No 1570
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 mai 1999.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à créer une commission d'enquête sur la mise en culture d'organismes génétiquement modifiés, les infractions constatées en la matière et les dangers qu'elles font courir à la santé des populations.

(Renvoyée à la commission de la production et des échanges, à défaut de constitution
d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée

par MM. André ASCHIERI, Noël MAMÈRE, Mme Marie-Hélène AUBERT, MM. Yves COCHET, Guy HASCOËT et Jean-Michel MARCHAND,

Députés.

Agroalimentaire.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
La loi du 13 juillet 1992 fait obligation aux autorités de mettre à la disposition du public la liste des autorisations d'essais aux champs, le nom des communes concernées, l'espèce végétale testée, la nature des modifications génétiques ainsi que les méthodes et plans de suivi des opérations et d'intervention, précise la loi, en cas d'urgence. Ces informations ne peuvent être considérées comme confidentielles. Un décret daté du 18 octobre 1993 prévoit en outre la diffusion de ces informations sous forme de «fiches d'informations destinées au public» envoyées par le ministère de l'agriculture aux préfets et aux communes concernées. Or dans de nombreux cas les associations et les citoyens se voient refuser l'information demandée. Ce manque de transparence renforce les inquiétudes légitimes suscitées par le développement des cultures d'organismes génétiquement modifiés (OGM) dans notre pays. Avec quelques centaines de dossiers déposés auprès de la Commission de Bruxelles, la France est le pays européen qui réalise le plus grand nombre d'essais de plantes transgéniques en Europe. Plus de 1200 communes ont été concernées par les expérimentations et on ignore le nombre de communes concernées par des cultures commerciales. En 1998, ce sont déjà au moins 1400 hectares qui ont été dévolus aux cultures commerciales. Les pressions se font chaque jour plus fortes pour que notre pays accepte de laisser le champ libre aux semences génétiquement modifiées.
Les intérêts des grandes firmes de l'agro-industrie mondiale entendent faire régner la loi du marché dans toute sa brutalité. Au mépris de la santé de nos concitoyens. Au mépris des droits élémentaires des agriculteurs.
Le principe de précaution, adopté lors de la Convention de Rio et partie intégrante de notre droit, doit être respecté quand de sérieux doutes subsistent quant à l'innocuité des organismes génétiquement modifiés sur le long terme.
Le droit de l'agriculteur à semer le grain qu'il récolte est menacé par la possibilité donnée aux groupes internationaux de commercialiser des semences rendues délibérément stériles. Les vendeurs de semences ont compris le profit qu'il y avait à empêcher l'agriculteur de semer le grain qu'il a lui-même récolté. Chaque exploitant se trouverait dès lors dans une situation de dépendance totale vis-à-vis des semenciers. Le grain ressemé ne germe pas. La tentative même de le semer expose l'agriculteur aux poursuites judiciaires du semencier.
De plus, le progrès variétal, qui ne peut intervenir que par un travail patient de sélection, est ralenti, voire condamné, par l'utilisation de ces hybrides.
La question de la brevetabilité du vivant est en passe de placer le monde sous la dépendance des intérêts strictement financiers de quelques groupes privés. La privatisation du vivant heurte la morale. Elle met en danger les générations qui nous suivront quand les futurs «maîtres et possesseurs» du vivant maîtriseront, en toute légalité, l'alimentation et la santé du monde et les formidables profits qu'ils peuvent en tirer.
Les citoyens sont abusés par les discours rassurants des nouveaux prophètes du progrès. Il nous revient de maintenir la vigilance qui s'impose face aux sirènes du progrès technique présenté comme un bien en soi. Défendre les libertés de l'individu face à l'argent, c'est aussi empêcher que s'installe durablement un quasi-monopole de la recherche privée, soumise non à l'intérêt général mais au bon vouloir mercantile des compagnies de l'agro-industrie et de l'industrie chimique.
La législation française ne permet plus aujourd'hui l'ensemencement du maïs transgénique Novartis du fait de l'arrêt récemment rendu par le Conseil d'Etat.
Il nous appartient de contrôler que la loi est ici pleinement respectée. Nombreuses sont les voix qui déplorent aujourd'hui les obstacles mis à l'information du public concernant les organismes génétiquement modifiés. Des violations de la réglementation telles que les cultures expérimentales et commerciales, l'importation de denrées génétiquement modifiées, l'étiquetage des aliments et nutriments issus de manipulations génétiques, seraient exemptes de sanctions. De nombreux témoignages laissent penser qu'en France bien des transgressions de la loi ne sont pas sanctionnées, qu'il s'agisse d'essais non déclarés, d'essais engagés avant que les mairies n'en soient informées, d'ensemencements et d'importations de denrées transgéniques non autorisés, du non-respect de l'étiquetage.
Etant donné l'importance de l'enjeu et le risque d'irréversibilité qui est en cause, nous proposons que soit créée une commission d'enquête parlementaire afin que soit dressés :
- un état des lieux : cartographie officielle exhaustive des cultures expérimentales et commerciales pour l'ensemble du territoire français, en concertation avec les Etats membres de l'Union européenne qui devraient être concernés par ce bilan;
- une évaluation des moyens mis en _uvre aujourd'hui pour faire appliquer la réglementation concernant les cultures expérimentales d'OGM;
- un inventaire des risques sanitaires liés à cette mise en culture;
- le devenir de la récolte 1998 du maïs Novartis planté au printemps 1998.
Au bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir délibérer et adopter la présente proposition de résolution.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique

Conformément aux articles 140 et suivants du Règlement de l'Assemblée nationale, une commission d'enquête parlementaire de vingt-cinq membres est constituée. Elle est chargée d'établir un état des lieux exhaustif des cultures réalisées dans notre pays en matière d'organismes génétiquement modifiés, d'établir une cartographie des plantations expérimentales et commerciales à base d'OGM ainsi qu'une évaluation des moyens mis en _uvre aujourd'hui pour faire appliquer la réglementation. Elle réalisera également un inventaire des risques sanitaires liés à cette mise en culture et enquêtera sur le devenir de la récolte 1998 du maïs Novartis.

N°1570. - PROPOSITION DE RESOLUTION de M. André Aschieri tendant à créer une commission d'enquête sur la mise en culture d'organismes génétiquement modifiés, les infractions constatées en la matière et les dangers qu'elles font courir à la santé des populations (renvoyée à la commission de la production)


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