N° 957
ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 juin 1998.

PROJET DE LOI
N° 957

relatif à
l'action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale,
(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

AU NOM DE M. LIONEL JOSPIN,
Premier ministre,
PAR
Mme ÉLISABETH GUIGOU,
garde des sceaux, ministre de la justice.

Droit pénal.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Dans le passé, des interventions directes dans des affaires pénales considérées comme « sensibles » ont, lorsqu'elles ont été connues de l'opinion publique, engendré un soupçon profond et durable. Il en est résulté que :
- Certains responsables publics ont été soupçonnés par les citoyens d'user au profit de quelques uns des pouvoirs qui leur ont été conférés par le suffrage universel afin d'oeuvrer dans l'intérêt de tous.
- L'institution judiciaire a été contestée, car perçue comme pouvant être partiale et soumise au pouvoir politique.
Une telle situation porte atteinte au pacte social. Comment un citoyen ayant commis une infraction pourra-t-il accepter d'être l'objet d'une sanction pénale s'il a en lui-même ancrée la conviction qu'un autre justiciable ayant commis des faits délictueux de même nature ou d'autres plus graves encore pourra, grâce à son statut, à sa condition ou à quelque protection, éviter les poursuites ?
C'est pourquoi le Gouvernement, par la voix du Premier ministre, a fait connaître publiquement sa ferme volonté de mettre un terme définitif au temps de l'opacité.
Cette entreprise de refondation qui concourt directement à la vie publique doit s'appuyer sur la réaffirmation de trois principes essentiels en République : ceux de transparence, d'efficacité et de respect du droit.
La politique judiciaire doit être débattue devant le Parlement et conduite sous le regard des citoyens.
Le Gouvernement a déjà démontré qu'il entendait modifier profondément les rapports qui existent aujourd'hui entre le pouvoir politique et le ministère public afin de les placer sous le signe de la légitimité et de la transparence. Il a déjà transmis au Parlement un projet de loi constitutionnelle ayant pour finalité d'assurer aux magistrats du parquet des garanties supplémentaires d'indépendance, notamment en soumettant leur nomination - et donc leur progression dans la hiérarchie - à un avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature rénové, ainsi qu'en confiant les décisions disciplinaires les concernant à ce même Conseil.
Les magistrats du parquet seront désormais protégés d'éventuelles pressions indirectes ou occultes fondées sur le pouvoir que détenait le garde des sceaux de faire leur carrière.
Le présent projet de loi a pour but de traduire dans le droit positif ces intentions. Subdivisé en quatre chapitres, il évoque successivement le rôle du ministre de la justice, du procureur général et du procureur de la République - et donc les rapports entre le garde des sceaux et l'organisation hiérarchique du ministère public - (I), puis le renforcement des garanties données aux citoyens en cas de classement sans suite (II) et enfin le contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire (III).

I. Les rapports entre le ministre de la justice et l'organisation hiérarchique du ministère public.
A. Le rôle du ministre de la justice (article 1er du projet de loi).
1° Le rôle premier du garde des sceaux sera de concevoir et d'élaborer, dans le cadre de la politique judiciaire déterminée par le Gouvernement sous l'autorité du Premier ministre, les orientations générales de la politique pénale. Ce rôle essentiel sera désormais reconnu par le code de procédure pénale.
Ces orientations, plus détaillées que par le passé, feront connaître aux membres du ministère public la politique pénale qu'ils auront à mettre en oeuvre dans leur ressort de compétence en tenant compte bien évidemment des circonstances locales.
Elles auront pour finalité essentielle de déterminer les priorités à mettre en oeuvre dans la conduite de l'action publique et la définition des conditions dans lesquelles la loi pénale doit être appliquée de manière coordonnée et dans le respect de l'égalité des citoyens.
Elles assureront ainsi la cohérence de la conduite de l'action publique sur l'ensemble du territoire national.
2° Corrélativement, le garde des sceaux ne pourra plus donner aucune instruction de quelque nature que ce soit dans quelqu'affaire particulière que ce soit. Cette interdiction sera formellement rappelée par la loi, dans le nouvel article 30-1 du code de procédure pénale.
3° Exceptionnellement, le garde des sceaux pourra saisir la juridiction pour mettre en mouvement l'action publique.
Cette possibilité présentera un caractère subsidiaire, dans la mesure où, comme l'indiquent les dispositions - non modifiées par le présent projet - de l'article 1er du code de procédure pénale, c'est par principe au ministère public qu'il appartient de mettre en mouvement l'action publique, la victime disposant toutefois également du droit d'engager des poursuites.
Lorsque le ministre aura saisi le tribunal, il appartiendra ensuite aux magistrats du parquet et du siège de décider de la suite qu'ils entendent donner à la saisine du garde des sceaux.
En aucun cas le garde des sceaux ne pourra déléguer à ses services le droit de saisir le juge.
4° Enfin, pour donner corps à la volonté du Gouvernement d'agir en matière judiciaire avec un souci constant de transparence, le garde des sceaux informera chaque année le Parlement des conditions dans lesquelles auront été mises en oeuvre les orientations générales de la politique pénale (article 30-3 du code de procédure pénale).
Dans la même optique, le ministre de la justice fera également connaître aux parlementaires le nombre et la qualification des infractions pour lesquelles il aura été amené à mettre lui-même en mouvement l'action publique (même article).

B. Le rôle du procureur général (article 2 du projet).

Le procureur général a, traditionnellement, autorité sur tous les magistrats du ministère public du ressort de la cour d'appel. Cette règle n'est pas modifiée (article 36 du code de procédure pénale).
Le nouvel article 35 du code de procédure pénale précise en outre qu'il coordonne la mise en oeuvre, par chaque procureur de la République, des orientations générales de politique pénale et qu'il informe le ministre de la justice de la politique pénale menée dans son ressort. Il doit également procéder à l'évaluation de la mise en oeuvre de ces orientations.
Le procureur général se voit donc reconnaître un rôle de garant d'une application réelle et uniforme de la politique pénale dans son ressort de compétence. A cette fin, lui est reconnu le droit d'adapter les orientations générales définies par le Gouvernement en fonction des circonstances propres à son ressort. Le procureur général informera chaque année les magistrats du siège et du parquet de la cour d'appel des conditions de mise en oeuvre de ces orientations et, dans un souci de transparence, il pourra porter tout ou partie de cette information à la connaissance du public (article 37-1 du code de procédure pénale).
Comme précédemment, le procureur général pourra enjoindre à un procureur, par des instructions écrites et motivées qui seront versées au dossier de la procédure, d'engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de toute réquisition écrite qu'il jugera opportune.
En revanche, il sera désormais affirmé expressément par le code de procédure pénale qu'il est strictement interdit au supérieur hiérarchique des procureurs qu'est le procureur général de donner des instructions faisant obstacle à la mise en mouvement de l'action publique, notamment des instructions tendant au classement sans suite d'une affaire particulière (article 37 du code de procédure pénale).

C. Le rôle du procureur de la République (article 3 du projet).
Il est proposé d'introduire dans le code de procédure pénale quatre articles (39-1 à 39-4) précisant le rôle du procureur de la République : il fait assurer l'application de la loi pénale dans toute l'étendue du ressort du tribunal de grande instance et met en oeuvre les orientations générales de la politique pénale (article 39-1).
Le procureur de la République adapte ces orientations générales aux circonstances locales.
Comme le procureur général, le procureur de la République pourra rendre publique la politique pénale qu'il a l'intention de mener dans le ressort du tribunal de grande instance (article 39-3). Il en rendra compte chaque année au procureur général, par le biais d'un rapport circonstancié (article 39-4).

II.- Le renforcement des garanties offertes aux citoyens en cas de classement sans suite.

A. La motivation des décisions de classement sans suite (article 4 du projet).

Le Gouvernement souhaite rapprocher l'institution judiciaire du justiciable. A cette fin, et s'inspirant d'une évolution constante qui a conduit l'administration, d'une part, à s'astreindre à répondre aux usagers et, d'autre part, à motiver ses réponses, il est proposé que le procureur de la République soit tenu de notifier sa décision à la personne ayant dénoncé les faits en assortissant celle-ci d'une motivation (article 40-1 du code de procédure pénale).
Ce dispositif, pour des raisons évidentes de contentieux de masse à prendre en compte, n'a vocation à s'appliquer que pour les procédures dans lesquelles une personne est susceptible d'être mise en cause. Il ne concerne donc pas les affaires non élucidées par les services compétents. Il ne concernera pas, non plus, les affaires qui auront donné lieu à des réponses judiciaires. La nécessité de motivation ne concernera donc qu'une partie des procédures classées sans suite dans lesquelles l'auteur était connu (900 000 en 1996 sur un total de 4 millions d'affaires classées sans suite).
La motivation devra indiquer si le classement a été décidé pour des raisons de droit ou de fait.
L'avis de classement précisera les conditions dans lesquelles le plaignant peut engager par lui-même des poursuites et faire valoir ses droits.

B. Le recours contre les classements sans suite (article 5 du projet).

Une voie de recours contre les classements sans suite sera ouverte aux personnes ayant dénoncé des faits qui leur semblent de nature délictueuse au procureur de la République. Cette voie sera réservée aux personnes justifiant d'un intérêt suffisant mais n'ayant cependant pas qualité pour se constituer partie civile. Il convient en effet de rappeler que, s'il a vocation à se voir reconnaître la qualité de partie civile, le plaignant peut soit déposer une plainte avec constitution de partie civile, soit citer directement devant le tribunal correctionnel le justiciable qu'il entend voir condamner.
Ce recours comportera deux phases :
1° Le plaignant qui se sera vu opposer par le procureur compétent une décision de classement sans suite devra adresser son recours au procureur général dans le mois suivant la notification de classement, ou, à défaut de notification, à l'expiration d'un délai de huit mois à compter du moment où il aura saisi le procureur de la République de sa dénonciation.
Le procureur général, après avoir étudié le dossier de la procédure, soit confirmera la décision de classement prise par le procureur de la République soit, s'il ne partage pas l'analyse faite par celui-ci sur le plan juridique ou en opportunité, lui enjoindra d'exercer des poursuites.
2° Si le procureur général confirme le classement sans suite décidé par le procureur de la République ou ne répond pas au requérant dans un délai de deux mois, ce dernier pourra saisir une commission de recours.
Cette commission, dont la compétence s'étendra sur le ressort de plusieurs cours d'appel, afin d'instaurer une certaine distance entre le lieu d'examen du recours et le parquet concerné, sera exclusivement composée de magistrats appartenant au ministère public et provenant des parquets près les cours d'appel. Le magistrat de la cour concernée par le recours ne siègera pas dans la commission.
La commission statuera sur dossier mais pourra demander au requérant ou au procureur général des éléments d'information supplémentaires.
Elle statuera par une décision motivée non susceptible de recours supplémentaire.
Si elle estime que les poursuites sont justifiées, le procureur de la République mettra en mouvement l'action publique.
Pour éviter la multiplication de recours abusifs ou dilatoires, il est proposé de permettre au procureur de la République, à l'initiative de la commission, de citer devant le tribunal correctionnel les auteurs de tels recours. Ceux-ci pourront alors être condamnés à une amende civile dont le montant n'excèdera pas 100 000 francs.

III.- Le renforcement du contrôle de la police judiciaire par l'autorité judiciaire (chapitre III du projet).

Les articles 12 ou 41 du code de procédure pénale affirment de manière non équivoque que la direction de la police judiciaire incombe légalement au procureur de la République. Mais le contrôle exercé par l'autorité judiciaire sur la police judiciaire est en fait souvent difficile à mettre en oeuvre.
L'intérêt commun de la police judiciaire et de l'autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles au sens de l'article 66 de la Constitution, conduit, pour l'efficacité de la lutte contre la délinquance, à préciser les conditions d'application de ces articles.
A cette fin, le présent projet de loi se propose tout d'abord de modifier l'article 14 du code de procédure pénale afin qu'il précise désormais que la police judiciaire s'exerce dans le cadre des orientations données par le procureur de la République.
Il est ainsi clairement exprimé que l'activité de police judiciaire a vocation à s'exercer dans le cadre défini par les autorités judiciaires.
Un certain nombre de dispositions, introduites à l'article 41 et à l'article 152-1 du code de procédure pénale, ont ensuite pour but de fournir au procureur de la République et au juge d'instruction des outils nouveaux leur permettant de contrôler réellement les activités des services de police judiciaire afin d'améliorer l'efficacité de la lutte contre la délinquance.
Il sera ainsi dorénavant précisé que le procureur de la République contrôle non seulement les mesures de garde à vue mais également le déroulement des enquêtes.
Comme l'a indiqué le Gouvernement dans les déclarations qu'il a faites devant les assemblées parlementaires, il est proposé de donner aux autorités judiciaires un droit de regard sur l'affectation des effectifs de police judiciaire dont celles-ci sont actuellement dépourvues.
Est ainsi introduit dans l'article 41 du code de procédure pénale un nouvel alinéa qui dispose que, lorsqu'une enquête le justifie par sa durée et sa complexité, le procureur et le responsable du service saisi définissent d'un commun accord les moyens qui paraissent devoir être mobilisés pour parvenir à la manifestation de la vérité. D'éventuelles modifications en la matière peuvent intervenir ultérieurement en fonction de l'évolution de l'enquête.
Ces dispositions sont également applicables lorsque les investigations policières sont effectuées dans le cadre d'une information judiciaire. Le juge d'instruction définira d'un commun accord avec le responsable du service auquel il délivrera une commission rogatoire les moyens nécessaires à la bonne exécution des prescriptions de celle-ci.
De façon plus générale, il est précisé dans la loi que le procureur de la République et les chefs des services de police et de gendarmerie doivent régulièrement se tenir informés des moyens à mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs de l'action publique.
Il est également créé deux nouveaux articles 75-1 et 75-2 dans le code de procédure pénale, l'un énonçant que lorsque le procureur de la République prescrit une enquête préliminaire, il fixe le délai dans lequel ladite enquête doit être effectuée, l'autre prévoyant que, lorsque dans le cadre d'une enquête préliminaire est identifié l'auteur présumé d'une infraction, le procureur de la République doit en être informé dans les meilleurs délais.
De même, les services de police judiciaire qui accomplissent des enquêtes préliminaires doivent rendre compte de l'état d'avancement de celles-ci à l'achèvement d'un délai d'un an.
Enfin, dans le but de renforcer l'effectivité du contrôle exercé par la chambre d'accusation sur les officiers de police judiciaire, l'article 227 du code de procédure pénale est complété par un alinéa prévoyant que les décisions de cette juridiction seront d'application immédiate.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté à l'Assemblée nationale par le garde des sceaux, ministre de la justice qui est chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

CHAPITRE Ier
Dispositions relatives à l'action publique en matière pénale
Article 1er

Il est inséré dans le titre Ier du livre 1er du code de procédure pénale, après l'article 29, un nouveau chapitre ainsi rédigé :

« CHAPITRE Ier bis
« Du ministre de la justice

« Art. 30.- Le ministre de la justice définit les orientations générales de la politique pénale destinées aux magistrats du ministère public. Ces orientations sont portées à la connaissance des magistrats du siège et rendues publiques.
« Art. 30-1.- Le ministre de la justice ne peut donner d'instructions aux magistrats du ministère public dans les affaires individuelles.
« Art. 30-2.- Lorsque le ministre de la justice estime, en l'absence de poursuites pénales, que l'intérêt général commande de telles poursuites, il peut mettre en mouvement l'action publique. Il ne peut à cette fin déléguer sa signature.
« Le ministre saisit par voie de réquisitoire ou de citation directe la juridiction compétente. Une copie de l'acte de poursuite est adressée, par l'intermédiaire du procureur général, au procureur de la République compétent. En cas d'urgence, ces transmissions peuvent se faire par tout moyen, à charge de joindre l'original de l'acte de poursuite à la procédure dans les meilleurs délais. La procédure se déroule dans les mêmes conditions que si l'acte émanait du ministère public.
« Art. 30-3.- Le ministre de la justice informe chaque année le Parlement des conditions dans lesquelles les orientations générales de la politique pénale ont été mises en oeuvre.
« Il précise également le nombre et la qualification des infractions pour lesquelles il a fait application des dispositions de l'article 30-2. »

Article 2

Les articles 35 à 37 du même code sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Art. 35.- Le procureur général veille à l'application de la loi pénale dans toute l'étendue du ressort de la cour d'appel.
« Il anime l'action des procureurs de la République de son ressort et coordonne la mise en oeuvre par ceux-ci des orientations générales mentionnées à l'article 30. Il précise et, le cas échéant, adapte ces orientations en fonction des circonstances propres à son ressort. Il procède à l'évaluation de leur mise en oeuvre.
« Art. 36.- Il a autorité sur tous les magistrats du ministère public de son ressort. Il a dans l'exercice de ses fonctions le droit de requérir directement la force publique.
« Art. 37.- Le procureur général peut dénoncer aux procureurs de la République de son ressort les infractions à la loi pénale dont il a connaissance, leur enjoindre, par des instructions écrites et motivées qui sont versées au dossier de la procédure, d'engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente des réquisitions écrites qu'il juge opportunes. Il ne peut donner d'instructions faisant obstacle à la mise en mouvement de l'action publique.
« Art. 37-1.- Le procureur général informe au moins une fois par an, au cours d'une assemblée générale, les magistrats de la cour d'appel des conditions de mise en oeuvre dans le ressort des orientations générales de la politique pénale.
« Cette information peut, en tout ou partie, être rendue publique.
« Art. 37-2.- Le procureur général informe le ministre de la justice des affaires qui lui paraissent devoir être portées à sa connaissance ainsi que du déroulement des procédures dans lesquelles il a été fait application des dispositions de l'article 30-2. Le ministre de la justice est informé, à sa demande, de toute autre affaire dont les parquets sont saisis.
« Le procureur général adresse tous les ans au ministre de la justice un rapport sur la mise en oeuvre dans son ressort de la politique pénale. »

Article 3

Il est inséré, après l'article 39 du même code, quatre articles ainsi rédigés :
« Art. 39-1.- Le procureur de la République fait assurer l'application de la loi pénale dans toute l'étendue du ressort du tribunal de grande instance.
« A cette fin, il met en oeuvre les orientations mentionnées au 2ème alinéa de l'article 35 qui lui sont transmises par le procureur général. Il précise et, le cas échéant, adapte ces orientations en fonction des circonstances locales.
« Art. 39-2.- Le procureur de la République prend des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont données dans les conditions prévues aux articles 37 et 48-1.
« Il met également en mouvement l'action publique lorsque la commission prévue à l'article 48-2 lui en fait la demande.
« Art. 39-3.- Le procureur de la République informe, au cours d'une assemblée générale, au moins une fois par an, les magistrats du tribunal de grande instance des conditions de mise en oeuvre dans le ressort des orientations générales de la politique pénale.
« Cette information peut, en tout ou partie, être rendue publique.
« Art. 39-4.- Le procureur de la République informe le procureur général des affaires dont il est saisi et qui lui paraissent devoir être portées à sa connaissance ainsi que du déroulement des procédures dans lesquelles il a été fait application de l'article 30-2. Le procureur général est informé à sa demande de toute autre affaire dont le procureur est saisi.
« Le procureur de la République adresse tous les ans au procureur général un rapport sur la mise en oeuvre dans son ressort de la politique pénale. »

CHAPITRE II
Dispositions relatives aux classements sans suite
Article 4

Il est inséré, après l'article 40 du code de procédure pénale, un article 40-1 ainsi rédigé :
« Art. 40-1.- Lorsque l'affaire est classée pour un motif autre que l'absence d'identification d'une personne susceptible d'être mise en cause, l'avis prévu par le 1er alinéa de l'article 40 est motivé en distinguant les considérations de fait et de droit.
« L'avis précise les conditions dans lesquelles la victime, le plaignant ou la personne ayant dénoncé les faits peuvent, selon les cas, soit engager des poursuites par voie de citation directe ou de plainte avec constitution de partie civile, ainsi que les conditions dans lesquelles elles peuvent bénéficier de l'aide juridictionnelle, soit exercer un recours contre la décision de classement dans les conditions prévues aux articles 48-1 à 48-5.
« Cet avis rappelle également les dispositions du code pénal et du code de procédure pénale relatives aux dénonciations calomnieuses et aux constitutions de partie civile abusives ou dilatoires. »

Article 5

Il est inséré, après l'article 48 du même code, une nouvelle section ainsi rédigée :

· « Section V
« Des recours contre les classements sans suite

« Art. 48-1.- Dans le cas prévu à l'article 40-1, toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la République et n'ayant pas qualité pour se constituer partie civile, peut, si elle justifie d'un intérêt suffisant, former un recours contre la décision de classement prise à la suite de cette dénonciation.
« Le recours est adressé au procureur général dans le mois suivant la notification du classement ou, à défaut de notification, à l'expiration d'un délai de huit mois à compter de la dénonciation. Le procureur général peut alors enjoindre au procureur de la République d'engager des poursuites. Dans le cas contraire, le procureur général avise la personne dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article 40-1.
«Dans un délai d'un mois à compter de la notification de la confirmation du classement par le procureur général ou, à défaut de réponse de ce dernier, à compter d'un délai de deux mois suivant la saisine du procureur général, le requérant peut saisir la commission de recours compétente.
«Art. 48-2.- Les commissions de recours sont compétentes sur le ressort de plusieurs cours d'appel.
«Elles sont composées de magistrats du parquet des différentes cours d'appel situées dans leur ressort, désignés pour cinq ans par les assemblées générales des cours d'appel intéressées. Dans les mêmes formes, il est procédé à la désignation de membres suppléants. Les magistrats titulaires désignent parmi eux le président et le vice-président de la commission.
«Un décret fixe le nombre des commissions de recours, leur ressort territorial, leur siège et le nombre de magistrats de chaque cour d'appel qui les composent.
«Les magistrats de la cour d'appel dans le ressort de laquelle un recours a été formé ne siègent pas lors de l'examen de ce recours.
«Art. 48-3.- Sous peine d'irrecevabilité, le recours formé devant le procureur général en application du deuxième alinéa de l'article 48-1 doit faire l'objet d'une requête motivée adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et à laquelle est joint soit l'avis de classement du procureur de la République, soit la copie de la dénonciation adressée initialement à ce magistrat lorsque celle-ci est restée sans réponse.
«La saisine de la commission de recours doit également faire l'objet, à peine d'irrecevabilité, d'une requête motivée adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et à laquelle sont joints l'avis de classement du procureur de la République ainsi que la décision confirmative du procureur général ou, si ce dernier n'a pas répondu dans le délai de deux mois, la justification du recours qui lui a été adressé.
«Art. 48-4.- La commission statue sur dossier, au vu des avis de classement du procureur de la République et du procureur général, et des documents qui lui ont été adressés par le requérant. Elle peut se faire communiquer, s'il y a lieu, copie de la procédure d'enquête ou d'instruction faisant apparaître l'infraction dont la poursuite est sollicitée. Elle peut également demander au requérant ou au procureur général des éléments d'information supplémentaires.
«La commission statue par une décision motivée qui est notifiée au procureur de la République, au procureur général et au requérant. Cette décision n'est pas susceptible de recours.
« Si la commission estime que la poursuite est justifiée, elle demande au procureur de la République de mettre en mouvement l'action publique.
«Art. 48-5.- Quand la commission estime qu'elle a été abusivement saisie par un requérant, elle peut demander au ministère public de citer celui-ci devant le tribunal correctionnel. Le tribunal peut condamner l'auteur du recours abusif à une amende civile dont le montant n'excéde pas 100 000 F. »

CHAPITRE III
Dispositions renforçant le contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire
Article 6

A l'article 14 du code de procédure pénale, il est ajouté, après les mots : « Elle est chargée, suivant les distinctions établies au présent titre », les mots : « et dans le cadre des orientations mentionnées à l'article 39-1. »

Article 7

Les deuxième, troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article 41 du même code sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Il a tous les pouvoirs et prérogatives attachés à la qualité d'officier de police judiciaire prévus par la section II du chapitre Ier du titre Ier du présent livre, ainsi que par les lois spéciales.
« En cas d'infractions flagrantes, il exerce les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article 68.
« Le procureur de la République contrôle le déroulement des enquêtes ainsi que les mesures de garde à vue.
« Il dirige l'activité des officiers et agents de police judiciaire dans le ressort de son tribunal. Il leur donne connaissance des orientations générales de la politique pénale qui doivent être mises en oeuvre dans son ressort.
« Pour le bon déroulement des enquêtes, le procureur de la République et les chefs des services de police et de gendarmerie se tiennent informés régulièrement des moyens à mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs de l'action publique.
« Lorsque la durée ou la complexité d'une enquête le justifie, le procureur de la République et le chef du service saisi définissent d'un commun accord les moyens à mettre en oeuvre pour procéder aux investigations nécessaires. Ces moyens peuvent être adaptés au cours de l'enquête. »

Article 8

Il est inséré, après l'article 75 du même code, deux articles ainsi rédigés :
« Art. 75-1.- Lorsqu'il donne instruction aux officiers de police judiciaire de procéder à une enquête préliminaire, le procureur de la République fixe le délai dans lequel cette enquête doit être effectuée.
« Art. 75-2.- L'officier de police judiciaire chargé d'une enquête préliminaire concernant un crime ou un délit doit aviser le procureur de la République dès qu'une personne à l'encontre de laquelle existent des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction, est identifiée.
« Il doit également rendre compte de l'état d'avancement de l'enquête lorsque celle-ci est commencée depuis plus d'un an. »

Article 9

Il est inséré, après l'article 152 du même code, un article 152-1 ainsi rédigé :
« Art. 152-1.- Les dispositions du septième alinéa de l'article 41 sont applicables aux commissions rogatoires délivrées par le juge d'instruction. »

Article 10

L'article 227 du même code est complété par la phrase suivante :
« Cette décision prend effet immédiatement. »

CHAPITRE IV
Dispositions diverses
Article 11

I.- La première phrase de l'article 33 du code de procédure pénale est supprimée.
II.- A l'article 34 et au premier alinéa de l'article 39 du même code, les mots : « sans préjudice des dispositions de l'article 105 du code forestier et de l'article 446 du code rural » sont supprimés.
III.- Le premier alinéa de l'article 80 du même code est complété par les mots : « ou du ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-2 ».
IV.- La première phrase de l'article 551 du même code est complétée par les mots : « ainsi que du ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-2 ».

Article 12

La présente loi est applicable dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte.

Fait à Paris, le 3 juin 1998.

Signé : LIONEL JOSPIN

Par le Premier ministre :

Le garde des sceaux, ministre de la justice,
Signé : ÉLISABETH GUIGOU


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