N° 1984
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er décembre 1999.
PROPOSITION DE LOI
abrogeant de plein droit toutes les dispositions juridiques
discriminatoires
entre les hommes et les femmes.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée
par Mme Marie-Jo ZIMMERMANN,
Députée.

Femmes.

EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Tous les responsables politiques multiplient les prises de position en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes. Beaucoup vont même bien plus loin qu'une simple égalité juridique en préconisant des mesures contraignantes pour la faire passer dans les faits par l'instauration d'une égalité réelle dans la vie au quotidien. C'est d'ailleurs une logique de ce type qui sous-tendait la réforme constitutionnelle adoptée par le Parlement le 29 juin 1999.
On ne pourrait que se réjouir de ces déclarations d'intention dont le but est d'aller au-delà de l'égalité strictement juridique si, par ailleurs, on ne laissait pas subsister des dispositions ouvertement discriminatoires à l'intérieur du droit positif français. C'est d'autant plus paradoxal que personne ne se soucie d'y remédier, alors que cela devrait pourtant être une priorité avant de passer à l'étape des actions incitatives.
Le système juridique français comporte en effet différents éléments d'origine législative, réglementaire, coutumière ou jurisprudentielle qui constituent une discrimination flagrante. Deux exemples parmi d'autres sont significatifs. Ainsi, une femme qui a travaillé toute sa vie n'ouvre pas droit en cas de décès aux mêmes droits à pension de réversion au profit de son conjoint que s'il s'agissait d'un homme. Dans un autre ordre d'idées, la femme mariée ne peut transmettre son nom à ses enfants ; une règle coutumière entérinée par la jurisprudence oblige en effet l'enfant légitime à porter le nom du père.
La liste de telles distorsions serait longue à établir et elle serait probablement incomplète. De ce fait, même si on supprimait telle ou telle disposition discriminatoire, toutes les autres continueraient à subsister. Afin de régler définitivement le principe même de tels anachronismes, il faut donc une loi abrogeant de plein droit et sans délai tout élément du droit qui maintiendrait une discrimination entre les hommes et les femmes. Tel est l'objet de la proposition de loi que je vous demande de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI
TITRE Ier
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article 1er

Les dispositions législatives, réglementaires ou coutumières qui établissent une discrimination entre les hommes et les femmes sont abrogées de plein droit dès la promulgation de la présente loi.
Par décret en Conseil d'Etat, le Gouvernement prendra les mesures d'adaptation rendues le cas échéant nécessaires par l'abrogation des dispositions susvisées.

Article 2

Dans le délai d'un an, le Gouvernement déposera sur le bureau des assemblées un rapport recensant l'ensemble des dispositions discriminatoires entre les hommes et les femmes ainsi abrogées.

TITRE II
DU CALCUL DE LA PENSION DE RÉVERSION
Article 3

L'article L. 38 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi rédigé :
" Art. L. 38.- Les conjoints survivants non séparés de corps des fonctionnaires civils ont droit à une pension égale à 50 % de la pension obtenue par leur conjoint fonctionnaire ou qu'il aurait pu obtenir au jour de son décès, et augmentée, le cas échéant, de la moitié de la rente d'invalidité dont il bénéficiait ou avait pu bénéficier.
" A la pension de réversion s'ajoute éventuellement la moitié de la majoration prévue à l'article L. 18 qu'a obtenue ou aurait obtenue le conjoint fonctionnaire. Cet avantage n'est servi qu'aux conjoints survivants qui ont élevé, dans les conditions visées audit article L. 18, les enfants ouvrant droit à cette majoration.
" Cette pension de réversion, compte tenu des ressources extérieures, ne pourra être inférieure à la somme totale formée par le cumul de l'allocation servie aux vieux travailleurs salariés augmentée de l'allocation supplémentaire du fonds de solidarité vieillesse institué par l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale, quelle que soit la date de sa liquidation. "

Article 4

L'article L. 39 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi rédigé :
" Art. L. 39. - Le droit à pension de réversion est subordonné à la condition :
" a) Si le conjoint a obtenu ou pouvait obtenir une pension accordée dans le cas prévu à l'article L. 4 (1°), que depuis la date du mariage jusqu'à celle de la cessation de l'activité de l'époux fonctionnaire, celui-ci ait accompli deux années au moins de services valables pour la retraite, sauf si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage antérieur à ladite cessation ;
" b) Si le conjoint a obtenu ou pouvait obtenir une pension accordée dans le cas prévu à l'article L. 4 (2°), que le mariage soit antérieur à l'événement qui a amené la mise à la retraite ou la mort de l'époux fonctionnaire.
" Toutefois, au cas de mise à la retraite d'office par suite de l'abaissement des limites d'âge, il suffit que le mariage soit antérieur à la mise à la retraite et ait été contracté deux ans au moins avant soit la limite d'âge en vigueur au moment où il a été contracté, soit le décès de l'époux fonctionnaire si ce décès survient antérieurement à ladite limite d'âge.
" Nonobstant les conditions d'antériorité prévues ci-dessus, le droit à pension de réversion est reconnu :
" 1° Si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage ;
" 2° Ou si le mariage, antérieur et postérieur à la cessation de l'activité, a duré au moins quatre années. "

Article 5

L'article L. 40 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi rédigé :
" Art. L. 40. - Chaque orphelin a droit jusqu'à l'âge de vingt et un ans à une pension égale à 10 % de la pension obtenue par le parent fonctionnaire ou qu'il aurait pu obtenir au jour de son décès, et augmentée, le cas échéant, de 10 % de la rente d'invalidité dont il bénéficiait ou aurait pu bénéficier, sans que le total des émoluments attribués au conjoint et aux orphelins puisse excéder le montant de la pension et, éventuellement, de la rente d'invalidité attribuées ou qui auraient été attribuées au parent fonctionnaire. S'il y a excédent, il est procédé à la réduction temporaire des pensions des orphelins.
" Au cas de décès de l'autre parent ou si celui-ci est inhabile à obtenir une pension ou déchu de ses droits, les droits définis au premier alinéa de l'article L. 38 passent aux enfants âgés de moins de vingt et un ans et la pension de 10 % est maintenue à chaque enfant âgé de moins de vingt et un ans dans la limite du maximum fixé à l'alinéa précédent.
" Pour l'application des dispositions qui précèdent, sont assimilés aux enfants âgés de moins de vingt et un ans les enfants qui, au jour du décès de leur auteur se trouvaient à la charge effective de ce dernier par suite d'une infirmité permanente les mettant dans l'impossibilité de gagner leur vie. La pension accordée à ces enfants n'est pas cumulable avec toute autre pension ou rente d'un régime général, attribuée au titre de la vieillesse ou de l'invalidité, à concurrence du montant de ces avantages. Elle est suspendue si l'enfant cesse d'être dans l'impossibilité de gagner sa vie.
" Les dispositions prévues à l'alinéa précédent sont également applicables aux enfants atteints, après le décès de leur auteur mais avant leur vingt et unième année révolue, d'une infirmité permanente les mettant dans l'impossibilité de gagner leur vie.
" Les pensions de 10 % attribuées aux enfants ne peuvent pas, pour chacun d'eux, être inférieures au montant des avantages familiaux dont aurait bénéficié le parent fonctionnaire en exécution de l'article L. 19 s'il avait été retraité.
" Les enfants naturels reconnus et les enfants adoptifs sont assimilés aux orphelins légitimes. "

Article 6

L'article L. 42 du code des pensions civiles et militaires de retraite est abrogé.

Article 7

L'article L. 45 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi rédigé :
" Art. L. 45. - Lorsque, au décès de l'époux fonctionnaire, il existe plusieurs conjoints, divorcés ou survivants, ayant droit à la pension définie au premier alinéa de l'article L. 38, la pension est répartie entre ces conjoints au prorata de la durée respective de chaque mariage.
" Au décès de l'un des bénéficiaires, sa part accroîtra la part de l'autre, sauf réversion du droit au profit des enfants de moins de vingt et un ans. "

Article 8

L'article L. 47 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi rédigé :
" Art. L. 47. - Sont applicables aux ayants cause des militaires dont les droits se trouvent régis par le présent code les dispositions du chapitre Ier du présent titre à l'exception de celles visées au premier alinéa a et b de l'article L. 39 qui sont remplacées par les dispositions suivantes :
" Le droit à pension de réversion est subordonné à la condition :
" a) Que depuis la date du mariage jusqu'à celle de la cessation de l'activité du conjoint militaire, celui-ci ait accompli deux années au moins de services valables pour la retraite, sauf si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage antérieur à ladite cessation, lorsque le conjoint militaire a obtenu ou pouvait obtenir la pension prévue à l'article L. 6 (1°),
" b) Que le mariage ait été contracté avant l'événement qui a amené la radiation des cadres ou la mort du conjoint militaire, lorsque celui-ci a obtenu ou pouvait obtenir la pension prévue à l'article L. 6 (2°, 3° et 4°).
" La pension des conjoints de maréchaux de France et amiraux de France est fixée à 75 % des émoluments de base servant au calcul de la solde de réserve d'un général de division au taux le plus élevé. "

Article 9

L'article L. 48 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi rédigé :
" Art. 48. - Les ayants cause de militaires visés à l'article L. 6 et décédés titulaires d'une pension militaire d'invalidité ou décédés en activité des suites d'infirmités imputables au service bénéficient de la pension prévue par le code des pensions militaires d'invalidité correspondant au grade du conjoint militaire à laquelle s'ajoute, s'il y a lieu, la pension accordée en application de l'article L. 47.
" La pension attribuée aux ayants cause des militaires visés à l'article L. 6 ne peut être inférieure à la moitié de la pension garantie prévue à l'article L. 35, lorsque le militaire est décédé en activité ou, dans le cas contraire, lorsqu'il avait obtenu ou était en droit d'obtenir le bénéfice de cet article. "

Article 10

L'article L. 50 du code des pensions civiles et militaires de retraite est abrogé.

TITRE III
DE LA TRANSMISSION DU NOM DE FAMILLE
Article 11

L'article 1er de la loi du 6 fructidor an II portant qu'aucun citoyen ne pourra porter de nom ou de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance est ainsi rédigé :
" Art. 1er. - Aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénoms autres que ceux exprimés dans son acte de naissance. Le nom exprimé dans l'acte de naissance est celui du père ou celui de la mère. "

Article 12

Après l'article 1er de la loi du 6 fructidor an II précitée, il est inséré un article 1er bis ainsi rédigé :
" Art. 1er bis. - Lors du mariage, les conjoints précisent obligatoirement si leurs enfants légitimes porteront le nom du père ou celui de la mère. "

Article 13

L'article 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs est complété par un alinéa ainsi rédigé :
" Le nom d'usage ne peut être utilisé qu'accolé à la suite du nom de famille. "

TITRE IV
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 14

Les dépenses susceptibles de résulter de la présente loi seront compensées par un relèvement à due concurrence de la taxe intérieure sur les produits pétroliers.

N°1984. - Proposition de loi de Mme Marie-Jo Zimmermann abrogeant de plein droit toutes les dispositions juridiques discriminatoires entre les hommes et les femmes. (renvoyée à la commission des lois)


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