N° 2087
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 janvier 2000.
PROPOSITION DE LOI

d'orientation relative au statut, à la formation et à la protection juridique des enseignants exerçant des fonctions de directeur d'école.

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée
par M. Guy TEISSIER,
Député.

Enseignement maternel et primaire : personnel.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Les fonctions de direction d'école représentent un échelon essentiel dans la vie scolaire et, au-delà, dans la vie sociale des communes tant urbaines que rurales.
Les enseignants qui assument ces responsabilités sont les premiers interlocuteurs des parents d'élèves, des élus locaux et de nombreux intervenants sociaux ou organismes divers.
L'ouverture de l'école sur le monde extérieur et, par exemple, l'organisation de sorties et de séjours de classes à la montagne, à la campagne ou à la mer exigent d'eux une grande disponibilité qui dépasse fréquemment le temps scolaire stricto sensu.
Au regard des perspectives de carrière et des traitements auxquels ils peuvent prétendre, les tâches se sont considérablement alourdies au fil des années. On constate d'ailleurs une certaine désaffection des candidatures et, en conséquence, des situations durables de vacance de postes qui perturbent le quotidien des écoles. Le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie affirme être conscient de ce problème. En dehors de quelques déclarations faisant référence à une concertation sur ce point avec les organisations syndicales d'enseignants, aucune décision notable n'est intervenue.
En revanche, le ministre exige toujours plus des directeurs d'école, en leur demandant d'être des gestionnaires, de favoriser l'innovation pédagogique et de remplir une mission de médiation sociale pour laquelle ils n'ont pas reçu de formation adaptée et qu'ils exercent, le plus souvent, en dehors de tout cadre réglementaire précis.
Au cours des derniers mois, nombre d'entre eux ont eu à connaître des situations de violence qui parfois même visent directement leur personne ou des biens leur appartenant (harcèlements ou intimidations jusqu'au domicile, dégradations sur les automobiles, etc.).
La fréquence de ces faits est telle que la presse n'en fait même plus l'écho, à l'exception de quelques événements de portée exceptionnelle. Il y a quelques années, des agressions de cette nature auraient pourtant fait l'objet d'une réprobation immédiate et générale. Tant aux niveaux académiques que du ministère, les réponses appropriées tardent à venir, lorsque l'on ne minimise pas les conséquences de ces « incivilités ».
Dans le même temps, les cas de mise en cause judiciaire de la responsabilité personnelle de directeurs d'école se sont multipliés pour les motifs les plus divers, même si l'incompétence, voire le simple défaut de vigilance, sont rarement prouvés.
Alors que le contexte d'exercice du travail n'a cessé de se dégrader, l'attachement à leurs missions demeure sensible pour la majorité des directeurs d'école. Un récent sondage réalisé par une association rassemblant de nombreux directeurs d'école montre qu'ils ont le sentiment de ne pas disposer des moyens administratifs nécessaires à l'accomplissement des missions qui leur incombent. La définition même du statut et des responsabilités qui en résultent, s'avère dépassée. Le régime des décharges totales ou partielles d'enseignement est lui aussi inadapté comme le sont d'ailleurs les mécanismes indemnitaires censés compenser les charges et astreintes inhérentes aux fonctions.
Il ne s'agit donc pas de procéder au seul toilettage des textes en vigueur mais de mettre en _uvre une série de mesures de revalorisation en rapport avec un travail d'encadrement et de conception.
A terme, toute véritable reconnaissance du métier de directeur d'école suppose la mise en place d'une filière de professionnalisation des fonctions tant du point de vue de la formation que de l'avancement et des rémunérations.
L'ambition de la présente proposition de loi est d'engager ce mouvement dont la nécessité n'est pas contestable. Cette proposition vise d'abord à refuser que soient éludées ou une fois encore reportées les décisions qui s'imposent et donc de ne pas se satisfaire de quelques promesses sans lendemain face à des question dont l'urgence ne peut plus être dissimulée.
Pour ces raisons, je vous demande, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

La promotion et la formation professionnelle des enseignants exerçant des fonctions de directeurs d'école constituent une priorité du service public de l'éducation nationale.
Des décrets en Conseil d'Etat définissent avant le 31 décembre 2000 le statut, les missions et les responsabilités particulières aux fonctions de direction d'école, y compris pour les instituteurs ou les professeurs des écoles exerçant ces fonctions au sein d'écoles à classe unique. Les directeurs d'écoles des établissements privés ayant conclu un contrat d'association avec l'Etat bénéficient des mêmes dispositions.

Article 2

Un nouveau régime de décharge d'enseignement est mis en _uvre à compter de la rentrée scolaire 2000.

Article 3

L'Etat veille à la protection juridique des enseignants exerçant des fonctions de directeurs d'école. Il engage, le cas échéant, toute action judiciaire nécessaire à la défense de leur honneur ou de leur réputation professionnelle et participe à la réparation des conséquences des atteintes personnelles éventuellement subies dans le cadre de leurs fonctions.

Article 4

A l'exception des cas de fautes manifestement intentionnelles ou de flagrants délits, la responsabilité pénale des directeurs d'école ne peut faire l'objet d'une mise en cause pour des faits se rapportant au fonctionnement des écoles dont ils ont la charge. L'Etat assume seul la responsabilité et les conséquences des défaillances de toute nature du service public de l'éducation, y compris pour les activités qui relèvent de ses missions à l'extérieur des locaux scolaires.

Article 5

Le Gouvernement présentera avant le 31 juillet 2000 un rapport au Parlement sur l'évolution des missions dévolues aux enseignants qui exercent des fonctions de direction d'école. Ce rapport fixera le calendrier de mise en _uvre d'une politique d'amélioration des moyens administratifs et matériels nécessaires à l'accomplissement régulier de ces fonctions.

Article 6

Les charges résultant de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par le relèvement des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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