N° 2235
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 mars 2000.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
relative au statut des députés européens.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée
par M. Dominique PAILLÉ,
Député.

Élections et référendums.

EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'article 25 de la Constitution, dans le titre IV consacré au Parlement français, dispose qu'une loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres, leur indemnité, les conditions d'éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités, ainsi que les dispositions à prendre en cas de vacance du siège.
Or les conditions d'éligibilité, les inéligibilités et les incompatibilités relatives aux représentants français au Parlement européen relèvent de la loi ordinaire.
Il en découle une inégalité de traitement injustifiable entre les parlementaires nationaux et les parlementaires européens, à laquelle il est proposé de remédier.En effet, seuls les premiers voient des dispositions essentielles encadrant l'exercice de leur mandat bénéficier de l'autorité et garanties offertes par l'adoption d'une loi organique (adoption en termes identiques par le Sénat et l'Assemblée nationale, contrôle obligatoire par le Conseil constitutionnel...). Il convient donc d'offrir aux députés européens les mêmes garanties.
Ces garanties ne concernent ni la durée des pouvoirs du Parlement européen ni le nombre de ses membres, qui relèvent du droit conventionnel communautaire.
Il n'apparaît pas opportun, par ailleurs, de traiter des conditions de remplacement d'un membre du Parlement européen en cas de vacance d'un siège dans une loi organique.
En revanche, cette proposition de révision constitutionnelle propose de fixer dans une loi organique les indemnités des représentants français au Parlement européen, de même que leurs conditions d'éligibilité ainsi que le régime des inéligibilités et des incompatibilités qui peuvent leur être opposées.
Plusieurs raisons à la fois organiques et fonctionnelles militent en faveur d'une telle modification constitutionnelle.
Les parlementaires européens disposent, tout comme les parlementaires nationaux, de protections particulières dues à la nature de leur mandat.
Alors que l'article 26 de la Constitution dispose " qu'aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions ", l'article 9 du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes du 8 avril 1985 précise que " les membres du Parlement européen ne peuvent être recherchés, détenus ou poursuivis en raison des opinions ou votes émis par eux dans l'exercice de leurs fonctions.
De même qu'en matière d'indemnités, celles attribuées aux parlementaires européens sont définies par la loi n° 79-563 du 6 juillet 1979, laquelle renvoie aux articles 1er, 2 et 4 de l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement.
Ces indemnités sont versées, sur option des intéressés, soit par l'Assemblée nationale, soit par le Sénat.
En matière de sécurité sociale, la loi n° 79-563 précitée dispose également que les parlementaires européens peuvent choisir le régime de sécurité sociale de l'Assemblée nationale ou du Sénat.
En matière de pensions, le régime instauré par le Bureau du Parlement européen vise expressément à donner " aux députés français et italiens au Parlement européen les mêmes droits en matière de pension dont bénéficient les députés élus au Parlement national... " (communication du collège des questeurs du Parlement européen, 18 mars 1999).
Des raisons fonctionnelles justifient également le vote de cette proposition de loi constitutionnelle.
Depuis le traité de Maastricht, le Parlement et le Conseil européen ont un véritable rôle de colégislateur. Initialement appliquée à une quinzaine de domaines législatifs, cette codécision a été étendue par le traité d'Amsterdam à une vingtaine d'autres domaines relevant aussi bien de la politique sociale, de la coopération douanière, de la liberté d'établissement, etc.
D'autre part, les normes d'origine communautaire peuvent être directement applicables et remplacer l'intervention du législateur national. L'absence de respect de ces normes peut d'ailleurs faire l'objet de sanctions diverses.
La Cour de cassation (décision cafés Jacques Vabres du 25 mai 1975) et le Conseil d'Etat (arrêt Nicolo du 20 octobre 1989) ont ainsi admis que la norme communautaire prévalait sur la loi interne, même postérieure.
Enfin, les parlementaires européens représentent le peuple français au même titre que les parlementaires nationaux.
Dans sa décision n° 76-71 DC du 30 décembre 1976, le Conseil constitutionnel a qualifié les membres de l'Assemblée des communautés européennes de " représentants des peuples des Etats membres" ou de "représentants de chacun des peuples ".
Cette définition est, à notre sens, à rapprocher de la notion de représentants mentionnée à l'article 3 de la Constitution qui déclare que " la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ".
C'est pour tenir compte de cet état de fait et de droit qu'il vous est demandé, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir adopter cette proposition de révision constitutionnelle.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Après l'article 88-4 de la Constitution, il est inséré un article 88-5 ainsi rédigé :
" Art. 88-5. - Une loi organique fixe l'indemnité des représentants français au Parlement européen, les conditions d'éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités. "
2235 - Proposition de loi constitutionnelle de M. Dominique Paillé relative au statut des députés européens (commission des lois)


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