kahn ou M. Sautter, je ne sais plus celui qui l’a décidé mais il a été bien inspiré, a proposé aux ministères dits dépensiers, en rupture avec ce qui se faisait auparavant, de passer un contrat de gestion avec le ministère du budget, une sorte d’auto-assurance des ministères. Dès lors que les ministères sont « intéressés » à la gestion de leur ministère, ils sont invités à entreprendre un effort de réflexion et à agir. C’est une des raisons pour lesquelles l’exécution ne fait pas apparaître trop de mécomptes.
        En tout cas, je l’affirme, la prévision de 0,3 % d’augmentation du budget en volume, qui est parfaitement conforme à nos engagements européens, sera respectée, même si ce ne sera pas facile. En effet, vous le savez, le budget prévoit de consacrer 42 % des dépenses à la fonction publique. Or, ce chiffre de 0,3 % d’augmentation doit intégrer les crédits de la défense et les dépenses sociales, honorer nos engagements en matière de contrats de plan et de politique de fonction publique.
        Nous ne pouvons pas aller plus loin, beaucoup le reconnaissent, au risque de laisser s’opérer un dérapage des finances publiques. Il est donc un peu facile, pour ne pas dire démagogique, de prétendre que nous pourrions faire beaucoup moins, car, déjà, ce chiffre ne sera pas facile à respecter.
        J’ajoute d’ailleurs, puisque la presse s’en est fait l’écho, que nous devrions tous réfléchir au problème suivant : dans les années 90, la France a connu une grande crise, conjoncturelle ou structurelle, qui a conduit l’Etat à jouer, pour de nombreux régimes sociaux, le rôle d’assureur en dernier ressort. Ainsi, quand l’UNEDIC s’est trouvé en grande difficulté, l’Etat lui a apporté son soutien, comme il l’a fait pour d’autres régimes sociaux. C’était tout à fait normal et légitime. Aujourd’hui, nous sommes heureusement entrés dans une période de croissance. Mais nous n’avons pas modifié nos modes de fonctionnement. Or certains régimes sociaux - il ne faut pas généraliser - sont, par construction, dans une situation plus aisée tandis que le budget de l’Etat connaît une situation plus difficile. Je rappelle tout de même que les transferts opérés du budget vers les collectivités locales et les régimes sociaux s’élèvent à 500 milliards de francs. Autrement dit, avant même de commencer à discuter de quoi que ce soit, 500 milliards de francs sont d’ores et déjà affectés aux collectivités locales et aux régimes sociaux.
        Et leur évolution est plus rapide, il faut s’en féliciter d’une certaine façon, que celle des dépenses de l’Etat.
        C’est une question de fond que je veux soulever parce que, au stade où nous en sommes du débat d’orientation budgétaire, je serais extrêmement intéressé de connaître la position des différents groupes politiques sur ce sujet. Je pense que c’est un des points fondamentaux de la maîtrise des dépenses à long terme dans notre pays.
        Deuxième élément de constance, en même temps que la maîtrise des dépenses, la réduction des déficits, et je voudrais vous donner, là aussi, quelques chiffres - nous ne pouvons pas l’éviter dans un débat budgétaire.
        En ce qui concerne les administrations publiques, les « Apu » pour employer cette horrible abrévation, je prendrai la séquence 1997-2003, puisque nous avons remis à l’Union européenne nos objectifs pour 2003. Elle fera taire, je crois, certaines observations critiques, voire accusations, qui nous sont adressées sur le fait que nous serions moins rigoureux maintenant qu’à d’autres moments.
        Les déficits des administrations publiques, par rapport au produit intérieur brut ont connu l’évolution suivante : moins 3,5 % en 1997, moins 2,7 % en 1998, moins 1,8 % en 1999, moins 1,5 % en 2000, moins 1,2 % en 2001, moins 0,7 % en 2002, moins 0,3 % en 2003. Vous le constatez - en matière de finances publiques, on est obligé d’avoir des projections de long terme - la pente est significative.
        Je veux un instant m’arrêter sur le chiffre de moins 1,5 % qui a été retenu pour l’année 2000. Pour la Commission européenne, ce chiffre est le niveau de ce qu’elle appelle le solde protecteur qui conduit, quelle que soit la conjoncture, à ne pas dépasser les 3 % qui déclencheraient la procédure des sanctions pour déficit public excessif, prévue par le pacte de stabilité de 1997. Ce chiffre, que nous avons respecté en l’an 2000 et que nous réduirons encore en l’an 2001 puisque nous avons prévu moins 1,2 %, montre bien que nous sommes sur la trajectoire prévue, et qui me semble utile et bonne, de la réduction des déficits.
        En ce qui concerne les administrations de sécurité sociale, l’évolution cesse d’être négative, elle doit même devenir excédentaire, notamment pour les raisons que j’indiquais il y a un instant : moins 0,5 % en 1997, moins 0,1 % en 1998, plus 0,2 % en 1999, plus 0,4 % en 2000, plus 0,5 % en 2001, et sans doute plus 1 % en 2003.
        Pour les collectivités locales, la situation est à peu près stable.
        Dans le budget, qui nous intéresse au premier chef, les valeurs absolues, peut-être sont-elles plus parlantes, une partie en exécution, l’autre partie en prévision, sont les suivantes : moins 267 milliards pour 1997, moins 247 milliards pour 1998, moins 206 milliards pour 1999. Pour 2000, nous espérons, je le maintiens, moins 200 milliards, et pour 2001, moins 195 milliards. Et la descente continue puisque nous serons à moins 2,2 % en 2001 et, d’après nos engagements, à moins 1,8 % en 2003.
        Donc, si l’on peut, le rapporteur général l’a fait et beaucoup d’autres le feront, observer que sur tel ou tel point il faudrait une légère modulation, ce qui est important, c’est la pente, et elle est incontestable dans les chiffres que je viens de vous donner. Et je rappelle que le service de la dette représente tout de même à peu près 230 milliards par an, c’est-à-dire les deux tiers de l’impôt sur le revenu.
        Constance dans la maîtrise des dépenses, constance dans la réduction des déficits, constance aussi, du moins je le crois, dans le choix des priorités.
        La priorité des priorités, c’est l’emploi, et tout le budget est tourné vers cet objectif - même si, l’an prochain, des variations pourront intervenir dans le budget même de l’emploi. Car le fait que la situation de l’emploi s’améliore a des conséquences positives, heureusement, sur le budget de l’emploi qui, s’il a continué à prendre en charge toute une série de dépenses essentielles, a moins de charges - d’une certaine façon, n’exagérons rien - au fur et à mesure que le chômage recule.
        Les priorités qui figurent dans la lettre de cadrage sont au nombre de quatre : l’éducation, la justice, la sécurité et l’environnement. C’est la confirmation des priorités choisies par le Gouvernement lors des années précédentes.
        Cette constante est une bonne chose car si l’on changeait de priorité chaque année, cela ne signifierait plus grand chose.
        Enfin, quatrième élément de constance, la baisse des prélèvements obligatoires et des impôts.
        Là aussi, je voudrais m’expliquer aussi complètement que possible.
        Les chiffres concernant les prélèvement obligatoires pour les années 1997 à 2001 sont les suivants - les uns sont constatés, les autres projetés : 44,9 % pour 1997, 44,9 % pour 1998, 45,7 % pour 1999 - une montée -,  44,7 % pour 2000 et 44,2 % pour 2001, soit une descente.
        Ces chiffres appellent de ma part deux observations.
        Nous savons tous, en tant que techniciens, à quoi nous en tenir sur cette notion de prélèvements obligatoires. Mais je ne suis pas certain que, pour nos concitoyens, ce soit d’une clarté limpide d’autant que les prélèvements obligatoires étant un ratio, ils peuvent évoluer de façon assez surprenante. Je prends un exemple.
        Si, au cours d’une année donnée, la croissance est très élevée et que, au cours de l’année suivante, la croissance est, quoique forte, un peu moins élevée, on a une montée des prélèvements obligatoires et nos concitoyens ne comprennent pas qu’on leur dise que les impôts baissent, mais que les prélèvements obligatoires augmentent. En 1999, la croissance a été moindre que l’année précédente et elle a été accompagnée d’une forte désinflation, ce qui a abouti à un chiffre très élevé.
        Gardons à l’esprit les termes de « prélèvements obligatoires », mais préoccupons-nous surtout des impôts et des cotisations car ce sont à eux que nos concitoyens sont le plus sensibles.
        En 2000, ainsi que vous l’avez rappelé, comme d’autres, avec beaucoup de force, monsieur le rapporteur général, nous connaîtrons une diminution des impôts peut-être sans précédent : la prévision était de 40 milliards, auxquels s’ajoutent les 40 milliards du collectif, qui cumule une baisse de la taxe d’habitation, une baisse de l’impôt sur le revenu et la baisse de la TVA.
        Je rappelle - ce sera peut-être contesté, mais les chiffres parlent d’eux-mêmes - que la baisse de TVA qui vous est proposée et que vous allez, je l’espère, approuver alors qu’elle est déjà entrée dans les faits au mois d’avril, et celles qui sont déjà intervenues - je pense en particulier à la baisse ciblée concernant les travaux dans les logements, excellente mesure au demeurant - représentent au total en année pleine 60 milliards de francs - 29 milliards plus 31 milliards. La hausse décrétée par M. Juppé et par M. Madelin représentait quant à elle 57 milliards !
        Ainsi, en termes purement comptables, les décisions que vous avez déjà prises ou que vous vous apprêtez à prendre effaceront, conformément à l’engagement de la majorité, les hausses de TVA décidées par des équipes précédentes.
        Pour 2001, mesdames et messieurs, le Gouvernement vous invite à poursuivre ce mouvement de baisse dans le cadre des contraintes que j’ai rapidement exposées. Plusieurs pistes vous sont proposées, sur lesquelles - le présent débat n’aurait pas de sens si le budget était déjà fixé - j’aimerais connaître votre opinion.
        Le Premier ministre a fait savoir que c’était surtout vers les impositions directes que nous devions porter notre regard : cotisations, impôt sur le revenu et autres. En tout cas, la volonté du Gouvernement est de poursuivre le mouvement, tout en œuvrant à la maîtrise des dépenses et à la réduction des déficits. Sur ce point, je ferai quelques remarques.
        Je voudrais d’abord dénoncer un travers, auquel succombent nombre d’entre nous. Certains ont parlé de « concours Lépine fiscal ». Je ne sais pas si l’expression est bien choisie, mais il est tout à fait normal que les parlementaires puissent proposer des idées. Sinon, quel intérêt auraient-ils à siéger ?
        Nous devons avoir à l’esprit qu’en même temps que nous nous penchons sur les réformes futures il nous faut réfléchir, voter - j’allais dire savourer - les réformes actuelles.
        On considère souvent que la bonne réforme fiscale, c’est toujours la suivante, et ce n’est le fait ni de ce gouvernement, ni de cette majorité, ni de cette opposition. Mais il demeure qu’en France on souffre du travers qui consiste à parler très peu de ce qui est décidé, que ce soit pour l’approuver ou pour le contester, mais beaucoup de ce qui sera éventuellement décidé dans six mois ou un an.
        Je ne pourrais, même si je le souhaitais, arrêter le cycle de l’imagination. Mais j’aimerais qu’on s’arrête un petit peu, comme vous le ferez demain sans doute, sur ce qui est bel et bien décidé et sur ce qui se traduira par un allégement sur les feuilles d’impôt des Français.
        Deuxième remarque : parmi les pistes les plus intéressantes qui nous sont proposées, il y a celles des « trappes à inactivité » - vous savez les uns et les autres de quoi il s’agit. Lorsque des personnes qui se trouvent dans une situation très difficile font l’effort pour trouver un travail et qu’elles en trouvent un, elles sont souvent pénalisées sur le plan de la fiscalité nationale ou locale. Or nombre d’entre nous partagent la philosophie selon laquelle il faut essayer d’encourager les personnes à retrouver un travail. Si nous pouvions prendre des dispositions pour rendre moins évidentes, voire supprimer des « trappes à inactivité », nous aurions fait œuvre utile.
        Troisième remarque : il est un débat auquel je n’ai jamais compris grand-chose et qui opposerait les couches modestes et les classes moyennes. Je suis convaincu qu’il nous faut alléger les prélèvements tant sur les premières que sur les secondes. Il est évident que, si nous nous engageons dans des abaissements de prélèvements qui ne profitent pas aux personnes qui sont en difficulté ou qui ont des ressources modestes, celles-ci diront, et elles auront raison, que c’est injuste. Mais si nous ne faisions pas, dans le même temps, l’effort qui s’impose pour des personnes qui ont des revenus plus importants et qui sont, elles aussi, très créatrices, qui apportent quelque chose à la société, nous ne comprendrions pas grand-chose à la société moderne.
        Loin d’opposer une série de couches sociales à une autre, il convient, en ce domaine, de faire le lien entre les couches moyennes et les couches modestes, sans jamais oublier que la bonne réforme est celle qui allie efficacité et justice.
        Toujours sur le chapitre de la constance, je tirerai deux ou trois leçons de portée générale, avant d’en venir à la transparence.
        Ma première conviction est qu’il n’y a pas de service public satisfaisant sans moyens convenables, mais aussi qu’on ne peut juger de l’efficacité des services publics seulement d’après la masse des dépenses qu’on leur consacre.
        Sinon, on passerait à côté de la question.
        Je demande donc que l’on retienne, de part et d’autre, ces deux aspects. L’efficacité doit être recherchée et l’évaluation est une nécessité, qu’il s’agisse du privé ou du public. Quant à la maîtrise des dépenses publiques, tous les gouvernements essaient bien sûr d’y parvenir. L’objectif est de donner des moyens satisfaisants aux services publics qui, dans notre esprit tout au moins, ont un rôle essentiel à jouer dans la cohésion sociale et le dynamisme économique. C’est dans cet esprit que nous préparons le budget de 2001.
        J’évoquerai ensuite ce qui se passe en Europe, où nous observons un mouvement général de réduction des déficits. Nous plaidons, à juste titre, me semble-t-il, pour une meilleure coopération des politiques économiques - on a même parlé, en ce qui concerne la France, d’un « gouvernement économique ». Sans passer évidemment sous les fourches caudines de qui que ce soit, nous sommes amenés à concerter nos politiques avec celles de nos voisins. Nous aurons, sur tel ou tel point, des inflexions, des différences, des disparités, ce qui est tout à fait normal car, s’il y a l’unité européenne, les différentes nations ont aussi leur spécificité. Il demeure que nous observons dans les autres pays un mouvement général de réduction des déficits. Il en va de même en France, ce que j’ai traduit en vous donnant des chiffres.
        J’ai ainsi été conduit à parler de « surplus ». J’évite pour ma part le mot « cagnotte », qui ainsi que je l’ai dit à cette tribune dès ma nomination, me paraît déplacé ; en effet, quel particulier parlerait de « cagnotte » s’il avait en poche un « surplus » égal à 1 % de la dette qu’il a contractée ? Parlons donc plutôt de « surplus » et réjouissons-nous quand des surplus apparaissent.
        J’ai déjà dit que, pour l’année 2000, si des surplus devaient être constatés, nous les affecterions à la réduction des déficits. Cette façon de procéder nous permettra d’atteindre les chiffres que j’ai évoqués tout à l’heure, tout en sachant - ne l’oublions jamais ! - que les déficits d’un jour sont les impôts du lendemain.
        Je voudrais à cet égard, très brièvement mais très nettement, évoquer une partie d’un sujet qui sera, pour l’essentiel, traité, comme je l’ai annoncé, dans six semaines. Mais comme j’ai fait cette annonce la semaine dernière, il ne reste plus que cinq semaines. (Sourires.) Bref, je veux parler de la fameuse question des licences pour la troisième génération des téléphones mobiles. Je ne suis pas du tout en situation de vous préciser quel sera le choix du Gouvernement. De toute façon, ce n’est pas dans le cadre d’un débat budgétaire que nous devrions en discuter. Il y a plusieurs procédures possibles et toute une série de dispositions à prendre. Je puis cependant vous indiquer que les recettes ne seront en aucun cas affectées aux dépenses de fonctionnement de l’Etat... et qu’elles seront, pour l’essentiel, affectées à la réduction des déficits sous forme d’une dotation complémentaire au fonds de réserve des retraites.
        En effet, dès lors que les recettes sont tirées d’une technologie d’avenir, il est parfaitement logique qu’elles soient affectées pour leur grande part à la préparation solidaire de l’avenir. C’est la voie que suivra le Gouvernement.
        Quant aux charges, je ne reviendrai pas sur les discussions qui ont eu lieu ici et là. Ce que nous proposons n’est ni l’alpha ni l’oméga de la politique économique, mais c’est nécessaire pour des raisons tant de créativité et de localisation que d’harmonisation européenne. Nous continuerons donc, dans le futur, à maîtriser nos dépenses publiques. Le budget est un instrument essentiel de la politique économique, mais il n’a jamais été - malheureusement - un pactole !
        Troisième mot d’ordre, après la croissance et la constance : la transparence. Cette question n’a rien de nouveau, et nous avons tous à l’esprit non pas un, mais deux exemples récents.
        Je me suis laissé dire, mais peut-être mon information est-elle erronée, que l’une des raisons pour lesquelles l’assemblée précédente avait été dissoute, ce que l’on ne peut pas, surtout de ce côté-ci de l’hémicycle, contester c’était que telle ou telle direction, tel ou tel ministère, telle ou telle administration, avaient fait des prévisions qui avaient impressionné à ce point en haut lieu que l’on avait considéré que, décidément, il était absolument impossible de mener une politique économique satisfaisante, qu’en aucun cas on ne pouvait se qualifier pour l’euro et que donc, dans ces conditions, mieux valait dissoudre l’Assemblée nationale.
        Je répéterai ce qu’un autre orateur disait à cette tribune dans un autre débat : l’indignation que l’on peut avoir à cet égard n’a d’égal que la satisfaction que l’on peut également en ressentir.
        Il est de fait que la transparence n’est pas toujours absolue.
        Un débat, qui continuera, j’en suis sûr, dans les heures et les jours qui viennent, s’est engagé sur les « surplus » pour l’année 2000 et sur les remarques formulées par tel ou tel organisme. Je m’empresse de dire, d’autant plus que des questions d’actualité sont souvent posées à ce sujet, que les remarques de cet organisme, que je respecte parfaitement - je parle de la Cour des comptes - s’expliquent essentiellement par une différence d’approche des périmètres.
        Quoi qu’il en soit, que l’on prenne l’exemple de l’année 1997 ou d’autres, le constat me paraît évident : nous avons besoin, mesdames et messieurs les députés, de plus de transparence.
        Il ne s’agit pas d’une question simplement technique, comme on le dit parfois. Il y va de la conception démocratique et de l’efficacité du service public. Car il existe une sorte de triangle formé par la transparence, la démocratie parlementaire et l’efficacité de la dépense. Tout cela va ensemble.
        Je dirai donc, en bon français, que nous avons besoin d’une véritable glasnost budgétaire.
        Un certain nombre de mesures de transparence vous seront proposées dès le prochain exercice budgétaire, donc dans le budget que vous aurez à examiner à l’automne et dont nous abordons aujourd’hui les grandes lignes.
        Ainsi et premièrement, les lettres de cadrage du Premier ministre seront désormais communiquées aux membres des commissions des finances.
        Deuxièmement, nous opérerons une neutralisation des changements de technique et de périmètre en adoptant une charte de budgétisation qui ne sera pas modifiée pour faciliter les comparaisons d’une année sur l’autre.
        Troisièmement, afin de mieux garantir la sincérité des prévisions de recettes, nous demanderons dorénavant son avis à la Commission économique de la nation sur les prévisions de recettes qui sont celles du Gouvernement, avant même de saisir votre commission des finances.
        Quatrièmement, nous informerons, et nous ouvrirons avec elles la discussion, les commissions des finances sur les programmes pluriannuels des finances publiques transmis à l’Union européenne, éléments sur lesquels il n’y avait pas lieu jusqu’à présent à discussion.
        Cinquièmement, nous fournirons, pour chaque ministère, à partir du budget qui vous sera présenté à l’automne, avec des indicateurs affectés, un résumé lisible, compréhensible, des objectifs, des coûts et des résultats quantifiés.
        Sixièmement, nous opérerons une description complète des dépenses publiques et en particulier pour ce qui concerne la lisibilité des relations entre l’Etat et la sécurité sociale ainsi que l’ensemble des emplois publics.
        Septièmement, nous enverrons à tous les contribuables, en même temps que la déclaration de l’impôt sur le revenu, une information synthétique sur le budget pour lequel cet impôt sera demandé.
        Huitièmement, nous fournirons un compte rendu de l’état réel des finances publiques, qui permettra notamment de connaître le déploiement de la comptabilité d’exercice, les coûts complets et l’utilisation du patrimoine de l’Etat, ainsi que les engagements futurs de l’Etat - je pense en particulier aux garanties. Nous fournirons ainsi une comptabilité hors bilan.
        Neuvièmement, nous donnerons un rôle clé à l’efficacité de la gestion à travers le développement du contrôle de gestion, l’évaluation systématique de l’action publique en liaison avec la Mission d’évaluation et de contrôle, et le développement de la contractualisation.
        Dixièmement, nous opérerons une accélération des comptes rendus et des contrôles parlementaires en déposant le projet de loi de règlement au mois de juin, avant même la discussion du projet de loi de finances pour l’année suivante. Vous pourrez donc discuter du projet de loi de règlement à l’automne.
        Onzièmement, nous améliorerons le suivi de la relation entre les prévisions de la loi de finances et l’exécution en rendant désormais publics des comptes rendus annuels de gestion pour chaque ministère et en publiant les rapports au Premier ministre associés aux décrets de virements ou d’avances pour préciser les mouvements de gestion.
        Douzièmement, nous communiquerons aux présidents et aux rapporteurs généraux des commissions des finances la situation budgétaire de l’Etat tous les quinze jours.
        Tout cela sera mis en œuvre dès le budget de cet automne.
        Au nom du Gouvernement, je dis mon accord pour préparer, une fois connus les résultats de la mission Migaud, la réforme de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances.
        Mesdames et messieurs les députés, la transparence - prenons-y garde - ne doit pas empêcher la délibération interne de l’administration, ni la délibération gouvernementale. Ne confondons pas les genres, comme on a parfois tendance à le faire. Nous estimons néanmoins que la transparence est essentielle à la démocratie et à la gestion efficace de l’Etat, et je sais que cette maison y est très attachée. J’ai eu l’occasion d’y travailler avec vous tous lorsque je présidais l’Assemblée. Il me paraît normal qu’en changeant de fonctions, je ne change pas de convictions.
        Je ne saurais conclure sans aborder, brièvement, deux points.
        D’abord, l’euro et l’Europe forment un cadre absolument incontournable pour notre débat.
        Le Premier ministre a expliqué en des termes choisis ce que seraient les objectifs de la présidence française. Lorsque l’on aborde la question de l’euro, il ne faut jamais oublier que les résultats que je vous ai rappelés il y a un instant et ceux que, nous l’espérons tous, nous pourrons atteindre, ne sont pas séparables de la décision de faire de l’euro la monnaie unique et de voir la France y participer avec force.
        C’est très largement l’euro qui nous a servi de « bouclier monétaire » en nous mettant à l’abri des turbulences internationales. N’oublions pas non plus que les trois quarts de notre commerce se font avec nos voisins situés dans la zone euro.
        C’est aussi très largement l’euro qui a eu pour conséquence le développement de la coordination des politiques économiques, laquelle nous permet de donner plus d’efficacité à la politique économique française.
        C’est pourquoi, sachant que les fondamentaux de l’économie européenne, et singulièrement de l’économie française, sont bons, je ne doute pas que, au-delà de telle ou telle turbulence, l’euro saura être une monnaie solide, stable, permettant des taux d’intérêt bas ; je le répète, c’est nécessaire pour notre développement économique. Nous devrons surtout avoir cela présent à l’esprit l’année prochaine, lorsque nous préparerons, avec encore plus d’énergie que cette année, le passage concret à l’euro, qui, pour les Français, sera un bouleversement de première grandeur ; en effet, pour la première fois, ils auront l’Europe dans leurs poches, si je puis dire. Nous ne pouvons pas rater ce passage déterminant sur le plan politique comme sur le plan psychologique et sur le plan économique. Sur cette question, je veux vous faire passer un message d’optimisme et de volonté.
        Mon deuxième message concerne la politique des finances publiques. Je ne pense pas qu’une politique des finances publiques puisse être bonne en soi. Elle est bonne ou elle est néfaste pour la cohésion du pays, pour la solidarité, pour les réformes. En ce qui me concerne, je ne sépare jamais les considérations sur les finances publiques de celles sur l’économie des réformes que nous avons à entreprendre.
        Si beaucoup de réformes sont encore devant nous, nous en avons déjà opéré certaines. Je parle volontiers de la « croissance réformatrice » parce que je pense que ces dernières, pour une bonne part, sont responsables de la croissance actuelle. Et cette croissance n’a elle-même de sens que si elle sert à réaliser les réformes que nos compatriotes attendent.
        S’agissant du service public et de l’Etat, ce n’est pas faire offense aux administrations de constater qu’elles ne sont pas encore toujours en mesure de rendre compte comme il le faudrait de leurs performances. Nous savons, les uns et les autres, que l’Etat s’est d’abord organisé pour veiller à l’application uniforme des lois au moyen d’un contrôle détaillé exercé par la hiérarchie administrative. C’est seulement assez récemment que l’exigence d’efficacité de l’action administrative est venue au premier plan des attentes de la société et qu’elle se retrouve dans les comptes demandés par la représentation nationale, c’est-à-dire par vous-mêmes. Ces attentes doivent être satisfaites grâce à plusieurs outils. J’en ai cité quelques-uns : la mesure des résultats socio-économiques, l’amélioration des modes de gestion des services, la démarche de la qualité.
        La réforme que nous engageons, avec Mme Parly et les autres secrétaires d’Etat, dans le ministère que je dirige, ira délibérément en ce sens. Loin de porter atteinte à la nature même de l’Etat, je considère que son efficacité est l’une des conditions de sa légitimité à long terme et la justification des réformes indispensables. Seuls ceux qui, par idéologie, récusent l’Etat, peuvent vouloir son inefficacité et son immobilisme.
        Au contraire, ceux qui, comme beaucoup d’entre nous, plaident pour le service public, doivent aussi plaider pour son efficacité, donc pour sa transparence, pour son meilleur contrôle et pour un rôle accru du Parlement.
        Je le disais l’autre jour à des syndicalistes, j’estime qu’il n’y a pas d’opposition entre l’efficacité de l’Etat et sa réforme. L’un des problèmes actuels les plus angoissants, c’est le creusement d’un fossé entre le public et le privé que l’on constate parfois. D’ailleurs, des personnes du privé, quelles que soient leurs convictions, nous demandent si nous allons être capables de réformer convenablement l’Etat.
        Dans l’esprit de beaucoup d’entre nous, et en tout cas dans le mien, c’est précisément parce que l’Etat a un rôle à jouer - pas un rôle envahissant, mais un rôle primordial, un rôle d’impulsion, d’accompagnement, de maîtrise - que nous devons le réformer dans le sens d’une plus grande efficacité et d’une plus grande justice. Le budget que vous serez appelés à examiner à l’automne le permettra.
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