No 1513
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 31 mars 1999.
PROPOSITION DE LOI
relative à l'actionnariat des salariés.
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
présentée
par MM. Édouard BALLADUR, Jean-Louis DEBRÉ, Philippe DOUSTE-BLAZY et José ROSSI,
Députés.

Travail.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Le général de Gaulle et le président Georges Pompidou ont promu une conception de l'entreprise répondant à la tradition humaniste de notre pays. Grâce à leur action, les entreprises françaises sont dotées, avec les comités d'entreprise, les délégués du personnel et les délégués syndicaux, des moyens institutionnels permettant de nourrir le dialogue social. L'association du capital et du travail, la participation et l'intéressement visaient en outre à faire des entreprises un lieu de partage, comme le prévoyaient les ordonnances du 7 janvier 1959 et du 17 août 1967 sur la participation des travailleurs aux fruits de l'expansion des entreprises.
Une nouvelle étape importante, dans le sens cette fois d'une extension de l'actionnariat populaire, a été franchie par les lois du 2 juillet 1986 et du 17juin 1987, l'ordonnance du 21 octobre 1986 faisant des plans d'épargne d'entreprise le cadre privilégié de l'actionnariat des salariés et la loi du 25 juillet 1994 sur le développement de la participation.
Cet ensemble de textes a permis aux salariés d'être associés pleinement aux résultats de leur entreprise : plus de 2,5 millions de salariés bénéficient de l'intéressement et plus de 5 millions des fruits de la participation. En outre, 700 000 salariés sont personnellement détenteurs d'actions de leur entreprise. Pour les 450 000 d'entre eux qui sont regroupés en une quinzaine d'associations, la capitalisation boursière qu'ils détiennent représente 100 milliards de francs.
C'est là le signe d'une modernisation en profondeur de la société française, qu'illustre également le fait que, de 500 000 en 1986, le nombre d'actionnaires en France est passé aujourd'hui à 4 millions.
Dans un monde où la compétition internationale est sans cesse plus vive, et où la succession des crises boursières fait de la stabilité du capital un atout, l'esprit de participation est plus nécessaire que jamais.
Le système en vigueur de « stock-options » permet aux cadres dirigeants l'accès au capital de leur entreprise dans des conditions favorables. La présente proposition de loi vise à offrir la possibilité à tous les salariés d'acquérir dans des conditions privilégiées une partie de ce capital à l'occasion de son augmentation. En d'autres termes, il s'agit de retrouver l'inspiration de la loi sur les privatisations de 1986, qui réservait aux salariés des entreprises privatisées 10 % des titres mis sur le marché et leur offrait un rabais de 20 %. Le succès remporté au fil des ans par les privatisations justifie que désormais l'ensemble des salariés des entreprises françaises bénéficie d'un système semblable. Tel est l'objet de la présente proposition de loi.
Selon son article 1er, 5 % des actions nouvelles devront obligatoirement, lors des augmentations de capital, être offertes aux salariés à un prix inférieur de 50 % au prix d'émission. Si l'assemblée générale le décide, les salariés des filiales pourront également en bénéficier.
La valeur des actions achetées ne pourra excéder 100 000 F par salarié.
Les actions devront être achetées dans le délai d'un mois à compter de la décision de l'assemblée générale autorisant l'augmentation du capital. Ces actions devront être émises dans la forme nominative et elles seront incessibles pendant trois ans.
Pour les entreprises non cotées en bourse - pour lesquelles les difficultés pratiques liées notamment à l'évaluation de la valeur des titres doivent être prises en compte -, la proposition rend ce dispositif facultatif.
Les modalités d'application de ces dispositions seront précisées par décret en Conseil d'Etat.
L'article 2 de la proposition de loi exonère d'impôt sur le revenu les gains nets retirés de la cession des actions ainsi distribuées, comme c'est le cas des actions placées dans un plan d'épargne entreprise.
L'article 3 exonère ces mêmes gains nets du prélèvement social de 1 %.
L'article 4 prévoit de financer les pertes de recettes fiscales résultant de la présente proposition, et qui ne se produiront d'ailleurs qu'au terme de la troisième année de son application, par une augmentation à due concurrence de la taxe intérieure sur les produits pétroliers applicable au supercarburant. En ce qui concerne la Sécurité sociale, les pertes de recettes seront compensées par une augmentation de droits sur les alcools.
Au terme d'une période de cinq ans, un rapport du ministre de l'économie et des finances sur l'application de la loi sera adressé au Parlement. Il se prononcera sur l'opportunité d'étendre à toutes les entreprises l'obligation jusqu'alors limitée aux sociétés cotées en bourse.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Il est inséré, après l'article 208-19 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, un article 208-20 ainsi rédigé :
« Art. 208-20. - A l'occasion de toute augmentation de capital par émission d'actions d'une société cotée ayant distribué au moins deux dividendes au cours des trois derniers exercices, 5 % des actions nouvelles doivent être offertes aux salariés à un prix inférieur de moitié au prix d'émission.
« Les actions offertes sont réparties entre les salariés selon les modalités fixées par l'assemblée générale extraordinaire. La valeur des actions proposées ne peut excéder 100000 F par salarié. Elles doivent être achetées dans le délai d'un mois à compter de la décision de l'assemblée générale autorisant l'augmentation du capital.
« Les actions acquises dans les conditions définies au premier alinéa du présent article doivent être émises sous la forme nominative. Elles sont incessibles pendant trois ans à dater de leur distribution ou de leur achat.
« Pour l'application du présent article, l'assemblée générale peut décider que les salariés concernés sont également ceux des filiales détenues directement ou indirectement à plus de 50 %.
« Dans les conditions et suivant les modalités prévues aux alinéas précédents, le même avantage peut être proposé aux salariés des sociétés non cotées sur décision de l'assemblée générale extraordinaire.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article. »

Article 2

L'article 92 B du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« VI. - Les gains nets retirés de la cession d'actions distribuées dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article 208-20 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 ne sont pas imposables. »

Article 3

L'article 1600-0 F du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - Le prélèvement social de 1 % perçu au profit de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés ne s'applique pas aux gains nets mentionnés au VI de l'article 92 B du code général des impôts. »

Article 4

Les pertes de recettes résultant de la présente loi sont compensées par une augmentation à due concurrence de la taxe intérieure sur les produits pétroliers applicable au supercarburant en ce qui concerne l'Etat et des droits sur les alcools en ce qui concerne la Sécurité sociale.
N°1513. - PROPOSITION DE LOI de MM. Edouard BALLADUR, Jean-Louis DEBRÉ, Philippe DOUSTE­BLAZY et José ROSSI relative à l'actionnariat des salariés (renvoyée à la commission des affaires culturelles)


© Assemblée nationale