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mis en distribution
le 26 mars 2001

N° 2939

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 mars 2001.

PROJET DE LOI

relatif aux musées de France,

(Renvoyé à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution
d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

AU NOM DE M. LIONEL JOSPIN,
Premier ministre,

PAR MME CATHERINE TASCA,
ministre de la culture et de la communication.

Patrimoine culturel.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les musées connaissent un succès grandissant auprès du public et occupent aujourd'hui une place sans précédent au sein de la société française.
Au cours des vingt dernières années, l'institution muséale s'est profondément renouvelée, au point de devenir un des vecteurs majeurs de diffusion de la culture dans ce pays.
En témoigne la progression sensible du « taux de pénétration »1 qui ressort de la dernière enquête sur les pratiques culturelles des Français : ce taux de 33 %, en hausse de 3 % par rapport à 1989 et de 6 % par rapport à 1981, place aujourd'hui les musées en tête de toutes les institutions culturelles pour ce qui est de la fréquentation. Encore ce chiffre ne tient-il compte ni des publics de moins de quinze ans (estimés à 9 millions par an) ni des étrangers (estimés à 22 millions par an).
On ne peut que constater, parallèlement, l'effort accru des collectivités publiques en faveur de leurs musées et l'attente croissante que formulent les élus à l'égard de cette institution, aussi bien en termes strictement culturels qu'en termes de contribution à l'aménagement du territoire, à l'essor du tourisme culturel, à la réduction des inégalités culturelles et à l'intégration sociale.
Si tous les décideurs sont aujourd'hui conscients des enjeux culturels, scientifiques, économiques et sociaux liés aux musées, cette prise de conscience ne s'est pas encore traduite dans les textes juridiques. L'ordonnance n° 45-1546 du 13 juillet 1945 portant organisation provisoire des musées des Beaux-Arts, principal texte applicable en ce domaine, ne concerne en effet que les musées des Beaux-Arts (dont elle a fixé l'organisation « provisoire ») et s'est progressivement vidée de sa substance au fil du temps.
Aussi l'élaboration d'une nouvelle loi sur les musées a-t-elle été mise à l'étude par le ministère de la culture depuis de nombreuses années.
Le Parlement a également mené à bien des réflexions sur les musées. En particulier, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale a créé, en décembre 1998, une mission d'information, présidée par M. Alfred Recours, dont les conclusions sont venues utilement rappeler la nécessité de moderniser le droit des musées dans notre pays.
Tel est le contexte dans lequel s'inscrit le présent projet de loi, qui poursuit trois objectifs essentiels :
- placer, de manière aussi claire et concrète que possible, la relation avec le public au c_ur de la vocation du musée ;
- poser les bases d'une coopération, à la fois plus étroite et plus équilibrée, entre l'Etat et les personnes morales responsables des musées, qu'il s'agisse des collectivités territoriales, dont les compétences culturelles sont aujourd'hui reconnues, ou des personnes morales de droit privé, dont il importe de souligner la spécificité et le dynamisme ;
- consolider et préciser le régime de protection applicable aux collections des musées, qui constituent, parallèlement au patrimoine classé au titre des monuments historiques, un pan essentiel de notre patrimoine.
1.- Placer le public au c_ur de la vocation du musée
Si le musée a pour mission de conserver et d'enrichir des collections, il faut rappeler qu'il ne s'agit pas d'une finalité en soi. Ce n'est que dans la mise en relation des collections avec le public qu'un musée trouve véritablement son sens.
Le présent projet de loi tente de dégager les différentes conséquences de ce principe fondamental à travers une définition précise des différentes missions du musée, notamment en termes d'exposition des collections, de muséographie et de diffusion. Cette définition est complétée par l'énoncé de règles nouvelles et concrètes :
- l'obligation de mettre en place une politique tarifaire reflétant l'objectif de démocratisation de l'accès à la culture ; pour les musées appartenant à l'Etat, cette obligation se traduit notamment par l'entrée gratuite des moins de dix-huit ans ;
- la mise en place d'une appellation « musée de France » permettant au public d'identifier aisément les institutions dont les collections présentent un intérêt public.
2.- Etablir de nouvelles relations entre l'Etat, les collectivités territoriales et les personnes privées propriétaires de musées
Les objectifs visés par le projet de loi sont de :
a) Délimiter le champ du contrôle technique de l'Etat, dont les textes (l'ordonnance du 13 juillet 1945 précitée puis, en ce qui concerne les collections territoriales, la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat) ont jusqu'ici posé le principe sans en préciser l'étendue.
A cet égard, le projet innove en limitant le contrôle de l'Etat aux seuls musées de France et en précisant que cette appellation est accordée à la demande de la personne propriétaire des collections.
b) Rééquilibrer les rapports entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Le projet prévoit que l'Etat doit exercer un rôle de conseil, d'expertise et de soutien à l'égard de tous les musées de France.
Il précise les fonctions sur lesquelles porte plus spécifiquement le contrôle scientifique technique de l'Etat.
Il prévoit par ailleurs une mesure de décentralisation consistant à transférer aux collectivités territoriales la propriété de l'essentiel des dépôts anciens, devenus de facto partie intégrante des collections locales. Cette mesure aura pour effet de simplifier fortement la gestion des collections concernées. Elle entraîne logiquement la suppression de la catégorie des musées classés, qui se justifiait essentiellement par l'importance des dépôts de l'Etat.
c) Fédérer les différentes familles composant l'ensemble des musées de France, au-delà de leurs différences statutaires ou thématiques, par :
- la création d'un conseil des musées de France, organe représentatif au niveau national de la variété des musées, chargé de veiller à la cohérence globale de la politique en ce domaine, notamment par le biais de la procédure d'attribution de l'appellation de musée de France ;
- la définition de règles et d'une déontologie communes ;
- le développement de la coopération entre les différents acteurs et la constitution de réseaux ; la possibilité de cessions de collections entre musées de France participe de cette volonté de rechercher une articulation optimale entre les différents acteurs ;
- le développement de la recherche scientifique dans le cadre d'une coopération durable entre musées, établissements publics d'enseignement supérieur et organismes de recherche, le musée ayant pour vocation d'être un lieu privilégié de rencontre entre la culture, l'éducation et la recherche scientifique.
3.- Consolider le régime de protection applicable aux collections des musées
Outre la mise en _uvre du contrôle scientifique et technique de l'Etat, les principales mesures concernant le régime des collections sont :
- la définition d'un régime d'inaliénabilité propre aux musées publics, comportant des possibilités de cessions à titre gratuit à l'intérieur de cette famille de musées publics sous le contrôle de l'Etat et du conseil des musées de France ;
- l'organisation d'un système d'autorisation préalable, après avis du conseil des musées de France, pour les cessions de biens compris dans les collections des musées de France de droit privé, ces biens ne pouvant être cédés qu'entre musées de France ;
- l'introduction dans notre droit d'une règle d'imprescriptibilité et d'insaisissabilité pour les collections des musées de France appartenant à une personne morale de droit privé.

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S'il est du niveau de la loi de définir les principes essentiels d'un droit des musées modernisé, il reviendra au pouvoir réglementaire de préciser la plupart de ces dispositions.
Mais, au-delà du cadre législatif et réglementaire, il importe de souligner que c'est la mise en _uvre de relations contractuelles entre l'Etat et les différents partenaires qui permettra, dans l'esprit du Gouvernement, de faire vivre ce texte de manière aussi dynamique que possible. Les musées de France pourront notamment constituer des réseaux de coopération et passer des conventions avec de nombreuses institutions, dont les établissements publics de recherche et d'enseignement supérieur, pour l'accomplissement de leurs missions.
Au total, il est légitime d'estimer que si la qualité de musée de France implique des responsabilités particulières à l'égard des collections et du public, elle s'accompagne aussi d'un certain nombre d'avantages qui équilibrent ce premier aspect : possibilité de revendiquer un label, signe d'exigence et de qualité ; vocation à bénéficier du conseil, de l'expertise ou de l'aide de l'Etat ; protection accrue des collections face au vol ; vocation à entrer dans les circuits d'échanges d'_uvres ; etc.
L'article 1er du projet de loi définit les critères auxquels doit satisfaire une institution culturelle ou scientifique pour recevoir l'appellation de musée de France.
La définition des musées de France repose sur les éléments fondamentaux que sont la vocation au service du public, l'absence de but lucratif de la personne propriétaire des collections, l'intérêt public qui s'attache à la conservation et à la présentation des collections définies comme des ensembles permanents de biens mobiliers et immobiliers (sont laissés hors du champ du texte les spécimens vivants d'histoire naturelle).
Cette définition, à la fois plus précise et plus englobante que celle de l'ordonnance du 13 juillet 1945 précitée, signifie clairement que les musées ne sont pas nécessairement rattachés à des personnes publiques, que leur objet n'est pas exclusivement artistique, historique ou archéologique et que leur mission ne se limite pas à la conservation des collections.
Un conseil des musées de France, composé de représentants de l'Etat et des collectivités territoriales, de professionnels des musées et de personnalités qualifiées, est créé à l'article 2. Sa création vise à fédérer les différentes familles de musées dans un cadre national.
Le conseil des musées de France jouera un rôle essentiel dans la procédure de délivrance de l'appellation de musée de France et en matière de dévolution des collections. Il pourra être consulté sur toutes les questions relatives aux musées de France.
L'article 3 précise les conditions et les modalités de l'attribution de l'appellation. Celle-ci est accordée à la demande de la personne morale propriétaire des collections, en fonction de l'intérêt public qui s'attache à la présentation et à la conservation des collections, après avis du conseil des musées de France.
La qualité de musée de France ne peut être perdue qu'en raison de la disparition du caractère d'intérêt public des collections.
Les personnes morales de droit privé à but non lucratif qui demandent pour leurs collections l'appellation de musée de France devront présenter un inventaire de ces collections (qui devront être exemptes de sûretés réelles dans la mesure où leur transformation en musée de France aura pour effet de les rendre imprescriptibles et insaisissables) et inscrire dans leurs statuts l'affectation irrévocable des collections à la présentation au public. Des mesures de publicité spécifiques concernant l'attribution de l'appellation à des musées privés sont prévues à l'égard des tiers.
L'article 4 indique que les musées de France bénéficient du conseil et de l'expertise des services de l'Etat : il définit précisément le champ du contrôle scientifique et technique de l'Etat au regard des missions qui incombent aux musées de fait de la loi, tant à l'égard des collections que du public, de la recherche et de la diffusion des connaissances.
L'article 5 prévoit que les activités scientifiques de chaque musée de France doivent être placées sous la responsabilité de professionnels répondant à des qualifications définies par décret en Conseil d'Etat.
L'article 6 impose aux musées de France une politique tarifaire propre à favoriser l'accès de tous à la culture et prévoit, pour les moins de dix-huit ans, l'exemption du droit d'entrée dans les collections permanentes appartenant à l'Etat ainsi que l'obligation de fournir des statistiques relatives à la fréquentation.
L'article 7 soumet à l'avis préalable de l'Etat les acquisitions destinées à enrichir les collections d'un musée de France ne relevant pas de l'Etat ou de l'un des établissements publics.
L'article 8 prévoit que les collections de tous les musées de France sont imprescriptibles.
Il confère un fondement législatif au principe d'inaliénabilité des collections des musées publics, qui se déduisait déjà de la théorie du domaine public. Les règles fixées par la loi sont cependant plus protectrices que celles résultant du droit commun de la domanialité publique, tout en ménageant des éléments de souplesse qui n'existent pas actuellement.
Ainsi, les musées publics pourront transférer la propriété de tout ou partie de leurs collections à d'autres musées de France publics, selon une procédure d'autorisation ministérielle, précédée d'un avis du conseil des musées de France. De cette manière, une collectivité pourra céder la gestion d'un musée à une autre collectivité ou à un groupement de collectivités qu'elle estimerait davantage à même de favoriser son rayonnement. Cette disposition permettra également d'améliorer la cohérence des collections publiques.
Les collections des musées de France relevant de personnes morales de droit privé seront insaisissables. Ces collections pourront être aliénées mais seulement au profit d'une collectivité publique ou d'une autre personne morale de droit privé à but non lucratif, s'engageant à en maintenir l'affectation à un musée de France.
L'article 9 transfère aux collectivités territoriales la propriété des _uvres des collections nationales qui leur ont été confiées par l'Etat avant le 7 octobre 1910, date de la première réglementation intervenue sur les dépôts de l'Etat, consacrant ainsi la permanence des collections et la compétence des responsables territoriaux qui en ont la garde. Cette mesure est limitée aux biens acquis par l'Etat dans le souci de respecter la volonté des légataires ou donateurs. Son bénéfice sera réservé aux musées de France et subordonné à l'acceptation des collectivités locales. Le transfert de propriété interviendra après récolement des biens concernés.
L'Etat précisera par décret les règles applicables à la gestion des prêts et des dépôts par les musées de France (article 10).
L'article 11 dispose, dans un souci de protection des collections, que la restauration des _uvres d'un musée de France ne relevant pas de l'Etat ou de l'un des établissements publics, est soumise à l'avis préalable de l'Etat, et qu'elle ne peut être effectuée que par des spécialistes répondant à des qualifications définies par décret en Conseil d'Etat.
L'article 12 transpose aux collections des musées de France un régime de protection des _uvres en péril inspiré des dispositions en vigueur pour les objets classés.
L'usage frauduleux de l'appellation « musée de France » sera puni d'une amende de 15 000 € (article 13).
Les dispositions de l'article 14 prévoient que seront considérés de plein droit « musées de France » les musées nationaux, les autres musées de l'Etat dont le statut est fixé par décret, et les musées classés.
En ce qui concerne les musées contrôlés, leur transformation en musée de France est également prévue par la loi mais elle pourra être contestée, pendant une période d'un an à compter de la publication de la loi, par l'Etat ou par la personne morale propriétaire des collections.
Lorsque l'opposition sera formulée par une personne morale de droit privé, elle sera recevable de plein droit. Lorsque l'opposition émane d'une personne morale de droit public, elle sera soumise au conseil des musées de France, et il y sera fait droit si le conseil des musées de France émet un avis conforme à celui de la personne morale. Dans le cas contraire, il ne pourra être passé outre à cette opposition que par décret en Conseil d'Etat.
La situation des personnels scientifiques de l'Etat, actuellement mis à la disposition des musées classés en application de l'article 62 de la loi du 22 juillet 1983 précitée, pourra être maintenue dans les musées de France pour une durée de trois ans au plus (article 15). Cette disposition est prise en conformité avec l'une des recommandations de la commission pour l'avenir de la décentralisation qui, dans la partie de son rapport consacrée aux interventions culturelles des collectivités territoriales, a exprimé le v_u qu'il soit mis fin, à terme, au système de mise à disposition des agents de l'Etat dans les institutions culturelles locales.
L'article 62 de la loi du 22 juillet 1983 relative à la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales sera abrogé au terme de cette période transitoire.
L'article 16 prévoit la modification ou l'abrogation de différents textes législatifs afin de tenir compte des nouvelles dispositions de la loi.
Le I étend à l'ensemble des musées de France les dispositions de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat qui limitait aux musées nationaux et aux musées classés la possibilité de recevoir des _uvres en dépôt des personnes privées.
Le II, en modifiant l'article L. 1423-1 du code général des collectivités territoriales, limite aux seuls musées de France le champ du contrôle technique de l'Etat, qui porte aujourd'hui théoriquement sur tous les musées des collectivités territoriales.
Le III supprime la catégorie des musées classés (art. L. 1423-3) du code général des collectivités territoriales et abroge l'article L. 1423-4 qui faisait référence à l'ordonnance du 13 juillet 1945.
Le IV modifie l'article L. 2541-1 du code général des collectivités territoriales relatif aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, qui prévoyait que les articles L. 1423-4 et L. 1423-5 ne s'y appliquaient pas : la référence à l'article L. 1423-4 est supprimée, cet article étant abrogé ; l'article L. 1423-5, qui offre aux collectivités territoriales la possibilité de doter leurs musées de la personnalité civile par décret en Conseil d'Etat, y est désormais applicable.
Le V abroge l'ordonnance du 13 juillet 1945 précitée à l'exception de son article 3 relatif aux musées nationaux.
Le VI modifie les dispositions de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 (modifiée par la loi n° 2000-643 du 10 juillet 2000) relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane, afin d'étendre aux collections des musées de France appartenant à une personne morale de droit privé la protection réservée aux trésors nationaux.
Le VII modifie la loi n° 95-877 du 3 août 1995 portant transposition de la directive 93/7 du 15 mars 1993 du Conseil des Communautés européennes relative à la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un Etat membre, en étendant le champ d'application de la procédure de restitution aux collections des musées de France appartenant à une personne morale de droit privé.
Le VIII étend la protection contre le vandalisme prévue par l'article 322-2 du code pénal aux objets figurant dans les collections des musées de France.
L'article 17 rend la loi applicable à Mayotte. En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, les dispositions figurant dans la présente loi relèvent de la compétence des autorités locales.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport de la ministre de la culture et de la communication,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi relatif aux musées de France, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté à l'Assemblée nationale par la ministre de la culture et de la communication qui est chargée d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article 1er

L'appellation « musée de France » est réservée aux institutions culturelles et scientifiques relevant de l'Etat, d'une autre personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit privé à but non lucratif, dont l'objet est de conserver et d'exposer au public des collections, définies comme des ensembles permanents de biens, mobiliers ou immobiliers, réunis à cette fin et appartenant à l'une des personnes mentionnées ci-dessus, et dont la conservation et la présentation revêtent un intérêt public.

Article 2

Il est créé un conseil des musées de France, comprenant des représentants de l'Etat et des collectivités territoriales, des professionnels des musées et des personnalités qualifiées, qui peut être consulté ou formuler des recommandations sur toute question relative aux musées de France.
Le conseil des musées de France est obligatoirement consulté dans les cas prévus aux articles 3, 8, 9, 12 et 14.
Un décret en Conseil d'Etat précise la composition et les règles de fonctionnement du conseil des musées de France.

Article 3

L'appellation de musée de France est attribuée à la demande de la personne morale propriétaire des collections, par décision du ministre chargé de la culture et, le cas échéant, du ministre intéressé, après avis du conseil des musées de France.
Lorsque la demande émane d'une personne morale de droit privé à but non lucratif, l'attribution de cette appellation est subordonnée à la présentation d'un inventaire des biens composant les collections, à la justification de l'absence de sûretés réelles grevant ces biens, et à la présence, dans les statuts de la personne en cause, d'une clause prévoyant l'affectation irrévocable de ces biens à la présentation au public conformément à la présente loi. La décision attribuant l'appellation ainsi que l'inventaire joint à la demande font l'objet de mesures de publicité définies par décret en Conseil d'Etat.

Article 4

Les musées de France bénéficient, pour l'exercice de leur activité, du conseil et de l'expertise des services de l'Etat et de ses établissements publics.
Ils sont soumis au contrôle scientifique et technique de l'Etat, qui peut diligenter des missions d'étude et d'inspection afin de vérifier que ces musées :
a) conservent, préservent, restaurent, étudient, et enrichissent leurs collections ;
b) rendent leurs collections accessibles au public le plus large et les exposent dans des espaces adaptés ;
c) conçoivent et mettent en _uvre des actions d'éducation et de diffusion visant à assurer l'égal accès de tous à la culture ;
d) contribuent aux progrès de la connaissance et de la recherche ainsi qu'à leur diffusion et, à cette fin, assurent aux personnes se livrant à des recherches scientifiques l'accès à leurs collections.

Article 5

Les activités scientifiques des musées de France sont assurées sous la responsabilité de professionnels présentant des qualifications définies par décret en Conseil d'Etat.

Article 6

Les droits d'entrée des musées de France sont fixés de manière à favoriser l'accès du public le plus large aux collections.
Les musées de France établissent et transmettent aux services de l'Etat des informations et des données statistiques relatives à leur fréquentation.
Dans les musées de France relevant de l'Etat, les mineurs de dix-huit ans sont exonérés du droit d'entrée donnant accès aux espaces de présentation des collections permanentes.

Article 7

Toute acquisition, à titre onéreux ou gratuit, d'un bien destiné à enrichir les collections d'un musée de France ne relevant pas de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics est soumise à l'avis préalable des services de l'Etat, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat.

Article 8

I.- Les collections des musées de France sont imprescriptibles.
II.- Les collections des musées de France appartenant à une personne publique sont inaliénables.
Toutefois, une personne publique peut transférer, à titre gratuit, la propriété de tout ou partie de ses collections à une autre personne publique si cette dernière s'engage à en maintenir l'affectation à un musée de France. Le transfert de propriété est approuvé par le ministre chargé de la culture et, le cas échéant, par le ministre intéressé, après avis du conseil des musées de France. Les dispositions du présent alinéa ne sont pas applicables aux biens remis à l'Etat en application des articles 1131 et 1716 bis du code général des impôts.
III.- Les collections des musées de France appartenant aux personnes morales de droit privé à but non lucratif ne peuvent être cédées, en tout ou partie, à titre gratuit ou onéreux, qu'aux personnes publiques ou aux personnes morales de droit privé à but non lucratif qui se sont engagées, au préalable, à maintenir l'affectation de ces collections à un musée de France. La cession ne peut intervenir qu'après approbation du ministre chargé de la culture et, le cas échéant, du ministre intéressé, donnée sur avis du conseil des musées de France.
Les collections mentionnées à l'alinéa précédent sont insaisissables à compter de l'accomplissement des mesures de publicité prévues à l'article 3.
IV.- Toute cession portant sur tout ou partie d'une collection d'un musée de France effectuée en violation des dispositions du présent article est nulle. Les actions en nullité ou en revendication peuvent être exercées à toute époque tant par l'Etat que par la personne morale propriétaire des collections.

Article 9

Les biens des collections nationales confiés par l'Etat, sous quelque forme que ce soit, à une collectivité territoriale avant le 7 octobre 1910, et conservés, à la date de publication de la présente loi, dans un musée classé ou contrôlé en application de l'ordonnance n° 45-1546 du 13 juillet 1945 portant organisation provisoire des musées de Beaux-Arts, et relevant de cette collectivité deviennent, après récolement, la propriété de cette dernière et entrent dans les collections du musée, sauf si la collectivité territoriale s'y oppose ou si l'appellation de musée de France n'est pas attribuée à ce musée.
Toutefois, si, à la date de publication de la présente loi, le bien en cause est conservé dans un musée classé ou contrôlé en application de l'ordonnance du 13 juillet 1945 précitée relevant d'une collectivité territoriale autre que celle initialement désignée par l'Etat, la collectivité territoriale à laquelle la propriété du bien est transférée est désignée après avis du conseil des musées de France.
Les dispositions des alinéas précédents ne s'appliquent pas aux biens donnés ou légués à l'Etat.

Article 10

Les biens faisant partie des collections des musées de France peuvent faire l'objet d'un prêt ou d'un dépôt à des fins d'études, de recherche scientifique ou de présentation au public, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Article 11

Toute restauration d'un bien faisant partie d'une collection d'un musée de France ne relevant pas de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics est soumise à l'avis préalable des services de l'Etat.
Elle est opérée par des spécialistes présentant des qualifications définies par décret sous la direction des professionnels mentionnés à l'article 5.

Article 12

Lorsque la conservation ou la sécurité d'un bien faisant partie d'une collection d'un musée de France est mise en péril et que le propriétaire de cette collection ne veut ou ne peut prendre immédiatement les mesures jugées nécessaires par l'Etat, celui-ci peut, par décision motivée, prise après avis du conseil des musées de France, mettre en demeure le propriétaire de prendre toutes dispositions pour remédier à cette situation. Si le propriétaire s'abstient de donner suite à cette mise en demeure, l'Etat peut, dans les mêmes conditions, ordonner les mesures conservatoires utiles, et notamment le transfert provisoire du bien dans un lieu offrant les garanties voulues.
En cas d'urgence, la mise en demeure et les mesures conservatoires peuvent être décidées sans l'avis du conseil des musées de France. Celui-ci est informé sans délai des décisions prises.
Lorsque le transfert provisoire d'un bien dans un lieu offrant les garanties voulues a été décidé, le propriétaire du bien peut, à tout moment, obtenir la réintégration de celui-ci dans le musée de France où celui-ci se trouvait, s'il justifie, après avis du conseil des musées de France, que les conditions imposées sont remplies.
Le propriétaire et l'Etat contribuent aux frais occasionnés par la mise en _uvre des mesures prises en vertu du présent article, sans que la contribution de l'Etat puisse excéder 50 % de leur montant.

Article 13

Le fait pour le fondateur ou le dirigeant, de droit ou de fait, d'une institution ne bénéficiant pas de l'appellation de musée de France d'utiliser ou de laisser utiliser cette appellation dans l'intérêt de cette institution est puni d'une amende de 15 000 €.
Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement du délit prévu à l'alinéa précédent dans les conditions prévues aux articles 121-2 et 131-38 du code pénal.

Article 14

I.- A compter de la date de publication de la présente loi, les musées nationaux et les musées classés en application des lois et règlements en vigueur antérieurement à la présente loi, ainsi que les musées de l'Etat dont le statut est fixé par décret se voient attribuer, de plein droit, l'appellation de musée de France.
II.- Les musées contrôlés en application des lois et règlements en vigueur antérieurement à la présente loi reçoivent l'appellation de musée de France à compter du premier jour du treizième mois suivant la publication de la présente loi, sous réserve des dispositions qui suivent.
Avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa, la personne morale propriétaire des collections peut transmettre aux services de l'Etat une demande d'obtention immédiate de l'appellation. Celle-ci est alors attribuée au musée concerné un mois après réception de la demande sauf si, dans l'intervalle, le ministre chargé de la culture a fait connaître son opposition à la collectivité demandeuse.
Avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa, la personne morale propriétaire des collections peut transmettre aux services de l'Etat son opposition à l'obtention de l'appellation. Si l'opposition émane d'une personne morale de droit privé, il y est fait droit. Si l'opposition émane d'une personne morale de droit public, le conseil des musées de France est consulté et il peut être passé outre à l'opposition par décret en Conseil d'Etat pris après avis favorable de ce conseil.
Avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa, le ministre chargé de la culture peut, après avis du conseil des musées de France, s'opposer à ce qu'un musée contrôlé reçoive l'appellation de musée de France.
Les musées contrôlés demeurent soumis aux lois et règlements en vigueur antérieurement à la présente loi jusqu'à l'expiration du délai prévu au premier alinéa ou, dans les cas prévus aux deuxième, troisième et quatrième alinéas, jusqu'à la notification par les services de l'Etat de l'acte attribuant ou refusant l'appellation de musée de France ou de l'acte faisant droit à l'opposition de la personne morale propriétaire des collections.

Article 15

L'Etat peut maintenir à la disposition des musées de France relevant des collectivités territoriales, pendant un délai maximum de trois ans à compter de la date de publication de la présente loi, les personnels scientifiques mis à disposition en application de l'article 62 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat.
A l'issue du délai prévu au précédent alinéa, l'article 62 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, est abrogé.

Article 16

I.- Au premier alinéa de l'article 11 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, les mots : « Les musées nationaux, ainsi que les musées classés définis par application de l'ordonnance n° 45-1546 du 13 juillet 1945 portant organisation provisoire des musées des Beaux-Arts » sont remplacés par les mots : « Les musées de France ».
II.- L'article L. 1423-1 du code général des collectivités territoriales est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 1423-1.- Les musées des régions, des départements et des communes sont organisés et financés par la collectivité dont ils relèvent.
« Les musées des collectivités territoriales auxquels l'appellation « musée de France » a été attribuée sont régis par la loi n°  du relative aux musées de France et soumis au contrôle scientifique et technique de l'Etat dans les conditions prévues par cette loi. »
III.- Les articles L. 1423-3 et L. 1423-4 du code général des collectivités territoriales sont abrogés.
IV.- Au premier alinéa de l'article L. 2541-1 du code général des collectivités territoriales, la référence aux articles L. 1423-4 et L. 1423-5 est supprimée.
V.- L'ordonnance n° 45-1546 du 13 juillet 1945 portant organisation provisoire des musées des Beaux-Arts est abrogée à l'exception de l'article 3.
VI.- A l'article 4 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane, les mots : « et aux collections des musées de France » sont ajoutés après les mots : « aux collections publiques ».
VII.- Au premier tiret du 2° de l'article 11 de la loi n° 95-877 du 3 août 1995 portant transposition de la directive 93/7 du 15 mars 1993 du Conseil des Communautés européennes relative à la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un Etat membre, les mots : « sur les inventaires des collections des musées » sont remplacés par les mots : « sur les inventaires des collections des musées de France et des autres musées ».
Le même article 11 est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Les biens culturels figurant à l'inventaire des collections d'un musée de France relevant d'une personne morale de droit privé sans but lucratif. »
VIII.- A l'article 322-2 du code pénal, il est inséré, après le 4°, un 5° ainsi rédigé :
« 5° Un objet faisant partie des collections d'un musée de France. »

Article 17

La présente loi est applicable à Mayotte.

Fait à Paris, le 21 mars 2001.

Signé : LIONEL JOSPIN

Par le Premier ministre :

La ministre de la culture et de la communication,
Signé : CATHERINE TASCA
2939 -Projet de loi relatif aux musées de France (commission des affaires culturelles)

1 Part des français de plus de 15 ans qui ont visité un musée dans les douze derniers mois (Enquête sur les pratiques culturelles des Français réalisée en 1997 par le département des études et de la prospective du ministère de la culture)


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