N° 2149
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 février 2000.
PROPOSITION DE LOI

tendant à la création, dans les Caraïbes, le Pacifique et l'océan Indien d'observatoires régionaux sur les effets du réchauffement climatique dans les territoires de l'outre-mer français.

(Renvoyée à la commission de la production et des échanges, à défaut de constitution
d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée

par M. Élie HOARAU, Mme Huguette BELLO, MM. Claude HOARAU, Léo ANDY, Léon BERTRAND, Michel BUILLARD, Philippe CHAULET, Camille DARSIÈRES, Gérard GRIGNON, Henry JEAN-BAPTISTE, Alfred MARIE-JEANNE, Pierre PETIT, Michel TAMAYA, André THIEN-AH-KOON et Émile VERNAUDON,

Députés.

Outre-mer.
Mesdames, Messieurs
En 1992, la Conférence de Rio en appelait à la responsabilité internationale pour sauvegarder la planète menacée par la rupture des grands équilibres naturels. La communauté scientifique s'accorde sur la réalité d'un bouleversement global du climat : en cent ans, les températures augmenteront plus vite qu'au cours des dix mille dernières années. Ces modifications sont d'une ampleur telle qu'elles peuvent, selon des observateurs, rendre plus vulnérable l'espèce humaine.
Les effets du réchauffement global du climat s'inscrivent peu à peu dans notre réalité :
- augmentation des catastrophes naturelles : fréquence et violence accrue des inondations, des ouragans, des tempêtes et des cyclones tropicaux ;
- intensification du cycle hydrologique global ;
- hausse du niveau de la mer et des océans par la fonte des
glaciers : variable selon les régions, la hausse du niveau des mers est susceptible de fragiliser les zones littorales et d'envahir les deltas où les activités économiques et les habitations se sont concentrées. Elle condamne également certaines petites îles du Pacifique et de l'océan Indien à une quasi-disparition ;
- modification des écosystèmes et de la végétalisation;
- recrudescence des maladies infectieuses : les maladies tropicales telles que la dengue, la fièvre jaune ou le paludisme risquent de réapparaître dans des zones où elles sont éradiquées.
C'est aussi bien la gravité de ces menaces que l'origine inédite de ce «phénomène naturel» qui ont conduit au Sommet de la «planète Terre» les chefs d'Etat du monde à s'engager en faveur de la prévention du réchauffement global du climat. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, l'homme reconnaît sa responsabilité directe dans les atteintes portées aux équilibres fondamentaux de la planète. En effet, l'origine du réchauffement comme sa réalité sont de moins en moins discutées : c'est l'homme qui est coupable et non la nature. Le diagnostic est sans appel : les émissions de carbone pour les besoins de l'industrialisation sont la source principale du réchauffement du climat et de la pollution de l'atmosphère.
S'il est vrai que par le passé, la nature a su s'adapter aux changements climatiques de grande ampleur qui furent le résultat d'une évolution naturelle, saura-t-elle faire preuve d'une égale sagesse face aux bouleversements causés par l'homme? En l'espèce, le doute oblige à l'action et l'abstention serait coupable. C'est en cela que le réchauffement du climat de ce nouveau millénaire se distingue des désordres climatiques que le monde a déjà connus dans son histoire. Du fait de sa cause, humaine, et de ses conséquences pour une planète peuplée vers 2050 de près de 10 milliards d'habitants, il cesse d'être un problème strictement scientifique pour devenir une question éminemment politique.
Comme le souligne Paul Vergès, sénateur de la Réunion, «il est peu d'autres exemples dans l'histoire du monde où la responsabilité n'a été aussi forte dans les choix du présent, au regard de l'avenir de l'humanité et des générations futures».
Or, la croissance continuelle des rejets de carbone dans l'atmosphère hypothèque chaque jour davantage la réussite d'une politique de prévention aux risques du réchauffement. La plupart des pays industrialisés sont encore très loin de leurs promesses faites à Rio - il y a neuf ans - de réduire au niveau de 1990 les émissions de gaz carbonique en l'an 2000.
Le protocole de Kyoto (1997) qui prévoit pour les pays développés une baisse de 5 % des émissions de gaz à effet de serre, demeure largement inappliqué et n'est toujours pas ratifié par les pays concernés. Alors qu'aujourd'hui 20 % de la planète consomme 80 % de l'énergie mondiale, qu'en sera-t-il vers 2050 quand il faudra répondre aux besoins en énergie de près de 10 milliards d'habitants et aux besoins générés par le développement du Sud ?
Cette situation aggrave, en France comme dans le monde, les craintes face aux conséquences du réchauffement climatique. Elle renforce, d'une part, l'urgence d'application au niveau international des mesures de précaution et, d'autre part, l'exigence d'élaboration, à l'échelon national d'une politique d'adaptation aux risques du réchauffement.
La France n'échappera pas aux conséquences du réchauffement du climat. Celles-ci, qui affecteront tous les secteurs de la société, ne peuvent plus être méconnues dans la définition des stratégies globales de développement des régions et dans l'élaboration des politiques sectorielles.
Cette exigence est renforcée pour les départements et territoires d'outre-mer des Caraïbes, du Pacifique et de l'océan Indien. Territoires insulaires, ils sont au même titre que les petits Etats-îles regroupés au sein de l'AOSIS (Alliance des petits Etats insulaires), particulièrement exposés aux effets du réchauffement du climat. Les îles sont vulnérables à plus d'un titre : si certaines d'entre elles risquent en grande partie d'être noyées sous les eaux (Maldives, Bahamas, Kiribati, Marshall...), toutes seront concernées par la montée du niveau des océans qui risquent de submerger les espaces côtiers fortement urbanisés et pôles de développement économique.
La menace sérieuse qui pèse, notamment comme à Mayotte, sur les bancs de coraux et la disparition annoncée de certains lagons ne seront pas sans conséquences sur ces économies fondées en partie sur le tourisme et la pêche côtière. Enfin, comment les petites îles et celles de l'outre-mer français en particulier parviendront-elles à réussir leur développement économique alors qu'elles seront dans le même temps exposées à la violence des catastrophes naturelles et des cyclones tropicaux aux conséquences humaines et économiques dramatiques ? La France s'est retrouvée meurtrie et désemparée face aux conséquences de la tempête qui vient de frapper le territoire métropolitain. Exceptionnels dans l'hexagone, ces déchaînement climatiques frappent très régulièrement, et avec une violence au moins égale, les territoires de l'outre-mer français.
La présente proposition de loi, qui s'inscrit dans la continuité des travaux parlementaires et des mesures gouvernementales sur l'effet de serre, vise par la création d'observatoires sur l'approfondissement de l'étude des conséquences du réchauffement climatique dans les zones géographiques où sont localisés les territoires de l'outre-mer français, à offrir aux élus locaux et collectivités les moyens d'élaboration d'une véritable politique de prévention et d'adaptation aux risques. Dans les régions d'outre-mer, l'élaboration des politiques dans les domaines de l'aménagement du territoire, du développement du tourisme, de la politique énergétique..., doit être pensée en pleine connaissance des effets du réchauffement climatique. Elle permettrait également à l'outre-mer français d'engager une coopération avec les petits Etats-îles regroupés au sein de l'AOSIS.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Il est créé un observatoire régional sur les effets du réchauffement climatique dans chacune des zones géographiques (Caraïbes-Pacifique - océan Indien) où sont localisés des territoires de l'outre-mer français.

Article 2

Ces observatoires sont chargés d'approfondir la connaissance des risques liés au réchauffement climatique dans les territoires de l'outre-mer français et dans leur sphère géographique respective. Ils sont chargés d'en mesurer l'impact sur l'aménagement et le développement des régions d'outre-mer.

Article 3

Ces observatoires communiquent chaque année un rapport d'information. Une conférence se tient annuellement afin de mettre en commun l'ensemble des travaux et des données de ces structures.

Article 4

Les sièges respectifs, la composition, les modes de désignation des membres et les règles de fonctionnement sont fixés par décret.


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