N° 1872
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 octobre 1999.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement du service public de la justice à la Réunion.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée

par Mme Huguette BELLO, MM. Élie HOARAU, Claude HOARAU, Claude BILLARD, Jean-Pierre BRARD, Patrick LEROY, Roger MEÏ, Bernard OUTIN, Daniel PAUL, Jean PONTIER, Michel SUCHOD, Émile VERNAUDON et Kofi YAMGNANE,

Députés.

Outre-mer.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Le 7 mars 1994, à la Réunion, devant les grilles de l'enceinte portuaire, à Rivière-des-Galets, à l'occasion d'une manifestation syndicale, un jeune docker, Théo Hilarion, est délibérément pris pour cible par un gendarme. Victime d'un tir tendu, il perd un _il, le goût et l'odorat. Défiguré, il est mutilé à vie.
Il faudra attendre plus de quatre ans pour que soient révélées les circonstances de ce drame, et qu'il soit notamment établi qu'un gendarme a fait usage d'un fusil à pompe, arme prohibée dans les opérations de maintien de l'ordre. Pendant quatre ans, le silence et le mensonge ont empêché la vérité d'éclater. L'ensemble des gendarmes interrogés ont, en effet, déclaré sous serment, avoir été soumis à des pressions. Plus grave encore, un colonel de gendarmerie vient de réaffirmer qu'il avait informé, dès l'époque des faits, les plus hautes autorités de l'île, le préfet, son directeur de cabinet, le Procureur de la République.
En septembre 1999, une mission de la commission des lois de l'Assemblée nationale a pu visiter la prison Juliette-Dodu à Saint-Denis. " Honte pour la République ", prison " humainement inacceptable ", telles sont quelques-unes des réactions des députés. L'un d'eux déclare qu'il sera plus cruel encore dans le rapport qu'il aura à rédiger. De tels propos confirment les conclusions du Comité d'hygiène et de sécurité des services du ministère de la Justice qui, dès 1995, préconisaient la fermeture de ce centre pénitentiaire. Ils rejoignent également les multiples interpellations des personnels, des avocats et des élus sur la vétusté et l'insécurité des prisons de la Réunion qui engagent gravement la responsabilité de l'Etat.
Ces deux faits récents s'inscrivent dans le contexte historique particulier de l'administration de la justice à la Réunion. Faut-il rappeler qu'à une époque peu éloignée, un procureur prenait l'initiative de constituer, sans aucune base légale, une officine dénommée cellule anti-corruption chargée, en dehors du cadre de procédure pénale mais en connivence avec certains services de l'Etat, d'ouvrir des enquêtes parallèles destinées à alimenter l'action publique ? Malgré les dénonciations des avocats, cette initiative n'a jamais fait l'objet d'aucune sanction.
Il faut aussi évoquer les écoutes illégales découvertes dans certains bureaux des collectivités locales ou des parlementaires. Là encore, en dépit des plaintes, ces pratiques n'ont jamais été sanctionnées et la justice ne s'est même pas souciée de chercher la vérité.
A la Réunion, l'égalité de tous devant la loi n'est pas assurée. L'histoire judiciaire réunionnaise recèle une trop longue succession de plaintes sans suite, de crimes impunis, de condamnations sans preuves, d'affaires non élucidées qui constituent autant de signes d'une justice partiale. En même temps que la population s'en trouve découragée et que sa confiance s'émousse, l'autorité de l'Etat en est affaiblie et l'état de droit menacé.
Pour ces raisons, il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, d'adopter la proposition de résolution dont la teneur suit :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

En application des articles 140 et suivants du Règlement de l'Assemblée nationale, il est créé une commission d'enquête de trente membres sur le fonctionnement du service public de la justice à la Réunion.
N°1872 - Proposition de résolution de Mme Huguette Bello, tendant à la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement du service public de la justice à la Réunion


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