S O M M A I R E

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iii.  à la recherche des causes : l’inconstance des gouvernements, les défaillances des pouvoirs locaux, la puissance des réseaux d’intérêt (suite)

C.– L’éclatement et les ambiguïtés des pouvoirs locaux *

1.  Le " maquis institutionnel " *

a) Une Collectivité territoriale sui generis *

·  De 1982 à 1992, le " laboratoire " institutionnel *

·  Des spécificités institutionnelles fortes *

·  Le nécessaire examen du rôle des offices et agences *

b) La bi-départementalisation *

c) L’émiettement communal *

2.  Le manque de rigueur des collectivités locales *

a) Une gestion financière et comptable problématique *

·  Les communes corses ont une marge financière réduite et un train de vie élevé *

·  Les factures impayées deviennent courantes *

·  Les comptes des communes manquent de sincérité *

b) L’application difficile des règles d’urbanisme *

c) La passation des marchés publics *

3.  Les stratégies ambivalentes des responsables locaux *

a) Des pouvoirs locaux qui n’ont pas pris la mesure de leurs responsabilités *

·  Des pouvoirs locaux qui ont encore l’habitude d’attendre tout de Paris *

·  Des pouvoirs locaux qui manquent de vision générale *

b) Des pouvoirs locaux qui pratiquent la stratégie du " toujours plus " *

c) Le difficile positionnement des élus locaux *

 

C.– L’éclatement et les ambiguïtés des pouvoirs locaux

L’architecture institutionnelle de la Corse serait, pour certains élus locaux qui la jugent particulièrement complexe, à l’origine de l’éparpillement des responsabilités, éparpillement qui retarderait la détermination des grandes orientations du développement ou de l’aménagement de l’île. Plus que la bi-départementalisation et qu’un émiettement communal non compensé par une intercommunalité quasi inexistante, c’est le dispositif issu de la loi du 13 mai 1991 qui est, largement à tort, d’abord mis en cause.

Pourtant, la gestion financière et comptable problématique de bon nombre de communes corses, l’application difficile des règles d’urbanisme et les conditions de passation des marchés publics témoignent d’un manque de rigueur qui s’avère davantage préoccupant et lourd de conséquences.

Surtout, les responsables locaux mettent en œuvre des stratégies critiquables par leur ambivalence. Parce qu’ils n’ont pas encore pleinement pris la mesure des responsabilités exceptionnelles que leur reconnait le statut particulier, ils s’en tiennent encore trop souvent au discours, adressé à Paris, du " toujours plus ". Surtout, dans le contexte difficile résultant de l’assassinat du préfet Claude Erignac, la commission d’enquête constate, hélas, des silences regrettables ou les propos de ceux qui, sous couvert de dénonciation d’un hypothétique " racisme anti-Corse ", marquent une distance vis-à-vis de la politique de rétablissement du droit, qu’ils appelaient pourtant de leurs vœux dans les discours d’hier.

1.  Le " maquis institutionnel "

260.000 habitants. Une Collectivité territoriale aux compétences élargies par rapport à une région de droit commun et ayant la tutelle de six établissements publics industriels et commerciaux. Deux départements. Pas moins de 360 communes. De là, une impression de " trop plein " institutionnel qui a conduit certains à remettre en cause le statut de 1991. Pour sa part, la commission ne s’inscrit pas dans cette démarche et considère que la logique ayant présidé à l’adoption de la loi du 13 mai 1991 a permis à la Corse de faire l’expérience d’une décentralisation poussée, jugée positive. Il ne saurait être question d’un retour en arrière dans ce domaine. En revanche, on doit reconnaître que certains dysfonctionnements sont apparus dans la pratique.

a) Une Collectivité territoriale sui generis

La situation institutionnelle actuelle est le résultat de plus de quinze ans de pratique dérogatoire de la décentralisation, puisque la première loi de décentralisation concernant la Corse date de 1982.

Le statut particulier de 1991 a donné à la Corse un système original et complexe reposant sur la dissociation d’une assemblée territoriale et d’un exécutif qui, émanant de celle-ci, est responsable devant elle. Ce système a été assorti de démembrements de l’autorité régionale à travers la création ou le maintien de six agences et offices qui ont pris la forme d’établissements publics industriels et commerciaux territoriaux.

La Corse a été dotée d’institutions sui generis qu’elle n’a pas toujours su ou pu gérer dans le sens des intérêts des Corses. Lors de son audition devant la mission d’information sur la Corse, le 11 décembre 1996, M. Jean Baggioni, président du Conseil exécutif de Corse, déclarait : " on nous a livré une voiture dont on m’a donné la clé de contact. On ne m’a pas donné le carburant, on ne m’a pas donné le mode d’emploi. En plus, il s’agissait d’un prototype. Il fallait conduire. Nous l’avons fait tant bien que mal et je porte témoignage aujourd’hui que le statut de la Corse est une très large avancée dans la décentralisation. "

·  De 1982 à 1992, le " laboratoire " institutionnel

La spécificité des institutions de la Corse établies par le statut particulier Defferre de 1982 a été parfois exagérée. Une des principales originalités de la loi du 2 mars 1982 tenait à la dénomination symbolique de divers organes : on parle depuis 1982 d’Assemblée de Corse, de conseil économique et social (devenu depuis la loi de 1991 le conseil économique, social et culturel de Corse). En fait, le statut de 1982 apparaît aujourd’hui comme une anticipation du mouvement de décentralisation qui concerna quelques années plus tard l’ensemble des régions françaises. C’est en cela que l’on peut dire que la Corse a constitué un laboratoire de la décentralisation en France.

Dans la deuxième moitié des années 80, certains élus corses souhaitèrent aller plus loin sur le terrain de la spécificité institutionnelle. Le 13 octobre 1988, l’Assemblée de Corse adoptait une motion affirmant l’existence d’une " communauté historique et culturelle vivante regroupant les Corses d’origine et les Corses d’adoption : le peuple corse ". Par cette motion, cette Assemblée demandait au gouvernement d’" adopter une loi-programme dans un délai de six mois pour faire valoir les droits du peuple corse à la préservation de son identité culturelle et à la défense de ses intérêts économiques et sociaux spécifiques dans le cadre de la Constitution française ".

Dès le 29 septembre 1988, le ministre de l’Intérieur avait pris l’initiative de mettre en place un comité interministériel consacré au développement culturel, économique et social de la Corse, présidé par le Premier ministre, et chargé de " mener dans l’île une politique qui prépare l’avenir tout en respectant l’identité originale que tous les Corses puisent dans leur longue histoire ".

Le gouvernement de l’époque se déclara ouvert aux propositions de réforme du statut particulier afin d’aller dans le sens d’une plus grande efficacité des institutions locales. Les discours de divers élus corses et des responsables nationaux se rejoignaient pour affirmer que le nouveau statut devrait permettre une meilleure maîtrise de leur destin par les Corses. Le ministre de l’Intérieur engagea alors un débat avec les organisations démocratiques le souhaitant sur l’évolution des institutions. Dans une lettre ouverte aux élus en date du 23 mai 1990, M. Pierre Joxe précisait son intention de procéder à une nouvelle définition des institutions locales en dehors du droit commun des régions.

L’exposé des motifs du projet de loi qui fut présenté par Pierre Joxe éclaire les objectifs poursuivis par le gouvernement. Il s’agissait, d’après ce projet, de " rechercher des solutions durables au problème de la Corse, dans une perspective de développement économique, social et culturel de l’île et dans le respect de l’État de droit et de la paix civile ".

D’un point de vue politique, le projet de loi visait à reconnaître l’existence d’un " peuple corse, composante du peuple français " et à lui garantir des droits spécifiques liés à l’insularité en matière culturelle et économique. Cette disposition, censurée par le Conseil constitutionnel le 9 mai 1991, allait au-delà des dispositions de la loi du 2 mars 1982 portant statut particulier de la région de Corse qui, dans son article 1er alinéa 2, prenait seulement en compte les " spécificités résultant, notamment, de la géographie et de l’histoire de la Corse " et se bornait à donner " aux Corses " (le terme " peuple corse " utilisé dans l’exposé des motifs avait finalement été retiré du texte transmis au Parlement) la maîtrise de leur développement économique et la préservation et de l’enrichissement de leur culture. En second lieu, le projet de loi de Pierre Joxe visait à restaurer la paix civile et réaffirmer l’autorité de l’État.

Dans sa décision rendue le 9 mai 1991, le Conseil constitutionnel considéra que le fait d’avoir prévu une " organisation spécifique à caractère administratif de la Collectivité territoriale de Corse " (selon ses termes) ne méconnaissait pas l’article 72 de la Constitution. Les auteurs de la saisine estimaient, en effet, que le statut proposé n’avait rien de commun avec celui des collectivités territoriales métropolitaines et s’apparentait en fait à une organisation particulière réservée par l’article 74 de la Constitution aux territoires d’outre-mer. Le Conseil constitutionnel estima, pour sa part, que rien ne faisait obstacle à ce que le législateur, agissant sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution, crée une nouvelle catégorie de collectivité territoriale même ne comprenant qu’une unité et la dote d’un statut spécifique, dès lors que celui-ci était conforme au principe de libre administration des collectivités territoriales et respectait les prérogatives de l’État.

Le statut se mit en place durant l’année 1992. L’Assemblée de Corse se renouvela le même jour que les élections des conseils régionaux, le 22 mars et le 29 mars, pour le deuxième tour. A la différence des conseils régionaux, la Corse forme une circonscription électorale unique. Le scrutin de 1992 vit la percée des nationalistes qui réunirent 25 % des voix ; la droite, alliée au MRG, conserva l’Assemblée de Corse et prit le contrôle du Conseil exécutif. La gauche qui enregistra de mauvais résultats ne fut pas en mesure de conserver la présidence du Conseil général de la Haute-Corse.

·  Des spécificités institutionnelles fortes

L’organisation administrative de la Collectivité territoriale de Corse est désormais régie par les articles 15 à 49 de la loi du 13 mai 1991. Les organes de la Collectivité territoriale de Corse comprennent l’Assemblée de Corse et son président, le Conseil exécutif de Corse et son président, assistés du Conseil économique, social et culturel de Corse. Les principales innovations résident, d’une part, dans la dissociation de l’organe délibérant et de l’exécutif de la collectivité territoriale et, d’autre part, dans la transformation des offices qui, de nationaux, sont devenus territoriaux.

Le nouveau schéma institutionnel s’est inspiré des techniques du parlementarisme. En effet, l’article 25 alinéa 1 du nouveau statut indique que " l’Assemblée règle par ses délibérations les affaires de la Collectivité territoriale et contrôle le Conseil exécutif ". Plus restreinte, la nouvelle Assemblée se compose de 51 membres, au lieu de 61 dans le précédent statut. Le nouveau statut organise également le régime des sessions, accentuant ainsi le caractère parlementaire de l’institution. Autre innovation importante, empruntée au parlementarisme rationalisé, le statut habilite l’Assemblée à mettre en cause la responsabilité du Conseil exécutif par l’adoption d’une motion de défiance. Celle-ci doit cependant être " constructive " afin de ne pas se transformer en facteur d’instabilité : l’exécutif ne peut être renversé sans que, préalablement, les groupes politiques à l’Assemblée de Corse n’aient conclu un accord pour constituer une nouvelle équipe susceptible de succéder à l’ancienne.

Lorsque le fonctionnement normal de l’Assemblée s’avère impossible, le gouvernement conserve la faculté de prononcer sa dissolution par décret motivé pris en Conseil des ministres. Le gouvernement en informe alors le Parlement dans le délai le plus bref possible et il est procédé à une nouvelle élection de l’Assemblée dans un délai de deux mois.

La loi du 13 mai 1991 a cherché, par ailleurs, à renforcer le rôle de l’exécutif, distinct de l’organe délibérant et responsable devant lui. C’est le Conseil exécutif, composé d’un président assisté de six conseillers, qui dirige l’action de la Collectivité, notamment dans les domaines du développement économique et social, de l’action éducative et culturelle et de l’aménagement de l’espace. Le Conseil exécutif fonctionne comme un organe collégial, mais son président y occupe une place prépondérante. Outre les pouvoirs classiques dévolus à un exécutif local, un pouvoir réglementaire très étendu lui est reconnu, ce qui lui permet de préciser les modalités d’application des délibérations de l’Assemblée de Corse (même si ses arrêtés sont délibérés en Conseil exécutif). Le président du Conseil exécutif détient, en outre, la maîtrise de l’ordre du jour de l’Assemblée. Comme les autres membres du Conseil exécutif, il dispose d’un droit d’accès aux séances de l’Assemblée. Enfin, c’est lui qui désigne les présidents des offices et agences au sein des membres du Conseil exécutif. Il a la charge de contrôler le fonctionnement de ces structures comme le prévoient leurs statuts.

·  Le nécessaire examen du rôle des offices et agences

Le statut de 1991 a maintenu (par les articles 65, 66 et 74 de la loi de mai 1991), les offices de développement agricole et rural (ODARC), d’équipement hydraulique (OEHC) et des transports (OTC). Il en a ajouté un nouveau : l’office de l’environnement (OEC). Ces organismes ne sont plus des établissements publics nationaux, comme en 1982, mais des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) de la Collectivité territoriale. Ainsi, depuis 1992, ils ne relèvent plus de l’État, mais de l’échelon régional. Cependant, le représentant de l’État assiste de plein droit aux réunions de leur conseil d’administration et devient destinataire de leurs délibérations. Chacun de ces offices est présidé par un membre du Conseil exécutif désigné par le président du Conseil exécutif, et leur gestion est assurée par un directeur nommé sur proposition du président de l’office par arrêté délibéré en Conseil exécutif.

Deux structures ne sont pas expressément qualifiées d’offices par la loi de 1991. Il s’agit, d’une part, de l’institution spécialisée chargée des actions de tourisme en Corse, l’ATC (agence du tourisme de la Corse), qui a ainsi succédé au comité régional du tourisme (par dérogation à la loi du 3 janvier 1987 relative à l’organisation régionale du tourisme). D’autre part, l’agence de développement économique de la Corse (ADEC) a été créée sous la forme d’un EPIC. A la différence des autres établissements, elle n’était pas prévue expressément par la loi de 1991, ce qui explique qu’elle ne dispose pas d’autonomie financière ni de la possibilité de gérer directement les crédits d’intervention de la Collectivité territoriale. L’ADEC s’est substituée, à partir d’octobre 1992, à l’IRCIG (institut régional pour le commerce, l’innovation et la gestion), association de la loi 1901.

Tous ces établissements se sont donc vus accorder la qualité d’EPIC. Dans son rapport général de septembre 1996 (portant sur les activités de 1995), la commission de contrôle des agences et offices de l’Assemblée de Corse écrivait : " Mis à part l’ODARC et l’office d’équipement hydraulique qui génèrent des recettes propres, les quatre autres méritent-ils vraiment le statut d’établissement à caractère industriel et commercial ? La question est posée tout en gardant à l’esprit la nécessité d’une concertation permanente avec nos partenaires, au sein d’instances mixtes. "

De par l’importance des compétences et des moyens qui leur sont délégués, ces établissements jouent un rôle essentiel dans la mise en œuvre des politiques définies par l’Assemblée de Corse sur proposition du Conseil exécutif. La Collectivité territoriale n’a conservé que fort peu de compétences directes dans les domaines où ces EPIC interviennent : le développement agricole, l’équipement hydraulique, les transports extérieurs, le développement économique, l’environnement et le tourisme.

Les instances institutionnelles de ces établissements comprennent aussi bien des membres de l’Assemblée de Corse que des représentants des partenaires économiques et sociaux de la région. Il apparaît que le poids des élus de la Collectivité territoriale de Corse dans le fonctionnement et les activités de ces établissements est inégal selon les cas. Se pose la question de la présence des élus dans les conseils d’administration. Les représentants de la Collectivité territoriale sont minoritaires au sein des conseils d’administration de l’ODARC, de l’office hydraulique et de l’agence du tourisme, comme le montre le tableau ci-dessous.

 

 

COMPOSITION DES CONSEILS D’ADMINISTRATION

 

ODARC

OEHC

OTC

OEC

ADEC

ATC

Représentants de la Collectivité territoriale de Corse

10

14

17

15

13

13

Socio-professionnels

10

11

16

0

4

4

Autres membres

5

7

1

14

7

10

TOTAL

 

25

32

34

29

24

27

Source : Commission de contrôle des agences et offices

ODARC : office de développement agricole et rural de Corse – président actuel : José Galletti – précédent président : Alexandre Alessandrini

OEHC : office d’équipement hydraulique de la Corse – président actuel : Jérôme Polvérini – précédent président : Jean Baggioni

OTC : office des transports de la Corse – président actuel et précédent : François Piazza-Alessandrini

OEC : office de l’environnement de la Corse – président actuel : Pierre-Philippe Ceccaldi – précédent président : Paul Giacobbi

ADEC : agence de développement économique de la Corse – président actuel : Jean-Claude Guazzelli – précédent président : Paul Patriarche

ATC : agence du tourisme de la Corse – président actuel : Marie-Paule Mancini-Néri – précédent président : Xavier Villanova

 

De même, l’ODARC procède à un volume important d’individualisations des crédits au sein d’une commission technique permanente qui ne comprend que trois représentants de la Collectivité territoriale sur huit membres.

Le taux de présence des élus dans les conseils d’administration et les bureaux demeure faible, surtout si on le compare à celui des socio-professionnels, qui assistent de façon plus régulière aux réunions.

 

TAUX DE PRESENCE AU SEIN DES CONSEILS D’ADMINISTRATION EN 1995 ET 1996

 

ODARC

OEHC

OTC

OEC

ADEC

ATC

Représentants de la CTC

En 1995

En 1996

 

 

47 %

76 %

 

43 %

43 %

 

30 %

30 %

 

50 %

57 %

 

30 %

28 %

 

15 %

35 %

Socio-professionnels

En 1995

En 1996

 

 

75 %

84 %

 

67 %

78 %

 

80 %

80 %

 

 

41 %

33 %

 

27 %

25 %

Autres membres

En 1995

En 1996

 

 

85 %

95 %

 

83 %

79 %

 

 

40 %

75 %

 

72 %

66 %

 

20 %

20 %

 

Source : Rapport de la commission de contrôle de septembre 1997

Les conditions de fonctionnement des offices différent d’un cas à l’autre.

 

INSTANCES QUI DECIDENT DE L’INDIVIDUALISATION

DES CREDITS D’INTERVENTION

ODARC

Commission technique permanente (CTP)

Composition : 8 membres :

- le président de l’ODARC

- 2 conseillers territoriaux (taux de présence 50 %)

- 5 socio-professionnels (taux de présence 65 %)

OEHC

Commission technique pour le matériel mobile d’irrigation

6 membres

OEC

Bureau

ADEC

Conseil exécutif

ATC

Bureau par délégation du conseil d’administration

 

 

 

De même les compétences des EPIC résultent parfois d’anciens textes rénovés après 1991.

Les compétences des agences et offices

avant l’adoption du statut de 1991

 

 

Missions

Avant l’entrée en vigueur de la loi du 13 mai 1991

 

ODARC

Décret du 28 juillet 1983 relatif à l’organisation et au fonctionnement de l’ODARC.

– coordonnait l’ensemble des actions de développement de l’agriculture et de développement du milieu rural

– orientait et animait la politique foncière agricole

OEHC

Cet EPIC a remplacé la SOMIVAC créée en 1957 dans le cadre des plans d’action régionaux. Les compétences de la SOMIVAC sont désormais assumées par deux EPIC : l’ODARC et l’OEHC.

OTC

Le statut de 1982 conférait à l’office des compétences en matière de dessertes, de tarifs et de moyens. Jusqu’en 1992, la SNCM ne pouvait passer des commandes de navires qu’après un avis favorable de l’office.

ADEC

Jusqu’en 1992, il existait une association loi 1901, l’IRCIG, institut régional pour le commerce, l’innovation et la gestion, qui gérait l’ensemble des problèmes économiques et quelques aides directes aux entreprises.

ATC

Avant 1991, les compétences de cet EPIC étaient assumées par le comité régional du tourisme de Corse.

 

 

LES MISSIONS ACTUELLES DES AGENCES ET OFFICES

 

OFFICES 

ET AGENCES

 

DATES DE CREATION

 

MISSIONS ACTUELLES

 

 

 

 

ODARC

Loi du 30 juillet 1982, décret de juillet 1983 – office maintenu par la loi du 13 mai 1991

* Article 65 de la loi de 1991 : l’office est " chargé, dans le cadre des orientations définies par la CTC, de la mise en œuvre d’actions tendant au développement de l’agriculture et de l’équipement du milieu rural. "

* L’office réalise tous travaux d’équipement et de modernisation des exploitations

* Il gère deux stations d’expérimentation agricole : Migliacciaro et Altiani, réalise des études et essais

* Il est chargé d’un programme régional de travaux d’amélioration pastorale dans le cadre de la prévention des incendies.

* Son service forestier a pour objectif de donner à la forêt privée les moyens de sortir de l’abandon et d’interrompre sa dégénérescence

 

 

 

 

OEHC

Loi du 30 juillet 1982, décret de juillet 1983 – office maintenu par la loi du 13 mai 1991

* Il étudie, réalise et exploite

- les équipements nécessaires au prélèvement, au stockage et au transfert des eaux,

- les réseaux collectifs d’irrigation et d’assainissement des terres agricoles,

- des ouvrages à destination énergétique dont la puissance est inférieure à 8000 kw,

- des ouvrages relatifs aux milieux aquatiques et marins.

* Il assure, en liaison avec l’ODARC, les actions d’accompagnement liées à la mise en valeur des terres irriguées.

 

OTC

Loi du 30 juillet 1982 – maintenu par la loi du 13 mai 1991

* Il est compétent en matière de transports maritimes et aériens, et doit gérer la dotation de la continuité territoriale

* Il négocie des conventions quinquennales avec les compagnies concessionnaires du service public du transport maritime.

 

 

 

ADEC

Créée par l’Assemblée de Corse le 23 octobre 1992.

* Elle doit impulser, coordonner et animer le développement économique de la Corse

* Elle aide à la création d’entreprises, d’emplois, au recrutement de cadres de haut niveau

* Elle soutient des projets d’investissement et d’extension (par la bonification des taux d’intérêt des aides directes à l’investissement)

* Elle aide à la restructuration financière des entreprises (par la bonification de prêts de consolidation)

* Elle facilite l’accès au marché national et international

* Elle favorise la création de zones d’activités.

 

 

 

 

OFFICES 

ET AGENCES

 

DATES DE CREATION

 

MISSIONS ACTUELLES

 

ATC

Prévue par la loi du 13 mai 1991 – a succédé au comité régional du tourisme.

* Elle assure la promotion touristique de l’île (produits)

* Elle met en œuvre une politique d’aide à la modernisation de l’hébergement touristique

* Elle doit favoriser le développement du tourisme rural

* Elle aide à la diversification de la production touristique (produits commercialisés).

 

 

 

OEC

 

Loi du 13 mai 1991

* Il est chargé, dans le cadre des orientations définies par la CTC, de s’assurer de la protection, de la mise en valeur, de la gestion, de l’animation et de la promotion du patrimoine de la Corse

- protection et gestion des espaces et des équilibres naturels, des espèces végétales et animales, des milieux aquatiques et marins

prévention des incendies

- lutte contre les pollutions et nuisances

- sensibilisation et éducation à l’environnement de tous les publics

* Il coordonne la politique régionale d’environnement.

 

Au total, le système actuel semble ne satisfaire que peu d’acteurs locaux et nationaux, et de nombreux élus corses se disent sceptiques quant à la capacité de ces divers établissements à remplir efficacement les missions importantes qui leur sont dévolues. La commission d’enquête a entendu de la part de témoins provenant d’horizons différents des critiques similaires.

Les satellites de la Collectivité territoriale ont fait l’objet d’un certain nombre d’investigations de la commission, qui a adressé des questionnaires à l’ensemble de ces structures et s’est rendue successivement dans les locaux de l’agence de développement économique de la Corse (ADEC), dans ceux de l’office de développement agricole et rural de la Corse (ODARC) et, enfin, dans ceux de l’office des transports de Corse (OTC). A l’issue de ses travaux, la commission d’enquête a pu établir un certain nombre de propositions qui figurent dans la dernière partie du rapport.

 

b) La bi-départementalisation

Renouant avec l’époque où l’île était divisée entre le Golo et le Liamone, la loi du 15 mai 1975 portant réorganisation de la Corse a donné naissance à deux départements qui sont parmi les plus petits de la France métropolitaine tant en ce qui concerne la superficie (la Haute-Corse se classe 80ème sur 96 et la Corse-du-Sud 85ème) que la population. Avec respectivement 126.000 et 135.000 habitants en 1998, la Corse-du-Sud et la Haute-Corse se classent au 94ème et 92ème rang des départements par ordre de population décroissante.

Cette petite taille se retrouve également en ce qui concerne les données financières. Avec plus de 865.000 francs de dépenses réelles totales en 1996, la Corse-du-Sud se situe au 85ème rang des départements par ordre décroissant de dépenses, et la Haute-Corse, avec près de 840.000 francs, au 87ème rang. Par contre, selon le critère des dépenses réelles totales par habitant, les deux départements corses se classent au 1er rang pour la Corse-du-Sud (7.315 francs par habitant) et au 3ème pour la Haute-Corse (6.367 francs par habitant).

Même si la limite entre les deux départements apparaît comme géographiquement bien réelle, on peut s’interroger sur les avantages de ce découpage. La bi-départementalisation a entraîné la multiplication par deux des différentes instances politiques et administratives ainsi que des Chambres consulaires dans l’île, voire parfois par trois, un échelon régional coiffant dans certains cas les institutions départementales (cas des Chambres d’agriculture).

c) L’émiettement communal

La Corse compte 360 communes, ce qui représente 1 % du nombre total des communes de France.

Etant donné la population de l’île, ces communes sont évidemment de petite taille : 304 (soit 84%) comptent moins de 700 habitants, 31 (soit 9%) comptent entre 700 et 2.000 habitants, 21 (soit 6%) entre 2.000 et 5.000 habitants, 2 (Corte et Porto-Vecchio) entre 5.000 et 10.000 habitants et 2 (Ajaccio et Bastia) plus de 10.000 habitants.

Cet émiettement communal peut se retrouver dans d’autres départements ruraux du continent. Mais en Corse, il apparaît qu’il n’est pas compensé par un développement satisfaisant de la coopération intercommunale.

S’agissant des groupements sans fiscalité propre (syndicats à vocation unique, syndicats à vocation multiple et syndicats mixtes), leur nombre ne s’élevait qu’à 122 en 1996 (dernière année connue), dont 71 syndicats à vocation unique. Il apparaît que toutes les communes de Corse appartiennent au moins à un de ces groupements et à plus de 3 en moyenne. La moyenne nationale est plus élevée puisqu’elle dépasse 5.

Le retard de la coopération intercommunale concerne cependant surtout les groupements dotés d’une fiscalité propre (districts ou communautés de communes). Ils ne sont qu’au nombre de 8 au 1er janvier 1998 (6 communautés de communes et 2 districts). Ce nombre n’a augmenté que faiblement au cours des dernières années. Au district de Bastia créé en 1966, se sont ajoutés un second district en Corse-du-Sud en 1991, deux communautés de communes en 1992, une troisième en 1993 puis une chaque année depuis 1994.

Ces 8 groupements rassemblent 63 communes (soit 17,5% des communes de l’île) et 69.110 habitants (soit 27,7% de la population). Si l’on excepte le district de Bastia qui regroupe à lui seul 5 communes et près de 50.000 habitants, les 7 autres regroupements ne comptent que 19.265 habitants, ce qui illustre leur faible taille :

    • deux atteignent presque 5.000 habitants : district de l’Alta Rocca (12 communes, 4.909 habitants) et communauté de communes du Cap Corse (15 communes, 4.850 habitants),
    • une seule communauté de communes dépasse 3.000 habitants : celle de Fium’Orbu (4 communes, 3.424 habitants),
    • deux dépassent 2.000 habitants : celle de Moriani Tavagna (5 communes, 2.699 habitants) et celle du Taravu (9 communes, 2.192 habitants),
    • les deux dernières dépassent 1.000 habitants : celle des deux Sorru (8 communes, 1.667 habitants) et celle de la haute vallée de la Gravona (5 communes, 1.341 habitants).

Le faible nombre de groupements et la faible ampleur de ceux-ci témoignent donc d’une faible propension à la coopération de la part des élus communaux de l’île. De plus, le fonctionnement des structures communales apparaît difficile. Il n’est pas rare de constater dans les avis ou les lettres d’observation de la Chambre régionale des comptes que les communes ne versent qu’avec retard leurs cotisations, qu’elles continuent parfois d’intervenir dans des domaines qu’elles ont pourtant transférés au groupement auquel elles adhèrent.

Cette réticence vis-à-vis de la coopération intercommunale distingue la Corse des autres régions françaises. En ne considérant que les groupements à fiscalité propre et la part des communes et de la population qu’ils regroupent, il apparaît que la Corse est restée à l’écart du développement de la coopération intercommunale observé depuis 1993.

EVOLUTION DE LA PART DES COMMUNES ET DE LA POPULATION COUVERTES PAR UN ETABLISSEMENT DE COOPERATION INTERCOMMUNALE A FISCALITE PROPRE

 

 

1993

1998

 

Part des communes

Part de la population

Part des communes

Part de la population

Alsace

34,4

42,5

71,3

77,0

Aquitaine

8,7

33,7

41,4

52,7

Auvergne

4,2

8,2

23,1

38,6

Bourgogne

6,6

26,7

28,9

53,6

Bretagne

22,7

41,7

82,3

88,2

Centre

2,3

8,5

19,2

20,5

Champagne-Ardenne

12,5

32,4

47,9

61,3

Corse

6,9

23,9

17,5

27,7

Franche-Comté

5,5

28,9

29,3

58,5

Ile de France

15,1

9,3

24,5

12,1

Languedoc-Roussillon

9,5

20,3

32,0

43,6

Limousin

7,6

6,3

28,3

26,4

Lorraine

11,5

26,8

36,2

56,3

Midi-Pyrénées

10,5

30,8

42,1

63,5

Nord Pas de Calais

35,6

65,8

73,7

81,3

Basse Normandie

17,4

41,4

62,8

73,5

Haute Normandie

8,4

10,0

46,7

50,0

PACA

16,8

28,3

37,0

47,1

Pays de la Loire

22,1

43,2

80,5

85,7

Picardie

16,5

26,1

71,6

77,9

Poitou-Charentes

24,7

41,0

91,7

96,1

Rhône-Alpes

16,6

35,3

59,1

74,4

D.O.M.

0,0

0,0

54,9

56,1

France

13,8

27,4

47,9

57,5

Source : Direction générale des collectivités locales

Comme l’indique le tableau ci-dessus, si elle était à la traîne en 1993, la Corse l’était en compagnie de nombreuses autres régions et restait proche de la moyenne nationale. Parce que la coopération intercommunale a peu progressé en Corse depuis lors, celle-ci a été rattrapée par les régions les plus en retard ou distancée par les régions qui étaient déjà en avance. Elle a donc décroché de la moyenne nationale : la part de la population regroupée n’est, en 1998, que la moitié de la moyenne nationale (27,7% au lieu de 57,5%) alors qu’elle n’était que légèrement inférieure à celle-ci en 1993 (23,9% au lieu de 27,4%).

 

2.  Le manque de rigueur des collectivités locales

Les dysfonctionnements que l’on peut observer dans les comportements des communes de Corse sont nombreux. Du fait de l’émiettement communal, ceux-ci portent certes parfois sur des sommes dérisoires en termes absolus, mais présentent cependant une importance relative non négligeable.

Ces dysfonctionnements se rencontrent principalement dans trois domaines : la gestion financière et comptable, l’application des règles de l’urbanisme et la passation des marchés publics.

Dans la majorité des cas, ces dysfonctionnements ne manifestent pas une intention maligne ou une volonté délibérée de s’abstraire des règles applicables. Beaucoup des témoins entendus par la commission d’enquête ont souligné " le manque de professionnalisme " que l’on pouvait constater chez certains responsables locaux, qui conduirait à enfreindre des règles élémentaires presque par inadvertance. Un magistrat de la Chambre régionale des comptes faisait ainsi observer que " c’est plutôt la bonne volonté des maires pour gérer des communes ingérables et leur absence de professionnalisme et de connaissance de certains circuits qui les conduisent à recourir à des pratiques condamnables. Et comme, là non plus, elles n’ont pas été corrigées, on poursuit dans cette voie, de sorte qu’on note une permanence de la dérive ".

Ces dysfonctionnements découlent également à l’évidence des difficultés financières que rencontrent bon nombre de communes.

a) Une gestion financière et comptable problématique

Plusieurs témoins ont souligné, devant la commission d’enquête, que la situation financière de certaines collectivités était particulièrement compromise : " il existe tout de même des situations fragiles. Je crains, si l’activité touristique ne reprend pas, que l’on en arrive peu à peu à une situation très difficile, puisque des investissements lourds ne sont pas rentabilisés " expliquait ce même magistrat de la Chambre régionale des comptes.

·  Les communes corses ont une marge financière réduite et un train de vie élevé

" Par rapport à la moyenne nationale, le volume budgétaire par habitant des communes de Corse est d’un niveau élevé. En 1992, il se situe au troisième rang des régions après Provence-Alpes-Côte d’Azur et Languedoc-Roussillon. Les budgets communaux corses présentent des différences de structure dont les plus sensibles sont les suivantes : place très importante des dépenses d’équipement brut, recettes fiscales faibles, niveau élevé des transferts reçus (en recettes de fonctionnement) et des subventions et participations reçues (en section d’investissement).

A l’évidence, la demande des communes de Corse en équipements est très forte et les ressources internes très faibles. Les besoins d’équipement sont donc satisfaits par un apport important de ressources externes essentiellement en subventions et participations (…) La faiblesse en ressources internes se situe au niveau des recettes fiscales. Le produit des quatre grandes taxes locales dans la totalité des recettes réelles totales de l’exercice (…) est seulement de 19% en 1992 contre 30% en moyenne nationale.(…)

Par rapport à leurs homologues continentales, les dépenses de fonctionnement par habitant des communes corses sont supérieures. Frais de personnel, intérêts de la dette et dépenses courantes de gestion sont plus élevés ; par contre les transferts versés (…) sont plus faibles ".

Ce constat, réalisé en 1995 par l’INSEE de Corse sur la base des données relatives aux années 1991 et 1992, reste pour l’essentiel toujours valable quatre ou cinq ans plus tard.

Les données présentées ci-après portent sur l’exercice 1996, dernière année disponible. Portant sur l’exploitation des comptes de gestion des comptables publics, il s’agit des données réelles et non de simples prévisions budgétaires.

A l’exception des communes comptant entre 2.000 et 5.000 habitants et de la ville de Bastia, les dépenses de fonctionnement des communes corses sont sensiblement supérieures à la moyenne métropolitaine. On constate notamment que les 304 communes corses de moins de 700 habitants dépensent en moyenne autant par habitant que les communes françaises de 5.000 à 10.000 habitants. Cependant, il est clair que ce " train de vie " élevé est partiellement explicable par l’importance dans ces petites communes de la population non permanente.

MONTANT DES CHARGES DE FONCTIONNEMENT

(en francs par habitant)

 

Moins de 700 hab.

De 700 à 2.000 hab.

De 2.000 à 5.000 hab.

De 5.000 à 10.000 hab.

De 10.000 à 20.000 hab.

De 20.000 à 50.000 hab.

De 50.000 à 100.000 hab.

Plus de 100.000 hab.

Corse

4.877

4.331

3.730

5.427

sans objet

5.271

6.194

sans objet

France métropolitaine

2.861

3.082

3.839

4.831

5.654

6.417

7.135

6.691

Source : Direction de la Comptabilité publique

 

Parmi les charges de fonctionnement, le poids des charges de personnel se confirme. La disparité par rapport à la moyenne métropolitaine est encore une fois particulièrement forte pour les 335 communes corses de moins de 2.000 habitants. On notera également la confirmation du poids des dépenses de personnel dans la ville d’Ajaccio qui, exprimées en francs par habitant, dépassent le niveau atteint à Paris (3.937 francs par habitant à Ajaccio contre 3.402 pour la capitale).

 

 

CHARGES DE PERSONNEL DES COMMUNES CORSES

Moins de 700 hab.

De 700 à 2.000 hab.

De 2.000 à 5.000 hab.

De 5.000 à 10.000 hab.

De 10.000 à 20.000 hab.

De 20.000 à 50.000 hab.

De 50.000 à 100.000 hab.

Plus de 100.000 hab.

Montant des charges de personnel

(en francs par habitant.) :

               
  • Corse

1.752

1.724

1.661

2.803

sans objet

2.909

3.937

sans objet

  • France métropolitaine

871

1.088

1.490

2.109

2.699

3.140

3.475

3.085

Dans les produits de fonctionnement

(en %) :

               
  • Corse

30,1

34,9

37,9

47,5

sans objet

49,4

58,7

sans objet

  • France métropolitaine

23,2

28,1

31,9

37,6

42,1

44,1

43,9

39,9

Dans les charges de fonctionnement

(en %):

               
  • Corse

35,9

39,8

44,5

51,6

sans objet

55,2

63,6

sans objet

  • France métropolitaine

30,4

35,3

38,8

43,7

47,7

48,9

48,7

46,1

 

Source : Direction de la Comptabilité publique

 

La faiblesse des recettes internes, notamment celles issues de la fiscalité directe locale, est manifeste. Pour l’ensemble des strates démographiques, elles sont inférieures aux moyennes métropolitaines. On notera la modicité des recettes issues du foncier non bâti, à l’exception des deux communes comptant de 5.000 à 10.000 habitants. A l’inverse, la fiscalité pesant sur les ménages, au travers de la taxe d’habitation, est particulièrement élevée, notamment dans les communes de moins de 2.000 habitants où elle apparaît deux fois plus forte que la moyenne métropolitaine. Ainsi, le produit de la taxe d’habitation votée dans les communes de 700 à 2.000 habitants dépasse de 8% celui observé dans les villes moyennes (de 10.000 à 20.000 habitants) de l’ensemble du pays.

 

 

PRODUITS DES IMPOSITIONS DIRECTES

(en francs par habitant)

Moins de 700 hab.

De 700 à 2.000 hab.

De 2.000 à 5.000 hab.

De 5.000 à 10.000 hab.

De 10.000 à 20.000 hab.

De 20.000 à 50.000 hab.

De 50.000 à 100.000 hab.

Plus de 100.000 hab.

Foncier bâti :                
  • Corse

345

447

307

486

sans objet

491

517

sans objet

  • France métropolitaine

329

445

595

756

908

1.036

1.086

1.029

Foncier non bâti :                
  • Corse

11

22

20

77

sans objet

2

5

sans objet

  • France métropolitaine

272

154

82

44

27

15

14

7

Taxe d’habitation :                
  • Corse

567

760

509

762

sans objet

596

967

Sans objet

  • France métropolitaine

278

376

476

593

703

829

872

922

Taxe professionnelle :                
  • Corse

511

513

925

1.029

sans objet

636

1.265

sans objet

  • France métropolitaine

414

688

1.039

1.356

1.546

1.642

2.005

1.414

Total des 4 taxes :                
  • Corse

1.434

1.742

1.761

2.354

sans objet

1.725

2.754

sans objet

  • France métropolitaine

1.293

1.663

2.193

2.749

3.184

3.523

3.977

3.372

 

Source : Direction de la Comptabilité publique

Cette faiblesse relative du produits des impositions directes reflète la différence existant entre le potentiel fiscal moyen des communes corses et celui de l’ensemble des communes métropolitaines. Pour toutes les strates démographiques, le potentiel fiscal est sensiblement plus faible en Corse. Ainsi, le potentiel fiscal des plus petites communes corses, celles de moins de 500 habitants, ne représente que 71% de celui des communes métropolitaines appartenant à la même strate démographique.

 

 

POTENTIEL FISCAL DES COMMUNES EN 1998

(en francs par habitant)

Strates démographiques

 

(nombre de communes)

Moins de 500 hab.

 

(264)

De 500 à 999 hab.

 

(39)

De 1.000 à 1.999 hab.

(28)

De 2.000 à 3.499 hab.

(17)

De 3.500 à 4.999 hab.

(6)

De 5.000 à 7.499 hab.

(3)

De 7.500 à 9.999 hab.

(0)

De 10.000 à 14.999 hab

.(1)

Potentiel fiscal :                
  • Corse

1.228

1.757

2.102

2.416

2.504

2.248

sans objet

3.244

  • France métropolitaine

1.728

2.040

2.339

2.783

3.072

3.269

3.361

3.428

Strates démographiques

 

(nombre de communes)

De 15.000 à 19.999 hab.

(0)

De 20.000 à 34.999 hab.

 

(0)

De 35.000 à 49.999 hab

(1)

De 50.000 à 74.999 hab

(1).

De 75.000 à 99.999 hab.

(0)

De 100.000 à 199.999 hab.

(0)

Plus de 200.000 hab

(0).

Potentiel fiscal                
  • Corse

sans objet

sans objet

2.051

2.693

sans objet

sans objet

sans objet

 
  • France métropolitaine

3.545

3.535

3.979

4.401

3.902

3.704

5.283

 

 

Source : Direction générale des collectivités locales

 

Cette faiblesse des recettes internes est compensée d’abord par l’importance des transferts reçus par les communes corses, aussi bien en ce qui concerne le fonctionnement que l’investissement. Ainsi, pour les plus petites communes (celles de moins de 700 habitants), les transferts de toute nature sont plus du triple de ceux constatés dans l’ensemble de la France métropolitaine (5.213 francs par habitant au lieu de 1.697).

 

 

TRANSFERTS REÇUS

(en francs par habitant)

Moins de 700 hab.

De 700 à 2.000 hab.

De 2.000 à 5.000 hab.

De 5.000 à 10.000 hab.

De 10.000 à 20.000 hab.

De 20.000 à 50.000 hab.

De 50.000 à 100.000 hab.

Plus de 100.000 hab.

Fonctionnement :                
  • Corse (1)

2.115

1.607

1.261

1.657

sans objet

1.926

1.541

sans objet

  • France métropolitaine

911

800

858

952

1.021

1.088

1.276

1.424

Investissement :                
  • Corse

3.098

1.297

1.393

1.280

sans objet

642

344

sans objet

  • France métropolitaine

786

596

543

499

456

477

443

524

  1. Dotation globale de fonctionnement uniquement

 

Source : Direction de la comptabilité publique.

De même, il résulte de la faiblesse des recettes propres, et malgré l’importance des transferts, un endettement sensiblement plus élevé pour les communes corses et, en conséquence, des charges financières particulièrement lourdes. En cette matière également, la situation des 304 communes de moins de 700 habitants apparaît particulièrement dégradée.

 

ENDETTEMENT DES COMMUNES

(en francs par habitant)

 


Moins de 700 hab.

De 700 à 2.000 hab.

De 2.000 à 5.000 hab.

De 5.000 à 10.000 hab.

De 10.000 à 20.000 hab.

De 20.000 à 50.000 hab.

De 50.000 à 100.000 hab.

Plus de 100.000 hab.

Annuité de la dette :
  • Corse
  • France métropolitaine


1.066

615


887

784


1.075

986


1.250

1.154


sans objet

1.300


1.388

1.586


1.293

1.684


sans objet

1.714

Dette totale :
  • Corse
  • France métropolitaine


6.098

2.801


4.823

3.790


6.113

5.003


10.248

6.027


sans objet

6.533


7.028

7.065


8.720

8.115


sans objet

8.136

 

La rigidité des budgets liée au poids des charges de personnel et à l’existence de besoins élevés compréhensibles en matière d’équipement, la faiblesse des recettes propres, la dépendance à l’égard des transferts en provenance de l’extérieur et le poids de l’endettement, tout concourt à rendre la situation financière des communes de l’île particulièrement difficile. De ce fait, pour plusieurs communes le rééquilibrage du budget relève, selon la Chambre régionale des comptes, de la " formalité impossible ".

Comme l’expliquait un haut fonctionnaire prenant l’exemple de la Haute-Corse, " cinquante-quatre communes bénéficient, si j’ose dire, d’indicateurs d’alerte dans le réseau d’observation du Trésor public, c’est-à-dire un tiers des communes – soit un pourcentage tout à fait exceptionnel – allant du chef-lieu du département à de toutes petites communes, parfois dans des situations quasi désespérées ".

·  Les factures impayées deviennent courantes

Cette situation financière difficile des communes n’est pas étrangère à l’apparition d’un phénomène qui prend, en Corse, une importance grandissante, celui des factures qui restent impayées.

Comme l’a expliqué, devant la commission d’enquête, un haut fonctionnaire des finances : " Les engagements sont souvent pris à la légère, ce qui fait que les entreprises, au moment où elles veulent être payées, se heurtent au manque de disponibilités des collectivités locales ; d’où un dialogue de sourds tout à fait extraordinaire car de nombreuses collectivités locales ne mandatent pas les factures qu’elles ont reçues. Le préfet mène des enquêtes auprès des trésoriers qui sont capables de dire ce qui a été mandaté et non payé faute de facture disponible, mais incapables de dire ce qui n’a pas été mandaté. Et l’on entend les entreprises de travaux publics dire qu’il y a 400 millions de francs de dette, ce qui pour 260.000 habitants n’est pas négligeable, et le Trésor public dire qu’il y a 40 ou 50 millions de francs de dettes recensées, soit un facteur de un à dix. Tous les trésoriers que j’ai rencontrés sont persuadés qu’il existe, de façon variable selon les communes, mais parfois en quantité très importante, des stocks d’impayés en attente de mandatement, celui-ci étant fait d’ailleurs souvent sans qu’il y ait possibilité de payer. Mais on ne peut pas le faire de façon trop massive. Bien entendu, il est très difficile d’obtenir une statistique de cette situation tant que les collectivités locales ne tiendront pas des comptabilités de type commercial. "

Ce problème avait été abordé devant la mission d’information sur la Corse. Le président de la fédération du bâtiment et des travaux publics de la Corse-du-Sud expliquait comment il parvenait au chiffre de 400 millions de francs : " nous n’avons pas caché que ces dettes ne sont pas obligatoirement issues de marchés signés mais qu’elles concernent également un certain nombre de réalisations qui n’ont pas fait l’objet de marchés et pour lesquelles des régularisations sont à faire, ici ou là. Lorsque le préfet ramène le montant à 40 millions de francs, il ne vise que ce qui est remonté officiellement mais exclut tout ce qui est imputable aux départements, aux organismes publics ou parapublics (…) et ne prend en compte que les collectivités bénéficiant d’une fiscalité propre. " Il ajoutait qu’en outre " des pressions ont été exercées sur des entreprises pour qu’elles ne fassent pas remonter le niveau de leurs créances et, parallèlement, sur certains élus pour qu’ils n’évoquent par un certain nombre de situations ", pressions exercées par " des politiques, certains ne voulant pas que l’on montre qu’ils doivent de l’argent ".

Ces dettes des collectivités locales à l’égard des entreprises perturbent l’ensemble du tissu économique puisqu’elles pèsent sur la trésorerie des entreprises, amenant celles-ci à accumuler parfois à leur tour des dettes sociales ou fiscales. Ainsi, le premier débiteur de l’URSSAF est un entrepreneur de bâtiment qui ne parvient pas à obtenir le paiement de sa créance par un syndicat d’électrification, malgré un jugement du tribunal administratif.

·  Les comptes des communes manquent de sincérité

Comme l’expliquait un magistrat de la Chambre régionale des comptes, " la sincérité des comptes est une question difficile, dans la mesure où les communes n’hésitent pas à inscrire des subventions qu’elles n’obtiendront jamais pour pouvoir présenter un budget en équilibre. Mais quand on fait le tri, on s’aperçoit que le déséquilibre est réel. Beaucoup de comptes de communes moyennes, voire importantes, ne sont pas sincères. Je ne citerai qu’un exemple. La commune de Porto-Vecchio, qui est aussi en cours de contrôle, détient l’équivalent de 15 millions de francs de factures impayées dans ses tiroirs. Cela fait craindre une situation difficile lorsque ces 15 millions de francs seront rétablis dans le budget et qu’il faudra bien les payer. Comme l’équilibre du budget repose sur des recettes qui ne sont pas réelles, mais très largement hypothétiques, nous allons nous trouver devant une situation extrêmement difficile. Propriano se trouve dans une situation similaire, de même que la petite commune de Lévie, qui présente la particularité d’être très endettée, puisqu’elle a, depuis trois ou quatre ans, un trou de 16 millions de francs. Ce déficit ne s’aggrave pas mais reste en l’état. La question de la sincérité des comptes est un vrai sujet. "

En effet, les avis rendus en matière budgétaire ainsi que les lettres d’observation de la Chambre régionale des comptes fourmillent d’exemples de budgets communaux qui ne sont pas votés en équilibre réel.

D’une part, certaines dépenses ne sont pas inscrites pour leur montant prévisible ou ne sont pas inscrites du tout. C’est parfois le cas pour des dépenses obligatoires, telles que par exemple les cotisations à un syndicat intercommunal ou les contingents d’aide sociale. Cela arrive également fréquemment pour les autres dépenses de fonctionnement, telles que dépenses d’électricité ou factures d’eau auprès de l’office d’équipement hydraulique.

D’autre part, les inscriptions en recettes sont parfois tout aussi problématiques. Il arrive que des subventions soient inscrites en recettes alors qu’elles n’ont pas encore été demandées ou pas encore été accordées.

Il est clair que ce manque de sincérité des comptes des communes, motivé par le souci de présenter des budgets en équilibre apparent, repose la question de la responsabilité des comptables publics qui, notamment dans les plus petites communes, jouent un rôle de conseil essentiel.

b) L’application difficile des règles d’urbanisme

Comme en témoignent les quelques exemples donnés dans la deuxième partie de ce rapport, l’application des dispositions relatives à l’urbanisme est devenue au fil des années l’un des sujets majeurs et les plus sensibles en Corse. L’application des dispositions du droit de l’urbanisme - qu’il s’agisse de l’élaboration des documents d’aménagement ou d’urbanisme, de l’application du droit des sols ou du contentieux de l’urbanisme – rencontrent d’importants obstacles.

S’agissant des documents d’urbanisme et en particulier des plans d’occupation des sols (POS), on constate un faible nombre de communes couvertes par un POS et un nombre relativement élevé de documents incompatibles avec la loi littoral.

Si en Haute-Corse, la plupart des communes littorales est couverte par un POS (56 communes sont dans ce cas sur l’ensemble du département), la plus grande partie de ceux-ci est en cours de révision et, par ailleurs, incompatible avec la loi littoral pour un motif ou un autre. En Corse-du-Sud, seules 18 communes disposent d’un POS approuvé. La moitié de ceux-ci est en cours de révision et la proportion de ceux considérés comme incompatibles avec la loi littoral est estimée à 50% également. C’est le cas du projet de POS de Bonifacio, arrêté par la commune en décembre 1997, qui vient d’être déféré devant le tribunal administratif par le préfet.

Cela signifie qu’en Corse-du-Sud, de nombreuses communes littorales ne sont pas dotées d’un POS, les autorisations d’urbanisme demeurant de la compétence de l’État sur le fondement de la loi littoral, des règles nationales d’urbanisme, c’est-à-dire de cartes communales aisément modifiables.

Dans les deux départements, la mise en conformité des POS avec la loi dans les communes littorales, territoires présentant des enjeux économiques importants et des projets de développement parfois contradictoires avec les principes de protection, génère souvent des mises au point laborieuses pouvant conduire à des situations de blocage.

Celles-ci, ainsi que les annulations prononcées par le juge administratif, conduisent même certains maires à regretter d’avoir élaboré un POS, préférant à la limite gérer au coup par coup les demandes individuelles d’autorisations d’occuper ou d’utiliser le sol, même avec avis conforme du représentant de l’État.

c) La passation des marchés publics

Les conditions dans lesquelles est appliqué le code des marchés publics en Corse suscitent des discours très contradictoires.

Devant la mission d’information sur la Corse, un certain nombre de déclarations n’émanant pas de responsables locaux laissaient entendre que la situation était dans l’ensemble satisfaisante.

Je crois pouvoir dire que les conditions de passation des marchés publics en Corse sont satisfaisantes. Le seul élément moins satisfaisant que nous avions pu noter dans le passé, qui est en voie d’atténuation, est la pratique du localisme, qui conduit à s’adresser principalement aux entreprises locales " indiquait le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Il relativisait également les anomalies constatées en Corse : " nous avons constaté un certain nombre d’anomalies dans les relations avec les différentes collectivités locales, mais que l’on retrouve à peu près partout, portant sur l’absence de publicité, les avenants excessifs, le tronçonnage des marchés pour éviter qu’ils ne dépassent un certain seuil et soient soumis à une commission d’appel d’offres, les fausses qualifications ".

Cette constatation a également été faite devant la commission d’enquête. Un haut fonctionnaire des finances indiquait en effet : " un effort très important a été consenti, notamment par la direction de la concurrence et les préfectures pour que soient adoptées des mœurs plus régulières en matière de marché public. Je crois que ces efforts ont abouti. On a l’impression qu’aujourd’hui, les marchés publics passés en Corse par les collectivités locales le sont dans des conditions relativement satisfaisantes, avec cependant quelques problèmes, dont celui de la réalité de la concurrence dans l’île. Il est bien évident que l’insularité pèse à tous points de vue, à travers les mœurs, mais également à travers la géographie. On ne peut pas faire appel, pour beaucoup de marchés, sauf s’ils sont très importants, ce qui reste tout de même rare, à des entreprises du continent, qu’elles soient françaises ou italiennes. ". Il ajoutait que " pour les petites communes, se pose le problème des achats hors marché. Beaucoup de prestations se font sous le régime des achats sur facture. Nous n’avons là aucune garantie que ce soit fait suivant des normes convenables. "

Pourtant, un magistrat de la Chambre régionale des comptes semblait plus réservé dans les propos qu’il a tenus devant la commission d’enquête, estimant qu’il y avait " beaucoup à dire " et que la situation était " assez délicate ". Il évoquait, en effet, " les pratiques rendues possibles par le code des marchés publics qui comporte, à mon sens, certaines faiblesses. Il est très simple de déclarer des marchés infructueux. Il suffit de ne pas présenter de cahier des charges correct pour que les résultats ne correspondent pas à ce que l’on attendait réellement, et non pas par écrit. On passe alors immédiatement au marché négocié, et on traite avec les plus proches. C’est une pratique récurrente. On est toujours sur le fil du rasoir. Les procédures formelles sont respectées, mais il est évident que l’esprit des textes est largement détourné. "

Le cloisonnement géographique et les structures économiques de l’île sont des arguments fréquemment avancés pour expliquer que la concurrence s’exerce en Corse dans des conditions plus limitées qu’ailleurs. Les entreprises de bâtiment souvent de petite taille n’ont ainsi qu’une activité très localisée.

A l’inverse, le cumul de fonctions électives et de responsabilités, passées ou non, dans des activités liées au bâtiment et aux travaux publics ne peut évidemment que susciter quelques interrogations.

Sur ce point, la transmission par les préfets au parquet, dans le cadre de l’article 40 du code de procédure pénale, de nombreux marchés publics témoigne de l’existence de doutes sur la régularité et la sincérité des procédures. Il est aujourd’hui de la responsabilité des tribunaux de trancher et de dire le droit.

Ainsi, les services de la concurrence ont pointé trois marchés publics pour lesquels le délit de prise illégale d’intérêt pourrait être constitué. Il s’agit de deux marchés passés en 1995 et 1996, pour un montant total de près de 9,8 millions de francs, par le département de Haute-Corse, alors présidé par M. Paul Natali, avec deux entreprises dirigées par son fils et sa fille. Ces deux entreprises ont également bénéficié, ces mêmes années, d’un marché passé par la commune de Borgo, dont le maire est l’épouse de M. Natali et donc la mère des co-gérants, pour un montant de 12,5 millions de francs.

De même, le préfet de Haute-Corse a saisi, en mai dernier, le parquet de l’ensemble des marchés passés par la commune et le district de Bastia avec l’entreprise de travaux publics Vendasi. Il évoque en effet un " délit de favoritisme, voire de délit de prise illégale d’intérêts, s’agissant de ceux dévolus par l’établissement public de coopération intercommunale, depuis l’élection en juin 1995 de M. Jean-Jacques Vendasi, comme maire de Furiani, commune membre du district ". S’agissant de la commune, le préfet notait un taux de dévolution des marchés à la société Vendasi " hors du commun ". La saisine porte sur 16 marchés passés, depuis 1994, par la ville pour un montant total de près de 40 millions de francs, soit plus de 54% des marchés de travaux publics passés par elle. Pour le district, 22 marchés sont visés par la saisine, représentant un montant total de 146,9 millions de francs, soit 83% des marchés de travaux publics passés par le district depuis 1994.

La pratique des marchés oraux a été parfois évoquée devant la commission. " Il faut voir comment cela passe concrètement " a expliqué un haut fonctionnaire " le maire se promène dans la rue, il voit un trou dans le trottoir. Il avise le petit artisan du village et lui dit "tu m’arranges ça et tu envoies la facture à la mairie". Il est clair qu’un engagement de dépense dans ces conditions a été réalisé en violation de toutes les règles de la comptabilité publique. Cela explique également pourquoi un certain nombre de factures sont payées avec retard puisqu’il faut procéder à de multiples régularisations administratives qui occasionnent de nombreux aller-retour entre le maire et son comptable.

Enfin, pour les marchés de plus grande importance, un phénomène plus récent a été évoqué devant la commission d’enquête par un haut responsable de l’île. " Les maîtres d’ouvrage doivent s’acquitter d’une part d’autofinancement ; pour les communes, et pas seulement pour elles, celle-ci est très compliquée à mobiliser. Cela les conduit à solliciter des avances. Or, solliciter des avances sur subvention aux entreprises bénéficiaires de marchés est extrêmement dangereux, car cela met en situation de monopole un certain nombre d’entreprises qui, seules, peuvent pratiquer de telles avances ; c’est par exemple le cas de la compagnie de l’eau et de l’ozone qui a acquis une situation de quasi-monopole sur l’île ".

Les services déconcentrés de l’État se trouvent également dans une situation plus difficile vis-à-vis des marchés passés par les Chambres consulaires. De par leur nature juridique, les marchés publics et les délégations de service public passés par celles-ci ne sont pas soumis au contrôle de légalité préfectoral. La seule vérification du respect du code des marchés publics qui s’exerce au niveau départemental ou régional s’effectue au sein des commissions d’ouverture des plis auxquelles les Chambres sont tenues d’inviter les représentants des directions de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Or, s’il apparaît que la Chambre de commerce et d’industrie de Corse-du-Sud adresse régulièrement les convocations nécessaires, celle de Haute-Corse ne le fait, d’après les informations recueillies par la commission d’enquête, que depuis…mai 1998 !

 

3.  Les stratégies ambivalentes des responsables locaux

Les observateurs insulaires ne sont pas toujours les plus indulgents lorsqu’il s’agit d’apprécier le comportement des pouvoirs locaux, accusés de n’avoir pas pris la mesure de leurs responsabilités accrues par la décentralisation et de pratiquer la stratégie du " toujours plus ".

Dans le contexte actuel résultant de l’assassinat du préfet Claude Erignac, un autre comportement ne laisse pas d’étonner. La politique actuellement menée par le gouvernement ne suscite pas toujours l’approbation publique que les discours tenus précédemment pouvaient laisser espérer.

a) Des pouvoirs locaux qui n’ont pas pris la mesure de leurs responsabilités

Les réformes successives appliquées à l’organisation institutionnelle de la Corse avaient pour objectif essentiel, on l’a vu, de donner aux habitants de l’île et aux représentants qu’ils se choisissaient toutes les clés pour prendre en main leur destin. Or, il apparaît que la décentralisation, appliquée en Corse avant les autres régions, n’a pas eu tous les effets escomptés.

·  Des pouvoirs locaux qui ont encore l’habitude d’attendre tout de Paris

Dans le livre d’humeur qu’il vient de publier, l’historien et journaliste Robert Colonna d’Istria écrit : " Le drame de la décentralisation, pour les élus de la vieille école, c’est qu’ils ont dû, un beau matin, prendre des responsabilités. Ils trouvaient infiniment plus commode de s’en tenir à un rôle de représentation, de protestation, de revendication par rapport à cette entité abstraite et lointaine qu’était l’État. Il était infiniment plus commode, pour eux de pouvoir, à la première décision maladroite, se retourner vers leurs électeurs et leur dire en substance : " ce n’est pas ma faute ; j’aurais bien voulu, mais je n’ai pas pu" ".

Un ancien ministre a, devant la commission d’enquête, tenu des propos similaires : " Le plus grand malheur que la Corse ait connu au cours des dernières années, c’est la décentralisation. Pour une raison très simple, c’est qu’un élu corse, qu’est ce que cela fait ? Ça pleure à Paris. Et quand vous dîtes à l’élu corse : " je vais te donner de l’argent et le pouvoir et tu régleras tes problèmes tout seul sur place ", c’est une catastrophe pire qu’une sécheresse ou des incendies prolongés. Parce que la technique de l’élu corse a toujours été de dire, beaucoup plus qu’ailleurs, " c’est Paris, c’est la faute à Paris, etc ". Pendant des années, cela a été un rideau de fumée ".

Un ancien préfet de Corse déplorait lui aussi la défaillance de la classe politique en évoquant les budgets qu’il avait dû régler à la place des élus : " Le premier, je l’avais réglé d’office. L’année suivante, les membres de l’Assemblée ne l’ont pas voté. J’ai demandé s’ils n’étaient pas gênés ou vexés que le préfet le règle à leur place. Le président m’a répondu : " vous faites cela très bien, nous débattons et vous, vous décidez. " Cela compliquait sérieusement la tâche. "

·  Des pouvoirs locaux qui manquent de vision générale

Il y a le fait – cela m’avait beaucoup frappé lors des discussions que nous avions eues avec l’Assemblée de Corse – que si la Corse est une région qui ne manque pas d’intelligences ni de gens brillants, peu de gens ont une vision globale des choses. J’en avais rencontrés, mais ils n’étaient pas très nombreux.(…)Trop souvent, on attend un poste de cantonnier ou de facteur et l’on considère qu’ainsi, l’élu a fait son devoir. Il l’a fait, mais ne l’a fait qu’en partie parce que, dans le même temps, il ne s’intéresse pas suffisamment aux problèmes généraux de l’île. Cela fait partie des difficultés " a déclaré devant la commission d’enquête un responsable politique d’origine corse.

Cette absence de vision générale s’observe dans l’évolution de l’Assemblée de Corse, dont beaucoup d’observateurs disent qu’elle s’est bornée à devenir un " super conseil général ".

Les chefs de clan étaient tous opposés à la régionalisation et au statut particulier. Mais quand ils ont vu que c’était inévitable, ils l’ont utilisé. Ils ne laissaient rien passer ; ça fait partie du maillage… Ils ont pu contrôler un budget important et, très vite, ils en ont fait une sorte de super conseil général. On partageait les crédits entre les groupes selon leur poids politique, avec un bonus pour le président, et chaque groupe donnait sa liste de communes (…) C’est pour cela que la région est intervenue dans des domaines qui n’étaient pas les siens, mais ceux d’un conseil général (…) " déclare un fonctionnaire régional, cité par Jean-Louis Briquet.

De même, un ancien élu régional raconte à ce dernier son expérience : " Mais tout de suite, je me suis trouvé isolé dans l’Assemblée. je prêchais dans le désert parce que ce qui m’intéressait, c’était le développement économique. On acceptait ce que je disais mais, après, cela tombait dans la trappe.(…) Un jour, on vote à l’Assemblée le compte administratif et je regarde le document. Je vois 30.000 francs à telle commune pour le chemin du cimetière, 20.000 à telle autre pour je ne sais quel club sportif, etc. On m’a écouté, mais après des collègues sont venus me dire qu’il ne fallait pas faire de remarques de ce genre, que 30.000 francs pour leur commune, c’est quinze ou vingt électeurs(…) ".

La difficulté de faire de véritables choix témoigne également de ces carences.

Les conditions d’élaboration du schéma d’aménagement de la Corse en sont une première illustration. Sa rédaction avait été confiée à l’Assemblée de Corse par la loi du 30 juillet 1982. En 1990, constatant que la région, occultant les difficultés, n’avait pas opéré de choix véritables, le gouvernement a confié cette mission au préfet de région, ce qui aboutit à l’approbation par un décret du 7 février 1992 d’un schéma d’aménagement aussitôt contesté par les élus corses, qui ont cependant vu leur recours rejeté par le Conseil d’État.

De même, le contenu du plan de développement, adopté par l’Assemblée de Corse en septembre 1993, confirme une telle appréciation. Comme l’écrit le sénateur Jacques Oudin dans son rapport de 1994, " le plan affirme un choix clair et volontaire en faveur du développement économique. Pour autant, même s’il reconnaît au tourisme un poids particulier qu’il convient de mettre à profit, il ne privilégie aucun secteur.(…) Les difficultés liées dans toute région française, et singulièrement en Corse, à la définition de choix d’aménagement du territoire ont conduit les auteurs du plan à gommer les divergences qui existent entre les diverses sensibilités corses pour ne plus retenir que le plus petit commun dénominateur. Le caractère consensuel du plan de développement est ainsi à la fois sa force et sa faiblesse ".

La commission d’enquête en a eu une certaine confirmation lorsqu’elle a entendu, sur place, les responsables de certains offices. L’agence de développement économique de la Corse n’a développé jusqu’à aujourd’hui que des actions de portée générale, les actions plus ciblées restant marginales.

b) Des pouvoirs locaux qui pratiquent la stratégie du " toujours plus "

La propension à attendre tout de Paris conduit inévitablement à développer une attitude fortement revendicatrice et s’apparentant au " toujours plus ". Cette stratégie est largement commune aux élus et aux milieux socio-professionnels – il est vrai que la frontière entre eux est souvent ténue.

Les discussions qui ont précédé l’adoption du statut fiscal de la Corse ou de la zone franche, ainsi que les appréciations ultérieures portées sur eux, en constituent un exemple parfait.

Lors de sa séance du 22 décembre 1993, l’Assemblée de Corse avait adopté un projet de statut fiscal spécifique pour la Corse qu’elle transmettait au gouvernement. Outre " la préservation des droits acquis ", ce projet témoignait d’une " attitude offensive " dans l’adaptation de la fiscalité corse aux grandes orientations du plan de développement. Dès l’introduction, l’Assemblée révélait son approche : " Ces propositions sont émises sans considérations relatives à leur coût global sur lequel il appartient au gouvernement de trancher. En tout état de cause, dans la suite des diverses délibérations et motions adoptées par l’Assemblée, la Collectivité territoriale de Corse s’est naturellement refusée à se placer sous la contrainte d’une révision des dispositions fiscales actuelles à enveloppe constante. La fiscalité est en effet une voie privilégiée d’expression de la solidarité nationale et européenne, solidarité que la Corse attend ".

Il n’est pas possible de recenser l’ensemble des dispositions figurant dans ce document, puisqu’elles portent sur toutes les catégories d’impôts existants, de la fiscalité du patrimoine à la TVA en passant par l’impôt sur le revenu :

    • s’agissant de la fiscalité du patrimoine : exonération des droits de mutation par décès, exonération pour 15 ans de la taxe foncière sur les propriétés bâties dans les communes de moins de 1.000 habitants notamment pour les constructions neuves et réduction de moitié des droits d’enregistrement sur les mutations à titre onéreux,
    • s’agissant de la TVA : instauration d’un taux spécifique à 5% pour les secteurs et productions stratégiques indispensables à l’équilibre économique de la Corse (bâtiment et travaux publics, télécommunications, produits de l’artisanat, ventes à consommer sur place,…), relèvement de la franchise de TVA,
    • s’agissant des contributions indirectes : pérennisation de la réfaction de taxe intérieure sur les produits pétroliers, du régime spécifique sur les alcools et du taux préférentiel du droit de consommation sur les tabacs ;
    • s’agissant de la mise en place d’un programme spécifique à l’insularité pour la Corse : instauration d’une taxe spécifique sur les produits pétroliers vendus en Corse destinée à abonder un fonds de développement régional,
    • s’agissant des aides fiscales en faveur du développement économique et de la localisation d’investissements productifs en Corse : exonération partielle des bénéfices réalisés pour les entreprises exerçant l’ensemble de leurs activités en Corse (75% pendant 3 ans, 25% pour les deux années suivantes), instauration d’un crédit d’impôt égal à 25% des investissements réalisés ou du coût des biens pris en crédit-bail, transposition à la Corse du régime de défiscalisation des investissements dans les DOM-TOM,
    • s’agissant de " mesures complémentaires " : exonération de taxe professionnelle pour les entreprises situées dans des communes de moins de 1.800 habitants, réduction de 30% (dans la limite de 25.000 francs) de l’impôt sur le revenu pour les contribuables domiciliés fiscalement en Corse.

Outre qu’il témoigne d’une parfaite connaissance de tous les recoins du code général des impôts, ce véritable catalogue témoigne aussi de cette absence de vision générale relevée ci-dessus : personne n’est oublié et les effets attendus de telles dispositions ne sont explicités qu’en termes très vagues.

Ce maximalisme n’est certes pas l’apanage des élus territoriaux. Lors de leurs auditions devant la mission d’information sur la Corse, l’ensemble des milieux socio-professionnels entendus exprimaient, au travers de leur jugement négatif sur l’instauration de la zone franche, une attitude comparable, en revanche plus compréhensible étant donné la vocation des organismes en cause.

Ainsi, par exemple, le président de l’union patronale artisanale de Haute-Corse jugeait l’institution de la zone franche " incomplète " et plaidait pour la fixation du taux de la TVA entre 0 et 5%, des défiscalisations, des allégements de charges et pour l’obtention de prêts à taux modérés. Opinion partagée par le président du Rialzu Economicu qui soulignait que " la zone franche avait suscité beaucoup d’espoirs et ces espoirs ont été déçus " : il souhaitait une baisse de la TVA, des charges sociales et de l’impôt pour les particuliers, tout en reconnaissant que cela ne suffirait pas à relancer l’économie et la consommation.

De même, les manœuvres d’organisations, dans le domaine agricole ou touristique, qui plaident pour un traitement indifférencié et global des problèmes d’endettement, et non un examen individualisé des dossiers, participent de cette stratégie du " toujours plus ", quelquefois appuyée sur des comportements violents. Ainsi, dans une lettre du 26 avril 1996 adressée au préfet Claude Erignac, M. Michel Valentini, président de la Chambre régionale d’agriculture, écrivait : " la consolidation du secteur agricole en Corse passe avant tout et en premier lieu par la sauvegarde immédiate de centaines d’exploitations menacées par le dépôt de bilan. C’est-à-dire qu’une mesure de désendettement global et général doit être mise en œuvre dans les plus brefs délais ".

 

 

c) Le difficile positionnement des élus locaux

Les déclarations publiques des responsables locaux de l’île pour reprocher à l’État d’avoir manqué à ses responsabilités et d’avoir une part écrasante dans la situation actuelle de la Corse n’ont jamais manqué, de même que les propos vertueux sur la nécessité de rétablir l’État de droit et de veiller au respect des lois en Corse comme ailleurs.

Ce sont les propos qu’ont tenus la plupart des élus entendus par la mission d’information sur la Corse, qu’il s’agisse des parlementaires de l’île, des représentants de toutes les formations politiques alors représentées à l’Assemblée territoriale, des délégations des deux conseils généraux emmenées par leurs présidents, des représentants des associations de maires, etc…

La multiplicité de tels discours, dont la mission d’information est loin d’avoir eu l’exclusivité, aurait pu laisser penser que la politique menée sur l’île après l’assassinat du préfet Claude Erignac susciterait de la part de ces mêmes responsables des marques de soutien ou d’approbation.

Or, force est de constater le " silence assourdissant de la classe politique ", pour reprendre la formule employée par un haut responsable sur l’île.

Le refus, le 23 juillet dernier, d’entamer la discussion d’une motion présentée par M. Simon Renucci devant l’Assemblée de Corse est, à cet égard, assez symptomatique. Ce projet de motion demandait à l’Assemblée d’affirmer " sa détermination à voir aboutir les procédures judiciaires que la situation rend nécessaires dans le respect scrupuleux des principes fondamentaux du droit, des libertés individuelles et de la dignité des personnes " et à souhaiter " que les faiblesses – parfois les complaisances – que les précédents pouvoirs centraux ont cru devoir manifester à l’égard des pratiques illégales et des actions violentes (…)soient définitivement dépassées ". Appliquant rigoureusement le règlement intérieur de l’Assemblée, la commission permanente a suivi le président de l’Assemblée refusant l’examen de cette motion, celle-ci ayant été déposée deux heures après le délai imparti, renvoyant ainsi éventuellement la discussion à la rentrée de septembre.

Au lieu de l’approbation et du soutien attendus, les déclarations officielles ou les entretiens accordés par des élus depuis février ont été essentiellement destinés à dénoncer le risque de " l’amalgame ", à rappeler les manquements antérieurs de l’État, voire à proclamer sa solidarité avec un élu mis en cause. Des craintes se sont également exprimées quant au le risque de voir l’État mettre en danger les règles de la décentralisation ou le respect des droits individuels.

Dès la première séance de l’Assemblée de Corse, son nouveau président regrette que la " nécessaire remise en ordre (se soit) parfois faite de façon choquante ".

Certains responsables mis en cause s’étonnent que l’administration leur reproche aujourd’hui des actes qui n’avaient fait l’objet d’aucune remarque antérieurement.

Ainsi, le maire d’Ajaccio, contraint de soumettre le budget de la ville à un nouvel examen du conseil municipal, regrette " seulement que, de 1989 à 1995, les contrôles de légalité et les comptables successifs n’aient cru devoir faire aucune observation, attirant l’attention de la ville sur cette erreur, ce qui aurait évité la situation actuelle ".

S’étonnant que le préfet de Haute-Corse ait décidé de ne pas participer à l’assemblée générale de la Chambre de commerce et d’industrie pour ne " pas cautionner les pratiques budgétaires " de celle-ci, son président précisait de même que " depuis 1986, je peux vous certifier que tous les budgets primitifs et modificatifs de la Chambre ont toujours été votés à l’unanimité par (ses) membres puis transmis et approuvé sans aucun problème par la tutelle, en l’occurrence le ministère concerné et la préfecture ".

Après avoir, lui aussi, souligné le " silence fracassant " de la classe politique locale, M. Toussaint Luciani a souhaité dans le même mouvement et non sans ambiguité, au cours d’une conférence de presse, que " ne s’instaure pas une vision réductrice, plaçant les noirs du Cap à Bonifacio, et les chevaliers blancs sur les bords de la Seine ". Il réaffirmait que " le droit des individus et la hiérarchie des préjudices " sont aussi importants que le respect de la loi, rappelant que " l’État de droit ne doit pas être le droit de l’État ". Enfin, il estimait lui aussi que l’État oubliait un peu trop ses " carences passées ".

La mise en examen du maire de Propriano pour favoritisme et prise illégale d’intérêt dans l’affaire de l’extension du port de plaisance de la commune a suscité l’indignation de l’association des maires du département et la solidarité du conseil municipal.

Le conseil d’administration de l’association des maires de Corse-du-Sud a exprimé dans un communiqué " son indignation sur la façon dont a été menée l’interpellation d’Emile Mocchi, maire de Propriano. Sans s’immiscer sur le fond quant à une procédure qui relève de la compétence exclusive de la justice, la forme spectaculaire utilisée est choquante et jette un peu plus l’opprobre sur les élus locaux. Si le rétablissement de l’État de droit en Corse est souhaité, l’association ne pense pas que les moyens employés, accompagnés d’une forte médiatisation, soient aujourd’hui de nature à servir les intérêts de la Corse et des Corses ".

Quant au conseil municipal de Propriano, il a adopté une résolution dans laquelle il " renouvelle toute sa confiance au maire et sa solidarité dans l’action municipale " et, inquiet, " lui souhaite une meilleure santé et surtout de ne plus différer une intervention programmée depuis trop longtemps ".

Les méthodes employées dans le cadre de la nouvelle politique de l’État dans l’île sont également critiquées.

Ainsi, le syndicat Force Ouvrière, par la voix de son secrétaire général, estime que " si une bonne application des lois est une impérieuse nécessité pour envisager un autre avenir, l’action entreprise par le gouvernement se doit d’une part d’être claire pour être lisible par tous, et d’autre part, en fonction des domaines abordés, d’être juste et de prendre en compte les propres responsabilités de l’État lui-même qui ont conduit notre région à la situation d’aujourd’hui. " Il annonce, en outre, qu’il " s’opposera au besoin par l’action syndicale à toutes mesures qui travesties de l’habit républicain du retour à l’État de droit auront pour conséquence de faire des salariés les victimes d’une mise aux normes inadaptée ".

Plus graves, ces critiques adressées au nouveau cours de la politique menée dans l’île s’accompagnent également de manœuvres étonnantes.

Dans un entretien accordé à la fin du mois de juin à un quotidien local, le préfet Bernard Bonnet mettait en garde contre " les manipulateurs de l’État de droit qui se transforment en agitateurs publics irresponsables pour pratiquer la politique du pire ". Il indiquait en effet que " sous prétexte d’État de droit, de nombreuses initiatives sont actuellement prises qui n’ont d’autre objectif que d’exaspérer la situation ", précisant : " les découverts bancaires même les plus modestes sont subitement refusés, les huissiers de justice sont soudainement sollicités pour le recouvrement de créances souvent anciennes, les rumeurs les plus fausses de suppressions d’aides publiques sont diffusées ".

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D.– L’émergence d’un " système "

 

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