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mis en distribution
le 9 décembre 1999

N° 2012

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 décembre 1999.

PROJET DE LOI

tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives,

(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

AU NOM DE M. LIONEL JOSPIN,
Premier ministre,

PAR M. JEAN-PIERRE CHEVÈNEMENT,
ministre de l'intérieur.

Elections et référendums.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La révision constitutionnelle votée par le Parlement réuni en Congrès le 28 juin dernier consacre le principe d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. L'article 3 de la Constitution confère à la loi le soin de favoriser cet égal accès, tandis que l'article 4 dispose que les partis politiques « contribuent à la mise en _uvre » de ce principe « dans les conditions déterminées par la loi ».
Le Gouvernement, soucieux d'inscrire le principe de parité au c_ur de la rénovation du fonctionnement de la vie politique, propose par le présent projet de loi, d'une part, d'assurer l'égalité des candidatures féminines et masculines pour tous les types d'élections au scrutin de liste qui s'y prêtent directement et, d'autre part, de modifier le mécanisme de financement public des partis et groupements politiques instauré par la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique dans le but d'inciter les partis à promouvoir les candidatures féminines à l'occasion des élections législatives.
Le projet de loi prévoit ainsi des dispositions à caractère obligatoire, s'agissant des élections qui se déroulent au scrutin de liste et à la représentation proportionnelle, et des sanctions financières, s'agissant des élections législatives.
Il présente l'avantage de traiter avec cohérence l'ensemble des scrutins dont les mécanismes permettent l'application immédiate du principe d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux.
Il répond pleinement à l'objectif fixé par l'article 4 de la Constitution, en plaçant les partis et groupements politiques au c_ur du dispositif, puisqu'ils sont amenés à contribuer à cette nouvelle égalité dans la plupart des scrutins.
Le titre Ier du projet de loi est relatif aux élections se déroulant au scrutin de liste.
Il concerne les élections municipales (pour les communes de 3 500 habitants et plus), les élections sénatoriales (pour ce qui concerne les sénateurs élus à la représentation proportionnelle), les élections régionales et les élections à l'Assemblée de Corse, l'élection au conseil général de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que l'élection des représentants au Parlement européen. Il s'applique également au Conseil de Paris et aux conseils d'arrondissement de Paris, Lyon et Marseille. S'agissant d'élections se déroulant au scrutin de liste, il est en effet possible d'instituer une stricte égalité de candidatures. Cette égalité doit être comprise à une candidature près, car le nombre de sièges à pourvoir, donc le nombre de candidats figurant sur une liste, est généralement impair.
Le respect de l'obligation de parité de candidatures sera contrôlé au moment de l'enregistrement des candidatures en préfecture ou, s'agissant de l'élection des représentants au Parlement européen, au ministère de l'intérieur.
L'Article 1er introduit ces dispositions dans les articles L. 264 et L. 265 du code électoral relatifs aux élections municipales.
L'Article 2 fait de même dans l'article L. 300 du même code relatif à l'élection des sénateurs dans les départements où les élections se déroulent à la représentation proportionnelle.
L'Article 3 modifie dans le même sens les articles L. 346 et L. 347 du même code relatifs à l'élection des conseillers régionaux.
L'Article 4 les insère dans l'article L. 370 du même code relatif à l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse.
L'Article 5 les intègre dans l'article 9 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen.
Les Articles 6 à 11 étendent à l'outre-mer les dispositions relatives à l'obligation de parité de candidatures.
L'Article 6 rend applicable le dispositif instituant l'égalité de candidatures à l'élection des conseillers généraux, qui se déroule au scrutin de liste, à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.
L'Article 7 adapte les dispositions instituant la parité des candidatures au régime électoral propre aux communes de Polynésie française, tel que régi par la loi n° 83-27 du 19 janvier 1983 modifiant diverses dispositions relatives à l'élection des conseils municipaux dans les territoires de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française.
L'Article 8 étend, d'une part, l'application de l'article 1er de la loi, relatif aux élections municipales, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie et, d'autre part, l'application de l'article 5 de la loi, relatif à l'élection des représentants au Parlement européen, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
Les Articles 9, 10 et 11 modifient les modalités de dépôt des candidatures pour l'assemblée de Polynésie française, ainsi que pour l'assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna et les assemblées de province de Nouvelle-Calédonie. Le principe de la parité est, quant à lui, fixé par une loi organique, conformément aux articles 74 et 77 de la Constitution.
Ces dispositions s'appliqueront pour chaque type de scrutin lors des élections générales qui suivront la publication du projet de loi.
Le titre II traite des dispositions relatives aux aides attribuées aux partis et groupements politiques.
L'Article 12 crée un dispositif particulier qui pénalise financièrement les partis ou groupements politiques qui ne respectent pas l'équilibre entre le nombre de femmes et d'hommes parmi les candidats. En effet, s'agissant de l'élection législative, le scrutin majoritaire uninominal ne permet pas d'imposer la parité de candidatures.
Le texte proposé dans cet article remplace l'actuelle rédaction de l'article 9-1 de la loi du 11 mars 1988 précitée, qui n'avait qu'une valeur transitoire et n'est plus en vigueur depuis le 21 janvier 1998.
Le dispositif s'appuie sur cette même loi. Il prévoit une diminution du montant des aides publiques attribuées à un même parti ou groupement politique dès lors que l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe qui lui sont rattachés dépasse 2 % du nombre total de candidats. Ainsi, un parti politique qui présenterait 49 % de femmes et 51 % d'hommes ne serait pas sanctionné. Cet élément de souplesse correspond au principe inscrit dans la Constitution visant à « favoriser l'égal accès des femmes et des hommes » à la vie politique.
S'agissant des partis ou groupements politiques qui présentent exclusivement des candidats outre-mer, la diminution ne s'applique que lorsque l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe qui s'y rattachent est supérieur à un. En effet, par dérogation aux dispositions relatives au financement public de la vie politique, les partis d'outre-mer, qui présentent le plus souvent un nombre limité de candidats, sont éligibles à la première fraction de l'aide publique sans avoir à respecter l'obligation de présenter des candidats dans cinquante circonscriptions. Or, en-deça de cinquante candidats, le respect du seuil de 2% n'est pas arithmétiquement possible. Il convient donc d'y substituer un mécanisme alternatif, respectant le principe de parité à une candidature près.
La diminution porte sur le montant de la première fraction des aides préalablement calculé.
Le taux de diminution est égal à 50 % de l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe rapporté au nombre total de candidats. Cette diminution ne pourra ainsi excéder 50 % du montant de la première fraction des aides. A titre d'exemple, la diminution de la première fraction des aides publiques sera de 5 % pour un écart de 10 %, de 30 % pour un écart de 60 % et, au maximum, de 50 % pour un écart de 100 %. Ce mécanisme de pénalisation financière permet d'éviter les effets de seuil. Il garantit en outre la perception d'un minimum de 50 % d'aide publique au titre de la première fraction.
La diminution du montant des aides attribuées aux partis ou groupements politiques pénalisés ne saurait bénéficier aux autres formations politiques car il ne s'agit pas d'instituer une récompense pour les partis ou groupements respectant le principe de parité mais une sanction pour ceux qui ne le respectent pas. Le projet de loi prévoit donc que les crédits issus des diminutions éventuelles recevront une nouvelle affectation dans la loi de finances.
Le titre III du projet de loi, relatif aux dispositions transitoires, prévoit que les dispositions des articles 1er à 11 entreront en vigueur à l'occasion du prochain renouvellement intervenant à échéance normale des conseils et assemblées concernés. Les dispositions de l'article 12 entreront en vigueur lors du prochain renouvellement de l'Assemblée nationale.
L'application du principe de parité à Mayotte est acquis, comme dans les autres collectivités d'outre-mer. Toutefois, les prochaines élections municipales s'y dérouleront alors que s'appliquera pour la première fois dans la collectivité territoriale la réforme électorale issue de la loi n° 82-974 du 19 novembre 1982, telle qu'étendue par l'ordonnance n° 98-730 du 20 août 1998. Il convient donc, compte tenu par ailleurs du contexte socio-culturel propre à Mayotte, de prévoir que, pour les prochaines élections municipales, les listes de candidats ne devront pas comprendre plus de 66% de candidats du même sexe. Il s'agit de garantir en pratique que les listes devront comprendre au moins un tiers de femmes. Cette disposition (Article 13, I, second alinéa) revêt une portée purement transitoire, limitée aux élections municipales de mars 2001, et qui prendra fin en mars 2007. Elle est destinée à faciliter l'entrée en vigueur de cette réforme électorale par un dispositif adapté.
Ce projet de loi présente des mécanismes simples, articulés autour d'un équilibre entre mesures obligatoires et dispositions financières. Sans remettre en cause l'architecture électorale de notre pays, il contribue avec réalisme à la modernisation de la vie politique.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre de l'intérieur,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté à l'Assemblée nationale par le ministre de l'intérieur qui est chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX ELECTIONS
SE DEROULANT AU SCRUTIN DE LISTE

Article 1er

I.- Le premier alinéa de l'article L. 264 du code électoral est complété par la phrase suivante :
« Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. »
II.- Le 2° du deuxième alinéa de l'article L. 265 du même code est remplacé par les dispositions suivantes :
« 2° Les nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance de chacun des candidats. »

Article 2

L'article L. 300 du même code est ainsi modifié :
I.- Le premier alinéa est complété par la phrase suivante :
« Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. »
II.- Le deuxième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
« Outre les renseignements mentionnés à l'article L. 298, la déclaration doit indiquer le titre de la liste, l'ordre de présentation et le sexe des candidats. »

Article 3

I.- Le premier alinéa de l'article L. 346 du même code est complété par la phrase suivante :
« Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. »
II.- Le 2° du deuxième alinéa de l'article L. 347 du même code est remplacé par les dispositions suivantes :
« 2° Les nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, domicile et profession de chacun des candidats. »

Article 4

Le premier alinéa de l'article L. 370 du même code est complété par la phrase suivante :
« Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un ».

Article 5

L'article 9 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen est ainsi modifié :
I.- Le premier alinéa est complété par la phrase suivante :
« Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. »
II.- Au début du deuxième alinéa, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « La déclaration de candidature ».
III.- Le 2° du troisième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
« 2° Les nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, nationalité, domicile et profession de chacun des candidats. »

Article 6

I.- Le deuxième alinéa de l'article L. 331-2 du code électoral est complété par la phrase suivante :
« Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. »
II.- Le 2° du deuxième alinéa de l'article L. 332 du même code est remplacé par les dispositions suivantes :
« 2° Les nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance de chacun des candidats. »

Article 7

L'article 3 de la loi n° 83-27 du 19 janvier 1983 modifiant diverses dispositions relatives à l'élection des conseils municipaux dans les territoires de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française est complété par les dispositions suivantes :
« En outre, sont applicables aux communes de la Polynésie française de 3 500 habitants et plus, les articles L. 264 (1er alinéa), L. 265 et L. 267 du code électoral, sous réserve des adaptations suivantes :
« Pour l'application de l'article L. 265, il y a lieu de lire :
« 1° « services du haut-commissaire » ou « siège de la subdivision administrative », au lieu de : « préfecture » ou « sous-préfecture » ;
« 2° « conditions prévues à l'article L. 264 et au présent article », au lieu de : « conditions prévues aux articles L. 260, L. 263 et L. 264 ».

Article 8

I.- L'article 1er de la présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte.
II.- L'article 5 de la présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et à Mayotte.

Article 9

Le 1° du troisième alinéa de l'article 7 de la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 relative à la composition et à la formation de l'assemblée territoriale de la Polynésie française est remplacé par les dispositions suivantes :
« 1° Les nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance des candidats ; ».

Article 10

Le 1° du premier alinéa de l'article 13-4 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis-et-Futuna le statut de territoire d'outre-mer est remplacé par les dispositions suivantes :
« 1° Les nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance des candidats ; ».

Article 11

Le 2° du II de l'article 14 de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est remplacé par les dispositions suivantes :
« 2° Les nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, domicile et profession de chaque candidat. »

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX AIDES ATTRIBUEES AUX PARTIS ET GROUPEMENTS POLITIQUES

Article 12

L'article 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est ainsi rédigé :
« Art. 9-1.- Le montant de la première fraction des aides attribuées à un parti ou groupement politique en application des dispositions des articles 8 et 9 fait l'objet d'une diminution lorsque l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ayant, lors du plus récent renouvellement de l'Assemblée nationale, déclaré se rattacher à ce parti ou groupement politique conformément au deuxième alinéa de l'article 9 dépasse 2 % du nombre total de ces candidats. Dans ce cas, le montant préalablement calculé est diminué d'un pourcentage égal à 50 % de l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe rapporté au nombre total de ces candidats.
« Cette diminution n'est pas applicable aux partis et groupements politiques ayant présenté des candidats exclusivement outre-mer lorsque l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe qui s'y rattachent n'est pas supérieur à un.
« Les crédits issus de cette diminution reçoivent une nouvelle affectation dans la loi de finances. »

TITRE III
DISPOSITIONS TRANSITOIRES

Article 13

I.- Les dispositions des articles 1er à 11 de la présente loi entreront en vigueur lors du prochain renouvellement intervenant à échéance normale des conseils et assemblées auxquelles elles s'appliquent.
Toutefois, à Mayotte, pour le renouvellement général des conseils municipaux qui sera organisé en mars 2001 et pour les élections partielles qui interviendront avant le renouvellement général de ces assemblées en mars 2007, les listes de candidats pourront comprendre au plus 66 % de candidats du même sexe.
II.- Les dispositions de l'article 12 entreront en vigueur lors du prochain renouvellement de l'Assemblée nationale.

Fait à Paris, le 8 décembre 1999.

Signé : LIONEL JOSPIN

Par le Premier ministre :

Le ministre de l'intérieur,
Signé : JEAN-PIERRE CHEVÈNEMENT

N°2012. - PROJET DE LOI présenté par M. le ministre de l'intérieur tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives (renvoyé à la commission des lois)


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