N° 1718
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 juin 1999.
PROPOSITION DE LOI
visant à introduire les gestes de premiers secours
dans la
formation aux épreuves du permis de conduire.
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
présentée

par MM. André ASCHIERI, Guy HASCOËT, Mme Marie-Hélène AUBERT, MM. Yves COCHET, Noël MAMÈRE et Jean-Michel MARCHAND,

Députés.

Sécurité routière.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Les accidents de la route demeurent un fléau dans notre pays. En 1998, on atteignait le triste chiffre de 9200 tués si l'on tient compte de la mortalité au-delà des six premiers jours.
Durant ces vingt-cinq dernières années, de nombreuses actions (publiques ou privées) ont été entreprises, tant pour l'amélioration du réseau routier existant que par des mesures techniques et réglementaires, afin de limiter les conséquences désastreuses de ces accidents.
Il reste cependant beaucoup à faire.
Les secours aux accidentés de la route ont été considérablement améliorés ces trente dernières années, après l'expérience pilote du Pr Paul Bourret à Salon-de-Provence, en 1957, afin de médicaliser l'intervention sur les lieux mêmes des accidents.
Cette idée, élaborée par le Pr Marcel Arnaud, fondateur de la traumatologie routière, a ensuite été reprise dans des grandes villes ou agglomérations et a donné naissance aux SMUR puis aux SAMU.
Toutefois, les secours spécialisés, notamment les sapeurs-pompiers, qui effectuent la quasi-totalité du secours routier, mettront toujours un laps de temps incompressible pour se rendre sur les lieux, estimé, selon les zones urbaines ou rurales, entre dix à trente minutes, en moyenne.
Or, nous savons depuis longtemps que les accidentés en détresse ne peuvent survivre à ce délai. Il existe deux dangers urgents et vitaux qui réclament une intervention immédiate des témoins sur place : c'est l'asphyxie et l'hémorragie externe abondante.
Seules les personnes présentes sur place au moment même ou juste après l'accident peuvent agir avec succès dans l'attente de l'arrivée des secours.
La Suisse, qui a mis en place, dès 1977, un enseignement de secourisme de base pour les futurs conducteurs, tire un bilan positif de cette décision. Il n'a jamais été question de la remettre en cause. Cette formation est maintenant considérée comme indispensable à tout futur titulaire d'un permis de conduire.
En France, le secourisme est enseigné à environ 300000 personnes volontaires chaque année. Ces formations ne touchent qu'en partie les usagers de la route.
Environ 800000 personnes préparent chaque année le permis de conduire. Il s'agit d'une formation de masse à mettre en place. Il faut aller plus loin. Il faut toucher tous les usagers de la route afin que chacun sache ce qu'il faut faire face à l'accident de la route.
Toutefois, il est inutile d'enseigner à tous des méthodes qui ne trouvent pas leur utilité immédiate face à l'accident de la route. Toute personne intéressée peut trouver une formation complémentaire à sa mesure.
En 1986, des spécialistes réunis par le Secours routier français comprenant des médecins du SAMU et des sapeurs-pompiers, d'éminents professeurs impliqués dans l'organisation des secours d'urgence et des représentants ministériels avaient estimé le nombre de vies humaines sauvegardées entre 1000 et 2000 personnes par an dans le cas d'une formation généralisée aux gestes qui sauvent (alerte, protection des lieux et premiers gestes).
L'impact d'une telle formation dépasserait en effet le seul cadre des accidents de la route et aurait des répercussions sur les autres accidents de la vie (accidents domestiques et des loisirs par exemple, également très nombreux et très meurtriers).
En effet, comme l'a montré en France l'Institut national de recherche et de sécurité au sein des entreprises, la formation de « sauveteurs-secouristes du travail » a permis d'améliorer sensiblement les premiers secours portés aux accidentés du travail, de sauver des vies humaines et d'agir par la prévention grâce à l'impact d'une telle formation sur les comportements.
La France ne doit pas attendre une hypothétique harmonisation européenne pour entreprendre dans ce domaine et aller de l'avant. Il faut aujourd'hui agir. De nombreuses vies dépendent d'une telle décision.
C'est en 1967 que le concept des « cinq gestes qui sauvent » a été proposé. Encouragé par le Pr Marcel Arnaud lui-même, fondateur du Secourisme routier, cette idée a l'avantage de ne retenir que l'essentiel de ce que doit connaître tout usager de la route.
Outre l'alerte des secours et le balisage des lieux de l'accident, seuls trois gestes de secours ont été retenus car ils sont uniquement destinés à sauver les blessés de la route en péril. En limitant les gestes, on évite aussi toute confusion ou toute hésitation éventuelle. Savoir ventiler, arrêter une hémorragie et placer le blessé qui est inconscient sur le dos, en position latérale de sécurité et d'attente (PLSA), constitue une base de secourisme très efficace.
Si l'un des gestes n'est pas effectué face au blessé en arrêt respiratoire, qui saigne abondamment ou qui est inconscient sur le dos, le décès survient avant l'arrivée des secours.
Cette proposition avait été étudiée au début des années soixante-dix par la délégation à la sécurité routière, qui l'avait fait adopter lors d'un CIRS en novembre 1974. Mais la décision prise, reportée à plusieurs reprises, a ensuite été abandonnée.
Le projet a été arrêté par manque d'organisation et non parce qu'il était inapplicable; il allait pourtant bien au-delà des « cinq gestes ». La durée de formation, plus longue, a donc posé un problème.
Devant la situation des accidents de la route en France, nous ne pouvons plus attendre.
Pour impliquer les usagers de la route et notamment les jeunes, très concernés dans les accidents et qui paient un lourd tribut, pour épargner la vie de nombreux accidentés qui meurent parce qu'ils s'asphyxient sur place ou ont perdu trop de sang avant l'arrivée des secours professionnels, nous devons enfin franchir cette étape décisive qui consiste à permettre à chaque individu à qui on délivre le droit de conduire le droit d'intervenir, de secourir avec efficacité.
Au bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir délibérer et adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI
Article unique

Il est institué une troisième épreuve obligatoire pour l'obtention de tout permis de conduire.
Elle sanctionne un enseignement pratique de cinq séances sur la conduite à tenir en cas d'accident de la route, suivant les prescriptions de premiers secours dites des « cinq gestes qui sauvent ».
Cette formation est assurée par les associations de secourisme agréées.
Un décret fixera les modalités de mise en _uvre.
N°1718. - PROPOSITION DE LOI de M. André ASCHIERI visant à introduire les gestes de premiers secours dans la formation aux épreuves du permis de conduire (renvoyée à la commission des affaires culturelles).


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