Sur cette période, la refonte na donc conduit quà une
diminution très faible du nombre délecteurs inscrits, seulement 14.902 ou 7,5%.
b) Ladministration apparaît en effet désarmée
Au cours des dernières années, ladministration
sest incontestablement efforcée de pallier les dysfonctionnements des commissions
administratives en charge de la révision des listes, notamment par la saisine des
juridictions administrative et judiciaire.
Si les déférés devant le tribunal administratif pour des questions
de forme sont en général favorablement accueillis, les recours devant les juges
dinstance, pour des questions de fond, sont rejetés dans la plupart des cas,
ladministration ne pouvant étayer ses dossiers de demandes de radiation : en
effet, depuis un arrêt de 1988, la Cour de cassation met dans tous les cas
dinscription la preuve de lirrégularité à la charge du requérant et
reconnaît un pouvoir souverain dappréciation au juge dinstance. Or, celui-ci
ne retient pas la force probante, par exemple, de la lettre adressée en recommandé à
lélecteur et retournée avec la mention " nhabite pas à
ladresse indiquée ", seul élément de preuve que ladministration
est en mesure de produire pour justifier labsence de domicile ou de résidence dans
la commune.
En effet, la Commission nationale informatique et libertés fait
obstacle à la communication, par divers services publics (Compagnie de leau et de
lozone, EDF, France Telecom,
), de pièces qui seraient fort utiles à la
manifestation de la vérité.
Par conséquent, la preuve de labsence de droit à
linscription est devenue très souvent impossible à administrer, dès lors que les
commissions administratives ont couvert l'irrégularité.
Le fonctionnement de celles-ci ne semble guère satisfaisant et très
peu de délégués signalent dans leur rapport des inscriptions pouvant être
considérées comme indues. Si le code électoral fixe la période pendant laquelle elles
doivent examiner les listes (du 1er septembre au 31 décembre), il ne les
oblige pas, contrairement aux dispositions qui avaient été prises au moment de la
refonte, à se réunir au moins une fois par mois au cours de cette période. Dès lors,
la plupart des maires norganisent quune seule réunion le 31 décembre qui ne
permet pas, à lévidence, un examen sérieux des dossiers déposés. Au surplus, la
liste qui devrait être entièrement examinée en vue de la radiation des électeurs ne
réunissant plus les conditions pour demeurer inscrits, nest pas soumise à la
commission, cette dernière se bornant, faute de temps, à examiner les seules demandes
dinscription et les radiations des électeurs décédés ou sous le coup dune
condamnation entraînant la perte du droit de vote.
c) Des modifications législatives savèrent nécessaires
Il apparaît que le moyen le plus efficace pour
sassurer de la sincérité des inscriptions sur les listes électorales serait de
sorienter vers un renversement de la charge de la preuve dans ce type de
contentieux.
Cette proposition avait été faite dès 1992 par le préfet de Corse.
Elle consistait à insérer dans le code électoral une disposition prévoyant que :
" dans le cas où le préfet conteste le motif retenu par la commission
administrative à lappui de linscription dun électeur, il appartient à
ce dernier, pour permettre au juge dapprécier chaque justification produite,
détablir à quel titre il estime que son inscription doit être maintenue ".
Adoptée dans le cadre du projet de loi relatif à la prévention de la
corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques à la
fin de 1992, cette disposition avait été déclarée non conforme à la Constitution pour
des raisons de procédure, car elle navait aucun lien avec le texte.
Une solution " de repli " a entendu réaffirmer que
le juge dinstance " se prononce après avoir vérifié la validité des
justifications produites par lélecteur à lappui de sa demande
dinscription devant la commission administrative compétente ". Elle
sest avérée sans effet, comme le montre le contentieux qui a porté, en 1997, sur
la liste électorale de la commune de Frasseto en Corse-du-Sud.
Le préfet avait en effet contesté devant le tribunal dinstance
dAjaccio les inscriptions de 55 électeurs sur la liste électorale de la commune,
ce qui représentait plus du tiers de son corps électoral. Son délégué à la
commission administrative avait, en effet, constaté que la quasi-totalité des demandes
nétaient assorties daucune pièce justificative, ce qui na pas
empêché les deux autres membres de la commission (le maire et le représentant de la
justice) de les retenir, à deux exceptions près.
Le juge dinstance a estimé que les pièces produites par le
préfet (certificats de non-inscription au rôle des contributions communales, photocopies
du tableau rectificatif de la liste électorale sur lequel étaient mentionnées des
adresses extérieures à la commune) ne constituaient pas des éléments suffisants pour
justifier la radiation des intéressés sans avoir, ni précisé les éléments sur
lesquels il se fondait pour retenir lexistence dune résidence dans la
commune, ni procédé à la vérification imposée par les nouvelles dispositions
réglementaires du code électoral. Dans un arrêt en date du 13 mai 1997, la Cour de
cassation a rejeté le pourvoi du préfet en réaffirmant que " cest
dans lexercice de son pouvoir souverain dappréciation que le tribunal a
retenu que les documents versés au débat, les mêmes pour chacun des électeurs
contestés, nétablissaient pas que ceux-ci navaient pas leur domicile ou leur
résidence à Frasseto ".
Il apparaît donc nécessaire, en raison de ce blocage judiciaire, de
remettre sur le chantier la modification du code électoral qui avait été adoptée en
1992.
De même, il ne serait pas inutile de prévoir que les commissions
administratives devraient se réunir au moins une fois par mois pendant la période de
révision des listes électorales, ce qui impliquerait une modification de larticle
R5 du code électoral.
2. Des améliorations à apporter à court terme :
cohérence, cohésion et responsabilité
La commission denquête a relevé un certain nombre de
prises de position récentes formulées soit devant la mission dinformation sur la
Corse, soit devant elle-même.
a) Des débats récurrents sur les institutions
Curieusement, les débats sur la situation de la Corse
débutent ou sachèvent la plupart du temps sur une réflexion concernant le statut
institutionnel de lîle, comme si la clé des problèmes de la Corse tenait
essentiellement à ces questions dorganisation administrative et politique. Quant à
elle, la commission ne considère pas que le " problème corse " soit
dabord de nature institutionnelle, bien au contraire. Pour autant, il est évident
que certains dysfonctionnements décrits plus haut sont aggravés par quelques
particularités institutionnelles : il est apparu utile à la commission de les
identifier et de chercher à y remédier sans rouvrir la discussion sur le statut.
· Le point de vue de quelques élus
de lîle : pour un " toilettage ", une pause institutionnelle ou
une refonte du système
La mission dinformation sur la Corse a entendu en
1996-1997 de nombreux élus livrer leur opinion sur le statut. La commission
denquête a relevé quelques extraits de ces auditions à titre dexemples.
Lors de son audition, M. Jean-Paul de Rocca Serra, alors député
de la Corse-du-Sud et président de lAssemblée de Corse, indiquait : " Avec
linstauration du bicéphalisme et la création dun Conseil exécutif séparé
de lassemblée délibérante, le pouvoir sest dilué. Lassemblée
délibérante a le sentiment confus dêtre en partie dépossédée de ses moyens
daction, même si le Conseil exécutif demeure encore tributaire delle dans
lexercice de sa mission.
De surcroît, la multiplication des offices a entraîné un transfert
de compétences de la Collectivité territoriale et de ses deux organes principaux vers
des établissements satellites où les élus nont pas le pouvoir dinfluer
véritablement sur les choix opérés et la politique mise en oeuvre. "
Pour sa part, M. Emile Zuccarelli, alors député de la
Haute-Corse, estimait : " On a dabord essayé de résoudre le problème
par les institutions, par le statut. M. Gaston Defferre, puis M. Pierre Joxe,
ont promu des institutions régionales de décentralisation poussée. Jai combattu
le " statut Joxe ", pour dautres raisons sur lesquelles nous
reviendrons éventuellement, mais il faut reconnaître quil a donné à la Corse des
pouvoirs et des compétences locales très importants, quil nous faut apprendre à
assumer avant den réclamer dautres, sil se peut. (...) Je ne suis pas
un fanatique de la recherche permanente dun statut miracle. Changer de statut
nest pas anodin. La recherche permanente de statut est très perturbante. Jai
combattu le " statut Joxe " dans sa présentation initiale, pour deux
raisons.
En premier lieu, il partait du constat que le statut
" Defferre", adopté pour la Corse en 1982, qui était, dune certaine
manière une avant-garde de la décentralisation, avait été, en quelque sorte, rattrapé
par le statut des régions en 1986. En somme, ce statut nétait plus assez original
et il fallait en trouver un autre, comme si lobjectif dun statut était
dêtre original et non pas dêtre efficace.
En second lieu, quantité de pays, sans chercher très loin, en Europe,
fonctionnent de manière à peu près équivalente en termes defficacité avec des
structures très différentes. La Grande-Bretagne, lAllemagne, la France et la
Confédération helvétique ont des organisations différentes. Autrement dit, ce
nest pas le statut qui est le plus important, cest ce quon fait avec. Je
ne suis pas sûr que changer la forme de la casserole améliore la cuisine, si on ne sait
pas la faire. "
M. José Rossi, député de la Corse-du-Sud, et
aujourdhui également président de lAssemblée de Corse, relevait : "La
réforme de M. Gaston Defferre na fait quanticiper sur les lois de
décentralisation. Après le vote de la décentralisation pour lensemble du pays, on
a constaté quil y avait assez peu de différence entre le statut corse et les lois
de décentralisation pour les régions françaises. A une ou deux nuances près, qui ne
sont pas minces : on a terriblement alourdi le premier statut corse en multipliant les
offices. Nous subissons des lourdeurs administratives quil faudra, à un moment ou
à un autre, gommer. Compte tenu des compétences très importantes qui ont été
dévolues à la Corse, il convient dessayer de rendre les institutions les plus
efficaces possibles.
Le deuxième statut a alourdi un peu plus le dispositif en instituant
deux organismes supplémentaires, loffice de lenvironnement et lagence
du tourisme. Surtout, on a instauré une architecture différente. La séparation de
lexécutif et de lassemblée délibérante, qui a été très critiquée au
départ, mais qui est peut-être une prémonition de ce quon fera un jour dans le
cadre des régions françaises, dans cinq, dix ou quinze ans, en définitive, fonctionne
assez bien. "
M. François Giacobbi, sénateur de la Haute-Corse, notait
quant à lui : " On a cherché à donner des solutions institutionnelles, je
dirais des solutions abstraites à des problèmes concrets. (...). Je suis en désaccord
avec les témoignages de MM. Jean-Paul de Rocca-Serra et José Rossi et je suis tout
à fait daccord avec M. Emile Zuccarelli : on nous a assez parlé de solutions
institutionnelles. Cest fini. Il y a un statut particulier, puis un second, et
maintenant, jentends dire quil faudrait peut-être le toiletter, etc...
Cest assez. "
Enfin, pour M. Jean Baggioni, président du Conseil exécutif
de Corse, " Il nexiste pas de texte qui, à lusage du temps, ne
mérite un examen. Sans parler de grandes réformes, un
" toilettage ", comme on dit aujourdhui, pourrait
simposer. Vous nentendrez personne dire quun troisième statut est
nécessaire ; en revanche, quelques adaptations semblent indispensables, notamment pour
clarifier les compétences entre la Collectivité territoriale de Corse, à laquelle on a
donné des missions et des objectifs et les autres collectivités qui existaient
auparavant.
On a en effet ajouté une assemblée délibérante de cinquante et un
membres, un mini-gouvernement territorial de sept personnes, sans rien supprimer. On a
crée un office de développement agricole et rural de la Corse, une agence du tourisme,
mais lon a rien supprimé. Autant dire que nous sommes largement pourvus, en
matière de structures administratives et politiques. Cela fait plaisir, il y a de la
place pour tous. Chacun a sa fonction et les gens ont des titres et des cartes de visite
à rallonge. (...) Cette dilution et cet éparpillement sont tout à fait contraires à
lesprit du législateur lorsquil a adopté le deuxième statut particulier de
la Corse. "
Ces divers extraits montrent que, même si le statut de 1991 fait
lobjet de critiques, les uns et les autres ne saccordent pas nécessairement
quant aux conséquences à en tirer.
· Les appréciations de plusieurs
ministres de lIntérieur
A la suite de la mission dinformation sur la
Corse, la commission denquête sest attachée, au cours de ses travaux, à
poursuivre la confrontation des points de vue sur la question institutionnelle. Elle a
notamment interrogé plusieurs personnalités ayant exercé les fonctions de ministre de
lIntérieur.
Pour lun, " la Corse est un pays profondément
inspiré par Rome et lon attend du pouvoir quil soit fort. Pour cela, il faut
que lÉtat dispose de moyens. Le statut particulier a produit ses effets. Sans peser
cela au trébuchet, on peut dire que, globalement, ce statut a produit des effets
convenables, sauf sur un point : le démembrement des responsabilités de lexécutif
et de lAssemblée au travers de quantité doffices a accentué les risques de
pertes en ligne et labsence de contrôle ".
Pour un autre, " Les institutions sont une chose. Je
pense que le statut (de 1991) présente lavantage, par rapport aux autres
collectivités territoriales françaises, de distinguer la présidence de
lassemblée délibérative de lexécutif, suivant un modèle que lon
retrouve dans dautres pays. (...) Il ny a quen France que lon voit
les maires présider le conseil municipal et les présidents de conseils généraux être
à la fois présidents de lassemblée et de lexécutif. Dans les autres pays
de lEurope démocratique, le modèle institutionnel nest pas celui-là : il y
a quelquun qui préside lassemblée locale et quelquun qui représente
lexécutif.
En Corse, cette institution peut être utile. (...) Le statut
particulier ne portait pas seulement sur les structures administratives, il comportait
aussi un certain nombre de transferts de compétences dans le domaine économique. On peut
trouver que cest une structure lourde, mais ma conviction est quil faut donner
aux Corses la responsabilité de leur île et quils arrêtent de penser que cela va
venir dailleurs. Doù lidée dun statut de large autonomie et de
structures -celles-ci sappellent offices la plupart du temps - correspondant à des
fonctions précises.
Il faut reconnaître quà ce jour, cela na pas très bien
marché. Je pense que ce nest pas lié aux structures. Cela est lié, à mon avis,
au fait que jusquà présent - peut-être cela commence-t-il à changer -
il y avait une génération qui verrouillait les différents postes de direction dans
cette malheureuse région. Cela a entraîné un immobilisme considérable. Le système des
offices peut offrir lavantage de créer des pôles de responsabilité réels et
didentifier les problèmes de transport, dénergie, etc.
On met en cause ces structures mais on ne propose pas leur suppression
dans les déclarations récentes. Je ne pense pas que le problème tienne principalement
aux structures. Rien nempêcherait que ce soient les mêmes responsables élus qui
assurent la responsabilité des différents offices. "
Pour un troisième, "le système de la collectivité de
Corse me paraît dune grande complexité. En particulier, le fait quil y ait
un certain nombre doffices dont la direction est confiée à un membre de
lexécutif et qui sont, en quelque sorte, cogérés par des élus et des
responsables socio-professionnels, ne me paraît pas avoir abouti à des résultats très
concluants. "
Chacune des personnalités interrogées explicitement par la
commission denquête au sujet des institutions a ainsi exprimé des réserves plus
ou moins importantes quant à lefficacité densemble du dispositif. Les
motifs dinsatisfaction sont donc nombreux et appellent les commentaires suivants de
la part de la commission.
· La position de la commission
denquête : pas de préalable institutionnel
La commission sest efforcée daborder de
façon libre cette question sans en faire ni un impératif ni un préalable. En effet, il
lui paraît plus urgent de sattacher au rétablissement de lÉtat de droit
ainsi quau développement économique et culturel de lîle qui, pour la
majorité des Corses, représentent les deux priorités. La commission considère même
que la relance, aujourdhui, dun débat visant, soit à modifier fortement le
statut de 1991, soit à rechercher pour la Corse une appartenance à une autre catégorie
de collectivité territoriale, comporterait plusieurs inconvénients majeurs. Cela
constituerait, tout dabord, une manuvre, ou du moins un comportement
dilatoire, qui aurait pour effet de détourner lattention et les énergies des
questions essentielles. En second lieu, les acteurs politiques courraient le risque de
saffronter une nouvelle fois sur ces discussions alors que lopinion publique,
très majoritairement, nattend rien dun tel débat. Enfin, ces bouleversements
interviendraient au début dune nouvelle mandature et priveraient les élus Corses
de la possibilité dexpérimenter lensemble des possibilités ouvertes par le
statut de 1991.
Cela étant, il est possible, sans remettre en cause léconomie
générale de ce statut, dapporter quelques retouches dans un souci de clarification
et defficacité. Répétons-le, il ne sagit pas de préconiser ici
ladoption un nouveau statut pour la Corse. Lîle sétant approprié
le statut de 1991, il ne serait guère opportun de perturber le débat public et
laction administrative en annonçant des bouleversements imminents. Si elle
nest pas la priorité actuelle, cette question doit cependant faire lobjet
dun examen approfondi tant il est vrai que le système, tel que mis en place en 1982
puis en 1991, comporte des inconvénients et est susceptible de favoriser certaines
dérives. Les institutions ne constituent pas le facteur explicatif essentiel de la
situation dégradée de la Corse, mais quelques aménagements pourraient, semble-t-il,
aider au redressement de la situation.
b) Les
défauts originels et les dysfonctionnements du système actuel
Dans létat actuel des pratiques publiques en
Corse, la formule des offices a été désavouée par les faits. Ces démembrements ont
entraîné une dilution des responsabilités.
· Une Collectivité territoriale
qui nassume quimparfaitement ses responsabilités
La commission considère quil convient de lutter
contre la tendance au dessaisissement volontaire de la Collectivité territoriale.
Celle-ci a des pouvoirs très importants quelle nexerce pas ou peu dans
certains domaines. Elle sen remet volontiers aux six agences et offices créés
à cet effet qui répugnent, eux aussi, à prendre leurs responsabilités.
Lensemble manque de visibilité : la Collectivité territoriale déplore parfois le
fait quelle na pas directement ni complètement la maîtrise des agences et
offices et que, de ce fait, elle nest pas en mesure de définir une ligne politique
et des orientations dans chaque domaine. De leur côté, ces organismes se plaignent de
navoir pas assez de latitude daction pour mener toutes les opérations entrant
dans leur champ de compétence. Chaque institution a ainsi tendance à renvoyer sur
lautre la responsabilité de linaction ou des difficultés.
Il en résulte un manque de lignes directrices : par exemple, il
ny a pas en Corse de véritable politique de développement agricole et rural.
LODARC, qui devrait mettre en uvre la politique de la Collectivité
territoriale de Corse en la matière, se contente de distribuer les aides nationales ou
européennes, sans plan daction. LADEC (agence de développement économique
de la Corse) se plaint de navoir aucune marge dappréciation dans
loctroi des aides et la Collectivité territoriale de ne pas être en charge de la
totalité du processus de leur attribution, puisque cest lagence qui instruit
les dossiers. Dans ce contexte confus, qui doit-on croire ? Il est certain que le
manque de clarification des attributions exactes des uns et des autres facilite la
dilution des responsabilités.
· La coexistence de deux
légitimités concurrentes au sein des conseils dadministration des offices
Au sein des divers établissements, deux légitimités
totalement différentes tentent de coexister avec des succès divers. Les conseils
dadministration sont en effet composés délus membres de la Collectivité
territoriale de Corse et de socio-professionnels qui cherchent à faire entendre, et
parfois à imposer, leurs points de vue et leurs intérêts spécifiques. Certains
dentre eux accaparent le pouvoir au détriment des élus. Parfois, pour augmenter la
confusion des rôles, les premiers finissent par se faire élire, mais gardent leur
position dominante tout en ayant " changé de casquette ". Les
réseaux sinsèrent dans les institutions qui leur servent de paravent.
· Le risque de démembrement de la
Collectivité territoriale
La commission denquête constate que
linstitution des agences et offices, et plus encore la façon dont ils ont
fonctionné jusquà présent, créent un risque de démembrement de la Collectivité
territoriale. Ces satellites ont eu tendance à prendre une grande autonomie à la
faveur de plusieurs phénomènes qui se sont conjugués au fil du temps.
Tout dabord, la Collectivité territoriale na pas
souhaité se saisir de certains problèmes épineux dont le traitement aurait sans doute
été impopulaire. Par exemple, elle a laissé loffice hydraulique se débattre dans
des problèmes dimpayés de factures deau car la question, qui concerne les
agriculteurs, est politiquement sensible. Loffice a vu le niveau de ses créances
augmenter sans que lAssemblée de Corse ne prenne de décisions pour tenter de
régler la question. Au contraire, lAssemblée a en quelque sorte " donné
raison " à ceux des clients de loffice qui ne réglaient pas leurs
dettes. En décidant de prendre en charge, à compter de 1996, 50 % des factures
deau, elle a implicitement reconnu que les difficultés du monde agricole
justifiaient le non-paiement de leau au prix initial. Loffice a indiqué à la
commission que cette aide navait dailleurs nullement incité certains
bénéficiaires à sacquitter de façon plus régulière des 50 % restant à
leur charge.
En deuxième lieu, les élus devant siéger au conseil
dadministration des offices nont pas toujours su ou pu défendre la position
ou les intérêts de la Collectivité territoriale face à des socio-professionnels,
qui sont dailleurs parfois en position dominante, de par le statut de certains
offices, au sein des conseils dadministration.
Enfin, les socio-professionnels siégeant dans ces conseils
dadministration ont un point de vue à exprimer et à défendre. Ils sont en quelque
sorte juges et parties. Il est logique quils soient tentés de préconiser des
solutions favorables à la profession quils représentent. Dictées par des
préoccupations particulières voire corporatistes, leurs propositions peuvent, sous
couvert de technicité, se trouver validées par des élus qui ne sont pas nécessairement
informés de tous les aspects dune question entrant dans le champ
dintervention de loffice.
· Les chevauchements de compétences liés à la
sur-administration
Un dernier problème tient dans la présence
pléthorique dintervenants dans un même secteur. Ce chevauchement des
compétences ne favorise pas la cohérence des politiques menées et lefficacité
des actions initiées sans concertation. Le domaine agricole est emblématique de ce
point de vue : avec deux directions départementales de lagriculture, une direction
régionale de lagriculture, trois Chambres dagriculture (une en Haute-Corse,
une en Corse-du-Sud et une Chambre régionale), deux offices agricoles (loffice
déquipement hydraulique de Corse et loffice de développement agricole et
rural de la Corse) et une commission départementale dorientation agricole, les
organismes finissent par se faire concurrence. Le risque dempiétement est réel,
notamment dans le cas de lODARC dont les compétences chevauchent manifestement
celles des Chambres dagriculture.
Les difficultés de fonctionnement se cumulent avec les problèmes de
chevauchements de compétences. Ainsi, loffice de lenvironnement se plaint de
difficultés relationnelles avec le parc naturel régional.
Ces problèmes ont également été soulevés par le président du
Conseil exécutif, M. Jean Baggioni, qui, dans un courrier adressé à la commission,
évoquait le " foisonnement " et la
" surabondance " des structures, citant, entre autres, les multiples
instances agricoles ainsi que le cas de loffice de lenvironnement et du parc
naturel régional " qui, sans avoir le même périmètre, nécessitent à
tout le moins une articulation plus stricte de leurs missions, dautant que la
création de deux parcs marins nationaux ne fait quajouter au morcellement de
lespace incompatible avec une gestion cohérente et efficace ".
De lavis dun haut responsable administratif, appelé à
donner son point de vue devant la commission denquête, " sur le plan
des structures administratives, il est évident quil y a une sur-administration,
notamment au niveau du contrôle et de la fonction dassistance et dexpertise.
Six offices, une assemblée territoriale, deux conseils généraux, trois préfets, cinq
arrondissements, un secrétariat général pour les affaires corses, deux cent cinquante
mille habitants ! "
c) Les
propositions de la commission denquête
Face à ce constat, la commission présente les
propositions suivantes :
· Les élus doivent se
réapproprier les processus de prise de décision au sein des offices
Lors de son audition devant la commission
denquête, un haut responsable administratif a indiqué : " la question
des offices est aussi posée. Car il y a à la fois le problème de la présence des élus
de lassemblée territoriale - ils sont très souvent absents, de telle sorte que ce
sont les socio-professionnels présents qui font pression et qui prennent les décisions -
et labsence quasi-totale de contrôle de lÉtat, pour un certain nombre de
décisions, puisquil sagit dEPIC ou de pseudo-EPIC ".
Certains observateurs ont dit devant la commission
denquête que les vices des offices étaient " congénitaux ".
Selon cette thèse, cest la loi de 1991 qui aurait mis en place des offices
incontrôlables et ingérables par la Collectivité territoriale de Corse. Dautres
estiment que cest essentiellement le rôle des élus qui est en cause et que
lAssemblée de Corse pourrait se doter des moyens de surveiller les activités de
ces structures, voire de refuser leurs budgets sils ne lui conviennent pas.
La première piste est que les représentants de lAssemblée de
Corse soient réellement présents, ce qui éviterait que les groupes de pression prennent
seuls les décisions.
· Au minimum, la Collectivité
territoriale de Corse doit davantage contrôler ses offices
Dans son rapport de septembre 1997, la commission de
contrôle des agences et offices de lAssemblée de Corse relevait : " la
question est de savoir si, dans létat actuel de lorganisation et des
compétences des établissements publics, la Collectivité territoriale peut suffisamment
influer sur les actions menées par ces établissements. "
En principe, la Collectivité territoriale nest pas
dépourvue de tout moyen. Tous les offices et agences sont présidés par un
conseiller exécutif, dirigés par des directeurs nommés par le président du Conseil
exécutif. Ce dernier dispose, par ailleurs, dun certain nombre de moyens de
contrôle et dorientation. Les orientations budgétaires des offices et agences sont
arrêtées par lAssemblée de Corse sur proposition du Conseil exécutif.
LAssemblée de Corse est représentée dans leurs conseils dadministration
et elle organise des débats réguliers sur lactivité de ces établissements,
qui était jusqualors suivie en son sein par une commission de contrôle.
Dans les faits, les offices et agences se gèrent avec beaucoup de
liberté et de façon plus ou moins efficace et transparente. Lors de son audition
devant la commission denquête, un témoin expliquait : " ce
qui est certain, cest quil y a une opacité très grande : les conseils
dadministration (...) prennent des délibérations de principe, puis le directeur de
loffice prend une multitude de décisions dapplication à partir de cette
délibération de principe particulièrement vague. En réalité, ce sont des centres
clientélistes supplémentaires qui ont été créés avec ces offices - et que lon
voit utiliser très largement pendant les campagnes électorales ".
Certes, la commission de contrôle des agences et offices
instituée à lAssemblée de Corse doit remettre chaque année un rapport, mais ce
dernier ne suffit pas à assurer un véritable contrôle. Ainsi quil a été
indiqué à la commission, cette instance vient dailleurs dêtre supprimée
par lAssemblée de Corse issue des élections de 1998 et ses attributions ont été
confiées à la commission des finances et de la planification élargie aux membres des
bureaux des deux autres commissions.
A titre dexemple, la commission denquête a noté que, dans
les faits, lADEC restait fort peu contrôlée. Le président du Conseil exécutif a
la possibilité de faire des suggestions sur le fonctionnement économique et financier de
lorganisme et peut transmettre ses avis au président de lagence. Il informe
lAssemblée de Corse du fonctionnement et de lactivité de
létablissement. Larticle 17 des statuts prévoit quavant le 1er
novembre de chaque année, le président du Conseil exécutif présente à
lAssemblée de Corse un rapport sur les grandes orientations et le projet
détat prévisionnel des recettes et dépenses de lagence. Aux termes de
larticle 16, le président du Conseil exécutif reçoit copie des délibérations du
conseil dadministration et du bureau de lADEC. Il peut, dans un délai de huit
jours à compter de sa réception, demander un nouvel examen dune délibération.
Cette demande doit être motivée. Le nouvel examen de la délibération par le conseil
dadministration doit avoir lieu dans les 15 jours. Les délibérations nayant
pas fait lobjet dans un délai de 8 jours dune demande de réexamen par le
président du Conseil exécutif sont exécutoires de plein droit.
Concrètement, la commission denquête a constaté que
lADEC intervenait dans le processus dattribution des aides économiques de
façon très autonome. Les divers contrôles lui sont apparus superficiels.
· Pour la remise à plat du
système des agences et offices
Dans son rapport de septembre 1997 déjà cité, la
commission de contrôle des agences et offices notait : " avant de
sinterroger sur la question de savoir quelle est la place des EPIC au sein de notre
Collectivité territoriale, sans doute faut-il se demander si leur existence est
opportune, sils apportent une valeur ajoutée à notre action, et de manière
corrélative, si lexercice de leurs compétences seffectue réellement en
synergie. " Dans ce même document, cette commission estimait que la
présence de ces établissements était bénéfique à plusieurs points de vue :
lexistence dun EPIC permettrait de mieux visualiser la politique menée dans
un domaine particulier et de coordonner les actions entreprises par les différents
partenaires ; les offices et agences constitueraient des lieux facilitant le
partenariat avec dautres institutions, organismes et organisations et
apparaîtraient comme les " bras séculiers " de la Collectivité
territoriale, chargés de mener une action sur le terrain, en prise directe avec les
réalités.
De laveu même de plusieurs responsables insulaires,
lexistence de ces établissements présente également des inconvénients. Il a
probablement manqué, au sein du Conseil exécutif et animée par ce dernier, une instance
collégiale de pilotage de nature technique qui aurait permis dassurer une meilleure
coordination des actions dorganismes dont les compétences ont parfois tendance à
se recouper. La commission denquête sest intéressée à ces divers
organismes et notamment à lODARC, lOTC, lADEC, lOEHC et
lATC, pour lesquels elle a établi les propositions qui suivent.
· Confier à la Collectivité
territoriale de Corse les attributions de certains offices
Au terme de ses travaux, la commission denquête est
amenée à proposer la suppression de deux organismes dont lutilité est
particulièrement sujette à caution. Il sagit de lODARC (office de
développement agricole et rural de la Corse) et de lOTC (office des transports de
Corse), dont les attributions pourraient être opportunément exercées par les services
de la Collectivité territoriale à condition, bien entendu, que les élus prennent leurs
responsabilités et sen saisissent de façon à la fois déterminée et courageuse.
La commission a été frappée par le nombre de critiques
formulées par les acteurs locaux à lencontre de loffice de développement
agricole et rural de la Corse, accusé de nombreux maux. Pour les uns, loffice
serait budgétivore et inefficace ; pour les autres, il serait incapable de dresser
la liste des priorités du développement agricole. Certains se plaignent de
lomniprésence de loffice en principe compétent pour toutes les aides de
soutien aux agriculteurs. Dautres déplorent la faiblesse de ses actions
dingénierie. Comme cela a déjà été indiqué, il est temps que la
Collectivité territoriale assume, de façon plus nette et sans lécran dun
office, les choix devant être faits en matière agricole, en partenariat étroit avec le
ministère de lagriculture. Cela nexclut bien évidemment pas un dialogue
indispensable avec les professionnels concernés mais permettrait
de clarifier les processus de décision.
En ce qui concerne lOTC, les compétences qui lui sont
actuellement dévolues ne pourraient être directement exercées par la Collectivité
territoriale quà la condition que ne disparaisse pas le partenariat avec les
responsables économiques et sociaux du secteur des transports. La commission a, lors
dun déplacement, rencontré lun des responsables de loffice qui
reconnaissait lui-même que les missions de cet établissement pourraient être aussi bien
réalisées dans le cadre dun service de la Collectivité territoriale,
dautant plus que la réglementation communautaire et la législation nationale sur
les délégations de service public renvoient la prise de décision à lassemblée
délibérante des collectivités locales concédantes. Dès lors, lOTC na plus
guère quun rôle de préparation des dossier et de suivi dexécution des
concessions.
· Recentrer les missions de lADEC
Au cours de ses travaux, la commission denquête
sest intéressée au fonctionnement de lADEC. Elle doit déplorer le manque de
lignes directrices dans les activités de cet organisme qui na, semble-t-il, jamais
pu déterminer de façon ferme les quelques secteurs porteurs de léconomie devant
être, selon elle, soutenus de façon prioritaire. Le phénomène de
" saupoudrage ", maintes fois dénoncé par divers observateurs, a
perduré. Quatre ans après un rapport de lInspection générale des finances, les
préconisations essentielles qui y figuraient nont pas été mises en uvre.
Lors dune visite dans les locaux de lADEC, il a été dit à la commission que
lagence avait, vainement, cherché à se connecter informatiquement avec les
services financiers de la Collectivité territoriale ; selon un responsable de
lagence, cette dernière aurait été traitée comme la " troisième roue
du carrosse ". Cet incident témoigne du phénomène de démembrement entre la
Collectivité territoriale et lagence supposée, daprès les textes, jouer un
rôle de relais pour cette dernière : lADEC ne sest pas véritablement
insérée dans le processus de décision et dans le fonctionnement habituel au quotidien
de la Collectivité territoriale. Apparaissant comme une pièce rapportée, elle
nest pas en mesure de se faire le porte-parole de la Collectivité territoriale de
Corse en matière de développement économique. Par ailleurs, son existence et le fait
que les demandes de subventions soient dabord instruites par les services de
lADEC, examinées par le bureau de lagence, avant de faire lobjet
dune décision au Conseil exécutif de Corse, ont permis la persistance dun
certain flou sur les responsabilités exactes des intervenants aux différentes étapes de
traitement des dossiers.
La commission propose que linstruction des dossiers
dindividualisation des aides soit recentrée désormais au niveau des services de la
Collectivité territoriale, et non du bureau de lADEC. La Collectivité
territoriale pourrait ainsi directement mettre en place la véritable politique de
développement dont la Corse a aujourdhui besoin. En effet, les moyens financiers
mis à la disposition de lîle ne manquent pas et la volonté de lÉtat et de
lUnion européenne nest plus à démontrer. Il convient que la plus haute
instance politique de lîle, issue des urnes et responsable devant les électeurs
corses, définisse une stratégie de développement ciblé qui serve de trame pour
loctroi de toutes les aides, importantes ou moins significatives, quelles
proviennent de lUnion européenne, de lÉtat ou du budget de la région.
De son côté, lADEC pourrait opportunément se tourner vers
le conseil aux entreprises corses et laide au montage de dossiers de création, de
développement et dimplantation de sociétés en Corse. Chacun reconnaît que
les potentialités de lîle sont importantes et encore peu exploitées. Les
entreprises ne parviennent que rarement à développer leurs activités en dehors
dune zone géographique souvent très restreinte. Le regroupement dactivités
pourrait être bénéfique à certaines petites entreprises qui, de par leur taille
réduite, restent très vulnérables aux aléas de la conjoncture. Le renforcement du
tissu industriel passe partiellement par des actions de diffusion de linformation
dont lADEC pourrait se charger. Des missions détude de prospective,
danalyse et daudit importantes pourraient être confiées à lagence,
qui ne manque par ailleurs pas de ressources humaines et intellectuelles.
·
Inciter lOEHC à adopter une véritable politique de recouvrement de ses
créances
Divers documents transmis à la commission lui ont permis de
prendre la mesure des difficultés rencontrées par loffice hydraulique pour
recouvrer ses créances. Il semble que, pendant des années, un laxisme certain ait
prévalu. La question du recouvrement nest pas la seule difficulté à laquelle
loffice est confronté, mais elle apparaît comme essentielle.
Ni les élus ni les socio-professionnels siégeant dans le conseil
dadministration de loffice ne sétaient, jusquà une date
récente, saisis du problème des créances. Loffice ne peut continuer à
fonctionner dans ces conditions. LAssemblée de Corse devrait probablement
sinterroger sur les moyens de contraindre les plus gros débiteurs à
sacquitter progressivement de leurs dettes. Il nest pas acceptable que le
" champion " en ce domaine soit une collectivité locale : la
commune de Calvi qui détient, on la vu, le record de la dette auprès de
lOEHC.
Certes, depuis peu de temps, les responsables de loffice ont
décidé de mettre en application une délibération de 1993 de lAssemblée de Corse
selon laquelle aucune aide régionale ne peut être octroyée à une personne morale ayant
des dettes à légard de la Collectivité territoriale ou vis-à-vis de ses
démembrements, y compris ses offices et agences. La commission sinterroge à cet
égard : pourquoi a-t-il fallu attendre le mois de juin 1998 pour appliquer cette
délibération ? Il conviendrait aujourdhui que loffice se montre
inflexible envers les personnes morales particulièrement défaillantes et ne montrant
guère de signes de bonne volonté.
Il nest pas tolérable que certaines situations se pérennisent.
Les collectivités locales doivent notamment sefforcer dadopter un
comportement irréprochable. Le fait que la commune de Calvi ait pu ainsi accumuler une
telle " ardoise " auprès de loffice hydraulique (plus de 4
millions de francs au 30 juin 1998) nest ni le signe dune gestion
raisonnable de ladite collectivité locale ni la preuve dune très grande rigueur de
la part de lOEHC. Quun tel montant ait pu être atteint sans que loffice
ne prenne la moindre sanction est en effet une source détonnement pour la
commission. Sur le territoire national, il arrive que des agriculteurs défaillants soient
victimes dune mesure de coupure deau. En Corse, une telle solution
nétant, semble-t-il, pas même envisagée, si ce nest pour expliquer que cela
ne serait pas possible et créerait des problèmes insolubles à une profession déjà
atteinte par la crise, les dérives ne peuvent que se multiplier.
La commission suggère donc que lOEHC, qui constitue de par
ses activités le seul véritable EPIC dépendant de la Collectivité territoriale,
sattache désormais à démontrer quun établissement public industriel et
commercial bien géré peut parfaitement équilibrer ses comptes tout en assumant ses
fonctions. Il ne saurait y avoir de fatalité des impayés en la matière.
· Renforcer la place de
lagence du tourisme
La commission a noté que lagence du tourisme
(ATC), prévue à larticle 69 de la loi du 13 mai 1991, navait pas constitué
à ce jour linstrument performant au profit du développement touristique quil
aurait dû être.
Cet organisme possède pourtant de larges attributions puisquil
cumule les missions dun comité régional du tourisme (CRT) et celles dun
service régional du tourisme. Présidée, comme tous les offices et agences de la
Collectivité territoriale par un conseiller exécutif, lATC, dotée de trente-cinq
agents, est chargée de missions de conseil, de formation et dinformation. Elle
se présente comme un outil exceptionnel du point de vue des moyens qui lui sont alloués
et des compétences qui lui sont reconnues.
Force est de constater que cet établissement a, à ce jour, rencontré
des difficultés à exercer ses fonctions. Une des explications réside dans
labsence de véritable plan de développement pour le tourisme. Il en résulte un
manque de continuité dans les actions menées en faveur de ce secteur. En outre,
lagence a souffert dun problème de positionnement vis-à-vis de lADEC
qui, de par ses attributions, est compétente pour les aides économiques à toutes les
entreprises, y compris aux entreprises hôtelières.
Le tourisme a atteint une
telle dimension en Corse que cet établissement devrait être en mesure de mobiliser
lensemble des acteurs concernés. Or, on doit relever que cet organisme a traversé
une grave période de crise
. Selon un témoin, " (le précédent
président de lagence) est entré en conflit avec son directeur, et il ny a
plus eu de directeur pendant plusieurs mois. Or ce type dorganisme suppose la
présence dun technicien de haut niveau. Un nouveau directeur a été nommé. Il y a
aussi eu une période de tension avec les professionnels, de divisions au sein du monde
professionnel. La crise, le manque de poids politique du président, labsence de
directeur, tous ces éléments ont été défavorables à lagence du tourisme, qui
na pas pu jouer le rôle quelle devait jouer. "
La commission a relevé le grand nombre dintervenants dans le
domaine du tourisme. En plus de cette agence, il existe en effet une délégation
régionale au tourisme (service de lÉtat), un comité départemental du tourisme et
des loisirs en Haute-Corse (et pas en Corse-du-Sud), ainsi que des services de
développement touristiques dans les deux Chambres de commerce. Au total, les
fonctionnaires de développement sont plus nombreux que les véritables assistants
techniques hôteliers. Ce trop plein de structures na pas favorisé
létablissement de lignes directrices communes à toutes.
Cette situation plaide en faveur du renforcement de lagence du
tourisme qui doit être un chef de file plus dynamique des actions de promotions
touristiques. Cet organisme a vocation à être le maître duvre de la
politique de développement touristique de lîle, qui mérite dêtre
poursuivie sur le long terme. Enfin, lagence doit être un partenaire central de
lÉtat et de la Collectivité territoriale au moment des négociations sur le
prochain contrat de plan dans lequel les activités touristiques devraient occuper une
place importante.
3. Des réformes à plus long terme : une
organisation plus unitaire de la Corse
La réforme institutionnelle nest, rappelons le, pas
à lordre du jour en Corse. Les problèmes et difficultés que rencontrent
aujourdhui lîle nappellent pas, à lévidence, de solutions de
cette nature. Cela ne signifie pourtant pas que la porte soit définitivement fermée à
une évolution à plus long terme de lorganisation territoriale de lîle.
Tout indique que lévolution naturelle de la décentralisation
tendra à placer léchelon régional de plus en plus en première ligne en matière
daménagement ou de développement du territoire. Dans une île aussi réduite que
la Corse, cela posera tout naturellement la question de lavenir de la
bi-départementalisation.
Par ailleurs, et à terme plus rapproché, la Corse ne pourra pas non
plus rester, comme elle le fait, à lécart du mouvement de coopération
intercommunale que lon constate depuis quelques années dans les autres régions.
Une réflexion sur la mise en uvre de mécanismes efficaces de nature à encourager
lintercommunalité savère ainsi également nécessaire.
a) Vers la suppression de la bi-départementalisation
Revenir sur la bi-départementalisation de 1975 ne
constitue pas un impératif immédiat. Cest une piste de réflexion pour le long
terme. Elle ne constitue pas un tabou, y compris dans lîle elle-même.
Les obstacles ne seraient pas mineurs. Comme la indiqué un
responsable politique à la commission denquête, " la division de la
Corse en deux départements (
) a sa justification par lexistence dune
crête montagneuse qui sépare les deux parties de lîle, celle qui tourne autour
dAjaccio et celle qui tourne autour de Bastia ". Pour réel que soit
le poids de la géographie, lunité administrative de la Corse a été cependant la
règle pendant 164 ans entre 1811 et 1975. Surtout, la bi-départementalisation est
intervenue à une époque où les régions nétaient encore que de simples
établissements publics.
En provoquant, comme on la vu, la division des structures aussi
bien administratives, judiciaires que consulaires, la bi-départementalisation présente,
avec le recul, plus dinconvénients que davantages.
Revenir sur elle, poserait immanquablement le problème de
lexistence même dun département en Corse.
On peut certes envisager la coexistence, sur un même territoire,
dun département et dune Collectivité territoriale aux compétences
étendues. Ce ne serait pas un schéma inédit, puisque cest celui qui prévaut dans
les quatre départements doutre-mer.
On peut également envisager labsorption des compétences des
conseil généraux par la Collectivité territoriale de Corse. Cest la solution
extrême que dessinait devant la commission denquête un ancien ministre de
lIntérieur : " A mon avis, créer deux départements a été une
erreur. Elle est facile à corriger : il suffit de ne faire quun seul
département et, du même coup, le supprimer ". On peut observer quil
existe dores et déjà un exemple dune telle absorption : la compétence
en matière de collèges, qui dans le reste de la France relève des départements, est
exercée en Corse par la Collectivité territoriale.
La commission denquête nentend pas évidemment conclure un
tel débat avant même quil ne soit réellement ouvert. Son propos est simplement de
prendre date et de poser les termes dune réflexion institutionnelle qui ne manquera
pas de souvrir lorsque lîle aura recouvré une situation plus normale.
b) Lintercommunalité doit être fortement encouragée
Lémiettement communal atteint en Corse des
dimensions que lon retrouve dans peu de régions françaises. Actuellement, il
nest pas compensé par un développement suffisant de la coopération
intercommunale. La Corse apparaît, on la vu, comme lune des régions les plus
en retard sur ce plan. De plus, à lexception notable du district de Bastia, les
structures de coopération intercommunale qui existent restent de petite taille. Leur
fonctionnement napparaît pas non plus particulièrement satisfaisant.
Pourtant, lintercommunalité paraît être le meilleur moyen de
desserrer létreinte financière qui pèse aujourdhui sur de très nombreuses
petites communes rurales de lîle et de favoriser la définition et la mise en
uvre de projets de développement.
Au-delà des différentes formes juridiques de coopération
intercommunale qui soffrent aux communes, la politique des pays pourrait trouver en
Corse un terrain privilégié.
Le pays est, rappelons-le, défini par la loi dorientation pour
laménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 comme
" une communauté dintérêts économiques et sociaux "
et le lieu privilégié des " solidarités réciproques entre la ville et
lespace rural ". Il permet, son succès en atteste, de restaurer le
dynamisme économique et lidentité de territoires définis comme présentant " une
cohésion géographique, culturelle, économique ou sociale ". Il constitue
un véritable espace de projets et un cadre fondé sur les solidarités actives de tous
les acteurs locaux. Le pays est également un espace pertinent dorganisation des
services publics et de mise en place dune politique contractuelle, dans le cadre des
contrats de plan État-régions.
Les 19 micro-régions qui divisent la Corse semblent répondre à cette
définition et pourraient servir de support à une véritable politique de pays en Corse.
Cependant, cest bien évidemment aux Corses eux-mêmes quil convient de
déterminer les limites les plus pertinentes.
La négociation du prochain contrat de plan constitue loccasion
idéale de mettre en place des mécanismes efficaces de promotion de
lintercommunalité et de la politique des pays en Corse. Ces mécanismes pourraient,
par exemple, prendre la forme dun fonds spécifique. Ce fonds viendrait
" primer " les projets de territoire portés par des structures
intercommunales. Il pourrait par exemple permettre, en élaborant des " contrats
de développement ", de financer :