N° 1935
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 novembre 1999.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création d'une commission d'enquête sur les redressements fiscaux abusifs.
(Renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du plan, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée,

par MM. François D'AUBERT, Gilles CARREZ, Éric DOLIGÉ, Léonce DEPREZ, Germain GENGENWIN, François GOULARD et Thierry MARIANI,

Députés.

Impôts et taxes.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Chaque année, plusieurs dizaines de milliers de Français, parmi les plus actifs, sont soumis à un contrôle fiscal sur place. Chaque année, 90 % de ceux ainsi contrôlés sont soumis à des redressements. Chaque année, quelques milliers, ceux qui en ont les moyens, engagent la bataille avec l'administration et souvent gagnent.
Malheureusement, les petites entreprises sont souvent acculées au paiement de pénalités souvent considérables.
Ce contrôle fiscal stigmatise-t-il toujours ces fraudeurs ? Les redressements et les pénalités qui le plus souvent accompagnent les redressements sont-ils justifiés ?
Des quelques chiffres que l'administration publie parcimonieusement, il semble bien que cela ne soit pas le cas général.
Plus de la moitié des redressements apparaissent factices et plus destinés à améliorer la " statistique " des redressements de la direction générale des impôts et à justifier des effectifs très largement excédentaires que d'aider les Français à remplir leur devoir fiscal.
La fraude proprement dite paraît être inférieure à 10 % des redressements pratiqués et 90 % paraissent provenir d'erreurs du contribuable ou de l'administration, quand ce n'est pas d'une interprétation élargie des textes par les inspecteurs pour améliorer leur score. Les poursuites pénales pour fraude concernent d'ailleurs moins de 2 % des redressements.
Le comportement de l'administration s'expliquerait en grande partie par la totale impunité dont elle jouit, puisque au titre de l'article L. 207 du Livre des procédures fiscales, si elle se trompe, elle ne doit au contribuable aucune indemnité.
Si ces faits étaient confirmés, ils seraient graves ; le déséquilibre entre une administration toute puissante et un contribuable sans réelle protection serait un déni de démocratie.
Mais aussi, les conséquences sur notre société, et notamment sur les très petites entreprises, seraient désastreuses.
Il appartient donc au Parlement d'examiner la façon dont sont exercés les contrôles fiscaux et d'introduire éventuellement les correctifs nécessaires.
Tels sont les motifs pour lesquels il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la présente proposition de résolution.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique

Il est créé, en application de l'article 140 du Règlement, une commission parlementaire de trente membres chargée d'enquêter sur les contrôles fiscaux, leurs résultats et leurs conséquences.
Cette commission devra notamment :
· Examiner les méthodes appliquées par les agents de la direction générale des impôts pour établir les redressements et s'enquérir des instructions ou formations qui leur sont données à cet effet.
· S'informer sur le rôle de la " statistique " des redressements dans la notation, l'avancement des agents et les primes y compris jusqu'au niveau de directeur départemental.
· Etablir une comparaison avec les méthodes pratiquées dans les pays étrangers, notamment de l'Union européenne, pour réduire les cas de non-conformité des déclarations avec la loi.
· Evaluer aussi scientifiquement que possible le montant de la fraude intentionnelle et des autres causes de non-conformité des déclarations fiscales avec la loi, telles que les erreurs de l'administration, les erreurs involontaires du contribuable, les ambiguïtés du code fiscal.
· Evaluer la part des redressements émis qui sont réellement payés.
· Etablir une statistique des redressements contestés devant les tribunaux et de ceux où l'administration triomphe.
· Evaluer les conséquences financières qu'aurait le remplacement de l'article L. 207 par un article établissant la responsabilité pécuniaire de l'administration, même sans faute, en cas d'erreur d'imposition.
· Etudier la possibilité d'établissement de pénalités forfaitaires proportionnelles au trop imposé dans le cas où le contribuable aurait été contraint d'aller devant les tribunaux ou dans le cas où l'administration aurait usé de ses pouvoirs exorbitants du droit commun pour recouvrer sa créance (injonction de payer, constitution de garanties, mesures conservatoires telles que saisie, avis à tiers détenteurs).
· Etudier la possibilité d'incorporer dans la formation continue des agents de la direction générale des impôts et de la direction de la législation fiscale des stages dans de très petites PME afin d'améliorer leur connaissance de ces entreprises, essentielles pour la création d'emploi.


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