Version PDF
Retour vers le dossier législatif

N° 2905

_______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 31 janvier 2001

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur le bilan de la présidence française,

ET PRÉSENTÉ

par M. Alain BARRAU,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Union européenne.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Alain Barrau, président ; Mme Nicole Catala, MM. Gérard Fuchs, Jean-Claude Lefort, Maurice Ligot, vice-présidents ; M. Didier Boulaud, secrétaire ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mme Marie-Hélène Aubert, MM. Jacques Blanc, Jean-Marie Bockel, Pierre Brana, Yves Bur, Mme Monique Collange, MM. Camille Darsières, Yves Dauge, Bernard Derosier, Philippe Douste-Blazy, Mme Nicole Feidt, MM. Yves Fromion, Gaëtan Gorce, François Guillaume, Christian Jacob, Pierre Lellouche, Pierre Lequiller, François Loncle, Mme Béatrice Marre, MM. Gabriel Montcharmont, Jacques Myard, Daniel Paul, Joseph Parrenin, Jean-Bernard Raimond, Mme Michèle Rivasi, MM. François Rochebloine, Michel Suchod.

SOMMAIRE

_____

Pages

INTRODUCTION 7

I. LES PROGRES DANS LA VOIE D'UNE EUROPE DE LA CROISSANCE ET DE L'EMPLOI 13

A. La coordination des politiques fiscales et sociales 13

1) Un renforcement de l'Eurogroupe 13

2) Un premier pas vers l'harmonisation des fiscalités européennes 15

a) Des avancées importantes sous présidence française 15

b) Un chantier pour l'avenir 17

3) Une nouvelle ambition pour l’Europe sociale et la stratégie communautaire pour l’emploi 17

B. Vers un espace économique de la connaissance et de la recherche 19

1) Le développement de la mobilité des jeunes à l'intérieur de l'Union européenne 19

2) La poursuite d'une plus grande efficacité dans le domaine de la recherche 20

3) L'approfondissement de la politique des transports 22

a) Le transport ferroviaire 22

b) Le transport aérien 23

II. DES REPONSES AUX PREOCCUPATIONS DES CITOYENS 27

A. L’affirmation des droits et valeurs de l'Union européenne 27

1) La proclamation de la Charte des droits fondamentaux 27

2) La mise en place d’une procédure d’alerte en cas de risque de violation des droits fondamentaux 27

B. La construction d'un espace de liberté, de sécurité et de justice 28

C. Le renforcement des règles de protection de l'environnement et de sécurité maritime et alimentaire 30

1) La politique de l'environnement 30

2) La sécurité du transport maritime 32

3) La sécurité alimentaire : vers la création d’une Autorité alimentaire indépendante 34

4) La politique de la pêche 34

5) La politique agricole commune 36

D. La mise en place d'une approche nouvelle du sport dans l'Union européenne 36

1) La reconnaissance de la spécificité des activités sportives 36

2) Une approche volontariste de la lutte contre le dopage 38

III. LA PESC ET LES RELATIONS EXTERIEURES DE L'UNION EUROPEENNE 41

A. L'amélioration des mécanismes de la PESC 41

1) Une gamme désormais complète des instruments de la politique extérieure de l’Union 41

2) L'Europe de la défense 44

a) Les progrès enregistrés dans la construction de l'Europe de la défense 44

b) Les limites des acquis 45

B. Une présence active de l'Union sur la scène internationale 46

1) Un processus de stabilisation et d’association des Balkans occidentaux consolidé grâce à leur évolution démocratique 46

2) La construction d’un monde multipolaire et régulé 48

a) Les relations avec les ensembles régionaux 48

(1) Un dialogue préservé avec les pays tiers mediterranéens 48

(2) Les négociations ont été réellement lancées avec le Mercosur 50

(3) Les relations doivent être renforcées avec l’Asie 51

(4) Des relations en mutation avec l’Afrique 52

b) Pour un cycle commercial multilatéral axé sur le développement 53

IV. L’ELARGISSEMENT : LA PRIORITE DE L’UNION 55

V. LA REFORME DES INSTITUTIONS : UN ACCORD QUI VA PERMETTRE A LA CONSTRUCTION EUROPEENNE DE POUR-SUIVRE SON APPROFONDISSEMENT 59

A. Une solution d’ensemble à une négociation engagée depuis au moins cinq ans 59

1) Des discussions difficiles qui mettent fin à une querelle institutionnelle ancienne 59

2) Un dispositif cohérent qui couvre l’ensemble des sujets en négociation 63

B. Des dispositions qui améliorent l’efficacité et la légitimité des institutions 65

1) La Commission 65

a) Un format maîtrisé 65

(1) Un collège composé d’un national par Etat membre à partir de 2005 : le risque d’une renationalisation rampante 65

(2) Le principe d’un plafonnement à terme 66

b) Le renforcement des pouvoirs du Président 67

2) Une extension appréciable du champ de la majorité qualifiée 68

3) Un assouplissement du mécanisme des coopérations renforcées 71

4) Une repondération des voix qui permet de renforcer la légitimité des décisions prises par le Conseil 74

5) Le Parlement européen 81

a) Une représentativité plus large 81

b) Une extension de la procédure de codécision 82

C. Des perspectives nouvelles pour la construction européenne 83

1) Le lancement d'un débat sur l’avenir de l’Europe et la convocation en 2004 d’une nouvelle CIG 83

2) La levée de l’obstacle institutionnel à l’élargissement 86

CONCLUSION 91

TRAVAUX DE LA DELEGATION 93

1) Audition commune avec la Commission des affaires étrangères de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, et de M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes, sur les résultats du Conseil européen de Nice (mercredi 13 décembre 2000) 93

2) Examen du rapport d’information (mercredi 31 janvier 2001) 103

ANNEXES 111

Annexe 1 : Extensions du vote à la majorité qualifiée prévues par le traité de Nice 112

Annexe 2 : Extension du vote à la majorité qualifiée dans le secteur Justice et affaires intérieures communautarisé (titre IV) 115

Annexe 3 : Tableau comparatif sur le programme de la présidence française 117

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Une fois que les esprits se seront apaisés et qu’il sera possible d’examiner sereinement les progrès de la construction européenne réalisés pendant ce second semestre 2000, la présidence française apparaîtra pour ce qu’elle est : une présidence très dense qui aura obtenu des résultats positifs, souvent remarquables, dans des domaines essentiels pour la cohésion économique et sociale de l’Union et sa capacité à répondre aux préoccupations des citoyens.

Si l’on veut bien un instant ne pas se focaliser sur la réforme institutionnelle qui a retenu toute l’attention des observateurs, force est de constater la très grande diversité des acquis de cette présidence : l’adoption de l’Agenda social européen, qui est un programme de travail sur cinq ans dans des domaines aussi variés que la qualité de l’emploi, la lutte contre l’exclusion, la modernisation de la protection sociale ou la promotion de l’égalité hommes-femmes ; l’accord intervenu sur le paquet fiscal, qui était en négociation depuis près de trois ans et qui constitue une avancée substantielle dans la voie d’une harmonisation fiscale ; les décisions importantes prises pour renforcer la sécurité maritime ; les progrès réalisés en matière de défense, qui constituent une évolution considérable si l’on veut bien se souvenir que, pendant quarante ans, l'Europe a fait du surplace dans ce domaine ; l’accord intervenu sur le projet de statut de la société européenne qui clôt des négociations en cours depuis trente ans !

Un tel éventail de résultats n’allait pas de soi. D’abord, parce que la suspension estivale des travaux fait que la durée utile d’une présidence de second semestre est très brève – 22 semaines environ. Ensuite, parce que la marge de manœuvre de cette présidence était sans doute plus réduite que celle de ses prédécesseurs. Il revenait en effet à notre pays de mener à bien des exercices très lourds – la Conférence intergouvernementale, la Charte des droits fondamentaux, l'Europe de la défense – qui avaient été lancés antérieurement et qui ont fatalement mobilisé en priorité les énergies de nos responsables. De ce fait, la présidence française n’avait pas la même latitude que les présidences portugaise ou finlandaise pour ouvrir le champ des préoccupations à de nouveaux domaines, la croissance et l’emploi pour la première, l’espace de liberté, de sécurité et de justice pour la seconde. Pour prendre un exemple, alors que le Portugal a pu convoquer un Conseil européen extraordinaire pour décider de tout un éventail d’initiatives dans les domaines économiques et sociaux, le Conseil européen informel de Biarritz a du être consacré à l’examen du projet de charte et, surtout, à une discussion très libre et très franche sur les sujets à l’ordre du jour de la CIG. L’exercice n’a pas été inutile : peut-être n’y aurait-il pas eu accord à Nice sans cette mise à plat préalable des enjeux de la CIG qui a permis à chacun de dire ce qu’il avait sur le cœur.

Mais il en est résulté, en termes d’image, que notre présidence était essentiellement axée sur les questions institutionnelles, alors que sa vocation était beaucoup plus large. Qu’elle ait malgré tout permis des avancées importantes dans d’autres domaines en dénouant de vieux dossiers qui cristallisaient depuis longtemps de fortes divergences constitue un tour de force remarquable.

Or, cette présidence suscite une vague de critiques dans certains milieux politiques et dans la majorité des médias. Pourquoi un tel décalage entre le commentaire et la réalité ? Si l’on lit attentivement les articles de presse, on constate que les mises en cause argumentées du bilan de la présidence sont rares : chacun est obligé de convenir des résultats obtenus, sauf à se focaliser sur des anecdotes peu significatives ou des commentaires de personne.

Les appréciations négatives procèdent en réalité d’un seul et même fait : l’issue jugée décevante des négociations institutionnelles.

Pourtant, ce volet institutionnel de la présidence française mérite beaucoup mieux – me semble-t-il – que les opprobres dont il est l’objet. Les solutions retenues peuvent être critiquées mais chacun est bien obligé d'admettre que l’unanimité recule dans le processus de prise de décision – même si le résultat n'est pas à la hauteur de nos espérances initiales –, que le mécanisme des coopérations renforcées a été notablement assoupli, que le nombre de commissaires sera plus faible que si le statu quo avait été maintenu et que l'équilibre des voix au Conseil prendra mieux en compte le poids démographique des Etats.

Par ailleurs, les décisions prises à Nice « bouclent » une discussion institutionnelle ancienne qui « empoisonne » la vie de l’Union depuis plus de cinq ans. Elles ouvrent également la voie à l’élargissement et permettent d’engager le vrai débat que tout le monde attend sur l’architecture institutionnelle d’une Union élargie. Il ne faut pas se tromper de raisonnement : ce n’est que si cette négociation de la CIG avait échoué, les chefs d’Etat et de gouvernement se séparant au petit matin sans avoir trouvé d’accord, que l’on aurait pu dire que la présidence avait échoué, malgré ce qu’elle aurait apporté par ailleurs.

Pourquoi alors cette vision déformée des résultats institutionnels de Nice ? Pour trois raisons essentielles, à mes yeux.

D’abord parce qu’il ne fait pas de doute que le débat lancé par le ministre allemand des affaires étrangères, Joschka Fischer, sur la nécessité de créer une avant-garde de pays prêts à aller plus loin dans la voie de l’intégration a eu pour conséquence de brouiller la compréhension des enjeux de cette CIG.

Sous l’effet des vastes perspectives institutionnelles tracées par le ministre allemand, les sujets à l’ordre du jour de la négociation institutionnelle sont en effet apparus comme des questions accessoires n'intéressant pas l’avenir de l’Union. Or, les décisions prises à Nice sont au contraire essentielles pour améliorer le mode de décision et le fonctionnement des institutions dans la perspective de l’élargissement. Si ces décisions ne s’inscrivent pas dans une vision d’ensemble de l’architecture de l’Europe, c’est parce que les Quinze ont voulu séparer deux types d’exercices : d’abord résoudre les questions non résolues à Amsterdam – et c’est pourquoi l’ordre du jour de la CIG a été strictement défini ; ensuite, entamer une réflexion plus ample sur les traits généraux de l’Europe du XXIème siècle – et ce sera l’objet du prochain rendez-vous de 2004.

Mais cette mauvaise perception des résultats de la réforme institutionnelle s’explique aussi par la tournure prise par les débats à Nice : les observateurs ont eu l’impression que le sens de l’intérêt européen avait déserté les salles de réunion du Conseil européen et que s’affrontaient des personnalités arc-boutées sur la défense de leur intérêt national. Cette appréciation est évidemment biaisée. Il est rare que les exercices de révision des traités se déroulent dans une atmosphère idyllique où chacun accepterait les compromis proposés sans négocier pied a pied : Maastricht et Amsterdam ont été des négociations difficiles avant d'aboutir aux résultats que l'on connaît. Mais la particularité de la négociation de Nice est qu’elle portait sur des matières exclusivement institutionnelles et lourdes d'enjeux pour les Etats : les sujets en discussion concernaient en effet directement le partage du pouvoir dans l'Union, le rôle des Etats dans le processus de prise de décision et leur influence respective dans les institutions. Il n'est pas étonnant que ce genre de sujet suscite de fortes oppositions.

Enfin, il faut prendre en compte le fait que les Conseils européens sont devenus, depuis quelque temps déjà, des événements médiatiques de première importance. Pas moins de 3.500 journalistes étaient présents à Nice. Cette évolution est sans aucun doute positive : les citoyens sont deux fois par an amenés à s’intéresser à des dossiers européens dont ils ne sont malheureusement qu’indirectement informés le reste de l’année ; l’Europe perd l’espace d’un Conseil européen son aspect anonyme pour s’incarner dans quinze chefs d’Etat ou de gouvernement dont la légitimité démocratique est indubitable ; cette Europe que l’on décrit souvent comme une machine opaque devient un lieu de débat d’une très grande transparence, aucun des rebondissements des discussions n’étant ignoré des observateurs.

Mais qui ne voit également les inconvénients de cette situation et les effets de « bulle médiatique » qu’elle génère : alors que le champ des décisions prises à Nice était multiforme et excédait le seul volet institutionnel, l’attention des journalistes s’est trouvée accaparée par la question la plus difficile à résoudre – mais pas nécessairement la plus importante – qui était celle de la pondération des voix.

N’est-il pas symptomatique de constater que le succès des discussions pour assouplir le dispositif des coopérations renforcées ait été quasiment ignoré ? Que la proclamation de la Charte n’ait guère retenu l’attention alors qu’il s’agit d’un texte lisible et fort qui affirme l’ensemble des valeurs auxquelles les citoyens européens peuvent se référer ? Que l’intégration dans les traités d’une structure institutionnelle nouvelle propre à donner une impulsion à l’Europe de la défense n’ait guère retenu l’attention des observateurs – sans parler des différentes matières évoquées plus haut (sécurité maritime, sécurité alimentaire, Europe sociale…) détaillées dans les conclusions de la présidence ?

Entendons-nous bien : il ne s’agit pas de contester tout jugement critique sur le bilan de cette présidence. Mais encore faut-il qu’un tel jugement soit étayé d’une analyse sérieuse des résultats de négociation et ne procède pas de jugements stéréotypés sur le comportement prêté aux français (« arrogance », « manque de modestie »…) ou d’une vision réductrice des seuls débats institutionnels. Le ministre français des affaires étrangères, Hubert Védrine, a parlé de véritable « erreur collective » dans le jugement médiatique porté sur la présidence française, même si ce jugement ne règle pas le problème posé par la perception d’ensemble de ces résultats.

C’est tout l’objet de ce rapport que de procéder à une analyse sereine des progrès réalisés par l'Union européenne pendant ce second semestre 2000.

I. LES PROGRES DANS LA VOIE D'UNE EUROPE DE LA CROISSANCE ET DE L'EMPLOI

A. La coordination des politiques fiscales et sociales

1) Un renforcement de l'Eurogroupe

Dans la conduite de la politique monétaire, la grande affaire de la présidence française est naturellement la poursuite de la marche vers l’euro. La monnaie européenne, qui entre progressivement dans le paysage financier des entreprises, n’est pas encore, en ce début d’année, une réalité concrète pour nos concitoyens. A côté des actions qui relèvent de la responsabilité propre et autonome de la Banque centrale européenne et du Système européen de banques centrales, la réussite globale du passage à l’euro dépend pour une part essentielle de la cohérence des interventions en la matière des responsables politiques.

Or, on le sait, si l’euro est une affaire de l’Europe communautaire, elle n’est pas l’affaire de tous les Etats membres Dès 1997, le Gouvernement français a ressenti la nécessité de créer les conditions organiques d’une coordination spécifique des Etats membres de la zone euro, à la fois pour des raisons de préparation rationnelle des décisions appelées par la mise en place de la monnaie européenne et parce qu’il était important pour la crédibilité de l’euro que l’autorité politique en charge de ces décisions soit clairement identifiée par les opérateurs et les marchés.

La France est parvenue à faire partager sa conviction par les autres Etats membres. Le Conseil européen de Luxembourg a décidé, en décembre 1997, la création d’une instance informelle de réunion chargée de « discuter de questions liées aux responsabilités spécifiques qu’ils partagent en matière de monnaie unique ». Cette création est devenue effective avec l’adoption de la décision du 2 mai 1998 arrêtant la liste des onze pays pouvant adopter la monnaie unique au 1er janvier 1999.

Pour consolider le bilan positif des premiers mois d’existence de l’Eurogroupe, et aussi pour tirer, en termes d’organisation et de communication, les conclusions des réactions des marchés traduites par la détérioration de la parité euro-dollar, la présidence française a présenté et fait adopter, en juillet 2000, des propositions tendant, d’une part, à renforcer la visibilité externe de l’Eurogroupe et, d’autre part, à en élargir les compétences.

Au titre de la visibilité, il a été décidé de développer, compte tenu des contraintes spécifiques au domaine monétaire, la communication régulière (après chaque réunion de l’Eurogroupe) ou ponctuelle sur les décisions communes des Etats membres de la zone euro. Le principe de la définition et de la publication régulière d’indicateurs synthétiques relatifs à la situation économique de la zone euro a été arrêté : sa mise en application implique la solution, dans le domaine monétaire, des problèmes habituels que pose la compatibilité entre les systèmes d’information statistique des Etats membres. Enfin, les modalités d’exercice de la présidence de l’Eurogroupe, actuellement soumise à la règle habituelle de l’alternance semestrielle, ont été soumises à la réflexion commune. A cet égard, l’année 2001 aura valeur d’enseignement, puisque la Suède, qui assure la présidence de l’Union européenne jusqu’au 30 juin 2001, n’est pas membre de l’Eurogroupe, et que celui-ci sera donc présidé pendant toute l’année civile par la Belgique.

La présidence française a également poussé, sur le fond, à l’élargissement consensuel du champ des compétences de l’Eurogroupe, et a fait adopter des règles de fonctionnement plus rigoureuses, prévoyant la tenue de ses réunions la veille des conseils Ecofin et le développement des capacités de concertation entre ses membres dans les situations d’urgence.

Le second sujet d’actualité de la politique de l’euro est la préparation du passage à « l’euro pratique », c’est-à-dire à l’euro fiduciaire. Le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a fait partager à ses collègues sa juste conviction qu’il fallait réduire le plus possible la période de double circulation des espèces libellées en monnaies nationales et en euros. Des opérations de communication à l’échelle de l’Europe, rappelées et encouragées par les conclusions du Conseil européen de Nice, ont été définies avec l’actif concours de la présidence française. Pour le reste, les autorités politiques des Etats membres ont la maîtrise de procédures de passage dont les modalités dépendent en large partie des attitudes traditionnelles de chaque nation ; on doit se féliciter de ce que, dans ce domaine, la France ait cherché à donner l’exemple.

Le Conseil européen de Nice a également pris acte de la nécessité, soulignée par la France, de renforcer le dispositif de lutte contre la contrefaçon de l’euro, que sa situation de monnaie de réserve expose objectivement, à l’instar du dollar, à une telle menace. Comme la Délégation a pu le constater à l’occasion des débats auxquels a donné lieu la présentation, le 22 juin dernier, du rapport de notre collègue M. Pierre Brana sur la protection des intérêts financiers des Communautés, une trop grande disparité des échelles de sanctions et des pratiques de répression est un risque inacceptable au regard de l’enjeu de crédibilité que représente le bon déroulement des opérations d’introduction de l’euro fiduciaire. Ce sera l’occasion de tester, et éventuellement d’améliorer, le fonctionnement des dispositifs communautaires de coopération policière (Europol) et judiciaire (Eurojust).

2) Un premier pas vers l'harmonisation des fiscalités européennes

a) Des avancées importantes sous présidence française

La présidence française a permis, en premier lieu, d’obtenir un accord sur le « paquet fiscal », qui avait été évoqué pour la première fois en 1989 et qui était en discussion au Conseil depuis décembre 1997. Ce « paquet » comporte trois volets.

D’abord, une directive sur la fiscalité de l’épargne, qui devrait s’appliquer à partir de 2003. Rappelons qu’un vote à l’unanimité, qui est nécessaire en cette matière, était loin d’être évident compte tenu de la réticence constante du Royaume-Uni et du Luxembourg sur ce projet. Or, non seulement le texte a été adopté, mais il a été préservé dans ses grandes lignes. Pour la première fois dans l’histoire de la Communauté européenne, un cadre d’harmonisation de la fiscalité de l’épargne voit le jour. Désormais, un minimum d’imposition effective des intérêts perçus par les ressortissants européens sur l’épargne qu’ils ont placée dans un autre Etat membre que celui de leur résidence sera assuré. Les Etats choisiront entre un prélèvement à la source et un système d’échanges d’information, avant qu’au bout de sept ans, celui-ci soit généralisé. Le taux de prélèvement sera de 15 % les trois premières années et de 20 % les quatre suivantes.

Le deuxième volet est constitué par l’élaboration d’un code de bonne conduite sur la fiscalité des entreprises. Le Conseil européen a décidé à ce sujet que les travaux seraient poursuivis de manière à ce que ce code et la directive sur la fiscalité de l’épargne puissent être adoptés en même temps en 2002.

Quant au troisième volet, relatif à la taxation des intérêts et redevances payés entre entreprises associées, il ne devrait pas, dans ces conditions, soulever de problème majeur, sachant que la Grèce, le Portugal et l’Espagne ont obtenu des périodes de transition.

Comme l’a indiqué le ministre de l’économie et des finances, Laurent Fabius, à l’Assemblée nationale le 28 novembre 2000, dans une réponse à une question posée par notre collègue, Jean-Pierre Balligand, « Cet accord… est important à trois titres. Il porte un coup, d’abord au dumping fiscal, puisque les régimes dérogatoires seront purement et simplement démantelés, ensuite, à l’évasion fiscale publique puisque, sur l’ensemble du territoire de l'Union européenne, il signifie à terme la fin du secret bancaire. Enfin, grâce à cet accord, il y aura probablement moins de distorsion entre la fiscalité du travail et celle du capital… ».

D’autres progrès ont également été enregistrés, notamment concernant le régime de la TVA. Rappelons d’abord que le Conseil Ecofin a adopté une directive visant à simplifier la législation communautaire en vigueur sur le redevable de la TVA. Ce texte, qui a vocation à s’appliquer à partir du 1er janvier 2002, simplifiera la vie des entreprises en les dispensant d’avoir recours à un représentant fiscal dans les pays où elles ne sont pas établies. Par ailleurs, les discussions sur l’instauration de nouvelles règles de facturation de la TVA, notamment par voie électronique, ont beaucoup avancé. Ces dispositions contribueront également à alléger les charges des entreprises.

b) Un chantier pour l'avenir

Si ces avancées méritent d’être saluées, beaucoup reste encore à faire. Ainsi, s’agissant de la fiscalité de l’épargne, il conviendra de convaincre les Etats-Unis et d’autres Etats tiers d’adopter des mesures équivalentes afin que la directive communautaire ne se traduise par une fuite des capitaux vers ces pays. De même, les Etats membres comprenant des territoires dépendants ou associés devront-ils faire en sorte que ceux-ci appliquent aussi de telles mesures.

En outre, le régime communautaire de la TVA, qui est d’une complexité excessive, devra, au-delà des progrès déjà enregistrés, être globalement simplifié et rationalisé. Il conviendra aussi, notamment, de définir un régime communautaire de la taxation de l’énergie.

3) Une nouvelle ambition pour l’Europe sociale et la stratégie communautaire pour l’emploi

La manifestation très nombreuse organisée par la Confédération européenne des syndicats (CES) la veille du Conseil européen de Nice a exprimé l’attente très forte en matière d’Europe sociale. Cette initiative n’a évidemment rien à voir avec certains débordements violents constatés le lendemain.

Parallèlement à l’adoption de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui comporte un important volet social, la définition, au travers de l’agenda social européen, d’un programme d’action dans tous les domaines de compétence de l’Union européenne dans le domaine social pour les cinq ans à venir (2001-2005) constitue une étape importante dans la construction communautaire(1). Outre que ce texte donne une nouvelle ambition à l’Europe, il rééquilibre la part du social par rapport à l’économique et devrait permettre de répondre aux préoccupations des syndicats de salariés et de millions de citoyens européens.

Par ailleurs, le Conseil européen de Nice a approuvé les objectifs de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale adoptés par le Conseil et invité les Etats membres à présenter d’ici juin 2001 un plan national d’action de deux ans et à définir des indicateurs et des modalités de suivi permettant d’apprécier les progrès accomplis.

Il convient également de rappeler que plusieurs initiatives ont été entreprises, dans le cadre de l’article 13 du traité instituant la Communauté européenne, pour lutter contre toutes les formes de discrimination.

On doit aussi se féliciter de l’accord trouvé sur le statut de la société européenne, en particulier son volet social, alors même que ce dossier était en souffrance depuis 30 ans. De même, doit-on se réjouir des progrès importants réalisés sur le projet de directive concernant l’information et la consultation des travailleurs.

Enfin, force est de constater que la stratégie communautaire pour l’emploi a été largement renforcée(2). Parmi les améliorations les plus significatives, on peut citer l’accroissement des objectifs quantifiés et une meilleure prise en compte de la qualité de l’emploi, de l’esprit d’entreprise et de la formation tout au long de la vie. Cette politique porte d’ailleurs ses fruits, puisque le chômage a diminué pour la troisième année consécutive depuis 1997 dans l’Union européenne et que le taux d’emploi a augmenté au cours de la même période.

Bien sûr, on ne saurait là non plus en rester là. L’agenda social européen devra, pour prendre tout son sens, donner lieu à des mesures ambitieuses et précises, la lutte contre les discriminations gagnera à être encore renforcée, la stratégie contre l’exclusion devra faire ses preuves et la directive sur l’information et la consultation des travailleurs devra être adoptée rapidement. Il faudra également progresser dans le domaine de la coordination des politiques salariales et de la structure et du financement des régimes de protection sociale en Europe. Enfin, comme l’a déjà montré la Délégation à plusieurs reprises(3), la stratégie communautaire pour l’emploi pourrait être améliorée.

B. Vers un espace économique de la connaissance et de la recherche

1) Le développement de la mobilité des jeunes à l'intérieur de l'Union européenne

Conformément au souhait de la présidence française de privilégier la mobilité des étudiants, des enseignants et des chercheurs, le Conseil « Education-Jeunesse » a adopté, le 9 novembre 2000, deux textes complémentaires : une position commune sur la proposition de recommandation de la Commission relative à la mobilité des étudiants, des personnes en formation, des jeunes volontaires, des enseignants et des formateurs dans la Communauté ; une résolution comportant un plan d'action pour la mobilité, qui a depuis été soumise au Conseil européen de Nice.

Cette recommandation a pour objectif d'encourager la mobilité – nécessaire à la mise en œuvre effective du principe de la libre circulation des personnes – et d'éliminer les entraves qui pénalisent les personnes qui choisissent d'aller étudier dans un autre Etat membre par rapport aux personnes qui restent dans leur Etat d'origine.

Elle invite les Etats membres à prendre des mesures afin :

– de lever les obstacles d'ordre juridique et administratif ;

– d'encourager l'apprentissage d'au moins deux langues communautaires ;

– d'assurer une préparation linguistique préalable à toute mesure de mobilité ;

– de développer des dispositifs de soutien financier, qu'il s'agisse de bourses ou de prêts ;

– de promouvoir les qualifications acquises par les mesures de mobilité ;

– de faciliter l'accès à l'information sur les possibilités et les conditions de la mobilité.

Le plan d'action recense quant à lui les moyens pratiques permettant d'encourager la mobilité, et propose des actions concrètes pour identifier les obstacles à la mobilité et les surmonter.

Il comprend ainsi 42 mesures indicatives portant par exemple sur la formation « d'opérateurs de la mobilité », la mise en place d'un portail donnant accès aux différentes sources européennes d'information sur la mobilité, la réalisation d'une cartographie de la mobilité, la mise en place de partenariats pour financer la mobilité et la démocratiser, le développement des universités d'été et de cours sur Internet, l'amélioration de l'accueil des personnes concernées, la reconnaissance des diplômes et des formations, ou la mise en place d'incitations professionnelles.

De telles actions seront menées en s'appuyant sur les programmes communautaires Socrates, Leonardo da Vinci et Jeunesse, qui seront remodelés afin de les rendre plus simples et plus souples.

Il est d'ores et déjà prévu que sur la période 2000-2006, Socrates soit doté de 1850 millions d’euros, Leonardo de 1150 millions d'euros, et Jeunesse de 520 millions d'euros.

2) La poursuite d'une plus grande efficacité dans le domaine de la recherche

Lors de la présidence française, la Commission a adopté, le 4 novembre 2000, une communication au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions portant sur la « réalisation de l’« Espace européen de la recherche » : orientations pour les actions de l'Union dans le domaine de la recherche (2002-2006) ».

Cette communication a pour ambition de créer les conditions permettant d'accroître l'impact des efforts de recherche européens, en renforçant la cohérence des activités et des politiques de recherche menées en Europe.

Elle repose sur l'idée que la réalisation de l'Espace européen de la recherche proposée en janvier 2000 et entérinée au Conseil européen de Lisbonne, sera le produit d'un effort commun de l'Union, de ses Etats membres et des acteurs de la recherche, et qu'elle requiert que soient prises diverses initiatives.

Ces initiatives qui doivent être complétées par des actions de soutien financier de la recherche, doivent permettre de lever les obstacles qui s'opposent à la libre circulation des chercheurs, des connaissances et des technologies en Europe, dans des domaines très divers : carrières scientifiques, systèmes de protection sociale, régimes de propriété intellectuelle, modalités de transfert des connaissances et de diffusion des résultats. La Commission présentera des propositions dans ces différents domaines au cours des prochains mois.

La communication porte également sur les actions de soutien financier à la recherche de l'Union, et sur les formes qu'elles devraient prendre dans l'avenir, étant donné que des indications chiffrées en matière de ressources financières et humaines seront présentées dans le cadre de la préparation du futur programme-cadre et de ses programmes spécifiques.

Elle prévoit que les futures actions de soutien devront être conçues de manière à exercer un effet plus structurant sur la recherche européenne, en se liant plus étroitement avec les actions nationales et les initiatives de coopération européenne intergouvernementale, ainsi qu'en associant leurs moyens financiers avec ceux d'autres sources de financement publiques et privées.

Elle envisage de concentrer davantage les efforts de recherche européens sur un nombre limité de priorités, et de tenir compte de la notion de « valeur ajoutée européenne ».

Elle propose de passer d'une approche centrée sur des projets individuels à une approche plus large fondée sur un ensemble cohérent d'actions, où l'intervention de l'Union représenterait une partie seulement d'un dispositif plus vaste.

Elle suggère une évolution vers des interventions plus structurantes et de plus longue durée, supérieure à quatre ans, qui reposeraient sur des formes de soutien intermédiaires entre le soutien de projets tel qu'il est pratiqué aujourd'hui et le financement institutionnel de caractère permanent.

Elle porte également sur l'amplification de certaines actions de l'Union en matière de mobilité ou d'infrastructures, afin de leur permettre d'exercer un plus grand effet de levier sur les initiatives nationales. Elle suggère enfin l'utilisation d'instruments « à géométrie variable » restés jusqu'à présent inexploités, pour instituer une flexibilité à l'échelle de programmes entiers.

Cette approche, qui permet d'améliorer l'efficacité de l'effort communautaire de recherche, et s'inscrit dans la recherche de complémentarité entre l'action de l'Union et de ses Etats membres se concrétisera dès le premier trimestre 2001, lors de la présentation de la proposition formelle de programme-cadre par la Commission.

Elle répond au souci de la présidence française de promouvoir la création de l'espace européen de la recherche.

3) L'approfondissement de la politique des transports

a) Le transport ferroviaire

Le Conseil et le Parlement européen sont parvenus dans le cadre de la procédure de conciliation à trouver un accord le 22 novembre 2000 à propos du « paquet ferroviaire », le projet de trois directives concernant le développement du transport ferroviaire en Europe.

Cet accord reprend les orientations politiques contenues dans le compromis élaboré au Conseil du 10 décembre 1999, qui prévoit notamment :

– la création d’un réseau transeuropéen de transport de fret ferroviaire (RTEFF) ; il sera ouvert pour le trafic international et sous certaines conditions, notamment de sécurité, aux entreprises ferroviaires titulaires d’une licence ;

– la mise en œuvre des investissements visant à supprimer les goulets d’étranglement sur le RTEFF, l’harmonisation des règles de sécurité, le développement de l’interopérabilité et l’harmonisation progressive des péages ;

– la création d’un système d’observation chargé d’analyser le développement du transport ferroviaire dans les Etats membres, de tirer un bilan des mesures communautaires mises en œuvre et d’étudier préalablement l’impact de toute nouvelle mesure envisagée par la Commission.

Quelques amendements du Parlement ont été retenus, et ont permis d’améliorer le « paquet ferroviaire », notamment pour l’harmonisation de la tarification, par rapport aux modes concurrents et la nécessité des investissements pour la modernisation du réseau. De plus, les Etats membres pourront établir des règles de priorité dans l’attribution des sillons pour les besoins du service public ou pour le développement du fret ferroviaire.

Il a également été décidé que le réseau RTEFF, pour le trafic international, sera étendu à l’ensemble du réseau ferroviaire européen sept ans après l’entrée en vigueur des directives (soit d’ici dix ans).

En revanche, les demandes du Parlement européen d’ouvrir l’accès au réseau pour le transport international de voyageurs et le trafic fret national n’ont pas été retenues.

Votre rapporteur se félicite de l’accord ainsi intervenu, qui reprend l’idée – à l’origine française – de réseau transeuropéen de transport de fret ferroviaire.

Il observe toutefois que la constitution de ce réseau ne garantira pas à elle seule l’objectif de développement durable du rail. Car, non seulement, les obstacles techniques à l’interopérabilité des réseaux demeurent et ne seront traités que sur le moyen-long terme, mais, en outre, l’ouverture des réseaux, dont la qualité demeure très inégale, dépendra de la volonté de chaque Etat membre de changer réellement les comportements traditionnels.

b) Le transport aérien

Le Conseil est parvenu à un accord unanime sur les modalités de mise en place de l’EASA (Autorité européenne pour la sécurité de l’aviation civile). Cette agence jouera un rôle fondamental dans l’élaboration des règles techniques relatives à la conception, la construction, la maintenance des aéronefs avec en tout premier lieu le lancement de l’avion européen très gros porteur A380, dont elle assurera la certification.

Cette mesure, qui s’est concrétisée par la présentation par la Commission d’une proposition de règlement, mérite d’être approuvée, car elle est de nature à doter l'Union européenne d’un organe qui sera l’équivalent de la FAA (Federal Aviation Administration). Toutefois, comme l’a souligné Bernard Derosier dans sa communication du 7 décembre 2000(4), il importera de veiller à la prise en compte des intérêts des personnels et à leur participation dans le fonctionnement de l’Autorité.

En second lieu, le Conseil a constaté l’avancement significatif des travaux de transposition en droit communautaire des règles et procédures pour la sécurité dans le domaine de l’aviation civile (JAR OPS) que, par ailleurs, les Etats membres se sont engagés à mettre en œuvre le plus rapidement possible.

Parallèlement, la présidence a pris acte de l’évolution positive des Etats membres sur le texte de la directive relative à la formation à la sécurité du personnel navigant commercial de cabine.

Enfin, en ce qui concerne le dossier du « Ciel unique européen », le Conseil a pris connaissance d’un rapport élaboré par le groupe à haut niveau. Composé de responsables civils et militaires des différents Etats membres, ce groupe a été chargé de formuler des propositions sur la Communication de la Commission concernant le ciel unique européen(5), qui préconise diverses orientations en vue de parvenir à une gestion unifiée de l’espace aérien de l’Europe et de lutter contre les retards.

Au cours du débat, un certain nombre de sujets ont été évoqués comme les mécanismes de coordination avec l’institution Eurocontrol entre autorités civiles et militaires, la nécessité de prendre en compte les spécificités régionales ou encore d’assurer une gestion harmonieuse de l’offre et de la demande.

Au travers du rapport d’information que présentera Bernard Derosier, la Délégation sera appelée à examiner les orientations qui seront retenues par le groupe à haut niveau et par la Commission. Mais d’ores et déjà, le rapporteur se félicite, au vu des éléments d’information qui ont été fournis par Bernard Derosier le 7 décembre dernier, que le groupe se soit sensiblement départi du libéralisme dogmatique qui a inspiré les propositions initiales de la Commission et suscité la très vive opposition des syndicats français du contrôle aérien.

II. DES REPONSES AUX PREOCCUPATIONS DES CITOYENS

A. L’affirmation des droits et valeurs de l'Union européenne

1) La proclamation de la Charte des droits fondamentaux

La Charte qui a été proclamée à Nice constitue un bon texte, cohérent et lisible, et est le fruit d’un travail approfondi accompli par la Convention. Il n’est pas utile de revenir en détail sur un texte qui a déjà été examiné par notre collègue François Loncle(6), sauf pour rappeler qu’il n’a malheureusement pas été possible d’y faire référence à l’article 6 du traité sur l'Union européenne – comme le souhaitaient ses rédacteurs – faute d’un accord entre Etats.

Il reviendra à la prochaine Conférence intergouvernementale de décider de son statut juridique.

2) La mise en place d’une procédure d’alerte en cas de risque de violation des droits fondamentaux

L’affaire de l’Autriche a mis en évidence les limites actuelles du mécanisme de sanction instauré par l’article 7 du traité sur l'Union européenne, qui ne vaut qu’en cas de violation avérée des droits fondamentaux.

La Conférence intergouvernementale a permis, sur proposition de la Commission, de compléter cet article en prévoyant une procédure d’alerte qui permettra de mettre en garde un Etat membre avant de la sanctionner.

Le Conseil, statuant à la majorité des quatre cinquièmes après avis conforme du Parlement européen, sur proposition d’un tiers des Etats membres, du Parlement européen ou de la Commission, pourra constater qu’il existe un risque clair de violation grave par un Etat membre des droits fondamentaux et lui adresser des recommandations.

B. La construction d'un espace de liberté, de sécurité et de justice

Ø Sans que la France ait été à leur origine, on relève que certains textes importants en matière d’asile et d’immigration ont été adoptés sous notre présidence. Il en va ainsi de la décision portant création d’un fonds européen pour les réfugiés, présentée sous la présidence finlandaise.

Si l’on considère maintenant l’ensemble des initiatives françaises prises dans ce domaine, leur état d’avancement est globalement très satisfaisant.

Ainsi, le Conseil a adopté des conclusions sur l’harmonisation des conditions d’accueil des demandeurs d’asile.

L’évolution de la discussion de la directive relative à la protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées s’oriente vers une distinction plus nette entre la solidarité financière et la solidarité « physique » liée à l’accueil de ces mêmes personnes, permettant de vaincre les obstacles apparus au cours de la négociation.

Jugée prioritaire, l’action contre les filières d’immigration clandestine a emprunté deux directions pendant le second semestre 2000. La directive concernant l’harmonisation des sanctions imposées aux transporteurs acheminant des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière se heurte encore à des obstacles tenant à la définition du montant et des formes de ces mêmes sanctions, ainsi qu’à sa conformité à la législation suédoise mais la réglementation proposée pourrait être adoptée sous présidence suédoise. Par ailleurs, un débat a été engagé sur le renforcement des sanctions des infractions à l’entrée et au séjour irréguliers, sur la base d’un double projet de directive et décision-cadre. Cette préoccupation de lutte contre l’immigration clandestine s’est accompagnée parallèlement d’une réflexion sur l’intégration des étrangers, celle-ci passant notamment par l’harmonisation du statut des ressortissants des pays tiers, résidents de longue durée. Il faut savoir enfin que le Conseil « Justice-Affaires intérieures » du 30 novembre dernier a donné son accord pour l’entrée en vigueur de l’acquis Schengen dans les pays nordiques à partir du 25 mars 2001.

Ø Toujours dans le cadre du premier pilier, les résultats obtenus en matière de coopération judiciaire civile et commerciale ont participé également de cette volonté affirmée par la France de créer un espace judiciaire européen pour les personnes et les biens. S’inscrit notamment dans cette démarche l’accord politique dégagé par le Conseil sur la proposition de règlement sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. Il est indéniable que ce texte, appelé à entrer en vigueur le 1er mars 2001, a le mérite de fixer des règles de compétence simples et modernes, à la fois pour les salariés, les consommateurs et les entreprises et favorisera la circulation des titres, en simplifiant la procédure d’exequatur.

De son côté, l’engagement de discussions sur la proposition de règlement présentée par notre pays, ayant pour objet de rendre exécutoire dans tous les Etats membres toute décision relative au droit de visite d’un enfant de parent séparé ou divorcé a non seulement une forte valeur symbolique mais également une grande portée juridique, puisqu’il supprime la procédure d’exequatur.

Ø S’agissant des mesures relevant du troisième pilier relatives à la coopération judiciaire pénale et policière, des progrès notables ont été enregistrés au cours des six derniers mois.

C’est ainsi que le Conseil a adopté, le 14 décembre 2000, la décision présentée par l’Allemagne, le Portugal, la France, la Suède et la Belgique instituant une unité provisoire de coopération judiciaire. Prélude d’Eurojust, cette structure a vocation à renforcer la coopération entre autorités nationales en matière d’investigations et de poursuite, en rapport avec la criminalité grave, lorsqu’elle est organisée et implique aux moins deux Etats membres. A cette fin, chaque Etat membre doit affecter à cette unité un procureur, un juge ou un officier de police ayant des prérogatives équivalentes.

S’inspirant des conclusions du Conseil européen de Tampere, le projet de convention d’entraide judiciaire en matière pénale présenté par la France a fait l’objet d’un accord politique lors du Conseil Ecofin – Justice-Affaires intérieures du 17 octobre 2000. Ce texte est destiné, rappelons-le, à surmonter ces obstacles à l’entraide judiciaire, que sont les réserves des Etats membres dans la mise en œuvre des commissions rogatoires internationales, le secret bancaire et commercial ainsi que l’opposabilité du caractère fiscal de l’infraction ou des intérêts de l’Etat requis. Lors de cette même réunion, les ministres se sont également mis d’accord sur la double nécessité d’harmoniser l’incrimination du blanchiment et d’entamer des négociations avec les pays et territoires non coopératifs identifiés par le groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI).

La création d’un collège européen de police a été par ailleurs entérinée.

Au total, la France a tenu à inscrire son action dans le droit fil des conclusions du Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999 et a donné une impulsion décisive à la construction de l’espace européen de liberté, de sécurité et de justice. Qu’il s’agisse de gestion des flux migratoires, de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires, de prévention et de lutte contre la criminalité, les recommandations adoptées sous la présidence finlandaise ont été efficacement relayées par la présidence française, qui a eu le souci de les traduire concrètement dans des propositions d’actes communautaires, afin de rendre l’Europe plus proche de nos concitoyens.

C. Le renforcement des règles de protection de l'environnement et de sécurité maritime et alimentaire

1) La politique de l'environnement

Il revenait à la présidence française de favoriser l'adoption d'un certain nombre de textes dont les procédures étaient en cours et qui ont en commun de renforcer les règles protectrices de l'environnement.

La plus importante des propositions de directive concernait un cadre communautaire pour la protection de l'eau qui a fait l'objet de nombreux désaccords entre la Commission, le Conseil et le Parlement. Ces désaccords se sont résolus par de nombreux compromis. Le texte final, adopté en octobre, prend en compte les remarques de la Délégation à l'Union européenne notamment sur la gestion par bassin hydraulique.

Le Conseil « Environnement » des 18 et 19 décembre a permis d'obtenir un accord politique sur deux directives, la première relative à l'évaluation et à la gestion du bruit ambiant, la seconde portant sur la coopération favorisant le développement urbain durable (un budget de 14 millions d'euros pour la période 2001-2004 a été approuvé). Il a également fourni l'occasion à la présidence, d'une part de dégager des orientations sur les propositions de directives relatives aux déchets électriques et électroniques et à la limitation des substances dangereuses contenues dans ces équipements (les différends portent sur la responsabilité des producteurs et les objectifs de valorisation des déchets), d'autre part de faire le point sur la question de la gouvernance mondiale de l'environnement, notamment à travers le renforcement des structures internationales existantes dotées d'une compétence environnementale.

Plusieurs autres sujets importants ont été abordés au cours de la présidence. Les travaux restent en cours sur la traçabilité et l'étiquetage des OGM, le document transmis par la Commission en novembre faisant l'objet de premières réactions qui pourraient déboucher sur la présentation de propositions concrètes dès janvier 2001. De même, une première série de discussions a eu lieu sur le concept de responsabilité environnementale qui doit faire l'objet d'une proposition au cours de 2001.

Mais le second semestre de l'année 2000 restera marqué en matière d'environnement par l'échec de la conférence des parties à la convention sur le climat qui s'est tenue à La Haye du 13 au 25 novembre dernier(7). Les travaux de la conférence, « suspendus », devront reprendre dans un délai de six mois. Pourtant, l'Union européenne défendait une position commune face à l'intransigeance des pays du groupe « Umbrella », mené par les Etats-Unis, qui ont refusé la tenue d'une nouvelle conférence à Oslo avant la fin de l'année 2000. les principaux points de divergence portent sur la prise en compte des « puits à carbone » et le mécanisme d'observance. Les discussions informelles se poursuivront au cours du premier semestre 2001.

2) La sécurité du transport maritime

Sur la base du mémorandum que la France a adressé à ses partenaires le 15 février 2000, six propositions de textes sont désormais en discussion :

• trois dans le premier « paquet » – dit Erika I – de mesures, qui ont été votées par le Parlement en première lecture et qui ont fait l'objet d'un accord lors du Conseil des ministres des 20 et 21 décembre 2000, concernant les sociétés de classification, le contrôle des navires dans les ports et le retrait des navires à simple coque ;

• trois dans le second « paquet » – Erika II – de mesures, qui ont fait l'objet de premières discussions lors de ce Conseil des ministres, discussions qui devront être poursuivies sur le suivi et la transparence des informations concernent les navires, la responsabilité des opérateurs, l'agence de sécurité maritime.

Le Conseil a renforcé les deux directives du premier paquet sur la responsabilité des sociétés de classification, sur le nombre de contrôles systématiques (4 400 par an), sur le durcissement de la procédure de bannissement pour les pavillons très noirs – c'est-à-dire les navires considérés comme des « navires poubelles » qui seront désormais bannis dès la deuxième détention, et sur la mise en place obligatoire de boîtes noires.

Ces bases permettent d'envisager un accord du Parlement européen dès la prochaine session. Ceci signifie notamment une entrée en vigueur de ces textes dès le début de l'année 2001. Sans attendre, les Etats membres se sont engagés à augmenter le nombre des contrôles ainsi que leur efficacité en les ciblant sur les navires présentant le plus de risques, et à améliorer le contrôle des sociétés de classification, conformément aux conclusions du sommet de Nice.

S’agissant du retrait des navires à simple coque, les discussions seront poursuivies au sein de l'OMI, lors de la session décisive d'avril. Il a été décidé que faute de décision satisfaisante à l'OMI en avril, les quinze Etats membres prendront des mesures au niveau européen dès juin 2001 prévoyant l'élimination des pétroliers à simple coque selon un calendrier échelonné de 2003 à 2015 suivant les types de navires et leur âge, et accompagné, à partir de 2010, par un contrôle renforcé.

S'agissant de la question de la responsabilité, la France a obtenu un engagement des Etats membres pour une réforme ambitieuse du FIPOL, et pour la ratification de la Convention dite HNS (High Nocious Substances) sur l'indemnisation des dommages liés au transport par mer de substances chimiques. De même, les Etats membres se sont engagés à ratifier la Convention OIT (Organisation Internationale du Travail) 180 et le protocole à la Convention OIT 147, sur le temps et les conditions de travail des marins.

Enfin, le Conseil a adopté un accord politique qui traite de la sécurité des opérations de chargement et de déchargement des vraquiers dans les ports.

Tout en approuvant cet ensemble de mesures, votre rapporteur regrette toutefois qu’elles entreront en vigueur tardivement, alors que, comme le montre de nouveau le naufrage du chimiquier Ievoli Sun survenu au cours de l’automne dernier, le risque d’autres catastrophes ne peut être exclu.

En second lieu, votre rapporteur regrette également que la Commission ne se soit pas prononcée en faveur de l’idée d’un corps de garde-côtes européen formulée par la Délégation et reprise dans la résolution de l’Assemblée nationale du 2 octobre 2000. Seule une telle mesure, mieux que l’Agence de sécurité maritime, dont l’ambition est limitée à la coordination de mesures administratives, serait appropriée pour permettre à l’Europe d’assurer efficacement la protection de sa façade maritime.

3) La sécurité alimentaire : vers la création d’une Autorité alimentaire indépendante

Afin de restaurer la confiance des consommateurs fortement altérée par la crise de l’ESB, l’Union européenne s’est engagée à harmoniser la réglementation européenne. Des mesures ont été prises, s’inspirant en grande partie des propositions françaises :

– suspension de l’utilisation des farines animales, dans l’attente des avis scientifiques ;

– retrait des matériaux à risques spécifiés de la chaîne alimentaire ;

– extension du programme de tests.

Sur le plan économique, la solidarité communautaire devra s’organiser vis-à-vis de la filière bovine, sur la base de propositions attendues de la Commission. La présidence française a engagé la réflexion devant conduire à réduire le déficit de l’Europe en matière de protéines végétales.

Les Quinze se sont également engagés à la mise en place rapide d’une Autorité alimentaire européenne qui devra fonctionner selon des principes d’excellence scientifique, d’indépendance et de transparence…

4) La politique de la pêche

La politique commune de la pêche est l’une des politiques les plus intégrées qu’ait mises en œuvre la Communauté européenne. Certains observateurs prétendent même qu’elle aurait, dans les faits, atteint un degré d’intégration supérieur à celui de la politique agricole commune, à laquelle elle est rattachée par l’article 32 § 1 du traité instituant la Communauté européenne. En tout cas, la pratique montre qu’elle englobe effectivement l’ensemble des aspects de l’économie de la pêche : ressources, structures, marchés. Elle comporte un aspect international de plus en plus important, car la Communauté européenne cherche à adhérer à toutes les organisations de pêche dites « régionales » qui, par zone géographique ou par produit, cherchent à réglementer les quantités et les techniques de pêche dans un contexte global de raréfaction de la ressource.

La difficulté particulière de l’exercice tient à l’importance très inégale des activités de pêche selon les pays membres de l’Union européenne. On peut parler à ce propos d’une véritable césure entre le Nord peu producteur et le Sud producteur, sous réserve d’accepter qu’ici, le Sud englobe la République d’Irlande. La France, l’Espagne et le Portugal peuvent être considérés comme les pays les plus attachés par leur tradition nationale au maintien d’une capacité propre de production halieutique.

La tâche de la présidence française n’était pas nécessairement facilitée par cette position particulière. En revanche, comme les principaux instruments de la politique commune de la pêche (les instruments structurels, la gestion des ressources, l’organisation commune du marché) ont été réformés à la fin de l’année 1999, pour une période courant jusqu’au 1er janvier 2003, la France n’a pas été soumise à la pression de l’urgence avec la même ampleur que la présidence finlandaise au second semestre de 1999.

Les décisions relatives à la fixation des taux autorisés de capture (TAC) et quotas de pêche étant prises au mois de décembre de chaque année, il est revenu à la présidence française de proposer les compromis correspondants. La difficulté a été, ici, de concilier le maintien à un niveau économique convenable des activités de pêche avec la nécessité de sauvegarder pour le présent et pour l’avenir des ressources limitées, notamment en merlu et en cabillaud, espèces pour lesquelles la demande est forte. C’est ainsi que les Etats membres se sont engagés, de manière générale, à stabiliser leur effort de pêche et à placer sous le régime des TAC, au plus tard à la fin de 2001, des espèces en eaux profondes.

Plusieurs mesures de contrôle des activités de pêche ont reçu une réglementation nouvelle ou rénovée, que ce soit en application des normes communautaires proprement dites ou dans le cadre des dispositions arrêtées par les organisations régionales de pêche.

La présidence française a enfin joué un rôle déterminant pour amener le Conseil à prendre en compte, au besoin contre l’avis de la Commission, certains facteurs de crise particulièrement sensibles pour le secteur de la pêche, tels que la variation en forte hausse des cours du gazole ou la nécessité d’une harmonisation sociale dans les entreprises du secteur.

5) La politique agricole commune

Dans le domaine agricole, si le projet de réforme de l’OCM sucre n’a pu aboutir sans présidence française, le Conseil n’en a pas moins adopté des lignes politiques qui devraient permettre d’amener la Commission à revoir sa proposition comme le souhaite la France.

Le succès le plus notable de la présidence française est l’adoption du projet de réforme de l’OCM fruits et légumes : la proposition initiale de la Commission s’inscrivant dans le cadre strict de la neutralité budgétaire, notre pays a obtenu une augmentation des ressources financières allouées à cette OCM et une amélioration des mécanismes d’intervention.

D. La mise en place d'une approche nouvelle du sport dans l'Union européenne

Cette nouvelle approche repose sur la prise en compte des caractéristiques spécifiques des activités sportives. Elle se fonde d'ores et déjà sur la recherche de mesures plus efficaces pour lutter contre certains problèmes dont la solution nécessite une approche commune, ce qui est le cas de la lutte contre le dopage des sportifs.

1) La reconnaissance de la spécificité des activités sportives

Le Conseil européen de Nice a adopté une « Déclaration relative aux caractéristiques spécifiques du sport et à ses fonctions sociales en Europe devant être prises en compte dans la mise en œuvre des politiques communes ».

Ce texte important était attendu depuis de nombreux mois. Il est particulièrement opportun car la Communauté ne dispose pas de compétences directes dans ce domaine, ce qu'a déploré la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne dans les conclusions de son rapport d'information sur « Le sport et l'Union européenne ».

Cette déclaration, ardemment souhaitée par la France, fixe des principes essentiels : elle dispose ainsi que « la Communauté doit tenir compte dans son action au titre des différentes dispositions du traité des fonctions sociales, éducatives et culturelles du sport, qui fondent sa spécificité, afin de respecter et de promouvoir l'éthique et les solidarités nécessaires à la préservation de son rôle social ». Elle indique que « le Conseil européen souhaite notamment que soient préservés la cohésion et les liens de solidarité unissant tous les niveaux de pratiques sportives, l'équité des compétitions, les intérêts moraux et matériels, ainsi que l'intégrité physique des sportifs et particulièrement ceux des jeunes sportifs mineurs ».

Elle reconnaît également la responsabilité première des organisations sportives et des Etats membres dans la conduite des affaires sportives. Elle souligne à cet égard le rôle des fédérations sportives qui ont pour mission « d'organiser et de promouvoir leur discipline », et ont « un rôle central dans la nécessaire solidarité entre les différents niveaux de pratique ».

L'énonciation de tels principes était nécessaire pour servir de base à de nombreuses décisions qui sont attendues en matière de formation des sportifs, de protection des jeunes sportifs, de modalités de contrôle de la gestion des clubs, de répartition des droits de transmission télévisuelle, ou d'organisation des transferts.

Le Conseil européen exprime notamment « sa préoccupation quant aux transactions commerciales ayant pour objet les sportifs mineurs ». Il considère également que « la propriété ou le contrôle économique par un même opérateur financier de plusieurs clubs sportifs participant aux mêmes compétitions dans une même discipline peut porter préjudice à l'équité de la compétition ». Il appartient aux organisations et aux fédérations sportives de s'en préoccuper.

2) Une approche volontariste de la lutte contre le dopage

Lors de leur réunion du 6 novembre 2000, les ministres des sports des Etats membres de l'Union européenne sont convenus, d'une part d'assurer la représentation de l'Union au sein des instances décisionnelles de l'Agence Mondiale Antidopage (AMA) sans transfert supplémentaire de compétence des Etats membres vers la Communauté européenne, d'autre part de permettre un financement partiel de l'agence par la Communauté européenne, selon une base juridique à définir.

Ils ont par ailleurs souhaité que l'AMA ait pour missions prioritaires :

« – l'établissement et la mise à jour de la liste des substances prohibées ;

– la coordination des contrôles inopinés et la validation des procédures utilisées là où ils sont réalisés, et la réalisation des tels contrôles là où ils ne le sont pas ;

– l'harmonisation des procédures de contrôle et l'accréditation des laboratoires ;

– l'harmonisation des sanctions ;

– la coordination et le soutien à la recherche sur la détection des substances prohibées ;

– le développement de programmes de prévention antidopage ».

Ils ont enfin demandé que l'AMA soit à terme dotée d'un statut de droit public fondé sur une convention internationale, et que son siège définitif soit situé sur le territoire de l'Union européenne.

La lutte contre le dopage se met donc progressivement en place, tandis que la réflexion s'approfondit sur la manière de l'organiser de manière efficace. C'est ainsi que le groupe de travail sur les mesures de lutte contre le dopage dans le sport, réuni à Lille les 26 et 27 octobre 2000 dans le cadre du IXème Forum européen du sport, propose de mettre en œuvre les mesures suivantes qu'il considère comme prioritaires :

– l'accélération des programmes d'enseignement sur les dangers du dopage ;

– le développement de la recherche sur les effets des substances dopantes sur la santé ;

– l'établissement de plates-formes de coopération et d'échange d'information avec l'industrie pharmaceutique, notamment sur la production et le trafic illégaux de médicaments, ainsi qu'avec les organisations chargées de la santé publique ;

– la coordination des compétitions sur la base de calendriers coordonnés, afin de ménager des périodes de repos adéquates et de réduire la pression exercée sur les athlètes par les sponsors et les médias ;

– l'harmonisation de la qualité des programmes et des initiatives de lutte contre le dopage, et non seulement celle des législations et des tests ;

– la mise en place d'une coopération policière convenable pour renforcer l'application effective des mesures de répression du trafic illicite de substances dopantes ;

– la coordination des activités de recherche, notamment sur les conséquences à moyen et à long terme du dopage sur la santé des sportifs ;

– l'amélioration de la coordination et de l'harmonisation des procédures légales pour que les sportifs sachent exactement où ils se situent au regard de la loi ;

– la révision régulière de la liste des substances interdites ;

– l'amélioration des flux d'informations pour que les athlètes soient mieux informés des effets des substances dopantes sur la santé.

Une mise en œuvre rapide de ces mesures est importante, d'autant plus que l'on constate une augmentation du dopage des sportifs, quelle qu'en soit la cause, consciente ou inconsciente.

III. LA PESC ET LES RELATIONS EXTERIEURES DE L'UNION EUROPEENNE

La présidence française avait proposé quatre objectifs prioritaires dans le domaine de la politique extérieure de l’Union européenne : l’intensification du processus d’élargissement ; le développement d’une politique de sécurité et défense ; le développement de partenariats stratégiques avec les pays voisins et les grands ensembles régionaux, la priorité des priorités étant le resserrement des relations avec les Balkans ; enfin l’amélioration de l’efficacité des instruments de l’Union.

A. L'amélioration des mécanismes de la PESC

1) Une gamme désormais complète des instruments de la politique extérieure de l’Union

Le processus d’élargissement et le développement de la politique européenne de sécurité et de défense sont examinés par ailleurs dans ce rapport, mais il convient de souligner que l'Union européenne va désormais disposer de l’ensemble de la gamme des instruments de la politique extérieure : diplomatique, militaire et humanitaire, commercial, économique et financier. Il était donc naturel que ses différentes institutions engagent une réflexion sur la coordination et l’adaptation des politiques sectorielles et des instruments qui la composent afin d’améliorer l’efficacité de la politique extérieure de l’Union.

Lors de la session informelle d’Evian les 2 et 3 septembre 2000, les ministres des affaires étrangères de l’Union ont souligné la nécessité d’améliorer l’efficacité et la visibilité de l’action de l'Union européenne sur la scène internationale, alors que la présence diplomatique cumulée de l'Union européenne (les quinze Etats membres plus la Commission) dans les pays tiers est sans égal en termes d’effectifs et de couverture géographique, notamment par rapport aux Etats-Unis : elle s’élève à 40 000 personnes réparties dans 1 500 missions alors que le réseau diplomatique des Etats-Unis compte environ 15 000 personnes et moins de 300 missions.

Ils ont également constaté que la coordination entre les Etats membres les a conduits à voter de manière identique dans 95 % des cas au cours de la dernière Assemblée générale de l’ONU, soit 278 résolutions sur 293, mais qu’elle ne s’est pas encore concrétisée suffisamment au plan local entre les délégations de la Commission et les missions diplomatiques des Etats membres pour mettre en œuvre les coopérations communautaires et bilatérales.

En complément de cette volonté de renforcer la coordination des différents acteurs de la politique extérieure – Commission, Haut représentant pour la PESC, Etats membres –, les ministres ont également souhaité hiérarchiser davantage les engagements extérieurs de l’Union pour tirer un meilleur avantage politique des efforts financiers considérables engagés par l’Union dans les pays tiers. C’était une manière constructive de répondre à la critique justifiée du commissaire européen, Chris Patten, qui, dans une réflexion globale sur l’action extérieure de l’Union engagée en mai 2000, avait notamment souligné la contradiction entre les stratégies réclamées ou définies par les Etats membres et leur peu d’empressement à accepter les dotations financières consécutives.

Ces préoccupations se sont d’ailleurs très rapidement traduites en actes dès le débat budgétaire pour 2001, conduit sous la pression du coût de la reconstruction dans les Balkans, et conclu par un arbitrage équilibré entre la Méditerranée et les Balkans auxquels sera attribuée respectivement une dotation de 5,35 et 4,65 milliards d’euros pour la période 2000-2006. La réforme concomitante des règlements Meda et Cards garantira une gestion plus efficace de l’aide dans ses régions.

Par ailleurs, conformément aux conclusions du Conseil « Affaires générales » du 9 octobre 2000 sur l’amélioration de l’efficacité de l’action extérieure de l'Union européenne, les Quinze disposeront désormais d’une synthèse par pays recensant l’assistance financière apportée par l'Union européenne et les Etats membres sous toutes ses formes et fournissant toute une série d’informations complémentaires, afin de leur permettre d’engager un débat d’orientation périodique sur l’ensemble des engagements extérieurs de l'Union européenne. Le premier devrait se dérouler au début de l’année 2001. La Commission est également invitée à organiser dans chacun des pays bénéficiaires de l’aide européenne un échange d’information régulier avec les missions diplomatiques des Etats membres sur tous les programmes de coopération respectifs et à renforcer la participation des pays bénéficiaires dans la définition des programmes.

Pour remédier aux défaillances dans la gestion de l’action extérieure de l’Union, M. Chris Patten a également défini les principes de l’action extérieure de la Commission : réalisme des objectifs ; concentration sur les projets représentant une valeur ajoutée européenne ; refus de prendre de nouveaux engagements sans ressources ni personnels pour les mettre en œuvre ; vigilance pour ne pas créer de structures redondantes entre la Commission et le Secrétariat du Conseil ; renforcement du rôle des délégations.

Ces principes se reflètent dans les décisions prises par la Commission de supprimer les bureaux d’assistance technique, d’accroître la responsabilité des 128 délégations dans les pays tiers pour la mise en œuvre des programmes d’aide, de créer un groupe de soutien à la qualité des projets et enfin de créer un service de l’aide européenne chargé de suivre le cycle des projets. Le nouvel office de coopération – Europe Aid – né officiellement le 1er janvier 2001, gérera 80 % de l’aide extérieure de l'Union européenne, en particulier les programmes Tacis et Meda et le Fonds européen de développement, et traitera de l’identification des projets et du suivi de leur mise en œuvre jusqu’à leur évaluation, à l’exception de la programmation pluriannuelle qui restera de la compétence des directions générales Relations extérieures et Développement. A la fin de 2001, l’Office devrait disposer d’un effectif total de 1 200 personnes, dont la moitié exercera dans les délégations au terme de la déconcentration des responsabilités prévue pour la fin de 2003.

Ces nouveaux principes se manifestent enfin dans la déclaration du Conseil et de la Commission du 13 novembre 2000 sur la politique de développement de la Communauté. Cette déclaration encadre pour la première fois la politique européenne de développement par un texte politique de référence et introduit une répartition des tâches entre la Commission et les Etats membres en fonction de leurs avantages comparatifs. Elle donne la primauté à l’objectif de réduction de la pauvreté et décide notamment de concentrer les interventions de la Communauté européenne dans six domaines où elle possède un avantage comparatif : le commerce pour le développement ; l’intégration et la coopération régionales ; les politiques macro-économiques liées aux stratégies de réduction de la pauvreté, notamment le renforcement des secteurs sociaux tels que la santé et l’éducation ; les infrastructures de transport fiables et durables qui jouent un rôle crucial dans l’accès aux services sociaux de base ; les stratégies de sécurité alimentaire et de développement rural durable ; le renforcement des capacités institutionnelles, la bonne gouvernance et l’Etat de droit.

2) L'Europe de la défense

Après les décisions des sommets de Cologne et d'Helsinki, les ambitions en matière de politique européenne de sécurité et de défense (PESD) étaient importantes. Les évolutions récentes de l'Europe de la défense ont été pour la plupart formellement adoptées au sommet de Nice.

a) Les progrès enregistrés dans la construction de l'Europe de la défense

Au terme de la présidence française, des progrès ont été accomplis en matière d'objectifs globaux, d'établissement de structures politiques et militaires permanentes, de définition des capacités européennes.

l Le fait que l’Union européenne détienne une capacité d'action autonome sera acquis par le transfert des capacités de l'UEO. Les ministres de la défense des membres de l'UEO ont décidé le 13 novembre dernier au sommet de Marseille de mettre fin aux activités opérationnelles de cette organisation. L'Institut d'études et de sécurité et le centre satellitaire de Torrejon (en Espagne) passeront sous la tutelle de l’Union européenne. La disparition des activités opérationnelles de l’UEO a maintenu un secrétariat chargé de la gestion de la garantie d'assistance mutuelle automatique contenue dans l'article V du traité de Bruxelles (cette garantie n'a pas été transférée à l'Union européenne) ainsi que du fonctionnement du GAEO et de l'Assemblée parlementaire de l'UEO.

Le Conseil européen de Nice a confirmé le principe d'autonomie de décision de l'Union dans l'hypothèse où elle souhaiterait intervenir là où l'Alliance atlantique n'est pas engagée et la volonté de disposer de capacités militaires autonomes, éventuellement mises en œuvre en dehors de l'OTAN.

l Le dispositif institutionnel de l'Europe de la défense est progressivement mis en place. Ont ainsi été créés l'état-major européen, structure de prévision, d'alerte et d'analyse de la situation, le comité militaire et le comité politique et de sécurité (COPS), instance de décision politique réunissant les représentants des gouvernements. L'une des questions que se posait la présidence concernait une éventuelle révision des traités pour y inclure une référence à l'Europe de la défense. Un article reconnaissant le rôle et l'existence du comité politique et de sécurité (COPS) a été adopté au sommet de Nice. Il légitime ainsi l'autorité du COPS face au COREPER en matière de défense.

l Afin de remplir leurs obligations en matière de force déployable (une force de 60 000 hommes pouvant assumer des missions de gestion de crises dites de Petersberg, un accompagnement aérien et maritime), les Etats membres ont fixé leur contribution et annoncé, à la Conférence d'engagement des forces du 20 novembre, les moyens qu'ils mettraient à disposition de la force (soit 116 000 hommes correspondant à un réservoir nécessaire de 100 000 hommes). Pour sa part, la France a annoncé la participation de 12 000 hommes pour les forces terrestres ainsi que 75 avions de combat basés à terre et 22 avions embarqués sur le groupe aéronaval.

b) Les limites des acquis

Plusieurs questions n'ont pas encore été réglées.

l Au premier rang des difficultés résiduelles, figurent les relations entre l'Union européenne et l'OTAN et le degré d'indépendance de la force européenne d'intervention par rapport aux moyens de l'OTAN. La récente déclaration du ministre britannique des affaires étrangères, au-delà des considérations liées aux échéances électorales, montre bien la réticence de certains Etats qui veulent éviter des doublons, considèrent que l'OTAN demeure le fondement de la défense collective et craignent que l'accroissement du rôle de l'Europe en matière de défense ne nuise à l'efficacité de l'Alliance atlantique.

La position actuelle de la Turquie, membre de l'OTAN et candidat à l'Union européenne, lui permet de bloquer les négociations entre l'Union européenne et l'OTAN (en raison de la règle de décision au consensus).

La doctrine d'emploi de la force européenne de réaction rapide et son champ d'application ne sont pas clairement définis et deux hypothèses subsistent, soit une gestion civilo-militaire des crises à laquelle tous les Etats participeront, soit une gestion militaire à laquelle seuls certains Etats participeront (par manque de volonté politique ou de moyens). Une liste de projets européens communs à réaliser a été établie pour améliorer les capacités autonomes de l'Europe et faciliter la convergence dans les politiques d'équipements militaires.

C'est pourquoi est à l'étude un projet d'harmonisation des normes d'entraînement des forces des Etats membres et des exercices spécifiques devront être organisés dès cette année pour garantir les capacités opérationnelles de la force européenne de réaction rapide.

La prochaine présidence est invitée à prendre les mesures nécessaires à la mise en œuvre et à la validation du dispositif de gestion de crises, à poursuivre les discussions avec l'OTAN en vue de conclure des arrangements et à procéder au suivi des objectifs de capacités militaires.

B. Une présence active de l'Union sur la scène internationale

1) Un processus de stabilisation et d’association des Balkans occidentaux consolidé grâce à leur évolution démocratique

Le drame de l’ex-Yougoslavie représente non seulement le conflit le plus grave qu’ait connu l’Europe depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, mais aussi la menace la plus dangereuse contre la promotion de la paix et de la stabilité au cœur de l’Europe et dans son voisinage, qui constitue le premier objectif de l'Union européenne et la mission centrale de la PESC.

C’est la raison pour laquelle l'Union européenne a mobilisé toutes ses capacités d’intervention aux côtés de ses alliés, d’abord pour arrêter les conflits en Bosnie et au Kosovo, ensuite pour participer aux efforts de reconstruction dans le cadre du Pacte de stabilité et relancer ces économies par des concessions commerciales asymétriques en vue d’encourager la transition vers le libre-échange, et enfin pour offrir à ces pays une perspective d’intégration progressive dans l’Union par des accords de stabilisation et d’association.

Il était donc légitime que l'Union européenne élève les Balkans parmi ses premières priorités, sans négliger pour autant les autres, en particulier l’élargissement et son voisinage avec la Russie et la Méditerranée.

A cet égard, la présidence française a eu le mérite de percevoir que le changement démocratique amorcé par les élections en Croatie au début de l’année 2000 allait s’étendre à toute la région et que l'Union européenne devait saisir cette chance unique de refonder sa relation avec les pays de la région sur ce nouvel élan démocratique. Une rupture avec le passé a en effet marqué dans toute la région l’année 2000, au cours de laquelle les électeurs ont choisi le changement politique et démocratique, que ce soit en Croatie, en République fédérale de Yougoslavie – aussi bien en Serbie qu’au Kosovo –, en Macédoine, et, dans une large mesure, en Bosnie. L’organisation du Sommet de Zagreb, le 14 novembre 2000, a réuni pour la première fois tous les pays de la région revenus à la démocratie et a permis à l'Union européenne d’ouvrir un nouveau dialogue avec les démocraties émergentes de la région. De même, l’appel de la présidence française en faveur d’une stratégie plus cohérente et plus déterminée a conduit l'Union européenne à réformer les mécanismes d’aide et à relever de 1,85 milliard à 4,65 milliards d’euros la dotation pour la période 2000-2006, afin de tirer pleinement les conséquences positives du grand retournement démocratique de la région.

Tout en saluant cette heureuse évolution, le Conseil européen de Nice n’en rappelle pas moins les exigences de l'Union européenne pour que le processus de stabilisation et d’association puisse déboucher sur une adhésion. Elle attache la plus grande importance notamment à la réconciliation et à la coopération fondée sur le respect des frontières existantes et souligne que le processus de stabilisation et d’association offre une claire perspective d’adhésion reposant sur une démarche individualisée, mais indissolublement liée aux progrès de la coopération régionale.

2) La construction d’un monde multipolaire et régulé

a) Les relations avec les ensembles régionaux

(1) Un dialogue préservé avec les pays tiers mediterranéens

La tenue à Marseille, les 16 et 17 novembre, de la quatrième Conférence euro-méditerranéenne n’avait rien d’évident dans un contexte marqué par des relations israélo-arabes tendues. Or, malgré l’appel au boycott lancé par la Syrie, le Liban a été le seul partenaire du pourtour Sud de la Méditerranée, sur 12 au total(8), à ne pas y avoir participé. Il était donc déjà important que dans un contexte politique difficile, les pays de la région puissent se rencontrer et discuter.

Les Quinze ont en outre renouvelé leur solidarité financière à l’égard de pays qui craignaient d’être délaissés par l’Union européenne au moment où elle se préparait à l’élargissement. L’Europe consacrera près de 13 milliards d’euros aux pays tiers méditerranéens (PTM) pendant la période 2000-2006, soit 5,35 milliards pour l’assistance financière (le programme MEDA) et 7 milliards de prêts de la Banque européenne d’investissement.

Le dialogue euro-méditerranéen a été approfondi dans ses trois volets sous la présidence française. Sur le volet « politique et sécurité », la présidence n’a pas pu faire adopter la Charte euro-méditerranéenne de paix et de stabilité en raison du contexte politique, mais son utilité a été reconnue par les partenaires. Sur le volet économique, les ministres ont convenu d’instituer un dialogue régulier sur l’état d’avancement des réformes économiques entreprises par les PTM. Sur le volet humain, enfin, la première réunion sur le thème sensible des migrations s’est tenue le 6 octobre, tandis que le lancement d’un programme de coopération « Justice et Affaires intérieures » a été annoncé.

Toutefois, si le partenariat a été préservé, son objectif premier, qui est de faire de la Méditerranée une zone de prospérité partagée pour assurer sa stabilité, paraît encore lointain. L’instauration du libre-échange industriel à l’horizon 2010, qui est prévu par les accords d’association entre les PTM et les Quinze, peut y contribuer, mais il présente des risques à court terme évidents pour la plupart des pays tiers méditerranéens. C’est la raison pour laquelle les partenaires doivent se donner les moyens d’assurer la viabilité économique et sociale de ce projet.

D’abord, la mise en place de zones de libre-échange entre les PTM, comme celle annoncée par le Maroc, la Tunisie, l’Egypte et la Jordanie, constitue une priorité tant politique qu’économique. A cet effet, l’Union européenne doit augmenter, ainsi que l’a proposé la présidence française, l’enveloppe consacrée à la coopération régionale, qui ne représente actuellement que 10 % de l’aide aux PTM. Il est également indispensable de recentrer l’aide, comme le préconise un rapport récent du Commissariat général du Plan(9), sur les pays qui ont effectivement engagé des réformes pour libéraliser des économies faiblement concurrentielles et dominées par le clientélisme afin de les inciter à se lancer dans cette voie.

Ensuite, les accords d’association prévoyant une ouverture des négociations agricoles cinq ans après leur signature, les partenaires ont tout à gagner d’une libéralisation maîtrisée de leurs échanges agricoles, actuellement contingentés, une fois mis en place un programme d’accompagnement des réformes agricoles dans les PTM.

De plus, la dimension humaine du partenariat doit être renforcée par le développement de la circulation des travailleurs qualifiés en provenance des pays du Sud de la Méditerranée, ce qui permettra d’encourager les échanges économiques et la transmission du savoir-faire entre les partenaires.

Enfin, le bilan de la négociation des accords d’association entre partenaires reste décevant. Seuls trois accords ont été ratifiés (Israël, Egypte, Tunisie) et deux sont entrés en vigueur (Tunisie et Maroc). En revanche, l’Egypte se montre réticente à ratifier un accord négocié depuis plus d’un an. Le Liban, l’Algérie et la Syrie n’ont toujours pas signé d’accord. On observera que l’accord d’association avec la Jordanie n’est pas encore entré en vigueur, faute d’une ratification par la France et la Belgique.

(2) Les négociations ont été réellement lancées avec le Mercosur

L’Union européenne et les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay et Paraguay) ont convenu en juin 1999 que les négociations en vue de l’instauration du libre-échange devaient commencer par les questions non tarifaires, tandis que les aspects tarifaires ne seraient abordés qu’en juillet 2001.

Le volet non tarifaire revêt une importance particulière pour l’Europe, car les obstacles aux exportations communautaires sont nombreux dans ce domaine. Les partenaires de l’Union européenne considèrent, quant à eux, que cet ordre du jour ne vise qu’à reporter à plus tard les négociations agricoles ; dès lors, ils n’ont eu cesse de le contester. Les deux premières réunions du comité de négociation Mercosur-UE ont donc abouti à un dialogue de sourds.

La troisième réunion du comité de négociation, qui s’est tenue du 13 au 16 novembre 2000, a été en revanche très prometteuse. Les partenaires reconnaissent d’ailleurs que la dynamique a été enclenchée. Aussi, la Commission estime qu’une quatrième session de négociations au premier semestre 2001 permettra de clore le volet tarifaire, en temps utile pour l’ouverture, au 1er juillet de cette année, des négociations sur les tarifs et les services.

Cette dynamique doit être maintenue, car elle a une importance tactique, ainsi que l’a déjà souligné le rapporteur(10) : en effet, l’Union européenne doit gagner de vitesse le projet de zone de libre-échange couvrant tout le continent américain soutenu par les Etats-Unis (l’ALCA). Si elle parvient à conclure un accord commercial avec les pays du Mercosur avant la mise en place, prévue en 2005, de l’ALCA, elle pourra alors forger avec ces pays une alliance utile pour les négociations commerciales multilatérales.

(3) Les relations doivent être renforcées avec l’Asie

Le poids économique et politique de l’Asie ne peut plus être négligé. Cette région, qui représente 24 % du commerce extérieur de la Communauté, a pourtant été pendant longtemps le grand absent de la politique extérieure de l’Union européenne.

Depuis 1996, se tient à un rythme bisannuel le Sommet Europe Asie (l’ASEM), qui réunit les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne et de 10 pays asiatiques (Brunei, Chine, Indonésie, Japon, Corée du Sud, Malaisie, Philippines, Thaïlande, Singapour et Vietnam). Le dialogue n’en est qu’à ses débuts, car il est rendu difficile par le fait que l’Asie demeure le siège de tensions et d’incertitudes et que les Asiatiques perçoivent l’Union européenne comme étant soucieuse avant tout de progrès dans le domaine du respect des droits de l’homme.

Les partenaires se sont rencontrés pour la troisième fois à Séoul les 20 et 21 octobre 2000. Ils ont adopté un cadre de coopération, qui définit les thèmes du dialogue : désarmement, non-prolifération, armes de petit calibre, bien-être des femmes et des enfants, sécurité alimentaire, flux migratoires et criminalité internationale. Par ailleurs, Européens et Asiatiques ont apporté leur soutien à la prorogation du fonds fiduciaire de l’ASEM, mis en place après la crise financière asiatique de 1997, et destiné à aider les pays asiatiques à alléger l’impact social de la crise. Enfin, ce Sommet a été l’occasion pour l’Union et ses partenaires asiatiques d’adopter une « Déclaration sur la paix dans la péninsule coréenne » comportant un soutien au processus de réconciliation intercoréen.

S’agissant du dialogue avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (l’ASEAN), il a été repris les 11 et 12 décembre dernier, après avoir été interrompu par l’Union européenne lors de l’adhésion de la Birmanie à cet ensemble régional en 1997. Les partenaires ont pour la première fois évoqué la situation de ce pays, qui est caractérisée par la répression de l’opposition et la pratique du travail forcé. Ils ont lancé un appel commun en faveur d’un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales.

Le neuvième sommet UE-Japon s’est tenu le 19 juillet 2000. Les deux parties ont décidé de lancer en 2001 la « Décennie de coopération nippo-européenne », qui se traduira par l’adoption d’un nouveau document politique, remplaçant ainsi la déclaration conjointe de 1991, et qui sera complété par un plan d’action. Cette relation reste fondamentale en raison du poids économique des deux acteurs respectifs et de la proximité de leurs positions concernant l’ordre du jour du prochain cycle de négociations commerciales.

Enfin, les relations avec la Chine ont été marquées par la conclusion en mai 2000 d’un accord commercial qui, avec l’accord sino-américain de novembre 1999, ouvre la voie à une entrée prochaine de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

La portée politique et économique de cette adhésion est indéniable, mais elle se traduira également – via la mise en œuvre de l’accord d’accession – par des ajustements importants pour certaines branches de l’industrie communautaire, comme le textile. Les membres de la Délégation pour l’Union européenne ont exprimé leurs inquiétudes à ce sujet lors de l’examen de l’accord textile conclu le 19 mai 2000 entre la Chine et la Communauté, qui est une des composantes de l’accord d’accession. Ils ont regretté que le Parlement n’ait pas été informé par le Gouvernement de la teneur de ces négociations, dont le résultat ne sera pas soumis à une ratification parlementaire. La Délégation a donc chargé le rapporteur d’écrire au Premier ministre pour lui demander d’organiser un débat sur cette question.

(4) Des relations en mutation avec l’Afrique

Le rapporteur se réjouit de la signature sous la présidence portugaise, le 23 juin 2000, de l’accord de Cotonou, qui renouvelle le partenariat entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP).

Cette relation solidaire avec certains des pays les plus pauvres de la planète est exemplaire, mais elle a dû évoluer pour s’adapter aux règles de l’OMC : les partenaires prévoient d’instaurer le libre-échange entre eux à l’horizon 2020.

Or, ce pari de l’ouverture économique risque d’entraîner des ajustements importants pour les pays ACP. Il est donc indispensable que les pays ACP se préparent dans un premier temps au libre-échange entre eux, comme cela est prévu par l’accord de Cotonou.

L’Union européenne doit appuyer les processus d’intégration régionale en cours. Mais les encouragements, prodigués à l’occasion du sommet du 16 octobre entre les Quinze et la CEDAO (qui regroupe les pays d’Afrique de l’Ouest) et du 30 novembre entre les Quinze et le SADC (regroupant 14 Etats de l’Afrique australe), ne suffiront pas : l’Union doit également augmenter l’assistance financière qu’elle consacre au renforcement de l’intégration régionale.

b) Pour un cycle commercial multilatéral axé sur le développement

Le début de l’année a été marqué par la reprise des contacts sur l’agriculture et les services à l’OMC. Cette organisation n’en peine pas moins à retrouver sa crédibilité et sa légitimité après l’échec de la Conférence ministérielle de Seattle de décembre 1999 qui devait marquer le lancement d’un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales.

L’Union européenne reste favorable à un cycle large, couvrant les nouveaux sujets (investissement, concurrence, normes sociales et normes environnementales) et aboutissant à la reconnaissance de certaines valeurs non commerciales, comme la multifonctionnalité de l’agriculture et le principe de précaution. Elle a d’ailleurs confirmé lors du Conseil de Porto des 17 et 18 mars 2000 le mandat donné à la Commission le 26 octobre 1999.

Les appels en faveur du lancement d’un nouveau cycle se sont multipliés, mais il est important de souligner, parce que c’est nouveau, que les clefs de la négociation sont tenues par les pays en développement : on ne doit pas oublier que le veto opposé par ces pays à Seattle a entre autres contribué à faire échouer la Conférence ministérielle. Le lancement d’un nouveau cycle ne pourra donc avoir lieu que si les relations entre pays en développement et pays industrialisés à l’OMC se sont améliorées.

C’est la raison pour laquelle le commissaire en charge du commerce extérieur, M. Pascal Lamy, a estimé, le 4  décembre 2000, que le temps était venu pour l’Union européenne de réfléchir à une formulation plus acceptable de sa position pour les pays en développement.

Cependant, cette nouvelle position ne doit pas conduire à laisser de côté des questions aussi essentielles pour la gouvernance globale que le respect de l’environnement et des droits des travailleurs ou le principe de précaution.

L’exercice de synthèse entre les positions de l’Union et celles des pays en développement est difficile, mais l’Union européenne doit faire les efforts nécessaires pour convaincre ses partenaires du Sud que les négociations commerciales multilatérales doivent s’inscrire dans un « dialogue des gouvernances » qui intéresse le bien-être et la sécurité de tous les habitants de la planète, et pas seulement les intérêts des premières puissances commerciales.

IV. L’ELARGISSEMENT : LA PRIORITE DE L’UNION

Il fallait donner un nouvel élan au processus de négociation pour répondre à l’impatience des Etats candidats sans renoncer à l’exigence de rigueur ni au principe de différenciation définis par le Conseil européen d’Helsinki. La fixation d’une date-cible pour l’adhésion, réclamée par les pays candidats, paraissait pour le moins prématurée alors que les chapitres les plus difficiles n’avaient pas encore été abordés et pouvait être une inutile source de tensions. La réaction de la République tchèque à l’appréciation de la Commission sur ses progrès économiques par rapport à ceux de l’Estonie, de la Hongrie et de la Pologne ne pouvait que confirmer l'Union européenne dans ce choix. Jugeant cette solution illusoire, la présidence française a préféré demander à la Commission de définir une nouvelle méthode pour intensifier et si possible accélérer les négociations.

Dans son rapport du 8 novembre 2000, La Commission propose une stratégie visant à conclure dans le courant de 2002 les négociations d’adhésion avec les pays candidats qui satisfont à tous les critères d’adhésion et suggère :

– de distinguer entre les demandes de mesures transitoires acceptables, négociables et inacceptables ;

– d’adopter un échéancier pour définir des positions communes de l’Union européenne, examiner les demandes de mesures transitoires et clore provisoirement les chapitres d’acquis communautaires en trois étapes [au cours du premier semestre 2001 : libre circulation des marchandises, libre circulation des personnes, libre prestation des services, libre circulation des capitaux, droit des sociétés, culture et politique audiovisuelle, politique sociale et emploi, environnement, relations extérieures ; au cours du second semestre 2001 : concurrence, transports, énergie, fiscalité, union douanière, agriculture (en particulier les questions vétérinaires et phytosanitaires), pêche, justice et affaires intérieures, contrôle financier ; au cours du premier semestre 2002 : agriculture (questions encore en suspens), politique régionale et instruments structurels, dispositions financières et budgétaires, institutions, autres questions] ;

– de clore provisoirement les chapitres comportant un nombre limité de problèmes ne pouvant être résolus à brève échéance et de mettre ceux-ci de côté pour les revoir ultérieurement ;

– d’inviter les pays du groupe d’Helsinki (Bulgarie, Lettonie, Lituanie, Malte, Roumanie et Slovaquie) à préparer leur position de négociation sur les chapitres pour lesquels ils sont prêts à négocier, compte tenu de l’échéancier ci-dessus, afin d’ouvrir les négociations dans tous les domaines de l’acquis le plus tôt possible en 2001.

Lors du Conseil « Affaires générales » du 4 décembre 2000 et du Conseil européen de Nice, les Etats membres ont très largement approuvé cette stratégie, en particulier la possibilité de conclure les négociations d’adhésion à partir de la fin de 2002, avec les nouveaux Etats membres qui seront prêts, dans l’espoir qu’ils puissent participer à la prochaine élection au Parlement européen. Ils ont également approuvé l’échéancier de négociation proposé par la Commission, en précisant qu’il constitue un cadre indicatif et souple qui pourra être ajusté en fonction des progrès réalisés avec chaque candidat et permettra aux candidats les mieux préparés de progresser plus rapidement dans les négociations. Cette flexibilité doit à la fois permettre à l'Union européenne et aux candidats d’avancer plus vite, mais aussi de poursuivre les pourparlers au-delà du calendrier prévu en cas de besoin. Par l’établissement de cet échéancier, l'Union européenne ne prend pas un engagement sur une date fixe d’adhésion, mais offre une perspective d’adhésion aux candidats effectivement prêts qui remplissent les critères d’adhésion.

Les Etats membres ont par ailleurs confirmé le principe de différenciation comme un élément central du processus de négociation, ainsi que la possibilité pour les pays retardataires de rattraper les plus avancés, en s’engageant à tout faire pour que les pays du groupe d’Helsinki puissent ouvrir les négociations sur tous les chapitres restants le plus tôt possible en 2001. Ils ont également insisté sur l’application effective de l’acquis communautaire et invité les pays candidats, dont la mise en œuvre des engagements fera l’objet d’un suivi, à renforcer particulièrement leurs capacités administratives. Ils ont par ailleurs accepté de réserver l’examen de questions clairement identifiées et de procéder à la clôture provisoire des chapitres dont ces questions relèvent, mais ont décidé de n’utiliser cette méthode que comme ultime recours.

Enfin, le Conseil européen s’est réjoui des progrès accomplis dans la mise en œuvre de la stratégie de pré-adhésion pour la Turquie, avec l’accord sur le règlement-cadre et le partenariat d’adhésion, et il a proposé d’élargir la Conférence européenne aux pays du processus de stabilisation et d’association du Sud-Est de l'Europe et aux pays de l’AELE.

L’évolution des négociations d’adhésion se présente de la manière suivante à la fin de la présidence française :

– la clôture des chapitres s’est poursuivie et permettra d’aborder rapidement les chapitres les plus difficiles. Sur 31 chapitres en négociation, le nombre de chapitres clos à la fin 2000 est le suivant : Chypre 17, Estonie 16, Hongrie et Slovénie 14, Pologne et République tchèque 13, Malte 12, Slovaquie 10, Lettonie 9, Bulgarie 8, Lituanie 7 et Roumanie 6 ;

– le nouvel élan donné à la négociation concrétise l’engagement de l’Union d’arrêter ses positions communes sur les chapitres les plus difficiles de l’acquis et d’aborder les demandes d’arrangements transitoires, selon un échéancier indicatif mais précis ;

– la combinaison du calendrier et du principe de différenciation permet d’envisager, de manière réaliste, un premier élargissement en 2004, après ratification des traités d’adhésion en 2003, tout en écartant l’option d’un élargissement massif et en une seule fois aux douze candidats. Il est cependant trop tôt pour déterminer les rythmes d’adhésion.

Les décisions prises vont permettre à la présidence suédoise de faire progresser les négociations d’adhésion dans les meilleures conditions et de réaliser son souhait de faire de l’élargissement l’une de ses trois priorités. La Suède a même l’intention d’anticiper le calendrier pour évoquer les chapitres les plus difficiles dès le premier semestre 2001 et tentera, lors du Conseil européen de Göteborg en juin 2001, de proposer, sinon une date-cible pour le début de l’élargissement, au moins un programme pour la conclusion des négociations.

V. LA REFORME DES INSTITUTIONS : UN ACCORD QUI VA PERMETTRE A LA CONSTRUCTION EUROPEENNE DE POURSUIVRE SON APPROFONDISSEMENT

A. Une solution d’ensemble à une négociation engagée depuis au moins cinq ans

1) Des discussions difficiles qui mettent fin à une querelle institutionnelle ancienne

A ceux qui critiquent le caractère trop étriqué de l’ordre du jour de la Conférence intergouvernementale qui a trouvé sa conclusion à Nice, il faut rappeler que son objectif n’était pas de refondre l’architecture institutionnelle de l’Union, ni de réfléchir à la mise en place d’un nouveau pacte fondateur. Il était de trouver des réponses à un certain nombre de questions institutionnelles restées pendantes depuis au moins cinq ans et dont dépend l’entrée de nouveaux Etats membres dans l’Union.

C’est en effet dès l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Autriche, la Finlande, la Suède et la Norvège que s’était posé le problème de l’adaptation du cadre institutionnel de l’Union. Comme l’a rappelé notre collègue Gérard Fuchs(11) dans son rapport sur la Conférence intergouvernementale, la France avait à cette époque défendue l’idée d’une réforme institutionnelle préalable à l’élargissement mais cette idée n’avait pas été retenue par le Conseil européen d’Edimbourg (décembre 1992). L'Autriche, la Finlande et la Suède sont donc entrés dans l'Union européenne sans que les institutions conçues pour une Europe à six aient été adaptées : il en est résulté l'aggravation d'une série de dysfonctionnements déjà perceptibles auparavant.

Parallèlement, les solutions trouvées à Maastricht pour réformer les institutions n’avaient pas semblé suffisantes aux négociateurs puisque ces derniers avaient déjà prévu dans le traité sur l’Union européenne la convocation en 1996 d’une Conférence intergouvernementale pour en réformer certaines dispositions
– notamment celles relatives à la taille de la Commission. Initialement limitée dans son champ d’application, le mandat de cette CIG a été élargi par le Conseil européen de Corfou (juin 1994) à l’ensemble des problèmes posés par la perspective de l’élargissement aux PECO, notamment au champ du vote à la majorité qualifiée et à la pondération des voix. C’est donc depuis cette date que les matières examinées par les chefs d'Etat et de gouvernement à Nice figurent à l’ordre du jour des négociations institutionnelles.

Il faut également rappeler – même si ce fait est plus connu – que les discussions de la Conférence intergouvernementale qui ont conduit à la conclusion du traité d’Amsterdam avaient échoué à adapter les institutions au défi de l’élargissement. Si ce traité réalisait des avancées importantes notamment en ce qui concerne l’extension de la procédure de la codécision et la communautarisation d’une partie des affaires intérieures et de justice, il avait laissé sans solution convenable les trois questions qui étaient au cœur de la négociation : la taille de la Commission, l’extension du champ du vote à la majorité qualifiée et la repondération des voix. Le Conseil européen de Nice a donc réussi à trouver un accord là où celui d’Amsterdam avait échoué.

Il a fallu pour cela que les Etats membres conviennent de la nécessité de convoquer une nouvelle Conférence intergouvernementale pour traiter de ce qui était bien improprement appelé les « reliquats » d’Amsterdam. Or, une majorité d’entre eux y étaient à l’époque réticents. Le protocole sur les institutions annexé au traité d’Amsterdam prévoyait bien une nouvelle réforme des institutions mais selon un calendrier complexe qui distinguait entre plusieurs vagues d’élargissement, et selon un ordre du jour limité à la taille de la Commission et à la repondération des voix : l’extension de la majorité qualifiée n’était pas explicitement évoquée comme une mesure nécessaire à prendre avant l’adhésion de nouveaux Etats membres.

Seuls trois pays – la Belgique, la France et l’Italie – étaient à l’époque favorables à une réforme des institutions préalable à « la conclusion des premières négociations d’adhésion » et incluant « une extension significative du recours au vote à la majorité qualifiée ». Cette position avait été formalisée le 3 octobre 1997 dans une déclaration tripartite annexée au traité d’Amsterdam.

Or, bien qu’ils fussent isolés au départ, ces pays ont obtenu le soutien du Parlement européen en novembre 1997 dans sa résolution sur le traité d’Amsterdam, avant que leurs partenaires se rallient progressivement à cette démarche. C’est ainsi que le Conseil européen de Cologne (juin 1999) pouvait décider la convocation d’une conférence des représentants des gouvernements pour « résoudre » l’ensemble des questions institutionnelles qui n’avaient pu être résolues à Amsterdam.

Ouverte le 14 février 2000, cette Conférence intergouvernementale s’est conclue dans la nuit du 10 décembre 2000 à 4 h 20 du matin. Sans qu’il soit nécessaire de relater les péripéties de cette négociation, il est bon de faire un certain nombre de remarques synthétiques sur son déroulement.

La première sera pour souligner le caractère évidemment conflictuel de discussions qui ont fait resurgir, comme à Amsterdam, de fortes lignes de fracture entre Etats membres : entre Etats les plus peuplés et Etats les moins peuplés quant à leur participation au processus de décision ; entre partisans d’une « Europe puissance » et ceux favorables à une approche strictement intergouvernementale ; enfin, selon les questions considérées par chacun comme étant d’intérêt national. C’est ainsi que les délégations se sont présentées à Nice avec, pour la plupart, un certain nombre de « lignes rouges » qu'ils estimaient ne pouvoir franchir : c’est l’addition de ces interdits qui a eu pour effet de limiter le champ des ambitions du traité.

La plupart des observateurs ont incriminé une « perte de l’esprit européen » ou le poids trop important des intérêts nationaux. Le diagnostic est sans doute excessif. Il faut rappeler que les sujets à l’ordre du jour de la CIG étaient des sujets sensibles touchant de près à la souveraineté des Etats et à leur capacité d'influence dans l'Union. La question posée n’était pas accessoire : elle était celle du pouvoir dans l’Union et de sa distribution entre Etats membres.

Il faut également souligner que la négociation de Nice était sans doute la première à porter exclusivement sur le volet institutionnel : jusqu’ici, il y avait toujours eu un enjeu de coopération plus vaste – le marché intérieur pour l’acte unique, la monnaie unique à Maastricht, voire la mise en place d’un espace européen de liberté, de sécurité et de justice à Amsterdam – susceptible de créer une dynamique et de permettre des progrès dans la voie du renforcement des institutions. Rien de tel n’était possible à Nice car les Etats membres sont malheureusement divisés sur la perspective d’approfondir leur coopération économique et budgétaire autour de la zone euro. C’est peut-être en ce sens que la méthode Monnet – qui repose sur des réalisations économiques générant des avancées politiques – a marqué ses limites. Que dans un tel contexte la présidence française ait réussi à trouver un accord n’en est que plus intéressant.

Elle doit en être d’autant plus félicitée que – et ce sera la deuxième remarque – la présidence portugaise, très riche par ailleurs, je l’ai dit plus haut, avait réalisé dans le domaine institutionnel un travail utile, mais principalement axé sur la question du champ de la majorité qualifiée. Il est donc revenu à notre pays de faire que les délégations entrent véritablement dans la voie de la négociation – c'est-à-dire consentent à envisager des solutions de compromis et sortent de leurs positions de principe. Le Conseil européen informel de Biarritz (13 octobre 2000) a joué de ce point de vue un rôle positif en permettant de dramatiser le débat et de situer clairement le niveau des enjeux. Il reste que l’essentiel était encore à faire avant l’ouverture du Conseil européen de Nice : la présidence a dû alors s’employer à définir les bases d’un accord, multipliant les entretiens bilatéraux – désignés sous le nom de « confessionnaux » – et faisant circuler plusieurs versions successives du traité – dont l’une le samedi matin, certainement plus ambitieuse dans son contenu que le texte final, mais rejetée par les délégations.

La dernière remarque sera pour la relation franco-allemande qui n’est sans doute pas apparue sous son meilleur jour au cours des négociations. Il était sans doute difficile à notre pays, à partir du moment où il exerçait la présidence de l’Union, de donner l’impression qu’il s’appuyait sur un Etat membre pour peser sur les discussions. C’est une des raisons pour lesquelles la France et l’Allemagne n’ont pas joué le même rôle d’impulsion que pour les précédents exercices de révision des traités. On peut s’étonner cependant des incompréhensions réciproques entre délégations française et allemande dans leurs positions mutuelles. La fameuse question de « décrochage » entre la France et l’Allemagne qui a parasité une partie des débats à Nice n’aurait pas dû être un problème : elle aurait dû être résolue en amont, avant l’ouverture du Conseil, entre nos deux pays. L’enjeu pour la France et l’Allemagne doit être de se doter de relations de travail nouvelles afin d’éviter que ce genre d’incompréhension se produise à nouveau. C'est l’objet du sommet franco-allemand de Strasbourg (31 janvier 2001).

Il reste que le temps n’est plus où ces deux pays pouvaient orienter à eux seuls le devenir de la construction européenne : l’Europe a gagné en diversité ce qu’elle a peut-être perdu en cohérence. Le moteur franco-allemand est irremplaçable pour jouer un rôle global d’impulsion dans une Union élargie et il doit être revitalisé. Mais il n’est plus exclusif, comme l’ont montré d’autres initiatives décisives comme celle du Royaume-Uni et de la France dans le domaine de la défense européenne.

2) Un dispositif cohérent qui couvre l’ensemble des sujets en négociation

Le traité de Nice ne porte pas un projet aussi ambitieux que celui du traité de Maastricht ou d’autres traités européens, mais, sous l’angle de la réalisation des objectifs fixés et de l’homogénéité des résultats, il fait mieux que les traités de Maastricht et d’Amsterdam.

D’une part il ne laisse aucun reliquat sur les quatre points-clés à résoudre comme à Amsterdam. Si certaines dispositions entreront en vigueur selon un calendrier échelonné dans le temps(12), les chefs d’Etat et de gouvernement ont donné des réponses complètes – même si elles peuvent être contestées – aux questions figurant à l’ordre du jour initial de la CIG (taille de la Commission, pondération des voix, champ de la majorité qualifiée) ainsi qu’à celle incluse lors du Conseil européen de Feira (coopérations renforcées). La négociation de Nice a même permis d’aller au-delà puisque le traité contient des dispositions non prévues au départ dans le champ des discussions – celles portant sur l’Europe de la défense et le statut des partis politiques européens(13).

Le traité ne comporte par ailleurs aucune dérogation en faveur de certains Etats membres comme à Maastricht et à Amsterdam. La création par le traité de Maastricht de la monnaie unique et des deux piliers intergouvernementaux en matière de politique étrangère et de sécurité commune et de justice et d’affaires intérieures avait conduit l'Union européenne à admettre des dérogations aux règles communes pour obtenir la ratification des traités par l’ensemble des Etats membres. Le souffle de l’ambition ne garantit donc pas nécessairement le dépassement des réticences nationales face au renforcement de l’intégration européenne.

La réalisation d’un accord unanime sur la réforme institutionnelle sans aucune dérogation est une réussite importante de la négociation de Nice dans la perspective de l’élargissement : les Quinze auraient pu difficilement continuer à demander aux pays candidats d’adhérer à l'Union européenne sans possibilité de dérogation s’ils s’étaient eux-mêmes exonérés partiellement et à la carte des nouvelles règles institutionnelles. Contrairement à Maastricht et à Amsterdam, Nice donne l’exemple d’une discipline commune librement décidée à laquelle tout le monde se plie pour faire fonctionner l’ensemble.

On regrettera toutefois le caractère peu lisible du traité qui procède par amendements à un texte de base. Il est certes difficile d’envisager une autre manière de procéder, la mise au point d’un texte consolidé ne pouvant intervenir qu’ultérieurement une fois acquises les ratifications nationales. Il reste que la compréhension du système institutionnel communautaire par l’opinion publique ne s’en trouvera pas facilitée !

B. Des dispositions qui améliorent l’efficacité et la légitimité des institutions

En ajoutant par voie d’amendement gouvernemental, un article 2 au dispositif du projet de loi autorisant la ratification du traité d’Amsterdam, le Parlement français avait donné à l’exécutif un mandat exigeant : celui d’obtenir des « progrès substantiels » dans la voie d’une réforme des institutions afin d’en rendre le fonctionnement « plus efficace et plus démocratique ».

L’examen des dispositions du traité montre que ces demandes ont été, au moins en partie, prises en compte.

1) La Commission

a) Un format maîtrisé

Comme on le sait, la France et quelques autres Etats membres ont défendu, lors de cette CIG, l’idée d’une Commission de taille réduite dont l’effectif serait inférieur ou égal à 20 membres. Cette approche déjà proposée lors des négociations d’Amsterdam n’a pas été retenue car beaucoup de délégations ont considéré la présence d’un de leurs nationaux dans le collège des commissaires comme l’expression nécessaire d’un lien identitaire qui doit être maintenu.

Si ce résultat n’a rien de surprenant, tant les réticences à l’égard de l’option « collégiale » étaient fortes, les dispositions qui ont pu être introduites sur un plafonnement différé de la Commission démontrent un début de prise de conscience des dangers d’un collège surdimensionné.

(1) Un collège composé d’un national par Etat membre à partir de 2005 : le risque d’une renationalisation rampante

L’article 4 du protocole sur l’élargissement de l'Union européenne prévoit qu’« à partir du 1er janvier 2005 et avec effet à partir de l’entrée en fonction de la première Commission postérieure à cette date… la Commission comprend un national de chaque Etat membre… ».

Il va de soi que cette solution d’un commissaire par Etat membre n’est pas d’effet immédiat : elle ne s’appliquera que pour la prochaine Commission qui succédera en 2005 à la Commission Prodi. Les pays les plus peuplés (Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni et Espagne) perdront alors la faculté qui leur est reconnue de désigner un deuxième commissaire : comme le prévoyait le protocole sur les institutions annexé au traité d’Amsterdam, cette perte du deuxième commissaire sera compensée par une repondération des voix en leur faveur (voir infra). La prochaine Commission se composera donc d’autant de membres qu’il y aura d’Etats membres à cet horizon : soit quinze membres si l’Union ne s’est pas élargie, soit plus en cas d’adhésion de nouveaux pays.

Cette solution comporte un très grave risque : celui d’entraîner une renationalisation de la Commission qui serait contraire à la lettre du traité et à l’esprit des institutions. Il est à craindre en effet que dans une configuration où, à chaque Etat membre correspondrait un commissaire désigné, ce dernier ne se fasse l’expression directe des intérêts nationaux de son pays d'origine. La Commission se transformerait alors, de manière insidieuse, en assemblée délibérante représentant les Etats et dédoublant le Conseil (avec l’inconvénient supplémentaire qu’à la Commission le vote se fait à la majorité simple et non à la majorité qualifiée).

(2) Le principe d’un plafonnement à terme

La présidence française est toutefois parvenue à faire inscrire, au paragraphe 2 de l’article 4 du protocole sur l’élargissement, la disposition selon laquelle, lorsque l’Union comptera 27 Etats membres, le nombre de commissaires sera inférieur au nombre d’Etats membres. Autrement dit, le 27ème Etat membre n'obtiendra pas forcément de commissaire : la Commission restera plafonnée à 26 membres tant que le Conseil n'aura pas pris de décision définitive sur son format.

La France avait proposé de prévoir dès maintenant un plafonnement de la Commission à 20 membres en 2010 ou lorsque l’Union compterait 27 membres. Cette proposition n'a pas été retenue : le traité ne dit pas quel sera l'effectif final de la Commission ; il se contente de renvoyer au Conseil le soin de décider, à l’unanimité, le nombre des membres de la Commission et les modalités du mécanisme de rotation égalitaire.

Ce mécanisme de rotation devra toutefois être conforme à deux conditions précisées par le traité : les Etats membres devront être traités sur un « strict pied d’égalité » en ce qui concerne la détermination de l’ordre de passage et du temps de présence de leurs nationaux au sein de la Commission ; chacun des collèges sera constitué de façon à refléter de manière satisfaisante l’éventail démographique et géographique de l’ensemble des Etats membres. Jusqu’à l’application du plafonnement – c'est-à-dire jusqu’à l’entrée en vigueur de la première Commission suivant l’adhésion du 27ème Etat membre – tout pays adhérant à l’Union pourra avoir un national comme membre de la Commission.

Ce dispositif n’est évidemment pas sans faiblesses. Si le principe du plafonnement est inscrit de façon explicite dans le corps du traité, la diminution de l'effectif de la Commission nécessitera une décision à l'unanimité du Conseil. Dès lors, il suffira de l'opposition d'un Etat membre pour que le collège des commissaires reste au niveau alors atteint - soit au maximum 26 membres. Surtout, il est probable que ce mécanisme compliqué de plafonnement à 26 membres ne résiste pas à l’épreuve des faits : peut–on imaginer que le 27ème Etat membre accepte d’entrer dans l’Union sans disposer de commissaire ?

L'impression prévaut toutefois que le résultat obtenu était le maximum que l'on pouvait espérer tant les préventions restent fortes envers tout schéma de formation restreinte. Comme l’a indiqué devant notre Délégation Hubert Védrine, le terme de l’adhésion du 27ème Etat membre est suffisamment éloigné pour ménager « la possibilité d’une évolution des esprits sur la question ».

b) Le renforcement des pouvoirs du Président

Afin de contrecarrer les effets centrifuges d’une augmentation du nombre des commissaires, le traité de Nice prévoit de renforcer le rôle du Président de la Commission, rôle qui avait déjà été augmenté par le traité d’Amsterdam.

Il revient désormais au Président de décider de l’« organisation interne » de la Commission, de répartir les responsabilités entre commissaires et de nommer les vice-présidents (dont le nombre ne sera plus limité à deux comme dans la version actuelle du traité). Le Président de la Commission aura également la faculté, après approbation du collège, d’obtenir la démission d’un commissaire : cette disposition formalise ainsi l’engagement pris par les membres de la Commission Prodi de démissionner si le Président leur en faisait la demande.

Plutôt que de fixer dans le traité les grandes lignes d’une hiérarchisation interne de la Commission, comme cela avait été envisagé par certaines délégations au cours des négociations, en prévoyant par exemple une distinction entre commissaires et commissaires-adjoints ou en confiant à certains membres des tâches ponctuelles, les Quinze ont donc préféré s’engager dans une voie plus sûre et moins conflictuelle : laisser au Président, dont l’autorité est renforcée, le soin d’organiser le collège dont il a la responsabilité. Il pourra ainsi, s’il le souhaite, augmenter le nombre de vice-présidents et leur confier des missions de coordination. Il pourra aussi veiller à une bonne répartition des tâches afin d’assurer autant que possible la cohérence et la collégialité de l’action de la Commission.

On relèvera que le Président sera désormais nommé à la majorité qualifiée, et non à l’unanimité. L’objectif est d’éviter que des candidats réunissant toutes les qualités requises mais suscitant les réserves d'un Etat membre pour des motifs propres à ce pays puissent être écartés (exemple de la candidature de Jean-Luc Dehaene en 1994, qui s’est heurtée au veto du Royaume-Uni).

2) Une extension appréciable du champ de la majorité qualifiée

Alors que le traité d’Amsterdam n’avait que faiblement étendu le champ de la majorité qualifiée, le traité de Nice fait passer de l’unanimité à la majorité qualifiée – totalement ou de façon partielle – vingt-neuf dispositions des traités.

On trouvera en annexe un tableau qui permet d’apprécier l’ensemble des progrès réalisés.

On estime au total que la proportion des décisions relevant de la majorité qualifiée passera de 80 à 90 % dans le premier pilier. Le processus de prise de décision devrait donc s’en trouver facilité.

En revanche, l’unanimité a été maintenue :

– à la demande de l’Allemagne pour le secteur de la culture (article 151 du TCE) et l’accès aux professions (article 47, paragraphe 2, du TCE) ;

– et, à la demande de l’Autriche, pour les questions d’environnement et d’aménagement du territoire (article 175, paragraphe 2, du TCE).

Des difficultés particulières sont apparues dans cinq domaines.

l Il s’agit tout d’abord de la fiscalité (article 93 du TCE) et de la sécurité sociale (article 42 du TCE), qui demeureront à l’unanimité. Différentes propositions avaient été faites pour étendre la majorité qualifiée à une partie au moins de ces matières – la coopération administrative pour la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, d’une part, la coordination des régimes nationaux de sécurité sociale, d’autre part – mais elles se sont toutes heurtées à l’intransigeance du Royaume-Uni. Ces articles ont donc été retirés de la discussion.

l Un accord a pu être trouvé, en revanche, pour la justice et les affaires intérieures.

C'est ainsi que des aménagements significatifs ont été apportés au passage à la procédure du vote à la majorité qualifiée pour les matières relevant du titre IV du TCE « visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes ». Il a été ainsi décidé d’appliquer cette procédure dès l’entrée en vigueur du traité de Nice à la coopération judiciaire civile ayant une incidence transfrontalière, à l’exception du droit de la famille ainsi qu’aux questions intéressant l’asile et la protection temporaire, sous réserve de l’adoption préalable à l’unanimité d’une législation communautaire, qui en définisse les règles communes et les principes essentiels. Cette dernière condition répond à une demande allemande.

Par ailleurs, conformément à une déclaration annexée au traité et à la demande de la France, le vote à l’unanimité ne sera plus requis, à compter du 1er mai 2004, pour la définition des conditions de libre circulation des ressortissants des pays tiers sur les territoires des Etats membres ainsi que pour la détermination de la politique relative à l’immigration clandestine et au séjour irrégulier, celle-ci incluant le rapatriement des personnes en séjour irrégulier. A cette même date, le Conseil sera aussi appelé à statuer à la majorité qualifiée sur les mesures relatives à la coopération entre les services compétents en matière d’asile, d’immigration et de libre circulation.

Le vote à la majorité qualifiée aura également vocation à s’appliquer aux normes et aux modalités des contrôles aux frontières extérieures, sous réserve qu’un accord sur le champ d’application des mesures concernant le franchissement de ces dernières ait vu le jour. De manière plus générale, le Conseil a été invité à appliquer le vote à la majorité qualifiée aux autres domaines couverts par le titre IV ou à certains d’entre eux, sans que ceux-ci ne soient toutefois précisés.

l Sur l’article 133 (politique commerciale commune), la solution retenue étend certes le champ de la compétence communautaire – et donc de la majorité qualifiée – à une partie du commerce des services et des aspects commerciaux de la propriété intellectuelle mais elle prévoit deux séries de limites :

– l’unanimité est maintenue lorsque l’accord comprend soit des dispositions pour lesquelles l’unanimité est requise en droit interne, soit des dispositions de nature horizontale, c'est-à-dire des règles communes ne comportant pas d’engagements spécifiques par pays ;

– un « commun accord des Etats membres » est également requis pour la négociation d’accords portant sur les domaines de la culture, de l’audiovisuel, de l’éducation, de la formation professionnelle et de la santé. Le nouvel article 133, paragraphe 6, précise que ces domaines relèvent d’une compétence partagée entre la Communauté et les Etats membres.

Ce dispositif d’architecture complexe répond au souci de la France de maintenir un droit de veto – et, par le même effet, un droit de contrôle des parlements nationaux – sur les accords commerciaux touchant des secteurs sensibles qui ne peuvent être considérés comme des biens marchands.

Il va même plus loin que l'actuelle rédaction du traité. En effet, alors que l'article 133, paragraphe 5 prévoit actuellement la possibilité d'une extension du champ de la politique commerciale extérieure à l'ensemble des services, sur décision unanime du Conseil, la nouvelle rédaction de cette disposition interdit toute éventualité de ce type : en posant très clairement le principe que les services d'éducation, de santé et de culture sont par nature de compétence mixte, elle exclut toute extension des compétences de la Communauté à ces matières.

On notera que la proposition de compromis qui a inspiré l’accord final a été proposée par la Finlande, ce qui montre que nos préoccupations étaient partagées par d’autres pays.

l Pour la politique régionale et le fonds de cohésion (article 161 du TCE), l’Espagne a obtenu le maintien à l’unanimité jusqu’en 2007 si les perspectives financières 2007-2013 sont approuvées et, sinon, jusqu’à leur adoption. Les action spécifiques pour la cohésion économique et sociale (article 159 du TCE) seront en revanche adoptées à la majorité qualifiée dès l’entrée en vigueur du traité.

3) Un assouplissement du mécanisme des coopérations renforcées

Nice a également permis de faciliter le recours aux coopérations renforcées et de simplifier le fonctionnement du dispositif. C'est d'ailleurs le seul point de l'ordre du jour de la CIG que les chefs d'Etat et de gouvernement n'ont pas eu à discuter directement puisque les grandes lignes d'un accord sur le sujet avaient été définies avant l'ouverture du Conseil européen.

Les conditions matérielles applicables à ce mécanisme restent inchangées : les coopérations renforcées sont une solution de dernier ressort qui ne doit pas remettre en cause l’acquis communautaire ; tout Etat membre a le droit de se joindre à une coopération déjà lancée sous réserve qu’il puisse respecter les décisions prises dans ce cadre.

Mais les modifications introduites par le traité de Nice devraient permettre d’assouplir les conditions de lancement d'une coopération renforcée : comme l’avait relevé notre collègue Gérard Fuchs, la clause introduite par le traité d’Amsterdam souffre en effet d’un certain nombre de rigidités qui en rendaient l’utilisation pratiquement impossible.

C’est ainsi que le nombre minimal d’Etats membres participants sera désormais fixé à huit alors que le seuil exigé actuellement est celui d’une majorité d’Etats membres. Le maintien de cette règle aurait conduit à porter le nombre minimum d’Etats membres requis pour le lancement d’une coopération renforcée à 14 dans une Union à 27. Il était donc nécessaire de revoir cette disposition.

Dans le premier pilier, le droit de veto dont dispose actuellement chaque Etat membre sur le lancement d'une coopération renforcée sera supprimé et remplacé par la possibilité de saisir le Conseil européen pour qu’il en débatte (droit d'évocation).

Le Parlement européen a également obtenu que le lancement d’une coopération renforcée couvrant un domaine qui relève de la procédure de codécision requiert son avis conforme. Il faut toutefois relever que cette extension du contrôle démocratique est jugée insuffisante par les parlementaires européens qui auraient souhaité que la procédure d’avis conforme s’applique à toutes les coopérations renforcées.

Des mesures ont également été prises pour harmoniser avec le premier pilier les procédures de déclenchement d’une coopération renforcée dans le troisième pilier.

Alors que la Commission n’avait jusqu’ici en matière pénale qu’un pouvoir consultatif, elle disposera désormais d’un droit de proposition partagé avec les Etats membres pour le lancement d’une coopération renforcée. Mais alors que dans le premier pilier, la Commission dispose d’un monopole d’initiative, les Etats membres souhaitant lancer une coopération renforcée dans le troisième pilier ne pourront en être empêchés par un avis contraire de la Commission. Le droit de veto est également supprimé et remplacé par un droit d’évocation au Conseil européen.

Mais c’est l’extension du champ des coopérations renforcées à la politique extérieure et de sécurité commune qui constitue sans doute la mesure la plus spectaculaire : les Etats pourront désormais instaurer une coopération renforcée pour mettre en œuvre une action commune ou une stratégie commune de la PESC ; les questions de défense ayant des implications militaires seront en revanche exclues.

On sait que la France était réticente à cette perspective, craignant que l’extension des coopérations renforcées au domaine extérieur ne s’accompagne d’une série de verrous institutionnels qui auraient pour effet de limiter la capacité d’initiative des Etats. Tel ne sera finalement pas le cas.

La procédure prévue ménage en effet une possibilité de droit de veto tout en laissant l’initiative aux Etats membres. L’autorisation sera accordée par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur la base d’une proposition faite par des Etats membres et après avis de la Commission. Mais, selon une procédure de droit commun en vigueur pour la PESC, un Etat membre invoquant des « raisons de politique nationale » pourra demander au Conseil européen de statuer à l’unanimité.

Cette extension au deuxième pilier du dispositif des coopérations renforcées constitue un élément positif. Il n’était pas justifié que la politique étrangère reste exclue de son champ d’application alors qu’elle est un terrain d’élection naturel pour des coopérations à géométrie variable.

L’assouplissement des règles de déclenchement des coopérations renforcées fournit ainsi un antidote à l’immobilisme qui résulterait d’une excessive hétérogénéité de l'Union avec l'élargissement : les Etats membres qui le veulent et le peuvent auront les moyens d’aller plus vite et plus loin sans défaire l’acquis.

Un certain nombre de questions ne s'en posent pas moins sur la portée exacte de ce dispositif. Les réformes introduites par le traité de Nice suffiront-elles à inciter les Etats à recourir à un mécanisme resté jusqu’ici inemployé ? Si des coopérations renforcées devaient être instaurées, quelles seront leurs finalités ? S’agira-t-il ponctuellement de trouver une porte de sortie en cas de blocage du processus de décision dans une matière relevant de l’unanimité ou, au contraire, les coopérations renforcées pourraient-elles relancer la dynamique d’intégration dans des domaines de compétence de l’Union ? Mais quels pourraient être alors ces domaines ? La coordination des politiques budgétaires ? Une politique commune de l’immigration ? La coopération judiciaire en matière pénale ? Dans cette hypothèse, comment réagiraient les pays candidats ? Enfin, dernière question, le lancement de coopérations renforcées ne risque-t-il pas d’accroître la complexité de fonctionnement du cadre institutionnel de l’Union dès lors que coexisteraient plusieurs zones différenciées d’intégration associant des groupes d’Etats de composition variable ?

4) Une repondération des voix qui permet de renforcer la légitimité des décisions prises par le Conseil

C’est la question qui a fait l’objet, à Nice, des débats les plus difficiles. C’est aussi le sujet pour lequel les solutions définies sont complexes et peu compréhensibles des citoyens.

La nécessité de repondérer les voix n’était pas contestée : même les Etats les moins peuplés convenaient que les pays les plus peuplés devaient être compensés pour la perte de leur deuxième commissaire. Les discussions ont en revanche porté sur l’éventail de voix à l’intérieur de la grille de pondération et sur les écarts entre pays appartenant à un même sous-groupe régional (Espagne et Portugal, Belgique et Pays-Bas, …). L’exercice était au demeurant compliqué par la nécessité d’inclure les pays candidats et de maintenir une parfaite cohérence entre la répartition des voix et le niveau des seuils de majorité qualifiée : c’est justement parce que de telles contradictions sont apparues après la conclusion du Conseil européen de Nice que les représentants des Etats membres ont dû se réunir pour réviser le traité.

Ø Les décisions prises à Nice ont écarté le système de double majorité. Ce système – selon lequel une décision est prise lorsqu’elle recueille l’accord d’une majorité d’Etats membres représentant une majorité de la population de l’Union – comporte des avantages indéniables qui avaient été parfaitement mis en évidence par notre collègue Gérard Fuchs : il a en effet le mérite d’être parfaitement compréhensible des citoyens européens, de pouvoir être adapté aux élargissements successifs sans qu’il soit nécessaire de revoir les pondérations et de refléter la double nature de l’Union qui est à la fois une Union des peuples et une Union des Etats.

Mais bien qu’elle fût soutenue par la Commission européenne et par un groupe d’Etats membres comprenant la Belgique, le Portugal, la Finlande, l’Autriche et, semble-t-il, l’Allemagne, la double majorité n’a pas été retenue par le Conseil européen de Nice. Les chefs d’Etat et de gouvernement se sont engagés dans une autre voie : celle d’une révision de la grille de pondération des voix entre Etats. N’ayant cessé de marquer son hostilité envers le système de la double majorité, la France n’a pas été étrangère à cette approche. Sans qu’il soit besoin de se livrer à une analyse détaillée des mérites et inconvénients des deux systèmes, on relèvera que le dispositif de repondération retenu à Nice se démarque de la double majorité sur deux points importants :

– le système de Nice garantit d’abord une meilleure légitimité démographique des décisions prises par le Conseil : toute majorité qualifiée devra en effet réunir au moins 62 % de la population totale de l’Union, en application de la clause démographique introduite à la demande de l'Allemagne, alors que ce seuil n’aurait été que de 50,01 % avec la double majorité ;

– il préserve ensuite un équilibre des forces entre Etats qui ne repose pas sur le seul élément démographique. Pour prendre un exemple qui n’a rien d’anodin, alors qu’avec la double majorité, la France et l’Allemagne auraient représenté, en application du deuxième critère démographique, respectivement 16 % et 22 %(14) des voix, le système retenu à Nice permettra de maintenir la parité des voix entre les deux pays.

Cet exemple est éclairant. En permettant de répartir les Etats membres en « groupes » de pays, le dispositif de repondération permet une approche politique du rôle de chacun d’entre eux dans le processus de décision. En faisant du poids démographique l’un des deux critères de vote au Conseil, la double majorité aurait, au contraire, « modifié l’équilibre entre pays », selon l’expression même de Pierre Moscovici devant notre Délégation.

Un examen plus attentif du nouveau système de pondération conduit aux conclusions suivantes :

Ø Si le critère démographique est mieux pris en compte dans la grille de pondération, les Etats les moins peuplés continueront à bénéficier, comme il se doit, d’une surreprésentation relative.

Les Etats les plus peuplés ont en effet réussi à obtenir une nouvelle répartition des voix qui prend mieux en compte leur importance démographique. C’est ainsi que, de la manière la plus visible, la fourchette des voix entre Etats sera de 4 à 29 dans la nouvelle grille qui entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2005, contre une fourchette de 2 à 10 dans le système actuel. Leur poids dans le processus de décision s’en trouvera donc amélioré.

Cette appréciation se trouve confirmée par le tableau ci-dessous qui montre que la nouvelle pondération permet d’améliorer le poids des cinq Etats les plus peuplés – et celui de la France – par rapport à ce qu'aurait donner l’extrapolation du système actuel. C’est ainsi que ces cinq Etats obtiendront 60,35 % des voix avec le système de Nice (contre 55,15 % avec le système actuel) dans une Union européenne à 15, et 41,32 % des voix (contre 35,81 % à dispositif inchangé) dans une Union européenne à 27.

     

Pondération décidée à Nice

Pondération actuelle
(UE à 15)

Extrapolation du système actuel dans une UE à 27

UE à 15

UE à 27

En population
(%)

En voix
(%)

En population
(%)

En voix
(%)

En population
(%)

En voix
(%)

En population
(%)

En voix
(%)

Poids des cinq Etats les plus peuplés (Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie et Espagne)

79,21

55,15

61,77

35,81

79,21

60,35

61,77

41,32

Poids de la France

15,71

11,49

12,25

7,46

15,71

12,24

12,25

8,38

Toutefois – et ce point est essentiel – les pays les moins peuplés continueront à bénéficier d’un nombre de voix bien supérieur à leur poids démographique. Si l’échelle de population va de 1 à 200 dans une Union à 15, la fourchette des voix restera d’une ampleur très inférieure (de 1 à 7,25). La part des cinq Etats les plus peuplés dans le total des voix restera bien inférieure à leur part dans la population. Il est donc faux d’affirmer, comme cela a pu être dit dans la chaleur des discussions de Nice, que les grands pays auraient imposé leur prééminence dans le processus de prise de décision. Les nouvelles règles restent favorables aux pays les moins peuplés, ce qui est parfaitement normal dans une Union d’Etats.

Ø Le seuil de la majorité qualifiée connaît une légère augmentation qui ne devrait pas toutefois nuire gravement au processus de décision.

La nouvelle grille de pondération, qui entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2005, fixe la majorité qualifiée à 169 voix sur un total de 237 : le seuil d’approbation d’un texte – dit seuil de majorité qualifiée – se situe donc à un pourcentage de 71,3 % des voix, qui est quasiment identique à celui actuellement en vigueur au Conseil (71,26 %).

L'évolution de ce seuil a toutefois donné lieu à un arrangement assez complexe. Parce qu'elle souhaitait détenir une capacité de blocage identique à celle des autres grands pays, l’Espagne a obtenu à Nice que la minorité de blocage soit de 88 voix dès le premier élargissement. Mais cette disposition aurait eu pour effet de faire fortement augmenter le seuil de majorité qualifiée à mesure que l'Union s'élargissait (jusqu'à un seuil de 74,78 % dans une Union à 27), ce qui aurait été paradoxal !

Cette situation n'était pas acceptable. Aussi les Etats sont-ils convenus, dans une déclaration annexée au traité (« Déclaration sur le seuil de la majorité qualifiée et le nombre de voix de la minorité de blocage dans une Union élargie »), que le seuil de la majorité qualifiée ne pourra dépasser 73,4 % tant que l’Union comptera moins de 27 membres et qu'il se situera à 73,9 % lorsque l’Union atteindra 27 membres. Cet arrangement donne, à 27, une minorité de blocage de 91 voix et une majorité qualifiée de 255 voix sur un total de 345 voix.

PONDERATION DES VOIX AU CONSEIL

 

UE à 15

UE à 27

Etats membres

Population en %

Système actuel

Pondération décidée à Nice

Population en %

Extrapolation du système actuel

Pondération décidée à Nice

Nombre de voix

en %

Nombre de voix

en %

Nombre de voix

en %

Nombre de voix

en %

Allemagne

21,86

10

11,49

29

12,24

17,05

10

7,46

29

8,41

Royaume-Uni

15,79

10

11,49

29

12,24

12,31

10

7,46

29

8,41

France

15,71

10

11,49

29

12,24

12,25

10

7,46

29

8,41

Italie

15,35

10

11,49

29

12,24

11,97

10

7,46

29

8,41

Espagne

10,50

8

9,19

27

11,39

8,19

8

5,97

27

7,83

Pays-Bas

4,20

5

5,75

13

5,49

3,28

5

3,73

13

3,77

Grèce

2,81

5

5,75

12

5,06

2,19

5

3,73

12

3,48

Belgique

2,72

5

5,75

12

5,06

2,12

5

3,73

12

3,48

Portugal

2,66

5

5,75

12

5,06

2,07

5

3,73

12

3,48

Suède

2,36

4

4,59

10

4,22

1,84

4

2,98

10

2,90

Autriche

2,15

4

4,59

10

4,22

1,68

4

2,98

10

2,90

Danemark

1,42

3

3,45

7

2,95

1,10

3

2,23

7

2,03

Finlande

1,37

3

3,45

7

2,95

1,07

3

2,23

7

2,03

Irlande

1,00

3

3,45

7

2,95

0,78

3

2,23

7

2,03

Luxembourg

0,11

2

2,29

4

1,69

0,09

2

1,49

4

1,16

                     

Pologne

         

8,04

8

5,97

27

7,83

Roumanie

         

4,67

6

4,47

14

4,06

République tchèque

         

2,14

5

3,73

12

3,48


Hongrie

         

2,10

5

3,73

12

3,48

Bulgarie

         

1,71

4

2,98

10

2,90

Slovaquie

         

1,12

3

2,23

7

2,03

Lituanie

         

0,77

3

2,23

7

2,03

Lettonie

         

0,51

3

2,23

4

1,16

Slovénie

         

0,41

3

2,23

4

1,16

Estonie

         

0,30

3

2,23

4

1,16

Chypre

         

0,16

2

1,49

4

1,16

Malte

         

0,08

2

1,49

3

0,87

TOTAL

100

87

100

237

100

100

134

100

345

100

Majorité qualifiée (MQ)

 

62 (71,26 %)

 

169 (71,31 %)

   

95 (70,89 %)

 

255 (73,91 %)

 

Minorité de blocage (MB)

 

26

 

69

   

40

 

91

 

Pourcentage minimum de population requis pour atteindre la MQ

 

58,2 %

 

60 %

   

50,3 %

 

58,30 %

 

Coalition minimum d’Etats requis pour atteindre la MQ

 

8 Etats

 

8 Etats

   

14 Etats

 

13 Etats

 

Pourcentage minimum de population requis pour atteindre la MB

 

12,3 %

 

13,8 %

   

11,5 %

 

12,60 %

 

Cette déclaration permet donc de limiter l’augmentation du seuil de majorité qualifiée qui découlait de l'accord trouvé à Nice sur la minorité de blocage. Il n'en reste pas moins que ce seuil augmentera, passant de 71,26 % actuellement à 73,9 % dans une Union à 27. Cette situation est regrettable – et elle constitue un des motifs importants de critique du Parlement européen contre le traité – mais elle doit être relativisée : l'augmentation du seuil signifie que, dans une Union à 27, il faudra 9 voix en plus pour atteindre la majorité qualifiée ; autrement dit, si l'on avait maintenu le seuil de majorité qualifiée à son niveau actuel, une décision aurait pu être prise au Conseil avec 9 voix de moins. Si l'on veut bien se souvenir que le total des voix au Conseil est de 345, on constatera que cette augmentation ne met pas à elle seule en péril le processus de prise de décision.

Ø Les deux clauses d’appel (majorité d’Etats, filet démographique) sont d’une portée relative.

Pour qu’une délibération soit acquise, il ne suffit pas qu’elle recueille une majorité qualifiée en voix au Conseil. Le traité prévoit également que cette majorité qualifiée doit exprimer le vote favorable d’une majorité de membres et représenter au moins 62 % de la population totale de l’Union. Le respect de cette dernière condition n’est vérifié que dans l’hypothèse où un Etat membre en ferait la demande au Conseil.

Ces deux clauses d’appel ont suscité de vives critiques qui ne sont pas toutes justifiées.

Ces deux clauses sont d'abord difficilement contestables dans leur principe. Elles empruntent en effet au système d’une Fédération d'Etats nations qui exige toujours la prise en compte des voix de la population et du nombre d'Etats.

Il n’est pas non plus exact d’affirmer qu’elles vont conduire à instaurer trois procédures de vote. Les délégations continueront à ne voter qu’une fois. Il y aura simplement deux vérifications du résultat de vote, l'une étant assez simple à effectuer et l'autre de mise en œuvre facultative.

Il est enfin excessif de dire que ces clauses annihileraient à elles seules les effets de la repondération. La condition liée au nombre d’Etats a été introduite pour éviter qu’une minorité d’Etats puisse imposer ses vues à une majorité. Il faut rappeler que cela n’a jamais été le cas depuis 1958 : il n'existe aucune possibilité avec la grille de pondération actuelle pour qu'une décision puisse être prise par une minorité d'Etats. Or, ces possibilités resteront très rares avec la nouvelle grille de pondération. Dans une Union à 15, toute décision requerra au moins 8 Etats membres : la clause n’aura donc qu’une valeur symbolique. Dans une Union européenne à 27, il existera des cas où une majorité qualifiée pourrait être acquise avec 13 Etats membres mais cela supposerait une coalition improbable d’Etats les plus peuplés unis contre les Etats les moins peuplés. Chacun sait que ce genre de configuration est très rare dans la vie de l’Union.

Le même raisonnement vaut pour le filet démographique fixé à 62 % de la population de l’Union. Le tableau figurant page 31 montre qu’avec la nouvelle grille de pondération, le pourcentage minimum de population requis pour atteindre la majorité qualifiée sera de 60 % dans une Union à 15 et de 58,3 % dans une Union à 27 : l’invocation de la clause démographique pourrait donc, dans certains cas, empêcher l’adoption d’un texte recueillant la majorité qualifiée et conduire la présidence à poursuivre les discussions afin d’obtenir le ralliement d’autres Etats membres. Mais ces cas seront également très rares car ils supposent des coalitions improbables entre Etats les plus peuplés et Etats les moins peuplés.

Il est souvent affirmé que cette clause démographique profitera essentiellement à l’Allemagne. Il est exact qu’en application de cette disposition, l’Allemagne sera le seul pays à pouvoir s’allier au minimum à 2 Etats membres pour bloquer une décision(15) : les autres Etats devront trouver au minimum 3 partenaires pour atteindre la minorité de blocage.

Mais n’est-il pas plus juste de dire que ce filet démographique profitera en réalité à l’ensemble des Etats membres en garantissant une bonne représentativité démographique des décisions prises par le Conseil ? Qu’il protégera également les intérêts des Etats les plus peuplés – qui sont aussi le plus souvent des contributeurs nets au budget communautaire – en leur aménageant une minorité de blocage particulière ?

Au total, le nouveau régime de pondération prévu par le traité de Nice améliore la légitimité du Conseil en renforçant le poids des Etats les plus peuplés. Il est vrai qu’il alourdit à la marge le processus de décision en augmentant le seuil de la majorité qualifiée et en introduisant une condition démographique supplémentaire. Mais il serait inexact d'en conclure à une remise en cause de la méthode communautaire : cette dernière est au contraire renforcée par l'extension de la majorité qualifiée et de la procédure de codécision.

5) Le Parlement européen

a) Une représentativité plus large

Bien que le traité d’Amsterdam prévoyait une limitation des effectifs du Parlement européen à 700 membres, le traité de Nice prévoit de les porter à 732 dans une Union à 27 (au lieu de 626 actuellement).

Cette augmentation était nécessaire pour faire place aux représentants des prochains Etats membres.

La répartition des sièges entre Etats ne sera pas strictement proportionnelle au poids démographique des Etats : l’éventail des populations est tel en Europe, qu’une représentation proportionnelle aurait conduit à une assemblée de 1 200 députés environ. C’est ainsi qu’un député français représentera 819 000 habitants et un député néerlandais 630 000, contre 464 000 pour un député belge et 71 000  pour un député luxembourgeois.

On notera que si les effectifs parlementaires de chaque Etat membre diminueront, l’Allemagne est le seul pays à échapper à cette obligation, puisque le nombre de députés allemands restera fixé à 99. Il est vrai qu'une diminution de l'effectif allemand aurait creusé de trop fortes différences de représentativité avec les autres pays puisqu'un député allemand comptera avec la nouvelle grille pour 829 000 habitants, ce qui est déjà le nombre maximum dans l'Union.

Composition du Parlement européen

 

Composition actuelle

Composition pour une UE à 27

Allemagne

99

99

Royaume-Uni

87

72

France

87

72

Italie

87

72

Espagne

64

50

Pologne

 

50

Roumanie

 

33

Pays-Bas

31

25

Grèce

25

22

République tchèque

 

20

Belgique

25

22

Hongrie

 

20

Portugal

25

22

Suède

22

18

Bulgarie

 

17

Autriche

21

17

Slovaquie

 

13

Danemark

16

13

Finlande

16

13

Irlande

15

12

Lituanie

 

12

Lettonie

 

8

Slovénie

 

7

Estonie

 

6

Chypre

 

6

Luxembourg

6

6

Malte

 

5

Total

626

732

b) Une extension de la procédure de codécision

Le Parlement européen n’a pas obtenu que la procédure de codécision soit reconnue comme la procédure de droit commun pour les textes législatifs relevant de la majorité qualifiée au Conseil : certains domaines, comme la politique agricole commune, continueront à échapper à la codécision.

Il n’en reste pas moins que le traité a prévu d’étendre la procédure de codécision à de nouveaux domaines : la politique industrielle (article 157), la coopération judiciaire civile (article 65), les mesures relatives à l’asile et aux réfugiés (article 63), sous réserve que le Conseil aura arrêté préalablement, et à l’unanimité, une législation communautaire.

Dans une déclaration relative à l’article 67 du TCE, les Etats membres se sont engagés à appliquer, à partir du 1er mai 2004, la codécision à la libre circulation des ressortissants des pays tiers et à l’immigration clandestine.

C. Des perspectives nouvelles pour la construction européenne

1) Le lancement d'un débat sur l’avenir de l’Europe et la convocation en 2004 d’une nouvelle CIG

A la demande de l’Allemagne, une « Déclaration sur l’avenir de l’Union », que l’on trouvera ci-après, a été annexée au traité. Ce texte, très dense et stimulant, prévoit un processus en plusieurs étapes, conduisant à la convocation en 2004 d’une nouvelle conférence intergouvernementale :

DECLARATION SUR L’AVENIR DE L’UNION A INSCRIRE

A L’ACTE FINAL DE LA CONFERENCE

(Traité de Nice)

1. Des réformes importantes ont été décidées à Nice. La Conférence se félicite que la Conférence des représentants des gouvernements des Etats membres ait été menée à bien et engage les Etats membres à faire en sorte que le traité de Nice soit ratifié sans tarder.

2. Elle convient que la conclusion de la Conférence des représentants des gouvernements des Etats membres ouvre la voie à l’élargissement de l’Union européenne et souligne que, lorsque le traité de Nice sera ratifié, celle-ci aura achevé les changements institutionnels nécessaires à l’adhésion de nouveaux Etats membres.

3. Ayant ainsi ouvert la voie à l’élargissement, la Conférence souhaite qu’un débat à la fois plus large et plus approfondi s’engage sur l’avenir de l’Union européenne. En 2001, les présidences suédoise et belge, en coopération avec la Commission et avec la participation du Parlement européen, encourageront un large débat associant toutes les parties intéressées : les représentants des parlements nationaux et de l’ensemble de l’opinion publique, à savoir milieux politiques, économiques et universitaires, représentants de la société civile, etc. Les Etats candidats seront associés à ce processus selon les modalités à définir.

4. A la suite d’un rapport qui sera établi pour le Conseil européen de Göteborg de juin 2001, le Conseil européen, lors de sa réunion de Laeken / Bruxelles en décembre 2001, adoptera une déclaration contenant des initiatives appropriées pour poursuivre ce processus.

5. Ce processus devrait porter, entre autres, sur les questions suivantes :

– comment établir, et maintenir ensuite, une délimitation plus précise des compétences entre l’Union européenne et les Etats membres, qui soit conforme au principe de subsidiarité ;

– le statut de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne proclamée à Nice, conformément aux conclusions du Conseil européen de Cologne ;

– simplifier les traités afin qu’ils soient plus clairs et mieux compris, sans en changer le sens ;

– le rôle des parlements nationaux dans l’architecture européenne.

6. En retenant ces thèmes de réflexion, la Conférence reconnaît la nécessité d’améliorer et d’assurer en permanence la légitimité démocratique et la transparence de l’Union et de ses institutions, afin de les rapprocher des citoyens des Etats membres.

7. La Conférence convient qu’une fois ce travail préparatoire accompli, une nouvelle Conférence des représentants des gouvernements des Etats membres sera convoquée en 2004 pour traiter des points ci-dessus en vue d’apporter aux traités les changements correspondants.

8. La Conférence des représentants des gouvernements des Etats membres ne constituera en aucun cas un obstacle au processus d’élargissement, ni une condition préalable de celui-ci. En outre, les Etats candidats qui auront achevé les négociations d’adhésion avec l’Union seront invités à participer à la Conférence. Ceux qui ne les auront pas achevées seront invités à y participer en qualité d’observateurs.

– un large débat associant les parlements nationaux, les opinions publiques et les Etats candidats s’engagera pendant l’année 2001 sur l’avenir de l’Union européenne. Il reviendra alors au Conseil européen de Laeken sous présidence belge (décembre 2001) d’adopter alors « une déclaration contenant des initiatives appropriées pour poursuivre ce processus » ;

– à la suite d’un travail préparatoire, une nouvelle conférence intergouvernementale sera convoquée en 2004 pour traiter quatre thèmes en vue d’une nouvelle révision des traités : une délimitation plus précise des compétences entre l’Union européenne et les Etats membres « qui soit conforme au principe de subsidiarité », le statut de la Charte des droits fondamentaux, la simplification des traités et le rôle des parlements nationaux dans l'architecture européenne.

Le chantier ouvert est considérable, même si, à la demande du Royaume-Uni, le Conseil européen de Nice s’est efforcé de bien délimiter l’ordre du jour de cette prochaine CIG. On notera ainsi que si la simplification des traités figure parmi les thèmes de réflexion, l’idée d'une Constitution européenne n’est pas évoquée.

L’existence même de cette déclaration justifie la démarche française au lendemain du discours du ministre allemand Joschka Fischer. Le souci de notre pays était de distinguer deux horizons de temps : celui de la CIG 2000 dont l’objectif était d’obtenir un accord sur les changements institutionnels nécessaires à l’élargissement, et celui de l’après Nice qui pouvait être consacré à une réflexion en profondeur sur une remise à plat de l’architecture institutionnelle de l’Union.

Le débat qui va s’ouvrir est sans précédent depuis 1958 : il devrait déboucher sur des décisions de grande ampleur qui relancent le processus d'union politique et favorisent l'émergence d'une Europe plus transparente et proche des citoyens. Il va sans dire que le Parlement français doit y prendre une part active. Un des thèmes retenus pour l’ordre du jour de la prochaine CIG – le rôle des parlements nationaux dans l’architecture européenne – appelle de notre part un travail de réflexion en amont, afin que nous puissions faire aux gouvernements le moment venu des propositions susceptibles d’être reprises dans le corps des traités.

La Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) peut être l'enceinte appropriée pour conduire ce processus de réflexion collective. Cette enceinte, qui a le mérite de rassembler les parlements nationaux des Etats membres et des Etats candidats, ainsi que le Parlement européen, doit montrer sa capacité à exprimer la voix des parlements nationaux dans ce débat sur l’avenir de l’Union.

Mais cette réflexion doit également se développer au sein de chaque parlement national, tant il est vrai que les mécanismes de contrôle de la politique européenne du Gouvernement peuvent être perfectionnés et mieux s'articuler avec l'activité des autres institutions de l'Union.

Reste une question de méthode importante. La Convention sur la Charte des droits fondamentaux a montré l’intérêt de méthodes plus ouvertes d’élaboration des réformes institutionnelles. Il apparaît toutefois difficile d’éviter que, dans une union d’Etats, le résultat de la négociation soit ratifié par les Etats et leurs parlements nationaux à l’unanimité et que les solutions de compromis soient définies par les Etats.

2) La levée de l’obstacle institutionnel à l’élargissement

La publication récente dans un journal du soir du détail des échanges entre chefs d’Etat et de gouvernement à Nice a montré combien l’impératif de l’élargissement a pesé dans les discussions : c’était bien la nécessité de trouver un accord pour ne pas bloquer le processus d’adhésion de nouveaux Etats membres qui a incité chacun à ne pas camper sur des positions inconciliables et à accepter les compromis nécessaires.

Ø De ce point de vue, l’engagement pris par le Conseil européen d’Helsinki est tenu : Nice a dégagé la voix de l’élargissement de tout obstacle institutionnel et, après ratification du traité, l'Union européenne sera prête à accueillir à partir de 2003 les pays candidats qui seront prêts. Le futur débat sur l’avenir de l'Europe et la nouvelle conférence intergouvernementale convoquée pour 2004 ne constitueront en aucun cas une condition préalable de l’élargissement et les Etats candidats y seront associés.

Le soupçon qui a injustement pesé sur la France depuis trois ans de vouloir freiner l’élargissement en demandant le règlement préalable de la réforme institutionnelle est définitivement levé. La difficulté de la négociation à quinze a montré la justesse de la position de la Belgique, de l’Italie et de la France, à laquelle se sont progressivement ralliés les douze autres Etats membres. Cette deuxième tentative après l’échec d’Amsterdam était la dernière chance de réformer les institutions sans crise majeure de l'Union européenne et la présidence française a tout fait pour aboutir et éviter un blocage de l’élargissement.

Ø Cette réforme institutionnelle a permis également de réserver une place à chaque pays candidat dans toutes les instances de décision de l'Union européenne et a permis de visualiser pour la première fois leur entrée dans l'Union européenne. Cette décision constitue un saut qualitatif essentiel pour apaiser les inquiétudes, sinon les impatiences des opinions publiques des Etats candidats, et permet à leurs gouvernements de leur montrer que la préparation de l’adhésion n’est pas un mirage mais une réalité que l'Union européenne traduit dans ses institutions.

Ø La négociation a toutefois montré la fragilité et la complexité de la construction européenne et fournit une justification supplémentaire aux exigences de rigueur de l'Union européenne à l’égard des pays candidats dans les négociations d’adhésion. Une simplification des traités en 2004 sera la bienvenue, mais la complexité n’a cessé de s’accroître au fil des traités, même les plus ambitieux et visionnaires, parce qu’elle est le prix à payer pour réaliser l’objectif central de la construction européenne : l’intégration dans un ensemble homogène de sociétés et d’économies de plus en plus hétérogènes à mesure que l’Union s’élargit. L’Union européenne doit réaliser un compromis permanent entre des Etats et des peuples pour rendre complémentaire et non antagoniste la combinaison entre les intérêts nationaux et l’intérêt général européen, la méthode intergouvernementale et la méthode communautaire et les approches plus ou moins favorables à l’intégration.

Ø L’hétérogénéité croissante résultant des élargissements passés n’a pas empêché l'Union européenne d’adopter toutes ses grandes réformes institutionnelles à l’unanimité, même si ce fut sans doute une erreur d’avoir trop longtemps différé l’adaptation de son mode de décision.

Mais les prochains élargissements à douze candidats à accomplir en une décennie vont accroître beaucoup plus fortement l’hétérogénéité de l’Union que les précédents élargissements à neuf pays réalisés en près de trente ans et il faudra veiller à ce qu’elle n’ait pas un effet centrifuge sur la construction européenne.

Même si l’adhésion des pays candidats renforcera une Union qui comptera un demi-milliard de citoyens et aura un marché deux fois plus grand que celui des Etats-Unis, les écarts économiques vont s’accroître au sein de l’Union élargie : le territoire de l’Union augmentera de 35 %, sa population de 30 % et son produit intérieur brut seulement de 7 %. L’écart entre la région la plus riche et la plus pauvre doublera dans l’Union à 27 par rapport à l’Union actuelle.

L’ampleur des différences d’opinion sur les conditions politiques et institutionnelles d’une Union élargie est en revanche beaucoup plus difficilement mesurable, parce qu’on ne sait pas réellement ce que pensent les pays candidats d’un renforcement de l’intégration. Les pays d’Europe centrale et orientale sortent d’une longue et douloureuse expérience de souveraineté limitée et ils en garderont peut-être le souhait de ne pas trop partager leur souveraineté recouvrée, même si c’est dans un tout autre contexte de choix librement consenti.

Ø Le processus de négociation s’est concentré jusqu’à présent sur une discussion technique indispensable autour de la reprise de l’acquis communautaire, mais il convient désormais d’aborder avec les pays candidats un dialogue politique de fond, afin d’élaborer une vision partagée de la future Union européenne élargie et de consolider le compromis européen sur l’unité du continent dans sa diversité. Mais il va de soi que ce nouveau dialogue ne peut être conçu comme un moyen d’obtenir une faveur politique pour accélérer l’adhésion et contourner les exigences en matière de respect de l’acquis communautaire.

Ø La création d’un seuil démographique pour les décisions à la majorité qualifiée conférera une importance politique nouvelle à des évolutions démographiques européennes marquées par une stabilisation ou une décroissance générales, à l’exception de la Turquie. Ce pays devrait passer de 64 millions d’habitants en 2000 à 84 millions en 2020 et à 100 millions en 2050, quand la France se stabiliserait autour de 60 millions d’habitants et l’Allemagne évoluerait de 82 millions d’habitants à 80 puis 73. Les négociations d’adhésion avec ce pays ne pourront négliger cet aspect important pour l’équilibre politique européen.

Ø Enfin, la pratique des nouvelles règles institutionnelles devra s’inspirer de l’esprit du « comment décider » et non du « comment bloquer » si l’Union veut franchir avec succès des étapes aussi importantes que les négociations d’adhésion, le réexamen à mi-parcours de la politique agricole commune au premier semestre 2002, sous présidence espagnole, et le débat sur les nouvelles perspectives financières 2007-2013 au premier semestre 2006.

Au total, ceux qui désespéraient de voir l’apocalypse à la fin du deuxième millénaire l’ont enfin rencontrée à Nice. Les autres qui craignaient que les Quinze ne trouvent pas la solution de la quadrature du cercle d’Amsterdam ont poussé un immense soupir de soulagement après l’aboutissement du Conseil européen de Nice. Le résultat obtenu est certes imparfait mais il a évité une crise majeure et permet à l'Union européenne de poursuivre la réalisation d’une priorité politique essentielle, la réunification du continent européen. La France peut s’honorer d’avoir obtenu que, sous sa présidence, l'Union européenne ait tenu parole à l’égard des pays candidats, en levant l’obstacle institutionnel à l’élargissement et en définissant une méthode pour intensifier le processus de négociation.

CONCLUSION

CONCLUSION

Ce rapport ne prétend être ni exhaustif ni même objectif. Si, comme pour tout document parlementaire, il présente les éléments de fait nécessaires à la compréhension des matières, le point de vue exposé comporte forcément une part d’appréciation personnelle.

J’ai souhaité réagir aux commentaires sur le bilan de la présidence française qui me semblaient excessifs dans leur contenu critique. Sans jamais vouloir induire le lecteur en erreur, ce rapport présente un tableau positif d’une présidence qui me semble avoir apporté toute sa contribution à l’approfondissement de la construction européenne. J’espère qu’il sera lu dans cet esprit.

Il n’en reste pas moins que le décalage entre ce bilan et sa perception demeure en soi un problème politique de première importance. Enfin, il est essentiel que notre Parlement national joue pleinement son rôle dans les débats qui vont s’ouvrir sur le processus politique d’élargissement et l’ambition future de l'Union européenne.

TRAVAUX DE LA DELEGATION

1) Audition commune avec la Commission des affaires étrangères de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, et de M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes, sur les résultats du Conseil européen de Nice (mercredi 13 décembre 2000)

Saluant la présence de M. Giacomo Migone, Président de la Commission des affaires étrangères du Sénat italien, le Président François Loncle a tenu tout d’abord à féliciter la délégation française pour son engagement et sa compétence manifestée tout au long du Conseil européen de Nice. Si le traité a pour principal mérite de permettre la poursuite de ce processus historique que constitue l’élargissement, il reste à savoir dans quelles conditions. Lors de l’examen du projet de loi autorisant la ratification du traité d’Amsterdam, le Parlement français s’était prononcé en faveur d’une réforme institutionnelle préalable à l’élargissement : il est difficile de dire que ce travail soit achevé. La construction européenne est le fruit d’un long processus auquel tous les gouvernements de la Vème République ont participé et dont nous devons assurer la poursuite. Il est faux de qualifier d’utopistes ou de rêveurs doux ceux qui veulent continuer cette marche en avant, sans s’en tenir au plus petit dénominateur commun.

Le ministre des affaires étrangères a rappelé qu’à l’issue du Conseil européen d’Amsterdam, seuls trois pays – la France, la Belgique et l’Italie – s’étaient prononcés en faveur d’une réforme institutionnelle préalable à l’élargissement, les douze autres estimant qu’il était possible d’élargir sans modifier le fonctionnement et la composition des institutions. Il a fallu convaincre ces Etats de la nécessité de réunir une Conférence intergouvernementale. Cet exercice est vite apparu comme un exercice difficile de lourde responsabilité pour la présidence française. Un travail considérable a été accompli avant le Conseil européen de Nice au cours de 330 à 350 heures de négociation, pour identifier les problèmes, cerner les solutions possibles, mais ce sont les chefs d’Etat et de gouvernement qui ont eu à définir le contenu définitif de la réforme institutionnelle.

Il est faux de dire que l’accord obtenu traduit la force des « égoïsmes » nationaux. Si la France avait des objections contre le passage de l’article 133, paragraphe 5 (extension de la politique commerciale commune aux services et à la propriété intellectuelle) à la majorité qualifiée, c’est pour défendre des intérêts fondamentaux liés à la préservation de l’identité culturelle européenne. Les autres pays – la Grande-Bretagne pour la fiscalité, l’Allemagne pour l’asile, les visas et l’immigration – avaient chacun leur propre « ligne rouge ». Dans ce contexte, la présidence devait, tout en cherchant à préserver le poids de la France dans une Union élargie, élaborer les compromis possibles entre positions divergentes.

Comme c’est le cas lorsqu’une négociation a été difficile, la présidence a fait figure de bouc émissaire focalisant des critiques infondées qui font resurgir de vieux stéréotypes sur le comportement des peuples (les Français « arrogants »). Ceci ne correspond pas à la réalité : la France a accompli son travail de présidence de l’Union avec dévouement et disponibilité. On en voudra pour preuve qu’aucune autre présidence n’a passé autant de temps pour des débats au Parlement européen.

S’agissant de la Commission, l’idée, qui a toujours été défendue par la France, d’un plafonnement immédiat du nombre de ses membres n’a pas abouti parce que beaucoup de délégations considèrent la présence dans le collège des commissaires d’un de leurs nationaux comme l’expression d’un lien identitaire spécifique. Le principe a toutefois été introduit dans le traité d’un plafonnement et d’une rotation égalitaire des commissaires, à un terme éloigné qui ménage ainsi la possibilité d’une évolution des esprits sur la question.

Des avancées ont été réalisées sur la question du vote à la majorité qualifiée puisque la proportion des décisions relevant de cette procédure passera de 80 à 90 % dans le premier pilier. Des solutions ont ainsi été trouvées pour que le champ de la majorité qualifiée progresse en matière de politique commerciale extérieure : la France a accepté d’évoluer sur ce sujet, ce que les autres pays se sont refusés à faire pour d’autres matières. Il reste que l’unanimité n’est pas pour autant forcément synonyme d’impuissance à décider, comme le montrent les progrès réalisés en matière de fiscalité de l’épargne et d’Europe de la défense.

Le compromis obtenu sur la repondération permet une échelle de répartition des voix – de 3 à 29 contre de 2 à 10 actuellement – plus favorable aux grands pays. Il est faux de dire que la procédure de décision prévue serait inextricable sous prétexte que l’on aurait instauré trois votes distincts : les délégations continueront à ne voter qu’une fois, mais ont été ajoutées deux clauses dont la portée est réduite. En effet, un vote à la majorité qualifiée correspond toujours à une majorité simple d’Etats représentant au minimum 59 % de la population de l’Union : le recours au filet de sécurité démographique – fixé à 62 % de la population – sera donc exceptionnel.

Il ne faut pas oublier que cette négociation institutionnelle aurait fort bien pu échouer. Son résultat doit s’apprécier non par rapport à l’idée d’un saut dans le fédéralisme, mais en fonction de l’échec de la précédente négociation à Amsterdam. On notera d’ailleurs que les critiques émanent essentiellement soit d’institutions qui auraient souhaité élargir le champ de leurs pouvoirs, soit de représentants catégoriels dont le point de vue s’attache à tel ou tel domaine.

Le ministre a souligné que ce traité était en réalité ambitieux et important. La méthode de négociation est parfois critiquée mais il faut bien voir qu’un traité de cette nature ne peut être conclu sans l’accord unanime des gouvernements démocratiques et ne peut entrer en vigueur sans la ratification par chaque pays selon ses procédures propres. La constitution d’une convention sur le modèle de celle chargée d’élaborer le projet de charte pourrait être envisagée lors d’une prochaine réforme des traités, mais seulement pour permettre un débat démocratique préalable sur les enjeux et objectifs.

A la demande en particulier de l’Allemagne, qui répondait ainsi aux revendications des länder, une déclaration sur l’avenir de l’Union a été annexée au traité qui prévoit la convocation en 2004 d’une Conférence intergouvernementale pour examiner les questions de la délimitation des compétences conformément au principe de subsidiarité, du statut de la Charte des droits fondamentaux, de la simplification des traités et du rôle des parlements nationaux dans l’architecture européenne. La date de convocation de cette CIG est assez lointaine pour ne pas laisser l’impression que le traité de Nice serait un mauvais texte devant être aussitôt révisé et complété. La Grande-Bretagne a plaidé avec succès pour un ordre du jour bien délimité.

Le ministre a conclu en soulignant que si les Quinze ne se sont pas mis d’accord à Amsterdam, ils y ont réussi à Nice. La priorité est désormais de ratifier le traité conclu à Nice. Il a insisté sur le fait que la présidence française avait été unie de bout en bout, s’exprimant d’une seule voix pour une seule politique. Le bilan de la présidence française doit être salué car des solutions ont pu être trouvées à une dizaine de dossiers majeurs qui lui avaient été transmis faute d’issue favorable parfois depuis plusieurs années. Si un autre pays avait présidé l’Union à la place de la France, on aurait dit que les résultats étaient spectaculaires.

Le ministre délégué chargé des affaires européennes est ensuite intervenu pour souligner le caractère exceptionnel de la présidence qui s’achève, caractérisée par un ordre du jour très chargé, un niveau d’ambition élevé et des attentes très fortes.

Il a souligné que l’accord institutionnel n’était nullement un « accord au rabais » et que la présidence française avait permis de faire aboutir des dossiers importants. C’est ainsi que la Charte européenne des droits fondamentaux a été proclamée : il s’agit d’un texte lisible et fort qui constitue un excellent référentiel de valeurs. Si on peut regretter que la charte n’ait pas reçu à Nice de portée juridique, la déclaration annexée au traité prévoit que cette question sera réexaminée ultérieurement. La France est en tout état de cause favorable à ce que la Charte prenne sa place dans les traités. Il faut également se féliciter de l’adoption du statut de la société européenne – qui était « en souffrance » depuis 30 ans – et de l’Agenda social européen – qui constitue un programme de travail sur les cinq ans à venir dans des domaines comme la qualité de l’emploi, la lutte contre la pauvreté, et la modernisation des systèmes de protection sociale. Une déclaration a également été adoptée sur les services publics qui réaffirme l’importance de leur rôle et de leurs missions de même qu’un plan en 42 mesures visant à éliminer les obstacles à la mobilité des étudiants et des enseignants.

En ce qui concerne l’Europe du quotidien, la France a obtenu plusieurs résultats significatifs : adoption de mesures pour lutter contre le blanchiment de l’argent et la criminalité financière et pour renforcer la sécurité maritime, impulsion donnée à la création d’une Autorité alimentaire indépendante, interdiction des farines carnées en Europe, déclaration sur la spécificité et les fonctions éducatives et sociales du sport, augmentation de l’enveloppe budgétaire du programme Media-Plus.

S’agissant de la CIG, le ministre délégué a indiqué que ce traité avait pour premier mérite d’exister : l’impossibilité de conclure à Nice aurait constitué en effet un échec considérable pour les Quinze. L’accord obtenu permet à l’Union de s’élargir mais aussi d’améliorer le fonctionnement de ses institutions. La présidence a à la fois rempli ses objectifs – une Commission resserrée, une extension du champ de la majorité qualifiée et une pondération des voix plus équilibrée – et sauvegardé ses intérêts – en évitant un système de double majorité qui aurait modifié l’équilibre entre pays et en préservant la règle de l’unanimité pour l’extension de la politique commerciale commune aux services culturels.

M. Pierre Moscovici a conclu en soulignant que la présidence française pouvait avoir le sentiment d’avoir accompli sa mission quelles que soient les critiques stéréotypées empreintes d’idées reçues dont notre pays fait l’objet.

Le rapporteur a observé que le traitement médiatique et même politique du Conseil européen de Nice avait été surprenant. Il a estimé, pour sa part, que le résultat obtenu par la présidence française, qui a parlé d’une seule voix, était inespéré. Mais l’attention de l’opinion était trop focalisée sur la CIG, alors même que l’Europe des citoyens avait enregistré des progrès importants. Cette fixation sur la CIG résulte d’une erreur de communication, commise par tous les responsables politiques. La proclamation de la Charte des droits fondamentaux constitue une avancée majeure, qui aidera les Européens à gérer une situation comme celle de la crise autrichienne. S’agissant de l’Europe sociale, l’attente était très forte. Le rapporteur, tout en regrettant certains débordements du lendemain, a salué la manifestation organisée par la Confédération européenne des syndicats. Un article rédigé récemment par le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, exprimait d’ailleurs cette exigence d’Europe sociale, ce qui est intéressant à noter.

S’agissant des résultats de la CIG, ils contribueront à faciliter l’élargissement dans de bonnes conditions. Ils ont également confirmé le fait que la vocation de l’Europe n’était pas d’être une zone de libre-échange. Le rapporteur a ensuite fait part de sa surprise quant à la teneur de certains commentaires sur le poids des intérêts nationaux dans les négociations de la CIG. Il faut toujours garder à l’esprit qu’une négociation au niveau européen ne peut ignorer les réalités historiques propres à chaque pays. Sur le maintien de l’unanimité, on ne peut réclamer une démocratisation des institutions européennes et une plus grande place réservée au contrôle et aux initiatives des parlements nationaux, tout en demandant le passage à la majorité qualifiée sur le commerce des services, qui supprimerait par exemple pour les parlements nationaux la possibilité, difficilement acquise récemment, de peser plus sur les négociations commerciales internationales. Il ne faut pas confondre les registres : le débat sur l’élaboration d’une Constitution européenne est utile, mais il n’avait pas à être réglé par la présidence française. La construction européenne s’est toujours faite pas à pas, et il faut éviter toute démagogie ou confusion des genres.

M. Hervé de Charette, tout en se déclarant prêt à faire, le cas échéant, l’éloge du traité de Nice qui est pourtant l’objet de critiques partout ailleurs, s’est refusé à faire preuve d’autosatisfaction et a estimé que nombre de questions restaient posées. Il a ainsi tout d’abord souhaité savoir quand serait disponible le texte définitif du traité et selon quel calendrier et quelle procédure il serait ratifié. Sur le volet institutionnel de l’accord, il a demandé à M. Pierre Moscovici quelles raisons fondaient la satisfaction qu’il exprimait. S’agissant de la Commission, on peut en effet s’interroger sur le progrès que représente une Commission prétendument « resserrée » passant de 20 à un maximum de 27 membres et on doit constater le phénomène inquiétant que constitue la nationalisation des commissaires. De même, en ce qui concerne le Conseil des ministres, en quoi la triple majorité décidée à Nice est-elle une moins mauvaise solution que la double majorité considérée comme la pire des choses par le ministre délégué ? En quoi constitue-t-elle un progrès par rapport au statu quo ? M. Hervé de Charette a par ailleurs souhaité connaître les perspectives de discussion d’une Constitution européenne. Il a enfin demandé à M. Moscovici s’il partageait le sentiment selon lequel l’avancée de la construction européenne supposerait qu’un petit groupe de pays reprennent le flambeau de l’idée européenne, quelque peu mise à mal ces derniers temps.

Mme Yvette Roudy s’est déclarée surprise de l’avalanche de critiques dont a fait l’objet le Conseil européen de Nice, alors même que ses résultats n’étaient pas connus. Ceci s’explique, selon elle, par un déficit de communication mais aussi par les pressions exercées par ceux, au premier rang desquels les Américains, qui n’ont pas intérêt à ce que l’Europe progresse. Elle a estimé qu’il fallait donc faire un effort particulier d’explication, notamment sur les points suivants : la Charte des droits fondamentaux, qui a abouti dans des délais étonnamment brefs et qui pourrait constituer l’embryon d’une Constitution européenne ; l’Europe sociale ; enfin, la sécurité militaire et la mise en place d’une force européenne de 60 000 hommes. Elle a souhaité disposer d’indications sur l’état d’esprit des responsables du Royaume-Uni sur ces trois dossiers.

Mme Nicole Catala a interrogé M. Moscovici sur cinq points. Dans quelle mesure la Charte des droits fondamentaux s’impose-t-elle aujourd'hui aux Etats, aux citoyens et aux juges, et rend-elle caduque la Charte des droits sociaux adoptée en 1989 et annexée au traité de Maastricht ? Combien de clauses dérogatoires ont-elles été consenties, sur quels points et à quels Etats ? Quelle a été la définition donnée au concept de sécurité sociale, cette matière ayant été écartée des sujets pouvant être traités à la majorité qualifiée ? Que désigne exactement la notion d’« exception culturelle » ? Enfin, pour quelles raisons l’Allemagne s’est-elle opposée à ce que les questions relatives à l’immigration puissent être traitées à la majorité qualifiée ?

M. François Léotard, rappelant la déception, les regrets et les interrogations suscités par le Conseil européen de Nice, a toutefois estimé que des avancées intéressantes avaient été enregistrées sur les dossiers autres que les institutions. S’agissant de ces dernières, il a considéré que des résultats meilleurs auraient pu être obtenus si les rapports franco-allemands n’avaient pas connu dernièrement une dégradation sensible, voire si la présidence avait été assurée par un autre pays. Selon lui, l’adoption de la règle de la double majorité aurait constitué un progrès, dans la mesure où elle aurait permis de contrecarrer les égoïsmes nationaux. Notant qu’il existe une vision allemande de la construction européenne, M. Léotard a interrogé M. Moscovici sur celle des responsables français. Enfin, il a souhaité obtenir des indications sur les modalités de ratification du traité de Nice.

M. Pierre Brana a interrogé le ministre délégué sur les modalités de la mise en œuvre du plafonnement du nombre de commissaires européens, se demandant en particulier si un autre traité serait nécessaire pour permettre l’application du principe arrêté à Nice. Se félicitant ensuite que le nombre de sujets soumis à la règle de la majorité qualifiée soit en augmentation, il a néanmoins déploré que les plus délicats et les plus importants restent soumis à celle de l’unanimité. Estimant par ailleurs très positive la méthode suivie pour l’élaboration de la Charte européenne des droits de l’homme, il s’est demandé s’il ne serait pas souhaitable de s’en inspirer dans d’autres domaines. Enfin, il a souhaité des informations sur les avancées éventuellement réalisées sur l’espace judiciaire européen.

M. Georges Hage a qualifié le sommet de grand événement diplomatique démontrant que, contrairement à ce que pensait Engels, ce n’est pas seulement la force qui est accoucheuse de l’Histoire. Faisant état des inquiétudes qui s’expriment au sujet de l’Europe sociale, il a estimé qu’elles témoignent de l’espérance humaniste de la pensée syndicale mais qu’elles traduisent aussi la crainte que l’Europe se construit sur la base de conceptions capitalistiques et se dote d’institutions en conséquence.

M. Jean-Marie Bockel s’est demandé s’il existait encore un leadership franco-allemand. Rappelant le rôle moteur joué jusqu’à présent par la France et l’Allemagne dans la construction européenne, il s’est inquiété des effets d’un relâchement du lien entre ces deux pays. Il a demandé à M. Moscovici son sentiment sur la possibilité de donner un sens renouvelé à la relation franco-allemande dans l'Union européenne.

En réponse aux questions posées, le ministre délégué chargé des affaires européennes a apporté les précisions suivantes :

– le sentiment d’avoir accompli sa mission est une réaction humaine naturelle qui n’empêche pas toutefois d’être lucide. Si le traité de Nice n’est pas celui qui était souhaité au départ, il est dans tous les cas le meilleur possible dans l’état actuel de l'Union européenne. Etant prête à voir le vote à la majorité qualifiée appliqué à tous les domaines, même si elle avait des intérêts à faire valoir en matière commerciale, la France est le seul Etat de l'Union européenne à n’avoir jamais invoqué une ligne rouge qu’il convenait de ne pas franchir ;

– la taille de la Commission sera resserrée. Si le choix d’un commissaire par Etat est retenu jusqu’à 27 Etats membres, c’est un plafonnement du nombre de commissaires avec une rotation égalitaire, qui sera appliqué au-dessus de ce seuil. Ce résultat doit être apprécié au regard de l’échec de la réunion de Noordwijk en mai 1997, où l'Union européenne n’avait pu se mettre d’accord sur une Commission de 12 membres. Par conséquent, le Conseil européen de Nice aura eu le mérite d’empêcher une inflation du nombre de commissaires ;

– on ne saurait soutenir que le mécanisme de repondération des voix exige une triple majorité. Le filet démographique doit être simplement perçu comme une voie de recours, qui s’avérera être en réalité une simple vérification, puisqu’elle n’est pas appelée à jouer dans 99 % des cas. Si ce choix n’avait pas été opéré, les décisions des grands Etats auraient pu être bloquées par les petits Etats. La grille de pondération correspondra aux critères de la majorité des Etats et au filet démographique ;

– le texte définitif du traité de Nice devrait être prêt dans quelques jours. Le calendrier et la procédure de ratification ne sont pas encore définis. M. Charles Pasqua a indiqué qu’il souhaitait que cette ratification soit autorisée par voie référendaire, lors de la présentation des conclusions du Conseil européen de Nice par le Chef de l’Etat devant le Parlement européen. La signature de ce traité en février 2001, dans la perspective d’une ratification avant l’été, est souhaitable pour ne pas renouveler l’expérience de la ratification tardive du traité d’Amsterdam ;

– la question de l’Europe à deux vitesses est posée. En tous les cas, il est souhaitable que le débat européen soit au cœur des prochaines campagnes électorales de 2002, la politique intérieure ne pouvant être dissociée de la politique européenne. Il est incontestable que la relation franco-allemande a toute sa place dans ce débat ;

– si d’aucuns soutiennent que d’autres Etats auraient fait mieux que la France, on peut observer que les négociations ont échoué sur ces sujets sous présidences hollandaise et portugaise, alors même que les premiers ministres de ces deux pays assumant la présidence de l'Union européenne étaient des personnalités remarquables ;

– le couple franco-allemand a connu certainement des jours meilleurs. Si des divergences pouvaient déjà être relevées à Amsterdam, les responsabilités de cette situation sont partagées, ces tensions pouvant s’expliquer par la difficulté à nouer des relations de travail entre les deux partenaires. Le Conseil européen de Nice a été l’occasion de débattre en toute franchise. Si le ministre allemand des affaires étrangères a sa propre vision de la construction européenne, il ne faut pas oublier qu’il appartient à un parti minoritaire de la coalition gouvernementale et que le Chancelier ne partage pas forcément les mêmes vues. Il n’existe pas toutefois d’alternative au couple franco-allemand, qui constitue un moteur indispensable pour l’Europe. Il serait donc souhaitable d’organiser un débat entre la France et l’Allemagne où chacun pourrait s’exprimer très franchement ;

– la proclamation de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne rend pas caduque la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs. Il convient de mettre à l’actif du traité de Nice l’absence de clauses dérogatoires. Les questions de sécurité sociale n’ont pas été intégrées dans les thèmes relevant du vote à la majorité qualifiée, en raison de l’opposition du Royaume-Uni. L’opposition de l’Allemagne au passage des questions d’asile et d’immigration à la majorité qualifiée s’explique par la structure fédérale de cet Etat. Le résultat auquel est parvenu le Conseil européen de Nice n’est pas contradictoire avec les dispositions du titre IV du traité instituant la Communauté européenne, le Conseil ne s’étant prononcé que sur le passage à la majorité qualifiée, avant les échéances fixées par le traité d’Amsterdam ;

– il n’est pas sûr que la méthode suivie pour élaborer la Charte des droits fondamentaux soit transposable à d’autres sujets. En tout état de cause, s’agissant d’une réforme institutionnelle, il ne semble pas possible de faire l’économie d’une procédure de décision intergouvernementale ;

– l’Europe est incontestablement un dépassement de l’histoire mais elle ne fait pas disparaître pour autant les rapports de force. S’il y a eu de bonnes manifestations à Nice comme celles organisées par la Conférence européenne des syndicats en faveur d’une affirmation plus forte des droits sociaux dans la Charte, il en est d’autres qui n’étaient pas justifiées. Cependant, les responsables européens ont su éviter que Nice ne soit un nouveau « Seattle ».

2) Examen du rapport d’information (mercredi 31 janvier 2001)

Après l’exposé du rapporteur, M. Pierre Lequiller a globalement approuvé son rapport. Il a estimé qu’il était en effet utile pour l’avenir de chercher à faire un bilan objectif du traité de Nice ; et il a considéré que ce traité avait permis d’aboutir à au moins deux résultats très satisfaisants : d’abord, les perspectives concrètes et rapides d’adhésion offertes aux pays d’Europe centrale et orientale, qui devraient permettre de mieux garantir la paix sur le continent européen ; ensuite, l’amélioration du dispositif de coopérations renforcées, dont l’importance a été sous-estimée et qui est complémentaire de l’élargissement. Il a, à cet égard, marqué sa différence avec le rapporteur en estimant que l’élargissement ne comportait pas un risque de dilution, mais bien une certitude de dilution de l’Europe. Cela justifie d’autant plus, à ses yeux, de recourir à des coopérations renforcées dans un certain nombre de domaines, tels que la défense. Selon lui, la distinction faite par M. Valéry Giscard d’Estaing entre l’Europe espace – constituée d’un nombre déterminé d’Etats – et l’Europe puissance – caractérisée par l’action de tout ou partie de ces Etats dans certains secteurs – est plus vraie que jamais.

M. Pierre Lequiller a déclaré que ce n’est pas le contenu de l’accord qui était inquiétant mais bien l’atmosphère ayant entouré sa discussion. Il est, en effet, heureux d’avoir abouti à un accord, alors que le traité d’Amsterdam n’y était pas parvenu et que le traité de Maastricht contenait plusieurs dérogations. Et si cet accord n’est pas en tous points pleinement satisfaisant, c’est parce qu’il repose sur d’inévitables compromis ; en tout état de cause, il permettra à l’Union européenne de continuer à fonctionner. En revanche, l’échec enregistré sur l’extension du champ de la majorité qualifiée et la réduction du nombre de commissaires a notamment témoigné de la résurgence d’une défense égoïste des intérêts nationaux ; celle-ci a donné le sentiment que la construction communautaire n’était pas au cœur des préoccupations du Conseil.

Il a considéré qu’il fallait désormais s’atteler aux grands chantiers de l’avenir, à savoir : la question de la constitution européenne, très justement soulevée par le Président Chirac ; l’élection d’un président de l’Union – pour une durée de l’ordre de deux ans et demi – au lieu du système de présidence tournante, qui assure par exemple à la France la présidence seulement tous les 13 ans et demi et rend les réformes plus difficiles ; la définition des domaines de coopération renforcée ; enfin, la poursuite de l’élargissement.

Il a aussi estimé que l’Union devait davantage parler d’une seule voie au sein de la communauté internationale. Evoquant le revirement d’un certain nombre d’Etats européens à l’ONU
– influencés par les Etats-Unis – sur la motion palestinienne au sujet du conflit israélo-palestinien, il a souligné que, selon des sources diplomatiques, les 5 % de motions qui n’avaient pas donné lieu à un accord des Quinze au sein de l’ONU correspondaient à celles que les Etats-Unis désapprouvaient. Il s’est dit à cet égard choqué par les propos tenus récemment par le secrétaire d’Etat américain sur la politique de l’Union en matière de défense et a considéré que la conjonction de l’adoption du traité de Nice et de l’élection de Georges W. Busch ouvrait une ère nouvelle dans les relations transatlantiques et appelait de l’Union une politique étrangère et de sécurité commune plus forte et plus solidaire.

M. Pierre Lequiller a enfin jugé qu’il fallait mieux associer la population européenne à la construction communautaire. Il s’est dit favorable à un recours plus fréquent au référendum à cette fin, comme l’avait fait le Président Mitterrand pour la ratification du traité de Maastricht. Selon lui, le jugement souvent sévère exprimé à propos du traité de Nice est avant tout celui des journalistes et n’est pas partagé par une grande partie des citoyens européens. Il a estimé que le Parlement européen et les parlements nationaux devaient être également plus étroitement associés à cette construction et veiller au respect du principe de subsidiarité.

M. Gérard Fuchs a indiqué que la question était moins de savoir si les débats concernant le traité de Nice ont été satisfaisants que de définir comment utiliser les moyens institutionnels existants pour faire avancer l’Europe.

Sur la réforme de la Commission, il a considéré que l’échec de la réduction du nombre de commissaires était inévitable. En effet, toute réforme institutionnelle suppose à la fois un accord franco-allemand et l’approbation des petits pays. Or, pour des raisons tout à fait compréhensibles, ceux-ci souhaitent conserver le pouvoir de nommer un commissaire. Cela dit, la désignation du président de la Commission à la majorité qualifiée et le renforcement de ses pouvoirs – pour améliorer l’organisation interne de la Commission et répartir les responsabilités entre les commissaires – sont des résultats très positifs.

Concernant la réforme de la pondération des voix au Conseil, il a regretté qu’on ait élaboré un système incompréhensible pour l’opinion, alors que la solution retenue est finalement très proche de la double majorité – des Etats et de la population – cette dernière formule lui paraissant la meilleure – l’Europe devant être autant celle des Etats que des peuples. Il a estimé qu’il faudra un jour mettre un terme au dispositif adopté et passer au système clair de la double majorité.

M. Gérard Fuchs a ensuite observé que l’extension du champ de la majorité qualifiée était limitée. Il a souligné l’intérêt des coopérations renforcées qui constituent un réel mécanisme pour une avancée dynamique, à condition que les Etats aient la volonté de les utiliser. Il a estimé à cet égard que, si les coopérations renforcées méritaient d’être mises en œuvre, il convenait d’éviter un développement de politiques à géométrie variable et a souligné que la France avait devant elle deux tâches. D’une part, il est nécessaire de faire le tour des pays qui souhaitaient progresser plus vite que les autres vers l’intégration, le vrai problème de l’Europe n’étant pas sa représentation à l’extérieur mais celui de sa capacité de décision. D’autre part, il faut engager les réflexions sur le futur traité, les prochaines réformes devant apparaître comme l'amorce d'une constitution européenne. Dans ce cadre, il conviendra de répondre aux préoccupations relatives au débat démocratique et à l’alternance afin de fournir aux citoyens européens une possibilité de choix politiques.

M. Pierre Brana ayant demandé si l’état des ratifications par les Etats membres de la Convention du 26 juillet 1995 sur la protection des intérêts financiers des Communautés permettait d’espérer, dans un délai raisonnable, la définition d’un code minimum de sanctions, le rapporteur a indiqué que le processus de ratification n’était pas terminé et a souligné qu’au delà des difficultés de progresser dans le domaine de la justice, la présidence finlandaise, qui avait initié le dossier, avait ouvert une grande perspective pour l’Union.

M. Pierre Brana a alors fait part de deux déceptions, la première concernant la création de l’unité provisoire de coopération judiciaire Eurojust et le développement d’Europol, qui se heurtaient à une méfiance accentuée, la seconde relative à l’examen des mesures favorisant la lutte contre la fraude. Il a regretté que l’Europe n’ait pas ouvert la voie à la coopération des juges et à la création d’un parquet européen indépendant des gouvernements nationaux.

Après avoir constaté que ni les « souverainistes » ni les « fédéralistes » ne semblaient satisfaits du traité de Nice, M. Jean-Claude Lefort s’est demandé si le débat lancé en Allemagne par M. Joschka Fischer n’avait pas interféré sur les discussions intergouvernementales. Reconnaissant que le Conseil européen de Nice avait débouché sur de réelles avancées, notamment en ce qui concerne les décisions prises à la majorité qualifiée, il a cependant fait observer que le débat sur les institutions européennes n’avait pas grand sens en l’absence de perspectives : l’Europe essaie-t-elle de reproduire le modèle américain ou souhaite-t-elle développer un modèle social particulier ?

Il s’est interrogé sur la réelle portée de la proclamation de la Charte des droits fondamentaux, qui lui paraît en deçà de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et sur celle de l’agenda social européen, dénué de caractère contraignant. Alors que la progression de l’Europe libérale et le Pacte de stabilité s’appuient sur des éléments contraignants dans les traités, les questions sociales restent de l’ordre des intentions. De même, le dialogue de l’Europe avec les pays du Sud et de la Méditerranée paraît s’inspirer uniquement du principe de libre-échange.

M. Jean-Claude Lefort a considéré que de nombreuses questions restaient sans réponse, en particulier le degré d’autonomie de l'Union européenne par rapport à l’OTAN, le coût de l’élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale et les mesures dérogatoires accordées à Chypre, alors que ce pays constitue un lieu de blanchiment de l’argent et une zone de complaisance pour la construction navale.

M. Jean–Claude Lefort a estimé qu’il ne convenait pas d’aller trop vite dans le renforcement de l'intégration et il a mis en garde contre l’élaboration d’une constitution européenne.

Il a considéré que l’on ne pourrait continuer à faire l’économie d’une réflexion sur le coût de l’élargissement. Il a fait valoir que le Conseil européen de Nice avait incontestablement mis en lumière la persistance du poids des nations dans la construction européenne. Il a observé par ailleurs que la question du rôle des parlements nationaux n’avait été qu’effleurée et s’est interrogé sur la part occupée par l’investissement à l’article 133 du traité, relatif à la politique commerciale commune. Abordant le choix de la forme du projet de loi d’autorisation de ratification du traité, il s’est déclaré favorable à la procédure référendaire, considérant que les électeurs étaient assez mûrs pour se prononcer.

Après avoir souligné que si le processus vers le fédéralisme ne pouvait être réalisé que par étapes, M. Jean–Marie Bockel a estimé que tant les idées émises par le ministre allemand des affaires étrangères que le discours du Président de la République devant le Bundestag n’avaient pas été repris et suivis ultérieurement d’un débat, qu’il a appelé au demeurant de ses vœux. Evoquant la coopération franco–allemande et plaidant pour sa relance, il a déclaré ne pas être très optimiste sur les perspectives de son renforcement à court terme et a regretté son manque de dynamisme au niveau parlementaire.

M. Maurice Ligot s’est déclaré ne pas être étonné de la volonté des Etats membres de s’en tenir au principe d’un commissaire par pays. Si des accords peuvent être effectivement trouvés, lorsque sont en cause des problèmes ayant une réelle dimension européenne comme la sécurité alimentaire ou maritime, en revanche les antagonismes nationaux ne manquent pas de resurgir, lorsqu’il existe des enjeux de pouvoir. Il a observé que les réactions négatives de la presse sur le Conseil européen de Nice émanaient plus des journaux français que de leurs confrères étrangers mais que, si tout le monde s’estimait mécontent, cela démontrait en fait qu’il n’y avait ni gagnant ni perdant. Il a considéré que le risque de veto allemand grâce à une alliance ne devait pas être exagéré, la France pouvant être placée dans une situation analogue. Estimant positifs les résultats obtenus dans nombre de politiques sectorielles, il s’est inquiété de l’attitude de certaines forces politiques hostiles à l’autorisation de la ratification du traité. Doutant de la possibilité de recourir à la voie référendaire, compte tenu d’un calendrier électoral très chargé, il s’est prononcé pour la voie parlementaire avant de conclure son propos sur les perspectives ouvertes par la définition de la place d’une constitution européenne et par la subsidiarité.

Mme Béatrice Marre a remercié le rapporteur pour sa présentation exhaustive du bilan de la présidence française de l'Union européenne, qui avait donné lieu à des commentaires plutôt négatifs de la part de la presse. Elle s’est ensuite interrogée sur la présentation des différentes parties du rapport et notamment sur l’opportunité de faire figurer en tête du rapport le bilan de la CIG. A l’heure où les sondages sur l’euro semblent refléter une désaffection des citoyens pour l’Europe, il serait souhaitable que le rapport évoque en premier lieu les avancées de l’Europe des citoyens, qui se sont traduites par la proclamation de la Charte des droits fondamentaux et les progrès enregistrés dans le domaine de la croissance et de l’emploi. La partie institutionnelle indique bien que les reliquats d’Amsterdam ont été réglés, ce qui ouvre la voie à l’élargissement. Sur la partie concernant les négociations commerciales, il serait souhaitable d’insister sur la vigilance que le Parlement devra exercer dans ce domaine. Mme Béatrice Marre ayant participé au Forum social de Porto Alegre, elle a estimé que ces questions prenaient de plus en plus d’ampleur auprès des citoyens.

M. Camille Darsières a souhaité insister sur l’importance du volet social de l’Europe pour regretter ensuite le fait que la Charte sociale européenne ne soit pas applicable aux départements d’outre-mer. M. Camille Darsières s’est ensuite interrogé sur la place que l’Europe comptait réserver, dans les instances de négociations commerciales, aux valeurs défendues par l’Organisation internationale du travail.

M. Camille Darsières a ensuite estimé que la réduction du nombre de députés européens en France devait être mise à profit pour trouver un mode de scrutin qui rapproche le député européen de ses électeurs. L’abstentionnisme aux élections du Parlement européen est appelé à perdurer si le vote continue de se faire sur des listes nationales.

Le rapporteur a remercié les membres de la Délégation pour la qualité de leurs interventions et la richesse du débat. Il a indiqué que le rapport sera publié au plus tôt au nom de la Délégation.

ANNEXES

Annexe 1 :
Extensions du vote à la majorité qualifiée prévues par le traité de Nice

Dispositions des traités actuellement à l’unanimité
(Traité sur l'Union européenne (TUE) ou Traité instituant la Communauté européenne (TCE))

Passage à la Majorité qualifiée (MQ)

Observations

Accords dans les domaines de la PESC et du 3ème pilier

– art 24 du TUE :

• accords mettant en œuvre une action commune ou une position commune

• accords mettant en œuvre une décision (JAI)

Partiel

Il s’agit de permettre la conclusion d’accords avec des Etats tiers ou des organisations internationales lorsque ces accords mettent en œuvre une action commune ou une position commune (PESC) ainsi qu’une décision du Conseil (JAI non communautarisé)

Politique commerciale commune

– art 133, paragraphe 5 du TCE : possibilité d’extension de la politique commerciale commune aux services et à la propriété intellectuelle sur décision unanime du Conseil

Partiel

La politique commerciale commune est étendue aux services et à la propriété intellectuelle mais :

• l’unanimité prévaudra lorsque l’accord comprend des dispositions pour lesquelles l’unanimité est maintenue au plan interne ou des dispositions de nature horizontale ;

• sont exclus du champ de la politique commerciale commune et demeurent « de la compétence partagée » de la Communauté et des Etats membres les services culturels et audiovisuels, les services d’éducation, les services sociaux et de santé humaine

UEM

– art 100 du TCE : assistance financière à un Etat membre dans certaines conditions

– art 111, paragraphe 4 du TCE : représentation extérieure de la Communauté

– art 123, paragraphe 4 du TCE : mesures pour l’introduction de l’euro

Total

Total

Total

– Article qui permet à la Communauté d’aider financièrement un Etat membre rencontrant de graves difficultés ponctuelles (rupture d’approvisionnement, catastrophe naturelle, événements exceptionnels)

– Représentation internationale de la Communauté pour les questions relatives à l’UEM

– Mesures nécessaires à l’introduction rapide de l’euro

Actions extérieures de la Communauté

– Art 181 bis du TCE : actions de coopération économique, financière, et technique avec les pays tiers

Article nouveau

Cet article a été ajouté dans le TCE pour permettre à la Communauté de mener des actions de coopération avec les Etats membres à la MQ. Ces actions sont complémentaires de celles des Etats membres ; l’aide à la balance des paiements demeure à l’unanimité

Citoyenneté et lutte contre les discriminations

– Art 13 du TCE : lutte contre les discriminations

– Art 18 du TCE : citoyenneté de l’Union – droit des citoyens de l'Union européenne de circuler et de séjourner librement

Partiel

Limité

– Le passage à la MQ ne concerne que les mesures prises en appui de celles des Etats membres, à l’exception de toute harmonisation

– Cet article présente un caractère subsidiaire : la portée du passage à la MQ est limitée par l’ajout d’un 3ème paragraphe qui exclut de son champ les passeports, les cartes d’identité, etc

JAI communautarisé

– Art 67 du TCE

 

Voir tableau spécifique

Dispositions sociales

– Art 137 du TCE : actions de la Communauté dans le domaine social. Sont à l’unanimité :

• la sécurité sociale et la protection des travailleurs

• la protection des travailleurs en cas de résiliation du contrat de travail

• la représentation et la défense collective des intérêts des travailleurs et des employeurs, y compris la cogestion

• les conditions d’emploi des ressortissants des pays tiers en séjour régulier

Différé

L’article 137 a été réécrit pour être plus lisible et couvre désormais la lutte contre l’exclusion sociale. Le champ de la MQ n’a pas été étendu puisque le passage à la MQ des dispositions relevant actuellement de l’unanimité nécessitera une décision à l’unanimité du Conseil (sauf pour ce qui concerne la sécurité sociale et la protection sociale des travailleurs qui restent, en tout état de cause, à l’unanimité).

Industrie

– Art 157 du TCE : mesures spécifiques d’appui aux Etats membres pour la réalisation des objectifs du TCE dans l’industrie

Total (avec codécision)

Il s’agit des mesures spécifiques de la Communauté pour appuyer les actions menées par les Etats membres en vue de réaliser les objectifs du TCE dans l’industrie. Ces mesures ne pourront avoir un caractère fiscal, ni toucher aux droits des salariés

Cohésion économique et sociale

– Art 159 du TCE : actions spécifiques hors fonds structurels

– Art 161 du TCE : fonds structurels

Total (avec codécision)

Différé

– Cet article concerne les actions spécifiques, hors fonds structurels (le passage à la MQ s’accompagne de la codécision)

– Le passage à la MQ interviendra en 2007 si les perspectives financières 2007-2013 ont été approuvées et sinon dès leur adaptation.

Pas de codécision mais avis conforme du Parlement européen

Environnement

– Art 175, paragraphe 2 du TCE : dispositions de nature fiscale, mesures concernant les choix énergétiques d’un Etat membre, l’aménagement du territoire, l’affectation des sols ou la gestion des ressources hydrauliques

Limité

L’article a été réécrit dans un souci de simplification. Les cas d’unanimité ont été, pour l’essentiel, maintenus

Dispositions institutionnelles

– Art 190, paragraphe 5 du TCE : approbation du statut des parlementaires européens

 Art 191 du TCE : statut des partis politiques au niveau européen

– Art 223 du TCE : approbation du règlement de procédure de la Cour de Justice et du TPI

– Art 248 du TCE : approbation du règlement intérieur de la Cour des Comptes

– Art 279 du TCE : règlement financier (et règles relatives au contrôle de la responsabilité des contrôleurs financiers, ordonnateurs et comptables)

Partiel

Total

Total

Total

Différé

– Le Conseil approuve à la MQ le statut élaboré par le Parlement européen, sauf ce qui est relatif au régime fiscal des parlementaires ou ex-parlementaires

– Fixation du statut des partis politiques au niveau européen, y compris les règles de financement (codécision)

– Le règlement est établi par la Cour et approuvé par le Conseil à la MQ. Toutefois, le régime linguistique demeure à l’unanimité (art 290)

– Le passage à la MQ sera automatique à compter du 1er janvier 2007

Nominations

– Art 214 du TCE : nomination du président et des membres de la Commission

– Art 215 du TCE : remplacement d’un commissaire en cours de mandat

– Art 207 du TCE : nomination du secrétaire général du Conseil et du SG adjoint

– Art 18 du TUE : nomination d’un représentant spécial

– Art 247 du TCE : nomination des membres de la Cour des Comptes

– Art 257 du TCE : nomination des membres du Comité économique et social

– Art 263 du TCE : nomination des membres du Comité des régions

Total

Total

Total

Total

Total

Total

Total

– Le Conseil se prononce à la MQ aux 3 étapes de la procédure (désignation du président, adoption de la liste des membres de la Commission d’un commun accord avec le président, nomination du collège après l’approbation donnée par le Parlement européen)

– Le Conseil se prononce à la MQ quelle que soit la raison de la vacance, y compris pour le président

– La MQ a une portée limitée puisque la Cour comporte un national de chaque Etat membre

– La MQ a une portée limitée puisque le CES comporte un nombre de membres supérieur à celui des Etats membres

– La MQ a une portée limitée puisque le CPR comporte un nombre de membres supérieur à celui des Etats membres

Annexe 2 :
Extension du vote à la majorité qualifiée dans le secteur
Justice et affaires intérieures communautarisé (titre IV)

Dispositions du Traité CE

déjà à la MQ

MQ à Nice

MQ au 1er mai 2004

pas d’engagement

Article 62, paragraphe 1

Mesures visant à assurer l’absence de tout contrôle des personnes franchissant les frontières intérieures

     

X

Article 62, paragraphe 2 a)

Normes et modalités auxquelles doivent se conformer les Etats membres pour effectuer les contrôles des personnes aux frontières extérieures

   

X

(sous réserve d’un accord sur le champ d’application)

 

Article 62, paragraphe 2 b) i et iii

Règles relatives aux visas de moins de 3 mois pour :

• la liste des pays tiers soumis à visas ou exemptés (i)

• le modèle type de visa (iii)

X

     

Article 62, paragraphe 2 b) ii et iv

Règles relatives aux visas de moins de 3 mois pour :

• procédures et conditions de délivrance par les Etats membres (ii)

• les règles en matière de visa uniforme (iv)

   

X

(prévu à Amsterdam)

 

Article 62, paragraphe 3

Mesures fixant les conditions dans lesquelles les ressortissants des Etats tiers peuvent circuler librement sur le territoire des Etats membres pendant une durée inférieure à 3 mois

   

X

 

Article 63, paragraphe 1 a), b), c) et d)

Mesures relatives à l’asile :

• règles communes et principes essentiels

• dispositions d’application

 

X

 

X

Article 63, paragraphe 2 a)

Normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire aux personnes déplacées ou qui ont besoin d’une protection internationale

• règles communes et principes essentiels

• dispositions d’application

 

X

 

X

Article 63, paragraphe 2 b)

Mesures visant à assurer un équilibre entre les efforts des Etats membres pour accueillir les réfugiés et personnes déplacées

     

X

Article 63, paragraphe 3 a)

Conditions d’entrée et de séjour ainsi que normes concernant les procédures de délivrance par les Etats membres de visas et titre de long séjour, y compris le regroupement familial

     

X

Article 63, paragraphe 3 b)

Immigration clandestine et séjour irrégulier, y compris le rapatriement des personnes concernées

   

X

 

Article 63, paragraphe 4

Mesures définissant le droit des ressortissants des Etats tiers en situation régulière dans un Etat membre de séjourner dans les autres Etats membres

     

X

Article 65

Mesures relevant de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière,
sauf les « aspects touchant le droit de la famille »

 

X

 

X

Article 66

Mesures pour assurer une coopération entre les services compétents des administrations des Etats membres ainsi qu’entre ces services et la Commission dans le champ du titre IV

   

X

(selon la procédure de consultation)

 

Annexe 3 :
Tableau comparatif sur le programme
de la présidence française

Rapport de la Délégation de l'assemblée nationale pour l'Union européenne

Propositions pour le programme de la présidence française
– 3 février 2000 –

Discours du Premier ministre devant l'Assemblée nationale
– 9 mai 2000 –

Discours du Président de la République devant le Parlement européen
– 4 juillet 2000 –

Mener à bien la réforme des institutions :

- améliorer la collégialité et la transparence de la Commission

- étendre le champ du vote à la majorité qualifiée dans le premier pilier

- repondérer les voix au Conseil afin de mieux prendre en compte l’importance démographique des Etats

- assouplir la clause des coopérations renforcées

- lancer, une fois que le mandat de la CIG aura été achevé, une réflexion collective sur l’architecture institutionnelle de la Grande Europe

Une Europe plus efficace et plus forte grâce à :

– une reconnaissance plus grande du principe de subsidiarité ;

– la réforme des institutions de l’Union ;

– l’amélioration du dispositif des coopérations renforcées qui doit être plus souple et plus efficace ;

– l’adoption du projet de Charte européenne des droits fondamentaux.

Préparer l’avenir de l'Europe élargie  :

– régler les trois thèmes de la CIG car, sinon, l’Union serait condamner à la paralysie ;

– obtenir des progrès sur les coopérations renforcées pour introduire une plus grande souplesse de fonctionnement.

Apporter un soutien ferme et vigilant aux négociations d’élargissement.

Décider de choix clairs de méthode pour la fin des négociations d’élargissement.

Faire progresser les négociations d’adhésion en faisant jouer le principe de différenciation. Parvenir au Conseil européen de Nice à une vision complète de l’état des négociations afin de baliser le chemin vers l’adhésion.

Mettre en place une Europe de la croissance et de l’emploi qui contribue au progrès social et au développement durable :

– définir les conditions d’une meilleure coordination des politiques économiques au sein de l’euro 11 ;

– avancer dans la voie d’une harmonisation fiscale ;

– examiner les moyens d’appliquer une taxe spécifique sur les opérations de change ;

– soutenir l’idée d’un grand emprunt européen pour financer un grand programme d’infrastructures.

Une Europe au service de la croissance et du plein emploi :

– renforcer le rôle de l’euro 11 et veiller à la coordination des politiques économiques ; faire avancer l’harmonisation fiscale ; mettre en œuvre de nouvelles régulations économiques et une meilleure organisation de la scène financière internationale (lutte contre le blanchiment des capitaux et contre la criminalité).

Une Europe au service de la croissance, de l’emploi et du progrès social :

– renforcer la coordination et la cohérence des politiques économiques ; améliorer le fonctionnement de l’euro 11 ; renforcer la coordination des politiques budgétaires ; progresser dans l’harmonisation des politiques fiscales.

– Renforcer le processus d’harmonisation sociale par le haut (nouveaux objectifs pour les lignes directrices pour l’emploi, calendrier de mise en œuvre).

– Adoption d’un agenda social reposant sur un programme de travail sur 5 ans.

– Adoption d’un agenda social européen permettant de définir un programme de travail sur 5 ans.

     

– Progresser dans l’avènement d’une véritable communauté d’intelligence et du savoir.

– Placer l'Europe à la pointe de la société de l’information ;

– Construire un véritable espace européen de la connaissance.

– Placer l'Europe à la pointe de la société de l’information ;

– Approfondir les liens avec les régions ultra–périphériques.

– Construire une Europe de la mobilité, de la connaissance et des jeunes ; recenser les obstacles à la mobilité et rechercher les moyens de les surmonter.

Répondre aux préoccupations des citoyens

– Promouvoir le développement durable ; renforcer les règles de protection de l’environnement et de sécurité sanitaire ; définir une stratégie commune de limitation des émissions de gaz à effet de serre.

– Favoriser l’’adoption d’une Charte des droits fondamentaux.

Une Europe plus proche des citoyens

– L’environnement : favoriser la mise en œuvre du protocole de Kyoto sur la lutte contre l’effet de serre.

- Faire aboutir le projet de charte européenne des droits fondamentaux

Rendre l'Europe plus proche des citoyens

– L’environnement : favoriser la mise en œuvre du protocole de Kyoto sur la lutte contre l’effet de serre.

– L’adoption d’une charte des droits fondamentaux.

– Renforcer les règles de sécurité pour le transport maritime (contrôle des sociétés de classification, mise en œuvre du principe pollueur-payeur, réserver le statut d’armateur européen aux navires inscrits sur un registre communautaire).

– Obtenir la reconnaissance d’une « spécificité » sportive et sa prise en compte dans l’application des règles de concurrence et du marché intérieur.

– Adopter un ensemble cohérent et concret de mesures pour améliorer la sécurité du transport maritime.

– Obtenir de réelles avancées dans l’harmonisation des temps de travail dans le transport routier.

– Renforcer l’efficacité de l’action européenne contre le dopage – adopter lors du Conseil européen de Nice une déclaration affirmant la spécificité et le rôle social du sport.

– Améliorer la sécurité des transports maritimes, transports de matières dangereuses ou transports de produits pétroliers.

– Mieux prendre en compte la spécificité du sport et sa fonction sociale.

Contribution à la mise en place d’un monde multipolaire

– Valoriser la fonction politique de Monsieur PESC pour qu’il ait une fonction de proposition et un rôle dans la représentation extérieure de l’Union.

– Donner l’impulsion à la construction d’une Europe de la défense (mise en place d’une capacité militaire européenne d’intervention).

– Développer les relations avec les ensembles régionaux.

– Poursuivre la réforme du FMI, améliorer les règles de fonctionnement du système financier international, refondre l’OMC.

Permettre à l’Europe de prendre toute sa place sur la scène internationale.

Une Europe forte sur la scène internationale

– Consolider l’Europe de la défense et de la sécurité : organiser la Conférence d’engagement des capacités, consolider les instances intérimaires.

– Priorités de la PESC : Balkans, Méditerranée et Asie.

– Faire démarrer un nouveau cycle de négociation global et équilibré.

NB : Ce tableau, établi par la Délégation, n’a pas de caractère officiel.

1 () Voir sur ce point le rapport (n° 2729) de la Délégation pour l’Union européenne de l’Assemblée nationale, présenté par M. Gaëtan Gorce, intitulé « L’agenda social européen : une nouvelle ambition pour l’Europe ? », novembre 2000.

2 () Voir sur ce point le rapport (n° 2727) de la Délégation pour l’Union européenne de l’Assemblée nationale, présenté par le rapporteur, intitulé « Stratégie communautaire pour l’emploi : le deuxième souffle », novembre 2000.

3 () Ibidem.

4 () Communication sur le « Ciel unique européen » et les transports aériens et l’environnement.

5 () La Délégation a procédé à un premier examen de cette communication en mars 2000. Notre Collègue Bernard Derosier, qui a été désigné rapporteur d’information, a présenté une communication sur un premier état de ses travaux, le 7 décembre dernier.

6 () Rapport d’information (n° 2616) au nom de la Délégation pour l'Union européenne du 5 octobre 2000.

7 () L'objectif était d'arrêter les modalités pratiques du protocole de Kyoto de 1997 sur la lutte contre le changement climatique par une réduction des émissions de gaz à effet de serre.

8 () Le processus de Barcelone, lancé en novembre 1995, associe les Quinze à 12 pays tiers méditerranéens : Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte, Jordanie, Israël, Territoires palestiniens, Syrie, Liban, Malte, Chypre et Turquie. La Libye a le statut d’observateur.

9 () Le Partenariat euro-méditerranéen - La dynamique de l’intégration régionale, juillet 2000.

10 () « Pour un dialogue fructueux entre l’Union européenne et le Mercosur », rapport d’information (n° 2269), pp. 37-38.

11 () Rapport d’information (n° 2242) de M. Gérard Fuchs, au nom de la Délégation pour l’Union européenne, sur « La réforme des institutions de l'Union européenne » – 9 mars 2000.

12 () Il en est ainsi de l’extension de la majorité qualifiée à la politique régionale (après l’adoption de nouvelles perspectives financières) ou à la politique d’asile (après l’adoption de règles générales).

13 () L’extension de la procédure de codécision et le nouveau statut de la Cour de justice constituaient des questions dites « connexes » comprises dans l’ordre du jour initial de la CIG.

14 () Il s’agit de leur part dans la population totale d’une Union à 15.

15 () La clause démographique de 62 % a en effet pour conséquence qu’une coalition d’Etats représentant plus de 38 % de la population totale de l’Union peut bloquer un texte. Comme l’Allemagne comptera pour 17,1 % de la population d’une Union à 27, il lui sera loisible de s’allier à 2 autres grands Etats pour obtenir les 21 % de population nécessaires à l’obtention de la minorité de blocage.