N° 1717
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 juin 1999.
PROPOSITION DE LOI
tendant à autoriser la chasse du gibier d'eau de nuit
dans certains départements.

(Renvoyée à la commission de la production et des échanges, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
présentée

par MM. Jean-Claude LEMOINE, René ANDRÉ, Mme Nicole AMELINE, MM. Jean AUCLAIR, Gautier AUDINOT, Léon BERTRAND, Jean BESSON, Dominique BUSSEREAU, Antoine CARRÉ, Mme Nicole CATALA, MM. Alain COUSIN, Yves DENIAUD, Jean-Claude ÉTIENNE, Jean-Michel FERRAND, Henri de GASTINES, Claude GATIGNOL, François GOULARD, Édouard LANDRAIN, Thierry LAZARO, Thierry MARIANI, Alain MARLEIX, Patrice MARTIN-LALANDE, Jacques MASDEU-ARUS, Michel MEYLAN, Jean-Marc NUDANT, Didier QUENTIN, Jean-Bernard RAIMOND, Guy TEISSIER et Léon VACHET,

Députés.

Chasse et pêche.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
La chasse est une activité traditionnelle française, reconnue et réglementée.
Le Parlement vient encore de légiférer en votant la loi du 3 juillet 1998 fixant les dates d'ouverture et de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs et prévoyant un plan de gestion et de sauvegarde de certaines espèces d'oiseaux migrateurs afin de rétablir ces espèces dans un état favorable de conservation.
Contrairement à toutes idées reçues, la chasse est indispensable à une bonne gestion cynégétique, au renouvellement de nos écosystèmes, et qu'elle est pratiquée par des personnes responsables sachant préserver le milieu naturel.
Cependant, cette activité traditionnelle est mise régulièrement en péril par des groupes de pression antichasseurs dont les idées sont véhiculées et médiatisées par les écologistes.
Tout récemment, une décision du 7 avril 1999 du Conseil d'Etat, sur requête de deux associations opposantes à la chasse, a annulé pour excès de pouvoir l'instruction du 31 juillet 1996 du directeur de l'Office national de la chasse. Cette instruction prescrivait en effet aux agents de l'Office de ne pas verbaliser les chasseurs tirant sur du gibier d'eau à une distance inférieure à 30 mètres de la nappe d'eau, quelle que soit la direction du tir, et de ne pas relever les infractions aux heures de chasse dans la période « en deçà des deux heures avant le lever du soleil et au-delà de deux heures après son coucher ».
Le conseil d'Etat a, en effet, considéré que cette instruction ajoutait illégalement des dispositions aux articles R 224-5 et R 224-6 du code rural en précisant une distance de tir, contrevenait à la pratique de la chasse de nuit interdite et sanctionnée par l'article L. 228-5 du code rural, et méconnaissait l'interdiction de mutiler les appelants vivants édictée par la directive n° 79-/409/CEE du 2 avril 1979.
S'agissant de la chasse la nuit, l'interdiction nettement édictée par l'article L. 228-5 du code rural est incontournable. Cependant, une tolérance est historiquement admise pour la chasse au gibier d'eau la nuit à partir d'installations comme les huttes, tonnes, hutteaux, gabions. Cette chasse est pratiquée dans quarante-deux départements français.
Elle résulte de la volonté manifeste du législateur de 1844 qui, en votant la prohibition de la chasse la nuit, entendait déroger à cette règle pour la chasse au gibier d'eau en prescrivant que « les préfets des départements sur avis des conseils généraux prendront des arrêtés pour déterminer l'époque et le temps pendant lequel il sera permis de chasser le gibier d'eau dans les marais, sur les étangs, les fleuves et rivières ».
Cependant, à ce texte mal interprété et non appliqué s'est substitué une tolérance qui depuis perdure.
L'administration a d'ailleurs largement contribué à la chasse du gibier d'eau la nuit en encadrant cette tolérance et de nombreuses circulaires vont dans le sens du maintien de cette pratique.
L'annulation de l'instruction précitée constitue un nouveau coup porté à la chasse.
L'instruction annulée était pourtant animée du seul souci de faciliter l'application de la réglementation à des traditions existantes, à des usages coutumiers.
Il convient de noter cependant que cette décision n'interdit pas plus la chasse de nuit qu'elle ne l'était autrefois, qu'elle ne l'est depuis cent soixante ans, ni la tolérance plus que séculaire qui l'accompagne. Le Conseil d'Etat rappelle simplement que la règle des deux heures avant et deux heures après ne peut définir le lever du jour et le coucher du soleil sans empiéter inévitablement, à certaines périodes de l'année, sur une partie de la nuit, qui est contraire à l'interdiction de chasser la nuit.
Il ne fait néanmoins aucun doute de l'exploitation qui sera faite de cette décision.
Aussi, afin que la chasse au gibier d'eau ne se fasse pas dans un contexte conflictuel permanent avec la crainte de nouvelles sanctions, il paraît nécessaire de trouver un cadre juridique à la pratique de cette chasse dans les départements ou elle est traditionnellement exercée, pérennisant la tradition et évitant toutes contestations ou dérives.
La légalisation de la chasse du gibier d'eau la nuit se justifie à de nombreux titres. Elle joue un rôle écologique fondamental dans l'entretien, la préservation et la conservation des zones humides, nécessaire à la pratique de cette chasse et qui permet aux oiseaux de trouver sur notre sol national des zones d'accueil.
A ce titre la légalisation de la chasse de nuit serait le support le plus efficace et le plus déterminant pour la conservation des habitats des oiseaux d'eau, sans engagement des finances de l'Etat, ce qui n'est pas négligeable.
Cette législation s'inscrirait dans la droite ligne du droit communautaire qui, contrairement à ce qu'affirment les antichasseurs, n'interdit pas la chasse de nuit, pratiquée d'ailleurs dans plusieurs Etats membres, mais interdit certaines techniques lumineuses artificielles pour chasser la nuit.
Pour les mêmes raisons et afin d'éviter tout contentieux à venir à propos du tir au dessus de la nappe d'eau tel qu'il est autorisé par l'article 8 du décret n° 86-571 du 14 mars 1986, il est demandé au ministre de l'Environnement de compléter ce décret afin de préciser que « le tir est autorisé à une distance inférieure à 30 mètres au-dessus de la nappe d'eau, quelle que soit la direction du tir ».
Il est vous est demandé, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition de loi dont la teneur suit.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Après le premier alinéa de l'article L. 224-4 du code rural, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« La chasse du gibier d'eau peut être pratiquée deux heures avant le lever du soleil et deux heures après son coucher. Cette chasse s'exerce de nuit à la hutte, à la tonne ou au gabion dans les départements suivants :
« Aisne, Ardèche, Ardennes, Ariège, Aube, Aude, Bouches-du-Rhône, Calvados, Charente-Maritime, Côtes-d'Armor, Drôme, Eure, Eure-et-Loir, Finistère, Haute-Garonne, Gironde, Hérault, Ille-et-Vilaine, Indre-et-Loire, Landes, Loire-Atlantique, Lot-et-Garonne, Maine-et-Loire, Manche, Marne, Meuse, Nord, Oise, Orne, Pas-de-Calais, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Orientales, Rhône, Haute-Saône, Saône-et-Loire, Seine-Maritime, Seine-et-Marne, Somme, Vaucluse, Vendée, Yonne. »

Article 2

Le dernier alinéa de l'article 228-5 du code rural est ainsi rédigé :
« 2° Ceux qui auront chassé la nuit, à l'exception des pratiques dérogatoires définies à l'article L. 224-4 du code rural. »
N°1717. - PROPOSITION DE LOI de MM. Jean-Claude LEMOINE et René ANDRÉ tendant à autoriser la chasse du gibier d'eau de nuit dans certains départements (renvoyée à la commission de la production).


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