No 1820
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 septembre 1999.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

complétant l'article 28 de la Constitution et organisant la réunion de plein droit du Parlement en cas d'intervention militaire de la France sur un terrain extérieur.
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée
par M. Pierre ALBERTINI,
Député.

Parlement.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
L'article 35 de la Constitution de la Ve République dispose que « la déclaration de guerre est autorisée par le Parlement ». Cette rédaction, inspirée du contexte diplomatique et militaire qui prévalait en 1958 est, désormais, inadaptée à la nouvelle situation internationale : aujourd'hui comme demain, notre pays ne fait et ne fera plus la guerre comme il la faisait hier.
La solidité de la construction européenne, l'effacement durable, à l'est du continent européen, des nationalismes à l'origine des deux guerres mondiales qui ont déchiré le xxe siècle, démontrent amplement que le monde dans lequel nous vivons a profondément changé. Lorsque des soldats français interviennent sur un terrain extérieur, ce n'est plus pour reconquérir un territoire perdu mais au nom du respect du droit, dans son acception la plus noble.
Depuis plus de quatre décennies, nos soldats sont intervenus en Afrique, en Europe et en Asie, dans le cadre de mandats délivrés par l'Organisation des Nations unies, pour des opérations de maintien ou de rétablissement de la paix. Ils sont intervenus, ces derniers mois, en Serbie et au Kosovo, suite à la décision des dix-neuf Etats membres de l'Alliance atlantique, au nom de la conception que nous nous faisons de la démocratie et de la défense des droits de l'homme ; il s'agit là d'un changement décisif qui préfigure, certes à l'état de balbutiement, le « nouvel ordre mondial » que nous ne cessons d'appeler de nos v_ux.
Le débat qui a eu lieu, au printemps 1999, sur le fait de savoir si la France était formellement en guerre ou si son intervention militaire se référait à un autre concept, n'est pas essentiel dans la mesure où il est réduit à son seul aspect sémantique. Le problème est surtout d'apprécier, avec justesse, que les objectifs que nous avons poursuivi dans cette « guerre » sont, par essence, différents de ceux qui nous ont entraînés, durant des siècles, à guerroyer contre le monde entier : est-ce pour cette raison fondamentale que le Parlement n'a pas été convoqué « pour déclarer la guerre » à la Serbie ? Cette procédure, il faut bien le souligner, ne satisfait plus l'esprit - sinon la lettre - de notre Constitution : il est dorénavant nécessaire de prévoir la consultation et l'information de la représentation nationale. On ne peut tout à la fois lutter militairement au nom de la défense, en Europe et ailleurs, de la démocratie et se soustraire, pour notre part, à ses exigences.

Aussi, cette proposition de loi vise à prévoir la réunion de plein droit du Parlement, en dehors de la session ordinaire, lorsque les forces armées de la France prennent part à des interventions de caractère militaire ne s'apparentant pas à des opérations de maintien de la paix et en l'absence formelle d'une déclaration de guerre. Cette réunion de plein droit étant consacrée à l'information du Parlement par le Gouvernement.

PROPOSITION DE LOI
Article unique

L'article 28 de la Constitution du 4 octobre 1958 est complété par un alinéa rédigé comme suit :
« Le Parlement se réunit de plein droit lorsque les forces armées de la France sont engagées militairement sur un terrain extérieur, en l'absence formelle de déclaration de guerre et lorsque cet engagement ne relève pas d'une opération de maintien de la paix décidée par l'Organisation des Nations unies. Durant cette période, le Gouvernement informe le Parlement des opérations en cours. »

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N° 1820.- Proposition de loi constitutionnelle de M. Pierre ALBERTINI complétant l'article 28 de la Constitution et organisant la réunion de plein droit du Parlement en cas d'intervention militaire de la France sur un terrain intérieur (renvoyée à la commission des lois).


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