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mis en distribution
le 16 mars 2001

N° 2938

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 mars 2001.

PROJET DE LOI

relatif à la sécurité quotidienne,

(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

AU NOM DE M. LIONEL JOSPIN,
Premier ministre,

PAR M. DANIEL VAILLANT,
ministre de l'intérieur.

Ordre public.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le Conseil de sécurité intérieure du 30 janvier 2001 a décidé, conformément à la priorité accordée depuis le colloque de Villepinte de 1997 à la sécurité, de prendre des mesures efficaces pour renforcer la sécurité quotidienne de chacun.
Le présent projet de loi s'attache, en premier lieu, à renforcer sensiblement les moyens de lutte contre la croissance du nombre d'armes à feu, facteur d'insécurité. Il soumet ainsi l'ouverture des magasins de commerce de détail d'armes à une autorisation administrative préalable. Il interdit également, en cette matière, la vente dans d'autres lieux que les magasins régulièrement autorisés et fixe les règles de sécurité pour la conservation des armes à feu par les personnes qui détiennent des armes, qu'il s'agisse de professionnels ou de particuliers. Tel est l'objet du chapitre Ier du présent projet de loi.
Le projet de loi renforce, en second lieu, les prérogatives de police judiciaire de la police nationale. Il attribue la qualité d'agent de police judiciaire de l'article 20 du code de procédure pénale aux gardiens de la paix, dès leur titularisation, et celle d'agent de police judiciaire adjoint de l'article 21 du même code aux adjoints de sécurité de la police nationale. Cette qualité est déjà reconnue aux volontaires servant en qualité de gendarmes adjoints dans la gendarmerie. Dans un souci de sécurité quotidienne, le projet de loi donne en outre à ces gendarmes adjoints et aux adjoints de sécurité le pouvoir de relever par procès-verbal certaines contraventions au code de la route. Tel est l'objet du chapitre II.
Le dispositif législatif relatif aux moyens de paiement est complété, sur le plan préventif, afin d'améliorer la sécurité des cartes de paiement et, sur le plan répressif, afin de contrecarrer la fraude, notamment informatique, sur les cartes de paiement, dont les dernières statistiques connues de la délinquance montrent le rapide accroissement. A cet égard, le texte définit une nouvelle infraction pénale, consistant à incriminer le fait de fabriquer, d'acquérir, de détenir, ou de mettre à disposition des équipements, instruments, programmes ou données conçus ou spécialement adaptés pour falsifier ou contrefaire les cartes bancaires. C'est l'objet du chapitre III.
Outre les dispositions précédentes, le projet de loi contient deux dispositions particulières permettant, d'une part, d'euthanasier un animal présentant un danger grave et imminent pour les personnes et, d'autre part, de vérifier les titres de circulation transfrontalière des personnes empruntant les trains internationaux à destination du Royaume-Uni.
Le chapitre Ier du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne modifie partiellement le décret-loi du 18 avril 1939 qui fixe le régime des matériels de guerre, armes et munitions, afin d'améliorer la sécurité publique par des mesures touchant essentiellement au commerce des armes.
L'article 1er du projet de loi qui, dans un souci de meilleure lisibilité, réécrit intégralement l'article 2 du décret-loi du 18 avril 1939, soumet à autorisation préfectorale l'ouverture des magasins destinés au commerce de détail des armes et des munitions, à l'exception de celles relevant de la huitième catégorie (armes historiques et de collection). Tel est l'objet du III de l'article 2 nouveau, résultant de l'article 1er du projet de loi.
Toute personne désirant ouvrir un magasin de ce type devra solliciter l'autorisation du préfet, en précisant notamment les mesures prises pour assurer la protection des locaux contre le risque de vol ou d'intrusion. Le préfet appréciera la suite à donner à cette demande, au vu de ces éléments et de la localisation du magasin.
S'il apparaît que l'exploitation du magasin, notamment du fait de sa localisation, présente un risque particulier pour l'ordre ou la sécurité publics, le préfet pourra refuser l'autorisation d'ouverture.
Conformément aux règles classiques du droit administratif, le préfet pourra retirer une autorisation antérieurement délivrée, et donc fermer un magasin, en cas de risques particuliers pour l'ordre ou la sécurité publics.
De même, le projet de loi prévoit que le préfet peut prononcer la fermeture de magasins déjà installés à la date de la publication de ce texte, magasins qui n'ont pas à solliciter d'autorisation d'ouverture, s'il apparaît que leur exploitation a été cause de troubles répétés à l'ordre ou à la sécurité publics. La même mesure pourra être prise, après mise en demeure restée sans effet, s'il apparaît que la protection contre le vol ou l'intrusion des locaux existants est insuffisante.
L'article 2 du projet de loi prévoit que le commerce de matériels de guerre, d'armes et de munitions des sept premières catégories ne peut être effectué que dans les locaux légalement établis selon les modalités prévues à l'article 2 modifié du décret-loi du 18 avril 1939.
Cette disposition, qui ne s'applique pas aux ventes effectuées par les services du domaine et aux ventes aux enchères publiques, a pour objet de confier aux seuls armuriers le commerce des matériels de guerre, armes et munitions et d'interdire les ventes en dehors des magasins autorisés.
Toutes les transactions portant sur des armes respecteront ainsi les conditions légales, l'armurier devant s'assurer que l'acquéreur a l'âge requis et qu'il est titulaire des titres exigés par la réglementation en vigueur, ce qui est actuellement très difficile à vérifier, notamment lors de ventes par correspondance.
Cette disposition concerne tous les matériels, armes et munitions des catégories précitées, qu'ils soient neufs ou d'occasion. Elle oblige par conséquent les particuliers qui souhaitent vendre leurs armes à le faire par l'intermédiaire des armuriers, ou par dépôt préalable à une vente aux enchères, ceci afin de s'assurer de la validité de la transaction.
L'obligation de vendre dans les établissements autorisés implique qu'il ne pourra plus y avoir de vente d'armes autres qu'historiques ou de collection dans les ventes au déballage, ce qui mettra fin aux ventes illégales d'armes et de munitions, fréquentes dans ces manifestations, appelées « bourses aux armes ».
Toutefois, un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions dans lesquelles les armuriers pourront participer aux foires et salons professionnels autorisés en application de l'ordonnance n° 45-2088 du 11 septembre 1945.
Enfin, cette disposition interdit le commerce de détail et les ventes directes de particulier à particulier, par correspondance, notamment sur catalogue, ou à distance, c'est à dire sans présence simultanée du vendeur et de l'acquéreur, des matériels, armes et munitions des catégories précitées. La notion de vente à distance comprend notamment les ventes sur support électronique (internet). Cette disposition est nécessaire compte tenu de la difficulté pour le vendeur de vérifier que l'acquéreur respecte les conditions légales.
L'article 3 du projet de loi prévoit que toute personne détenant des armes et des munitions des 1ère, 4ème, 5ème, 6ème et 7ème catégories doit prendre des mesures permettant de garantir la sécurité de leur conservation. Il convient de rappeler à cet égard que les armes à feu sont cause, en moyenne, de dix décès par jour.
Si des règles de conservation et d'entreposage s'imposent déjà aux armuriers et aux particuliers détenant des armes de 1ère ou de 4ème catégorie, il convient de les étendre à tous les détenteurs d'armes, quelle que soit la catégorie de ces armes. Tout détenteur d'armes et de munitions sera concerné, ce qui le responsabilisera et évitera ainsi vols, accidents et suicides par arme.
Touchant au droit de propriété, et concernant, notamment, des armes non réglementées, une telle mesure relève du domaine législatif, et c'est sur la base d'un mandat du législateur qu'un décret précisera la portée des mesures de sécurité à respecter.
L'article 4 fixe les sanctions pénales en cas de non-respect des dispositions prévues par les dispositions qui précèdent, touchant aux conditions de vente des armes. Aucune sanction spécifique n'est en revanche prévue pour le non-respect des obligations relatives à la conservation des armes. Le non-respect de l'article 15-1 nouveau du décret-loi du 18 avril 1939, notamment en cas de blessures causées avec une arme non sécurisée dans les conditions légales, pourra toutefois impliquer, non seulement une responsabilité civile, mais également une responsabilité pénale, pour mise en danger d'autrui.
Par ailleurs, il a paru nécessaire de constituer en délit le fait de céder ou de vendre illégalement à un mineur de dix-huit ans des armes et des munitions. Cette infraction n'est actuellement qu'une simple contravention.
L'article 5 du projet de loi est un article de coordination, à droit constant, des autres dispositions du décret-loi du 18 avril 1939 avec l'article 2 nouveau, compte tenu de sa réécriture.
Le chapitre II a principalement pour objet de renforcer les prérogatives judiciaires de la police nationale.
Le I de l'article 6 donne aux gardiens de la paix la qualité d'agent de police judiciaire de l'article 20 du code de procédure pénale dès leur titularisation. Une telle mesure facilitera la mise en _uvre de la police de proximité et celle de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, qui exigent davantage de fonctionnaires actifs de la police nationale ayant une qualification de police judiciaire.
Elle rendra en outre plus aisé le traitement des infractions les plus courantes, qui constituent l'essentiel de la petite et moyenne délinquance.
Le II de l'article 6 donne aux adjoints de sécurité la qualité d'agent de police judiciaire de l'article 21 du code de procédure pénale, déjà reconnue aux volontaires servant en qualité de gendarme adjoint dans la gendarmerie par la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national. Les adjoints de sécurité seront désormais agents de police judiciaire (APJA), comme le sont depuis longtemps déjà, les agents de police municipale. Ils disposeront désormais de prérogatives de police judiciaire, sous le contrôle et la responsabilité des officiers et autres agents de police judiciaire. Cette disposition permettra ainsi aux adjoints de sécurité, dont la participation à la police de proximité est déterminante, de contribuer efficacement à la lutte contre l'insécurité.
En ajoutant un alinéa à l'article 21 du code de procédure pénale, il donne par ailleurs compétence aux agents de police judiciaire adjoints que sont les adjoints de sécurité et les gendarmes adjoints, pour constater par procès-verbal certaines contraventions au code de la route dont la liste sera fixée par décret en Conseil d'Etat. En effet la seule qualité d'APJA ne permet pas de constater par procès-verbal les contraventions au code de la route. Depuis la loi n° 99-291 du 15 avril 1999 relative aux polices municipales, les agents de police municipale ont un tel pouvoir.
Si la loi ne le prévoyait pas, les pouvoirs de ces agents se limiteraient à la police du stationnement. Les adjoints de sécurité et les gendarmes adjoints contribueront donc à la lutte contre l'insécurité routière.
Dans un souci d'efficacité, le III de l'article 6 permet aux adjoints de sécurité et aux gendarmes adjoints de relever l'identité des contrevenants, afin de dresser les procès-verbaux des infractions qu'ils ont désormais le droit de constater, comme l'a prévu la loi du 15 avril 1999 précitée pour les agents de police municipale. La formation initiale des adjoints de sécurité et la formation continue pour ceux déjà en poste seront organisées en conséquence.
Le IV de l'article 6 est relatif au contrôle d'alcoolémie. Il oblige l'adjoint de sécurité ou le gendarme adjoint, constatant le résultat positif d'un alcootest, à en rendre compte à l'officier de police judiciaire.
Ces dispositions constituent un ensemble cohérent, répondant à la nécessité du traitement en temps réel des infractions les plus courantes que connaît au quotidien la police nationale.

Le chapitre III comporte des dispositions modifiant le code monétaire et financier et relatives à la lutte contre la contrefaçon des moyens de paiement autres que les espèces. Il s'ordonne autour de deux orientations, l'une préventive et l'autre répressive.
Deux articles prévoient des mesures de prévention.
L'article 7 permet de s'opposer au paiement par carte bancaire en cas d'utilisation frauduleuse de la carte, ce qui s'ajoute donc aux cas d'opposition légalement prévus aujourd'hui.
L'article 8 améliore la sécurité des moyens de paiement autres que les espèces en confiant à la Banque de France le soin d'apprécier la sécurité des instruments de paiement et la pertinence des normes applicables en la matière. En particulier, la Banque de France, si elle estime insuffisante la sécurité de l'un de ces instruments, pourra recommander à son émetteur de prendre les mesures à même d'y remédier. Si cette recommandation n'est pas suivie d'effet, la Banque de France pourra formuler un avis négatif qu'elle rendra éventuellement public.
Sur le plan répressif, deux types de textes régissent actuellement les fraudes aux cartes de paiement :
- le code pénal, par des infractions de droit commun telles que l'escroquerie et les atteintes à des systèmes de traitement automatisés de données ;
- le code monétaire et financier qui vise spécifiquement les actes de contrefaçon et de falsification (notamment les articles L. 163-3 et L. 163-4).
Face aux nouvelles formes de fraudes, ces textes apparaissent inadaptés. En effet, nombre d'actes univoques concourant à la réalisation de la fraude ne peuvent être réprimés, sauf s'ils sont directement reliés à une infraction constatée.
Il convient de citer, à titre d'exemple, la fabrication, la détention, la mise à disposition de fausses façades de distributeurs automatiques de billets ou d'automates, la récupération et la vente de numéros de cartes bancaires, qui ne peuvent être incriminées que si elles sont directement rattachées à une fraude avérée.
De même il convient de réprimer la libre circulation sur « Internet » de logiciels de création de numéros de cartes bancaires, de décryptage de données sécurisées, ainsi que le piratage de fichiers de cartes de sociétés.
En conséquence, le présent chapitre crée des infractions visant à appréhender l'ensemble des situations évoquées ci-dessus.

L'article 9 constitue la principale innovation en la matière. Il crée un article L. 163-4-1 du code monétaire et financier, qui incrimine le fait « de fabriquer, d'acquérir, de détenir, de céder, d'offrir ou de mettre à disposition des équipements, instruments, programmes informatiques ou données conçus ou spécialement adaptés pour commettre les infractions prévues au 1° de l'article L. 163-3 et au 1° de l'article L. 163-4 » (qui prévoient l'incrimination des actes de contrefaçon et de falsification).
Ainsi sera-t-il possible de poursuivre des faits qui, en tant que tels, ne sont actuellement pas toujours répréhensibles comme actes préparatoires à une contrefaçon ou à une falsification d'un moyen de paiement autre que les espèces. Ces faits ne constitueront une infraction que dans la mesure où ils traduisent en eux-mêmes une volonté délictuelle. En effet les équipements, programmes ou données doivent avoir été conçus ou spécialement adaptés pour commettre ces infractions.
Conformément aux dispositions de l'article 121-4 du code pénal, l'article 9 précise également que la tentative du délit de l'article L. 163-4-1 du code monétaire et financier est punissable. Il l'étend par ailleurs aux falsifications et contrefaçons des moyens de paiement autres que les espèces.
Les articles 10 et 11 complètent les dispositions relatives à la confiscation et à la destruction des matériels, en y ajoutant les matériels mentionnés à l'article L. 163-4-1 du code monétaire et financier, et celles portant sur les peines complémentaires applicables aux personnes physiques (privation pour cinq ans des droits civiques, civils et de famille).
L'article 12 instaure la responsabilité pénale des personnes morales pour de telles infractions.
Le chapitre IV regroupe des dispositions diverses, complémentaires de celles qui figurent dans les trois premiers chapitres du projet de loi.
L'article 13 vise à améliorer la sécurité quotidienne en apportant une modification à un article du code rural relatif aux animaux dangereux et errants. L'article L. 211-11 de ce code sera modifié pour permettre, en cas de danger grave et immédiat, au maire, ou à défaut, au préfet de prendre les mesures de police administrative qui répondent à l'urgence de la situation. Il s'agit ainsi d'autoriser un régime de placement immédiat de l'animal et une mesure d'euthanasie sans délai. Ces dispositions s'inspirent évidemment du dispositif prévu à l'article L. 211-11. Elles en renforcent l'efficacité en prévoyant une accélération et une simplification de la procédure en cas d'urgence.
L'article 14 du projet de loi est relatif à la sécurité de la liaison ferroviaire transmanche.
Il permet de soumettre à des contrôles les passagers, quelle que soit leur gare de destination, qui empruntent la liaison ferroviaire entre la France et le Royaume-Uni.
Un protocole relatif aux contrôles frontaliers et à la police, à la coopération judiciaire en matière pénale, à la sécurité civile et à l'assistance mutuelle a été signé à Sangatte le 25 novembre 1991 et ratifié par la loi du 21 avril 1993. Ce texte prévoit la création de bureaux de contrôles nationaux juxtaposés aux abords du lien fixe, en France et au Royaume-Uni, ainsi que la possibilité d'effectuer des contrôles à bord des trains.
Désormais, des contrôles pourront être effectués dans les gares sur le territoire de l'Etat de départ, par des agents de l'Etat de destination. C'est l'objet du protocole additionnel au Protocole de Sangatte, relatif à la création de bureaux chargés du contrôle des personnes empruntant la liaison ferroviaire entre la France et le Royaume-Uni, signé à Bruxelles le 30 mai 2000 et dont la loi autorisant la ratification a été présentée au Conseil des ministres du 7 février 2001.
La disposition prise donne sa pleine efficacité au protocole additionnel en obligeant les passagers des trains reliant la France et le Royaume-Uni à se soumettre au double contrôle des autorités de l'Etat de départ et de celles de l'Etat de destination, quelle que soit leur destination.
La date d'entrée en vigueur des dispositions du chapitre Ier est traitée dans l'article 15.
L'article 16 concerne l'applicabilité outre-mer des dispositions du présent projet de loi. Seuls le chapitre II et, pour partie, le chapitre III y sont applicables. En revanche, le décret-loi du 18 avril 1939 relatif au régime des matériels de guerre et armes, modifié par le chapitre Ier, et la disposition du code rural modifiée par l'article 13 du projet de loi, ne sont pas applicables dans ces territoires.
Tel est l'objet du présent projet de loi qui contribuera à améliorer de façon significative la sécurité quotidienne de nos concitoyens.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre de l'intérieur,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi relatif à la sécurité quotidienne, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté à l'Assemblée nationale par le ministre de l'intérieur qui est chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

CHAPITRE IER
Dispositions modifiant le décret du 18 avril 1939 fixant le régime
des matériels de guerre, armes et munitions

Article 1er

L'article 2 du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 2.- I.- Les entreprises de fabrication ou de commerce de matériels de guerre et d'armes et munitions de défense des 1ère, 2ème, 3ème, 4ème catégories ne peuvent fonctionner et l'activité de leurs intermédiaires ou agents de publicité ne peut s'exercer qu'après autorisation de l'Etat et sous son contrôle.
« II.- Toute personne qui se propose de créer ou d'utiliser un établissement pour se livrer à la fabrication ou au commerce autre que de détail, des matériels de guerre, armes, munitions ou de leurs éléments des 1ère, 2ème, 3ème, 4ème, 5ème, ou 7ème catégories, ainsi que des armes de 6ème catégorie énumérées par décret en Conseil d'Etat, est tenue d'en faire au préalable la déclaration au préfet du département où est situé l'établissement.
« La cessation de l'activité ainsi que la fermeture ou le transfert de l'établissement doivent être déclarés dans les mêmes conditions.
« III.- L'ouverture de tout local destiné au commerce de détail des matériels visés au premier alinéa du II est soumise à autorisation. Celle-ci est délivrée par le préfet du département où est situé ce local.
« Cette autorisation est refusée si la protection de ce local contre le risque de vol ou d'intrusion est insuffisante. Elle peut, en outre, être refusée s'il apparaît que l'exploitation de ce local présente, notamment du fait de sa localisation, un risque particulier pour l'ordre ou la sécurité publics.
« IV.- Un établissement ayant fait l'objet d'une déclaration avant la date d'entrée en vigueur de la loi n°  du relative à la sécurité quotidienne n'est pas soumis à l'autorisation mentionnée au premier alinéa du III. Il peut être fermé par arrêté du préfet du département où il est situé, s'il apparaît que son exploitation a été à l'origine de troubles répétés à l'ordre et à la sécurité publics ou que sa protection contre le risque de vol ou d'intrusion est insuffisante : dans ce dernier cas, la fermeture ne peut être décidée qu'après une mise en demeure, adressée à l'exploitant, de faire effectuer les travaux permettant d'assurer une protection suffisante de cet établissement contre le risque de vol ou d'intrusion.
« V.- Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article. »

Article 2

Après l'article 2 du décret du 18 avril 1939 précité, il est ajouté un article 2-1 ainsi rédigé :
« Art. 2-1.- Le commerce de détail des matériels de guerre, armes, munitions ou de leurs éléments des 1ère, 2ème, 3ème, 4ème, 5ème, ou 7ème catégories, ainsi que des armes de 6ème catégorie énumérées par décret en Conseil d'Etat ne peut se faire que dans les locaux mentionnés aux III et IV de l'article 2.
« Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables aux ventes organisées en application du code du domaine de l'Etat et aux ventes aux enchères publiques.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles, à titre exceptionnel, les personnes satisfaisant aux prescriptions de l'article 2 peuvent participer aux foires et salons autorisés en application de l'ordonnance n° 45-2088 du 11 septembre 1945 relative aux foires et salons.
« Le commerce de détail par correspondance ou à distance, ainsi que la vente directe entre particuliers, des matériels, armes, munitions ou de leurs éléments mentionnés à l'alinéa premier, sont interdits. »

Article 3

Après l'article 15 du décret du 18 avril 1939 précité, il est ajouté un article 15-1 ainsi rédigé :
« Art. 15-1.- La conservation par toute personne des armes, des munitions et de leurs éléments des 1ère, 4ème, 5ème, 7ème catégories, ainsi que des armes de 6ème catégorie énumérées par décret en Conseil d'Etat, est assurée selon des modalités qui en garantissent la sécurité.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. »

Article 4

L'article 25 du décret du 18 avril 1939 précité est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 25.- I.- Sera passible des mêmes peines :
« - quiconque aura contrevenu aux prescriptions des II et III de l'article 2, des articles 6 et 7, du premier alinéa de l'article 8 et des articles 12 et 21 du présent décret ;
« - quiconque aura vendu des matériels de guerre, des armes, des munitions ou leurs éléments en méconnaissance des dispositions de l'article 2-1 ;
« - quiconque aura cédé ou vendu des matériels de guerre, des armes, des munitions ou leurs éléments à un mineur de dix-huit ans, hors les cas où cette vente est autorisée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
« II.- Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, de ces infractions.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« - 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;
« - 2° Les peines mentionnées aux 2°, 4°, 5°, 8° et 9° de l'article 131-39 du code pénal. »

Article 5

I.- Au premier alinéa de l'article 5, au premier alinéa de l'article 6, à l'article 7, au premier alinéa de l'article 8, au premier alinéa de l'article 23, au premier alinéa de l'article 24 et au premier alinéa de l'article 28 du décret du 18 avril 1939 précité, les références à « l'article 2, alinéa 3 » ou à « l'article 2 (alinéa 3) » ou au « troisième alinéa de l'article 2 » sont remplacées par une référence au « I de l'article 2. »
II.- Le premier alinéa de l'article 21 du même décret est remplacé par les dispositions suivantes :
« Seules les personnes satisfaisant aux prescriptions de l'article 2 peuvent se porter acquéreur dans les ventes publiques des matériels de guerre, armes et munitions et de leurs éléments des 1ère, 2ème, 3ème, 4ème catégories ainsi que des armes de 6ème catégorie énumérées par décret en Conseil d'Etat. »
III.- Au dernier alinéa de l'article 36 du même décret, les mots : « les articles 2 (alinéas 2 et 3) » sont remplacés par les mots : « les articles 2 (I et alinéa 2 du II) ».

CHAPITRE II
Dispositions modifiant le code de procédure pénale
et le code de la route

Article 6

I.- Au 3° de l'article 20 du code de procédure pénale, les mots : « Les fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application de la police nationale qui comptent au moins deux ans de services en qualité de titulaire » sont remplacés par les mots : « Les fonctionnaires titulaires du corps de maîtrise et d'application de la police nationale n'ayant pas la qualité d'officier de police judiciaire ».
II.- L'article 21 du même code est modifié ainsi qu'il suit :
- après le 1° bis, il est ajouté un 1° ter ainsi rédigé :
« 1° ter.- Les adjoints de sécurité mentionnés à l'article 36 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité ».
- Il est ajouté un dernier alinéa ainsi rédigé :
« De constater par procès-verbal les contraventions aux dispositions du code de la route dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. »
III.- L'article 78-6 du même code est modifié ainsi qu'il suit :
- au premier alinéa, les mots : « les agents de police mentionnés au 2° de l'article 21 » sont remplacés par les mots : « les agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1° bis, 1° ter et 2° de l'article 21 » ;
- au deuxième alinéa, les mots : « l'agent de police municipale » sont remplacés par les mots : « l'agent de police judiciaire adjoint mentionné au premier alinéa ».
IV.- Les mots : « mentionné au 2° de l'article 21 » sont remplacés par les mots : « mentionné aux 1° bis, 1° ter ou 2° de l'article 21 » :
- dans la deuxième phrase du troisième alinéa de l'article L. 1er du code de la route jusqu'à la date fixée par l'article 7 de l'ordonnance n° 2000-930 du 22 septembre 2000 relative à la partie législative du code de la route ;
- dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 234-4 du code de la route à compter de cette même date.

CHAPITRE III
Dispositions modifiant le code monétaire et financier

Article 7

Le second alinéa de l'article L. 132-2 du code monétaire et financier est remplacé par un alinéa ainsi rédigé :
« Il ne peut être fait opposition au paiement qu'en cas de perte, de vol ou d'utilisation frauduleuse de la carte, de redressement ou de liquidation judiciaires du bénéficiaire. »

Article 8

A l'article L. 141-4 du code monétaire et financier, il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :
« La Banque de France s'assure de la sécurité des moyens de paiement tels que définis à l'article L. 311-3, autres que la monnaie fiduciaire, et de la pertinence des normes applicables en la matière. Si elle estime qu'un de ces moyens de paiement présente des garanties de sécurité insuffisantes, elle peut recommander à son émetteur de prendre toutes mesures destinées à y remédier. Si ces recommandations n'ont pas été suivies d'effet, elle peut décider de formuler un avis négatif et de le rendre public.
« Pour l'exercice de ces missions, la Banque de France procède aux expertises et se fait communiquer les informations utiles. »

Article 9

Après l'article L. 163-4 du code monétaire et financier, sont insérés deux articles L. 163-4-1 et L. 163-4-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 163-4-1.- Est puni de sept ans d'emprisonnement et de 750 000 € d'amende, le fait pour toute personne, de fabriquer, d'acquérir, de détenir, de céder, d'offrir ou de mettre à disposition des équipements, instruments, programmes informatiques ou toutes données conçus ou spécialement adaptés pour commettre les infractions prévues au 1° de l'article L. 163-3 et au 1° de l'article L. 163-4.
« Art. L. 163-4-2.- La tentative des délits prévus au 1° de l'article L. 163-3, au 1° de l'article L. 163-4 et à l'article L. 163-4-1 est punie des mêmes peines. »

Article 10

L'article L. 163-5 du code monétaire et financier est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 163-5.- La confiscation, aux fins de destruction, des chèques et cartes de paiement ou de retrait contrefaits ou falsifiés est obligatoire dans les cas prévus aux articles L. 163-3 à L. 163-4-1. Est également obligatoire la confiscation des matières, machines, appareils, instruments, programmes informatiques ou de toutes données qui ont servi ou étaient destinés à servir à la fabrication desdits objets, sauf lorsqu'ils ont été utilisés à l'insu du propriétaire. »

Article 11

Le premier alinéa de l'article L. 163-6 du code monétaire et financier est remplacé par les dispositions suivantes :
« Dans tous les cas prévus aux articles L. 163-2 à L. 163-4-1 et L. 163-7, le tribunal peut prononcer l'interdiction des droits civiques, civils et de famille prévue par l'article 131-26 du code pénal. »

Article 12

Après l'article L. 163-10 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 163-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 163-10-1.- Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal des infractions définies aux articles L. 163-2 à L. 163-4-1, L. 163-7 et L. 163-10.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;
« 2° Les peines mentionnées à l'article 131-39 du code pénal.
« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 du code pénal porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

CHAPITRE IV
Autres dispositions

Article 13

L'article L. 211-11 du code rural est modifié comme suit :
I.- Le premier alinéa est précédé d'un « I ».
II.- Le quatrième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
« Le propriétaire ou le gardien de l'animal est invité à présenter ses observations avant la mise en _uvre des dispositions du deuxième alinéa du présent article. »
III.- Après le quatrième alinéa, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« II.- En cas de danger grave et immédiat pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire ou à défaut le préfet peut, sans formalités préalables, ordonner, par arrêté, que l'animal soit placé dans un lieu de dépôt adapté à l'accueil et à la garde de celui-ci. Il peut faire procéder sans délai à l'euthanasie de l'animal après avis d'un vétérinaire mandaté par la direction des services vétérinaires. Cet avis doit être donné au plus tard quarante-huit heures après le placement. Faute d'être émis dans ce délai, l'avis est réputé favorable. »

Article 14

A compter de la date d'entrée en vigueur du protocole additionnel au protocole signé le 25 novembre 1991 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif à la création de bureaux chargés du contrôle des personnes empruntant la liaison ferroviaire reliant la France et le Royaume-Uni, les passagers empruntant les trains à destination du Royaume-Uni peuvent être soumis aux contrôles prévus par ce protocole, quelle que soit leur gare de destination. Ils en sont informés lors de l'acquisition de leur titre de transport.

Article 15

Les dispositions du III de l'article 2 et celles de l'article 15-1 du décret du 18 avril 1939 précité, dans leur rédaction résultant respectivement des articles 1er et 3 de la présente loi, entreront en vigueur deux mois après la publication des décrets mentionnés à ces articles et au plus tard le 1er janvier 2002.

Article 16

I.- Sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et à Mayotte, les dispositions des chapitres II et III, à l'exception des dispositions de l'article 8 qui ne sont applicables qu'à Mayotte.
II.- A l'article L. 712-5 du code monétaire et financier, il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :
« L'institut d'émission d'outre-mer s'assure, en liaison avec la Banque de France, de la sécurité des moyens de paiement tels que définis à l'article L. 311-3, autres que la monnaie fiduciaire, et de la pertinence des normes applicables en la matière. S'il estime qu'un de ces moyens de paiement présente des garanties de sécurité insuffisantes, il peut recommander à son émetteur de prendre toutes mesures destinées à y remédier. Si ces recommandations n'ont pas été suivies d'effet, il peut décider de formuler un avis négatif et de le rendre public.
« Pour l'exercice des ces missions, l'institut d'émission d'outre-mer procède aux expertises et se fait communiquer les informations utiles ».
Fait à Paris, le 14 mars 2001.

Signé : LIONEL JOSPIN

Par le Premier ministre :
Le ministre de l'intérieur,
Signé : DANIEL VAILLANT.

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N° 2938.- Projet de loi relatif à la sécurité quotidienne (renvoyé à la commission des lois).


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