No 1050
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 juillet 1998.
PROPOSITION DE LOI
tendant à perpétuer le souvenir du drame de l'esclavage.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

présentée

par MM. Bernard BIRSINGER, François ASENSI, Gilbert BIESSY, Claude BILLARD, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Jacques BRUNHES, Patrice CARVALHO, Alain CLARY, Christian CUVILLIEZ, René DUTIN, Daniel FEURTET, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Georges HAGE, Guy HERMIER, Robert HUE, Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. André LAJOINIE, Jean-Claude LEFORT, Patrick LEROY, Félix LEYZOUR, François LIBERTI, Patrick MALAVIEILLE, Roger MEÏ, Ernest MOUTOUSSAMY, Bernard OUTIN, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER, Jean TARDITO, Michel VAXÈS et Jean VILA (1),

Députés.

(1) Constituant le groupe communiste et apparentés.
Cérémonies publiques et fêtes légales.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Le succès et le grand retentissement des manifestations célébrant le cent cinquantième anniversaire du décret Sch_lcher abolissant l'esclavage montre que cette tragédie, qui marque profondément l'histoire de l'humanité, interpelle encore fortement les hommes et les femmes d'aujourd'hui.
Le traitement de millions d'êtres humains comme simple marchandise - corvéable à merci - qui fut codifié sous Colbert apparaît à nos contemporains comme un véritable " crime contre l'humanité " qui nécessite plus qu'une simple évocation livresque, un " devoir de mémoire ". C'est-à-dire un travail en profondeur sur les causes, les bénéficiaires, les organisateurs, sur les conséquences qui rongent encore les possibilités de développement et sur les formes de servilité qui perdurent aujourd'hui.
Il y a en effet besoin de donner une vision claire de ce que fut la traite, du commerce triangulaire, de son fonctionnement en système, de son indicible cruauté et surtout de l'ampleur inestimable de la prédation avec les effets à très long terme qu'a représentée pour tout un continent cette ponction de ressources humaines à grande échelle quatre siècles durant.
La fragilisation structurelle de l'Afrique résultant de ce phénomène unique au monde qui a servi hier de justification au colonialisme continue malheureusement de nourrir jusqu'à nos jours le racisme.
Le décret Sch_lcher, qui a officialisé et rendu possible la libération des esclaves par le pays qui en possédait le plus, fut l'aboutissement des luttes de ces hommes et de ces femmes enchaînés, traités comme des bêtes, arrachés à leur terre et violés dans leur dignité, et des abolitionnistes à la suite d'écrits de Voltaire, Montesquieu,
Rousseau et de l'action des républicains lors de la Révolution française, ainsi que de Victor Hugo... Le 27 avril 1848, après une première tentative sous la Révolution française, le pays qui avait vu naître les droits de l'homme franchissait un pas décisif dans cette direction. Certes, cet acte, aussi honorable soit-il, ne mettait pas fin à l'oppression qui aurait pu résulter d'une réelle égalité qu'auraient permise les avancées sociales souhaitées par les plus progressistes des abolitionnistes. D'autres formes d'asservissement dans les colonies se substituant à l'esclavage ne seront abolies qu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Il convient aujourd'hui pour les pays qui ont tiré profit de l'esclavage et du colonialisme - dont le nôtre - de contribuer à surmonter les handicaps et les dégâts occasionnés par trois siècles de domination sous forme d'apport à l'infrastructure et au transfert de technologies adaptées et à la formation pour assurer l'indépendance alimentaire ainsi qu'à la mise en valeur des richesses et des potentialités de chaque pays.
De plus, notre pays, qui porte une lourde responsabilité dans l'organisation de l'abominable " commerce triangulaire " qu'a représenté la traite négrière, qui entache à jamais la conscience humaine, s'honorerait en édifiant, dans un lieu du souvenir, un monument rappelant ce qu'a été cette page d'histoire à l'égal d'autres tragédies qui pos sèdent leur mémorial. Celui-ci pourrait mettre en évidence le rôle de tous ceux qui ont _uvré et lutté bien souvent les armes à la main comme Toussaint Louverture pour faire franchir à l'humanité une étape dans la voie de la libération des plus opprimés, niés comme individus ravalés au rang de simple marchandise. Cet endroit pourrait également accueillir un musée où serait rassemblé tout ce qui, en France, est attaché à cet épisode.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Un mémorial perpétuant la mémoire de la tragédie de l'esclavage est édifié dans un haut lieu où il a sévi.
Ce monument sera l'_uvre d'artistes d'outre-mer, d'Afrique et de France métropolitaine, rassemblant ainsi symboliquement des hommes originaires de pays concernés par cette histoire.

Article 2

Un musée évoquant l'esclavage en France, dans toutes ses dimensions, sera créé à proximité de ce monument.

Article 3

L'avantage résultant de l'article 209 quinquies du code général des impôts relatif au régime du bénéfice mondial ou consolidé est réduit à due concurrence.

N°1050. - Proposition de loi de M. Bernard BIRSINGER tendant à perpétuer le souvenir du drame de l'esclavage
(renvoyée à la commission des lois)


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